Le Devoir
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- 8e Année, Tome 8. — n° 278. numéro hebdomadaire 20 c. Dîfianche 8 Janvier 1884
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- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
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- SOMMAIRE
- Avis. — Le désarmement Européen. — Nouvelles du Familistère. — L’arbitrage, solution des différents industriels. — Les emprunts d'Etat. —Le Jour de Van au Familistère. - • La Ligue de la paix internationale. — Faits politiques et sociaux. — Robert Owen. — Travail et Capital. — Nationalisation du sol. — Conservation des fourrages. — Tunnel de Car dbg. La Guerre. — Erat civil du Familis-
- tère. — Bibliographie. — Cours d'adultes — Théâtre du Familistère.
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, Vadministration fait présenter une quittance d'abonnement.
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- LE DÉSARMEMENT EUROPÉEN
- Le désarmement ! Nous n’avons pas un autre mo^ pour exprimer nos souhaits de nouvelle année, à nos lecteurs, à nos compatriotes, à l’humanité toute entière.
- C’est là qu’est le commencement du progrès social.
- Les armements sont choses stupides et ruineuses, nous l’avons déclaré nettement dans de récents articles, en montrant parallèlement quel emploi fécond on pouvait faire des milliards engloutis chaque année en Europe par l’entretien des armées permanentes et de l’outillage militaire.
- Nous n’avons pas posé cette question pour reculer devant les conclusions logiques avec ses prémisses.
- Lorsque tout le public s’est habitué à parler de la guerre presque sur le ton de ^indifférence, comme d’une évantualité probable, nous n’éprouvons aucune hésitation à nous distinguer de la masse et à lui crier, avec autant d’énergie qu’elle met d’entêtement à ne pas vouloir entendre, que la guerre est une monstruosité à laquelle les peuples pourront se soustraire dès qu’ils voudront s’occuper sérieusement des affaires publiques.
- Cette résignation, en face de probalités qui ne se réalisent que parce que nous restons indifférents, est indigne d’une nation républicaine. Elle est un signe de décadence chez les peuples émancipés.
- L’idée de désarmement est conforme aux enseignements du progrès. Tous les hommes réfléchis ont le devoir de la défendre.
- Le nombre de ceux qui ont élevé la voix en faveur de cette idée libératrice est encore bien petit. Qu’importe !
- Ceux qui ne trouvent pas dans le fond de leur conscience une conviction assez ardente pour les pousser à prendre l’initiative d’une agitation publique en faveur de la paix, ceux-là peuvent encore obéir à des mobiles d’un ordre moins élevé.
- Le nombre de ceux qui ont peur de la guerre est grand ; beaucoup de citoyens prévoient déjà à sa suite, quel que soit le vainqueur,une ruine inévitable ; le nombre des citoyens menacés dans leur existence par ce fléau se chiffre par millions.
- Les intérêts divers appelés à bénéficier de la conservation de la paix par le désarmement sont variés et nombreux.
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- Une agitation dans ce sens procurera aux hommes de principes un champ d’actioh suffisamment vaste pour qu’ils puissent tous y prendre place. Les ambitieux, les spéculateurs, comprendront que l’on ne peut s’adresser à des intérêts si considérables, sans récolter delà considération, de l’influence, des situations électorales ou prépondérantes.
- Jamais aucune question n’a visé plus d’intérêts, jamais aucune n’a compté parmi ses défenseurs un aussi petit nombre d’hommes publics.
- On a vu des hommes devenir célébrés parmi leurs contemporains, obtenir des situations élévées,enfai-sant campagne en faveur de la réforme de la magistrature, en luttant contre les abus de la police. Cependant les intérêts agités dans ces deux questions sont à peine appréciables à côté de ceux subordonnés au désarmemement.
- Le devoir des peuples de la vieille Europe est d'imposer le désarmement à leurs gouvernements ; ils le peuvent par une l’agitation générale et soutenue.
- Il appartient à la France, (nous ne disons pas, avec intention, au gouvernement Français), de donner l'exemple de ce mouvement pacifique.
- Cette initiative revient au peuple français à cause de sa situation morale et politique.
- Moralement, la République française a une glorieuse tradition qui lui commande le dévouement au progrès social ; puis aucune question ne s'agite sérieusement chez elle, sans attirer l'attention de tous les peuples de l’Europe.
- Politiquement,la défaite de 1870 et la conquête par l’Allemagne de l’Alsace et de la Lorraine font accepter par les autres peuples, comme fondées, les suggestions de leurs gouvernements tendant à faire prévaloir l’opinion que la France est résolue à la revanche, et que ces dispositions fd’une puissante! nation imposent à toutes les autres des contigents militaires capables de faire face à toutes les éventualités. Il appartient à la France seulement de pouvoir faire évanouir ces préventions si perfidement entretenues à l’étranger, en accentuant une politique assez nettement pacifique pour dissiper toutes les équivoques.
- La question du désarmement européen ne peut se poser fructueusement en France, si l’on ne présente en même temps une solution visant les provinces conquises,et il est nécessaire que cette proposition soit acceptable par l’Allemagne,
- La neutralisation de l'Alsace et de la Lorraine par un congrès arbitral des puissances européennes nous semble réunir les conditions désirables.
- Ce projet compte de nombreux partisans dans ces provinces. En Allemagne et en France la plupart des citoyens préféreront cet arrangement à la paix armée.
- Il y a quelques semaines, M. Hodgson Pratt, délégué de la fédération des associations anglaises créée en vue du maintien de la paix, est venu à Paris, où il a réuni les premiers éléments du groupe fédéral français.
- Ce groupe fédéral, d’après nous, doit débuter par une vigoureuse et franche entrée en campagne. Il faut abandonner les vagues déclarations sentimentales sur le thème inépuisable de la paix.
- La question de la paix n’a pas une autre définition précise à cette heure, en France, que celle-ci : Neutralition de l’Alsace et de la Lorraine par un congrès arbitral européen, suivie du désarmement des puissances militaires.
- Deux modes de procédés pratiques se présentent d’abord : Le groupe de la fédération française devra-t-il s’occuper exclusivement d’organiser dans toute la France des sociétés ayant accepté son programme et sa tactique? Ou bien fera-t il mieux, sans renoncer à former de nouveaux groupes, de consacrer la plus grande partie de ses efforts à provoquer des manifestations conformes à ses aspirations, dans toutes les autres sociétés constituées?
- La deuxième méthode nous paraît être la plus favorable.
- Les hommes d’initiative sont peu nombreux en France ; la plupart de ceux qui • ne reculent pas devant les charges et les fatigues de la vie publique appartiennent déjà à diverses associations, comités électoraux, sociétés mutuelles, associations de coopération, banques populaires, sociétés de Libre-Pensée, ligues de l’enseignement, ligues révisionnistes, sociétés de protection de l’Enfance et de bienfaisance, chambres syndicales patronales et ouvrières, groupes du parti ouvrier, etc., etc.
- Beaucoup d'autres citoyens, et souvent des meilleurs, lorsqu’ils appartiennent aux conseils municipaux, ne peuvent plus prendre aucun autre nstant sur leurs occupations de la vie privée.
- Si la Fédération s’arrête à la formation de groupes spéciaux, elle aura beaucoup de peine à en constituer quelques-uns, et elle se privera d’un grand nombre de concours dévoués et efficaces.
- La Fédération et les nouveaux groupes spéciaux doivent surtout se préoccuper de provoquer des manifestations sympathiques dans toutes les autres sociétés.
- Aucune ne refusera de voter un ordre du jour
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- motivé d’après les considérations que nous avons développées. Leurs membres signeront presque tous les pétitions envoyées par la Fédération. Toutes feront un excellent accueil aux délégués qui leur demanderont de participer à leurs réunions publiques, soit pour y traiter dans un discours suivi la question du désarmement, soit pour y lire et y faire voter un ordre du jour attestant les sentiments pacifiques de.s auditeurs.
- Cette action doit être absolument générale et permanente.
- Après les premières expérimentations, la Fédération et ses groupes devront agir avec assez d’ensemble pour provoquer à dates fixes des manifestations de la part des sociétés sympathiques.
- Mais tout cela ne sera possible que d’autant que la Fédération saura respecter dans la rédaction de ses circulaires, pétitions et ordres du jour, les préférences politiques, philosophiques et religieuses de chacun. Ces pièces ne devront contenir aucune considération, aucun mot, pouvant autoriser une méfiance, une fausse interprétation.
- Si les fondateurs de la Fédération française adoptent cette tactique, ils auront dès leurs débuts une occasion exceptionnelle de prouver leur énergie et leur savoir faire.
- Toutes nos communes vont être appelées prochainement a élire leurs conseillers municipaux.Certains comités électoraux sont permanents, d’autres sont en voie de formation ; bientôt toutes nos communes un peu importantes auront chacune plusieurs comités. Il y aurait lieu de pourvoir les membres de ces comités de pétitions, d’ordres du jour, qu’ils signeraient et voteraient eux-mêmes en prenant la peine de les faire signer et voter par les électeurs présents aux réunions électorales.
- La Fédération pourrait influencer les comités électoraux afin dé les amener à imposer aux candidats l’obligation d’émettre chaque année un vœu en faveur du désarmement.
- Si l’on demandait nettement à toutes les communes françaises leur opinion sur le désarmement, on n’en trouverait pas un dixième ayant une majorité pour repousser une proposition négative.
- A la suite de ces démonstrations véritablement républicaines, on verrait bientôt les grands corps politiques conformer leur conduite selon les vœux des électeurs. Lorsque ces intentions pacifiques auraient été traduites à la tribune, elles ne manqueraient pas d’être comprises par les peuples voisins, surtout si la France possédait un gouvernement assez républicain pour prodiguer les fonds secrets en subventions aux journaux étran-
- gers qui consentiraient à reproduire les récits des manifestations pacifiques de la démocratie française.
- Tout cela est possible, et sera ; bientôt, si la Fé-déralion française de la Ligue de b Arbitrage et de la Paix veut être le vaillant état-major de tous les hommes de bonne volonté, donnant sans cesse l’exemple du bon combat, et non une chapelle ouverte à quelques pontifes lançant leurs oracles juste à temps pour ne pas laisser oublier leur personnalité, sans se préoccuper du résultat final, pourvu que leur encombrante individualité émerge de la foule.
- L’œuvre sera longue et pénible ; mais elle aboutira, si elle est conduite par des hommes ayant compris quelles obligations impose à ses militants la guerre à la guerre.
- NOUVELLES DU FAMILISTÈRE
- M. Hodgson Pratt, président du comité exécutif de l’association internationale de l’arbitrage et de la paix, et Madame Hodgson Pratt sont venus visiter le Familistère, le 22 décembre.
- M. Joseph Maria Baernreither, docteur en droit, envoyé du gouvernement autrichien, est venu voirie Familistère, le 29 décembre, en vue d’y étudier les bases de l’association et surtout la constitution des assurances mutuelles pour les pensions, le nécessaire à la subsistance, les allocations journalières en cas de maladie et la gratuité du service médical et des médicaments.
- En vue d'aider à la préparation d’une loi que le gouvernement autrichien se propose de faire en faveur des classes ouvrières, M. Baernreither a emporté les ouvrages suivants de M. Gfodin :
- Mutuatité sociale et association du capital et du travail ou extinction du paupérisme.
- Mutualité nationale contre la misère, pétition et proposition de loi à la Chambre des députés.
- L’arbitrage, solution des différends industriels ou internationaux
- Nul membre du Parlement anglais n’est plus populaire parmi ses commettants que M. Henry Richard. Dans une récente assemblée d’environ 4.000 ouvriers mineurs, tenue à Merthyr, M. Richard, au milieu de l’enthousiasme général, a prononcé un discours dont nous résumons ce qui suit :
- La transition est aisée de l’arbitrage industriel à l’arbitrage international. Certaines gens prétendent que l’art itragô est le dada favori de l’orateur. Il n’est point du tout honteux de reconnaître que c’est là une vérité. Les conflits industriels engendrent une grande somme de misères, mais les guerres internationales font dix fois plus de mal encore.
- Combien pense-t-on qu’il soit péri d’êtres humains dans les guerres entre nations chrétiennes de 1855 à 1880? M. Richard en a fait le calcul avec soin et il est sùr de ne point exagérer en disant que dans cette
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- courte période 2.180,000 hommes ont péri. Et des hommes dans toute la force et ia vigueur de l’âge, car le démon delà guerre n’accepte pour ses victimes que les plus robustes des membres de la société.
- Si l’on prenait tous les hommes adultes d’Ecosse, d’Irlande et de Galles on obtiendrait à très peu près le nombre de ceux qui ont péri dans les guerres en question.
- Quel a été le coût de ces guerres ? Le total eu est si énorme qu’il échappe à la conception. 2.653.000.000 des iivressterling(66 milliards 325 miliionsdefrancs!) ont été tirés des classes laborieuses d’Europe et dépensés par les Gouvernants pour exciter les peuples à s’égorger les uns les autres.
- Ce n’est pas tout. Une fols les guerres terminées les nations furent-elles contentes de vivre en paix et quiétude côte à côte comme elles le devraient faire ? Non, tant que la paix se maintient, elles vont augmentant leurs armements par un système de rivalité ; aussi le Times, dans un article paru il y a deux ou trois semaines, évalue-t il à douze millions le nombre des hommes exercés en Europe à porter les armes.
- M. Richard est allé dernièrement sur le continent et il est revenu profondément, impressionné de la somme de maux qu’endurent les peuples par suite de ces armements, dont le coût n’est pas moins de 550.00Q.00Ü de livres par an, soit 13 milliards 750 millions de francs.
- Ce n’est point pour adresser un reproche aux soldats, mais c’est un fait qu’ils ne produisent rien et qu’ils consomment les produits des travailleurs. Eh bien, en face de cet état de choses, comme en face des conflits entre patrons et ouvriers du nord de l’Angleterre. M. Richard s’écrie : Est-ce qu’il n’y a pas de remède ? Si, il y en a un — et un parfaitement simple : Que les nations règlent leurs différends par l’arb trage au lieu d’avoir recours à la guerre. Il pourrait citer plus de quarante cas où, dans le présent siècle, l’arbitrage a réglé avec le plus grand succès les dissentiments entre Etats.
- Pour faire prévaloir ces idées, M. Richard a besoin du concours de ses compatriotes qui ont bien voulu déjà lui donner leurs sympathies. Si l’arbitrage pouvait prédominer partout sur la guerre, ce serait pour le genre humain le plus grand des bienfaits qui aient jamais été accomplis à la surface de la terre.
- The arVtï ator, de Londres.
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- LES EMPRUNTS D’ÉTAT
- La France paye annuellement un milliard deux cents millions d’intérêts, cela représente une dette d’environ trente-trois milliards !!!
- Et la France va emprunter encore. Le gouvernement va encore augmenter cette dette et pourquoi ? pour payer les intérêts qu’elle doit à ses créanciers et faire la guerre !
- On sent combien sont graves les embarras du gouvernement en face de charges aussi formidables, lorsqu’il n’y a plus d’argent en caisse. Mais la guerre est-elle bien le moyen efficace de se tirer de ces embarras ?
- N’est-ce point suivre la voie de ces débiteurs désorientés qui, cherchant à s’éblouir sur leur situation, contractent emprunts sur emprunts, se servant des derniers pour payer les intérêts des premiers et faisant des entreprises nouvelles pour dissimuler leurs embarras. Dans leur aveuglement, ils ne se rendent pas compte si les ressources qu’ils tirent des biens détenus par eux ne les laissent pas en déficit sur les charges inhérentes à ces emprunts mêmes ; ils ont des obligations à remplir, ils vont d’expédients en expédients , espérant toujours des circonstances plus favorables sans rien faire pour amener ces heureuses conjonctures. Telle est de nos jours la situation des nations armées et de la France en particulier.
- L’Etat est depuis longtemps et surtout depuis la guerre de 1870 un débiteur obéré dont les revenus menacent d’être insuffisants pour faire face à ses charges Jusqu’ici, loin d’aviser aux moyens de le libérer, nos gouvernants ajoutent à sa dette par de nouveaux emprunts. Le gouvernement fait de l’Etat français un débiteur à expédients au lieu d’en faire un propriétaire liquidateur.
- Un jour il propose à ses créanciers de leur faire remise d’une partie de leurs rentes par la conversion ; un autre jour il imagine une guerre au Ton-kin pour demander un nouvel emprunt, pensant avec raison que députés et sénateurs ne refuseront pas cette mesure puisqu’ils ont voté la guerre.
- Mais ces procédés de gouvernement sont sans issue ; ils n’ont d’autres résultats que de gagner du temps en aggravant la situation financière du pays.
- Comment nos gouvernants ne conçoivent-ils pas qu’entreprendre des guerres lointaines pour se tirer d’embarras est un expédient qui va à contre-sens du but à atteindre. Comment ne voient-ils pas que la guerre est la cause de nos maux, que la guerre est la lèpre des nations, et que c’est à s’en guérir qu’il faudrait travailler pour donner un sérieux soulagement à nos charges publiques ; il faudra trouver d’autres moyens de sortir des embarras qui s’accumulent.
- Un débiteur intelligent, lorsqu’il est chargé par les circonstances d’opérations dont les revenus sont inférieurs à ce qu’il doit payer pour ces opérations mêmes, cherche au plus vile à se débarrasser de ses charges ; car il sait qu’en faisant autrement il marche à la ruine. Prenant donc un parti héroïque, il tire de son propre capital les moyens de se libérer de sa dette.
- Mais, dira-t on, l’Etat n’a pas de capital propre. Erreur, l’Elat c’est la société tout entière. Si la dette
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- publique présente aujourd’hui une garantie si solide aux yeux des titulaires de rentes, c’est parce que le créancier de l’Etat a pour garantie la société même, c’est à-dire le capital national. S’il en était autrement la dette publique manquerait de garanties.
- Mais peut-être n’est-il pas inutile d’établir encore en vertu de quoi l’Etat a sur la propriété nationale un droit primordial commun avec le droit des propriétaires détenteurs, le voici :
- Indépendamment du droit naturel et primitif de possession de la terre par la société, droit que l’Etat abandonne aux citoyens pour la mise en valeur du territoire national, la société aide sans cesse, par ses routes, ses canaux, ses chemins de fer, ses services publics et l’ensemble des ressources quelle organise et entretient, ceux qui sont capables de conquérir la lortune.
- Les citoyens créent la richesse et la possèdent sous la protection de l'Etat. C’est l’Etat qui assure à chacun la jouissance des fruits de son travail après lui avoir facilité les moyens de faire fortune.
- La société ou l’Etat qui la représente a donc des droits à la fortune publique, puisque c’est avec son concours que s’obtient cette fortune, et ce n’est pas parce que la société aurait négligé d’exercer ce droit que celui-ci cesserait d’exister. Que la société, en bonne mère, laisse à ses enfants, sans compter avec eux, la jouissance de ses droits, cela se conçoit; mais qu’elle reconnaisse à un moment donné que des privilégiés abusent de leur situation au préjudice du peuple, et qu’elle veuille reprendre le gouvernement de ses droits afin d’établir une plus complète, une plus équitable répartition, cela n’est que justice. L’important est donc de trouver le moyen de faire rentrer la société dans ses droits, sans spoliation et sans frustration des droits acquis par les citoyens.
- Un fait est à constater pour éclairer la question, c’est que l’Etat comme ensemble de la société existe et subsiste toujours, que les citoyens ou les individus, au contraire, naissent, vivent et meurent . La société doit au citoyen les moyens de vivre et la sécurité de l’existence ; en dehors de cela, c’est l’individu lui -même qui est responsable de son sort. C’est lui qui pendant son existence doit par son travail et ses actions conquérir la fortune ou les avantages particuliers dont il jouit dans la société.
- Mais par cela même que la société doit au citoyen les garanties de l’existence et qu’elle lui favorise l'accès à la fortune, le citoyen doit à sa mort laisser une part de ses biens à la société pour les services qu’il a reçus d'elle, afin que chaque génération transmette aux générations qui la suivent des servi-
- ces analogues à ceux qu’elle a reçus des générations qui l’ont précédée.
- Non-seulement les services que la société nous a rendus nous font un devoir de laisser à l’Etat une part de nos biens dans le but social que je viens d’indiquer, mais c’est une dette qne nous contractons envers la société en lui empruntant les choses du domaine publie pour en user à notre profit pendant le cours de notre vie.
- Donc, lorsque l’Etat se fait débiteur envers les citoyens par des emprunts, il est en même temps créancier et peut libérer sa dette par la part de droits qu’il a dans la richesse de chaque citoyen. Il suffirait que le gouvernement comprît bien son rôle et ses droits pour couper court à tous les embarras financiers qui vont aller de plus en plus grandissant pour lui.
- Le moyen est tout trouvé, il est bien simple. Sans créer aucun impôt, aucune nouvelle charge pour les citoyens, sans recourir à aucun nouvel emprunt, l’Etat peut se créer des ressources suffisantes pour équilibrer le budget et amortir régulièrement la dette publique.
- Voici ce moyen :
- Il suffit de constater que l’Etat est pour une forte part dans la création de la richesse publique par-tous les services qu’il met à la disposition de ceux qui amassent cette richesse, que ce concours de l’Etat joint à celui que la nature prête de son côté, représente une forte partie des farces productives dont la société dispose, et que la part due à l’action de ces deux facteurs de la richesse publique doit revenir à l’Etat qui représente la société.
- En vertu de cette constatation, nos législateurs décident que le droit d’hérédité progressive de l’Etat est établi sur les biens des personnes à leur mort. L’Etat prélève peu sur les petites fortunes et beaucoup sur les grandes.
- L’hérédité do l’Etat une fois établie le législateur en règle l’application suivant la mesure des besoins du pays; celui-ci y trouve non-seulement le moyen de faire lace à ses arrérages mais celui de rembourser, s’il le désire, la dette publique elle-même,
- Chaque année les citoyens délaissent en France par la mort environ huit milliards de fortune; que l’Etat soit seulement héritier pour un quart, il est vite à l’aise, il n’est plus à la merci des tripoteurs de bourse, il conquiert la liberté d’agir que donne les ressources abondantes, et, s’il livre à des compagnies l’exploitation des chemins de fer, il est le maître de faire ses conditions, il n’est plus «bligé de livrer la fortune publique à l’avidité de la spéculation.
- L’Etat trouve enfin,dans le droit d’hérédité,tout à
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- la fois et les moyens et les ressources qui lui sont indispensables pour entreprendre toutes les réformes et les améliorations nécessaires.
- Le jour de i'Ân au Familistère
- L’enfant tient toujours une large place dans les manifestations de la population du Familistère.
- Avant de fêter le premier jour de l’an 1884, la fin de l’année 1883 a été marquée par une distribution de prix et de récompenses aux enfants les plus méritants .
- Cette petite fête a lieu dans des circonstances particulières. Les enfants, sous la surveillance de leurs maîtres, sont réunis dans la salle principale de l’école maternelle en présence des membres et des auditeurs du conseil de gérance. Les parents des élèves n’assistent pas à cette réunion. Il est bon de rappeler aux enfants qu’il existe, au-dessus de la famille, une tutelle soeiqje qui donne droit à ceux qui l’exercent à s’enquérir et du travail et de la conduite de ceux qui en bénéficient.
- Après un hymne au travail, chanté par un chœur d’écoliers, M. Godin a exprimé en quelques mots sa satisfaction des progrès des élèves qu’il a encouragés à persévérer dans la voie du travail en vue de relever la situation sociale du travailleur pour le bien de l’humanïté entière. M Godin a particulièrement insisté sur la nécessité pour les élèves de ne point se faire juges de l’importance relative des choses de l’enseignement, et d’apprendre avec une égale application toutes les matières des programmes scolaires, parce que toutes ont été mûrement examinées par des hommes préoccupés de toutes les questions qui se rattachent au développement physique, moral et intellectuel de la jeunesse.
- Le lendemain, la population du Familistère a pris part à la manifestation en l’honneur du fondateur de l’association de Guise.
- M. Godin entouré du conseil de gérance est venu prendre place au milieu de l’une des cours du Palais social, ayant à sa droite les élèves des écoles groupés autour de leurs maîtres, à sa gauche la société musicale et les pompiers du Familistère. De nombreux employés et ouvriers occupaient les angles de la cour, tandis que beaucoup de familles s’étaient placées aux galeries des trois étages.
- La musique a d’abord joué le Chant du départ. Puis, Madame Tinayre, directrice de renseignement a présenté à M- Godin, les élèves élus par leurs camarades comme les plus dignes de lui porter les vœux de tous les écoliers.
- Les quelques paroles dites par Madame Tinayre, exprimaient réellement les sentiments éprouvés par tous les hommes de cœur, que M. Godin a associé à son œuvre humanitaire.
- « Permettez-moi, Monsieur, a dit Madame Tinayre, de vous présenter les deux èlèves chargés par leurs condisciples, de vous porter les vœux de votre jeunesse des écoles. Leur mission auprès de vpus est le résultat de ce suffrage vraiment universel (1), dont vous leur faites faire ici le digne apprentissage, Aucuns mieux que ceux-ci,n’eussent pu exprime]- leur gratitude, mais cette gratitude est la même au cœur de tous, tous ont pour vous la même vénération. Les plus petits sentent que vous êtes, pour eux, la véritable providence, comme nous savons tous que vous en êtes une des puissantes manifestations dans l’humanité. »
- Les vœux exprimés par les deux élèves, l’un parlant au nom des garçons, l’autre, au nom des filles, ont prouvé à M. Godin que son œuvre était comprise par les futurs collaborateurs que préparent des maîtres dévoués aux intérêts de l’association.
- M. Godin a répondu en des terres émus, disant combien lui étaient agréables ces promesses de ^enfance de vouloir s’associer un jour au développement de la fondation qu’il a commencée et qui donnera tous ses fruits,lorsque chacun de ses membres lui apportera au concours intelligent et éclairé.
- Retenons surtout les dernières paroles de M. Godin faisant appel à la bonne volonté et au dévouement de tous ceux qui l’entouraient, afin de hâter par un travail incessant l’avénement de la Rédemption sociale.
- «——•
- La ligue de la paix internationale, récemment constituée à Paris par les soins de M.Hordgsen Prat, membre de la commission exécutive nommée par le Congrès de Bruxelles, vient de nous envoyer un premier appel aux bonnes volontés désireuses de s’associer à sa propagande :
- Ligue de la paix internationale
- L’union des peuples est un des buts du progrès social : c’est ce but-là que la ligue se propose de poursuivre par la propagande écrite et parlée: bulletin mensuel, correspondances, conférences, réunions de délégués internationaux.
- La Ligue veut détruire les préventions, les haines internationales; elle veut préparer l’union future où il n’y aura plus de barrières entre fies peuples; elle veut, en attendant, agir sur l’opinion publique, en montrant les moyens de mettre fin aux dissidences internationales, en s’efforçant d’empêcher qu’elles n’éclatent en guerres funestes.
- (I) Au Familistère, hommes et femmes jouissent également du droit de suffrage, sont électeurs et élégibles.
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- Sont membres de la Ligue Tous ceux qui donnent leur adhésion aux principes exposés ci-dessus.
- Les jours, heures et locaux où se tiendront les
- réunions seront indiqués par la voie de la presse et par des invitations personnelles adressées aux adhérents.
- Le Devoir recevra provisoirement les adhésions.
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- Faits politiques et sociaux de la semaine
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- Les Parlementals’esi. — Le suffrage universel, lorsqu’il a choisi ses parlementaires, semble ne plus comptera leurs yeux. Le gouvernement du peuple par le peuple, est un excellent prétexte pour organiser des oppositions destinées à culbuter les trônes ; mais lorsque les parlementaires se sont assis sur les chaises des palais législatif?, ils s’arrogent le droit de gouverner eommele dernier des princes. Les électeurs s’étaient imaginé qu’ils avaient donné à leurs conseillers municipaux des mandats échéant â la fin de l’année 1883, ils avaient compté sans les parlementaires qui ont décidé dans leur suprême sagesse la ^prolongation de ces mandats.
- Le rejet par la Chambre des crédits en faveur des bourses des séminaires et de celle de l’archevêque de Paris permettait de penser que les députés avaient un mandat spécial à co sujet ; mais, quelques jours après ce vote, ils s’empressaient de rétablir ces crédits, sans s’informer si leurs électeurs avaient changé d’avis, simplement parce que cela contrariait le Sénat, le dernier mot du parlementarisme.
- Les députés, avant de voter le rejet de ces crédits, cohnaissaient assez leur Sénat pour savoir comment serait apprécié leur vote au Palais du Luxembourg.
- Ce n’étaît pas la peine de perdre quelques séances en discussions oiseuses et en votes ridicules qu’ils devaient condamner eux-mêmes, trois jours après les avoir émis. Le voyage a Canossa du prince Guillaume donnerait-il à nos députés libres-penseurs l’idée d’aller à confesse.
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- Les Crédits algériens. — La politique coloniale si brillamment inaugurée par la colonisation de l’Algérie trouve encore des défenseurs que rien ne décourage. Nos finances sont dans un état déplorable, une crise commerciale paralyse le marché français, nous sommes engagés dans une expédition mineuse, l'Etat a vendu ses chemins de fer aux grandes compagnies comme un industriel ruiné vend son outillage au ferrailleur, on parle d’un gros emprunt, et c’est ce moment que choisissent les ouiranciers colonisateurs pour demander SO.QQO.000 à jeter dans le gouffre de la politique coloniale, Il est prouvé que depuis 1879 on a dépensé à peu près inutilement plus de 75.000.000, suit 29.000 francs par chaque nouveau colon français venu en Algérie sans accorder aucun secours à ces malheureux colons livrés aux caprices d’pn fonctionnarisme arrogant et aux caprices de juifs insatiables, et plus de deux cents députés se montrent décidés â accorder ces crédits. Heureusement qu’il s’est trouvé quelques dizaines de voix en plus parmi ceux qui out su résister aux profonds arguments invoqués par le gouverneur de l’Algérie venu à Pais tout exprès pour défendre une si mauvaise cause.
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- Les xnijueiir» dix Nord. — Les mineurs d’An-zin n’oni pas donné suite à l’occasion du renvoi de quelques-uns de leurs camarades. Cette détermination parait avoir été inspirée (par les conseils de M. Rondet,
- secrétaire de la Chambre syndicale des mineurs de Saint-Etienne. Nous ne savons quelles sont les vues particulières de M. Rondet, mais il n’est pas contestable que cet homme exerce à. cette heure une influence réelle sur toute la corporation des mineurs, qui ne compte pas moins de cent mille membres. On a beaucoup parlé de la modération du délégué des mineurs de Saint-Etienne. La satisfaction de chacun, en voyant s’apaiser dès le début un conflit qui pouvait être gros de complications intérieures, a peut être empêché l’opinion publique de dégager la véritable signification de l’intervention de M. Rondet. Les motifs invoqués pour obtenir l’apaisement de la part des mineurs ne sont pas exempts de certaines considérations dignes d’être retenues et méditées en vue de tirer certaines conclusions pratiques. On n’a pas demandé la résignation aux mineurs, on leur a parlé de patience et d’une patience raisonnée, en faisant valoir la nécessité d’une puissante organisation devant aboutir à provoquer l’appui de la coopération toute entière chaque fois que l’une de ses parties viendrait à être atteinte dans la dignité de quelques-uns de ses membres.
- A certaines époques les intérêts si divers reliés à la production de la houille ont traversé des crises onéreuses quelquefois ruineuses à la suits de crises partielles. Qu’adviendrait-il si les ouvriers de cette corporation s’organisaient sérieusement en vue d’une grève générale ? Car, quoique l’on dise de la modération de M. Rondet, ses discours et ceux de M. Basly abondent en suggestion de cet ordre. Nous espérons que les chefs des exploitations houillères feront tous leurs efforts pour éviter de nouveaux conflits; mais une loi protectrice des intérêts ouvriers est absolument nécessaire; il est immoral de permettre à, un titre g’une société finapeière d’acquérir en quelques années une valeur représentant plusieurs centaines de fois le prix d’émission, sans qu’il soit fait une situation convenable aux travailleurs attachés à ces entreprises.
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- A ffaires dix Toukin. — Nos succès militaires au Tonkin sont malheureusement acquis au prix de sacrifices considérables d’hommes et d’argent,' tandis que des résultats matériels sont à peine appréciables. On ne cesse d’envoyer des renforts à l’amiral Courbet qui parait avoir renoncé à. marcher sur Bae-Ninh avec les troupes dont il dispose actuellement. Le gouvernement anglais semble déjà se préoccuper des avantages définitifs que nous pourrions obtenir de la Chine. Lë journal le Times parle de la probabilité d’upe proposition d'arbitrage de la part des Etats-Unis ou de l’Angleterre en des termes qui ne permettent pas de douter des intentions de ces deux gouvernements résolus à ne pas laisser la France prendre une situation propondérante dans T Indo-Chiné;
- A l’ocçasiop des préparatifs militaires nécessités par l’envoi de ces renforts, tous les journaux annoncent que dans les arcenaux dé Toulon, les ouvriers continuent à travailler à la lumière électrique. Ce fait donne une pauvre idée de l’état de nos armements. Que serait-ce donc, si, au lieu d’une expédition demanuànt quelques régiments et quelques vaisseaux, il fallait mettre notre flotte et notre armée sur le piéa de guerre ?
- Lorsqu’on pense aux milliards absorbés depuis quelque temps par les budgets de ja marine et de la guerre on est péniblement surpris de constater un pareil hespin de travaux extraordinaires; on no péut s’empêcher de së rappeler les trop fameux boutons de guêtres d’autrefois.
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- Voyage du prince Ouille ixnae. — Les interprétations de ce voyage continuent a préoccuper la Presse et la diplQfuaUe. Le jopinai 1g Ffar^çe, dans sa dernière correspondance italienne contient une appréciation, qui, si elle n’est exacte dans son ensemble, gérait relativement cpnsolante aussi peu vraie qu'elle
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- LE DEVOIR
- soit. Voici comment le correspondant de ce journal résume l’opinion d’un -vieux diplomate qu’il dit être très au courant des grands et des petits faits de la politique, connaissant exactement le dessous des cartes et ne s é-tonnant plus de rien.
- « Beaucoup de bruit pour rien disait-il, Bismarck est aujourd’hui le vaisseau fantôme qui obéit à une impulsion irraisonnée. La politique et la diplomatie sont devenues une manie chez lui, un besoin instinctif. Son esprit travaille à vide. Gomme certains avares maniaques qui comptent les pièces de monnaie imaginaires; comme certains joueurs jouant des parties monstres avec des partenaires qui n’existent pas, il enfante sans but, des combinaisons fantastiques satisfaisant ainsi le besoin qu’à encore de produire son esprit surmené.
- » Dans sa solitude, il ne s’arrête pas un instant, et les alliances absurbes qu’il ébauche en ce moment, rêvant de concilier l’Autriche et la Russie, le pape et lTtalie, en vue d’une action indéterminée et pratiquement impossible, répondent à l’état mental qui lui est particulier. Gomme il a le prestige que lui donnent ses immenses succès, comme il demeure à Varsin, caché à ses intermédiaires, personne ne se doute de la situation de son esprit, C’est un somnambule, un halluciné qui va droit devant lui, en proie à sa manie. Il n’y a plus que certaines cases de son cerveau qui travaillent et travaillent correctement dans un ordre donné, par suite de l’habitude prise.
- » Get immense échaffaudage qu’il construit en ce moment n’a pas de but, tout cela n’aboutira pas... »
- La Vie, le Temps & les Travaux de Robert Owen 111
- Résumé traduit des documents de MM. Lloyd Jones et J.-H. Humphreys Noyés
- Une autre réunion qui se produisit à la même époque fut celle des Trades-Unionistes. Leur congrès eut lieu à Manchester. Les Trades-Unionistes envoyèrent quelques délégués au congrès de Sal~ ford __ Manchester en vue de prendre conseil. Ce fut Robert Owen qui leur répondit. Son avis fut que les efforts des Trades-Unionistes devaient tendre surtout à organiser l’emploi des travailleurs par les travailleurs mêmes. Mais l’empêchement était alors ce qu’il est qu’aujourd’hui, c’est-à-dire la difficulté d’affecter à un tel but des fonds levés pour résister par la grève à l’exploitation organisée par les patrons. Aux objections de Robert Owen contre les grèves, les Trades-Unionistes répondaient que certainement les grèves étaient un mal, mais un mal inévitable pour empêcher de pires douleurs auxquelles il n’était point en leur pouvoir d’opposer d’autres remèdes.
- Le congrès coopératif de Salford-Manchester prit deux résolutions qui furent des plus efficaces pour le progrès du mouvement socialiste : 1® le transfert du journal « Le nouveau monde moral. » Cette feuille jusque-là publiée à Londres fut dorénavant
- publiée à Manchester ; 2° l’organisation d’un bureau central à Manchester pour l’impulsion, la direction et la surveillance du mouvement socialiste, Manchester étant pris comme tête de la région.
- La fixation des membres du bureau central était considérée comme une grave question. L’avenir même du mouvement social dépendait de l’énergie et de l’intelligence de ceux qu’on allait nommer. S’ils accomplissaient habilement leur œuvre d’organisateurs et de propagateurs, un grand pas serait accompli; au contraire, s’ils manquaient à leur mission c’était la langueur et peut-être la mort du mouvement.
- Robert Owen fut acclamé président général ou plutôt Père Social [Social Father), l’idée étant de constituer la société d'après le mode le plus ressemblant à celui de la famille, et d’introduire l’autorité bienveillante de la famille dans tous les rouages des fonctions sociales.
- Owen résidait principalement à Londres tandis que les six autres membres du bureau central demeuraient à Manchester. Leur devoir était de correspondre avec toute personne intéressée aux opérations et procédés des coopérateurs.
- On avait, en outre, désigné sept directeurs provinciaux qui résidaient chacun dans un des sept districts entre lesquels on avait partagé le pays, de sorte qu’une action unitaire s’étendait partout et que les rapports s’établissaient harmoniquement entre le centre et les branches.
- Parmi les six membres élus au bureau central, nous voyons figurer l’un des auteurs de la présente biographie, M. Lloyd Jones.
- Un autre membre du bureau central, M. Georges-Alexandre Heming était désigné comme secrétaire-général et directeur du journal « Le nouveau monde moral. »
- A l’époque dont nous parlons Robert Owen avait 66 ans, mais comparé à ce que sont ordinairement les hommes de cet âge, il était plein de feu, de vigueur et d’activité. R était de haute stature, large d’épaules, droit comme une flèche ; sa voix avait une ampleur et une clarté merveilleuses ; aussi quand il traitait une question qui l’animait se révélait il comme le modèle des orateurs populaires.
- Sa puissance était d’autant plus grande qu’il ne perdait jamais rien de son admirable équilibre de caractère. En face des attaques les plus passionnées ou les plus injustes, il demeurait maître de lui-même, répondant avec clarté, simplicité, courtoisie, vainquant ses adversaires par cette grâce même.
- (1) Lire le Devoir depuis le n° du 8 juillet 1883.
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- Le mouvement considérable suscité et entretenu par Owen et ses disciples, clans les districts manufacturiers du nord de l’Angleterre, inquiéta bientôt es classes dirigeantes. L’opposition s’organisa ; les ministres de tous les cultes s’y employèrent activement .
- On persuada aux croyants de toutes sectes que les socialistes repoussaient toute espèce de religion, aussi leur animosité était-elle toute naturelle. De leur côté les économistes politiques, fâchés de voir battre en brèche leurs doctrines et leurs principes, traitaient d’ignorants les socialistes et les combattaient avec acharnement. Bientôt, contre tout droit, les salles de conférence furent refusées aux socialistes et ceux-ci,certains à l’avance que les tribunaux n’étaient pas disposés à leur faire rendre justice,reconnurent que le mieux était de supporter patiemment les torts commis à leur égard et, quant aux conférences, de bâtir partout où cela serait possible des halles spéciales.
- La bienveillance, la tolérance, l’équité avec lesquelles Owen et ses adeptes répondirent à l’opposition forcèrent avec le temps l’attention et le respect des opposants eux-mêmes, et firent, malgré tout, pénétrer dans le public l’idée do la légitimité du droit d’examen et d’expérimentation des systèmes sociaux.
- Le plus considérable des opposants au mouvement progressif d’alors, fut Henry, évêque d’Exéter.Membre de la Chambre des Lords, l’évêque chercha, par ses lamentations passionnées, à soulever ses collé gués contre Owen et les socialistes.
- Son premier acte d’hostilité fut de présenter, le 24 janvier 1840, à la Chambre des Lords, une pétition signée de 4,000 individus : ecclésiastiques, banquiers, commerçants, manufacturiers et autres habitants de Birmingham, faisant ressortir les maux du socialisme et demandant que des mesures soient prises pour en arrêter les progrès. Le discours prononcé par l’évêque pour soutenir la pétition fut long, diffus, plein de fausses allégations et de récits aussi mensongers que terrifiants.
- Lord Brougham répondit à l’évêque et défendit Robert Owen. Il le fît d’après ses études personnelles sur tout ce qui regardait les questions en cause; et il affirma à la Chambre n’avoir jamais jusque-là entendu le moindre mot des charges outrageantes relevées contre les socialistes, par l’évêque d’Exéter.
- Dans la même séance les socialistes pétitionnèrent de leur côté pour obtenir l’ordonnance d’une enquête sur les questions controversées. Mais la
- Chambre ne se rendit point à ce [désir, étant bien plus tôt disposée à voir les choses sous le jour où les présentait l’évêque.
- Lord Melbourne, qui peu de temps auparavent avait présenté Owen à la Reine, crut devoir s’excuser de cet acte affirmant qu'il ne partageait en rien les idées socialistes et qu’il avait cru aider à la sim-j pie présentation d’une adresse à la Reine. Le duc I de Wellington, le comte de Galloway protestè-| rent aussi de leur indignation contre cette entrevue ? de laRe ine et de Robert Owen. Tous semblaient i avoir oublié que le père même de la Reine avait été l’intime ami du réformateur et que les injures faites à celui-ci rejaillissaient en partie sur un souverain pour lequel la Chambre entière protestait à toute occasion de son respect illimité.
- Robert Owen répondit aux accusations de l’évêque d’Exéter par le dépôt d’un mémoire dans lequel avec le plus grand calme, la plus parfaite dignité, il reprend toutes les allégations faites contre lui, en fait ressortir les points erronnés ou y donne la réponse la plus péremptoire. Un bref exposé des travaux de son existence est contenue dans ce document. Après la définition de ses principes et du système social rationnel qu’il eut voulu inaugurer, Owen arrivant aux menaces faites contre les socialistes s’écrie : « Je suis le fondateur et le propagateur de ces doctrines et seul resporisable-par conséquent des erreurs, de l’immoralité et des blasphèmes que vous prétendez y trouver. Il n’y a donc à persécuter ni à punir d’autre coupable que moi.
- « Dès le début de ma carrière, quand je n’avais personne pour me soutenir, je me suis placé, pour la seule défense de la vérité, en opposition avec tous les préjugés les plus enracinés des siècles passés. J’étais dès lors résolu à supporter les persécutions inévitables, les amendes , l’emprisonnement, la mort. De telles perspectives n’arrêtent point un homme quand il est fortement imbu du désir incessant de travailler au bien de l’espèce humaine.
- « Au lieu de rencontrer les amendes, l’emprisonnement et la mort, j’ai été un des favoris de la destinée ; j’ai vécu tranquille, paisible, sans faste, heureux dans mon intérieur. A New Lanark en Ecosse comme à New Harmony en Amérique, ma famille a été heureuse entre les plus heureuses.
- « Il est exact que j’ai toujours dépensé jusqu’au dernier shilling de mon superflu pour le progrès de la grande et sainte Cause du socialisme, car les fonds étaient indispensables pour aider au mouvement. Mais le révérend Prélat est dans une erreur complète quand il affirme que j’ai dépensé mon bien dans les prodigalités et le luxe. Jamais une seule
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- livre n’a été ainsi dépensée par moi. Mes habitudes sont celles de la tempérance en toutes choses: je mets au défi le révérend Prélat êt ses témoins de prouver le contraire, et m’offre à leur fournir les moyens de contrôler tous mes actes à travers le développement de mon existence.
- « Ceci dit, je ne m’inquiète en rien de ce qui sera allégué à mon sujet, en dedans ou en dehors du Parlement. Ma vie est la véritable réponse à toute fausseté qu’on peut exprimer. Ma popularité présente est une charge pour moi, et quant à la célébrité future je la tiens pour chose vaine et bonne tout au plus à causer une satisfaction personnelle aux descendants de l’individu célébré.
- « Je suis heureux en ce monde, je serai heureux dans la mort, et par conséquent indépendant de notre société vieillie, usée, immorale et irration- J nelle. »
- L’opposition organisée contre les socialistes se fit sentir activement durant quelques années ; Robert Owen et ses adeptes étaient réputés ennemis de la religion, de la famille et de la propriété, et des journaux soi-disant respectables répétaient à l’envie ces imputations calomnieuses.
- Le progrès des idées sociales fut de son côté très-actif en cette période. De vastes halles furent érigées en nombre de villes des districts manufacturiers,pour les réunions publiques. A Manchester, une sorte de cathédrale fut bâtie à ce sujet. Elle a été depuis rachetée par la ville et sert de bibliothèque communale. Les halles élevées ainsi appartenaient aux coopérateurs mêmes ; ils en faisaient usage comme salles de conférences, salles de classes, lieux de discussions sur tous les sujets publics d’une nature intéressante et instructive,
- Quelques-unes de ces assemblées donnèrent lieu à des scènes assez graves par suite des mauvais procédés et de la violence des opposants au socialisme. Robert Owen et ses adeptes furent parfois assaillis de pierres et de boues ; leurs adversaires menacèrent de brûler les salles de réunion à Manchester et dans quelques autres villes. En face de toutes ces difficultés les socialistes demeurèrent unis, ardents à la défense de leurs principes, versant régulièrement les cotisations hebdomadaires qui permettaient de soutenir le mouvement.
- Le but de la propagande était de convaincre assez les esprits de la possibilité de l’application des principes pour trouver du soutien et des fonds au moment de tenter une épreuve de réalisation.
- Tous les partisans de la cause étaient enrôlés dans une Société intitulée : « Association de toutes les classes et de toutes les nations. » Le titre semble
- trop ambitieux au premier abord, mais il voulait surtout exprimer que l’association était ouverte à chacun, quelles que fussent sa nationalité, sa classe et sa croyance.
- Cette vaste association comprenait dans son sein une autre société communiste et fraternelle « Com-munity friendly Sociéty) dont l’objet spécial était l’application des principes. S’y enrôlaient comme membres les personnes désireuses de concourir personnellement et précunairement à l’édification d’un village modèle, résolvant les questions d’industrie et d’éducation.
- Les membres de cette société, gens sobres et pratiques, visaient surtout à la réalisation de choses dont ils pussent bénéficier,et se préoccupaient peu de la propagande. Ils laissaient aux membres de la vaste association le soin de défendre la société contre les imputations calomnieuses dont le socialisme était assailli.
- {A suivre)
- On lit dans le « Religio philosophical journal » :
- De Chicago, 10 novembre 1883.
- TRAVAIL & CAPITAL
- Le trait le plus remarquable du Congrès des femmes qui vient d’avoir lieu en notre ville est le suivant:
- Mma Auguste Cooper Bristol de Wineland, New-Jersey, est montée à la tribune à 9 heures du soir au dernier moment de la session.
- L’auditoire, fatigué, n’aspirait qu’au repos. Les conditions étaient donc absolument défavorables. Néanmoins: à peine cinq minutes s’étaient-elles écoulées que cette femme, dont l’âme transfigurait la visage et vivifiait les mots, tenait l’auditoire captif tout entier à ce noble esprit qui développait devant lui les plus pares conceptions.
- Ne pouvant reproduire ici le discours de Mme Bristol, nous nous bornerons à en donner les conclusions jépondant à cette demande :
- Quelle est la meilleure forme d1association du Capital et du Travail ?
- « Aucune association, selon moi, » dit Mm9 Bristol, « n’a mieux résolu l’accord des forces productrices et distributives de la richesse, que l’association équitable du capital et du travail, fondée par M. Godin à Guise, France.
- « Dans l’été de 1881, j’eus la bonne fortune d’être pendant six semaines l’hôte de cette association et de pouvoir ainsi étudier l’œuvre dans tous ses détails .
- « Le bat de l’association de Guise est d’établir entre tous les membres une communauté d’intérêts au moyen de la participation du qapital et du travail aux bénéfices, suivant certaines conditions prescrites par les statuts.
- « Le fondateur a fourni le capital social qui s’élève à près d’un million de dollars (4 millions 500 mille francs).
- « Quinze cents travailleurs environ sont employés dans les fonderies de l’association. *'- '
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- » Le dividende aetaei revenant à l'ouvrier comme ' part de bénéfice? nets est un certain tant pour cent des salaires qu’il a reçus. Ce dividende, représenté par des « certificats d'épargnes » constitue la part de l’ouvrier dans le capital social; les certificats, d’épargne rapportent des intérêts payables en espèces. Ainsi le salarié, dans cette institution, devient son propre capitaliste.
- « Pendant l’année 1879, les travailleurs^associés, reçurent en titres d’épargnes, en moyenne, chacun 60Ô francs et les travailleurs participants chacun 300 francs. Deux ans après l’association continuant sa marche prospère comptait une moyenne de bénéfices de 18 0/0 des salaires.
- « La part de bénéfice net qui revient au capital est un certain tant pour cent des salaires du capital, c'est-à-dire du chiffre de ses intérêts.
- « Le remboursement du capital primitif s’effectue peu à peu chaque annnée à la répartition des bénéfices ; les titres d’apports du fondateur sont lesr premiers remboursés et l’on substitue à ces titres les titres d’épargnes des travailleurs. Ce remboursement qui doit s’effectuer sans cesse par ordre d'ancienneté des titres, a pour but la transmission incessante du capital social aux membres actifs de l'association.
- « Ainsi l’habitation unitaire de l’ouvrier avec toutes ses dépendances : Magasins d’approvisionnements, écoles de tous degrés, etc..ateliers considérables, pelouses, jardins, etc., tout cela à un moment donné sera la propriété d'ouvriers français autrefois pauvres et illettrés.
- « Mais la répartition annuelles des bénéfices entre le capital et le travail n’est pas pour l’ouvrier la garantie journalière de Fmdispensab*0 à l’existence, quand ta maladie ou les infirmités fondent tout-à-coup sur lui, et que ses ressources sont épuisées.
- « Aussi des assurances mutuelles sont-elles constituées dans l’association de G-uise pour répondre à ces besoins :
- 1° L’assurance des pensions et du nécessaire à l’existence.
- 2° L’assurance de secours en cas de maladie.
- « La première sert aux invalides du travail, une pension déterminée par les statuts selon le nombre d’années de service dans l’établissement. Cette assurance garantit en outre l’indispensable à la subsistance à toute famille dont les ressources n’atteignent pas le taux voulu.
- « L’assurance de secours en cas de maladie compte aux membres de l’association une allocation journalière fixée par les règlements et proportionnée à leurs cotisations spéciales. Le mutualiste a droit, en outre, aux soins gratuits du médecin de son choix, et à la dé'ivrance gratuite des médicaments.
- « Une assurance mutuelle est aussi établie parmi les femmes de l’association, selon ies règles prescrites.
- « Les dames élisent entre elles neuf déléguées, qui, avec les neuf hommes élus par les travailleurs constituent ies comités d’administration des diverses assurances.
- « L’association du Familistère fonctionne heureusement depuis plus de vingt ans sans avoir éprouvé une seule grève, les ouvriers ne pouvant avoir ia pensée de se soulever contre eux-mêmes.
- « Quant aux principes philosophiques de M. Godin, il m’est impossible de ies indiquer en quelques mots ; qu’il me suffise donc d’indiquer que c’est après être remonté aux causes suprêmes de la vie que Godin a j traduit ses principes en action dans sa merveilleuse J entreprise.
- « Faisant face à des résistances cruelles publiques et privées, M. Godin s’est, malgré tout, dévoué sans arrêt à son œuvre et l’a conduite au succès.
- « Comment en çùt-il pu être autrement ÿ Son système étant basé sur l’économie même de l’univers, il lui était impossible d’échouer.
- « Godin nous a enfin révélé l’Evangile de la vie et cju travail. Il a introduit dans le régime industriel la règle d’or d’amour du prochain. Son œuvre est le fruit mûr des religions de tous les âges. Grâce à lui nous avons maintenant la confiance que la parole céleste : « Paix sur ia terre aux hommes de bonne volonté n ne sera plus seulement le chant dans la Judée ; mais qu’elle sera bientôt la réalité vivante d’un monde heureux et industrieux. »
- NATIONALISATION DD SOL
- Sous ce titre, on lit dans le « Cooperative News « du 22 décembre 1883, un article dont nous extrayons ce qui suit :
- Edwin Wilks, dans une brochure publiée il y a plus de trente ans, disait : « Ce qui n’a jamais eu le droit de commencer ne peut acquérir par l’usage le droit de se soutenir.. Dieu a fait la terre pour que l’homme y trouvât ses moyens de subsistance. Or, le Créateur n’ayant jamais vendu ni cédé, le sol à un homme ni à un groupe d’hommes à l’exclusion des autres, il est manifestement injuste que dans un pays 60,000 personnes détiennent en propriété personnelle absolue la terre sur laquelle sont nés et vivent 7.000-000 de leurs semblables, c’est-à-dire 450 fois le nombre des 60.000 privilégiés.
- « Si un homme ou une minorité d’homme exerce un droit absolu de propriété du sol, ceux qui sont privés d’exercer Je même droit doivent donc demander aux dits possesseurs la permission de vivre, puisque la vie est impossible sans les fruits de la terre. Or, tout homme a par nature droit à la vie, donc la propriété individuelle de la terre est une violation de la loi naturelle première et fondamentale.
- « La prétention d 1 posséder le sol est aussi absurde que le serait celle de posséder le soleil. L’homme a ie droit naturel d’utiliser le sol, mais il n’a aucun droit de regarder comme sienne à perpétuité la moindre portion du sol. »
- Une Société est fondée en Angleterre, sous la présidence de M. Âlf. Russel Wallace, pour la défense et la propagande de l’idée de nationalisation du sol. Le siège de cette Société est 185, fleet Street, E. C. London.
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- LE DEVOIE
- LE VIADUC DE CARRABY
- La Compagnie du chemin de fer du Midi fait exécuter entre Marvejols et Neussargues, au traders des montagnes du Cantal, un viaduc qui, par ses dimensions et par la hardiesse de l’entreprise, peut rivaliser ayec les conceptions américaines les plus audacieuses.
- Le Viaduc de Carraby, que l’on est en train de jeter sur la Trueyre d’après les plans de M. Boyer, ingénieur de la ligne, ne mesure pas moins de 550 mètres de long, et passe sur cette rivière à une hau-teur de cent vingt-six mètres.
- Ce viaduc se trouve à environ treize kilomètres de Saint-Flour.
- La maçonnerie sera de 20,000 mètres cubes environ. La longueur totale du viaduc est de 564 mètres.
- Les piles, en métal,sont au nombre de cinq. Quatre du côté de Marvejols,et une du côté de Neussargues. L’arc central aura 165 mètres de portée et 52 mètres de flèches.
- Les travaux,commencés le 1er septembre 1882, ont été conduits avec une telle rapidité que, vers la fln du mois d'avril dernier, il ne restait plus qu’à monter le grand arc.
- Cette opération, la plus importante de toutes, si aucun obstable imprévu ne surgit, sera terminée vers le mois de février ou de mars prochain.
- Le viaduc de Carraby restera comme un des plus beaux monuments de l’art d8 l’ingénieur et du constructeur.
- Conservation des fourrages par l’ensilage
- On s’est occupé dans le temps, en France, de la conservation des céréales par le procédé de l’ensilage, mais les résultats obtenus n’ayant pas été satisfaisants, on a abandonné — ou, pour mieux dire, on n’a pas cru devoir adopter les silos dont l’emploi bien compris eût cependant, à notre avis, présenté des avantages réels sur celui des greniers.
- Aujourd’hui, la question de l’ensilage des fourrages frais, destinés à remplacer le foin pendant l’hiver, est à l’étude en Angleterre, et si, comme tout le fait présager, les résultats donnés par les expériences pratiques auxquelles se livre en ce moment lord Tollemache, — un des grands terriens du Royaume-Uni —, continuent à être aussi favorables que ceux obtenus jusqu’ici, il n’y a pas de raison pour que le procédé de l’ensilage des fourrages, qui permettra de donner au bétail de l’herbe fraîche pendant tout l'hiver, ne soit applicable en France aussi bien qu’en Angleterre.
- La question que lord Tollemache a entrepris de résoudre est complexe : il ne s’agit de rien moins que de s’assurer :
- 1° Si les fourrages peuvent se conserver frais dans des siios ?
- 2° S'ils* constituent un aliment plus nutritif que le
- foin pour le bétail, c’est-à-dire si, soumis à cette nourriture pendant l’hiver, les bœufs y gagneront en chair et les vaches en lait ?
- 3° Si le prix de revient des fourrages ainsi conservés sera plus élevé que celui du foin.
- Les expériences faites par lord Tollemache, le 27 novembre dernier, à Peckforton, dans la comté de Cheshire, où se trouvent une partie de ses propriétés, ont donné des résultats fort satisfaisants, ainsi qu’ont pu le constater, d’ailleurs, les fermiers et les gros propriétaires que le noble lord avait invités à venir se rendre compte par eux-mêmes de l’état de ses silos.
- A proprement parler, un silo est tout simplement une fosse dont les parois sont revêtues en maçonnerie, puis recouvertes, ainsi que le fond, d’une couche de paille bien sèche. Lorsque la fosse est remplie de grain, par exemple, on recouvre celui-ci avec de la paille, et Ton ferme la fosse au moyen d’une voûte en maçonnerie où Ton ménage une ouverture à couvercle mobile afin d’v pouvoir puiser au besoin.
- Tel est un silo ordinaire, mais celui de lord Tollemache en différait essentiellement.
- Il consistait en un grand bâtiment en pierre, de 50 pieds de long sur 15 de large,qu’au moyen de forts galandages on avait divisé en quatre compartiments distincts. Ce bâtiment avait autrefois servi de magasin; l’entrée en ayant été mùrée, on en avait formé, comme il vient d’être dit, quatre silos que Ton avait remplis,^ l’époque de la fenaison, avec l’herbe des prairies environnantes qui, en temps ordinaire, donnent environ 81,200 kil. de foin. Cette herbe avait été auparavant coupée fort court au moyen d’un hache-paille, opération ayant pour but de faciliter le tassement afin d’exclure autant que possible l’air et Teau, dont la présence aurait causé une fermentation aussi rapide que nuisible dans ses effets. (1)
- Comme les matières déposées dans un silo s’affaissent toujours d’elles-mêmes, il devient nécessaire,au bout d’un certain temps, de remplir les vides qui résultent de ce tassement naturel.
- C’est ce que Ton fit à Peckforton, où les 4 siios de lord Tollemache avaient, une fois remplis,été fermés hermétiquement au moyen’de larges volets en bois que Ton avait recouverts de huit pouces de son sur lequel reposaient des poids de 250 kil. par silo ! (2)
- La hauteur totale de i’ensiiage, dans un seul silo,
- (1) Suivant Doyère, cette fermentation a lieu dans les grains lorsqu’ils contiennent 16 0/0 d’humidité.
- (2) On avait choisi le son à cause de sa propreté qui, au cas où il se serait trouvé mêlé avec le fourrage, le rendait préférable à la chaux ou à la sciure du bois.
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- le n°2, ouvert le 27 novembre dernier, était de six pieds six pouces.
- L’herbe contenue dans le silon0 1 avait été fauchée par un temps de pluie. L’ensilage avait eu lieu le 20 juin dernier, avec 17,265 kii. d’herbe fraîche, et au 25 juillet, la masse s’étant affaissée de 2 pieds 6 pouces, le remplage avait eu lieu avec 8,120 kil.
- Ceci exposé, nous présentons dans le tableau suivant toutes les opérations relatives aux 4 silos, afin que le lecteur puisse les embrasser d’un seul coup d’œil.
- Quantité requise pour le remplage 8,120 kil. 7105 kil. 6597 kil. 8129 kil. herbe seulement
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- On avait d’abord fauché 4 hect. 45 de prairie pour fournir à l’ensilage primitif ; puis, plus tard, 1 hect. 61 avait encore été mis à contribution pour le remplage. Le fauchage de ces 6 hect. 06 représentait plus de 118.000 kil. d’herbe fraîche qui eussent donné environ 30.450 kil. de foin. Le poids de l’ensilage ne différait pas essentiellement de celui de l’herbe fraîchement fauchée, l’évaporation ayant été presque nulle.
- Le second silo qui, ainsi qu’il a été dit plus haut, avait une profondeur de 6 pieds 6 pouces, ayant été ouvert et l’herbe qu’il contenait enlevée à la profondeur de 3 pieds environ, on put s’assurer qu'elle était humide mais en excellente condition, et le bétail auquel on en donna la mangea avec avidité. Or, on n’ignore pas qu’en général les animaux ne mangent qu’avec une sorte de circonspection, toute nourriture à laquelle ils ne sont pas habitués.
- Le contenu des trois autres silos fut aussi sondé et trouvé en parfait état de conservation ; en particulier le 3« dont l'herbe n’avait pas été fauchée en temps de pluie.
- Les expériences de lord Tollemache semblent donc prouver que la conservation des fourrages frais par l’ensilage est non seulement possible,mais d’une exécution très-facile.
- D’un autre côté, des essais précédents faits sur une grande échelle ont établi que du bétail nourri avec de l’ensilage — (je prie le lecteur d’excuser cette métonymie), — avait gagné 15 0/0 en poids sur celui qui n’avait eu que sa provende ordinaire de foin, de grain et de betteraves. En outre, la viande des animaux de la première catégorie était aussi supérieure comme qualité, puisqu’elle s’est vendue six sous la livre tandis que l’autre n’a pas trouvé d’acheteurs à cinq sous.
- Pour les vaches laitières la différence dans la production comme dans la qualité du lait a été non moins marquée :
- Une bête qui, avec la nourriture habituelle fournissait en une semaine quatre-vingt litres de lait indiquant 12 degrés au gaiactomètre ou pèse-iait (1), nourrie avec de l'ensilage, donna plus de 96 litres de lait marquant 16 degrés !
- Ces deux premiers points établis, reste la question du prix de revient.
- Des silos tels que ceux dont s’est servi lord Tollemache pour faire les expériences que nous venons de relater, ne seraient pas à la portée de toutes les bourses, et augmenteraient en outre considérablement le prix de revient de l’ensilage. Mais il est permis de se demander si des fosses ordinaires creusées dans un terrain argileux ne rempliraient pas le même but ? L’argile retirée dans le travail d’excavation servirait en outre de poids pour tasser l’herbe.
- L'on pourrait encore se servir du procédé recommandé par Doyère et qui, selon lui, rend le silo complètement inaccessible à l’air et imperméable à l’humidité.
- Son système de construction consiste dans des enveloppes de tôle très-mince, préservées extérieurement contre l’oxydation par un revêtement inattaquable et comme noyées dans une maçonnerie en béton qui supporte toutes les charges. « La tôle, dit-il, n’a d’autre rôle que celui d’un vernis imperméable et indestructible. Elle offre, en outre, l’avantage de fournir des orifices qui peuvent être fermés très-exactement. Enfin, un silo pouvant contenir
- (1) C’est-à-dire indiquant que ce lait contenait 12 0/0 de matières solides : beurre, lactine et caséine.
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- 500 hectolitres de grain, par exemple, construit sui- j vaut ce système, à Paris même, avec de la tôle de 3 millimètres d’épaisseur moyenne, et à raison de 100 fr. les 100 kilog. travaillés, n’a coûté, tout compris, jusqu’au dallage en asphalte qui le recouvre, que 2,250 fr., soit 4 fr. 50 par hectolitre. »
- - Quoiqu'il en soit, et quelque doives être le résultat des expérimentations auxquelles se livre en ce moment lord Tollemaclie, nous avons cru bon d’appeler l'attention de nos agriculteurs et de nos éleveurs sur ce nouveau mode d’alimentation qui nous Semble devoir présenter bien des avantages sur l’ancien.
- Aux experts à juger !
- Londres, le 8 décembre 1883.
- P.-G. Maistre.
- Nous avons dit dans un précédent numéro quel emploi rationnel on pourrait faire des millions dépensés en folles aventures.
- A la suite de ces vains appels au bien, que l’on persiste à ne pas entendre, nous donnons le récit des horribles massacres auxquels ont abouti les sacrifices imposés à la France.
- Nous empruntons au Figaro la narration de la prise de Hué, publiée sous la signature de Pierre Loti.
- Ces pages écrites depuis quelques semaines ont perdu leur actualité, et, contiendraient-elles quelques exagérations, elles méritent d’être reproduites, ar elles sont une description saisissante des excès que peut engendrer l’ivresse des batailles.
- L’écrivain du Figaro raconte cet épisode de la guerre du Tonkin dans les termes suivants :
- « Les matelots devenaient difficiles à retenir ; ils voulaient descendre dans ce village, fouiller tous les arbres, en finir avec les gens de Tu-Duc. Un danger inutile, car évidemment les pauvres fuyards allaient être obligés d’en sortir, et alors la* route d’en bas, qui passait au pied même du fort, deviendrait leur seule issue.
- « On avait réglé les hausses pour la distance, chargé les magasins des fusils ; on avait tranquillement tout préparé pour les tuer au passage. Et, en attendant, on regardait là bas le mouvement combiné des autres troupes françaises, qui s’accélérait vers le Sud, les ennemis qui fuyaient, les pavillons d’Annam qui s’amenaient. La grande batterie du Magasin-au-Riz était prise, les villages de derrière brûlaient avec des flammes rouges et des fumées
- noires... Et on se réjouissait devoir tous ces incendies, de voir comme tout allait vite et bien, comme tout ce pays flambait. On n’avait plus conscience de rien, et tous les sentiments s’absorbaient dans cette étonnante joie de détruire.
- « En effet, ils avaient passé sous le feu des marins de l’Atalante, ces fuyards attendus. On les avait vus paraître, se masser à moitié roussis, à la sortie de leur village; hésitant encore, se retroussant très haut pour mieux courir, se couvrant la tête en prévision des balles, avec des bouts de planches, des nattes, des boucliers d’osiers — précautions enfantines, comme on en prendrait contre une ondée. — Et puis ils avaient essayé de passer, en courant à toutes jambes.
- « Alors la grande tuerie avait commencé.On avait fait des « feux de salve » — et c’était plaisir de voir ces gerbes de balles, si facilement dirigeables, s’abattre sur eux deux fois par minute au commandement, d’une manière méthodique et sûre. C’était une espèce d’arrosage, qui les couchait tous, par groupes, dans un éclaboussement de sable et de gravier.
- « On en voyait d’absolument fous, qui se relevaient, pris d’un vertige de courir, comme des bêtes blessées ; ils faisaient en zigzags, et tout de travers, cette course de la mort, se retroussant jusqu’aux reins d’une manière comique ; leurs chignons dénoués, leurs grands cheveux leur donnant des airs de femme.
- « D’autres se jetaient à la nage dans la lagune, sê couvrant la tête, toujours, avec des débris d’osier et de paille, cherchant à gagner les joncques. On les tuait dans l’eau.
- « Il y avait de très bons plongeurs, qni restaient longtemps au fond ; — on réussissait tout de meme à les attraper, quand ils mettaient la tête dehors pour prendre une gorgée d’eau, comme les phoques.
- « Et puis on s’amusait à compter les morts... cinquante à gauche, quatre-vingt adroite ; dans le village on les voyait par petits tas ; quelques-uns, tout roussis, n’avaient pas fini de remuer : un bras, une jambe so raidissait tout droit, dans une crispation ; ou bien on entendait un grand cri horrible.
- « Avec ceux qui avaient dû tomber dans les forts du Sud, cela pouvait bien faire huit cents ou mille. Les matelots discutaient là-dessus, établissaient même des paris sur la quantité.
- « Un fort annamite de la grande terre venait d’en-| voyer, au milieu d’eux, trois boulets, parfaitement j pointés, qui, par une rare chance, avaient traversé
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- les groupes sans toucher personne. Ils n’y avaient même pas pris garde, tant ils étaient oceupés à guetter les passants et les voyageurs.
- « Il n’en restait plus guère pourtant. A peine neuf heures du matin et déjà tout semblait fini ; la compagnie du Bayard et l’infanterie venaient d’enlever le fort circulaire du Sud, armé de plus de cent canons ; son grand pavillon jaüne, le dernier, était par terre, et de ce côté encore les fuyards affolés se jetaient en masse dans l’eau, en se cachant la tête, poursuivis par les feux de salve. En moins de trois heures, le mouvement français s’était opéré avec une précision et un bonheur surprenants ; la déroute du roi d’Annam était achevée’.
- « Le bruit de l’artillerie, les coups secs des gros canons avaient cessé partout ; les bâtiments de l’escadre ne tiraient plus ; ils se tenaient tranquilles sur l’eau très bleue.
- « Et puis une foule blanche s’était répandue en courant dans les mâtures ; tous les matelots restés à bord étaient montés dans les haubans, face à terre et criaient ensemble « Hurrah ! » en agitant leurs chapeaux. C’était la fin.
- « Déjà- une chaleur accablante, une reverbération mortelle sur ces sables ; les grandes fumées des villages incendiés montaient toujours, très droites,puis s’épanouissaient tout en haut de l’air en gigantesques parasols noirs.
- « Plus personne à tuer. Alors les matelots, la tête perdue de soleil, de bruit, sortaient du fort et descendaient se jeter sur les blessés, avec un espèce de tremblement nerveux. Ceux qui haletaient de peur, sapis dans des trous, gui faisaient les morts, cachés sous des nattes ; qui râlaient en tendant les mains pour demander grâce ; qui criaient : « Han !... » Han ! » d’une voix déchirante, — ils les achevaient, en les crevant à coups de bayonnette, en leur cassant la tête à coups de crosse.
- « Des petits « boys » de Saigon efféminés et féroces — domestiques annamites venus à la suite de l’infanterie — s’étaient répandus parmi les matelots, les appelaient quand ils avaient déniché quelques malheureux cachés dans un coin, les tiraient par les bras, disant : « Monsieur encore un par ici, encore un par là !... Viens vite, monsieur, lui faire pan, pan, pan ! «
- « On ne les reconnaissait plus, les matelots ; ils étaient fous. — On voulait les retenir. — On leur disait : « Mais c’est sale et lâche, mes pauvres amis, ce que vous faites là ! »
- « Eux répondaient :
- » — Des sauvages, cap’taine ! — Ils ont bien pro-
- mené la tête du commandant Rivière au bout d’un bâton, dans leur ville !
- « — Ça, des vrais hommes, cap’taine ? — Si c’était nous les battus, ils nous auraient coupés en morceaux — vous savez bien — ou sciés entre des planches ?
- « Rien à répondre à cela ; c’était vrai —* et on les laissait à leur sombre travail.
- « Après tout, en extrême Orient, ce sont les lois de la guerre. Et puis, quand on arrive avec une petite poignée d’hommes pour imposer sa loi à tout un pays immense, l’entreprise est si ^aventureuse, qu’il faut faire beaucoup de morts, jeter beaucoup de terreur, sous peine de succomber soi-même.
- « Ils avaient tous ramassé des lances, des hardes, des chapelets de sapèques, et portaient, enroulés autour des reins, de belles bandes d’étoffes de différentes couleurs chinoises. (Les matelots aiment toujours beaucoup les ceintures). Ils prenaient des airs de triomphateurs, sous des parasols magnifiques ; ou bien jouaient négligemment ds l’éventail et agitaient des chasse-mouches de plumes.
- « Avec ce peu d’ombre et de repos, le calme s’était fait dans ces têtes très jeunes, la réaction s’était accomplie; ils étaient redevenus eux-mêmes, tout écœurés d’avoir pu être si cruels.
- « L’un d’eux, entendant un blessé crier dehors, s’était levé pour aller lui faire boire, à son propre bidon, sa réserve de vin et d’eau.
- « L’incendie du village s’éteignait doucement; on ne voyait plus que ça et là quelques flammèches rouges au milieu des décombres noires. Trois ou quatre maisons n’avaient pas brûlé. Deux pagodes aussi restaient debout ; la plus rapprochée du fort, en achevant de se consumer, avait tout à coup répandu un parfum suave de baume et d’encens.
- « Les matelots avaient tous quitté leur toit de bambous ; un peu fatigués pourtant, et aveuglés de lumière, ils erraient sous ce dangereux soleil de deux heures, cherchant encore les blessés ; mais cette fois pour les faire boire, leur porter du riz, les arranger mieux sur le sable, les coucher la tête plus haute. Ils ramassaient les chapeaux chinois pour les coiffer, des nattes pour leur faire de petits abris contre la chaleur. Et eux, les hommes jaunes qui inventent pour leurs prisonniers des raffinements de supplices, les regardaient avec des yeux dilatés de surprise et de reconnaissance ; ils leur faisaient merci, avec de pauvres mains tremblantes ; surtout ils osaient maintenant exhaler tout haut les râles qui soulagent, pousser les lugubres ; « Han !...
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- Han!... » qu’ils retenaient depuis-le matin, pour avoir l'air d’être morts. »
- Pierre Loti.
- ETAT-CIVIL DU FAMILISTÈRE
- du 24 au 30 décembre 1883 NAISSANCES :
- Le 24 décembre, de Froment Laure, fille de Froment Jules et de Béthune Laurence.
- Le 28 décembre, de Jouron Fernand, fils de Jouron Léonard et de Lenoble Marie.
- r>ïDc:È~» :
- Le 25 décembre, de Drouin Florentin, âgé de 1 an.
- 131BLIOQ-BAPHÏE
- Notions d’Education civique, à l'usage des jeunes filles, par Mme Massy.
- Ce volume, divisé en quatre parties : 1° instruction civique; 2° éléments de droit usuel; 3° économie politique ; 4° morale, contient d’excellentes leçons claires et simples, sur l’organisation de notre société, et les devoirs de chacun de ses membres envers tous.
- On peut différer d’opinion avec hauteur sur certains points, mais son livre rendra cependant de bons services dans les mains d’éducatrices intelligentes, et intéressera les jeunes filles qui le liront.
- Ce volume se vend 1 fr. 10 chez Picard-Bernheim et G® 11, rue Soufflot, Paris.
- Ü’AÜÏJLTJES
- Leçon de Physique expérimentale par M.Barbary
- Séance du 8 Janvier i884
- DE LA FORGE ÉLASTIQUE DU GAZ
- Librairie
- IL SECOLO
- Gazetta di Milano
- Journal politique quotidien 100,000 exemplaires par jour.
- Le Secolo, le plus complet et le plus répandu des journaux italiens, donne en Prime gratuite à ses abonnés d’un an, deux journaux illustrés hebdomadaires et 12 supplém. illustrés.
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- Théâtre du Familistère de Guise
- Direction: A. Tétrel et A. Berthet
- Bureau 8 h. 1/4
- SAMEDI 5 JANVIER 1884
- Rideau 8 h. 1 /2
- Représentation donnée
- par la Troupe du Grand Théâtre de Sl-Quentin
- Opéra-comique en 3 Actes de MM. E. Dupré et Clair ville, musique de M. Paul Lacome
- M, BERTHET, remplira le rôle de Boni face Mm0 Lesœur remplira le rôle de Mme Boniface. —
- M. Gack remplira le rôle d’Annibal
- La Vieille-Brèche. MM. Nesme.
- Fridolin .... Malon.
- Jacquot .... Sabattier.
- Varoquet. Joseph Husson. Briet.
- De Oivrac Bourdillat.
- De la Vrilière . D ambrine.
- Un seigneur. . Galère.
- Un valet. Denis.
- Un client. Boulanger.
- Isabelle .... jqmes Luceuille.
- Clorinde .... B. d’Argyle.
- Cydalise . . Claudine * , « Roland. Gabrlelle.
- De Bréville . Galère.
- De Miraval . . Husson.
- Louison .... Delaunay.
- Jeanne .... Duhamel.
- Catherine. . Mariani.
- Jacquotte. . Casabon.
- Seigneurs, dames, clients, clientes, grisettes
- LES DEUX SOURDS
- Comédie en 1 Acte de M. Jules Moinaux
- Damoiseau..............MM. Nesme.
- Placide................ Sabattier
- Boniface............... D ambrine.
- Eglantine..............Mn° Luceuille.
- Un Garde champêtre . . . MM. Briet.
- Un Jardinier........... Galère.
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- SAINT-QUENTIN
- Société anonyme du Glaneur, Grand’Place, 33 .
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- e Année, Tome 8. — n° 279 & numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 13 Janvier 1884
- SOCIALES
- BUREAU
- A GUISE (Aisne
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par renvoi, soit au bureau de Guise, soit à ceiui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
- Un an . . Six mois . Trois mois
- 10fr.»» 6 »» 3 M»
- Union postale
- Un an . . . . 11 fr. »» Autres pays Un an. . . . 13 fr. 60
- ON S’ABONNE A PARIS 5,r.Neuve-des-petits-Ghamps Passade des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Avis. ~~ Les Grèves. Appel aux femmes. — La princesse Alice — la participation. — Si vous voulez la paix. — Faits politiques et sociaux. — Robert Owen. — Empirique et Philanthrope. — Céramique. — La société contre les abus du tabac. — Etat civil du Familistère. — Cours cl’Adultes. — L'Astronomie.
- jm WM®
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement a titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, Vadministration fait présenter une quittance d’abonnement.
- LES GRÈVES
- Là fréquence des grèves indique une situation grave. Veut-on la laisser empirer ? A-t-on une connaissance suffisante des circonstances déterminantes pour espérer une intervention efficace de la part des pouvoirs publics ? '
- Les hommes politiques sont tous péniblement impressionnés par ces perturbations, ils souhaitent sincèrement un avenir débarrassé de ces crises incessantes, qui mettent si fréquemment aux prises le travail et le capital.
- Ces bonnes intentions sont certainement louables, mais jusqu’à présent elles se sont traduites en pro-
- positions d’expédients, impropres à produire la pacification des rivalités surexcitées par les intérêts antagonistes des travailleurs et des capitalistes.
- Même ces préoccupations se manifestent rarement en dehors des périodes aigues. L’annonce d’une grève est presque toujours une surprise; on en parle pendant quelques jours, et les nombreuses questions qu’elle soulève sont oubliées, dès que les travailleurs ont capitulé devant la faim.
- L’intérêt général exigerait cependant une solution positive.
- Autrefois, les grèves pouvaient survenir sans atteindre sensiblement d'autres intérêts que ceux directement engagés. Aujourd’hui, dans la plupart des cas, une grève compromet des intérêts tellement nombreux, qu’elle peut être considérée comme une calamité publique.
- S’en suit-il que, à cause de ce caractère de nuisance générale, l’on doive encourager l’Etat à intervenir, soit pour intimider les ouvriers par des déploiements de force militaire, soit pour détacher de ses services un personnel destiné à combler les vides de l’industrie privée, comme cela s’est fait à l’occasion de certaines grèves des ouvriers boulangers, comme cela arrive maintenant à Marseille à la suite de la grève des mécaniciens-chauffeurs ?
- A l’appui de cette thèse on peut invoquer la nécessité de sauvegarder les intérêts considérables, presque nationaux, que peut compromettre un long retard dans les départs des courriers interocéaniques.
- Que les cochers de Paris fassent une grève générale, on peut à peine calculer quelles nombreuses perturbations en résulteront pour la plupart des in-
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- dustries et des commerces, ayant réglé leurs relations en tenant compte de la possibilité d’utiliser les voitures publiques. Nous donnerons un exemple : beaucoup de médecins à Paris, pour éviter les en* nuis et les frais élevés de l’entretien d’un équipage, visitent les malades au moyen des voitures de place. Les cochers et les loueurs ont-ils le droit de créer, au nom de leurs intérêts particuliers, une situation qui prive les malades des secours du médecin ?
- A Bordeaux, les ouvriers de l’équipement militaire menaçaient, il y a quelques jours, de suspendre le travail si les entrepreneurs refusaient d’élever les tarifs. Ne prouvait-on prendre prétexte des intérêts de la défense nationale pour demander l’intervention du gouvernement ?
- Les ouvriers d’Anzin semblent avoir repris le travail avec la volonté de s’organiser en vue d’une grève générale, qui pourra suspendre toute l’industrie nationale > Si cette menace devait être exécutée, le gouvernement n’aurait-il pas le devoir de veiller sur les intérêts compromis ?
- Ceux qui ont en main la force publique devaient-ils rester impassibles en face des ouvriers du Ca-teau résolus à démolir l’usine de MM. Chantreuil et Lempereur ?
- A ces diverses questions on pourrait répondre par une autre question. Les ouvriers, sous prétexte de patriotisme, d’ordre, de prospérité nationale, doivent-ils continuer à vivre et à mourrir misérablement près de l’opulence, lorsqu’on laisse chômer des engins de production, ayant une puissance presqu’in-finie, à côté de sources inépuisables de richesses ?
- Ces interrogations résument à peu près les arguments des deux parties, chacune examinant la situation avecla préoccupation mesquine de ses intérêts immédiats, d’après les données routinières du passé, sans s’inquiéter de chercher s’il existe une solution susceptible de les satisfaire l’une et l’autre.
- Les nécessités sociales de notre époque ne permettent pas de laisser généraliser les grèves qui donnent le pouvoir à cent milles individus de suspendre la plus grande partie de l’activité nationale. ! Et pourtant chaque citoyen a le droit de refuser son !
- travail. !
- (!
- Au Cateau, Messieurs Chantreuil et Lempereur | dominés par les effets de la concurrence et de la | spéculation ont cru devoir diminuer les tarifs des salaires. Mais les lois supérieures de l’humanité permettent-elles à la Société de laisser mourir de faim deux cent cinquante de ses membres ? Car cette grève a eu pour point de départ une diminution de 29 0/0 des salaires. Quiconque connaît les conditions ordinaires de l’existence des populations
- | ouvrières n’osera soutenir que le budget d’un ouvrier fllateur puisse être réduit du tiers sans condamner à la misère celui qui le reçoit. *
- La question des grèves, examinée à fond, laisse l’homme public en face d’un droit primordial et de l’impossibiiité matérielle du plein exercice de ce droit. Le législateur doit donc chercher à trouver une loi destinée à concilier les intérêts publics avec ceux des individus.
- Notre législation sur le travail, composée d’un fouillis de lois issues de tous les sophismes du passé et des nécessités relatives de civilisations disparues, dérive de cet axiome, que le travail est libre : affirmation abstraite, de laquelle on ne peut tirer des déductions pratiques, sans préparer un gâchis social, dont le présent nous donne uni faible idée relativement à ce qu’il sera dans quelques années, si l’on continue à suivre les mêmes errements.
- En sociologie comme en toute science d’application, il ne faut pas séparer la formule abstraite des possibilités de fait. La liberté de travailler pour celui qui n’a ni matières premières ni outils, ni capitaux, ne vaut pas mieux que la liberté de penser pour l’ignorant. Cette dernière affirmation est assez comprise à notre époque, puisque chaque jour on impose davantage l’obligation de l’instruction pour arriver à la Liberté de Penser. De même, il faut mettre à la portée des mains du travailleur les moyens de production pour lui procurer la liberté du travail.
- En fait, la plus grande partie des travailleurs n’est pas libre dans son travail, puisque la minorité possédante a la force publique à son service pour les empêcher de produire lorsqu’ils ne veulent pas accepter les conditions faites par elle.
- Ainsi se pose le problème de l’avenir.Entre le présent et ce qui doit être, il existe une différence profonde ; tellement considérable, que l’on ne peut prétendre pouvoir la supprimer tout d’un coup.
- C’est la méthode de transition qu’il faut appliquer et généraliser bien vite, parce que le temps presse. Cette méthode, basée sur la participation réelle des travailleurs aux bénéfices par la mutualité d’abord, a donné des résultats assez probants, qui ne permettent pas de douter de son efficacité.
- Nos législateurs n’ont pas le droit de reculer devant la question sociale que les grèves remettent sans cesse à l’ordre du jour de l’opinion publique.
- Si l’on persiste à ne pas s’en occuper, les conflits entre travailleurs et capitalistes nous conduiront à la grève organisée, et on ne sait à quel cataclysme celle-ci peut aboutir, lorsqu’on fient compte du tempérament français.
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- Souvent, dans les grèves partielles, même dans celles qui comptent à peine quelques centaines de grévistes, on constate des actes de désespoir comme ceux du Cateau, car il n’est pas admissible qu’une poignée d’hommes désarmés puisse se révolter de sang froid en présence d’une armée puissante et disciplinée.
- Le gouvernement ne doit pas attendre pour agir que des circonstances, malheureusement trop probables si l’on juge de l’avenir par le passé et le présent, le mette dans l’obligation d’intervenir, lorsque la haine et toutes les mauvaises passions auront groupés cent mille individus sans cesse aiguillonés par la faim.
- Les mineurs, toujours victimes des grèves partielles, paraissent vouloir s’organiser en vue de vaincre par la grève générale. Cette idée devait fatalement se présenter à leur esprit, à la suite des échecs des grèves partielles ; mais, actuellement, on peut dire qu’elle leur a été enseignée par les prédications des hommes publics et les conseils intéressés des économistes.
- Les premiers pour se débarrasser des réclamations incessantes de ces mécontents, qui ont toutes les raisons de l’être, les autres pour hâter un apaisement profitable aux intérêts qu’ils défendent, ont invariablement répondu aux travailleurs qu’ils devaient s’organiser, s’ils voulaient lutter avec avantage contre leurs exploiteurs, et tous se sont montrés les ardents défenseurs de ee qu’ils appellent la liberté de coalition, comme si cette liberté était possible de fait pour le travailleur en chômage.
- Il ne faut pas laisser aux ouvriers l’illusion de penser qu’ils peuvent retirer quelques avantages de la grève organisée ; car par une entente générale viendraientdls à faire une coalition politique de toute leur classe pour s’emparer des pouvoirs publics, ils ne pourraient tirer aucun avantage durable à cause de leur ignorance générale des conditions d’existence d’une Société basée sur la justice. L’œuvre de la régénération sociale a besoin du concours de toutes les capacités.
- Les mineurs seront vaincus dans une grève générale, comme ils Font été dans les grèves partielles. Les réserves et les approvisionnements des charbonnages français et étrangers sont trop considérables et les besoins des mineurs trop immédiats. Les mineurs seront domptés par la faim avant que ces réserves soient épuisées.
- Il est même probable que, dans pareil cas, la lutte serait terminée par l’intervention de la force armée, car il suffît que quelques hommes intéressés à cette
- intervention recrutent quelques agents provocateurs pour la rendre sinon nécessaire, au moins explicable.
- Les manifestations ouvrières doivent prendre un autre essor ; au lieu de chercher dans les grèves le remède aux souffrances des salariés, c’est l’institution elle-même du salariat qu’il faut viser.
- Au lieu de s’acharner après les patrons ; les travailleurs feraient mieux d’exercer une pression sur les hommes politiques, jusqu’à ce qu’ils les aient contraints à promulguer une constitution sociale reconnaissant à chacun le minimum de subsistance, organisant la mutualité nationale, et rendant obligatoire dans toutes les industries la participation des travailleurs aux bénéfices, d’après cette donnée qu’avant toute chose la production doit assurer l’existence des classes laborieuses et que le franc d’intérêt payé au capital ne doit pas avoir une part de bénéfice plus grande que le franc payé en salaire.
- Les économistes et tous les prêtres du laissez faire du capital protesteront au nom de la concurrence,feront sonner bien haut les mots de violation de la liberté individuelle. Nous les laisserons épuiser le catéchisme des Bastiat. On ne peut discuter avec des gens qui appellent mesures liberticides les lois protectrices de la vie humaine.
- APPEL AUX FEMMES
- Le comité exécutif de Y Association de la Grande-Bretagne et de VIrlande pour la Paix et VArbitrage international appelle l’attention des femmes de tous les pays et de toutes les classes de la société sur l’objet important de cette association, qui est :
- D attirer et d'influencer l'opinion publique en faveur de l'arbitrage au lieu du la guerre pour régler les différents entre les gouvernements.
- Nous donnons la partie de ce manifeste développant les moyens d’action proposés par cette association, avec laquelle nous sommes en complet accord, comme le prouve notre article sur le désarmement publié dans 3e précédent numéro du Devoir.
- Voici le texte publié par le comité anglais :
- « Cette Association désire remédier à ces maux par des mojœns pratiques. Elle adresse un appel aux hommes et aux femmes et elle les invite à s’organiser partout en Société qui auront leurs ramifications dans toute l’Europe et l’Amérique et qui se constitueront ensuite en une vaste fédération. Autant que possible, ces diverses Sociétés agiront avec ensemble en se prêtant un mutuel appui et en échangeant leurs idées et leurs renseignements. Lorsqu'une difficulté s'élèvera entre deux gouvernements, les Sociétés des deux nations respectives inviteront leurs délégués à se réunir et à étudier la question en litige, à se renseigner sur les faits, à redresser les rapports incorrets et les fausses appréciations du public, à faire enfin tous leurs efforts pour amener leurs .concitoyensà insister auprès de leur gouvernement pour qu'il soumette la question à un arbitrage.
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- « À cette œuvre, les femmes, aussi bien que les hommes, peuvent travailler. Partout, en Amérique et en Europe, elles peuvent organiser des brandies locales aux Sociétés en projet. Ces branches locales éclaireront l’esprit public au moyen de la littérature, de conférences, d’adresses, de sermons et de meetings.
- « Quand il s’élèvera une question internationale affectant le repos de deux peuples, les branches de la Société mère se réuniront aussitôt pour examiner la question en litige, émettre leur avis et le communiquer à leur gouvernement. Elles se mettront également en rapport avec la Société de la nation où la difficulté a pris naissance et avec le Comité fédéral des Sociétés réunies. Les membres des branches locales, les femmes surtout, s’efforceront d_e faire une recrue dans chaque maison en faveur de cette œuvre si essentiellement humanitaire. Les femmes, toutes puissantes par leur influence, tâcheront de l’exercer sur leuis maris, sur leurs frères, sur leurs fils ; elles élèveront leurs enfauts dans l’amour de la paix et des relations amicales entre les nations ; elles décourageront, par la parole et par l'exemple, partout et toujours, ce faux et fatal prestige du militarisme. Cette question intéresse particulièrement les femmes comme mères et comme épouses ; ce sont elles qui souffrent principalement de l’irruption abrutissante des forces ennemies. Leur perception plus intime de la puissance des influences humanitaires ieur donne aussi plus de compétence à comprendre cette grande vérité — que tout progrès a pour base l’amour de nos semblables, qui est la force régénératrice de la société. Elles sentiront qu’il y a là un devoir sacré à remplir : délivrer la terre de l’horrible fléau de la guerre !
- « Quant aux ressources financières pour la fondation des Sociétés, leur maintien et les frais de propagande ; les conférences, les publications, etc., offriront des ressources. Les femmes, douées de cette patiente persévérance, obtiendront toujours de l’argent pour les bonnes causes : leur volonté inébranlable et leur dévouement aux grandes idées leur feront vaincre les entraves.
- « C'est pourquoi nous appelons à nous la coopération des femmes ; nous leur demandons de nous communiquer leurs plans, de nous aider à mener à bien cette grande œuvre. Nous serons heureux de compter, parmi nos adhérents, des femmes de toutes les classes, de toutes les croyances, de tous les pays ; — de correspondre avec elles pour l’échange des idées ou pour donner des détails sur notre plan d’action. Nous leur demandons de nous aider à poser les bases d'une fédération puissante en faveur du progrès de l’humanité. Il dépendra de l’étendue que chaque femme ou chaque homme donnera à son champ d’action, soit au village ou à la ville, soit au salon ou dans la chaumière ou l’atelier pour l'avancement de cette grande cause et pour hâter l’époque de son triomphe II
- « Que chaque femme qui lira cet appel se demande : s’il lui est permis de se dispenser d’apporter sa pierre à la fondation de ce grand édifice du Temple de la Paix. «
- HODGSON PRATT, Président du Comité.
- C. C. MACRAE, Vice-Président.
- GEORGE BUCHANAN, Trésorier.
- W. PHILLIPS, Secrétaire honoraire.
- LEWIS APPLETON, Secrétaire.
- ADRESSE :
- Association internationale de la Grande-Bretagne et de l'Irlande pour la Paix et l’Arbitrage, 38, Parliament-street, London, S. W.
- P.-S. — Adresser toute communication à M. le Président du Comité exécutif.
- FORME D’ADHÉSION
- Ceux qui veulent se joindre à l’association sont priés de copier, de signer (avec leur adresse) et d’envoyer au susdit bureau la déclaration suivante:
- J’’adhère à VAssociation internationale pour la Paix et l'Arbitrage.
- Signature :
- Adresse :
- La Princesse Alice d’Angleterre et la perre
- Les journaux anglais, partisans de la paix et de l’arbitrage international, se préoccupent tous en ce moment des lettres de la défunte princesse Alice d’Angleterre, souveraine de Hesse Darmstadt.
- Cos lettres qui viennent d’être publiées font voir que la princesse Alice tenait la guerre en profonde horreur. La princesse organisa des sociétés de femmes pour venir en aide aux militaires blessés. Combien son action eut été plus efficace si elle se fût employée à la progande de l’idôa d’arbitrage pour régler les différends internationaux.
- On lit dans ses lettres que l’empereur d’Autriche était partisan de la paix et que le redoutable Guillaume de Prusse, lui-même, se montrait profondément affigé « qu’on pût le croire capable de rechercher volontairement la guerre.
- « Si de tels potentats, « ajoutent ces journaux, désirent réellement éviter les guerres et n’y arrivent pas, faute de pouvoir être assez impartiaux dans les faits où ils sont directement en cause, de quelle suprême importance serait l’institution d’un tribunal souverain entre les nations. »
- « Ii ne serait pas obligatoire qu’un tel tribunal eût par devers lui, pour soutenir ses décisions, une puissante armée ; car dans la plupart des cas, au moins, son influence purement morale suffirait ; cela est prouvé par ce fait que dans les 35 décisions arbitrales prises depuis le commencement du siècle, jamais une seule fois la force n’a été requise pour l’application des décisions.
- « Les conclusions impartiales du code et du tribunal institués par les nations sauvegarderaient absolument la dignité et l’honneur des gouvernements qui y auraient recours.
- « Puisse la publication des lettres de la princesse Alice contribuer à l’avènement de ce bienfaisant résultat. »
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- LA PARTICIPATION
- Un industriel, M. Bourdoux, a fait, ces jours derniers, une conférence sur la participation, qu’il a l’intention de pratiquer dans une fabrique qu*il a fondée
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- dans la Corrèze. M. Bardoux a préparé sa conférence par la circulaire suivante publiée dans le journal « les Syndicats ouvriers : »
- « Jusqu’à ce jour on ne s’est pas assez inquiété si chaque travailleur recevait, conformément aux règles de la justice, la part qui lui est légitimement due dans les profits que procure la coopération réciproque du capital, de l’intelligence et du travail, trois éléments indispensables au succès de toute entreprise.
- Il faut que le capital comprenne qu’il ne peut pas toujours accaparer tous les profits ; il faut aussi que les travailleurs se pénètrent bien qu’on ne peut pas augmenter indéfiniment les salaires. D’un côté, l’accumulation des profits en quelques mains, c'est la misère du plus grand nombre ; de l’autre, l’augmentation sans mesure des salaires, c’est la dispersion du travail au profit de l’étranger et la pauvreté pour tous.
- Le moment viendra certainement où, par l’association et l’épargne, les travailleurs arriveront graduellement à posséder le capital, mais si dès maintenant les patrons comprenaient qu’il est de leur intérêt de faire participer leur personnel aux bénéfices, dans la proportion des salaires gagnés par chacun, l’antagonisme entre l’employeur et l’employé ne tarderait pas b disparaître et l’union si désirable entre le capital et le travail serait bien vite faite.
- Nous avons la conviction que toute entreprise industrielle ou commerciale qui ne s’appuiera pas sur ces principes de justice est fatalement condamnée à périr tôt ou tard.
- Si nous voulons voir disparaître les grèves, cette plaie sociale qui fait encore plus de mal à l’ouvrier qu’au patron, il faut faire participer le travailleur aux bénéfices de l’entreprise, ce n'est peut être pas le remède souverain contre tous les maux dont souffre l’humanité, mais c’est au moins un progrès dont la réalisation est possible partout.
- C’est ce que nous nous proposons de faire dans la Société que nous constituons, pénétrés que nous sommes qu’avec les réformes que nous comptons opérer du côté de l’outillage et de la suppression des intermédiaires, ce sera la meilleure arme pour combattre l’Angleterre et l’Allemagne sur le terrain industriel et commercial, car ces deux pays passeront à leur tour par la crise économique que nous traversons.
- Voici comment nous comptons pratiquer la participation aux bénéfices :
- La somme des salaires étant payée d’une part, et d’autre part le salaire du capital à raison de 5 0/0 l’étant aussi, le surplus qui forme le bénéfice net est partagé comme suit : j
- 50 0/0 aux actions,2 0/0 à la gérance et 25 0/0 aux I employés et ouvriers. » I
- J. Bourdoux, j
- Manufacturier, 12, rue Saint-Fiacre, j ex-président de la Mutualité I commerciale.
- Félicitons d’abord M. Bourdoux d’avoir livré son projet à la publicité : c’était nous reconnaître le droit d’en parler à notre aise. Nous en dirons tout le bien que mérite une entrepriseprogressiste,sans nous croire obligé de taire le mieux que nous croyons possible et immédiatement applicable.
- La lettre de M. Bourdoux contient des affirmations socialistes très-justes ; nous en relevons une seule, la plus importante, puisqu’elle prouve que M. Bourdoux a conscience du but à atteindre par les classes laborieuses.
- M. Bourdoux prévoit que les travailleurs arriveront graduellement à posséder le capital. Cet aveu est toujours bon à noter de la part d’un manufacturier, surtout quand il se produit en plein quartier du Sentier, le centre du mercantilisme.
- Les moyens pratiques de participation nous semblent sans proportion avec un si lumineux exposé; ils pèchent d’abord par l’absence des garanties de l’existence, première réforme nécessaire aux ouvriers.
- M. Bourdoux donnera 50 0/0 du bénéfice net aux actionnaires, 25 0/0 à la gérance, et 25 0/0 aux employés et ouvriers.
- Les 25 0/0 accordés à la gérance n’ont rien d’excessif, on ne peut nier dans notre milieu de folle concurrence, le rôle prépondérant des capacités directrices et administratives. Nulle part, comme à Paris, cette vérité se montre avec autant d’évidence.
- Fréquemment, on voit dans la même rue, des entreprises similaires, également pourvues en capitaux, prenant leurs matières premières aux mêmes sources, recrutant leur personnel dans le même milieu, écoulant leurs produits sur les mêmes marchés, jouir d’une situation bien différente ; les unes prospèrent, tandis que les autres périclitent. Il est évident que cette différence provient du seul facteur qui ne soit pas commun à toutes, soit la capacité directrice.
- Il y a donc avantage pour les entreprises sérieuses à reconnaître à la gérance une part de bénéfice proportionnée à l’importance de ses services.
- Donner un quart des bénéfices aux employés et aux ouvriers d’une industrie n’est pas chose commune, lorsque ces travailleurs sont déjà payés aux cours maximum de la main-d’œuvre dans la localité où est placée cette industrie, car il est évident que M. Bourdoux n’emploiera pas un personnel recruté au rabais.
- De quelle façon seront donnés ces 25 0/0 aux tra-travailleurs ? On peut les répartir également entre tous les employés, ou les distribuer à chacun au prorata de ses salaires,ou bien les destiner à des ins-titutionsde mutualité gérées parles employés et à leur profit, en vue d’assurer à tous le confortable dans le logement, le minimum de subsistance aux familles les plus nécessiteuses, des pensions de retraite aux vieillards et aux victimes d’accidents, et le nécessaire aux malades ; il y a encore un quatrième moyen qui
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- consiste à rembourser aux capitalistes, à la fin de chaque exercice une somme égale au total des bénéfices revenant au travail, et de reconnaître à chaque travailleur, dans un compte d'épargne ouvert à son nom, une part de propriété équivalente à sa participation aux bénéfices.
- La distribution individuelle faite au travailleur à la fin de chaque exercice n’atteindra pas le but social que semble poursuivre M. Bourdoux. La part de chacun sera trop minime pour exciter le bénéficiaire à en chercher un placement sérieux, et combien sont rares les travailleurs qui sauront en tirer un parti avantageux ; car, il ne faut pas perdre de vue que l’on agit dans un milieu sans éducation économique.
- Cette participation du travail rendra ses effets maœima, si on constitue par elle une épargne collective destinée à pourvoir les services de mutualité. Réduite à 25 0/0, elle ne dépassera pas les besoins de ces institutions ; il arrivera même pendant les périodes de crise commerciale qu’elle sera insuffisante. Pour faire œuvre sérieuse, il y aurait lieu de porter chaque année aux frais généraux un prélèvement fixe, destiné à parer aux insuffisances des bénéfices, afin de conserver dans tous les cas les avantages des institutions de mutualité.
- Un pareil emploi des parts de bénéfice réservées aux travailleurs est certainement préférable à tous les autres, lorsqu’on ne veut pas fixer cette participation à un taux supérieur à 25 0/0. Ces institutions solidarisent un certain nombre d’hommes, les soulagent dans les mauvais jours, et les habituent aux pratiques administratives; car, il est bien entendu que, dans un groupement inspiré par les principes socialistes, la gérance, par d’autres que les intéressés n’est pas admissible.
- Mais une fondation véritablement socialiste doit tendre en même temps à mettre progressivement les travailleurs en possession du capital. Dans ce cas il faut d’abord accorder au travail un taux de participation assez élevé pour pourvoir les institutions de mutualité garanties en outre par les frais généraux, comme nous venons de le dire plus haut, et pour permettre de constituer pendant les années prospères une épargne destinée à rembourser le capital de commandite.
- Après le prélèvement de 25 0/0 accordé à la gérance, il reste à répartir 75 0/0 entre le capital et le travail.
- Pour résoudre Î8 problème, il ne faut pas dire le capital aura 10, 15, 20, 30, 50 0/0 du bénéfice. II vaut mieux poser en principe que le capital et le travail doivent avoir chacun une part de bénéfice proportionnée à leur concours. La sociologie est assez
- avancée pour résoudre scientifiquement la question.
- Dans la production, le concours du travail et du capital peuvent se mesurer avec autant de précision que les forces employées en mécanique.
- L’unité de mesure est le franc.
- Le travail et le capital sont deux salariés ; les salaires ou les intérêts du capital sont payés en francs, comme les salaires du travail. On peut donc dire scientifiquement que le concours du travail est deux fois, trois fois, quatre fois, dix fois, cinquante fois plus grand que le concours du capital, lorsque le total des salaires payés pendant un exercice industriel est deux fois, quatre fois, dix fois, cinquante fois plus grand que le total des intérêts du capital pendant ce même exercice, et inversement.
- Cette loi, formulée par M. Godin, a été appliquée par lui dans l’association du Familistère.
- Lorsque la participation a été établie d’après ses véritables règles, il y a lieu de déterminer quelle part des bénéfices reconnue au travail doit revenir aux institutions de mutualité et quelle autre doit être convertie en titres de propriété de l’industrie. Cette proportion sera variable suivant le taux moyen des bénéfices et suivant maintes autres circonstances appréciables seulement dans chaque- cas particulier.
- Le quantum d’épargne attribué à chaque participant doit être lui-même proportionnel au concours de chacun. Ce concours s’évalue comme précédemment d’après le chiffre des salaires de chaque travailleur.
- Dans la pratique, pendant l’époque de transition, lorsqu’il faut recruter le personnel dans une population peu développée, rongée par tous les vices inhérents au paupérisme, on ne peut fructueusement accorder les mêmes avantages à tous les travailleurs; on est contraint de les diviser en un certain nombre de catégories donnant chacune à leurs membres des avantages particuliers dans la répartition individuelle; mais cela ne modifie pas le total du prélèvement en faveur du travail.
- Les 1,600 travailleurs du Familistère de Guise sont divisés en associés, sociétaires, participants, auxiliaires et intéressés. Chacune de ces catégories a des obligations statutaires spéciales.
- Ces réflexions, provoquées par la publication de la lettre de M. Bourdoux, n’ont pas été écrites avec la volonté de critiquer un projet véritablement progressiste, que nous ne voulons pas diminuer dans l’opinion publique.
- Nous faisons en économie sociale, ce que l’on fait ailleurs en politique, nous intervenons avec nos théories et avec la force que nous donne la fondation de Guise, chaque fois que l’on met à l’ordre du jour
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- de l'opinion publique une partie quelconque de notre programme.
- On lit dans The arbitrator, de Londres :
- Si vous voulez la paix tenez vous prêts à la guerre
- « Je repousse la maxime si généralement adoptée: « Si vous voulez la paioc tenez-vous prêts à la guerre ». Elle a pu s’adresser avec justesse aux nations antiques, aux sociétés relativement barbares et peu civilisées, où les préparatifs belliqueux coûtaient peu ; mais dans nos sociétés actuelles où les préparatifs de guerre des grandes puissances entraînent des frais énormes, je dis que, bien loin d’offrir aucune garantie de paix, ces préparatifs tendent, au contraire, à la guerre ; car il est naturel que les hommes,après avoir adopté les moyens jugés les plus efficaces pour un but donné, désirent mettre cette efficacité à l’épreuve et recueillir quelque résultat direct de leurs travaux et de leurs dépenses. »
- Comte d’Aberdeen.
- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- Elections* municipales. — La prolongation des mandats municipaux n’a pas été acceptée par quelques rares conseillers qui ont donné leur démission pour protester contre les procédés des parlementaires.
- A Paris,le groupe bruyant de fautonomie communale a manœuvré d’une façon comique pour se donner l’apparence de sauver le principe de la souveraineté du suffrage universel, et pour conserver en réalité un mandat expiré.
- Cette prolongation de mandat devrait permettre aux conseillers parisiens de discuter et de voter un projet de M. Grimaud, projet très-progressiste, très-républicain qui tend à procurer à la ville des ressources considérables sans recourir à l’emprunt.
- Nous donnerons et nous apprécierons, dans nos prochains numéros la proposition de M. Grimaud, sur laquelle le Conseil municipal a sournoisement évité de se prononcer.
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- Une proposition républicaine. — Nous trouvons parmi les pétitions sur lesquelles les commissions proposent des résolutions spéciales un document particulièrement intéressant.
- M. Frédéric Passy a déposé une pétition demandant l’établissement d’un tribunal arbitral chargé de juger souverainement les contestations internationales.
- La onzième commission (M. Gaillard, député de Tau-cluse, rapporteur), après avoir rappelé que sept parlements étrangers ont voté dés résolutions tendant à substituer à la guerre l’arbitrage international, conclut en priant le ministre des affaires étrangères de saisir la Chambre d’un projet de résolution s’inspirant de l’idée ci-après :
- « La Chambre considérant que tous les peuples ont intérêt à ce que les conflits internationaux soient résolus par voie d’arbitrage.
- » Autorise le gouvernement, quand l’occasion utile se présentera, à couvrir les gouvernements des Etats civilisés à travailler de concert à la codification des lois internationales et à l’établissement d’un système permanent d’arbitrage International. »
- Dans* la. capitale de la civilisation. —
- Depuis quinze jours, trois femmes sont mortes de faim, à Paris,en pleine rue.
- L’une, pauvre vieille de soixante-sept ans, qui n’avait, paraît-il, pas mangé depuis deux jours, s’est affaissée sur un trottoir : elle était morte.
- Une jeune fille de dix-huit ans a été trouvée morte sur un banc. Elle avait, disait-elle, dans une lettre, vainement cherché de l’ouvrage. En faisant son autopsie, on constata qu’elle n’avait pas mangé depuis quatre jours.
- Enfin, une femme de quarante-cinq ans est tombée morte de faim en sortant du Mont-de-Piété, où elle était allé offrir un chiffon sur lequel on n’avait pu prêter.
- *
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- Emancipation des femme». — Mlle Victoire de Ghirée, fille d’un ancien avocat général au parquet de Lyon, vient de passer avec succès son examen devant la faculté de médecine.
- Dans le concours pour l’internat des hôpitaux de Paris, trois jeunes femmes figurent parmi les élus. Mme Warrante, avec le numéro 6 sur 254 nominations ; J/11® Mathieu, dite Dubois, avec le numéro S7, et enfin Müe Chopin, avec le numéro 142.
- Une jeune Américaine, Mistress Laura 'Wihte, a été reçue à l’école spéciale d’architecture, dirigée par M. Trélat.
- M11® Hubertine Auclert, s’étant présentée à la porte du Tivoli, a été évincée par la commission. Elle adresse, à ce propos, la lettre suivante aux journaux :
- Paris, le 23 décembre 1883, Monsieur le rédacteur,
- Sachant que MM. Lefèvre, Fiaux et Dujarrier, députés et conseillers municipaux de mon arrondissement, devaient aujourd’hui rendre compte de leur mandat, je me suis rendue salle du Tivoli-Vauxhall, où devait avoir lieu la réunion.
- J’espérais pouvoir, en ma qualité de contribuable et de personne comprise dans le nombre des habitants nécessaires pour former les circonscriptions municipales et politiques, demander à MM. Lefèvre, Fiaux et Dujarrier, qui ont proclamé dans leur programme « le droit civil des femmes » et « la nécessité de leur préparation au droit politique », ce qu’ils avaient fait jusqu’ici pour changer la condition des femmes ; mais j'ai été brutalement empêchée de pénétrer dans la salle de réunion.
- N’esl-ce pas honteux que nous, femmes républicaines et libres-penseuses, nous soyons repoussées des réunions électorales ? Si nous nous présentions dans les églises, MM. les curés seraient plus polis avec nous que ne le sont les républicains socialistes.
- Veuillez recevoir, monsieur le rédacteur, mes salutations empressées.
- Hubertine Auclert, Directrice de la Citoyenne.
- Mademoiselle Auclerc fait une regrettable confusion ; elle a eu affaire en çette circonstance à des républicains radicaux, et non à des républicains socialistes.
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- Les honneurs militaires.— Le ministre de la guerre vient d’adresser aux gouverneurs militaires et aux généraux commandant les corps d’armée une circulaire relative aux honneurs à rendre par les troupes pendant les services religieux. On devra se conformer aux dispositions suivantes :
- 1° Des escortes seront fournies (pour les corps qui en demanderont), conformément à l’article 302 du décret du 23 octobre 1883. Ces escortes resteront en dehors des édifices du culte jusqu'à la fin de la cérémonie, si elles doivent accompagner au retour les corps dont il s’agit ; dans le cas contraire, elles rentreront dans leurs casernes ou quartiers dès que les corps seront entrés dans l’édifice du culte ;
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- 2° Aucune fraction de troupe (musique ou piquet) ne sera de service dans l’intérieur de l’éditice;
- 3° Les autorités militaires seront simplement avisées, sans convocation, que des places leur*sont réservées, pour la cérémonie, dans l’intérieur de l’édifice.
- Ces dispositions sont indépendantes des mesures d’ordre qu’il peut être utile de prendre à l’extérieur.
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- L’Industrie IVatioiiale. —La société d’encouragement de l’industrie nationale vient de faire publier la liste suivante des concours ouverts pour l’année 1884.
- Grande médaille a l'effigie de Prony pour la section des arts mécaniques.
- Prix Fourcade pour les ouvriers des fabriques de produits chimiques, ayant le plus grand nombre d’années consécutives dans la même maison.
- Prix de 1,000 fr. pour un petit moteur destiné à un atelier de famille.
- Prix de 2,000 fr. pour le peignage des cotons ordinaires et autres filaments courts préparés jusqu’à ce jour par le cardage.
- Prix de 1,000 à 3,000 fr. pour les instruments de topographie automatiques.
- Prix de 2,000 fr. pour la meilleure machine à tailler les outils de diverses dimensions désignés sous le nom de fraises.
- Prix de 2,000 fr. pour l’application industrielle de l’eau oxygénée.
- Prix de 2,000 fr. pour la préparation économique de l’ozone et pour ses applications.
- Prix de 1,000 fr. pour rutilisation des résidus de fabrique.
- Prix de 1,000 fr. pour une application utile des métaux nouvellement découverts (magnésium, calcium, baryum, strontium, thallium, etc.).
- Prix de 1,000 fr. pour la découverte d'un nouvel alliage utile aux arts.
- Prix de 4,000 fr. pour la découverte de procédés capables de fournir des transformations chimiques quelconques des matières organiques utiles, telles que la quinine, le sucre de canne, etc.
- Prix de 3,000 fr. pour la fabrication courante d’un acier ou fer fondu doué de propriétés spéciales utiles par l’incorporation d’un métal étranger.
- Prix de 2,000 fr. pour la découverte et la mise en œuvre d’un procédé pour l’utilisation du tannin contenu dans les écorces et autres matières non encore employées par les tanneries.
- Prix de 1,000 fr. pour l’application industrielle de l’endosmese du gaz.
- Prix de 2,000 fr. pour un procédé assurant la désinfection permanente des fosses d’aisances, avec conservation absolue des engrais.
- Prix de 1,000 fr. pour une application nouvelle de l’analyse spectrale dans l’industrie.
- Prix de 2,000 fr. pour la meilleure étude sur l’agriculture et l’économie rurale d’nne province ou d’un département.
- Prix de 2,000 fr. pour la découverte d’un moyen facile et expéditif de reconnaître les falsifications du beurre.
- Prix de 3;000 fr. pour la découverte de procédés perfectionnés de transmission à distance de la force motrice à des machines agricoles.
- Trois prix de 3,000 fr. chacun en faveur :
- 1* De celui qui aura fait connaître un ou plusieurs ennemis du phylloxéra appartenant au règne animal ou au règne végétal et susceptible comme lui d’une reproduction à l’infini ;
- 2° De celui qui aura trouvé un moyen pratique de détruire l'œuf d’hiver du phylloxéra.
- 3® De celui qui aura mis à la disposition de la viticulture les engins les plus propres et les plus économiques afin de combattre le fléau.
- Prix de 2,000 fr. pour la découverte d’un moyen de détruire le peronospora de la vigne, champignon parasite d’origine américaine, qui, en 1882, a causée de grands | dommages dans beaucoup de nos vignobles.
- Un prix de 1,000 fr. sera également attribué à celui qui 1
- aura trouvé le moyen de détruire le peronospora de la pomme de terre.
- Nous rappellerons aux personnes désireuses de prendre part à ces concours, que le siège de la Société d’encouragement est situé 44, rue de Rennes.
- Les chiffonniers parisiens. — Une récente ordonnance du préfet de Police interdisant de vider les ordures sur la voie publique a causé une vive émotion dans le monde des chiffonniers. Dans une lettre adressée aux journaux, ceux du dix-huitième arrondissement se plaignent vivement de l’impossibilité qui en résulte pour eux de gagner leur vie. M. le préfet n’iguore pas, disent-ils. que, comme tout citoyen, le chiffonnier paie son impôt. Il a également un loyer qui varie de 150 à 200 fr. et c’est énorme pour quelqu’un qui a beaucoup de peine à gagner de 2 à 3 fr. par jour.
- Dans une Société coordonnée, une semblable mesure aurait supprimé de nombreux inconvénients, en même temps elle aurait libéré d’un travail dégoûtant un grand nombre de citoyens, qui seraient venus soulager les travailleurs des autres professions ou bien augmenter la production générale. Dans notre monde anarchique, on ne peut bénéficier du dernier avantage, et pour obtenir le premier il faut aggraver la misère de gens déjà trop malheureux.
- Les ouvriers étrangers. — On mande d’Au-tun, 30 décembre :
- « MM. Schneider et G® ont pris une mesure qui a fait grand plaisir à ia population creusotine. C’est la suppression aux étrangers de tout emploi ou travail ; cela permettra d’occuper les ouvriers du pays. On reconnaîtra que cette réforme est sérieuse, quand l’on saura que. dans la seule ville du Greusot, Ton compte plus de 1,500 Italiens, une centaine d’Anglais et sujets Suisses ou Allemands. »
- Après plusieurs atRres grandes administrations, la Compagnie des chemins de fer du Nord vient de prendre une décision semblable. Emue de la quantité d’ouvriers de nationalité étrangère, et particulièrement de sujets allemands, qui se sont introduits pendant ces dernières années dans ses ateliers et dans le service de la voie, la Compagnie du Nord a décidé d’éliminer de ce dernier service tout employé qui ne justifiera point de sa qualité de Français. Ce n’est là qu’un premier pas, et nous ne doutons’pas que la décisiou qui n’est encore prise qu’à l’égard du service de la voie ne soitappliquée avant peu aux ateliers et en général à tous les services.
- Messieurs Schneider et Ge et les autres grandes administrations refusent-ils les actionnaires étrangers ? Pour être logiques, ils devraient renoncer à recevoir les capitaux étrangers et à transporter les marchandises confiées à la frontière.
- A Lille, sept conseillers municipaux embrigadés par un officier d’Académie ont prié le maire, M. Gery Legrand, de prendre l’arrêté suivant :
- « Considérant que notre ville est infestée de sujets allemands pour la plupart espions prussiens ;
- Considérant surtout que ces individus sont de nature, par la mission qu’ils ont reçue de leur gouvernement, à jeter la perturbation dans notre région industrielle, car beaucoup d’entre eux, nous dit-on, occupent des emplois dans d’importantes maisons ou font une sorte de concurrence déloyale à domicile avec les produits de leur pays.
- Arrêtons :
- Tous les étrangers devront dans la huitaine, à partir de la date du présent arrêté, donner leurs noms, leur nationalité, et produire leur acte de naissance du bureau de l’Eiat-civil.
- Les Allemands seuls seront placés sous la surveillance la plus active de notre police et ceux qui enfreindraient cet arrêté seront expulsés sur le champ. »
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- Cette proposition permet de juger de l’état mental de la plupart des adeptes de la politique coloniale, appelée dans les hautes sphères gouvernementales la politique d'expansion. Ils poussent à la guerre contre la Chine, sous prétexte d’ouvrir ce vaste empire aux Européens ; et, chez eux, ils prêcheront bientôt le massacre des étrangers. On ne saurait être plus chinois que les mandarins de Lille.
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- Los livrets d’ouvriers. — Enfin, un vote du Sénat vient de régler rationnellement et définitivement la question du livret des ouvriers. On devra désormais se conformer aux dispositions suivantes :
- Article premier. — Sont abrogés: la loi du 22 juin 1854, le décret du 30 avril 1855, la loi du 14 mai 1851, l’article 12 du décret du 14 février 1852 sur les obligations des travailleurs aux colonies, et toutes autres dispositions de lois ou décrets relatifs aux livrets d’ouvriers.
- Art. II. — Le contrat de louage d’ouvrage entre les chefs ou directeurs d'établissements industriels et leurs ouvriers, est soumis aux règles du droit commun, et peut être constaté dans les formes qu’il convient aux parties contractantes d’adopter.
- Art. III. — Tout ouvrier de l’un ou de l’autre sexe, qui jugera utile à ses intérêts d’être nanti d’un livret, le demandera au maire de le commune de son domicile, qui sera tenu de le lui délivrer.
- Ce livret, exempt de timbre et d’enregistrement, ne contiendra que les noms, prénoms, domicile, lieu de naissance et profession du titulaire.
- Art. IV. — Tout chef ou directeur d’un établissement industriel ou d’un atelier sera tenu, si l’ouvrier qui aura travaillé chez lui et qui cessera d’y être employé le demande, de constater, soit dans ce livret, soit dans un certificat ou carnet, la date de l’entrée et de la sortie de cet ouvrier, sans autre constatation.
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- Les ouvriers sæuis travail. — Plusieurs chambres syndicales de Paris ont communiqué aux journaux un appel invitant les ouvriers sans travail à assister à un meeting devant avoir lieu, dimanche 13 janvier, à la salle Lé vis.
- Nous détachons de cette pièce l’aliéna suivant qui précise la signification de cette manifestation.
- « Pour avoir le droit de faire entendre nos revendications, nous devons nous incliner devant la loi et faire notre meeting dans un endroit clos ; mais nous pouvons dire hautement à ceux qui nient l'importance de la crise que le Ghamp-de-Mars serait insuffisant pour réunir tous nos frères sans travail. Venons en grand nombre infliger un démenti formel à ceite assertion : répondre à notre appel, c’est affirmer le droit à la vie, le droit au travail. »
- Proclamer le droit à la vie, demander que le premier article de la constitution sociale contienne l’affirmation de ce droit et impose aux pouvoirs publics d’organiser les institutions devant le sauvegarder dans tous les cas, c’est bien là le but du socialisme. C’est en même temps la réponse du travail aux politiciens qui vont partout prêchant la nécessité de réviser la Constitution sans vouloir déclarer en quel sens doit être faite cette révision.
- * *
- Les grève». - Une partie des ouvriers du Cateau ont repris le travail, après avoir accepté un rabais d’un cinquième des salaires. Au début delà grève MM. Lem-pereur et Ghantreuil avaienl imposé une réduction de 29 0/0. Six des grévistes ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Cambrai de six à quarante jours d’emprisonnement et à onze francs d’amende pour entrave à la liberté du travail.
- A Marseille, la grève des chauffeurs continue. Quatre grévistes, traduits devant le tribunal maritime, ont été condamnés à six jours de prisou et à six et trois mois de service à bord des navires de l’Etat. Onze autres ont été acquittés.
- A Gonsobre près Maubeuge, M. Froment, directeur d'une impur tante fabrique de socles de pendules en marbre, a prévenu ses ouvr ers qu’il n’emploirait plus de marbriers faisant partie de la chambre syndicale.
- Sur le refus de ceux-ci de donner leur démission, M. Froment vient de fermer ses ateliers, où il occupait 150 ouvriers, qui ont repris leurs livrets.
- Yoilà un cas flagrant d’entrave à. la liberté du travail et à la liberté des citoyens. M. Froment ne sera pas inquiété par les tribunaux correctionnels.
- Pourquoi, les tribunaux interviendraient-ils, lorsque les ouvriers ont un moyen si facile d’avoir raison de tous les Froment de France et de Navarre. S’ils appartenaient tous à des Chambres syndicales, un seul patron n’oserait élever la voix contre ces institutions si nécessaires.
- A Fournies, les ouvriers tisseurs et métallurgistes sont l'objet des mêmes persécutions.
- Une partie des cochers de Paris, ceux de la Compagnie h'Urbaine, est en grève. Le manque d’organisation préalable et de fonds ne permet guère d’espérer que les cochers sortent satisfaits de cette lutte.
- ANGLETERRE
- M. Bradlaugh, qui a été expulsé de la Chambre des communes pour avoir refusé le serment, se présente à nouveau aux suffrages des électeurs de Norlhamplon. Dans sa profession de foi, l’honorable candidat fait remarquer que, s’il a contre lui le pape, les jésuites, le groupe papal, et les personnes inféodées à la religion d’Etat, il a pour lui le peuple. Il insiste d’ailleurs sur ce fait que sir Stafford Northcote lui-même a reconnu la légalité de son admission à la Chambre.
- Une importante démonstration nationaliste a eu lieu à Clonrnel. Un cortège fermé d’hommes à chevai, de citoyens portant des bannières, et d’un certaiu nombre de voitures où se trouvaient le maire, MM. Davitt, Sullivan, Seamy et Mayre, s’est organisé en un meeting qui a réuni plus ne 20.000 personnes. Le maire présidait. Le meeting a réclamé l’indépendance législative de l’Irlande. Grand déploiement de police et de groupe.
- L’Angleterre ayant beaucoup à perdre en Irlande et rien à prendre au SoudaD, vient de déclarer qu’elle n’étendait pas jusqu’à cette province son protectorat en Egypte.
- De là, grande colère des ministres du Khédive et démission de ses ministres.
- ESPAGNE
- Les républicains progressistes ont organisé un banquet en l’honneur de Ruiz Zorrilla, le promoteur de l’union de tuutes les Duances du parti républicain. Des toasts ont été portés à Zorill», Salmeron, Labra et autres chefs du parti républicain. Un télégramme de félicitation a été envoyé à Genève.
- *
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- M. Lockroy, avec sa verve habituelle, vient d’écrire dans le Rappel quelques appréciations sur la situation intérieure de l'Espagne. Le malin écrivain du Rappel a peut être pensé qu’en parlant de l’Espagne, le gouvernement,les députés et le public français comprendraient mieux 1a leçon ; car, M. Lockroy sait aussi bien que personne que « les Turrons» espagnols n’ont rien à envier aux < Turrons .< français, algériens, Sénégalais et Tonkinois .
- M. Lockroy fait parler M. Silvela, ancien membre du gouvernement du roi Alphonse :
- « M. Silvela part de ce point de vue que, grâce au favoritisme et â la corruption électorale, il y a toujours en Espagne une différence profonde entre la loi et le fait. La loi est souvent excellente, mais elle n’est pas appliquée. C’est l’histoire de la jument de Roland qui avait
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- toutes les qualités, mais qui était morte. Nous avons, dit, M. Silvela, la loi la plus complète du monde sur la construction. Voici comment on l’applique. Un député demande-t-il une route ? — et tous les députés doivent en demander, — il ne manque jamais de trouver sept amis pour faire un rapport favorable et, sans autre forme de procès, on la déclare d’utilité publique. Le dossier va au Sénat — suffisamment recommandé — on l'approuve. On le présente enfin à la sanction royale, qui s’obtient toujours.
- « Mais le projet de route n’a point été étudié ; il n’a pas eu pour but l’utilité publique, mais bien les intérêts des députés. La route évite les grands centres de production. Elle conduit seulement aux maisons habitées par les électeurs influents. Et, dût-elle être construite pour mettre eu rapport les différentes communes d’une province, au lieu de suivre les vallées fertiles où elle pourrait être utile, elle grimpe sur les montagnes, à travers les pierres et les roches, pour peu qu’un électeur influent, « un cacique, » demeure par là.
- « Dans les adjudications, on s’arrange pour donner des tronçons de route à construire aux individus dévoués au pouvoir, et que pour une raison ou pour une autre on désire récompenser. S’est-on vu forcé de leur refuser une place qu’ils ambitionnaient ? On fait en sorte que la construction soit plus productive, l’entreprise plus lucrative. Ces sortes d’arrangements sont si fréquents qu’ils portent un nom dans la langue administrative et parlementaire ; on les appelle : « un Turroa. » La roule entière n’est jamais mise en adjudication ; d’ailleurs, pour peu qu'elle soit un peu longue, le ministre sait d'avance qu’elle ne serait jamais construite, et il aime mieux la distribuer en tronçons, afin de pourvoir selon les circonstances â ses besoins politiques ou électoraux.
- « M. Silvela voyageait un jour de Malaga à Cadix, à cheval. Pendant un long parcours, raconte-t-il, il ne trouva ni route, ni chemins vicinaux, si bien qu’il fut obligé de suivre le bord de la mer pour ne pas se perdre. Tout-à-coup, au milieu de cette solitude ou plutôt de ce désert, il aperçoit un pont, magnifiquement bâti, et de construction récente, qui traversait un fleuve imaginaire, représenté seulement par des cailloux,
- « Silvela, surpris, demanda à son guide : — Quel est ce pont ? — C’est le pont de la route de Malaga à Cadix. —Mais où est la route?— La route n’existe pas,monsieur, et probablement ne s’achèvera point. Elle a ôté déclarée d’utilité publique alors que M.... était député. Le pont seul fut mis eu adjudication et on l’a donné à un constructeur ami du pouvoir. C’est pourquoi il joindra toujours, sans jamais servir à personne, les deux bords d’une rivière qu’on traverse à pied.
- « Plus loin, M. Silvela rencontre une maison. — Qu’est-ce que cette maison ? — Une maison de cantonniers, monsieur. — Mais s’il n’y a pas de route, comment peut-il y avoir des cantonniers ? — Aussi n’y en a-t-il pas, monsieur. C’est l’ingénieur qui, trouvant l’endroit frais et agréable, vient passer ici l’été avec sa famille. »
- ITALIE
- L’avenir est & la. démocratie
- On lit dans le Secolo :
- Milan, 5-6 janvier.
- La politique de Bismarck s’impose, incontestée, en Europe.
- Les princes s’étreignent dans une ligue de mutuelle assurance contre les peuples, et beaucoup appellent cela : « Assurer la paix ».
- C’est un étrange abus des mots, mais ce n’est pas la première fois qu’on leur fait dire le contraire de ce qu’ils doivent signifier.
- Il est certain que le traité actuellement scellé est un péril pour la démocratie ou du moins une menace ; et qu’il est plus que jamais nécessaire d’ouvrir les yeux sur la situation présente, sur les desseins et les forces de l’ennemi, et sur le plan suivi depuis des années et déjà souvent signalé.
- Si l’on suit pas à pas la politique révélée ouvertement par l’accord des empereurs d’Allemagne et d’Autriche, auquel ont accédé les rois d’Espagne et d’Italie, on voit, une à une, les ruses par lesquelles on a cherché à diviser les peuples pour mieux faire régner les rois.
- Dans l’entreprise tunisienne, conseillée et facilitée, qui ne volt préparer l’obtacle à l’union intime entre la France et l’Italie et jeter la pomme de discorde de peuple à peuple?
- Dans les alliances conclues entre gouvernants et gouvernants, alliances qui répugnent à l’histoire et à la conscience des peuples, qui ne voit combien les deux causes sont distinctes et comment le vieux droit dynastique s’apprête à combattre le droit nouveau — nouveau parce qu’il était méconnu — le droit populaire?
- Eh bien, à cette ligue il est temps d’en opposer une autre, celle de la démocratie ; ligue pacifique, mais active et militante, qui répandra la lumière en répandant les idées, qui enseignera aux peuples leurs destinées et leur dira qu’en leur fraternité môme est contenue l’inexorable condamnation du vieux droit ; que de leur fraternité surgira l’aube d’un grand avenir, l’affirmation de l’Europe démocratique et fédérée.
- Rêves d’esprit enflammé, vœux stériles 1 dira-t-on ; mais la science humaine n’est point acquise en un jour. Ce qui aujourd’hui parait un vœu, un songe, deviendra une réalité avec le temps que suit la justice.
- L’auxiliaire de cette grande cause c’est le progrès scientifique incessant, c’est la lumière qui montre les erreurs des dogmes de la veille, c’est la voix de la conscience universelle qui réprouve la force et invoque le droit.
- ALLEMAGNE
- Ou lit dans le journal Le Temps :
- La Gazette de l'Allemagne du Nord rendant compte, en tête de ses colonnes, de la fête où a été célébré, à Berlin, le cinquantième anniversaire de la constitution de l’Union douanière allemande, s’exprime en ces termes sur cette date historique ; « Le demi-siècle écoulé a vu s’accomplir des événements d’une portée bien plus considérable, qui ont fait passer au second plan la création du Zollverein ; mais ce fait, aujourd’hui demi séculaire, n’en reste pas moins un monument des efforts, du travail et des tendances de l'Allemagne, digne d'être rappelé et célébré. » La convention diplomatique qui confondit les frontières douanières de la Prusse, de la Saxe, de la Bavière, du Wurtemberg et des deux Hes-ses, a été, en effet, le premier pas de l’Allemagne vers son unité économique et administrative, et a, en môme temps, marqué les débuts du rôle que la Prusse s’était assigné dans cette œuvre d’unification. Nous avons peine à nous figurer l’état de l’Allemagne, il y a cinquante ans, alors que les quarante Etats que les congrès de Lunéville et de Vienne avaient laissé subsister, des trois ou quatre cents souverainetés ecclésiastiques et laïques de l’ancien Saint-Empire, avaient chacune leur législation économique, leurs tarifs particuliers, leurs frontières douanières formant autant d'entraves à chaque pas. Qu’on imagine, par exemple, les conditions du commerce, dans un enchevêtrement de territoires et d’enclaves tel qu'est la Thuringe, où, dans un même jour, le voyageur peut changer cinq ou six fois de territoire. Les douanes intérieures des anciennes provinces n’étaient rien à côté de cette complication prodigieuse et barbare. Le gouvernement qui prenait l’iniative d’une réforme et qui tentait de doter l’Allemagne du bienfait de l’unité économique méritait la reconnaissance de la nation germanique en même temps qu’il se désignait comme le plus capable de réaliser ses aspirations. En provoquant la Constitution du Zollverein, la Prusse fit le pas décisif dans la voie de la grandeur future ; en réunissant l’Allemagne méridionale et centrale dans une collectivité distincte de la Diète fédérale,à l’exclusion de l’Autriche, elle se proclamait la première des puissances germaniques. La question de la suprématie en Allemagne était posée, le conflit de 1866 était eu germe.
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- L’œuvre dont les bases furent jetées le lor janvier 1834 a porté ses fruits ; tous les Etats allemands, l’Autriche exceptée, adhérèrent siiccessiveraent au Zollverein ; l’unité économique de l’Allemagne était faite quand l’œuvre de Tunification politique fut entreprise, et l’un des articles du traité de 1834 a passé dans la Constitution du nouvel empire, celui qui déclare que « l’Allemagne a un régime douanier uniforme ».
- Comment peut-il se faire que les écrivains, qui expliquent si clairement les faits accomplis, se montrent impuissants à en dégager une théorie positive.
- Aujourd’hui, malgré la grande étendue des pays de l’Europe, le voyageur peut aussi, dans un même jour, changer cinq ou six fois de territoire.Bien que ces changements s’opèrent maintenant au moyen des trains rapides, au lieu de se faire en cabriolent, ses conséquences res lent les mêmes.
- Est-ce que l’ensemble des pays de l’Europe, par leurs traités de commerce, n’ont pas quelque ressemblance avec l’ancienne confédération germanique ; est-ce que, par l’intro iuction de plus en plus générale dans les traités de commerce de la clause réservant aux pays contractants les avantages accordés aux puissances les plus favorisées, ces mêmes pays ne marchent pas san le comprendre vers « un régime douanier uniforme ? »
- Tout cela, même si l’on ignorait les résultats passés, nous démontre que les peuples d’Europe, malgré leurs gouvernements, tendent à constituer une vaste Union.
- Pourquoi persister à ne pas voir cette fin si désirable, lorsque nous avons tous les moyens d’y parvenir si vite ; car nous possédons le télégraphe, le téléphone, les trains rapides et tant d’autres ressources qui firent défaut à ses débuts à la Confédération allemande.
- BAVIÈRE
- M. Louis-Ferdinand de Bavière, prince royal de son état, vient de se faire recevoir docteur en médecine de l’Université de Munich.
- Puisse-t-il guérir son pays des maux de la royauté.
- PORTUGAL
- Le gouvernement portugais a envoyé au gouvernement d’Angola l’ordre d?organiser sur un des points récemment occupés de l’Afrique occidentale une mission ayant pour but de prouver que le Portugal est décidé à prendre sous son protectorat les peuplades qui en manifesteront le désir.
- RUSSIE
- Rien de changé en Russie. Le Czar continue à refuser les réformes nécessaires ; les nihilistes continuent leurs attentats contre l’autocrate russe et ses policiers.
- Le Czar ne serait nullement tombé de traîneau,comme on l’a raconté; il aurait été victime d’une tentative d’as-gassinat.
- Nous devons enregistrer l’exécution par les nihilistes du général Soudêikine, le chef de la police.
- SUISSE
- La ligue internationale de la paix de Genève a voté récemment une adresse aux républicains français pour les inviter à ne pas faire la guerre à la Chine et à choisir un tribunal d’arbitrage.
- ETATS-UNIS
- Femmes électeurs. — On lit dans « Women's suffrage journal, » de Londres :
- Les nouvelles d’une victoire nous arrivent à travers l’Atlantique. La législature du territoire de Washington a voté une loi qui proclame l’affranchissement des fem- I mes. Ce vote a eu lieu le 15 novembre à Olympia, ville } capitale du territoire. j
- Le lundi suivant, M. ‘William Newell, le gouverneur, 1
- promulguait la loi qui donnait aux femmes la liberté, sans possibilité d’appel. Cet événement attendu fut salué par des déchargés d’artillerie et par le son des cloches. Le soir, toute la population d’Olympia augmentée des législateurs et des visiteurs venus de tous les points du pays et des territoires environnants, se réunit en une formidable assemblée de ratification; le jour d’après un banquet fut donné aux membres de la législature et aux invités.
- Le 22 novembre, le gouvernement signa le bill d’émancipation féminine avec une plume d’or offerte par les dames d’Olympia. Cette cérémonie complétait les formalités légales.
- La loi nouvelle entrera en exercice le 15 janvier courant ; en conséquence, à partir de cette date, les femmes du territoire de Washington seront en pleine possession de leurs droits électoraux.
- Une modification dans la loi électorale est beaucoup plus simple à obtenir dans un territoire que dans un Etat.
- Dans un territoire, il suffit que l’amendement soit accepté par les deux Chambres de la législature et parle gouverneur. Cinquante jours après avoir été signé, l’amendement passe à l’état do loi.
- Dans un Etat, pour qu’un tel amendement devienne loi, il faut qu’il soit accepté par les deux Chambres législatives dans deux sessions successives. S’il emporte cette double adhésion, il est ensuite soumis au plébiscite du corps électoral. Si la majorité le repousse il est écarté.
- Encore quelques années et l’émancipation des femmes sera complète aux Etats-Unis.
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- * *
- Une réunion de mineurs, à Philadelphie, vient de décider qu’on remettrait aux directeurs des mines une note de réclamations.
- Une semaine sera donnée pour l’examiner; après quoi la grève commencera si l’on ne veut pas accorder ies améliorations demandées.
- La Vie, le Temps & les Travaux de Robert Owen(1)
- Résumé traduit des documents de MM. Lloyd Jones et J.-H. Humphreys Noyés
- XXXVI
- En 1840, un domaine avait été loué par la société communiste fraternelle pour 99 ans dans le comté de Hamps (versant méridional de l’Angleterre), afin d’y réaliser les principes communistes. Ce domaine comprenait deux fermes : l’une nommée Queenwood, contenant 301 acres (121 hectares), l’autre contenant 232 acres (93 hectares).
- Le but de l’expérience était de découvrir si les travaux des champs, ceux des ateliers, ceux de l’enseignement et telles opérations économiques recon -nues nécessaires pourraient être unies scientifiquement sous une même administration, concentrant et répartissant avec équité les bénéfices, de façon à ne point avoir pour conséquence,comme dans la société ordinaire, côte à côte, une richesse excessive et une excessive pauvreté.
- (1) Lire le Devoir depuis le n° du 8 juillet 1883.
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- Robert Owen s’élevait de toutes ses forces contre cette tentative qu’il jugeait prématurée et précipitée. L’assemblée passa outre. Voyant cela Robert Owen était presque décidé à se retirer du mouvement.
- Comprenant néanmoins que son départ serait la dispersion et la ruine des efforts accomplis, il resta au poste en protestant contre les mesures adoptées et pronostiquant que rien de valable n’en sortirait.
- Les esprits étaient profondément divisés sur les méthodes à suivre pour appliquer les principes.
- Les sociétaires de Queenwood ne disposaient point de capitaux suffisants et se heurtèrent de suite aux plus graves embarras.
- Il n’y avait sur le domaine d’autres bâtiments qu’un vieux logis de ferme et quelques appentis ; la première chose à faire était donc l’érection d’habitations pour les futurs résidents.
- Trois membres furent désignés comme gouverneur, chef agricole et économe.
- M. John Finch, le gouverneur, était un homme plein d’honnêteté et de bonnes intentions, mais dépourvu de tact et de prévoyance.
- M. Heaton Aldam, le chef des opérations agricoles,était habile, mais, accoutumé à mener ses propres affaires sans conseil ni contrôle, il était absolument impropre à une fonction où il fallait au contraire s’entendre constamment avec autrui sur les voies et moyens à adopter.
- M. Charles-Frédéric Green,l’économe, eût pu être un élément précieux si ses affaires ne l’eussent rappelé en Amérique au bout de quelques mois.
- Un vaste bâtiment en briques destiné à servir plus tard d’école fut élevé. Le rez-de-chaussée contenait un réfectoire pour les membres de la société et une salle de classe pour les enfants; l’étage était divisé en appartements pour les familles.
- Les terrains en culture n’étaient pas bons, on n’y pouvait espérer de récoltes moyennes avant deux ou trois ans de grands soins.
- Des jardins spacieux furent plantés de toutes les choses nécessaires à la population. De bons jardiniers, membres de la société,furent envoyés à Queenwood et, sous leur direction, les jardins prirent le plus bel aspect.
- D’habiles artisans : serrurier, plombier, vitrier, tailleur, cordonnier et autres étaient nécessités et furent envoyés sans délai par le bureau central.
- En quelques mois, toute une petite colonie fut installée sur le domaine; mais comme les membres de cette colonie venaient des districts manufacturiers et étaient d’habiles ouvriers, ils s’occupaient des travaux de leurs professions et laissaient aux paysans du voisinage le soin des cultures. Ces paysans se
- félicitaient de cet état de choses, car ils trouvaient à Queenwood de plus hauts salaires et un meilleur traitement qu’ailleurs.
- Le personnel de la communauté était en général sobre, industrieux, intelligent, d’une bonne moralité et résolu à travailler sérieusement à son émancipation sociale.
- Les sociétaires avaient coutume de se lever à 6 heures du matin; ils travaillaient jusqu’au déjeuner, lequel avait lieu à 8 ou 8 h. 1/2. Pour le déjeuner ils prenaient du lait, du cacao, du pain, du beurre, de la salade, etc., puis ils retournaient au travail jusqu’à l’heure du dîner. Ce deuxième repas consistait généralement en pommes de terre, porc, boeuf, mouton, légumes, lièvre, lapin, etc... Une heure y était consacrée. A 5 heures tous les membres quittaient le travail, faisaient toilette, prenaient le thé et se livraient à l'étude ou aux amusements.
- Le dimanche on ne faisait point de cuisine ; les aliments nécessaires étaient préparés la veille, afin que la colonie tout entière eut un jour de complet repos.
- Sous beaucoup de rapports, la vie des sociétaires de Queenwood était meilleure que celle des travailleurs ordinaires ; sous certains autres, leur isolement de la société extérieure, par exemple, elle était moins bonne. S’ils avaient eu la sécurité de l’avenir, leur condition eût été de beaucoup préférable à celle des autres ouvriers.
- Au congrès de 1841, tenu à Manchester, des embarras de natures diverses sont signalés à Queenwood. Concernant les arrangements domestiques, les membres se plaignent de l’étroitesse des chambres à coucher, de l’absence de cheminées qui les oblige tout l’hiver à se tenir rassemblés dans le parloir commun. Ils pressent donc de tous leurs vœux l’érection des bâtiments convenus, mais non encore exécutés.
- Iis se plaignent également, non de la nourrituro qui est bonne et variée, mais de la pauvreté du service de table qui est celui des paysans ordinaires.
- Le vêtement aussi leur semble toucher à la limite de l’insuffisance.
- Concernant les opérations agricoles, ils se plaignent que le directeur des cultures agit sans contrôle et ne rend point ses comptes régulièrement.
- Enfin la communauté signale qu’elle a besoin de personnel pour développer ses industries; mais qu’il lui faudrait pour recevoir ce nouveau personnel accomplir des travaux d’appropriation pour lesquels les fonds lui manquent.
- A cette époque, 1841, le marché industriel était mauvais et les travailleurs de Queenwood,bien qu’ils
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- fussent des plus économes et des plus prévoyants, souffraient de la crise comme tous les autres.
- Différents modes de se procurer des capitaux sont examinés par le congrès et,finalement, une sorte do société de crédit est formée sous le titre : « Home colonisation society. » Son but était de recueillir les contributions de ses membres et de faire des prêts ou avances aux entreprises sociales.
- Peu à peu cette société suppléa « U association de toutes classes et de toutes nations » et modifia profondément la marche jusque-là suivie.
- Les salles de conférence, bien que ne rapportant point de bénéfices pécuniaires, avaient été considérées comme servant précieusement la cause puis* qu’elles étaient usitées pour le perfectionnement intellectuel et moral des coopérateurs; quand le zèle commença à baisser pour les conférences par suite du développement des préoccupations d'affaires, il sembla que l’argent consacré à la propagande serait mieux employé au service des opérations pratiques. Néanmoins,18 missionnaires et conférenciers continuèrent d’être rétribués et propagèrent la bonne nouvelle, le dimanche et les jours de travail.
- La prépondérance acquise par la société de colonisation eût pour conséquence regrettable non-seulement de diminuer l’enthousiasme pour la propagande mais aussi de désintéresser les coopérateurs de îa direction générale du mouvement. La société de colonisation s’étant chargée de recueillir et même de fournir la plus grande partie des capitaux nécessaires aux expériences pratiques se trouva bientôt chargée tout à la fois et de la direction de Queen-wood et de la direction du mouvement général.
- Les statuts de cette nouvelle société avaient été conçus de façon à obliger le gouvernement de Queenwood à ne rien faire sans en être d’accord avec la société de colonisation. Robert Owen occupait ce dernier poste. Son autorité était telle qu’il combinait presque en réalité les deux offices en sa personne. Néanmoins l’entreprise s’était faite contre son aveu, il en avait à l’avance prévu les difficultés ; surchargé d’occupations qui l’empêchaient de résider à Queenwood, il devait s’en remettre aux rapports plus ou moins clairvoyants du gouverneur pour décider dans les questions posées par celui-ci ; on conçoit combien la direction était incertaine et difficile dans ces conditions. D’autre part, l’autorité du gouverneur de Queenwood s’exerçait indépendamment des sentiments des sociétaires ; peut-être si le droit de libre discussion eût été organisé, eut-on évité des fautes préjudiciables à la bonne marche des opérations.
- L’idée dominante engendrée par les expériences
- du passé était qu’il fallait une autorité unique de qui tout relevât.
- Examinée à fond la question de constitution du pouvoir ne semble devoir être résolue que par un système de libre discussion équilibrant les inconvénients de l’autorité arbitraire et ceux des factions de l'opposition. La discussion ouverte est de beaucoup préférable à un silence forcé qui n’approuve ni ne condamne.
- L’œuvre entreprise à Queenwood quelque économiquement conduite qu’elle fût dépassait les moyens dont la société pouvait disposer,
- Eriger des bâtiments agricoles, des écoles, des ateliers pour diverses industries, faire toutes les appropriations nécessaires, entraînaient des frais énormes. Outre cela, chaque branche d’industrie à son début subit des phases diverses : l’une tombe, l’autre prospère ; il y a donc à courir des risques multipliés.
- Enfin une réussite partielle dans une des branches d’industrie introduites à Queenwood n’eût point résolu le problème posé. Ce qu’on voulait, c’était l’uniflcation de tous les travaux agricoles, industriels, domestiques et la répartition équitable des produits.
- A mesure que le temps s’écoulait, il devenait évident pour les esprits les plus perspicaces que Robert Owen avait eu raison de juger l’entreprise prématurée et précipitée et qu’elle serait une source de déboires, le désastre final ne pouvant être évité que si un concours de circonstances exceptionnelles venait favoriser les coopérateurs.
- Malgré tous ces embarras, les travaux étaient poussés activement.
- En 1842 la société de colonisation fournit de nouveaux capitaux s’élevant à 350,000 francs.
- Les constructions s’élèvent à Queenwood. Un vaste et beau bâtiment en pierre est érigé. Cette construction qui avait l’apparence d’un palais fut critiquée par les sociétaires qui eussent préféré de petits cottages.
- Deux fermes de plus sont louées à long terme.
- Néanmoins cette même année,1842,une assemblée spéciale est convoquée au mois d’août pour l’examen et la solution des nouveaux embarras qui entravent à Queenwood le développement des opérations.
- L’œuvre ne pouvait faire halte sans encourir de sérieuses pertes, ni se développer sans nécessiter des capitaux qu’il était impossible d’obtenir.
- Après une longue discussion le congrès, ayant entendu les explications des membres du bureau centrai et celles du gouverneur de Queenwood, déclare être d’avis « que les embarras pécuniaires de
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- l’établissement du comté de Hamps sont venus d’une trop grande confiance dans les dispositions des capitalistes pour l’avance des fonds nécessaires au développement de l’entreprise,
- « Il reconnaît formellement que les dépenses exagérées faites à Queenwood ont eu exclusivement pour objet l’avantage et le progrès de l’expérience même; et il exprime l’espoir que les membres de la société et les amis de la cause feront tout leur possible pour fournir les fonds indispensables à l’utilisation des arrangements accomplis jusqu’à ce jour et que, de leur côté, les fonctionnaires de Queenwood, instruits par l’expérienpe, éviteront de se replacer en face d’embarras analogues. »
- Malgré la gravité des erreurs de direction commises à Queenwood,il n’y avait aucune aigreur entre les contradictions. Jamais aucun d’eux, de part ni d’autre, ne mit en doute les bonnes intentions fondamentales dont tous les membres étaient animés.
- Il fut acquis au congrès d’août 1842 qu’un changement de direction était absolument nécessaire à Queenwood.
- Les membres de l’entreprise avaient envoyé au congrès un délégué, M. William Sprague, pour réclamer en leur nom une part dans le gouvernement de l’œuvre.
- Après examen cette proposition fut écartée, mais il fut convenu en même temps qu’aucune mesure pouvant affecter sérieusement les résidents ne serait prise sans les consulter.
- De nouveaux chefs furent désignés; un budget fut dressé ; et le congrès se sépara avec l’espoir que l’entreprise allait prendre un cours plus satisfaisant.
- (A suivre).
- •—..-
- EMPIRIQUE & PHILANTHROPE
- Il n’est guère de personne lisant les journaux sous les yeux de laquelle ne soit tombée, un jour ou l’autre, une annonce proclamant en gros caractères les incomparables vertus médicinales des pilules et de Vonguent Holleway. Mais, par contre. U en est fort peu, même parmi celles qui ont pu faire un emploi fréquent de cette panacée universelle, qui se soient jamais doutées qu’à vendre ses médecines brevetées s. g. d. g., M. Holleway avait acquis une fortune de près de soixante-quinze millions de francs, soit trois millions de livres sterling 1
- Tel est cependant le cas.
- M. Thomas Holloway, qui est mort le 26 décembre dernier, à Tittenhurst, près de Sunningdale, dans le Berskire, à l’âge de quatre-vingt-trois ans, et dont les principaux magasins se trouvent situés à Londres, 78, New Oxford Street, devait surtout son immense fortune à un emploi judicieux de la publicité.
- Dans les premières années de son petit commerce,
- ses pilules et son onguent ne trouvèrent pas beaucoup de faveur auprès du public, ce ne fut guère que vers la cinquième année de sou établissement, c’est-à-dire en 1842, que ses drogues commencèrent à être connues un peu partout en Europe et en Amérique.
- A cette époque M. Holloway dépensait déjà 5,000 livres par an en annonces; en 1845, ce chiffre s’élevait à 10,000 livres; en 1851, à l’époque de l’exposition universelle do Londres, il atteignait 20,000 livres, puis montait successivement à 30,000 livres en 1859 et à 40,000 en 18801
- Ce chiffre d'un million de francs dépensé en publicité dans une seule année peut paraître fabuleux, mais il n’est pas au-dessus de la réalité: M.Holloway faisait publier ses annonces dans tous les journaux du globe et, i! est permis de le dire, dans toutes les langues connues, y compris le chinois, le turc, l’arménien, l’arabe le sanscrit et les idiomes de l’Inde.
- Mais ce n’est pas à cause de ses succès dans le commerce des drogues et dans l’emploi de la réclame que nous avons désiré entretenir les lecteurs du Devoir de M. Holloway : il a d’autres titres et de meilleurs à notre intérêt, et c’est comme philanthrope,comme fondateur du Collège auquel il adonné sou nom, et d’un autre établissement princier, le Sanatorium d’Egham, qu’ii a aussi fondé à ses frais, que nous voudrions le faire connaître.
- La première de ces institutions, le Holloway College est exclusivement destinée aux femmes dont M. Holloway avait à cœur de favoriser l’éducation. Situé à Egham, dans ie comte de Berks, et à quelques milles seulement de Londres, ce collège dont la construction et l’ameublement ont coûté 350,000 livres sterling, est entouré d’un parc et de jardins couvrant un8 superficie de 95 acres, soit en chiffres ronds et en mesures françaises 38 hectares. Il contient, pour les éleves, une galerie de tableaux des principaux maîtres modernes et surtout des peintres anglais, tels que Millais, Fielding, Luke Fildes et Long; jces deux derniers artistes étant représentés par deux tableaux achetés respectivement 2,100 livres et 6,615 livres.
- Le Collège a en outre reçu de son fondateur un fonds de dotation de cent mille livres avec laquelle somme vingt bourses de quarante livras chacune seront accordées annuellement aux éièves les mieux méritantes.
- Notons encore que ce bâtiment, d’un aspect vraiment grandiose, pourra contenir 250 élèves qui y auront chacune deux chambres. L’infirmerie y sera sous la direction d’une femme docteur dûment qualifiée, et les études devront être à la hauteur de celles de Cambridge et d’Oxford.
- Le College Holloway suffirait à lai seul, on l’avouera, pour donner droit à I\l. Holloway au titre de philanthrope; voyons maintenant ce qu’est la seconde institution qu’il a créée et qu’il a baptisée le Sanatorium.
- Elevé à deux milles d’Egham et près de la station de Virgina Water, cet établissement qui, en grandiose, ne le cède pas plus au Holloway College qu’il ne lui est inférieur aa pointée vue utilitaire,a coûté, comme frais de construction seulement, 250,000 livres à son fondateur, et est spécialement affecté au traitement des maladies mentales,ou, pour employer les propres termes de M. Holloway,des dérangements du cerveau, si fréquents dans ce pays.
- En peu de mots, ie Sanatorium est distribué de façon à recevoir 125 malades de chaque sexe et tout a ôté combiné de façon à distraire l'attention de gens
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- LÉ DEVOIR
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- sous le poids d’une idée fixe, en même temps qu’à leur procurer le confort et les soins que leur état pourra réclamer.
- Ni les épileptiques, ni les paralytiques, ni les fous incurables ne seront admis dans le Sanatorium, et tout malade qui y aura passé une année, maximum du stage qu’il pourra y faire, ne saurait y être admis une seconde fois.
- Le fonds de dotation attribué par M. Holloway à cet hospice modèle est de 50,000 livres (1,250,000 francs).
- Tels sont les titres de M. Holloway â la reconnaissance de ses concitoyens.
- P. Maistre.
- » •ftè —1
- Céramique
- Les céramistes connaissaient Fexistence de l’un des plus beaux et des plus vastes des spécimens de la Faïence de Rouen, le célèbre pavage de Lintot, près de Bolbec, qui fut la résidence seigneuriale, au dix-huitième siècle, des notables gentilshommes faïenciers rouennais Le Boullenger et Le Coq de Villeray. Ce tapis de faïence de Rouen, unique au monde ne mesure pas moins de 26 mètres de superficie ; par ses dimensions et par la valeur propre de l’œuvre, il figure au premier rang des monuments de la céramique.
- Notre musée de Sèvres vient d’en faire l’acquisition, grâce au zèle et à l’habileté des négociations de son conservateur, M. Ghampfleury, et à l’appui que lui a-prêté M. Kaempfen, directeur des Beaux-Arts, en obte nant qu’un crédit particulier lui fut ouvert sur les fonds du ministère de l’instruction publique. Cette grande et belle page ne sortira donc pas de France et appartiendra désormais au public lui-même. On en prépare en ce moment l’installation dans les galeries de la Manufacture.
- La société contre l’abus du tabac vient de constituer son Bureau pour 1884 ; ont été élus :
- Président : M. Decroix.— Vice-Présidents : MM. le Dr Bourdin, de Gasté, le Df Hache, Petibon. — Secrétaire général : M. Rassat. —Secrétaires des séances : MM. le DrBédié,Gollaux, de Lavalette, le B°* Pinoteau. — Secrétaire pour L'etranger : M. Birmann. — Trésorier. M. Raveret. — Archiviste : M. Emile Potin.
- Le Secrétariat a reçu 51 mémoires en réponse aux six questions mises au concours en 1883. Les noms des lauréats seront connus dans trois mois environ.
- ETAT-CIVIL DD FAMILISTÈRE
- semaine du 31 décembre 1883 au 6 Janvier 1884
- WA-ISSA-WOKS *
- 1. Le 31 décembre, de Hédin Marguerite, fille de Hé-
- din Adolphe et de Teinière Julia.
- 2. Le 31 décembre, de Dirson Marguerite fille de
- Dirson Jean Baptiste et de Vassaux Eusébie.
- 3. Le 4 Janvier, de Lemaire Lucile, fille de Lemaire
- Emile et Laohaussée Sidonie.
- DÉCÈS s
- 1. Le 31 Décembre, de Hamel Ernest, âgé de 87 ans
- et 3 mois.
- 2. Le 4 Janvier de Dirson Marguerite âgée de 4 jours.
- COURS D’ADULTES
- Leçon de Physique expérimentale par M.Barbary
- Séance du 15 Janvier f884
- 1® L’Atmosphère.
- 2° L’air est Pesant.
- 3° Pression que l’air exerce sur les corps.
- 4° Hémisphère de Magdebourg.
- 5° Crève-Vessie.
- 6° Ascension des liquides dans les tubes dont l’air est aspiré.
- 7° Suspension cte l’eau dans les vases immergés ou non.
- 8° Expérience de Galilée, Tonicelli et Vascal.
- i —i «mqoopaonnni -
- L’Astronomie, Revue mensuelle d’Astronomie populaire de Météorologie et de physique du globe, par M. Camille Flammariom.— Sommaire du N° de Janvier 1884 : La ptanéte Terre vue des autres mondes, par M. C. Flammarion (8 figures). — Les tremblements de terre orogéniques de Suisse (suite et fin), par M. Forel.
- — Les illuminations crépusculaires, le soleil vert et le cataclysme de Java, par M.C. Flammarion.— Les taches de Jupiter, par W.-h . Denning.— Aspect actuel de Saturne (1 figure).— Académie des sciences. Propagation marine de la commotion du tremblement de terre de Java, par M. de Lesseps.— Nouvelles de la Science. Variétés : La comète Pons, Budget de l’Astronomie, officielle en France pour 1884. Bolide remarquable, La comète d^Encke.— Observations astronomiques par M. Gérigny (5 figures). Librairie Gauthier-Villars quai des Augustins, 55, Paris.
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- Directeur : J. MANIER, conseiller municipal.
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- La Révision : Paul Lecomte. — La Semaine : Verax.
- — Le Loyer: J. Manier. — A la Redoute. — Les Elections municipales et les Politiciens : Un électec-teur du 8* arrondissement. — Le libre-Echange à l’Intérieur : Anatole Robin. — Tribune publique. — L’Impôt unique. —Question sociale.— Le Londres horrible : C.P. Maistre. — Théâtres et Beaux-Arts.
- — Communications.
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- LE GOUVERNEMENT, ce qu’il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action.
- Ce volume met en lumière le rôle des pouvoirs et des gouvernements, le principe des droits de l’homme, les garanties dues à la vie humaine, le perfectionnement du suffrage universel de façon à en faire l’expression de la souveraineté du peuple, l’organisation de la paix européenne, une nouvelle constitution du droit de propriété, la réforme des impôts, l’instruction publique première école de la souveraineté, l’association des ouvriers aux bénéfices de l’industrie, les habitations ouvrières, etc., etc.
- L’ouvrage est terminé par une proposition de loi à la Chambre des députés sur l’organisation de l’assurance nationale de tous les citoyens contre la misère.
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- MUTUALITÉ SOCIALE 3c ASSOCIATION DU CAPITAL & DU TRAVAIL ou extinction du paupérisme par la consécration du droit naturel des faibles au nécessaire et du droit des travailleurs à participer aux bénéfices de la production.
- Ce volume contient les statuts et règlements de la Société du Familistère de Guise.
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- Les socialistes et les droits du travail. La richesse au service du peuple.
- La politique du travail et la politique
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- 8e Année, Tome 8, - n° 280 *Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 20 Janvier 1884
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- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES ET POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1. — Placer le bien de la -vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- 4. — Organisation du suffrage universel par Vunité de collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères, dépouillement dans chaque commune, recensement général à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile ;
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens ;
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter ;
- La représentation par les supériorités.
- 5. — Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues par le suffrage universel.
- 6. — Egalité civile et politique de l’homme et de la femme.
- 7. — Le mariage, lien d’affection.
- Faculté du divorce.
- 8. — Education et instruction primaires, gratuites et obligatoires pour tous les enfants.
- Les examens et concours généralisés avec élection des élèves par leurs pairs dans toutes les écoles.
- 9. — Ecoles spéciales, nationales, correspondantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- 10. — Suppression du budget des cultes. Séparation de l’Eglise et de l’Etat.
- 11. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 12. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- 13. — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatèr a à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dans une juste mesure, retour à la société qui a aidé à les produire.
- 14. —* Organisation nationale des garanties et de l’assurance mutuelles contre la misère.
- 15. — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 16. — Liberté d’association.
- 17. —- Libre échange entre les nations.
- 18. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 19. — Abolition de la guerre offensive.
- 20. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 21. — Désarmement européen.
- 22. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire.
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- LE DEVOIR
- SOMMAIRE
- Naturalisation. <— Politique coloniale. — La Coopération News. — Etat Civil, — Plus d'impôts. — Mots de Progrès. — Faits politiques. — Robert Owen. — Une pétition à la Chambre — Correspondance d'Angleterre. — Arbitrage international. — Une grave lacune. — Cours d'adultes. — Secolo. Hôtel-de-Ville. — Théâtre.
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d'essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, Vadministration fait présenter une quittance d'abonnement.
- -------—«---------
- Neutralisation de i’ÂIsace-Lorraine
- Parler de paix, de désarmement, d'arbitrage, en Europe, lorsqu’il y a deux grandes puissances, l’une ayant perdu une riche province,l’autre l’ayantconquise depuis une douzaine d’années, sans se prononcer sur cette question brûlante, serait le fait d’esprits timides, que ne peuvent suivre des hommes convaincus et désireux de faire une propagande fructueuse.
- Les groupes étrangers par un sentiment de juste déférence ne pouvaient prendre T initiative d’examiner ce sujet. Mais les groupes français ne peuvent se constituer sans émettre immédiatement une proposition acceptable par les autres associations.
- L’Alsace-Lorraine est l’unique prétexte avoué et avouable, qui explique les armements formidables de l’Europe occidentale.
- Les amis de la paix n'ont pas le droit d’élever la voix, s’ils ne déclarent d’abord comment ils- prévoient triompher des difficultés inhérentes à cette situation. Ils doivent au public des explications loyales et en harmonie avec l’œuvre pacifique qu’ils poursuivent.
- Demander aux Allemands le retour à la France, sans compensation, de I’AIsace-Lorraine serait provoquer directement ce peuple.
- Si l’on incline à ofîrir une compensation, il faut examiner laquelle sera possible.
- La France ne peut aliéner aucune partie de son territoire ; elle n’a pas le droit, à l’exemple des monarchies, de se prêter à un arrangement qui la
- ferait complice de l’Allemagne, en vue de procurer à celle-ci une compensation conquise sur un autre peuple.
- Une indemnité pécuniaire, payée à l’Allemagne en échange de I’AIsace-Lorraine, serait, en principe, acceptable par les deux puissances; évaluée selon une juste mesure, elle ne porterait atteinte à l’honneur national de l’une ni de l’autre puissance. Les difficultés proviendraient probablement de cette évaluation. D’ailleurs de nombreuses considérations militent contre cette proposition. Une œuvre de paix ne doit pas aggraver une situation financière déjà embarrassée.
- La neutralisation de I’AIsace-Lorraine, réglée par un arbitrage international des puissances européennes, serait préférable à tous les autres arrangements.
- La fierté allemande ne peut en être offusquée, puisque dans ce cas, l’Allemagne ne céderait rien à la France, c’est un gage de paix qu’elle donnerait à l’Europe tout entière, tandis qu’elle profiterait elle-même de tous les avantages du désarmement et de la sécurité nouvelle procurée à chaque nation par les garanties sorties des décisions d’un congrès, qui engageraient toutes les puissances contractantes lorsqu’il y aurait violation de l’une des clauses.
- La France ne peut réclamer davantage, il ne faut pas oublier qu’elle fût coupable en déclarant une guerre injuste, elle doit racheter par un sacrifice appréciable, les avantages d’un avenir pacifique.
- Les Alsaciens-Lorrains, les plus intéressés dans la question, préféreraient probablement décider de leur sort par un vote librement exprimé ; mais l’Allemagne, prévoyant le retour de ces provinces à la France 4 la suite d’une pareille consultation, n’accepterait pas un congrès arbitral qui n’aurait pas préalablement écarté de son ordre du jour l’examen de cette éventualité.
- Ces vaillantes populations ne refuseront pas de sacrifier leurs préférences à la paix générale.
- Elles sauront apprécier quels avantages considérables résulteraient pour elles de la neutralisation.
- L’Alsace-Lorraine, devenue maîtresse d’elle«même, aurait une situation politique analogue à celle de la Suisse.
- Pour qui connaît la puissance industrielle et la richesse agricole de cette province, il n’est pas douteux que cette neutralisation procurerait plus d’avantages aux populations que le retour à une France épuisée par ses armements et par la folie de ses gouvernements.
- Petite puissance autonome, sauvegardée par la protection du concert européen, I’AIsace-Lorraine
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- lé dévoir
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- serait soustraite aux charges écrasantes de la centralisation dans les grandes nations européennes.
- Libre de son administration, de ses finances, de sa langue, n’étant grevée d’aucune dette, administrée selon le tempérament de ses habitants, l'Alsace-Lorraine donnerait bientôt au monde l’exemple d’une prospérité sans précédent dans la vie des peuples.
- Combien d’hommes utiles, de talents ignorés qui, poussés par les nécessités de la vie publique, apporteraient à la prospérité générale des capacités qu’ils ne peuvent utiliser pour eux-mêmes et qui passent inaperçues dans les grandes nations, où elles ne peuvent s’élever au-dessus des coalitions des gens arrivés.
- Chez beaucoup d’Alsaeiens-Lorrams les sympathies françaises spqt si viyaces qu’elles sont au-dessus des considérations rationnelles,
- Après la neutralisation, rien ne pourra empêcher ces fervents de participer à la vie publique dans leur petite nation et de faire prévaloir une politique étrangère en accord avec les aspirations françaises.
- Que ces patriotes consentent à devenir momentanément une barrière entre les deu^ç. nations, et bientôt cette barrière se transformera en un lien qui unira éternellement deux peuples qui n’auraient jamais dû être divisés,
- Le dévouement à la France et la volonté de rede-r yenir français se constatent peut-être davantage chez les femmes que chez les hommes. Mais elles sont mères, elles sont épouges, elles sont fiancées, et ces Situations les disposeront à accepter un arrangement qui sauvera des dangers de la guerre leurs enfants et leurs paaris.
- SOUS l’influence des écrits des rêveurs et des poètes elles se sont fait une idée particulière de la gloire militaire. Elles ont oublié les conditions réelles de la mort du soldat, en l’entendant glorifier par les sophistes.
- La mort dn soldat n’est pas glorieuse, elle est horrible*
- Ah ! si chacune de ces mères, de ces sœurs, de ces épouses, qui rêvent le retour à la France de l’Alsace-Lorraine, au prix d’une guerre dont on ne peut prévoir toutes les ruines, avaient vu tomber sur un champ de bataille les hommes atteints d’atroces blessures, sous les coups d’un ennemi le plus souvent invisible ; si elles avaient passé à côté de tas de cadavres et d’agonisants assemblés pêle-mêle, où l’on voit des yisages livides, moitié couverts de sang, ouvrir de grands yeux qui ne perçoivent plus la lumière, d’od pendent des bras et des jambes qui s’agitent, sans qu’on puisse se rendre compte à quels
- corps ces membres appartiennent; si elles avaient vu ces monceaux de cadavres et de mourants dégoûtants de sang et soulevés à certains moments parles dernières convulsions des moribonds, où viennent se ficher encore les balles et la mitraille ; si elles avaient conscience de toutes ces horreurs, elles seraient certainement les plus ardentes à réclamer le maintien de la paix.
- Lorsqu’on analyse les forces innombrables qui seront mises en présence dans une guerre entre la Francô et l’Allemagne ; lorsqu’on suppute quelles résistances pourra opposer le vaincu avant de capituler, on est porté à se demander s’il restera assez de vitalité chez le vainqueur pour réparer en un siècle les ruines accumulées par un choc si formidable.
- Admettons que la France soit victorieuse, et cette hypothèse nous paraît probable. Il est certain que cette victoire n’aara été obtenue qu’après une longue guerre, et dont l’Alsace-Lorraine aura supporté les plus lourdes charges. Que restera-t-il alors de ses manufactures, de ses villes et de ses villages ?
- Dans ces conditions on peut prévoir le retour à une France meurtrie, épuisée, de provinces ruinées, saccagées, tandis que le vaincu aura épuisé ses dernières ressources dans une lutte désespérée. C’est la ruine de la moitié de l’Europe, et l’Alsace-Lorraine so trouvant par sa situation géographique au milieu de cette misère générale. Des hommes sensés ne peuvent souhaiter des événements d’où naîtraient tant de désastres.
- D’ailleurs, est-ll certain que la France sorte victorieuse d’une nouvelle guerre ?
- Après d’énormes sacrifices, il pourrait arriver que la France vaincue soit de nouveau démembrée et que la situation de l’Alsace-Lorraine devienne elle-même plus malheureuse.
- Si les Alsaciens-Lorrains veulent réfléchir, ils comprendront que, mis en possession d'eux-mêmes, ils peuvent se préparer une patrie plus belle et plus juste que la patrie française, tant exaltée par un chauvinisme intempestif.
- La France, il est vrai, s’est débarrassée de l’oppression des rois et des nobles ; elle a inscrit en tête de sa constitution la grande déclaration des droits de l’homme. Mais cela l’a-t-il empêchée de tomber aux mains des parlementaires et de devenir la proie des hommes de finances. Les uns et les autres font litière des principes de la Révolution française.
- Cette patrie n’est-elle pas infestée dans un grand nombre de départements de l’ouest par un bonapartisme et par un cléricalisme sans pudeur.
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- ÎÆ DEVOIR
- Dans sa capitale on enregistre chaque jour des morts causées par la faim.
- Eu France, la conception de la patrie est mesquine. Dans les villes les plus Aères, parmi celles qui fêlent les poètes de la revanche, qui réunissent leurs jeunes hommes dans des sociétés de tir. où des hommes mûrs viennent do temps en temps faire retentir des paroles que le vulgaire considère comme l’expression d’un profond sentiment patriotique, on na comprend pas la signiAcation véritable du mot patrie.
- Nous pourrions citer une ville des plus riches qui ne laissa jamais échapper une occasion de faire parade de ses sentiments belliqueux et qui ne dispose pas de ressources scolaires permettant chez elle l’application de la loi sur l’instruction primaire obligatoire ; plus d’un cinquième des enfants ne peut trouver une place dans les écoles communales.
- Ces enfants sont pourtant une partie de la pairie, même la plus précieuse, à laquelle chaque patriote doit solidarité. Il n'est besoin ni d’armées, ni de luttes homicides, pour accomplir ce devoir véritablement patriotique. Cependant il n’est compris et pratiqué par aucun de ceux qui mettraient l’Europe à feu et à sang sous prétexte de revendiquer l’Alsace-Lorraine.
- Cette province, après sa neutralisation, constituera une patrie plus humaine que la patrie française, parce que, dans ce milieu, n’ayant aucune tradition de politique intérieure, les hommes publics ne pourront faire autrement que de s’inspirer des besoins généraux, au lieu de se laisser dominer par les compétitions individuelles qui neutralisent les progrès dans les vieilles nations où l’on gouverne uniquement en vue de contenter un parti.
- Matériellement, i’Alsace-Lorraine retirera des avantages inappréciable de la neutralisation. N’y aurait-il pas en même temps un grand honneur pour son peuple d’avoir été le gage de la paix Européenne.
- Que les patriotes d’Alsace, que tous ceux qui rêvent une revanche éclatante méditent sérieusement les lignes suivantes que nous empruntons au ;Courrier de l'Aisne; qu’ils se demandent ensuite si l’on a le droif de se préparer à la guerre dans un pays, où, après plusieurs années de prospérité on relève des faits comme celui-ci :
- « En 1870, deux batteries d’artillerie marchant en colonne tombaient sous le feu d’une embuscade prussienne près de Mézières-sur-Somme. Le capitaine atteint par la première décharge n’avait pu donner aucun ordre. Le lieutenant Laviolette At mettre la première pièce en batterie. Le fourier Besombes tomba foudroyé au moment où il dégageait l’écou-
- villon. I.e lieutenant At feu à mitraille, délogea l’embuscade et tomba frappé d’une balle en pleine poitrine. Les deux batteries furent sauvées.
- a Le lieutenant Laviolette mort au champ d’honneur, était l’unique soutien d’une mère sans fortune. Mme Laviolette, depuis 1870, fut réduite à gagner son pain à la sueur de son front. Elle a aujourd’hui 90 ans ; elle ne peut plus travailler, et n’a pour vivre que les modiques subsides du bureau de bienfaisance de Merville. »
- Voilà la gloire militaire et son revers, la misère !
- La neutralisation de I’Alsace-Lorraine fermera l’ère des guerres européennes. Nous demandons au comité français de la ligue internat onale d’examiner prochainement notre proposition.
- POLITIQUE COLONIALE
- M. W. Gagneur a publié dans le journal la République du Jura, l’exposé des motifs de son vote repoussant les crédits demandés par le ministère pour continuer la guerre du Tonkin.
- Nous reproduirons dans plusieurs numéros du Devoir les parties essentielles du travail de M. Gagneur.
- M. Gagneur a traité la question de guerre et d’arbitrage avec une abondance d’arguments qui ne peuvent manquer de hâter la diffusion de ces doctrines salutaires.
- Nous donnons aujourd’hui quelques appréciations relatives à l’expédition du Tonkin et à la politique coloniale en général.
- Nous allons, dites-vous, implanter la civilisation dans les contrées barbares. Nous allons ouvrir à notre commerce, qui périclite sous la concurrence Européenne et Américaine, des débouchés lointains et fructueux.
- Mais d’abord, êtes-vous bien sûrs et avez-vous droit d’être Aers de votre civilisatiou ?
- Si je consulte tous nos grands dictionnaires, ce qui caractérise éminemment la civilisation, c’est, avec le progrès des lumières, l’adoucis ement des mœurs, la prédominance du droit et de l’équité, la garantie accordée au faible contre le fort.
- Le caractère topique est donc la Fraternité. Prétendez-vous alors que votre civilisation, qui bégaya à peine les premiers mots de la Fraternité, réalise cet idéal ?
- Et quand bien même vous posséderiez la vraie civilisation, de quel droit l’imposeriez-vous par la force à des peuplades, quelques barbares que vous les jugiez, aussi jalouses que vous de leur nationalité et qui ne vous appellent pas ? Et alors, la résistance qu’elles vous opposent, n’est-elle pas la'plus légitima des défanses, la guerre patriotique, la guerre sainte, justement impitoyable, et contre laquelle, oubliant
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- LE DEVOIR
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- la convention do Genève, nos soldats, à la prise de Son Tay, exaspérés par la décapitation de 8 des leurs viennent de réagir, en tout massacrant, même les blessés.
- Et voilà la civilisation que vous leur apportez !
- Je ne parle pas du danger tout particulier d’une guerre avec la Chine, avec cette inépuisable population de 400 millions d’habitants, mieux armés et disciplinés qu’autrefois, combattant chez eux et se souvenant, croyez-moi, des affreux pillages, fort peu civilisés, pratiqués en 1860, par les armées de Napoléon III.
- Devoir. Nous publions la proposition de M. Gri-maud telle que Va donnée le journal YHôtel de-Ville, en la faisant suivre d’un projet d’application intégrale de l’hérédité de l’Etat, telle que nous la comprenons.
- PROPOSITION
- De M. Grimaud, à propos du projet d’emprunt, relativement à l'établissement d’une taxe municipale sur les successions.
- Passons à cette fameuse politique coloniale, qu’on pousse en avant comme la charrue avant les bœufs, sans avoir créé préalablement l’instrument nécessaire, l’armée coloniale.
- Les orateurs .les plus compétents ont fort bien démontré que, de toutes les nations Européennes, la France est le pays le moins émigrant, partant le moins colonisateur; qu'elle ne compte en Chine, par exemple, que 12 comptoirs, tandis que l’Angleterre en compte 296, et l’Allemagne 56; que les articles Anglais et Allemands conserveront l’avantage du bon marché et seront préférés, d’autant plus que notre hostilité fera rejeter systématiquement les nôtres; — singulière manière au reste de vendra ses marchandises que de ruiner le pays envahi, que de détruire les consommateurs; qu’en réalité, alors même que nous serions vainqueurs, nous aurons ouvert le fleuve roage au commerce européen tout entier; que le bombardement probable des ports Chinois, en risquant d’atteindre les négociants étrangers et de ruiner leurs établissements compromettrait gravement nos bons rapports avec leurs nations ; qu’enfin la vraie politique consiste sans étendre indéfiniment notre domaine colonial, à développer utilement celai que nous possédons.
- Le € Cooperative News », de Manchester, dans son numéro du 12 courant, reproduit la déposition de M. Godin dans l’enquête de la Commission extra-parlementaire des Associations ouvrières.
- Cette traduction est due à notre illustre et excellent ami M. Edward Vansittart Neale.
- ETAT-CIVIL DD FAMILISTÈRE
- Semaine du 7 au 13 janvier 1884 IV.A. X ïs SS A. IVO SU
- Le 8 janvier, de Fournier Camille, fils de Fournier Jules et de Poirette Sophie.
- L’idée de chercher les ressources publiques clans un prélèvement sur les fortunes, après la mort de ceux qui les ont édifiées, se répand chaque jour davantage. M. Orimaud, conseiller municipal à Paris, vient de présenter à ses collègues un projet conforme, en partie, au principe de l’hérédité de VEtat et des Communes défendu par le journal le
- Messieurs,
- Considérant que M. le préfet de la Seine nous propose d’emprunter une somme de 220 millions pour satisfaire aux dépenses qui ne peuvent se faire avec les ressources ordinaires, c’est qu’il n'a pas d'autre moyen à nous proposer ; dans tous les cas, il croit que c’est le meilleur. Avoir recours à l’emprunt, c’est une habitude commode qui n’a qu’un défaut : c’est de grossir la dette de la ville de Paris et de l’éterniser. Je donte que vous y consentiez.
- Considérant cependant que vous ne pouvez rester dans cette situation, qui serait une impasse, vous avez le devoir de chercher par une combinaison autre que l’emprunt, les ressources suffisantes pour les dépenses indispensables.
- Considérant, d’autre part, que la majorité de nos électeurs est hostile à cet emprunt, qui s’ajouterait aux précédents, il n’est pas douteux que ces diverses considérations nous feront rejeter les propositions de M. le préfet de la Seine.
- Personnellement, je suis opposé à l’emprunt; voici le motif principal qui m’engage à vous soumettre la proposition suivante, aussi pratique que réalisable :
- L'Etat prélève, sur les successions ouvertes dans la ville de Paris, un droit qui produit annuellement environ 32 millions en chiffres ronds, en prenant une moyenne de trois années.
- Répartis comme suit :
- Sur les successions en ligne directe, 1 0/0 produit................................. 7.000.000
- Sur les successions collatérales , 6 à 8 0/0 produit......................... 15.000.000
- Sur les successions entre époux,
- 5 0/0 produit............................ 5.000.000
- Sur les successions entre étrangers,
- 9 0/0 produit............................ 5.000.000
- Somme égale...... 32.000.000
- Le soussigné a l’honneur de prier le conseil muni-
- cipal d’inviter M. le préfet de la Seine à demander aux pouvoirs publics une loi exceptionnelle.pour la ville de Paris, autorisant l’administration à percevoir pendant une période de vingt années au moins,
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- I,« DRVOrR
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- sür les successions ouvertes à Paris, en sus des droits de l’Etat, une taxe de :
- 1° Sur lès sucCèssiôiis en ligne directe, 2 0/0 pro-
- duit...... ............................ 14.000.000
- 2° Sur les successions en ligne collatérale, 2 0/0 produit................. 4.000.000
- 3° Sur les successions entre époux,
- 3 0/0 produit........................... 5.000.000
- 4° Sur ies successions entre étrangers, 9 0/0 produit................. 5 000. Ü00
- Total........ 28.000.000
- Ces chiffres sont des indications ; ils peuvent être modifiés en plus ou en moins, ou augmentés principalement sur les successions en ligne directe les plus favorisées, les moins imposées.
- Ajoutez à cette somme environ..... 12.000.000
- que vous auriez à payer pour l’intérêt de l’emprunt qui vous est proposé, vous aurez à disposer, pendant vingt
- années, d’une somme d’environ........ 40.000.000
- Si vous adoptez cette proposition, on ne peut vous refuser uhe satisfaction si légitime ; en persistant ; ce qui est juste finit toujours par être obtenu.
- Vous trouverez alors des ressources immédiates et plus que suffisantes pour vos travaux et dépenses de toute nature, indiqués sür le mémoire de M. le préfet, oü que vous indiquerez; vous ffdürez que l’embarras du choix.
- Ce n’est pas tout : la dette de la ville de Paris s’éteindra peu à peu, et en affectant une partie de cette somme aux dégrèvements, vous le pourrez facilement, vous en finirez avec les droits d’octroi. De Ce côté, vous aurez rempli votre prôgramme.
- Je sUis bien certain que les ^héritiers en seraient peu contents, mais sCyez assurés que pas uil d’eux ne renoncera à son héritage si peu diminué. D’ailleurs, croyez-vous qu’il n’est pas plus équitable de prélever sur la fortune des riches décédés, que de faire payer aux travailleurs et aux peu fortunés des impôts, des droits sur les consommations de première nécessité, alors qu’ils n’ont que lë strict nécessaire, pour les besoins de la vie ?
- Paris, le 23 mai 1883.
- Le rapporteur, Grimaud.
- Le projet de M. Grimaud mérite nos encouragements parce qu’il est basé sur un principe juste, tendant à faire prévaloir qu’il doit revenir â la collectivité une part des fortunes acquises, après la mort de ceux qui les ont édifiées au lieu de les accabler d’impôts pendant leur vie.
- Partisan de trouver dans les héritages la plus grande partie dès ressources du budget, polis nè comprenons pas l’application de ce droit de l’Ètat de la même manière que M. Grimaud.
- Le projet dë M. Grimaud suppose que les héritiers doivent verser un tantième de chaque héritage dans les Caisses de l’Etat. Ce mode d’application présente peu d’ineonvéniertts, lorsque le tantième prélevé est relativement faible. Mais si l’on voulait procéder suivant la même méthode, lorsqu’on préconise l’héritage de l’Etat comme le moyen principal d’alimenter lès caisses publiques', le tantième â payer S’élevant dans fin grand nombre de cas, toutes lès fois qu’il s’agit des grandes fortunes*, à 50 0/0 de la valeür totale de l’héritage, cela équivaudrait â la mise en liquidation de la plupart des industries sôliS le coup d’acquitter des droits d’héritage aussi considérables.
- Nous, nous comprenons l’Etat intervenant comme co-héritier * proportionnellement au tantième fixé par la loi. De cette manière, il rt’y a ni atrêt ni Suspension dans une affaire commerciale oü industrielle. L’Etat est simplement un héritier qui intervient dans chaque héritage.
- Il ëst facile de régler cettê intervention de telle manière qu’elle n’apporte aucun trouble dans la marche des affaires.
- Nous ne chercherons pas â faire l’exposé dès divers moyens pratiques. Ils sont déjà nombreux, et chaque jour peut nous en apprendre de nouveaux. Ce qu’il faut surtout retenir c’est le but à atteindre : faire participer l’Etat aux héritages sans entravèr lè courant des affaires.
- Pour bien faire comprendre notre pensée, nous prendrons comme exemple ce qui se passe dans ies successions, dans lesquelles l’héritage consiste en immeubles frappés d'une oü plusieurs Hypdthèques.
- Généralement le prêteur hypothécaire reste vis-à-vis de l’héritier ou des héritiers dans une situation semblable à celle qu’il avait avant le décès du légataire. Dans aucun cas, à moins de clauses formelles et rarement stipulées dans les. contrats hypothécaires, les héritiers sont obligés d’opérer le remboursement pour cause de décès de l’emprunteur ; on fait généralement Un transfert. De son côté, le prêteur, après comme avant le décès, reste libre d’aliéner OU de déléguer sa créance d'après les mêmes clauses qui n’éprouvent aucune modification par le fait de la mort de l’une des deüx parties.
- Il est compréhensible que l’Etat, par le seul fait de l’ouverture d’Une succession immobilière, prenne vis-à-vis dès héritièrs une situation analogue à belle d’un créancier hypothécaire prbpdrtioiinellettieni au
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- tantième fixé par la loi instituant l’hérédité de l’Etat. De cette manière, la marche de l’exploitation foncière ou immobilière n’est pas gênée, et l’Etat peut à volonté conserver, aliéner du déléguer sa partici -patioii suivant les besoin^ des services publics.
- Si nous supposons l’Etat en présence d’une succession représentée par des créances, il pourra sans aucun inconvénient devenir co-créancier pour une part équivalente à ses droits.
- Dans le cas d’un héritage en valeurs industrielles ; le prélèvement du tantième ne présentera aucune espèce de difficulté à caüse de la faculté de diviser ces valeurs.
- Dans les entreprises commerciales et industrielles, l’obligation d’avoir une comptabilité, obligation im-posée par les iois du commerce, simplifie considérablement l’entrée en participation de l’Etat, puisque par la balance des comptes on peut évaluer à chaque instant la situation exacte de chaque entreprise à chaque entreprise. L’Etat prend alors une situation comparable à celle qui serait faite aux héritiers d’un individu qui aurait été associé dans une maison de commerce.
- Tout cela revient à dire que l’Etat, faisant l’avance aux particuliers dë tous les frais généraux dès services publics qui contribuent si puissamment à l’édification des fortunes privées, se réserve le droit de jouit* de cette participation de la même manière qüe les ordinaires héritiers.
- Ce Système présente l’avantage d’Unifier le mode de perception des ressources de l’État, et de nous débarrasser de tout le parasitisme résultant des nombreux fonctionnaires nécessités par les moyens compliqués en usage actuellement pour la perception des impôts.
- L’application restreinte, proposée par M. Grimaud, n’àttaqüe pas directement les vices de notre système fiscal ; mais elle présente l’avantage très-appréciable de procurer des nouvelles ressources sans créer un nouveau rouage de perception, puis elle coupe court à tout nouveau projet d’emprunt.
- C’ëst surtout à ce dernier titre que la proposition Grimaud mérite l’attention des socialistes. Quel énorme progrès, si l’on pouvait obtenir a brève échéance que l’Etat cessât de proportionner les emprunts aux épargnes disponibles dés capitalistes.
- Ceux-ci, n’ayant pas la perspective de bénéficier dès revenus paresseux des emprunts d’Etat, Seraient obligés de s’adresser directement au travail.
- Nous reviendroüs sur cette question lorsque nous aurons à nous occuper du prochain emprunt du gouvernement.
- Appliquons intégralement aux héritages parisiens
- le principe d’hérédité de l’Etat, tel que l’a proposé et défendu notre joürnaï.
- Nous demandons que l’on évalue le droit d’hérédité de l’Etat : 1° de 0 à 50 0/0 sur les héritages en ligne directe, suivant l’importance delà succession; 2° à 50 0/0 dans tous les autres cas, où il y a testament ; 3° à l’intégralité de l’héritage lorsqu’il n’y a pas de testament.
- D’après les chiffres de M. Grimaud les héritages en ligne directe sont représentés annuellement à Paris par un total de 700,000,000. L’application du droit progressif de l’hérédité de l’Etat nous donnerait un rendement moyen de 33 0/0, à cause du nombre des gràfides fortunes, soit $33,1)00,000.
- L’ensemble des autres successions atteint un chiffre de 354,000,000. Le droit d’hérédité de l’Etat évalué à 50 0/0 aurait un rendement annuel de 177,000,000.
- Nous aurions donc de ce fait un revenu annuel de 410,000,000, dont la gérance serait moins onéreuse que le recouvrement des impôts.
- On arriverait ainsi à donner aux revenus publics une base solide, qui ferait que les charges seraient véritablement supportées par ceux qui possèdent la richesse, tandis que, maintenant, les impôts ne sont qu’un moyen jésuitique et odieux de reprendre au travailleur la plus grande partie de son salaire.
- Nous craignons que ce projet soulève toutes lesco-lères et les excommunications majeures et mineures des théologiens de l’économie politique. Mais cela n’est pas fait pour nous arrêter, parce que si nos adversaires ont mission de défendre les privilèges de ceux qui possèdent la richesse sans s’inquiéter de son origine, nous, nous avons voulu nous donner celle de défendre les droits des travailleurs qui la créent.
- Nous engageons M. Grimaud à profiter de la prolongation de son mandat pour mettre en demeure ses collègues du conseil municipal de se prononcer par un scrutin public sur sa proposition. C’est lui demander beaucoup, car nous coniiaissons toutes les rusés parlementaires dont sont capables les hôtes dix Pavillon de Flore à l’exemple de leurs grands frères du Palais Boürbon et du Luxembourg, pour éviter un vote catégorique sur une question aussi opposée aux privilèges capitalistes.
- Si les journaux de Paris continuent à faire le silence autour des excellents projets de M. Grimaud, houS né cesserons de suivre avec vigilance tous les efforts faits en vue de faire prévaloir une si bonne cause.
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- LE DEVOIR
- MOTS DE PROGRÈS
- Un progrès certain qui prépare la pacification des Etats civilisés, cc ne sont pas les conventions et les traités qu’un coup d'épée déchire, c'est cette force invincible, la solidarité des intérêts. Chaque fois que la diplomatie aura été impuissante, tout malentendu ou toute controverse pourra se terminer par Varbitrage.
- De Lesseps.
- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- La Chambre. — La Chambre vient de voter en deuxième lecture une loi autorisant l’établissement de un ou plusieurs conseils de prud’hommes mineurs dans chaque arrondissement où cette mesure sera jugée utile en raison de l’importance de l'industrie des mines.
- C’est un progrès au point de vue judiciaire ; il en résultera une simplification dans la procédure les litiges soumis à ce conseil, qui devaient auparavant être jugés par les tribunaux ordinaires.
- Déjà des politiciens peu scrupuleux parlent de ce vote comme d’un progrès social devant satisfaire des mineurs. Cependant, lorsqu’on examine les effets probables, on ne peut manquer de s’apercevoir qu’ils n’atténueront en rien le mai de misère. Les réformes urgentes, indispensables aux mineurs et à tous les travailleurs, sont celles qui donneront une sanction véritable au droit de chacun à l’existence.
- Cet acte du parlement contient un* grand enseignement sur lequel nous devpns insister. Cette décision de la Chambre n’est pas le résultat de l’iniative parlementaire ; elle a ôté arrachée de haute latte par la persistance des intéressés à ne pas laisser passer une seule manifestation des députés des centres miniers sans venir leur réclamer une loi sur les prud’hommes. Si les mineurs s’étaient attachés avec une égale énergie à réclamer une réforme plus profonde, ils n’auraient pas manqué d’obtenir pleine satisfaction.
- Ils doivent voir dans ce vote une récompense de leurs persévérants efforts, et conclure que la même tactique, mise au service des autres réformes, sera suivie d’un résultat analogue.
- Que les mineurs et les autres travailleurs prennent confiance en eux-mêmes, qu’ils se mettent d’accord sur un projet de mutualité nationale, et que partout ils aillent au-devant des hommes politiques, non pour écouter les projets utopiquesde ces cerveaux faussés par les fictions de la politique, mais pour les contraindre à se pénétrer des réclamations des travailleurs ; ils verront bientôt que les plus mauvais politiciens deviennent d’excellents serviteurs, lorsque les électeurs savent prouver qu’ils sont capables de commander.
- Voici le texte de la loi votée par la Chambre :
- Article premier. — Dans les six mois à dater de la promulgation de la présente loi, des décrets rendus en la forme de règlements d’administration publique, après avis du conseil général du département, établiront un ou plusieurs conseils de prud’hommes mineurs, dans chaque arrondissement où c&tte mesure sera utile à raison de l’importance de l’industrie des mines.
- Ils fixeront l’étendue de la circonscription judiciaire de chaque conseil.
- Art. 2. — La composition, l’organisation, les attributions de ces conseils, et les conditions pour être électeur ou éligible sont régies par les lois des l« juin 1853,
- j 4 juin 1864, 7 février 1880, et autres dispositions législatives antérieures non-abrogôes, sauf les modifications ci-après.
- Art. 3, — Sont électeurs :
- Dans la catégorie des patrons. — Les concessionnaires ou exploitants, directeurs, membres des conseils d’administration, ingénieurs des travaux et chefs de services, chefs mineurs, chefs d’ateliers et surveillants, âgés de vingt-cinq ans accomplis, des mines situées dans la circonscription judiciaire du conseil.
- Dans la catégorie des ouvriers. — Les mineurs et les ouvriers, âgés de vingt-cinq ans accomplis, attachés depuis un an, au moins, à l’exploitation d’une mine située dans la même circonscription.
- Art. 4. —Dans chaque commune de la circonscription, le maire, assisté de deux conseillers municipaux pris dans l’ordre du tableau, inscrit le relevé des électeurs, qu’il adresse au préfet.
- La liste électorale est dressée et arrêtée par le préfet.
- L’élection des membres des conseils de prud’hommes mineurs a lieu à la mairie des communes comprises dans chaque circonscription judiciaire.
- Art. 5. — A défaut, — soit par les électeurs de Tune des catégories, de voter, — soit, par les candidats élus dans l’une des catégories, d’accepter le mandat, —• soit enfla, par certains membres du conseil de consentir à si ger, — les prud’hommes élus, acceptant le mandat, et se rendant aux co ri vocations, procéderont, siégeront et jugeront seuls.
- En ce cas, ils prononceront valablement, comme juges, au nombre de trois, à quelque catégorie qu’ils appartiennent.
- Le Sénat, — Le Sénat avait à son ordre du jour l’examen du projet de loi sur les syndicats. L’urgence a été repoussée sur la proposition de M. Gavardie.
- Réunion cle l’Extrême-Gauche. — M.
- Maret a pris l’initiative d’une réunion des membres de l’Extrême-Gauche dans le but de leur exposer qu’il serait urgent d’étudier le plus rapidement possible les résolutious à prendre en faveur du travail. M. Maret a terminé son allution par les conclusions suivantes :
- « Il est évident en effet, a-t-il dit, qu’à toute question sur ce sujet, le ministre répondra en demandant à son tour quelle solution nous apportons. Or, une solution n’est pas le hasard d’un seul homme, et ne peut se discuter à la tribune sans avoir préalablement été élaborée par les députés compétents.
- « L’heure des actes a sonné. Il est temps qu’on sache si le parlement veut enfin s’occuper des qnestious économiques et sociales, ou si le peuple ne doit plus compter que sur lui-même. »
- Les députés présents, sur la proposition de M. Clé-menceau, ont nommé une commission de cinq membres avec mandat de classer les divers projets de loi intéressant les travailleurs, déposés k la* Chambre depuis le commencement de la législature.
- Ont été élus membres de la Commission MM. Canta-grel, de Lanessan, Leydet, Henry Maret et Salis.
- Si la commission n’élargit pas" son mandat, elle ne peut manquer de faire œuvre inutile; on sait bien que. parmi les projets de lots déposés, il n’en existe un seul susceptible de réaliser les améliorations nécessaires. Tous visent des questions de détail, dont on ne peut rationnellement s’occuper, lorsqu'on manque de base.
- Cette proposition émanée de M. Clémenceau a une saveur parlementaire digne d’un plat ministériel. M. Ferry n’a pas procédé autrement avec les révisionnistes : Ab ! vous voulez la Révision, a dit le ministre à l’ex-trême-gauche ; eh bien 1 nous aussi, nous la voulons ; nous avons dans nos cartons un tas de vieux clichés sur la question, nous allons les revoir. De môme, M. Clémenceau, dont toute la science politique consiste à tomber les ministres, s’est débarrassé ds la question sérieuse soulevée par M. Maret, en l’envoyant, lui et ses
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- LE DBVOfR
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- collègues de la commission, fouiller les vieux papiers parlementaires.
- Les membres de la commission vont-ils se faire les complaisants serviteurs de la politique de M. Glérnen-ceau, ou bien, comprenant la gravité de la situation, déclareront-ils que les projets déjà déposés n’atteignent pas le but, qu’il y a lieu de rédiger un projet véritablement conforme aux aspirations des travailleurs?
- Nous ne savons si ces députés sont capables d’une détermination aussi précise. Mais, d’après les opinions de certains membres de la commission, notamment de M. de Lanessan, jusqu’à ce jour un fougueux partisan du laissez faire, nous doutons qu’lis puissent se mettre d’accord sur un projet de loi, qui doit-être essentiellement protecteur des droits du travail.
- Quoiqu’il arrive, il y a un homme directement intéressé à ne pas laisser étouffer la question par l’extrême-gauche. M. Maret en prenant l’initiative de cette consultation a accepté d'avance toute la responsabilité d’un avortement, si avortement il y a.
- Celui-ci ne peut honorablement accepter une résolution qui n’atteindrait pas le but ; et sa personnalité sera diminuée et compromise, si, à défaut de l’appui ce l’extrême gauche, il ne trouve en lui-même assez d’énergie pour s’élever au-dessus de l’imiuissanee de son groupe et de la Chambre tout entière, en formulant un projet de garanties sociales efficaces ea faveur des travailleurs ; puis il aura le devoir de le faire prévaloir dans l'opinion publique après que la Chambre l’aura repoussé par un scrutin public.
- Si M. Maret est résolu à suivre jusqu’au bout les obligations que lui impose son initiative, et son honneur le lui commande, il ne peut faire moins que de reprendre le projet de Mutualité nationale que M. Godiu avait adressé à M. Brisson, à l’austère président, avec prière de le joindre aux documents parlementaires. Ce dernier mit tant de bonne volonté à accéder au désir de M. God n que, quinze jours après la réception, ce travail ôtait encore dans les poches de la veste de M. Brisson, où il serait resté à perpétuité, si un député n'avait témoigné son étonnement de ne pas trouver dans les dossiers une pièce qu’il savait avoir été envoyée avec cette destination.
- La proposition de M. Maret crée une situation nouvelle, nous n’en vouions d’autre preuve que la précipitation de MM. G alla, Langlois et Revillon à soulever ia même question.
- Nous attendons M. Maret à l’œuvre.
- L’Arbitrage à Nîmes. — Voici l’adresse que
- les Chambres et Cercles républicains de Nîmes ont envoyée à M. Gaillard :
- Au citoyen Gaillard, député de Vaucluse et aux députés signataires de ia proposition d’Arbitrage.
- Au nom des groupes nîmois, nous sommes heureux de vous envoyer nos sincères félicitations pour l'esprit de justice et de véritable patriotisme que vous avez montré vous et vos collègues, en portant devant la Chambre française une proposition d’Arbitrage.
- Nous savons très-bien, quel que soit le procédé employé par la Chambre pour en étouffer ia discussion, que l’idée est bonne, humaine, essentiellement républicaine, et qu’elle fera son chemin. De tout notre cœur nous vous approuvons de l’avoir formulée. A sa lumière, la véritable démocratie saura distinguer ses amis.
- Recevez donc, citoyens, vous qui les premiers avez osé soutenir une aussi nobie cause, les remerciements chaleureux des groupes démocratiques soussignés :
- Cercles de ia Bourse, des Droits de l'homme, National, du Progrès, de La Renaissance, Chambrées des Amis fidèles, au Génie de la liberté, de la Libre-Pensée, de la Nouvelle-Alliance, du Progrès, de la Solidarité.
- Les membres des sociétés signataires ne se bornent pas à faire des vœux platoniques en faveur de l’arbitrage et de voter des adresses à ceux qui servent avec tâtent cette cause. Ces sociétés sont fédérées, et il suffit d’être membre de l’une d’elles pour avoir le droit d’assister aux délibérations de toutes les autres. Si l’un
- de ces groupes se croit lésé par les décisions d’un autre groupe, comme si l’un des sociétaires est ré-olu à réclamer contre les délibérations de «un groupe, iis s’adressent à la fédération quidé; igoe des arbitres ayant miss on de faire des enquêtes et de trancher définitivement le different. Il n’y a pas d’exemple d’insoumission aux jugements des arbitres, soit de ia pari des individus, soit de la part des sociétés.
- et +
- «strophe de Ferfay, — Vendredi, îi janvier, quelques heures après la descente des mineurs dans les f ».-ses, une épouvantable explosion de grisou faisait 28 victimes.
- Que vont devenir les femmes, les enfants, les vieux parents de ces martyrs du travail ?
- Comprendront-ils, ceux qui croient avoir tout fait pour les travailleurs, parce qu’ils ont volé rétablissement de conseils de pru l'h<>mmes dans les centres miniers, conseillers que les Clugot s’empresseront de chasser de la mine, s’ils ont lin iépeadance de rendre des arrêts conformes aux intérêts des ouvriers ?
- *
- * *
- Xu’ICxm.csnalpal i <m de» femmes. — On lit
- dans le Rappel :
- Les femmes ont fini par défoncer les portes de l'Ecole de médecine ; les voilà maintenant en train de donner l’as ’aut à 1 Ecole des Peaux-arts.
- Une jeune Américaine, mistress Laura White a été reçue à l’école spéciale d’architecture, dirigée par M. Tielat. Notre confrère et ami J.-B. Schacre nous apprend que l’on compte déjà un certain nombre de femmes dans l’industrie du bâtiment comme directrices d’ateliers, comme chefs de maison. Les magnifiques travaux de menuiserie delà mairie de Passy ont été exécutés par Mile L... qui est a ia tête d’une des plus importantes maisons de Paris.
- Voilà de nouveaux horizons ouverts à l’intelligence, à l’activité féminine.
- Nous avons des femmes médecins ; nous aurons des femmes architectes — et nul doute qu’elles ne relèvent de leur grâce et de leur esprit la lourdeur et la monotonie de notre moderne architecture.
- ¥ ¥
- Tonkin. — L’absence de nouvelles favorables doit être considérée comme l’indice d'une situation difficile.
- Ii est évident que Je gouvernement est intéressé â en finir au plutôt avec une expédition qu’il ne prévoyait pas devoir être si onéreuse, les chefs militaires doivent avoir reçu des instructions sévères en ce sens. S’ils n’agissent pas énergiquement, c’est qu’iis reucontreront des obstacles imprévus et une résistance sérieusement organisée.
- Le Temps, qui n’est pas moins variable que l’éternel distributeur des saisons, donne,sans doute malgré lui, la preuve de ce que bous avoas toujours soutenu avec tous îes autres journaux soucieux, à 1 encontre de ce journal, de ne pas lancer la France dans l’aventure Tonkinoise, à savoir: que ia France, en intervenant, se faisait le gendarme de I Europe, qu’elle n’avait aucun intérêt national à faire prévaloir. Nous lisons, en effet, dans le journal le Temps : « Que, si la France n’avait pas Je dessus dans celte affaire, les intérêts des nations occidentales en Chine seraient tellement compromis, que 1 Angleterre ou toute autre puissance serait forcée d’entrer en lutte pour réprimer l’arrogance de la cour de Pékin. »
- Nous laisserons aux statisticiens le soin de faire le calcul des nombreux articles, insérés dans le Temps, qui se trouvent en parfaite contradiction avec ces quelques ligues.
- Nous ne pouvions rencontrer un meilleur afgumenten faveur de notre thèse, que le conflit avec la Chine devait être tranché par le Concert-Européen.
- ANGLETERRE
- Nationaliisatioii dn aol ex» Augrleterre,
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- LE DRVOIR
- — Un mouvement démocratique très important se pro duit de nos jours d’un bout à l’autre de la Grande-Bretagne, par suite de l’énergique èt intelligente propagande de ces dernières années.
- En quinze mois 180,000 exemplaires d’tine brochure intitulée : « Progrès et pauvreté » ont été vendus et il s’est constitué sous le titre: « Land téform U?Hon », Union de la réforme foncière, une ligue d’associations plus radicale et plus avancée que la ligue nationale d’Irlande.
- Chose digne de remàrqhé, les partisses les plus actifs et les plus zélés de la nouvelle agitation sont les petits employés, les artisans, lès petits commerçants qui ont enfin ouvert les yeux sur leur misère infinie.
- _ Le but de la « Land reform Union » est la réorganisation de là propriété foncière, qui, en Angleterre, est encore établie sur les bases d’il y a mille ans, Où le droit de primogèniture et autres institutions médiocres sont encore en vigueur.
- Les grands domaines sont là cause principale de la misère du peuple britannique et Bdght l’a déclaré plus d’une fois.
- 8.142 individus possèdent à eux seuls dans l’Angleterre, les Galles, 1 Ecosse et. l’Irlande 46.500.000 acres de terrains, tandis que des milliers de déshérités souffrent de la faim.
- La question sociale devient chaque jour plus impérieuse, et lord Salisbury a reconnu naguère qu’ii est temps de se pourvoir contre la misère dérdesurée et im* vahissanté, eh donnant des solutions favorables aux demandes des fermiers et cultivateurs. Do son côté, te ministre. Chamberlain à proclamé qu’il h’y avait d’autre solution possible que la réorganisation écoitomique de l’Etat.
- En attendant, une vive polémique basée sur cet argument est engagée entra tous les jodrbaüx, ad grand bénéfice de 1’ « Union » qui continue sa propagande avec le concours de tous les travailleurs, intelligents et consciencieux.
- « Il sègolo »
- ALLEMAGNE
- M. de Bismarck vient de présenter au Reichstag un nouveau projet de loi sur l’assurance ouvrière.
- L’économie de celle-ci consiste à garantir aux ouvriers de l’industrie oti des mines, air si qu’aux employés ayant un traitement ânnUeide moins de 2,500 francs, une indemnité en cas d’accidents survenus sans leur faute du-râiit leur travail. Cette indemnité consiste dans les frais du traitement, après la treizième semaine dé la maladie révolüe et dans tme rente viagère qui atteint deux tiers de salaire moyen, inférieur â 5 fra- es par jour, en cas d’incapacité partielle. Là portion du salaire quotidien supérieure à 5 francs n’entre que pour un tiers dans l'évaluation. Eu cas de mort, l’assurance pourvoit aux frais des funérailles ; ebe sert à la veuve une pension égale au cinquième du salaire de Son mafi, avec un supplément de un dixième par etifatilau-dessous deqùinze ans, ëansqüe reüsètü.ble de c:>S pensions puisse dépasser là moitié du salaire du défunt ; enfin, elle sert a ses asbendarlts iiêceSsitôux une pension de ufi cinquième de soti salaire. Les bureaux de posté se chargeront du payement de ces reniés.
- La loi pourvoit aux frais de cètfe organisation par fine assurance obligatoire, mise entièrement à, ia charge des patrons et entrepreneurs Ü’üidustries, les ouvriers restant exempts de ibütë partlcipâtioh. Il est à remarquer que cette organisation ne comprend ni les ouvriers agricoles; ni les employés de l’empifo, dé l’Etat ou des communes. Tandis que le précédent projet rie loi était basé sur une classification des risques, le projet actuel est fondé sur lé rétablissement des corporations, c’est à-dire que les efitrepïeneurs d’industries similaires, dans toiit l’empire, sont constitués obligatoirement en corpofà tions, subdivisées el;es-mèmes eu groupes locaux, et astreints à contribuer aux charges au prorata des salaires et traitements qu’ils payent à leurs ouvriers et employés.
- Il est bbri de remarquer que cette œuvre, en apparence toute d’administration et d’ordre intérieur, est entreprise par l’empire, par-dessus la tétë (les gouvernements et des Parlements confédérés : c’est à l’empereur et non à leurs souverains particuliers qtie les travailleurs seront redevables de ces bienfaits.
- Le troisième point caractéristique dei a conception du prince de Bismarck, c’est qu’eile exclût les sociétés d’assurances particulières, mutuelles aussi bien que constituées paradions, pour imposer aux patrons la forme spéciale définie par la loi. Le concours pécuniaire dé 1 eranirë, qui avait été le motif principal du rejet des précédentes propositions, est supprimé en apparence, triais il est rétabli sous Uns forme déguisée, puisque l’empire se substitue aux corporations devenues inviolables et procède à leur liquidation et à leur réorganisation. Or, ce cas sera d’autant pi US fréquent que ces associations se constituent salis apport dè Capital, qü’èiles iègieüt leur budget annuel de recettes sur leurs dépenses présumées et que., par suite, elles sont incapables de créer des fonds de réserve.
- Des tributiaiix d’arbitrage, composés de délégués, du gouvernement, des corporations et üèé Commissions Ouvrières, décident des cas litigieux.
- L’organisation et je fonctionnement des corporations ressortissent d’une manière générale du Conseil fédéral. Leür police générale appartient à ilfi office impérial dès assurances,siégeant à Berlin,à qui appartienlla décision dans la plupart des câs importants. Cet office se compose d’au moins trois membres (dont le président), fipcornés à vie par l’empèreur sur la bro position dù Coriseii fédéral, et de huit membres nommés pour quatre ans ar le Conseil fédéral, pàr lès patrohs et par les ouvriers, es membres éius reçoivent une indèmtiitô quand ils n’habitent pas ofdiiiairement Berlin. L’office impérial surveille l’exécution de la loi et peut frapper les infractions d’amendes s’élevant jusqu’à 1,250 francs.
- Enfin, il est interdit aux patrons et industriels de chercher à s’affranchir des obligations de la loi par des règlements ou par dés conventions spéciales avec leurs ouvriers ou employés. De telles stipulations insérées dans les contrats sont frappées de nullité et punies par la loi.
- • ÉTATS-UNIS
- L’interdiction de l’entrée en France et en Allemagne, par les gouvernements de cès deux pays, des viandes de porc de provenance américaine semble devoir être suivie de représailles de la part du gouvernement des Etats-Unis.
- On sait que l’Acadépiie des sciences, appelée à se prononcer sur les prétendues viandes trlchinées de l’Amérique, a déclaré qu’il n’y avait pas lieü de baser sur des considérations sanitaires l’éloignement de ces viandes des marchés français. Les promoteurs de cet interdit ont donc obéi 4 des inspirations protectionnistes qui ont vivement mécontenté je commerce américain.
- Les importations, eh France, de viandes américaines, qui s’élevaient autrefois â 60,000,000 dè francs.sont descend nés à 150.000. En Allemagne, on importait pour 40 000.000 de ces mêmes produits ; depuis la prohibition ce chiffre est descendu à 7,000,000.
- Le Congrès se propose de voter un bill inierdisahi l’entrée de certain» produits français et allemands en manière de représailles.
- Cette question, en apparence d’importance secondaire, est un dès symptômes Significatifs des complications commerciales qui nè tarderont pas à surgira ht sifite de là généralisation de l'outillage perfectionné» qüi tend à amener dans toutes les nations civilisées une surproduction relative, ii’ayant (Tatitrë èxblicatioq que la Mauvaise répartition des richesses. Lorsque les nations, à la suite dès rivalités commerciales, hé pourront plus écouFr à l’étranger leur surproduction, elles penseront peut-être à Se préoccuper de procurer à leurs nationaux les moyens pratiqués d’augmenter leUr consommation.
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- LIS DEVOIR
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- La Vie, ie Temps & les Travaux de Robert Owen(t)
- Résumé traduit des documents de Mm. Lloyd Jones et J.-H. Humphrèys Noyés
- XXXVII
- Un journal, le « Morning chronicle », publia, en 1842, des lettres d’utl M. AlèXâfldre Sommerville qui avait visité QueenvoOd.
- M. Sommerville fi’était pas socialiste. Voici comment il s’exprime sur l’œuvre qtii nous occüpe :
- « Bien que ce soit folie de la part des socialistes de gaspiller, depuis trois ou quatre ails, leur temps et environ 35,000 livres (875,000 francs) à d’autres travaux que le perfectionnement de la culture du sol, il faut reconnaître qü’une communauté qui exploite un millier d’acres dè terrain, assure de l’ouvragé èt des salaires aU travaillent*, et répartit ses bénéfices plus libéralement que les fermiers de son entourage, mérite d’être examinée.
- « La communauté s’abstient de préconiser son système par des conférences, mais elle n’en répand pas moins son influence pdr ses écoles industrielles.
- « En effet, les résidents de ’ Queenwood ont déjà accepté, de toutes les parties de la Contrée, des élèves dont les aptitudes sont développées dans toutes les voies dé connaissances utiles enseignées aujourd’hui dans nos meilleures écoles. A Queenwood l’enseignement théorique est combiné avec la pra-tiqüe dàîis les arts et les sciences.
- « Outre cela, une école enfantine, dirigée par une dame cle grand savoir et de grande expérience, développe les forces physiques des petits enfants, les dresse aux bonnes habitudes et forme leurs dispositions morales.
- » Le plan d’éducation comporte une école élémentaire pour les enfants de 7 à 14 ans et une école polytechnique pour les personnes de plus de 14 ans. Cette école donne l’enseignement théorique et pratique de l’agriculture, du jardinage et de tous les arts et métiers usités dans l’établissement. Il y a des chefs habiles dans chaque branche d’industrie.
- « Les gens du voisinage redoutaient d’abord les socialistes de Queenwood ; maintenant ils les respectent .
- « Les socialistes ont apporté de tous les points du royaume les outils les plus perfectionnés et les meilleurs procédés de travail.
- « Au sein d’une population pauvre, ils créent la richesse ; à un peuple ignorant, ils donnent l’éduca-
- (tj Lire le Devoir depuis le d0 dû 8 juillet 1883.
- tion ; à des travailleurs souvent inoccupés, ils assurent des travaux permanents ; enfin à des gens dont la morale laisse-souvent à désirer et qui au premier abord se méfiaient d’eux, ils donnent l’exemple d’une vie obligeant au respect tous ceux qui les connais -sent. »
- En avril 1843 un rapport du directeur de Queenwood établit comme suit la situation de la Société :
- Il est à remarquer que, dans ce rapport, Queenwood est parfois nommée Harmony.
- « J’ai le plaisir de constater que bien qu’il reste beaucoup à faire à Harmony, les objets dont la réalisation nous a été confiée sont en voie d’accomplissement. Les plus pressants engagements de la Société sont exécutés ; les bâtiments sont à peu près terminés ; beaucoup d’améliorations sont réalisées dans les fermes et les jardins ; les classes sont pourvues de professeurs convenables, nombre délèves et de pensionnaires sont arrivés et nombre d’autres nous sont promis ; ce sera là une source de revenus considérables. Ces revenus joints aux autres produits de l’établissement, nous font espérer que l’entreprise si intéressante de Queenvood se soutiendra par elle^ même a la fin de la présente année »
- Le congrès annuel des coopérateurs se réunit le mois suivant, mai 1843. Robert Owen est élu président du congrès à l’unanimité.
- Concernant l’entreprise de Queenwood, le congrès recommande le développement des écoles, la création d’une imprimerie, l’installation de machines pour venir en aide au travail humain ; il exprime l’opinion que c’est le travail et l'intelligence qui seront pour la Société les plus belles sources de revenus.
- Outré la difficulté de se procurer les fonds nécessaires pour mettre ces avis en pratique, l’entreprise de Queenvood se trouvait en face d’un nouvel embarras : Fondée spécialement en vue de combiner les travaux des champs et de l’atelier,-avec ceux de l’éducation et de l’économie domestique, elle ne pouvait dévier de son but et devenir une sorte de collège recevant des pensionnaires payants, sans soulever le mécontentement d’un grand nombre de ses fonctionnaires.
- On comprend que les directeurs de l’entreprise, eti proie aux plus graves embarras pécuniaires, Sbient, entrés, malgré les résistances intimes, dans là voie où les profits se montraient faciles ; mais la chose ne pouvait plaire aux membres qtii, depuis la fondation, considéraient que le but de la Société était d’émanciper les travailleurs, de réaliser pour eux les conditions du bien-être physique, intellectuel et moral, de les mettre en mesure de s’employer
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- eux-mêmes, d’être à eux-mêmes leurs propres pa- ; Irons et qui voyaient maintenant la Société dévier de son but, employer ses propres membres au service de pensionnaires payants du dehors.
- Cette nouvelle voie n’en fut pas moins suivie. Des arrangements furent pris pour recevoir les pensionnaires. Les jardins et les fermes furent soignés de laçon à séduire les visiteurs qui affluèrent bientôt à l’établissement.
- Mais, d’autre part, le mécontentement des sociétaires alla croissant. Aussi le congrès annuel de 1844 dut-il se préoccuper à nouveau de l’impulsion suivie à Queenwood et des changements à y apporter.
- Les fonds étaient toujours insuffisants et le mécontentement empêchait un certain nombre de coopérateurs de verser les subsides qu’ils avaient autrefois promis.
- Le bureau central jugea que le plus sage était peut-être de se rapprocher de la voie primitivement ouverte, de chercher davantage le bien-être des résidents et de limiter, dans la mesure acceptée par tous, le nombre des pensionnaires.
- De nouveaux fonctionnaires furent nommés ; malheureusement ces fonctionnaires n’avaient point une grande notoriété. Par conséquent iis n’inspirèrent point à tous les coopérateurs une ferme confiance et les capitaux ne furent point obtenus dans la mesure qu’on avait espérée. Outre cela, le changement de direction alarma les familles des pensionnaires restants. Or, ceux-ci étant une source de revenus, il y avait là une perspective de diminution de ressources ; tandis que d’autre part des dépenses nouvelles réduisaient les intérêts des fonds placés dans la société ; il devint donc évident que l’œuvre de Queenwood touchait à sa fin.
- Le domaine était la garantie des capitaux mis dans l’entreprise. Afin d’éviter une déroute, on décida de clore les opérations. Les affaires furent réglées à l'entière satisfaction des intéressés.
- Néanmoins les ennemis de Robert Owen se réjouirent de cette rupture comme de l’échec d’un adversaire et firent circuler les plus fausses appréciations sur le but de l’entreprise de Queenwood et ses causes d’insuccès.
- Rovert Owen avait alors 75 ans. Parmi ceux qui l’entouraient, bien des hommes jeunes et vigoureux furent abattus par la chûte de Queenwood, lui demeura calme, inébranlable dans son espérance du triomphe futur de l’idée d’association, et aussi ardent que jamais à travailler de toutes ses forces pour le bien de la cause.
- Un soir, causant avec Lloyd Jones il lui dit : « Me
- voici vieux maintenant, j’ai examiné de près tous les évéments qui ont influencé ma vie et j’ai constaté que bien des choses qui, à leur arrivée, m’ont paru déplorables ont eu pour moi les conséquences les plus heureuses ; fandis que certains événements qui m’avaient causé la plus vive joie ne m’ont valu par la suite que peines et tourments. Sachant cela, je demeure calme en face des événements attendant que j’en puisse apprécier réellement les conséquences. Si elles sont heureuses, je m’en réjouis ; si elles ne le sont pas, ma peine est graduelle et par conséquent plus facile à porter. »
- Il est à signaler que la Société des Equitables pionniers de Rochdale, si prospère aujourd’hui, prit naissance quelques mois avant la chûte de Queenwood.
- L’œuvre entreprise à Rochdale était différente de celle tentée à Queenwood ; néanmoins, il y a entre elles ce lien que les fondateurs du magasin de Rochdale envoyèrent des délégués à Queenwood pour prendre des conseils et des instructions avant de commencer leurs opérations.
- Les partisans de Rochdale comme les sociétaires de Queenwood étaient tous des amis et des adeptes de Robert Owen. On voit donc que le mouvement coopératif actuel remonte en droite ligne jusqu’au célèbre Réformateur.
- {A suivre).
- Une pétition à la Chambre Française
- Sous ce titre, le « Secolo » de Milan, en date des 10-11 courant, porte au rang de question du jour ce qui suit :
- Etudier, discuter toutes les questions sociales qui intéressent les classes ouvrières, sans nuire ni toucher aux intérêts existants, est une entreprise digne d’attention et de louange.
- Les réformes sociales sont nécessaires, inéluctables ; elles sont une conséquence du progrès de la société.
- Veiller aux intérêts des classes laborieuses, repousser les préjugés, comprendre que l’immobilité conduit au désordre, voilà ce que devraient faire les détenteurs du pouvoir ou ceux qui, dans les Parlements, font les lois.
- Les questions sociales ne sont créées par personne. Elles existent : Les résoudre c’est pacifier les résistances et prévenir les revendications violentes.
- — Nous ne voulons pas repousser la vérité, disent certains gens de bonne foi ou qui n’osent parler autrement, mais où prendre les capitaux voulus pour
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- atteindre aux réformes justes et prônées? S’il n’e t pas possible de se procurer les fonds nécessaires, ne serait-il pas prudent d’éviter l’étude de ces réformes impossibles ?
- On ne peut, selon nous, donner réponse plus entachée d’un incompréhensible aveuglement.
- Que voyons-nous en Europe sinon les dissidences s'accentuant de plus en plus chaque jour entre les diverses classes de la société, les passions égoïstes irritant, au grand péril de l’ordre, les plaies du corps social et poussant ceux qui soutirent aux revendications ?
- Un homme illustre, un philanthrope, apôtre ardent et convaincu des sciences sociales, un de ceux trop rares, hélas ! qui prêchent de splendides exemples — l’ancien député Godin, le fondateur du grand Familistère de Guise, — a envoyé au Parlement français une pétition suivie d’une proposition de loi dans laquelle est développé d’abord et formulé en articles ensuite, le projet par lequel, selon Godin, l’Etat, tout en maintenant le budjet en parfait équilibre et en allégeant le poids funeste des impôts, pourrait satisfaire à l’un des plus urgents besoins des classes laborieuses : « la sécurité du lendemain et les garanties contre la misère. »
- Le point fondamental des réformes sociales est de déterminer par quels moyens le peuple rentrera en possession de ses droits.
- L’auteur du projet en question ne cause, par cette restauration, ni spoliation, ni violence ; il accomplit, par de sages modifications légales, une réforme qui renferme en elle-même la solution des plus grandes difficultés sociales.
- Le moyen proposé est « une modification nécessaire dans les lois sur l’hérédité. »
- Que personne ne tremble! Il ne s’agit ni d’abolir la propriété, ni d’enlever à ceux qui possèdent pour donner à ceux qui n’ont rien, puisque, dans l’esprit de Godin, les véritables réformes sont protectrices des droits de tous les citoyens.
- Il s’agit de rétablir les droits méconnus et d’assurer à tout homme le libre développement de ses facultés.
- Il s’agit de fonder le droit à l’existence en faveur du peuple, chose qui exige non des ressources éventuelles mais des ressources assurées.
- A qui les demander? Aux riches sous forme d’impôts ? Ce serait trop grave à notre époque égoïste où l’on ne comprend que le « chacun pour soi. »
- Comment sortir de là ? L’illustre français propose « le droit d’hérédité de l’Etat au patrimoine des citoyens décédés, hérédité partielle ou totale selon les cas. »
- Cette mesure, dit le proposant, est de droit naturel et social. D’une part, elle restitue au fonds commun la partie provisoirement aliénée ; d’autre part, elle rend à la Société l’équivalent du concours prété par celle-ci à l’édification des fortunes individuelles.
- Nous verrons comment Godin développe sa thèse et de quels arguments sérieux il a su l’entourer avant de la traduire en proposition de lois. »
- Le deuxième article du « Secolo » nous parvient au moment où nous livrons celui-ci à l'impression. Ce deuxième article contient une question très importante à laquelle nous répondrons dans le prochain numéro du « Devoir. »
- Correspondance d’Angleterre
- La politique et les faits sociaux dans le Royaume-Uni en 1883.
- Mil huit cent quatre-vingt-trois n’aura pas été, en ce qui concerne la Grande-Bretagne, fertile, en événements politiques ou sociaux d’une grande importance ; néanmoins, peut-être ne sera-t-il pas désagréable aux lecteurs du Devoir que nous passions rapidement en revue ceux d’entre ces faits qui laisseront leur marque dans les annales du Royaume-Uni.
- Parmi ces événements, il en est un, tout-à-fait dramatique, qui se rattache à la fois aux premiers et aux derniers jours de 1883. Nous avons nommé l’assassinat de lord Cavendish et de M. Burke, sanglante tragédie s’il en fût, qui commence à Dublin, dans le Phœnix-Park, pour se continuer à bord du Melrose Castle, où le 29 juillet l’infâme Carey tombait frappé à mort, et qui se terminait, il y a quelques jours à peine, par l’exécution de O’Donnel, le justicier des Invincibles, dans la prison de New-gate à Londres.
- Certes, nous n’éprouvons pas une très grande sympathie pour une Wehme du genre de celle des Invincibles qui, s’arrogeant le droit de justice, ne craint pas de sacrifier plusieurs innocentes victimes pour atteindre un coupable ! Mais d’un autre côté, nous devons avouer qu’après avoir suivi attentivement, pendant plusieurs années déjà, ia lutte cruelle et inégale que soutient l’Irlande pour l’obtention de l’autonomie à laquelle elle a droit, et après nous être surtout rappelé les persécutions de tous genres qu’elle a subies, nous ne sommes pas étonnés que les sociétés secrètes fleurissent dans rile-Sœur et que certains de ses enfants, perdant
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- toute confiance dans l’efficacité des moyens légaux, aient recours à la force pour renverser le joug qui les accable.
- Sans aller fouiller dans l’bistoire et sans remonter aux usurpations et aux oppressions systématiques dont les Anglais se sont rendus tant de fois coupables envers les Irlandais, on n’a qu’à se rappeler le règne de M. Forter, dit Buckshot, sous lequel les évictions ont fleuri comme jamais ; on n’a qu’à se remémorer ce régime de terreur rous lequel un Smith, inspecteur du corps des constables du comté de Clarc osait recommander, par une circulaire, aux policiers-soldats placés sous ses ordres, dp faire inir médiatement feu sur la ou les personnes soupçonnées de tentative d’assassinat, afin de prévenir la seule possibilité d'un tel attentat / (1) On n’a, disons-nous, qu’à se rappeler des faits semblables et bien d’autres qu’il serait trop long d’énumérer ici, pour comprendre le degré d’exaspération auquel a pu en arriver une population soumise à un traitement de ce genre.
- Aussi, qu’est-il arrivé? C’est qu’en dépit des concessions, insuffisantes d’ailleurs, péniblement arrachées par les libéraux au Parlement, le parti national irlandais, loin de perdre des forces et de désarmer, n’a fait que développer une nouvelle et irrésistible énergie, si bien qu’apjourd’hui les partisans de M. Parnell sont plus nombreux et plus unis que jamais, et qu’aux prochaines grandes élections le vote irlandais jouera dans la Grande-Bretagne un rôle presque aussi important qu’en Amérique.
- Les Anglais le reconnaissent, mais ils ne savent pas discerner, ou plutôt, ils ne peuvent encore se ré^ soudre à accepter le seul remède qui, suivant nous, pourrait rendre la paix et la prospérité à l’Irlande, et qui consisterait à accorder à l’Ile-Sœur cette autonomie que possèdent déjà le Cap, l’Australie, le Canada et maintes autres colonies britanniques, les-quelles, cependant, n’en reconnaissent pas moins la suzeraineté de l’Angleterre,
- Ne seraitme pas là, nous le demandons, le vrai moyen de donner satisfaction aux justes aspirations de Tir* lande, sans mettre en péril son union avec la Grande-Bretagne ?
- Et ne peut-on pas dire aujourd’hui avec raison, en parlant du Royaume-Uni, que ce n’est point tant l’union qui en fait la force, que la force qui en fait l’union ?
- (1) « Dans le cas, ajoutait l’auteur de cette monstrueuse circulaire, où quelques uns d’entre vous commettraient une erreur, et tueraient d’un coup de feu quelque personne soupçonnée d’avoir voulu commettre un crime, iis seraient justifiés à mes y8ux sur leur simple déclaration et la présentation de ce document. » (Textuel.)
- Un incident carieux et fort instructif pour ceux qui aiment à aller au fond des choses, a marqué, pendant l’année qui vient de s’écouler, les rapports de la Grande-Bretagne avec les Etats-Unis.
- On sait qu’un des grands moyens, un des remèdes favoris du gouvernement anglais pour combattre le paupérisme en Irlande, sans encourir la colère des grands terriens, consiste à favoriser l’émigration. John prétendant par*là que l’Irlande si fertile, qui comptait, il n’y a guère plus de 40 ans, plus de huit millions d’habitants, ne saurait suffire à la subsis* tance des cinq millions d’enfants qu'elle possède aujourd’hui.
- Or, les rapports des Consuls des Etats-Unis dans ]e Royaume-Uni nous ont appris que le gouvernement Anglais avait organisé, d’une façon plus ou moins occulte, 1’émigration, ou pour mieux dire la déportation sur une vaste échelle, en Amérique, d’indigents irlandais âgés, infirmes, ou pour toute autre raison incapables de se suffire par leur travail j trouvant ainsi le moyen, suivant les propres expressions de M. Ecoles, Consul des Etats-Unis à Sligo, « de rejeter sur l’Amérique un fardeau que l’Angleterre trouve trop lourd pour ses épaules. »
- L’opinion publique s’est vivement émue d’une conduite semblable, qui marque autant d’inhumanité que d’indélicatesse, et qui, en outre, est en contravention directe avec les lois en vigueur aux Etats-Unis. Aussi, outre l’échange de notes diplomatiques auxquelles l’incident a donné lieu entre les Cabinets de Washington et de Saint-James, il est à noter que le cousin Jonathan a su donner une forme plus pra» tique à sa protestation en réexpédiant à John Bull une partie de sa cargaison de pauvres, d’infirmes et d’enfants en bas âge.
- Ce fait caractéristique de l’action de l’Angleterre en Irlande valait, croyons-nous, la peine d’être rap<* pelé ici.
- Londres, le 4 janvier 1884.
- (Asuivre.) P.-L. Maistre.
- ---------«iuppii m IB II ffl UTW*»»- ...^
- ARBITRAGE INTERNATIONAL
- On lit dans le « Herald ofpeace » de Londres :
- La ligue nationale d’arbitrage aux Etat-Unis a provoqué la réunion d’un congrès à Philadelphie, fln novembre dernier, pour l’examen des questions concernant l’arbitrage international. Un grand nombre de délégués étaient présents. M. Hobts, d’In-diana, lut un discours tendant à l’adoption, par toutes les nations civilisées, d’une politique d'arbi* trage international dans toutes les causes de dissentiments. Il s’efforça de démontrer que le règlement des discussions entre nations par le principe barbare de la force causait les plus graves préjudices aux
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- LE DEVOIR
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- deux nations belligérantes et les plus grandes souffrances aux peuples, apportait le stagnation dans les affaires et augmentait les dettes nationales.
- Après deux jours de délibérations, le congrès émit les déclarations suivantes :
- L’enseignement de l’histoire en appuyant beaucoup plus sur les faits de guerre que sur les details de la vie intérieure des peuples, donne une idée er-ronnée de l’importance de la guerre et porte à croire ! que les différends internationaux ne peuvent être | réglés autrement que par les armes. t I
- Le congrès demande instamment aux ministres de tous les cultes de présenter les négociations arbi- | traies pour le règlement de tous les différends in- jj ternationaux, comme un pas vers le triomphe uni- j versel du Dieu de paix.
- Il requiert les éditeurs de tenir toujours présent à l’esprit public le principe d’arbitrage ; les conférenciers et les professeurs de préconiser sans cesse ces idées au peuple.
- Il décide que le discours de M, Hobbs sera imprimé et propagé après avoir été revu et condensé par un comité spécial.
- Il demande la formation, aussitôt que cela sera pratique, d’un code et d’un tribunal internationaux.
- Il prie toutes les sociétés de paix, en Europe et en Amérique,de sollieiterdeleurs gouvernements respectifs, chaque fois que s’élèvent entre eux des différends tendant à la guerre, d’informer ouvertement les nations et les peuples des causes de leur dissentiments, ou de faire elles-mêmes en leur qualité de sociétés de paix les enquêtes nécessaires et d’en publier les résultats. En même temps les sociétés de paix rappelleront l'usage fait de l’arbitrage par le gouvernement des Etats-Unis spécialement durant les quatre administrations successives des présidents Grant, Hayes, Garfleld et Arthur.
- Le congrès sollicite le gouvernement américain de prendre dès maintenant des mesures pour constituer un congrès des nations de l’hémisphère occidental, en vue de régler judiciairement les différends qui pourraient s’élever entre les nations américaines.
- Il demande au gouvernement d’inviter à un congrès analogue telles nations d’Europe ou des autres continents qui seraient favorables à l’idée.
- Il propose que la convention nationale nomme cinq commissaires chargés de présenter à Washington un projet sur les questions en cause.
- Il demande enfin qu’une commission soit chargée par le Président de négocier avectels gouvernements qui seraient disposés à concourir à l’adoption pratique de l'arbitrage international, et qu’un congrès soit requis de faire le nécessaire à ce sujet.
- ONE GRAVER LACUNE
- J’ai lu dernièrement dans le journal le Devoir une observation critique très-juste relativement à une grave lacune de l’éducation française, à savoir : notre ignorance des langues vivantes. Cette critique n’est que trop fondée. Je viens d’avoir occasion de le constater durant un séjour de 5 semaines dans plusieurs de nos stations hivernales du midi de la France.
- Alimentées, comme on sait, uniquement à peu près par des étrangers, la possession des langues est,
- pour le personnel des grands hôtels et des établissements commerciaux, une condition sine qua non. Aussi ne rencontre-t-on nulle part des Français. Nos compatriotes, n’étant nullement polyglottes, sont forcément exclus de toutes les fonctions et emplois nécessaires à l’administration des nombreux et vastes établissements des 110s stations hivernales.
- Cette ignorance des langues, chez la jeunesse française, est une sérieuse entrave à l’emploi de nos compatriotes, connaissant l’anglais et l’allemand, même en France, à plus forte raison, à l’étranger; elle en est une, également, à l’expansion de nos relations commerciales, dans les pays lointains.
- Sur tout mon parcours et dans les différentes stations où j’ai séjourné, j’ai pu constater que, sauf exception, tous les emplois du plus humble au plus élevé dans, les grands hôtels et les établissements commerciaux, sont occupés par des étrangers anglais et allemands. Jeunes gens très-bien élevés, de 16à 25 ans, parlant couramment le français, l’anglais et l’allemand. J’avoue que j’en ai été humiliée pour mon pays.
- N’est-il pas déplorable, en effet, de voir une nation intelligente comme la nôtre, rester en arrière sur un point aussi essentiel aux rapports commerciaux que la connaissance des langues ?
- Aujourd’hui que la science a mis en rapport les hommes des régions les plus lointaines, et supprim é les distances, cette étude devient une nécessité impérieuse.
- L’enseignement de l’anglais et de l’allemand dans nos hautes écoles et lycées est absolument insignifiant; j'en ai fait l’expérience par l’éducation de mes propres enfants. Ils étaient incapables de répondre aux phrases les plus simples — après des années de fréquentation du cours» La même chose s’observe chez les étudiants des carrières libérales et chez les élèves des écoles primaires — pépinières nationales de l’élément travailleur, l’enseignement des langues étrangères ne figure pas encore à leur programme. Cependant la connaissance d’une langue étrangère — de l’anglais — que l’on peut considérer comme la plus aisée, et aussi la plus répandue dans le monde des affaires, serait, pour les travailleurs, hommes et femmes, une acquisition précieuse» Une série de passe-partout qui leur ouvrirait les portes à l’étranger et leur permettrait,non-seulement d’y trouver des emplois, mais encore d’acquérir des connaissances nouvelles et de pouvoir comparer les méthodes du dehors au profit de notre industrie et des relations internationales.
- A propos des moyens les plus propres à l’enseigne-
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- IÆ DEVOIR
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- raaiit rapide et pratique des langues vivantes, il a été î
- IL SECCLO
- éœîs une idée féconde; celle de lycées internatlû- j naux. En efRt, il est acquis que la meilleure méthode pour s’assimiler ur.e langue c’est de l’apprendre à parler dans le pays même où elle est en usage. Le j but serait atteint, et, sur une vaste échelle, dans les ; lycées de ce genre, par le contact permanent d’en- | fants de deux nationalités différentes qui s’enseigne- ; raient mutuellement leur langue sans s’en apercevoir. !
- Il résulterait, en outre, de ces relations de catna- j raderie, une conséquence d'ordre moral très-élevé — j
- Gazelia, di Milano
- Journal politique quotidien 100.000 exemplaires y jour.
- Le Secolo, le plus complet elle plus répandu des journaux italiens, donne en Prime gratuite à ses abonnés Au a an, deux journaux illustrés hebdamodaires et 12 sunpléments illustrés.
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- l’extinction du préjugé des soi-disant haines de races — fiction politique qui serf de véhicule k ce s conflits entre hommes qui ne se sont jamais vus. On se rappelle les bonnes relations des ouvriers allemands, qui avant la guerre 1870, venaient fraterniser aux congrès et meetings des ouvriers français comme le font les Anglais nos soi-disant ennemis d’autrefois. Faire cesser ces préventions, que j’appelle artificielles, en faisant parler les langues et taire le canon, serait certainement rendre à la société et à l’humanité le plus signalé service.
- V. Griess Traut.
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- On s’abonne en envoyant un mandat sur la poste ou sur une maison de Paris, ou des timbres-poste, à l’ordre de M. Fombertaux, administrateur de VHôtel de Ville, rue du Faubourg-Montmartre, iO.
- L'Hôtel de Ville se trouve dans les kiosques, dans les gares de chemins de fer et chez tous les marchands de journaux,
- Théâtre du Familistère de €tuise
- Direction : A. Tétrel et A. Berthet
- Bureau 8 heures
- SAMEDI 19 JANVIER 1884
- Rideau 8 h. 1 /2
- Représentation donnée
- par la Troupe du Grand Théâtre de St-Quentin LLS
- Drame en 5 Actes et 8 Tableaux, de MM. D’Ennery et Cormon.
- Premier Tableau : L'ARRIVÉE DU COCHE Deuxième Tableau ; Le Pavillon du Bel Air Troisième Tableau : Le Cabinet du Lieutenant de Police
- Quatrième Tableau : LA PLACE St-SULPICE Cinquième Tableau : L’ARRESTATION Sixième Tableau : LA SALPÉTRIÈRE Septième Tableau : La Tribu des Frochard Huitième Tableau : LES DEUX ORPHELINES
- DISTRIBUTION :
- Pierre MM. Fervelle.
- Marquis de Linière. Raoul Noël.
- Jacques Villars.
- Comte de Vaudrez . Malon.
- Le docteur .... . Nesme.
- Martin Henri.
- Picard . Sabattier.
- De Presles .... . Husson.
- Lafleur Dambrine.
- De Mailly .... Bourdillat.
- Marest Briet.
- La Frochard . . . . Mmes Fervelle.
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- Louise Luceüille.
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- La Comtesse ... . Cazabon.
- Sœur Geneviève . . . Roland.
- Mariante Gabrielle.
- Julie . Husson.
- Margot . Suzanne.
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- Un sergent .... Boulanger.
- Seigneurs, gardes, bourgeois, prisonnières.
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- SAINT-QUENTIN
- Société anonyme du Glaneur, Grand’Place, 33.
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- 8e Année, Tome 8. -- n° 281 îe numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 27 Janvier 1884
- LE DEVOIR
- REVUE MS Ol'ESTIONS SOCIALES
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France Union postale
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- Un an. ... 10 fr. »» Six mois ... 6 »» Trois mois . . 3 »»
- Un an. ... 11 îr. »» Autres pays Un an, . . . 13 fr. 60
- ON S’ ABONNE A PARIS
- 5 ,r .N euve-des-petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Note de l’administration. —• La Révision. — Erection d'une statue. — Adhésion à la Ligue de la paix. — Paix entre les peuples. — Mutualité contre la misère. — Nationalisation du sol. — Varbitrage. — Projet de Pèlerinage. — Mots de Progrès. — Faits politiques et sociaux. — Robert Owen. — Gallia doceat. — Curieuses expériences. — Correspondance d'Angleterre. — Les femmes militaires. — Etat Civil. Cours d'adultes.
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement k titre d'essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, Vadministration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NOTE DE L’ADMINISTRATION
- Le Devoir publiera dans ses prochains numéros une série d'articles sur la Question ouvrière.
- Des paquets de 10 numéros seront envoyés franco contre demande accompagnée d’un envoi de 75 centimes ; les paquets de cent numéros seront expédiés franco au prix de 5 fr.
- Adresser les demandes, avant le 1er février, à la librairie du Familistère, à Guise, département de VAisne.
- LA RÉVISION
- Tous les partis demandent la révision. Ce qui ne signifie pas que tous les hommes politiques soient d’accord.
- Tous ne cessent de prononcer le même mot; aucun ne souhaite la même chose.
- Que peut comprendre le peuple dans ce gâchis !
- Il se dégage pourtant un enseignement, qui devrait éclairer les meneurs de l’opposition républicaine, s’ils sont susceptibles d’être corrigés.
- Lorsqu’on veut être une opposition sérieuse, on ne se met pas en campagne sur un mot sans signification précise que chacun peut accepter sans qu’il en résulte pour lui des obligations déterminées.
- L’extrême gauche avait négligé cette précaution ; et cela, volontairement, à la suite de plusieurs délibérations , dans lesquelles M. Clémenceau avait insisté sur la nécessité de ne donner aucun caractère défini à la campagne révisionniste. Les fondateurs de la Ligue avaient déclaré, indiscipliné, et indigne de prendre part à l’action commune, quiconque voulait un autre mot d’ordre que celui de Révision, séparé de tout qualificatif et de tout commentaire.
- Ces profonds politiques avaient fièvreusement commencé l’agitation revisi®nniste. Dix grands journaux avaient entonné l’air monotone de la Révision sans épithète, ce qui était très gênant pour les faiseurs de copie obligés de traiter un sujet sans rien dire des questions qui s’y rattachaient.
- Les orateurs de la Ligue, tous députés munis de leurs permis de circulation, allaient du Nord au
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- LE DEVOIE
- Midi, de l’Est à l’Ouest, chantant partout l’air de la Révision agrémenté, suivant les localités, d'un refrain avec des variantes sur les réformes à intro-r duire dqqs les prérogatives de la Chambre haute ; les ténpps de la troupe révisionniste s’élevaient parfois jusqu’au « sus au Sénat ! ». Il était tacitement admis que ces roulades étaient du domaine de l’improvisation, qu’elles n’engageaient pas la ligne de conduite de la Ligue. On avait même soin de passer légèrement sur ces incidents dans les comptes-rendus publiés par les journaux amis.
- Tout allait pour le mieux dans la meilleure des Ligues, lorsque M. Ferry, lui aussi, prononce le mot sacré, sans commentaire, sans épithète, comme un ligueur orthodoxe.
- Cette adhésion d’un puissant personnage, acceptant la révision, telle que l’avaient criée les promoteurs de l’agitation révisionniste, loin d être considérée par les ligueurs comme un heureux événement, soulève leurs colères et leurs réclamations.
- M. Ferry est publiquement accusé d’avoir chipé la Révision des révisionnistes.
- Il ne faut rien croire de ce mauvais bruit, M. Ferry a simplement voulu parler de sa révision à lui, qui, comme celle de M. Clémenceau, n’a pas de signes particuliers.
- Mais le différend subsiste, et menace de prendre de grandes proportions.
- Si le juge veut le trancher autrement que par un grand éclat de rire, je le vois bien embarrassé.
- Jamais litige n© se présenta dans des conditions plus embrouillées.
- Si on interroge les plaignants influents sur la couleur de leur Révision, l’un répondra qu’elle était rouge; UU autre, rose; un troisième, qu’elle était verte ; Je plus malin dira que sa caractérisque était d’être incolore ?
- Le juge insuffisamment éclairé renoncera à se prononcer d’après la couleur. La forme ne lui donnera pas d’indications plus précises : les uns affirmeront qu’elle était pointue ; les autres, carrée ; quelques-uns ronde; aucun n’osera dire qu’elle avait la forme d’une carotte.
- Ne pouvant avoir un même renseignement de deux ligueurs, le juge n’aura plus qu’un moyen, celui d’obtenir des aveux de la part de l’accusé.
- Mais, Monsieur Ferry répondra simplement que sa révision, à lui, a toutes les couleurs, et la forme d’un payé.
- Le juge ne comprenant pas très bien demandera au ministre de faire voir sa révision .
- Jules Ferry, persévérant dans la voie des aveux, dira que, en voulant la jeter à la tête des radicaux, il I
- l’a envoyée dans une mare, d’où on aura grand peine à la retire^ dans un état présentable.
- Le pire serait, après ces explications, 4o Y°ir les deux parties continuer leurs lamentations, et ne pas comprendre qu’elles doivent une réparation n l’opinion publique depuis trop longtemps troublée par des commérages politiques indignes de son attention.
- Reprenons un langage sérieux pour parler de choses sérieuses.
- Toutes les fautes se rachètent, même en politique. La première condition est de se rendre exactement compte de quelle manière l’on s’est trompé.
- L'opposition a été maladroite, et M. Ferry s’est conduit en homme habile, même en homme de gouvernement.
- Les parrains de la Révision sans phrase sont malvenus à se plaindre si bruyamment.
- M. Ferry a simplement appliqué des enseignements fréquemment professés par M. Clémenceau et ses amis en face des socialistes.
- Allez, instruisez les masses, disaient les radicaux aux socialistes ; soyez pratiques, montrez-pous les ouvriers rallies à vos doctrines; organisez, avec vos propres moyens, d’imposantes réunions ; et, lorsque nous verrons les classes laborieuses éprises de vps revendications, vous pouvez compter sur toute notre bonne volonté à les faire prévaloir.
- Eh bien ! M. Ferry n’a pas procédé autrement*
- Il faut avouer que, dans les pircoustances présens j.es, il n’a pas eu grand mérite à manœuvrer dans un champ aussi vaste que celui choisi par la gauche en matière de révision.
- Cela indique suffisamment ce que doivent faire les révisionnistes de la veille, s’ils désirent se maintenir dignement sur un terrain qu’ils ne peuvent abandonner sans se rendre coupables de désertion t
- Sans perdre de temps, il est nécessaire de faire le contraire de ce qu’ils ont fait jusqu’à présent. Les révisionnistes sincères se mettront au-dessus des scrupules d‘un faux amour-propre, qui serait une faiblesse et une nouvelle faute ; ils s’empresseront de se rallier à un projet de révision parfaitement défini, de telle sorte que, le jour, où un homme de gouvernement voudrait s’en emparer, cette usurpation ne puisse se produire sans soulever la réprobation publique.
- S’ils agissent autrement, ils se conduiront comme de vulgaires ambitieux, sans éducation politique, no sachant pas que le pouvoir acquis sans peine n© présente ni honneur ni chance de durée.
- Une position plus belle que celle des gouvernants est à prendre. Les hommes publics, qui voudront à
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- Itë DEYQIR
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- cette heure s’occuper de Téducation économique des masses, trouverqpt pu appui suffisant pppr jouer le rôle d’une brillante opposition, honorée, encouragée, et récompensée è son heure par lq possession des situations prépondérances.
- Pour atteindre ce résultat, il est nécessaire de se placer dans une sitpation vraie, avec un hut parfaitement déterminé, et assez éleyé pour p’pvoir pas à le changer sans cesse. De cette manière, dès que l’on a traversé la période d’affirmation toujours pé-r#le, jes efforts çfo cfoaqqe jour yeqant s’ajouter à ceux de la veille, on atteint ainsi dans un temps relativement court un njyeau où l’on ne serait jamais parvenu, si l’on avaitconsidéré chaque étape, comme un hut particulier, devant être parcourue sans préoccupation de l’idée générale.
- Il importe peu que la révision soit faite par un Congrès ou bien par upe Constituante, pourvu qu’elle soit sagement comprise. Un malade ne s’inquiète pas d’être soigné par un officier de santé ou par un docteur, lorsqu’il éprouve un mieux appréciable.
- Les socialistes sont aussi des révisionnistes, et des
- révjsiqnni^fo® fivd ont circonscrit i®up champ d’action, pas asspz étroitement pour qu’il ne puisse cpn-; tenir Hmiparbté toute entière, mais avec assez de prudence POPC CP fermer l’entrée à quiconque yeut jouer Où ruser avec tes questions qui intéressent la la vie ffos peuples ,
- Pourquoi les radicaux ne se conduiraient-ils pas avec les socialistes pomme M- Ferry s’e§t comporté enyers eux ? Pourquoi ne relèveraient-ils pas leur drapeau révisionniste çouyert des revendications socialistes ? La confusion serait désormais impassible.
- IVtême, en ne peut faire moins que réclament les socialistes, sous peine de faire couvre inutile. Une réyision purement politique ne répondra pas aqy: aspirations des travailleurs, Généralement on ne se plaint pas de manquer de liberté \ toute l’agitation publique fomentée par les travailleurs pendant ces huit dernières années n’a eu d’autre cause que le défaut dp sécurité et les inquiétudes du paupérisme.
- La nouvelle constitution doit compléter la déclaration des droits de l’homme, œuvre trop abstraite, puisque sous son couvert on a pu introduire toutes les iniquités sociales qui poussent à la révolte les classes laborieuses.
- La nouvelle Çonsfitutian doit prçclamep que tous les citoyens ont droit à la vie. J2t comme le peuple ne peut vivre de déclarations et de formules dépourvues de sanction, elle doit décréter Vorganisa-: tion immédiate d'une mutualité nationale> fonction-
- nant aux frais de \a société, et suffisamment pourvue pour procurer le minimum de subsistance aux familles nécessiteuses, pour, assurer aux malades les soins indispensables et des retraites gux vieilr lards et aux victimes des accidents, et procurer des garanties aux travailleurs.
- Les révisionnistes, qui n’ont pas le courage de faipe une affirmation aussi nette, à moins qu’ils ne la combattent ouvertement, çt alors ils ne sont que des monarchistes sans le savoir, peuvent être accusés de n’avoir 1$ moindre ppncpptjpu des idées républicaines ou bien de chercher dans des déclarations vagues une popularité de mauvais §loi.
- Plus d’opposition indécise ; à cette heure, elle serait une hypocrisie- Il est de rhqnneur de phaque parti de faire connaître dès maintenant pn termes clairs et précis son opinion sur fo fond meme $9 la révision de la Constitution,
- Érectisjs d’p? Statue à HENRI MARTIN
- Le comité d’initiative pour l’érection d’une Statue à Henri Martin nous adresse l’appel suivant ;
- Le 14 décembre, une nouvelle foudroyante frappait la France entière, fdenri Martin venait de mourir.
- Ce coup inattendu atteignait plus vivement encorp Saint-Queptin, sa yille natale,
- La Chambre des députés votait à ce grand citoyen des funérailles nationales,
- Le Conseil municipal de Saint-Quentin décidait, au mpine moment, l'érection, sur Tune des places puhiiques de cette ville, d’une statue à la mémoire du plus glorieux de ses enfants, Connaissant votre admiration pour les vertus et les travaux du patriote que nous pleurons, nous comptons sur votre concours pour faire partie du Comité chargé d’organiser les souscriptions et de s’occuper de l’épeotfon du monument.
- C’est avec la plus entière confiance que nPUS attendons votre adhésion.
- Veuillez agréer, Monsieur, l’assqrance de notre considération la plus distinguée.
- Pour le Comité :
- Le Maire de Saint-Quentin, Président, MARIOLLE-PIMGUET.
- La vie de notre grand historien a été trop bien
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- LE DEVOIR
- employée pour que nous n’accordions avec empressement notre concours à tout ce qui peut en perpétuer la mémoire.
- Adresser les souscriptions à M. le Président du Comité.
- Adhésions à la Ligue de Paix et d’Ârbitrage international
- Nous avons reçu les adhésions suivantes :
- Mme G. Veuve Bossuat Robertson à Sainte-Périne, Auteuil (Seine)
- M. P. A. Ambrogià l’Ile Rousse (Corse)
- M. Pardoux, conducteur des Ponts et Chaussées, rue Saint-Eloi, 5, à Clermont (Puy-de-Dôme)
- Monsieur Ambrogi a accompagné sa lettre d’adhésion de quelques considérations sur l’arbitrage. Nous les publions sous le titre « Paix entre les peuples. »
- PAIX ENTRE LES PEUPLES Par l’Arbitrage intergouvememental
- Chacun sait que les peuples, comme les individus, ont entre eux des différends. Les gouvernants les font vider habituellement par les armes, quelquefois par l’Arbitrage intergouvememental. Libres de choisir le canon ou l’Arbitrage, ils sont responsables. Ce sont eux qui décident de la paix ou de la guerre, avec ou sans le consentement des peuples.
- Les peuples détestent, avec raison, les gouvernants, violateurs du droit, promoteurs de la guerre ; mais ils aiment les héros de la guerre défensive, ils honorent les gouvernants qui proposent l'Arbitrage pour prévenir la guerre.
- La guerre, bien des gens l’oublient, absorbe tous les ans des milliards ; elle arrache aux travaux de la paix des millions d’hommes les plus robustes et les plus valeureux, pour les faire descendre aux rang des bêtes féroces dans le champ de la mort prématurée ; elle laisse aux familles, foyers de la vie, les rachitiques, les malingres pour engendrer la dégénérescence et perpétuer le paupérisme.
- Ainsi, la guerre décime les peuples, les appauvrit, souille de leur sang la terre et. la stélérise : elle détruit en un jour le travail de cent ans.
- A l’aurore même du XX* siècle, la guerre donne l’horrible spectacle de tous les crimes : massacres, pillages, incendies, ruines ; elle ne respecte ni la liberté,ni la propriété, ni la pudeur, ni la vie ; elle ne respecte rien : elle est la guerre, la négation de la raison, le crime de lèse-humanité, le plus nuisible des fléaux provenant, il faut bien le dire, de certains gouvernants qui ne veulent pas divorcer avec la barbarie, fille monstrueuse du monde antique, préférant la mitraille à l’arbitrage, proclamant, par le fait, le principe contraire au droit des gens : la force prime le droit ! Sans exposer leur vie sur le champ de bataille, ils dominent, théraurisent, moissonnent des lauriers tachés de sang, faisant faucher la vie des gouvernés sur tous les points du globe.
- Comme le temps la force est changeante. Aussi victoire hier, défaite aujourd’hui, revanche demain, désastres toujours.... parmi les peuples. Est-ce leur destinée ? Non.
- L’idée de paix par l’Arbitrage est souriante comme l’étoile de l’espérance, à l’heure des naufrages ; comme l’aurore des beaux jours, après les inondations, l’éruption des volcans, les tremblements de terre et le choléra que la guerre enfante.
- IJe manifeste mon opinion en faveur de la paix entre les peuples par l’Arbitrage, sachant que les opinions individuelles forment l’opinion générale comme les gouttes d’eau, l’océan ; comme les rayons des astres, les flots de lumière, i Le passé a révélé l’idée d’arbitrage, le présent la propage, l’avenir la réalisera, en tous lieux, par la voix éclatante des peuples éclairés.
- Les bons gouvernements prêteront l’oreille à cette voix souveraine et les mauvais n’oseront plus dire : la force prime le droit, ni traduire en fait ce hideux principe ; ils obéiront à la loi ineffable du progrès pacifique ou bien ils tomberont comme les feuilles mortes de l’automne.
- Ile-Rousse, Corse, le 13 janvier 1884.
- P. A. Ambrogi.
- MUTUALITÉ CONTRE LA MISÈRE
- Voici le deuxième article du « Secolo » dont nous avons parlé dans notre dernier numéro :
- Notre premier article sur la Pétition de Godin aux Chambres françaises finissait à la proposition « du droit d'hérédité de l’Etat au patrimoine des personnes décédées, hérédité totale ou partielle selon les cas ! »
- Le droit d'hérédité sociale, dans l’esprit de l’auteur, suffirait, à lui seul, pour donner à l’Etat les ressources nécessaires à toutes les réformes auxquelles aspirent les classes laborieuses.
- Ici, nous faisons cette observation :
- Pourquoi l'Etat et non la commune, qui, elle, serait un juge meilleur, plus compétent, parce qu’elle voit les choses de plus près, connaît mieux les besoins de tous, est plus à même de les étudier, d’y approprier les remèdes et de découvrir les fraudes possibles ?
- Pour justifier sa proposition l’auteur a condensé dans son travail une quantité d’aphorismes sérieux, médités, clairs, que nous ne pouvons faute d’espace donner tous ici.
- « La richesse n’est pas faite pour être amassée indéfiniment par quelques-uns.
- « La société a précisément pour mission de faire en sorte qu’elle se repartisse avec équité au profit de tous ceux qui concourent à la produire.
- « L’homme n’est pas le créateur des choses qui le font vivre.
- ; « Il n’a fait ni la terre, ni les métaux, ni l’eau, ni l’air, ni la lumière ni la chaleur. »
- Cela étant, comment une génération aurait-elle le
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- LB DEVOIR
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- droit d’engager les produits du travail de tous et d’en disposer pour le présent et l’avenir, 4 contrairement aux instructions de la vie » qui les entretient sans cesse au profit de l’humanité ?
- « L’homme peut-il équitablement disposer en maître de ce qui n’est pas son œuvre, de ce qui est fait pour l’humanité ?
- « Evidemment non, tout contrat, tout pacte entre les individus n’est légitime que s’il respecte les droits publics, les droits de tous dans le présent et dans l’avenir.
- « La société vient largement en aide à ceux qui arrivent à la fortune ; il est donc juste qu’elle retrouve, après leur mort, une part des biens dont elle leur a facilité l’acquisition, et que le domaine social s’enrichisse au profit de la société et du travail auxquels est dû l’accroissement de la richesse dont le défunt a joui.
- « Notre époque de progrès ne pourra pas toujours rester stationnaire sur les questions qui touchent à l’organisation de la propriété et de la richesse générales.
- 4 II convient que l’Etat intervienne, en général, dans toutes les successions pour hériter au nom de la société de la part de biens due au travail, au concours de la nature et aux services publics. Il convient tout autant de faire rentrer intégralement au domaine social les biens qui n’ont pas d’héritiers directs.
- Les conservateurs diront :
- Nous ne voulons pas entendre parler sans cesse de souveraineté et de droit populaires. Donnez aujourd’hui une réforme au peuple, demain il en demandera deux et il n’y aura plus de tranquillité pour les riches.
- 4 Ce sont là des raisonnements faux et inspirés par l’égoïsme.
- « C’est la théorie par laquelle l’antiquité instituait l’esclavage, le moyen-âge consacrait le servage et la noblesse, en 1789, se dressait contre le Tiers-Etat.
- « C’est au nom de principes semblables que, naguère,les sudistes des Etats-Unis exploitaient encore à leur seul profit le travail des nègres, et tenaient ceux-ci en esclavage au mépris des droits sacrés de l’existence humaine.
- « De nos jours le travailleur est indépendant et libre de sa personne, mais il est esclave du salaire.
- 4 Le fouet et les étrivières ne sont plus autorisés contre lui, mais la faim le talonne et la plus belle part des profits qu’il crée lui échappe.
- 4 Le travail féconde le capital, mais le capital retient pour lui les avantages créés par le travail.
- 4 Cependant les travailleurs sont, de nos jours, la grande majorité des citoyens dans les nations européennes .
- 4 Malgré cela, la classe favorisée de la fortune est assez aveuglée sur ses devoirs et sur ses propres intérêts pour ne pas comprendre qu’il est de son intérêt et de son devoir d’établir des règles équitables dans la répartition des richesses produites par le travail.
- 4 L’accaparement et le cumul sont pour les classes dirigeantes l’objet d’une préoccupation constante. L’équité dans la répartition de la richesse leur apparaît comme une utopie.
- S’enrichir, s'enrichir par n’importe quels expédients, tel est l’idéal des classes dirigeantes.
- « Imbues- de l’esprit du passé, ces classes oublient que les travailleurs sont la grande majorité de la
- nation, qu’ils s’éclairent chaque jour davantage sur les vérités économiques de la production de la richesse, et que le flot des revendications ira montant, et renversera les digues, si la justice et l’équité sociales ne lui ouvrent l’issue nécessaire. »
- Sur quelques points du livre de Godin dont nous donnons une idée trop succincte, nous aurions à faire ça et là quelques réserves, mais il n’est point douteux que la 4 Mutualité nationale contre la misère » travail qui se termine par une proposition de loi en 41 articles et sur lequel nous reviendrons, honore grandement son auteur et jette pour l’avenir la semence d’une sainte réparation sociale.
- Notre éminent et distingué confrère du 4 Secolo » fait cette observation : Pourquoi le droit d’hérédité reviendrait-il à l’Etat plutôt qu’à la commune qui, elle, serait un juge meilleur et plus compétent ?
- Le droit d’hérédité sociale doit revenir à la nation, à la Société entière, mais nous avons prévu la répartition par la commune, deux choses qu’il ne faut pas confondre.
- De cette façon l’hérédité de l’Etat offre à tous les citoyens et à toutes les communes des garanties réelles contre la misère, parce que cette hérédité est générale et ne comporte de privilèges pour personne. En tel lieu, en telles circonstances que ce soient, la Société doit venir en aide au citoyen malheureux. Ne perdons pas de vue que le droit d’hérédité nationale a pour objet d’effacer le paupérisme.
- Or, si à côté des individus riches, il y a des individus pauvres, à côté des communes riches il y a aussi des communes pauvres ; la solidarité exige que la cause des riches et celle des pauvres ne soient pas séparées entre individus ; il est également équitable de faire que la commune pauvre et la commune riche soient solidaires l’une de l’autre.
- Nationalisation du sol en Angleterre
- La curieuse évolution politique et sociale qui se produit en Angleterre vient de se témoigner par un nouveau fait dont nous croyons intéressant d’entretenir nos lecteurs.
- Monsieur Henry George, conférencier américain, vient de se faire entendre à Londres dans la salle Saint-James, devant un auditoire de plus de 5,000 personnes.
- Nous empruntons au 4 Coopérative News » du 19 courant les détails qui suivent sur la physionomie de la séance.
- La salle St-James contient 1,000 places à 3 fr. 75;
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- 1*000 h 2 fr. 50 et 2,000 à 1 fr. 25 ; lé cinquième mille é3t d’accès gratuit •
- Les partisans de la ligua pour la dépense de la propriété occupaient en grand nombre les premières places.
- La sympathie de la grande majorité de l’auditoire était toute acquise à l’avance à l’idée dé naturalisation Ha Soi et d’abdlitidft dé là propriété foncière individuelle* dont M. Henry George s’est fait le défenseur et le propagateur.
- L’apparition dii conférencier a été saluée des plus vifs applaudissements.
- La partie essentielle de son discours peut se résumer en ces quelques mots :
- » L’existence du peuple est rude et misérable,
- « Faire la charité, c’est appliquer un morceau de toile sur un cancer.
- « N'en appelez pas à la charité mais à la justice; e’est la justice qui est le Dieu Tout-puissant.
- « Tout enfant apporte en naissant un droit naturel et indéniable à la terre, et nul homme n’a pouvoir de lui dénier ce droit.
- « La terre appartient à l’ensemble du peuple parce qu’elle est le don du Dieu vivant.
- « Que sont vos droits individuels constitués comparés aux droits de la nation elle-même ? Vos droits constitués sont le plus souvent des iniquités constituées. »
- L’orateur entre ensuite dans un ordre d’appréciations, ayant pour but de prouver que la propriété du fonds commun doit être enlevée à ses détenteurs actuels* sans compensation ; sur ce point absolument injustifiable à nos yeux nous dirons ce que dit le « Coopérative News » lui-même :
- ^ Âi. Henry George rend service au peuple en vulgarisant l’idée de nationalisation du soi acceptée déjà par de nombreux économistes anglais; en cela il fera beaucoup de bien. Quant à sa théorie de confiscation elle ne produira aucun mal parce quelle sera sans échb: Pëiii-èfcrl miêinë àbrâ-h-eilë cet feôbt ütilb de disposer les propriétaires terriens actuels à une plus facile entente sur les conditions d'abandon de leurs privilèges injustes.
- Au cours de ses appréciations sur le rétabiissement des droits du peuple sans compensation pour les privilégiés du moment* M. Henry George fit de frappantes allusions aux droits politiques et provoqua dans l’auditoire des explosions de sentiments qu’il est intéressant de consigner :
- « Il y a deux cents ans, * dit-il* « prévalait la doctrine de l’obéissance passive à un roi bon oa mauvais ; le peuple s’est élevé au-dessus de cette idée et a rompu sans compensation avec l’oint du
- Seigneur. Il y a cent aris; BUrke venait dire qti’iin. PUMëmënt anglais âÿàht îtiiâ sut lë tbône ith Mi hanovrien, les Bretons de l’avenir; de générations en générations, devraient nécessairement être gouvernés par des roils oh reirlës du tlàii'ovrë. Ndtid ën avons fini avec toutes ces théories et nous en finirons de même Uvec les droits divins des propriétaires àcthéls ÜU sol qui pré’ten'dëüt Vivre du làbeür des autres hommes. »
- An cours de ces considérations, quand Mi Henry Geobgé prdiidhçâ bis mots : à Nous sofflnies uriê république », l’auditoire éclata en transports d’applau-dissmhents ; et plus loin l’orateur ayant fait allusion au prince de Galles, un effet absolument opposé se produisit : de hideiix grognements et des sifflets partirent de tous les points.
- Quelques-uns des occupants des premières piacës étaient scandalisés. L’un d’eux se leva,, mit son chapeau au buut de sa cànne ét sollicita de l’àuditoire trois vivats pour lé prihce dë GàllëS. A peine une faible réponse des voisins se faisait-elle jour qu’elle fût aussitôt noyée dans une formidable tempête de grognements et de sifflets.
- L’ARBITRAGE
- Nous continuons à donner quelques exirUiLs dés lettres de M. Gagneur à ses électeurs. Après avoir dit que c’est aux héros de là philanthropie, aux missionnaires civils comme M. de Brazza, que l’iiii-maDité devra la vraie propagande de la civilisation et dh commerce, la conquête pacifique et scientifique dès bbntréëS barbares, M. Gagneur donne les ifiotifs suivants de son refus de voter les crédits.
- Mon refiis des crédits avait trois significatibfiâ :
- 1“ J‘é VdUlais, d’abord, prbtëstèr 'contre cettë vio-làiibh bbhsécutive dé la t’bbltitutlbii — vioiktibn qu’excuse peut-être, je lé répété, le gbahd ëlolgne-fflettt du théâtre d'e la guerre, — ët qiii consistait à entreprendre ët â contiiiiie.r .i’bxpeditibri ârinëé ët à engager les dépensés qd’ëllb occasibiiiiuit, ayant raàsetttimélit dës Chambres ;
- 2° Je voulais protester contre, les errements àdtüéls dë la politique COiohiare, — politique partiiiit SuiVie, ad Séiiégàl, à Madagascar et au Toriktri, 'et antérieurement â ià CochiüchlÜé èt it TÜniS ;
- 3° Je voülkis enfin, ave'c riies collègues et dmis Frédôbic PaSsÿ, Gaillard et urte qüârantüine d’autres, élever le drapeau pacifique de l’arbitrage international. Nous demandions, et mes dèuk ëremiers collègues en ont fait la motion, que le gouvernement français plantât ce drapeau sür le champ de bataille lui même, alors que l'amiral Courbet suspendait les hostilités en attendant les renforts* Les belligérants, de part, et d’autre, eussent alors reçu l’ordre de reste? dans,leurs positions respectives,*dans ce qu’on appelle le statu quo militaire. Ët dans l’intervalle,
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- nos ministres éussèftt, d’accord avec les gouvernements du Tonkin et de la Chine, soumis le conflit à la médiation d’une puissance amie et désintéressée. Et dans le cas d’une réussite de cette négociation, nous eussions* mes amis et moi, voté de grand cœur les sommes à dépenser pour le rapatriement.
- Y avait il â cette médiation pacifique une honte ? Est-ce que, cochme l’a dit^le Président du conseil lui-illême en répondant à Lockroy, « la médiation d’une puissance amie peut être humiliation pour l’ami qu’elle viendrait obliger ? Et alors, pourquoi M. le ministre ne l’a-t-il pas tentée ?
- Utopie ! soit. Mais n'est-il pas admis que l'utopie d’aujourd’hui sera souvent la réalité de demain ? L’égalité devant la loi et devant l’impôt, la liberté de la perisée, la liberté du travail, ia liberté de l’homme lui-même, d’abord esclave, puis serf, lé suffrage universel et d’autres idées justes et nobles, traduites aujourd’hui en de magnifiques institutions, n’ont-elles pas été, à une certaine heure de l’histoife, dés utopies, des chimères.
- Et pour rentrer plus spécialement dans notre thèse, est-ce que les jugements de Dieu, les combats corps â borps n’dnt pas précédé l’institution des pru-diiommes, ia justice de paix, les tribunaux et le conseil d’Etat, chargés de régler les différends entré les particuliers, les communes et le gouvernement? Est-ce qdë ieà guerres incessantes de château à château, lé pâHâgë de là France en provinces hostiles, n’ont pas précédé la France une et indivisible ? Est-ce que l’inquisition et ses supplieëè, les guerres reli-gieuseé n’ont pàs précédé la liberté de conscience? Enfin est-ce que les guerres continuelles et générales dumdyëri-âge n’ont pas devancé le droit des gens actuel, les congrès permanents entre les puissances ?
- En bien 1 II n’y a plus qu'un degré à franchir :
- Il s’agit, en attendant l’établissement d’un tribunal d arbitrage régulier qui aura pour mission de juger souverainement et pacifiquement les contestations internationales, il s’agit, dis je, de charger une puissance amie des deux nations contondantes, de trancher leur différerid par la voie amiable et conciliatrice.
- ----a-esââa
- PROJET DE PÈLERINAGE
- Noiis lisons dans le « Coopérative news » de Manchester, 19 bourabt ia lettre suivante :
- Monsieur,
- J’ai lu avec grahd intérêt lëè récits publiés de tëinps ëü ténips dans les colonnes du « Coopérative iiewi, » par notre distingué secrétaire.générai, M. E, V. Néale, concernant le Familistère de Guise.
- Il m’est venu â l’idée que durant la prochaine saison d’excursion, beaucoup de nos ouvriers coopéra-ieurs aimeraient peut-être à faire un pèlerinage à Guise, afin de voir par eux-mêmes le fameux palais des travailleurs.
- Je ne doute point que ces visiteurs, porteurs d’une lettre d’introduction de M. Néale, recevraient la plus cordiale bienvenue du noble fondât-ur M. Godin, et auraient toutes facilités de bien étudier ies palais et ateliers de l’association.
- Si M. Néâlë voulait bien indiquer dans les colonnes dë bëjOutnai îat Voie la plus courte et la plus économisé j^oiïr éë rèhdre à Guise, ^biit-êthe Serait-ce lë
- point de départ d’un mouvement en faveur des habitations sociétaires chez les coopérateurs ; mouvement que notre secrétaire général s’efforce en toute occasion de susciter chez les lecteurs du « Coopérative news. »
- Sincèrement à vous. R. S. B.
- Certes, les travailleurs anglais seraient les bienvenus au Familistère de Guise et tout le possiblë serait fait pour leur faciliter l’étude qu’ils viendraient accomplir ici.
- Au point de vue pratique de ce pèlerinage, signalons qu’il serait utile qu’un, au moins, pariüû ces visiteurs, parlât français.
- MOTS DE PROGRÈS
- Laissez dite, laissez-vous blâmer, condamner, emprisonner ; laissez-vous pendre, mais publiez votre pensée. Ce n'est pas un droit, c'est un devoir, étroite obligation de quiconque a une pensée, de lu produire et mettre du jour pour le bien commun. La vérité est toute à tous. Ce que vous connaissez utile, bon à savoir pour un chacun, vous rie pouvez le faire en conscience.
- Paul-Louis COURRIER
- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- La Chambre. — Une faiblesse de plus: Peut-être, aurions nous dû dite une trahison. Leë gouvernements, qui ont voulu préparer l'avènémènt des réàbtiohs^ sè sont toujours préocctipés d’armer préalablement lb pouvoir de mis deyant lui mettre ën main ies moyens d'OppieSsiOn. Après la loi sur les récidiviste, que notre buaget ne permet pas d'appliquer d’üne manière générale, et que la politique pourra utiliser exceptionnellement lorsqu’il s’agira de citoyens révoltés contre le despotisme, la Chambre vient de voler le rattachement au ministère de l’intérieur de la préfecture de police du département de la Seine, Ce vote a permis de constater.que le dévouement à l’ordre des agents de ia ville de Paris n’était pas gratuit. Le rattachement, tel que l’avait proposé M. Waideck-Rousseau, edtraiilànt une diminution de ia retraite des agents de la police municipale, ceux-ci, dès qu’ils ont eu compris ieur nüüveüe situation, se sont empressés de déclarer qu’ils ne voulaient pas trà-vaill. r à prix réduit, ils ont même menacé de faire grève comme de simples mineurs. Voilà le gouvernement bien informé que ia police ne s’attacue pas comme un chien d’avare.
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- ILe Sénat. — Lo Sénat continue à discuter le budget. Messieurs Buffets et consorts se donnent le malin plaisir de constater que ies finances de la République sont royalement embrouillées. Afiu de ne laisser passer aucune occasion de compromettre davantage la situation, lé Seuat n'a pas manqué de rétablir le crédit du chemin de fër du .Sénégal. La Chambre obéirai pdur éviter un conflit ; et là République sera doublement
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- atteinte par l’humiliation de la représentation nationale et par une complication de plus dans son budget.
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- L’Extrême-Ganche. —- L’Extrème-Gaucbe doit être bien embarrassée depuis la convocation de M.Maret lui demandant d’émettre une résolution à l’occasion de la question ouvrière. C’est que M. Maret l'a conduite du premier coup, résolument, en face de la question sociale. L'ombre de Gambetta doit être attentive : ceux qui lui ont reproché si souvent d’avoir audacieusement nié la question sociale, vont-ils éviter par une manœuvre parlementaire de répondre catégoriquement à la question urcrente de M. Maret ?
- Cela ne sera pas facile, car d’après un article de M. Maret, publié dans le Radical du 23 janvier, le député du 17e arrondissement s’engage à fond dans la question économique. Il réclame d’abord un palliatif immédiat, quelqu’il soit, tout étant préférable à la misère, puis il déclare que les hommes publics sont dans d’une impasse d’où ils ne peuvent sortir que par la transformation des institutions politiques et sociales.
- M. Maret ne peut rester longtemps isolé dans cette campagne. Les députés Sigismond Lacroix, Laguerre, Clovis Hugues, Gaillard, Franconie, Brialou, Roques de Filhol et quelques autres ont leur place marquée a côté de M. Maret, au Parlement, dans les réunions de l’Extrême-Gauche, et surtout dans les manifestations publiques en faveur delà Révision. Il ne faut plus parler seulement d'une Constituante, il est urgent de pousser le peuple k rédiger ses cahiers en lui expliquant quels avantages retireraient les travailleurs d’une mutualité nationale largement organisée.
- Les députés rédacteurs à la Justice pourraient donner un puissant concours à cette œuvre nationale. Mais oseront-ils se séparer de M. Clémenceau ? Ou bien ce dernier consentira-t-il à. leur donner l’exemple de l’abandon des questions de la politique spéculative. Il est vraiment regrettable qu’un esprit aussi actif, aussi brillamment doué, n’ait pu s’arrêter encore aux données de l’économie sociale. M. Clémenceau a plusieurs fois laissé échapper des occasion de donner des bases positives à la politique de l’Extrême Gauche. En se ralliant aux vues de M. Maret, il faciliterait la constitution immédiate d’un groupe parlementaire ayant mission, au nom de la République sociale, d’organiser une opposition contre la République oligarchique, comparable à celle que créèrent les cinq contre le régime impérial.
- Il est possible que cette perspective de fidélité aux principes, de luttes constantes, décourage les jouisseurs qui espéraient ramasser prochainement un portefeuille au milieu des tripotages de la politique courante ; mais elle peut tenter les esprits fiers et généraux inspirés par l’amour du bien public.
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- Manifeste de la Ligue révisionniste.
- — Le bureau de la Ligue républicaine pour la révision de la Constitution adresse le manifeste suivant aux groupes, comités, cercles et citoyens adhérents à la Ligue pour la Révision :
- Chers concitoyens,
- Chers collègues,
- Au moment où les députés, fidèles à leur mandat, d’accord avec l’unanimité de notre assemblée générale du 17 décembre dernier, vont déposer un nouveau projet de révision sur le bureau de la Chambre, nous avons le devoir de dissiper toutes les équivoques dont nos adversaires cherchent à obscurcir cette question.
- La révision de la Constitution s’impose à bref délai : c’est la condition du salut de la République.
- On a osé nous accuser de ne vouloir la révision qu’en apparence. On a dit que nous la réclamions pour nous la faire refuser.
- Ceux qui ne la veulent qu’en apparence, ce sont C6ux qui préparent, sous le nom de révision, une réforme illusoire, non moins contraire aux droits de la souveraineté nationale que la constitution actuelle.
- Ce que nous voulons, nous, c’est le triomphe et l’af-
- firmation des principes de la Révolution française, c’est le retour à la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen ; c'est l’affranchissement du suffrage universel ; e’est, en un mot, le gouvernement du pays par le pays.
- Il n'y a pas de droit contre le droit ; et rien ne saurait prévaloir, dans un Etat républicain, contre la souveraineté nationale.
- Au peuple seul appartient le pouvoir constituant.
- Si le droit d’ouvrir la période révisionniste est attribué, d’après la Constitution de 1875, au Congrès formé par la Chambre et le Sénat, c’est seulement à une assemblée spécialement élue pour cet objet qu’il appartient de rédiger une Constituiion.
- Le Congrès, en entreprenant cette tâche, commettrait une usurpation contre les droits du peuple ; car, remanier une Constitution, c’est faire œuvre de constituant.
- C’est au pays de rappeler à ses mandataires actuels qu’ils n’ont pas reçu le pouvoir constituant. L’assemblée spéciale, fonctionnant concurremment avec les pouvoirs actuels, ne peut recevoir du pays d’autre mandat que celui d’organiser la République démocratique.
- En vous inspirant de ces principes, vous avez le devoir de provoquer la manifestation des sentiments du pays sur la nouvelle Constitution, et de formuler dans des cahiers les garanties nécessaires des Droits de l’Homme et du citoyen, et par conséquent d’assurer le fonctionnement régulier et pacifique du suffrage universel.
- Pour le Bureau de la Ligue :
- Le Président, LAURENT P]chat.
- Le Secrétaire délégué,
- Paul Viguier.
- Les ligueurs ont eu raison de comprendre qu’ils devaient provoquer la manifestation des sentiments du pays sur la nouvelle constitution. La ligue, si elle veut faire une œuvre loyale, doit non-seulement recevoir les cahiers des électeurs, mais elle a le devoir de communiquer aux divers groupes révisionnistes ceux qui lui seront adressés. Cette résolution qu’elle vient d’adopter est la condamnation de sa première tactique ; car elle lui avait été proposée au début par des citoyens honorables, qui furent chassés de la Ligue pour avoir proposé et défendu un projet analogue.
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- lues Chiffonnier» die Pari». — La situation faite aux Chiffonniers de Paris par l’amélioration du service de nettoiement de la ville de Paris a soulevé les protestations générales de la presse parisisnne. Nous empruntons à la France une description saisissante des misères de ces expropriés par le progrès, tel qu’il est possible dans un ordre social faux. Nous avons le regret de constater que tous les écrivains des grands journaux se sont uniquement préoccupés du coté littéraire et sentimental, sans oser toucher au problème social que cette crise brutale met si cruellement en évidence ; car, dans notre société empirique, il faut que le progrès recule pour sauver les chiffonniers. Cependant, il y a possibilité matérielle de concilier les deux intérêts. Pourquoi ce silence général de la presse sur les moyens pratiques de conciliation?
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- Voici en quels termes M. Azôno de la France raconte ce qu'il a vu dans un quartier situé à 1,500 mètres de la Bourse de Paris :
- Il n’est pas possible, sans s’en être rendu compte soi-même, de se figurer à quel degré de misère l’arrêté de M. Poubelle a réduit les malheureux chiffonniers de Paris.
- Nous avons visité ce matin la cité Maupy, située 22b, rue Marcadet, derrière le cimetière Montmartre, où nous avons vu, nous pouvons l’affirmer sans exagération, plus de quatre cents personnes mourant littéralement de faim. Jamais, nous pouvons le dire, nous n’avons été plus vi-
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- vement ému que devant ce tableau de misère si profonde.
- La cité Maupy, réunit de quatre cent vingt-cinq à quatre cent trente chiffonniers qui, avant l’arrêt cruel du préfet de la Seine, gagnaient honorablement leur vie. Le rapport de leur industrie était, selon le quartier qu’ils exploitaient, de trois, quatre, cinq, et même six francs par jour.
- Ces malheureux, depuis le 15 janvier, c’est-à-dire depuis le jour où les boîtes à ordures ont fonctionné, n’ont pas fait une moyenne de trente centimes par jour.
- Nous avons vu ce matin, dans une des baraques de la cité Maupy, une famille d8 huit personnes dont le travail collectif de la nuit dernière n’a produit que quatre-vingt centimes.
- Ces infortunés n’avaient mangé depuis vingt-quatre heures qu’une pâtée faite avec des croûtons de pain ramassés dans les ordures, et qu’ils avaient fait cuüe, n’ayant plus decombustible, en brûlant une vieille chaise de leur baraque.
- Cette famille de huit personnes, ainsi que toutes les autres qui habitent la cité Maupy, qui trouvent pour un franc ou deux par semaine le logement dans leurs misérables baraques, sont sur le point de ne savoir où trouver un abri, car aucune d’elles, aujourd’hui samedi, n’a pu payer son loyer hebdomadaire.
- Mme Maupy, la propriétaire de ces cabanes, payant pour la location du terrain sur lequel elle a fait établir ces modestes constructions 1,300 fr. par trimestre à M. Mathieu-Bodet, se montre toujours d’une très grande complaisance pour ses locataires, mais elle se verra naturellement dans la nécessité d’exiger d’eux le paiement ou l’expulsion.
- Dans toutes les cités de chiffonniers de Paris et des environs, la situation de ces malheureux est absolument la même.
- Et ces infortunés ne peuvent trouver d’autres moyens d’existence que ceux qu’ils avaient. Ils sont habitués aux chiffons et ne peuvent faire autre chose, et puis ce n’est point dans cette saison qu’ils trouveraient un travail autre que celui auquel ils sont habitués.
- Les chiffonniers, en général, sont des travailleurs et de très honnêtes gens. Mme Maupy nous disait ce matin, en nous faisant visiter sa cité, que, depuis quatorze ans qu’elle l’a fait construire, jamais la police n’a fait chez elle d’arrestation pourmeutre ou pour vol.
- Il y a bien quelquefois des rixes, mais jamais sanglantes et toujours suivies d’une complète réconciliation, car dans ce caravancérail populeux, tout le monde est ami et s’entr aide fraternellement.
- Aujourd’hui, personne ne peut se secourir ; la misère est générale et tous meurent de faim.
- C’est la famine orientale en plein Paris.
- Les lignes suivantes sont extraites du journal le Temps :
- « Plusieurs journaux ont ouvert des souscriptions au profit des chiffonniers. Hier, à l’issue de la réunion, des secours ont été distribués dans la cité où elle a eu lieu et qui contient environ six cents chiffonniers. Aucune description ne peut donner une idée de l’état de cette population. C’est la misère avec toutes ses plus tristes conséquences. Pas de travail, pas de pain; des familles composées du père, de la mère, de quatre, cinq ou six enfants, tous blottis dans des tannières sans air, sans lumière et couchant sur un même grabat. Les maris découragés, les femmes et les enfants pleurant auprès des hottes vides. Jamais secours n’ont été plus nécessaires que ceux ayant pour objet d’aider ces malheureux à vivre :
- Les secours réclamés par le Temps seront impuissants, s’ils ne s’appellent pas des institutions sociales.
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- M\ ITlo<ïu.et à Lyon. — MonsieurfPloquet vient de se prononcer à Lyon en faveur du droit au travail et à l’assistance sociale. Voici les paroles de M. Floquetsur ce sujet :
- Sous la Convention, la déclaration des droits de
- l'homme du 24 juin 1793 pose le même principe : « Les secours publics sont une dette sacrée. La Société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler. »
- C’était la consécration de la charité légale et la reconnaissance la plus explicite du droit du pauvre à être secouru.
- Les bourgeois de ce temps mémorable, qui n’étaient point encore arrivés à la conception démocratique des temps modernes, n’hésitèrent pas devant la proclamation de ce droit au travail qui effraya tant, en 1848, une Assemblée républicaine, sur laquelle on forma tant d’interprétations diverses, qu’on étouffa sous les controverses voulues. Ce principe veut simplement dire que la Société ne peut laisser périr dans son sein un seul de ses membres, car celui qui est né dans la Société a le droit d’y vivre par le travail, par l’épargne et par la sagesse, non pas dans le luxe et l’opulence, au moins dans la possibilité d’élever sa famille par le travail, de livrer à l’Etat des citoyens qui le servent et de mourir avec l’assurance de laisser sa famille plus heureuse que lui, ce qui est en définitive le vœu de tout homme prudent en ce monde.
- C’est très bien de la part de M. Floquet d’avoir dit ces choses là à Lyon, dans une réunion publique.
- On ne peut douter que cette partie de son discours n’ait été chaleureusement applaudie.
- M. Floquet comprendra que sa situation parlementaire l’oblige à répéter cela au sein de son groupe, à la Chambre, à mettre ses collègues en demeure de se prononcer catégoriquement, à ne plus considérer comme républicain quiconque n’acceptera cette déclaration et refusera de lui donner une sanction par des institutions conformes à l’esprit de ces commentaires des droits- de l’homme.
- Puis, il s’agit bien moins de commenter les déclarations de 89 que de les appuyer de projets pratiques. Cette partie importante de la question ne paraît pas énormément préoccuper M. Floquet.
- Vive la Pologne, Monsieur ! Vive l’assistance sociale ! Vive le droit au travail !
- Quiconque n’est pas bègue peut en dire autant d’une manière passable.
- Ne voulant pas embarrasser M. Floquet, nous laisserons la Pologne, mais nous lui demanderons impérieusement quels sont ses moyens pratiques d’alimenter, de faire vivre, le droit au travail et à l’assistance sociale-Après un pareil discours, M. Maret ne peut manquer de compter sur le concours de M. Floquet, lorsque sera venue l’heure de proposer à la Chambre un projet pratique de Mutualité sociale.
- Nous attendons M. Floquet au pied du mur, et s’il ne s’y trouve au moment du travail nous saurons lui rappeler son discours de Lyon.
- Des discours, d’abord, soit; mais des actes aussitôt après.
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- I^e Meeting de la «ail© Lévis. — Les orateurs du parti ouvrier organisateurs du meeting de la salle Lévis n’ont pu prononcer les discours qu’ils avaient préparés, à cause de l’invasion des anarchistes ; cela ne les a pas empêché d’agir et de proposer les moyens immédiats qu’ils jugeaient efficaces. Nous donnons d’après le Prolétaire les résolutions adoptées par la commission d’organisation :
- Le Meeting tenu dimanche 13 janvier, salle Lévis, décide que, sous forme de mises en demeure, les propositions suivantes seront faites aux pouvoirs publics : Comme mesures immédiates :
- 1° Une somme de 20 millions par l’Etat et une somme de 5 millions par la Ville de Paris seront mises au service des Chambres syndicales pour être distribuées par elles aux ouvriers sans travail des différentes professions ;
- 2° Les objets-engagés aux monts-de-piété, tels que lingerie, literie, vêtements, ustensiles de ménage, outils, etc,, seront rendus aux familles ouvrières , qui les ont déposés ;
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- §8
- i( 3° Lés travàbx votés par Je Parlement, ies Conseils généraux et lés municipalités seront mis immédiatement en cours d’exécution etl’entrëprisé en sera donnée aux associations ouvrières.
- Çpmme mesures prochaines :
- 1® Organisation d’ateliers publics, afin que le plus tôt possible — et cela dans l’intérêt social comme dàùs l’intérêt particulier — chacun soit employé dans sa profession ;
- 2° Ouvertürë parles pouvoirs publics de boülângerié^, de boucheries, construction de maisons ouvrières, afin que nourriture et logement puissent être fournis aux ouvriers à prix dë revient.
- . 3° Réduction de là journée à huit heures sans diminution de salaire.
- Comme mesures d'exécution :
- La Commission d'organisation du présent Meeti&g est Chargée de faire parvenir les rèsolUtiofas ci-dessus à. qui de droit, et l’assemblée lui adjoint le citoyen Jules J*,ffrin, gui, en sa qualité de Conseiller municipal, pourra l’aider èfficâcemenl dans sa mission. »
- Les poseüihili«tes. — Nous trouvons dâns l’O-pinioh, Joürnat modéré, sinbèreijheüt républicain. Une appréciation sur iës pbssibilistes qui contracte tellement àtëd celles qui ont généralement cours dans là presse, que nous la reproduisons pour là signaler aux joürnàux dobt elle détruit les accusations, espérant que chacune des parti's voudra faire la preuve de sa sincérité. L'Opinion ri’y va pas par quatre chemins, elle S'exprime âinsi ;
- Asëüfément, les poslibilistes, ofganisâtëurs du meeting, sont gëns honorables s’il ën fût, généreux, intelligents, travailleurs : lës rësblütionë violentés qui ont été votées ne ^ont point de leur fait : ils en connaissent la tâhilë et le lidicule ; mais ils se trompënt.
- ESPAGNE
- Le roi Uhlan a trouvé un ministère selon ses goûts. Ce ministère va tenter de faire de nouvelles élections en vue de s’entourer d’une Chambre faite à son image. Tout cela constitue un plan admirable ; mais on ne,peut faire une .élection sans compter avec le peuple. Ce dernier semble peu disposé à se laisser conduire parla réaction. L’agitation républicaine n’est pas diminuée malgré l’intervention des nouveaux fonctionnaires.
- ALLEMAGNE
- Dëdx iioüyëîlèà dbëëi dà jottvaal 1©
- Tettips — Le Temps, dans sà rëVuè de la presse étrangère, parlant du Postx ofgahe sëmi-bffieieux bër-lihdisj qüi a publié üh àhic.ë dans lequei il inet en doute les intentions dugouveraement français,malgré les sentiments pacifiques de la France, reproduit le passage suivant de la feuille prussienne :
- € S’il.est vrai que la France ne veuille attaquer per^-sonne, ii est mille lois plus certain encore qu’ellës n’a à redouter aucühe attaque de Fun quelconque de êes voisins. Ces deux faits sont établis et il ne reste plus qu’une chose à faire poir sortir de la padx armée, c’est d’établir, par un acte internaliénai quelconque, que les voisins de la France et la France elle-même ne nourrissent aucun projet digression, Peut-ii être si difficile de faire de ce qui eist établi l’objet d’un arrangement international alors que, grâce à cet arrangement, oh épargnerait des flots de sang, on éviterait des catastrophes et Fon mettrait fin à des appréhensions intoié-ràblèg? *
- NotpS, hbÜS àjoiiton^ qhb faes quelques lignes émanant d’un organe aussi âutcü/isé sërdnt publiées et cornmeû-téqs pâr tous les journaux allemands, qui prendront pfeteXte de letir ooiitei.u pour démontrer due le gouvernement allëhiànd ‘est contraint malgré lui â perpétuer sëà armaménià, jiàrcë laFrdiiëë fâit la ëourdè orëillè àux avances du gouvernement de Berlin, disposé par àmdür
- de la paix à accepter une transaction honoràbte pouf les deux puissances ; a moins que le parlement français par Un entraînement, dont noüs ne le croyons pas capable, impdse au gouvernement dë répondfe à l'invité politique de M. ae Bismarck par une offre sincère de s’ëü rapportef à Un tribunal d’ârbitràgë des puissances européennes, sbus réserve que là décision des arbitres ne séparera pas la question du désarmement de celle dè i’ Alsace-Lorraine.
- Nous trouvons encore dans le même numéro du Temps, sous le titre Alsace-Lorraiae, Un autre document que les lecteurs du Devoir apprécieront selon sa véritable importance.
- Yoici cet extrait du Temps :
- Nbüs citons, à titre de curiosité, une brochure qui viënt de paraître à Leipzig, sous le titre : Wâs soll aus > Blsàss-Lothringen weVden ? [Que doit devenir T Alsace-Lorraine?) et qui cherché à la question alsacienne nue solution également acceptable par la France et par l'Allemagne. L’àüteur, M. Maas, qui est député saxon et qui appartient à l’opinioü progressiste, se prdnonce pour rihdépendancè de l’Alsace Lorraine, qui formerait un ou deux Etàts neutres, garantis par l’Europe et unis par les liens d’une confédération aux autres Etats neutres, la Suisse, le Luxembourg, lâ Belgique ainsi que la Hollande. L’état ainsi constitué ü’aurait, en dehors dé la püice locale et d’une gendarmerie, d’autre force armée qu’une milice pourvue de Cadres permanents. Les forteresses alsaciennes et lorraines seraient rasées, et là France, par contre, s’engâgërait à, démanteler Belfort. Les questions pécuniaires pendantes entre l’Alsace-Lorrame et l’Allemagne, la situation de l’Uüivertitë de Strasbourg; celle des chemins de fer alsâciehs-lorraihs, ëtc., seraient réglées à l’amiable entre l’Allemagne et l'Alsace-Lorralne. Ce dernier pays choisirait sa législation et pourrait, à son gré, conclure une union douanière aveb l’un ou l’autre dë Ses deux voisins.
- Tout cela est évidemment de la haute fantaisie. Le document est néanmoins curieux à relever.
- Le Temps a l’air de collectionner Cë docüment a^ëc l’intention de la classer parmi les élucubrations de haute fantaisie. C'est ainsi que procédaient lës vidâmes uë Tàrisiocratië,, lorsqu'ils lisaient, quelques ahnêës avant 1889, les affirmations des principes de la fiévbmtioii françaisé, devant lesquels allaient disparaître la royauté dè droit divin et lés privilèges du clergé et de la noblesse.
- Nous aussi, nous sommes bollectidtineurë. C’est à çë titre que nous soulignons la réflexion du iidame dé là presse parisienne, comme une preuve de l’étroitesse de vue et de sentiment des gens qüi, cinq ans $yàpt le centenaire de 89, sont classés au rang des espritfe supérieurs dé l’époquè.
- Nous félicitons M. Maas de son initiative et de sob courage a ne pas se laisser arrêter par les plaisantes réflexions des sectaires. Nous formons le souriait de, voir M. Maas créer dans son pays une agitation favorable à la solution qu’il propose. ,
- Eu Saxe, pas plus qu’à Paris, les députés n’ont l’habitude de traiter dans, des brochures des questions susceptibles de soulever les mécontentements et les colères dè leurs électeurs. Ce qui nous permet de conclure que M. M*âs n’a pas émis une fantaisie personnelle, inais une fantaisie partagée par la,majorité de ses électeurs.
- Nuüs n hésitons pas, a^déclaier qup nous nous estimerions heureux, si M. Maas, ou quelqu’un de ses vaillants électeurs, voulait nous tenir au courant des suites de cette fantaisie que nous mettons bien au-dessus des graves dissertations du: journal de M. Hébrard, représentant dè la Cocbinchine, plaisanterie qu’il ne devrait pas continuer au dehors des Chambres.
- aî/TRICHE-HONGRIE
- La diète de Croatie vient d’être brusquement prorogée, par reserit impérial, jusqu’à une date indéterminée, sous prétexte que l’opposition poursuivait ouvertëmëpt ! la réunion des eourdühës 'dè Hongfié ël Croatie. Un
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- joufilài bfîiciëux fait entrevoir que celte mesure ne serait qu’qn prélude à des. décisions plus radicales, qui suspêiidrâiéüt, polir une ou plusieurs années, lé régime représentatif ën Grdâtiè et qtii boiiférérâiéill dès poutbiis discrétionnaires au ban du royaume.
- t 4 4 , . ^ .
- Les aides-boulangers, ap. nombre d’environ 300, ont Bârboühi lêb r'déS de là ^lllê et feè sdBt fèhdlis au syndicat de leur corporation pour demander du travail. Reçus par Ip syndic, M, Ratz, d’une façon fort courtoise, iéS ttlanifestàüië feé sbBt retirés àprês à^dir dBlenti la pxofaaesse qu’il serait fait droit, dans la tneSure du possible, à leur réclamation.
- StltSSK
- .. Les.élections pouy la Constituante vaqdoise ont donné les résultats suivants : sur 230 sièges, llO soiit «acquis âbx bbiis&rHtetirS ; lâ Üiâjbritê dont dispoëëi'à le parti radical ne dépassera donc, pas J 6 voix. La ville de Lausanne a élu 13 conservateurs ët 7 radicaux.
- MAROC
- Extrait d’uia journal favorablë à là poiiliqüe coloniale.
- £ Lé fàit que i'ë graiid-ciiSHf dé %az!zàià ait dëriiàndé pour lui et sa famille la naturalisation fràuçaise ëst regardé, dans les cercles diplomatiques de Tanger, comme ayant une grande impdrtabcë. î
- l’on dëcbrë lë grâüd-chériî dë ii’idi porte tfuel ordre. Mais que l’on né pousse pas la chinoiserie plus loin. ......(
- Prép&rëràit-bd qüèlqüë prbjèt dë cbloBisktidn dü côté du Maroc? La Tunisie; Madagascar* le .Tonkfrq nous embie constituer un bagage plus que suffisant.
- La Via, le Temps & les Travaux de ftokrt ÛwenMi
- Résumé traduit des documents de MM. Llotu JdNfes et J.-H. HümpBreys Noyés
- XXXVÎll
- kobert Owen avait une profonde horreur de ia guerre. Il connaissait assez le monde pour comprendre que les hommes d’fctàt, tout en se livrant à des protestations pacifiques, sont disposes à faire la guerre chaque fois qu’ils croient en tirer profit.
- Vers le temps de là chute de Queenwood de sérieux malentendus existaient entre la Grande-Bretagne et les Etatà-tîiiië:
- Robert Owen, dont lefîis aîné, Robert Dale Owen, était membre du Parlement américain^ se rendit en Amérique et s’employa de toutes ses forces à pacifier les esprits et à trouver des moyens d'entente entre les deux gouvernements. Quatre fois, en l’espace de deux ou trois ans, il traversa l’Atlantique en vue de ces pacifiques travaux. Sa renommée le faisait écouter avec attention, rfespect et cdtifiance de tous les politiciens et hommes d’Etat auxquels il s’adressait. Les résultats ne furent poiht ce qu’il
- (1) Urb le Devoir depuis le n° du 8 juillet 1883.
- JS
- ëèpéràit, nêànlnbihs il jugea qüë sëë effbRs fi’a-vàiëflt point été SdnS fruit.
- Au ëoüfâ de ses vdÿaqës en Àfhêrique, OtVeh résidait à Né1# Harmony dü sa famille était dehièüfée installée.
- Eh juiri 1848, il était ërt Âlbany bù Së disëutàitune cohstltutidn hdüteilè pour l’Ëtat dë Nëië-York. La cüntëntioii siégeait, Robert • Ovren fUt adriiis à pi'èhtlt’ë la parbië ; il traita dëut fois lë Stijet dés L droite ët progrès » ëii â’ëfîdr^âtit d’in-
- diquer aux législateurs leurs dëvoirà ëii ceà mk-tiëfës.
- Robert OWëh était pàr-dëssÜS tout un semeur d’idées; ii cëhifnüniquàit ses ihspiratibns à son ëfi-tbüragë: Àüx Ëtâts-Ühis Surtout Sa pàrblë trUd^a un tëi écho qu’il fût considéré cdiiiiiié lë pèrë du so-cialiShie ahiéHëàiri; Le fndüyëinëht fouriéHstë lie Se développa âux Ëtais-Unis qhe 15 I âti âHs âprêS les jlBeihières ëxpériëhbeS SocialisteS faites sous Piti-flüencëS dës idées de Rbbëft Owëii;
- Un dëS traits jfrirleipàut du cafàctère du réformateur fût Sbn ihdbbiptâblë persévérance ; ët ce tràit il l’a transmis à beaucoup de sbciaÜStës àméB -cailis foirniés â sdh école.
- Il faut de tëls hdîiihifes polir Mire marcher Lflunik-nité â tfltvei'S tous les tiebbifes et tdtis lëS bbstàcles qui enebmbreiit la toiè dti prb^ris.
- jusqu’au dernier jbür dé Son ëiistëiicë Owëri rie cëSSa de pbUfStiivre l’àtiiélibration pLÿsique, intël-lebtuellë et mbfàië dü peuplé;
- Agé dë plus de 80 ans, il publiait dàhs sori journal cës paroles : « Le Sdl cultivable est inépuisable ; le travail est en sUrabondatiëe ; la püiësance chimique ët mécanique est illimitée; leM produits sont en excès; les moyens de donner Uhë boîüië éducation à tbus lës hbmmëS sont cohnuS ét fàcilëniënt applicables ; les principes d’unibn dës intérêts, dès sentiments des actions sont découverts ; rien he S’opposerait donc à la ebnstitutibb d’Un état Social qui renouvèlërâit graduellement la face dü nibhdë. »
- Owen ne cessait de voir les souffrances dë la multitude et, eompfërtànt par quelles fofcës ob remédierait à cës maux Si i’ësprit voulu existait chë2; les gouvernants, il s’efforcait d’büvHr lës yëüx aüx hommes et aux peuples pour les athenef â mettre Un terme à ces maux que les générations së transmettent les unes aux autres.
- Ges préoccupations se retrouvent jusque dans ses études spiritualistes. Car c’est un fait à nbter que Robert Owen, bet esprit si droit. Si lumineüx, qui toujours avait basé ses jugements sur les vérités démontrées fut, à la grande surprise d’une partie de ses amis, partisan du spiritualisme. On se souvient
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- que vers 1852, en Amérique d’abord, en Europe ensuite, des quantités considérables de personnes prétendirent entrer en rapport avec leurs amis et parents défunts, au moyen de tables tournantes, frappantes, etc.
- Des communications de cette nature se sont fait jour à toutes les époques de l’histoire, et l’on a vu depuis Pythagore jusqu'à nos spirites modernes beaucoup d’hommes doués de la plus haute et de la plus brillante intelligence admettre ces faits comme vérités démontrées.
- Robert Owen fut du nombre. Nous n’avons pas à juger ici les motifs de cette conviction, nous nous bornons à enregistrer le fait. Il prétendit converser avec des personnages défunts parmi lesquels nous citerons le président Jefferson, Channing, Benjamin Franklin, le duc de Kent. Il recevait d’eux, concernant leur mode de vie extra-terrestre et les moyens de se communiquer aux hommes de ce monde, des informations absolument analogues à celles qu’on peut lire aujourd’hui dans les livres spirites.
- En même temps qu’il se livrait à ces spéculations Robert Owen rééditait ses ouvrages et publiait le préambule d’un traité de fédération entre la Grande-Bretagne et les Etats Unis du nord de l’Amérique. Il proposait que la Grande-Bretagne et l’Amérique déclarassent uniformes leurs intérêts et leur langage, proclamassent leurs citoyens libres sur l’un ou l’autre sol, continuassent de se gouverner elles -mêmes tout en préparant les conditions d’une union fédérale à laquelle les autres nations pourraient adhérer. Le devoir principal, ajoutait-il, sera ensuite de trouver le moyen de mettre fin à la guerre, afin de vivre dans la paix et l’abondance par le travail et les échanges fraternels.
- C’était un rêve, dira-on, mais combien le monde gagnerait à ce que tous les hommes d’Etat rêvassent ainsi !
- Robert Owen mourut à Liverpool le 17 novembre 1858, dans la maison où il était né. Il était alors dans sa 88e année.
- Il était venu à Liverpool pour assister au Congrès de la science sociale. Sa faiblesse s’accentuant l'empêcha de prendre part comme il le désirait aux travaux du Congrès.
- Il dut s’aliter. Jusque sur son lit de mort il était préoccupé des souffrances et des. misères du peuple dont il avait revu le cruel tableau en parcourant Liverpool.
- A l’annonce de son état, son fils Robert Dale Owen, alors chargé d’affaires à Naples, accourut. Il fut présent à la mort de Robert Owen qu’il annonça en ces termes :
- 27 novembre 1858.
- « C’en est fait. Mon père n’est plus. Il est mort ce matin à 7 heures moins un quart, aussi calme et paisible que s’il entrait dans le sommeil. Il n’y eut pas le moindre combat, pas la moindre contraction de muscle, pas la plus légère expression de peine sur ses traits.
- « Son souffle s’éteignit graduellement, il devint lent, plus lent encore jusqu’à ce qu’il cessât d’une façon si imperceptible que bien que je tinsse la main de mon père, je n’eus pu dire à quel moment précis il avait cessé d’exister. Ses derniers mots distincte-ments prononcés, vingt minutes environ avant sa mort, furent : « Relief is corne », le soulagement est venu. Dix minutes avant il avait dit : « Very easy and confortable », très doux et agréable.
- Après la mort le corps fut exposé dans la maison et le public fut admis à contempler ce visage qui dans la vie-avait constamment reflété l’expression de la tendresse et de l’amour pour tous les souffrants et les accablés de ce monde.
- Owen fut enterré à Newton dans le même monument que son père, sa mère et ses frères.
- Ainsi finit un de ces hommes dont la vie tout entière est consacrée au bien et au progrès de leurs semblables. L’histoire généralement laisse dans l’oubli ces pionniers de l’évolution sociale et enregistre avec soin les actes des grands exploiteurs ou des grands destructeurs de peuples.
- Le jour est proche certainement, et nous en voyons déjà des symptômes, où renversant cette manière de faire on donnera dans l’histoire et surtout dans l’enseignement des écoles la première place aux grands bienfaiteurs de l’hnmanité dont la vie est le plus bel exemple, la plus pure leçon de morale, le plus fortifiant modèle à offrir à chacun de nous pour notre commun bonheur.
- FIN
- Gallia Doceat
- Le gouffre effroyable creusé par la guerre dans les finances des Etats et dans les conditions économiques des peuples rend toujours plus profonde la misère des classes pauvres.
- En cent vingt-cinq années la guerre du Palatinat, celle de la succession d’Espagne, de la succession d’Autriche, la guerre de sept ans, la grande guerre d’Amérique, celle contre la Révolution française, la guerre contre Napoléon, toutes soutenues par l’or anglais, sans compter celles de Grimée, de l’Inde, du Zululand, de l’Afganistan, coûtèrent à l'Angleterre vingt-neuf milliards six cents trente-six millions de francs!!!
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- (Nous faisons nos réserves sur ce chiffre lequel, malgré son importance, devrait encore être plus que doublé, d’après un tout récent document anglais établissant comment les impôts des Iles Britanniques ont été dépensés depuis un demi-siècle. Nous publierons ce document dans notre prochain numéro.)
- Que l'on calcule s’il est possible ce que ces guerres ont coûté de sang, d’existônce, d’aventures, de misères, de douleurs.
- Le paupérisme anglais est passé en proverbe. Dans les Iles Britanniques les lords possèdent les livres sterling à dizaines de millions, mais nulle part ailleurs le paupérisme n’offre de plus misérable ni —- par contraste — de plus révoltant spectacle.
- Et nous n’avons pas rappelé, vu sa proximité, la guerre de 1870, dans laquelle le sang et l’or de la France ruisselèrent à torrents.
- Malheur aux vaincus ! disait Bismark, aussi cinq milliards coulèrent-ils d’abord pour rançon de guerre ; puis ce furent six autres milliards pour réparer les désastres, pourvoir aux moissons perdues, aux camps dévastés, aux industries suspendues, au commerce arrêté, au matériel de guerre détruit, à l’armée anéantie, évaporée.
- L’Allemagne de son côté fut épuisée jusqu’à la moelle, anémique, pleine de morts, de mutilés et d’invalides.
- Et ce n’est pas tout. La guerre est un cercle fatal, maudit. Au vaincu elle souffle l’idée de la revanche ; chez le vainqueur elle dépose le levain du soupçon ; de là les armements disproportionnés, désastreux de part et d’autre. Qui pourrait compter les trésors engloutis dans les préparatifs d’attaque et de défense,et les résultats merveilleux dont bénéficieraient les peuples si la guerre infâme était bannie du monde civilisé.
- Qui évaluerait combien dans les treize années écoulées de 1870 à 1883 a coûté la paix armée, à l’Allemagne et à la France ?
- Et par ricochet de quel poids elle a pesé sur les bilans des autres peuples ?
- Républicaine, la France devrait avoir un budget militaire des plus réduits, qui ne sait qu’au lieu de cela elle engloutit des trésors dans ses armements ?
- Qui ne voit la profondeur de l’aveuglement de ses gouvernants, aveuglement dont se font complices le clergé et la presse bonapartiste et royaliste ?
- Pour terminer, le lecteur veut-il connaître le bilan définitif des pertes françaises en 1871, d’après les documents présentés à la Chambre par M. de la Porte, député.
- L’armée active a perdu (en morts, blessés et prisonniers) du 1er août 1870 au 1er avril 1871, 656.093 hommes.
- La lutte contre l’Allemagne et la paix qui s’ensuivit coûtèrent en sommes payées par le trésor et pertes de diverses natures 12.131,509.336 francs, auxquels il faut ajouter 475.007.000 francs laissés à la charge des particuliers et 60 millions laissés à la charge de la ville de
- Paris, chiffres qui, ajoutés à la somme payée par l’Etat, donnent un total de 12.666.516.336 francs !!!
- Ajoutons en outre que la capitalisation à 4 pour cent des revenus annuels de T Alsace-Lorraine représente un chiffre de 1.659.750.000 francs perdus pour la France.
- Cela dit, nous le demandons : Est-il une scélératesse plus grande que la guerre ?
- « Il Secolo. »
- Curieuse expérience de magnétisme
- On lit dans le Courrier de VAisne ;
- Marne. — Reims. — M. de Torcy, le magnétiseur renommé avait fait le pari d’entrer dans la cage des fauves de la célèbre ménagerie Pianet. Le pari ne s’en tenait pas là, M. de Torcy devait être accompagné de son charmant médium, Mlle Lucia.
- Le plus fort de cette affaire, dit l'Indépendant rémois, c’est que le gracieux médium devait étant entouré de MM. les lions, être mis en l’état cataleptique, son corps réduit à l’inflexibilité du marbre, être posé sur deux chaises et, sur un signe de M. Pianet, les lions allaient exécuter, par dessus Mlle Lucia transformée en banquette irlandaise, le même steeple-chase, que, sous le fouet du dompteur, ils perforaient par dessus des barrières en bois.
- Pour mettre le comble à l’audace et donner une preuve de l’état cataleptique incontestable du médium, le bras, puis la tète de la belle Mlle Lueia, devaient être fourrés dans la gueule du lion, et le sujet ne devait pas subir la plus légère émotion, pas même une appréhention.
- A l’heure dite on posa dans la cage centrale, que bientôt les lions devaient envahir, un tapis, un fauteuil et une chaise tous accessoires dédaignés des dompteurs ordinaires.
- Puis les lions firent leur bruyante entrée. A son tour, M. Pianet l’intrépide dompteur pénétra vivement par la petite porte du coin de la vaste cage et, de la voix et de la cravache, força les fauves à se coucher à l’autre extrémité.
- Pendant qu’il les tenait en respect sous le regard, la petite porte s’ouvrit à nouveau pour donner passage au magnétiseur M. de Torcy et à son médium, Mlle Lucia. M. de Torcy tenait son pari !
- Il magnétisa son sujet, il le réduisit en l’état cataleptique ; Mlle Lucia ôtait là, agenouillée, au milieu de la cage, immobile, les bras étendus. Le dompteur ayant excité ses bêtes féroces, celles-ci bondirent autour du médium qui, le sourire aux lèvre?, n’avait pas conscience de la fantaisie terrible que couraient les lions autour de lui.
- Puis on plaça Mlle Lugia, rigide, sur deux chaises, et les lions se mirent à franchir cette barrière humaine qu’un coup de dent eût dévorée. Enfin, avant d’avoir fait revenir la jeune femme de l’état de somnabulisme où elle était plongée, le dompteur fit approcher un lion, lui mit de force dans la gueule le bras, puis la tête de la cataleptique ; le lion monta sur le corps du médium, sans que la rigidité de celle-ci en fut affectée et, comme Iss exercices avaient tous été rigoureusement exécutés, M. de Torcy réveilla son sujet, qui n’eut pas l’air d’avoir eu conscience des dangers terribles qu’il venait de courir.
- C’est la première fois qu’une expérience si émouvante ait été tentée devant le public, et nous devons dire, qu’à part l’impression douloureuse, l’anxiété, où furent tenus les spectateurs, tous étaient émerveillés de la sécurité du magnétiseur, de la confiance inaltérable de la magnétisée, de l’autorité et du sang-froid surprenants avec lesquels M. Pianet fit exécuter par ses fauves terribles, une série d’exercices que l’on croyait impossibles.
- Inutile de dire que l’immense loge faillit crouler sous les applaudissements.
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- et
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- Correspondance d’Angleterre
- La politique et les faits sociaux dans le Royaume-Uni en 1883.
- (Suite.)
- Nous nous sommes principalement occupé, dans la première partie de ce travail, de l’action de l’Angle-terrq pp friand fi, fit ppus aven? fadmé fiQnimafre-ment l’état des partis dans ce pays à la fin de -83. Aujourd’hui, nous nage proposoua d’étepdpe notre champ d'observation à la Grande-Bretagne et à ses colonies, ainsi qu’à ceux des pays étrangers oh l’ip-fluence de la politique extérieure du cabinet de S§jqt-James s’est fait plus ou moins sentir.
- Remarquons tout d'abord que la question Brad-laugh q’q guère avancé, en dépit des efforts, des luttes incessantes du député de Northampton et de l’pppui que lui ont donné )es vrais libéraux dans le Parlement
- Le Pitfirisaïsme est encore trèsopuispant dons pe pays : M- Bradlaugh, le libre-penseur, et M. Gladstone le croyant convaincu, mais honnête, en ont tous deux fait l’expérience à leurs dépens. D’un autre côté, le député de NortRampton, qqi sent qu’il a pour lui la grande majorité de ses commettants que rien n’a pu rebuter, est un homme aussi résolu que capable, et il n’a pas encore dit son dernier mot, si nous en croyons une lettre qu’il Tient de pm-blier et dans laquelle il déclare avoir l’intention de se présenter de nouveau à Westminster le 5 février prochain, décidé qu’il est à « réclamer d’autant plus hauteme nt le respect de Ja loi, qu’il a prouvé qu’il était prêt à lui obéir, »
- Un autre effet nqp moins funeste du phgrisaïsiqe et de l’esprit da chauvinisme qui régnent dans de certaines régions de ce côté-ci du détroit, a été la rejection du Bill concernant le Tunnel sous-marin desfiné à relier l’Apgieterre à la Frappe,
- On ne nous fera pas croire, en effet, que ce soit réellement la peur d’une invasion armée de l’Angle^ terre par la France qui a décidé la majorité du Parlement à ordonner la cessation des travaux de percement du tunnel. Non, ce que craignent nos conservateurs, nos bigots et nos chauvins anglais et écossais, G’est une invasion des idées françaises si contraires aux vieux préjugés et aux privilèges de caste qui leur assurent encore une certaine prépondérance.
- Car c’est une étrange contrée que cette Angleterre 0$ les libertés coudqient les restriction oh la scieqce et la libre-pensée ne peuvent se comparer qu’à
- l’ignorance et au fanatisme religieux, et où, plus que partout ailleurs, oq voit marpher côte à côte une richesse Incroyable et la plus affreuse qiisèpe, une générosité ppup ainsi d’i’e sans bd?W et lfi plftfi profond égoïsme.
- L’A-nglfitfir?*®» (lisait spuvapt M. Ohallpqml^LacQur?, notre ancien ambassadeur à Londres. VAngleterre est une île entourée d'eau de tous côtés / Qe mot aussi spirituel que juste non-seulement nous donne la véritable mesure de la majorité de nos voisins, mais il explique à lui seul le vote de cette majorité
- qui a rejeté le Bill de Sir E. Watkins.
- ï *
- Nous venons de parler de misère : mqntiopnqns eq passant, car nous y reviendrons plus tard? le pri terrible qui s’est éievé dans ces derniers tergpgi à Londres, à Liverpool et dans tous nqs grands een-: très, cri d’agonie d’un côté, (|e commisération fitdfi crainte de l’autre, 4 4 vue terrible des pdaies sq? claies que nous ont dévoilées, quelques flammes ftuggi hardis que géqéraux,
- Nos gouvernants se sont enfla émus, eux aussi, de l’état d’abjection où vivent des milliers de leurs semblables dans cette seule grande ville de Londres, et sir Dicke, entre autres, n?a pas craint d’aller inspecter personnellement ces quartiers mal famés, ces bouges infectes où grouillent des milîers de malheureux qui ont autant que nous droit à la lumière.
- Nous avons eu, depuis peu? des meetings e;t des conférences, et des lettres pur pentaiqej d^qs lps journaux sur cette question dns habitations ouvriè? res : chacun a exposé son p4q ; chacun a dît §on mot, mais, jusqu’à présent, cm n’est arrivé à aucune conclusion, car il ne s’agit pas seulement de parjqp et de faire preuve dé bons seollmeqts, il vq falloir mettre la main à la poche et donner un peu de son superflu et pela semblé bien dur à dq certaines fans-
- En attendant, il est aujourd’hui bien vu de se dom ner à bon marché des airs de philanthrope i notre beau mandé, nos élégantes même s un mêlent, cela posa, c’est fort bien porté en Société :
- Punch (1) nous montrait, dans un de ses derniers numéros, trois jaunes ladies qui, enveloppées delong mackinloshee, prennent congé d’une vieille dame de leurs amies chez qui ell3s ont passé la soirée.
- « Eh quoi ! dit leur hôtesse, vous partez déjà et affublées de ces vilains imperméables. Vous n’allez pas faire la route à pied ? »
- -rr h Non, bien certainement, chère madame, répondent nos trois élégantes : nous allons visiter un de ces affreux logis du Londres horrible, vous savez.
- (1) Le meilleur des journaux satiriques de Londres — pour ne pas dire du monde.
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- lk peyqto
- m
- Une famille de quinze malheureux, dans une seule chambre sans fenêtre! Nos mackinjoshes, cjites-YOus? Ah oui ; c’est pour nous garantir de l’infection, et
- puis pour cacher nos robes et nos bijoux.....
- vous comprenez i n
- Certes oui, Punch, nous comprenons, et tu as encore une fois touché juste, vieu£ satirique. Va, l’on demande du terrqin où construira des cités ouvrières ; Ger-tes, ce n’est pas l’argent qui manque, et le terrain non plus, maie nous ne louerons pas s’il ne
- rapporte de gros intérêts..... mais non 5 nous
- mettons nos imperméables et cachons nos bijoux, puis notre curiosité morbide satisfaite et quand nous aurons généreusement fait l’aumône à ces malheur reux, oublions bien vite Ges misères et ces haillons qui sentent la mort ! (I).
- Allons, sir Ç. Dilke, pe faites pas comme nos femmes à la mode et nos philanthropes en cravata blanche. ^ l’œuvre, et que votre tournée faite vous avisiez sérieusement nqx moyens de remédier au mal, car il n’est que temps !
- *
- * *
- Pessimiste ! dites-vous ? Non, nous voyons seulement les choses telles qu’elles sont et sansjnous faire illusion. Et tenez, si nous tournons nos regards à l’extérieur, nons n’avons guère plus de raisons de nous réjouir.
- Dans l’Inde, par exemple, le projet de loi relatif à la composition des tribunaux proposé par les lords Ripon et Spencer et connu soqs le nom dGilbert Bill a été l’objet d’une opposition si violente de la part des Anglo-Indiens, dont les privilèges se fussent trouvés fart endommagés par son adoption intégrale, qu’un compromis a eu lieu; lequel satisfait paraît-il les deux partis intéressés, mais qui constitue en réalité une reculade de la part du gouvernement et une défaite pour l’élément indigène.
- Et en Egypte, où en sommes-nous ?
- Le Soudan abandonna jusqu'à Wady-Halfa ; Khar-toum livrée au Mahdi ; le commerce des esclaves renaissant pour ainsi dira dans des conditions plus favorables que jamais, et les finances de l’Egypte dans un état de délabrement qui n’à de comparable que la situation politique de ce malheureux pays ! Voilà où nous ont menés les faiblesses d’un gouvernement libéral qui a cru devoir copier ia politique extérieure d’un Disraéli : un honnête homme essayant de parfaire l’œuvre d’un roué sans scrupules ; le résultat était prévu.
- (1) La ville de Londres n’a pas d’argent pour acheter des terrains où bâtir des cités ouvrières, mais pour la mascarade connue saus le nom de Lord Mayor’sShûW on a bien trouvé L 3,843, 13% 6 penoe.
- Certes, l’Angleterre se tirera d'affaire : elle est forte, et elle enverra des troupes pour protéger le territoire égyptien proprement dit ; elle est riche, et elle trouvera bien de l’argent quand il faudra payer les indemnités égyptiennes, — autrement dit les pots cassés d’Alexandrie ; mais elle s’est aliéné le peuple égyptien, elle va encore sacrifier des hommes et grever à nouveau ses finances obérées, et tout cela pourquoi faire, nous le demandons?
- Pour arriver à un protectorat douteux sur le Nil, pour rendre le Soudan an Mahdi et aux marchands d’esciuyes ?
- Beaux résultats, eu véritg !
- *
- * *
- Le tableau n’est pas gai, direz-vous, et vous avez raison.
- Cependant en regardant attentivement à travers toutes ces ombres, vous discernerez bientôt une faible lumière qui chemine lentement, Mon lenfe-i ment, mais qui prend en fpree et en éclat au fur et à mesure qu’elle avance.
- C’est qu’en dépit de nos conservateurs et de pps modérés même, l’esprit public sa modifia peu à peu en pe qui concerne les questions politico-religieuses, ainsi que le constate la scission qui s’accentue de plus en plus tant au Parlement que dans le cabinet même entre les Whiçs et la nouvelle école radicale.
- Pans le ministère, non-seulement ce nouveau CPU-rant d’idées se fait sentir, mais il y cause une perturbation qu’explique l’état d'immobilité dans laquelle se complaît i’élément libéral qu| forme encore la majorité.
- Avec MM. Chamberlain et Dilke d’un côté, le marquis de Hartingtop, lord Grand et §ir Vernon Har= court de l’autre, M. Gladstone se trouve tiraillé de droite à gauche et de gauclie à droite, et forcé de faire des concessions désastreuses dont ÜS ne lui savent aucun gré et qui lui font beaucoup de mal aux yeux des radicaux.
- Or, remarquez que ce sont ces derniers, représentés par M. Chamberlain, qui ont été les auteurs des seules réformes législatives sérieuses introduites dans la dernière session
- Cependant, si comme nous l’espérons notre premier ministre peut faire passer cette année son projet de loi sur l’extepsion des franchises électorales, dont nous avons déjà parié précédemment, le pays fera malgré tout un grand pas en avant, et ie parti radi-i cal sans aucun doute plus fortement représenté dans le premier Parlement qu’il ne l’est aujourd’hui.
- C’est là le point lumineux qui nous remet l’espoir au cœur, c’est de voir que grâce aux progrès que font l’instruction et l’éducation politique dans ce pays.
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- LE DEVOIR
- nous pourrons assister dans quelques années à la victoire des radicaux anglais sur les Whigs et les Tories.
- Ce jour-là, les questions sociales auront le pas sur la politique proprement dite dans le Parlement anglais et nous ne croyons pas trop nous avancer en prédisant que le pays y gagnera sous tous les rapports. P. -L. Maistre .
- LES FEMMES MILITAIRES
- A mon avis, les femmes ne sont pas à leur place sur les champs de bataille ni dans les mêlées sanglantes; elles ont assez de vicissitudes sans en rechercher de nouvelles parmi les horreurs de la guerre. Leur présence encourage et stimule le soldat et, au besoin, le console ; mais, encore une fois, la place de la femme n’est pas dans l’armée.
- Cependant, puisque plusieurs centaines de femmes ont été les martyrs volontaires de leur patriotisme ou de leur bravoure, j’ai eu la fantaisie de dresser une liste des femmes militaires dont l’histoire nous transmet les noms; je n’y ai inscrit que les plus connus et porté à la suite du relevé que les principales héroïnes contemporaines.
- Désirant m’en tenir aux grandes lignes d’un panorama — ou d’un panthéon, comme on le voudra -je grouperai l’ensemble en trois bataillons; le bataillon des temps lointains, le bataillon de la Révolution et du premier Empire et le bataillon des contemporaines. A l’égard de ces trois groupes je commets naturellement des anachronismes, mais ces anachronismes voulus servent à merveille la mémoire des noms.
- Sans remonter juqu’aux prouesses des Amazones ou des Sabines, si l’on se maintient dans la France du moyen âge, on forme ce que l’on pourrait appeler le premier bataillon; c’est-à-dire qu’au milieu de ces étranges figures, moitié mystiques, moitié guerrières, de Sainte-Geneviève et de Jeanne d’Arc, la mémoire réunit Frédégonde conduisant à cheval ses troupes à la victoire et reconstituant la Neustrie; Ethgive prenant le commandement militaire de la ville de Laon; Gerberge dirigeant elle-même sur Dijon les compagnies destinées à vaincre celles de Robert de Trêves ; Gaëte, qui, là lance à la main, ramène devant les Grecs les soldats de son mari dispersés,
- Guirande de Lavaur a fait des merveilles pour défendre sa ville natale ; Marie-Catherine Fouré de Poix, à la prise de Péronne, a arraché un pavillon ennemi, après avoir précipité dans un fossé l’enseigne qui l’avait planté.
- Ne convient-il pas de mentionner, à propos de leur élan général patriotique,les habitantes de nombreuses villes assiégées, les dames d’Orléans, d'Etampes, de Compiègne, de Saint-Riquier, de Montélimart, de Dôle, de La Rochelle, de "Vitré, de Poitiers, de Montpellier, de Montauban, etc., conduites parfois par la plus énergique des leurs, telles que les dames de Castellane, menées par Judith Audran, ou que les dames d’Angers, surnommées les chevalières angevines, dirigées par Marguerite de Bressieux-Anjou. On est très martial à Angers.
- En jetant de la paille enflammée sur les assaillants, Brigitte Schicklin sauva la ville de Guebwiller au quinzième siècle. I
- Les croisades avaient fourni des héroïnes. Michaud nous rappelle qu’après le siège de Saint-Jean-d’Acre, les Sarrazins trouvèrent trois femmes parmi les captifs : elles avaient combattu à cheval, dissimulant leur sexe sous les armures.
- Dans les guerres féodales, en dedans ou en dehors des villes ou des châteaux assiégés, un grand nombre de femmes ont fait acte de bravoure militaire. La comtesse Jeanne de Montfort a défendu Hennebon, et a pris ensuite la direction d’une flottille de guerre montant à l’abordage, la hache à la main, ainsi que Froissard nous en a transmis la relation ; elle a ensuite lutté contre Jeanne de Flandre, sa rivale, point de l’histoire que l’on a désigné la guerre des deux Jeanne.
- Jeanne Maillotte ne s’est-elle pas distinguée à Lille, lors de la révolte des Hurlus (confédérés de Tournai) ? Marie d’Harcourt n’a-t-elle pas défendu l’épée à la main son castel de Yaudemons?
- La femme de Duguesclin a rejeté de leurs échelles des soldats anglais qui tentaient par une escalade nocturne de se rendre maître du château de Pontor-son. Jeanne Hachette s’est emparée d’un étendard bourguignon au siège de Beauvais. Il convient de citer les Marseillaises, qui se défendirent vigoureusement contre les troupes assiégeantes du connétable Charles de Bourbon. La chronique a inscrit sur son livre d’or les noms des dames de Bausset, de Roque-vaire, de la Mure, etc., s’élançant aux bastions entraînées par la dame de Monteaux,
- Le glaive est leur parure et l’honneur leur égide. Monteaux les aguerrit : c’est elle qui les guide.
- Un casque étincelant ajoute à leurs appas ; et dent le souvenir est perpétué à Marseille par le boulevard des Dames, ouvert sur l’emplacement des bastions en question.
- Citons la générale Diannouy La Caze aidant son mari à former une expédition militaire à Madagascar.
- Au siège de Perpignan, en 1542, une femme poète se révéla guerrière, Louise Charlin,dite Louise Labé, originaire de Lyon, surnommée pour sa bravoure le capitaine Loys, et plus tard, pour sa beauté et son mariage avec un cordier, la Belle cordiêre. Louise Labé a écrit des poésies passionnées, souvent réimprimées, et dont l’une d’elles aurait mspiré, dit-on, à la Fontaine sa fable de VAmour et de la Folie.
- {A suivre).
- «—Gsc<?^*Vî>-'
- ETAT-CIVIL DU FAMILISTÈRE
- Semaine du 14 au 20 Janvier 1884
- irôXXÈiS s
- Le 14 Janvier, de Camus Taïse, épouse de Détrez Ernest, âgée de 24 ans.
- OOTJIfcS D’ADULTES
- Leçon de Physique expérimentale par M. Barbary
- Séance du Mardi 29 Janvier
- 1» Le principe d’Archimède s’applique aux gaz comme aux liquides.
- 2° Baroscope.
- 3° Cause de l’ascension des montgolfières.
- 4° Neiges perpétuelles.
- 5° Machine de compression.
- 6° Fontaine de Hérou.________________________
- Le Directeur-Gérant: GODIN
- S^Quentin. — lmp. du Gfamur.
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- 8e Année, Tome 8, - n° 282 & numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 3 Février 1884
- LE DEVOIR
- REVUE DES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU
- i GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES DAVANCE
- par i’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
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- ON S’ABONNE A PARIS
- 5, r.Neuve-des-p etits-Ghamp s Passade des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES ET POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1. — Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- 4. — Organisation du suffrage universel par Vunité de collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement général à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile;
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens ;
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter ;
- La représentation par les supériorités.
- 5. — Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues par le suffrage universel.
- 6. — Egalité civile et politique de l’homme et de la femme.
- 7. — Le mariage, lien d’affection.
- Faculté du divorce.
- 8. — Education et instruction primaires, gratuites et obligatoires pour tous les enfants.
- Les examens et concours généralisés avec élection des élèves par leurs pairs dans toutes les écoles.
- 9. — Ecoles spéciales, nationales, correspondantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- 10. — Suppression du budget des cultes. Séparation de l’Eglise et de l’Etat.
- 11. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 12. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- 13. — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatéral à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dans une juste mesure, retour à la société qui a aidé à les produire.
- 14. — Organisation nationale des garanties et de l’assurance mutuelles contre la misère.
- 15. —- Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 16. — Liberté d’association.
- 17. — Libre échange entre les nations.
- 18. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans Varchitecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 19. — Abolition de la guerre offensive.
- 20. — Arbitrage international jugeant tous les diffèm rends entre nations.
- 21. — Désarmement européen.
- 22. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire.
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- LE DEVOIE
- Jm: 'mJ'M&rn
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, Vadministration fait pré senter une quittance d’abonnement.
- ———----- ------------
- NOTE DE L'ADMINISTRATION
- Les numéros du Devoir contenant la série d'articles publiés sous le titre de « La Question ouvrière » sont envoyés franco par paquets de 10, au pria) de 75 centimes, par paquets de 100 numéros, au prix de 5 francs.
- Adresser les demandes à la librairie du Familistère à Guise, département de VAisne.
- SOMMAIRE
- La question ouvrière.— Projet de Pèlerinage. — Contre le paupérisme. — Neutralisation de VAlsace. — Les arbitrages internationaux. — Mots de Progrès. — Faits politiques et sociaux. — Plus d’impôts. — Comment les impôts anglais. Société des libérées de Saint-Lazare. — Un économiste économisant. — Ecoles du Familistère. — Les femmes militaires. — Etat civil du Familistère. — Cours d'adultes. — Philosophie de l’avenir. — Théâtre.
- Tmis les numéros du Devoir contenant des articles sur la « Question ouvrière » sont envoyés gratuitement aux députés ayant pris part aux débats sur la situation économique, et à tous leurs collègues qui ont Vhabitude de s'occuper des lois sur le travail.
- LA QUESTION OUVRIÈRE
- Toutes les questions d’intérêt général ont atteint à cette heure une gravi té qui commande une prompte et énergique intervention gouvernementale,
- A peine si l’on a le temps de choisir par où commencer.
- Au Parlement, pendant là même semaine, tous les
- groupes ont été unanimes à agiter la question ouvrière. Les journaux, sans distinction de nuances, consacrent chaque jourunegrande partie de leurs colonnes à l’examen de notre situation économique,
- La question ouvrière a pris d’elle-même la première place dans l’opinioh poblique, et c’était justice.
- Partout on paraît se préoccuper des intérêts des travailleurs. Mais on constate que plus la discussion se prolonge, plus on semble s’éloigner de l’accord nécessaire.
- Cette impuissance a pour cause principale l’ignorance de la plupart de ceux qui essaient ou font semblant d’essayer à résoudre le problème. Beaucoup parlent des chômages et de leurs conséquences uniquement parce que leur métier Iss oblige à dire quelque chose de la question du jour ; d’autres interviennent, parce que, payés par des gens habitués à vivre en eau trouble, ils ont pour mission d’embrouiller davantage la question ; d’autres, le petit nombre, hommes compétents et désireux de traiter sérieusement les choses sérieuses ne peuvent se faire entendre au milieu de la cohue causée par les premiers*
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- Comment résoudre un problème si mal posé I
- De tous les orateurs qui ont traité ce sujet à la Chambre, M. MareL seul, s’est appliquer à définir exactement la position de la question. Nous n'avons pas hésité à faire notre cette partie de l’argumentation de M. Maret tendant à préciser ia situation.
- De tous les côtés on parle de crise, tandis que l’on devrait comprendre que nous sommes au bout d’une étape d’un ordre social faux, étape aboutissant fatalement à une période de trouble.
- On appelle crise, si j’en crois mon dictionnaire, un changement subit dans la manière d’être d’une chose d’un fait* d’une situation ; et le mot période signifie révolution qui se renouvelle régulièrement, qui ne peut pas ne pas se manifester.
- La situation présente n’est pas une crise parce qu’elie était une chose scientifiquement prévue dans une Société où les travailleurs sont des salariés, c’est-à-dire des gens qui ne sont payés, qui n’ont leurs moyens d’existence, que d’autant qu’ils trouvent des capitalistes pour utiliser leur force travail.
- Or, avec les moyens puissants de production, dont dispose l’industrie moderne, il n’est pas possible que les producteurs dans une nation s’adonnent au travail régulièrement,pendant quelques années de paix, sans produire une quantité d’objets consommables dépassant les besoins de la classe riche.
- Alors, la période de travail est fatalement suivie d’une autre période pendant laquelle les ouvriers, dé
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- plus en plus délaissés par les capitalistes qui n’ont plus besoin d’eux, de souffrance en souffrance arrivent à ne plus trouver la vie supportable et, finalement, à préférer l’émeute à la mort de misère.
- Il y a déjà quatre ou cinq ans que nous commençons à sentir les prodromes de cette deuxième période. Nous serons bientôt à l’heure des convulsions.
- Jusqu’à ee jour, chaque fois que les classes dirigeantes ont été en face de ces conséquences de l’ordre social basé sur le salariat, elles ont encouragé le gouvernement à tenter une diversion dans les aventures étrangères.
- La politique coloniale est déjà un début peu rassurant.
- Palliatif impuissant, car, pour arriver à une troisième période dans laquelle les capitalistes recom menceront à avoir besoin des bras des travailleurs, sans sortir de l’ordre social présent, il faut que la nation, en grande partie, reste longtemps sans produire ; à moins que, pour abréger l’attente, toutes les forces humaines se décident à tourner leur énergie vers la destruction.
- Cela est bête, cela est cruel, cela est idiot, néanmoins les hommes n’ont jamais procédé autrement.
- La solution socialiste commande, pour éviter les effets de la surproduction, d’augmenter la puissance d8 consommation des travailleurs proportionnellement au développement des moyens de production.
- Cette chose si simple, si naturelle, ne peut cependant être obtenue sans être précédée d’upe véritable révolution économique, puisque ce résultat exige, pour être réalisé, que les moyens de consommation des masses soient élevés au niveau des moyens de production, et que ceux-ci cessent de fonctionner selon les volontés et les caprices de ceux qui les possèdent.
- Pour obtenir cette production s’inspirant des besoins généraux, il est nécessaire que les travailleurs associés deviennent les possesseurs des moyens de production ; alors la consommation s’élèvera d’elle-même proportionnellement à l’augmentation des bénéfices qu’ils en retireront.
- Prenons pour exemple :
- D’abord un industriel payant, par an, à 600 ouvriers ou employés, une somme de 800,000 francs ; ce patron achète pour 500.000 francs de matière, il a 400.000 francs d’autres frais ; et il vend pour 2.000.000 de produits. Notre patron a donc 300.000 francs de bénéfice.
- Nous pouvons admettre que, par la création d’un outillage perfectionnée,ce patron vienne à doubler sa Production sans augmenter ie nombre de ses ouvriers j nous aurons alors salaire, 800.000; matière
- première 1,500.000 ; frais divers 1.200.000 ; et vente totale 6.000.000. Le bénéfice est alors de 2.500,000. En résumé le progrès est tout entier à l’avantage du patronat, lorsque les choses se passent ainsi d’une manière générale, c’est déjà un des griefs considérables des socialistes contre notre organisation sociale.
- C’est là le moindre inconvénient du système, car on finit à arriver par cette production à outrance à dépasser les besoins de la consommation ouvrière qui est restée stationnaire comme le salaire du travailleur ; et le pire en tout cela est que l’on ne peut sortir de cette situation sans employer des moyens aussi affreux que le mal lui-même.
- Supposons maintenant que la même production soit faite par une association. Nous aurons les résultats suivants : dans le premier cas, les travailleurs ayant pour eux leur salaire et le bénéfice ont un tiers environ de bien être en plus que sous le régime du salariat, puisqu’ils ont une puissance de consommation de 1.800.000 francs au lieu de 800,000. Dans le deuxième cas, après l’introduction de l’outillage perfectionné, ils ont pour eux 1 000.000 de salaire et 2.500.000 de bénéfice, soit 3,300.000 francs ; alors leurs moyens de consomrner s’élèvent proportionnellement à la production, et les pléthores ne sont plus à craindre ; car, s’il arrivait que les moyens de production vinssent à dépasser les besoins de la consommation, on aurait la possibilité de diminuer le nombre 'd’heures ds la journée de travail, sans qu’il y eût un arrêt dans la consommation.
- C’est véritablement vers ce but que doivent tendra les efforts humains: arriver d’abord à produire suffisamment de richesses pour permettre à chacun de vivre suivant les aspirations de la nature humaine ; et, lorsque ce niveau est atteint, augmenter encore les moyens de produire pour diminuer le nombre des heures de travail, afin de faire la plus grande part possible aux travaux de l’esprit ; c’est ainsi que le commandent les lois de la vie humaine.
- L’exemple qui vient d’être discuté a été examiné pour prouver que sous le régime du salariat, on ne pouvait manquer d’atteindre une période inévitable de perturbation sociale, et qu’on y arrivait d’autant plus vite que les moyens de produire devenaient plus perfectionnés ; il a donné en même temps la preuve que, sous le régime de l’assoeiation, la période de surproduction serait plus lente à se produire, et qu’elle procurerait le plus grand épanouissement de la vie humaine.
- *
- ¥ *
- Après l’exposé théorique des effets de la surproduction, sous le régime du salariat, il est nécessaire
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- de se rendre compte comment nous sommes arrivés à cette période, dont les nations dites civilisées subissent les effets.
- Le troisième empire, menacé par les mouvements politiques nés des complications crées par une surproduction analogue à celle qui occupe maintenant l’opinion publique, avant de faire place à notre république, déblaya le terrain politique des embarras économiques parles grandes destructions de la guerre franco-allemande.
- Après cette guerre, à la suite des longs chômages, des grandes destructions de travailleurs et de choses, qui lui avaient fait cortège, les capitalistes éprouvent un grand besoin de bras ouvriers :
- 1° Pour réparer les ruines de l’invasion ;
- 2° Pour se procurer des objets de consommation ordinaire, de confort et de luxe.
- Les travailleurs pendant les huit ou dix premières années de la République sont répartis dans ces deux catégories de travaux.
- Malgré cette double destination, la production dans la deuxième catégorie fut suffisante dès le début ; personne ne niera que, trois ou quatre ans après la guerre, les classes aisées avaient retrouvé tout le luxe des dernières années de l’empire.
- A mesure que les réparations des désastres de la guerre s’achevaient, que les lignes de chemins de fer étaient rétablies, que le matériel de transport était remplacé, que l’outillage militaire était renouvelé, les travailleurs de cette catégorie, devenus disponibles, venaient augmenter l’offre des bras dans la deuxième catégorie qui suffisait déjà aux demandes de ses produits.
- C’est ainsi que l’on est arrivé, insensiblement, à une production dépassant les besoins permis sous le régime du salariat ; alors ont commencé les chômages, et comme chômage est l’équivalent de baisse des salaires, la consommation diminue, lorsqu’il serait nécessaire de l’augmenter pour éviter les effets de la surproduction.
- Que l’on ajoute à cela l’abandon par l’Etat des travaux publics, qui maintenaient une partie des travailleurs en dehors de la production des objets de consommation courante, et l’on comprendra, à moins d’avoir une tête de parlementaire, qu’il faut autre chose que des discours et des voyages ministériels pour ramener la tranquilité publique.
- Voilà les explications logiques, véritables, d’évènements prévus et annoncés par les socialistes, qui n’ont recueilli de ces sages avertissements que des injures et des calomnies.
- Il ne nous convient pas de reprocher à nos hommes publics de n’avoir pas suivi la genèse de
- cette période troublée que nous subissons ; mais ils seront impardonnables, si, en présence de ces faits évidents, ils continuent à voir une crise là où il y a une conséquence inévitable d’un ordre social faux.
- (A suivre).
- PROJET DE PÈLERINAGE
- Des Coopérateurs anglais au Familistère
- En réponse à la lettre que nous avons traduite dans notre dernier numéro, M. Ed. Vansitart Neale donne, dans le « Cooperative news » du 26 courant, les indications voulues pour se rendre à Guise par le mode le plus économique.
- « Je serai très heureux *, ajoute-t-il, « de donner une lettre d’introduction près de M. Godin à tout coopérateur désirant visiter le Familistère. Mais je serais disposé à faire plus, c’est-à-dire, si la visite est organisée pour le mois d’aoùt ou septembre, à accompagner les coopérateurs excursionnistes afin de leur, servir à la fois.d’introducteur et d’interprête, car la généralité d’entre eux éprouvera, je crois, en France ce qu’éprouvait Gulliver en Laputa : le vif besoin d’être servie par une langue amie.
- Nous aurons de notre côté le plus grand bonheur à revoir de nouveau au Familistère notre illustre ami M. Vansittart Neale. L’association se fera un devoir et un plaisir de mettre des appartements à la disposition des visiteurs.
- vrr-----------------
- CONTRE LE PAUPÉRISME Assurance mutuelle - Suppression de l’impôt
- Reprenons l’examen du livre de Godin sur la « Mutualité nationale contre la misère » dont nous n’avons pu, en deux précédents numéros, épuiser le thème intéressant.
- Selon Godin « les premiers attentats contre le droit dérivèrent de la convoitise des richesses. L’établissement de la propriété privée en fut la principale cause.
- « Jusque-là les avantages que l’homme tenait de la société naturelle le laissaient prendre part à la gestion et aux affaires de la communauté. Son droit aux biens matériels nécessaires à l'entretien de son existence était entier. La violence et l’oppression ont seules rompu cet équilibre ; la force et la cupidité ont dès lors conduit le monde dans la voie du mal social, mais sans jamais pouvoir éteindre au cœur de l’homme la conscience de son droit qui est le sentiment de la justice.
- « La société civile et politique ne crée donc pas les
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- droits de l’homme ; ces droits existent avant elle ; son devoir et son objet consistent à restituer, à maintenir, à assurer au domaine social l’équivalent du domaine naturel, afin de conserver au citoyen les droits qu’il tient de la vie même. »
- Selon l’auteur « le régime de la propriété n’a d’influence sur l’ordre social qu’en raison de l’état d'avancement des peuples. Telle mesure bonne en certain temps serait inefficace dans un autre.
- « Chez les peuples pasteurs, par exemple, la terre est commune sans efficacité sur le progrès social, parce que l’unité sociale fait défaut.
- « Aux époques de barbarie et de conquêtes la terre est aux vainqueurs. L’esprit de lutte et de guerre est trop grand parmi les hommes pour qu’on songe au droit social. Le vaincu est courbé sous le joug du vainqueur.
- « Aux époques féodales (tant regrettées de quelques personnes) l’ignorance et la cupidité dominent ; la convoitise inspire les actions des puissants. Le paysan travaille au profit du seigneur comme il part en guerre à son commandement. Les classes labo-rieuses n’aspirent qu’à la liberté du travail, au droit de cultiver la terre et à la jouissance des produits de leurs labeurs.
- « Lorsque l'industrie se développe et que le travail multiplie les choses nécessaires à la vie, l’accaparement des bénéfices accumule de grandes fortunes au profit des exploitants. C’est alors que naît pour les masses le sentiment de leur droit au domaine social et à une part des profits.
- « C'est pourquoi la réforme sur les successions et l’hérédité de l’Etat auraient maintenant une influence considérable. Car tout est préparé pour faire produire à une telle mesure ses effets.
- « Aujourd’hui l’Etat peut avec avantage reconstituer le domaine social, devenir propriétaire, procéder à la recette des loyers, vendre et louer.
- « La pensée de l’intérêt public est assez avancée pour que le peuple élise les fonctionnaires chargés de traiter et de contracter avec tous les citoyens pour la vente, la location ou le fermage des propriétés qui écherront à l’Etat. »
- L’Etat héritier est, dans la pensée de Godin, la panacée de maux nombreux, le remède à la plupart des misères.
- En France, par exemple, l’Etat rentré en possession des revenus de la richesse publique disposerait d’un budget de six milliards et dans l’hypothèse de Godin pourrait :
- * Supprimer les impôts de toute nature ;
- « Rembourser la dette publique ;
- Couvrir la France de travaux et d’entreprises utiles, de canaux et de chemins de fer;
- « D’institutions d’assurances mutuelles, d’écoles primaires et d’écoles spéciales à toutes les grandes divisions de l’enseignement ;
- « Favoriser la fondation de villages modèles, dans lesquels les habitations seraient conçues de manière à réaliser les meilleures conditions de l’économie domestique, agricole et manufacturière ; dans lesquels les écoles, les fermes, usines et cultures seraient aménagées pour le plus grand avantage de la production, la facilité des rapports, l’allègement des travaux, l’accès de tous à la consommation, la satisfaction et le bien-être de tous les citoyens.
- « Quelles objections et quelles résistances appor-tera-t-on », demande Godin, « au droit d’intervention de l’Etat dans les successions ?
- « Le fait a lieu déjà par les droits d’enregistrement ; il s’exercerait d’une façon plus rationnelle par le droit d’héritage. »
- L’auteur résoud l’assurance contre le paupérisme et la misère, l’organisation des assurances mutuelles et la suppression de l’impôt avec cette conception : « L’Etat ne percevant de revenus que pour lès services qu’il aura rendus, et le citoyen ne payant que pour les services qu’il aura reçus, »
- Nous résumerons prochainement toute cette question traitée avec amour et grande autorité par Godin. Cet ouvrage, nous le répétons, se termine par un projet de loi relatif aux matières en cause.
- « Il Secolo. »
- Neutralisation de l’AIsace-Lorraine
- Dans notre précédent numéro, nous avons parlé, d’après le Temps, journal grave, de la fantaisie d’un député Saxon, M. Maas, qui a pris au sérieux la question la plus importante de la politique internationale, la Neutralisation de l’AIsace-Lorraine.
- Nous donnons aujourd’hui le texte des résolutions de M. Maas :
- 1° L’AIsace-Lorraine sera détachée de l’empire et formera un territoire neutre et autonome.
- 2° Les troupes prussiennes et autres qui y stationnent le quitteront et n’y retourneront plus.
- 3° Les fortifications de Strasbourg et de Metz seront démolies et ne seront plus relevées.
- 4° Pour mieux garantir la neutralité de l’AIsace-Lorraine, la forteresse française de Belfort, située à la frontière méridionale de l’Alsace, sera également démantelée, ou du moins mise hors d’état de se défendre.
- 5° Il va sans dire que les troupes françaises ne peuvent, sous aucun prétexte, pénétrer en Alsace-Lorraine.
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- 6° Abstraction faits des agents de police entretenus par les villes, l’AIsace-Lorfâine ne possédera qu’un corps dë gendarmerie. Cependant elle ne pourra organiser une iandwehr ou une milice, dont les cadres seront permanents.
- 7° L’Aliàcè-tôrrâiiiê pourra, on outré, conclure une union douanière, soit avec la France) Soit avec l'Allemagne- .
- 8° Les populations de l’Alsace-Lorraine pourront, à léufgré, âé donner un gûüvèfiiehieht commun, ou former une confédération ; elles détermineront aussi la forme du gouvernement..
- 9° La situation des établissements d.'instruction publiqiië, hôtâïûriiént celle dô l’Ühivèfsitë de Strasbourg, ainsi que celie dès cliemlns de l’Etat et dés autres Institutions de l’Etat, en particulier Iss demandes d’indemnités qui pourraient être adressées â l’empire pour dépèrisés mites, sëront réglées à l’amiable entre l'Allemagne et l’Alsftcë-Lorràihe.
- 10° Toutes fgs autres questions pécuniaires en suspens entre l'Allemagne et l’Alsace Lorraine seront réglées dë la mêifaë maniéré.
- 11° Les Alsaciens-Lorrains décideront la quôstioh de savoir s’ils adopteront les Codes civil ef criminel de la Erance ou de l’Allemagne, ou de quelque autre pays.
- 12° Toutes les autres questions secondaires seront également réglée^ d’après une convention équitable conclue entre l'Allemagne et i’Àlsace-Lorraine.
- ÏBd La neutralité de rAîsaeé-Lorrairie diirera à perpétuité ; elle sera placée sous la garantie des. grandes puissances, qui interviendront contre les perturbateurs.
- I4d L’Alsâcb-Lorràine formërà, avec les pâÿs voisins, le royaume de Hollande, l'e royaume de Belgique, le Luxembourg.et la Suisse, une confédération défensive rüèoo-aipine neutre, indissoluble â tout jamais.
- 15° Ces Etats décideront librement entre eux de la forme à donner à cette confédération, s’ils, auront un gouvernement fédéral commun, une délégation fédérale èotonkme ou tout autre signe extérieur d’un pacte fédératif, ou s’ils feront complètement abstraction d’une institution de ce genre.
- Plusieurs journaux dé Berlin, notamment le Ber-liner Tdgbtàtt, cbffibâttent les idées contenues dans la Brochure de M. Maas. Il y a là un indice certain qu’il existe en Allemagne de nombreux partisans de la Neutralisation de l’Alsace-Lorraine. S’il en était autrement les feuilles officieuses ne se donneraient pas la peine de répandre leur venin contre un adversaire imaginaire.
- La grande presse française a simplement reproduit j les conclusions do M. Maas sans oser les commente!". Nous attendons prochainement une autre attitude de la part du journalisme parisien. La présse française en s’abstenant plus longtemps manquerait aux devoirs que lui impose sa brillante tradition.
- LES ARBITRAGES INTERNATIOMDX
- Samedi dernier a eu lieu à la salle des Petits-Chamjis, uné côliférênce d’üii intérêt d’actualité tout
- particulier. Au moment, en effet, où l’horizon semble s’assombrir de menaces de guerre, M. Desmouiins, conseiller municipal, a lait pour la première fois l’histoire des trente-cinq Arbitrages Internationaux qui ont éteint autant de guerres possibles depuis le commencement du siècle.
- M. Ch. Lemonnier, Président de la Ligue Internationale do la Paix et de la Liberté, présidait la séance, assisté de M. Couturier, député, membre de la Ligue, et de M. Desmarets, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats.
- M. Lemonnier a d’abord fait connaître que six sociétés de Paix étàient représentées dans la réunion :
- 1° La Ligue Internationale de la Paix et de la Liberté, par lui, M. Couturier, et un grand nombre de ses membres ;
- 2° La Société des Travailleurs Amis de la Paix, par MM. Bfissae etBauzerr;
- 3° La Universal Peace Union, de Philadelphie, par M. Desmoulins;
- 4° U International Arbitration and Peace Associa-tion, de Londres, par MM. Desmarets et Desmoulins.
- 5° L’Association pour la neutralisation du Danemark, et
- 6Ü La Lega di Fratellanza, Pace e Liberté, de Milan, représentées par M. Lemonnier .
- « Chacune de ces six sociétés, a fait remarquer le Président, a son caractère propre, sa vocation, sa mission ; il existe entre elles des différences, même des divergences, qui du reste n’empêchent en rien leur union. La Universal Peace Union, par exemple, radicale en matière de paix, condamne toute guerre, même défensive. Son président, Love, lors de la guerre de sécession, a refusé le fusil, a subi pour ce fait l’amende et la prison, mais a persisté dans son refus, disant : « « J’irai aux ambulances ; je veux bien mourir, mais je ne veux pas tuer. »
- « La Ligue Internationale de la Paix et de la Liberté, au contraire, dit M. Lemohnier, approuve la guerre de défense, et proclame même, quand la souveraineté du peuple est méconnue et violée* le droit à l’insurrection.
- « Et tandis qu’elle proclame également la répu-, blique comme la seule forme de gouvernement pos-i sible, Y International Arbitration and Peace Associa-tion de Londres, s’inquiétant peu de la forme de gouvernement, s’attache exclusivement â l’idée d’arbitrage. Ainsi diffèrent ces diverses sociétés, mais toutes travaillent concurremment au même but. Un des résultats les plus marquants atteints jusqu’ici est la conclusion d’un Traité d’Arbitrage permanent entre la Suisse et les Etats-Unis, obtenus par les
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- efforts persévérants de la Ligue Internationale et de la Peace Union. L’association pour la neutralisation du Danemark, mais aussi celle de la Norvège et de la Suède.
- Arbitrage ;
- Fédération des peuples ;
- Neutralisation ;
- Ce sont là, dit M. Lemonnier, des termes qui s’impliquent, ce sont les trois facteurs de la paix. En terminant il insiste sur l’occasion propice qui s’offre d’appliquer au Congo l’idée féconde de neutralisation ;
- M. Desmoulins commence son discours en rappelant ces mots de Montesquieu : « L’Europe périra par les gens de guerre, » et affirme que si Montesquieu, vivant de notre temps, voyait, non-seulement les guerres déclarées, mais la guerre latente en permanence, répéterait la même parole. Or, comment obvier au danger ? Comment assurer la paix ? Par l’Arbitrage international.
- Avant d’entrer dans l’historique de ce qui a déjà été fait dans cette voie, l’orateur présente quelques chiffres qui font toucher du doigt l’énormité des dépenses de guerre. Voici le tableau des frais de la paix armée en Europe.
- Autriche-Hongrie. ....
- Belgique (malgré sa neutralité)
- Danemark...................
- France ....................
- Angleterre ....... 750.000.000
- Russie ........................ 840.000.000
- Allemagne ....*.. 540.000.000
- Passons maintenant à l’intérêt annuel de la dette publique, laquelle s’augmente bien entendu par les frais incessants énumérés plus haut.
- 335.000.000 fr. 41.000.000 17.00Q.000 780.000.000
- Autriche-Hongrie. Belgique . Danemark . France . Angleterre . Russie . Allemagne .
- 535.000.000 fr. 88.000.000 » 12.000.000 » 1.235.000.000 » 715.000.000 » 690.000.000» 280.000.000 »
- Soit pour toute l’Europe, en frais d’armée actuelle, 4 milliards de francs ; 5 milliards comme intérêts de la dette ; et pour l’ensemble de cette dette X 10 milliards de francs.
- Que de forces économiques perdues, sans compter les douze millions d’hommes enlevés aux travaux utiles ! Un curieux tableau, envoyé d’Angleterre, représente pour chaque armée, en lignes de diverses couleurs, la proportion des dépenses du gouvernement civil avec celles de la guerre en ce pays, pour les 50 dernières années. Sur une livre sterling ces
- dernières absorbent 16 scheîlings, les autres 3 schel-lings seulement. En 1856, les dépenses de guerre se sont élevées à 1 milliard 300 millions de francs, contre 325 millions accordés aux dépenses d’autre sorte.
- « Ainsi l’ambition, les hostilités, les convoitises, se résolvent en prodigalités inutiles, ruineuses. L’intérêt des peuples, c’est une politique pacifique, celle de l’arbitrage, au lieu de la politique agressive des souverains. Car les peuples, loin de gagner à se combattre, ont un intérêt suprême à s’ent’raider, à échanger les produits de leur industrie. Et là où règne le suffrage universel, la première condition qu’un électeur devrait imposera tout candidat, c’est une politique de paix.
- Or, le moyen d’assurer la paix existe-t-il ? Oui.
- Ici l’orateur lit un rapport du fragment de M. Couturier à la Chambre sur une pétition couverte de nombreuses signatures et demandant le recours à l’arbitrage.. Le rapport constate, de 1853 jusqu’à nos jours, 26 exemples d’un tel recours, un par an, en moyenne. Et chaque fois, par une simple décision d’arbitres, a été réalisé un double bienfait, celui d’écarter le conflit en évitant le sang et les horreurs de la guerre.
- M. Desmoulins, après avoir énuméré ces précédents, entre dans le détail d’un des cas d’arbitrage les plus intéressants, l’affaire de l’Alabama, entre l’Angleterre et les Etats-Unis.
- « Le traité de 1783, dit-il, par lequel fut reconnu l’indépendance américaine, était gros d’orages, ce qui est le caractère ordinaire des traités de paix, imposés par un vainqueur exigeant, subis par un vaincu humilié et désireux de vengeance. L’Angleterre avait donc fait insérer dans celui-ci des clauses qui étaient des germes de querelles ultérieures. Elle commença bientôt à se plaindre des flibustiers américains, elle qu’on avait vue, en 1808, incendier au mépris du droit des gens la flotte danoise clanà le port de Copenhague, et exercer d’autres déprédations terribles. Quoi qu’il en soit, une nouvelle paix fut signée à Gand en 1813 ; mais les plaintes et les contestations continuèrent ; et en 1826 intervint comme arbitre l’empereur de Russie. D’année en année cependant des mécontentements réciproques se faisaient jour. Arrive la guerre de sécession. L’Angleterre fournit clandestinement des subsides aux confédérés du sud, et les aida à couvrir les mers de corsaires. Elle ferma les yeux sur la construction qui se fit dans ses ports de quatre ou cinq corsaires qui sortaient des eaux anglaises sous pavillon anglais marchand, se rendaient aux Açores où à Madère, et là, changeant d’équipage et arborant le
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- pavillon sudiste, allaient rejoindre les belligérants, Le plus redoutable de ces corsaires, YAlobama, construit à Liverpool, fut pris au moment où le général Grant triomphait des confédérés. La guerre finie, des réclamations furent adressées à l’Angleterre; celle-ci refusa toute satisfaction, alléguant la dignité nationale ! Vers 1870, la situation était devenue très-étendue, les Etats-Unis se disposèrent à s’armer. Tous les armateurs, négociants, marins, qui avaient eu à souffrir des déprédations commises furent invités à établir leurs réclamations devant témoins, et un chiffre total fut fixé.
- Enfin, au moment où la guerre était imminente, les Etats-Unis proposèrent l’arbitrage. Et l’on vit de simples magistrats, recommandés par leur seule intégrité, par l’indépendance de leur caractère, résoudre une querelle qu’un nouveau sacrifice de vies humaines et de milliards n’auraient pu terminer.
- Ces arbitres au nombre de cinq étaient :
- Adams, nommé pour les Etats-Unis, par le général Grant ;
- Cockburn, par la reine d’Angleterre ;
- Sclopis, par le roi d'Italie ;
- Stœmfli, par le président de la Confédération helvétique ;
- Itajuba, par l’empereur du Brésil.
- Ils s’assemblèrent pour la première fois à Genève en juillet 1871, et le 14 septembre 1872 rendirent leur décision ; l’indemnité allouée aux Etats-Unis fut fixée à 76,500,000 francs ; et l’Angleterre, malgré les résistances du chauvinisme britannique, se soumit à la décision, parce qu’elle en reconnut la justice. Elle paya.
- « C’est qu’en effet, s’écrie l’orateur, il n’y a plus ici en présence un fort et un faible, un vainqueur et un vaincu, la violence et la haine. Il y a une partie qui a tort, une partie qui a raison, et les arbitres appelés ont prononcé entre elle en invoquant le droit. Le jugement est accepté sans rancune parce qu’il l’est sans pression ; les ennemis de la veille sont devenus amis, et la pensée de revanche, qui perpétue la guerre sans terme possible, a disparu de leur esprit.
- « Il n’est même pas besoin, ajoute finement M. Desmoulins, que l’arbitre soit par lui-même un juste pour juger justement, et Louis Napoléon Bonaparte a pu remplir cette mission en 1850, entre le Brésil et le Portugal.
- La situation désintéressée de l’arbitre, l’honneur où il se sent élevé par la confiance des appelants, suffisent à assurer sa conduite loyale en cette circonstance. Les jurys de nos tribunaux sont-ils composés d’hommes parfaits ? Et cependant n’avons-
- nous pas raison de nous fier à leur honneur ?
- L’orateur rappelle ici que l’établissement des tribunaux d’arbitrage international découle naturellement de l’idée qui a donné naissance aux tribunaux civils, en écartant les guerres entre individus. Le roi saxon Alfred-le-Grand, dit-on, institua le jury régulièrement; mais il ne fit que sanctionner une coutume bretonne dont l’origine se perd dans la nuit des temps. Le tribunal des Amphictyons en Grèce jugeait aussi des contestations entre particuliers et entre Villes. Or, d’où sont nées ces juridictions ? du besoin d’ordre entre les individus, de l’adoucissement des moeurs, qui les ont portés à remettre leur cause à des arbitres au lieu de se faire d’eux-mêmes sanglants justiciers.
- « Ce que le progrès moral et intellectuel a imposé aux individus, est-ce qu’il est impossible de l’appliquer aux Etats ? Non, certes.
- Rappelant la contestation à laquelle donna lieu en 1867 la possession du grand-duché de Luxembourg, entre la France et la Prusse, et qui se termina, sur la proposition de lord Stanley (aujourd’hui lord Derby) par la neutralisation du territoire en litige, l’orateur émet la pensée qu’une neutralisation semblable, appliquée à l’Alsace-Lorraine, cicatriserait cette blessure toujours vive, en même temps qu’elle écarterait les malheurs de nouvelles guerres.
- En terminant, M. Desmoulins se flatte d’avoir évité les écueils du sentimentalisme, d’avoir fait uniquement appel à l’expérience, à la raison pratique et au bon sens, pour montrer les dépenses insensées, les pertes de forces actives qu’entraîne la guerre, et l’immense intérêt qu’ont les peuples civilisés à terminer leurs différents par voie pacifique.
- Il annonce, au milieu des applaudissements, une conférence prochaine sur l’arbitrage international par M. Gaillard, député de Vaucluse.
- M. Lemonnier ajoute que cette conférence devra réunir le plus grand nombre possible de citoyens, afin d’offrir le caractère d’une manifestation imposante. Mais l’argent étant, actuellement, le nerf de la paix, il exprime la confiance que l’auditoire voudra bien contribuer aux frais indispensables. Une quête faite dans ce but par deux gracieuses demoiselles, Mlles Cornet, produit une cinquantaine de francs, et la souscription reste ouverte chez M. Lemonnier, 2, rue Tronchet.
- M. Desmarets , qui représente VInternational Arbitration and Peace Association de Londres, désire donner à l’assemblée quelques renseignements sur cette Société, fondée par M. Hodgson Prats à Londres, mais qui se propose de créer chez tous les peuples du continent des Sociétés animées de ses
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- principes, entre lesquelles elle établirait plus tard une fédération. Cette Société, qui compte dans son sein des citoyens appartenant à tous les peuples, a déjà tenu en octobre 1882, à Bruxelles, un grand meeting. Elle en tiendra un second à Berne en avril 1884.
- M. Lemonnier remercie alors les jeunes quêteuses de leur gracieux concours. La séance est levée au milieu des applaudissements.
- E. B.
- MOTS DE PROGRÈS
- La 'paix est le plus grand des bienfaits, à organiser et à maintenir parmi les nations ; c'est la principale des sécurités à donner à la me humaine.
- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- Sénat. — Au Sénat, on continue à épiloguer sur le projet de loi voté par la Chambre concernant les Syndicats ouvriers. Les incorrigibles vieillards, nous parlons de la majorité, font preuve d’une énergie exceptionnelle chaque fois qu’il peuvent saisir une occasion de provoquer le mécontentement au sein des classes labo-ieuses.
- La Chambre. — La question sociale est entrée à la Chambre. M. Maret a engagé ses amis à ne plus l’en laisser sortir.
- S’il en était ainsi, on n’arrivera peut-être, à la longue, à la traiter avec quelque compétence. M. Maret a déposé une excellente proposition demandant à la Chambre la nomination d’une grande commission permanente se recrutant librement, dans le but de provoquer l’intervention des hommes compétents qui ne participent pas à la représentation nationale. Tout cela est bien, mais on ne s’est pas suffisamment préoccupé du présent qui commande l’adoption d’un expédient permettant de faire face aux complications immédiates. Cette tâche paraît avoir été réservée par TExtrême-Gauche à M. ToDy Rôvillon ; celui-ci a énuméré une quantité considérable de travaux à exécuter, mais il ne semble pas s’être sérieusement inquiété des moyens pratiques de procurer l’argent nécessaire. M. Tony Réviilon appartient â cette catégorie d’hommes qui ne voient que deux moyens de procurer des ressources à un Etal manquant de réserves, l’emprunt ou bien de nouveaux impôts. Nous comprenons que M. Tony Rôvillon n’ait pas proposé l’un de ces deux expédients. Nous lui en indiquons un troisième, celui qui consisterait à faire face aux embarras présents par une application partielle du droit d’hérédité de l’Etat : Ainsi le total des successions et des donations entre vifs, en France, s’élève à un total annuel de 6,000,000,000 ; en imposant de 1 0/0 en plus les mutations de cette catégorie on obtiendrait un produit annuel de 60,000,000 ; or, avec pareille somme on peut gager un emprunt d’un milliard, intérêt et amortissement compris. De cette manière, on aurait des ressources qui ne ressembleraient en rien à celles procurées par les emprunts ordinaires, puisque prélevées directement sur la fortune acquise, elles ne pourraient être mises à la
- charge des travailleurs, comme cela arrive lorsque les emprunts sont gagés par les produits des autres impôts. Nous recommandons cet expédient aux méditations de l’Extrème-Gauche ; on pourrait, à l’occasion du prochain emprunt, proposer un projet relevant de cette méthode,
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- Gaucho radical©. — La gauche radicale, pendant que l’opinion publique suivait anxieusement les débats provoqués par l’Extrême gauche, publiait un programme que chacun de ses membres sera désormais obligé à signer. Si ce groupe avait l’intention de distraire le public français de l’attention accordée aux discussions parlemenfaires, il aura complètement manqué son but.
- Le programme en question réunit toutes les banalités du radicalisme phraseur habitué à vivre de mots ronflants et de déclarations fausses. Il est rédigé en des termes assez larges et suffisamment élastiques pour que les clowus da manège parlementaire puissent piquer une tète à travers sans jamais s’accrocher aux bords. Il est au reste, muet sur la question sociale ; et, lorsqu’on rapproche cette absence de déclarations sur la question majeure de l’époque ont est porté à considérer ce silence comme une négation. Celte prudence, cet oubli, ou bien cette négation ne fait pas honneur aux signataires.
- Si le programme ne vaut pas grand chose en lui-même, ce fait ne mérite pas moins d’être signalé à l’attention publique. Les électeurs auraient un puissant moyen de contrôle, s’ils obligeaient chaque groupe parlementaire à formuler un programme et à le faire sigr er par les membres du groupe. On aurait d’abord des déclarations vagues, mais insensiblement elles deviendraient plus précises ; on arriverait ainsi à obliger chaque groupe à présenter ses candidats avec un programme unique.
- *
- ¥> *
- L’Extrème-Gauche et 1© Parlementarisme, — L’initiative prise par l Extrême Gauche de provoquer un débat a fond sur la question sociale à donné lieu à une évolution parlementaire curieuse à noter. Tous nos représentants vivaient insouciants des misères ouvrières. M. Langlois avait oublié son projet de mutualité commerciale dormant depuis de longs mois dans les cartons parlementaires; mais M. Maret convoque avec rentissement l’Extrême-Gauche en vue de lui demander son concours pour interpeller le gouvernement sur les embarras économiques, aussitôt M. Langlois exhume son projet, M. de Mun entonne les litanies des cercles catholiques, M. Brialou se rappelle que la question intéresse particulièrement ses électeurs, tout le monde se réveille, et pendant huit jours on ne parle plus d’autre chose, et d’une manière générale dans la presse on fait la plus petite part à celui qui est réellement la cause d’une si belle émulation.
- Nous reviendrons sur cette importante discussion dans les divers articles que nous publierons sous le titre de « question ouvrière. »
- Les Congrès catholique». — Un nouveau
- congrès clérical vient d’ouvrir ses séances à Lille. Il s'intitule « Assemblée régionale de l’œuvre des cercles catholiques d’cuvriers. » Gomme toujours, l’auditoire est composé de la fine fleur du parti réactionnaire de Lille et des environs, et les ouvriers y brillent par leur absence. Il est, du reste, prudent de ne pas appeler les ouvriers à ces réunions, car les discours qu’ou y prononce ne sont pas de nature à les séduire. L’idée sur laquelle les orateurs Insistent et qui revient constamment sous les formes les plus diverses, c’est celle de l’asservissement de l’ouvrier au patron. Un état social où les travailleurs ne pourraient vivre qu’nutant qu’ils se soumettraient en toutes choses à U volonté et aux opinions de ceux qui les emploient, voilà l’idéal que les fleurs de rhétoriques et les paroles mielleuses des plus habiles ne parviennent pas à dissimuler. Une reconstitution de l’ancien servage, sous prétexte d’association protectrice
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- et la ruine du régime républicain, voilà je but que ks cléricaux assignent à leurs efforts en faveur des ouvriers. On comprend que ceux-ci restent froids.
- *
- * *
- Bilan die la misère. — Les faits suivants sont tirés du numéro du 29 janvier du CH dujreuple journal de M; Vallès. Nous les publions sâhë ëti modifiér la rédaction. Le ton brutal de i’èbrivain ne dépasse pas la Mutalité de la réalité:
- 1® Hier soir, le citoyen Adrien Absolut, vingt-deux ans, colporteur a été rencontré par les agents, errant, relouant. Il n’avait pas de travail: — c’est-à-dire pas e domicile, et crevant la faim — au bloc !
- 2° A deux heures du mâtin, le brigadier Margueria et le gardien Lambin ont ponsigné, à la disposition du nommé Gonet, commissaire de police, le petit Christophe, âgé de dix ans. Sans domicile ni moyens d'exis-tâhce.—Au bloc.
- 3° A une heure du malin, le gardien Bidot a arrêté et coqduit au poste du sieur Lapras, commissaire de police, le citoyen Eugène Lalos, peintre en bâtiments sans travail •— c’est-à-dire sans domicile et crevant la faim. — Au bloc !
- 4° A minuit, rue Villedo, le citoyen Gh, Dubreuil, quarante-cinq ans, charretier, fut trouvé par les gardiens de la paix assis au bord du trottoir. Pas d'ouvrage. Pas de domicile,pas de pain II errait. — Au bloc !
- 5“ Thois heures du matin, rue des Martyrs, la çiloy-èqne Marie Lejean, ouvrière,cinquante-trois ans. Pas de travail, pas d’asile, mourant de faim. Rencontrée par le hfigadier Brellë. — Au bloc.
- 6® Le citoyen Michel Salin, vingt huit ans, maçon, traînait,.. Minuit et demi. Pas de travail depuis huit jours. Faim et froid. — Au bloc !
- 7° A dix heures du soir, rue Fermât, la citoyenne Jeanne,Maréchal. Pas de travail ; pas de domicile*; «die avait faim depuis deux jours, le vent la battait, elle pipurait. — Au bloc !
- 8° A une heure quinze minutes du matin, le citoyen Jules Dagonnet, trente-quatre ans, journalier, s’est pendu au poste central du quatrième arrondissement. Sans travail, sans asile. Il n’ën pouvait plus.
- 9° Une série :
- Louis-Alexis Maret, vingt-trois ans, paveur ;
- Eugène Guignon, dix-sept ans, plombier ;
- yictor Carmels, vingt-cinq ans, journalier ;
- Joséphine Georgelle, trente-huit ans, journalière.
- Sans travail, sans asile, sans pain. — Au bloc.
- , Il y a maintenant ceux qui n'ont pas voulu aller au
- blQC.
- A sept heures du, soir, la dame GhfirmeUan, journalière; demeurant rue de la Roquette, 118, p’est lire un coup de revolver dans le côté gauche. Mort înstantanéë. Capse ? Misère !
- A hpit heures du matin, on a retiré de la Seine, au pont des Saints-Pères, le cadavre d’un homme de quarante-cinq ans environ. Depuis trois semaines dans l’eau. Pantalon de toile bleue et la chemise. Maigre. — Misère !
- A utie heure du matin, bn a trouvé quai du Louvre, sur le pàvê; une femme étenduë raide. Les agents l’ont sec'otiée. Alloué ! Allons ! rëlèvé-toi, vieille éaoûle !
- Morte.
- -Vêttië de haiiloüë, quarante ans environ, la peau, collée su» léà oA
- Pas dë travail, pas de domicile, pas de pain : au bloc ! C’èSt-à-dire, non : moite; celle-là. — A la Morgue.
- Npus trouvons encore dans le numéro du 30 janvier du même journal les deux faits suivants :
- — A trois heures qUarante-einq minutes du soir, le citoyeü Jean Moisseau, journalier, soixante-sept ans, s’ëst affaissé subitement âvënüë de Saint-Mandé. — Mort.
- — Et à deux heures et demie de l’après-midi, la citoyëühe Joséphine Maréchale* cinquante-huit ans; ouvrière 24; rue dd BdulOi; a été trouvée morte Sur soh lit.
- Ge sont-îà de tristes avertissements pour ceux qui nient la question sociale, il cbtivient de les méditer et d’y mettre fin par la mutualité nationale contre la misère,
- ÉTRANGER
- IL n’est pas une notion où l’on ne se préoccupe de la quëstidh économique. En flollàndé, l’Etat a ouvert des travaux publics pour alléger Ips chômagesp.en Pologne, ëh Norwège, en Russie, en Allemagne, en Autriche, en Espagne, en Grèce, en Italie, lës hoüvèlles de partout se résument en ces mots : crises ouvrières, difficultés économiques. Nulle part, les classes dirigeantes ne semblent s’apercevoir que les sociétés sont arrivése à la période aigüe du salariat.
- Les socialistes. — Une réunion électorale a eu lieu la semaine dernière à Hambourg pour entendre les explications dë M. Wendt Sur leà ëiVers projeta de réforme sociale à l’ordre du jour. L’assemblée comptait (jiiatfé toi lie membres, lès sopiàlistes étaient en majorité. Le f rësidènt favofablé à Wënüt, prévoyant îlti êchéc, a levé la séance avant le vote. Devant l’indignation de la fouie, le bureau a dû prendre la fuite par une porte dérobée.
- A Dusseldorf, la police vient de rendre uh arrêté ordonnant la saisie et iâ destruction dii manifeste communiste publié, il y a quelques mois, par la fédération socialiste de Chicago.
- RUSSIE
- Lé général Gresser, préfet de Saint-Pétersbourg, vient d’être investi, par ie ministre de l’intérieur, de pleins pouvoirs pour la dissolution de toute réunion publique, quelque soit sou but, politique, commercial, scientifique ou autre.
- On mande au Times que toutes les étudiantes en médecine de Saint-Pétersbourg ont été forcées de s’installer dans une pension alimentaire dirigée et fondée par la princesse Scnahowskoï. Elles payeront dix roubles par mois pour ie logement et la pension. Elles devront être rentrées à neuf heures du soir sous peine d’exclusion des cours.
- Les étudiants pauvres, boursiers de l’Etat ou des communes, vont de même être réunis dans un étabiis-ment fondé par M. Ppliakof, et placés sous la surveillance des agents du ministère de l’instruction publique.
- ÉTATS-UNIS
- Lës tréfilëriës dë Pittsburg sont fermées depuis la fin dü mois dë décembre; elles ne rouvriront que dans une quinzaine de jours. Trois mille ouvriers sont, de ce fait, sans travail.
- La Société « Fer et Acier de Manchester » a fait faillite. Trois cents familles de prolétaires sont dans le plus complet tlènûment.
- Plusieurs compagnies de mines et de charbonnages ont réduit le nombre de leurs ouvriers. Des milliers de travailleurs chôment ëh ce moment aux Etats-Unis ; ia Jnisère est épouvantable, malgré lés grandes ressources industrielles ët commerciales de ce pays.
- INDES ANGLAISES
- Une intéressante nouvelle nous arrive des Indes anglaises. Le conseil législatif siégeant a Calcutta a voté vendredi le but Ubert donnant aux tribunaux te pouvoir de juger dans certains cas les Européens aussi bien que les Indiens. On sait toute l’opposition qu’a rencontrée cette mesure et les attaques qu’elle a valu au vice-roi>
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- LB DEVOIR
- lord Ripon, de la part des Européens des Indes, jaloux de leurs privilèges et indignés de la tentative faite pour établir l’égâlitô ëntré eux fet iës indigènes* dans le domaine judiciaire. Lord Ripon a été obligé de modifier et d’atténuer considérablement la portée du projet de loi pour le faire voter. Néâtündins, telle qu’ëllë est, la mesure conserve un caractère libéral et constitue un premier pas dans la voie d’une politique de paix et de conciliation aux Mues.
- PLUS D’IMPOTS
- Désireux de ne rien laisser passer inaperçu de ce qui se Rattache à l’hérédité de l’Etat, qui ne peut manquer de prévaloir un jour, nous réproduisons la proposition de M. Grimaud, la même que celle publiée dans un précédent numéro, accompagnée dé nouveaux considérants.
- Les nombreux conseillers municipaux dé PàHs attachés à de grands journaux s’étaient gardés de donner quelque publicité à une proposition aussi sensée, qu’on avait réussi à écarter sans bruit à la municipalité. Mais, M. Grimaud est persévérant, nous l’en félicitons; il a fait une nouvelle rédaction et a présenté son projet une deuxièmé fois.
- Les conseillers radicaux de Paris, en parlementaires qui rendraient dés points aux pënsiüiinaifôs du Luxembourg, fie pouvant mieux faire, ont renvoyé discrètement le projet à une commission. L’affâirb devenait mauvaise. Là proposition de M. Grimaud courait grand risque de n’èn jamais sortir.
- Mais grâce au journal de M. Maher, ëÜë est parvenue jusqu’au Devoir qui lui donnera toute sa publicité, avec d’autant plus dé satisfaction, que, longtemps, il a été seul à défendre le principe dé l’hérédité de l’Etat; sa rédaction est résolue à n’en laisser produire aucune affirmation directe où indirecte, partielle ou intégrale, sans l’enregistrer afin de constituer âù jour le jour l’historiqué de cette question, qui tend à faire accorder à l’Etat une participation à la richéésé privée, proportionnée â son concours dans là production de cette richesse.
- NOTE
- Présentée par M. Grimaud, à l'appui de sa proposition tendant à ce qu'il soit perçu une taxe sur les successions ouvertes dans la ville de Paris, au profit de la caisse municipale.
- Messieurs,
- Le 23 mai dernier, je déposai sur le bureau du conseil municipal une proposition qui fut renvoyée à votre commission spéciale de l’emprunt. Elle avait pour but de remplacer l’emprunt proposé par l’administration par une taxe municipale sur les successions ouvertes dans la ville de Paris.
- 21
- L’emprunt rejeté* je priai le conseil de renvoyer ma proposition à la commission des finances. Cette commission en est saisie, et je la prie de s’en occuper au plus tôt.
- A mon avis, l’honorable rapporteur de la commission de l’emprunt, en vous faisant connaître qu’avec les travaux déjà gagés, et les crédits disponibles,
- ' vous auriez des ressources suffisantes pour faire | face aux besoins nouveaux pendant environ dix-huit mois, eût dû vous donner quelques indications sur les moyens de vous procurer des ressources pour parer aux éventualités de l’avenir; dix-huit mois, en effet, sont bien vite écoulés; il fallait donc poser des jalons et chercher quelqu’autre combinaison.
- Comment ferez-vous pour entreprendre les travaux de toute nature indiqués dans le mémoire du préfet ?
- En faisant un emprunt ? Vous n’en voulez pas.
- En créant des impôts nouveaux ? Pas davantage.
- En augmentant les impôts qui existent ? C’est chose impossible.
- Les emprunts éternisent la dette de la Ville.
- Quant aux impôts nouveaux, il n’y faut pas songer ; vos électeurs ne nous pardonneraient pas d’en créer.
- D'un autre côté, vous êtes menacés de perdre les bénéfices sur le gaz, le gain de votre procès étant à peu près certain. C’est encore un déficit à combler.
- Permettez-moi, messieurs, de vous le dire : le moment est venu de prendre un parti; pensez à l’avenir. Vous allez vous séparer. Si vous n’agissez pas immédiatement* vous serez accusés de n’avoib riën fait, ou du moins de n’avoir rien essayé pour éviter, soit des emprunts, soit un accroissement des impôts, soit la création d'impôts nouveaux.
- Ma proposition est de celles qui doivent être acceptées par tous les républicains du conseil municipal; je sollicite leur concours; je crois devoir y compter.
- Dans cette enceinte, elle peut être discutée, mais le résultat ne fait aucun doute ; elle sera acceptée.
- Dans les autres assemblées, dans celles qui, en définitive, décideront de son sort, si elle est vivement combattue, elle aura aussi d’ardents défenseurs; je l'espère pour la démocratie et pour la République.
- Que pourrait-on faire valoir contre une proposition aussi juste ?
- Les droits du père de famille.
- Ceux des héritiers.
- Je suis de ceux qui sont loin de méconnaître les droits du père de famille auxquels, dans aucun cas, on ne doit porter atteinte. Mais la commune a bien aussi ses droits, également respectables. Une par-
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- celle de la fortune dont le décédé a joui librement, paisiblement, sous la garantie des lois, peut donc être distraite pour des besoins communs et justifiés.
- Quant aux héritiers, —je parle de ceux qui sont dignes d’intérêt, — ils seront vite consolés de cette perte minime. Les autres, ceux qui na peuvent que faire un mauvais usage de leurs ressources, en auront toujours trop.
- Tenez-vous pour dit, messieurs, que l’adoption de cette proposition serait accueillie avec enthousiasme par la démocratie parisienne ; d’ailleurs, le moment est favorable pour demander et obtenir une loi exceptionnelle. L’honorable rapporteur de la commission de l’emprunt vous le rappelle : Paris est placé sous un régime exceptionnel.
- Je vais plus loin: je soutiens que la ville de Paris, même si elle était régie par le droit commun, ne saurait être comparée à aucune autre commune de France.
- J’ajoute que tout autre commune peut faire la même demande pour des besoins justifiés. Où serait donc l'inconvénient, le péril?
- Je crois qu’il est utile de donner ici le produit de cette nouvelle taxe qui représenterait à peu près l’équivalent des droits perçus par l’Etat.
- Voici le détail :
- Millions
- 1° 2 0/0 en ligne directe produiraient environ ..........................................14 »
- 2° 4 0/0 en ligne collatérale produiraient
- environ. ...............................4 »
- 3° 5 0/0 entre époux produiraient environ . 5 »
- 4° 9 0/0 entre étrangers produiraient environ ...........................................5 »
- 28 »
- J’ajouterai à cette somme celle de . . . 12 »
- pour les intérêts et l’amortissement d’un
- emprunt. ---------
- Total....................40 »
- Dans mon esprit, ces chiffres ne sont que des indications; ils peuvent être modifiés en plus ou en moins selon les circonstances. Je fais remarquer que les héritages en ligne directe sont les moins imposés, qu’ils peuvent supporter par conséquent une augmentation de taxe. Il en est de même des grosses successions, nombreuses à Paris, qui sont proportionnellement peu grevées ; on tiendrait compte^ottr fixer le droit qui les frappe, du plus ou moins d’héritiers : c’est un calcul très simple à faire.
- Et un mot, messieurs, vous avez là une mine inépuisable qui n’est exploitée qu'à la surface par l’Etat ; vous pouvez également l’utiliser avec pru-
- dence et sagesse pour vos besoins municipaux, sinon vous, du m ,ins vos successeurs ; j’en accepte l’heureux augure. Soyez sans inquiétude ; la société n’en sera nullement ébranlée ; elle ne pourra qu’en profiter.
- Vous pourrez consacrer 20 millions par an sur ces ressources à l'achèvement de tous les travaux de voirie qui restent en souffrance ; vous commencerez par la rue Réaumur et le boulevard Haussmann, pour dégager la circulation qui devient impossible au cœur de Paris.
- Avec le surplus, que de bonnes créations, que de choses vous pouvez faire ?
- 1° D’abord, dégrever peu à peu les droits d’octroi et finalement les supprimer ;
- 2° Etablir dans chacune des 20 mairies de Paris une caisse d’assurance générale en faveur des travailleurs, pères de famille, atteints par la maladie et le manque de travail, caisse que vous pourrez subventionner.
- Pas un père de famille ne refuserait de participer à une assurance lui garantissant la sécurité du lendemain et pour lui et pour les siens. Vienne la maladie ou le manque de travail, la misère est au logis ; elle est mauvaise conseillère. Une réserve serait faite en faveur des veuves chargées d’enfants ; il n’est pas de situation plus intéressante et plus digne de votre sollicitude. Les secours alloués actuellement par l’Assistance publique aux veuves ayant 2 ou 3 enfants sont dérisoires ;
- Augmenter la subvention de l’Assistance publique en faveur des vieillards qui sollicitent l'entrée dans un hospice ou un secours représentatif. Cette subvention devrait être assez élevée pour venir en aide aux 2 ou 3.000 vieillards sollicitant leur admission. 11 y aurait là une une sorte de caisse de retraite pour la vieillesse. Par suite, un grand nombre de ces indigents resteraient dans la famille, y seraient utilisés, ne fût-ce que pour garder les enfants ;
- Dans ce cas, vous n’admettriez plus dans vos hos pices que les vieillards infirmes ou trop âgés pour pouvoir rendre aucun service. Ces hospices seraient alors plus que suffisants ;
- 4° Créer un fonds de réserve en faveur des travailleurs privés de pain par les grands incendies. Le lendemain d'un sinistre, vous avez des centaines de pauvres gens sans logement, sans mobilier et sans ressources.
- L’obole que vous n’hésitez jamais à voter, il faut le reconnaître, est absolument dérisoire, comparée aux dommages causés par le fléau.
- Si vous adoptez la proposition que j’ai déposée, vous aurez bien mérité de la démocratie parisienne
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- et de la République. Les véritables travailleurs, les employés, ne s’y tromperont pas. Vous aurez fait du socialisme pratique.
- Avec ces réformes et le développement de l’instruction primaire, qui est l’honneur du conseil municipal, vous aurez obtenu un résultat immense dont les conséquences ne peuvent échapper. Alors, il n’y aura plus de dupes à faire, Di de naïfs et de créduks à tromper. Les déclamateurs de réunions publiques, les écrivains de mauvaise foi, hélas ! il y en a, prêcheront dans le désert la révolution et l’anarchie, avant-garde du despotisme. Ii n’y aura plus de craintes pour l’initiative individuelle, cette source de tous progrès.
- En conséquence,
- Le soussigné a i’honneur de prier le conseil municipal d’inviter M. le préfet à demander aux pouvoirs publics :
- 1° Une loi spéciale autorisant l’administration municipale à établir une taxe sur les successions ouvertes dans la ville de Paris. Cette taxe serait proportionnelle ;
- 29 Elle serait fixée par le conseil municipal et soumise à l'approbation des pouvoirs publics.
- Paris, le 14 novembre 1883.
- Le 14 novembre, M, Grimaud, esprit logique, généralisait son idée en la présentant sous la forme suivante ;
- Dépôt d’une proposition.
- M. Grimaud. — J’ai eu l’honneur de déposer au conseil municipal une proposition tendant à inviter l’administration à demander aux pouvoirs publics l’autorisation pour la ville de Paris de percevoir une taxe municipale sur les successions ouvertes à Paris.
- Je dépose aujourd’hui la même proposition, en étendant le bénéfice de la nouvelle taxe à toutes les communes de France.
- En voici le texte :
- « Il y a lieu de demander aux pouvoirs publics, une loi autorisant toutes les communes de la République, à percevoir à leur profit une taxe sur les successions ouvertes dans chaque commune.
- « Cette taxe serait proportionnelle et équivalente aux droits perçus actuellement par l’Etat.
- « En un mot, messieurs, pour éviter des emprunts ou la création d’impôts nouveaux et dégrever au besoin sur la consommation de première nécessité, cette proposition doit être accueillie par tous les républicains.
- « La loi devrait contenir les dispositions suivantes :
- | « 1° Que toute succession, à partir du 4e degré,
- ! devrait faire retour, moitié à la commune et à l’Etat, I sauf disposition testamentaire contraire ; i « 2° Qu8 les petits héritages seraient exonérés. »
- | Renvoyée à la 6® commission.
- ! Il n’est pas possible que la raison ne finisse pas, à | la fin, par avoir raison.
- COMMENT LES IMPOTS ANGLAIS ont été dépensés depuis nn demi-siécle
- Nous avons reçu de l’Association de la paix des travailleurs anglais, « Workmen’s Peace associa-tion », un tableau graphique montrant à quoi les impôts ont été dépensés depuis un demi-siècle, c’est-à-dire de 1833 à 1882 inclusivement.
- Les dépenses sont divisées en trois départements principaux :
- 1° Le gouvernement civil.
- 2° L’armée et la marine.
- 3° La dette nationale.
- La somme totale des dépenses publiques en ces cinquante aunées est de 3 260.953.807 L. ôu 81 milliards, 523 millions, 845 mille, 175 francs.
- Cette somme formidable a été répartie comme suit entre les trois chapitres de dépenses ci-dessus indiqués :
- Gouvernement civil 712.986.8351 ou 17.824.670.875f
- Armée et marine 1.135 654 2461 - 28.391.356.150f
- Dette nationale 1.412.312.7261 — 35 307.818.150f
- Si au lieu de ces trois chapitres de dépenses on n’en fait que deux et si l’on cherche quelle part chacun d’eux prend dans une livre anglaise soit 25 fr., on arrive à ce résultat :
- Sur une somme de 25 francs versée par le peuple au trésor public,
- Les frais directs de la guerre et les intérêts payés pour dettes de guerre prélèvent un peu plus de 20 francs ;
- Tandis que le gouvernement civil, c’est-à-dire les institutions qui servent le plus efficacement au bien-être du peuple reçoivent ua peu moins de 5 francs.
- De toutes parts l’attention pablique se porte maintenant sur les conséquences déplorables de la guerre ; c’est une évolution certaine vers la constitution de l’arbitrage international, pour le plus grand bien des peuples.
- Société des libérées de Saint-Lazare
- L’Assemblée générale annuelle de la Société des libérées de Saint-Lazare, dont le siège est 5, rue Albouy, vient d’avoir lieu, 10, rue de Lancry, devant une salle comble.
- Etaient au bureau, M, M. Demay, président de la réunion, Mme Vattier, adjointe, et MM. Mausais et Breuil, You, secrétaires èt trésorier.
- Dans des rapports fort bien écrits, les membres du bureau ont exposé la situation de la Société qui est florissante puisque dans le cours de l’année der-
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- nière, elle a doublé son effectif et ses ressources. Elle a pu secourir, en 1883, plus de 1.300 victimes de la mauvaise organisation sociale et fonder, à Billancourt, un asile provisoire dû surtout à l’initiative et au dévouement de Mme Bogelat.
- L’allocution de Mme E. de Morsier, qui a suivi, a été de tous points remarquable. Partant de cette idée que dans les tristes conditions de la vie humaine, dominée encore par l’anarchie intellectuelle, la lutte ténébreuse des égoïsmes inférieurs, l’ignorance si générale, les servitudes politiques, économiques et familiales, les iniquités de tous genres et la souffrance presque universelle, Mme de Morsier a conclu que la véritable justice c’est la bonté, et qu’en attendant les nouvelles justices humaines, lé devoir de tous ceux qui aiment leurs semblables, est de se vouer passionnément à l’amélioration matérielle et morale de l«ur destinée. ,
- Ce magnifique sujet, l'éminente conférencière Fa traité avec une mesure, une propriété de terme, une éloquence communicative et chaude qui ont, à plusieurs reprises, soulevé les applaudissements unanimes de son nombreux auditoire. Grand succès et bien mérité.
- La réunion s’est terminée par un concert dû au gracieux concours de Mlle Dudlay, de la Comédie française, de Mme Marthe Dufrène, de YOdéon, Mlles Biwinach, élèves et ier prix du Conservatoire de musique, de Mmes Lemit et Loizeau, MM. Nivard, Maire et Périer, Artistes et Amateurs, qui ont su également se faire applaudir et dont le talent a bien servi la philantropie.
- UN ÉCONOMISTE ÉCONOMISANT
- Le journal des économistes est rédigé par des personnages presque tous académiciens. On ne saurait douter de leur sérieux.
- M. Jules Mercier a publié dans le numéro de janvier 84 une étude fort intéressante sur le Mont-de-Piété de Paris ; détails historiques, administratifs, rien n’y manque. M. Mercier, prouve que, moyennant une subvention de 1,500,000 francs par an, on pourrait réduire à 5 0/0 le taux de l’intérêt ; il est d’avis que cette subvention doit être fournie par la caisse municipale.
- Cette préférence est ainsi motivée :
- Cette solution, sans nul doute, fait tout retomber sur la caisse municipale, mais n’est-elle pas chargée de subvenir à l’insuffisance du patrimoine hospitalier elle-même? Nous le recommandons au directeur actuel, M. Charles Quentin, si soucieux de l’avenir de la population pauvre de Paris. On s’adresserait à l’impôt. M. Thiers n’a-t-il pas dit en 1850, dans son rapport sur l’assistance publique : « Dans l’impôt, il entre la contribution des pauvres, et des peuples plus que des riches à raison de leur nombre. »
- A qui la grande ville doit-elle ses palais innombrables, ses avenues que l’on continue à multiplier et qui font l’admiration des étrangers ? A l’impôt de consommation qui lui fournit 120,000,000 par an, c’est-à dire la moitié de son budget des recettes. Cette somme énorme, une voie autorisée l’a dit, elle
- vient surtout du pauvre ; ne peut-on en distraire un million et demi pour l’intérêt de sa dotation. »
- Un économiste demandant T intervention sociale en faveur des pauvres ! Celà me paraissait dépasser les bornes de l’économie politique ; je prévoyais l’excommunication de M. Mercier devant être réclamée par l’unanimité de ses collègues ; mais je ne pouvais comprendre comment le directeur du Journal des Economistes avait pu laisser passer une pareille hérésie.
- J’ai relu alors les conclusions de M. Mereier et j’ai compris qu’il n’avait pas dit autre chose que ceci : \ il faudrait un millon et demi pour prêter à 50/0 dans les monts-de-piété de Paris ; ceià plairait aux pauvres, mais les riches ne voudront pas payer ; si je propose de créer un impôt nouveau, le peuple est fixé sur ce chapitre, il en sait autant la dessus que le grand Thiers lui-même, il verra qu’on veut lui reprendra d’une main ce qu’on lui donne de l’autre ; en prenant dans les caisses de l’octroi, Jacques Bonhomme n’y comprendra rien ; en opérant ainsi, l’octroi étant déjà insuffisant, on créera plus tard un nouvel impôt pour compenser le déficit, ou bien, au bout de quelques années, il y aura simplement un déficit de quelques millions, on le couvrira par un emprunt.
- On parvient de cette manière à faire payer aux pauvres diables les rabais d’intérêts consentis par le mont-de-piété et, en plus, la rente des capitaux empruntés pour combler les déficits Oh ! miracles de la sainte économie politique.
- Mais notre économiste est un homme pratique, il connaît l’intelligence de sa clientèle ; il sait qu’elle est capable de ne pas mieux comprendre que le pauvre ; et pour se mettre à couvert de cette fausse interprétation il a grand soin d’expliquer que l'on peut bien accorder un million à ceux qui en paient 120 à la ville de Paris, à ceux qui font les frais des palais innombrables et des nombreuses avenues si admirables !
- Les roublards applaudiront le bon tour trouvé par M. Mercier; les Imbéciles se figureront qu’ils ont fait acte de charité, et ils s’en targueront comme s’ils avaient sorti un million de leurs poches.
- ÉCOLES DU FAMILISTÈRE
- Composition cle M!oz*a.Ie
- En dehors des facultés organiques, que l’homme partage avec les plantes et les animaux, il possède encore quatre autres facultés : les facultés sensitives ou sensoriales, les facultés affectives, les facultés
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- intellectuelles. La réunion de ces facultés forme dans l’homme une fonction supérieure qui est la faculté morale.
- Les facultés sensoriales sont celles qui dérivent de nos sens, elles nous mettent en communication avec l’ensemble de toutes les choses qui ne sont pas nous.
- Les facultés affectives sont celles qui nous portent à aimer les êtres, les individus, les choses qui nous entourent. Les enfants ont des facultés fétichiques, c’est-à-dire qu’ils aiment les choses, les objets qui leur appartiennent. Ainsi une petite fille aime sa poupée et le petit garçon aime son polichinelle.
- Les facultés intellectuelles nous servent à comprendre ce qui se passe en nous et autour de nous ; elles nous servent à éclairer ce que nous connaissons déjà, à acquérir des connaissances nouvelles. On doit subordonner aux facultés intellectuelles les facultés imaginatives.
- Nous partageons avec les animaux les facultés sensoriales, car quelques animaux possèdent cinq sens et même six sens, car ils possèdent aussi les facultés affectives. Ils ont l’habitude de rechercher les individus de leur espèce ; ils aiment leurs petits. Les animaux ont aussi de l’intelligence. Les oiseaux choisissent bien, pour faire leur nid, l’endroit où leurs petits seront le plus heureux.
- Les fonctions affectives sont donc le partage de l’homme et des animaux. Les animaux ont aussi le sens de la pesanteur. Quand aux facultés morales, la science n’a pu découvrir le sens de celles-ci, chez les animaux. On voit cependant des animaux . accomplir certains actes qui auraient trait à la morale, mais qu’on a placé à tort dans la morale. Le premier physiologiste de notre siècle, Auguste Comte,place"l’amour maternel dans l’égoïsme.
- Notre devoir relativement à toutes les facultés que nous possédons est de travailler à les améliorer, à leur donner le plus de développement possible.
- Cette amélioration se fera par l’enseignement, par l’éducation.
- Aristote, le précepteur d’Alexandre-le-Grand, philosophe de l’antiquité et grand physiologiste qui a ôté considéré comme le Dieu de la science, jusqu’au dix-neuvième siècle, a formulé ces deux préceptes que nous devrions tous savoir:
- 1° Les pensées qui sont la représentation des objets arrivent à notre esprit par l’organe des sens.
- 2° La vertu est toujours au milieu.
- Conclusioa.
- Nous devons donc perfectionner toutes nos facultés dans le but de bien servir l’humanité.
- 18 janvier 1884.
- Prud’homme Gaston, âgé de 13 ans 1/2.
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- LES FEMMES MILITAIRES
- • (Suite)
- Une autre femme de lettres, qui aurait été non moins vaillante que Louise Labé, la comtesse de Saint-Balmont, née Barbe d’Ernecourt, a joué du mqusquet en Espagne, assez heureusement pour faire des prisonniers. Celle-ci a écrit une tragédie : les Jumeaux martyrs, puis s’est éteinte en 1660, âgée de cinquante-huit ans, dans le couvent des religieuses de Sainte-Claire, à Bar-le-Duc, à quelques lieues de
- son pays natal. Les chroniqueurs l’ont surnommée l’Amazone chrétienne.
- En 1652, une femme illustra son nom à la défense du faubourg Saint-Antoine de Paris; ce fut Anne de Vaux, dite Bonne Espérance, qui avait été nommée lieutenant quatre années auparavant.
- A la prise de Limbourg, un des mousquetaires les plus valeureux était une femme : Christine de Mey-rac.
- Le régiment de Condé eut dans ses rangs un soldat dont son histoire a lieu d’être fiëre. Il s’agit du chevalier Balthazar, surnom de Geneviève Prenoy, de la ville de Guise, cornette, puis lieutenant de cavalerie. Elle se battit comme une lionne, fut blessée à la prise de Valenciennes et dut subir la terrible opération du trépan.
- Ne tra'versons pas la Fronde, dans laquelle Mlle de Montpensier et d’autres femmes de qualité jouèrent un grand rôle, sans dire un mot de la personnalité étrange d’une contemporaine, Mme de la Guette, née Catherine Meurdrac, qui, à l’âge auquel les fillettes jouent à la poupée, faisait des armes et montait à cheval.Elle eut l’occasion de défendre ses propriétés; elle le fit à cheval,le pistolet à son petit poing ganté, exploits qui lui valurent de la part de quelques officiers de l’armée de Lorraine le surnom de la Saint-Balmont de la Brie. Elle a laissé des Mémoires curieux fourmillant d’anecdotes, qui retracent son caractère énergique et masculin. J’ai lu entre autres, à la page 66 de l’édition rare de 1681, qu’un jour, pour rompre une discussion très-vive qui s’étalt élevée entre son père et son mari, elle enleva ce dernier et le porta dans une chambre voisine.
- J’inscris pour mémoire le nom du chevalier ou de la chevalière d’Eon.
- Toutes ces héroïmes et tant d’autres n’ont-elles pas poussé dans ses plus admirables limites la vaillance féminine !
- Si de ces époques troublées et sanglantes on passe à une crise non moins sanglante, celle de la Révolution et de l'Empire, le second bataillon se forme tout aussi compacte.
- Dans le Dauphiné, à Maubec, à Angers, il se forma des compagnies de fédérées. J’en pourrais rechercher les plus intrépides champions féminins, mais je ne veux pas sortir trop souvent de mon cadre, pour l’instant du moins. Il y a, d’ailleurs, à faire une distinction entre l’abnégation raisonrmée d’un combat* tant militaire et l’affolement politique d’un révolté. Ce dernier croit se défendre lorsque le plus souvent il attaque, quand, au contraire, il ne fait que défendre sa patrie.
- Les Vendéennes ont montré beaucoup de bravoure, Jeanne Robin, Mme de La Rochefoucauld qui railla, sabre en main, les paysans au pied de son château du Puy-Rousseau, Antoinette Adams, surnommée la chevalier Adams, fusillée debout par ses vainqueurs I etc., etc.
- Deux belles figures de femmes militaires sont celles des soeurs Théophile et Félicité de Fernig qui servirent comme lieutenants dans la cavalerie de Du-mouriez, et se distinguèrent à Valmy, à Amderlecht et surtout à Jemmapes, où l’une d’elle fit prisonniers, à elle seule, deux soldats hongrois ! Après chaque combat, tandis que le corps d’armée, épuisé, se reposait sous la tente, les intrépides jeunes filles se souvenant alors qu’elles étaient femmes, descendaient de cheval et parcouraient le champ de bataille pour aider à relever les blessés, ceux de l'ennemi avec autant de sollicitude et de charité que ceux de leurs
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- frères d’armes. Louise Audu, Jeanne Laeombe, etc., ont leurs aventures consignées dans les femmes militaires de M. Tranchant.
- Les annales militaires ont dû porter au livre d’or le nom de Rose Barreau, dite Liberté, qui prit du service entre son mari et son frère, au deuxième bataillon du Tarn, et qui fit le coup de feu, en Espagne, sous le commandement de La Tour d’Auvergne. A l’attaque d’une redoute, elle perdit son mari et son frère, elle épuisa alors jusqu’à sa dernière cartouche, et fendit d’un coup de crosse la tête d’un Espagnol. Napo’éon lui servit une pension et la fit entrer aux Invalides, à Avignon.
- Les vivandières qui ont suivi partout les légions de Napoléon 1er ont été, presque toutes, des héroïnes. Dans l’entraînement général, elles avaient acquis le mépris de la mort, qui fait faire des prodiges d’audace, et la vénération des soldats, qui élève le sentiment du devoir jusqu’aux douceurs d’un culte. Par malheur, en ces années de fer et de poudre à canon, les ordres du jour se succédaient nombreux et laconiques, et, malgré la haute démocratie des chefs, une infinité d’humbles, tombés en héros pour l’honneur du drapeau, ne figuraient pas sur les relevés nominatifs. Quelques femmes cependant ont vu leurs noms parvenir à l’état-major, Anne Biget (sœur Marthe), par exemple, qui a pu être signalée et recevoir la croix d’honneur.
- Napoléon n’eut pas que des cantinières valeureuses, ses armées ont recélé des femmes-soldats, dont l’épopée est aussi touchante que glorieuse. Je citerai les principales.
- (A suivre.) Jean Alesson.
- ETAT-CIVIL DD FAMILISTÈRE
- Semaine du 21 au 27 Janvier 1884
- 3NTAIS@A]VOK
- Le 23 Janvier, de Macaigne Louise Lucie, fille de Macaigne Louis et de Braconnier Lucie.
- DÈCÈ9 *
- Le 21 Janvier, de Briquet Jeanne, âgée de 20 ans. Le 21 Janvier, de Sartiaun Henri, âgé de 63 ans et 4 mois.
- Le 23 Janvier, de Cordien Marguerite épouse de Hennequin Joseph, âgée de 40 ans 1/2.
- COURS D’ADULTES
- Leçon de Physique expérimentale par M. Barbary
- Séance du Mardi 5 Février
- 1° Soufflets et machines soufflantes.
- 2° Soupapes et Pistons dans les Pompes à liquides.
- 3° Des pompes en général.
- 9B Année. N° 102. Janvier 1884
- LA PHILOSOPHIE DE L’AVENIR
- Revue du Socialisme rationnel, paraissant chaque mois, fondée par Frédéric Borde.
- SOMMAIRE— Examen du « capital » de Karl Marx, Frédéric Borde. — Un nouveau partisan de la col ectivité du sol, Agathon de Potter. — LaMorale actuelle, Emile Van Hassel. — Une lettre de M. Lescarret. M. le professeur d’économie politique refuse de défendre ses idées. — Aveuglement bourgeois, Agathon de Potter. — Rapport des Pr ofits et des salaires aux Etats-Unis. — le Déterminisme • et la science rationnelle, Sur le compte-rendu fait parM. A. Réville. — J. Putsage.
- Prix du Numéro : 1 franc. Abonnement postal: Un an, 12 fr.; Six mois, 6 fr.; Trois mois, 3 fr. S'adresser pour les abonnements, à M. Jules Delaporte rue Mouflfetard, 108, Paris.
- Théâtre du Familistère de Guise
- Direction : A. Tétrel et A. Berthet
- Bureau 8 heures
- SAMEDI 2 FÉVRIER 1884
- Rideau 8 h. 1/2
- Représentation donnée
- par la Troupe du Grand Théâtre de St-Quentin
- Opéra-Gomique en 1 Acte, de MM. Scribe et Mélesville, Musique d’AüAM,
- M. BERNARD remplira le rôle de MAX.
- Daniel. . M. Rey. | Bettly. Mme DAlessandri. Soldats, Paysans, Paysannes.
- 30 AIS, Oü LA VIE DI JOUEUR
- Drame en 4 Actes, de MM. Victor Ducange et Dinaux.
- DISTRIBUTION :
- Georges de Germany . . . .
- Warner.......................
- Rodolphe.....................
- Dermont......................
- Albert.......................
- Valentin......................
- Birmann......................
- Amélie. . .................
- Louise................
- Madame Birmann...............
- Guerll.......................
- Goth ........................
- Georgette......................
- Un Voyageur....................
- MM. Noël. Villars. Fervelle. Husson. Malon. Briet. Henri.
- Mme® Fervelle. Mariani. Casabon. Gabrielle. Galère.
- la petite Fervelle. M. Bourdillat
- Joueurs, Buveurs, Soldats.
- Leçon de Chimie par M. Sekutowicz
- Séance du Vendredis Février
- Matières employées dans la Fonderie ; Sables, — Argiles.
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- SAINT-QUENTIN
- Société anonyme du Glaneur, Grand’Place, 33.
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- 8e Année, Tome 8. - b° 283 *L& numéro hebdomadaire BQ e. Dimanche 10 Février 1884
- LE DEVOIR
- REVUE »ES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M- GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
- Un an. . . .
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- ON S’ABONNE A PARIS 5,r.Neuve-des-petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- L’Etat Emprunteur. — Neutralisation. — M. Par-doux. — Nouvelles du Familistère. — Statistique agricole. — La question ouvrière. — Préceptes et aphorismes. — Faits politiques et sociaux. — Correspondance d'Angleterre. — Aménités conservatrices. — L'Arbitrage et la Querre. — Les Femmes militaires. — Cours d'adultes. — Leçon de chimie. — Astronomie populaire. — Théâtre.
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement a titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l'administration fait pré senter une quittance d'abonnement.
- NOTE DE L’ADMINISTRATION
- Les numéros du Devoir contenant la série d’articles publiés sous le titre de « Question ouvrière » sont envoyés franco par paquets de 10, au prix de 75 centimes, par paquets de 100 numéros, au prix de 5 francs.
- Adresser les demandes à la librairie du Familistère à Guise, département de l'Aisne.
- L'ÉTAT-EMPRUNTEUR
- Le ministre a été autorisé a émettre un emprunt ne dépassant pas 350,000,000.
- Le chiffre exact sera fixé dès que l’on connaîtra l’étendue des obligations auxquelles il doit faire face.
- Cet emprunt a pour but de couvrir les dépenses exceptionnelles de la guerre, de la marine, des travaux publics, des postes,des télégraphes, et de combler le déficit du budget extraordinaire de 1883. On ne sait pas encore exactement à combien s’élève ce déficit, les dépenses provenant des autres chapitres donnent un total de 257,000,000. En émettant un emprunt de 350,000,000, il resterait 93,000,000 pour solder le budget extraordinaire de 1883.
- Une fois ces dépenses payées, la situation sera moins pressante ; mais l’avenir financier de l’Etat ne sera pas moins compromis, si l’on persévère à suivre les anciens errements.
- On sait qu’après de vains efforts pour établir un projet de budget défendable pour Tannée 1884, le ministère, la Chambre et le Sénat se sont résignés à voter un budget où le déficit est masqué par des exagérations de recettes et des virement qui ne trompent personne. Donc, à la fin de l’exercice 1884, le gouvernement sera en présence d’un nouveau déficit, résultant des faits que nous venons de signaler et des dépenses nouvelles qui ne manqueront pas de surgir dans le courant de l’année. Nous avons déjà l’augmentation du traitement des instituteurs proposée par M. Fallières, dépense très-juste, même insuffisante, que l’on ne peut refuser, mais qui est
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- néanmoins un nouvel élément du déficit prochain. La crise économique imposera certainement des dépenses imprévues. Il ne faut pas oublier les mécomptes certains de l’expédition du Tonkin. Le déficit à la fin de l’année 1884 n’est pas douteux. On peut affirmer encore que les exercices suivants se solderont de même manière ; l’augmentation des dépenses est déjà une chose prévue, tandis que rien n’est plus problématique que l’ascension des recettes .
- On se demande généralement comment il se fait que les hommes publics n’interviennent pas vigoureusement pour arrêter un mouvement si préjudiciable à l’intérêt général.
- Ils seraient impuissants ; l’organisation sociale, mauvaise, entièrement fausse, serait plus forte que leur intervention. La plupart, même, fie sauraient où frapper ; ils ne comprennent pas que ce sont les bases de nos institutions économiques qu’il faut réviser intégralement.
- Les hommes publics de tous les partis, feront â la Chambre comme ils n’ont cessé de faire depuis l’avènement de la bourgeoisie ; ils gémiront, ils se récrieront, ils critiqueront les ministres qui ont créé le déficit, et cela sera tout.
- Au reste, il ne faut pas l’oublier, la masse, celle qui supporte les charges réelles des emprunts, est saris influence sur l’attitude des députés, elle ne sait pas se mettre en campagne pour elle-même et par elle-même, elle reste ordinairement calme lorsqu’elle ne reçoit pas le mot d’ordre des classes dirigeantes. Et véritablement, ce n’est pas l’emprunt qui peut exciter les protestations des rentiers et des capitalistes.
- Les emprunts d’Etat ne sont-ils pas le pain le meilleur du capital, son retranchement le plus sûr? Quelle bonne aubaine pour la gerit capitaliste, un emprunt. Lorsque les banquiers ont pu faire établir un taux d’émission avantageux aux prêteurs, ils s’empressent de couvrir l’emprunt plusieurs fois, afin d’amener une hausse immédiate qui procure des bénéfices scandaleux aux meneurs de la spéculation financière.
- ïl n’y a pas que les meneurs qui bénéficient des emprunts ; la classe capitaliste toute entière en retire des avantages réels.
- Si les emprunts étaient un danger pour les classes dirigeantes, celles-ci sauraient bien se débarrasser d’un gouvernement trop emprunteur. Depuis 1789, elles n’ont jamais manqué de renverser les gouvernements dès que ceux-ci ont cessé de les faire prospérer. La bourgeoisie se. montra révolutionnaire, aussi longtemps que la révolution augmenta sa pré-
- pondérance de classe au détriment des privilèges de la noblesse et du clergé et des intérêts des travailleurs ; elle a été impérialiste chaque fois que les gouvernements de cet ordre ont crée de bons placements aux capitaux par les guerres extérieures, pendant que les classes laborieuses en supportaient tous les frais ; mais, lorsque ces régimes se sont lancés dans des aventures qui imposaient aux capitalistes l’obligation de payer de leur personne et de leur fortune, comme cela est arrivé à la suite des invasions,alors la bourgeoisie a cessé d’être bonapartiste, elle est devenue républicaine, et elle conservera la République, pourvu que la caisse prospère. Le peuple à l’illusion de croire avoir renversé depuis 89 bon nombre de gouvernements. Qu’il réfléchisse, il verra que tous sont tombés uniquement par la volonté des classes dirigeantes et à l’heure choisie par elles ; il constatera en même temps qu’elles n’ont jamais choisi le moment d’un emprunt.
- Nous ne disons pas que la bourgeoisie ait une conception aussi nette de l’évolution économique, seule possible au milieu des pratiques sociales admises par les peuples contemporains.
- Nous sommes persuadés, au contraire, qu’elle ne perpétue ce régime que parce qu’elle est incapable d'en saisir l’analyse rigoureuse. La bourgeoisie retire du présent des avantages relativement considérables ; elle se contente des effets immédiats sans chercher à comprendre quelles sont leurs causes réelles et quelles sont leurs conséquences.
- Le capital, en France, est poltron, paresseux, il veut prospérer sans produire ; on peut lui retourner avec raison tous les qualificatifs que l’on prodigue ordinairement aux classes laborieuses ; il a peur des grandes applications industrielles, il redoute les frais nécessités par la généralisation de l’outillage perfectionné ; il se garderait bien de faire des chemins de fer, des canaux, si on ne lui accordait des subventions et des garanties d’intérêt.
- Des rentes sûres et perpétuelles ! voilà l’idéal du capital français ; et malheur à l’état politique qui ne saura pas procurer des débouchés si précieux.
- ~ En France, un gouvernement durera longtemps, s’il n’a contre lui que les estomacs vides travailleurs, mais il ne résistera pas six mois les coffres-forts ne sont pas satisfaits.
- L’emprunt des cinq milliards fut pour le capital un avantage aussi durable que la conquête de Guillaume le sera pour l’Allemagne. Le capital acquit, ce jour, 250.000.000 de rentes annuelles et perpétuelles — s’il est vrai que l’ordre social coupable de pareilles erreurs doive toujours durer — sans com-
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- pter que les titres de cette émission atteignent aujourd’hui une valeur de 7.000.000.000. L’immortalité des rentes ! voilà qui est bien trouvé de la part de prétendus, libres-penseur !
- L’Etat-Emprunteur est le véritable pouvoir exé * cutif du souverain capital.
- Jusqu’à ce jour les déficits et les emprunts qui les ont suivis ont peu impressionné la masse, on a eu facilement raison de ses plaintes en lui montrant que la signature de la nation était engagée par motif de sauvegarde nationale, en faisant vibrer les grands mots « honneur national », « gloire », « patrie » ; mais nous approchons d’une époque où les proportions de la dette publique seront devenues tellement énormes que les moins clairvoyants en comprendront toutes les charges.
- Enfin, l’Etat - Emprunteur va se charger de 350-000.000 dont les capitalistes n’ont pas l’emploi ; ceux-ci n’auront plus à essayer des combinaisons aléatoires p®ur utiliser leurs épargnes. Le capital ne connaît que la sécurité... pour lui.
- Dans quelques jours on inscrira au livre de la dette publique 15.000-000 fr. de rentes en plus qui s’ajouteront aux 1.350.000.000 déjà inscrit, par l’Etat-Emprunteur, au grand iivre de la dette, au profit du capital qui, par reconnaissance, lui prête toujours au plus cher denier.
- Comment le peuple ne peut-il comprendre que les capitaux fixés par les emprunts d’Etat, s’ils n’avaient la perspective de ces débouchés, seraient obligés de venir s’offrir sur le marché du travail, ou de s’utiliser en objets de consommation, deux destinations exceptionnellement favorables au développement de la prospérité publique ?
- Lorsque les travailleurs, acculés aux chômages, réclament l’intervention des pouvoirs publies, on répond par une kyrielle de déclinatoires ; on va jusqu’à prouver aux pauvres diables que c’est par amour de leur liberté individuelle qu’on les laisse en proie aux tortures de la misère ; et l’on répond à ceux qui soutiennent que le meilleur moyen de rendre la liberté individuelle à un malheureux tombé dans un gouffre est de l’en retirer, qu’ils sont des utopistes, qu’ils réclament un Etat-Providence. Les plus acharnés à empêcher l'intervention de l’Etat en faveur des travailleurs sont en même temps les plus adroits à expliquer et à légitimer les pratiques de l’Etat Emprunteur.
- Pourtant, quelle difïérenee y a-t-il entre donner du travail aux ouvriers eu chômage et procurer des placements aux capitaux disponibles ? Il n’y en a d’autre, si ce n’est que les derniers pourraient attendre, tandis que les premiers sont sous le coup d’im-
- périeuses nécessités.
- Lorsqu’on commet la faute d’intervenir en faveur des capitaux on est criminel en délaissant le travail.
- Nous savons qu’on ne peut passer brusquement d’un régime à un autre ; mais il existe des moyens pratiques transitoires d’une application facile,
- Pourquoi continuer les emprunts lorsque l’hérédité de l’Etat pourrait procurer des ressources eonsp dérables.
- Les successions en lignes collatérales s’élèvent annuellement à 697,646,230 fr.; en évaluant à 25 0/0 le droit d’hérédité de l’Etat on aurait 174,411,557 fr.; un droit de 50 0/0 donnerait 348,823,114 fr.
- Les successions par testament donnent un total annuel de 482,005,202; un droit d’hérédité de 25 0/0 produirait 120,501,300; en portant ce droit à 50 0/0, le rendement serait de 240,012,600,
- Si la raison publique admettait que les parents en ligne collatérale ont moins de droit à la richesse de ceux dont ils héritent que les travailleurs, qui ont contribué à édifier les fortunes, l’Etat devrait intervenir dans les successions au nom de la sauvegarde des intérêts des travailleurs.
- En fixant à 50 0/0 le droit d’hérédité de l’Etat dans les successions collatérales, et à 25 0/0 dans les héritages par testament, l’Etat disposerait annuellement d’un revenu dépassant 500,000,000.
- On aurait ainsi un demi-milliard qui s’ajouterait au budget de l’Etat, sans apporter aucun trouble dans le fonctionnement des affaires et sans que les spéculateurs aient à prélever des bénéfices sur ces ressources.
- On hésiterait à puiser dans un filon si abondant, selon les besoins généraux ! Quoi de plus rationnel ? Procurer des ressources à l’Etat en les prenant directement là où est la richesse. Quoi de plus humain ? ne rien demander aux riches pendant leur vie.
- On a trouvé spirituel de répondre aux socialistes, lorsqu’ils demandent à l’Etat de chercher dans les fortunes acquises les ressources nécessaires à la sauvegarde de l’indépendance du travail, que l’pn ne peut créer l’Etat-Providence; les auteurs de cette plaisante réponse sont les mêmes qui perpétuent les traditions de l’Etat-Emprunteur pour ne pas cesser d’entretenir les privilèges capitalistes.
- Les nombreuses lettre* qui nous ont ôté adressées à la mite de nos précédants articles sur cette question nous permettent de conclure que le public est favorablement disposé à se rallier à une idée aussi rationnelle.
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- Il convient donc aux membres et aux sociétés de la Ligue fédérale de Paix et cVArbitrage international de manœuvrer avec assez d’habileté pour faire savoir au public qu’il existe des groupes de propagande.
- L’obstacle le plus grand à la prompte généralisation de cette idée salutaire, proviendra du mutisme de la presse, mais on en aura raison en multipliant les manifestations des véritables amis de la paix.
- Nous l’avons dit, dès le début, il faut agir au sein des groupes déjà constitués et y provoquer des ordres du jour sur les sujets mêmes qui sont mis en discussion par l’existence de la Ligue fédérale de la paix.
- Nous sommes heureux de pouvoir citer un résultat qui confirme nos prévisions.
- La société de la Libre-Pensée de la ville de Guise a voté, dans sa dernière réunion, à l’unanimité des membres présents, l’ordre du jour suivant :
- « Considérant que la paix est la condition nécessaire du progrès humajn ;
- « Considérant que les longues périodes de paix armée épuisent les peuples et ruinent les nations ;
- « Considérant que la situation faite à l’Alsace-Lorraine à la suite de la guerre de 1870-1871 est la cause principale des armements de l’Allemagne et des puissances occidentales de l’Europe ;
- « Les membres de la Libre-Pensée de la ville de Guise approuvent la proposition delà Ligue fédérale de Paix et dCArbitrage international tendant à la neutralisation de l’Alsace-Lorraine comme gage d’un désarmement général réglé par un congrès arbitral international ; ils adressent leur ^licitations et leurs encouragements à la Ligue fédérale de Paix et d'Arbitrage international. »
- Voilà un bon exemple que l’on ne saurait trop approuver. Il est à souhaiter qu’il ait de nombreux imitateurs. Et ceux-ci ne manqueront pas si les initiateurs du mouvement pacifique font le nécessaire pour les mettre en situation d’agir.
- M. Pardoux, conducteur des Ponts-et-Chaussées, à Allègre (Haute-Loire), nous envoie dix nouvelles adhésions à la Ligue Fédérale de Paix et d’Arbitrage. Nous les publierons dans notre prochain numéro.
- NOUVELLES DD FAMILISTÈRE
- Le Familistère et les idées qui s’y rattachent fixent chaque jour davantage l’examen .
- De nombreux visiteurs viennent se rendre compte de la situation morale et matérielle de l’association.
- Les uns, poussés par le désir d’étudier de près une fondation si importante au point de vueda la sociologie, d’autres, des industriels, résolus à doter leurs ouvriers de quelques-unes des institutions du Familistère,veulent constater sur les lieux l’état prospère des diverses branches de l’association.
- Parmi les visiteurs de la dernière quinzaine nous devons signaler M. Lombart, chef de l’importante chocolaterie dont les produits sont si avantageusement connus sous le nom de chocolat-Lombart. M. Lombart accompagné de M. Fougerousse, économiste distingué, rédacteur en chef de la revue industrielle Le Génie civil, a soigneusement étudié le fonctionnement de nos institutions de mutualité ; il se propose de grouper ses ouvriers d’après les principes du Familistère. M. Lombart est décidé à organiser d’abord l’Association du Capital et du Travail et les institutions de mutualité, il s’occupera plus tard de l’édification d’un Palais social.
- Une pareille entreprise, en plein Paris, aurait une grande influence de propagande.
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- Un fait remarquable est que la plupart des visiteurs se déclarent partisans de l’hérédité de l’Etat ; beaucoup s’étonnent de la persistance des députés à ne pas chercher dans son application les ressources publiques nécessaires au développement des institutions démocratiques.
- Cette idée et beaucoup d’autres, considérées comme utopiques par les politiciens, rencontrent auprès d’un grand nombre de fabricants et d’industriels assez de crédit pour qu’il ne soit pes téméraire d’espérer voir surgir du milieu du patronnât des hommes disposés à devancer, sur le terrain socialiste, les politiciens de profession.
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- La presse, surtout la presse étrangère, accorde chaque jour plus de place à la discussion des idées émises par M. Godin.
- Depuis quelques mois la presse française nous fait une part plus grande que d’habitude. Plusieurs journaux ont publié intégralement le programme du Devoir,bien entendu en exprimant quelques réserves. Nous comprenons qu’on ne puisse admettre du premier coup des idées aussi opposées à l’empirisme en cours.
- VIntransigeant, le Radical publient régulièrement nos sommaires, nous les remercions de nous aider dans notre pénible propagande.
- M. Ernest Figurey, de l’Agence Havas, vient, de publier dans plusieurs journaux de province une série de correspondances dans lesquelles il a inséré le programme du Devoir.
- i Les articles 19, 20, 21 de ce programme, parais-i sent, selon l’appréciation de M. Figurey, « devoir J « être relégués jusqu’à nouvel ordre dans le champ « des vœux platoniques et de dame Utopie. Mais, il \ « y a là, à tout le moins, un sujet d'études et de re-I « cherches. »
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- * Utopie ! l’arbitrage.
- Mais, cher collègue, pourquoi l’arbitrage, une utopie ?
- L’arbitrage est une institution juste, humaine, matériellement possible, ayant déjà prouvé son efficacité dans des circonstances mémorables. Notre but n’est pas utopique, pas plus que nos moyens. Nous savons que les pratiques les plus sages ne sont admises que d’autant qu’elles sont soutenues par un grand nombre d'hommes ; c’est pour cela que nous
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- ne laissons échapper aucune occasion de faire prévaloir nos doctrines; nous savons qu’une période éducative est nécessaire, et nous nous y consacrons sans amertume.
- Ces réflexions sont suggérées par l’intérêt de notre propagande. Les réserves de M. Figurey ne nous irritent, ni nous étonnent; nous avons la plus grande considération pour les hommes d'un caractère assez élevé pour donner la publicité aux idées qu’ils ne partagent pas.
- ¥ ¥
- M. Demare, dans sa publication « Les hommes d’aujourd’hui » s’est emparé du Familistère et de son fondateur M. Godin.
- La première page du n° 172 de cette publication contient un portrait charge de M. Godin tenant déployé un plan du Familistère. M. Demare s’est servi de l’attrait qu’à pour ses lecteurs le portrait charge pour leur apprendre à connaître une institution qu’il apprécie loyalement dans une biographie de M. Godin, publiée dans le même numéro.
- En même temps que nous avions connaissance des bons procédés du journalisme aux allures légères et taquines, nous faisions une triste expérience de la bonne foi de la presse grave : Le Temps a trouvé le moyen d'associer le mot de Familistère aux projets réactionnaires de M. de Mun !
- Lorsque la conspiration du silence est vaincue, les esprits mal disposés se retranchent dans les insinuations malveillantes. Cette légèreté de conduite de la part d’hommes intelligents est à peine compréhensible,à la veille d’une effervescence populaire qui va contraindre les plus modérés, les journalistes même du Temps, à présenter les réformes défendues par M. Godin comme les seuls moyens pratiques de transition vers un monde respectueux des lois de la vie humaine.
- STATISTIQUE AGRICOLE
- LES BIENS RURAUX
- Le ministère des finances vient de terminer un travail d’un haut intérêt sur la valeur et le revenu des biens ruraux en France.
- Nous en détachons quelques indications statistiques.
- La valeur totale de la propriété agricole en France atteint une estimation de 94 milliards 583,966,075 francs.
- Parmi les départements qui représentent les portions les plus importantes de ce total, nous voyons la Seine qui compte pour 7 milliards ; le Nord, 3 mil-lards : la Seine-Inférieure et le Pas-de-Calais, 2 milliards.
- A l’extrémité opposée de l’échelle, nous trouvons les Hautes-Alpes, dont le sol n’est estimé qu’à 2Ô2 millions.
- Dans le département de la Seine, non compris Paris, les terrains de première classe sont estimés 38,000 fr. l’hectare ; dans le Rhône, 18,000 ; dans le Var, 12,000; dans les Alpes-Maritimes, 21,000.
- La terre labourable, dont le prix, à l’hectare, est de 2,197 fr. en moyenne, varie entre 5.172 fr. dans le Nord et 315 fr. en Corse.
- La valeur moyenne des herbages est de 2,960 fr. l’hectare ; celle des bois de 745 fr.
- La valeur de l’hectare de vigne est de 2,968 fr.
- Dans le départemennt de la Seine, où l'on cultive l’intervalle des ceps de vigne, l’hectare vaut 9,000 fr. Dans la Marne, il atteint 8,000 fr. et il desceud jusqu’à 1,000 fr. dans la Charente.
- Il résulte des chiffres dont nous venons de donner un aperçu que la valeur moyenne de l’hectare de toutes cultures en France est de 1.830 fr. et quelques centimes.
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- Tous les numéros du Devoir contenant des articles sur la Question ouvrière sont en> noyés gratuitement aux députés ayant pris part aux débats sur la situation économique, et à leurs collègues qui ont l'habitude de s'occuper des lois sur le travail.
- LA QUESTION OUVRIÈRE
- h tu
- Dans notre premier article, il a été démontré que la substitution de l’association au salariat avait pour conséquence de faire disparaître les effets perturbateurs de la surproduction.
- Nous examinerons aujourd’hui s’il existe des moyens pratiques de surmonter rationnellement les embarras de la situation économique sans atteindre l’institution du salariat.
- Les difficultés du moment ne disparaîtront pas d’elles-mêmes ; et il n’y a pas trente six manières de les supprimer, comme on serait porté à le croire d’après le nombre des propositions parlementaires déposées à ce sujet.
- Théoriquement,les effets delà surproduction peuvent être évités « dans l’ordre social actuel » :
- 1° En cessant de produire, jusqu’à ce que l’ont ait consommé le trop plein ;
- 2° En livrant tout d’un coup à la consommation générale une grande quantité de marchandises ;
- 3° En exportant l’excédant de la production ;
- 4° En détruisant une grande quantité de richesses péniblement créées.
- Sous le régime du salariat, on ne peut s’arrêter à la première hypothèse ; puisque le travailleur ne recevant de salaire que d’autant qu’il travaille, le chômage équivaut pour lui à la privation du nécessaire.
- Pour rendre la deuxième proposition possible, il faudrait que les travailleurs aient beaucoup d’argent épargné pour acheter beaucoup de marchandises, à moins que les détenteurs des produits vin-sent à se résigner à les donner gratuitement !
- (1) Lire dans le précédent article, page 67, deuxième colonne, ligne 21e, 1.100.000 au lieux de 1.800.000 ; 23e ligne, 800.000 au lieu de 1.000.000.
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- La deuxième et la troisième proposition ont fixé l’attention du gouvernement » On a débuté par la subvention accordée à la marine marchande ; on a continué par la campagne de Tunisie ; on en est maintenant à la guerre de Chine. De tout cela, il restera trois tripotages mémorables, et deux guerres misérables.
- En fait d’exportation, nos capitaux et nos hommes en fourniront la part la plus considérable.
- L’exportation, à notre époque, n’est plus un expédient propre à débarrasser les nations européennes des excédants de leurs produits; parce que toutes celles qui demandent des objets fabriqués aux autres puissances leur rendent d’autres mar* chandises fabriquées, en quantité équivalente, de telle sorte que la Situation reste à peu près la même. Puis toutes la nations civilisées sont outillées pour produire plus qu'elles ne peuvent consommer sous le régime du salariat. La création même de nouvelles Colonies ilé changera pas là situation, parce qUë bon commencé maintenant la colonisation par l'Importation dë l’OUlillagé perfectionné, et les colonies, à peine fondées arrivent elles-mêmes â la surproduction.
- Lé gouvernement Français s’est imaginé qu’il dépendait de lui dê créer Un moüvèment nouveau d’exportation. Ses tentatives Seront vaines.
- Cette Opinion Sur l’exportation est défendue par M. Boürne du Jôurnal ôf lhe statîstical Society de Londres. Voici comment M. Mâürice Bioch du Journal dès économistes résume ia pensée de M. Bourne : « Quant aux moyens d’achat, ils ne sont pas non plus illimités, car vous ne pouvez pas étendre vos exportations â volonté, U y à même des in-d'iôéS qïii fô?ïi c'rôîfê que la limite est à peu près atteinte. »
- Sür lês quatre moyéns indiqués deux sont inacb-miësîblës, un autre ne peut aboutir, il ne reste plus que lë quatrième, là destruction, c’est-à-dire la guerre.
- La puissance de ce dernier moyen n’est pas contestable. En 1870 il rba pas fallu plus de six mois de gUefrë pour nous débarrasser dé ia surproduction àccuttlüléè pendant lés six dernières années de l’em -pire, èt pour donner du travail pendant six Où huit ans avant que l’on ait ramené nos magasinages et nos réserves à leur niveau normal.
- Lorsqu’un ordre sOcial né laisse pas d’aiitrè issüe •que la destruction pbür éviter les extrêmes conséquences d'une pléthore dé richesses, on devrait conclure que cet ordre Social ëst aüssi absurde que le moyen lui-même, considérer cëttecoriclusiori comme Une condamnation de ^organisation sociale et cher-
- cher une solution rationnelle dans un© voie nouvelle.
- Mais, pour la plupart des hommes en situation, cela équivaudrait à déclarer qu’ils ont été jusqu’à présent des ignares, des sophistes, et que la raison était avec ceux qu’ils ne cessaient de qualifier d’utopistes, d’insensés, même de malhohnêtes gens. Ces gens là préféreront se laisser acculer à la guerre plutôt que reconnaître leur erreur.
- Fulsqu’ils ne veulent pas suivre les socialistes, et que ces derniers sont résolus à protester et à oppo-poser leurs données jusqu’au bout, fi faut donc se vautrer dans lé gâchis créé par le conservatisme routinier; peut-être qu’à force de ie remuer on finira par le rendre insupportable â ceux qui l’entretiennent depuis si longtemps avec tant de persévérance et de sollicitude.
- * *
- Commeht se reconnaître ?
- Du côté des travailleurs, les anarchistes, les Ëlan-quistes, les collectivistes révolutionnaires, le parti ouvrier possibiliste, l’alliance socialiste, lefè coopé rateurs.
- Du côté des classes dirigeantes, les économistes ét les politiciens divisés en un nombre infini de clans : l’extrême droite, la droite, le centre droit, le centre, le centre gauche, la gauche, ia gauche radicale, l’extrême gauche, l’union républicaine, etc.,et, avec tout cela, une presse vendue, louée ou à louer, taillant et rognant dans les faits quotidiens, exagérant OU diminuant les nuances et les divergences des groupes politiques suivant les intérêts des financiers qui la soudoient.
- Au milieu de tous ces vices l’ignorance générale de la question elle-même n’est plus qu’un défaut de second ordre.
- * *
- Demandez à tous ces gens qui vous parlent de la crise économique ce qu’est un bœuf et ce qu’il faudrait faire pour né pas en avoir. Ils vous répondront que c’est d’abord un animalcule infiniment petit qui dévient Un fœtuë dans les entrailles d’une vache, que ce fœtus devient un veau, et que le Veau produit le bœuf, enfin que si l’on ne voulait pas avoir dë bœüf il ne faudrait pas laisser arriver l’ânitnalCule primitif dans les parties sexuelles de la mère.
- Tous ne veulent pas de complications économiques, et lorsqu’ils soht eh présence de ces périodes de troubles, ils refusent de remonter aux origines ; ou bien, s’ils consentent à faite cet examen, ils devierthent comme enragés si on lëür parle dô supprimer les causes premières!
- Ils ne savent que crier, la crise ! là crise ! Délh
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- vrez-nous de la crise ! Qui nous donnera l’ordre, le repos, la sécurité ?
- Du côté des ouvriers, on rejette toute la responsabilité sur les patrons, tandis que du côté de ces derniers on ne cesse de répéter « c’est la faute aux ouvriers i »
- Les ouvriers ont le plus grand tort de s’en prendre aux patrons, car ils devraient comprendre que ces situations sont inhérentes à notre constitution sociale ; et, comme dans un pays de suffrage universel ils participent proportionnellement à leur nombre à tout ce qui peut conserver ou bien modifier le pacte social, ils devraient conclure qu’ils ne sont pas moins responsables que les patrons.
- Il n’est pas étonnant néanmoins de les voir persister dans leur erreur, tant on met d’acharnement dans la presse à défendre l’opinion contraire, qui tend à faire considérer la hausse des salaires comme le principal facteur de ces complications.
- On dit aux ouvriers français : vos salaires trop élevés empêchent le commerce national de pouvoir lutter avantageusement avec les puissances étrangères.
- L’ouvrier répond : cela n’est pas exact ; en Angleterre, les salaires sont encore plus élevés et l’exportation anglaise dépasse celle de toutes les autres nations ; ce que vous attribuez aux taux du salaire est causé par les prix de transport des matières premières, ainsi l’extraction d’une tonne de charbon revient de 7 â 10 francs de salaire, tandis que son transport à Paris en chemin de fer coûte toujours plus de dix francs ; en Belgique, un ouvrier pour aller à son travail peut faire un parcours quotidien de 20 kilomètres pour un franc quinze centimes par semaine, tandis que vous faites payer, en France, 2 francs par chaque voyage ; vous voyez bien que les prix de transport pèsent plus lourdement sur la valeur des marchandises que le salaire de la main-d’œuvre, En définitive, continue l’ouvrier, toutes vos objections basées sur le salaire sont pitoyables, je pourrais vous donner cinquante preuves, mais je veux me limiter à un argument qui met à néant toutes vos affirmations : si la crise, comme vous dites, est amenée par le prix de la journée, comment se fait-il qu’elle se manifeste partout, dans les pays où la main-d’œuvre est chère aussi bien que dans ceux où elle est à vil prix, car vous ne nierez pas que cette prétendue crise soit ressentie aux Etats-Unis, en Angleterre, en Allemagne, en Italie, en Fspagné, même en Russie où l’on rosse quelquefois le travailleur pour tout paiement*
- L'ouvrier, ayant aussi facilement raison de la seule accusation directe portée contre lui, et voyant
- partout, dans les journaux les plus dévoués au patronnât, des apparentes notifications de ses tendances à rejeter les responsabilités sur les patrons, demeure toujours accessible aux provocations contre les classes dirigeantes, surtout lorsque la faim le talonne.
- Rien n’est pitoyable en effet comme l’attitude de la presse dite sérieuse; résolue à ne pas aller au fond des choses, toutes ses explications superficielles vont à l’encontre du but qu’elle se propose.
- Nous lisons dans le Temps du 17 janvier :
- » Nos lecteurs n’ont peut-être pas oublié les études précises que nous avons publiées l'an dernier, en particulier sur l’industrie de l’ameublement et sur quelques autres. Nous avons montré que la crise naissait de la concurrence étrangère et de l’impossibilité dans laquelle plusieurs métiers parisiens, en ne renouvelant pas leur outillage,s’étaient mis à la soutenir. »
- C'est bien cela, dit l’ouvrier^ je m’étais toujours douté que les journaux, les plus dévoués à nos patrons, finiraient par dire la vérité sans s’en apercevoir, tant elle est évidente. Mais c’est pas moi qui ait la faculté de forcer mon patron à renouveler son outillage, et, comme c’est cela qui est la cause de la crise — le Temps lui-même le proclame — le vrai coupable c’est le patron. Puis on me demande d’avoir des ménagements pour un si mauvais patriote qui a préféré acheter des maisons à renouveler un outillage d’où dépendait le salut de la patrie ; ah ! je vais le ménager de la bonne manière ce patron-lâ.
- On lit encore dans le Temps du 18 janvier :
- « Ce qu'il y a, c'est une réelle difficulté pour quelques industries, comme Celle des menuisiers, par exemple, à soutenir la concurrence étrangère. Mais d’où vient cette difficulté :
- De l’infériorité de nos ouvriers ? Nullement ; elle vient de l’infériorité de leur outillage. Que I on y prenne garde 1 *
- Voilà encore qui ne contribuera pas à calmer les accusations portées par les ouvriers contre les pa1-trons *
- Pourquoi donner des motifs si futiles, lorsque les difficultés économiques ne sont pas moins grandes chez les nations outillées que chez celles moins avancées ?
- Les citations suivantes sont extraites du journal la France, numéro du 19 janvier :
- « Les chauffeurs et les matelots de Marseille sont revenus à l’ouvrage.
- Us ont bien fait.
- 11 eût été difficile de leur accorder une augmentation de salaires et une diminution d’heures de travail.
- Les frets sont tombés si bas, par suite du chiffre inoroyahle de navires construits depuis trois ans, que les Compagnies maritimes ne font plus que de très maigres bénéfices. »
- « D’une façon générale, on indique comme une
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- LE DEVOIR
- des principales causes de la crise actuelle les habitudes sédentaires de nos fabricants, qui ne visitent pas assez la clientèle, qui n’examinent pas d’assez près les procédés de fabrication du dehors. »
- « Le travail accéléré des machines, notamment dans la cordonnerie et l’habillement, fait que la production devient à la fin plus grande que la consommation. »
- ruiner. Le moment viendra où elles reconnaîtront, au contraire, que la guerre est la plus monstrueuse des calamités dues à la perversité humaine.
- Faits
- et sociaux de la semaine.
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- En voilà plus qu’il ne faut pour maintenir l’ouvrier dans des sentiments de haine contre les patrons. Il aurait même raison de persister dans cette opinion, s’il était vrai que les causes du malaise fussent celles indiquées par les écrivains du Temps et de la France : car ce sont bien les patrons qui font construire ce chiffre incroyable de navire, d’où résultent les complications constatées dans les transports maritimes; s’ils ne font pas voyager davantage, c’est qu’ils sont les maîtres d’agir ainsi; et c'est encore eux qui ont introduit le travail accéléré des machines dans la cordonnerie et l’habillement comrrîe dans toutes les autres industries.
- Les socialistes ne peuvent rester indifférents en face d’autant d’injustice; ils continuent à faire observer que ces causes ne sont point les véritables, puisque la situation n’est pas meilleure chez les peuples n’ayant point de navires, possédant de nombreux voyageurs de commerce, et n'ayant pas dans la cordonnerie et l’habillement le travail accéléré des machines. Ils font remarquer aussi que là, où ces facteurs sont portés à leur maximum de puis sance, il existe encore des vieillards, des femmes, des enfants, même des adultes valides ne pouvant se pppcurer des chaussures et des vêtements suivant les besoins de l’hygiène et de la propreté.
- Il n’est pas juste de dire que la production est devenue plus grande que la consommation.
- La vérité est que la production capitaliste est devenue plus grande que la consommation permise sous le régime du salariat, tout en se maintenant bien au-dessous des besoins réels de tous, soit de la consommation s®ciale.
- Voilà ce qu’il convient de dire, sous peine d’encourager des tendances devant aboutir rapidement à un choc sans résultats efficaces.
- Préceptes et aphorismes sociaux
- XXVIII
- L’arbitrage international est une nouvelle trêve de Dieu qui doit précéder la fédération des peuples et la paix universelle, car les nations ne seront pas oujours assez stupides pour s’entredéchirer et se
- FRANCE
- IL.© Sénat. — Le Sénat ne tient compte d’aucun avertissement; le projet de loi sur les Chambres syndicales vient encore une fois d’être renvoyé à la chambre. Les sénateurs ne veulent pas voter l’article accordant aux ouvriers de divers métiers la faculté de former des unions syndicales. C'est vouloir empêcher les travailleurs dispersés dans les petites localités de se grouper ; car, ou le conçoit, les trois ou quatre ouvriers de chaque métier, que l’on rencontre dans chaque commune rurale, ne peuvent former un syndicat pour chaque corporation. Ces refus continuels du Sénat de permettre aux travailleurs de jouir de la liberté de réunion, n’a aucune expli* cation admissible. Il semble que le Sénat poursuive le but de fatiguer les ouvriers les plus modérés ; rien n’est plus favorable au recrutement de l’armée révolutionnaire que ce parti-pris de ne consentir aucune concession.
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- * *
- IL.a Chtamlbr©. — La discussion de l’interpellation sur les perturbations économiques a été terminée par la victoire de M. Clémenceau sur le ministère. Cela changera-t-il quelque chose à la situation des ouvriers ? Nous n’osons l’espérer ; le résultat dépendra beaucoup de l’énergie de M. Clémenceau, et rien ne prouve que celui-ci soit résolu à mieux faire que par le passé.
- La résolution présentée par M. Clémenceau comprend deux parties bien distinctes; la commission devra faire une enquête et présenter les moyens pratiques d'améliorer la situation.
- L’enquête n’était pas chose nécessaire, lorsqu on avait théoriquement la démonstration de l’impuissance de l’ordre social actuel; il s’agissait surtout de proclamer la nécessité de l’intervention de l’Etat et de la rendre possible en proposant le vote de ressources destinées à faire face aux dépenses les plus urgentes ; puis, la commission devait avoir le mandat de présenter à brève échéance des conclusions tendant à remplacer l’empirisme de l’intervention accidentelle de l’Etat par des institutions devant prévenir désormais les complications économiques analogues à cellès que nous subissons maintenant.
- N’esi-il pas à craindre que l’on ait réclamé l’enquête pour gagner du temps, avec l’intention secrète de transformer la commission en un moyen de faire la guerre au ministère ?
- La Justice, journal de M. Clémenceau, annonce déjà que le travail de la commission sera long et pénible. M. Pelletan, le principal rédacteur de la Justice, énumère toutes les difficultés probables d’une eoquête approfondie, et il nous promet, lorsque la commission aura triomphé de ces grrands obstacles, des réformes sociales comparables à celles dont le parlementarisme anglais a doté les ouvriers britanniques.
- Si c’est tout le programme du chef de l’Extrême-Gauche, ce n’est pas la peine qu’il se mette en train de commencer une enquête aussi laborieuse.
- Les réformes sociales, à l’Anglaise ! Mais c’est l’exclusion de M. Bradlaugh du Parlement, parce que les électeurs ont affirmé sur son nom leur volonté de s’émanciper de l’idée religieuse qui fait vivre une partie influente des classes dirigeantes ; c’est la suspension des libertés publiques, dans les parties de l’Irlande, où les fermiers refusent de subir les extorsions des landlors ; ce sera demain la dispersion des Tradès-Unions, si les travailleurs anglais se décident à manoeuvrer sur le terrain politique en obéissant à la discipline qui les a si bien servi dans les groupements corporatifs.
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- Les réformes sociales, à l’Anglaise ! Voilà le rêve de M. Glémenceau. Cette déclaration, faite le lendemain du vote de la Chambre, a néanmoins une grande importance. Les membres de l’Extrême-Gauche sont dûment informés des intentions de leur chef ; à eux d’examiner s’ils veulent se faire les complices d’un avortement.
- La lecture de notre correspondance d’Angleterre les édifiera sur les réformes sociales anglaises.
- Nous supposerons néanmoins que M. Clémenceau et ses collègues sont animés des meilleures intentions, qu’ils ont la ferme volonté d’aboutir. Ils pourraient, il nous semble, après la nomination des 44 membres de la commission, se répartir en deux grandes sous-commissions,l’une ayant mandat de poursuivre l’enquête, l’autre commencerait aussitôt à étudier les principes de réorganisation sociale susceptibles de produire les conséquences cherchées. Que le mal soit plus ou moins grand, le principe du remède reste le même ; il y a donc avantage, pour éviter les pertes de temps, à définir les bases de l’intervention sociale, sauf à en régler ensuite les étapes suivant la gravité des désordres sociaux signalés par la sous-commission d’enquête.
- La presse officieuse n’est pas sans se préoccuper de l’attitude probable des membres de la commission ; ses réflexions peuvent être une indication certaine de ce qu’il convient de faire. Les hommes de bonne volonté, s'ils ne comprennent d’eux-même quelle doit être leur attitude, n’ont qu’à s’inspirer des conseils de la presse officieuse,bien entendu, en adoptant tout ce que celle-ci leur conseille de repousser ; ils seront amenés alors à faire ce que nous n’avons jamais cessé de conseiller.
- Le Temps, journal très ministériel, ne comprend pas une commission s’attachant à autre chose qu’à « recueillir, à classer et à centraliser tous les renseignements se rapportant à la crise ; » cela indique suffisamment que ce n’est pas là l’œuvre essentielle de la commission.
- Le même journal ne pardonne pas à certains dépulés de considérer la future commission « comme une lice ouverte à tous les systèmes économiques, à toutes les théories socialistes ou autres propres à chaque membre de la Chambre. » « Ainsi, continue le Temps, pour ne citer qu’un exemple, voici M. Henri Maret qui dans le Radical, manifeste son contentement du vote de la Chambre par la pensée qu’il lui sera permis de discuter au sein de la commission et, peut-être, de faire adopter ses idées sur l’abolition de l’héritage en ligne collatérale. » La mauvaise humeur et les gémissements de l’organe le plus influent de la presse officieuse, cette précaution à signaler dès le début comme dangereuses les opinions de M. Maret, sont une preuve irrécusable qu'elles méritent d’être prises en sérieuses considérations par les hommes dévoués au progrès social ? Qu’en pense M. Clémenceau ?
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- Les ouvriers de Marchienne. — La plupart des établissements métallurgiques du pays (département du Nord) ayant fait annoncer une réduction des salaires, les ouvriers de l’usine Châtelet ont refusé d’accepter les nouvelles conditions et se sont mis en grève. Les grévistes, réunis en grand nombre, ont cherché à entraîner les ouvriers de l’usine de Ja Providence. L’autorité a pris aussitôt des mesures énergiques et a fait fermer les portes de l’usine. L’attroupement n’a pas tardé à se disperser. La grève n’atteint que l’usine Châtelet.
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- Emancipation des» femmes. — La société du suffrage des femmes publie sous le titre « Le remède est là » le manifeste suivant à l’occasion de la crise économique :
- Français et Françaises,
- « La crise économique actuelle démontre l’impuissance des hommes à bien gérer seuls cette grande maison qu on appelle l’Etat. Il faut que les femmes administrent avec eux la fortune publique, pour que tous aient en travaillant le vivre et le couvert assuré.
- La Société du suffrage des femmes fait un puissant appel aux personnes désireuses de voir la sécurité et le bien-être succéder à la gêne actuelle, pour l’aider à faire admettre l’intervention des femmes dans les arrangements sociaux et politiques. En Angleterre et dans plusieurs contrées de l’Europe les femmes ont déjà le vote municipal.
- En Amérique, les territoires où les femmes ont le vote municipal et politique, sont devenus très florissants.
- Les Français annexés au Canada ont le vote municipal et politique. Notre pays ne peut rester à son détriment en arrière de tous iss autres. Nous adjurons tous les Français et Françaises de nous apporter le concours de leur intelligence et de leur activité, pour faire comprendre l’urgence qu’il y a de donner aux femmes la possibilité d’assurer le bonheur de tous, en apportant dans la gestion de nos intérêts nationaux, leur esprit de prévoyance et d’économie.
- La Société du suffrage ouvrira incessamment au centre de P .ris un cercle où - ses adhérents se réuniront pour faire des conférences publiques. »
- Le remède sera là, lorsque les femmes auront un programme économique efficace à faire prévaloir par leur vote. L’électeur masculin, lorsqu’il est pauvre, est moins indépendant que la femme riche privée du droit de vote. Si la Société du suffrage des femmes veut l’alliance des exploités, elle doit introduire dans ses manifestations des déclarations montrant qu'elle sait comment on doit maîtriser le paupérisme.
- ï*arlm Horrible. — M. Dumesnil aans un intéressant ouvrage sur les habitations ouvrières donne la description suivante d’une des maisons habitées par les chiffonniers.
- « Une baraque divisée en quatre pièces, dont deux » sont sous-louées en garni, constitue cette habitation » qui est louée deux cents francs aunuellement par un » chiffonnier. Le mur du fond est formé de planches » clouées de place en place sur le mur de la maison » voisine. Ces pièces n’ont pas d’autres moyens d’aérage » et d’éclairag3 que la porte vitrée par laquelle on y » pénètre. Dans le milieu de l'un de ces logements est » étalé le chiffonnage de la nuit précédente. Nous trou-» vous là une femme aveugle et un enfant borgne par » suite d’ophtalmie purulente.
- a La cour sur laquelle ouvrent tous ces logements à » rez-de-chaussée est un cloaque fangeux d’où s’exha-» lent des odeurs fétides. La cause de l’insalubrité est » l’aménagement tout a fait spécial du cabinet d’aisance » qui y existe ; il consiste en un trou en terre de peu de
- * ae profondeur, entouré de cloisons en osier, à la hau-
- » teur d’appui et sur lequel on a posé deux planches, » distantes de 20 à 22 centimètres. Lorsque cette fosse » est pleine ce qui arrive fréquemment, vu le peu de » profondeur qu’on lui donne, on enlève le cabinet, on » creuse un autre trou quelques mètres plus loin jus-» qu’à saturation du sol. Grâce à ce cabinet ambulant » déplacé plusieurs fois depuis l’existence de cet im-» meuble, on a infecté tout le sol du voisinage..
- « Voici un autre spécimen. A l’entrée de la rue Monge,
- » au voisinage de l’école polytechnique (3e arrondisse-» ment), débouche la rue des Boulangers, dont le n° 42
- * est occoupé par l’hôtel de Mâcon.Les cinq étages de cet » immeuble sont divisés et subdivisés en loges noires > et puantes, dont quelques-unes,au rez-de-chaussée ne » sont éclairées qu’en second jour sur des couloirs hu-» mides. Les chambres où sont empilés les locataires,
- » sont encombrées de sièges boiteux, de commodes » effondrées, sur lesquels sont déposés pêle-mêle des » guenilles. Tous les habitants de ces logis sont groupés » au milieu de la pièce, autour de poêles sans couvercle
- * et sans tuyau de famée,dans lesquels on fait brûler du » charbon de bois pour cuire les aliments et chauffer la » pièce. Dans tous ces logements et dans leurs dépen-» pendanees, escaliers et couloirs sombres et étroits,
- » règne la malpropreté la plus grande, l'air est saturé » d'émanations fétides. On en sort couvert de vermine.
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- LE DEVOIR
- » Le coût de Ces locaux est de 15, 18 et 25 francs par » mois. G’eet de l’usure en matière de logement ».
- « En nous fabantjeonnaitre ces bouges M. Du Mesnil » s’écrie avec raison": «Ce n’est pas de la vertu, c’est » de l’héroïsme qü’il faudrait à tout ce monde pour ne » pas contracter dans ces bouges la haine de la société » qui les tolère, »
- ANGLETERRE
- Irlande. — Les démonstrations nationalistes continuent en Irlande malgré la police et l’armée. Les oran-gistes et les nationalistes semblent à la veille d’en venir aux mains d’une manière sérieuse. La démonstration du 3 février à Ballymote a été suivie d’un échange de coups de fusils qui ont atteint cinq manifestants.
- *
- * *
- Les affaires d’Egypte sont loin de s’améliorer, le Madhi poursuit sa marche victorieuse.
- Le Standard a publié une dépêche qui montre le sans façon du gouvernement anglais a l’égard de ses tributaire. Le général Gordon était parti accompagné d'un
- ieune homme qu’il avait mission d’instituer sultan de )arfour. Le futur sultan, depuis son départ du Caire, n’a pas cessé d’être ivre, au point que le général Gordon le déclare impropre à supporter les responsabilités de là position qui lui était destinée.
- AUTRICHE-HONGRIE
- Agitation socialiste. — La commission du budget a saisi la Chambre des députés d’une résolution tendant a augmenter l’effectif de la police à Vienne. Le comie Taafe, au nom du gouvernement, s’est rallié à cette proposition„
- Le ministre exposera à la Chambre iés motifs des mesures d'exception qu’il a cru devoir prendre pour réprimer les tentatives et lés excitations à la guerre civile dans certains quartiers de la capitale.
- • Une ordonnance du guuverneur de la basse Autriche applique les sévérités de la loi de 1869 : i * à ceux qui auront donné asile, sans en avertir l'autorité, à des m-individus expulsés en vertu dés dernières mesures exceptionnelles ; â ceux qui, se trouvant dans un attroupement sur la voie publique, n’auront pas immédiatement obtempéré aux injonctions de l’autorité ; 3° a ceux qui se seront livrés a des démonstrations publiques ou qui auront été trouvés porteurs d’inbignes séditieux.
- *
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- l'raitê de commercé atéc la ÏTrance.
- — La Presse publie Une dépêche de Bdda Pesth annonçant qu’un traité de commerce provisoire, de la durée d’un ah, a ôté Conclu entre ia France et i’Autriche-Hon-grie
- La dépêché âjotitë qüe les propositions du gouvernement Irançâis relatives à l’admission conditionnelle en France du bétail d’Autriche-Hongrie serviront de base pour dès négociations qui pourront .peut-être amener plus tard Une entente à cet êgarü.
- ALLEMAGNE
- M. BlUto, à l’odôâàidh de là ihâlâdie de l’empereur Guillaume, a publié dans ié Rappel les quelques lignes suivantes, qui Sont Une Spirituelle et juste critique dé la monarchie la plüs puiéSâhté de l’Europe :
- La fteuiaiae d’ilü rhümé
- ou écrit de Berlin le lundi ;
- Nous sommes ici dans une émotion difficile à décrire, le nez de Sa Majesté l’empereur Guillaume est pris.
- On y entend des ronflements bizarres et inexpliqués. Le père de Fritz regarde déjà ses mouchoirs avec mé-laneoiie.
- Que va-t-ii se passer dans ce nez ?
- On écrit de Berlin le mardi :
- Le nez de Sa Majesté devient rouge, la pointe est même solférino.
- Les médecins appelés auprès du nez de l’empereur déclarent qu'ils ne peuvent encore se prononcer.
- Il y a un commencement d'humidité sous la narine gauche.
- Nous sommes haletants.
- Oh écrit de Berlin le mercredi :
- Il n’y a plus à s’y tromper, le nez de Sa Majesté est violet et pleure des torrents de larmes.
- Les populations sont consternées.
- On ordonne des prières dans les temples pour obtenir la prochaine sécheresse du nez du père du peuple.
- En attendant, Sa Majesté éternue à croire qu’elle a reniflé des canons Krupp.
- M. de Bismarck est soucieux. Notre Fritz va-t-il enfin monter sür le trône et l’Europe va-t-elle changer de face ?
- On écrit de Berlin le jeudi :
- La débâcle est complète. Vu l’âge de l’enrhumé, tout le monde est inquiet. Jamais on a éternué ni on ne s’est mouché comme cela 1
- On fait venir des mouchoirs de toutes les parties de l’Empire, Sa Majesté finit par employer ses draps.
- Le pays entier est suspendu au nez de l’empereur 1
- Si le nez ne résiste pas à l’inondation qui l’accable, toute la politique de l’Allemagne, toute la stabilité de l'Europe peuvent être bouleversées.
- Fasse que le nez du père de notre Fritz soit doublé en zinG !
- On écrit de Berlin le vendredi :
- ... Inondation moins prononcée ; le flux est toujours bohdant, mais oh constate une légère décroissance.
- L’éternuement commence à manquer de sonorité, le moelleux arrive, les médecins espèrent.
- Il est question d’illuminer le jour oü l’empereur n’aura usé que vingt-cinq mouchoirs dans la journée.
- Afin d’écouomiser les voix de la famille, on a fait poser auprès de Sa Majesté une mécanique qui dit : Dieu vous bénisse !
- On écrit de Berlin le samedi :
- Nous sommes sauvés ! Sa Majesté n’a pas éternué de là joürhéé.
- Les médecins connaissent maintenant le nom de la maladie dont a été atteint l'empereur : c’est Un coryza.
- Maintenant qu’on sait que c’est un coryza, les médecins vont soigner l’indisposition de l’empereur comme un rhume de Cerveau.
- L’Ëürope peut enfin dormir tranquille et notre Fritz peut rentrer encore cette fois ses idees personnelles sur la politique intérieure et extérieure : L’empereur n’est plus enrhumé. Il y a même un commencement de sécheresse dans son nez auguste,
- M. de Bismarck respire. Il garde toujours ses fonctions et sa prépondérance.
- Quant aux médecins qui ontsi bien soigné Sa Majesté, ils viennent tous d'ètre décorés de l’ordre de l’éternuement.
- Pour copie conforme :
- Ernest Blüm.
- ITALIE
- On lit dans le journal le Glaneur de Saint-Quentin :
- Notre vieil ami le professeur Marc-Amêdée Gromier a publié dans le Ferruûcio, de Florence, l’appel qui suit :
- Aux patriotes gréco-latins et à la presse grécô-latine encore indépendante
- La présence des Anglais à Gibraltar, Malte-, Chypre, Allexandrie, Port-Saïd, — et, rétablissement imminent des commis du Zollverein Germdni^uèh à Port-Mahon, Trieste, Salonique, Géaarée* nécessitent immédiatement un contre-poids, Sinon, c’en est fait, avant pôü, de l’é“
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- LE DEVOIR
- 01
- quilibre européen : les ânglo-s&xons prédominent partout sur les latino-slaves.
- La ciréâtion d’un Zollverein Méditerranée sauverait d’une ruine complète et prochaine le commérCë et l’industrie des peuples gréco-latins, à la veille de perdre iôllte possibilité d’échanges faciles et fructueux avec l’Asie-Mineurë, lés Grandes Indes et l’Afrique septentrionale.
- Ce Zollverein méditerranéen,, en attendant mieux, devrait unir êéonôiMquenient les habitants du Portugal, de l’Espagne, de la France, de l’Italie, du Monténégro, de l’Albanie, de là Grèce et de la Roumanie, ainsi que toutes les colonies méditerranéennes, actuelles et futures, de ces mêmes pays, exclusivement.
- Cêtte union économique, s’obtiendrait aisément entre tous de* pays, quëLlè qüë SOIT la forme Uë lëüë gouvernement RESPECTIF, par l’adoption synallagmatique, dans tout le terroir du susdit Zollverein méditerranéen, dé CBrtaiUes nu Sures d'ordre purement administratif, qu'il appartient à la presse grêco-latiné de proposer d’ores et déjà et dont voici quelques exemples pouvant servir dë préliminaires à la discussion indispensable.
- 1. Uniformité du calendrier grégorien :
- 2. Uniformité des poids, des mesures et dés mohüaies, d’après le système décimal ;
- 3. Uniformité des tarifs postaux. Dans tout le Zollve-Nin méditerranéen, ou devrait pouvoir employer, pour les cartes postales, des timbres de 5 centimes ; pour les lettres, des timbres de 10 centimes, par poids de 15 grammes \ pour lès imprimés, deS timbres dë 1 centime, par poids de 2b grammes) 5
- 4. Uniformité des tarifs télégraphiques (50 centimes les premiers dix mots et 2 centimes par mots suppiê-mentares);
- 5. Liberté et gratuité du cabotage sur toüt le littoral dès pays grécôGatinë èt dé îèdrs Colonies méditerranéennes pour les navires de la marine marchande de ces pays;
- 6. Uniformité du prix kilométrique des transports pàr kilogrammes de marchandises confiées aux Messageries de terre et de mer ;
- 7. Abolition de toüt passe-port èt de tout droit de do oane à l'intérieur du Zollverein méditerranéen c’est-à-dire : pleine liberté de communications et d'échanges entre lés habitants des pays faiëaht partie de cette association économique, nécessaire à la prospérité, à l’indépendance, au salut des peuples gréco-latins.
- Florence* 16 janvier 1884.
- M. — Aj Gromier.
- Pourquoi en Europe trois Zollevereins, le Zollverein germanique, le Méditerranéen, l’Anglo-saxon ?
- Soit, c’êst Une Simplification* â cë titre la préposition de M. Gromier est bonne à retenir ; lorsqu’on aura réduit les tarifs douaniers à trois types, on aura beaucoup moins dë peinë â iës fondre en Un ëeui.
- BELGIQUE
- L* question de l’hérédité de l’Etat vient de prendre ïang aahs lé parlement bëigé. Rarmi les divers projets destinés à procurer de nouvelles ressources budgétaires* M. Lelièvre a préconisé de reviser les articles 725 et 755 du Gode eiVil et d’àfrèter àü éb dègré le droit à l’hérédité. (Jette proposition a été accueillie par les mürmures des députés 4e la droite. Les conservateurs sont les rfièméfe partout.
- ESPAGNE
- ÂpfèS léé dêrhiëteS élections niühibipàlè's d’Andôrre, qui avaient été favorables à l’influence française, l’évêque de la Seo d’Ürgel, qui est co-prince de la* petite République, S’est liVré â dés mahdeüvres qui oht modifié le .caractère de ces élections;
- Des troubles ôtait survenus à la suite de, ce coup de main, le viguier épiscopal fit arrêter et c'oildàÜinéi’ aü±
- travaux forcés plusieurs individus sans l’assentiment du
- viguier français
- Les prisonniers ont été livrés au gouvernement espagnol pour subir leur condamnation. Lé gouvernement français va engager des négociations avec le cabinet de Madrid pour se faire restituer les prisonniers.
- Il he faut pas oublier que les affaires d’Ëspagüé peuvent se confondre aveo les querelles d’AllemahdSk
- LeS fédérés eit Espagne, “ Le gouvernement espagnol évalue à trente mille le nombre des fédérés révolutionnaires éü Andalousie,
- ÉTATS-UNIS
- Les délégués dés corporations parisiennes à l’Exposition de Boston viennent d’organiser de nombreuses réunions poür rendre compte de leur mission à leurs mandants. M, Dutnay, le délégué de la Chambre syndicale des mécaniciens, a constaté que l’ouvrier américain avec üù salaire de 10 a 12 francs par jour nè jouit pas d'un bien être plus considérable que l’ouvrier français qui agne 5 à 6 francs par jour, Le libéralisme patronal, ans la République si vantée des Etats-Unis, ne Vaut guère mieüx dans certains câs qüë lé libéralisme de quelques patrons français. M. Dumay a remarqué dans certains ateliers dés affiches ainsi Conçues : « Ici, on Üë reçoit pas d’ouvriers appa?tenant au Trade’s Unions. » M. "Dumay a été émerveillé du perfectionnement de roüiillâge américain. Il a VU aes fours revolvers si bien agencés qu’un seul ouvrier eu conduit sept. Il a remarqué qu’uu homme avec deux jeunes filles de quatorze à quinze ans suffisait pour conduire quarante machines à fabriquer des vis.
- Voici comment il apprécie la situation économique : << Boston est bondé d’ôglisëS , la liberté d’association y existe, l’outillage y est parfait, et le traité de Francfort n’y existe pas. Malgré cela, la crise industrielle y .-évit comme ici, ce qui semblé démontrer que ics différents remèdes qu’oü nous propose sont bien iüoffeüsifs* *
- Ges quelques ligues sont une réponse péremptoire aux de Mua du cléricalisme, de l’opportunisme, du radicalisme, à tous ceux qui Cherchent Uhe SOiutiod en dehors des données du socialisme.
- Correspondance d’Angleterre
- Les maisons des pauvres et les cités ouvrières. — Vues et plans de la police métropolitaine. — Les projets d hier. — Églises et hôpitaux.—* Lés Pharisiens !
- Il y à quelques jours, Un dés employés supérieurs dë Gfeûi Seotland Yard, notre préfecture dë polide à Londres, fàisâit part au publié, par l’intermédiaire d’un de nos grands journaux quotidiens, de ses VUès sür lëS logements aétuels deS pauvres de hôtre graddë Ville et stir la construction, raméhageA ment ët la ldcatioh d’hâbitàtidüs Ouvrières destinées à les remplacer.
- Selon lui, les habitations des pauvres qui sont les plus saies et où règne en même temps le plus d’immoralité, sont déliés que tt’hâbitent point leurs pto^-priêtaires, — cé qui est généralement le cas iorsqüè èés propriétaires sont riches, — aaràit-il pu ajouter.
- La pollOë visite dé temps â autre i’ihtérieur de des maisonS, sàhs qtié là lbi l’y autorise ; elle s’éfi Voit
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- donc assez souvent refuser l’entrée par les habitants, aussi voudrait-on à Scotland Yard que cette catégorie d’habitation fût mise sur le même pied que les maisons garnies Jde bas étage, “ Common lodging houses, ,, où des agents spéciaux, connus sous le nom de lodging house sergeants ont accès de par la loi.
- L’auteur de l’article en question recommande aussi que l’on construise des cités ouvrières à l’usage exclusif des classes pauvres, et où ne seraient par conséquent admis sous aucun prétexte les employés de chemins de fer, des docks, des postes, les commissionnaires, petits commis, etc.; tous gens qui, aujourd’hui, forment la majorité des locataires des Peabody Buildings au détriment des nésessiteux qu’ils ont évincés peu à peu.
- Que faudrait-il faire pour empêcher que la même chose ne se reproduisit dans les nouvelles habitations ? Tout simplement exiger de toute personne désireuse de louer une ou deux chambres qu’elle fit connaître ses moyens d’existence, le montant de ses salaires, sa situation de famille (si marié, combien d’enfants, etc.). De cette manière l’on pourrait contrôler efficacement les demandes d’admission et écarter celles émanant d'individus dont les moyens leur permettraient de se loger décemment ailleurs.
- A ces cités ouvrières selon le goût de Scotland Yard, bâties dans des quartiers spécifiés et sur des plans vus et approuvés en haut lieu, on annexerait quelques remises et hangars où les petits industriels, chiffonniers, marchands des quatre saisons, revendeurs de vieux habits, de peaux de lapin, fabriquants de boîtes d’allumettes, de cages d’oiseaux, fagoteurs de petits bois, (une industrie spéciale à Londres), etc., etc., pourraient remiser leurs outils, leurs charrettes et leur petit stock de marchandises, ou même se livrer pendant le jour à leur travail.
- Ces hangars seraient, la nuit, fermés au moyen d’un cadenas ; le locataire aurait une clef, mais la police en aurait une autre : en un mot, bâtiments et locataires seraient, on le voit, sous la surveillance absolue de la police.
- L’on ne voit pas d’un bon œil à Scotland Yard la démolition en grand des quartiers pauvres de Londres, qui commence en ce moment, car cet immense balayage d’immondices de toutes sortes aura sans nul doute pour conséquence immédiate de disséminer aux quatres coins de la métropole les voleurs et les criminels de toutes nuances que jusqu’ici nos agents de la sûreté savaient presque toujours où trouver.
- C’est me direz-vous, envisager l’assainissement de Londres à un point de vue bien exclusif, bien égoïste.
- Mais, que voulez-vous, à chacun ses besicles !
- Ainsi, nous, par exemple, nous avouons ne pas éprouver une grande admiration pour cette surveillance incessante et insultante à laquelle la police voudrait soumettre leurs futurs habitants des cités ouvrières dont elle préconise la construction.
- Que l’on élève de grands bâtiments, sains, bien aménagés, confortables, d’un prix de location peu élevé et où l’on admettra que des nécessiteux, bien ! Mais de là à donner à la police le droit d’entrer chez ces pauvres gens quand il lui plaira et de leur faire des visites domiciliaires à tous propos et même la nuit, et de s’ingérer dans leur travail ou leurs arrangements domestiques, voilà ce que nous ne saurions admettre ! I.es particuliers, ou les compagnies qui fonderont des cités ouvrières spécialement destinées à la classe précitée pourront facilement veiller, soit personnellement, soit par l’intermédiaire de leurs agents, à ce que ni la pauvreté ni les mœurs n’aient à souffrir de trop graves atteintes de la part de leurs locataires.
- Par exemple, nous ne saurions trop approuver et appuyer les autorités de Scotland Fard lorsqu’elles demandent qu’on mette fin aux honteuses spéculations auxquelles se livrent quelques individus dépourvus de tout sens moral, qui achètent à vil prix de vieilles mazures condamnées, pour les relouer à de pauvres diables à un taux relativement élevé, et ce sans y faire aucune réparation.
- Cette sorte de propriétaires sans cœur, qui n’est pas rare à Londres, ne demande qu’une chose : tirer le plus d’argent d’affreuses et insalubres bicoques achetées à vil prix ; quant aux conditions d’hygiène dans lesquelles vivent leurs locataires, ils s’en soucient autant que d’une figue.......ou que de leur
- moralité.
- Et il est de ces gens qui font grande figure dans le monde ; l’on compte même des ducs parmi eux. Pour d’aucuns ce sont de grands personnages , pour nous, plus ils sont haut placés, plus nous les trouvons bas.
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- Il n'est, hélas, que trop vrai, ainsi que nous le disions dans une lettre précédente, que ce grand cri de pitié (mêlé de terreur) qu’a poussé notre classe aisée, il y a quelques temps, au tableau des misères de Londres, commence déjà à s’éteindre, et que les projets philanthropiques d’hier font place aux préoc-| cupations politiques d’aujourd’hui.
- I Non seulement, en ce qui concerne la question des j logements ouvriers, on n’est encore arrivé à aucune solution pratique, mais voici que la charité publique elle-même se trouve obligée de resserrer les cordons de sa bourse.
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- Plusieurs de nos hôpitaux se voient dans la néces-sité de faire payer de petites sommes variant de six à douze sous aux malades du dehors auxquels, jusqu’ici, on avait donné gratis consultations et médecins. D’autres sont même allés plus loin, et ont mis à la disposition de malades payants des lits et des soins qui auparavant étaient réservés aux indigents.
- Voilà où nous en sommes, après tout le bruit qui s’est fait autour du Londres horrible ; les hôpitaux font payer les pauvres ; les hôpitaux n’ont plus d’argent !
- Les hôpitaux n’ont plus d’argent, mais l'évêque de Rochester, qui a une partie de son diocèse dans la partie sud de Londres, vient de faire un appel au public pour élever dix églises de plus à son clergé, et les fidèles ont versé quarante-deux mille livres sterling dans la caisse épiscopale !
- Les hôpitaux n’ont plus d’argent, mais lorsqu’il s’est agi d’élever une église protestante anglaise à Copenhague, on a trouvé presque d'un coup trois mille livres sterling, rien qu’à Londres, et l’église en question en coûtera dix mille !
- Mais les hôpitaux n’ont plus d’argent..! O Pha-
- risiens ! que Jésus vous connaissait bien, et qu'il avait raison lorsqu’il a dit qu’il serait plus facile à un chameau de passser par le trou d'une aiguille qu’â un riche d’entrer dans le royaume des cieux 1
- Londres le 28 janvier 1884
- P. L. Maistre.
- AMÉNITÉS CONSERVATRICES
- Ce qui fait les ^socialistes, c’est, sans parler de l’âpreté des convoitises, l’étroitesse de l’esprit.
- Le Temps, numéro du 6 février 1884.
- L’ARBITRAGE & LA GUERRE
- Toute idée nouvelle et juste traverse trois phases: 1° l’utopie ; 2° la préparation ; 3° la réalisation.
- Nous avons dépassé la première phase. On ne rit plus aujourd’hui du rêve de ce bon abbé de Saint-Pierre: La paix universelle* On doute, on hésite, on admet volontiers. Mais on ajourne la réalisation à un lointain avenir.
- Nous sommes donc arrivés à la seconde phase, et, comme je le prouverai tout à l’heure, nous entrons déjà dans la troisième.
- La préparation se fait de deux manières : l’une indirecte, par l’impulsion naturelle des faits con-
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- temporains ; l'autre directe, par la discussion et la propagande.
- Je vais démontrer d’abord que les tendances de l’époque nous conduisent indirectement, mais irrésistiblement à l’arbitrage. Il me suffira de reproduire un fragment de mon travail publié en mai dernier dans le bulletin de la Société française des Amis de la Paix.
- Après avoir énuméré méthodiquement fous les fléaux de la guerre, je disais :
- « A ceux qui m’objectent l’utilité, la légitimité et la fatalité de la guerre, l’impossibilité par conséquent d’un rapprochement fraternel entre les nations, je répondrai :
- « Est-ce que ces prodigieuses voies de communication rapide et instantanée ; ces percements d’isthmes, cotte neutralisation des fleuves et des mers ; ces expositions universelles, bientôt permanentes ; ces traités et congrès internationaux de toute sorte ; cette fièvre d’explorations lointaines qui agite notre époque ; ces merveilleuses intentions, ces incroyables découvertes scientifiques que chaque jour voit éclore et qui déjà transportent au loin les dépêches, l’heure, le son, la force motrice et la lumière ; enfle est-ce que cette éclosion spontanée et simultanée de grands et nombreux réformateurs économiques el sociaux, tous fervents apôtres de la fédération universelle, ne préparent pas forcément la suppressior des barrières, l'accord entre les peuples et les races, la paix générale ? »
- Maintenant, j’aborde la préparation directe par h discussion et la propagande.
- Déjà il s est fondé chez toutes les nations avancées des sociétés spéciales de la Paix, qui par leurs revues, leurs conférences, leurs congrès annuels, ré pandent incessamment l’idée d’arbitrage. L’an passé ces sociétés, réunies à Bruxelles dans des assise! plénières, ont institué un conseil fédéral européen dont j’ai l’honneur de faire partie.
- Or, les annales de ces revues, conférences et corn grès renferment les plus effroyables révélations su] les maux de la guerre. Je me bornerai à en signa 1er quelques-unes aux douloureuses méditations di vos lecteurs.
- D’après le consciencieux et très compétent écono miste M. Le Roy-de-Beaulieu, « dans les 15 année antérieures à 1870, la guerre a coûté au monde civi lisé seulement (sans compter deux millions d’hom mes), près de cinquante milliards.
- La Société Londonienne des Amis de la Paix, calculé en ces termes l’énorme bien qu’avec cett somme fabuleuse on eût pu produire :
- « Cette somme suffirait pour bâtir et remplir d’ob
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- jets d'art et d’instruction 1,530 institutions magnifiques comme le Palais de cristal de Sydenham près de Londres, chacune à 31 millions cinq cent mille francs.
- a Elle ferait un chemin de fer tout autour du globe; 23 mille milles anglais (36 mille kilomètres), à deux millions de francs par mille.
- • « Elle ferait le réseau le plus complet de télégraphes par terre et par eau sur toute la surface du globe, et le maintiendrait en activité permanente.
- « Elle procurerait des vivres, des vêtements et des meubles jusqu’à concurrence de 1,575 francs par tête d’habitant (30 millions), dans la Grande-Bretagne et l'Irlande-; 1,175 en France ; 1,425 en Autriche ; 9,625 en Belgique et 15,500 en Suisse.
- « Elle permettrait d’établir 1,913 hôpitaux dans différents pays, chacun de deux millions cinq cent mille francs.
- ce Elle suffirait à établir et à doter — voici ce qui est tout particulièrement de circonstance — 382,000 écoles à 12,500 fr. »
- M. Le Roi-de-Beaulieu a calculé que seule, la guerre civile des Etats-Unis, la guerre de Sécession, avait coûté 35 milliards. Et il ajoute « qu’avec une somme sept ou huit fois moindre, on aurait pu indemniser très convenablement les possesseurs d’esclaves et concilier ainsi l’inviolable liberté des noirs avec les ménagements dûs à la longue possession des blancs. »
- Quant à la guerre franco-Allemande de 1870, des documents officiels recueillis par un haut fonctionnaire du ministère des affaires étrangères en élèvent le coût, pour la France seulement, à 14 ou 15 milliards.
- « Voilà, fait observer un autre éminent économiste, Frédéric Passy, les dépenses de la guerre qui se fait. Si nous calculions les dépenses de la guerre qui ne se fait pas, c’est-à-dire de la paix armée, nous trouverions que dans ce siècle seul en tenant compte des intérêts et des pertes du travail, l’Europe a dépensé en armement des centaines, j’oserais presque dire des milliers de milliards. On a trouvé pour l’Angleterre seule, de 1815 à 1868, un chiffre de 65 milliards. Avons-nous tort de dire avec Bastiat, que Vogre de la guerre dépense autant pour ses digestations que pour ses repas ? »
- On ignore généralement que, de 1783 jusqu'à nos jours, une quarantaine de désaccords, parfois très-graves entre les peuples, ont été heureusement terminés par la voie de V arbitrage Mais, sauf l’affaire de l’Alabama, cette terrible lutte qui se préparait entre les deux plus grandes puissances maritimes du
- globe, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, sauf cette retentissante affaire, envenimée au début par les vieux ressentiments entre ces deux nations, et dénouée en six jours par l’intervention d’un tribunal arbitral réani à Genève, les autres arbitrages n’ont pas produit un grand éclat. En effet, si la guerre, comme on l’a dit, fait beaucoup plus de bruit encore que de mauvaise besogne, l’arbitrage fait beaucoup plus de bonne besogne que de bruit. Donc, l’arbitrage, en réalité, fontionne, remplaçant, comme une haute justice de paix, la lutte et la haine par la conciliation. C’est presque lui qui devient la règle, et la guerre l’exception.
- [République du Jura.) Gagneur.
- LES FEMMES MILITAIRES
- (Suite)
- La fameuse Ducoud-Laborde servit au 6e hussards, où elle était comme volontaire sous le nom de Breton-Double. Elle gagna les galons de maréchal des logis. A Eylau, elle tua un capitaine russe. A Fried-lan, elle fut blessée grièvement, se pansa elle même, remonta à cheval et fit prisonniers six Prussiens. Enfin à Waterloo, elle vit son mari tué à ses côtés, eut la jambe fracassée, fut amputée sur le champ de bataille et recueillie par un officier irlandais, qui l’entoura de soins respectueux jusqu’à ce qu’elle pût rentrer en France.
- Angélique Brulon, née Duchemin, originaire de Dinan, qui fut nommée sous-lieutenant en 1822, avait servi sous Napoléon comme caporal-fourrier au 42* d'infanterie. Fille, sœur et femme de soldats, elle vit les siens succomber sous les drapeaux. Elle s’est notamment signalée en Corse au siège de Caivi, où, par son sang-froid autant que par son intelligente bravoure, elle put conserver à l’armée une place forte importante. Angélique Brulon a été décorée en 1851.
- Personne n’a oublié Thérèse Sutter, née Figueur, cavalier au 15e dragons, surnommée Sans Gêne, qui sauva la vie d’un officier supérieur, fut blessée et faite prisonnière par les Autrichiens. Pensionnée par l’Etat, elle s’est éteinte, il y a peu de temps, à l’hospice des Ménages.
- Marie Scheliinck est encore une héroïne du premier Empire. Elle a été nommée sous-lieutenant à Iéna, puis blessée. Elle a passé par tous les grades.
- 11 y eut aussi le Joli Sergent du 27e de ligne, Virginie Ghesquière, décorée de la Légion d’honqçur pour un haut fait d’armes.
- Les journaux ont annoncé la mort récente d’une survivante de la Grande-Armée. Elisabeth Haizler, une alsacienne qui, pour suivre son mari, avait servi comme dragon dans l’armée française. Le frêle conscrit, cheveux coupés sous le casque, alla ainsi jusqu’à Moscou, A l’immortel passage de la Bérésina, Elisabeth Hatzler dut rester en arrière de l’armée, parce que son mari,- alors officier, avait reçu une blessure grave. Elle l’emporta en traîneau durant plusieurs jours ; mais ses efforts demeurèrent sans fruit, car le couple fut fait prisonnier par les Cosaques. Revenue en France deux ans après, en 1819,
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- Elisabeth Hatzler perdit son mari. Elle partit en Amérique et s’y fixa ; elle est morte à Philadelphie, âgée de quatre-vingt-onze ans, dans toute la plénitude de ses souvenirs douloureux.
- On me cite Marie Fetter, ancienne cantinière, qui vivrait encore et habiterait au -numéro 3 de la rue des Martyrs. Elle a assisté aux batailles de Leipzig, de Dresde, de Wagram et d’Austerlitz, où elle s’est fait remarquer par son abnégation et son courage. Naroléon III lui servait une pension sur sa cassette. Si Marie Fetter existe encore et qu’elle soit dans le besoin, pourquoi n’a-t-elle pas sa place, elle aussi, aux Invalides ?
- Nous voici progressivement arrivés devant le troisième bataillon, le bataillon des héroïnes contempo -raines.
- Une dame Régis, de Clamecy, recevait la croix en 1849 pour son énergique résistance à l’émeute. Un fait analogue, la défense d’une mairie du département du Cher, valait la même récompense à Mme Abicot.
- Les premières campagnes d’Afrique ont leur petit contingent féminin; le nom de Veuve Perrot me vient aussitôt à la mémoire. Cette brave cantinière fut blessée et décorée sur le champ de bataille.
- Sous le second empire, les guerres fréquentes révélèrent l’existence dans les rangs de nouvelles braves. Plus heureuses que leurs devancières, celles-ci durent pouvoir être signalées toutes et recevoir soit la croix, soit la médaille militaire. Annette Drevon eut la croix, en qualité de continière au 32e de ligne, et au 2e zouaves ; elle illustra son nom à Magenta; elle est aujourd’hui dame de la Halle, à Paris.
- A elles seules, les suivantes, titulaires de la médaille militaire, forment une compagnie d’élite : Mme Bourget, du 1er tirailleurs algériens, médaillée en Afrique ; Marguerite Calvet, née Gith, lyonnaise, du 1er zouaves, médaillée pour sa belle conduite à Solférino; Mmes Rossini et Gros, appartenant à la garde impériale, blessées, la première à Palestro, la seconde à Magenta; Mme Trimoreau, du 38 zouaves, et Mme Malher, du 34* de ligne, médaillées pour avoir combattu comme des troupiers aguerris : Jeanne Bonnemère, que me signale M. Bonnery, née en 1806 dans le Lot-et- Garonne, cantinière au 21e de ligne, a fait les campagnes de Crimée et de 1870, décorée de la médaille militaire, de la croix de Med-jidié, etc., connue surtout pour avoir avalé une dépêche militaire qu’elle s’était chargée de porter, au moment où les Prussiens assaillant Paris, s’emparaient d’elle; celle-ci vend des fleurs aux Halles de Paris; n’omettons pas surtout sœur Grégoire, blessée en Crimée, amputée au bras gauche, connue dans les hôpitaux militaires sous le doux sobriquet de maman Chocolat ; sœur Grégoire, morte en 1874, allait recevoir la croix.
- La guerro de 1870-71 n’a-t elle pas mis au plein jour de fort courageuses femmes. Trois cantinières de la garde nationale, Mmes Petitjean, Philippe et Eugénie Renom, portent la médaille gagnée pendant le siège de Paris*
- A tous ces fiers noms, il convient d’ajouter les suivants : Mme Louise née Beaulieu, engagée comme aide-major et récompensée insuffisamment par une médaille de Te classe ; Mme Breucq, cantinière aux éclaireurs à cheval de la Seine, à qui l'Académie française a décerné un prix Montyon ; Mme Massey, engagée volontaire, blessée au feu ; Mme Augusta d’Hennezel, actrice sous le nom d’Augusta Colas,
- blessée au plateau d’Avron ; Mlle Laurentine Proust, dite Vheroine de Chateaudun, qui, sous les obus allemands, approvisionna avec diligence les défenseurs des barricades.
- Le lecteur a déjà ajouté, j’en suis sûr, le nom de Mlle Juliette Dodu, employée au télégraphe eu 1870, décorée, médaillée et fêtée comme il convenait pour sa mâle et patriotique tenue dans l’exercice de ses fonctions. On murmure aussi, avant que je l’écrive, le nom de Julienne Jarrethoul, dite la Mère des volontaires, ancienne cantinière des francs-tireurs de la Savoie, Bretonne pleine de cœur, qui, au Bou-get, a accompli une action d’éclat sanctionnée par le ruban rouge.
- Je ne saurais manquer d’ajouter à ses éclatantes personnalités celle de Mlle Lix, ex-capitaine des francs-tireurs des Vosges. Puis-je reléguer dans mes notes le nom de Mme veuve Louise Imbert, qui, au péril de sa vie, a traversé plusieurs fois les lignes prussiennes, pour porter des dépêches dans Metz assiégée.
- Etc., etc., etc.
- (A suivre).
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- Ce volume met en lumière le rôle des pouvoirs et des gouvernements, le principe des droits de l’homme, les garanties dues à la vie humaine, le perfectionnement du suffrage universel de façon à en faire l’expression de la souveraineté du peuple, l’organisation de la paix européenne, une nouvelle constitution du droit de propriété, la réforme des impôts, l’instruction publique première école de la souveraineté, l’association des ouvriers aux bénéfices de l’industrie, les habitations ouvrières, etc., etc.
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- 8e Année, Tome 8, - a° 284 numéro hebdomadaire 20 t, Dirtianche Ï7 Février 1884
- LE DEVOIR
- REVUE DES OUESÏIONS SOCIALES
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
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- 5,r.Neuve-des-petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES ET POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1. — Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. —Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- 4. — Organisation du suffrage universel par l’unité de collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement général à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile ;
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens ;
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter ;
- La représentation par ies supériorités.
- 5. —- Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues par le suffrage universel.
- 6. — Egalité civile et politique de l’homme et de la femme.
- 7. — Le mariage, lien d’affection.
- Faculté du divorce.
- 8. — Education et instruction primaires, gratuites et obligatoires pour tous les enfants.
- Les examens et concours généralisés avec élection des élèves par leurs pairs dans toutes les écoles.
- 9. — Ecoles spéciales, nationales, correspondantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- 10. — Suppression du budget des cultes. Séparation de l’Eglise et de l’Etat.
- 11. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 12. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- 13. — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatérale à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dans une juste mesure, retour à la société qui a aidé à les produire.
- 14. — Organisation nationale des garanties et de l’assurance mutuelles contre la misère.
- 15. — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 16. — Liberté d’association.
- 17. — Libre échange entre les nations.
- 18. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 19. — Abolition de la guerre offensive.
- 20. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 21. — Désarmement européen.
- 22. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire.
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- LE DEVOIR
- SOMMAIRE
- Le droit d'hérédité. — Neutralisation. —* Adhésion à la Ligue de la Paix, — Abolition des impôts. — Les revenus et les impôts en France. — Un autoritaire. — Un sophisme. ~~ Préceptes et aphorismes. — La question ouvrière. — Faits politiques et sociaux. L'Habitation unitaire. — Les Professions en France. — Les femmes militaires. — Cours d'adultes. — Théâtre.
- AV JKSSi
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement h titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l'administration fait présenter une quittance d'abonnement.
- Divers projets financiers basés sur l'hérédité de l'Etat et de la Commune étant à l'étude dans le Conseil municipal de Paris, l’administration du Devoir fait parvenir régulièrement à chaque conseiller les numéros contenant des articles relatifs à cette importante question.
- LE DROIT D’HÉRÉDITÉ
- Nous demandons l’application d’une législation spéciale sur les héritages, afin de procurer à l’Etat les ressources nécessaires à rétablissement de la Mutualité nationale contre la misère.
- N’ayant pas l’intention de duper les travailleurs à la manière des politiciens qui promettent en même temps améliorer la situation des classes laborieuses et diminuer les charges publiques, nous n’avons aucune peine à déclarer que les grandes réformes demandées par les socialistes ne peuvent s’accomplir, si l’on ne veut convenablement doter les institutions nécessaires. Mais il est possible et urgent de procurer à l’Etat ces ressources sans grever le travail, en les prélevant sur les fortunes acquises, après la mort des citoyens riches.
- Nous préconisons l’adoption d’une loi faisant l’Etat héritier dans toutes les successions, à raison de 0 à 50 0/0 dans les successions en ligne directe suivant j l’importance des héritages, et de 50 0/0 sur les héri- ! tages par testament et en ligne collatérale. i
- C’est une atteinte au droit d’héritage, nous objecte-t-on généralement.
- Nous prouverons que cette modification procurerait des avantages à tous les citoyens.
- Les fanatiques de la conservation des lois actuelles sur l’héritage sont incapables de soutenir rationnellement leurs prétentions.
- D’abord, la législation ne pose pas le droit d’héritage en principe absolu puisqu’elle intervient pour fixer les degrés de parenté et pour établir une échelle variable des droits à payer à l’Etat. Il n’est donc pas nécessaire de sortir de l’esprit du code pour diminuer le nombre des degrés de parenté donnant droit à un héritage ou bien pour augmenter les prélèvements perçus par l’Etat.
- Nous avons peu de goût pour le casuisme juridique, nous n’en dirons pas davantage en ce qui concerne l’héritage et le code.
- Le grand argument des défenseurs de l’héritage est que l’homme, qui a acquis une grande fortune par son travail, doit être libre d’en disposer selon son bon plaisir.
- Le droit d’hérédité de l’Etat, tel que nous en avons défini l’application, n’est pas en opposition avec cette manière de penser. Car il faut distinguer que le travail de l’homme le plus habile serait impuissant à édifier une grande fortune, s’il était privé du concours de la population et de l’usage des services publics.
- Si l'on faisait la part du travail et de celle des circonstances indépendantes de l’intervention du possesseur, dans la plupart des cas de grosses fortunes, on trouverait certainement plas de 50 0/0 revenant aux utilités gratuites ou au travail des autres.
- L’an dernier, à Paris, près de la Bourse, on a vendu 3,000 francs le mètre carré un terrain couvert d’un bâtiment moitié usé et dont le prix de revient était par conséquent moitié amorti.
- Ce terrain avait coûté, il y a un demi-siècle 150 fr. le mètre carré, le prix de revient des constructions édifiées sur ce terrain augmentait le prix d’achat du terrain de 400 francs par mètre. Le travailleur qui avait fait cette opération avait donc donné une quantité d’épargne représentant 550 francs de travail. Nous avons dit qu’au moment de la dernière vente la moitié des frais de constructions avait été amortie ; chaque mètre carré ne représentait plus alors que 350 francs d’épargne. En vendant 3,000 francs le mètre carré, on a donc vendu pour 2,650 de valeur apportée par le concours de la population et des services publics ; cela fait près de 89 0/0 de la valeur totale.
- A Paris encore, il se trouve sur la croupe de la
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- butte Montmartre 100,000 mètres de terrain, achetés il y a dix à douze ans 25 francs le mètre carré; les propriétaires refusent de les céder au prix de 150, Ceux-ci n’ont cependant fait aucuns travaux; cette plus-value résulte uniquement de l’intervention du service public de viabilité de la ville de Paris qui a dépensé quelques millions pour faire construire au travers de ce terrain de magnifiques chaussées, A la mort de cas propriétaires, l’Etat, viendrait-il à élever le droit d’bôrédité à 80 0/0, il ne reprendrait pas la totalité de la valeur résultant uniquement du concours social,
- Pans une localité, c’est une route, dans une autre, c’est un chemin de fer, ailleurs c’est l’établissement d’une industrie qui fait hausser considérablement la valeur des propriétés, et toujours les défenseurs de l’héritage ne cessent de répondre que l’Etat n’a pas le droit d'empêcher un citoyen de librement disposer des résultats de son travail, sans s’apercevoir qu’ils défendent le privilège de quelques-uns à bénéficier gratuitement du travail de tous.
- On dirait même à entendre les conservateurs que les fortunes sont proportionnelles au talent , aux capacités et au travail des individus; tandis que la moyen le plus sfir pour une famille de conserver sa fortune, de génération en génération, par l'effet des successions, est de ne rien entreprendre et de vivre dans la paresse,
- L’industriel, le commerçant, le banquier le spéculateur rencontrent souvent sur le champ de la concurrence des adversaires redoutables ; la faillite et la ruine sont souvent le partage des plus vaillants. Mais le propriétaire qui a loué ses fermes, ses maisons, par de longs baux, le rentier qui a placé ses capitaux en bonnes rentes perpétuelles, ceux-là et leurs rejetons jouiront à perpétuité des avantages de la fortune, pourvu qu’ils observent la seule règle de proportionner leurs dépenses à leurs revenus.
- Un industriel, travailleur, instruit, va se donner beaucoup de peine pour organiser une grande fabrique ; à sa mort, elle sera pourvue d’un personnel laborieux, connaissant à fond tous les détails de la spécialité ; l’héritier pourra être ignorant des pratiques professionnelles, ne point s’occuper des affaires, habiter loin de son usine, les capacités et le travail ées chefs de services maintiendront l’industrie prospère ; et ce paresseux pourra léguer cet héritage à d’autres paresseux, tandis que les véritables travailleurs, recevant des appointements suffisant à leurs besoins journaliers, ne pourront léguer à leurs héritiers d’autre fortune que le souvenir de leurs capacités et de leur assiduité au travail.
- Dans la bourgeoisie, l'héritage est un véritable
- privilège pour une partie des classes dirigeantes ; et rarement ce privilège est basé sur la valeur véritable des hommes.
- Nous avons parlé de la possibilité pour les pares* seux de pouvoir conserver indéfiniment les avantages d© la fortune. Qui osera soutenir que l’organisation sociale permette l’héritage aux castes qui concourent le plus activement à la défense et à la conservation de l’ordre présent ?
- Dans le métier militaire, le jeune homme doit beau, coup travailler pour subir les examens des écoles spéciales, plus tard il sera contraint de porter un costume qui 1© désignera à l’attention publique;il ne pourra jamais faire un voyage sans demander une per. mission; il devra, chaque jour, è des heures déterminées, faire acte de présence auprès de ses chefs ; sur l’ordre d’un ministre fi ira se faire tuer bêtement au Tonkin, pour faire grossir les héritages des exportateurs ; s’il contracte un mariage, ses appointements lui permettront à peine de pouvoir vivre ; et, lorsqu’il aura vécu trente ans de cette existence, il sera peut-être colonel ; ses appointements seront de 7 ou 8,000 francs, de 10 à 15 s’il est devenu général ; mais ses dépenses obligatoires auront augmenté avec son élévation dans la hiérargie militaire ; après sa mort, ses héritiers seront heureux de trouver suffisamment pour payer les comptes courants.
- Dans l’enseignement, la plus noble, la. plus utile et la plus laborieuse des carrières, les professeurs de faculté, souvent, ne sont pas rétribués plus de 5 ou 6,000 francs ; et leur situation leur impose l’obligation de vivre dansées villes et d’observer un certain décorum. De quoi, et de combien hériteront les fik, les neveux et les cousins de ces hommes supérieurs ?
- Les magistrats, dans les grands centres, ne peuvent pas davantage économiser une partie de leurs appointements sans s’exposer à démériter l’attention du gouvernement par un genre de vie trop modeste.
- On nous objectera que tous ces citoyens font généralement des mariages avantageux.
- Ces unions basées sur des considérations d’un ordre aussi bas, de quel nom qu’on les appelle, de quelles cérémonies qu’on les accompagne, sont simplement une des formes de la prostitution, nous dirons même la plus grave, car rien n’est plus immoral que l’intervention de la loi, des officiers publics, et les hommages de tous accordés à des hommes qui abaissent l’acte le plus élevé de la vie du citoyen au point d’y mêler tous les courtages et tous les marchandages d’un contrat commercial,
- Cette conséquence directe de la passion des héri-
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- tages a pour cortège toutes les immoralités d’une société, où l’on trouve des magistrats pour les commissions mixtes, des officiers pour commander les fusillades des citoyens révoltés au nom du droit contre les gouvernements qui ont acheté l’armée.
- Il faut pourtant reconnaître que le plus grand nombre des défenseurs des institutions présentes, malgré leur corruption et leur volonté de se prêter à toutes les bassesses par amour de l’héritage, s’épuisent en efforts stériles sans pouvoir réaliser les projets, mobiles de toutes leurs actions.
- Si notre génération était capable de réflexions sérieuses, elle comprendrait bientôt que son culte pour l’héritage est une utopie, que, plus des neuf dixièmes de ceux qui sacrifient honneur, dignité et indépendance à cette foi menteuse, meurent la proie de la misère,ne laissant d’autre héritage à leurs proches que ces vaines croyances qui ont été cause de leur dénuement.
- L’Hérédité de l’Etat, telle que nous la demandons, pour alimenter la mutualité nationale, rétablira l’héritage selon ses véritables données. Elle aura pour conséquence l’héritage social, l’héritage pour tous. C’est l’héritage obligatoire.
- Nous considérons comme obligatoire pour notre génération d’organiser en faveur des générations à venir, des institutions sociales devant donner des garanties au travailleur, réunir au profit de l’enfance les soins indispensables à son développement intégrai, assurer un minimun de subsistance aux familles nécessiteuses, permettre de soigner les malades, et servir des pensions de retraite aux vieillards et aux victimes des accidents.
- Ce n’est pas une utopie que nous proposons, puisque toutes ces institutions fonctionnent largement au Familistère.
- Lorsqu’on aura institué cet héritage au profit de tous les citoyens, sans aucune exception, les hommes auront commencé à comprendre les véritables lois de la vie; car ils auront soustrait la vie humaine au mal de misère, et les sociétés n’auront plus à craindre les éventualités qui peuvent surgir d’une coalition des déshérités.
- Ces institutions seront aussi profitables aux citoyens riches qu’aux déshérités de l’heure actuelle.
- Nous demandons aux hommes qui possèdent la fortune, à ceux qui ont un certain âge, de récapituler le nombre des possesseurs de beaux patrimoines qu’ils ont vu devenir pauvres ; et qu’ils se disent ensuite, s’il n’aurait pas été préférable pour ces victimes de la concurrence ou de la mauvaise éducation d’avoir reçu un héritage
- réduit de moitié, sous condition de trouver à l’heure de la défaite et du malheur les institutions comparables à celles du Familistère. Qu’ils réfléchissent enfin que leurs descendants eux-mêmes ne sont pas à l’abri de ces ruines, conséquences de notre mauvaise organisation.
- Les travailleurs du Familistère ont droit après 25 ans de travail, ou bien à la suite d’un accident, à une retraite de 2 francs par jour; lorsqu’ils sont malades, eux ou les membres de leur famille,ils sont convenablement et gratuitement soignés à domicile, sans qu’il y ait suspension du salaire ; les jeunes enfants trouvent à la nourricerie tous les soins nécessaires. •
- Yoilà un héritage qu’il faut rendre possible pour tous ; et on ne pourra atteindre ce résultat sans établir la participation de l’Etat à toutes les successions ouvertes en France.
- Si cette institution existait à cette heure dans toutes les nations de l’Europe, en n’entendrait personne se plaindre du chômage et de la surproduction, la consommation générale serait un débouché plus puissant que les entreprises coloniales. Ainsi, seraient calmées les justes colères d’en bas; ainsi, disparaîtraient les terreurs justifiées d’en haut.
- de l’ÂIsace-Lorraine
- On lit dans la République du Jura :
- Les puissances européennes, toutes monarchiques, sauf la Suisse, se disent naturellement : La France est en république : mauvais exemple. La France reprend ses allures guerrières en allant partout batailler. Elle arme et discipline la jeunesse, les Parisiens couvrent de fleurs la statue de Strasbourg et accueillent fort mal les monarques : mauvaises tendances.
- Eh bien ! puisque la Prusse prend pour une menace le simple attachement naturel que conserve la France pour l’Alsace et la Lorraine et l’agitation superficielle causée par deux ou trois journaux prus-sophobes ; puisque c’est là la cause principale de ces inquiétudes, de cette paix armée, presque aussi désastreuse que la guerre, de ces armements formidables et indéfiniment progressifs que font toutes les puissances afin de parer à toutes les éventualités, il est nécessaire que le gouvernement français accentue une politique asseznettement pacifique pour dissiper toutes les méfiances et toutes les équivoques.
- Or, la seule solution acceptable pour l’Allemagne et populaire déjà en Alsace et en Lorraine, consiste-
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- rait à neutraliser ces deux provinces par un congrès des nations européennes, lequel déciderait le désarmement général.
- C’est ainsi que les trois petits Etats neutralisés : la Suisse, l’Alsace Lorraine et la Belgique, échelonnés entre la France et l’Allemagne, leur serviraient à toutes deux, comme on dit en mécanique, de tampon. Ce serait pour la première fois peut-être que les faibles protégeraient les forts.
- Gagneur.
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- Nous recevons dix adhésions à la Ligue de la Paix accompagnées de déclarations précises signées par chacun des adhérents ;
- Voici la formule adoptée par les nouveaux adhérents :
- Je soussigné,
- demeurant à Allègre (Haute-Loire) déclare adhérer aux«principes formulés dans le manifeste publié parle journal Le Devoir, n* du 6 Janvier 1884, au nom du comité parisien de la Ligue de la Paix internationale pour l’arbitrage.
- Les signataires sont MM. Guelle Alfred ; Pagès-Rebeyre, propriétaire ; Parent Régis, propriétaire ; Martin Jean-Baptiste, propriétaire ; Cuoq Jacques, propriétaire ; Ruiller Camille ; Laurent Benoit, négociant; Coiffler Camille, propriétaire ; Defillies Honoré, négociant ; Coudert Victor, négociant.
- Ces adhésions dùes à la propagande d’un de nos correspondants sont une preuve de ce que peuvent les hommes de bonne volonté qu?\ savent conformer leurs actes à leurs inspirations.
- Si chacun de ceux qui désirent le maintien de la paix, par conviction ou par intérêt, voulait suivre l’exemple des honorables habitants d’Allègre, le désarmement Européen serait un fait certain à brève échéance.
- Nous publierons dans notre prochain numéro un article du journal Le Nouvelliste de l'Est qui prouvera à nos lecteurs que le projet de Neutralisation est favorablement accueilli par l’opinion publique.
- Abolition des Impôts et du Paupérisme
- « Les impôts qui pèsent sur le pauvre pour épargner le riche sont des impôts d’iniquité sociale, et l’iniquité est d’autant plus grande que la société doit le nécessaire à ceux qui ne l’ont pas. »
- Ainsi parle Godin, le grand apôtre du socialisme, dont nous reprenons aujourd’hui la proposition de loi pour en achever l’examen.
- . Du livre entier émane l’élévation des sentiments, la pensée est toujours rendue avec une admirable lucidité.
- De Godin on peut faire cet éloge, mérité de si peu d’hommes : Il dit ce qu'il pense et il le dit de la façon la meilleure.
- Godin veut que nul impôt ne soit établi sur ce que la nature donne à l’homme pour qu’il en fasse usage.
- Faciliter, au contraire, cet usage ; c’est là ce que prescrit la loi de l’humanité. »
- Il est impossible, selon l’illustre français, d’obtenir la paix et la sécurité sociales si l’on ne prend pour base la justice.
- Et la justice est une parole vide de sens si elle ne consiste à faire que la vie ne soit amère à personne.
- Alors Godin dit à l’Etat ou mieux aux Chambres à qui il adresse sa proposition de loi :
- « Ne taxez pas le sel parce que tout le monde en fait usage.
- « Ne taxez pas les aliments, parce qu’ils sont indispensables au peuple.
- « Ne taxez pas la lumière, parce qu’elle est nécessaire à tous.
- Ne taxez pas les matières premières, parce que le travail de l’homme est obligé d’en faire usage.
- « Ne taxez rien enfin de tout ce dont la vie humaine est appelée à se servir pour remplir la mission vivante qui lui est confiée.
- « Ne taxez rien des dons de la nature, soit qu'ils viennent des entrailles de la terre, du fond de la mer ou des produits du sol, car ils sont nécessaires à la vie humaine.
- « Ne taxez rien du travail de l’homme, qu’il soit le produit de ses mains ou de sa pensée. »
- Abolir tous les impôts qui pèsent sur le travail et sur les choses de première nécessité ; rendre abondante la production ; faciliter l’épargne ; faire disparaître les vestiges des taxes qui grèvent le nécessaire à l’existence, tel est le moyen de mettre fin aux dernières iniquités de la politique.
- Quand un pays fait la guerre, au lieu d’en jeter le poids sur la richesse publique, on en écrase le travail.
- En France, après la guerre de 1870, les détenteurs du capital se sont enrichis des malheurs de la nation. L’Etat leur a emprunté quatre vingts francs pour un titre de cent francs et l’intérêt de cet emprunt est prélevé sur la consommation générale ; c’est l’ouvrier, c’est^le travail qui, aujourd’hui, paye, par l'impôt indirect, un milliard cinq cents millions pou* les frais de la guerre fatale.
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- ÎÔ2
- L’iiijusiice est patenté. En Erânëe, TËcai soutire dé deUx k quatre cents francs d’impôts ihdiréctsàîà
- Là propriété urbaine bâtie, qui rapporte 2,000,000,000 paye âu Trésor 79,000,000 d’impôt foncier êt
- famille de l’ouvrier qui n’a que le salaire pour vivre. Que fait-il payer à qiii possède céüt mille francs, à Qüi possède Un million, a possède là richë&sé sans mesure ?
- Comparativement rien i
- L’Ouvragé dë GodlH, nous Pavons dit, se termine par une proposition de loi comprenant environ 40 àr-llclës. dette proposition a pour but dë bréer iës ressources nécessaires à l’amelioration du sort des classes iàbôriéusès, en instituant ie droit d’hérédité de l’Etat et ën féformânt lés impôts.
- Elle ne modifie en rien le droit de propriété ni cëlhi de disposer librémént 'de la chose pÔsSédëë.
- « Lês héritiers qui entrent en possession en qualité de propriétaires sont exempts d’impôts sur lès biens Qui leur échoient ; maïs ils sont passibles du loyer ou de la rente ehvërs TËiàt comme le fermier Qui lôüë â bail.
- « L’Etat devenant propriétaire par droit d’héritage ne se fait éri aucune façon exploitant ; il touche seulement le revenu des biens qu’il donne à bail ou â fermë, âinSi que ceux des capitaux qu’il réalise par les ventes et qu’il convertit en rentes, il remboursé âifasi là dëtté publique et àppiiqUë ensuite la renté êt lëè revenus au profit de l’àssuràrice du peuplé côntr'è Tindigèânce, jusqu’à ce quë ses reve-ilîih soient suffisants poiir remplacer enfin les derniers impôts. »
- « Il Seëolo. »
- LES REVENUS & les IMPOTS EN FRANCE
- Le total des revenus français} d’après les économistes lès moins enthousiastes, sont évalués à 25,000,000,000.
- Sur un revenu de 2,845,000,000 la propriété agricole paie 706,500*000 d’impôts* soit 24,83 0/0;
- On a, eomffie retenus de là propriété mobilière, 1,350,000.000 d’intérêts de la dette publique; 45;00ô*000 d’intérêts des fohds 'déposés à la bàiése d’épargne et à la caissedes dépôts et consighatibiiS; 840,000,000 proviennent des valeurs étrangères et des valeurs non côtëêS; 750,000,000 dé retenu des créances hypothécaires-, dt 1,000,000*000 dé rëvefitt des créances chirographaires. Le total ést ddhe dé 3,945,000,000.
- L’impôt payé par ces diverses Valeurs s*élève à 110,000,000 de droits de ventes, dé successions OU. ^trest et50;0ü0;000 de droits de timbre ; Ce qiii Fait soit 4 0/0 du revenu.
- 47,000,C00 de portes et fenêtres ; 1,800,000 fràücS dë taxé Sur les biens de main-morte ; 73,000,(300 de contributions personnelles et mobilières; i4O,00O,OÔ0 d’énregistrement et de timbre, ce qui fait iih total dë 340,000,000, soit 17 0/0 de son rëveriü.
- La propriété industrielle et commerciale së compose des revenus des valeurs mobilières soumises â l’impôt de 3 0/0,1,600,000,000 ; des bénéfices des commerçants et des industriels, estimés à 1,040,000,000 ; ët de lOOjOOOjOdO dé reVeriitë des bffibës ministëHêls. Voici les charges de cëtté propriété : 158,000,000 de patentes ; 2,500,000 fràiics de redevances ; 13,000,000 de prestations ; 4,700,000 pour îel pdids et mesures ; 36,000,000 de droits de transferts ët fié transmissions ; 47,000,000 d’enregistrement et de timbre ; 48,000,000 d’impôt 3 0/0 sur la revenu;
- Gette propriété, pour un revenu total de 2*740,000,000 paie donc 358,000,000, soit 13 0/0.
- Le total des salaires, des appointements* des traitements est de 15,000,000,000. Les impôts indirects provenant de cette source s’élèvent à 1;940,000,000, soit à 7 0/0î
- UN AUTORITAIRE
- Dans sà séance 'dû 6 février cdübant, le conseil ffiUnicipàl de là ville déduise, âp¥ès â'v'dir voté les brëdits nécessaires aiix. écoles de garçons Qüi sorit dirigées par des instituteurs laïques, à dû, pour mettre enfin en demeure Tadmihistràiion de laïciSet les êcolefe de filles, refusëb de votër lê budget pdur ces écoles. Ce refus à été la cdhséquencë du mauvais Vouloir quë l’administràtion ii’a cèssé de montrer, depuis plus de deux années, pour donner satisfaction aux vœux renouvelés du conseil.
- En effet* dans sa réunion de 1882, le conseil sur la présentation des crédits des écoles avait voté la motion suivante qui se trouve au procès-verbal :
- « Tous les crédits ci-dessus sont adoptés, à l’una-« nimité ; mais, à l’égard des écoles des filles et de « la salle d’asile, l’augmentation n’a été votée qu’à « là bOUditiOh expresse, QUô lë pérsbhnel 'ëiiSéigfidht « serait exclusivement laïque. Pour 1S82, le statu « quo est maintenu. *
- Le conseil, conÛànt dans les promessëë qui lui avdieût été faites, pensait que Tannée scolaire 82-83 verrait s’effectuer le changement.Rlènhe se fit,àuési, pendant la session de févrieb 1883, le cdnseiî se voyait dans l’obligation de rénouvelér sdn Voté et prenait une nouvelle délibération ainsi boriêuë :
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- « Le conseil,après en avoir délibéré) désirant met-« tre fin â cèt état de chose, déclare lie Vôter l’aug-« mentation pour l’école des filles, qu’à la condition « que le personnel enseignant serait exclusivement « laïque èî fixé ainsi qu’il suit lés dépéiiSéS phur « 1884, etc. »
- Après avoir émis ces deux Votés, â unè àhttéé dé distancé, le conseil était en droit d’attëtidfe que l'administration agirait.
- La mise en demeure ne pouvait être plus claire, il était impossible au conseil dé manifester pitié nettement sa volonté. Mais il avait compté Sans la fii&ti-vàisé volonté administrative qui paraît décidée â continuer de verser aux bonnes ScéiifS les fdndë Vôa tés pour dés institutrices laïques, ce qiii constitue un abus dé pouvoir au premier chef. Ün ëëtil moyen restait au conseil, et il en a usé en refusant de Vofëf les crédits qu'on lui dëMàhdàit à nouveau dans sa dernière réunion,toujours avec promèSSé de laïciser.
- Monsieur le ifiairë, tout â ià discitétioii préfectorale, àpfès âvbii* essayé de Cônvâincfë un collègue qu’il était nécessaire dé Voter lé Crédit, a eu beâü menacer lé conseil déS foudres préfectorales, — riëH ïi’à pu le faire devenir Sur Sa déCiSidn, ët le crédit a été bel et bièfi rëfùsê.
- La préfecture le rétâblirà-t-ëllë suffis tëüii* cütoptë des vœux et dé la voîdhté êipfiifiêS par trois fois.
- Et oserâ-t-on, ëfi République, Continuer à ctffiflef l’ihstffiction des ènfâfitS UUt pifeS ëhnëmis de lâ liberté ?
- En agissant ainsi, la préfecture pourra dohüéf Satisfaction â i’àutOritarismë dii cOfisëiiier qu’ëüe a délégué â l'administration dë là ville dé (Mifeë ; mais lès électeurs, qui payent peur qû’Oh lëS Servô ët non qu’on les dirigé,auront le droit dë ÜbÜtirlUôt* à protester.
- UN SOPHISME
- Monsieur Leroy Beaulieu apprécie ainsi qu’il suit le rôle de l’Etat dans un article publié dans lé Journal des Débats, à l’occasion de la nomination de la commission d’enquête :
- « Si l’Etat veut être utile au pays il n’a qu’à fairé amende honorable, reconnaître les fâüiës si riom-bfeüs'éS qii’il a comtoises depuis Cifiq à èi& ahs-, ne pas reprendre les errements de 1848, pour lesquels il semble depuis quelque temps éprouver trop d’inclination. Ce. qui dépend du gouvernement ët dii Parlement) c'est de rétablir en France ce qui est ébranlé, la confiance ; il lui faudra beaucoup d’ef-foits pour y parvenir ; car on se défie chaque jour davantage de sa prodigalité, de son itoprévôyâhCe et dé sbn pèhehafit pOUr le èoCialiSifié d’Etat*.
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- Le Savant économiste des Débats a tort de soutenir que le gouvernement reprend les errements dé 1848^ 11 dévrait dire, pour apprécier exactement quô l'Etat est atix prises avec des complications analogues à celles qui firent succomber la deuxième répu« blique. S’il y a quelque Chosë dé repris à cette heure) c’ôst l’Etat et non les errements de 1848, qui sont inséparables des pléthores économiques, lorea qU’on cherché â lès résoudre saris recourir aux procédés criminels dë Napoléoâ III.
- La république de 1848 fi’êSt pas venue spontané* ment. Ceux qui vont âu fond des choses savent bien qu’elle est sortie du mécontentement populaire) provoqué par la période de surproduction relative constatée pendant les dernières années du règne dé Louis-Philippe, car nul ne prétendra que la répu« bliqüë dé 1848 Soit née de la conception par la masse des idées républicaines.
- Après la fugue dé Louis-i?hilippë> les républicains aüx prises avec les mêmes causes de mécontente» mëntj malgré leur ferme volonté d’améliorer là si» tüâtion des classes laborieuses, furent impuissants) soit parce qu’ils ne comprirent pas que le malaise avait son origine dans l’institution du salariat) soit parce qu’ils n’dsèrent pas attaquer cette base de l’ordre bourgeois.
- Il fallait sacrifier le peuple ou bien instaurer la République sociale. Trop hdhnêtes pour se résigner au pretoier parti) trop timides et probablement trop ignorants — car lés convictions positives élèvent les cœurs — les républicains de 1848 cherchèrent vaine-1 ment à concilier deux faits qui étaient arrivés au point où la conciliation n’était plus possible.
- ImphiéiBïUltâ à fésoàdfé le prOblèiâê économique, les gouvernants de 1848 dûrent céder la place à Napoléon III qui n’üésitâ pas devant la solution négative : les proscriptions, les exécutions sommaires purent maintenir les affamés dans la terreur) jusqu’à ce que l’empire eut pu trouver son salut dans les débouchés procurés au travail par la construction de nos grandes lignes et par les destructions, conséquences des guerres lointaines ; en même temps ces diverses entreprises donnaient au capital les bons placements que doit lui procurer tout bon gouvernement conservateur.
- Mais, encore une fois, le génie du progrès donna les moyens de produire plus qu'il n’était permis au peuplé dë Consommer ; âldrfe, lës mécontentements se manifestèrent dê nouveau-, et l’Empire chercha üh dérivatif dans là gtteri*e franCôaaUemandë) qui le fit disparaître âvëc les difficultés économiques qui avaient poussé le gouvernement â cette folle entre* prise.
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- Voilà pourquoi la troisième république a eu une douzaine d’années de calme, avant de se retrouver en face des complications analogues à celles qui entouraient la république de 1848 dès la première journée de son installation.
- Que va faire le gouvernement ? S’il écoute les sophistes, c’est bientôt le peuple affolé capable de toutes les fautes que peut suggérer la faim. S’il ne pousse le principe des errements de 1848 et s’il ne les perfectionne, il n’échappera pas longtemps aux conséquences de l’engorgement de la production, qui l’enserreront bientôt de toute part.
- Il n’y a pas de conciliation possible entre l’ordre d’hier et d’aujourd’hui, le salariat, et l’ordre de demain, dont la société est grosse, l’association. On peut seulement préparer la transition et mettre la société en situation d’enfanter bientôt le fruit qui la trouble aussi profondément.
- Rétablir la confiance! A l’intérieur, l’industrie privée suspend le travail et diminue les salaires, celà équivaut à la diminution des débouchés ; à l’extérieur, toutes les puissances subissent les mêmes embarras. Et les économistes qui, mieux que personne, connaissent cette situation, demandent aux pouvoirs publics de ne pas intervenir pour procurer aux travailleurs les salaires que les industries privées ne peuvent leur payer ! Procéder ainsi est à coup sûr rétablir la confiance des prétendants.
- Rétablir la confiance ! c’est un mot bientôt dit ; et la chose ne serait point difficile s’il ne fallait que de la salive d’économiste.
- Préceptes et Aphorismes sociaux
- XXIX
- Les hommes qui ambitionnent le gouvernement en vue de leurs satisfactions personnelles sont des hommes dangereux, capables de sacrifier à leurs convoitises Vintérêt des citoyens.
- Les hommes véritablement dignes de gouverner les autres sont ceux qui envisagent le pouvoir comme un moyen de travailler au bien de la vie humaine, c’est-à-dire au bonheur et au progrès des autres hommes.
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- Les numéros du Devoir contenant des articles sur la C2fcu.esti.011 ouvrière sont envoyés gratuitement aux députés ayant pris part aux débats sur la situation économique, et à leurs collègues qui ont l'habitude de s'occuper des lois sur le travail.
- LA QUESTION OUVRIÈRE
- III
- A côté des journaux, se donnant les apparences d’étudier la partie théorique de la situation économique, il s’en trouve d’autres affirmant l’intensité de la misère ouvrière et demandant à tout prix que l’on adopte quelques projets de grands travaux publics.
- Ces publicistes n’étendent pas leur sollicitude au-delà des fortifications de Paris. Ils s’efforcent d’amener l’opinion à faire pression sur les pouvoirs publics pour obtenir :
- 1° La construction de logements à bon marché ;
- 2° L’édification d’un Palais de Cristal à Saint-Cloud ;
- 3° L’entreprise d’un chemin de fer métropolitain 5
- 4° La création d’une bourse du travail ;
- 5° La démolition des fortifications ;
- Il n’est pas contestable que ces travaux sagement exécutés atténueraient momentanément les conséquences des chômages. Même, si l’on voulait prendre ces travaux pour point de départ de nouvelles pratiques économiques, en vue de faciliter l’organisation de compagnies ouvrières chargées de l’exécution et de l’exploitation de ces entreprises, on soulagerait le présent, et, chose plus importante, on préparerait l’avenir en mettant un certain nombre de travailleurs hors des atteintes des dangers du salariat.
- Pour obtenir ce double résultat, il faudrait surtout se préoccuper des clauses à introduire dans les cahiers des charges, afin de sauvegarder l’intérêt public sans sacrifier l’intérêt individuel des associés.
- Mais tous les défenseurs des projets que nous venons d’énumérer se déclarent ennemis de l’inter-vention de l’Etat ; ils se gardent bien d’appeler la discussion sur les conditions mêmes des concessions. On dirait qu’ils ignorent que ces travaux, exécutés selon les principes de l’école Haussmann, qui n’a rien perdu de son audace et de sa puissance en 14 années de République oligarchique, laisseront à peine aux salariés 15 ou 20 0/0 des millions prodigués aux capitalistes sous les formes et apparences les plus variées.
- Au fond de tout cela, on trouverait des syndicats d’hommes publics et de spéculateurs insatiables, distribuant de grasses mensualités à tous ceux qui consentent à augmenter le trouble pour faciliter les extorsions des écumeurs de concessions.
- Ceux qui demandent avec tant de persistance l’exécution des travaux de la ville de Paris ne se
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- préoccupent nullement des débouchés, que l’Etat pourrait procurer au travail en imposant aux compagnies de commencer la construction des lignes de chemins de fer concédées par les conventions. Ces travaux développeraient nos moyens de transport e^ faciliteraient l’écoulement des produits de notre industrie ; mais il ne rentre pas dans les plans de la finance de donner maintenant à notre outillage national ce Complément nécessaire ; aussi les gouvernants ont l’air de ne pas penser à ce moyen de soulager les chômages, et la presse au service de la haute banque a garde de suggérer des projets en contradiction avec les intérêts de ses entreteneurs.
- La commission des enquêteurs présidés par M. Spuller se propose de scinder ses travaux en deux parties, de donner d’abord satisfaction aux ouvriers parisiens, de chercher ensuite les moyens de venir en aide aux travailleurs de la province.
- Nous n’avons pas à critiquer les intentions et les premières dispositions de la commission d’enquête, pas plus que nous ne voulons l’empêcher d’agir immédiatement là où le mal est le plus menaçant.
- Nous avons voulu lui signaler les manoeuvres des spéculateurs prêts à piper les capitaux destinés à diminuer les chômages.
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- Les naïfs ont aussi donné leur note.
- A les entendre, il ne faut pas se préoccuper des considérations d’ordre économique ; ils indiquent la politique comme cause et remède du mal.
- Cette opinion n’a nulle part été mise avec plus de netteté que dans un article de M. J. Lesguiller, auquel nous faisons l’emprunt suivant :
- « Le vice capital de notre régime actuel, c’est, nous l’avons cht souvent, l’absence des responsabilités.
- « Une Constitution analogue à celle des Etats-Unis, établissant nettement la séparation des pouvoirs, peut seule assurer la prospérité de la République.
- « Pour en arriver là, nous avons une période peut-être longue de souffrances à traverser. »
- Soit, les Etats-Unis ont une Constitution parfaite, il importe peu maintenant d’examiner cette question. Mais leur Constitution économique est la même que la nôtre.
- Aux Etats-Unis, en France, le travail est une marchandise subissant la loi de l’offre et de la demande comme la matière inerte ! Le travailleur américain, comme l’ouvrier du vieux monde, subit toutes les fluctuations du salariat ; aussi les embarras économiques n’ont pas moins d’intensité que ceux constatés en Europe.
- Pourquoi ne pas se pénétrer des enseignements si
- péremptoires, matérialisés par l’état actuel de la population des Etats-Unis ? Voilà un pays neuf, riche en matières premières de toutes sortes ; sa population est virile, audacieuse, vaillante ; l’outillage a adopté tous les enfantements les plus parfaits du progrès mécanique ; et les complications économiques produisent déjà des perturbations effroyables.
- Aux Etats-Unis, en 1883, on a vendu aux enchères, après faillites, le matériel de 18 compagnies de chemins de fer exploitant 1,354 milles et représentant un capital de 230,000,000 francs en actions ou obligations ; la grande compagnie North-Pacifîc, qui parcourt 2,000 lieues Anglaises, a été mise en faillite, il y a quelques semaines, entraînant avec elle la ruine de 18 petites compagnies.
- Est-il possible de trouver une preuve plus concluante de l’impuissance de la politique ?
- Il faut être aveugle pour ne pas saisir que l’agitation populaire ne naît pas du défaut de liberté politique ; les inquiétudes et les incertitudes du paupérisme sont seules les véritables causes du mécontentement et des souffrances des classes laborieuses.
- La liberté qui manque aux travailleurs est celle de pouvoir suffisamment consommer.
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- Dans les camps ouvriers, la confusion n’est pas moins grande.
- La partie la plus nombreuse des classes laborieuses ne comprend pas mieux que les castes dirigeantes le principe et les conséquences d’un régime social basé sur le salariat.
- La population ouvrière a des aspirations sincèrement républicaines ; mais elle ne sait pas sortir des vagues déclarations des politiciens; elle veut le gouvernement du peuple par le peuple, mais elle ignore les conditions véritables d’un gouvernement agissant selon les intérêts de la vie humaine. Loin de rechercher les hommes capables de l’instruire, elle se met à la remorque de ceux qui la flattent.
- L’éducation économique des travailleurs exigerait de leur part beaucoup de réflexion, un examen attentif des doctrines socialistes ; à défaut de cette éducation, ils pourraient obtenir des avantages durables, s’ils possédaient la froide raison de ne jamais pardonner aux hommes politiques qui ont traversé le pouvoir sans faire œuvre féconde, et s’ils savaient se grouper autour des citoyens qui ont prouvé leur bonne volonté par des actes.
- Le défaut politique le plus grave chez le peuple est de s’enthousiasmer lorsqu’il entend traduire ses pensées et ses vagues aspirations par de brillants orateurs, habiles à le capter en exprimant sa pensée
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- soüs les formes séduisantes d’un langage académique. Il s’imagine alors applaudir des vérités, tandis que les bateleurs dé la politique jonglent avec seë illusions.
- Rien ne serait plüs profitable â l’émdridpatidfi dü travail que la manifestation d’ün esprit assez puissamment doué pour convaincre les travailleurs de leur incapacité en matière de lois sociales, en leur donnant en même temps la conviction qu’fis possèdent réellement âssëz d’intelligence pour aborder ia question sociale, lorsqu’ils voudront en étudier les détails aveë une persévérance et ufi calme comparables aux soins et aux efforts exigés par leur éducation professionnelle ; ce citoyen serait véritablement un bienfaiteur de l’humanité.
- La sélection humaine est asseé avancée UU point de vue intellectuel pdüf que le problème social puisse être compris par un nombre d’homme suffisant â eh faire prévaloir la Solution, ldrsqüe la généralité deS citoyens saura se résigner à étudier méthodiquement l’organisation d’une société, libérée par la ihachifie de rasserVisSeméht aux lois d’une production trop restreinte.
- Les travailleurs manquent surtout de calme et de méthode, lorsqu’ils Cessent d’être Indifférents. La partie militante du prolétariat, séduite par la phraséologie révolutionnaire, s’épuise én Vaines déclamations, espérant entraîner dans la vie publique les masses ouvrières d’autant plüs hésitantes qüe Ton VoUdfait ies conduire d’ün seül coup aux sommets dé l’idée révolutionnaire.
- Les anarchistes, dont les joUrnhux officieux colportent avëc une rare complaisance les divigations èt lés foliés provocations, comptent à pëine deux ou trois centS toqüés qüi semblent s’être donné la mission d’ehipê'chëf l’Organisation dès corporations ouvrières.
- Jamais on identend parler d’une invasion d’anarchistes dans lés réunions opportunistes ou radicales, Ou bien dans les manifestations des sociétés de libre pensée ; mais rarement ils négligent de manifester léür puissance dissolvante dans les réunions ayant
- üri caràctêrë ouvrier b'ièh tranché.
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- Lés groupés fcianqüiste's, relativement nombreux, sont disciplinés ; leür propagande continue procède rarement d’Uhé manière intempestive ; ils veulent être les puritains de la révolution. L’étude des questions économiques, l’examen des probabilités d’application sont choses insignifiantes à leurs yeux. Ils attendent tout d’Un coup clé main qui les mettra en possession clü pouvoir ; ët ils se sentent capables,
- lorsqu’ils auront la direction des forces publiques, de plier, par elles, les plus rebelles aux observations dés lois démocratiques.
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- Les possibilistes ont rallié le gros dü mouvement révolutionnaire ouvrier.
- Ceüx-ci sentent la nécessité d’urté période educative; ils ont l’intention de la commencer, mais harcelés à leuf gaüche par les anarchistes et les prétendus révolutionnaires Intransigeants, ils se laissent aller à exagérer leürs affirmations pour retenir aü milieu d’eui des éléments enthousiastes qui ne comprennent pas ia nécessité d’uné sage propagande auprès de la masse ouvrière indifférente et inconsciente.
- Ce parti possède dès homtttés instruite, compétents dans l’étude des faits économiques, ayant jusqu’à ce jour fait preuve d’une grande honnêteté politique. S’ils avaient sü se résoudre à Concentrer leur action dans la démonstration des problèmes sociaux, -s’adressant, â leur droite, à Cette masse ouvrière compacte, qüi ü’Cst indifférente qüe parce qu’elle ne sait pas, et qui n’a jamais eu une occasion de faire Un pas vers les socialistes bans être ëpoli -vantée par les exagérations révolutionnaires, les possibilistes pourraient eh très peu de temps amener au socialisme les masses profondes qui font la force du radicalisme.
- Les possibilistes, forts de l’impuissance et du mauvais vouloir des classes dirigeantes, commettent souvent la faute grave de perdre de vue le but du socialisme pour prêcher la guerre entré les classes ; iis ne réfléchissent pas que la haine entre les hommes est le plus puissant obstacle à la coalition des bonnes volontés contre les institutions mauvaises.
- Ils veulent, disent-ils, organiser les forces ouvrières avant de proclamer la nécessité de la révolution ; ils ne comprennent pas que l’organisation corporative sera plus puissante que la révolution mêtriC; que organiser les corporations ouvrières en vüe de la poursuite d’un but commun équivaut à résoudre
- pacifiquement lé problème.
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- Lé fait dominant qui së dégage de l’examen de la situation politique est qu’il se creuse un abîme enfirC les hommes publics et lés masses ouvrières à la suite de l’impuissance des premiers à démocratiser le bien-être.
- Cette feépàr'âtioh entre les éléments actifs des classes dirigeantes et les parties militantes du prolétariat peut devenir fatale à la caüse du progrès social.
- Déjà, le Parlement, sous rihfiüehcé ministérielle, a Voté d’e’s ioi;s dC fëàbti&h èt bôpôüSsé ’dC’s pr’ojèts de
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- lois Jibéràlés, pàixtë qiife lës ëôhsëëvàtëüi’s bht coin-pris que là partie avancée de là bourgeoisie n’avait plus la ‘ebiifiailbë delà masse.
- Dans ces circonstances, nous devohb le reconnaître, là fëspbriSàbilité de cëtte division festë ëtitière-niênt au compté des politicieris. Ceux-ci nWi jamais Vôulü ëompr èndfë quë fë& gàratities sbbiàles sont lëfe basés de l’indépendance politique des ouvriers. Lés travailleurs feërtt làs ü'êtfë dupes. Il retient àux bornmês publics dë chercher tes tërmès cruhe ^éconëiliàtion. Nous tâèhëronë, hous-mêmeSj lorsque nous dënnërons nos conclusions, dë lës rédiger conformément à ce besoin d’union éprouvé par les républicàihs sincères.
- L’éconëmie sociale et la politique ne doivent pas êtrè séparées ; ta première ëst te but, la seconde est le moyen. Que les travailleurs et les hommes politiques s’inspirent des nécessités dë cètte déclaration, ils trouveront les clauses d’un contrat d’alliance définissant leS droits dé l’économie sociale et prescrivant les devoirs de la politique , et, s’ils veulent tôui respecte^ le tirait©, leur puissante coalition triomphera sans peine dès êfforts de là réaction et du conâërvâtisihe êiiftêhii dü progrès social.
- hits politiques et sociaux de là semaine.
- FRANCE
- Le Sénat. — La Chambre basse, par mëgardê probablement; àVâlt introduit Un ârtiele i'éfjüblieaiïi dans lë ptbjët 'dë là nouvelle Ibi municipale; Celui qui pët-ihettàit ati public d’aSèister aux séances üëë coüseils muüièipâUx ; le Sénat-, n’ayant pas trouvé d'autre ddrh-prbiUiësidU âVëc les principes répübHbâlhs, a fënvbÿé le pfojèt dé ldi à la Chambre, Sâüs autre modification qiie rkütiülatibn d’ün article aussi subVëfsif, tehdant â pérrb'êttre âüx mahdans de contrôler lës ttiandataires.
- Là ldi sur lë diVoréé Va Venir à l’drdrë du jour dü Sénat; Lës pères conscrits pi’dflterdht dé l’bbéaàiori pour hdüè dohnér ütté nouvelle prëüvë dë leUr Vdldntè biëü arrêtée de ne pas rompre leur mariage avéc ia rëactioh.
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- La Chambre: — Pendant que le Sénat s’applique à ne pas laisser trace dans les nouveaux projets de loi des tendances républicaines ; la Chambre révise la loi sur la presse, afin d’y introduire les elausés anti-libérales que le Sénat, dans un moment d’abandon, avait négligé d’y inscrire. Les députés opportunistes vont doter notre législation d’üne loi sur les cris séditieux et manifestations sdr la voie publique, qui permettra aux entrepreneurs d'un coup d’Etat d'envoyer sur les pontons et dans les bagnes ICs citoyëns assefc pervefs; qui, à la suite d’une violation brutale de la constitution; oseront crier dans ia rue ou afficher sur les murs des appels aü courage des citoyens pour la sauvegarde de la République;
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- « > *
- Lia eon^«ii(«(>üiori d’énquêtè. — La commission d’ëhqüeté, Si iioUs èh croyons son président; va S’bcçiipôr activetiàënt de là situation 'écoporniquè, M. SjmlVèr à îU‘êrüe déclaré qü’èlle ne reculerait pas
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- devànt lëë sblütibns sobialiëtes ; probablement, afin de mieux les enterrer. La commission fait annoncer par tëUS ieS jqürnaüx officiëux qu’ellé ëst disbosêë à recevoir les dépbsilidnë des délégués des sociétés patronales et düvrièrës, et celles dëë citoyens qui demanderont à être entendus.
- La commission a rédigé en outre un questionnaire parfait, â céla près qU'il écàrtë le poifit le plus imfior-tatit. Cé qUëstidhpairè prévoit idütce qui peüt apprendre à bien connaître l’intensité du mal ; maié il CSt complètement rrmët sur les moyens pratiques dë le c6m-battrëi M: Brialdu pdürrâit plüs spécialement ptebdre iiotë de cétté obsërVatidh, car il ne doit pas oublier combien on a usé et abusé de sa déclaration Üiçidéfitè permettant dë Mjjpôëèr qü’il n’y avait pas dëreméaéâux embarrâë ëconomigués bréëëüts ; ce sërait ubë occasion pdùr lUi dë réparer titie faute, oü d’appreddrè ce qü’ii ttë sait pas. M. Bfiàlbü a ihtérèt à ce qü’dn né négligé p4S ëëttë partië aë la quëstibh ; car nbü§, nous n’bësitons pas à déclarer à M. Brialdu qu’il y à Un moyéü pratiqué ët effièaeë d’éviter les engorgements ëcdüdiniqUes.
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- OèÿdiditidjDi dëfe dhvriërs dè •
- —.Un groupe ouvrier de Montluçdn à énVdÿé à là Commission d’ëtiqUêtë la Üépdsitioh suivante, puBlieé pàf le ÛH dù Pèüple :
- A Messieurs les membres de là commission d'enquête sur là situation des travailleurs et tes mopens de Vaniê-liorer.
- Messieurs,
- Aussitôt connu le vote par lequel la Chambre des députés a décidé la nomination d’une commission dë 44 membres pour s’enquérir des conditions du travail en France, le Cercle fépublicaib des ouvriers de MoriüüçGn (Parti ouvrier) à résolu de rte pas attendre les délégués que vous tiendrez sans doute à envoyer dans la rôgiob, et de vous saisir directement des faits qui atteignent dans leur existence même quantité de nos camaradeb d’ateliér;
- Sur cinq hauts fourneaux qui fonctionnaient à l’usine de Saiüt-Jkëqüëâ (Moiitluçon), trois ont été éteints. L a-cierie ëât arrêtée. Et treize cents otiVriëfs stir debx mille ont été renvoyés de l’usine susnommée (Société de Cha-tillon- Commet: try).
- La majeure partie des travailleurs ainsi jetés süf le pavé a passé des années dans les ateliers, qui la rejette aujourd’hui comme des machines humaines inutiles, sans s’occuper de la faim qui l’attend, elle et les siehs. des travailleurs ont fait la fortune des actionnaires, qui les traitent actuellement comme on né traite pas un cheval ou un bœuf dont on a épuisé la force travail, parce que, si on a inventé une loi Grammont protectrice des àhimaUx, üné loi hrotectride de la classé qui produit tout est encore à créer.
- Mais që n’ést pas sur ce point que nous voulons appeler vdtré, attention. Ce que le Cercle républicain nous a ddiihé maüdat de vous faire remarquer, c’est le caractère permanent et normal des accidents du genre de cëlui qüi Vient dé nous.fràppe!r. t .
- Il s’agit eil réalité d’un déplacement d’industrie, comme il s’en est produit plusieurs depuis vingt-cinq ans dàhS ià région. ,
- Ça .Ôté d’abord )es forgés 'de Vierzon qui ont été arrêtées brusquement en 1861, parce que la sb'ciëté proprié-tàirè üüuvait àvantage à céder son outillage et sa marque à üUe société plüs puissante qui sê constituait ailleurs.
- La forge dë Rozière n’a pas eu Un autre sort en 186S-6& pour dés raisons politiques, son propriétaire, M. de Vogué, ayant voulu se venger de sa non élection au Corps législatif de l’Empire sur ses ouvriers, républicains dès cette époque.
- Les usines de Mareuil et de Trencay^ n’ont pas tardé à être fermées dans, les mêmes conditions, àbsorbéés qU’éilès Ont été par la société dë Châtilion-Commentry, qui se développait à Montluçon et qui vient à sdh tdür
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- de liquider en partie au profit de ses établissements de Beaucam.
- Que peuvent les ouvriers — même organisés en chambres syndicales — contre ces déplacements qu’ils payent de la perte de leur travail, de leur salaire — et quelquefois de leur vie — et qui dépendent du bon plaisir capitaliste ?
- Que pouvez-vous vous-mêmes, en qualité de législateurs, nous ne disons pas pour empêcher le mal, mais pour en conjurer les effets meurtriers ?
- Notre devoir, dans tous les cas, à nous que l’on accuse de vouloir la révolution pour la révolution, était de vous soumettre la question, dans les termes où elle se pose contre nous.
- Actuellement, étant donné que les moyens de production, hauts-fourneaux, aciéries,etc., appartiennent non pas à ceux qui travaillent,mais à ceux qui font travailler, quelle garantie peut-il exister pour les travailleurs que ceux qui les emploient n’auront pas demain intérêt à ne plus les employer, soit que, leur fortune faite, il plaise aux actionnaires de réaliser, soit qu’ils renoncent, moyennant finance, à une production qui gênait leurs concurrents, soit qu’ils trouvent à produire avec des profits plus considérables sur un autre point de la France ou même de l’étranger ?
- Le travail ouvrier — et par suite l’existence ouvrière — se trouve ainsi suspendu, subordonné à l’arbitraire de quelques capitalistes. Nous n’existons, en vérité, que dans la mesure où il convient à nos maîtres, qui sont dégagés de tout espèce de devoir vis-à-vis des travailleurs qui, cependant, les emmillionnent.
- A cette situation, dont on ne peut sortir, d’après le Parti ouvrier, que par la socialisation des moyens de production, c’est à vous, messieurs, qui ne partagez pas notre manière de voir, qu’il appartient de chercher et de trouver une autre solution, puisque vous affirmez qu’il en existe.
- C’est, d’ailleurs, à cet effet qu’a été formée la commission que vous composez et dont nous attendons les conclusions avec impatience, parce que si vous n’aboutissez pas, c’est la condamnation, pour impqissance, de l’ordre bourgeois, que vous aurez prononcée.
- Pour le cercle républicain des ouvriers de Montluçon.
- Le Président, Le Secrétaire,
- Y. COURTIGNON. J. DORMOY.
- * *
- Extrême-gauche. — M. Henry Maret, n’ayant pas la naïveté d’attendre un résultat sérieux d’une commission d’enquête, dont la majorité des membres avait voté contre l’utilité de cette enquête, a pris l’initiative de convoquer à nouveau l’extrême-gauche. Voici le compte-rendu de la réunion, tel qu’il a été publié dans le journal le Radical :
- M. Henri Maret a déclaré que sa première idée avait été de demander que l’extrême-gauche tout entière se formât en commission d’enquête. Mais il n’insiste pas sur le mot. L’enquête lui paraît d’ailleurs beaucoup moins nécessaire que l'étude des solutions et des projets de lois précis
- Ce à quoi il tient, c’est à ce qu’on parte de cette base, qu’il n’y a plus rien à faire avec le Parlement actuel. M.’ Henry Maret croit qu’il ne faut pas plus s’occuper de la commission des 44 que si elle n’existait pas. On doit s’adresser au pays et au suffrage universel. Le devoir de l’extrême-gauche est donc de se refuser désormais à toute intrigue parlementaire, de travailler à rédiger ce programme économique qu'on lui demande, et pour cela il faut que chacun se mette à 1 étude, sans autre but que de propager ses idées en dehors d’une Chambre impuissante et condamnée.
- M. de Lanessan craint qu’il ne soit dangereux de se mettre en antagonisme avec ia commission des 44. Il en fait partie, et croit encore que lui et ses collègues y pourront faire œuvre utile. Il pense, néanmoins, que la sous-commission de l’extrême-gauche doit continuer ses travaux.
- M. Brialou partage l’avis de M. de Lanessan. Il pense cependant, avec M. Henri Maret, qu’il convient que l’extrême-gauche continue à s’occuper activement des questions sociales, et guide la conduite des trois commissaires élus, jusqu’au moment où ceux-ci, voyant que rien n’aboutit, croiront le moment venu de se retirer.
- M. Salis appuie avec énergie la proposition deM. Maret, et montre très éloquemment le pays tout entier, attendant quelque chose des seuls députés qui lui soient fidèles. L’extrême-gauche doit agir avec plus d’énergie que jamais, on ne lui pardonnerait pas de laisser tomber le drapeau qu’elle a soulevé.
- Après une discussion très-vive, la réunion, forcée de se séparer à cause de la séance, remet à jeudi pour statuer.
- Il faut croire que l’attitude énergique de MM. Salis et Maret contrecarre les projets de bien des gens, car tous les autres journaux ont été unanimes à taire les déclarations formelles de ces deux députés.
- M. Maret a parfaitement compris les aspirations du pays et les devoirs qui s’imposent aux députés républicains. En effet, ce que veut le pays, c’est l’étude des solutions et des lois conformes à celles reconnues efficaces ; et les députés ont le devoir de proclamer le programme économique attendu depuis si longtemps par tous les travailleurs.
- Si MM. Maret et Salis persistent dans leur résolution d’amener les membres de l’extrême-gauche à se prononcer clairement sur les questions qu'ils ont agitées, il n’est pas douteux qu’ils seront suivis par un nombre de leurs collègues suffisant à préparer une vigoureuse campagne électorale, pour l’année 1885, contre tous les députés qui auront refusé leurs concours, en attaquant vigoureusement, dès le début, les circonscriptions des prétendus radicaux socialistes assez timides pour reculer devant une affirmation de principes.
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- * *
- La morale opportuniste. — Le Figaro vient de publier une longue conversation de M. Harmand, retour du Tonkin, expliquant les avantages considérables que la France pourça retirer de la conquête de ce pays.
- Voici un extrait qui a fait le tour de la presse officieuse de Paris et de Province :
- Le Tonkin est, du reste, un pays merveilleux, dont la possession ne peut manquer d'être des plus profitables à notre commerce. Rien ne peut donner une idée de l’extrême fertilité du sol et de la beauté des récoltes. Il y a des mines et des gisements houillers. Enfin, l’industrie y est relativement très avancée ; les meubles en bois sculpté, avec incrustations de nacre et de bronze, qu’on y fabrique, sont admirables. Vous pouvez en juger par ceux-ci, que j’ai rapportés lors de mon premier voyage. Enfin, j'estime que jamais la France ne retrouvera l'occasion d'ajouter à ses colonies une plus belle et plus riche contrée.
- Le Tonkin a encore un mérite, qui n’est pas à dédaigner : son climat est des plus sains. L’état sanitaire de notre corps d’occupation y est actuellement aussi satisfaisant qu’on peut le désirer; il est mêmecertain que, si nos troupes opéraient en France, on constaterait beaucoup plus de cas de maladie que l’on n’en voit là-bas.
- Le Temps, le journal qui reproche aux socialistes leur étroitesse d’esprit et leur insatiable jalousie, prend texte de ces paroles de M. Harmand pour réfuter victorieusement, à sa manière, les journaux qui ont soutenu que « l’expédition du Tonkin était désastreuse, épouvanta-« ble, abominable. »
- Qi.e diraient les écrivains du Temps du citoyen qui appliquant la même doctrine raisonner et agirait comme il va être dit : M. Hébrard, est un homme fort riche, qui doit payer très cher des littérateurs capables d’injurier en bon français des socialistes contre lesquels ils n’ont aucun motif personnel de haine ; il possède en outre de beaux meubles, des objets d’art, des valeurs en portefeuille ; ses appartements sont très-bien chauffés, de
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- moelleux tapis amortissent le bruit des pas, le personnel qui l’entoure n’est pas très brave, lui-mêine est incapable de se défendre ; voilà une excellente affaire pour les trois ou quatre particuliers qui profiteraient de cette occasion unique de compléter leur mobilier, dût-on casser la tête à M. Hébrard et à ses défenseurs.
- Raisonnement d e chourineur, dirait-on, en argot; en bon français, op appellerait cela le langage d’un misérable.
- Dans les affaires du Tonkin, il y a une circonstance aggravante, c’est que toutes les richesses si enviées par lés rédacteurs du Temps appartiendront aux spéculateurs qui se cachent derrière l’armée française.
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- Le régime des prison». — Le conseil supérieur des prisons a ouvert mardi sa session ordinaire.
- Le rapport du directeur général nous apprend que nous avons en France, onze prisons cellulaires.
- Cinq autres prisons cellulaires, celles de Besançon, Bayonne, Bourg, Sarlat et Chaumont sont en construction. Deux, celles de Nice et de Saint-Etienne sont approuvées et mises en adjudication. Plusieurs autres sont à l’étude.
- Les rapports des directeurs constatent que partout le régime cellulaire est considéré comme un adoucissement par les accusés et par les détenus instruits et par tous ceux qui ont encore conservé quelque sentiment honnête. Par contre, les récidivistes, les malfaiteurs d’habitude, tous ceux pour lesquels la prison est un gîte pour les mauvais jours, ne subissent qu’à grand’peine le régime cellulaire qui, pour eux, a une efficacité que le régime en commun était loin de réaliser.
- Il ne faut pas oublier que le maximum du temps passé en cellule ne dépasse pas neuf mois.
- Le conseil supérieur a eu à s’occuper des prisons de la Seine dans lesquelles, faute d’un personnel suffisant, on ne peut appliquer les nombreux règlements.
- Dans ces prisons il n’y a ni inspecteur, ni instituteur, ni comptable. Les détenus conservent leur argent de poche. Pour leur retirer cette argent il faudrait avoir, comme dans les maisons centrales, un comptable chargé de le recevoir et d’en passer écriture.
- Le conseil supérieur a pensé que la situation actuelle des prisons de la Seine ne pouvait être tolérée et qu’il y avait lieu de demander à M. le ministre de l’intérieur d’inscrire au prochain budget les crédits nécessaires pour nommer dans les prisons de la Seine un comptable, un instituteur et un inspecteur. Un vœu en ce sens, présenté par M. Liouville, député, a été adopté à l’unanimité.
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- Financer et colonie». — La politique coloniale révèle fréquemment des procédés gouvernementaux empruntés au système autocratique le plus absolu.
- Il y a quelques semaines, on insistait auprès de la commission du budget pour la décider à voter un crédit de 3,500,000 fr. destiné à poursuivre la construction du chemin de fer du Sénégal ; après le refus de la commission de se prêter à ces dilapidations, on lui expliquait que cette somme était nécessaire pour payer des travaux déjà faits !
- Pour procéder avec un pareil sans-gêne, il faut vraiment avoir perdu toute notion des conditions élémentaires du régime républicain. Si les ministères, sans l’autorisation des Chambres, se permettent de dépasser de 3,500,000 les sommes votées pour la construction d’un chemin de fer, que doit-il se passer dans les autres chapitres du budget ?
- Le ministère, cela n’est pas contestable, a des vues à lui sur l’île de Madagascar; il voudrait engager insensiblement la représentation nationale à favoriser les projets des colonisateurs.
- On demandait à la Chambre de voter 165,000 fr. pour couvrir les dépenses fai tes à Madagascar pendant l’année 1883. *La commission des finances a refusé de présenter à la Chambre cette demande dé crédit. En présence de la fermeté de la commission M. Ferry a consenti à retirer le crédit demandé.
- Cela ne peut satisfaire l’opinion publique. Ou bien le ministère a demandé des crédits, dont il n’avait pas besoin, et il est coupable de ce fait; ou bien cette allocation lui est nécessaire, et, pour payer les dépenses faites, |il devra détourner des fonds de leur première destination. Ces virements ne sont pas moins graves qu'une demande de crédit motivée par des faits imaginaires.
- Ces errements, lorsqu’ils sont dévoilés, ne restent plus à la charge du ministère seulement, ils impliquent la responsabilité de tous ceux qui ont mandat de veiller à la bonne gestion des affaires publiques.
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- Sollicitude électorale. — On lit dans le Petit Nord :
- Nous avons à remercier M. Pierre Legrand de l’initiative qu’il vient de prendre en adressant aux noms des départements frontières , une lettre au ministre des finances, demandant une audience prochaine pour les représentants des régions Nord et l’Est de la France.
- M. Pierre Legrand exposera au ministre l’émotion qui s’est répandue dans les populations à la nouvelle que le prix du tabac pourrait être augmenté. Il fera valoir l’inopportunité,1 l’injustice de pareilles surcharges, et appuyé par tous les sénateurs et députés, sans distinction, des pays intéressés, il réussira, nous en sommes certains, à écarter l’impôt qui menace surtout la partie laborieuse et besoigneuse de la population.
- Nous admettrons qu’il a été question d’augmenter l’imnôt sur le tabac ; et nous ne serons pas moins surpris de l’intempestive entrée en campagne de M. Legrand. Nous sommes les adversaires déclarée de l’augmentation des impôts quels qu’ils soient; mais si, encore une fois, l’Etat se décidait à chercher de nouvelles ressources dans l’augmentation des impôts, malgré les probantes démonstrations, que nous avons si souvent répétées, en faveur de l’hérédité de l’Etat, l’impôt sur les choses superflues, — et le tabac appartient incontestablement à cette catégorie -, plus que tout autre nous paraît mériter l’attention du gouvernement, dussions-nous, par notre franche déclaration, nous aliéner les sympathies de tous les chiqueurs et fumeurs de France et de Navarre.
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- Chômages-grèves — La tôlerie des forges de Commentry vient de renvoyer 120 ouvriers ; on a réduit la semaine de travail à cinq jours dans la mine et dans la forge.
- A. Nantes, l’entente n’a pu s’établir entre les patrons et les ouvriers couvreurs ; la grève centinue.
- A Bordeaux, les ouvriers déménageurs viennent de se mettre en grève.
- A Lyon, les ouvriers tisseurs continuent à soutenir les grèves partielles des ouvriers appartenant aux maisons qui ont refusé d’accepter le tarif proposé par le syndicat ouvrier.
- ANGLETERRE
- Les défaites successives des généraux anglais en Egypte sont exploitées par les conservateurs contre le ministère libéral présidé par M. Gladstone.
- Dans le Lancashire les grévistes ont jeté des pierres à la police, qui leur avait arraché un mannequin représentant un des principaux fabricants du pays ; la caserne a été assaillie et les fenêtres brisées à coups de pierres.
- L’association des hauts fourneaux de Claveland, composée de 2.500 membres, a informé les patrons que les ouvriers se mettraient en grève à la fin du mois, à la suite du refus d’une angmentation de salaire.
- ALLEMAGNE
- M. Frohme, député au Parlement, est poursuivi pour une contravention à la loi sur les socialistes.
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- Sur quatre meetings socialistes, tenus dimanche, dans les différents quartiers de Berlin, deux ont été dispersés par la police à cause de la violence de langage des orateurs.
- AUTRICHE
- Le gouvernement, usant des lois d’exception récemment votées par le parlementa fait arrêter 200 socialistes, et en expulsé un nombre égal. Les membres les plus en vue du parti socialiste et les orateurs des clubs ouvriers ont tous été expulsés.
- BELGIQUE
- On écrit de Charleroi :
- « La crise industrielle pèse en général sur toute la Belgique, Aucun bassin n’est épargné, partout il .y a ralentissement dans le travail. Le commerce en souffre et languit.
- « Dans le Centre, La Louvière, cette localité qui a pris en peu d'années un développement considérable, n’est pas ménagée, plusieurs établissements sont arrêtés, d’autres ont renvoyé une quantité considérable d’ouvriers et réluisent le taux des salaires, conséquence naturelle de la situation,
- « A Houdeng-Gognies, le laminoir ne marche plus déjà depuis quelques mois. — Bracquegnies a éteint son haut-fourneau.
- « Les charbonnages réduisent aussi le nombre de leurs ouvriers. »
- La grève de Seraing et celle de Marchlenne-au-Pont sont terminées. Les ouvriers ont dû capituler.
- ITALIE
- Les ouvriers italiens s’organisent rapidement en sociétés corporatives avec l’intention bien affirmée de poursuivre leur union sur le terrain politique. Les congrès ouvriers deviennent plus nombreux et plus suivis.
- A l'occasion du dernier congrès de Milan, qui vient d’avoir lieu, il y a quelques jours, la presse italienne constate les progrès considérables du mouvement ouvrier. Non-seulement le nombre des délégués augmente, mais les orateurs ont déjà acquis une précision dans la doctrine et une sûreté d’exposition, qui dépassent les prévisions des journaux les plus sympathiques.
- Les délégués des sociétés ouvrières de la Lombardie, réunis à Milan, au nombre de cent avaient le mandat de se prononcer sur les lois sociales à l’étude dans le parlement italien.
- Voici les résolutions du congrès de Milan :
- « 1° Les délégués des associations ouvrières proclament que, fidèle à la tradition des précédents congrès, qui ont admis en principe que les sociétés ouvrières devaient chercher dans la liberté les véritables conditions de leur existence, ils ne peuvent reconnaître aucune ingérence gouvernementale qui serait fatale à leur développement.
- Ils repoussent le projet Berti sur la personnalité civile des Sociétés de Secours Mutuels, comme tous les autres projets qui admettent l’intervention du gouvernement ; ! ils sont convaincus que les classes laborieuses n’ont pas ! à compter sur la tutelle gouvernementale, qu’elles doi- ‘ vent tout attendre de leur ardeur à, poursuivre la rénovation sociale qui doit établir le nouveau pacte de la fraternité des travailleurs.
- Ils demandent que la personnalité civile soit reconnue à toutes les sociétés qui ont pour but l’amélioration morale et économique de leurs sociétaires et l’émancipation des classes laborieuses, sans autre formalité que l’inscription aux registres de la municipalité.
- 2° Le quatrième congrès des sociétés ouvrières Lombardes, considérant que la loi sur les coalitions, proposée par le gouvernement, a pour but de donner une sanction
- légale aux mesures arbitraires que l’on ne cesse d’appliquer en Italie au détriment des travailleurs qui veulent jouir de leur droit de coalition contre le despotisme des capitalistes, condamne le projet de loi comme indigne d’être examiné, parce qu’il est contraire aux principes d’équité et de justice ; il invite toutes les associations à organiser une agitation nationale en vue d’em* pêcher le vote ; il proteste encore une fois contre les articles 385 — 386 — 387 du Gode pénal. »
- ÉTRANGER
- Toutes les nouvelles de l’Etranger indiquent que l’agitation socialiste se généralise partout : En Suisse, en Bavière, en Norwège, en Espagne, aux Etats-Unis, on signale soit des réunions révolutionnaires, soit des publications d’écrits socialistes, soit des arrestations et des condamnations des meneurs du mouvement ouvrier.
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- L’Habitation unitaire en Algérie
- Le Conseil municipal de Paris vient de prendre une décision très-importante au point de vue social et dont il peut être fier à juste titre. Désireux de donner à la grande ville qu’il représente une sécurité plus grande, il s’est préoccupé des moyens à employer pour diminuer le nombre toujours croissant des vagabonds ; il a pensé avec raison que la meilleure manière pour arriver à ce résultat c’était de prendre sous sa tutelle et d’élever les enfants moralement abandonnés appelés à devenir presque inévita* blement des crimineis. Cette mesure est infiniment meilleure et plus économique que la répression. Il a déjà recueilli et procuré du travail et de l’instruction à plusieurs milliers d’enfants qui donnent les meilleures espérances.
- Abandonnés à eux-mêmes ces pauvres petits auraient vécu dans un milieu de corruption oû les meilleurs finissent par succomber ; pressés par le besoin ils volent pour vivre, et la prison qui les attend achève de les corrompre complètement, ils en sortent criminels.
- Il y a là une plaie sociale dont les penseurs, les hommes de bien se sont préoccupés depuis longtemps ; plusieurs avaient indiqué le remède, mais nul ne l’avait encore appliqué d’une manière sérieuse. Le conseil municipal de Paris vient d’entrer dans cette voie ; voulant faire cesser dans la mesure de ses moyens cet état de choses indigne d’une grande nation, d’un pays républicain, dont la devise est : Liberté, Egalité, Fraternité, il a décidé la création de colonies agricoles en Algérie. Disons de suite que ce moyen nous paraît excellent, mais il n’est pas unique, la philantropie bien comprise pourrait en trouver d'autres tout aussi efficaces, bornons-nous aujourd’hui à examiner celui adopté. Les enfants abandonnés de la Seine seront envoyés en Afrique, où ils apprendront à cultiver le sol, que des travaux d'irigation bien organisés peuvent rendre l’un des plus fertiles qui soit au monde.
- Que les membres de la commission nommée pour s’occuper de l’installation des deux colonies agricoles dont la création est décidée nous permettent de leur donner quelques conseils d’une haute importance pour l’avenir de l’oeuvre qu’ils vont édifier et à laquelle leurs noms resteront attachés. A leurqfface nous ferions notre possible pour qu'il soit construit un palais du travail dans chaque centre agricole en création. Ces palais, comme celui de Guise,
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- seraient destinés aux logements des directeurs, employés et ouvriers de la colonie ; les eooles et les bâtiments d’exploitation ateliers etc., seraient placés soit en face du palais soit par derrière. Ce mode de construction,outre ses avantages sérieux au point de vue de la facilité des communications, permet à l’ar-chitectede réaliser de sérieuses économies; il est évident qu’un vaste bâtiment pouvant loger 100 ménages par exemple coûtera moins que 100 petites maisons séparées ; il y a certainement économie de matériaux, j de main d’œuvre et de terrain, et surtout une plus j grande facilité pour la surveillance et pour l'obtention des mesures de propreté indispensables à une bonne hygiène, dont la pratique évite de nombreuses maladies. Les approvisionnements sont aussi rendus plus faciles par la création dans le logement môme de magasins pour la vente des objets indispensables à l’existence ; et ce qui, pour l’Algérie surtout, doit peser d’un grand poids dans la balance, c’est la sécurité beaucoup plus grande pour les colons. Eu effet, en cas d’insurrections trop communes encore dans notre belle colonie p*r suite du nombre trop restreint d’Européens et surtout de Français qui l’habitent, il serait beaucoup plus facile de se défendre dans un vaste palais élevé de quelques étages et percé de nombreuses fenêtres,qui deviendraient dans un jour de défense autant de meurtrières redoutables, que de rester cantonaés dans de petites maisons isolées où les surprises sont faciles.
- Cela est presque impossible dans le palais social ; un belvédaire élevée au centre des constructions permet d’apercevoir l’ennemi à une grande distance et de se préparer à la défense. Le palais lui-même peut devenir une forteresse en l’entourant d’un large fossé qui en rendrait l’approche plus difficile. Les vastes caves creusées sous les logements permettraient d’y accumuler les approvisionnements nécessaires pour soutenir un siège,au besoin,en attendant des secours.
- Toutes ces considérations, indiquées d’une manière sommaire, devraient, il nous semble, frapper l’esprit des hommes pratiques et intelligents chargés de mener à bien cette œuvre de régénération sociale; nous pensons donc qu’il nous suffira de leur indiquer cette voie pour qu’ils l'étudient avec toute l’attention qu’elle mérite, ils auront ainsi puissamment aidé à la solution d’un des grands problèmes sociaux qui se posent à notre époque, donner à l’ouvrier un travail sain et rémunérateur par l’association ou tout au moins par la participation aux bénéfices ; lui procurer un logement salubre et agréable qui lui fasse aimer son intérieur, sa famille et l’empêche d’aller dans les cabarets gaspiller sa santé et son argent, quand sa femme et ses enfants en ont tant besoin.
- Bâtissez des palais pour les enfants abandonnés, Messieurs les conseillers municipaux, pour ces futurs citoyens recueillis et régénérés par vous, et vous aurez bien mérité delà patrie,de la République, de l’humanité.
- A. Doyen —---
- LES PROFESSIONS EN FRANCE
- Sous ce titre, le Globe publie les intéressants détails ci-dessous :
- D’après le recensement de 1881, les différents groupes professionels se répartissent de la façon
- suivante, la population totale de la France étant représentée par 100 :
- Agriculture.................... 50.03 0/0
- Industrie .........................25.56
- Commerce........................10.53
- Transport et marine. . . . 2.20
- Force publique ...... 1.52
- Professions libérales...........4.35
- Personnes vivant exclusivement
- de leurs revenus............5.81
- Total . . . .100,00
- On peut présenter ces chiffres d’une façon plus frappante en disant que :
- La moitié environ de la population française vit de l’agriculture.
- Un quart vit de l’industrie.
- Un dixième du commerce.
- Quatre centièmes de professions libérales.
- Six centièmes de rentes ou de revenus.
- Chacun de ces groupes se partage en effet ainsi : Agriculture, — 1° Propriétaires cultivant
- eux-mêmes leurs terres et les faisant
- valoir.................... Nombre. 9.170.000
- 2° Petits propriétaires travaillant aussi pour autrui, comme fermiers, métayers, journaliers.................. 3.522.000
- 3° Fermiers, métayers ou colons . 5.032.000
- 4° Forestiers, bûcherons, charbonniers ............................... 513.000
- Total. . , . 18.244.000
- Industrie, — l* Grande industrie, mines et carrières, mines métallurgiques . , , . 1.130,000
- Grande industrie, autres manufac-
- res et usines......................... 2,100.560
- 2° Petite industrie (ouvriers ou chefs de métiers, façonniers, etc., travaillant chez eux avec ou sans ouvriers). . . 6.093.000
- Total, , . . 9.324.560
- Commerce. — 1° Banquiers, commissionnaires
- et marchands en gros....................... 789.000
- 2° Marchands en détail,boutiquiers. 1.895.000
- 3° Hôteliers, cafetiers, logeurs, ca-baretiers................................ 1.164.000
- Total. . . . 3.840.000
- Transport et marine. — 1° Personnel des chemins de fer et autres entreprises dô transport par
- terre, fleuves et canaux.............. 549.000
- 2° Personnel de la marine marchande et des ports (long cours et cabotage), pêche........................ 251.000
- Total. . . . 800.000
- Force publique. — Armée de terre. 382.000
- Armée de mer ....... 242.000
- Gendarmerie et police .... 120.000
- Total. . . . 553.000
- Professions libérales. — 1° Fonctionnaires, agents et employés de toute sorte payés par l’Etat, le département ou la commune . . . 806.000
- 2° Cultes,personnel.............. 112.000
- 3° Communautés religieuses. . . 115.000
- 4° Professions judiciaires . . . 156.00
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- ne
- ls Bivom
- 5° Professions médicales . . . . 139.000
- 6° Enseignement libre.............. 111 -000
- 7° Artistes de tout genre . . . • 121.000
- 8° Savants (hommes de lettres, publicistes) ............................. 23-000
- Total. . • • 1.585.000
- Répartition des français par professions
- Personnes vivant de leurs revenus. — Propriétaires et rentiers ............. 1.849.000
- 2° Pensionnaires et retraités . . 272.000
- Total. . . . 2.121.000
- Total général : 36.477.000 formant, avec les 737.000 individus de population non classés (enfants en nourrice, étudiants et élèves des établissements d’instruction publique, pensionnaires des hôpitaux, hospices, prisons, vagabonds, etc.), et 191.000 personnes de professions inconnues, 37.405.290 population totale de la France.
- Le rapport, entre les nombres d’individus vivant de chaque profession, s’est-il modifié depuis 1876 ?
- En cinq années, les différences ne peuvent être très-petites et doivent être considérées surtout comme indication de tendance.
- La plus forte de ces différences concerne l’agriculture. En 1876, la population agricole représentait 53.04 pour cent de la population totale ; en 1881, elle ne compte plus que pour 50.03 pour cent ; la diminution est de 3.01 pour cent.
- L’industrie présente aussi une diminution, celle-ci est très faible et n’atteint que 0.37 pour cent.
- La population vivant du commerce a, au contraire, augmenté de 2.17 pour cent.
- Le rapport des autres professions à la population totale est resté sensiblement le même
- Cette diminution importante de la population agricole s’explique par la tendance qu’ont les individus à se porter vers les agglomérations, tendance déjà signalée lors des précédents recensements et que le dernier vient confirmer.
- Ainsi, pendant les cinq années 1876-1881, la population agglomérée a augmenté de 2.94 pour cent, la population éparse a diminué de 0.17 pour cent.
- Il y a trente ans, la population urbaine ne formait que le quart de la population de France (25 52 0/0), aujourd’hui elle en forme plus du tiers 34. 76 0/0.
- La répartition des professions que nous venons de donner comprend tous les individus vivant de chacune de celles-ci (chefs d’emploi, ouvriers, famille, domesticité). Nous nous proposons de rechercher, dans un prochain article, quel est le rôle de la femme dans ces diverses professions ; de présenter en un mot « la statistique du travail des femmes en France. »
- LES FEMMES MILITAIRES
- (Suite et fin)
- Je n’ai voulu parler que du courage militaire chez les femmes. Le sujet était assez riche assez vaste pour m’y restreindre. Encore ai-je le regret d’être forcé, en raison des limites d’un simple article, de ne rappeler que des noms connus. Si la pensée s’étendait au courage civique, — vertu peut-être
- plus belle encore que le courage militaire, — un énorme volume suffirait à peine pour enregistrer des actes mémorables tels que ceux de Mlle Sombreuil, de Mmes de Lavaiette, de Lucile Desmoulins, etc.
- Les femmes peuvent donc avoir toutes les vertus, et elles les ont. Bien que le public le sache, il me semble juste de lui redire. On s’habitue aujourd’hui à voir apparaître un nom de femme là où jadis on eût été fort surpris de l’y voir surgir.
- Ainsi, dans l’escrime, par exemple, fort goûtée des femmes, en ce moment, on cite déjà des maîtres féminin. Mlle Jean Louis, la fille du professeur d’escrime, est un bretteur très-fin, très- habile, qui a fait des armes avec des officiers — lutte courtoise — et a recueilli d’eux des compliments dans lesquels la sincérité, jointe à quelque admiration, effaçait la galanterie. Dans le monde l’on parle des "patriciennes qui espadonnent à la perfection ; on cite notamment Mme la comtesse R. de Salles, qui jongle avec une épée comme Béatrix de Montferrat et tire le fleuret comme un prévôt.
- Je ne suis pas partisan des femmes soldats, ainsi que je l’ai dit, mais, puisqu’il y en a, je les admire sans les encourager.
- L’escrime me semble tolérable, c'est une distraction favorable à l'hygiène, dont les fruits pourraient servir au besoin et qui ne saurait porter atteinte aux vertus domestiques de la femme.
- Qui sait ce que les mœurs de l’avenir permettront? Un jour viendra peut-être où des femmes calomniées par des hommes pourront obtenir elles-mêmes rétractation devant une invective écrite avec la pointe d’une épée. Si la coutume existait de nos jours, je sais plus d’un bon jeune homme auquel l’éventualité d’une pareille rencontre ferait avaler le venin.
- Jean Alesson.
- COURS D’ADULTES
- Leçon de Physique expérimentale par M. Barbary
- Séance du Mardi 19 Février
- 1° Fontaines intermittentes, (Suite).
- 2° Phénomènes de Capillarité.
- 3° De la chaleur.
- LEÇON DE CHIMIE PAR M. SÉKUTOWIGK
- Séance du Vendredi 22 Février
- 1° Matières accessoires employées dans les fonderies. 2° Chaux. — Plâtre. — Ciments.
- THEATRE DU FAMILISTÈRE DE GUISE
- Direction: A. TÉTREL et A. BERTHET
- Samedi 17 Février 1884
- Représentation donnée par la Troupe du Grand Théâtre de St-Quentin
- Opéra-Comique en 3 Actes,
- de MM. Leterrier et Van-loo musique de Ch. Lecoq M, GACK, remplira le rôle du PODESTAT Mme D’ALLESSANDRI, remplira le rôte de GRAZIELLA
- BUREAUX A 8 HEURES. RIDEAU A 8 H. 1/2.
- Le Directeur-Gérant : GrODIN
- S^Quentin. — lmp. du Glaneur.
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- 8‘Aimée, Tome 8. - n° 285 jLe numéro hebdomadaire 20 ç, Dimanche 24 Février 1884
- LE DEVOIR
- REVUE DES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
- Un an. . Six mois . Trois mois
- 10 fr. 6 3
- Union postale
- Un an. ... 11 fr.
- Autres pays
- Un an.
- 13 fr. 60
- ON S’ABONNE A PARIS
- 5,r.Neuve-des-petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- La dépopulation en France. — Le traitement des instituteurs. — Manifeste de la Ligue des travailleurs pour la paix internationale. — Les transports en France. — La question ouvrière. — Aphorismes et préceptes. — Faits politiques et sociaux. — Correspondance d'Angleterre. — Ecoles du Familistère. — Mémoires d'un buveur d'eau. — Etat civil. — Cours d'adultes.
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l'administration fait présenter une quittance d'abonnement.
- LA DÉPOPULATION DES CAMPAGNES
- La diminution de l’accroissement de la population française et la dépopulation des campagnes ont donné lieu à de récentes appréciations propres à faire ressortir les contradictions et l’ignorance des publicistes en matière de problèmes sociaux. Le trouble dans les esprits n'est pas moindre que dans les faits.
- Tel constate en toute vérité que l’offre des bras dépasse la demande, qui gémit le lendemain sur l’arrêt de l’augmentation de la population ; ce qui
- ne l’empêche pas de se lamenter un autre jour sur l’invasion des ouvriers étrangers.
- Si l’augmentation de la population est un bienfait pour une nation, pourquoi se plaindre de l’émigration des étrangers ? Il nous semble que dans cette hypothèse, il vaut mieux recevoir des producteurs en parfait état de développement que faire les frais de leur éducation.
- Mais, lorsque une société est assez mal organisée pour ne pouvoir entretenir convenablement ses classes laborieuses, on ne comprend pas la nécessité de l’accroissement du nombre de ses habitants, à moins que l’on ne considère l’intérêt seul des capitalistes. Ceux-ci ont un avantage incontestable dans l’avilissement des salaires, conséquence de la multiplication excessive des classes ouvrières, parce que, dans ces conditions, ils peuvent mieux soutenir la concurrence internationale.
- L’augmentation de la population produira ses effets bienfaisants, lorsqu’elle se manifestera dans une société ayant solidarisé les intérêts des citoyens.
- Les législateurs paraissent surtout se préoeuper des inconvénients produits par la désertion des compagnes ; ils attribuent même une partie des embarras économiques à l’affluence des travailleurs vers les centres industriels ; Je retour au travail des champs de l’excédant des populations urbaines atteintes par le chômage est selon eux le moyen le plus efficace de parer au malaise général.
- Théoriquement, abstraction faite de toute considération pratique, les défenseurs de cette thèse font un raisonnement parfait. Leur théorie, dans les circonstances présentes, est une véritable utopie,
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- LE DEVOIR
- car elle est complètement inapplicable ; elle serait soutenable, s’il suffisait de vouloir travailler à la campagne pour être certain d’y trouver un salaire rémunérateur. Malheureusement, la réalité est loin de confirmer cette opinion.
- Il faut" avant tout être de soîl temps. Il est utopique d’attendre de l’ouvrier actuel, ayant reçu un commencement d’émahcipation intellectuelle et politique par l’instruction primaire et par la pratique du suffrage universel, l’adaptation à un genre de vie comportant une manière de travailler ayant conservé tous les errements acceptés par les hommes igno* rants et dépourvus des notions de la vie intellectuelle et politique; surtout, lorsque toutes les autres conditions du milieu ont été profondément modifiées.
- Le travailleur rural, aussi bien que l’ouvrier des villes, n’a aucune chance de pouvoir prospérer, à moins qu’il ne puisse acquérir quelques épargnes lui permettant de se convertir en petit spéculateur ; et les occasions de ce genre sont infiniment moins nombreuses à la campagne. Le paysan salarié n’a même qu’un moyen certain d’acquérir quelque épargne, la domesticité avec toutes ses servitudes. Il devra renoncer, dans cette situation, à l’indépendance religieuse, politique, aux satisfactions de la famille et du foyer. Il répugne de s’arrêter longuement aux conditions générales de la domesticité, tant elle est en opposition avec les légitimes aspirations du citoyen d’üù état républicain.
- Quant à l’ouvrier agriculteur, comment veut-on qu’il puisse entrevoir la possibilité d’acquérir une situation aisée, à moins de s’imposer des privations permanentes. Si son salaire quotidien est parfois rémunérateur, on sait à quelles limites le total en est réduit à la fin de l'année, à la suite des chômages causés par les intempéries et par la distribution des récoltes dans un pays où l’agriculture est routinière. Certains départements, richés en pâturages, offrent un travail excessif pendant les mois de juin et juillet; quelques-uns, plus particulièrement réservés à lâ culture des céréales ne peuvent occuper l’ensemble des travailleurs en dehors des saisons de la semence et de la culture ; d’autres, lès pays vinicoles, ont besoin pendant les mois de mars, d’avril et de mai, de septembre et d’octobre, d’un nombre d’ouvriers qu’ils ne peuvent employer pendant le reste de l’année ; presque nulle part, le travailleur ne trouve des journèës régulières pendant l’hiver ; et, lorsqu’il a cette bonne fortune, il faut que sa santé lui permette de travailler sous la pluie le vent et le froid. Quant aux femmes, elles ne doivent pas espérer ren- ' contrer plus de dent cinquante journées ouvrières pen-
- t dant toute l’année. Il ne faut pas oublier encore que i la durée de la journée de travail est presque toujours ) excessive ; pendant les mois d’été elle varie de 15 à i 18 heures. Le travailleur des champs supporte aussi tous les frais des maladies et des accidents qui
- - peuvent l’atteindre lui et les siens, car les communes l rurales n’ont généralement aucune assistance pu-
- - blique.
- l L'histoire du cultivateur devenant propriétaire î sera bientôt une légende, parce que l’épargne ne fait » plus de martyrs ; il n’y a plus de cultivateur qui
- • consente à soigner une basse cour sans jamais man-
- • ger un œuf, à faire venir des légumes sans les goû-i ter avant d’en avoir gorgé les citadins, à produire la t viande et à se contenter de manger du pain frotté
- d’ail. Ah l nous les avons connus les cultivateurs i qui ont fait fortune ; ils allaient bien vite à pied à la i ville pour vendre leurs petites récoltes ; s’ils avaient 1 des souliers, ils les portaient attachés à un bâton, à ; la besace, à l’anse d’un panier ; si la course était i trop longue pour être faite entre deux repas,ils met-i taient à la poche un gros morceau de pain avec une
- • noix ; ils buvaient à leur retour, car ils avaient une sainte horreur de l’auberge et de tout ce qui pouvait les contraindre à débourser quelques sous ; nous les avons vu, chez eux, manger du pain dur, parce que, disaient-ils, le pain tendre s’en allait trop vite ; si le porc et l’enfant étaient malades, ils couraient chercher le vétérinaire.... La jeunesse ça veut vivre l Enfin, lorsque deux générations s’étalent âinsî épuisées, la société avait pour dirigeants ces ruraux qui acceptaient Louis Philippe, la République, l’Empire, puis la République, sans jamais s’inquiéter, lorsque leurs affaires particulières étaient pros-pères, de savoir si ces gouvernements sacrifiaient lés intérêts de l’hnmanitô tonte entière; comme ils renversaient les pouvoirs publics disposés à favoriser le progrès social, lorsque l’initiative de ces gouvernements coïncidait avec une période troublée par des circonstances extérieures ou indépendantes de l’action gouvernementale.
- Les martyrs de l’épargne ont fait leur temps, et la réaction ne fera pas le miracle de les ressuciter.
- Aussi, le travailleur des campagnes n’a plus l’esprit de sacrifice ; entre deux présents malheureux, il choisit le moins misérable, ou bien celui qui lui paraît tel. Pendant les périodes de production il préfère la vie industrielle, parce que la journée est moins longue, le travail plus régulier, le salaire plus rémunérateur ; puis il finit par être retenu dans les centres industriels, par la force de l’habitude et pâr 'les soulagements que lui procure l’assistance publique.
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- LE DEVOIR
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- Il est néanmoins vrai qu9 les travailleurs disponibles de l'industrie doivent revenir à l’agriculture ; mais on n’est pas autorisé à leur demander ce retour; si l’on ne met les conditions du travail agricole en rapport avec les besoins physiques, intellectuels* et moraux de l’homme, tel que l’a fait la Civilisation.
- En cherchant comment il est est possible d’opérer cette transformation on trouverait certainement que les améliorations nécessaires,soit réductions des heures de la journée, soit hausses des salaires, équivaudraient au moins à doubler le salaire moyen de l’ouvrier cultivateur! sans compter les charges publiques imposées par 1’organisation de la mutualité natiohale à laquelle doivent être subordonnées toutes les tentatives sérieuses du progrès social»
- Voilà tous les économistes qui s’écrient mais comment doubler les salaires, lorsque notre blé, notre viande ne peuvent soutenir la concurrence avec l’importation des produits de l’agriculture étrangère ?
- Nous connaissons un moyen infaillible d’obtenir le résultat annoncé, en faisant produire au même travail deux fois plus de récolte qu’il en livre actuellement.
- Que l’on demande aux professeurs et aux élèves des écoles d’agriculture de Grignon, de Grand-Jouan,de la Saulsaie, de l’institut agronomique de Vincennes s’il est matériellement possible de doubler, même de tripler, en quelques années, le rendement agricole de la France ! Ils répondront que c’est une simple affairé de capitaux et d’organisation des parcelles cultivées en vastes surfaces susceptibles de recevoir l’application du grand manchlnisme agricole que l’on connaît en France, seulement par ses descriptions et ses réductions déposées dans les recoins de quelques musées ; ils diront qu’il n’y a pas une machine à inventer, qu’il se perd dans les villes et lés campagnes mêmes beaucoup plus d’engrais qu’il en faudrait pour rendre au sol l’équivalent des matériaux assimilables que lui enlèverait la culture intensive, ils ajouteront que la chimie, elle seule, est prête à multiplier les engrais selon les besoins de l’humanité.
- Lorsque les hommes de l’art agricole répondent de cette façon, les socialistes concluent que, si la forme de la propriété individuelle n’est pas harmonisée avec les nécessités de l’outillage, la propriété soumise à l’association du travail et du capital supprime ces inconvénients, que, si la propriété associée est impuissante à payer les services des capitaux à un taux élevé, l’Etat en remboursant la dette publique et en cessant d’emprunter ferait descendre bien vite l’intérêt des capitaux à un
- taux ne dépassant pas les limites permises par les besoins de l’agriculture.
- Les lois et les institutions en rapport avec cet ordre d’idées se classent parmi les premières améliorations qui doivent mériter la sollicitude d’un gouvernement réformateur.
- Il est inutile d’espérer le retour au travail agricole de la part des ouvriers, tant qu’il ne s’offrira pas dans des conditions préférables à celles du travail industriel.
- Cette imigration des travailleurs dans les grands centres est après tout une manifestation du suffrage universel ; elle est une affirmation de la supériorité des conditions faites aux ouvriers des villes. Ceux qui souhaitent sincèrement le retonr des ouvriers aux travaux des champs n’ont qu’â égaliser les avantages en améliorant la situation des cultivateurs ; car il n’appartient qu’aux sophistes de prétendre qu’une classe puisse se résigner à renoncer à une augmentation de bien-être, dont elle a joui pendant un certain temps, et qu’elle sait être matériellement possible.
- Que l’on organise partout le travail selon les besoins de la vie humaine ; et l’on verra bientôt les producteurs se soumettre avec joie à toutes les exigences d’une production rationnelle.
- —<S=ïs*gjM*ss=g3i—^——
- LE TRAITEMENT DES INSTITUTEURS
- Voici la situation des 81.000 instituteurs et insti*
- tutrices qui, comme titulaires ou comme adjoints*
- exercent dans nos écoles publiques.
- 48.043 Instituteurs et Institutrices out utt traitétncnt inffrieur à 1.000 ff.
- 22.355 — — 1.001 à 1 300
- 5.969 - — 1.301 1.600
- 2.260 — — 1.601 1.900
- 1.364 — — 1.901 2.200
- 788 — - 2.201 2.000
- 579 — au-dessus de 2.600
- En résumé, on peut conclure que 3 0/0 des insti* tuteurs reçoivent un salaire leur permettant de vivre convenablement, les autres vivent comme ils peuvent.
- Revenons un instant sur la première catégorie, de beaucoup la plus nombreuse, Dôcomposons-la en ses divers éléments.
- Instituteurs et Institutrices Ont un traitement de
- 7.426 1.000 à 901
- 13.746 900 801
- 5.326 800 701
- 19.058 701 601
- 2.487 600 et au-dessous
- Cela se passe dans un pays où l’on donne 100,000.000 au budget de l’ignorance, au budget de l’Eglise apostolique et catholique et romaine. Mais il ne faut pas oublier que M. Paul Bert, le champion des instituteurs dans la Chambre, et M. Fallières, le
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- ta mvoir
- ministre de l’instruction publique, qui se donnent les allures de personnages très dévoués à l’amélioration du sort des instituteurs, votent des d9ux .mains le budget des cultes sous prétexte d’observer les clauses du Concordat 1
- MANIFESTE
- DE LA
- Ligne des Travailleurs pour la paix internationale
- Citoyennes et Citoyens,
- La vieille Europe marche d’un pas accéléré vers j une transformation politique et économique.
- Nous ne nous occuperons pas ici de la dernière, la Ligue étant instituée uniquement pour propager la solution qui se rattache au côté politique de la question sociale.
- L’un et l’autre point sont, d’ailleurs, étroitement liés. C’est une vérité qu’on ne saurait trop mettre en relief, car, dans l’hypothèse d’un affranchissement économique limité à la France, il faut compter avec la conjuration des rois, qui trouveraient moyen de déchaîner contre nous leurs sujets prolétaires, travestis en soldats !
- La Ligue se propose de faire une double propo-gande : l’une aura pour but suprême d’ouvrir les esprits à l’idée de la République européenne ; l’autre aura pour but immédiat de substituer, autant que faire se peut, l'arbitrage international à la guerre.
- La République européenne est le terme logique des évolutions politiques des peuples. Quand il sera prouvé aux hommes que les guerres internationales sortent forcément d’un organisme international, ils seront bien près de conquérir leur unité. Il faut donner aux peuples le désir et la volonté de se considérer comme ne faisant qu’un peuple. Quand ils auront élevé leur intelligence à cette notion, ils diront :
- « Que l’unité soit faite ! * et l’unité sera faite.
- C’est que les guerres internationales sont à la fois mauvaises pour la classe privilégiée, qui possède le capital de production et d’échange — sauf pour une minorité insignifiante — et meurtrières pour la classe dénuée qui ne possède que son travail.
- Si l’on calcule ce qu’elles coûtent, non en cadavres, mais en argent, et rien que pour l’entretien des armées, on trouve douze milliards annuellement extorqués aux producteurs. Et si l’on compte en plus les ruines qu’elles accumulent, il faut ajouter, pour ces vingt dernières années, des dizaines de milliards.
- Ces conséquences barbares sont causées uniquement par la multiplicité des patries.
- Chacune, en effet,pour se défendre contre l'étranger, doit se hérisser d’armements formidables. Rien, d’ailleurs, de plus prudent et de plus légitime, surtout pour la France républicaine, isolée au milieu des gouvernements monarchiques* -,
- Mais ce gigantesque appareil de tuerie n’aurait plus aucune raison d’être si les nations instituaient la grande fédération républicaine, la grande patrie, reliée par l’unité politique fonctionnant dans la plus large décentralisation.
- Jusqu’à l’ère nouvelle ou les peuples formeront cette véritable sainte alliance, le carnage international, répétons-le, sera inéluctable.
- Toutefois, en attendant que ce fléau soit anéanti, l’Europe réaliserait, certes, un grand bienfait, si elle parvenait seulement quelquefois à le détourner.
- La chose est-elle possible? Oui, en recourant dans certains cas à l’arbitrage international.
- Ce procédé n’est nullement un rêve : il a fait ses preuves. Dans l’affaire de l'Alabama, par exemple, il a empêché une guerre imminente entre l’Angleterre et les Etats-Unis d Amérique. Depuis une dizaine d’années, il a réglé une douzaine de litiges. Il a été recommandé par des résolutions prises au sein des Parlements d’Angleterre, d’Italie, des Etats-Unis d’Amérique, de Hollande, de Suède et de Belgique. On remarquera que les Chambres de la République française ne figurent pas sur cette liste.
- Ainsi, la Ligue offre un terrain commun de propagande et à ceux qui voient surtout le remède, la République européenne, pour tarir la source des guerres, et à ceux qui voient surtout le lénitif, l’arbitrage pour les diminuer.
- Citoyennes et Citoyens,
- La Ligue, à son début, compte déjà des adhérents ouvriers, députés, employés, etc., qui s’unissent tous dans l’idée de la paix : internationale, dont le prolétariat doit comprendre tout le prix.
- Car n’oubliez pas que la dictature millitaire triomphe pendant que les peuples s’entr’égorgent, et qu’elle éteint dans la frénésie du massacre toutes les revendications sociales !
- La Commission d’initiative :
- Fournier André, Henri Brissac, Henri Champi* Adhémar Leclerc, Benoît Malon, A. Réties, E. Rieutord, Léonie Rouzarde.
- Les citoyennes et les citoyens qui veulent devenir membres de la Ligue peuvent s’inscrire chez Der-veaux, 32, rue d’Angoulême ; et chez Rieutord, 9, rue de Dantzig.
- Envoyer aussi les adhésions au citoyen Henri Bris-sac, secrétaire, 6, boulevard de Port-Royal.
- Communications verbales, le dimanche, de 9 à 10 h. du matin.
- Nous recevons les adhésions suivantes à la ligue Fédérale de la Paix et d’Arbitrage international :
- MM. L. Guéneau, ancien préfet, rue des Ricol-lets, 19, à Ne vers;
- Allard A., propriétaire, à Nevers ;
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- LÉ DÉ VOIR
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- Vachier Jean, propriétaire, à Monlet; Maurin Adolphe-Célestin, propriétaire, à Vernassal;
- Clergeat Hippolyte, à Frontès,par Monlet; Bonneval Eugène, propriétaire, à St*Juste, près Chomelix;
- Coiffîer Charles, propriétaire, à Fix-Saint-Genest ;
- Blanc-Giraud, négociant, à Allègre.
- LES TRANSPORTS EN FRANGE
- Nous prenons dans la République industrielle les renseignements suivants qui donneront la preuve de ce que nous avons avancé dans un récent article sur la crise ouvrière, que le prix des transports en France est une des causes importantes de la diminution de nos exportations.
- Supposons une expédition de deux caisses d’articles de Paris, envoyées en grande vitesse jusqu’à un point quelconque de la Méditerranée, Alexandrie, Tunis, Constantinople, etc. Ces deux colis pèsent 40 kilos et ont une valeur de 500 francs. A combien reviendra le transport par la voie Française ; et, comparativement, à combien reviendrait-il, si les mêmes marchandises étaient expédiées de Berlin, de Bruxelles ou de Londres.
- Le destinataire aura à payer 32 francs 60 si le colis est parti de Paris ; 14 francs s’il a ôté expédié de Londres ; 21 francs de Bruxelles, et 28 francs de Berlin.
- Autres exemples : L’expédition d’un colis de 25 kilos envoyé par voie française de Paris à Alger coûte 24 francs. Le même envoi partant, en grande vitesse toujours,de Bruxelles pour New-York coûtera 16 francs. Enfin le même colis, expédié du fond de l’Ecosse à Alger, par la voie anglaise, sera livré (grâce aux services de groupage) contre 15 francs pour tous frais.
- Dans le calcul que nous venons de faire, la marchandise évaluée à 500 francs est donc chargée de 2 fr. 50 0/0 de frais supplémentaires. Mais si nous ramenons l’évalationà un taux moyen, c’est-à-dire à 5 francs le kilog., soit 200 francs pour 40 küog , nous nous trouvons en face d'une différence de 5 0/0 sur la valeur totale de l’envoi. Cette différence est plus que suffisante, pour déterminer toujours l’acheteur étranger à se pourvoir chez nos voisins.
- L’Etat renonçant aux taxes exagérées qui grèvent les transports en grande vitesse, et les compagnies réduisant d’une somme égale les tarifs de grande vitesse, comme cela a été prévu par les conventions, on réaliserait une économie de 45 0/0 dans le prix des transports. Nous pourrions ainsi lutter avec avantage contre nos voisins.
- Enfin si l’Etat, rentrant dans la vérité économique, rendait la liberté à l’industrie des transports, les commissionnaires expéditeurs, c’est-à-dire l’industrie privée, arriveraient aisément par les combinaisons de groupage,formellement prohibées en France, et fonctionnant au plus grand bénéfice du public étranger, à réduire encore notablemement l’ensemble du prix de revient.
- Notre confrère a parfaitement raison, mais il oublie qu’une solution rationnelle est presque impossible depuis le vote des conventions, car, en réduisant les tarifs des chemins de fer, l’Etat n’aura pas les plus-values devant résulter du partage des bénéfices
- des compagnies au-dessus des mixima prévus ; d'autre part, l’abolition des taxes sera une nouvelle cause de déficit dans un budget qui crève de partout. Nous savons aussi que le maintien du statu-quo crée une situation défavorable à notre mouvement commercial. Nous payons les fautes de l’indifférence générale des citoyens qui ont laissé voter les conventions par des députés ignorants des conditions du bien public; et cela ne fait que commencer !
- Les numéros du Devoir contenant des articles sur la Question ouvrièie sont en voyés gratuitement aux députés ayant pris part aux débats sur la situation économique, et à leurs collègues qui ont l'habitude de s'occuper des lois sur le travail.
- LA QUESTION OUVRIÈRE
- IV
- Il n'est pas inutile de savoir comment la question ouvrière a pris une si grande place dans les travaux parlementaires et de préciser quelle situation lui était faite à la Chambre avant les débats qui ont abouti à la nomination de la Commission d’enquête.
- De nombreux projets, quelques-uns susceptibles de permettre une discussion à fond de la question sociale, dormaient paisiblement dans les bras des commissions parlementaires, d’où ils ne seraient jamais sortis, sans l’interpellation de M. Langlois, qui, elle-même, n’aurait probablement jamais vu le jour, si M. Maret n’eût pris l’initiative de convoquer l’Extrême-gauche, pour lui demander son concours en vue d’une interpellation devant mettre en demeure le ministre de faire connaître ses vues sur les complications d’ordre économique.
- M. Maret, vers la fin de l’année 1883, dans une réunion de ses électeurs, à la salle Lévis, s’était engagé à provoquer les explications du gouvernement. Fidèle à sa promesse et respectueux des saines traditions parlementaires, le député du xvn6 arrondissement, demanda à son groupe de régler les conditions de l’interpellation. L’Extrême-gauche fit bon accueil aux propositions de M. Maret. Elle s’occupait des détails de son intervention, lorsque surgit une demande d’interpellation émanant de M. Langlois.
- L’initiative de M. Maret etles premières dispositions de l’Extrême-gauche passaient ainsi au deuxième plan, et la majorité opportuniste et ministérielle avait la satisfaction de voir les groupes de gauche perdre les bénéfices d’avoir été les premiers à amener la Chambre à l’examen des questions économiques, lorsque le gouvernement commettait la faute de rester indifférent.
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- LE DEVOIR
- Aussitôt; les journaux 4e Paris et de Province ne cessèrent de parler de l’interpellation Langlois ; les publicistes de l’Extrême-gauche ne firent aucun ef> fort tendant à rétablir les faits.
- M. Langlois aurait dû comprendre que la question soulevée par M. Maret lui permettait, de prendre part à la discussion d’une façon complète. M. Lam glois n'ayant pas eu cette délicatesse, il revenait à la presse de préciser la situation au nom de la justice et de la conservation des bonnes traditions parler mentaires.
- *
- 4 *
- A en juger par Je nombre de projets de lois sou^ mis à la Chambre, on verra que ce n’était pas les occasion qui auraient manqué à nos députés, s’ils avaient été disposés à l'étude des questions économiques.
- Voici la liste des propositions confiées à diverses commissions. Nous les avons groupées en cinq caté-* gories, afin de procéder avec méthode,
- A
- V Enquête sur la situation des populations ouvrières;
- %* Abolition de la loi contre l’internationale,
- 3° Suppression de la loi sur les coalitions et la liberté du travail •
- 4° Contrat d'association.
- 5° Fonctionnement des conseils de Prud’hommes.
- 6° Travail dans les mines.
- B
- 79 Transport par les chemins de fer des ouvriers se rendant au travail.
- 8° Réduction des heures de travail dans les manufactures,
- C
- 99 Question des loyers.
- lû9 Assainissement des logements insalubres.
- D
- 11® Education de l’enfauce,
- 12° Enfants abandonnés*
- F
- 13* Participation des travailleurs dans les bénéfices.
- 14° Modification au mode de concession des mines, chemins de fer, etc-, etc.
- w
- 15° Sociétés de secours mutuels.
- 16* Caisse de la retraite pour les mineurs.
- 17° Caisse de la retraite pour la vieillesse.
- 18° Assurance obligatoire sur la vie.
- 19° Accidents dont les ouvriers sont victimes.
- G
- 20° Assiette do l’impôt.
- *
- * ¥
- Les projets du groupe A sont d’ordre politique et administratif. Ils visent un ensemble de réformes mûres dans l’esprit de quiconque prétend être un républicain.
- Discuter le fond môme de ces propositions est vouloir perdre son temps en discours inutiles.
- La promulgation de ces lois ne modifiera pas sensiblement la situation économique des travailleurs ; mais les classes laborieuses débarrassées des servitudes morales imposées par les lois liberticides apprendront à mieux connaître les causes de feqrs souffrances matérielles.
- Une enquête sérieuse révélant les conditions généralement malheureuses des travailleurs augmentera la solidarité des déshérités ; elle permettra en même temps aux humanitaires des classes riches de mieux diriger leurs efforts.
- L’abrogation de la loi sur l’internationale est nécessaire, parce qu’une natjon isplée, entourée de peuples livrés aux conséquences d’une concurrence sans frein, ne peut aller bien avant dans la solution des problèmes sociaux, si elle n’est suivie par la majorité des autres puissances possédant l’outillage perfectionné. Rien ne doit entraver l'expansion du peuple le plus avancé dans son organisation sociale.
- La coalition des salariés sera toujours impuissante contre les coalitions des capitalistes ; à plus forte raison, lorsque l'infériorité économique des travailleurs est aggravée par une législation favorable aux intérêts des privilégiés de la fortune.
- La liberté et la protection des contrats d’association est fa réforme politique la plus importante, bien qu’elle doive être sans effets immédiats pour la généralité des salariés. L’existence de la loi en faveur du contrat dissociation entre le capital et le travail améliorera la situation des rares travailleurs possesseurs de quelques épargnes et de ceux que quelques patrons veulent faire participer aux bénéfices. Au point de vue social, les premières réalisations auront surtout une valeur éducative • elles apprendront aux plus bornés comment la production peut fonctionner sans le patronnât ; elles permettront en qqtre de contrôler par la pratique les diverses conceptions sur l’organisation des associations.
- Tous les règlements que l’on pourra établir à l'occasion du travail dans les mines seront lettres-mortes, aqssi longtemps que le travailleur restera sous le régime du salariat, qu’il ne participera sta • tutairement aux bénéfices de l’exploitation des mines;
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- et que son indépendance ne sera pas effectivement garantie par les institutions d’une puissante mutualité nationale.
- * *
- Le transport à prix réduit des ouvriers se rendant au travail aura la conséquence dans la généralité des cas de faire diminuer les salaires, et de per-< mettre de produire avec le même capital une quantité plus considérable de travaux.
- Lorsqu’une localité n’est pas suffisamment pour-vue en travailleurs, il peut y avoir surenchérissement des salaires d’une façon préjudiciable à la production nationale. Le transport à prix réduits permettrait aux ouvriers de se rendre où le travail l’exige ; cela diminuerait les nuisances des chômages.
- La réduction des heures de travail dans les manu^ factures aurait l’avantage, théoriquement, d’ouvrir l’atelier à un plus grand nombre de bras pour un même travail. Mais il ne faudrait pas que le prix de la journée fût diminué; et cela n’est pas possible dans le présent, à moins que cett© réforme soit adoptée par toutes les puissances. Gomme une pareille entente n’est pas admissible à propos d’une question aussi discutable, il faut que la nation désireuse de réformer son ordre économique y porte du premier coup des modifications profondes, susoep? tjbles de procurer aux travailleurs des améliorations tellement apparentes, que les autres peuples enthousiasmés par cet exemple soient aussitôt entraînés à
- en demander l’application dans leur pays.
- *
- ♦ *
- La question des loyers à bon marché, sous le régime du salariat, est également insoluble, comme toutes les autres. Le capitaliste connaît tr@p bien les incertitudes et les misères des salariés pour engager des capitaux dans des spéculations, dont les revenus suivent les fluctuations du salariat.
- La question des loyers, comme celle des logements insalubres, avancera, lorsque les communes et l’Etat interviendront pour réformer l’habitation et l’approprier aux besoins et aux avantages de l’association.
- l^pus verrons alors les économistes s’incliner et prétendre, de crainte que l’Etat aille jusqu’au bout, qu’il n’y a pas de principe absolu, mais que pousser plus loin cette intervention serait faire œuvre antisociale. Les économistes ont toujours possédé l’aune de l’empirisme; ils l’allongent à mesure quq les classes dirigeantes deviennent par raison politique
- moins insensibles aux misères du prolétariat.
- *
- ♦ 4
- E’éduçatmu de l’enfance, ayant pour conséquence économique de conserver l’enfant à l’école jusqu’à
- un âge relativement avancé, d’imposer aux parents l’obligation de l’entretenir dans les conditions d’un bien-être relatif, d’exciter à la production des fournitures scolaires, offre sur place un débouché à la production, en même temps ^qu’elle protège une foule de jeunes apprentis qui, chez les peuples où l’enfance est abandonnée sans garanties à l’exploitation capitaliste, augmentent inutilement le nombre des causes de surproduction.
- Mais l’éducation des enfants abandonnés, que l’on fait travailler à prix réduits dans dos ateliers exceptionnellement bien outillés, car l’outillage est fourni par la société, détruit une partie des effets économiques salutaires de l’éducation de l’enfanoe, parce que les produits confectionnés par les enfants assistés sont préférés aux marchandises d’un prix plus élevé fabriquées par des adultes, souvent avec un outillage imparfait.
- Toujours l’impossibilité des améliorations sociales
- sous le régime du salariat 1 .
- *
- * *
- Une loi véritablement socialiste serait celle qui protégerait l’association basée sur la participation aux bénéfices proportionnellement aux concours, c’est-à-dire l’association dans laquelle le partage des bénéfices est réglé diaprés le salaire de chacun de ces éléments de la production, en partant de cette donnée que un franc de salaire a un drpifc égal à un franc d’intérêt payé au capital y que les bénéfices revenant au travail doivent être transformés en parts de propriété destinées à rembourser les possesseurs actuels de la matière et de l’oujtillage ; ce serait convertir le principe même du salariat, ce serait faire place au principe de l'association, qui, une fois reconnu, opérerait la transformation de notre régime industriel.
- On ne peut faire cette affirmation sans penser aux innombrables objections qu’elle soulève, et pourtant on ne peut raisonnablement nier que l’état actuel de l’industrie ne soit un régime homicide, nous demandons sommairement qu’il soit réformé comme toutes les pratiques attentatoires à, la vie humaine.
- Cette réforme peut se ménager avec toutes les précautions nécessaires pour éviter les écueils et les difficultés inhéreptes aux transformation^ brusques ; il suffit que le législateur favoriseT’association du travail et du capital en lui donnant l’appui de la légalité qui fait toujours uù péu défaut aux -choses pouyelles • Il qe fapt pas exagérer non plus les inconvénients résultant de l’immixtipn des ouvriers dans la conduite fiés entreprises; On pour^ff signale? plans *e prient ^ pratiques infiniment plus vexatoires d’une application jour-
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- nalière et qui ne soulèvent aucune protestation. Au reste, il existe déjà des entreprises basées sur participation ; et la plupart des patrons organisateurs de ces premiers groupes ont déclaré dans une enquête récente qu’ils avaient tous trouvé des moyens pratiques de rendre possible le contrôle des ouvriers, sans qu’il en résultât des inconvénients pour la bonne conduite des affaires.
- Les concessions données aux sociétés ouvrières avec un cahier des charges réservant l’observation des lois de la participation, et l’Etat ou les com munes, à défaut de particuliers, devenant commanditaires de ces entreprises, seraient' encore des réformes salutaires devant hâter la période de transition.
- *
- ¥ ¥
- Nous n’examinerons pas séparément les projets indiqués au groupe F leur ensemble doit constituer un département nouveau dans les services publics, celui de la Mutualité nationale.
- Comme nos conclusions aboutiront à proposer, pour base de l’alliance entre les travailleurs et les hommes publics, un traité contenant l’obligation de l’organisation immédiate des services de la Mutualité, nous n’insisterons pas ici sur la nécessité et la valeur de cette réforme.
- *
- ♦ «
- La réforme de l’assiette de l’impôt est trop complexe, et il existe de trop grandes divergences dans la manière de concevoir l’avenir, pour que l’on puisse subordonner la solution de la question ouvrière à l’adoption d’un nouveau système d’impôts.
- Nous pensons qu’il est nécessaire de faire fonctionner pendant quelques années, à côté des autres impôts, l’hérédité de l’Etat, telle que nous l’appliquerons dans notre projet d’organisation de la mutualité nationale.
- Au reste, nous ne pensons pas qu’il soit possible de concevoir et d’appliquer tout d’une pièce un système de revenus publics. On doit commencer par développer les associations ; à mesure que celles-ci deviendront plus nombreuses les améliorations budgétaires se présenteront naturellement.
- (A suivre).
- Aphorismes et Préceptes sociaux
- Protection de la vie humaine
- Les gouvernements dignes de ce nom sont ceux qui travaillent efficacement à la protection de l’existence du peuple ; tout homme d’Etat, qui n'a pas le Mende la vie du peuple pour objectif est indigne de la position qu'il occupe et n’est qu’un oppresseur des faibles sous une forme déguisée.
- Faits
- et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- ILa CliRmlbre. — Le ministère a obtenu le rote d’une loi sur les cris séditieux et les démonstrations publiques dans la rue. La loi votée est suffisamment obscure : les gouvernements pourront faire les interprétations les plus variées ; elle a toutes les qualités essentielles des lois de réaction. Le débat a donné lieu à quelques incidents que l’on peut considérer comme de véritables excitations au mépris de la magistrature, et des tribunaux. Le gouvernement soutenait que certains délits ne pouvaient être jugés sainement parle jury ; l’opposition prétendait que les tribunaux correctionnels n’offraient aucune garantie ; de telle sorte qu’une moitié de la Chambre incriminait une moitié de la magistrature, celle qui opère dans les cours d’assises; tandis que l’autre moitié de la Chambre mettrait en suspicion la seconde moitié de la magistrature, celle qui rend des arrêts dans les tribunaux correctionnels ; cela nous permet de conclure que la Chambre a été unanime à critiquer l’humanité de la magistrature.
- La Chambre a commencé la discussion de la loi sur l’instruction publique. Le gouvernement parait disposé à combattre les articles qui visent l’augmentation des traitements des instituteurs,sous prétexte que le budget de 1884 ne pourra faire face aux nouvelles dépenses proposées par ce projet de loi ; ces dépenses ne sont pas moindre de 20.000.000, pour ies premières années; elles s’élèveront progressivement jusqu’à 40.000.000. Les partisans du projet sont disposés à voter les articles en question sans se préoccuper des déficits qu’ils ont pour conséquence inévitable, à moins que quelqu’un ne profite de l’occasion pour démontrer que, si l’on supprimait le budget des cultes, on pourrait du premier coup porter le budget de l’instruction publique au maximum prévu par la nouvelle loi. Il serait véritablement opportun de voir un député influent prendre prétexte de cette situation pour mettre en demeure la Chambre de dire clairement si l’école doit disparaître en face de l’église, si le curé doit avoir le pas sur l’instituteur.
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- Le Ministère. — Le gouvernement dit parlementaire a été battu onze fois.
- Voici la liste des échecs :
- 1° Le rejet des 50 millions de la colonisation algérienne, demandés par M. Weldeck-Rousseau ;
- 2° L’adoption de l’amendement Philippotaux, malgré MM. Faillières et Ferry ; s
- 3° L’ordre du jour sur les viandes salées d’Amérique, blâmant M. Hérisson ;
- 4° Le refus du crédit pour les chemins de fer du Sénégal, malgré MM. Raynal et Félix Faure ;
- 5° L’adoption, malgré M. Tirard, de diverses dispositions additionnelles au budget ;
- 6° Le rejet, malgré M. Martin-Feuillée, de divers crédits pour les cultes ;
- 7° L’abandon forcé des projets sur les incompatibilités et sur le sectionnement de Paris ;
- 8° La nomination d’une commission d’enquête sur la situation des ouvriers de l’industrie de l’agriculture malgré M. Jules Ferry. '
- 9° La suppression de l’article 1er de la loi sur les manifestations séditieuses ;
- 10® L’adoption de l’amendement Gatineau dans la même loi, malgré M. Waldeck-Rousseau ;
- 11° L’adoption de l'amendement Goblet dans la même loi, malgré M. Martin-Feuillée.
- Il est certain que le public n’a rien à gagner aux changements de ministères qui ne sont pas suivis de modifications dans les choses soumises à l’action gouvernementale ; il est non moins évident qu’aucun des cas cités n'a pas lui-même assez d e gravité pour entraîner une crise ministérielle. Mais lorsqu’il est constaté
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- que, dans si peu de temps, le ministère s’est trouvé onze fois en divergence avec l’opinion de la représentation nationale, sans compter que, dans la plupart des cas où il a paru être d’accord avec elle, cette communauté de vue s’est établie généralement à la suite de manœuvres parlementaires plus ou moins avouables, on est disposé à douter des capacités et de la bonne volonté des ministres ne sachant pas ou ne voulant pas prendre en considération les manifestations de l’opinion publique. L’histoire des petits ruisseaux prouve surabondamment que les petits échecs parlementaires successifs engendrent les effondrements politiques.
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- La commission le l’impôt sur le revenu. — Cette commission, on le sait, a résolu de supprimer plusieurs taxes indirectes, pour les remplacer par un impôt sur le revenu jusqu’à concurrence du même produit.
- Les taxes qu’elle propose de supprimer sont les suivantes : impôt sur les boissons hygiéniques, impôt des prestations, droit de 10 0/0 sur les transports en grande vitesse, impôt sur le papier. Ces suppressions s’élèveraient à 260 millions, dont on retrouverait l’équivalent par un impôt sur le revenu ainsi calculé :
- Impôt de 6 0/0 sur les créances chirographaires et hypothécaires ; de 4 0/0 sur les valeurs mobilières, actuellement imposées à 3 0/0, de 3 0/0 sur toutes les rentes d’Etat ; de 2 1/2 0/0 sur les traitements de tous les fonctionnaires — tes officiers exceptés — et sur tous les ap -pointements des employés de l'industrie ou du commerce ;
- Impôt de 4,49 0/0 sur la propriété non bâtie et de 6,52 0/0 sur la propriété bâtie.
- Enfin relèvement de 15 0/0 sur la plupart des patentes ; pour ;es banques l’élévation serait de 50 0/0 et pour les agents de change de 100 0/0.
- La décision relative à l'impôt de 3 0/0 à établir sur la rente française a été prise hier par 9 voix contre 2.
- La commission d’enquête. — Cette commission se réunit fréquemment ; elle a déjà reçu de nombreuses dépositions de délégués ouvriers ; nous en reproduisons sommairement l’analyse, mais pas sans exprimer notre regret de voir les travailleurs affirmer avec une certaine précision l’intensité des troubles économiques sans oser exposer les solutions socialistes. Paris compte un grand nombre de groupes d’ouvriers socialistes. Ces citoyens ont tort de laisser échapper cette occasion de demander aux pouvoirs publics de se prononcer sur les réformes préconisées par les socialistes; s’ils persistent dans cette abstention,ils perdront d’abord une excellente occasion de propager leurs théories; puis, ils laisseront à leurs adversaires l’avantage de pouvoir leur reprocher plus tard d’avoir craint d’exposer leurs revendications devant des hommes capables de les discuter, que répondront-ils lorsqu’on interprétera leur conduite de l’heure présente comme un aveu d’impqissance et de défaut de conviction.
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- Les tailleur» de pierre. — Ils ont exposé que le nombre des ouvriers qui ôtait de 18,000 â Paris, il y a cinq ans, s’est abaissé depuis deux ans à 12,000, mais qu’il est encore trop élevé, puisque depuis environ seize mois, 2,000 seulement sont régulièrement occupés.
- Les conditions actuelles du travail, conditions qui ne peuvent guère s’améliorer, puisqu’elles sont acceptées par les compagnons qui viennent chaque année à Paris et s'en retournent ensuite, se résument ainsi : durée du j travail, douze à quatorze heures par jour ; salaire moyen, I 80 à 85 centimes l’heure. *
- Trois cents ouvriers sur mille retournent dans leurs [ pays au commencement de l’hiver. Il y a cinq ans, la ! proposition était inverse. j
- Le salaire actuel précité est celui que les entrepreneurs offraient il y a dix ans.
- Les délégués ont ajouté que la moyenne des journées
- annuelles de chaque tailleur de pierre était de 240 produisant environ 2,400 francs.
- La crise, vu l’état actuel des chantiers et les travaux de construction en perspective, ne leur paraît pas devoir prendre fin de sitôt.
- Invités à formuler les vœux de l’association, les délégués demandent que les patrons soient mis dans l'obligation de prélever, sur tous salaires, des cotisations qui permettraient d’assurer le fonctionnement de la caisse de secours, absolument insuffisante. Ils demandent également le renvoi et même la suppression complète des tâcherons.
- La durée du travail quotidien devrait être limitée à huit ou neuf heures, en raison des fatigues qu’il impose. Néanmoins, le salaire ne saurait être réduit à moins de 9 ou 10 fr. par jour.
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- OrnemanisteM eu carton-pierre. — Cette corporation, d’après les déclarations des délégués, comprend 1,800 ouvriers, mais l’association syndicale pro-proprement dite ne se compose plus aujourd’hui que de 100 membres. Les autres se sont retirés volontairement ou ont été rayés parce qu’ils ne payaient plus ou ne pouvaient plus payer la cotisation mensuelle.
- Il résulte de cette situation fâcheuse que 100 ou 130 ouvriers seulement sont employés une assez grande partie de l’année. Les autres subissent un chômage presque continnel et sont forcés de se livrer à d’autres travaux divers,ce qui ne facilite pas la reconstitution du syndicat sur des bases plus larges et plus solides.
- Les délégués ont fait remarquer aux commissaires qui leur demandaient les motifs de la crise, que l’exportation des produits parisiens de leur industrie avait diminué de cent pour cent, parce que la fabrication à l’extérieur a pris une réelle extension et ne laisse plus rien à désirer. De plus, la production est toujours supérieure à la vente.
- Le salaire, en temps normal, était fixé à 9 francs par jour. Il est descendu à 5 francs.
- Les délégués, en se retirerant sans formuler de vœux précis, ont exprimé l’espoir que le gouvernement rechercherait le moyen de venir en aide aux corporations les plus éprouvées.
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- Charpentiers). {— Les délégués ont fait connaître que, sur cinq mille ouvriers de cette profession, à Paris, trois mille cinq cents environ se trouvaient sans travail. Le salaire maximum est, depuis quelque temps, établi à 0 fr. 90 l’heure.
- Le syndicat s’occupe actuellement de l’organisation d’une caisse de secours et d’une caisse de retraites.
- Les délégués se sont plaint de la substitution presque générale du travail mécanique au travail des bras,et des Fâcheuses conséquences de l’article 11 du traité de Francfort.
- Divers membres de la commission ont ensuite adressé aux délégués quelques questions, entre autres la suivante, qui répond à l’une des principales préoccupations du Parlement : « La crise que subit votre industrie est-elle plus intense que l’an dernier ?
- L’un des délégués a répondu : « Non ; la situation des charpentiers, assez prospère en 1882, s’est depuis cette époque sensiblement aggravée, mais elle n’est pas pire en 1884 qu’en 1883. »
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- Scieurs de long1. — L'association des scieurs de long compte 950 membres; 300 environ ne travaillent que quelques jours par mois, à d’assez longs intervalles. 150 s’embauchent où ils peuvent, la plupart comme hommes de peine. La journée de travail, ont ajouté les délégués, est de 12 heures en été et de 8 en hiver. Le salaire est fixé conformément à la série de prix de la Yille, soit, en moyenne et ordinairement, à 83 centimes l’heure de travail ; actuellement, le prix de l’heure de travail varie de 60 a 70 centimes.
- Le malaise de cette industrie remonte à 1879. Le syn-
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- diçat possède une caisse de secours, mais elle ne peut venir en aide que dans une faible mesure aux membres sans travail.
- Peintre» décoraieur» en céramique. —
- Les délégués ont fait connaître qu’ils étaient au nombre de 900. Les deux tiers des ouvriers chôment actuellement. Ils travaillent dix heures par jour et le salaire est de 6 francs. Parmi les causes dont les ouvriers se plaignent, nous Citerons le travail des femmes, la concurrence étrangère, les droits mis par les Etats-Unis sur les objets français, le prix plus élevé en France qu’à l'étranger des conditions de la vie.
- Moulenrs céramistes*. Les mouleurs céramistes sont au nombre de 833, sur lesquels 269 travaillent actuellement- Les patrons ont réduit la journée de travail de 10 heures â 7 heures pour ne pas diminuer le nombre des ouvriers travaillant. Le prix de l’heure varie entre 45 et 68 centimes. Le principal grief des mouleurs est celui tiré de la concurrence étrangère.
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- Les fcm^eur» en t>rox>sEe. — Les fondeurs en bronze d’art et bronze mécanique sont au nombre de 1,600, sur lesquels 700 sont syndiqués. La crise qqi sé-yit sur cette industrie affecte également la branche dite du bronze mécanique.
- L’ouvrier gagne 6 fr. 80 par jour, mais en défalquant les jours de chômage le salaire ne s’élève en réalité qu’à 4 fr. 75, avec lesquels l’ouvrier ue peut pas entretenir Sa famille,
- La concurrence étrangère est redoutable et les délégués ont demandé, entre autres remèdes, un relèvement des droits de douanes.
- Colleurs de papiers. — La corporation dès colleurs de papiers compte 400 à 480 membres ; un tiers a actuellement du travail. La chambre syndicale de ce groupe a réuni cent membres,
- Le travail se fait aux pièces. Il y a encore six mois, en travaillant aux pièces, la moyenne delajournée était de 9 francs. Aujourd’hui là moyenne est de 3 francs, par suite de la diminution du travail. Le travail çgt de dix heures en temps normal. On compte dans la corporation Un cinquième d’étrangers, Belges ou Suisses. Depuis 1878, lé nombre des ouvriers colleurs a augmenté de 100 à 180.
- Les ouvriers voient la cause du malaise dans l’abus des constructions depuis quelques années.
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- Doreurs sur Dois, r— La corporation comprend 3,000 ouvriers ; 2,500 travaillent en temps normal- La Chambre syndicale comprend 150 adhérents. Le travail se fait 4 l’heure et chaque journée est de dix heures.
- Lé chomâge est permanent depuis 1832, le salaire s’élève 4. B fr. pour tps apprôteurs, à 9 fr. pour les doreurs. Le malaise est, au dire des délégués, l’eeuvre de nos gouvernants et de Ja fiuanee coalisés.
- Qn ne fait pins de travaux sérieux dans les ministères, les édlftçes pup4csi les musées.
- Au ministère de la guerre et de la marine, aucun travail n’a été entrepris depuis deux ans. Le garde-meuble, auquel était attachée une équipe d’ouvriers, n’en emploie plus un seul.
- La Société.de secours mutuels de cette corporation fonctionne irrégulièrement. Dans les plus mauvaises années avant 1882, aucun chômage n’a duré plus de trois mois.
- Aujourd’hui, les ouvriers les plus favorisés travaillent six mois sur dpuze.
- La concurrence étrangère, notamment celle de l'Allemagne, ne porte que spr qn seul article — lç chimique — qui constitue a peu près un cinquième de l'ensemble du travail,
- Un queHtionnaire opportun. — Nous n’avons pas été seul à nous étonner sur le silence du questionnaire opportuniste en ce qui concerne les moyens de vaincre et d’éviter les difficultés économiques. Le Radical publie une lettre, adressée à M. Maret, signalant quelques questions qui nous semblent devoir être prises en considérations par les enquêteurs sincères.
- Monsieur le député.
- Depuis quelque temps, on a fait beaucoup de bruit à propos de la question sociale,
- La proposition Langlois repoussée, il semble que tout ait été dit sur la question, et que le silence soit imposé par la prudence à tous ceux qui avaient soulevé le débat.
- D’ici peu de mois, la crise industrielle augmentant, l’opinion publique remettra sur le tapis cette discussion que l’on voudrait aujourd’hui étouffer.
- Afin d’être prêt à répondre victorieusement à la tribune, voici quel conseil je me permettrais.de vous donner, si les conseils d’un prolétaire pouvaient parvenir jusqu’à votre oreille,
- Poser à toutes les écoles (soit économistes soit socialistes) les quatre questions suivantes :
- î- Quels ont été les differents systèmes économiques qui ont régi les sociétés?
- 2‘ Pourquoi les mécanismes économique anciens sont-ils bien fonctionné pendant des siècles ;
- 3- Pourquoi sont-ils devenus impuissants à satisfaire les besoins actuels de la société, et quels sont ces besoins?
- 4* Quelles sont les conditions que doit remplir le nouveau mécanisme économique pour assurer la stabilité de l’ordre par la satisfaction de tous les besoins sociaux ?
- Lorsque toutes les écoles auront donné leur réponse, il vous sera peut-être alors possible de déposer entre les mains de la Chambre un projet de réformes qui puisse aboutir.
- Persuadé que mon conseil ne sera point goûté, j’ai l’honneur, etc.
- Ch. Barthélemy.
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- X^e>*4 chiffonniers <1© Paris. — Le conseil municipal de Paris a été saisi par M. Joffrin d’une pro-posiütion demandant que la ville de Paris indemnise ips chiffonniers de Paris expropriés pour cause d’utilité puhüque. Voici la proposition de M. Joffrin ; « Considérant que sous le régime actuel d’une société basée pur le droit personnel de propriété, la propriété de chaque çitqyeri doit être respectée et que nul n’en peut-être privé popr cause d’utiiité publique que moyennant une indemnité équitable ;
- « Qqe ce principe fut généralement respecté;
- « Que l’Etat, en 1849, par exempt, indemnisait de 126,000,000 de francs les propriétaires d’esclaves des colonies françaises qu’on dépouillait de leur propriété de chair humaine;
- « Que l’Etat a cru devoir indemniser de même les émigrés, les maîtres de poste, tous celix qui, par son action, sont privés de leurs propriétés ou de leurs revenus ;
- * Que, même quand l'expropriation n'est pas de son fait, pomme c’est le cas peur les sinistres, l’Etat indemnise souvent les victimes ;
- « Qqe, comme l’Etat, la vilje de Paris indemnise les propriétaires qu’elle dépouillé pour cause d’utilité publique;
- « Que, dans l’ordre social actuel, les ouvriers chiffonniers ont le droit d’être considérés comme les propriétaires légitimes de i’exerciqe de leur industrie et qu’on ne peut les en dépouiller, même momentanément sans les indemniser ;
- <k Le Conseil délibère :
- « Une indemnité sera allouée aux ouvriers chiffonniers nour le dommage qu’ils ont déjà subi, sans préjudice d’une autre indemnité, si, l’arrêté qui les concerne étapt maintenu, ils Ôtaient définitivement dépossédés de l’exercice de leur industrie, 4 8igné : Joffrin. »
- ♦ *
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- LE DBVOIR
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- Le commerce do la France en j anvier 1S84L. «- L'administration des douanes vient de publier les résultats généraux de notre commerce extôr rieur pendant le mois do janvier de l’année courante en les comparant avec les résultats correspondant de janvier 1883. Voici les chiffres de cette statistique :
- Importations 1884 1883
- Objets d’alimentation.... Matières nécessaires à l’in- 100.238.000 128.234.000
- dustrie 123.156.000 180.356.000
- Objets iahriqnés 40.589.000 50.401.000
- Autres marchandises.... 8.616 000 9.491.Q0Q
- Total 274.629.000 368.462.000
- Exportations
- Objets d’alimentation.... Matières nécessaires àl’im- 47.841.000 60.026.000
- dustrie Objets fabriqués 28.494.000 41.403.000
- 76.967.000 87.821.00Q
- Autres marchandises.... 6.922.000 8.417.000
- Total 160.224.000 197.667.000
- De cette première constatation on peut conclure que les bénéfices des exportateurs et des importateurs ont été aussi réduitsde 23 0/0; ce qui les dispose à diminuer leurs dépenses, lorsque la surproduction exigerait une augmentation dp la consommation.
- En 1883, la différence entre les importations et les exportations était de lOo.TOS'OOO francs, en faveur des premières ; en 1884 cette différence n’est plus que de 114 404.000 francs ; la France a donc payé en janvier 1884, un tribut à l’étranger moins élevé de 46 390.000 que celui payé l’ap dernier pendant le même mois. Cette situation serait très-avantageuse dans une société rationnellement organisée; mais, lorsque la fortune publique est possédée par quelques uns, la masse des déshérités voit fréquemment son bien-être n’avoir aucune relation directe avec les variations de la fortune publique: ainsi, u? abaissement de la fortune publique comme en 1884, entraîne un grand mouvement de marchandises, par suite il répand l'abondance des salaires ; tandis que le maintien de la fortune publique, lorsqu’il se produit sans résulter d’une balance de pertes et de gains ou d’un grand courant commercial n’ayant dopné ni pertes ni profits, la classe des salariés est fortement atteinte dans ses intérêts parce qu’elle a été privée des salaires résultant de la manutention des marchandises.
- Le fait le plus Inquiétant ressort de la comparaison des chiffres de l’exportation en 1884 et 1883 ; l’exporta-lipp en 1884, donne une diminution de 37.443.000 fr. sur un total des chiffres de l’année 1883. Il est évident que ces 37.448.000 francs sont représentés par des objets imbriqués qui» n’ayant pas trouvé les débouchés prévus vont encombrer le marché et amener une nouvelle dépréciation de la main d’œuvre.
- Nqs députés, notamment ceux qui font partie de la commission d’enquête, comprendrpnt-ils la portée de ees enseignements?
- MAROC
- Nous avons déjà signalé quelques symptômes permettant de supposer que la politique coloniale pourrait nous entraîner à, de graves embarras du côté du Maroc.
- Les dépêches dans le genre de la suivante rappellent singulièrement le langage des officieux pendant la préparation du conflit ayec le Topkin. L’agence Havas publiait récemment cette dépêche :
- Tanger, 10 février.
- « L’influence françaisse a fait faire un premier pas à la question de l’abolition de l’esclavage, qui a été à plusieurs reprises vainement deïqandée par les représentants des puissances européennes au Maroc.
- « Le chérif de Quazzan, cédant aux conseils pressants de M, OrdegfL représentant de la France au Maroc, donne l’exemple aux indigènes en renonçant, pour lui et sa famille, à la coutume de vendre ou d'acheter des esclaves. »
- D’autre part, les journaux espagnols prétendent que M. Chavagnac aurait acquis des terrains au Rif pour le compte du gouvernement français.
- Nous ne savons ce qu’il y a de vrai dans les affirmations de la presse espagnole ; ce qu’il y a de certain, C’est que M. Chavagnac, le représentant de la France, avait acheté une ferme au Kaïd Hadj AR, fine cette ferme a été brûlée et saccagée par les kabyles, et que le vendeur et ses partisans ont soutenu un combat contre les autres kabyles, dans lequel il y a eu trois blessés et quatre tués.
- Il n’y aucun inconvénient à laisser M. Chavagnac acheter des fermes des territoires pour son compte ou celui d’autrui, pouryp que l’on n’ait pas la folle prétention de commanecr par là un des coups de la politique coloniale comparable à ceux de Tunis et du Tonkin.
- ALLEMAGNE
- La («situation en Allemagne. — «La lutte a dit M. Say, dans une récente conférence, est engagée avec violence. D’un côté, le socialisme révolutionnaire affiche ses prétentions les plus extrêmes. C’est l’organisation de la société qu’il faut refaire ; c’est la loi de fer du salariat qu’il faut abolir; c’est le capital dont il faut briser le joug ; c’est une nouvelle distribution des profits qu’il faut inaugurer, et on déclare qu’on ne peut y arriver que par la révolution.
- % D’un autre côté, le socialisme soi-disant conservateur se déclare capable de résoudre la question sociale par des modifications que les organes existants des gouvernements peuvent apporter à la loi positive, et prétend pouvoir dominer l’antagonisme des intérêts par la contrainte. La violence gouvernementale a la prétention de refaire la société aussi radicalement que la violence révolutionnaire. Les uns et les autres suppriment la liberté, ici au profit de la révolution, là au profit des gouvernements.
- « Entre les deux, une école moyenne cherche à persuader aux peuples et aux gouvernants qu'il ne faut aller ni jusqu’à l’un ni jusqu’à l’autre des extrêmes. Elle reconnaît qu’il y a de? limites aux fonctions gouvernementales, mais elle les étend en reconnaissant que l’Etat doit avoir d’autres souefi que celui de garantir la sécurité des citoyens. Enfin, sur un terrain si réduit qu’on a de la peine à le découvrir, reste toujours sqr la, défensive l’auciepue école économique qui est débordée de tous les côtés et demande à traiter sur la base des concessions les moins étendues à l’omnipotence de l’Etat. »
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- Les marins allemands. — Le rapport de l’amirauté constate que le recrutement du personnel maritime donne, chaque année, de moins bons résultats ; aussi l’autorité a-t-elle prescrit de former des volontaires. L’amirauté s’efforcera ainsi de retenir le plus longtemps possible les marins exercés qui, aujourd’hui déjà, reçoivent une solde supérieure à des hommes de l’armée de terre.
- ANGLETERRE
- L'opinion publique est vivement inpressionnée par les événements d’Egypte.
- On prétend que le générai Gordon a fait afficher une prqç}amation dans laquelle il déclare que l’Angleterre reconnaît aux habitants du Soudan le droit de continuer à faire la traite des noirs.
- Les adversaires du ministère libéral de M. Gladstonne organisent de nombreuses réunions dans lesquelles ils obtiennent le vote d’ordres du jour engageant le gouvernement à sb séparer de ses conseillers et à dissoudre la Chambre des communes. Ce beau mouvement de pa*
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- LE DEVOIR
- triotisme des conservateurs anglais couvre une manœuvre politique ayant pour but de renverser le ministère et de faire nommer une nouvelle Chambre des communes, avant le vote d’une nouvelle loi électorale étendant le droit de suffrage.
- Patriotisme des conservateurs i
- ESPAGNE
- Dans un meeting tenu par les républicains, M. Gal-vez, un des chefs de l’insurrection de Garthagène, a parlé en faveur de l'Eglise libre dans l'Etat libre et de la République fédérative, il a ajouté que si les monarchistes laissaient aux citoyens l’exercice de leurs droits individuels, les républicains abandonneraient tout projet de conspiration. Dans le cas contraire, les républicains accepteront la lutte avec toutes ses conséquences.
- Correspondance d’Angleterre
- Chinese «Gordon
- (d’après C. H. Allen.)
- En ce moment, où les regards de l’Europe toute entière sont tournés vers l’Egypte, et où, comme première conséquence de l’écrasante défaite de Baker Pacha à Trinkitat, l’insurrection du Soudan prend de nouvelles forces et s’étend de plus en plus, il ne sera peut-être pas inopportun de faire connaître un peu par le détail la vie du général Gordon, autrement dit Chinese Gordon, de cet homme au sort duquel chacun s’intéresse et dont tout le monde parle aujourd’hui sans guère le connaître.
- Charles, G. Gordon naquit à Woolwich, le 28 janvier 1833 et descend d’une famille de soldats. Il fit ses études à Woolwich même, comme Cadet, et prit part à la guerre de Crimée, où il se fit déjà remarquer de ses chefs par son adresse à découvrir les mouvements de l’ennemi. Il était à cette époque officier du génie, et avait pour compagnon d’armes celui qui est aujourd’hui lord Wolseley. En 1858, Gordon fut nommé membre de la Commission chargée de la délimitation des frontières turco-russes.
- Deux ans plus tard, il faisait partie de l’expédition anglo-française en Chine. Il assista à la prise de Pékin et au pillage du Palais d’Eté.
- En 1863, le gouvernement Chinois ayant fait demander au gouvernement britannique de vouloir bien lui désigner un officier supérieur capable de prendre le commandement des troupes impériales qui fuyaient partout devant les Taï-Pings, Gordon, sondé par le gouvernement de la Reine, accepta les propositions qui lui étaient faites, se rendit en Chine, et alors commença pour lui cette série extraordinaire de succès, mérités d’ailleurs, auxquels il doit la grande notoriété dont il jouit.
- On se rappelle que cette révolte des Taï-Pings, qui ébranla jusque dans ses fondements le vieil em-
- pire chinois, fut l’œuyre d’un maître d’école fanatique, Hung, qui, comme le Mahdi de nos jours, se posant en prophète, parvint à attirer sous ses drapeaux plusieurs centaines de mille hommes à la tête desquels il commença sa guerre d’extermination contre la race Mandchoue.
- L'armée, à la tête de laquelle Gordon fut placé en arrivant en Chine, comptait environ 4,000 hommes mal armés et encore plus mai exercés, mais qu’il sût façonner et plier à une discipline sévère, en même temps qu’il parvint à leur inspirer une confiance illimitée. Il marchait toujours à leur tête, armé d’une simple baguette même au plus fort du combat, donnant sans cesse à ses troupes l’exemple de la plus grande intrépidité jointe à un sang-froid incroyable et à un bonheur qui tenait du prodige, si l’on songe qu’il ne reçut jamais qu’une blessure dans toute cette campagne de Chine où cependant il exposa si souvent ses jours.
- Disons encore que Gordon, lorsqu’il quitta le Céleste empire, était aussi pauvre qu’à son arrivée. LrEmpereur lui ayant envoyé dix mille Livres quelques temps avant son départ, il distribua cette somme à ses troupes sans en rien garder pour lui. Toutefois, il ne crut pas, par bien séance, devoir décliner les titres et les grades que lui conféra le Fils du Ciel, aussi Chinese Gordon est-il mandarin de première classe et a-t-il le droit de porter la plume de paon à son bonnet.
- Le Roi Céleste, comme les Taï-Pings désignaient leur chef Hung, ne possédait plus guère que Nanking, où il s’était fait couronner, lorsque Gordon rentra dans la vie civile. Avant do quitter définitivement la Chine, il eut la satisfaction d’apprendre que Nanking était tombée au pouvoir des troupes impériales. Qui ne se rappelle la fin dramatique de Hung et de ses femmes ?
- Dès son retour en Angleterre, le colonel Gordon, car tel était alors le rang qu’il occupait dansjl’armée anglaise, vint se fixer à Gravesend où, de 1865 à 1871, il travailla aux fortifications de la Tamise, donnant en même temps l’exemple de la plus grande charité et d’un dévoument illimité envers la classe pauvre.
- Sa maison, dit un témoin oculaire, ressemblait bien plus tantôt à une école, à un hôpital ou à une maison des pauvres (Alms-House), qu’à l’habitation d’un colonel du génie. » Non content de recueillir, d’élever, et, plus tard, de placer ses jeunes protégés qu’il allait chercher lui-même dans tous les cloaques de la grande ville ; il en vient à enseigner dans les ragged schools, c'est-à-dire dans ces écoles où l’on ne reçoit que les pauvres des pauvres, les gamins
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- LE DETOÏK
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- des rues, les orphelins du pavé : thé Street-arabs.
- On le voit, Gordon-Pacha, comme on l’appelait en France, est non seulement un officier de talent doublé d’un diplomate, c’est encore un croyant convaincu, honnête, désintéressé et plein du feu sacré : il est du bois dont on fait les héros ou les martyrs, et quelquefois l’un et l’autre !
- En 1874 nous le retrouvons au Soudan où il avait été appelé par le Khédive pour y rétablir l’autorité égyptienne méconnue, et, sinon abolir, du moins entraver, réprimer le commerce des esclaves qui s’y était développé dans d’effrayantes proportions. En un mot, il devait y continuer l’œuvre de civilisation commencée par sir Samuel Baker sous Ismaïl.
- Le Soudan proprement dit; Beled-es-Soudan, ou Fays des Noirs, comprend l’imménse pays qui s’étend de l’Abyssinie à la Sénégambie, et des montagnes de Kong, du lac Oukérévé ou Victoria et du mont Kénia au Sahara et à la Nubie. Mais le Soudan égyptien, ou Soudan oriental, dont Gordon Pacha devenait le gouverneur général, s’étend seulement de la Méditerranée jusque vers l’Equateur, et a 1700 milles de longeur sur 700 de largeur, — Comme qui dirait la superficie de l'Europe moins la Rassie.
- Dans sa première expédition, le colonel Gordon remonta le Nil jusqu’au lac Albert Nyanza. Tout le long du fleuve, de Khartoum jusqu’aux lacs, il établit des postes militaires, et sur l’Albert Nyanza il monta un petit vapeur* En même temps il parvint grâce à sa dévorante activité et à son courage indomptable, à réprimer assez efficacement le trafic des esclaves.
- L’on ne saurait se faire une idée des difficultés qu’eut à vaincre Gordon Pacha, ainsi que des souffrances que lui et les siens endurèrent pendant les deux premières années qu’il passa dans le Soudan. Presque tous les blancs qui l’accompagnaient moururent sur la terre d’Afrique, ou se virent obligés de regagner l’Europe pour échapper à la mort. Son propre domestique, un allemand, qui cependant lui était très-attaché, l’abandonna et s’enfuit un beau jour. Gordon fit à cette occasion la remarque suivante qui dépeint bien l’homme : « Tant mieux, après tout ! Le meilleur domestique que j’aie jamais eu, c’est moi ; celui-là fait toujours ce que je veux. »
- Que l’on me permette de citer encore les lignes suivantes extraites de lettres particulières écrites par lui en 1874, et qui nous montrent le côté religieux de l’homme : « J’ai une énorme province à administrer, mais ce m’est une véritable bénédiction
- {« blessing ») de penser que Dieu en a entrepris l’administration, et que c’est son travail et non le mien. Si j'échoue, c’est qu’il aura voulu; si je réussis, ce sera son ouvrage. »
- Et ailleurs : * Je suis devenu ce que l’on est convenu d’appeler fataliste, c’est-à-dire que je me fie à Dieu pour me tirer de difficulté. La grandeur solitaire du désert nous fait sentir combien sont vains les efforts de l'homme ! »
- Gordon rentra en Angleterre en 1876; mais en 1877, le Khédive Ismaïl parvint à le décider à accepter de nouveau le poste de gouverneur général du Soudan, mais, cette fois, avec des pouvoirs pour ainsi dire illimités.
- Alors eut lieu sa seconde expédition aux lacs. Le 18 février 1877, il quittait le Caire pour Suez, en route pour Massouak où il arrivait le 27, et d’où il se lançait quelques mois dans le désert.
- Quelques mois plus tard, après avoir arrêté de nombreuses caravanes d’esclaves qu’il rendait à la liberté après s’être rendu presque seul à Dara, dans le camp même du plus redoutable de ces marchands de chair humaine auquel il parvint à imposer sa volonté à force d’audace et de confiance en lui-même, Gordon Pacha avait acquis la certitude que l’entière suppression du honteux trafic qu’il poursuivait avec tant de vigueur, et même de succès, était pour ainsi dire impossible :
- « Lorsque vous parviendrez, écrivait-il à ce propos, à extraire l’encre qu'a bue une feuille de papier buvard, cejour là, l’esclavage cessera dans ce pays! »
- Et cependant, il avait tout fait pour y mettre fin : il s’était multiplié, payant toujours de sa personne, faisant à dos de chameau des milliers de milles pour surprendre les marchands d’hommes, ne s’épargnant pas plus les fatigues qu’il ne redoutait les dangers; mais se sentant mal soutenu au Caire, il perdit courage devant l’immensité de sa tâche et son isolement, et au mois de juillet 1877 il quittait de nouveau le Soudan, ne se doutant guère qu’il devait y retourner sept ans plus tard dans des conditions bien différentes..
- Depuis, on Ta vu tour à tour en Abyssinie, où il a risqué sa vie ; en Chine où son influence n’aurait, paraît-il, pas peu contribué à aplanir les difficultés qui s’étaient élevés entre la Russie et le Céleste-Empire; aux Indes enfin, où il ne fit que passer, donnant bientôt sa démission de secrétaire de lord Ripon, place qu’il n’aurait jamais dù accepter.
- C’est à Bruxelles qu’il était en dernier lieu, à Bruxelles où l’avait appelé le roi des Belges et qu’il allait quitter pour aller nous faire pièce au Congo,
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- LE DEVOIR
- lorsque le gouvernement britannique lui offrit la mission que l’on sait et que l’on peut, sans trop s’avancer, considérer dès aujourd’hui comme avortée.
- Quoique Chinese Gordon ne soit pas, tant s’en faut, un ami de la France, nous ne pouvons nous empêcher de faire des vœux pour qu’il revienne sain et sauf de sa dernière expéditio n au Pays des Noirs.
- Londres, le 10 février 1884.
- P.-L. Maistre.
- ÉCOLES DD FAMILISTÈRE
- Devoir sur la vue
- La vue est le pouvoir, que nous donnent les yeux, devoir dans l’espace les objets, leurs mouvements, leur forme, leurs dimensions et leurs couleurs. Elle est aussi