Le Devoir
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- 8e Année, Tome 8. — n° 278. numéro hebdomadaire 20 c. Dîfianche 8 Janvier 1884
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- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
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- SOMMAIRE
- Avis. — Le désarmement Européen. — Nouvelles du Familistère. — L’arbitrage, solution des différents industriels. — Les emprunts d'Etat. —Le Jour de Van au Familistère. - • La Ligue de la paix internationale. — Faits politiques et sociaux. — Robert Owen. — Travail et Capital. — Nationalisation du sol. — Conservation des fourrages. — Tunnel de Car dbg. La Guerre. — Erat civil du Familis-
- tère. — Bibliographie. — Cours d'adultes — Théâtre du Familistère.
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, Vadministration fait présenter une quittance d'abonnement.
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- LE DÉSARMEMENT EUROPÉEN
- Le désarmement ! Nous n’avons pas un autre mo^ pour exprimer nos souhaits de nouvelle année, à nos lecteurs, à nos compatriotes, à l’humanité toute entière.
- C’est là qu’est le commencement du progrès social.
- Les armements sont choses stupides et ruineuses, nous l’avons déclaré nettement dans de récents articles, en montrant parallèlement quel emploi fécond on pouvait faire des milliards engloutis chaque année en Europe par l’entretien des armées permanentes et de l’outillage militaire.
- Nous n’avons pas posé cette question pour reculer devant les conclusions logiques avec ses prémisses.
- Lorsque tout le public s’est habitué à parler de la guerre presque sur le ton de ^indifférence, comme d’une évantualité probable, nous n’éprouvons aucune hésitation à nous distinguer de la masse et à lui crier, avec autant d’énergie qu’elle met d’entêtement à ne pas vouloir entendre, que la guerre est une monstruosité à laquelle les peuples pourront se soustraire dès qu’ils voudront s’occuper sérieusement des affaires publiques.
- Cette résignation, en face de probalités qui ne se réalisent que parce que nous restons indifférents, est indigne d’une nation républicaine. Elle est un signe de décadence chez les peuples émancipés.
- L’idée de désarmement est conforme aux enseignements du progrès. Tous les hommes réfléchis ont le devoir de la défendre.
- Le nombre de ceux qui ont élevé la voix en faveur de cette idée libératrice est encore bien petit. Qu’importe !
- Ceux qui ne trouvent pas dans le fond de leur conscience une conviction assez ardente pour les pousser à prendre l’initiative d’une agitation publique en faveur de la paix, ceux-là peuvent encore obéir à des mobiles d’un ordre moins élevé.
- Le nombre de ceux qui ont peur de la guerre est grand ; beaucoup de citoyens prévoient déjà à sa suite, quel que soit le vainqueur,une ruine inévitable ; le nombre des citoyens menacés dans leur existence par ce fléau se chiffre par millions.
- Les intérêts divers appelés à bénéficier de la conservation de la paix par le désarmement sont variés et nombreux.
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- Une agitation dans ce sens procurera aux hommes de principes un champ d’actioh suffisamment vaste pour qu’ils puissent tous y prendre place. Les ambitieux, les spéculateurs, comprendront que l’on ne peut s’adresser à des intérêts si considérables, sans récolter delà considération, de l’influence, des situations électorales ou prépondérantes.
- Jamais aucune question n’a visé plus d’intérêts, jamais aucune n’a compté parmi ses défenseurs un aussi petit nombre d’hommes publics.
- On a vu des hommes devenir célébrés parmi leurs contemporains, obtenir des situations élévées,enfai-sant campagne en faveur de la réforme de la magistrature, en luttant contre les abus de la police. Cependant les intérêts agités dans ces deux questions sont à peine appréciables à côté de ceux subordonnés au désarmemement.
- Le devoir des peuples de la vieille Europe est d'imposer le désarmement à leurs gouvernements ; ils le peuvent par une l’agitation générale et soutenue.
- Il appartient à la France, (nous ne disons pas, avec intention, au gouvernement Français), de donner l'exemple de ce mouvement pacifique.
- Cette initiative revient au peuple français à cause de sa situation morale et politique.
- Moralement, la République française a une glorieuse tradition qui lui commande le dévouement au progrès social ; puis aucune question ne s'agite sérieusement chez elle, sans attirer l'attention de tous les peuples de l’Europe.
- Politiquement,la défaite de 1870 et la conquête par l’Allemagne de l’Alsace et de la Lorraine font accepter par les autres peuples, comme fondées, les suggestions de leurs gouvernements tendant à faire prévaloir l’opinion que la France est résolue à la revanche, et que ces dispositions fd’une puissante! nation imposent à toutes les autres des contigents militaires capables de faire face à toutes les éventualités. Il appartient à la France seulement de pouvoir faire évanouir ces préventions si perfidement entretenues à l’étranger, en accentuant une politique assez nettement pacifique pour dissiper toutes les équivoques.
- La question du désarmement européen ne peut se poser fructueusement en France, si l’on ne présente en même temps une solution visant les provinces conquises,et il est nécessaire que cette proposition soit acceptable par l’Allemagne,
- La neutralisation de l'Alsace et de la Lorraine par un congrès arbitral des puissances européennes nous semble réunir les conditions désirables.
- Ce projet compte de nombreux partisans dans ces provinces. En Allemagne et en France la plupart des citoyens préféreront cet arrangement à la paix armée.
- Il y a quelques semaines, M. Hodgson Pratt, délégué de la fédération des associations anglaises créée en vue du maintien de la paix, est venu à Paris, où il a réuni les premiers éléments du groupe fédéral français.
- Ce groupe fédéral, d’après nous, doit débuter par une vigoureuse et franche entrée en campagne. Il faut abandonner les vagues déclarations sentimentales sur le thème inépuisable de la paix.
- La question de la paix n’a pas une autre définition précise à cette heure, en France, que celle-ci : Neutralition de l’Alsace et de la Lorraine par un congrès arbitral européen, suivie du désarmement des puissances militaires.
- Deux modes de procédés pratiques se présentent d’abord : Le groupe de la fédération française devra-t-il s’occuper exclusivement d’organiser dans toute la France des sociétés ayant accepté son programme et sa tactique? Ou bien fera-t il mieux, sans renoncer à former de nouveaux groupes, de consacrer la plus grande partie de ses efforts à provoquer des manifestations conformes à ses aspirations, dans toutes les autres sociétés constituées?
- La deuxième méthode nous paraît être la plus favorable.
- Les hommes d’initiative sont peu nombreux en France ; la plupart de ceux qui • ne reculent pas devant les charges et les fatigues de la vie publique appartiennent déjà à diverses associations, comités électoraux, sociétés mutuelles, associations de coopération, banques populaires, sociétés de Libre-Pensée, ligues de l’enseignement, ligues révisionnistes, sociétés de protection de l’Enfance et de bienfaisance, chambres syndicales patronales et ouvrières, groupes du parti ouvrier, etc., etc.
- Beaucoup d'autres citoyens, et souvent des meilleurs, lorsqu’ils appartiennent aux conseils municipaux, ne peuvent plus prendre aucun autre nstant sur leurs occupations de la vie privée.
- Si la Fédération s’arrête à la formation de groupes spéciaux, elle aura beaucoup de peine à en constituer quelques-uns, et elle se privera d’un grand nombre de concours dévoués et efficaces.
- La Fédération et les nouveaux groupes spéciaux doivent surtout se préoccuper de provoquer des manifestations sympathiques dans toutes les autres sociétés.
- Aucune ne refusera de voter un ordre du jour
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- motivé d’après les considérations que nous avons développées. Leurs membres signeront presque tous les pétitions envoyées par la Fédération. Toutes feront un excellent accueil aux délégués qui leur demanderont de participer à leurs réunions publiques, soit pour y traiter dans un discours suivi la question du désarmement, soit pour y lire et y faire voter un ordre du jour attestant les sentiments pacifiques de.s auditeurs.
- Cette action doit être absolument générale et permanente.
- Après les premières expérimentations, la Fédération et ses groupes devront agir avec assez d’ensemble pour provoquer à dates fixes des manifestations de la part des sociétés sympathiques.
- Mais tout cela ne sera possible que d’autant que la Fédération saura respecter dans la rédaction de ses circulaires, pétitions et ordres du jour, les préférences politiques, philosophiques et religieuses de chacun. Ces pièces ne devront contenir aucune considération, aucun mot, pouvant autoriser une méfiance, une fausse interprétation.
- Si les fondateurs de la Fédération française adoptent cette tactique, ils auront dès leurs débuts une occasion exceptionnelle de prouver leur énergie et leur savoir faire.
- Toutes nos communes vont être appelées prochainement a élire leurs conseillers municipaux.Certains comités électoraux sont permanents, d’autres sont en voie de formation ; bientôt toutes nos communes un peu importantes auront chacune plusieurs comités. Il y aurait lieu de pourvoir les membres de ces comités de pétitions, d’ordres du jour, qu’ils signeraient et voteraient eux-mêmes en prenant la peine de les faire signer et voter par les électeurs présents aux réunions électorales.
- La Fédération pourrait influencer les comités électoraux afin dé les amener à imposer aux candidats l’obligation d’émettre chaque année un vœu en faveur du désarmement.
- Si l’on demandait nettement à toutes les communes françaises leur opinion sur le désarmement, on n’en trouverait pas un dixième ayant une majorité pour repousser une proposition négative.
- A la suite de ces démonstrations véritablement républicaines, on verrait bientôt les grands corps politiques conformer leur conduite selon les vœux des électeurs. Lorsque ces intentions pacifiques auraient été traduites à la tribune, elles ne manqueraient pas d’être comprises par les peuples voisins, surtout si la France possédait un gouvernement assez républicain pour prodiguer les fonds secrets en subventions aux journaux étran-
- gers qui consentiraient à reproduire les récits des manifestations pacifiques de la démocratie française.
- Tout cela est possible, et sera ; bientôt, si la Fé-déralion française de la Ligue de b Arbitrage et de la Paix veut être le vaillant état-major de tous les hommes de bonne volonté, donnant sans cesse l’exemple du bon combat, et non une chapelle ouverte à quelques pontifes lançant leurs oracles juste à temps pour ne pas laisser oublier leur personnalité, sans se préoccuper du résultat final, pourvu que leur encombrante individualité émerge de la foule.
- L’œuvre sera longue et pénible ; mais elle aboutira, si elle est conduite par des hommes ayant compris quelles obligations impose à ses militants la guerre à la guerre.
- NOUVELLES DU FAMILISTÈRE
- M. Hodgson Pratt, président du comité exécutif de l’association internationale de l’arbitrage et de la paix, et Madame Hodgson Pratt sont venus visiter le Familistère, le 22 décembre.
- M. Joseph Maria Baernreither, docteur en droit, envoyé du gouvernement autrichien, est venu voirie Familistère, le 29 décembre, en vue d’y étudier les bases de l’association et surtout la constitution des assurances mutuelles pour les pensions, le nécessaire à la subsistance, les allocations journalières en cas de maladie et la gratuité du service médical et des médicaments.
- En vue d'aider à la préparation d’une loi que le gouvernement autrichien se propose de faire en faveur des classes ouvrières, M. Baernreither a emporté les ouvrages suivants de M. Gfodin :
- Mutuatité sociale et association du capital et du travail ou extinction du paupérisme.
- Mutualité nationale contre la misère, pétition et proposition de loi à la Chambre des députés.
- L’arbitrage, solution des différends industriels ou internationaux
- Nul membre du Parlement anglais n’est plus populaire parmi ses commettants que M. Henry Richard. Dans une récente assemblée d’environ 4.000 ouvriers mineurs, tenue à Merthyr, M. Richard, au milieu de l’enthousiasme général, a prononcé un discours dont nous résumons ce qui suit :
- La transition est aisée de l’arbitrage industriel à l’arbitrage international. Certaines gens prétendent que l’art itragô est le dada favori de l’orateur. Il n’est point du tout honteux de reconnaître que c’est là une vérité. Les conflits industriels engendrent une grande somme de misères, mais les guerres internationales font dix fois plus de mal encore.
- Combien pense-t-on qu’il soit péri d’êtres humains dans les guerres entre nations chrétiennes de 1855 à 1880? M. Richard en a fait le calcul avec soin et il est sùr de ne point exagérer en disant que dans cette
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- courte période 2.180,000 hommes ont péri. Et des hommes dans toute la force et ia vigueur de l’âge, car le démon delà guerre n’accepte pour ses victimes que les plus robustes des membres de la société.
- Si l’on prenait tous les hommes adultes d’Ecosse, d’Irlande et de Galles on obtiendrait à très peu près le nombre de ceux qui ont péri dans les guerres en question.
- Quel a été le coût de ces guerres ? Le total eu est si énorme qu’il échappe à la conception. 2.653.000.000 des iivressterling(66 milliards 325 miliionsdefrancs!) ont été tirés des classes laborieuses d’Europe et dépensés par les Gouvernants pour exciter les peuples à s’égorger les uns les autres.
- Ce n’est pas tout. Une fols les guerres terminées les nations furent-elles contentes de vivre en paix et quiétude côte à côte comme elles le devraient faire ? Non, tant que la paix se maintient, elles vont augmentant leurs armements par un système de rivalité ; aussi le Times, dans un article paru il y a deux ou trois semaines, évalue-t il à douze millions le nombre des hommes exercés en Europe à porter les armes.
- M. Richard est allé dernièrement sur le continent et il est revenu profondément, impressionné de la somme de maux qu’endurent les peuples par suite de ces armements, dont le coût n’est pas moins de 550.00Q.00Ü de livres par an, soit 13 milliards 750 millions de francs.
- Ce n’est point pour adresser un reproche aux soldats, mais c’est un fait qu’ils ne produisent rien et qu’ils consomment les produits des travailleurs. Eh bien, en face de cet état de choses, comme en face des conflits entre patrons et ouvriers du nord de l’Angleterre. M. Richard s’écrie : Est-ce qu’il n’y a pas de remède ? Si, il y en a un — et un parfaitement simple : Que les nations règlent leurs différends par l’arb trage au lieu d’avoir recours à la guerre. Il pourrait citer plus de quarante cas où, dans le présent siècle, l’arbitrage a réglé avec le plus grand succès les dissentiments entre Etats.
- Pour faire prévaloir ces idées, M. Richard a besoin du concours de ses compatriotes qui ont bien voulu déjà lui donner leurs sympathies. Si l’arbitrage pouvait prédominer partout sur la guerre, ce serait pour le genre humain le plus grand des bienfaits qui aient jamais été accomplis à la surface de la terre.
- The arVtï ator, de Londres.
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- LES EMPRUNTS D’ÉTAT
- La France paye annuellement un milliard deux cents millions d’intérêts, cela représente une dette d’environ trente-trois milliards !!!
- Et la France va emprunter encore. Le gouvernement va encore augmenter cette dette et pourquoi ? pour payer les intérêts qu’elle doit à ses créanciers et faire la guerre !
- On sent combien sont graves les embarras du gouvernement en face de charges aussi formidables, lorsqu’il n’y a plus d’argent en caisse. Mais la guerre est-elle bien le moyen efficace de se tirer de ces embarras ?
- N’est-ce point suivre la voie de ces débiteurs désorientés qui, cherchant à s’éblouir sur leur situation, contractent emprunts sur emprunts, se servant des derniers pour payer les intérêts des premiers et faisant des entreprises nouvelles pour dissimuler leurs embarras. Dans leur aveuglement, ils ne se rendent pas compte si les ressources qu’ils tirent des biens détenus par eux ne les laissent pas en déficit sur les charges inhérentes à ces emprunts mêmes ; ils ont des obligations à remplir, ils vont d’expédients en expédients , espérant toujours des circonstances plus favorables sans rien faire pour amener ces heureuses conjonctures. Telle est de nos jours la situation des nations armées et de la France en particulier.
- L’Etat est depuis longtemps et surtout depuis la guerre de 1870 un débiteur obéré dont les revenus menacent d’être insuffisants pour faire face à ses charges Jusqu’ici, loin d’aviser aux moyens de le libérer, nos gouvernants ajoutent à sa dette par de nouveaux emprunts. Le gouvernement fait de l’Etat français un débiteur à expédients au lieu d’en faire un propriétaire liquidateur.
- Un jour il propose à ses créanciers de leur faire remise d’une partie de leurs rentes par la conversion ; un autre jour il imagine une guerre au Ton-kin pour demander un nouvel emprunt, pensant avec raison que députés et sénateurs ne refuseront pas cette mesure puisqu’ils ont voté la guerre.
- Mais ces procédés de gouvernement sont sans issue ; ils n’ont d’autres résultats que de gagner du temps en aggravant la situation financière du pays.
- Comment nos gouvernants ne conçoivent-ils pas qu’entreprendre des guerres lointaines pour se tirer d’embarras est un expédient qui va à contre-sens du but à atteindre. Comment ne voient-ils pas que la guerre est la cause de nos maux, que la guerre est la lèpre des nations, et que c’est à s’en guérir qu’il faudrait travailler pour donner un sérieux soulagement à nos charges publiques ; il faudra trouver d’autres moyens de sortir des embarras qui s’accumulent.
- Un débiteur intelligent, lorsqu’il est chargé par les circonstances d’opérations dont les revenus sont inférieurs à ce qu’il doit payer pour ces opérations mêmes, cherche au plus vile à se débarrasser de ses charges ; car il sait qu’en faisant autrement il marche à la ruine. Prenant donc un parti héroïque, il tire de son propre capital les moyens de se libérer de sa dette.
- Mais, dira-t on, l’Etat n’a pas de capital propre. Erreur, l’Elat c’est la société tout entière. Si la dette
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- publique présente aujourd’hui une garantie si solide aux yeux des titulaires de rentes, c’est parce que le créancier de l’Etat a pour garantie la société même, c’est à-dire le capital national. S’il en était autrement la dette publique manquerait de garanties.
- Mais peut-être n’est-il pas inutile d’établir encore en vertu de quoi l’Etat a sur la propriété nationale un droit primordial commun avec le droit des propriétaires détenteurs, le voici :
- Indépendamment du droit naturel et primitif de possession de la terre par la société, droit que l’Etat abandonne aux citoyens pour la mise en valeur du territoire national, la société aide sans cesse, par ses routes, ses canaux, ses chemins de fer, ses services publics et l’ensemble des ressources quelle organise et entretient, ceux qui sont capables de conquérir la lortune.
- Les citoyens créent la richesse et la possèdent sous la protection de l'Etat. C’est l’Etat qui assure à chacun la jouissance des fruits de son travail après lui avoir facilité les moyens de faire fortune.
- La société ou l’Etat qui la représente a donc des droits à la fortune publique, puisque c’est avec son concours que s’obtient cette fortune, et ce n’est pas parce que la société aurait négligé d’exercer ce droit que celui-ci cesserait d’exister. Que la société, en bonne mère, laisse à ses enfants, sans compter avec eux, la jouissance de ses droits, cela se conçoit; mais qu’elle reconnaisse à un moment donné que des privilégiés abusent de leur situation au préjudice du peuple, et qu’elle veuille reprendre le gouvernement de ses droits afin d’établir une plus complète, une plus équitable répartition, cela n’est que justice. L’important est donc de trouver le moyen de faire rentrer la société dans ses droits, sans spoliation et sans frustration des droits acquis par les citoyens.
- Un fait est à constater pour éclairer la question, c’est que l’Etat comme ensemble de la société existe et subsiste toujours, que les citoyens ou les individus, au contraire, naissent, vivent et meurent . La société doit au citoyen les moyens de vivre et la sécurité de l’existence ; en dehors de cela, c’est l’individu lui -même qui est responsable de son sort. C’est lui qui pendant son existence doit par son travail et ses actions conquérir la fortune ou les avantages particuliers dont il jouit dans la société.
- Mais par cela même que la société doit au citoyen les garanties de l’existence et qu’elle lui favorise l'accès à la fortune, le citoyen doit à sa mort laisser une part de ses biens à la société pour les services qu’il a reçus d'elle, afin que chaque génération transmette aux générations qui la suivent des servi-
- ces analogues à ceux qu’elle a reçus des générations qui l’ont précédée.
- Non-seulement les services que la société nous a rendus nous font un devoir de laisser à l’Etat une part de nos biens dans le but social que je viens d’indiquer, mais c’est une dette qne nous contractons envers la société en lui empruntant les choses du domaine publie pour en user à notre profit pendant le cours de notre vie.
- Donc, lorsque l’Etat se fait débiteur envers les citoyens par des emprunts, il est en même temps créancier et peut libérer sa dette par la part de droits qu’il a dans la richesse de chaque citoyen. Il suffirait que le gouvernement comprît bien son rôle et ses droits pour couper court à tous les embarras financiers qui vont aller de plus en plus grandissant pour lui.
- Le moyen est tout trouvé, il est bien simple. Sans créer aucun impôt, aucune nouvelle charge pour les citoyens, sans recourir à aucun nouvel emprunt, l’Etat peut se créer des ressources suffisantes pour équilibrer le budget et amortir régulièrement la dette publique.
- Voici ce moyen :
- Il suffit de constater que l’Etat est pour une forte part dans la création de la richesse publique par-tous les services qu’il met à la disposition de ceux qui amassent cette richesse, que ce concours de l’Etat joint à celui que la nature prête de son côté, représente une forte partie des farces productives dont la société dispose, et que la part due à l’action de ces deux facteurs de la richesse publique doit revenir à l’Etat qui représente la société.
- En vertu de cette constatation, nos législateurs décident que le droit d’hérédité progressive de l’Etat est établi sur les biens des personnes à leur mort. L’Etat prélève peu sur les petites fortunes et beaucoup sur les grandes.
- L’hérédité do l’Etat une fois établie le législateur en règle l’application suivant la mesure des besoins du pays; celui-ci y trouve non-seulement le moyen de faire lace à ses arrérages mais celui de rembourser, s’il le désire, la dette publique elle-même,
- Chaque année les citoyens délaissent en France par la mort environ huit milliards de fortune; que l’Etat soit seulement héritier pour un quart, il est vite à l’aise, il n’est plus à la merci des tripoteurs de bourse, il conquiert la liberté d’agir que donne les ressources abondantes, et, s’il livre à des compagnies l’exploitation des chemins de fer, il est le maître de faire ses conditions, il n’est plus «bligé de livrer la fortune publique à l’avidité de la spéculation.
- L’Etat trouve enfin,dans le droit d’hérédité,tout à
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- la fois et les moyens et les ressources qui lui sont indispensables pour entreprendre toutes les réformes et les améliorations nécessaires.
- Le jour de i'Ân au Familistère
- L’enfant tient toujours une large place dans les manifestations de la population du Familistère.
- Avant de fêter le premier jour de l’an 1884, la fin de l’année 1883 a été marquée par une distribution de prix et de récompenses aux enfants les plus méritants .
- Cette petite fête a lieu dans des circonstances particulières. Les enfants, sous la surveillance de leurs maîtres, sont réunis dans la salle principale de l’école maternelle en présence des membres et des auditeurs du conseil de gérance. Les parents des élèves n’assistent pas à cette réunion. Il est bon de rappeler aux enfants qu’il existe, au-dessus de la famille, une tutelle soeiqje qui donne droit à ceux qui l’exercent à s’enquérir et du travail et de la conduite de ceux qui en bénéficient.
- Après un hymne au travail, chanté par un chœur d’écoliers, M. Godin a exprimé en quelques mots sa satisfaction des progrès des élèves qu’il a encouragés à persévérer dans la voie du travail en vue de relever la situation sociale du travailleur pour le bien de l’humanïté entière. M Godin a particulièrement insisté sur la nécessité pour les élèves de ne point se faire juges de l’importance relative des choses de l’enseignement, et d’apprendre avec une égale application toutes les matières des programmes scolaires, parce que toutes ont été mûrement examinées par des hommes préoccupés de toutes les questions qui se rattachent au développement physique, moral et intellectuel de la jeunesse.
- Le lendemain, la population du Familistère a pris part à la manifestation en l’honneur du fondateur de l’association de Guise.
- M. Godin entouré du conseil de gérance est venu prendre place au milieu de l’une des cours du Palais social, ayant à sa droite les élèves des écoles groupés autour de leurs maîtres, à sa gauche la société musicale et les pompiers du Familistère. De nombreux employés et ouvriers occupaient les angles de la cour, tandis que beaucoup de familles s’étaient placées aux galeries des trois étages.
- La musique a d’abord joué le Chant du départ. Puis, Madame Tinayre, directrice de renseignement a présenté à M- Godin, les élèves élus par leurs camarades comme les plus dignes de lui porter les vœux de tous les écoliers.
- Les quelques paroles dites par Madame Tinayre, exprimaient réellement les sentiments éprouvés par tous les hommes de cœur, que M. Godin a associé à son œuvre humanitaire.
- « Permettez-moi, Monsieur, a dit Madame Tinayre, de vous présenter les deux èlèves chargés par leurs condisciples, de vous porter les vœux de votre jeunesse des écoles. Leur mission auprès de vpus est le résultat de ce suffrage vraiment universel (1), dont vous leur faites faire ici le digne apprentissage, Aucuns mieux que ceux-ci,n’eussent pu exprime]- leur gratitude, mais cette gratitude est la même au cœur de tous, tous ont pour vous la même vénération. Les plus petits sentent que vous êtes, pour eux, la véritable providence, comme nous savons tous que vous en êtes une des puissantes manifestations dans l’humanité. »
- Les vœux exprimés par les deux élèves, l’un parlant au nom des garçons, l’autre, au nom des filles, ont prouvé à M. Godin que son œuvre était comprise par les futurs collaborateurs que préparent des maîtres dévoués aux intérêts de l’association.
- M. Godin a répondu en des terres émus, disant combien lui étaient agréables ces promesses de ^enfance de vouloir s’associer un jour au développement de la fondation qu’il a commencée et qui donnera tous ses fruits,lorsque chacun de ses membres lui apportera au concours intelligent et éclairé.
- Retenons surtout les dernières paroles de M. Godin faisant appel à la bonne volonté et au dévouement de tous ceux qui l’entouraient, afin de hâter par un travail incessant l’avénement de la Rédemption sociale.
- «——•
- La ligue de la paix internationale, récemment constituée à Paris par les soins de M.Hordgsen Prat, membre de la commission exécutive nommée par le Congrès de Bruxelles, vient de nous envoyer un premier appel aux bonnes volontés désireuses de s’associer à sa propagande :
- Ligue de la paix internationale
- L’union des peuples est un des buts du progrès social : c’est ce but-là que la ligue se propose de poursuivre par la propagande écrite et parlée: bulletin mensuel, correspondances, conférences, réunions de délégués internationaux.
- La Ligue veut détruire les préventions, les haines internationales; elle veut préparer l’union future où il n’y aura plus de barrières entre fies peuples; elle veut, en attendant, agir sur l’opinion publique, en montrant les moyens de mettre fin aux dissidences internationales, en s’efforçant d’empêcher qu’elles n’éclatent en guerres funestes.
- (I) Au Familistère, hommes et femmes jouissent également du droit de suffrage, sont électeurs et élégibles.
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- Sont membres de la Ligue Tous ceux qui donnent leur adhésion aux principes exposés ci-dessus.
- Les jours, heures et locaux où se tiendront les
- réunions seront indiqués par la voie de la presse et par des invitations personnelles adressées aux adhérents.
- Le Devoir recevra provisoirement les adhésions.
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- Faits politiques et sociaux de la semaine
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- Les Parlementals’esi. — Le suffrage universel, lorsqu’il a choisi ses parlementaires, semble ne plus comptera leurs yeux. Le gouvernement du peuple par le peuple, est un excellent prétexte pour organiser des oppositions destinées à culbuter les trônes ; mais lorsque les parlementaires se sont assis sur les chaises des palais législatif?, ils s’arrogent le droit de gouverner eommele dernier des princes. Les électeurs s’étaient imaginé qu’ils avaient donné à leurs conseillers municipaux des mandats échéant â la fin de l’année 1883, ils avaient compté sans les parlementaires qui ont décidé dans leur suprême sagesse la ^prolongation de ces mandats.
- Le rejet par la Chambre des crédits en faveur des bourses des séminaires et de celle de l’archevêque de Paris permettait de penser que les députés avaient un mandat spécial à co sujet ; mais, quelques jours après ce vote, ils s’empressaient de rétablir ces crédits, sans s’informer si leurs électeurs avaient changé d’avis, simplement parce que cela contrariait le Sénat, le dernier mot du parlementarisme.
- Les députés, avant de voter le rejet de ces crédits, cohnaissaient assez leur Sénat pour savoir comment serait apprécié leur vote au Palais du Luxembourg.
- Ce n’étaît pas la peine de perdre quelques séances en discussions oiseuses et en votes ridicules qu’ils devaient condamner eux-mêmes, trois jours après les avoir émis. Le voyage a Canossa du prince Guillaume donnerait-il à nos députés libres-penseurs l’idée d’aller à confesse.
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- Les Crédits algériens. — La politique coloniale si brillamment inaugurée par la colonisation de l’Algérie trouve encore des défenseurs que rien ne décourage. Nos finances sont dans un état déplorable, une crise commerciale paralyse le marché français, nous sommes engagés dans une expédition mineuse, l'Etat a vendu ses chemins de fer aux grandes compagnies comme un industriel ruiné vend son outillage au ferrailleur, on parle d’un gros emprunt, et c’est ce moment que choisissent les ouiranciers colonisateurs pour demander SO.QQO.000 à jeter dans le gouffre de la politique coloniale, Il est prouvé que depuis 1879 on a dépensé à peu près inutilement plus de 75.000.000, suit 29.000 francs par chaque nouveau colon français venu en Algérie sans accorder aucun secours à ces malheureux colons livrés aux caprices d’pn fonctionnarisme arrogant et aux caprices de juifs insatiables, et plus de deux cents députés se montrent décidés â accorder ces crédits. Heureusement qu’il s’est trouvé quelques dizaines de voix en plus parmi ceux qui out su résister aux profonds arguments invoqués par le gouverneur de l’Algérie venu à Pais tout exprès pour défendre une si mauvaise cause.
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- Les xnijueiir» dix Nord. — Les mineurs d’An-zin n’oni pas donné suite à l’occasion du renvoi de quelques-uns de leurs camarades. Cette détermination parait avoir été inspirée (par les conseils de M. Rondet,
- secrétaire de la Chambre syndicale des mineurs de Saint-Etienne. Nous ne savons quelles sont les vues particulières de M. Rondet, mais il n’est pas contestable que cet homme exerce à. cette heure une influence réelle sur toute la corporation des mineurs, qui ne compte pas moins de cent mille membres. On a beaucoup parlé de la modération du délégué des mineurs de Saint-Etienne. La satisfaction de chacun, en voyant s’apaiser dès le début un conflit qui pouvait être gros de complications intérieures, a peut être empêché l’opinion publique de dégager la véritable signification de l’intervention de M. Rondet. Les motifs invoqués pour obtenir l’apaisement de la part des mineurs ne sont pas exempts de certaines considérations dignes d’être retenues et méditées en vue de tirer certaines conclusions pratiques. On n’a pas demandé la résignation aux mineurs, on leur a parlé de patience et d’une patience raisonnée, en faisant valoir la nécessité d’une puissante organisation devant aboutir à provoquer l’appui de la coopération toute entière chaque fois que l’une de ses parties viendrait à être atteinte dans la dignité de quelques-uns de ses membres.
- A certaines époques les intérêts si divers reliés à la production de la houille ont traversé des crises onéreuses quelquefois ruineuses à la suits de crises partielles. Qu’adviendrait-il si les ouvriers de cette corporation s’organisaient sérieusement en vue d’une grève générale ? Car, quoique l’on dise de la modération de M. Rondet, ses discours et ceux de M. Basly abondent en suggestion de cet ordre. Nous espérons que les chefs des exploitations houillères feront tous leurs efforts pour éviter de nouveaux conflits; mais une loi protectrice des intérêts ouvriers est absolument nécessaire; il est immoral de permettre à, un titre g’une société finapeière d’acquérir en quelques années une valeur représentant plusieurs centaines de fois le prix d’émission, sans qu’il soit fait une situation convenable aux travailleurs attachés à ces entreprises.
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- A ffaires dix Toukin. — Nos succès militaires au Tonkin sont malheureusement acquis au prix de sacrifices considérables d’hommes et d’argent,' tandis que des résultats matériels sont à peine appréciables. On ne cesse d’envoyer des renforts à l’amiral Courbet qui parait avoir renoncé à. marcher sur Bae-Ninh avec les troupes dont il dispose actuellement. Le gouvernement anglais semble déjà se préoccuper des avantages définitifs que nous pourrions obtenir de la Chine. Lë journal le Times parle de la probabilité d’upe proposition d'arbitrage de la part des Etats-Unis ou de l’Angleterre en des termes qui ne permettent pas de douter des intentions de ces deux gouvernements résolus à ne pas laisser la France prendre une situation propondérante dans T Indo-Chiné;
- A l’ocçasiop des préparatifs militaires nécessités par l’envoi de ces renforts, tous les journaux annoncent que dans les arcenaux dé Toulon, les ouvriers continuent à travailler à la lumière électrique. Ce fait donne une pauvre idée de l’état de nos armements. Que serait-ce donc, si, au lieu d’une expédition demanuànt quelques régiments et quelques vaisseaux, il fallait mettre notre flotte et notre armée sur le piéa de guerre ?
- Lorsqu’on pense aux milliards absorbés depuis quelque temps par les budgets de ja marine et de la guerre on est péniblement surpris de constater un pareil hespin de travaux extraordinaires; on no péut s’empêcher de së rappeler les trop fameux boutons de guêtres d’autrefois.
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- Voyage du prince Ouille ixnae. — Les interprétations de ce voyage continuent a préoccuper la Presse et la diplQfuaUe. Le jopinai 1g Ffar^çe, dans sa dernière correspondance italienne contient une appréciation, qui, si elle n’est exacte dans son ensemble, gérait relativement cpnsolante aussi peu vraie qu'elle
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- LE DEVOIR
- soit. Voici comment le correspondant de ce journal résume l’opinion d’un -vieux diplomate qu’il dit être très au courant des grands et des petits faits de la politique, connaissant exactement le dessous des cartes et ne s é-tonnant plus de rien.
- « Beaucoup de bruit pour rien disait-il, Bismarck est aujourd’hui le vaisseau fantôme qui obéit à une impulsion irraisonnée. La politique et la diplomatie sont devenues une manie chez lui, un besoin instinctif. Son esprit travaille à vide. Gomme certains avares maniaques qui comptent les pièces de monnaie imaginaires; comme certains joueurs jouant des parties monstres avec des partenaires qui n’existent pas, il enfante sans but, des combinaisons fantastiques satisfaisant ainsi le besoin qu’à encore de produire son esprit surmené.
- » Dans sa solitude, il ne s’arrête pas un instant, et les alliances absurbes qu’il ébauche en ce moment, rêvant de concilier l’Autriche et la Russie, le pape et lTtalie, en vue d’une action indéterminée et pratiquement impossible, répondent à l’état mental qui lui est particulier. Gomme il a le prestige que lui donnent ses immenses succès, comme il demeure à Varsin, caché à ses intermédiaires, personne ne se doute de la situation de son esprit, C’est un somnambule, un halluciné qui va droit devant lui, en proie à sa manie. Il n’y a plus que certaines cases de son cerveau qui travaillent et travaillent correctement dans un ordre donné, par suite de l’habitude prise.
- » Get immense échaffaudage qu’il construit en ce moment n’a pas de but, tout cela n’aboutira pas... »
- La Vie, le Temps & les Travaux de Robert Owen 111
- Résumé traduit des documents de MM. Lloyd Jones et J.-H. Humphreys Noyés
- Une autre réunion qui se produisit à la même époque fut celle des Trades-Unionistes. Leur congrès eut lieu à Manchester. Les Trades-Unionistes envoyèrent quelques délégués au congrès de Sal~ ford __ Manchester en vue de prendre conseil. Ce fut Robert Owen qui leur répondit. Son avis fut que les efforts des Trades-Unionistes devaient tendre surtout à organiser l’emploi des travailleurs par les travailleurs mêmes. Mais l’empêchement était alors ce qu’il est qu’aujourd’hui, c’est-à-dire la difficulté d’affecter à un tel but des fonds levés pour résister par la grève à l’exploitation organisée par les patrons. Aux objections de Robert Owen contre les grèves, les Trades-Unionistes répondaient que certainement les grèves étaient un mal, mais un mal inévitable pour empêcher de pires douleurs auxquelles il n’était point en leur pouvoir d’opposer d’autres remèdes.
- Le congrès coopératif de Salford-Manchester prit deux résolutions qui furent des plus efficaces pour le progrès du mouvement socialiste : 1® le transfert du journal « Le nouveau monde moral. » Cette feuille jusque-là publiée à Londres fut dorénavant
- publiée à Manchester ; 2° l’organisation d’un bureau central à Manchester pour l’impulsion, la direction et la surveillance du mouvement socialiste, Manchester étant pris comme tête de la région.
- La fixation des membres du bureau central était considérée comme une grave question. L’avenir même du mouvement social dépendait de l’énergie et de l’intelligence de ceux qu’on allait nommer. S’ils accomplissaient habilement leur œuvre d’organisateurs et de propagateurs, un grand pas serait accompli; au contraire, s’ils manquaient à leur mission c’était la langueur et peut-être la mort du mouvement.
- Robert Owen fut acclamé président général ou plutôt Père Social [Social Father), l’idée étant de constituer la société d'après le mode le plus ressemblant à celui de la famille, et d’introduire l’autorité bienveillante de la famille dans tous les rouages des fonctions sociales.
- Owen résidait principalement à Londres tandis que les six autres membres du bureau central demeuraient à Manchester. Leur devoir était de correspondre avec toute personne intéressée aux opérations et procédés des coopérateurs.
- On avait, en outre, désigné sept directeurs provinciaux qui résidaient chacun dans un des sept districts entre lesquels on avait partagé le pays, de sorte qu’une action unitaire s’étendait partout et que les rapports s’établissaient harmoniquement entre le centre et les branches.
- Parmi les six membres élus au bureau central, nous voyons figurer l’un des auteurs de la présente biographie, M. Lloyd Jones.
- Un autre membre du bureau central, M. Georges-Alexandre Heming était désigné comme secrétaire-général et directeur du journal « Le nouveau monde moral. »
- A l’époque dont nous parlons Robert Owen avait 66 ans, mais comparé à ce que sont ordinairement les hommes de cet âge, il était plein de feu, de vigueur et d’activité. R était de haute stature, large d’épaules, droit comme une flèche ; sa voix avait une ampleur et une clarté merveilleuses ; aussi quand il traitait une question qui l’animait se révélait il comme le modèle des orateurs populaires.
- Sa puissance était d’autant plus grande qu’il ne perdait jamais rien de son admirable équilibre de caractère. En face des attaques les plus passionnées ou les plus injustes, il demeurait maître de lui-même, répondant avec clarté, simplicité, courtoisie, vainquant ses adversaires par cette grâce même.
- (1) Lire le Devoir depuis le n° du 8 juillet 1883.
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- Le mouvement considérable suscité et entretenu par Owen et ses disciples, clans les districts manufacturiers du nord de l’Angleterre, inquiéta bientôt es classes dirigeantes. L’opposition s’organisa ; les ministres de tous les cultes s’y employèrent activement .
- On persuada aux croyants de toutes sectes que les socialistes repoussaient toute espèce de religion, aussi leur animosité était-elle toute naturelle. De leur côté les économistes politiques, fâchés de voir battre en brèche leurs doctrines et leurs principes, traitaient d’ignorants les socialistes et les combattaient avec acharnement. Bientôt, contre tout droit, les salles de conférence furent refusées aux socialistes et ceux-ci,certains à l’avance que les tribunaux n’étaient pas disposés à leur faire rendre justice,reconnurent que le mieux était de supporter patiemment les torts commis à leur égard et, quant aux conférences, de bâtir partout où cela serait possible des halles spéciales.
- La bienveillance, la tolérance, l’équité avec lesquelles Owen et ses adeptes répondirent à l’opposition forcèrent avec le temps l’attention et le respect des opposants eux-mêmes, et firent, malgré tout, pénétrer dans le public l’idée do la légitimité du droit d’examen et d’expérimentation des systèmes sociaux.
- Le plus considérable des opposants au mouvement progressif d’alors, fut Henry, évêque d’Exéter.Membre de la Chambre des Lords, l’évêque chercha, par ses lamentations passionnées, à soulever ses collé gués contre Owen et les socialistes.
- Son premier acte d’hostilité fut de présenter, le 24 janvier 1840, à la Chambre des Lords, une pétition signée de 4,000 individus : ecclésiastiques, banquiers, commerçants, manufacturiers et autres habitants de Birmingham, faisant ressortir les maux du socialisme et demandant que des mesures soient prises pour en arrêter les progrès. Le discours prononcé par l’évêque pour soutenir la pétition fut long, diffus, plein de fausses allégations et de récits aussi mensongers que terrifiants.
- Lord Brougham répondit à l’évêque et défendit Robert Owen. Il le fît d’après ses études personnelles sur tout ce qui regardait les questions en cause; et il affirma à la Chambre n’avoir jamais jusque-là entendu le moindre mot des charges outrageantes relevées contre les socialistes, par l’évêque d’Exéter.
- Dans la même séance les socialistes pétitionnèrent de leur côté pour obtenir l’ordonnance d’une enquête sur les questions controversées. Mais la
- Chambre ne se rendit point à ce [désir, étant bien plus tôt disposée à voir les choses sous le jour où les présentait l’évêque.
- Lord Melbourne, qui peu de temps auparavent avait présenté Owen à la Reine, crut devoir s’excuser de cet acte affirmant qu'il ne partageait en rien les idées socialistes et qu’il avait cru aider à la sim-j pie présentation d’une adresse à la Reine. Le duc I de Wellington, le comte de Galloway protestè-| rent aussi de leur indignation contre cette entrevue ? de laRe ine et de Robert Owen. Tous semblaient i avoir oublié que le père même de la Reine avait été l’intime ami du réformateur et que les injures faites à celui-ci rejaillissaient en partie sur un souverain pour lequel la Chambre entière protestait à toute occasion de son respect illimité.
- Robert Owen répondit aux accusations de l’évêque d’Exéter par le dépôt d’un mémoire dans lequel avec le plus grand calme, la plus parfaite dignité, il reprend toutes les allégations faites contre lui, en fait ressortir les points erronnés ou y donne la réponse la plus péremptoire. Un bref exposé des travaux de son existence est contenue dans ce document. Après la définition de ses principes et du système social rationnel qu’il eut voulu inaugurer, Owen arrivant aux menaces faites contre les socialistes s’écrie : « Je suis le fondateur et le propagateur de ces doctrines et seul resporisable-par conséquent des erreurs, de l’immoralité et des blasphèmes que vous prétendez y trouver. Il n’y a donc à persécuter ni à punir d’autre coupable que moi.
- « Dès le début de ma carrière, quand je n’avais personne pour me soutenir, je me suis placé, pour la seule défense de la vérité, en opposition avec tous les préjugés les plus enracinés des siècles passés. J’étais dès lors résolu à supporter les persécutions inévitables, les amendes , l’emprisonnement, la mort. De telles perspectives n’arrêtent point un homme quand il est fortement imbu du désir incessant de travailler au bien de l’espèce humaine.
- « Au lieu de rencontrer les amendes, l’emprisonnement et la mort, j’ai été un des favoris de la destinée ; j’ai vécu tranquille, paisible, sans faste, heureux dans mon intérieur. A New Lanark en Ecosse comme à New Harmony en Amérique, ma famille a été heureuse entre les plus heureuses.
- « Il est exact que j’ai toujours dépensé jusqu’au dernier shilling de mon superflu pour le progrès de la grande et sainte Cause du socialisme, car les fonds étaient indispensables pour aider au mouvement. Mais le révérend Prélat est dans une erreur complète quand il affirme que j’ai dépensé mon bien dans les prodigalités et le luxe. Jamais une seule
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- livre n’a été ainsi dépensée par moi. Mes habitudes sont celles de la tempérance en toutes choses: je mets au défi le révérend Prélat êt ses témoins de prouver le contraire, et m’offre à leur fournir les moyens de contrôler tous mes actes à travers le développement de mon existence.
- « Ceci dit, je ne m’inquiète en rien de ce qui sera allégué à mon sujet, en dedans ou en dehors du Parlement. Ma vie est la véritable réponse à toute fausseté qu’on peut exprimer. Ma popularité présente est une charge pour moi, et quant à la célébrité future je la tiens pour chose vaine et bonne tout au plus à causer une satisfaction personnelle aux descendants de l’individu célébré.
- « Je suis heureux en ce monde, je serai heureux dans la mort, et par conséquent indépendant de notre société vieillie, usée, immorale et irration- J nelle. »
- L’opposition organisée contre les socialistes se fit sentir activement durant quelques années ; Robert Owen et ses adeptes étaient réputés ennemis de la religion, de la famille et de la propriété, et des journaux soi-disant respectables répétaient à l’envie ces imputations calomnieuses.
- Le progrès des idées sociales fut de son côté très-actif en cette période. De vastes halles furent érigées en nombre de villes des districts manufacturiers,pour les réunions publiques. A Manchester, une sorte de cathédrale fut bâtie à ce sujet. Elle a été depuis rachetée par la ville et sert de bibliothèque communale. Les halles élevées ainsi appartenaient aux coopérateurs mêmes ; ils en faisaient usage comme salles de conférences, salles de classes, lieux de discussions sur tous les sujets publics d’une nature intéressante et instructive,
- Quelques-unes de ces assemblées donnèrent lieu à des scènes assez graves par suite des mauvais procédés et de la violence des opposants au socialisme. Robert Owen et ses adeptes furent parfois assaillis de pierres et de boues ; leurs adversaires menacèrent de brûler les salles de réunion à Manchester et dans quelques autres villes. En face de toutes ces difficultés les socialistes demeurèrent unis, ardents à la défense de leurs principes, versant régulièrement les cotisations hebdomadaires qui permettaient de soutenir le mouvement.
- Le but de la propagande était de convaincre assez les esprits de la possibilité de l’application des principes pour trouver du soutien et des fonds au moment de tenter une épreuve de réalisation.
- Tous les partisans de la cause étaient enrôlés dans une Société intitulée : « Association de toutes les classes et de toutes les nations. » Le titre semble
- trop ambitieux au premier abord, mais il voulait surtout exprimer que l’association était ouverte à chacun, quelles que fussent sa nationalité, sa classe et sa croyance.
- Cette vaste association comprenait dans son sein une autre société communiste et fraternelle « Com-munity friendly Sociéty) dont l’objet spécial était l’application des principes. S’y enrôlaient comme membres les personnes désireuses de concourir personnellement et précunairement à l’édification d’un village modèle, résolvant les questions d’industrie et d’éducation.
- Les membres de cette société, gens sobres et pratiques, visaient surtout à la réalisation de choses dont ils pussent bénéficier,et se préoccupaient peu de la propagande. Ils laissaient aux membres de la vaste association le soin de défendre la société contre les imputations calomnieuses dont le socialisme était assailli.
- {A suivre)
- On lit dans le « Religio philosophical journal » :
- De Chicago, 10 novembre 1883.
- TRAVAIL & CAPITAL
- Le trait le plus remarquable du Congrès des femmes qui vient d’avoir lieu en notre ville est le suivant:
- Mma Auguste Cooper Bristol de Wineland, New-Jersey, est montée à la tribune à 9 heures du soir au dernier moment de la session.
- L’auditoire, fatigué, n’aspirait qu’au repos. Les conditions étaient donc absolument défavorables. Néanmoins: à peine cinq minutes s’étaient-elles écoulées que cette femme, dont l’âme transfigurait la visage et vivifiait les mots, tenait l’auditoire captif tout entier à ce noble esprit qui développait devant lui les plus pares conceptions.
- Ne pouvant reproduire ici le discours de Mme Bristol, nous nous bornerons à en donner les conclusions jépondant à cette demande :
- Quelle est la meilleure forme d1association du Capital et du Travail ?
- « Aucune association, selon moi, » dit Mm9 Bristol, « n’a mieux résolu l’accord des forces productrices et distributives de la richesse, que l’association équitable du capital et du travail, fondée par M. Godin à Guise, France.
- « Dans l’été de 1881, j’eus la bonne fortune d’être pendant six semaines l’hôte de cette association et de pouvoir ainsi étudier l’œuvre dans tous ses détails .
- « Le bat de l’association de Guise est d’établir entre tous les membres une communauté d’intérêts au moyen de la participation du qapital et du travail aux bénéfices, suivant certaines conditions prescrites par les statuts.
- « Le fondateur a fourni le capital social qui s’élève à près d’un million de dollars (4 millions 500 mille francs).
- « Quinze cents travailleurs environ sont employés dans les fonderies de l’association. *'- '
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- » Le dividende aetaei revenant à l'ouvrier comme ' part de bénéfice? nets est un certain tant pour cent des salaires qu’il a reçus. Ce dividende, représenté par des « certificats d'épargnes » constitue la part de l’ouvrier dans le capital social; les certificats, d’épargne rapportent des intérêts payables en espèces. Ainsi le salarié, dans cette institution, devient son propre capitaliste.
- « Pendant l’année 1879, les travailleurs^associés, reçurent en titres d’épargnes, en moyenne, chacun 60Ô francs et les travailleurs participants chacun 300 francs. Deux ans après l’association continuant sa marche prospère comptait une moyenne de bénéfices de 18 0/0 des salaires.
- « La part de bénéfice net qui revient au capital est un certain tant pour cent des salaires du capital, c'est-à-dire du chiffre de ses intérêts.
- « Le remboursement du capital primitif s’effectue peu à peu chaque annnée à la répartition des bénéfices ; les titres d’apports du fondateur sont lesr premiers remboursés et l’on substitue à ces titres les titres d’épargnes des travailleurs. Ce remboursement qui doit s’effectuer sans cesse par ordre d'ancienneté des titres, a pour but la transmission incessante du capital social aux membres actifs de l'association.
- « Ainsi l’habitation unitaire de l’ouvrier avec toutes ses dépendances : Magasins d’approvisionnements, écoles de tous degrés, etc..ateliers considérables, pelouses, jardins, etc., tout cela à un moment donné sera la propriété d'ouvriers français autrefois pauvres et illettrés.
- « Mais la répartition annuelles des bénéfices entre le capital et le travail n’est pas pour l’ouvrier la garantie journalière de Fmdispensab*0 à l’existence, quand ta maladie ou les infirmités fondent tout-à-coup sur lui, et que ses ressources sont épuisées.
- « Aussi des assurances mutuelles sont-elles constituées dans l’association de G-uise pour répondre à ces besoins :
- 1° L’assurance des pensions et du nécessaire à l’existence.
- 2° L’assurance de secours en cas de maladie.
- « La première sert aux invalides du travail, une pension déterminée par les statuts selon le nombre d’années de service dans l’établissement. Cette assurance garantit en outre l’indispensable à la subsistance à toute famille dont les ressources n’atteignent pas le taux voulu.
- « L’assurance de secours en cas de maladie compte aux membres de l’association une allocation journalière fixée par les règlements et proportionnée à leurs cotisations spéciales. Le mutualiste a droit, en outre, aux soins gratuits du médecin de son choix, et à la dé'ivrance gratuite des médicaments.
- « Une assurance mutuelle est aussi établie parmi les femmes de l’association, selon ies règles prescrites.
- « Les dames élisent entre elles neuf déléguées, qui, avec les neuf hommes élus par les travailleurs constituent ies comités d’administration des diverses assurances.
- « L’association du Familistère fonctionne heureusement depuis plus de vingt ans sans avoir éprouvé une seule grève, les ouvriers ne pouvant avoir ia pensée de se soulever contre eux-mêmes.
- « Quant aux principes philosophiques de M. Godin, il m’est impossible de ies indiquer en quelques mots ; qu’il me suffise donc d’indiquer que c’est après être remonté aux causes suprêmes de la vie que Godin a j traduit ses principes en action dans sa merveilleuse J entreprise.
- « Faisant face à des résistances cruelles publiques et privées, M. Godin s’est, malgré tout, dévoué sans arrêt à son œuvre et l’a conduite au succès.
- « Comment en çùt-il pu être autrement ÿ Son système étant basé sur l’économie même de l’univers, il lui était impossible d’échouer.
- « Godin nous a enfin révélé l’Evangile de la vie et cju travail. Il a introduit dans le régime industriel la règle d’or d’amour du prochain. Son œuvre est le fruit mûr des religions de tous les âges. Grâce à lui nous avons maintenant la confiance que la parole céleste : « Paix sur ia terre aux hommes de bonne volonté n ne sera plus seulement le chant dans la Judée ; mais qu’elle sera bientôt la réalité vivante d’un monde heureux et industrieux. »
- NATIONALISATION DD SOL
- Sous ce titre, on lit dans le « Cooperative News « du 22 décembre 1883, un article dont nous extrayons ce qui suit :
- Edwin Wilks, dans une brochure publiée il y a plus de trente ans, disait : « Ce qui n’a jamais eu le droit de commencer ne peut acquérir par l’usage le droit de se soutenir.. Dieu a fait la terre pour que l’homme y trouvât ses moyens de subsistance. Or, le Créateur n’ayant jamais vendu ni cédé, le sol à un homme ni à un groupe d’hommes à l’exclusion des autres, il est manifestement injuste que dans un pays 60,000 personnes détiennent en propriété personnelle absolue la terre sur laquelle sont nés et vivent 7.000-000 de leurs semblables, c’est-à-dire 450 fois le nombre des 60.000 privilégiés.
- « Si un homme ou une minorité d’homme exerce un droit absolu de propriété du sol, ceux qui sont privés d’exercer Je même droit doivent donc demander aux dits possesseurs la permission de vivre, puisque la vie est impossible sans les fruits de la terre. Or, tout homme a par nature droit à la vie, donc la propriété individuelle de la terre est une violation de la loi naturelle première et fondamentale.
- « La prétention d 1 posséder le sol est aussi absurde que le serait celle de posséder le soleil. L’homme a ie droit naturel d’utiliser le sol, mais il n’a aucun droit de regarder comme sienne à perpétuité la moindre portion du sol. »
- Une Société est fondée en Angleterre, sous la présidence de M. Âlf. Russel Wallace, pour la défense et la propagande de l’idée de nationalisation du sol. Le siège de cette Société est 185, fleet Street, E. C. London.
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- LE DEVOIE
- LE VIADUC DE CARRABY
- La Compagnie du chemin de fer du Midi fait exécuter entre Marvejols et Neussargues, au traders des montagnes du Cantal, un viaduc qui, par ses dimensions et par la hardiesse de l’entreprise, peut rivaliser ayec les conceptions américaines les plus audacieuses.
- Le Viaduc de Carraby, que l’on est en train de jeter sur la Trueyre d’après les plans de M. Boyer, ingénieur de la ligne, ne mesure pas moins de 550 mètres de long, et passe sur cette rivière à une hau-teur de cent vingt-six mètres.
- Ce viaduc se trouve à environ treize kilomètres de Saint-Flour.
- La maçonnerie sera de 20,000 mètres cubes environ. La longueur totale du viaduc est de 564 mètres.
- Les piles, en métal,sont au nombre de cinq. Quatre du côté de Marvejols,et une du côté de Neussargues. L’arc central aura 165 mètres de portée et 52 mètres de flèches.
- Les travaux,commencés le 1er septembre 1882, ont été conduits avec une telle rapidité que, vers la fln du mois d'avril dernier, il ne restait plus qu’à monter le grand arc.
- Cette opération, la plus importante de toutes, si aucun obstable imprévu ne surgit, sera terminée vers le mois de février ou de mars prochain.
- Le viaduc de Carraby restera comme un des plus beaux monuments de l’art d8 l’ingénieur et du constructeur.
- Conservation des fourrages par l’ensilage
- On s’est occupé dans le temps, en France, de la conservation des céréales par le procédé de l’ensilage, mais les résultats obtenus n’ayant pas été satisfaisants, on a abandonné — ou, pour mieux dire, on n’a pas cru devoir adopter les silos dont l’emploi bien compris eût cependant, à notre avis, présenté des avantages réels sur celui des greniers.
- Aujourd’hui, la question de l’ensilage des fourrages frais, destinés à remplacer le foin pendant l’hiver, est à l’étude en Angleterre, et si, comme tout le fait présager, les résultats donnés par les expériences pratiques auxquelles se livre en ce moment lord Tollemache, — un des grands terriens du Royaume-Uni —, continuent à être aussi favorables que ceux obtenus jusqu’ici, il n’y a pas de raison pour que le procédé de l’ensilage des fourrages, qui permettra de donner au bétail de l’herbe fraîche pendant tout l'hiver, ne soit applicable en France aussi bien qu’en Angleterre.
- La question que lord Tollemache a entrepris de résoudre est complexe : il ne s’agit de rien moins que de s’assurer :
- 1° Si les fourrages peuvent se conserver frais dans des siios ?
- 2° S'ils* constituent un aliment plus nutritif que le
- foin pour le bétail, c’est-à-dire si, soumis à cette nourriture pendant l’hiver, les bœufs y gagneront en chair et les vaches en lait ?
- 3° Si le prix de revient des fourrages ainsi conservés sera plus élevé que celui du foin.
- Les expériences faites par lord Tollemache, le 27 novembre dernier, à Peckforton, dans la comté de Cheshire, où se trouvent une partie de ses propriétés, ont donné des résultats fort satisfaisants, ainsi qu’ont pu le constater, d’ailleurs, les fermiers et les gros propriétaires que le noble lord avait invités à venir se rendre compte par eux-mêmes de l’état de ses silos.
- A proprement parler, un silo est tout simplement une fosse dont les parois sont revêtues en maçonnerie, puis recouvertes, ainsi que le fond, d’une couche de paille bien sèche. Lorsque la fosse est remplie de grain, par exemple, on recouvre celui-ci avec de la paille, et Ton ferme la fosse au moyen d’une voûte en maçonnerie où Ton ménage une ouverture à couvercle mobile afin d’v pouvoir puiser au besoin.
- Tel est un silo ordinaire, mais celui de lord Tollemache en différait essentiellement.
- Il consistait en un grand bâtiment en pierre, de 50 pieds de long sur 15 de large,qu’au moyen de forts galandages on avait divisé en quatre compartiments distincts. Ce bâtiment avait autrefois servi de magasin; l’entrée en ayant été mùrée, on en avait formé, comme il vient d’être dit, quatre silos que Ton avait remplis,^ l’époque de la fenaison, avec l’herbe des prairies environnantes qui, en temps ordinaire, donnent environ 81,200 kil. de foin. Cette herbe avait été auparavant coupée fort court au moyen d’un hache-paille, opération ayant pour but de faciliter le tassement afin d’exclure autant que possible l’air et Teau, dont la présence aurait causé une fermentation aussi rapide que nuisible dans ses effets. (1)
- Comme les matières déposées dans un silo s’affaissent toujours d’elles-mêmes, il devient nécessaire,au bout d’un certain temps, de remplir les vides qui résultent de ce tassement naturel.
- C’est ce que Ton fit à Peckforton, où les 4 siios de lord Tollemache avaient, une fois remplis,été fermés hermétiquement au moyen’de larges volets en bois que Ton avait recouverts de huit pouces de son sur lequel reposaient des poids de 250 kil. par silo ! (2)
- La hauteur totale de i’ensiiage, dans un seul silo,
- (1) Suivant Doyère, cette fermentation a lieu dans les grains lorsqu’ils contiennent 16 0/0 d’humidité.
- (2) On avait choisi le son à cause de sa propreté qui, au cas où il se serait trouvé mêlé avec le fourrage, le rendait préférable à la chaux ou à la sciure du bois.
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- le n°2, ouvert le 27 novembre dernier, était de six pieds six pouces.
- L’herbe contenue dans le silon0 1 avait été fauchée par un temps de pluie. L’ensilage avait eu lieu le 20 juin dernier, avec 17,265 kii. d’herbe fraîche, et au 25 juillet, la masse s’étant affaissée de 2 pieds 6 pouces, le remplage avait eu lieu avec 8,120 kil.
- Ceci exposé, nous présentons dans le tableau suivant toutes les opérations relatives aux 4 silos, afin que le lecteur puisse les embrasser d’un seul coup d’œil.
- Quantité requise pour le remplage 8,120 kil. 7105 kil. 6597 kil. 8129 kil. herbe seulement
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- On avait d’abord fauché 4 hect. 45 de prairie pour fournir à l’ensilage primitif ; puis, plus tard, 1 hect. 61 avait encore été mis à contribution pour le remplage. Le fauchage de ces 6 hect. 06 représentait plus de 118.000 kil. d’herbe fraîche qui eussent donné environ 30.450 kil. de foin. Le poids de l’ensilage ne différait pas essentiellement de celui de l’herbe fraîchement fauchée, l’évaporation ayant été presque nulle.
- Le second silo qui, ainsi qu’il a été dit plus haut, avait une profondeur de 6 pieds 6 pouces, ayant été ouvert et l’herbe qu’il contenait enlevée à la profondeur de 3 pieds environ, on put s’assurer qu'elle était humide mais en excellente condition, et le bétail auquel on en donna la mangea avec avidité. Or, on n’ignore pas qu’en général les animaux ne mangent qu’avec une sorte de circonspection, toute nourriture à laquelle ils ne sont pas habitués.
- Le contenu des trois autres silos fut aussi sondé et trouvé en parfait état de conservation ; en particulier le 3« dont l'herbe n’avait pas été fauchée en temps de pluie.
- Les expériences de lord Tollemache semblent donc prouver que la conservation des fourrages frais par l’ensilage est non seulement possible,mais d’une exécution très-facile.
- D’un autre côté, des essais précédents faits sur une grande échelle ont établi que du bétail nourri avec de l’ensilage — (je prie le lecteur d’excuser cette métonymie), — avait gagné 15 0/0 en poids sur celui qui n’avait eu que sa provende ordinaire de foin, de grain et de betteraves. En outre, la viande des animaux de la première catégorie était aussi supérieure comme qualité, puisqu’elle s’est vendue six sous la livre tandis que l’autre n’a pas trouvé d’acheteurs à cinq sous.
- Pour les vaches laitières la différence dans la production comme dans la qualité du lait a été non moins marquée :
- Une bête qui, avec la nourriture habituelle fournissait en une semaine quatre-vingt litres de lait indiquant 12 degrés au gaiactomètre ou pèse-iait (1), nourrie avec de l'ensilage, donna plus de 96 litres de lait marquant 16 degrés !
- Ces deux premiers points établis, reste la question du prix de revient.
- Des silos tels que ceux dont s’est servi lord Tollemache pour faire les expériences que nous venons de relater, ne seraient pas à la portée de toutes les bourses, et augmenteraient en outre considérablement le prix de revient de l’ensilage. Mais il est permis de se demander si des fosses ordinaires creusées dans un terrain argileux ne rempliraient pas le même but ? L’argile retirée dans le travail d’excavation servirait en outre de poids pour tasser l’herbe.
- L'on pourrait encore se servir du procédé recommandé par Doyère et qui, selon lui, rend le silo complètement inaccessible à l’air et imperméable à l’humidité.
- Son système de construction consiste dans des enveloppes de tôle très-mince, préservées extérieurement contre l’oxydation par un revêtement inattaquable et comme noyées dans une maçonnerie en béton qui supporte toutes les charges. « La tôle, dit-il, n’a d’autre rôle que celui d’un vernis imperméable et indestructible. Elle offre, en outre, l’avantage de fournir des orifices qui peuvent être fermés très-exactement. Enfin, un silo pouvant contenir
- (1) C’est-à-dire indiquant que ce lait contenait 12 0/0 de matières solides : beurre, lactine et caséine.
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- 500 hectolitres de grain, par exemple, construit sui- j vaut ce système, à Paris même, avec de la tôle de 3 millimètres d’épaisseur moyenne, et à raison de 100 fr. les 100 kilog. travaillés, n’a coûté, tout compris, jusqu’au dallage en asphalte qui le recouvre, que 2,250 fr., soit 4 fr. 50 par hectolitre. »
- - Quoiqu'il en soit, et quelque doives être le résultat des expérimentations auxquelles se livre en ce moment lord Tollemaclie, nous avons cru bon d’appeler l'attention de nos agriculteurs et de nos éleveurs sur ce nouveau mode d’alimentation qui nous Semble devoir présenter bien des avantages sur l’ancien.
- Aux experts à juger !
- Londres, le 8 décembre 1883.
- P.-G. Maistre.
- Nous avons dit dans un précédent numéro quel emploi rationnel on pourrait faire des millions dépensés en folles aventures.
- A la suite de ces vains appels au bien, que l’on persiste à ne pas entendre, nous donnons le récit des horribles massacres auxquels ont abouti les sacrifices imposés à la France.
- Nous empruntons au Figaro la narration de la prise de Hué, publiée sous la signature de Pierre Loti.
- Ces pages écrites depuis quelques semaines ont perdu leur actualité, et, contiendraient-elles quelques exagérations, elles méritent d’être reproduites, ar elles sont une description saisissante des excès que peut engendrer l’ivresse des batailles.
- L’écrivain du Figaro raconte cet épisode de la guerre du Tonkin dans les termes suivants :
- « Les matelots devenaient difficiles à retenir ; ils voulaient descendre dans ce village, fouiller tous les arbres, en finir avec les gens de Tu-Duc. Un danger inutile, car évidemment les pauvres fuyards allaient être obligés d’en sortir, et alors la* route d’en bas, qui passait au pied même du fort, deviendrait leur seule issue.
- « On avait réglé les hausses pour la distance, chargé les magasins des fusils ; on avait tranquillement tout préparé pour les tuer au passage. Et, en attendant, on regardait là bas le mouvement combiné des autres troupes françaises, qui s’accélérait vers le Sud, les ennemis qui fuyaient, les pavillons d’Annam qui s’amenaient. La grande batterie du Magasin-au-Riz était prise, les villages de derrière brûlaient avec des flammes rouges et des fumées
- noires... Et on se réjouissait devoir tous ces incendies, de voir comme tout allait vite et bien, comme tout ce pays flambait. On n’avait plus conscience de rien, et tous les sentiments s’absorbaient dans cette étonnante joie de détruire.
- « En effet, ils avaient passé sous le feu des marins de l’Atalante, ces fuyards attendus. On les avait vus paraître, se masser à moitié roussis, à la sortie de leur village; hésitant encore, se retroussant très haut pour mieux courir, se couvrant la tête en prévision des balles, avec des bouts de planches, des nattes, des boucliers d’osiers — précautions enfantines, comme on en prendrait contre une ondée. — Et puis ils avaient essayé de passer, en courant à toutes jambes.
- « Alors la grande tuerie avait commencé.On avait fait des « feux de salve » — et c’était plaisir de voir ces gerbes de balles, si facilement dirigeables, s’abattre sur eux deux fois par minute au commandement, d’une manière méthodique et sûre. C’était une espèce d’arrosage, qui les couchait tous, par groupes, dans un éclaboussement de sable et de gravier.
- « On en voyait d’absolument fous, qui se relevaient, pris d’un vertige de courir, comme des bêtes blessées ; ils faisaient en zigzags, et tout de travers, cette course de la mort, se retroussant jusqu’aux reins d’une manière comique ; leurs chignons dénoués, leurs grands cheveux leur donnant des airs de femme.
- « D’autres se jetaient à la nage dans la lagune, sê couvrant la tête, toujours, avec des débris d’osier et de paille, cherchant à gagner les joncques. On les tuait dans l’eau.
- « Il y avait de très bons plongeurs, qni restaient longtemps au fond ; — on réussissait tout de meme à les attraper, quand ils mettaient la tête dehors pour prendre une gorgée d’eau, comme les phoques.
- « Et puis on s’amusait à compter les morts... cinquante à gauche, quatre-vingt adroite ; dans le village on les voyait par petits tas ; quelques-uns, tout roussis, n’avaient pas fini de remuer : un bras, une jambe so raidissait tout droit, dans une crispation ; ou bien on entendait un grand cri horrible.
- « Avec ceux qui avaient dû tomber dans les forts du Sud, cela pouvait bien faire huit cents ou mille. Les matelots discutaient là-dessus, établissaient même des paris sur la quantité.
- « Un fort annamite de la grande terre venait d’en-| voyer, au milieu d’eux, trois boulets, parfaitement j pointés, qui, par une rare chance, avaient traversé
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- les groupes sans toucher personne. Ils n’y avaient même pas pris garde, tant ils étaient oceupés à guetter les passants et les voyageurs.
- « Il n’en restait plus guère pourtant. A peine neuf heures du matin et déjà tout semblait fini ; la compagnie du Bayard et l’infanterie venaient d’enlever le fort circulaire du Sud, armé de plus de cent canons ; son grand pavillon jaüne, le dernier, était par terre, et de ce côté encore les fuyards affolés se jetaient en masse dans l’eau, en se cachant la tête, poursuivis par les feux de salve. En moins de trois heures, le mouvement français s’était opéré avec une précision et un bonheur surprenants ; la déroute du roi d’Annam était achevée’.
- « Le bruit de l’artillerie, les coups secs des gros canons avaient cessé partout ; les bâtiments de l’escadre ne tiraient plus ; ils se tenaient tranquilles sur l’eau très bleue.
- « Et puis une foule blanche s’était répandue en courant dans les mâtures ; tous les matelots restés à bord étaient montés dans les haubans, face à terre et criaient ensemble « Hurrah ! » en agitant leurs chapeaux. C’était la fin.
- « Déjà- une chaleur accablante, une reverbération mortelle sur ces sables ; les grandes fumées des villages incendiés montaient toujours, très droites,puis s’épanouissaient tout en haut de l’air en gigantesques parasols noirs.
- « Plus personne à tuer. Alors les matelots, la tête perdue de soleil, de bruit, sortaient du fort et descendaient se jeter sur les blessés, avec un espèce de tremblement nerveux. Ceux qui haletaient de peur, sapis dans des trous, gui faisaient les morts, cachés sous des nattes ; qui râlaient en tendant les mains pour demander grâce ; qui criaient : « Han !... » Han ! » d’une voix déchirante, — ils les achevaient, en les crevant à coups de bayonnette, en leur cassant la tête à coups de crosse.
- « Des petits « boys » de Saigon efféminés et féroces — domestiques annamites venus à la suite de l’infanterie — s’étaient répandus parmi les matelots, les appelaient quand ils avaient déniché quelques malheureux cachés dans un coin, les tiraient par les bras, disant : « Monsieur encore un par ici, encore un par là !... Viens vite, monsieur, lui faire pan, pan, pan ! «
- « On ne les reconnaissait plus, les matelots ; ils étaient fous. — On voulait les retenir. — On leur disait : « Mais c’est sale et lâche, mes pauvres amis, ce que vous faites là ! »
- « Eux répondaient :
- » — Des sauvages, cap’taine ! — Ils ont bien pro-
- mené la tête du commandant Rivière au bout d’un bâton, dans leur ville !
- « — Ça, des vrais hommes, cap’taine ? — Si c’était nous les battus, ils nous auraient coupés en morceaux — vous savez bien — ou sciés entre des planches ?
- « Rien à répondre à cela ; c’était vrai —* et on les laissait à leur sombre travail.
- « Après tout, en extrême Orient, ce sont les lois de la guerre. Et puis, quand on arrive avec une petite poignée d’hommes pour imposer sa loi à tout un pays immense, l’entreprise est si ^aventureuse, qu’il faut faire beaucoup de morts, jeter beaucoup de terreur, sous peine de succomber soi-même.
- « Ils avaient tous ramassé des lances, des hardes, des chapelets de sapèques, et portaient, enroulés autour des reins, de belles bandes d’étoffes de différentes couleurs chinoises. (Les matelots aiment toujours beaucoup les ceintures). Ils prenaient des airs de triomphateurs, sous des parasols magnifiques ; ou bien jouaient négligemment ds l’éventail et agitaient des chasse-mouches de plumes.
- « Avec ce peu d’ombre et de repos, le calme s’était fait dans ces têtes très jeunes, la réaction s’était accomplie; ils étaient redevenus eux-mêmes, tout écœurés d’avoir pu être si cruels.
- « L’un d’eux, entendant un blessé crier dehors, s’était levé pour aller lui faire boire, à son propre bidon, sa réserve de vin et d’eau.
- « L’incendie du village s’éteignait doucement; on ne voyait plus que ça et là quelques flammèches rouges au milieu des décombres noires. Trois ou quatre maisons n’avaient pas brûlé. Deux pagodes aussi restaient debout ; la plus rapprochée du fort, en achevant de se consumer, avait tout à coup répandu un parfum suave de baume et d’encens.
- « Les matelots avaient tous quitté leur toit de bambous ; un peu fatigués pourtant, et aveuglés de lumière, ils erraient sous ce dangereux soleil de deux heures, cherchant encore les blessés ; mais cette fois pour les faire boire, leur porter du riz, les arranger mieux sur le sable, les coucher la tête plus haute. Ils ramassaient les chapeaux chinois pour les coiffer, des nattes pour leur faire de petits abris contre la chaleur. Et eux, les hommes jaunes qui inventent pour leurs prisonniers des raffinements de supplices, les regardaient avec des yeux dilatés de surprise et de reconnaissance ; ils leur faisaient merci, avec de pauvres mains tremblantes ; surtout ils osaient maintenant exhaler tout haut les râles qui soulagent, pousser les lugubres ; « Han !...
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- Han!... » qu’ils retenaient depuis-le matin, pour avoir l'air d’être morts. »
- Pierre Loti.
- ETAT-CIVIL DU FAMILISTÈRE
- du 24 au 30 décembre 1883 NAISSANCES :
- Le 24 décembre, de Froment Laure, fille de Froment Jules et de Béthune Laurence.
- Le 28 décembre, de Jouron Fernand, fils de Jouron Léonard et de Lenoble Marie.
- r>ïDc:È~» :
- Le 25 décembre, de Drouin Florentin, âgé de 1 an.
- 131BLIOQ-BAPHÏE
- Notions d’Education civique, à l'usage des jeunes filles, par Mme Massy.
- Ce volume, divisé en quatre parties : 1° instruction civique; 2° éléments de droit usuel; 3° économie politique ; 4° morale, contient d’excellentes leçons claires et simples, sur l’organisation de notre société, et les devoirs de chacun de ses membres envers tous.
- On peut différer d’opinion avec hauteur sur certains points, mais son livre rendra cependant de bons services dans les mains d’éducatrices intelligentes, et intéressera les jeunes filles qui le liront.
- Ce volume se vend 1 fr. 10 chez Picard-Bernheim et G® 11, rue Soufflot, Paris.
- Ü’AÜÏJLTJES
- Leçon de Physique expérimentale par M.Barbary
- Séance du 8 Janvier i884
- DE LA FORGE ÉLASTIQUE DU GAZ
- Librairie
- IL SECOLO
- Gazetta di Milano
- Journal politique quotidien 100,000 exemplaires par jour.
- Le Secolo, le plus complet et le plus répandu des journaux italiens, donne en Prime gratuite à ses abonnés d’un an, deux journaux illustrés hebdomadaires et 12 supplém. illustrés.
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- Théâtre du Familistère de Guise
- Direction: A. Tétrel et A. Berthet
- Bureau 8 h. 1/4
- SAMEDI 5 JANVIER 1884
- Rideau 8 h. 1 /2
- Représentation donnée
- par la Troupe du Grand Théâtre de Sl-Quentin
- Opéra-comique en 3 Actes de MM. E. Dupré et Clair ville, musique de M. Paul Lacome
- M, BERTHET, remplira le rôle de Boni face Mm0 Lesœur remplira le rôle de Mme Boniface. —
- M. Gack remplira le rôle d’Annibal
- La Vieille-Brèche. MM. Nesme.
- Fridolin .... Malon.
- Jacquot .... Sabattier.
- Varoquet. Joseph Husson. Briet.
- De Oivrac Bourdillat.
- De la Vrilière . D ambrine.
- Un seigneur. . Galère.
- Un valet. Denis.
- Un client. Boulanger.
- Isabelle .... jqmes Luceuille.
- Clorinde .... B. d’Argyle.
- Cydalise . . Claudine * , « Roland. Gabrlelle.
- De Bréville . Galère.
- De Miraval . . Husson.
- Louison .... Delaunay.
- Jeanne .... Duhamel.
- Catherine. . Mariani.
- Jacquotte. . Casabon.
- Seigneurs, dames, clients, clientes, grisettes
- LES DEUX SOURDS
- Comédie en 1 Acte de M. Jules Moinaux
- Damoiseau..............MM. Nesme.
- Placide................ Sabattier
- Boniface............... D ambrine.
- Eglantine..............Mn° Luceuille.
- Un Garde champêtre . . . MM. Briet.
- Un Jardinier........... Galère.
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- SAINT-QUENTIN
- Société anonyme du Glaneur, Grand’Place, 33 .
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- e Année, Tome 8. — n° 279 & numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 13 Janvier 1884
- SOCIALES
- BUREAU
- A GUISE (Aisne
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par renvoi, soit au bureau de Guise, soit à ceiui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
- Un an . . Six mois . Trois mois
- 10fr.»» 6 »» 3 M»
- Union postale
- Un an . . . . 11 fr. »» Autres pays Un an. . . . 13 fr. 60
- ON S’ABONNE A PARIS 5,r.Neuve-des-petits-Ghamps Passade des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Avis. ~~ Les Grèves. Appel aux femmes. — La princesse Alice — la participation. — Si vous voulez la paix. — Faits politiques et sociaux. — Robert Owen. — Empirique et Philanthrope. — Céramique. — La société contre les abus du tabac. — Etat civil du Familistère. — Cours cl’Adultes. — L'Astronomie.
- jm WM®
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement a titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, Vadministration fait présenter une quittance d’abonnement.
- LES GRÈVES
- Là fréquence des grèves indique une situation grave. Veut-on la laisser empirer ? A-t-on une connaissance suffisante des circonstances déterminantes pour espérer une intervention efficace de la part des pouvoirs publics ? '
- Les hommes politiques sont tous péniblement impressionnés par ces perturbations, ils souhaitent sincèrement un avenir débarrassé de ces crises incessantes, qui mettent si fréquemment aux prises le travail et le capital.
- Ces bonnes intentions sont certainement louables, mais jusqu’à présent elles se sont traduites en pro-
- positions d’expédients, impropres à produire la pacification des rivalités surexcitées par les intérêts antagonistes des travailleurs et des capitalistes.
- Même ces préoccupations se manifestent rarement en dehors des périodes aigues. L’annonce d’une grève est presque toujours une surprise; on en parle pendant quelques jours, et les nombreuses questions qu’elle soulève sont oubliées, dès que les travailleurs ont capitulé devant la faim.
- L’intérêt général exigerait cependant une solution positive.
- Autrefois, les grèves pouvaient survenir sans atteindre sensiblement d'autres intérêts que ceux directement engagés. Aujourd’hui, dans la plupart des cas, une grève compromet des intérêts tellement nombreux, qu’elle peut être considérée comme une calamité publique.
- S’en suit-il que, à cause de ce caractère de nuisance générale, l’on doive encourager l’Etat à intervenir, soit pour intimider les ouvriers par des déploiements de force militaire, soit pour détacher de ses services un personnel destiné à combler les vides de l’industrie privée, comme cela s’est fait à l’occasion de certaines grèves des ouvriers boulangers, comme cela arrive maintenant à Marseille à la suite de la grève des mécaniciens-chauffeurs ?
- A l’appui de cette thèse on peut invoquer la nécessité de sauvegarder les intérêts considérables, presque nationaux, que peut compromettre un long retard dans les départs des courriers interocéaniques.
- Que les cochers de Paris fassent une grève générale, on peut à peine calculer quelles nombreuses perturbations en résulteront pour la plupart des in-
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- dustries et des commerces, ayant réglé leurs relations en tenant compte de la possibilité d’utiliser les voitures publiques. Nous donnerons un exemple : beaucoup de médecins à Paris, pour éviter les en* nuis et les frais élevés de l’entretien d’un équipage, visitent les malades au moyen des voitures de place. Les cochers et les loueurs ont-ils le droit de créer, au nom de leurs intérêts particuliers, une situation qui prive les malades des secours du médecin ?
- A Bordeaux, les ouvriers de l’équipement militaire menaçaient, il y a quelques jours, de suspendre le travail si les entrepreneurs refusaient d’élever les tarifs. Ne prouvait-on prendre prétexte des intérêts de la défense nationale pour demander l’intervention du gouvernement ?
- Les ouvriers d’Anzin semblent avoir repris le travail avec la volonté de s’organiser en vue d’une grève générale, qui pourra suspendre toute l’industrie nationale > Si cette menace devait être exécutée, le gouvernement n’aurait-il pas le devoir de veiller sur les intérêts compromis ?
- Ceux qui ont en main la force publique devaient-ils rester impassibles en face des ouvriers du Ca-teau résolus à démolir l’usine de MM. Chantreuil et Lempereur ?
- A ces diverses questions on pourrait répondre par une autre question. Les ouvriers, sous prétexte de patriotisme, d’ordre, de prospérité nationale, doivent-ils continuer à vivre et à mourrir misérablement près de l’opulence, lorsqu’on laisse chômer des engins de production, ayant une puissance presqu’in-finie, à côté de sources inépuisables de richesses ?
- Ces interrogations résument à peu près les arguments des deux parties, chacune examinant la situation avecla préoccupation mesquine de ses intérêts immédiats, d’après les données routinières du passé, sans s’inquiéter de chercher s’il existe une solution susceptible de les satisfaire l’une et l’autre.
- Les nécessités sociales de notre époque ne permettent pas de laisser généraliser les grèves qui donnent le pouvoir à cent milles individus de suspendre la plus grande partie de l’activité nationale. ! Et pourtant chaque citoyen a le droit de refuser son !
- travail. !
- (!
- Au Cateau, Messieurs Chantreuil et Lempereur | dominés par les effets de la concurrence et de la | spéculation ont cru devoir diminuer les tarifs des salaires. Mais les lois supérieures de l’humanité permettent-elles à la Société de laisser mourir de faim deux cent cinquante de ses membres ? Car cette grève a eu pour point de départ une diminution de 29 0/0 des salaires. Quiconque connaît les conditions ordinaires de l’existence des populations
- | ouvrières n’osera soutenir que le budget d’un ouvrier fllateur puisse être réduit du tiers sans condamner à la misère celui qui le reçoit. *
- La question des grèves, examinée à fond, laisse l’homme public en face d’un droit primordial et de l’impossibiiité matérielle du plein exercice de ce droit. Le législateur doit donc chercher à trouver une loi destinée à concilier les intérêts publics avec ceux des individus.
- Notre législation sur le travail, composée d’un fouillis de lois issues de tous les sophismes du passé et des nécessités relatives de civilisations disparues, dérive de cet axiome, que le travail est libre : affirmation abstraite, de laquelle on ne peut tirer des déductions pratiques, sans préparer un gâchis social, dont le présent nous donne uni faible idée relativement à ce qu’il sera dans quelques années, si l’on continue à suivre les mêmes errements.
- En sociologie comme en toute science d’application, il ne faut pas séparer la formule abstraite des possibilités de fait. La liberté de travailler pour celui qui n’a ni matières premières ni outils, ni capitaux, ne vaut pas mieux que la liberté de penser pour l’ignorant. Cette dernière affirmation est assez comprise à notre époque, puisque chaque jour on impose davantage l’obligation de l’instruction pour arriver à la Liberté de Penser. De même, il faut mettre à la portée des mains du travailleur les moyens de production pour lui procurer la liberté du travail.
- En fait, la plus grande partie des travailleurs n’est pas libre dans son travail, puisque la minorité possédante a la force publique à son service pour les empêcher de produire lorsqu’ils ne veulent pas accepter les conditions faites par elle.
- Ainsi se pose le problème de l’avenir.Entre le présent et ce qui doit être, il existe une différence profonde ; tellement considérable, que l’on ne peut prétendre pouvoir la supprimer tout d’un coup.
- C’est la méthode de transition qu’il faut appliquer et généraliser bien vite, parce que le temps presse. Cette méthode, basée sur la participation réelle des travailleurs aux bénéfices par la mutualité d’abord, a donné des résultats assez probants, qui ne permettent pas de douter de son efficacité.
- Nos législateurs n’ont pas le droit de reculer devant la question sociale que les grèves remettent sans cesse à l’ordre du jour de l’opinion publique.
- Si l’on persiste à ne pas s’en occuper, les conflits entre travailleurs et capitalistes nous conduiront à la grève organisée, et on ne sait à quel cataclysme celle-ci peut aboutir, lorsqu’on fient compte du tempérament français.
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- Souvent, dans les grèves partielles, même dans celles qui comptent à peine quelques centaines de grévistes, on constate des actes de désespoir comme ceux du Cateau, car il n’est pas admissible qu’une poignée d’hommes désarmés puisse se révolter de sang froid en présence d’une armée puissante et disciplinée.
- Le gouvernement ne doit pas attendre pour agir que des circonstances, malheureusement trop probables si l’on juge de l’avenir par le passé et le présent, le mette dans l’obligation d’intervenir, lorsque la haine et toutes les mauvaises passions auront groupés cent mille individus sans cesse aiguillonés par la faim.
- Les mineurs, toujours victimes des grèves partielles, paraissent vouloir s’organiser en vue de vaincre par la grève générale. Cette idée devait fatalement se présenter à leur esprit, à la suite des échecs des grèves partielles ; mais, actuellement, on peut dire qu’elle leur a été enseignée par les prédications des hommes publics et les conseils intéressés des économistes.
- Les premiers pour se débarrasser des réclamations incessantes de ces mécontents, qui ont toutes les raisons de l’être, les autres pour hâter un apaisement profitable aux intérêts qu’ils défendent, ont invariablement répondu aux travailleurs qu’ils devaient s’organiser, s’ils voulaient lutter avec avantage contre leurs exploiteurs, et tous se sont montrés les ardents défenseurs de ee qu’ils appellent la liberté de coalition, comme si cette liberté était possible de fait pour le travailleur en chômage.
- Il ne faut pas laisser aux ouvriers l’illusion de penser qu’ils peuvent retirer quelques avantages de la grève organisée ; car par une entente générale viendraientdls à faire une coalition politique de toute leur classe pour s’emparer des pouvoirs publics, ils ne pourraient tirer aucun avantage durable à cause de leur ignorance générale des conditions d’existence d’une Société basée sur la justice. L’œuvre de la régénération sociale a besoin du concours de toutes les capacités.
- Les mineurs seront vaincus dans une grève générale, comme ils Font été dans les grèves partielles. Les réserves et les approvisionnements des charbonnages français et étrangers sont trop considérables et les besoins des mineurs trop immédiats. Les mineurs seront domptés par la faim avant que ces réserves soient épuisées.
- Il est même probable que, dans pareil cas, la lutte serait terminée par l’intervention de la force armée, car il suffît que quelques hommes intéressés à cette
- intervention recrutent quelques agents provocateurs pour la rendre sinon nécessaire, au moins explicable.
- Les manifestations ouvrières doivent prendre un autre essor ; au lieu de chercher dans les grèves le remède aux souffrances des salariés, c’est l’institution elle-même du salariat qu’il faut viser.
- Au lieu de s’acharner après les patrons ; les travailleurs feraient mieux d’exercer une pression sur les hommes politiques, jusqu’à ce qu’ils les aient contraints à promulguer une constitution sociale reconnaissant à chacun le minimum de subsistance, organisant la mutualité nationale, et rendant obligatoire dans toutes les industries la participation des travailleurs aux bénéfices, d’après cette donnée qu’avant toute chose la production doit assurer l’existence des classes laborieuses et que le franc d’intérêt payé au capital ne doit pas avoir une part de bénéfice plus grande que le franc payé en salaire.
- Les économistes et tous les prêtres du laissez faire du capital protesteront au nom de la concurrence,feront sonner bien haut les mots de violation de la liberté individuelle. Nous les laisserons épuiser le catéchisme des Bastiat. On ne peut discuter avec des gens qui appellent mesures liberticides les lois protectrices de la vie humaine.
- APPEL AUX FEMMES
- Le comité exécutif de Y Association de la Grande-Bretagne et de VIrlande pour la Paix et VArbitrage international appelle l’attention des femmes de tous les pays et de toutes les classes de la société sur l’objet important de cette association, qui est :
- D attirer et d'influencer l'opinion publique en faveur de l'arbitrage au lieu du la guerre pour régler les différents entre les gouvernements.
- Nous donnons la partie de ce manifeste développant les moyens d’action proposés par cette association, avec laquelle nous sommes en complet accord, comme le prouve notre article sur le désarmement publié dans 3e précédent numéro du Devoir.
- Voici le texte publié par le comité anglais :
- « Cette Association désire remédier à ces maux par des mojœns pratiques. Elle adresse un appel aux hommes et aux femmes et elle les invite à s’organiser partout en Société qui auront leurs ramifications dans toute l’Europe et l’Amérique et qui se constitueront ensuite en une vaste fédération. Autant que possible, ces diverses Sociétés agiront avec ensemble en se prêtant un mutuel appui et en échangeant leurs idées et leurs renseignements. Lorsqu'une difficulté s'élèvera entre deux gouvernements, les Sociétés des deux nations respectives inviteront leurs délégués à se réunir et à étudier la question en litige, à se renseigner sur les faits, à redresser les rapports incorrets et les fausses appréciations du public, à faire enfin tous leurs efforts pour amener leurs .concitoyensà insister auprès de leur gouvernement pour qu'il soumette la question à un arbitrage.
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- « À cette œuvre, les femmes, aussi bien que les hommes, peuvent travailler. Partout, en Amérique et en Europe, elles peuvent organiser des brandies locales aux Sociétés en projet. Ces branches locales éclaireront l’esprit public au moyen de la littérature, de conférences, d’adresses, de sermons et de meetings.
- « Quand il s’élèvera une question internationale affectant le repos de deux peuples, les branches de la Société mère se réuniront aussitôt pour examiner la question en litige, émettre leur avis et le communiquer à leur gouvernement. Elles se mettront également en rapport avec la Société de la nation où la difficulté a pris naissance et avec le Comité fédéral des Sociétés réunies. Les membres des branches locales, les femmes surtout, s’efforceront d_e faire une recrue dans chaque maison en faveur de cette œuvre si essentiellement humanitaire. Les femmes, toutes puissantes par leur influence, tâcheront de l’exercer sur leuis maris, sur leurs frères, sur leurs fils ; elles élèveront leurs enfauts dans l’amour de la paix et des relations amicales entre les nations ; elles décourageront, par la parole et par l'exemple, partout et toujours, ce faux et fatal prestige du militarisme. Cette question intéresse particulièrement les femmes comme mères et comme épouses ; ce sont elles qui souffrent principalement de l’irruption abrutissante des forces ennemies. Leur perception plus intime de la puissance des influences humanitaires ieur donne aussi plus de compétence à comprendre cette grande vérité — que tout progrès a pour base l’amour de nos semblables, qui est la force régénératrice de la société. Elles sentiront qu’il y a là un devoir sacré à remplir : délivrer la terre de l’horrible fléau de la guerre !
- « Quant aux ressources financières pour la fondation des Sociétés, leur maintien et les frais de propagande ; les conférences, les publications, etc., offriront des ressources. Les femmes, douées de cette patiente persévérance, obtiendront toujours de l’argent pour les bonnes causes : leur volonté inébranlable et leur dévouement aux grandes idées leur feront vaincre les entraves.
- « C'est pourquoi nous appelons à nous la coopération des femmes ; nous leur demandons de nous communiquer leurs plans, de nous aider à mener à bien cette grande œuvre. Nous serons heureux de compter, parmi nos adhérents, des femmes de toutes les classes, de toutes les croyances, de tous les pays ; — de correspondre avec elles pour l’échange des idées ou pour donner des détails sur notre plan d’action. Nous leur demandons de nous aider à poser les bases d'une fédération puissante en faveur du progrès de l’humanité. Il dépendra de l’étendue que chaque femme ou chaque homme donnera à son champ d’action, soit au village ou à la ville, soit au salon ou dans la chaumière ou l’atelier pour l'avancement de cette grande cause et pour hâter l’époque de son triomphe II
- « Que chaque femme qui lira cet appel se demande : s’il lui est permis de se dispenser d’apporter sa pierre à la fondation de ce grand édifice du Temple de la Paix. «
- HODGSON PRATT, Président du Comité.
- C. C. MACRAE, Vice-Président.
- GEORGE BUCHANAN, Trésorier.
- W. PHILLIPS, Secrétaire honoraire.
- LEWIS APPLETON, Secrétaire.
- ADRESSE :
- Association internationale de la Grande-Bretagne et de l'Irlande pour la Paix et l’Arbitrage, 38, Parliament-street, London, S. W.
- P.-S. — Adresser toute communication à M. le Président du Comité exécutif.
- FORME D’ADHÉSION
- Ceux qui veulent se joindre à l’association sont priés de copier, de signer (avec leur adresse) et d’envoyer au susdit bureau la déclaration suivante:
- J’’adhère à VAssociation internationale pour la Paix et l'Arbitrage.
- Signature :
- Adresse :
- La Princesse Alice d’Angleterre et la perre
- Les journaux anglais, partisans de la paix et de l’arbitrage international, se préoccupent tous en ce moment des lettres de la défunte princesse Alice d’Angleterre, souveraine de Hesse Darmstadt.
- Cos lettres qui viennent d’être publiées font voir que la princesse Alice tenait la guerre en profonde horreur. La princesse organisa des sociétés de femmes pour venir en aide aux militaires blessés. Combien son action eut été plus efficace si elle se fût employée à la progande de l’idôa d’arbitrage pour régler les différends internationaux.
- On lit dans ses lettres que l’empereur d’Autriche était partisan de la paix et que le redoutable Guillaume de Prusse, lui-même, se montrait profondément affigé « qu’on pût le croire capable de rechercher volontairement la guerre.
- « Si de tels potentats, « ajoutent ces journaux, désirent réellement éviter les guerres et n’y arrivent pas, faute de pouvoir être assez impartiaux dans les faits où ils sont directement en cause, de quelle suprême importance serait l’institution d’un tribunal souverain entre les nations. »
- « Ii ne serait pas obligatoire qu’un tel tribunal eût par devers lui, pour soutenir ses décisions, une puissante armée ; car dans la plupart des cas, au moins, son influence purement morale suffirait ; cela est prouvé par ce fait que dans les 35 décisions arbitrales prises depuis le commencement du siècle, jamais une seule fois la force n’a été requise pour l’application des décisions.
- « Les conclusions impartiales du code et du tribunal institués par les nations sauvegarderaient absolument la dignité et l’honneur des gouvernements qui y auraient recours.
- « Puisse la publication des lettres de la princesse Alice contribuer à l’avènement de ce bienfaisant résultat. »
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- LA PARTICIPATION
- Un industriel, M. Bourdoux, a fait, ces jours derniers, une conférence sur la participation, qu’il a l’intention de pratiquer dans une fabrique qu*il a fondée
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- dans la Corrèze. M. Bardoux a préparé sa conférence par la circulaire suivante publiée dans le journal « les Syndicats ouvriers : »
- « Jusqu’à ce jour on ne s’est pas assez inquiété si chaque travailleur recevait, conformément aux règles de la justice, la part qui lui est légitimement due dans les profits que procure la coopération réciproque du capital, de l’intelligence et du travail, trois éléments indispensables au succès de toute entreprise.
- Il faut que le capital comprenne qu’il ne peut pas toujours accaparer tous les profits ; il faut aussi que les travailleurs se pénètrent bien qu’on ne peut pas augmenter indéfiniment les salaires. D’un côté, l’accumulation des profits en quelques mains, c'est la misère du plus grand nombre ; de l’autre, l’augmentation sans mesure des salaires, c’est la dispersion du travail au profit de l’étranger et la pauvreté pour tous.
- Le moment viendra certainement où, par l’association et l’épargne, les travailleurs arriveront graduellement à posséder le capital, mais si dès maintenant les patrons comprenaient qu’il est de leur intérêt de faire participer leur personnel aux bénéfices, dans la proportion des salaires gagnés par chacun, l’antagonisme entre l’employeur et l’employé ne tarderait pas b disparaître et l’union si désirable entre le capital et le travail serait bien vite faite.
- Nous avons la conviction que toute entreprise industrielle ou commerciale qui ne s’appuiera pas sur ces principes de justice est fatalement condamnée à périr tôt ou tard.
- Si nous voulons voir disparaître les grèves, cette plaie sociale qui fait encore plus de mal à l’ouvrier qu’au patron, il faut faire participer le travailleur aux bénéfices de l’entreprise, ce n'est peut être pas le remède souverain contre tous les maux dont souffre l’humanité, mais c’est au moins un progrès dont la réalisation est possible partout.
- C’est ce que nous nous proposons de faire dans la Société que nous constituons, pénétrés que nous sommes qu’avec les réformes que nous comptons opérer du côté de l’outillage et de la suppression des intermédiaires, ce sera la meilleure arme pour combattre l’Angleterre et l’Allemagne sur le terrain industriel et commercial, car ces deux pays passeront à leur tour par la crise économique que nous traversons.
- Voici comment nous comptons pratiquer la participation aux bénéfices :
- La somme des salaires étant payée d’une part, et d’autre part le salaire du capital à raison de 5 0/0 l’étant aussi, le surplus qui forme le bénéfice net est partagé comme suit : j
- 50 0/0 aux actions,2 0/0 à la gérance et 25 0/0 aux I employés et ouvriers. » I
- J. Bourdoux, j
- Manufacturier, 12, rue Saint-Fiacre, j ex-président de la Mutualité I commerciale.
- Félicitons d’abord M. Bourdoux d’avoir livré son projet à la publicité : c’était nous reconnaître le droit d’en parler à notre aise. Nous en dirons tout le bien que mérite une entrepriseprogressiste,sans nous croire obligé de taire le mieux que nous croyons possible et immédiatement applicable.
- La lettre de M. Bourdoux contient des affirmations socialistes très-justes ; nous en relevons une seule, la plus importante, puisqu’elle prouve que M. Bourdoux a conscience du but à atteindre par les classes laborieuses.
- M. Bourdoux prévoit que les travailleurs arriveront graduellement à posséder le capital. Cet aveu est toujours bon à noter de la part d’un manufacturier, surtout quand il se produit en plein quartier du Sentier, le centre du mercantilisme.
- Les moyens pratiques de participation nous semblent sans proportion avec un si lumineux exposé; ils pèchent d’abord par l’absence des garanties de l’existence, première réforme nécessaire aux ouvriers.
- M. Bourdoux donnera 50 0/0 du bénéfice net aux actionnaires, 25 0/0 à la gérance, et 25 0/0 aux employés et ouvriers.
- Les 25 0/0 accordés à la gérance n’ont rien d’excessif, on ne peut nier dans notre milieu de folle concurrence, le rôle prépondérant des capacités directrices et administratives. Nulle part, comme à Paris, cette vérité se montre avec autant d’évidence.
- Fréquemment, on voit dans la même rue, des entreprises similaires, également pourvues en capitaux, prenant leurs matières premières aux mêmes sources, recrutant leur personnel dans le même milieu, écoulant leurs produits sur les mêmes marchés, jouir d’une situation bien différente ; les unes prospèrent, tandis que les autres périclitent. Il est évident que cette différence provient du seul facteur qui ne soit pas commun à toutes, soit la capacité directrice.
- Il y a donc avantage pour les entreprises sérieuses à reconnaître à la gérance une part de bénéfice proportionnée à l’importance de ses services.
- Donner un quart des bénéfices aux employés et aux ouvriers d’une industrie n’est pas chose commune, lorsque ces travailleurs sont déjà payés aux cours maximum de la main-d’œuvre dans la localité où est placée cette industrie, car il est évident que M. Bourdoux n’emploiera pas un personnel recruté au rabais.
- De quelle façon seront donnés ces 25 0/0 aux tra-travailleurs ? On peut les répartir également entre tous les employés, ou les distribuer à chacun au prorata de ses salaires,ou bien les destiner à des ins-titutionsde mutualité gérées parles employés et à leur profit, en vue d’assurer à tous le confortable dans le logement, le minimum de subsistance aux familles les plus nécessiteuses, des pensions de retraite aux vieillards et aux victimes d’accidents, et le nécessaire aux malades ; il y a encore un quatrième moyen qui
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- consiste à rembourser aux capitalistes, à la fin de chaque exercice une somme égale au total des bénéfices revenant au travail, et de reconnaître à chaque travailleur, dans un compte d'épargne ouvert à son nom, une part de propriété équivalente à sa participation aux bénéfices.
- La distribution individuelle faite au travailleur à la fin de chaque exercice n’atteindra pas le but social que semble poursuivre M. Bourdoux. La part de chacun sera trop minime pour exciter le bénéficiaire à en chercher un placement sérieux, et combien sont rares les travailleurs qui sauront en tirer un parti avantageux ; car, il ne faut pas perdre de vue que l’on agit dans un milieu sans éducation économique.
- Cette participation du travail rendra ses effets maœima, si on constitue par elle une épargne collective destinée à pourvoir les services de mutualité. Réduite à 25 0/0, elle ne dépassera pas les besoins de ces institutions ; il arrivera même pendant les périodes de crise commerciale qu’elle sera insuffisante. Pour faire œuvre sérieuse, il y aurait lieu de porter chaque année aux frais généraux un prélèvement fixe, destiné à parer aux insuffisances des bénéfices, afin de conserver dans tous les cas les avantages des institutions de mutualité.
- Un pareil emploi des parts de bénéfice réservées aux travailleurs est certainement préférable à tous les autres, lorsqu’on ne veut pas fixer cette participation à un taux supérieur à 25 0/0. Ces institutions solidarisent un certain nombre d’hommes, les soulagent dans les mauvais jours, et les habituent aux pratiques administratives; car, il est bien entendu que, dans un groupement inspiré par les principes socialistes, la gérance, par d’autres que les intéressés n’est pas admissible.
- Mais une fondation véritablement socialiste doit tendre en même temps à mettre progressivement les travailleurs en possession du capital. Dans ce cas il faut d’abord accorder au travail un taux de participation assez élevé pour pourvoir les institutions de mutualité garanties en outre par les frais généraux, comme nous venons de le dire plus haut, et pour permettre de constituer pendant les années prospères une épargne destinée à rembourser le capital de commandite.
- Après le prélèvement de 25 0/0 accordé à la gérance, il reste à répartir 75 0/0 entre le capital et le travail.
- Pour résoudre Î8 problème, il ne faut pas dire le capital aura 10, 15, 20, 30, 50 0/0 du bénéfice. II vaut mieux poser en principe que le capital et le travail doivent avoir chacun une part de bénéfice proportionnée à leur concours. La sociologie est assez
- avancée pour résoudre scientifiquement la question.
- Dans la production, le concours du travail et du capital peuvent se mesurer avec autant de précision que les forces employées en mécanique.
- L’unité de mesure est le franc.
- Le travail et le capital sont deux salariés ; les salaires ou les intérêts du capital sont payés en francs, comme les salaires du travail. On peut donc dire scientifiquement que le concours du travail est deux fois, trois fois, quatre fois, dix fois, cinquante fois plus grand que le concours du capital, lorsque le total des salaires payés pendant un exercice industriel est deux fois, quatre fois, dix fois, cinquante fois plus grand que le total des intérêts du capital pendant ce même exercice, et inversement.
- Cette loi, formulée par M. Godin, a été appliquée par lui dans l’association du Familistère.
- Lorsque la participation a été établie d’après ses véritables règles, il y a lieu de déterminer quelle part des bénéfices reconnue au travail doit revenir aux institutions de mutualité et quelle autre doit être convertie en titres de propriété de l’industrie. Cette proportion sera variable suivant le taux moyen des bénéfices et suivant maintes autres circonstances appréciables seulement dans chaque- cas particulier.
- Le quantum d’épargne attribué à chaque participant doit être lui-même proportionnel au concours de chacun. Ce concours s’évalue comme précédemment d’après le chiffre des salaires de chaque travailleur.
- Dans la pratique, pendant l’époque de transition, lorsqu’il faut recruter le personnel dans une population peu développée, rongée par tous les vices inhérents au paupérisme, on ne peut fructueusement accorder les mêmes avantages à tous les travailleurs; on est contraint de les diviser en un certain nombre de catégories donnant chacune à leurs membres des avantages particuliers dans la répartition individuelle; mais cela ne modifie pas le total du prélèvement en faveur du travail.
- Les 1,600 travailleurs du Familistère de Guise sont divisés en associés, sociétaires, participants, auxiliaires et intéressés. Chacune de ces catégories a des obligations statutaires spéciales.
- Ces réflexions, provoquées par la publication de la lettre de M. Bourdoux, n’ont pas été écrites avec la volonté de critiquer un projet véritablement progressiste, que nous ne voulons pas diminuer dans l’opinion publique.
- Nous faisons en économie sociale, ce que l’on fait ailleurs en politique, nous intervenons avec nos théories et avec la force que nous donne la fondation de Guise, chaque fois que l’on met à l’ordre du jour
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- de l'opinion publique une partie quelconque de notre programme.
- On lit dans The arbitrator, de Londres :
- Si vous voulez la paix tenez vous prêts à la guerre
- « Je repousse la maxime si généralement adoptée: « Si vous voulez la paioc tenez-vous prêts à la guerre ». Elle a pu s’adresser avec justesse aux nations antiques, aux sociétés relativement barbares et peu civilisées, où les préparatifs belliqueux coûtaient peu ; mais dans nos sociétés actuelles où les préparatifs de guerre des grandes puissances entraînent des frais énormes, je dis que, bien loin d’offrir aucune garantie de paix, ces préparatifs tendent, au contraire, à la guerre ; car il est naturel que les hommes,après avoir adopté les moyens jugés les plus efficaces pour un but donné, désirent mettre cette efficacité à l’épreuve et recueillir quelque résultat direct de leurs travaux et de leurs dépenses. »
- Comte d’Aberdeen.
- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- Elections* municipales. — La prolongation des mandats municipaux n’a pas été acceptée par quelques rares conseillers qui ont donné leur démission pour protester contre les procédés des parlementaires.
- A Paris,le groupe bruyant de fautonomie communale a manœuvré d’une façon comique pour se donner l’apparence de sauver le principe de la souveraineté du suffrage universel, et pour conserver en réalité un mandat expiré.
- Cette prolongation de mandat devrait permettre aux conseillers parisiens de discuter et de voter un projet de M. Grimaud, projet très-progressiste, très-républicain qui tend à procurer à la ville des ressources considérables sans recourir à l’emprunt.
- Nous donnerons et nous apprécierons, dans nos prochains numéros la proposition de M. Grimaud, sur laquelle le Conseil municipal a sournoisement évité de se prononcer.
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- Une proposition républicaine. — Nous trouvons parmi les pétitions sur lesquelles les commissions proposent des résolutions spéciales un document particulièrement intéressant.
- M. Frédéric Passy a déposé une pétition demandant l’établissement d’un tribunal arbitral chargé de juger souverainement les contestations internationales.
- La onzième commission (M. Gaillard, député de Tau-cluse, rapporteur), après avoir rappelé que sept parlements étrangers ont voté dés résolutions tendant à substituer à la guerre l’arbitrage international, conclut en priant le ministre des affaires étrangères de saisir la Chambre d’un projet de résolution s’inspirant de l’idée ci-après :
- « La Chambre considérant que tous les peuples ont intérêt à ce que les conflits internationaux soient résolus par voie d’arbitrage.
- » Autorise le gouvernement, quand l’occasion utile se présentera, à couvrir les gouvernements des Etats civilisés à travailler de concert à la codification des lois internationales et à l’établissement d’un système permanent d’arbitrage International. »
- Dans* la. capitale de la civilisation. —
- Depuis quinze jours, trois femmes sont mortes de faim, à Paris,en pleine rue.
- L’une, pauvre vieille de soixante-sept ans, qui n’avait, paraît-il, pas mangé depuis deux jours, s’est affaissée sur un trottoir : elle était morte.
- Une jeune fille de dix-huit ans a été trouvée morte sur un banc. Elle avait, disait-elle, dans une lettre, vainement cherché de l’ouvrage. En faisant son autopsie, on constata qu’elle n’avait pas mangé depuis quatre jours.
- Enfin, une femme de quarante-cinq ans est tombée morte de faim en sortant du Mont-de-Piété, où elle était allé offrir un chiffon sur lequel on n’avait pu prêter.
- *
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- Emancipation des femme». — Mlle Victoire de Ghirée, fille d’un ancien avocat général au parquet de Lyon, vient de passer avec succès son examen devant la faculté de médecine.
- Dans le concours pour l’internat des hôpitaux de Paris, trois jeunes femmes figurent parmi les élus. Mme Warrante, avec le numéro 6 sur 254 nominations ; J/11® Mathieu, dite Dubois, avec le numéro S7, et enfin Müe Chopin, avec le numéro 142.
- Une jeune Américaine, Mistress Laura 'Wihte, a été reçue à l’école spéciale d’architecture, dirigée par M. Trélat.
- M11® Hubertine Auclert, s’étant présentée à la porte du Tivoli, a été évincée par la commission. Elle adresse, à ce propos, la lettre suivante aux journaux :
- Paris, le 23 décembre 1883, Monsieur le rédacteur,
- Sachant que MM. Lefèvre, Fiaux et Dujarrier, députés et conseillers municipaux de mon arrondissement, devaient aujourd’hui rendre compte de leur mandat, je me suis rendue salle du Tivoli-Vauxhall, où devait avoir lieu la réunion.
- J’espérais pouvoir, en ma qualité de contribuable et de personne comprise dans le nombre des habitants nécessaires pour former les circonscriptions municipales et politiques, demander à MM. Lefèvre, Fiaux et Dujarrier, qui ont proclamé dans leur programme « le droit civil des femmes » et « la nécessité de leur préparation au droit politique », ce qu’ils avaient fait jusqu’ici pour changer la condition des femmes ; mais j'ai été brutalement empêchée de pénétrer dans la salle de réunion.
- N’esl-ce pas honteux que nous, femmes républicaines et libres-penseuses, nous soyons repoussées des réunions électorales ? Si nous nous présentions dans les églises, MM. les curés seraient plus polis avec nous que ne le sont les républicains socialistes.
- Veuillez recevoir, monsieur le rédacteur, mes salutations empressées.
- Hubertine Auclert, Directrice de la Citoyenne.
- Mademoiselle Auclerc fait une regrettable confusion ; elle a eu affaire en çette circonstance à des républicains radicaux, et non à des républicains socialistes.
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- Les honneurs militaires.— Le ministre de la guerre vient d’adresser aux gouverneurs militaires et aux généraux commandant les corps d’armée une circulaire relative aux honneurs à rendre par les troupes pendant les services religieux. On devra se conformer aux dispositions suivantes :
- 1° Des escortes seront fournies (pour les corps qui en demanderont), conformément à l’article 302 du décret du 23 octobre 1883. Ces escortes resteront en dehors des édifices du culte jusqu'à la fin de la cérémonie, si elles doivent accompagner au retour les corps dont il s’agit ; dans le cas contraire, elles rentreront dans leurs casernes ou quartiers dès que les corps seront entrés dans l’édifice du culte ;
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- 2° Aucune fraction de troupe (musique ou piquet) ne sera de service dans l’intérieur de l’éditice;
- 3° Les autorités militaires seront simplement avisées, sans convocation, que des places leur*sont réservées, pour la cérémonie, dans l’intérieur de l’édifice.
- Ces dispositions sont indépendantes des mesures d’ordre qu’il peut être utile de prendre à l’extérieur.
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- L’Industrie IVatioiiale. —La société d’encouragement de l’industrie nationale vient de faire publier la liste suivante des concours ouverts pour l’année 1884.
- Grande médaille a l'effigie de Prony pour la section des arts mécaniques.
- Prix Fourcade pour les ouvriers des fabriques de produits chimiques, ayant le plus grand nombre d’années consécutives dans la même maison.
- Prix de 1,000 fr. pour un petit moteur destiné à un atelier de famille.
- Prix de 2,000 fr. pour le peignage des cotons ordinaires et autres filaments courts préparés jusqu’à ce jour par le cardage.
- Prix de 1,000 à 3,000 fr. pour les instruments de topographie automatiques.
- Prix de 2,000 fr. pour la meilleure machine à tailler les outils de diverses dimensions désignés sous le nom de fraises.
- Prix de 2,000 fr. pour l’application industrielle de l’eau oxygénée.
- Prix de 2,000 fr. pour la préparation économique de l’ozone et pour ses applications.
- Prix de 1,000 fr. pour rutilisation des résidus de fabrique.
- Prix de 1,000 fr. pour une application utile des métaux nouvellement découverts (magnésium, calcium, baryum, strontium, thallium, etc.).
- Prix de 1,000 fr. pour la découverte d'un nouvel alliage utile aux arts.
- Prix de 4,000 fr. pour la découverte de procédés capables de fournir des transformations chimiques quelconques des matières organiques utiles, telles que la quinine, le sucre de canne, etc.
- Prix de 3,000 fr. pour la fabrication courante d’un acier ou fer fondu doué de propriétés spéciales utiles par l’incorporation d’un métal étranger.
- Prix de 2,000 fr. pour la découverte et la mise en œuvre d’un procédé pour l’utilisation du tannin contenu dans les écorces et autres matières non encore employées par les tanneries.
- Prix de 1,000 fr. pour l’application industrielle de l’endosmese du gaz.
- Prix de 2,000 fr. pour un procédé assurant la désinfection permanente des fosses d’aisances, avec conservation absolue des engrais.
- Prix de 1,000 fr. pour une application nouvelle de l’analyse spectrale dans l’industrie.
- Prix de 2,000 fr. pour la meilleure étude sur l’agriculture et l’économie rurale d’nne province ou d’un département.
- Prix de 2,000 fr. pour la découverte d’un moyen facile et expéditif de reconnaître les falsifications du beurre.
- Prix de 3;000 fr. pour la découverte de procédés perfectionnés de transmission à distance de la force motrice à des machines agricoles.
- Trois prix de 3,000 fr. chacun en faveur :
- 1* De celui qui aura fait connaître un ou plusieurs ennemis du phylloxéra appartenant au règne animal ou au règne végétal et susceptible comme lui d’une reproduction à l’infini ;
- 2° De celui qui aura trouvé un moyen pratique de détruire l'œuf d’hiver du phylloxéra.
- 3® De celui qui aura mis à la disposition de la viticulture les engins les plus propres et les plus économiques afin de combattre le fléau.
- Prix de 2,000 fr. pour la découverte d’un moyen de détruire le peronospora de la vigne, champignon parasite d’origine américaine, qui, en 1882, a causée de grands | dommages dans beaucoup de nos vignobles.
- Un prix de 1,000 fr. sera également attribué à celui qui 1
- aura trouvé le moyen de détruire le peronospora de la pomme de terre.
- Nous rappellerons aux personnes désireuses de prendre part à ces concours, que le siège de la Société d’encouragement est situé 44, rue de Rennes.
- Les chiffonniers parisiens. — Une récente ordonnance du préfet de Police interdisant de vider les ordures sur la voie publique a causé une vive émotion dans le monde des chiffonniers. Dans une lettre adressée aux journaux, ceux du dix-huitième arrondissement se plaignent vivement de l’impossibilité qui en résulte pour eux de gagner leur vie. M. le préfet n’iguore pas, disent-ils. que, comme tout citoyen, le chiffonnier paie son impôt. Il a également un loyer qui varie de 150 à 200 fr. et c’est énorme pour quelqu’un qui a beaucoup de peine à gagner de 2 à 3 fr. par jour.
- Dans une Société coordonnée, une semblable mesure aurait supprimé de nombreux inconvénients, en même temps elle aurait libéré d’un travail dégoûtant un grand nombre de citoyens, qui seraient venus soulager les travailleurs des autres professions ou bien augmenter la production générale. Dans notre monde anarchique, on ne peut bénéficier du dernier avantage, et pour obtenir le premier il faut aggraver la misère de gens déjà trop malheureux.
- Les ouvriers étrangers. — On mande d’Au-tun, 30 décembre :
- « MM. Schneider et G® ont pris une mesure qui a fait grand plaisir à ia population creusotine. C’est la suppression aux étrangers de tout emploi ou travail ; cela permettra d’occuper les ouvriers du pays. On reconnaîtra que cette réforme est sérieuse, quand l’on saura que. dans la seule ville du Greusot, Ton compte plus de 1,500 Italiens, une centaine d’Anglais et sujets Suisses ou Allemands. »
- Après plusieurs atRres grandes administrations, la Compagnie des chemins de fer du Nord vient de prendre une décision semblable. Emue de la quantité d’ouvriers de nationalité étrangère, et particulièrement de sujets allemands, qui se sont introduits pendant ces dernières années dans ses ateliers et dans le service de la voie, la Compagnie du Nord a décidé d’éliminer de ce dernier service tout employé qui ne justifiera point de sa qualité de Français. Ce n’est là qu’un premier pas, et nous ne doutons’pas que la décisiou qui n’est encore prise qu’à l’égard du service de la voie ne soitappliquée avant peu aux ateliers et en général à tous les services.
- Messieurs Schneider et Ge et les autres grandes administrations refusent-ils les actionnaires étrangers ? Pour être logiques, ils devraient renoncer à recevoir les capitaux étrangers et à transporter les marchandises confiées à la frontière.
- A Lille, sept conseillers municipaux embrigadés par un officier d’Académie ont prié le maire, M. Gery Legrand, de prendre l’arrêté suivant :
- « Considérant que notre ville est infestée de sujets allemands pour la plupart espions prussiens ;
- Considérant surtout que ces individus sont de nature, par la mission qu’ils ont reçue de leur gouvernement, à jeter la perturbation dans notre région industrielle, car beaucoup d’entre eux, nous dit-on, occupent des emplois dans d’importantes maisons ou font une sorte de concurrence déloyale à domicile avec les produits de leur pays.
- Arrêtons :
- Tous les étrangers devront dans la huitaine, à partir de la date du présent arrêté, donner leurs noms, leur nationalité, et produire leur acte de naissance du bureau de l’Eiat-civil.
- Les Allemands seuls seront placés sous la surveillance la plus active de notre police et ceux qui enfreindraient cet arrêté seront expulsés sur le champ. »
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- Cette proposition permet de juger de l’état mental de la plupart des adeptes de la politique coloniale, appelée dans les hautes sphères gouvernementales la politique d'expansion. Ils poussent à la guerre contre la Chine, sous prétexte d’ouvrir ce vaste empire aux Européens ; et, chez eux, ils prêcheront bientôt le massacre des étrangers. On ne saurait être plus chinois que les mandarins de Lille.
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- Los livrets d’ouvriers. — Enfin, un vote du Sénat vient de régler rationnellement et définitivement la question du livret des ouvriers. On devra désormais se conformer aux dispositions suivantes :
- Article premier. — Sont abrogés: la loi du 22 juin 1854, le décret du 30 avril 1855, la loi du 14 mai 1851, l’article 12 du décret du 14 février 1852 sur les obligations des travailleurs aux colonies, et toutes autres dispositions de lois ou décrets relatifs aux livrets d’ouvriers.
- Art. II. — Le contrat de louage d’ouvrage entre les chefs ou directeurs d'établissements industriels et leurs ouvriers, est soumis aux règles du droit commun, et peut être constaté dans les formes qu’il convient aux parties contractantes d’adopter.
- Art. III. — Tout ouvrier de l’un ou de l’autre sexe, qui jugera utile à ses intérêts d’être nanti d’un livret, le demandera au maire de le commune de son domicile, qui sera tenu de le lui délivrer.
- Ce livret, exempt de timbre et d’enregistrement, ne contiendra que les noms, prénoms, domicile, lieu de naissance et profession du titulaire.
- Art. IV. — Tout chef ou directeur d’un établissement industriel ou d’un atelier sera tenu, si l’ouvrier qui aura travaillé chez lui et qui cessera d’y être employé le demande, de constater, soit dans ce livret, soit dans un certificat ou carnet, la date de l’entrée et de la sortie de cet ouvrier, sans autre constatation.
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- Les ouvriers sæuis travail. — Plusieurs chambres syndicales de Paris ont communiqué aux journaux un appel invitant les ouvriers sans travail à assister à un meeting devant avoir lieu, dimanche 13 janvier, à la salle Lé vis.
- Nous détachons de cette pièce l’aliéna suivant qui précise la signification de cette manifestation.
- « Pour avoir le droit de faire entendre nos revendications, nous devons nous incliner devant la loi et faire notre meeting dans un endroit clos ; mais nous pouvons dire hautement à ceux qui nient l'importance de la crise que le Ghamp-de-Mars serait insuffisant pour réunir tous nos frères sans travail. Venons en grand nombre infliger un démenti formel à ceite assertion : répondre à notre appel, c’est affirmer le droit à la vie, le droit au travail. »
- Proclamer le droit à la vie, demander que le premier article de la constitution sociale contienne l’affirmation de ce droit et impose aux pouvoirs publics d’organiser les institutions devant le sauvegarder dans tous les cas, c’est bien là le but du socialisme. C’est en même temps la réponse du travail aux politiciens qui vont partout prêchant la nécessité de réviser la Constitution sans vouloir déclarer en quel sens doit être faite cette révision.
- * *
- Les grève». - Une partie des ouvriers du Cateau ont repris le travail, après avoir accepté un rabais d’un cinquième des salaires. Au début delà grève MM. Lem-pereur et Ghantreuil avaienl imposé une réduction de 29 0/0. Six des grévistes ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Cambrai de six à quarante jours d’emprisonnement et à onze francs d’amende pour entrave à la liberté du travail.
- A Marseille, la grève des chauffeurs continue. Quatre grévistes, traduits devant le tribunal maritime, ont été condamnés à six jours de prisou et à six et trois mois de service à bord des navires de l’Etat. Onze autres ont été acquittés.
- A Gonsobre près Maubeuge, M. Froment, directeur d'une impur tante fabrique de socles de pendules en marbre, a prévenu ses ouvr ers qu’il n’emploirait plus de marbriers faisant partie de la chambre syndicale.
- Sur le refus de ceux-ci de donner leur démission, M. Froment vient de fermer ses ateliers, où il occupait 150 ouvriers, qui ont repris leurs livrets.
- Yoilà un cas flagrant d’entrave à. la liberté du travail et à la liberté des citoyens. M. Froment ne sera pas inquiété par les tribunaux correctionnels.
- Pourquoi, les tribunaux interviendraient-ils, lorsque les ouvriers ont un moyen si facile d’avoir raison de tous les Froment de France et de Navarre. S’ils appartenaient tous à des Chambres syndicales, un seul patron n’oserait élever la voix contre ces institutions si nécessaires.
- A Fournies, les ouvriers tisseurs et métallurgistes sont l'objet des mêmes persécutions.
- Une partie des cochers de Paris, ceux de la Compagnie h'Urbaine, est en grève. Le manque d’organisation préalable et de fonds ne permet guère d’espérer que les cochers sortent satisfaits de cette lutte.
- ANGLETERRE
- M. Bradlaugh, qui a été expulsé de la Chambre des communes pour avoir refusé le serment, se présente à nouveau aux suffrages des électeurs de Norlhamplon. Dans sa profession de foi, l’honorable candidat fait remarquer que, s’il a contre lui le pape, les jésuites, le groupe papal, et les personnes inféodées à la religion d’Etat, il a pour lui le peuple. Il insiste d’ailleurs sur ce fait que sir Stafford Northcote lui-même a reconnu la légalité de son admission à la Chambre.
- Une importante démonstration nationaliste a eu lieu à Clonrnel. Un cortège fermé d’hommes à chevai, de citoyens portant des bannières, et d’un certaiu nombre de voitures où se trouvaient le maire, MM. Davitt, Sullivan, Seamy et Mayre, s’est organisé en un meeting qui a réuni plus ne 20.000 personnes. Le maire présidait. Le meeting a réclamé l’indépendance législative de l’Irlande. Grand déploiement de police et de groupe.
- L’Angleterre ayant beaucoup à perdre en Irlande et rien à prendre au SoudaD, vient de déclarer qu’elle n’étendait pas jusqu’à cette province son protectorat en Egypte.
- De là, grande colère des ministres du Khédive et démission de ses ministres.
- ESPAGNE
- Les républicains progressistes ont organisé un banquet en l’honneur de Ruiz Zorrilla, le promoteur de l’union de tuutes les Duances du parti républicain. Des toasts ont été portés à Zorill», Salmeron, Labra et autres chefs du parti républicain. Un télégramme de félicitation a été envoyé à Genève.
- *
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- M. Lockroy, avec sa verve habituelle, vient d’écrire dans le Rappel quelques appréciations sur la situation intérieure de l'Espagne. Le malin écrivain du Rappel a peut être pensé qu’en parlant de l’Espagne, le gouvernement,les députés et le public français comprendraient mieux 1a leçon ; car, M. Lockroy sait aussi bien que personne que « les Turrons» espagnols n’ont rien à envier aux < Turrons .< français, algériens, Sénégalais et Tonkinois .
- M. Lockroy fait parler M. Silvela, ancien membre du gouvernement du roi Alphonse :
- « M. Silvela part de ce point de vue que, grâce au favoritisme et â la corruption électorale, il y a toujours en Espagne une différence profonde entre la loi et le fait. La loi est souvent excellente, mais elle n’est pas appliquée. C’est l’histoire de la jument de Roland qui avait
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- toutes les qualités, mais qui était morte. Nous avons, dit, M. Silvela, la loi la plus complète du monde sur la construction. Voici comment on l’applique. Un député demande-t-il une route ? — et tous les députés doivent en demander, — il ne manque jamais de trouver sept amis pour faire un rapport favorable et, sans autre forme de procès, on la déclare d’utilité publique. Le dossier va au Sénat — suffisamment recommandé — on l'approuve. On le présente enfin à la sanction royale, qui s’obtient toujours.
- « Mais le projet de route n’a point été étudié ; il n’a pas eu pour but l’utilité publique, mais bien les intérêts des députés. La route évite les grands centres de production. Elle conduit seulement aux maisons habitées par les électeurs influents. Et, dût-elle être construite pour mettre eu rapport les différentes communes d’une province, au lieu de suivre les vallées fertiles où elle pourrait être utile, elle grimpe sur les montagnes, à travers les pierres et les roches, pour peu qu’un électeur influent, « un cacique, » demeure par là.
- « Dans les adjudications, on s’arrange pour donner des tronçons de route à construire aux individus dévoués au pouvoir, et que pour une raison ou pour une autre on désire récompenser. S’est-on vu forcé de leur refuser une place qu’ils ambitionnaient ? On fait en sorte que la construction soit plus productive, l’entreprise plus lucrative. Ces sortes d’arrangements sont si fréquents qu’ils portent un nom dans la langue administrative et parlementaire ; on les appelle : « un Turroa. » La roule entière n’est jamais mise en adjudication ; d’ailleurs, pour peu qu'elle soit un peu longue, le ministre sait d'avance qu’elle ne serait jamais construite, et il aime mieux la distribuer en tronçons, afin de pourvoir selon les circonstances â ses besoins politiques ou électoraux.
- « M. Silvela voyageait un jour de Malaga à Cadix, à cheval. Pendant un long parcours, raconte-t-il, il ne trouva ni route, ni chemins vicinaux, si bien qu’il fut obligé de suivre le bord de la mer pour ne pas se perdre. Tout-à-coup, au milieu de cette solitude ou plutôt de ce désert, il aperçoit un pont, magnifiquement bâti, et de construction récente, qui traversait un fleuve imaginaire, représenté seulement par des cailloux,
- « Silvela, surpris, demanda à son guide : — Quel est ce pont ? — C’est le pont de la route de Malaga à Cadix. —Mais où est la route?— La route n’existe pas,monsieur, et probablement ne s’achèvera point. Elle a ôté déclarée d’utilité publique alors que M.... était député. Le pont seul fut mis eu adjudication et on l’a donné à un constructeur ami du pouvoir. C’est pourquoi il joindra toujours, sans jamais servir à personne, les deux bords d’une rivière qu’on traverse à pied.
- « Plus loin, M. Silvela rencontre une maison. — Qu’est-ce que cette maison ? — Une maison de cantonniers, monsieur. — Mais s’il n’y a pas de route, comment peut-il y avoir des cantonniers ? — Aussi n’y en a-t-il pas, monsieur. C’est l’ingénieur qui, trouvant l’endroit frais et agréable, vient passer ici l’été avec sa famille. »
- ITALIE
- L’avenir est & la. démocratie
- On lit dans le Secolo :
- Milan, 5-6 janvier.
- La politique de Bismarck s’impose, incontestée, en Europe.
- Les princes s’étreignent dans une ligue de mutuelle assurance contre les peuples, et beaucoup appellent cela : « Assurer la paix ».
- C’est un étrange abus des mots, mais ce n’est pas la première fois qu’on leur fait dire le contraire de ce qu’ils doivent signifier.
- Il est certain que le traité actuellement scellé est un péril pour la démocratie ou du moins une menace ; et qu’il est plus que jamais nécessaire d’ouvrir les yeux sur la situation présente, sur les desseins et les forces de l’ennemi, et sur le plan suivi depuis des années et déjà souvent signalé.
- Si l’on suit pas à pas la politique révélée ouvertement par l’accord des empereurs d’Allemagne et d’Autriche, auquel ont accédé les rois d’Espagne et d’Italie, on voit, une à une, les ruses par lesquelles on a cherché à diviser les peuples pour mieux faire régner les rois.
- Dans l’entreprise tunisienne, conseillée et facilitée, qui ne volt préparer l’obtacle à l’union intime entre la France et l’Italie et jeter la pomme de discorde de peuple à peuple?
- Dans les alliances conclues entre gouvernants et gouvernants, alliances qui répugnent à l’histoire et à la conscience des peuples, qui ne voit combien les deux causes sont distinctes et comment le vieux droit dynastique s’apprête à combattre le droit nouveau — nouveau parce qu’il était méconnu — le droit populaire?
- Eh bien, à cette ligue il est temps d’en opposer une autre, celle de la démocratie ; ligue pacifique, mais active et militante, qui répandra la lumière en répandant les idées, qui enseignera aux peuples leurs destinées et leur dira qu’en leur fraternité môme est contenue l’inexorable condamnation du vieux droit ; que de leur fraternité surgira l’aube d’un grand avenir, l’affirmation de l’Europe démocratique et fédérée.
- Rêves d’esprit enflammé, vœux stériles 1 dira-t-on ; mais la science humaine n’est point acquise en un jour. Ce qui aujourd’hui parait un vœu, un songe, deviendra une réalité avec le temps que suit la justice.
- L’auxiliaire de cette grande cause c’est le progrès scientifique incessant, c’est la lumière qui montre les erreurs des dogmes de la veille, c’est la voix de la conscience universelle qui réprouve la force et invoque le droit.
- ALLEMAGNE
- Ou lit dans le journal Le Temps :
- La Gazette de l'Allemagne du Nord rendant compte, en tête de ses colonnes, de la fête où a été célébré, à Berlin, le cinquantième anniversaire de la constitution de l’Union douanière allemande, s’exprime en ces termes sur cette date historique ; « Le demi-siècle écoulé a vu s’accomplir des événements d’une portée bien plus considérable, qui ont fait passer au second plan la création du Zollverein ; mais ce fait, aujourd’hui demi séculaire, n’en reste pas moins un monument des efforts, du travail et des tendances de l'Allemagne, digne d'être rappelé et célébré. » La convention diplomatique qui confondit les frontières douanières de la Prusse, de la Saxe, de la Bavière, du Wurtemberg et des deux Hes-ses, a été, en effet, le premier pas de l’Allemagne vers son unité économique et administrative, et a, en môme temps, marqué les débuts du rôle que la Prusse s’était assigné dans cette œuvre d’unification. Nous avons peine à nous figurer l’état de l’Allemagne, il y a cinquante ans, alors que les quarante Etats que les congrès de Lunéville et de Vienne avaient laissé subsister, des trois ou quatre cents souverainetés ecclésiastiques et laïques de l’ancien Saint-Empire, avaient chacune leur législation économique, leurs tarifs particuliers, leurs frontières douanières formant autant d'entraves à chaque pas. Qu’on imagine, par exemple, les conditions du commerce, dans un enchevêtrement de territoires et d’enclaves tel qu'est la Thuringe, où, dans un même jour, le voyageur peut changer cinq ou six fois de territoire. Les douanes intérieures des anciennes provinces n’étaient rien à côté de cette complication prodigieuse et barbare. Le gouvernement qui prenait l’iniative d’une réforme et qui tentait de doter l’Allemagne du bienfait de l’unité économique méritait la reconnaissance de la nation germanique en même temps qu’il se désignait comme le plus capable de réaliser ses aspirations. En provoquant la Constitution du Zollverein, la Prusse fit le pas décisif dans la voie de la grandeur future ; en réunissant l’Allemagne méridionale et centrale dans une collectivité distincte de la Diète fédérale,à l’exclusion de l’Autriche, elle se proclamait la première des puissances germaniques. La question de la suprématie en Allemagne était posée, le conflit de 1866 était eu germe.
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- L’œuvre dont les bases furent jetées le lor janvier 1834 a porté ses fruits ; tous les Etats allemands, l’Autriche exceptée, adhérèrent siiccessiveraent au Zollverein ; l’unité économique de l’Allemagne était faite quand l’œuvre de Tunification politique fut entreprise, et l’un des articles du traité de 1834 a passé dans la Constitution du nouvel empire, celui qui déclare que « l’Allemagne a un régime douanier uniforme ».
- Comment peut-il se faire que les écrivains, qui expliquent si clairement les faits accomplis, se montrent impuissants à en dégager une théorie positive.
- Aujourd’hui, malgré la grande étendue des pays de l’Europe, le voyageur peut aussi, dans un même jour, changer cinq ou six fois de territoire.Bien que ces changements s’opèrent maintenant au moyen des trains rapides, au lieu de se faire en cabriolent, ses conséquences res lent les mêmes.
- Est-ce que l’ensemble des pays de l’Europe, par leurs traités de commerce, n’ont pas quelque ressemblance avec l’ancienne confédération germanique ; est-ce que, par l’intro iuction de plus en plus générale dans les traités de commerce de la clause réservant aux pays contractants les avantages accordés aux puissances les plus favorisées, ces mêmes pays ne marchent pas san le comprendre vers « un régime douanier uniforme ? »
- Tout cela, même si l’on ignorait les résultats passés, nous démontre que les peuples d’Europe, malgré leurs gouvernements, tendent à constituer une vaste Union.
- Pourquoi persister à ne pas voir cette fin si désirable, lorsque nous avons tous les moyens d’y parvenir si vite ; car nous possédons le télégraphe, le téléphone, les trains rapides et tant d’autres ressources qui firent défaut à ses débuts à la Confédération allemande.
- BAVIÈRE
- M. Louis-Ferdinand de Bavière, prince royal de son état, vient de se faire recevoir docteur en médecine de l’Université de Munich.
- Puisse-t-il guérir son pays des maux de la royauté.
- PORTUGAL
- Le gouvernement portugais a envoyé au gouvernement d’Angola l’ordre d?organiser sur un des points récemment occupés de l’Afrique occidentale une mission ayant pour but de prouver que le Portugal est décidé à prendre sous son protectorat les peuplades qui en manifesteront le désir.
- RUSSIE
- Rien de changé en Russie. Le Czar continue à refuser les réformes nécessaires ; les nihilistes continuent leurs attentats contre l’autocrate russe et ses policiers.
- Le Czar ne serait nullement tombé de traîneau,comme on l’a raconté; il aurait été victime d’une tentative d’as-gassinat.
- Nous devons enregistrer l’exécution par les nihilistes du général Soudêikine, le chef de la police.
- SUISSE
- La ligue internationale de la paix de Genève a voté récemment une adresse aux républicains français pour les inviter à ne pas faire la guerre à la Chine et à choisir un tribunal d’arbitrage.
- ETATS-UNIS
- Femmes électeurs. — On lit dans « Women's suffrage journal, » de Londres :
- Les nouvelles d’une victoire nous arrivent à travers l’Atlantique. La législature du territoire de Washington a voté une loi qui proclame l’affranchissement des fem- I mes. Ce vote a eu lieu le 15 novembre à Olympia, ville } capitale du territoire. j
- Le lundi suivant, M. ‘William Newell, le gouverneur, 1
- promulguait la loi qui donnait aux femmes la liberté, sans possibilité d’appel. Cet événement attendu fut salué par des déchargés d’artillerie et par le son des cloches. Le soir, toute la population d’Olympia augmentée des législateurs et des visiteurs venus de tous les points du pays et des territoires environnants, se réunit en une formidable assemblée de ratification; le jour d’après un banquet fut donné aux membres de la législature et aux invités.
- Le 22 novembre, le gouvernement signa le bill d’émancipation féminine avec une plume d’or offerte par les dames d’Olympia. Cette cérémonie complétait les formalités légales.
- La loi nouvelle entrera en exercice le 15 janvier courant ; en conséquence, à partir de cette date, les femmes du territoire de Washington seront en pleine possession de leurs droits électoraux.
- Une modification dans la loi électorale est beaucoup plus simple à obtenir dans un territoire que dans un Etat.
- Dans un territoire, il suffit que l’amendement soit accepté par les deux Chambres de la législature et parle gouverneur. Cinquante jours après avoir été signé, l’amendement passe à l’état do loi.
- Dans un Etat, pour qu’un tel amendement devienne loi, il faut qu’il soit accepté par les deux Chambres législatives dans deux sessions successives. S’il emporte cette double adhésion, il est ensuite soumis au plébiscite du corps électoral. Si la majorité le repousse il est écarté.
- Encore quelques années et l’émancipation des femmes sera complète aux Etats-Unis.
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- * *
- Une réunion de mineurs, à Philadelphie, vient de décider qu’on remettrait aux directeurs des mines une note de réclamations.
- Une semaine sera donnée pour l’examiner; après quoi la grève commencera si l’on ne veut pas accorder ies améliorations demandées.
- La Vie, le Temps & les Travaux de Robert Owen(1)
- Résumé traduit des documents de MM. Lloyd Jones et J.-H. Humphreys Noyés
- XXXVI
- En 1840, un domaine avait été loué par la société communiste fraternelle pour 99 ans dans le comté de Hamps (versant méridional de l’Angleterre), afin d’y réaliser les principes communistes. Ce domaine comprenait deux fermes : l’une nommée Queenwood, contenant 301 acres (121 hectares), l’autre contenant 232 acres (93 hectares).
- Le but de l’expérience était de découvrir si les travaux des champs, ceux des ateliers, ceux de l’enseignement et telles opérations économiques recon -nues nécessaires pourraient être unies scientifiquement sous une même administration, concentrant et répartissant avec équité les bénéfices, de façon à ne point avoir pour conséquence,comme dans la société ordinaire, côte à côte, une richesse excessive et une excessive pauvreté.
- (1) Lire le Devoir depuis le n° du 8 juillet 1883.
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- Robert Owen s’élevait de toutes ses forces contre cette tentative qu’il jugeait prématurée et précipitée. L’assemblée passa outre. Voyant cela Robert Owen était presque décidé à se retirer du mouvement.
- Comprenant néanmoins que son départ serait la dispersion et la ruine des efforts accomplis, il resta au poste en protestant contre les mesures adoptées et pronostiquant que rien de valable n’en sortirait.
- Les esprits étaient profondément divisés sur les méthodes à suivre pour appliquer les principes.
- Les sociétaires de Queenwood ne disposaient point de capitaux suffisants et se heurtèrent de suite aux plus graves embarras.
- Il n’y avait sur le domaine d’autres bâtiments qu’un vieux logis de ferme et quelques appentis ; la première chose à faire était donc l’érection d’habitations pour les futurs résidents.
- Trois membres furent désignés comme gouverneur, chef agricole et économe.
- M. John Finch, le gouverneur, était un homme plein d’honnêteté et de bonnes intentions, mais dépourvu de tact et de prévoyance.
- M. Heaton Aldam, le chef des opérations agricoles,était habile, mais, accoutumé à mener ses propres affaires sans conseil ni contrôle, il était absolument impropre à une fonction où il fallait au contraire s’entendre constamment avec autrui sur les voies et moyens à adopter.
- M. Charles-Frédéric Green,l’économe, eût pu être un élément précieux si ses affaires ne l’eussent rappelé en Amérique au bout de quelques mois.
- Un vaste bâtiment en briques destiné à servir plus tard d’école fut élevé. Le rez-de-chaussée contenait un réfectoire pour les membres de la société et une salle de classe pour les enfants; l’étage était divisé en appartements pour les familles.
- Les terrains en culture n’étaient pas bons, on n’y pouvait espérer de récoltes moyennes avant deux ou trois ans de grands soins.
- Des jardins spacieux furent plantés de toutes les choses nécessaires à la population. De bons jardiniers, membres de la société,furent envoyés à Queenwood et, sous leur direction, les jardins prirent le plus bel aspect.
- D’habiles artisans : serrurier, plombier, vitrier, tailleur, cordonnier et autres étaient nécessités et furent envoyés sans délai par le bureau central.
- En quelques mois, toute une petite colonie fut installée sur le domaine; mais comme les membres de cette colonie venaient des districts manufacturiers et étaient d’habiles ouvriers, ils s’occupaient des travaux de leurs professions et laissaient aux paysans du voisinage le soin des cultures. Ces paysans se
- félicitaient de cet état de choses, car ils trouvaient à Queenwood de plus hauts salaires et un meilleur traitement qu’ailleurs.
- Le personnel de la communauté était en général sobre, industrieux, intelligent, d’une bonne moralité et résolu à travailler sérieusement à son émancipation sociale.
- Les sociétaires avaient coutume de se lever à 6 heures du matin; ils travaillaient jusqu’au déjeuner, lequel avait lieu à 8 ou 8 h. 1/2. Pour le déjeuner ils prenaient du lait, du cacao, du pain, du beurre, de la salade, etc., puis ils retournaient au travail jusqu’à l’heure du dîner. Ce deuxième repas consistait généralement en pommes de terre, porc, boeuf, mouton, légumes, lièvre, lapin, etc... Une heure y était consacrée. A 5 heures tous les membres quittaient le travail, faisaient toilette, prenaient le thé et se livraient à l'étude ou aux amusements.
- Le dimanche on ne faisait point de cuisine ; les aliments nécessaires étaient préparés la veille, afin que la colonie tout entière eut un jour de complet repos.
- Sous beaucoup de rapports, la vie des sociétaires de Queenwood était meilleure que celle des travailleurs ordinaires ; sous certains autres, leur isolement de la société extérieure, par exemple, elle était moins bonne. S’ils avaient eu la sécurité de l’avenir, leur condition eût été de beaucoup préférable à celle des autres ouvriers.
- Au congrès de 1841, tenu à Manchester, des embarras de natures diverses sont signalés à Queenwood. Concernant les arrangements domestiques, les membres se plaignent de l’étroitesse des chambres à coucher, de l’absence de cheminées qui les oblige tout l’hiver à se tenir rassemblés dans le parloir commun. Ils pressent donc de tous leurs vœux l’érection des bâtiments convenus, mais non encore exécutés.
- Iis se plaignent également, non de la nourrituro qui est bonne et variée, mais de la pauvreté du service de table qui est celui des paysans ordinaires.
- Le vêtement aussi leur semble toucher à la limite de l’insuffisance.
- Concernant les opérations agricoles, ils se plaignent que le directeur des cultures agit sans contrôle et ne rend point ses comptes régulièrement.
- Enfin la communauté signale qu’elle a besoin de personnel pour développer ses industries; mais qu’il lui faudrait pour recevoir ce nouveau personnel accomplir des travaux d’appropriation pour lesquels les fonds lui manquent.
- A cette époque, 1841, le marché industriel était mauvais et les travailleurs de Queenwood,bien qu’ils
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- fussent des plus économes et des plus prévoyants, souffraient de la crise comme tous les autres.
- Différents modes de se procurer des capitaux sont examinés par le congrès et,finalement, une sorte do société de crédit est formée sous le titre : « Home colonisation society. » Son but était de recueillir les contributions de ses membres et de faire des prêts ou avances aux entreprises sociales.
- Peu à peu cette société suppléa « U association de toutes classes et de toutes nations » et modifia profondément la marche jusque-là suivie.
- Les salles de conférence, bien que ne rapportant point de bénéfices pécuniaires, avaient été considérées comme servant précieusement la cause puis* qu’elles étaient usitées pour le perfectionnement intellectuel et moral des coopérateurs; quand le zèle commença à baisser pour les conférences par suite du développement des préoccupations d'affaires, il sembla que l’argent consacré à la propagande serait mieux employé au service des opérations pratiques. Néanmoins,18 missionnaires et conférenciers continuèrent d’être rétribués et propagèrent la bonne nouvelle, le dimanche et les jours de travail.
- La prépondérance acquise par la société de colonisation eût pour conséquence regrettable non-seulement de diminuer l’enthousiasme pour la propagande mais aussi de désintéresser les coopérateurs de îa direction générale du mouvement. La société de colonisation s’étant chargée de recueillir et même de fournir la plus grande partie des capitaux nécessaires aux expériences pratiques se trouva bientôt chargée tout à la fois et de la direction de Queen-wood et de la direction du mouvement général.
- Les statuts de cette nouvelle société avaient été conçus de façon à obliger le gouvernement de Queenwood à ne rien faire sans en être d’accord avec la société de colonisation. Robert Owen occupait ce dernier poste. Son autorité était telle qu’il combinait presque en réalité les deux offices en sa personne. Néanmoins l’entreprise s’était faite contre son aveu, il en avait à l’avance prévu les difficultés ; surchargé d’occupations qui l’empêchaient de résider à Queenwood, il devait s’en remettre aux rapports plus ou moins clairvoyants du gouverneur pour décider dans les questions posées par celui-ci ; on conçoit combien la direction était incertaine et difficile dans ces conditions. D’autre part, l’autorité du gouverneur de Queenwood s’exerçait indépendamment des sentiments des sociétaires ; peut-être si le droit de libre discussion eût été organisé, eut-on évité des fautes préjudiciables à la bonne marche des opérations.
- L’idée dominante engendrée par les expériences
- du passé était qu’il fallait une autorité unique de qui tout relevât.
- Examinée à fond la question de constitution du pouvoir ne semble devoir être résolue que par un système de libre discussion équilibrant les inconvénients de l’autorité arbitraire et ceux des factions de l'opposition. La discussion ouverte est de beaucoup préférable à un silence forcé qui n’approuve ni ne condamne.
- L’œuvre entreprise à Queenwood quelque économiquement conduite qu’elle fût dépassait les moyens dont la société pouvait disposer,
- Eriger des bâtiments agricoles, des écoles, des ateliers pour diverses industries, faire toutes les appropriations nécessaires, entraînaient des frais énormes. Outre cela, chaque branche d’industrie à son début subit des phases diverses : l’une tombe, l’autre prospère ; il y a donc à courir des risques multipliés.
- Enfin une réussite partielle dans une des branches d’industrie introduites à Queenwood n’eût point résolu le problème posé. Ce qu’on voulait, c’était l’uniflcation de tous les travaux agricoles, industriels, domestiques et la répartition équitable des produits.
- A mesure que le temps s’écoulait, il devenait évident pour les esprits les plus perspicaces que Robert Owen avait eu raison de juger l’entreprise prématurée et précipitée et qu’elle serait une source de déboires, le désastre final ne pouvant être évité que si un concours de circonstances exceptionnelles venait favoriser les coopérateurs.
- Malgré tous ces embarras, les travaux étaient poussés activement.
- En 1842 la société de colonisation fournit de nouveaux capitaux s’élevant à 350,000 francs.
- Les constructions s’élèvent à Queenwood. Un vaste et beau bâtiment en pierre est érigé. Cette construction qui avait l’apparence d’un palais fut critiquée par les sociétaires qui eussent préféré de petits cottages.
- Deux fermes de plus sont louées à long terme.
- Néanmoins cette même année,1842,une assemblée spéciale est convoquée au mois d’août pour l’examen et la solution des nouveaux embarras qui entravent à Queenwood le développement des opérations.
- L’œuvre ne pouvait faire halte sans encourir de sérieuses pertes, ni se développer sans nécessiter des capitaux qu’il était impossible d’obtenir.
- Après une longue discussion le congrès, ayant entendu les explications des membres du bureau centrai et celles du gouverneur de Queenwood, déclare être d’avis « que les embarras pécuniaires de
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- l’établissement du comté de Hamps sont venus d’une trop grande confiance dans les dispositions des capitalistes pour l’avance des fonds nécessaires au développement de l’entreprise,
- « Il reconnaît formellement que les dépenses exagérées faites à Queenwood ont eu exclusivement pour objet l’avantage et le progrès de l’expérience même; et il exprime l’espoir que les membres de la société et les amis de la cause feront tout leur possible pour fournir les fonds indispensables à l’utilisation des arrangements accomplis jusqu’à ce jour et que, de leur côté, les fonctionnaires de Queenwood, instruits par l’expérienpe, éviteront de se replacer en face d’embarras analogues. »
- Malgré la gravité des erreurs de direction commises à Queenwood,il n’y avait aucune aigreur entre les contradictions. Jamais aucun d’eux, de part ni d’autre, ne mit en doute les bonnes intentions fondamentales dont tous les membres étaient animés.
- Il fut acquis au congrès d’août 1842 qu’un changement de direction était absolument nécessaire à Queenwood.
- Les membres de l’entreprise avaient envoyé au congrès un délégué, M. William Sprague, pour réclamer en leur nom une part dans le gouvernement de l’œuvre.
- Après examen cette proposition fut écartée, mais il fut convenu en même temps qu’aucune mesure pouvant affecter sérieusement les résidents ne serait prise sans les consulter.
- De nouveaux chefs furent désignés; un budget fut dressé ; et le congrès se sépara avec l’espoir que l’entreprise allait prendre un cours plus satisfaisant.
- (A suivre).
- •—..-
- EMPIRIQUE & PHILANTHROPE
- Il n’est guère de personne lisant les journaux sous les yeux de laquelle ne soit tombée, un jour ou l’autre, une annonce proclamant en gros caractères les incomparables vertus médicinales des pilules et de Vonguent Holleway. Mais, par contre. U en est fort peu, même parmi celles qui ont pu faire un emploi fréquent de cette panacée universelle, qui se soient jamais doutées qu’à vendre ses médecines brevetées s. g. d. g., M. Holleway avait acquis une fortune de près de soixante-quinze millions de francs, soit trois millions de livres sterling 1
- Tel est cependant le cas.
- M. Thomas Holloway, qui est mort le 26 décembre dernier, à Tittenhurst, près de Sunningdale, dans le Berskire, à l’âge de quatre-vingt-trois ans, et dont les principaux magasins se trouvent situés à Londres, 78, New Oxford Street, devait surtout son immense fortune à un emploi judicieux de la publicité.
- Dans les premières années de son petit commerce,
- ses pilules et son onguent ne trouvèrent pas beaucoup de faveur auprès du public, ce ne fut guère que vers la cinquième année de sou établissement, c’est-à-dire en 1842, que ses drogues commencèrent à être connues un peu partout en Europe et en Amérique.
- A cette époque M. Holloway dépensait déjà 5,000 livres par an en annonces; en 1845, ce chiffre s’élevait à 10,000 livres; en 1851, à l’époque de l’exposition universelle do Londres, il atteignait 20,000 livres, puis montait successivement à 30,000 livres en 1859 et à 40,000 en 18801
- Ce chiffre d'un million de francs dépensé en publicité dans une seule année peut paraître fabuleux, mais il n’est pas au-dessus de la réalité: M.Holloway faisait publier ses annonces dans tous les journaux du globe et, i! est permis de le dire, dans toutes les langues connues, y compris le chinois, le turc, l’arménien, l’arabe le sanscrit et les idiomes de l’Inde.
- Mais ce n’est pas à cause de ses succès dans le commerce des drogues et dans l’emploi de la réclame que nous avons désiré entretenir les lecteurs du Devoir de M. Holloway : il a d’autres titres et de meilleurs à notre intérêt, et c’est comme philanthrope,comme fondateur du Collège auquel il adonné sou nom, et d’un autre établissement princier, le Sanatorium d’Egham, qu’ii a aussi fondé à ses frais, que nous voudrions le faire connaître.
- La première de ces institutions, le Holloway College est exclusivement destinée aux femmes dont M. Holloway avait à cœur de favoriser l’éducation. Situé à Egham, dans ie comte de Berks, et à quelques milles seulement de Londres, ce collège dont la construction et l’ameublement ont coûté 350,000 livres sterling, est entouré d’un parc et de jardins couvrant un8 superficie de 95 acres, soit en chiffres ronds et en mesures françaises 38 hectares. Il contient, pour les éleves, une galerie de tableaux des principaux maîtres modernes et surtout des peintres anglais, tels que Millais, Fielding, Luke Fildes et Long; jces deux derniers artistes étant représentés par deux tableaux achetés respectivement 2,100 livres et 6,615 livres.
- Le Collège a en outre reçu de son fondateur un fonds de dotation de cent mille livres avec laquelle somme vingt bourses de quarante livras chacune seront accordées annuellement aux éièves les mieux méritantes.
- Notons encore que ce bâtiment, d’un aspect vraiment grandiose, pourra contenir 250 élèves qui y auront chacune deux chambres. L’infirmerie y sera sous la direction d’une femme docteur dûment qualifiée, et les études devront être à la hauteur de celles de Cambridge et d’Oxford.
- Le College Holloway suffirait à lai seul, on l’avouera, pour donner droit à I\l. Holloway au titre de philanthrope; voyons maintenant ce qu’est la seconde institution qu’il a créée et qu’il a baptisée le Sanatorium.
- Elevé à deux milles d’Egham et près de la station de Virgina Water, cet établissement qui, en grandiose, ne le cède pas plus au Holloway College qu’il ne lui est inférieur aa pointée vue utilitaire,a coûté, comme frais de construction seulement, 250,000 livres à son fondateur, et est spécialement affecté au traitement des maladies mentales,ou, pour employer les propres termes de M. Holloway,des dérangements du cerveau, si fréquents dans ce pays.
- En peu de mots, ie Sanatorium est distribué de façon à recevoir 125 malades de chaque sexe et tout a ôté combiné de façon à distraire l'attention de gens
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- LÉ DEVOIR
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- sous le poids d’une idée fixe, en même temps qu’à leur procurer le confort et les soins que leur état pourra réclamer.
- Ni les épileptiques, ni les paralytiques, ni les fous incurables ne seront admis dans le Sanatorium, et tout malade qui y aura passé une année, maximum du stage qu’il pourra y faire, ne saurait y être admis une seconde fois.
- Le fonds de dotation attribué par M. Holloway à cet hospice modèle est de 50,000 livres (1,250,000 francs).
- Tels sont les titres de M. Holloway â la reconnaissance de ses concitoyens.
- P. Maistre.
- » •ftè —1
- Céramique
- Les céramistes connaissaient Fexistence de l’un des plus beaux et des plus vastes des spécimens de la Faïence de Rouen, le célèbre pavage de Lintot, près de Bolbec, qui fut la résidence seigneuriale, au dix-huitième siècle, des notables gentilshommes faïenciers rouennais Le Boullenger et Le Coq de Villeray. Ce tapis de faïence de Rouen, unique au monde ne mesure pas moins de 26 mètres de superficie ; par ses dimensions et par la valeur propre de l’œuvre, il figure au premier rang des monuments de la céramique.
- Notre musée de Sèvres vient d’en faire l’acquisition, grâce au zèle et à l’habileté des négociations de son conservateur, M. Ghampfleury, et à l’appui que lui a-prêté M. Kaempfen, directeur des Beaux-Arts, en obte nant qu’un crédit particulier lui fut ouvert sur les fonds du ministère de l’instruction publique. Cette grande et belle page ne sortira donc pas de France et appartiendra désormais au public lui-même. On en prépare en ce moment l’installation dans les galeries de la Manufacture.
- La société contre l’abus du tabac vient de constituer son Bureau pour 1884 ; ont été élus :
- Président : M. Decroix.— Vice-Présidents : MM. le Dr Bourdin, de Gasté, le Df Hache, Petibon. — Secrétaire général : M. Rassat. —Secrétaires des séances : MM. le DrBédié,Gollaux, de Lavalette, le B°* Pinoteau. — Secrétaire pour L'etranger : M. Birmann. — Trésorier. M. Raveret. — Archiviste : M. Emile Potin.
- Le Secrétariat a reçu 51 mémoires en réponse aux six questions mises au concours en 1883. Les noms des lauréats seront connus dans trois mois environ.
- ETAT-CIVIL DD FAMILISTÈRE
- semaine du 31 décembre 1883 au 6 Janvier 1884
- WA-ISSA-WOKS *
- 1. Le 31 décembre, de Hédin Marguerite, fille de Hé-
- din Adolphe et de Teinière Julia.
- 2. Le 31 décembre, de Dirson Marguerite fille de
- Dirson Jean Baptiste et de Vassaux Eusébie.
- 3. Le 4 Janvier, de Lemaire Lucile, fille de Lemaire
- Emile et Laohaussée Sidonie.
- DÉCÈS s
- 1. Le 31 Décembre, de Hamel Ernest, âgé de 87 ans
- et 3 mois.
- 2. Le 4 Janvier de Dirson Marguerite âgée de 4 jours.
- COURS D’ADULTES
- Leçon de Physique expérimentale par M.Barbary
- Séance du 15 Janvier f884
- 1® L’Atmosphère.
- 2° L’air est Pesant.
- 3° Pression que l’air exerce sur les corps.
- 4° Hémisphère de Magdebourg.
- 5° Crève-Vessie.
- 6° Ascension des liquides dans les tubes dont l’air est aspiré.
- 7° Suspension cte l’eau dans les vases immergés ou non.
- 8° Expérience de Galilée, Tonicelli et Vascal.
- i —i «mqoopaonnni -
- L’Astronomie, Revue mensuelle d’Astronomie populaire de Météorologie et de physique du globe, par M. Camille Flammariom.— Sommaire du N° de Janvier 1884 : La ptanéte Terre vue des autres mondes, par M. C. Flammarion (8 figures). — Les tremblements de terre orogéniques de Suisse (suite et fin), par M. Forel.
- — Les illuminations crépusculaires, le soleil vert et le cataclysme de Java, par M.C. Flammarion.— Les taches de Jupiter, par W.-h . Denning.— Aspect actuel de Saturne (1 figure).— Académie des sciences. Propagation marine de la commotion du tremblement de terre de Java, par M. de Lesseps.— Nouvelles de la Science. Variétés : La comète Pons, Budget de l’Astronomie, officielle en France pour 1884. Bolide remarquable, La comète d^Encke.— Observations astronomiques par M. Gérigny (5 figures). Librairie Gauthier-Villars quai des Augustins, 55, Paris.
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- Directeur : J. MANIER, conseiller municipal.
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- La Révision : Paul Lecomte. — La Semaine : Verax.
- — Le Loyer: J. Manier. — A la Redoute. — Les Elections municipales et les Politiciens : Un électec-teur du 8* arrondissement. — Le libre-Echange à l’Intérieur : Anatole Robin. — Tribune publique. — L’Impôt unique. —Question sociale.— Le Londres horrible : C.P. Maistre. — Théâtres et Beaux-Arts.
- — Communications.
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- LE GOUVERNEMENT, ce qu’il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action.
- Ce volume met en lumière le rôle des pouvoirs et des gouvernements, le principe des droits de l’homme, les garanties dues à la vie humaine, le perfectionnement du suffrage universel de façon à en faire l’expression de la souveraineté du peuple, l’organisation de la paix européenne, une nouvelle constitution du droit de propriété, la réforme des impôts, l’instruction publique première école de la souveraineté, l’association des ouvriers aux bénéfices de l’industrie, les habitations ouvrières, etc., etc.
- L’ouvrage est terminé par une proposition de loi à la Chambre des députés sur l’organisation de l’assurance nationale de tous les citoyens contre la misère.
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- MUTUALITÉ SOCIALE 3c ASSOCIATION DU CAPITAL & DU TRAVAIL ou extinction du paupérisme par la consécration du droit naturel des faibles au nécessaire et du droit des travailleurs à participer aux bénéfices de la production.
- Ce volume contient les statuts et règlements de la Société du Familistère de Guise.
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- Les socialistes et les droits du travail. La richesse au service du peuple.
- La politique du travail et la politique
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- 8e Année, Tome 8, - n° 280 *Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 20 Janvier 1884
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- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES ET POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1. — Placer le bien de la -vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- 4. — Organisation du suffrage universel par Vunité de collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères, dépouillement dans chaque commune, recensement général à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile ;
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens ;
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter ;
- La représentation par les supériorités.
- 5. — Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues par le suffrage universel.
- 6. — Egalité civile et politique de l’homme et de la femme.
- 7. — Le mariage, lien d’affection.
- Faculté du divorce.
- 8. — Education et instruction primaires, gratuites et obligatoires pour tous les enfants.
- Les examens et concours généralisés avec élection des élèves par leurs pairs dans toutes les écoles.
- 9. — Ecoles spéciales, nationales, correspondantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- 10. — Suppression du budget des cultes. Séparation de l’Eglise et de l’Etat.
- 11. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 12. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- 13. — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatèr a à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dans une juste mesure, retour à la société qui a aidé à les produire.
- 14. —* Organisation nationale des garanties et de l’assurance mutuelles contre la misère.
- 15. — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 16. — Liberté d’association.
- 17. —- Libre échange entre les nations.
- 18. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 19. — Abolition de la guerre offensive.
- 20. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 21. — Désarmement européen.
- 22. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire.
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- LE DEVOIR
- SOMMAIRE
- Naturalisation. <— Politique coloniale. — La Coopération News. — Etat Civil, — Plus d'impôts. — Mots de Progrès. — Faits politiques. — Robert Owen. — Une pétition à la Chambre — Correspondance d'Angleterre. — Arbitrage international. — Une grave lacune. — Cours d'adultes. — Secolo. Hôtel-de-Ville. — Théâtre.
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d'essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, Vadministration fait présenter une quittance d'abonnement.
- -------—«---------
- Neutralisation de i’ÂIsace-Lorraine
- Parler de paix, de désarmement, d'arbitrage, en Europe, lorsqu’il y a deux grandes puissances, l’une ayant perdu une riche province,l’autre l’ayantconquise depuis une douzaine d’années, sans se prononcer sur cette question brûlante, serait le fait d’esprits timides, que ne peuvent suivre des hommes convaincus et désireux de faire une propagande fructueuse.
- Les groupes étrangers par un sentiment de juste déférence ne pouvaient prendre T initiative d’examiner ce sujet. Mais les groupes français ne peuvent se constituer sans émettre immédiatement une proposition acceptable par les autres associations.
- L’Alsace-Lorraine est l’unique prétexte avoué et avouable, qui explique les armements formidables de l’Europe occidentale.
- Les amis de la paix n'ont pas le droit d’élever la voix, s’ils ne déclarent d’abord comment ils- prévoient triompher des difficultés inhérentes à cette situation. Ils doivent au public des explications loyales et en harmonie avec l’œuvre pacifique qu’ils poursuivent.
- Demander aux Allemands le retour à la France, sans compensation, de I’AIsace-Lorraine serait provoquer directement ce peuple.
- Si l’on incline à ofîrir une compensation, il faut examiner laquelle sera possible.
- La France ne peut aliéner aucune partie de son territoire ; elle n’a pas le droit, à l’exemple des monarchies, de se prêter à un arrangement qui la
- ferait complice de l’Allemagne, en vue de procurer à celle-ci une compensation conquise sur un autre peuple.
- Une indemnité pécuniaire, payée à l’Allemagne en échange de I’AIsace-Lorraine, serait, en principe, acceptable par les deux puissances; évaluée selon une juste mesure, elle ne porterait atteinte à l’honneur national de l’une ni de l’autre puissance. Les difficultés proviendraient probablement de cette évaluation. D’ailleurs de nombreuses considérations militent contre cette proposition. Une œuvre de paix ne doit pas aggraver une situation financière déjà embarrassée.
- La neutralisation de I’AIsace-Lorraine, réglée par un arbitrage international des puissances européennes, serait préférable à tous les autres arrangements.
- La fierté allemande ne peut en être offusquée, puisque dans ce cas, l’Allemagne ne céderait rien à la France, c’est un gage de paix qu’elle donnerait à l’Europe tout entière, tandis qu’elle profiterait elle-même de tous les avantages du désarmement et de la sécurité nouvelle procurée à chaque nation par les garanties sorties des décisions d’un congrès, qui engageraient toutes les puissances contractantes lorsqu’il y aurait violation de l’une des clauses.
- La France ne peut réclamer davantage, il ne faut pas oublier qu’elle fût coupable en déclarant une guerre injuste, elle doit racheter par un sacrifice appréciable, les avantages d’un avenir pacifique.
- Les Alsaciens-Lorrains, les plus intéressés dans la question, préféreraient probablement décider de leur sort par un vote librement exprimé ; mais l’Allemagne, prévoyant le retour de ces provinces à la France 4 la suite d’une pareille consultation, n’accepterait pas un congrès arbitral qui n’aurait pas préalablement écarté de son ordre du jour l’examen de cette éventualité.
- Ces vaillantes populations ne refuseront pas de sacrifier leurs préférences à la paix générale.
- Elles sauront apprécier quels avantages considérables résulteraient pour elles de la neutralisation.
- L’Alsace-Lorraine, devenue maîtresse d’elle«même, aurait une situation politique analogue à celle de la Suisse.
- Pour qui connaît la puissance industrielle et la richesse agricole de cette province, il n’est pas douteux que cette neutralisation procurerait plus d’avantages aux populations que le retour à une France épuisée par ses armements et par la folie de ses gouvernements.
- Petite puissance autonome, sauvegardée par la protection du concert européen, I’AIsace-Lorraine
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- lé dévoir
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- serait soustraite aux charges écrasantes de la centralisation dans les grandes nations européennes.
- Libre de son administration, de ses finances, de sa langue, n’étant grevée d’aucune dette, administrée selon le tempérament de ses habitants, l'Alsace-Lorraine donnerait bientôt au monde l’exemple d’une prospérité sans précédent dans la vie des peuples.
- Combien d’hommes utiles, de talents ignorés qui, poussés par les nécessités de la vie publique, apporteraient à la prospérité générale des capacités qu’ils ne peuvent utiliser pour eux-mêmes et qui passent inaperçues dans les grandes nations, où elles ne peuvent s’élever au-dessus des coalitions des gens arrivés.
- Chez beaucoup d’Alsaeiens-Lorrams les sympathies françaises spqt si viyaces qu’elles sont au-dessus des considérations rationnelles,
- Après la neutralisation, rien ne pourra empêcher ces fervents de participer à la vie publique dans leur petite nation et de faire prévaloir une politique étrangère en accord avec les aspirations françaises.
- Que ces patriotes consentent à devenir momentanément une barrière entre les deu^ç. nations, et bientôt cette barrière se transformera en un lien qui unira éternellement deux peuples qui n’auraient jamais dû être divisés,
- Le dévouement à la France et la volonté de rede-r yenir français se constatent peut-être davantage chez les femmes que chez les hommes. Mais elles sont mères, elles sont épouges, elles sont fiancées, et ces Situations les disposeront à accepter un arrangement qui sauvera des dangers de la guerre leurs enfants et leurs paaris.
- SOUS l’influence des écrits des rêveurs et des poètes elles se sont fait une idée particulière de la gloire militaire. Elles ont oublié les conditions réelles de la mort du soldat, en l’entendant glorifier par les sophistes.
- La mort dn soldat n’est pas glorieuse, elle est horrible*
- Ah ! si chacune de ces mères, de ces sœurs, de ces épouses, qui rêvent le retour à la France de l’Alsace-Lorraine, au prix d’une guerre dont on ne peut prévoir toutes les ruines, avaient vu tomber sur un champ de bataille les hommes atteints d’atroces blessures, sous les coups d’un ennemi le plus souvent invisible ; si elles avaient passé à côté de tas de cadavres et d’agonisants assemblés pêle-mêle, où l’on voit des yisages livides, moitié couverts de sang, ouvrir de grands yeux qui ne perçoivent plus la lumière, d’od pendent des bras et des jambes qui s’agitent, sans qu’on puisse se rendre compte à quels
- corps ces membres appartiennent; si elles avaient vu ces monceaux de cadavres et de mourants dégoûtants de sang et soulevés à certains moments parles dernières convulsions des moribonds, où viennent se ficher encore les balles et la mitraille ; si elles avaient conscience de toutes ces horreurs, elles seraient certainement les plus ardentes à réclamer le maintien de la paix.
- Lorsqu’on analyse les forces innombrables qui seront mises en présence dans une guerre entre la Francô et l’Allemagne ; lorsqu’on suppute quelles résistances pourra opposer le vaincu avant de capituler, on est porté à se demander s’il restera assez de vitalité chez le vainqueur pour réparer en un siècle les ruines accumulées par un choc si formidable.
- Admettons que la France soit victorieuse, et cette hypothèse nous paraît probable. Il est certain que cette victoire n’aara été obtenue qu’après une longue guerre, et dont l’Alsace-Lorraine aura supporté les plus lourdes charges. Que restera-t-il alors de ses manufactures, de ses villes et de ses villages ?
- Dans ces conditions on peut prévoir le retour à une France meurtrie, épuisée, de provinces ruinées, saccagées, tandis que le vaincu aura épuisé ses dernières ressources dans une lutte désespérée. C’est la ruine de la moitié de l’Europe, et l’Alsace-Lorraine so trouvant par sa situation géographique au milieu de cette misère générale. Des hommes sensés ne peuvent souhaiter des événements d’où naîtraient tant de désastres.
- D’ailleurs, est-ll certain que la France sorte victorieuse d’une nouvelle guerre ?
- Après d’énormes sacrifices, il pourrait arriver que la France vaincue soit de nouveau démembrée et que la situation de l’Alsace-Lorraine devienne elle-même plus malheureuse.
- Si les Alsaciens-Lorrains veulent réfléchir, ils comprendront que, mis en possession d'eux-mêmes, ils peuvent se préparer une patrie plus belle et plus juste que la patrie française, tant exaltée par un chauvinisme intempestif.
- La France, il est vrai, s’est débarrassée de l’oppression des rois et des nobles ; elle a inscrit en tête de sa constitution la grande déclaration des droits de l’homme. Mais cela l’a-t-il empêchée de tomber aux mains des parlementaires et de devenir la proie des hommes de finances. Les uns et les autres font litière des principes de la Révolution française.
- Cette patrie n’est-elle pas infestée dans un grand nombre de départements de l’ouest par un bonapartisme et par un cléricalisme sans pudeur.
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- ÎÆ DEVOIR
- Dans sa capitale on enregistre chaque jour des morts causées par la faim.
- Eu France, la conception de la patrie est mesquine. Dans les villes les plus Aères, parmi celles qui fêlent les poètes de la revanche, qui réunissent leurs jeunes hommes dans des sociétés de tir. où des hommes mûrs viennent do temps en temps faire retentir des paroles que le vulgaire considère comme l’expression d’un profond sentiment patriotique, on na comprend pas la signiAcation véritable du mot patrie.
- Nous pourrions citer une ville des plus riches qui ne laissa jamais échapper une occasion de faire parade de ses sentiments belliqueux et qui ne dispose pas de ressources scolaires permettant chez elle l’application de la loi sur l’instruction primaire obligatoire ; plus d’un cinquième des enfants ne peut trouver une place dans les écoles communales.
- Ces enfants sont pourtant une partie de la pairie, même la plus précieuse, à laquelle chaque patriote doit solidarité. Il n'est besoin ni d’armées, ni de luttes homicides, pour accomplir ce devoir véritablement patriotique. Cependant il n’est compris et pratiqué par aucun de ceux qui mettraient l’Europe à feu et à sang sous prétexte de revendiquer l’Alsace-Lorraine.
- Cette province, après sa neutralisation, constituera une patrie plus humaine que la patrie française, parce que, dans ce milieu, n’ayant aucune tradition de politique intérieure, les hommes publics ne pourront faire autrement que de s’inspirer des besoins généraux, au lieu de se laisser dominer par les compétitions individuelles qui neutralisent les progrès dans les vieilles nations où l’on gouverne uniquement en vue de contenter un parti.
- Matériellement, i’Alsace-Lorraine retirera des avantages inappréciable de la neutralisation. N’y aurait-il pas en même temps un grand honneur pour son peuple d’avoir été le gage de la paix Européenne.
- Que les patriotes d’Alsace, que tous ceux qui rêvent une revanche éclatante méditent sérieusement les lignes suivantes que nous empruntons au ;Courrier de l'Aisne; qu’ils se demandent ensuite si l’on a le droif de se préparer à la guerre dans un pays, où, après plusieurs années de prospérité on relève des faits comme celui-ci :
- « En 1870, deux batteries d’artillerie marchant en colonne tombaient sous le feu d’une embuscade prussienne près de Mézières-sur-Somme. Le capitaine atteint par la première décharge n’avait pu donner aucun ordre. Le lieutenant Laviolette At mettre la première pièce en batterie. Le fourier Besombes tomba foudroyé au moment où il dégageait l’écou-
- villon. I.e lieutenant At feu à mitraille, délogea l’embuscade et tomba frappé d’une balle en pleine poitrine. Les deux batteries furent sauvées.
- a Le lieutenant Laviolette mort au champ d’honneur, était l’unique soutien d’une mère sans fortune. Mme Laviolette, depuis 1870, fut réduite à gagner son pain à la sueur de son front. Elle a aujourd’hui 90 ans ; elle ne peut plus travailler, et n’a pour vivre que les modiques subsides du bureau de bienfaisance de Merville. »
- Voilà la gloire militaire et son revers, la misère !
- La neutralisation de I’Alsace-Lorraine fermera l’ère des guerres européennes. Nous demandons au comité français de la ligue internat onale d’examiner prochainement notre proposition.
- POLITIQUE COLONIALE
- M. W. Gagneur a publié dans le journal la République du Jura, l’exposé des motifs de son vote repoussant les crédits demandés par le ministère pour continuer la guerre du Tonkin.
- Nous reproduirons dans plusieurs numéros du Devoir les parties essentielles du travail de M. Gagneur.
- M. Gagneur a traité la question de guerre et d’arbitrage avec une abondance d’arguments qui ne peuvent manquer de hâter la diffusion de ces doctrines salutaires.
- Nous donnons aujourd’hui quelques appréciations relatives à l’expédition du Tonkin et à la politique coloniale en général.
- Nous allons, dites-vous, implanter la civilisation dans les contrées barbares. Nous allons ouvrir à notre commerce, qui périclite sous la concurrence Européenne et Américaine, des débouchés lointains et fructueux.
- Mais d’abord, êtes-vous bien sûrs et avez-vous droit d’être Aers de votre civilisatiou ?
- Si je consulte tous nos grands dictionnaires, ce qui caractérise éminemment la civilisation, c’est, avec le progrès des lumières, l’adoucis ement des mœurs, la prédominance du droit et de l’équité, la garantie accordée au faible contre le fort.
- Le caractère topique est donc la Fraternité. Prétendez-vous alors que votre civilisation, qui bégaya à peine les premiers mots de la Fraternité, réalise cet idéal ?
- Et quand bien même vous posséderiez la vraie civilisation, de quel droit l’imposeriez-vous par la force à des peuplades, quelques barbares que vous les jugiez, aussi jalouses que vous de leur nationalité et qui ne vous appellent pas ? Et alors, la résistance qu’elles vous opposent, n’est-elle pas la'plus légitima des défanses, la guerre patriotique, la guerre sainte, justement impitoyable, et contre laquelle, oubliant
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- LE DEVOIR
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- la convention do Genève, nos soldats, à la prise de Son Tay, exaspérés par la décapitation de 8 des leurs viennent de réagir, en tout massacrant, même les blessés.
- Et voilà la civilisation que vous leur apportez !
- Je ne parle pas du danger tout particulier d’une guerre avec la Chine, avec cette inépuisable population de 400 millions d’habitants, mieux armés et disciplinés qu’autrefois, combattant chez eux et se souvenant, croyez-moi, des affreux pillages, fort peu civilisés, pratiqués en 1860, par les armées de Napoléon III.
- Devoir. Nous publions la proposition de M. Gri-maud telle que Va donnée le journal YHôtel de-Ville, en la faisant suivre d’un projet d’application intégrale de l’hérédité de l’Etat, telle que nous la comprenons.
- PROPOSITION
- De M. Grimaud, à propos du projet d’emprunt, relativement à l'établissement d’une taxe municipale sur les successions.
- Passons à cette fameuse politique coloniale, qu’on pousse en avant comme la charrue avant les bœufs, sans avoir créé préalablement l’instrument nécessaire, l’armée coloniale.
- Les orateurs .les plus compétents ont fort bien démontré que, de toutes les nations Européennes, la France est le pays le moins émigrant, partant le moins colonisateur; qu'elle ne compte en Chine, par exemple, que 12 comptoirs, tandis que l’Angleterre en compte 296, et l’Allemagne 56; que les articles Anglais et Allemands conserveront l’avantage du bon marché et seront préférés, d’autant plus que notre hostilité fera rejeter systématiquement les nôtres; — singulière manière au reste de vendra ses marchandises que de ruiner le pays envahi, que de détruire les consommateurs; qu’en réalité, alors même que nous serions vainqueurs, nous aurons ouvert le fleuve roage au commerce européen tout entier; que le bombardement probable des ports Chinois, en risquant d’atteindre les négociants étrangers et de ruiner leurs établissements compromettrait gravement nos bons rapports avec leurs nations ; qu’enfin la vraie politique consiste sans étendre indéfiniment notre domaine colonial, à développer utilement celai que nous possédons.
- Le € Cooperative News », de Manchester, dans son numéro du 12 courant, reproduit la déposition de M. Godin dans l’enquête de la Commission extra-parlementaire des Associations ouvrières.
- Cette traduction est due à notre illustre et excellent ami M. Edward Vansittart Neale.
- ETAT-CIVIL DD FAMILISTÈRE
- Semaine du 7 au 13 janvier 1884 IV.A. X ïs SS A. IVO SU
- Le 8 janvier, de Fournier Camille, fils de Fournier Jules et de Poirette Sophie.
- L’idée de chercher les ressources publiques clans un prélèvement sur les fortunes, après la mort de ceux qui les ont édifiées, se répand chaque jour davantage. M. Orimaud, conseiller municipal à Paris, vient de présenter à ses collègues un projet conforme, en partie, au principe de l’hérédité de VEtat et des Communes défendu par le journal le
- Messieurs,
- Considérant que M. le préfet de la Seine nous propose d’emprunter une somme de 220 millions pour satisfaire aux dépenses qui ne peuvent se faire avec les ressources ordinaires, c’est qu’il n'a pas d'autre moyen à nous proposer ; dans tous les cas, il croit que c’est le meilleur. Avoir recours à l’emprunt, c’est une habitude commode qui n’a qu’un défaut : c’est de grossir la dette de la ville de Paris et de l’éterniser. Je donte que vous y consentiez.
- Considérant cependant que vous ne pouvez rester dans cette situation, qui serait une impasse, vous avez le devoir de chercher par une combinaison autre que l’emprunt, les ressources suffisantes pour les dépenses indispensables.
- Considérant, d’autre part, que la majorité de nos électeurs est hostile à cet emprunt, qui s’ajouterait aux précédents, il n’est pas douteux que ces diverses considérations nous feront rejeter les propositions de M. le préfet de la Seine.
- Personnellement, je suis opposé à l’emprunt; voici le motif principal qui m’engage à vous soumettre la proposition suivante, aussi pratique que réalisable :
- L'Etat prélève, sur les successions ouvertes dans la ville de Paris, un droit qui produit annuellement environ 32 millions en chiffres ronds, en prenant une moyenne de trois années.
- Répartis comme suit :
- Sur les successions en ligne directe, 1 0/0 produit................................. 7.000.000
- Sur les successions collatérales , 6 à 8 0/0 produit......................... 15.000.000
- Sur les successions entre époux,
- 5 0/0 produit............................ 5.000.000
- Sur les successions entre étrangers,
- 9 0/0 produit............................ 5.000.000
- Somme égale...... 32.000.000
- Le soussigné a l’honneur de prier le conseil muni-
- cipal d’inviter M. le préfet de la Seine à demander aux pouvoirs publics une loi exceptionnelle.pour la ville de Paris, autorisant l’administration à percevoir pendant une période de vingt années au moins,
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- I,« DRVOrR
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- sür les successions ouvertes à Paris, en sus des droits de l’Etat, une taxe de :
- 1° Sur lès sucCèssiôiis en ligne directe, 2 0/0 pro-
- duit...... ............................ 14.000.000
- 2° Sur les successions en ligne collatérale, 2 0/0 produit................. 4.000.000
- 3° Sur les successions entre époux,
- 3 0/0 produit........................... 5.000.000
- 4° Sur ies successions entre étrangers, 9 0/0 produit................. 5 000. Ü00
- Total........ 28.000.000
- Ces chiffres sont des indications ; ils peuvent être modifiés en plus ou en moins, ou augmentés principalement sur les successions en ligne directe les plus favorisées, les moins imposées.
- Ajoutez à cette somme environ..... 12.000.000
- que vous auriez à payer pour l’intérêt de l’emprunt qui vous est proposé, vous aurez à disposer, pendant vingt
- années, d’une somme d’environ........ 40.000.000
- Si vous adoptez cette proposition, on ne peut vous refuser uhe satisfaction si légitime ; en persistant ; ce qui est juste finit toujours par être obtenu.
- Vous trouverez alors des ressources immédiates et plus que suffisantes pour vos travaux et dépenses de toute nature, indiqués sür le mémoire de M. le préfet, oü que vous indiquerez; vous ffdürez que l’embarras du choix.
- Ce n’est pas tout : la dette de la ville de Paris s’éteindra peu à peu, et en affectant une partie de cette somme aux dégrèvements, vous le pourrez facilement, vous en finirez avec les droits d’octroi. De Ce côté, vous aurez rempli votre prôgramme.
- Je sUis bien certain que les ^héritiers en seraient peu contents, mais sCyez assurés que pas uil d’eux ne renoncera à son héritage si peu diminué. D’ailleurs, croyez-vous qu’il n’est pas plus équitable de prélever sur la fortune des riches décédés, que de faire payer aux travailleurs et aux peu fortunés des impôts, des droits sur les consommations de première nécessité, alors qu’ils n’ont que lë strict nécessaire, pour les besoins de la vie ?
- Paris, le 23 mai 1883.
- Le rapporteur, Grimaud.
- Le projet de M. Grimaud mérite nos encouragements parce qu’il est basé sur un principe juste, tendant à faire prévaloir qu’il doit revenir â la collectivité une part des fortunes acquises, après la mort de ceux qui les ont édifiées au lieu de les accabler d’impôts pendant leur vie.
- Partisan de trouver dans les héritages la plus grande partie dès ressources du budget, polis nè comprenons pas l’application de ce droit de l’Ètat de la même manière que M. Grimaud.
- Le projet dë M. Grimaud suppose que les héritiers doivent verser un tantième de chaque héritage dans les Caisses de l’Etat. Ce mode d’application présente peu d’ineonvéniertts, lorsque le tantième prélevé est relativement faible. Mais si l’on voulait procéder suivant la même méthode, lorsqu’on préconise l’héritage de l’Etat comme le moyen principal d’alimenter lès caisses publiques', le tantième â payer S’élevant dans fin grand nombre de cas, toutes lès fois qu’il s’agit des grandes fortunes*, à 50 0/0 de la valeür totale de l’héritage, cela équivaudrait â la mise en liquidation de la plupart des industries sôliS le coup d’acquitter des droits d’héritage aussi considérables.
- Nous, nous comprenons l’Etat intervenant comme co-héritier * proportionnellement au tantième fixé par la loi. De cette manière, il rt’y a ni atrêt ni Suspension dans une affaire commerciale oü industrielle. L’Etat est simplement un héritier qui intervient dans chaque héritage.
- Il ëst facile de régler cettê intervention de telle manière qu’elle n’apporte aucun trouble dans la marche des affaires.
- Nous ne chercherons pas â faire l’exposé dès divers moyens pratiques. Ils sont déjà nombreux, et chaque jour peut nous en apprendre de nouveaux. Ce qu’il faut surtout retenir c’est le but à atteindre : faire participer l’Etat aux héritages sans entravèr lè courant des affaires.
- Pour bien faire comprendre notre pensée, nous prendrons comme exemple ce qui se passe dans ies successions, dans lesquelles l’héritage consiste en immeubles frappés d'une oü plusieurs Hypdthèques.
- Généralement le prêteur hypothécaire reste vis-à-vis de l’héritier ou des héritiers dans une situation semblable à celle qu’il avait avant le décès du légataire. Dans aucun cas, à moins de clauses formelles et rarement stipulées dans les. contrats hypothécaires, les héritiers sont obligés d’opérer le remboursement pour cause de décès de l’emprunteur ; on fait généralement Un transfert. De son côté, le prêteur, après comme avant le décès, reste libre d’aliéner OU de déléguer sa créance d'après les mêmes clauses qui n’éprouvent aucune modification par le fait de la mort de l’une des deüx parties.
- Il est compréhensible que l’Etat, par le seul fait de l’ouverture d’Une succession immobilière, prenne vis-à-vis dès héritièrs une situation analogue à belle d’un créancier hypothécaire prbpdrtioiinellettieni au
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- tantième fixé par la loi instituant l’hérédité de l’Etat. De cette manière, la marche de l’exploitation foncière ou immobilière n’est pas gênée, et l’Etat peut à volonté conserver, aliéner du déléguer sa partici -patioii suivant les besoin^ des services publics.
- Si nous supposons l’Etat en présence d’une succession représentée par des créances, il pourra sans aucun inconvénient devenir co-créancier pour une part équivalente à ses droits.
- Dans le cas d’un héritage en valeurs industrielles ; le prélèvement du tantième ne présentera aucune espèce de difficulté à caüse de la faculté de diviser ces valeurs.
- Dans les entreprises commerciales et industrielles, l’obligation d’avoir une comptabilité, obligation im-posée par les iois du commerce, simplifie considérablement l’entrée en participation de l’Etat, puisque par la balance des comptes on peut évaluer à chaque instant la situation exacte de chaque entreprise à chaque entreprise. L’Etat prend alors une situation comparable à celle qui serait faite aux héritiers d’un individu qui aurait été associé dans une maison de commerce.
- Tout cela revient à dire que l’Etat, faisant l’avance aux particuliers dë tous les frais généraux dès services publics qui contribuent si puissamment à l’édification des fortunes privées, se réserve le droit de jouit* de cette participation de la même manière qüe les ordinaires héritiers.
- Ce Système présente l’avantage d’Unifier le mode de perception des ressources de l’État, et de nous débarrasser de tout le parasitisme résultant des nombreux fonctionnaires nécessités par les moyens compliqués en usage actuellement pour la perception des impôts.
- L’application restreinte, proposée par M. Grimaud, n’àttaqüe pas directement les vices de notre système fiscal ; mais elle présente l’avantage très-appréciable de procurer des nouvelles ressources sans créer un nouveau rouage de perception, puis elle coupe court à tout nouveau projet d’emprunt.
- C’ëst surtout à ce dernier titre que la proposition Grimaud mérite l’attention des socialistes. Quel énorme progrès, si l’on pouvait obtenir a brève échéance que l’Etat cessât de proportionner les emprunts aux épargnes disponibles dés capitalistes.
- Ceux-ci, n’ayant pas la perspective de bénéficier dès revenus paresseux des emprunts d’Etat, Seraient obligés de s’adresser directement au travail.
- Nous reviendroüs sur cette question lorsque nous aurons à nous occuper du prochain emprunt du gouvernement.
- Appliquons intégralement aux héritages parisiens
- le principe d’hérédité de l’Etat, tel que l’a proposé et défendu notre joürnaï.
- Nous demandons que l’on évalue le droit d’hérédité de l’Etat : 1° de 0 à 50 0/0 sur les héritages en ligne directe, suivant l’importance delà succession; 2° à 50 0/0 dans tous les autres cas, où il y a testament ; 3° à l’intégralité de l’héritage lorsqu’il n’y a pas de testament.
- D’après les chiffres de M. Grimaud les héritages en ligne directe sont représentés annuellement à Paris par un total de 700,000,000. L’application du droit progressif de l’hérédité de l’Etat nous donnerait un rendement moyen de 33 0/0, à cause du nombre des gràfides fortunes, soit $33,1)00,000.
- L’ensemble des autres successions atteint un chiffre de 354,000,000. Le droit d’hérédité de l’Etat évalué à 50 0/0 aurait un rendement annuel de 177,000,000.
- Nous aurions donc de ce fait un revenu annuel de 410,000,000, dont la gérance serait moins onéreuse que le recouvrement des impôts.
- On arriverait ainsi à donner aux revenus publics une base solide, qui ferait que les charges seraient véritablement supportées par ceux qui possèdent la richesse, tandis que, maintenant, les impôts ne sont qu’un moyen jésuitique et odieux de reprendre au travailleur la plus grande partie de son salaire.
- Nous craignons que ce projet soulève toutes lesco-lères et les excommunications majeures et mineures des théologiens de l’économie politique. Mais cela n’est pas fait pour nous arrêter, parce que si nos adversaires ont mission de défendre les privilèges de ceux qui possèdent la richesse sans s’inquiéter de son origine, nous, nous avons voulu nous donner celle de défendre les droits des travailleurs qui la créent.
- Nous engageons M. Grimaud à profiter de la prolongation de son mandat pour mettre en demeure ses collègues du conseil municipal de se prononcer par un scrutin public sur sa proposition. C’est lui demander beaucoup, car nous coniiaissons toutes les rusés parlementaires dont sont capables les hôtes dix Pavillon de Flore à l’exemple de leurs grands frères du Palais Boürbon et du Luxembourg, pour éviter un vote catégorique sur une question aussi opposée aux privilèges capitalistes.
- Si les journaux de Paris continuent à faire le silence autour des excellents projets de M. Grimaud, houS né cesserons de suivre avec vigilance tous les efforts faits en vue de faire prévaloir une si bonne cause.
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- LE DEVOIR
- MOTS DE PROGRÈS
- Un progrès certain qui prépare la pacification des Etats civilisés, cc ne sont pas les conventions et les traités qu’un coup d'épée déchire, c'est cette force invincible, la solidarité des intérêts. Chaque fois que la diplomatie aura été impuissante, tout malentendu ou toute controverse pourra se terminer par Varbitrage.
- De Lesseps.
- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- La Chambre. — La Chambre vient de voter en deuxième lecture une loi autorisant l’établissement de un ou plusieurs conseils de prud’hommes mineurs dans chaque arrondissement où cette mesure sera jugée utile en raison de l’importance de l'industrie des mines.
- C’est un progrès au point de vue judiciaire ; il en résultera une simplification dans la procédure les litiges soumis à ce conseil, qui devaient auparavant être jugés par les tribunaux ordinaires.
- Déjà des politiciens peu scrupuleux parlent de ce vote comme d’un progrès social devant satisfaire des mineurs. Cependant, lorsqu’on examine les effets probables, on ne peut manquer de s’apercevoir qu’ils n’atténueront en rien le mai de misère. Les réformes urgentes, indispensables aux mineurs et à tous les travailleurs, sont celles qui donneront une sanction véritable au droit de chacun à l’existence.
- Cet acte du parlement contient un* grand enseignement sur lequel nous devpns insister. Cette décision de la Chambre n’est pas le résultat de l’iniative parlementaire ; elle a ôté arrachée de haute latte par la persistance des intéressés à ne pas laisser passer une seule manifestation des députés des centres miniers sans venir leur réclamer une loi sur les prud’hommes. Si les mineurs s’étaient attachés avec une égale énergie à réclamer une réforme plus profonde, ils n’auraient pas manqué d’obtenir pleine satisfaction.
- Ils doivent voir dans ce vote une récompense de leurs persévérants efforts, et conclure que la même tactique, mise au service des autres réformes, sera suivie d’un résultat analogue.
- Que les mineurs et les autres travailleurs prennent confiance en eux-mêmes, qu’ils se mettent d’accord sur un projet de mutualité nationale, et que partout ils aillent au-devant des hommes politiques, non pour écouter les projets utopiquesde ces cerveaux faussés par les fictions de la politique, mais pour les contraindre à se pénétrer des réclamations des travailleurs ; ils verront bientôt que les plus mauvais politiciens deviennent d’excellents serviteurs, lorsque les électeurs savent prouver qu’ils sont capables de commander.
- Voici le texte de la loi votée par la Chambre :
- Article premier. — Dans les six mois à dater de la promulgation de la présente loi, des décrets rendus en la forme de règlements d’administration publique, après avis du conseil général du département, établiront un ou plusieurs conseils de prud’hommes mineurs, dans chaque arrondissement où c&tte mesure sera utile à raison de l’importance de l’industrie des mines.
- Ils fixeront l’étendue de la circonscription judiciaire de chaque conseil.
- Art. 2. — La composition, l’organisation, les attributions de ces conseils, et les conditions pour être électeur ou éligible sont régies par les lois des l« juin 1853,
- j 4 juin 1864, 7 février 1880, et autres dispositions législatives antérieures non-abrogôes, sauf les modifications ci-après.
- Art. 3, — Sont électeurs :
- Dans la catégorie des patrons. — Les concessionnaires ou exploitants, directeurs, membres des conseils d’administration, ingénieurs des travaux et chefs de services, chefs mineurs, chefs d’ateliers et surveillants, âgés de vingt-cinq ans accomplis, des mines situées dans la circonscription judiciaire du conseil.
- Dans la catégorie des ouvriers. — Les mineurs et les ouvriers, âgés de vingt-cinq ans accomplis, attachés depuis un an, au moins, à l’exploitation d’une mine située dans la même circonscription.
- Art. 4. —Dans chaque commune de la circonscription, le maire, assisté de deux conseillers municipaux pris dans l’ordre du tableau, inscrit le relevé des électeurs, qu’il adresse au préfet.
- La liste électorale est dressée et arrêtée par le préfet.
- L’élection des membres des conseils de prud’hommes mineurs a lieu à la mairie des communes comprises dans chaque circonscription judiciaire.
- Art. 5. — A défaut, — soit par les électeurs de Tune des catégories, de voter, — soit, par les candidats élus dans l’une des catégories, d’accepter le mandat, —• soit enfla, par certains membres du conseil de consentir à si ger, — les prud’hommes élus, acceptant le mandat, et se rendant aux co ri vocations, procéderont, siégeront et jugeront seuls.
- En ce cas, ils prononceront valablement, comme juges, au nombre de trois, à quelque catégorie qu’ils appartiennent.
- Le Sénat, — Le Sénat avait à son ordre du jour l’examen du projet de loi sur les syndicats. L’urgence a été repoussée sur la proposition de M. Gavardie.
- Réunion cle l’Extrême-Gauche. — M.
- Maret a pris l’initiative d’une réunion des membres de l’Extrême-Gauche dans le but de leur exposer qu’il serait urgent d’étudier le plus rapidement possible les résolutious à prendre en faveur du travail. M. Maret a terminé son allution par les conclusions suivantes :
- « Il est évident en effet, a-t-il dit, qu’à toute question sur ce sujet, le ministre répondra en demandant à son tour quelle solution nous apportons. Or, une solution n’est pas le hasard d’un seul homme, et ne peut se discuter à la tribune sans avoir préalablement été élaborée par les députés compétents.
- « L’heure des actes a sonné. Il est temps qu’on sache si le parlement veut enfin s’occuper des qnestious économiques et sociales, ou si le peuple ne doit plus compter que sur lui-même. »
- Les députés présents, sur la proposition de M. Clé-menceau, ont nommé une commission de cinq membres avec mandat de classer les divers projets de loi intéressant les travailleurs, déposés k la* Chambre depuis le commencement de la législature.
- Ont été élus membres de la Commission MM. Canta-grel, de Lanessan, Leydet, Henry Maret et Salis.
- Si la commission n’élargit pas" son mandat, elle ne peut manquer de faire œuvre inutile; on sait bien que. parmi les projets de lots déposés, il n’en existe un seul susceptible de réaliser les améliorations nécessaires. Tous visent des questions de détail, dont on ne peut rationnellement s’occuper, lorsqu'on manque de base.
- Cette proposition émanée de M. Clémenceau a une saveur parlementaire digne d’un plat ministériel. M. Ferry n’a pas procédé autrement avec les révisionnistes : Ab ! vous voulez la Révision, a dit le ministre à l’ex-trême-gauche ; eh bien 1 nous aussi, nous la voulons ; nous avons dans nos cartons un tas de vieux clichés sur la question, nous allons les revoir. De môme, M. Clémenceau, dont toute la science politique consiste à tomber les ministres, s’est débarrassé ds la question sérieuse soulevée par M. Maret, en l’envoyant, lui et ses
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- LE DBVOfR
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- collègues de la commission, fouiller les vieux papiers parlementaires.
- Les membres de la commission vont-ils se faire les complaisants serviteurs de la politique de M. Glérnen-ceau, ou bien, comprenant la gravité de la situation, déclareront-ils que les projets déjà déposés n’atteignent pas le but, qu’il y a lieu de rédiger un projet véritablement conforme aux aspirations des travailleurs?
- Nous ne savons si ces députés sont capables d’une détermination aussi précise. Mais, d’après les opinions de certains membres de la commission, notamment de M. de Lanessan, jusqu’à ce jour un fougueux partisan du laissez faire, nous doutons qu’lis puissent se mettre d’accord sur un projet de loi, qui doit-être essentiellement protecteur des droits du travail.
- Quoiqu’il arrive, il y a un homme directement intéressé à ne pas laisser étouffer la question par l’extrême-gauche. M. Maret en prenant l’initiative de cette consultation a accepté d'avance toute la responsabilité d’un avortement, si avortement il y a.
- Celui-ci ne peut honorablement accepter une résolution qui n’atteindrait pas le but ; et sa personnalité sera diminuée et compromise, si, à défaut de l’appui ce l’extrême gauche, il ne trouve en lui-même assez d’énergie pour s’élever au-dessus de l’imiuissanee de son groupe et de la Chambre tout entière, en formulant un projet de garanties sociales efficaces ea faveur des travailleurs ; puis il aura le devoir de le faire prévaloir dans l'opinion publique après que la Chambre l’aura repoussé par un scrutin public.
- Si M. Maret est résolu à suivre jusqu’au bout les obligations que lui impose son initiative, et son honneur le lui commande, il ne peut faire moins que de reprendre le projet de Mutualité nationale que M. Godiu avait adressé à M. Brisson, à l’austère président, avec prière de le joindre aux documents parlementaires. Ce dernier mit tant de bonne volonté à accéder au désir de M. God n que, quinze jours après la réception, ce travail ôtait encore dans les poches de la veste de M. Brisson, où il serait resté à perpétuité, si un député n'avait témoigné son étonnement de ne pas trouver dans les dossiers une pièce qu’il savait avoir été envoyée avec cette destination.
- La proposition de M. Maret crée une situation nouvelle, nous n’en vouions d’autre preuve que la précipitation de MM. G alla, Langlois et Revillon à soulever ia même question.
- Nous attendons M. Maret à l’œuvre.
- L’Arbitrage à Nîmes. — Voici l’adresse que
- les Chambres et Cercles républicains de Nîmes ont envoyée à M. Gaillard :
- Au citoyen Gaillard, député de Vaucluse et aux députés signataires de ia proposition d’Arbitrage.
- Au nom des groupes nîmois, nous sommes heureux de vous envoyer nos sincères félicitations pour l'esprit de justice et de véritable patriotisme que vous avez montré vous et vos collègues, en portant devant la Chambre française une proposition d’Arbitrage.
- Nous savons très-bien, quel que soit le procédé employé par la Chambre pour en étouffer ia discussion, que l’idée est bonne, humaine, essentiellement républicaine, et qu’elle fera son chemin. De tout notre cœur nous vous approuvons de l’avoir formulée. A sa lumière, la véritable démocratie saura distinguer ses amis.
- Recevez donc, citoyens, vous qui les premiers avez osé soutenir une aussi nobie cause, les remerciements chaleureux des groupes démocratiques soussignés :
- Cercles de ia Bourse, des Droits de l'homme, National, du Progrès, de La Renaissance, Chambrées des Amis fidèles, au Génie de la liberté, de la Libre-Pensée, de la Nouvelle-Alliance, du Progrès, de la Solidarité.
- Les membres des sociétés signataires ne se bornent pas à faire des vœux platoniques en faveur de l’arbitrage et de voter des adresses à ceux qui servent avec tâtent cette cause. Ces sociétés sont fédérées, et il suffit d’être membre de l’une d’elles pour avoir le droit d’assister aux délibérations de toutes les autres. Si l’un
- de ces groupes se croit lésé par les décisions d’un autre groupe, comme si l’un des sociétaires est ré-olu à réclamer contre les délibérations de «un groupe, iis s’adressent à la fédération quidé; igoe des arbitres ayant miss on de faire des enquêtes et de trancher définitivement le different. Il n’y a pas d’exemple d’insoumission aux jugements des arbitres, soit de ia pari des individus, soit de la part des sociétés.
- et +
- «strophe de Ferfay, — Vendredi, îi janvier, quelques heures après la descente des mineurs dans les f ».-ses, une épouvantable explosion de grisou faisait 28 victimes.
- Que vont devenir les femmes, les enfants, les vieux parents de ces martyrs du travail ?
- Comprendront-ils, ceux qui croient avoir tout fait pour les travailleurs, parce qu’ils ont volé rétablissement de conseils de pru l'h<>mmes dans les centres miniers, conseillers que les Clugot s’empresseront de chasser de la mine, s’ils ont lin iépeadance de rendre des arrêts conformes aux intérêts des ouvriers ?
- *
- * *
- Xu’ICxm.csnalpal i <m de» femmes. — On lit
- dans le Rappel :
- Les femmes ont fini par défoncer les portes de l'Ecole de médecine ; les voilà maintenant en train de donner l’as ’aut à 1 Ecole des Peaux-arts.
- Une jeune Américaine, mistress Laura White a été reçue à l’école spéciale d’architecture, dirigée par M. Tielat. Notre confrère et ami J.-B. Schacre nous apprend que l’on compte déjà un certain nombre de femmes dans l’industrie du bâtiment comme directrices d’ateliers, comme chefs de maison. Les magnifiques travaux de menuiserie delà mairie de Passy ont été exécutés par Mile L... qui est a ia tête d’une des plus importantes maisons de Paris.
- Voilà de nouveaux horizons ouverts à l’intelligence, à l’activité féminine.
- Nous avons des femmes médecins ; nous aurons des femmes architectes — et nul doute qu’elles ne relèvent de leur grâce et de leur esprit la lourdeur et la monotonie de notre moderne architecture.
- ¥ ¥
- Tonkin. — L’absence de nouvelles favorables doit être considérée comme l’indice d'une situation difficile.
- Ii est évident que Je gouvernement est intéressé â en finir au plutôt avec une expédition qu’il ne prévoyait pas devoir être si onéreuse, les chefs militaires doivent avoir reçu des instructions sévères en ce sens. S’ils n’agissent pas énergiquement, c’est qu’iis reucontreront des obstacles imprévus et une résistance sérieusement organisée.
- Le Temps, qui n’est pas moins variable que l’éternel distributeur des saisons, donne,sans doute malgré lui, la preuve de ce que bous avoas toujours soutenu avec tous îes autres journaux soucieux, à 1 encontre de ce journal, de ne pas lancer la France dans l’aventure Tonkinoise, à savoir: que ia France, en intervenant, se faisait le gendarme de I Europe, qu’elle n’avait aucun intérêt national à faire prévaloir. Nous lisons, en effet, dans le journal le Temps : « Que, si la France n’avait pas Je dessus dans celte affaire, les intérêts des nations occidentales en Chine seraient tellement compromis, que 1 Angleterre ou toute autre puissance serait forcée d’entrer en lutte pour réprimer l’arrogance de la cour de Pékin. »
- Nous laisserons aux statisticiens le soin de faire le calcul des nombreux articles, insérés dans le Temps, qui se trouvent en parfaite contradiction avec ces quelques ligues.
- Nous ne pouvions rencontrer un meilleur afgumenten faveur de notre thèse, que le conflit avec la Chine devait être tranché par le Concert-Européen.
- ANGLETERRE
- Nationaliisatioii dn aol ex» Augrleterre,
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- LE DRVOIR
- — Un mouvement démocratique très important se pro duit de nos jours d’un bout à l’autre de la Grande-Bretagne, par suite de l’énergique èt intelligente propagande de ces dernières années.
- En quinze mois 180,000 exemplaires d’tine brochure intitulée : « Progrès et pauvreté » ont été vendus et il s’est constitué sous le titre: « Land téform U?Hon », Union de la réforme foncière, une ligue d’associations plus radicale et plus avancée que la ligue nationale d’Irlande.
- Chose digne de remàrqhé, les partisses les plus actifs et les plus zélés de la nouvelle agitation sont les petits employés, les artisans, lès petits commerçants qui ont enfin ouvert les yeux sur leur misère infinie.
- _ Le but de la « Land reform Union » est la réorganisation de là propriété foncière, qui, en Angleterre, est encore établie sur les bases d’il y a mille ans, Où le droit de primogèniture et autres institutions médiocres sont encore en vigueur.
- Les grands domaines sont là cause principale de la misère du peuple britannique et Bdght l’a déclaré plus d’une fois.
- 8.142 individus possèdent à eux seuls dans l’Angleterre, les Galles, 1 Ecosse et. l’Irlande 46.500.000 acres de terrains, tandis que des milliers de déshérités souffrent de la faim.
- La question sociale devient chaque jour plus impérieuse, et lord Salisbury a reconnu naguère qu’ii est temps de se pourvoir contre la misère dérdesurée et im* vahissanté, eh donnant des solutions favorables aux demandes des fermiers et cultivateurs. Do son côté, te ministre. Chamberlain à proclamé qu’il h’y avait d’autre solution possible que la réorganisation écoitomique de l’Etat.
- En attendant, une vive polémique basée sur cet argument est engagée entra tous les jodrbaüx, ad grand bénéfice de 1’ « Union » qui continue sa propagande avec le concours de tous les travailleurs, intelligents et consciencieux.
- « Il sègolo »
- ALLEMAGNE
- M. de Bismarck vient de présenter au Reichstag un nouveau projet de loi sur l’assurance ouvrière.
- L’économie de celle-ci consiste à garantir aux ouvriers de l’industrie oti des mines, air si qu’aux employés ayant un traitement ânnUeide moins de 2,500 francs, une indemnité en cas d’accidents survenus sans leur faute du-râiit leur travail. Cette indemnité consiste dans les frais du traitement, après la treizième semaine dé la maladie révolüe et dans tme rente viagère qui atteint deux tiers de salaire moyen, inférieur â 5 fra- es par jour, en cas d’incapacité partielle. Là portion du salaire quotidien supérieure à 5 francs n’entre que pour un tiers dans l'évaluation. Eu cas de mort, l’assurance pourvoit aux frais des funérailles ; ebe sert à la veuve une pension égale au cinquième du salaire de Son mafi, avec un supplément de un dixième par etifatilau-dessous deqùinze ans, ëansqüe reüsètü.ble de c:>S pensions puisse dépasser là moitié du salaire du défunt ; enfin, elle sert a ses asbendarlts iiêceSsitôux une pension de ufi cinquième de soti salaire. Les bureaux de posté se chargeront du payement de ces reniés.
- La loi pourvoit aux frais de cètfe organisation par fine assurance obligatoire, mise entièrement à, ia charge des patrons et entrepreneurs Ü’üidustries, les ouvriers restant exempts de ibütë partlcipâtioh. Il est à remarquer que cette organisation ne comprend ni les ouvriers agricoles; ni les employés de l’empifo, dé l’Etat ou des communes. Tandis que le précédent projet rie loi était basé sur une classification des risques, le projet actuel est fondé sur lé rétablissement des corporations, c’est à-dire que les efitrepïeneurs d’industries similaires, dans toiit l’empire, sont constitués obligatoirement en corpofà tions, subdivisées el;es-mèmes eu groupes locaux, et astreints à contribuer aux charges au prorata des salaires et traitements qu’ils payent à leurs ouvriers et employés.
- Il est bbri de remarquer que cette œuvre, en apparence toute d’administration et d’ordre intérieur, est entreprise par l’empire, par-dessus la tétë (les gouvernements et des Parlements confédérés : c’est à l’empereur et non à leurs souverains particuliers qtie les travailleurs seront redevables de ces bienfaits.
- Le troisième point caractéristique dei a conception du prince de Bismarck, c’est qu’eile exclût les sociétés d’assurances particulières, mutuelles aussi bien que constituées paradions, pour imposer aux patrons la forme spéciale définie par la loi. Le concours pécuniaire dé 1 eranirë, qui avait été le motif principal du rejet des précédentes propositions, est supprimé en apparence, triais il est rétabli sous Uns forme déguisée, puisque l’empire se substitue aux corporations devenues inviolables et procède à leur liquidation et à leur réorganisation. Or, ce cas sera d’autant pi US fréquent que ces associations se constituent salis apport dè Capital, qü’èiles iègieüt leur budget annuel de recettes sur leurs dépenses présumées et que., par suite, elles sont incapables de créer des fonds de réserve.
- Des tributiaiix d’arbitrage, composés de délégués, du gouvernement, des corporations et üèé Commissions Ouvrières, décident des cas litigieux.
- L’organisation et je fonctionnement des corporations ressortissent d’une manière générale du Conseil fédéral. Leür police générale appartient à ilfi office impérial dès assurances,siégeant à Berlin,à qui appartienlla décision dans la plupart des câs importants. Cet office se compose d’au moins trois membres (dont le président), fipcornés à vie par l’empèreur sur la bro position dù Coriseii fédéral, et de huit membres nommés pour quatre ans ar le Conseil fédéral, pàr lès patrohs et par les ouvriers, es membres éius reçoivent une indèmtiitô quand ils n’habitent pas ofdiiiairement Berlin. L’office impérial surveille l’exécution de la loi et peut frapper les infractions d’amendes s’élevant jusqu’à 1,250 francs.
- Enfin, il est interdit aux patrons et industriels de chercher à s’affranchir des obligations de la loi par des règlements ou par dés conventions spéciales avec leurs ouvriers ou employés. De telles stipulations insérées dans les contrats sont frappées de nullité et punies par la loi.
- • ÉTATS-UNIS
- L’interdiction de l’entrée en France et en Allemagne, par les gouvernements de cès deux pays, des viandes de porc de provenance américaine semble devoir être suivie de représailles de la part du gouvernement des Etats-Unis.
- On sait que l’Acadépiie des sciences, appelée à se prononcer sur les prétendues viandes trlchinées de l’Amérique, a déclaré qu’il n’y avait pas lieü de baser sur des considérations sanitaires l’éloignement de ces viandes des marchés français. Les promoteurs de cet interdit ont donc obéi 4 des inspirations protectionnistes qui ont vivement mécontenté je commerce américain.
- Les importations, eh France, de viandes américaines, qui s’élevaient autrefois â 60,000,000 dè francs.sont descend nés à 150.000. En Allemagne, on importait pour 40 000.000 de ces mêmes produits ; depuis la prohibition ce chiffre est descendu à 7,000,000.
- Le Congrès se propose de voter un bill inierdisahi l’entrée de certain» produits français et allemands en manière de représailles.
- Cette question, en apparence d’importance secondaire, est un dès symptômes Significatifs des complications commerciales qui nè tarderont pas à surgira ht sifite de là généralisation de l'outillage perfectionné» qüi tend à amener dans toutes les nations civilisées une surproduction relative, ii’ayant (Tatitrë èxblicatioq que la Mauvaise répartition des richesses. Lorsque les nations, à la suite dès rivalités commerciales, hé pourront plus écouFr à l’étranger leur surproduction, elles penseront peut-être à Se préoccuper de procurer à leurs nationaux les moyens pratiqués d’augmenter leUr consommation.
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- LIS DEVOIR
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- La Vie, ie Temps & les Travaux de Robert Owen(t)
- Résumé traduit des documents de Mm. Lloyd Jones et J.-H. Humphrèys Noyés
- XXXVII
- Un journal, le « Morning chronicle », publia, en 1842, des lettres d’utl M. AlèXâfldre Sommerville qui avait visité QueenvoOd.
- M. Sommerville fi’était pas socialiste. Voici comment il s’exprime sur l’œuvre qtii nous occüpe :
- « Bien que ce soit folie de la part des socialistes de gaspiller, depuis trois ou quatre ails, leur temps et environ 35,000 livres (875,000 francs) à d’autres travaux que le perfectionnement de la culture du sol, il faut reconnaître qü’une communauté qui exploite un millier d’acres dè terrain, assure de l’ouvragé èt des salaires aU travaillent*, et répartit ses bénéfices plus libéralement que les fermiers de son entourage, mérite d’être examinée.
- « La communauté s’abstient de préconiser son système par des conférences, mais elle n’en répand pas moins son influence pdr ses écoles industrielles.
- « En effet, les résidents de ’ Queenwood ont déjà accepté, de toutes les parties de la Contrée, des élèves dont les aptitudes sont développées dans toutes les voies dé connaissances utiles enseignées aujourd’hui dans nos meilleures écoles. A Queenwood l’enseignement théorique est combiné avec la pra-tiqüe dàîis les arts et les sciences.
- « Outre cela, une école enfantine, dirigée par une dame cle grand savoir et de grande expérience, développe les forces physiques des petits enfants, les dresse aux bonnes habitudes et forme leurs dispositions morales.
- » Le plan d’éducation comporte une école élémentaire pour les enfants de 7 à 14 ans et une école polytechnique pour les personnes de plus de 14 ans. Cette école donne l’enseignement théorique et pratique de l’agriculture, du jardinage et de tous les arts et métiers usités dans l’établissement. Il y a des chefs habiles dans chaque branche d’industrie.
- « Les gens du voisinage redoutaient d’abord les socialistes de Queenwood ; maintenant ils les respectent .
- « Les socialistes ont apporté de tous les points du royaume les outils les plus perfectionnés et les meilleurs procédés de travail.
- « Au sein d’une population pauvre, ils créent la richesse ; à un peuple ignorant, ils donnent l’éduca-
- (tj Lire le Devoir depuis le d0 dû 8 juillet 1883.
- tion ; à des travailleurs souvent inoccupés, ils assurent des travaux permanents ; enfin à des gens dont la morale laisse-souvent à désirer et qui au premier abord se méfiaient d’eux, ils donnent l’exemple d’une vie obligeant au respect tous ceux qui les connais -sent. »
- En avril 1843 un rapport du directeur de Queenwood établit comme suit la situation de la Société :
- Il est à remarquer que, dans ce rapport, Queenwood est parfois nommée Harmony.
- « J’ai le plaisir de constater que bien qu’il reste beaucoup à faire à Harmony, les objets dont la réalisation nous a été confiée sont en voie d’accomplissement. Les plus pressants engagements de la Société sont exécutés ; les bâtiments sont à peu près terminés ; beaucoup d’améliorations sont réalisées dans les fermes et les jardins ; les classes sont pourvues de professeurs convenables, nombre délèves et de pensionnaires sont arrivés et nombre d’autres nous sont promis ; ce sera là une source de revenus considérables. Ces revenus joints aux autres produits de l’établissement, nous font espérer que l’entreprise si intéressante de Queenvood se soutiendra par elle^ même a la fin de la présente année »
- Le congrès annuel des coopérateurs se réunit le mois suivant, mai 1843. Robert Owen est élu président du congrès à l’unanimité.
- Concernant l’entreprise de Queenwood, le congrès recommande le développement des écoles, la création d’une imprimerie, l’installation de machines pour venir en aide au travail humain ; il exprime l’opinion que c’est le travail et l'intelligence qui seront pour la Société les plus belles sources de revenus.
- Outré la difficulté de se procurer les fonds nécessaires pour mettre ces avis en pratique, l’entreprise de Queenvood se trouvait en face d’un nouvel embarras : Fondée spécialement en vue de combiner les travaux des champs et de l’atelier,-avec ceux de l’éducation et de l’économie domestique, elle ne pouvait dévier de son but et devenir une sorte de collège recevant des pensionnaires payants, sans soulever le mécontentement d’un grand nombre de ses fonctionnaires.
- On comprend que les directeurs de l’entreprise, eti proie aux plus graves embarras pécuniaires, Sbient, entrés, malgré les résistances intimes, dans là voie où les profits se montraient faciles ; mais la chose ne pouvait plaire aux membres qtii, depuis la fondation, considéraient que le but de la Société était d’émanciper les travailleurs, de réaliser pour eux les conditions du bien-être physique, intellectuel et moral, de les mettre en mesure de s’employer
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- eux-mêmes, d’être à eux-mêmes leurs propres pa- ; Irons et qui voyaient maintenant la Société dévier de son but, employer ses propres membres au service de pensionnaires payants du dehors.
- Cette nouvelle voie n’en fut pas moins suivie. Des arrangements furent pris pour recevoir les pensionnaires. Les jardins et les fermes furent soignés de laçon à séduire les visiteurs qui affluèrent bientôt à l’établissement.
- Mais, d’autre part, le mécontentement des sociétaires alla croissant. Aussi le congrès annuel de 1844 dut-il se préoccuper à nouveau de l’impulsion suivie à Queenwood et des changements à y apporter.
- Les fonds étaient toujours insuffisants et le mécontentement empêchait un certain nombre de coopérateurs de verser les subsides qu’ils avaient autrefois promis.
- Le bureau central jugea que le plus sage était peut-être de se rapprocher de la voie primitivement ouverte, de chercher davantage le bien-être des résidents et de limiter, dans la mesure acceptée par tous, le nombre des pensionnaires.
- De nouveaux fonctionnaires furent nommés ; malheureusement ces fonctionnaires n’avaient point une grande notoriété. Par conséquent iis n’inspirèrent point à tous les coopérateurs une ferme confiance et les capitaux ne furent point obtenus dans la mesure qu’on avait espérée. Outre cela, le changement de direction alarma les familles des pensionnaires restants. Or, ceux-ci étant une source de revenus, il y avait là une perspective de diminution de ressources ; tandis que d’autre part des dépenses nouvelles réduisaient les intérêts des fonds placés dans la société ; il devint donc évident que l’œuvre de Queenwood touchait à sa fin.
- Le domaine était la garantie des capitaux mis dans l’entreprise. Afin d’éviter une déroute, on décida de clore les opérations. Les affaires furent réglées à l'entière satisfaction des intéressés.
- Néanmoins les ennemis de Robert Owen se réjouirent de cette rupture comme de l’échec d’un adversaire et firent circuler les plus fausses appréciations sur le but de l’entreprise de Queenwood et ses causes d’insuccès.
- Rovert Owen avait alors 75 ans. Parmi ceux qui l’entouraient, bien des hommes jeunes et vigoureux furent abattus par la chûte de Queenwood, lui demeura calme, inébranlable dans son espérance du triomphe futur de l’idée d’association, et aussi ardent que jamais à travailler de toutes ses forces pour le bien de la cause.
- Un soir, causant avec Lloyd Jones il lui dit : « Me
- voici vieux maintenant, j’ai examiné de près tous les évéments qui ont influencé ma vie et j’ai constaté que bien des choses qui, à leur arrivée, m’ont paru déplorables ont eu pour moi les conséquences les plus heureuses ; fandis que certains événements qui m’avaient causé la plus vive joie ne m’ont valu par la suite que peines et tourments. Sachant cela, je demeure calme en face des événements attendant que j’en puisse apprécier réellement les conséquences. Si elles sont heureuses, je m’en réjouis ; si elles ne le sont pas, ma peine est graduelle et par conséquent plus facile à porter. »
- Il est à signaler que la Société des Equitables pionniers de Rochdale, si prospère aujourd’hui, prit naissance quelques mois avant la chûte de Queenwood.
- L’œuvre entreprise à Rochdale était différente de celle tentée à Queenwood ; néanmoins, il y a entre elles ce lien que les fondateurs du magasin de Rochdale envoyèrent des délégués à Queenwood pour prendre des conseils et des instructions avant de commencer leurs opérations.
- Les partisans de Rochdale comme les sociétaires de Queenwood étaient tous des amis et des adeptes de Robert Owen. On voit donc que le mouvement coopératif actuel remonte en droite ligne jusqu’au célèbre Réformateur.
- {A suivre).
- Une pétition à la Chambre Française
- Sous ce titre, le « Secolo » de Milan, en date des 10-11 courant, porte au rang de question du jour ce qui suit :
- Etudier, discuter toutes les questions sociales qui intéressent les classes ouvrières, sans nuire ni toucher aux intérêts existants, est une entreprise digne d’attention et de louange.
- Les réformes sociales sont nécessaires, inéluctables ; elles sont une conséquence du progrès de la société.
- Veiller aux intérêts des classes laborieuses, repousser les préjugés, comprendre que l’immobilité conduit au désordre, voilà ce que devraient faire les détenteurs du pouvoir ou ceux qui, dans les Parlements, font les lois.
- Les questions sociales ne sont créées par personne. Elles existent : Les résoudre c’est pacifier les résistances et prévenir les revendications violentes.
- — Nous ne voulons pas repousser la vérité, disent certains gens de bonne foi ou qui n’osent parler autrement, mais où prendre les capitaux voulus pour
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- atteindre aux réformes justes et prônées? S’il n’e t pas possible de se procurer les fonds nécessaires, ne serait-il pas prudent d’éviter l’étude de ces réformes impossibles ?
- On ne peut, selon nous, donner réponse plus entachée d’un incompréhensible aveuglement.
- Que voyons-nous en Europe sinon les dissidences s'accentuant de plus en plus chaque jour entre les diverses classes de la société, les passions égoïstes irritant, au grand péril de l’ordre, les plaies du corps social et poussant ceux qui soutirent aux revendications ?
- Un homme illustre, un philanthrope, apôtre ardent et convaincu des sciences sociales, un de ceux trop rares, hélas ! qui prêchent de splendides exemples — l’ancien député Godin, le fondateur du grand Familistère de Guise, — a envoyé au Parlement français une pétition suivie d’une proposition de loi dans laquelle est développé d’abord et formulé en articles ensuite, le projet par lequel, selon Godin, l’Etat, tout en maintenant le budjet en parfait équilibre et en allégeant le poids funeste des impôts, pourrait satisfaire à l’un des plus urgents besoins des classes laborieuses : « la sécurité du lendemain et les garanties contre la misère. »
- Le point fondamental des réformes sociales est de déterminer par quels moyens le peuple rentrera en possession de ses droits.
- L’auteur du projet en question ne cause, par cette restauration, ni spoliation, ni violence ; il accomplit, par de sages modifications légales, une réforme qui renferme en elle-même la solution des plus grandes difficultés sociales.
- Le moyen proposé est « une modification nécessaire dans les lois sur l’hérédité. »
- Que personne ne tremble! Il ne s’agit ni d’abolir la propriété, ni d’enlever à ceux qui possèdent pour donner à ceux qui n’ont rien, puisque, dans l’esprit de Godin, les véritables réformes sont protectrices des droits de tous les citoyens.
- Il s’agit de rétablir les droits méconnus et d’assurer à tout homme le libre développement de ses facultés.
- Il s’agit de fonder le droit à l’existence en faveur du peuple, chose qui exige non des ressources éventuelles mais des ressources assurées.
- A qui les demander? Aux riches sous forme d’impôts ? Ce serait trop grave à notre époque égoïste où l’on ne comprend que le « chacun pour soi. »
- Comment sortir de là ? L’illustre français propose « le droit d’hérédité de l’Etat au patrimoine des citoyens décédés, hérédité partielle ou totale selon les cas. »
- Cette mesure, dit le proposant, est de droit naturel et social. D’une part, elle restitue au fonds commun la partie provisoirement aliénée ; d’autre part, elle rend à la Société l’équivalent du concours prété par celle-ci à l’édification des fortunes individuelles.
- Nous verrons comment Godin développe sa thèse et de quels arguments sérieux il a su l’entourer avant de la traduire en proposition de lois. »
- Le deuxième article du « Secolo » nous parvient au moment où nous livrons celui-ci à l'impression. Ce deuxième article contient une question très importante à laquelle nous répondrons dans le prochain numéro du « Devoir. »
- Correspondance d’Angleterre
- La politique et les faits sociaux dans le Royaume-Uni en 1883.
- Mil huit cent quatre-vingt-trois n’aura pas été, en ce qui concerne la Grande-Bretagne, fertile, en événements politiques ou sociaux d’une grande importance ; néanmoins, peut-être ne sera-t-il pas désagréable aux lecteurs du Devoir que nous passions rapidement en revue ceux d’entre ces faits qui laisseront leur marque dans les annales du Royaume-Uni.
- Parmi ces événements, il en est un, tout-à-fait dramatique, qui se rattache à la fois aux premiers et aux derniers jours de 1883. Nous avons nommé l’assassinat de lord Cavendish et de M. Burke, sanglante tragédie s’il en fût, qui commence à Dublin, dans le Phœnix-Park, pour se continuer à bord du Melrose Castle, où le 29 juillet l’infâme Carey tombait frappé à mort, et qui se terminait, il y a quelques jours à peine, par l’exécution de O’Donnel, le justicier des Invincibles, dans la prison de New-gate à Londres.
- Certes, nous n’éprouvons pas une très grande sympathie pour une Wehme du genre de celle des Invincibles qui, s’arrogeant le droit de justice, ne craint pas de sacrifier plusieurs innocentes victimes pour atteindre un coupable ! Mais d’un autre côté, nous devons avouer qu’après avoir suivi attentivement, pendant plusieurs années déjà, ia lutte cruelle et inégale que soutient l’Irlande pour l’obtention de l’autonomie à laquelle elle a droit, et après nous être surtout rappelé les persécutions de tous genres qu’elle a subies, nous ne sommes pas étonnés que les sociétés secrètes fleurissent dans rile-Sœur et que certains de ses enfants, perdant
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- toute confiance dans l’efficacité des moyens légaux, aient recours à la force pour renverser le joug qui les accable.
- Sans aller fouiller dans l’bistoire et sans remonter aux usurpations et aux oppressions systématiques dont les Anglais se sont rendus tant de fois coupables envers les Irlandais, on n’a qu’à se rappeler le règne de M. Forter, dit Buckshot, sous lequel les évictions ont fleuri comme jamais ; on n’a qu’à se remémorer ce régime de terreur rous lequel un Smith, inspecteur du corps des constables du comté de Clarc osait recommander, par une circulaire, aux policiers-soldats placés sous ses ordres, dp faire inir médiatement feu sur la ou les personnes soupçonnées de tentative d’assassinat, afin de prévenir la seule possibilité d'un tel attentat / (1) On n’a, disons-nous, qu’à se rappeler des faits semblables et bien d’autres qu’il serait trop long d’énumérer ici, pour comprendre le degré d’exaspération auquel a pu en arriver une population soumise à un traitement de ce genre.
- Aussi, qu’est-il arrivé? C’est qu’en dépit des concessions, insuffisantes d’ailleurs, péniblement arrachées par les libéraux au Parlement, le parti national irlandais, loin de perdre des forces et de désarmer, n’a fait que développer une nouvelle et irrésistible énergie, si bien qu’apjourd’hui les partisans de M. Parnell sont plus nombreux et plus unis que jamais, et qu’aux prochaines grandes élections le vote irlandais jouera dans la Grande-Bretagne un rôle presque aussi important qu’en Amérique.
- Les Anglais le reconnaissent, mais ils ne savent pas discerner, ou plutôt, ils ne peuvent encore se ré^ soudre à accepter le seul remède qui, suivant nous, pourrait rendre la paix et la prospérité à l’Irlande, et qui consisterait à accorder à l’Ile-Sœur cette autonomie que possèdent déjà le Cap, l’Australie, le Canada et maintes autres colonies britanniques, les-quelles, cependant, n’en reconnaissent pas moins la suzeraineté de l’Angleterre,
- Ne seraitme pas là, nous le demandons, le vrai moyen de donner satisfaction aux justes aspirations de Tir* lande, sans mettre en péril son union avec la Grande-Bretagne ?
- Et ne peut-on pas dire aujourd’hui avec raison, en parlant du Royaume-Uni, que ce n’est point tant l’union qui en fait la force, que la force qui en fait l’union ?
- (1) « Dans le cas, ajoutait l’auteur de cette monstrueuse circulaire, où quelques uns d’entre vous commettraient une erreur, et tueraient d’un coup de feu quelque personne soupçonnée d’avoir voulu commettre un crime, iis seraient justifiés à mes y8ux sur leur simple déclaration et la présentation de ce document. » (Textuel.)
- Un incident carieux et fort instructif pour ceux qui aiment à aller au fond des choses, a marqué, pendant l’année qui vient de s’écouler, les rapports de la Grande-Bretagne avec les Etats-Unis.
- On sait qu’un des grands moyens, un des remèdes favoris du gouvernement anglais pour combattre le paupérisme en Irlande, sans encourir la colère des grands terriens, consiste à favoriser l’émigration. John prétendant par*là que l’Irlande si fertile, qui comptait, il n’y a guère plus de 40 ans, plus de huit millions d’habitants, ne saurait suffire à la subsis* tance des cinq millions d’enfants qu'elle possède aujourd’hui.
- Or, les rapports des Consuls des Etats-Unis dans ]e Royaume-Uni nous ont appris que le gouvernement Anglais avait organisé, d’une façon plus ou moins occulte, 1’émigration, ou pour mieux dire la déportation sur une vaste échelle, en Amérique, d’indigents irlandais âgés, infirmes, ou pour toute autre raison incapables de se suffire par leur travail j trouvant ainsi le moyen, suivant les propres expressions de M. Ecoles, Consul des Etats-Unis à Sligo, « de rejeter sur l’Amérique un fardeau que l’Angleterre trouve trop lourd pour ses épaules. »
- L’opinion publique s’est vivement émue d’une conduite semblable, qui marque autant d’inhumanité que d’indélicatesse, et qui, en outre, est en contravention directe avec les lois en vigueur aux Etats-Unis. Aussi, outre l’échange de notes diplomatiques auxquelles l’incident a donné lieu entre les Cabinets de Washington et de Saint-James, il est à noter que le cousin Jonathan a su donner une forme plus pra» tique à sa protestation en réexpédiant à John Bull une partie de sa cargaison de pauvres, d’infirmes et d’enfants en bas âge.
- Ce fait caractéristique de l’action de l’Angleterre en Irlande valait, croyons-nous, la peine d’être rap<* pelé ici.
- Londres, le 4 janvier 1884.
- (Asuivre.) P.-L. Maistre.
- ---------«iuppii m IB II ffl UTW*»»- ...^
- ARBITRAGE INTERNATIONAL
- On lit dans le « Herald ofpeace » de Londres :
- La ligue nationale d’arbitrage aux Etat-Unis a provoqué la réunion d’un congrès à Philadelphie, fln novembre dernier, pour l’examen des questions concernant l’arbitrage international. Un grand nombre de délégués étaient présents. M. Hobts, d’In-diana, lut un discours tendant à l’adoption, par toutes les nations civilisées, d’une politique d'arbi* trage international dans toutes les causes de dissentiments. Il s’efforça de démontrer que le règlement des discussions entre nations par le principe barbare de la force causait les plus graves préjudices aux
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- LE DEVOIR
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- deux nations belligérantes et les plus grandes souffrances aux peuples, apportait le stagnation dans les affaires et augmentait les dettes nationales.
- Après deux jours de délibérations, le congrès émit les déclarations suivantes :
- L’enseignement de l’histoire en appuyant beaucoup plus sur les faits de guerre que sur les details de la vie intérieure des peuples, donne une idée er-ronnée de l’importance de la guerre et porte à croire ! que les différends internationaux ne peuvent être | réglés autrement que par les armes. t I
- Le congrès demande instamment aux ministres de tous les cultes de présenter les négociations arbi- | traies pour le règlement de tous les différends in- jj ternationaux, comme un pas vers le triomphe uni- j versel du Dieu de paix.
- Il requiert les éditeurs de tenir toujours présent à l’esprit public le principe d’arbitrage ; les conférenciers et les professeurs de préconiser sans cesse ces idées au peuple.
- Il décide que le discours de M, Hobbs sera imprimé et propagé après avoir été revu et condensé par un comité spécial.
- Il demande la formation, aussitôt que cela sera pratique, d’un code et d’un tribunal internationaux.
- Il prie toutes les sociétés de paix, en Europe et en Amérique,de sollieiterdeleurs gouvernements respectifs, chaque fois que s’élèvent entre eux des différends tendant à la guerre, d’informer ouvertement les nations et les peuples des causes de leur dissentiments, ou de faire elles-mêmes en leur qualité de sociétés de paix les enquêtes nécessaires et d’en publier les résultats. En même temps les sociétés de paix rappelleront l'usage fait de l’arbitrage par le gouvernement des Etats-Unis spécialement durant les quatre administrations successives des présidents Grant, Hayes, Garfleld et Arthur.
- Le congrès sollicite le gouvernement américain de prendre dès maintenant des mesures pour constituer un congrès des nations de l’hémisphère occidental, en vue de régler judiciairement les différends qui pourraient s’élever entre les nations américaines.
- Il demande au gouvernement d’inviter à un congrès analogue telles nations d’Europe ou des autres continents qui seraient favorables à l’idée.
- Il propose que la convention nationale nomme cinq commissaires chargés de présenter à Washington un projet sur les questions en cause.
- Il demande enfin qu’une commission soit chargée par le Président de négocier avectels gouvernements qui seraient disposés à concourir à l’adoption pratique de l'arbitrage international, et qu’un congrès soit requis de faire le nécessaire à ce sujet.
- ONE GRAVER LACUNE
- J’ai lu dernièrement dans le journal le Devoir une observation critique très-juste relativement à une grave lacune de l’éducation française, à savoir : notre ignorance des langues vivantes. Cette critique n’est que trop fondée. Je viens d’avoir occasion de le constater durant un séjour de 5 semaines dans plusieurs de nos stations hivernales du midi de la France.
- Alimentées, comme on sait, uniquement à peu près par des étrangers, la possession des langues est,
- pour le personnel des grands hôtels et des établissements commerciaux, une condition sine qua non. Aussi ne rencontre-t-on nulle part des Français. Nos compatriotes, n’étant nullement polyglottes, sont forcément exclus de toutes les fonctions et emplois nécessaires à l’administration des nombreux et vastes établissements des 110s stations hivernales.
- Cette ignorance des langues, chez la jeunesse française, est une sérieuse entrave à l’emploi de nos compatriotes, connaissant l’anglais et l’allemand, même en France, à plus forte raison, à l’étranger; elle en est une, également, à l’expansion de nos relations commerciales, dans les pays lointains.
- Sur tout mon parcours et dans les différentes stations où j’ai séjourné, j’ai pu constater que, sauf exception, tous les emplois du plus humble au plus élevé dans, les grands hôtels et les établissements commerciaux, sont occupés par des étrangers anglais et allemands. Jeunes gens très-bien élevés, de 16à 25 ans, parlant couramment le français, l’anglais et l’allemand. J’avoue que j’en ai été humiliée pour mon pays.
- N’est-il pas déplorable, en effet, de voir une nation intelligente comme la nôtre, rester en arrière sur un point aussi essentiel aux rapports commerciaux que la connaissance des langues ?
- Aujourd’hui que la science a mis en rapport les hommes des régions les plus lointaines, et supprim é les distances, cette étude devient une nécessité impérieuse.
- L’enseignement de l’anglais et de l’allemand dans nos hautes écoles et lycées est absolument insignifiant; j'en ai fait l’expérience par l’éducation de mes propres enfants. Ils étaient incapables de répondre aux phrases les plus simples — après des années de fréquentation du cours» La même chose s’observe chez les étudiants des carrières libérales et chez les élèves des écoles primaires — pépinières nationales de l’élément travailleur, l’enseignement des langues étrangères ne figure pas encore à leur programme. Cependant la connaissance d’une langue étrangère — de l’anglais — que l’on peut considérer comme la plus aisée, et aussi la plus répandue dans le monde des affaires, serait, pour les travailleurs, hommes et femmes, une acquisition précieuse» Une série de passe-partout qui leur ouvrirait les portes à l’étranger et leur permettrait,non-seulement d’y trouver des emplois, mais encore d’acquérir des connaissances nouvelles et de pouvoir comparer les méthodes du dehors au profit de notre industrie et des relations internationales.
- A propos des moyens les plus propres à l’enseigne-
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- IÆ DEVOIR
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- raaiit rapide et pratique des langues vivantes, il a été î
- IL SECCLO
- éœîs une idée féconde; celle de lycées internatlû- j naux. En efRt, il est acquis que la meilleure méthode pour s’assimiler ur.e langue c’est de l’apprendre à parler dans le pays même où elle est en usage. Le j but serait atteint, et, sur une vaste échelle, dans les ; lycées de ce genre, par le contact permanent d’en- | fants de deux nationalités différentes qui s’enseigne- ; raient mutuellement leur langue sans s’en apercevoir. !
- Il résulterait, en outre, de ces relations de catna- j raderie, une conséquence d'ordre moral très-élevé — j
- Gazelia, di Milano
- Journal politique quotidien 100.000 exemplaires y jour.
- Le Secolo, le plus complet elle plus répandu des journaux italiens, donne en Prime gratuite à ses abonnés Au a an, deux journaux illustrés hebdamodaires et 12 sunpléments illustrés.
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- l’extinction du préjugé des soi-disant haines de races — fiction politique qui serf de véhicule k ce s conflits entre hommes qui ne se sont jamais vus. On se rappelle les bonnes relations des ouvriers allemands, qui avant la guerre 1870, venaient fraterniser aux congrès et meetings des ouvriers français comme le font les Anglais nos soi-disant ennemis d’autrefois. Faire cesser ces préventions, que j’appelle artificielles, en faisant parler les langues et taire le canon, serait certainement rendre à la société et à l’humanité le plus signalé service.
- V. Griess Traut.
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- On s’abonne en envoyant un mandat sur la poste ou sur une maison de Paris, ou des timbres-poste, à l’ordre de M. Fombertaux, administrateur de VHôtel de Ville, rue du Faubourg-Montmartre, iO.
- L'Hôtel de Ville se trouve dans les kiosques, dans les gares de chemins de fer et chez tous les marchands de journaux,
- Théâtre du Familistère de €tuise
- Direction : A. Tétrel et A. Berthet
- Bureau 8 heures
- SAMEDI 19 JANVIER 1884
- Rideau 8 h. 1 /2
- Représentation donnée
- par la Troupe du Grand Théâtre de St-Quentin LLS
- Drame en 5 Actes et 8 Tableaux, de MM. D’Ennery et Cormon.
- Premier Tableau : L'ARRIVÉE DU COCHE Deuxième Tableau ; Le Pavillon du Bel Air Troisième Tableau : Le Cabinet du Lieutenant de Police
- Quatrième Tableau : LA PLACE St-SULPICE Cinquième Tableau : L’ARRESTATION Sixième Tableau : LA SALPÉTRIÈRE Septième Tableau : La Tribu des Frochard Huitième Tableau : LES DEUX ORPHELINES
- DISTRIBUTION :
- Pierre MM. Fervelle.
- Marquis de Linière. Raoul Noël.
- Jacques Villars.
- Comte de Vaudrez . Malon.
- Le docteur .... . Nesme.
- Martin Henri.
- Picard . Sabattier.
- De Presles .... . Husson.
- Lafleur Dambrine.
- De Mailly .... Bourdillat.
- Marest Briet.
- La Frochard . . . . Mmes Fervelle.
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- Louise Luceüille.
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- La Comtesse ... . Cazabon.
- Sœur Geneviève . . . Roland.
- Mariante Gabrielle.
- Julie . Husson.
- Margot . Suzanne.
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- Un sergent .... Boulanger.
- Seigneurs, gardes, bourgeois, prisonnières.
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- SAINT-QUENTIN
- Société anonyme du Glaneur, Grand’Place, 33.
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- 8e Année, Tome 8. -- n° 281 îe numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 27 Janvier 1884
- LE DEVOIR
- REVUE MS Ol'ESTIONS SOCIALES
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France Union postale
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- Un an. ... 10 fr. »» Six mois ... 6 »» Trois mois . . 3 »»
- Un an. ... 11 îr. »» Autres pays Un an, . . . 13 fr. 60
- ON S’ ABONNE A PARIS
- 5 ,r .N euve-des-petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Note de l’administration. —• La Révision. — Erection d'une statue. — Adhésion à la Ligue de la paix. — Paix entre les peuples. — Mutualité contre la misère. — Nationalisation du sol. — Varbitrage. — Projet de Pèlerinage. — Mots de Progrès. — Faits politiques et sociaux. — Robert Owen. — Gallia doceat. — Curieuses expériences. — Correspondance d'Angleterre. — Les femmes militaires. — Etat Civil. Cours d'adultes.
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement k titre d'essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, Vadministration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NOTE DE L’ADMINISTRATION
- Le Devoir publiera dans ses prochains numéros une série d'articles sur la Question ouvrière.
- Des paquets de 10 numéros seront envoyés franco contre demande accompagnée d’un envoi de 75 centimes ; les paquets de cent numéros seront expédiés franco au prix de 5 fr.
- Adresser les demandes, avant le 1er février, à la librairie du Familistère, à Guise, département de VAisne.
- LA RÉVISION
- Tous les partis demandent la révision. Ce qui ne signifie pas que tous les hommes politiques soient d’accord.
- Tous ne cessent de prononcer le même mot; aucun ne souhaite la même chose.
- Que peut comprendre le peuple dans ce gâchis !
- Il se dégage pourtant un enseignement, qui devrait éclairer les meneurs de l’opposition républicaine, s’ils sont susceptibles d’être corrigés.
- Lorsqu’on veut être une opposition sérieuse, on ne se met pas en campagne sur un mot sans signification précise que chacun peut accepter sans qu’il en résulte pour lui des obligations déterminées.
- L’extrême gauche avait négligé cette précaution ; et cela, volontairement, à la suite de plusieurs délibérations , dans lesquelles M. Clémenceau avait insisté sur la nécessité de ne donner aucun caractère défini à la campagne révisionniste. Les fondateurs de la Ligue avaient déclaré, indiscipliné, et indigne de prendre part à l’action commune, quiconque voulait un autre mot d’ordre que celui de Révision, séparé de tout qualificatif et de tout commentaire.
- Ces profonds politiques avaient fièvreusement commencé l’agitation revisi®nniste. Dix grands journaux avaient entonné l’air monotone de la Révision sans épithète, ce qui était très gênant pour les faiseurs de copie obligés de traiter un sujet sans rien dire des questions qui s’y rattachaient.
- Les orateurs de la Ligue, tous députés munis de leurs permis de circulation, allaient du Nord au
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- LE DEVOIE
- Midi, de l’Est à l’Ouest, chantant partout l’air de la Révision agrémenté, suivant les localités, d'un refrain avec des variantes sur les réformes à intro-r duire dqqs les prérogatives de la Chambre haute ; les ténpps de la troupe révisionniste s’élevaient parfois jusqu’au « sus au Sénat ! ». Il était tacitement admis que ces roulades étaient du domaine de l’improvisation, qu’elles n’engageaient pas la ligne de conduite de la Ligue. On avait même soin de passer légèrement sur ces incidents dans les comptes-rendus publiés par les journaux amis.
- Tout allait pour le mieux dans la meilleure des Ligues, lorsque M. Ferry, lui aussi, prononce le mot sacré, sans commentaire, sans épithète, comme un ligueur orthodoxe.
- Cette adhésion d’un puissant personnage, acceptant la révision, telle que l’avaient criée les promoteurs de l’agitation révisionniste, loin d être considérée par les ligueurs comme un heureux événement, soulève leurs colères et leurs réclamations.
- M. Ferry est publiquement accusé d’avoir chipé la Révision des révisionnistes.
- Il ne faut rien croire de ce mauvais bruit, M. Ferry a simplement voulu parler de sa révision à lui, qui, comme celle de M. Clémenceau, n’a pas de signes particuliers.
- Mais le différend subsiste, et menace de prendre de grandes proportions.
- Si le juge veut le trancher autrement que par un grand éclat de rire, je le vois bien embarrassé.
- Jamais litige n© se présenta dans des conditions plus embrouillées.
- Si on interroge les plaignants influents sur la couleur de leur Révision, l’un répondra qu’elle était rouge; UU autre, rose; un troisième, qu’elle était verte ; Je plus malin dira que sa caractérisque était d’être incolore ?
- Le juge insuffisamment éclairé renoncera à se prononcer d’après la couleur. La forme ne lui donnera pas d’indications plus précises : les uns affirmeront qu’elle était pointue ; les autres, carrée ; quelques-uns ronde; aucun n’osera dire qu’elle avait la forme d’une carotte.
- Ne pouvant avoir un même renseignement de deux ligueurs, le juge n’aura plus qu’un moyen, celui d’obtenir des aveux de la part de l’accusé.
- Mais, Monsieur Ferry répondra simplement que sa révision, à lui, a toutes les couleurs, et la forme d’un payé.
- Le juge ne comprenant pas très bien demandera au ministre de faire voir sa révision .
- Jules Ferry, persévérant dans la voie des aveux, dira que, en voulant la jeter à la tête des radicaux, il I
- l’a envoyée dans une mare, d’où on aura grand peine à la retire^ dans un état présentable.
- Le pire serait, après ces explications, 4o Y°ir les deux parties continuer leurs lamentations, et ne pas comprendre qu’elles doivent une réparation n l’opinion publique depuis trop longtemps troublée par des commérages politiques indignes de son attention.
- Reprenons un langage sérieux pour parler de choses sérieuses.
- Toutes les fautes se rachètent, même en politique. La première condition est de se rendre exactement compte de quelle manière l’on s’est trompé.
- L'opposition a été maladroite, et M. Ferry s’est conduit en homme habile, même en homme de gouvernement.
- Les parrains de la Révision sans phrase sont malvenus à se plaindre si bruyamment.
- M. Ferry a simplement appliqué des enseignements fréquemment professés par M. Clémenceau et ses amis en face des socialistes.
- Allez, instruisez les masses, disaient les radicaux aux socialistes ; soyez pratiques, montrez-pous les ouvriers rallies à vos doctrines; organisez, avec vos propres moyens, d’imposantes réunions ; et, lorsque nous verrons les classes laborieuses éprises de vps revendications, vous pouvez compter sur toute notre bonne volonté à les faire prévaloir.
- Eh bien ! M. Ferry n’a pas procédé autrement*
- Il faut avouer que, dans les pircoustances présens j.es, il n’a pas eu grand mérite à manœuvrer dans un champ aussi vaste que celui choisi par la gauche en matière de révision.
- Cela indique suffisamment ce que doivent faire les révisionnistes de la veille, s’ils désirent se maintenir dignement sur un terrain qu’ils ne peuvent abandonner sans se rendre coupables de désertion t
- Sans perdre de temps, il est nécessaire de faire le contraire de ce qu’ils ont fait jusqu’à présent. Les révisionnistes sincères se mettront au-dessus des scrupules d‘un faux amour-propre, qui serait une faiblesse et une nouvelle faute ; ils s’empresseront de se rallier à un projet de révision parfaitement défini, de telle sorte que, le jour, où un homme de gouvernement voudrait s’en emparer, cette usurpation ne puisse se produire sans soulever la réprobation publique.
- S’ils agissent autrement, ils se conduiront comme de vulgaires ambitieux, sans éducation politique, no sachant pas que le pouvoir acquis sans peine n© présente ni honneur ni chance de durée.
- Une position plus belle que celle des gouvernants est à prendre. Les hommes publics, qui voudront à
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- Itë DEYQIR
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- cette heure s’occuper de Téducation économique des masses, trouverqpt pu appui suffisant pppr jouer le rôle d’une brillante opposition, honorée, encouragée, et récompensée è son heure par lq possession des situations prépondérances.
- Pour atteindre ce résultat, il est nécessaire de se placer dans une sitpation vraie, avec un hut parfaitement déterminé, et assez éleyé pour p’pvoir pas à le changer sans cesse. De cette manière, dès que l’on a traversé la période d’affirmation toujours pé-r#le, jes efforts çfo cfoaqqe jour yeqant s’ajouter à ceux de la veille, on atteint ainsi dans un temps relativement court un njyeau où l’on ne serait jamais parvenu, si l’on avaitconsidéré chaque étape, comme un hut particulier, devant être parcourue sans préoccupation de l’idée générale.
- Il importe peu que la révision soit faite par un Congrès ou bien par upe Constituante, pourvu qu’elle soit sagement comprise. Un malade ne s’inquiète pas d’être soigné par un officier de santé ou par un docteur, lorsqu’il éprouve un mieux appréciable.
- Les socialistes sont aussi des révisionnistes, et des
- révjsiqnni^fo® fivd ont circonscrit i®up champ d’action, pas asspz étroitement pour qu’il ne puisse cpn-; tenir Hmiparbté toute entière, mais avec assez de prudence POPC CP fermer l’entrée à quiconque yeut jouer Où ruser avec tes questions qui intéressent la la vie ffos peuples ,
- Pourquoi les radicaux ne se conduiraient-ils pas avec les socialistes pomme M- Ferry s’e§t comporté enyers eux ? Pourquoi ne relèveraient-ils pas leur drapeau révisionniste çouyert des revendications socialistes ? La confusion serait désormais impassible.
- IVtême, en ne peut faire moins que réclament les socialistes, sous peine de faire couvre inutile. Une réyision purement politique ne répondra pas aqy: aspirations des travailleurs, Généralement on ne se plaint pas de manquer de liberté \ toute l’agitation publique fomentée par les travailleurs pendant ces huit dernières années n’a eu d’autre cause que le défaut dp sécurité et les inquiétudes du paupérisme.
- La nouvelle constitution doit compléter la déclaration des droits de l’homme, œuvre trop abstraite, puisque sous son couvert on a pu introduire toutes les iniquités sociales qui poussent à la révolte les classes laborieuses.
- La nouvelle Çonsfitutian doit prçclamep que tous les citoyens ont droit à la vie. J2t comme le peuple ne peut vivre de déclarations et de formules dépourvues de sanction, elle doit décréter Vorganisa-: tion immédiate d'une mutualité nationale> fonction-
- nant aux frais de \a société, et suffisamment pourvue pour procurer le minimum de subsistance aux familles nécessiteuses, pour, assurer aux malades les soins indispensables et des retraites gux vieilr lards et aux victimes des accidents, et procurer des garanties aux travailleurs.
- Les révisionnistes, qui n’ont pas le courage de faipe une affirmation aussi nette, à moins qu’ils ne la combattent ouvertement, çt alors ils ne sont que des monarchistes sans le savoir, peuvent être accusés de n’avoir 1$ moindre ppncpptjpu des idées républicaines ou bien de chercher dans des déclarations vagues une popularité de mauvais §loi.
- Plus d’opposition indécise ; à cette heure, elle serait une hypocrisie- Il est de rhqnneur de phaque parti de faire connaître dès maintenant pn termes clairs et précis son opinion sur fo fond meme $9 la révision de la Constitution,
- Érectisjs d’p? Statue à HENRI MARTIN
- Le comité d’initiative pour l’érection d’une Statue à Henri Martin nous adresse l’appel suivant ;
- Le 14 décembre, une nouvelle foudroyante frappait la France entière, fdenri Martin venait de mourir.
- Ce coup inattendu atteignait plus vivement encorp Saint-Queptin, sa yille natale,
- La Chambre des députés votait à ce grand citoyen des funérailles nationales,
- Le Conseil municipal de Saint-Quentin décidait, au mpine moment, l'érection, sur Tune des places puhiiques de cette ville, d’une statue à la mémoire du plus glorieux de ses enfants, Connaissant votre admiration pour les vertus et les travaux du patriote que nous pleurons, nous comptons sur votre concours pour faire partie du Comité chargé d’organiser les souscriptions et de s’occuper de l’épeotfon du monument.
- C’est avec la plus entière confiance que nPUS attendons votre adhésion.
- Veuillez agréer, Monsieur, l’assqrance de notre considération la plus distinguée.
- Pour le Comité :
- Le Maire de Saint-Quentin, Président, MARIOLLE-PIMGUET.
- La vie de notre grand historien a été trop bien
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- LE DEVOIR
- employée pour que nous n’accordions avec empressement notre concours à tout ce qui peut en perpétuer la mémoire.
- Adresser les souscriptions à M. le Président du Comité.
- Adhésions à la Ligue de Paix et d’Ârbitrage international
- Nous avons reçu les adhésions suivantes :
- Mme G. Veuve Bossuat Robertson à Sainte-Périne, Auteuil (Seine)
- M. P. A. Ambrogià l’Ile Rousse (Corse)
- M. Pardoux, conducteur des Ponts et Chaussées, rue Saint-Eloi, 5, à Clermont (Puy-de-Dôme)
- Monsieur Ambrogi a accompagné sa lettre d’adhésion de quelques considérations sur l’arbitrage. Nous les publions sous le titre « Paix entre les peuples. »
- PAIX ENTRE LES PEUPLES Par l’Arbitrage intergouvememental
- Chacun sait que les peuples, comme les individus, ont entre eux des différends. Les gouvernants les font vider habituellement par les armes, quelquefois par l’Arbitrage intergouvememental. Libres de choisir le canon ou l’Arbitrage, ils sont responsables. Ce sont eux qui décident de la paix ou de la guerre, avec ou sans le consentement des peuples.
- Les peuples détestent, avec raison, les gouvernants, violateurs du droit, promoteurs de la guerre ; mais ils aiment les héros de la guerre défensive, ils honorent les gouvernants qui proposent l'Arbitrage pour prévenir la guerre.
- La guerre, bien des gens l’oublient, absorbe tous les ans des milliards ; elle arrache aux travaux de la paix des millions d’hommes les plus robustes et les plus valeureux, pour les faire descendre aux rang des bêtes féroces dans le champ de la mort prématurée ; elle laisse aux familles, foyers de la vie, les rachitiques, les malingres pour engendrer la dégénérescence et perpétuer le paupérisme.
- Ainsi, la guerre décime les peuples, les appauvrit, souille de leur sang la terre et. la stélérise : elle détruit en un jour le travail de cent ans.
- A l’aurore même du XX* siècle, la guerre donne l’horrible spectacle de tous les crimes : massacres, pillages, incendies, ruines ; elle ne respecte ni la liberté,ni la propriété, ni la pudeur, ni la vie ; elle ne respecte rien : elle est la guerre, la négation de la raison, le crime de lèse-humanité, le plus nuisible des fléaux provenant, il faut bien le dire, de certains gouvernants qui ne veulent pas divorcer avec la barbarie, fille monstrueuse du monde antique, préférant la mitraille à l’arbitrage, proclamant, par le fait, le principe contraire au droit des gens : la force prime le droit ! Sans exposer leur vie sur le champ de bataille, ils dominent, théraurisent, moissonnent des lauriers tachés de sang, faisant faucher la vie des gouvernés sur tous les points du globe.
- Comme le temps la force est changeante. Aussi victoire hier, défaite aujourd’hui, revanche demain, désastres toujours.... parmi les peuples. Est-ce leur destinée ? Non.
- L’idée de paix par l’Arbitrage est souriante comme l’étoile de l’espérance, à l’heure des naufrages ; comme l’aurore des beaux jours, après les inondations, l’éruption des volcans, les tremblements de terre et le choléra que la guerre enfante.
- IJe manifeste mon opinion en faveur de la paix entre les peuples par l’Arbitrage, sachant que les opinions individuelles forment l’opinion générale comme les gouttes d’eau, l’océan ; comme les rayons des astres, les flots de lumière, i Le passé a révélé l’idée d’arbitrage, le présent la propage, l’avenir la réalisera, en tous lieux, par la voix éclatante des peuples éclairés.
- Les bons gouvernements prêteront l’oreille à cette voix souveraine et les mauvais n’oseront plus dire : la force prime le droit, ni traduire en fait ce hideux principe ; ils obéiront à la loi ineffable du progrès pacifique ou bien ils tomberont comme les feuilles mortes de l’automne.
- Ile-Rousse, Corse, le 13 janvier 1884.
- P. A. Ambrogi.
- MUTUALITÉ CONTRE LA MISÈRE
- Voici le deuxième article du « Secolo » dont nous avons parlé dans notre dernier numéro :
- Notre premier article sur la Pétition de Godin aux Chambres françaises finissait à la proposition « du droit d'hérédité de l’Etat au patrimoine des personnes décédées, hérédité totale ou partielle selon les cas ! »
- Le droit d'hérédité sociale, dans l’esprit de l’auteur, suffirait, à lui seul, pour donner à l’Etat les ressources nécessaires à toutes les réformes auxquelles aspirent les classes laborieuses.
- Ici, nous faisons cette observation :
- Pourquoi l'Etat et non la commune, qui, elle, serait un juge meilleur, plus compétent, parce qu’elle voit les choses de plus près, connaît mieux les besoins de tous, est plus à même de les étudier, d’y approprier les remèdes et de découvrir les fraudes possibles ?
- Pour justifier sa proposition l’auteur a condensé dans son travail une quantité d’aphorismes sérieux, médités, clairs, que nous ne pouvons faute d’espace donner tous ici.
- « La richesse n’est pas faite pour être amassée indéfiniment par quelques-uns.
- « La société a précisément pour mission de faire en sorte qu’elle se repartisse avec équité au profit de tous ceux qui concourent à la produire.
- « L’homme n’est pas le créateur des choses qui le font vivre.
- ; « Il n’a fait ni la terre, ni les métaux, ni l’eau, ni l’air, ni la lumière ni la chaleur. »
- Cela étant, comment une génération aurait-elle le
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- LB DEVOIR
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- droit d’engager les produits du travail de tous et d’en disposer pour le présent et l’avenir, 4 contrairement aux instructions de la vie » qui les entretient sans cesse au profit de l’humanité ?
- « L’homme peut-il équitablement disposer en maître de ce qui n’est pas son œuvre, de ce qui est fait pour l’humanité ?
- « Evidemment non, tout contrat, tout pacte entre les individus n’est légitime que s’il respecte les droits publics, les droits de tous dans le présent et dans l’avenir.
- « La société vient largement en aide à ceux qui arrivent à la fortune ; il est donc juste qu’elle retrouve, après leur mort, une part des biens dont elle leur a facilité l’acquisition, et que le domaine social s’enrichisse au profit de la société et du travail auxquels est dû l’accroissement de la richesse dont le défunt a joui.
- « Notre époque de progrès ne pourra pas toujours rester stationnaire sur les questions qui touchent à l’organisation de la propriété et de la richesse générales.
- 4 II convient que l’Etat intervienne, en général, dans toutes les successions pour hériter au nom de la société de la part de biens due au travail, au concours de la nature et aux services publics. Il convient tout autant de faire rentrer intégralement au domaine social les biens qui n’ont pas d’héritiers directs.
- Les conservateurs diront :
- Nous ne voulons pas entendre parler sans cesse de souveraineté et de droit populaires. Donnez aujourd’hui une réforme au peuple, demain il en demandera deux et il n’y aura plus de tranquillité pour les riches.
- 4 Ce sont là des raisonnements faux et inspirés par l’égoïsme.
- « C’est la théorie par laquelle l’antiquité instituait l’esclavage, le moyen-âge consacrait le servage et la noblesse, en 1789, se dressait contre le Tiers-Etat.
- « C’est au nom de principes semblables que, naguère,les sudistes des Etats-Unis exploitaient encore à leur seul profit le travail des nègres, et tenaient ceux-ci en esclavage au mépris des droits sacrés de l’existence humaine.
- « De nos jours le travailleur est indépendant et libre de sa personne, mais il est esclave du salaire.
- 4 Le fouet et les étrivières ne sont plus autorisés contre lui, mais la faim le talonne et la plus belle part des profits qu’il crée lui échappe.
- 4 Le travail féconde le capital, mais le capital retient pour lui les avantages créés par le travail.
- 4 Cependant les travailleurs sont, de nos jours, la grande majorité des citoyens dans les nations européennes .
- 4 Malgré cela, la classe favorisée de la fortune est assez aveuglée sur ses devoirs et sur ses propres intérêts pour ne pas comprendre qu’il est de son intérêt et de son devoir d’établir des règles équitables dans la répartition des richesses produites par le travail.
- 4 L’accaparement et le cumul sont pour les classes dirigeantes l’objet d’une préoccupation constante. L’équité dans la répartition de la richesse leur apparaît comme une utopie.
- S’enrichir, s'enrichir par n’importe quels expédients, tel est l’idéal des classes dirigeantes.
- « Imbues- de l’esprit du passé, ces classes oublient que les travailleurs sont la grande majorité de la
- nation, qu’ils s’éclairent chaque jour davantage sur les vérités économiques de la production de la richesse, et que le flot des revendications ira montant, et renversera les digues, si la justice et l’équité sociales ne lui ouvrent l’issue nécessaire. »
- Sur quelques points du livre de Godin dont nous donnons une idée trop succincte, nous aurions à faire ça et là quelques réserves, mais il n’est point douteux que la 4 Mutualité nationale contre la misère » travail qui se termine par une proposition de loi en 41 articles et sur lequel nous reviendrons, honore grandement son auteur et jette pour l’avenir la semence d’une sainte réparation sociale.
- Notre éminent et distingué confrère du 4 Secolo » fait cette observation : Pourquoi le droit d’hérédité reviendrait-il à l’Etat plutôt qu’à la commune qui, elle, serait un juge meilleur et plus compétent ?
- Le droit d’hérédité sociale doit revenir à la nation, à la Société entière, mais nous avons prévu la répartition par la commune, deux choses qu’il ne faut pas confondre.
- De cette façon l’hérédité de l’Etat offre à tous les citoyens et à toutes les communes des garanties réelles contre la misère, parce que cette hérédité est générale et ne comporte de privilèges pour personne. En tel lieu, en telles circonstances que ce soient, la Société doit venir en aide au citoyen malheureux. Ne perdons pas de vue que le droit d’hérédité nationale a pour objet d’effacer le paupérisme.
- Or, si à côté des individus riches, il y a des individus pauvres, à côté des communes riches il y a aussi des communes pauvres ; la solidarité exige que la cause des riches et celle des pauvres ne soient pas séparées entre individus ; il est également équitable de faire que la commune pauvre et la commune riche soient solidaires l’une de l’autre.
- Nationalisation du sol en Angleterre
- La curieuse évolution politique et sociale qui se produit en Angleterre vient de se témoigner par un nouveau fait dont nous croyons intéressant d’entretenir nos lecteurs.
- Monsieur Henry George, conférencier américain, vient de se faire entendre à Londres dans la salle Saint-James, devant un auditoire de plus de 5,000 personnes.
- Nous empruntons au 4 Coopérative News » du 19 courant les détails qui suivent sur la physionomie de la séance.
- La salle St-James contient 1,000 places à 3 fr. 75;
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- 1*000 h 2 fr. 50 et 2,000 à 1 fr. 25 ; lé cinquième mille é3t d’accès gratuit •
- Les partisans de la ligua pour la dépense de la propriété occupaient en grand nombre les premières places.
- La sympathie de la grande majorité de l’auditoire était toute acquise à l’avance à l’idée dé naturalisation Ha Soi et d’abdlitidft dé là propriété foncière individuelle* dont M. Henry George s’est fait le défenseur et le propagateur.
- L’apparition dii conférencier a été saluée des plus vifs applaudissements.
- La partie essentielle de son discours peut se résumer en ces quelques mots :
- » L’existence du peuple est rude et misérable,
- « Faire la charité, c’est appliquer un morceau de toile sur un cancer.
- « N'en appelez pas à la charité mais à la justice; e’est la justice qui est le Dieu Tout-puissant.
- « Tout enfant apporte en naissant un droit naturel et indéniable à la terre, et nul homme n’a pouvoir de lui dénier ce droit.
- « La terre appartient à l’ensemble du peuple parce qu’elle est le don du Dieu vivant.
- « Que sont vos droits individuels constitués comparés aux droits de la nation elle-même ? Vos droits constitués sont le plus souvent des iniquités constituées. »
- L’orateur entre ensuite dans un ordre d’appréciations, ayant pour but de prouver que la propriété du fonds commun doit être enlevée à ses détenteurs actuels* sans compensation ; sur ce point absolument injustifiable à nos yeux nous dirons ce que dit le « Coopérative News » lui-même :
- ^ Âi. Henry George rend service au peuple en vulgarisant l’idée de nationalisation du soi acceptée déjà par de nombreux économistes anglais; en cela il fera beaucoup de bien. Quant à sa théorie de confiscation elle ne produira aucun mal parce quelle sera sans échb: Pëiii-èfcrl miêinë àbrâ-h-eilë cet feôbt ütilb de disposer les propriétaires terriens actuels à une plus facile entente sur les conditions d'abandon de leurs privilèges injustes.
- Au cours de ses appréciations sur le rétabiissement des droits du peuple sans compensation pour les privilégiés du moment* M. Henry George fit de frappantes allusions aux droits politiques et provoqua dans l’auditoire des explosions de sentiments qu’il est intéressant de consigner :
- « Il y a deux cents ans, * dit-il* « prévalait la doctrine de l’obéissance passive à un roi bon oa mauvais ; le peuple s’est élevé au-dessus de cette idée et a rompu sans compensation avec l’oint du
- Seigneur. Il y a cent aris; BUrke venait dire qti’iin. PUMëmënt anglais âÿàht îtiiâ sut lë tbône ith Mi hanovrien, les Bretons de l’avenir; de générations en générations, devraient nécessairement être gouvernés par des roils oh reirlës du tlàii'ovrë. Ndtid ën avons fini avec toutes ces théories et nous en finirons de même Uvec les droits divins des propriétaires àcthéls ÜU sol qui pré’ten'dëüt Vivre du làbeür des autres hommes. »
- An cours de ces considérations, quand Mi Henry Geobgé prdiidhçâ bis mots : à Nous sofflnies uriê république », l’auditoire éclata en transports d’applau-dissmhents ; et plus loin l’orateur ayant fait allusion au prince de Galles, un effet absolument opposé se produisit : de hideiix grognements et des sifflets partirent de tous les points.
- Quelques-uns des occupants des premières piacës étaient scandalisés. L’un d’eux se leva,, mit son chapeau au buut de sa cànne ét sollicita de l’àuditoire trois vivats pour lé prihce dë GàllëS. A peine une faible réponse des voisins se faisait-elle jour qu’elle fût aussitôt noyée dans une formidable tempête de grognements et de sifflets.
- L’ARBITRAGE
- Nous continuons à donner quelques exirUiLs dés lettres de M. Gagneur à ses électeurs. Après avoir dit que c’est aux héros de là philanthropie, aux missionnaires civils comme M. de Brazza, que l’iiii-maDité devra la vraie propagande de la civilisation et dh commerce, la conquête pacifique et scientifique dès bbntréëS barbares, M. Gagneur donne les ifiotifs suivants de son refus de voter les crédits.
- Mon refiis des crédits avait trois significatibfiâ :
- 1“ J‘é VdUlais, d’abord, prbtëstèr 'contre cettë vio-làiibh bbhsécutive dé la t’bbltitutlbii — vioiktibn qu’excuse peut-être, je lé répété, le gbahd ëlolgne-fflettt du théâtre d'e la guerre, — ët qiii consistait à entreprendre ët â contiiiiie.r .i’bxpeditibri ârinëé ët à engager les dépensés qd’ëllb occasibiiiiuit, ayant raàsetttimélit dës Chambres ;
- 2° Je voulais protester contre, les errements àdtüéls dë la politique COiohiare, — politique partiiiit SuiVie, ad Séiiégàl, à Madagascar et au Toriktri, 'et antérieurement â ià CochiüchlÜé èt it TÜniS ;
- 3° Je voülkis enfin, ave'c riies collègues et dmis Frédôbic PaSsÿ, Gaillard et urte qüârantüine d’autres, élever le drapeau pacifique de l’arbitrage international. Nous demandions, et mes dèuk ëremiers collègues en ont fait la motion, que le gouvernement français plantât ce drapeau sür le champ de bataille lui même, alors que l'amiral Courbet suspendait les hostilités en attendant les renforts* Les belligérants, de part, et d’autre, eussent alors reçu l’ordre de reste? dans,leurs positions respectives,*dans ce qu’on appelle le statu quo militaire. Ët dans l’intervalle,
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- nos ministres éussèftt, d’accord avec les gouvernements du Tonkin et de la Chine, soumis le conflit à la médiation d’une puissance amie et désintéressée. Et dans le cas d’une réussite de cette négociation, nous eussions* mes amis et moi, voté de grand cœur les sommes à dépenser pour le rapatriement.
- Y avait il â cette médiation pacifique une honte ? Est-ce que, cochme l’a dit^le Président du conseil lui-illême en répondant à Lockroy, « la médiation d’une puissance amie peut être humiliation pour l’ami qu’elle viendrait obliger ? Et alors, pourquoi M. le ministre ne l’a-t-il pas tentée ?
- Utopie ! soit. Mais n'est-il pas admis que l'utopie d’aujourd’hui sera souvent la réalité de demain ? L’égalité devant la loi et devant l’impôt, la liberté de la perisée, la liberté du travail, ia liberté de l’homme lui-même, d’abord esclave, puis serf, lé suffrage universel et d’autres idées justes et nobles, traduites aujourd’hui en de magnifiques institutions, n’ont-elles pas été, à une certaine heure de l’histoife, dés utopies, des chimères.
- Et pour rentrer plus spécialement dans notre thèse, est-ce que les jugements de Dieu, les combats corps â borps n’dnt pas précédé l’institution des pru-diiommes, ia justice de paix, les tribunaux et le conseil d’Etat, chargés de régler les différends entré les particuliers, les communes et le gouvernement? Est-ce qdë ieà guerres incessantes de château à château, lé pâHâgë de là France en provinces hostiles, n’ont pas précédé la France une et indivisible ? Est-ce que l’inquisition et ses supplieëè, les guerres reli-gieuseé n’ont pàs précédé la liberté de conscience? Enfin est-ce que les guerres continuelles et générales dumdyëri-âge n’ont pas devancé le droit des gens actuel, les congrès permanents entre les puissances ?
- En bien 1 II n’y a plus qu'un degré à franchir :
- Il s’agit, en attendant l’établissement d’un tribunal d arbitrage régulier qui aura pour mission de juger souverainement et pacifiquement les contestations internationales, il s’agit, dis je, de charger une puissance amie des deux nations contondantes, de trancher leur différerid par la voie amiable et conciliatrice.
- ----a-esââa
- PROJET DE PÈLERINAGE
- Noiis lisons dans le « Coopérative news » de Manchester, 19 bourabt ia lettre suivante :
- Monsieur,
- J’ai lu avec grahd intérêt lëè récits publiés de tëinps ëü ténips dans les colonnes du « Coopérative iiewi, » par notre distingué secrétaire.générai, M. E, V. Néale, concernant le Familistère de Guise.
- Il m’est venu â l’idée que durant la prochaine saison d’excursion, beaucoup de nos ouvriers coopéra-ieurs aimeraient peut-être à faire un pèlerinage à Guise, afin de voir par eux-mêmes le fameux palais des travailleurs.
- Je ne doute point que ces visiteurs, porteurs d’une lettre d’introduction de M. Néale, recevraient la plus cordiale bienvenue du noble fondât-ur M. Godin, et auraient toutes facilités de bien étudier ies palais et ateliers de l’association.
- Si M. Néâlë voulait bien indiquer dans les colonnes dë bëjOutnai îat Voie la plus courte et la plus économisé j^oiïr éë rèhdre à Guise, ^biit-êthe Serait-ce lë
- point de départ d’un mouvement en faveur des habitations sociétaires chez les coopérateurs ; mouvement que notre secrétaire général s’efforce en toute occasion de susciter chez les lecteurs du « Coopérative news. »
- Sincèrement à vous. R. S. B.
- Certes, les travailleurs anglais seraient les bienvenus au Familistère de Guise et tout le possiblë serait fait pour leur faciliter l’étude qu’ils viendraient accomplir ici.
- Au point de vue pratique de ce pèlerinage, signalons qu’il serait utile qu’un, au moins, pariüû ces visiteurs, parlât français.
- MOTS DE PROGRÈS
- Laissez dite, laissez-vous blâmer, condamner, emprisonner ; laissez-vous pendre, mais publiez votre pensée. Ce n'est pas un droit, c'est un devoir, étroite obligation de quiconque a une pensée, de lu produire et mettre du jour pour le bien commun. La vérité est toute à tous. Ce que vous connaissez utile, bon à savoir pour un chacun, vous rie pouvez le faire en conscience.
- Paul-Louis COURRIER
- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- La Chambre. — Une faiblesse de plus: Peut-être, aurions nous dû dite une trahison. Leë gouvernements, qui ont voulu préparer l'avènémènt des réàbtiohs^ sè sont toujours préocctipés d’armer préalablement lb pouvoir de mis deyant lui mettre ën main ies moyens d'OppieSsiOn. Après la loi sur les récidiviste, que notre buaget ne permet pas d'appliquer d’üne manière générale, et que la politique pourra utiliser exceptionnellement lorsqu’il s’agira de citoyens révoltés contre le despotisme, la Chambre vient de voler le rattachement au ministère de l’intérieur de la préfecture de police du département de la Seine, Ce vote a permis de constater.que le dévouement à l’ordre des agents de ia ville de Paris n’était pas gratuit. Le rattachement, tel que l’avait proposé M. Waideck-Rousseau, edtraiilànt une diminution de ia retraite des agents de la police municipale, ceux-ci, dès qu’ils ont eu compris ieur nüüveüe situation, se sont empressés de déclarer qu’ils ne voulaient pas trà-vaill. r à prix réduit, ils ont même menacé de faire grève comme de simples mineurs. Voilà le gouvernement bien informé que ia police ne s’attacue pas comme un chien d’avare.
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- ILe Sénat. — Lo Sénat continue à discuter le budget. Messieurs Buffets et consorts se donnent le malin plaisir de constater que ies finances de la République sont royalement embrouillées. Afiu de ne laisser passer aucune occasion de compromettre davantage la situation, lé Seuat n'a pas manqué de rétablir le crédit du chemin de fër du .Sénégal. La Chambre obéirai pdur éviter un conflit ; et là République sera doublement
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- atteinte par l’humiliation de la représentation nationale et par une complication de plus dans son budget.
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- L’Extrême-Ganche. —- L’Extrème-Gaucbe doit être bien embarrassée depuis la convocation de M.Maret lui demandant d’émettre une résolution à l’occasion de la question ouvrière. C’est que M. Maret l'a conduite du premier coup, résolument, en face de la question sociale. L'ombre de Gambetta doit être attentive : ceux qui lui ont reproché si souvent d’avoir audacieusement nié la question sociale, vont-ils éviter par une manœuvre parlementaire de répondre catégoriquement à la question urcrente de M. Maret ?
- Cela ne sera pas facile, car d’après un article de M. Maret, publié dans le Radical du 23 janvier, le député du 17e arrondissement s’engage à fond dans la question économique. Il réclame d’abord un palliatif immédiat, quelqu’il soit, tout étant préférable à la misère, puis il déclare que les hommes publics sont dans d’une impasse d’où ils ne peuvent sortir que par la transformation des institutions politiques et sociales.
- M. Maret ne peut rester longtemps isolé dans cette campagne. Les députés Sigismond Lacroix, Laguerre, Clovis Hugues, Gaillard, Franconie, Brialou, Roques de Filhol et quelques autres ont leur place marquée a côté de M. Maret, au Parlement, dans les réunions de l’Extrême-Gauche, et surtout dans les manifestations publiques en faveur delà Révision. Il ne faut plus parler seulement d'une Constituante, il est urgent de pousser le peuple k rédiger ses cahiers en lui expliquant quels avantages retireraient les travailleurs d’une mutualité nationale largement organisée.
- Les députés rédacteurs à la Justice pourraient donner un puissant concours à cette œuvre nationale. Mais oseront-ils se séparer de M. Clémenceau ? Ou bien ce dernier consentira-t-il à. leur donner l’exemple de l’abandon des questions de la politique spéculative. Il est vraiment regrettable qu’un esprit aussi actif, aussi brillamment doué, n’ait pu s’arrêter encore aux données de l’économie sociale. M. Clémenceau a plusieurs fois laissé échapper des occasion de donner des bases positives à la politique de l’Extrême Gauche. En se ralliant aux vues de M. Maret, il faciliterait la constitution immédiate d’un groupe parlementaire ayant mission, au nom de la République sociale, d’organiser une opposition contre la République oligarchique, comparable à celle que créèrent les cinq contre le régime impérial.
- Il est possible que cette perspective de fidélité aux principes, de luttes constantes, décourage les jouisseurs qui espéraient ramasser prochainement un portefeuille au milieu des tripotages de la politique courante ; mais elle peut tenter les esprits fiers et généraux inspirés par l’amour du bien public.
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- Manifeste de la Ligue révisionniste.
- — Le bureau de la Ligue républicaine pour la révision de la Constitution adresse le manifeste suivant aux groupes, comités, cercles et citoyens adhérents à la Ligue pour la Révision :
- Chers concitoyens,
- Chers collègues,
- Au moment où les députés, fidèles à leur mandat, d’accord avec l’unanimité de notre assemblée générale du 17 décembre dernier, vont déposer un nouveau projet de révision sur le bureau de la Chambre, nous avons le devoir de dissiper toutes les équivoques dont nos adversaires cherchent à obscurcir cette question.
- La révision de la Constitution s’impose à bref délai : c’est la condition du salut de la République.
- On a osé nous accuser de ne vouloir la révision qu’en apparence. On a dit que nous la réclamions pour nous la faire refuser.
- Ceux qui ne la veulent qu’en apparence, ce sont C6ux qui préparent, sous le nom de révision, une réforme illusoire, non moins contraire aux droits de la souveraineté nationale que la constitution actuelle.
- Ce que nous voulons, nous, c’est le triomphe et l’af-
- firmation des principes de la Révolution française, c’est le retour à la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen ; c'est l’affranchissement du suffrage universel ; e’est, en un mot, le gouvernement du pays par le pays.
- Il n'y a pas de droit contre le droit ; et rien ne saurait prévaloir, dans un Etat républicain, contre la souveraineté nationale.
- Au peuple seul appartient le pouvoir constituant.
- Si le droit d’ouvrir la période révisionniste est attribué, d’après la Constitution de 1875, au Congrès formé par la Chambre et le Sénat, c’est seulement à une assemblée spécialement élue pour cet objet qu’il appartient de rédiger une Constituiion.
- Le Congrès, en entreprenant cette tâche, commettrait une usurpation contre les droits du peuple ; car, remanier une Constitution, c’est faire œuvre de constituant.
- C’est au pays de rappeler à ses mandataires actuels qu’ils n’ont pas reçu le pouvoir constituant. L’assemblée spéciale, fonctionnant concurremment avec les pouvoirs actuels, ne peut recevoir du pays d’autre mandat que celui d’organiser la République démocratique.
- En vous inspirant de ces principes, vous avez le devoir de provoquer la manifestation des sentiments du pays sur la nouvelle Constitution, et de formuler dans des cahiers les garanties nécessaires des Droits de l’Homme et du citoyen, et par conséquent d’assurer le fonctionnement régulier et pacifique du suffrage universel.
- Pour le Bureau de la Ligue :
- Le Président, LAURENT P]chat.
- Le Secrétaire délégué,
- Paul Viguier.
- Les ligueurs ont eu raison de comprendre qu’ils devaient provoquer la manifestation des sentiments du pays sur la nouvelle constitution. La ligue, si elle veut faire une œuvre loyale, doit non-seulement recevoir les cahiers des électeurs, mais elle a le devoir de communiquer aux divers groupes révisionnistes ceux qui lui seront adressés. Cette résolution qu’elle vient d’adopter est la condamnation de sa première tactique ; car elle lui avait été proposée au début par des citoyens honorables, qui furent chassés de la Ligue pour avoir proposé et défendu un projet analogue.
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- lues Chiffonnier» die Pari». — La situation faite aux Chiffonniers de Paris par l’amélioration du service de nettoiement de la ville de Paris a soulevé les protestations générales de la presse parisisnne. Nous empruntons à la France une description saisissante des misères de ces expropriés par le progrès, tel qu’il est possible dans un ordre social faux. Nous avons le regret de constater que tous les écrivains des grands journaux se sont uniquement préoccupés du coté littéraire et sentimental, sans oser toucher au problème social que cette crise brutale met si cruellement en évidence ; car, dans notre société empirique, il faut que le progrès recule pour sauver les chiffonniers. Cependant, il y a possibilité matérielle de concilier les deux intérêts. Pourquoi ce silence général de la presse sur les moyens pratiques de conciliation?
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- Voici en quels termes M. Azôno de la France raconte ce qu'il a vu dans un quartier situé à 1,500 mètres de la Bourse de Paris :
- Il n’est pas possible, sans s’en être rendu compte soi-même, de se figurer à quel degré de misère l’arrêté de M. Poubelle a réduit les malheureux chiffonniers de Paris.
- Nous avons visité ce matin la cité Maupy, située 22b, rue Marcadet, derrière le cimetière Montmartre, où nous avons vu, nous pouvons l’affirmer sans exagération, plus de quatre cents personnes mourant littéralement de faim. Jamais, nous pouvons le dire, nous n’avons été plus vi-
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- vement ému que devant ce tableau de misère si profonde.
- La cité Maupy, réunit de quatre cent vingt-cinq à quatre cent trente chiffonniers qui, avant l’arrêt cruel du préfet de la Seine, gagnaient honorablement leur vie. Le rapport de leur industrie était, selon le quartier qu’ils exploitaient, de trois, quatre, cinq, et même six francs par jour.
- Ces malheureux, depuis le 15 janvier, c’est-à-dire depuis le jour où les boîtes à ordures ont fonctionné, n’ont pas fait une moyenne de trente centimes par jour.
- Nous avons vu ce matin, dans une des baraques de la cité Maupy, une famille d8 huit personnes dont le travail collectif de la nuit dernière n’a produit que quatre-vingt centimes.
- Ces infortunés n’avaient mangé depuis vingt-quatre heures qu’une pâtée faite avec des croûtons de pain ramassés dans les ordures, et qu’ils avaient fait cuüe, n’ayant plus decombustible, en brûlant une vieille chaise de leur baraque.
- Cette famille de huit personnes, ainsi que toutes les autres qui habitent la cité Maupy, qui trouvent pour un franc ou deux par semaine le logement dans leurs misérables baraques, sont sur le point de ne savoir où trouver un abri, car aucune d’elles, aujourd’hui samedi, n’a pu payer son loyer hebdomadaire.
- Mme Maupy, la propriétaire de ces cabanes, payant pour la location du terrain sur lequel elle a fait établir ces modestes constructions 1,300 fr. par trimestre à M. Mathieu-Bodet, se montre toujours d’une très grande complaisance pour ses locataires, mais elle se verra naturellement dans la nécessité d’exiger d’eux le paiement ou l’expulsion.
- Dans toutes les cités de chiffonniers de Paris et des environs, la situation de ces malheureux est absolument la même.
- Et ces infortunés ne peuvent trouver d’autres moyens d’existence que ceux qu’ils avaient. Ils sont habitués aux chiffons et ne peuvent faire autre chose, et puis ce n’est point dans cette saison qu’ils trouveraient un travail autre que celui auquel ils sont habitués.
- Les chiffonniers, en général, sont des travailleurs et de très honnêtes gens. Mme Maupy nous disait ce matin, en nous faisant visiter sa cité, que, depuis quatorze ans qu’elle l’a fait construire, jamais la police n’a fait chez elle d’arrestation pourmeutre ou pour vol.
- Il y a bien quelquefois des rixes, mais jamais sanglantes et toujours suivies d’une complète réconciliation, car dans ce caravancérail populeux, tout le monde est ami et s’entr aide fraternellement.
- Aujourd’hui, personne ne peut se secourir ; la misère est générale et tous meurent de faim.
- C’est la famine orientale en plein Paris.
- Les lignes suivantes sont extraites du journal le Temps :
- « Plusieurs journaux ont ouvert des souscriptions au profit des chiffonniers. Hier, à l’issue de la réunion, des secours ont été distribués dans la cité où elle a eu lieu et qui contient environ six cents chiffonniers. Aucune description ne peut donner une idée de l’état de cette population. C’est la misère avec toutes ses plus tristes conséquences. Pas de travail, pas de pain; des familles composées du père, de la mère, de quatre, cinq ou six enfants, tous blottis dans des tannières sans air, sans lumière et couchant sur un même grabat. Les maris découragés, les femmes et les enfants pleurant auprès des hottes vides. Jamais secours n’ont été plus nécessaires que ceux ayant pour objet d’aider ces malheureux à vivre :
- Les secours réclamés par le Temps seront impuissants, s’ils ne s’appellent pas des institutions sociales.
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- M\ ITlo<ïu.et à Lyon. — MonsieurfPloquet vient de se prononcer à Lyon en faveur du droit au travail et à l’assistance sociale. Voici les paroles de M. Floquetsur ce sujet :
- Sous la Convention, la déclaration des droits de
- l'homme du 24 juin 1793 pose le même principe : « Les secours publics sont une dette sacrée. La Société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler. »
- C’était la consécration de la charité légale et la reconnaissance la plus explicite du droit du pauvre à être secouru.
- Les bourgeois de ce temps mémorable, qui n’étaient point encore arrivés à la conception démocratique des temps modernes, n’hésitèrent pas devant la proclamation de ce droit au travail qui effraya tant, en 1848, une Assemblée républicaine, sur laquelle on forma tant d’interprétations diverses, qu’on étouffa sous les controverses voulues. Ce principe veut simplement dire que la Société ne peut laisser périr dans son sein un seul de ses membres, car celui qui est né dans la Société a le droit d’y vivre par le travail, par l’épargne et par la sagesse, non pas dans le luxe et l’opulence, au moins dans la possibilité d’élever sa famille par le travail, de livrer à l’Etat des citoyens qui le servent et de mourir avec l’assurance de laisser sa famille plus heureuse que lui, ce qui est en définitive le vœu de tout homme prudent en ce monde.
- C’est très bien de la part de M. Floquet d’avoir dit ces choses là à Lyon, dans une réunion publique.
- On ne peut douter que cette partie de son discours n’ait été chaleureusement applaudie.
- M. Floquet comprendra que sa situation parlementaire l’oblige à répéter cela au sein de son groupe, à la Chambre, à mettre ses collègues en demeure de se prononcer catégoriquement, à ne plus considérer comme républicain quiconque n’acceptera cette déclaration et refusera de lui donner une sanction par des institutions conformes à l’esprit de ces commentaires des droits- de l’homme.
- Puis, il s’agit bien moins de commenter les déclarations de 89 que de les appuyer de projets pratiques. Cette partie importante de la question ne paraît pas énormément préoccuper M. Floquet.
- Vive la Pologne, Monsieur ! Vive l’assistance sociale ! Vive le droit au travail !
- Quiconque n’est pas bègue peut en dire autant d’une manière passable.
- Ne voulant pas embarrasser M. Floquet, nous laisserons la Pologne, mais nous lui demanderons impérieusement quels sont ses moyens pratiques d’alimenter, de faire vivre, le droit au travail et à l’assistance sociale-Après un pareil discours, M. Maret ne peut manquer de compter sur le concours de M. Floquet, lorsque sera venue l’heure de proposer à la Chambre un projet pratique de Mutualité sociale.
- Nous attendons M. Floquet au pied du mur, et s’il ne s’y trouve au moment du travail nous saurons lui rappeler son discours de Lyon.
- Des discours, d’abord, soit; mais des actes aussitôt après.
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- I^e Meeting de la «ail© Lévis. — Les orateurs du parti ouvrier organisateurs du meeting de la salle Lévis n’ont pu prononcer les discours qu’ils avaient préparés, à cause de l’invasion des anarchistes ; cela ne les a pas empêché d’agir et de proposer les moyens immédiats qu’ils jugeaient efficaces. Nous donnons d’après le Prolétaire les résolutions adoptées par la commission d’organisation :
- Le Meeting tenu dimanche 13 janvier, salle Lévis, décide que, sous forme de mises en demeure, les propositions suivantes seront faites aux pouvoirs publics : Comme mesures immédiates :
- 1° Une somme de 20 millions par l’Etat et une somme de 5 millions par la Ville de Paris seront mises au service des Chambres syndicales pour être distribuées par elles aux ouvriers sans travail des différentes professions ;
- 2° Les objets-engagés aux monts-de-piété, tels que lingerie, literie, vêtements, ustensiles de ménage, outils, etc,, seront rendus aux familles ouvrières , qui les ont déposés ;
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- §8
- i( 3° Lés travàbx votés par Je Parlement, ies Conseils généraux et lés municipalités seront mis immédiatement en cours d’exécution etl’entrëprisé en sera donnée aux associations ouvrières.
- Çpmme mesures prochaines :
- 1® Organisation d’ateliers publics, afin que le plus tôt possible — et cela dans l’intérêt social comme dàùs l’intérêt particulier — chacun soit employé dans sa profession ;
- 2° Ouvertürë parles pouvoirs publics de boülângerié^, de boucheries, construction de maisons ouvrières, afin que nourriture et logement puissent être fournis aux ouvriers à prix dë revient.
- . 3° Réduction de là journée à huit heures sans diminution de salaire.
- Comme mesures d'exécution :
- La Commission d'organisation du présent Meeti&g est Chargée de faire parvenir les rèsolUtiofas ci-dessus à. qui de droit, et l’assemblée lui adjoint le citoyen Jules J*,ffrin, gui, en sa qualité de Conseiller municipal, pourra l’aider èfficâcemenl dans sa mission. »
- Les poseüihili«tes. — Nous trouvons dâns l’O-pinioh, Joürnat modéré, sinbèreijheüt républicain. Une appréciation sur iës pbssibilistes qui contracte tellement àtëd celles qui ont généralement cours dans là presse, que nous la reproduisons pour là signaler aux joürnàux dobt elle détruit les accusations, espérant que chacune des parti's voudra faire la preuve de sa sincérité. L'Opinion ri’y va pas par quatre chemins, elle S'exprime âinsi ;
- Asëüfément, les poslibilistes, ofganisâtëurs du meeting, sont gëns honorables s’il ën fût, généreux, intelligents, travailleurs : lës rësblütionë violentés qui ont été votées ne ^ont point de leur fait : ils en connaissent la tâhilë et le lidicule ; mais ils se trompënt.
- ESPAGNE
- Le roi Uhlan a trouvé un ministère selon ses goûts. Ce ministère va tenter de faire de nouvelles élections en vue de s’entourer d’une Chambre faite à son image. Tout cela constitue un plan admirable ; mais on ne,peut faire une .élection sans compter avec le peuple. Ce dernier semble peu disposé à se laisser conduire parla réaction. L’agitation républicaine n’est pas diminuée malgré l’intervention des nouveaux fonctionnaires.
- ALLEMAGNE
- Dëdx iioüyëîlèà dbëëi dà jottvaal 1©
- Tettips — Le Temps, dans sà rëVuè de la presse étrangère, parlant du Postx ofgahe sëmi-bffieieux bër-lihdisj qüi a publié üh àhic.ë dans lequei il inet en doute les intentions dugouveraement français,malgré les sentiments pacifiques de la France, reproduit le passage suivant de la feuille prussienne :
- € S’il.est vrai que la France ne veuille attaquer per^-sonne, ii est mille lois plus certain encore qu’ellës n’a à redouter aucühe attaque de Fun quelconque de êes voisins. Ces deux faits sont établis et il ne reste plus qu’une chose à faire poir sortir de la padx armée, c’est d’établir, par un acte internaliénai quelconque, que les voisins de la France et la France elle-même ne nourrissent aucun projet digression, Peut-ii être si difficile de faire de ce qui eist établi l’objet d’un arrangement international alors que, grâce à cet arrangement, oh épargnerait des flots de sang, on éviterait des catastrophes et Fon mettrait fin à des appréhensions intoié-ràblèg? *
- NotpS, hbÜS àjoiiton^ qhb faes quelques lignes émanant d’un organe aussi âutcü/isé sërdnt publiées et cornmeû-téqs pâr tous les journaux allemands, qui prendront pfeteXte de letir ooiitei.u pour démontrer due le gouvernement allëhiànd ‘est contraint malgré lui â perpétuer sëà armaménià, jiàrcë laFrdiiëë fâit la ëourdè orëillè àux avances du gouvernement de Berlin, disposé par àmdür
- de la paix à accepter une transaction honoràbte pouf les deux puissances ; a moins que le parlement français par Un entraînement, dont noüs ne le croyons pas capable, impdse au gouvernement dë répondfe à l'invité politique de M. ae Bismarck par une offre sincère de s’ëü rapportef à Un tribunal d’ârbitràgë des puissances européennes, sbus réserve que là décision des arbitres ne séparera pas la question du désarmement de celle dè i’ Alsace-Lorraine.
- Nous trouvons encore dans le même numéro du Temps, sous le titre Alsace-Lorraiae, Un autre document que les lecteurs du Devoir apprécieront selon sa véritable importance.
- Yoici cet extrait du Temps :
- Nbüs citons, à titre de curiosité, une brochure qui viënt de paraître à Leipzig, sous le titre : Wâs soll aus > Blsàss-Lothringen weVden ? [Que doit devenir T Alsace-Lorraine?) et qui cherché à la question alsacienne nue solution également acceptable par la France et par l'Allemagne. L’àüteur, M. Maas, qui est député saxon et qui appartient à l’opinioü progressiste, se prdnonce pour rihdépendancè de l’Alsace Lorraine, qui formerait un ou deux Etàts neutres, garantis par l’Europe et unis par les liens d’une confédération aux autres Etats neutres, la Suisse, le Luxembourg, lâ Belgique ainsi que la Hollande. L’état ainsi constitué ü’aurait, en dehors dé la püice locale et d’une gendarmerie, d’autre force armée qu’une milice pourvue de Cadres permanents. Les forteresses alsaciennes et lorraines seraient rasées, et là France, par contre, s’engâgërait à, démanteler Belfort. Les questions pécuniaires pendantes entre l’Alsace-Lorrame et l’Allemagne, la situation de l’Uüivertitë de Strasbourg; celle des chemins de fer alsâciehs-lorraihs, ëtc., seraient réglées à l’amiable entre l’Allemagne et l'Alsace-Lorralne. Ce dernier pays choisirait sa législation et pourrait, à son gré, conclure une union douanière aveb l’un ou l’autre dë Ses deux voisins.
- Tout cela est évidemment de la haute fantaisie. Le document est néanmoins curieux à relever.
- Le Temps a l’air de collectionner Cë docüment a^ëc l’intention de la classer parmi les élucubrations de haute fantaisie. C'est ainsi que procédaient lës vidâmes uë Tàrisiocratië,, lorsqu'ils lisaient, quelques ahnêës avant 1889, les affirmations des principes de la fiévbmtioii françaisé, devant lesquels allaient disparaître la royauté dè droit divin et lés privilèges du clergé et de la noblesse.
- Nous aussi, nous sommes bollectidtineurë. C’est à çë titre que nous soulignons la réflexion du iidame dé là presse parisienne, comme une preuve de l’étroitesse de vue et de sentiment des gens qüi, cinq ans $yàpt le centenaire de 89, sont classés au rang des espritfe supérieurs dé l’époquè.
- Nous félicitons M. Maas de son initiative et de sob courage a ne pas se laisser arrêter par les plaisantes réflexions des sectaires. Nous formons le souriait de, voir M. Maas créer dans son pays une agitation favorable à la solution qu’il propose. ,
- Eu Saxe, pas plus qu’à Paris, les députés n’ont l’habitude de traiter dans, des brochures des questions susceptibles de soulever les mécontentements et les colères dè leurs électeurs. Ce qui nous permet de conclure que M. M*âs n’a pas émis une fantaisie personnelle, inais une fantaisie partagée par la,majorité de ses électeurs.
- Nuüs n hésitons pas, a^déclaier qup nous nous estimerions heureux, si M. Maas, ou quelqu’un de ses vaillants électeurs, voulait nous tenir au courant des suites de cette fantaisie que nous mettons bien au-dessus des graves dissertations du: journal de M. Hébrard, représentant dè la Cocbinchine, plaisanterie qu’il ne devrait pas continuer au dehors des Chambres.
- aî/TRICHE-HONGRIE
- La diète de Croatie vient d’être brusquement prorogée, par reserit impérial, jusqu’à une date indéterminée, sous prétexte que l’opposition poursuivait ouvertëmëpt ! la réunion des eourdühës 'dè Hongfié ël Croatie. Un
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- joufilài bfîiciëux fait entrevoir que celte mesure ne serait qu’qn prélude à des. décisions plus radicales, qui suspêiidrâiéüt, polir une ou plusieurs années, lé régime représentatif ën Grdâtiè et qtii boiiférérâiéill dès poutbiis discrétionnaires au ban du royaume.
- t 4 4 , . ^ .
- Les aides-boulangers, ap. nombre d’environ 300, ont Bârboühi lêb r'déS de là ^lllê et feè sdBt fèhdlis au syndicat de leur corporation pour demander du travail. Reçus par Ip syndic, M, Ratz, d’une façon fort courtoise, iéS ttlanifestàüië feé sbBt retirés àprês à^dir dBlenti la pxofaaesse qu’il serait fait droit, dans la tneSure du possible, à leur réclamation.
- StltSSK
- .. Les.élections pouy la Constituante vaqdoise ont donné les résultats suivants : sur 230 sièges, llO soiit «acquis âbx bbiis&rHtetirS ; lâ Üiâjbritê dont dispoëëi'à le parti radical ne dépassera donc, pas J 6 voix. La ville de Lausanne a élu 13 conservateurs ët 7 radicaux.
- MAROC
- Extrait d’uia journal favorablë à là poiiliqüe coloniale.
- £ Lé fàit que i'ë graiid-ciiSHf dé %az!zàià ait dëriiàndé pour lui et sa famille la naturalisation fràuçaise ëst regardé, dans les cercles diplomatiques de Tanger, comme ayant une grande impdrtabcë. î
- l’on dëcbrë lë grâüd-chériî dë ii’idi porte tfuel ordre. Mais que l’on né pousse pas la chinoiserie plus loin. ......(
- Prép&rëràit-bd qüèlqüë prbjèt dë cbloBisktidn dü côté du Maroc? La Tunisie; Madagascar* le .Tonkfrq nous embie constituer un bagage plus que suffisant.
- La Via, le Temps & les Travaux de ftokrt ÛwenMi
- Résumé traduit des documents de MM. Llotu JdNfes et J.-H. HümpBreys Noyés
- XXXVÎll
- kobert Owen avait une profonde horreur de ia guerre. Il connaissait assez le monde pour comprendre que les hommes d’fctàt, tout en se livrant à des protestations pacifiques, sont disposes à faire la guerre chaque fois qu’ils croient en tirer profit.
- Vers le temps de là chute de Queenwood de sérieux malentendus existaient entre la Grande-Bretagne et les Etatà-tîiiië:
- Robert Owen, dont lefîis aîné, Robert Dale Owen, était membre du Parlement américain^ se rendit en Amérique et s’employa de toutes ses forces à pacifier les esprits et à trouver des moyens d'entente entre les deux gouvernements. Quatre fois, en l’espace de deux ou trois ans, il traversa l’Atlantique en vue de ces pacifiques travaux. Sa renommée le faisait écouter avec attention, rfespect et cdtifiance de tous les politiciens et hommes d’Etat auxquels il s’adressait. Les résultats ne furent poiht ce qu’il
- (1) Urb le Devoir depuis le n° du 8 juillet 1883.
- JS
- ëèpéràit, nêànlnbihs il jugea qüë sëë effbRs fi’a-vàiëflt point été SdnS fruit.
- Au ëoüfâ de ses vdÿaqës en Àfhêrique, OtVeh résidait à Né1# Harmony dü sa famille était dehièüfée installée.
- Eh juiri 1848, il était ërt Âlbany bù Së disëutàitune cohstltutidn hdüteilè pour l’Ëtat dë Nëië-York. La cüntëntioii siégeait, Robert • Ovren fUt adriiis à pi'èhtlt’ë la parbië ; il traita dëut fois lë Stijet dés L droite ët progrès » ëii â’ëfîdr^âtit d’in-
- diquer aux législateurs leurs dëvoirà ëii ceà mk-tiëfës.
- Robert OWëh était pàr-dëssÜS tout un semeur d’idées; ii cëhifnüniquàit ses ihspiratibns à son ëfi-tbüragë: Àüx Ëtâts-Ühis Surtout Sa pàrblë trUd^a un tëi écho qu’il fût considéré cdiiiiiié lë pèrë du so-cialiShie ahiéHëàiri; Le fndüyëinëht fouriéHstë lie Se développa âux Ëtais-Unis qhe 15 I âti âHs âprêS les jlBeihières ëxpériëhbeS SocialisteS faites sous Piti-flüencëS dës idées de Rbbëft Owëii;
- Un dëS traits jfrirleipàut du cafàctère du réformateur fût Sbn ihdbbiptâblë persévérance ; ët ce tràit il l’a transmis à beaucoup de sbciaÜStës àméB -cailis foirniés â sdh école.
- Il faut de tëls hdîiihifes polir Mire marcher Lflunik-nité â tfltvei'S tous les tiebbifes et tdtis lëS bbstàcles qui enebmbreiit la toiè dti prb^ris.
- jusqu’au dernier jbür dé Son ëiistëiicë Owëri rie cëSSa de pbUfStiivre l’àtiiélibration pLÿsique, intël-lebtuellë et mbfàië dü peuplé;
- Agé dë plus de 80 ans, il publiait dàhs sori journal cës paroles : « Le Sdl cultivable est inépuisable ; le travail est en sUrabondatiëe ; la püiësance chimique ët mécanique est illimitée; leM produits sont en excès; les moyens de donner Uhë boîüië éducation à tbus lës hbmmëS sont cohnuS ét fàcilëniënt applicables ; les principes d’unibn dës intérêts, dès sentiments des actions sont découverts ; rien he S’opposerait donc à la ebnstitutibb d’Un état Social qui renouvèlërâit graduellement la face dü nibhdë. »
- Owen ne cessait de voir les souffrances dë la multitude et, eompfërtànt par quelles fofcës ob remédierait à cës maux Si i’ësprit voulu existait chë2; les gouvernants, il s’efforcait d’büvHr lës yëüx aüx hommes et aux peuples pour les athenef â mettre Un terme à ces maux que les générations së transmettent les unes aux autres.
- Ges préoccupations se retrouvent jusque dans ses études spiritualistes. Car c’est un fait à nbter que Robert Owen, bet esprit si droit. Si lumineüx, qui toujours avait basé ses jugements sur les vérités démontrées fut, à la grande surprise d’une partie de ses amis, partisan du spiritualisme. On se souvient
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- que vers 1852, en Amérique d’abord, en Europe ensuite, des quantités considérables de personnes prétendirent entrer en rapport avec leurs amis et parents défunts, au moyen de tables tournantes, frappantes, etc.
- Des communications de cette nature se sont fait jour à toutes les époques de l’histoire, et l’on a vu depuis Pythagore jusqu'à nos spirites modernes beaucoup d’hommes doués de la plus haute et de la plus brillante intelligence admettre ces faits comme vérités démontrées.
- Robert Owen fut du nombre. Nous n’avons pas à juger ici les motifs de cette conviction, nous nous bornons à enregistrer le fait. Il prétendit converser avec des personnages défunts parmi lesquels nous citerons le président Jefferson, Channing, Benjamin Franklin, le duc de Kent. Il recevait d’eux, concernant leur mode de vie extra-terrestre et les moyens de se communiquer aux hommes de ce monde, des informations absolument analogues à celles qu’on peut lire aujourd’hui dans les livres spirites.
- En même temps qu’il se livrait à ces spéculations Robert Owen rééditait ses ouvrages et publiait le préambule d’un traité de fédération entre la Grande-Bretagne et les Etats Unis du nord de l’Amérique. Il proposait que la Grande-Bretagne et l’Amérique déclarassent uniformes leurs intérêts et leur langage, proclamassent leurs citoyens libres sur l’un ou l’autre sol, continuassent de se gouverner elles -mêmes tout en préparant les conditions d’une union fédérale à laquelle les autres nations pourraient adhérer. Le devoir principal, ajoutait-il, sera ensuite de trouver le moyen de mettre fin à la guerre, afin de vivre dans la paix et l’abondance par le travail et les échanges fraternels.
- C’était un rêve, dira-on, mais combien le monde gagnerait à ce que tous les hommes d’Etat rêvassent ainsi !
- Robert Owen mourut à Liverpool le 17 novembre 1858, dans la maison où il était né. Il était alors dans sa 88e année.
- Il était venu à Liverpool pour assister au Congrès de la science sociale. Sa faiblesse s’accentuant l'empêcha de prendre part comme il le désirait aux travaux du Congrès.
- Il dut s’aliter. Jusque sur son lit de mort il était préoccupé des souffrances et des. misères du peuple dont il avait revu le cruel tableau en parcourant Liverpool.
- A l’annonce de son état, son fils Robert Dale Owen, alors chargé d’affaires à Naples, accourut. Il fut présent à la mort de Robert Owen qu’il annonça en ces termes :
- 27 novembre 1858.
- « C’en est fait. Mon père n’est plus. Il est mort ce matin à 7 heures moins un quart, aussi calme et paisible que s’il entrait dans le sommeil. Il n’y eut pas le moindre combat, pas la moindre contraction de muscle, pas la plus légère expression de peine sur ses traits.
- « Son souffle s’éteignit graduellement, il devint lent, plus lent encore jusqu’à ce qu’il cessât d’une façon si imperceptible que bien que je tinsse la main de mon père, je n’eus pu dire à quel moment précis il avait cessé d’exister. Ses derniers mots distincte-ments prononcés, vingt minutes environ avant sa mort, furent : « Relief is corne », le soulagement est venu. Dix minutes avant il avait dit : « Very easy and confortable », très doux et agréable.
- Après la mort le corps fut exposé dans la maison et le public fut admis à contempler ce visage qui dans la vie-avait constamment reflété l’expression de la tendresse et de l’amour pour tous les souffrants et les accablés de ce monde.
- Owen fut enterré à Newton dans le même monument que son père, sa mère et ses frères.
- Ainsi finit un de ces hommes dont la vie tout entière est consacrée au bien et au progrès de leurs semblables. L’histoire généralement laisse dans l’oubli ces pionniers de l’évolution sociale et enregistre avec soin les actes des grands exploiteurs ou des grands destructeurs de peuples.
- Le jour est proche certainement, et nous en voyons déjà des symptômes, où renversant cette manière de faire on donnera dans l’histoire et surtout dans l’enseignement des écoles la première place aux grands bienfaiteurs de l’hnmanité dont la vie est le plus bel exemple, la plus pure leçon de morale, le plus fortifiant modèle à offrir à chacun de nous pour notre commun bonheur.
- FIN
- Gallia Doceat
- Le gouffre effroyable creusé par la guerre dans les finances des Etats et dans les conditions économiques des peuples rend toujours plus profonde la misère des classes pauvres.
- En cent vingt-cinq années la guerre du Palatinat, celle de la succession d’Espagne, de la succession d’Autriche, la guerre de sept ans, la grande guerre d’Amérique, celle contre la Révolution française, la guerre contre Napoléon, toutes soutenues par l’or anglais, sans compter celles de Grimée, de l’Inde, du Zululand, de l’Afganistan, coûtèrent à l'Angleterre vingt-neuf milliards six cents trente-six millions de francs!!!
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- (Nous faisons nos réserves sur ce chiffre lequel, malgré son importance, devrait encore être plus que doublé, d’après un tout récent document anglais établissant comment les impôts des Iles Britanniques ont été dépensés depuis un demi-siècle. Nous publierons ce document dans notre prochain numéro.)
- Que l'on calcule s’il est possible ce que ces guerres ont coûté de sang, d’existônce, d’aventures, de misères, de douleurs.
- Le paupérisme anglais est passé en proverbe. Dans les Iles Britanniques les lords possèdent les livres sterling à dizaines de millions, mais nulle part ailleurs le paupérisme n’offre de plus misérable ni —- par contraste — de plus révoltant spectacle.
- Et nous n’avons pas rappelé, vu sa proximité, la guerre de 1870, dans laquelle le sang et l’or de la France ruisselèrent à torrents.
- Malheur aux vaincus ! disait Bismark, aussi cinq milliards coulèrent-ils d’abord pour rançon de guerre ; puis ce furent six autres milliards pour réparer les désastres, pourvoir aux moissons perdues, aux camps dévastés, aux industries suspendues, au commerce arrêté, au matériel de guerre détruit, à l’armée anéantie, évaporée.
- L’Allemagne de son côté fut épuisée jusqu’à la moelle, anémique, pleine de morts, de mutilés et d’invalides.
- Et ce n’est pas tout. La guerre est un cercle fatal, maudit. Au vaincu elle souffle l’idée de la revanche ; chez le vainqueur elle dépose le levain du soupçon ; de là les armements disproportionnés, désastreux de part et d’autre. Qui pourrait compter les trésors engloutis dans les préparatifs d’attaque et de défense,et les résultats merveilleux dont bénéficieraient les peuples si la guerre infâme était bannie du monde civilisé.
- Qui évaluerait combien dans les treize années écoulées de 1870 à 1883 a coûté la paix armée, à l’Allemagne et à la France ?
- Et par ricochet de quel poids elle a pesé sur les bilans des autres peuples ?
- Républicaine, la France devrait avoir un budget militaire des plus réduits, qui ne sait qu’au lieu de cela elle engloutit des trésors dans ses armements ?
- Qui ne voit la profondeur de l’aveuglement de ses gouvernants, aveuglement dont se font complices le clergé et la presse bonapartiste et royaliste ?
- Pour terminer, le lecteur veut-il connaître le bilan définitif des pertes françaises en 1871, d’après les documents présentés à la Chambre par M. de la Porte, député.
- L’armée active a perdu (en morts, blessés et prisonniers) du 1er août 1870 au 1er avril 1871, 656.093 hommes.
- La lutte contre l’Allemagne et la paix qui s’ensuivit coûtèrent en sommes payées par le trésor et pertes de diverses natures 12.131,509.336 francs, auxquels il faut ajouter 475.007.000 francs laissés à la charge des particuliers et 60 millions laissés à la charge de la ville de
- Paris, chiffres qui, ajoutés à la somme payée par l’Etat, donnent un total de 12.666.516.336 francs !!!
- Ajoutons en outre que la capitalisation à 4 pour cent des revenus annuels de T Alsace-Lorraine représente un chiffre de 1.659.750.000 francs perdus pour la France.
- Cela dit, nous le demandons : Est-il une scélératesse plus grande que la guerre ?
- « Il Secolo. »
- Curieuse expérience de magnétisme
- On lit dans le Courrier de VAisne ;
- Marne. — Reims. — M. de Torcy, le magnétiseur renommé avait fait le pari d’entrer dans la cage des fauves de la célèbre ménagerie Pianet. Le pari ne s’en tenait pas là, M. de Torcy devait être accompagné de son charmant médium, Mlle Lucia.
- Le plus fort de cette affaire, dit l'Indépendant rémois, c’est que le gracieux médium devait étant entouré de MM. les lions, être mis en l’état cataleptique, son corps réduit à l’inflexibilité du marbre, être posé sur deux chaises et, sur un signe de M. Pianet, les lions allaient exécuter, par dessus Mlle Lucia transformée en banquette irlandaise, le même steeple-chase, que, sous le fouet du dompteur, ils perforaient par dessus des barrières en bois.
- Pour mettre le comble à l’audace et donner une preuve de l’état cataleptique incontestable du médium, le bras, puis la tète de la belle Mlle Lueia, devaient être fourrés dans la gueule du lion, et le sujet ne devait pas subir la plus légère émotion, pas même une appréhention.
- A l’heure dite on posa dans la cage centrale, que bientôt les lions devaient envahir, un tapis, un fauteuil et une chaise tous accessoires dédaignés des dompteurs ordinaires.
- Puis les lions firent leur bruyante entrée. A son tour, M. Pianet l’intrépide dompteur pénétra vivement par la petite porte du coin de la vaste cage et, de la voix et de la cravache, força les fauves à se coucher à l’autre extrémité.
- Pendant qu’il les tenait en respect sous le regard, la petite porte s’ouvrit à nouveau pour donner passage au magnétiseur M. de Torcy et à son médium, Mlle Lucia. M. de Torcy tenait son pari !
- Il magnétisa son sujet, il le réduisit en l’état cataleptique ; Mlle Lucia ôtait là, agenouillée, au milieu de la cage, immobile, les bras étendus. Le dompteur ayant excité ses bêtes féroces, celles-ci bondirent autour du médium qui, le sourire aux lèvre?, n’avait pas conscience de la fantaisie terrible que couraient les lions autour de lui.
- Puis on plaça Mlle Lugia, rigide, sur deux chaises, et les lions se mirent à franchir cette barrière humaine qu’un coup de dent eût dévorée. Enfin, avant d’avoir fait revenir la jeune femme de l’état de somnabulisme où elle était plongée, le dompteur fit approcher un lion, lui mit de force dans la gueule le bras, puis la tête de la cataleptique ; le lion monta sur le corps du médium, sans que la rigidité de celle-ci en fut affectée et, comme Iss exercices avaient tous été rigoureusement exécutés, M. de Torcy réveilla son sujet, qui n’eut pas l’air d’avoir eu conscience des dangers terribles qu’il venait de courir.
- C’est la première fois qu’une expérience si émouvante ait été tentée devant le public, et nous devons dire, qu’à part l’impression douloureuse, l’anxiété, où furent tenus les spectateurs, tous étaient émerveillés de la sécurité du magnétiseur, de la confiance inaltérable de la magnétisée, de l’autorité et du sang-froid surprenants avec lesquels M. Pianet fit exécuter par ses fauves terribles, une série d’exercices que l’on croyait impossibles.
- Inutile de dire que l’immense loge faillit crouler sous les applaudissements.
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- et
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- Correspondance d’Angleterre
- La politique et les faits sociaux dans le Royaume-Uni en 1883.
- (Suite.)
- Nous nous sommes principalement occupé, dans la première partie de ce travail, de l’action de l’Angle-terrq pp friand fi, fit ppus aven? fadmé fiQnimafre-ment l’état des partis dans ce pays à la fin de -83. Aujourd’hui, nous nage proposoua d’étepdpe notre champ d'observation à la Grande-Bretagne et à ses colonies, ainsi qu’à ceux des pays étrangers oh l’ip-fluence de la politique extérieure du cabinet de S§jqt-James s’est fait plus ou moins sentir.
- Remarquons tout d'abord que la question Brad-laugh q’q guère avancé, en dépit des efforts, des luttes incessantes du député de Northampton et de l’pppui que lui ont donné )es vrais libéraux dans le Parlement
- Le Pitfirisaïsme est encore trèsopuispant dons pe pays : M- Bradlaugh, le libre-penseur, et M. Gladstone le croyant convaincu, mais honnête, en ont tous deux fait l’expérience à leurs dépens. D’un autre côté, le député de NortRampton, qqi sent qu’il a pour lui la grande majorité de ses commettants que rien n’a pu rebuter, est un homme aussi résolu que capable, et il n’a pas encore dit son dernier mot, si nous en croyons une lettre qu’il Tient de pm-blier et dans laquelle il déclare avoir l’intention de se présenter de nouveau à Westminster le 5 février prochain, décidé qu’il est à « réclamer d’autant plus hauteme nt le respect de Ja loi, qu’il a prouvé qu’il était prêt à lui obéir, »
- Un autre effet nqp moins funeste du phgrisaïsiqe et de l’esprit da chauvinisme qui régnent dans de certaines régions de ce côté-ci du détroit, a été la rejection du Bill concernant le Tunnel sous-marin desfiné à relier l’Apgieterre à la Frappe,
- On ne nous fera pas croire, en effet, que ce soit réellement la peur d’une invasion armée de l’Angle^ terre par la France qui a décidé la majorité du Parlement à ordonner la cessation des travaux de percement du tunnel. Non, ce que craignent nos conservateurs, nos bigots et nos chauvins anglais et écossais, G’est une invasion des idées françaises si contraires aux vieux préjugés et aux privilèges de caste qui leur assurent encore une certaine prépondérance.
- Car c’est une étrange contrée que cette Angleterre 0$ les libertés coudqient les restriction oh la scieqce et la libre-pensée ne peuvent se comparer qu’à
- l’ignorance et au fanatisme religieux, et où, plus que partout ailleurs, oq voit marpher côte à côte une richesse Incroyable et la plus affreuse qiisèpe, une générosité ppup ainsi d’i’e sans bd?W et lfi plftfi profond égoïsme.
- L’A-nglfitfir?*®» (lisait spuvapt M. Ohallpqml^LacQur?, notre ancien ambassadeur à Londres. VAngleterre est une île entourée d'eau de tous côtés / Qe mot aussi spirituel que juste non-seulement nous donne la véritable mesure de la majorité de nos voisins, mais il explique à lui seul le vote de cette majorité
- qui a rejeté le Bill de Sir E. Watkins.
- ï *
- Nous venons de parler de misère : mqntiopnqns eq passant, car nous y reviendrons plus tard? le pri terrible qui s’est éievé dans ces derniers tergpgi à Londres, à Liverpool et dans tous nqs grands een-: très, cri d’agonie d’un côté, (|e commisération fitdfi crainte de l’autre, 4 4 vue terrible des pdaies sq? claies que nous ont dévoilées, quelques flammes ftuggi hardis que géqéraux,
- Nos gouvernants se sont enfla émus, eux aussi, de l’état d’abjection où vivent des milliers de leurs semblables dans cette seule grande ville de Londres, et sir Dicke, entre autres, n?a pas craint d’aller inspecter personnellement ces quartiers mal famés, ces bouges infectes où grouillent des milîers de malheureux qui ont autant que nous droit à la lumière.
- Nous avons eu, depuis peu? des meetings e;t des conférences, et des lettres pur pentaiqej d^qs lps journaux sur cette question dns habitations ouvriè? res : chacun a exposé son p4q ; chacun a dît §on mot, mais, jusqu’à présent, cm n’est arrivé à aucune conclusion, car il ne s’agit pas seulement de parjqp et de faire preuve dé bons seollmeqts, il vq falloir mettre la main à la poche et donner un peu de son superflu et pela semblé bien dur à dq certaines fans-
- En attendant, il est aujourd’hui bien vu de se dom ner à bon marché des airs de philanthrope i notre beau mandé, nos élégantes même s un mêlent, cela posa, c’est fort bien porté en Société :
- Punch (1) nous montrait, dans un de ses derniers numéros, trois jaunes ladies qui, enveloppées delong mackinloshee, prennent congé d’une vieille dame de leurs amies chez qui ell3s ont passé la soirée.
- « Eh quoi ! dit leur hôtesse, vous partez déjà et affublées de ces vilains imperméables. Vous n’allez pas faire la route à pied ? »
- -rr h Non, bien certainement, chère madame, répondent nos trois élégantes : nous allons visiter un de ces affreux logis du Londres horrible, vous savez.
- (1) Le meilleur des journaux satiriques de Londres — pour ne pas dire du monde.
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- lk peyqto
- m
- Une famille de quinze malheureux, dans une seule chambre sans fenêtre! Nos mackinjoshes, cjites-YOus? Ah oui ; c’est pour nous garantir de l’infection, et
- puis pour cacher nos robes et nos bijoux.....
- vous comprenez i n
- Certes oui, Punch, nous comprenons, et tu as encore une fois touché juste, vieu£ satirique. Va, l’on demande du terrqin où construira des cités ouvrières ; Ger-tes, ce n’est pas l’argent qui manque, et le terrain non plus, maie nous ne louerons pas s’il ne
- rapporte de gros intérêts..... mais non 5 nous
- mettons nos imperméables et cachons nos bijoux, puis notre curiosité morbide satisfaite et quand nous aurons généreusement fait l’aumône à ces malheur reux, oublions bien vite Ges misères et ces haillons qui sentent la mort ! (I).
- Allons, sir Ç. Dilke, pe faites pas comme nos femmes à la mode et nos philanthropes en cravata blanche. ^ l’œuvre, et que votre tournée faite vous avisiez sérieusement nqx moyens de remédier au mal, car il n’est que temps !
- *
- * *
- Pessimiste ! dites-vous ? Non, nous voyons seulement les choses telles qu’elles sont et sansjnous faire illusion. Et tenez, si nous tournons nos regards à l’extérieur, nons n’avons guère plus de raisons de nous réjouir.
- Dans l’Inde, par exemple, le projet de loi relatif à la composition des tribunaux proposé par les lords Ripon et Spencer et connu soqs le nom dGilbert Bill a été l’objet d’une opposition si violente de la part des Anglo-Indiens, dont les privilèges se fussent trouvés fart endommagés par son adoption intégrale, qu’un compromis a eu lieu; lequel satisfait paraît-il les deux partis intéressés, mais qui constitue en réalité une reculade de la part du gouvernement et une défaite pour l’élément indigène.
- Et en Egypte, où en sommes-nous ?
- Le Soudan abandonna jusqu'à Wady-Halfa ; Khar-toum livrée au Mahdi ; le commerce des esclaves renaissant pour ainsi dira dans des conditions plus favorables que jamais, et les finances de l’Egypte dans un état de délabrement qui n’à de comparable que la situation politique de ce malheureux pays ! Voilà où nous ont menés les faiblesses d’un gouvernement libéral qui a cru devoir copier ia politique extérieure d’un Disraéli : un honnête homme essayant de parfaire l’œuvre d’un roué sans scrupules ; le résultat était prévu.
- (1) La ville de Londres n’a pas d’argent pour acheter des terrains où bâtir des cités ouvrières, mais pour la mascarade connue saus le nom de Lord Mayor’sShûW on a bien trouvé L 3,843, 13% 6 penoe.
- Certes, l’Angleterre se tirera d'affaire : elle est forte, et elle enverra des troupes pour protéger le territoire égyptien proprement dit ; elle est riche, et elle trouvera bien de l’argent quand il faudra payer les indemnités égyptiennes, — autrement dit les pots cassés d’Alexandrie ; mais elle s’est aliéné le peuple égyptien, elle va encore sacrifier des hommes et grever à nouveau ses finances obérées, et tout cela pourquoi faire, nous le demandons?
- Pour arriver à un protectorat douteux sur le Nil, pour rendre le Soudan an Mahdi et aux marchands d’esciuyes ?
- Beaux résultats, eu véritg !
- *
- * *
- Le tableau n’est pas gai, direz-vous, et vous avez raison.
- Cependant en regardant attentivement à travers toutes ces ombres, vous discernerez bientôt une faible lumière qui chemine lentement, Mon lenfe-i ment, mais qui prend en fpree et en éclat au fur et à mesure qu’elle avance.
- C’est qu’en dépit de nos conservateurs et de pps modérés même, l’esprit public sa modifia peu à peu en pe qui concerne les questions politico-religieuses, ainsi que le constate la scission qui s’accentue de plus en plus tant au Parlement que dans le cabinet même entre les Whiçs et la nouvelle école radicale.
- Pans le ministère, non-seulement ce nouveau CPU-rant d’idées se fait sentir, mais il y cause une perturbation qu’explique l’état d'immobilité dans laquelle se complaît i’élément libéral qu| forme encore la majorité.
- Avec MM. Chamberlain et Dilke d’un côté, le marquis de Hartingtop, lord Grand et §ir Vernon Har= court de l’autre, M. Gladstone se trouve tiraillé de droite à gauche et de gauclie à droite, et forcé de faire des concessions désastreuses dont ÜS ne lui savent aucun gré et qui lui font beaucoup de mal aux yeux des radicaux.
- Or, remarquez que ce sont ces derniers, représentés par M. Chamberlain, qui ont été les auteurs des seules réformes législatives sérieuses introduites dans la dernière session
- Cependant, si comme nous l’espérons notre premier ministre peut faire passer cette année son projet de loi sur l’extepsion des franchises électorales, dont nous avons déjà parié précédemment, le pays fera malgré tout un grand pas en avant, et ie parti radi-i cal sans aucun doute plus fortement représenté dans le premier Parlement qu’il ne l’est aujourd’hui.
- C’est là le point lumineux qui nous remet l’espoir au cœur, c’est de voir que grâce aux progrès que font l’instruction et l’éducation politique dans ce pays.
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- LE DEVOIR
- nous pourrons assister dans quelques années à la victoire des radicaux anglais sur les Whigs et les Tories.
- Ce jour-là, les questions sociales auront le pas sur la politique proprement dite dans le Parlement anglais et nous ne croyons pas trop nous avancer en prédisant que le pays y gagnera sous tous les rapports. P. -L. Maistre .
- LES FEMMES MILITAIRES
- A mon avis, les femmes ne sont pas à leur place sur les champs de bataille ni dans les mêlées sanglantes; elles ont assez de vicissitudes sans en rechercher de nouvelles parmi les horreurs de la guerre. Leur présence encourage et stimule le soldat et, au besoin, le console ; mais, encore une fois, la place de la femme n’est pas dans l’armée.
- Cependant, puisque plusieurs centaines de femmes ont été les martyrs volontaires de leur patriotisme ou de leur bravoure, j’ai eu la fantaisie de dresser une liste des femmes militaires dont l’histoire nous transmet les noms; je n’y ai inscrit que les plus connus et porté à la suite du relevé que les principales héroïnes contemporaines.
- Désirant m’en tenir aux grandes lignes d’un panorama — ou d’un panthéon, comme on le voudra -je grouperai l’ensemble en trois bataillons; le bataillon des temps lointains, le bataillon de la Révolution et du premier Empire et le bataillon des contemporaines. A l’égard de ces trois groupes je commets naturellement des anachronismes, mais ces anachronismes voulus servent à merveille la mémoire des noms.
- Sans remonter juqu’aux prouesses des Amazones ou des Sabines, si l’on se maintient dans la France du moyen âge, on forme ce que l’on pourrait appeler le premier bataillon; c’est-à-dire qu’au milieu de ces étranges figures, moitié mystiques, moitié guerrières, de Sainte-Geneviève et de Jeanne d’Arc, la mémoire réunit Frédégonde conduisant à cheval ses troupes à la victoire et reconstituant la Neustrie; Ethgive prenant le commandement militaire de la ville de Laon; Gerberge dirigeant elle-même sur Dijon les compagnies destinées à vaincre celles de Robert de Trêves ; Gaëte, qui, là lance à la main, ramène devant les Grecs les soldats de son mari dispersés,
- Guirande de Lavaur a fait des merveilles pour défendre sa ville natale ; Marie-Catherine Fouré de Poix, à la prise de Péronne, a arraché un pavillon ennemi, après avoir précipité dans un fossé l’enseigne qui l’avait planté.
- Ne convient-il pas de mentionner, à propos de leur élan général patriotique,les habitantes de nombreuses villes assiégées, les dames d’Orléans, d'Etampes, de Compiègne, de Saint-Riquier, de Montélimart, de Dôle, de La Rochelle, de "Vitré, de Poitiers, de Montpellier, de Montauban, etc., conduites parfois par la plus énergique des leurs, telles que les dames de Castellane, menées par Judith Audran, ou que les dames d’Angers, surnommées les chevalières angevines, dirigées par Marguerite de Bressieux-Anjou. On est très martial à Angers.
- En jetant de la paille enflammée sur les assaillants, Brigitte Schicklin sauva la ville de Guebwiller au quinzième siècle. I
- Les croisades avaient fourni des héroïnes. Michaud nous rappelle qu’après le siège de Saint-Jean-d’Acre, les Sarrazins trouvèrent trois femmes parmi les captifs : elles avaient combattu à cheval, dissimulant leur sexe sous les armures.
- Dans les guerres féodales, en dedans ou en dehors des villes ou des châteaux assiégés, un grand nombre de femmes ont fait acte de bravoure militaire. La comtesse Jeanne de Montfort a défendu Hennebon, et a pris ensuite la direction d’une flottille de guerre montant à l’abordage, la hache à la main, ainsi que Froissard nous en a transmis la relation ; elle a ensuite lutté contre Jeanne de Flandre, sa rivale, point de l’histoire que l’on a désigné la guerre des deux Jeanne.
- Jeanne Maillotte ne s’est-elle pas distinguée à Lille, lors de la révolte des Hurlus (confédérés de Tournai) ? Marie d’Harcourt n’a-t-elle pas défendu l’épée à la main son castel de Yaudemons?
- La femme de Duguesclin a rejeté de leurs échelles des soldats anglais qui tentaient par une escalade nocturne de se rendre maître du château de Pontor-son. Jeanne Hachette s’est emparée d’un étendard bourguignon au siège de Beauvais. Il convient de citer les Marseillaises, qui se défendirent vigoureusement contre les troupes assiégeantes du connétable Charles de Bourbon. La chronique a inscrit sur son livre d’or les noms des dames de Bausset, de Roque-vaire, de la Mure, etc., s’élançant aux bastions entraînées par la dame de Monteaux,
- Le glaive est leur parure et l’honneur leur égide. Monteaux les aguerrit : c’est elle qui les guide.
- Un casque étincelant ajoute à leurs appas ; et dent le souvenir est perpétué à Marseille par le boulevard des Dames, ouvert sur l’emplacement des bastions en question.
- Citons la générale Diannouy La Caze aidant son mari à former une expédition militaire à Madagascar.
- Au siège de Perpignan, en 1542, une femme poète se révéla guerrière, Louise Charlin,dite Louise Labé, originaire de Lyon, surnommée pour sa bravoure le capitaine Loys, et plus tard, pour sa beauté et son mariage avec un cordier, la Belle cordiêre. Louise Labé a écrit des poésies passionnées, souvent réimprimées, et dont l’une d’elles aurait mspiré, dit-on, à la Fontaine sa fable de VAmour et de la Folie.
- {A suivre).
- «—Gsc<?^*Vî>-'
- ETAT-CIVIL DU FAMILISTÈRE
- Semaine du 14 au 20 Janvier 1884
- irôXXÈiS s
- Le 14 Janvier, de Camus Taïse, épouse de Détrez Ernest, âgée de 24 ans.
- OOTJIfcS D’ADULTES
- Leçon de Physique expérimentale par M. Barbary
- Séance du Mardi 29 Janvier
- 1» Le principe d’Archimède s’applique aux gaz comme aux liquides.
- 2° Baroscope.
- 3° Cause de l’ascension des montgolfières.
- 4° Neiges perpétuelles.
- 5° Machine de compression.
- 6° Fontaine de Hérou.________________________
- Le Directeur-Gérant: GODIN
- S^Quentin. — lmp. du Gfamur.
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- 8e Année, Tome 8, - n° 282 & numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 3 Février 1884
- LE DEVOIR
- REVUE DES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU
- i GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES DAVANCE
- par i’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
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- ON S’ABONNE A PARIS
- 5, r.Neuve-des-p etits-Ghamp s Passade des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES ET POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1. — Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- 4. — Organisation du suffrage universel par Vunité de collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement général à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile;
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens ;
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter ;
- La représentation par les supériorités.
- 5. — Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues par le suffrage universel.
- 6. — Egalité civile et politique de l’homme et de la femme.
- 7. — Le mariage, lien d’affection.
- Faculté du divorce.
- 8. — Education et instruction primaires, gratuites et obligatoires pour tous les enfants.
- Les examens et concours généralisés avec élection des élèves par leurs pairs dans toutes les écoles.
- 9. — Ecoles spéciales, nationales, correspondantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- 10. — Suppression du budget des cultes. Séparation de l’Eglise et de l’Etat.
- 11. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 12. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- 13. — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatéral à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dans une juste mesure, retour à la société qui a aidé à les produire.
- 14. — Organisation nationale des garanties et de l’assurance mutuelles contre la misère.
- 15. —- Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 16. — Liberté d’association.
- 17. — Libre échange entre les nations.
- 18. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans Varchitecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 19. — Abolition de la guerre offensive.
- 20. — Arbitrage international jugeant tous les diffèm rends entre nations.
- 21. — Désarmement européen.
- 22. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire.
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- LE DEVOIE
- Jm: 'mJ'M&rn
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, Vadministration fait pré senter une quittance d’abonnement.
- ———----- ------------
- NOTE DE L'ADMINISTRATION
- Les numéros du Devoir contenant la série d'articles publiés sous le titre de « La Question ouvrière » sont envoyés franco par paquets de 10, au pria) de 75 centimes, par paquets de 100 numéros, au prix de 5 francs.
- Adresser les demandes à la librairie du Familistère à Guise, département de VAisne.
- SOMMAIRE
- La question ouvrière.— Projet de Pèlerinage. — Contre le paupérisme. — Neutralisation de VAlsace. — Les arbitrages internationaux. — Mots de Progrès. — Faits politiques et sociaux. — Plus d’impôts. — Comment les impôts anglais. Société des libérées de Saint-Lazare. — Un économiste économisant. — Ecoles du Familistère. — Les femmes militaires. — Etat civil du Familistère. — Cours d'adultes. — Philosophie de l’avenir. — Théâtre.
- Tmis les numéros du Devoir contenant des articles sur la « Question ouvrière » sont envoyés gratuitement aux députés ayant pris part aux débats sur la situation économique, et à tous leurs collègues qui ont Vhabitude de s'occuper des lois sur le travail.
- LA QUESTION OUVRIÈRE
- Toutes les questions d’intérêt général ont atteint à cette heure une gravi té qui commande une prompte et énergique intervention gouvernementale,
- A peine si l’on a le temps de choisir par où commencer.
- Au Parlement, pendant là même semaine, tous les
- groupes ont été unanimes à agiter la question ouvrière. Les journaux, sans distinction de nuances, consacrent chaque jourunegrande partie de leurs colonnes à l’examen de notre situation économique,
- La question ouvrière a pris d’elle-même la première place dans l’opinioh poblique, et c’était justice.
- Partout on paraît se préoccuper des intérêts des travailleurs. Mais on constate que plus la discussion se prolonge, plus on semble s’éloigner de l’accord nécessaire.
- Cette impuissance a pour cause principale l’ignorance de la plupart de ceux qui essaient ou font semblant d’essayer à résoudre le problème. Beaucoup parlent des chômages et de leurs conséquences uniquement parce que leur métier Iss oblige à dire quelque chose de la question du jour ; d’autres interviennent, parce que, payés par des gens habitués à vivre en eau trouble, ils ont pour mission d’embrouiller davantage la question ; d’autres, le petit nombre, hommes compétents et désireux de traiter sérieusement les choses sérieuses ne peuvent se faire entendre au milieu de la cohue causée par les premiers*
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- Comment résoudre un problème si mal posé I
- De tous les orateurs qui ont traité ce sujet à la Chambre, M. MareL seul, s’est appliquer à définir exactement la position de la question. Nous n'avons pas hésité à faire notre cette partie de l’argumentation de M. Maret tendant à préciser ia situation.
- De tous les côtés on parle de crise, tandis que l’on devrait comprendre que nous sommes au bout d’une étape d’un ordre social faux, étape aboutissant fatalement à une période de trouble.
- On appelle crise, si j’en crois mon dictionnaire, un changement subit dans la manière d’être d’une chose d’un fait* d’une situation ; et le mot période signifie révolution qui se renouvelle régulièrement, qui ne peut pas ne pas se manifester.
- La situation présente n’est pas une crise parce qu’elie était une chose scientifiquement prévue dans une Société où les travailleurs sont des salariés, c’est-à-dire des gens qui ne sont payés, qui n’ont leurs moyens d’existence, que d’autant qu’ils trouvent des capitalistes pour utiliser leur force travail.
- Or, avec les moyens puissants de production, dont dispose l’industrie moderne, il n’est pas possible que les producteurs dans une nation s’adonnent au travail régulièrement,pendant quelques années de paix, sans produire une quantité d’objets consommables dépassant les besoins de la classe riche.
- Alors, la période de travail est fatalement suivie d’une autre période pendant laquelle les ouvriers, dé
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- plus en plus délaissés par les capitalistes qui n’ont plus besoin d’eux, de souffrance en souffrance arrivent à ne plus trouver la vie supportable et, finalement, à préférer l’émeute à la mort de misère.
- Il y a déjà quatre ou cinq ans que nous commençons à sentir les prodromes de cette deuxième période. Nous serons bientôt à l’heure des convulsions.
- Jusqu’à ee jour, chaque fois que les classes dirigeantes ont été en face de ces conséquences de l’ordre social basé sur le salariat, elles ont encouragé le gouvernement à tenter une diversion dans les aventures étrangères.
- La politique coloniale est déjà un début peu rassurant.
- Palliatif impuissant, car, pour arriver à une troisième période dans laquelle les capitalistes recom menceront à avoir besoin des bras des travailleurs, sans sortir de l’ordre social présent, il faut que la nation, en grande partie, reste longtemps sans produire ; à moins que, pour abréger l’attente, toutes les forces humaines se décident à tourner leur énergie vers la destruction.
- Cela est bête, cela est cruel, cela est idiot, néanmoins les hommes n’ont jamais procédé autrement.
- La solution socialiste commande, pour éviter les effets de la surproduction, d’augmenter la puissance d8 consommation des travailleurs proportionnellement au développement des moyens de production.
- Cette chose si simple, si naturelle, ne peut cependant être obtenue sans être précédée d’upe véritable révolution économique, puisque ce résultat exige, pour être réalisé, que les moyens de consommation des masses soient élevés au niveau des moyens de production, et que ceux-ci cessent de fonctionner selon les volontés et les caprices de ceux qui les possèdent.
- Pour obtenir cette production s’inspirant des besoins généraux, il est nécessaire que les travailleurs associés deviennent les possesseurs des moyens de production ; alors la consommation s’élèvera d’elle-même proportionnellement à l’augmentation des bénéfices qu’ils en retireront.
- Prenons pour exemple :
- D’abord un industriel payant, par an, à 600 ouvriers ou employés, une somme de 800,000 francs ; ce patron achète pour 500.000 francs de matière, il a 400.000 francs d’autres frais ; et il vend pour 2.000.000 de produits. Notre patron a donc 300.000 francs de bénéfice.
- Nous pouvons admettre que, par la création d’un outillage perfectionnée,ce patron vienne à doubler sa Production sans augmenter ie nombre de ses ouvriers j nous aurons alors salaire, 800.000; matière
- première 1,500.000 ; frais divers 1.200.000 ; et vente totale 6.000.000. Le bénéfice est alors de 2.500,000. En résumé le progrès est tout entier à l’avantage du patronat, lorsque les choses se passent ainsi d’une manière générale, c’est déjà un des griefs considérables des socialistes contre notre organisation sociale.
- C’est là le moindre inconvénient du système, car on finit à arriver par cette production à outrance à dépasser les besoins de la consommation ouvrière qui est restée stationnaire comme le salaire du travailleur ; et le pire en tout cela est que l’on ne peut sortir de cette situation sans employer des moyens aussi affreux que le mal lui-même.
- Supposons maintenant que la même production soit faite par une association. Nous aurons les résultats suivants : dans le premier cas, les travailleurs ayant pour eux leur salaire et le bénéfice ont un tiers environ de bien être en plus que sous le régime du salariat, puisqu’ils ont une puissance de consommation de 1.800.000 francs au lieu de 800,000. Dans le deuxième cas, après l’introduction de l’outillage perfectionné, ils ont pour eux 1 000.000 de salaire et 2.500.000 de bénéfice, soit 3,300.000 francs ; alors leurs moyens de consomrner s’élèvent proportionnellement à la production, et les pléthores ne sont plus à craindre ; car, s’il arrivait que les moyens de production vinssent à dépasser les besoins de la consommation, on aurait la possibilité de diminuer le nombre 'd’heures ds la journée de travail, sans qu’il y eût un arrêt dans la consommation.
- C’est véritablement vers ce but que doivent tendra les efforts humains: arriver d’abord à produire suffisamment de richesses pour permettre à chacun de vivre suivant les aspirations de la nature humaine ; et, lorsque ce niveau est atteint, augmenter encore les moyens de produire pour diminuer le nombre des heures de travail, afin de faire la plus grande part possible aux travaux de l’esprit ; c’est ainsi que le commandent les lois de la vie humaine.
- L’exemple qui vient d’être discuté a été examiné pour prouver que sous le régime du salariat, on ne pouvait manquer d’atteindre une période inévitable de perturbation sociale, et qu’on y arrivait d’autant plus vite que les moyens de produire devenaient plus perfectionnés ; il a donné en même temps la preuve que, sous le régime de l’assoeiation, la période de surproduction serait plus lente à se produire, et qu’elle procurerait le plus grand épanouissement de la vie humaine.
- *
- ¥ *
- Après l’exposé théorique des effets de la surproduction, sous le régime du salariat, il est nécessaire
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- de se rendre compte comment nous sommes arrivés à cette période, dont les nations dites civilisées subissent les effets.
- Le troisième empire, menacé par les mouvements politiques nés des complications crées par une surproduction analogue à celle qui occupe maintenant l’opinion publique, avant de faire place à notre république, déblaya le terrain politique des embarras économiques parles grandes destructions de la guerre franco-allemande.
- Après cette guerre, à la suite des longs chômages, des grandes destructions de travailleurs et de choses, qui lui avaient fait cortège, les capitalistes éprouvent un grand besoin de bras ouvriers :
- 1° Pour réparer les ruines de l’invasion ;
- 2° Pour se procurer des objets de consommation ordinaire, de confort et de luxe.
- Les travailleurs pendant les huit ou dix premières années de la République sont répartis dans ces deux catégories de travaux.
- Malgré cette double destination, la production dans la deuxième catégorie fut suffisante dès le début ; personne ne niera que, trois ou quatre ans après la guerre, les classes aisées avaient retrouvé tout le luxe des dernières années de l’empire.
- A mesure que les réparations des désastres de la guerre s’achevaient, que les lignes de chemins de fer étaient rétablies, que le matériel de transport était remplacé, que l’outillage militaire était renouvelé, les travailleurs de cette catégorie, devenus disponibles, venaient augmenter l’offre des bras dans la deuxième catégorie qui suffisait déjà aux demandes de ses produits.
- C’est ainsi que l’on est arrivé, insensiblement, à une production dépassant les besoins permis sous le régime du salariat ; alors ont commencé les chômages, et comme chômage est l’équivalent de baisse des salaires, la consommation diminue, lorsqu’il serait nécessaire de l’augmenter pour éviter les effets de la surproduction.
- Que l’on ajoute à cela l’abandon par l’Etat des travaux publics, qui maintenaient une partie des travailleurs en dehors de la production des objets de consommation courante, et l’on comprendra, à moins d’avoir une tête de parlementaire, qu’il faut autre chose que des discours et des voyages ministériels pour ramener la tranquilité publique.
- Voilà les explications logiques, véritables, d’évènements prévus et annoncés par les socialistes, qui n’ont recueilli de ces sages avertissements que des injures et des calomnies.
- Il ne nous convient pas de reprocher à nos hommes publics de n’avoir pas suivi la genèse de
- cette période troublée que nous subissons ; mais ils seront impardonnables, si, en présence de ces faits évidents, ils continuent à voir une crise là où il y a une conséquence inévitable d’un ordre social faux.
- (A suivre).
- PROJET DE PÈLERINAGE
- Des Coopérateurs anglais au Familistère
- En réponse à la lettre que nous avons traduite dans notre dernier numéro, M. Ed. Vansitart Neale donne, dans le « Cooperative news » du 26 courant, les indications voulues pour se rendre à Guise par le mode le plus économique.
- « Je serai très heureux *, ajoute-t-il, « de donner une lettre d’introduction près de M. Godin à tout coopérateur désirant visiter le Familistère. Mais je serais disposé à faire plus, c’est-à-dire, si la visite est organisée pour le mois d’aoùt ou septembre, à accompagner les coopérateurs excursionnistes afin de leur, servir à la fois.d’introducteur et d’interprête, car la généralité d’entre eux éprouvera, je crois, en France ce qu’éprouvait Gulliver en Laputa : le vif besoin d’être servie par une langue amie.
- Nous aurons de notre côté le plus grand bonheur à revoir de nouveau au Familistère notre illustre ami M. Vansittart Neale. L’association se fera un devoir et un plaisir de mettre des appartements à la disposition des visiteurs.
- vrr-----------------
- CONTRE LE PAUPÉRISME Assurance mutuelle - Suppression de l’impôt
- Reprenons l’examen du livre de Godin sur la « Mutualité nationale contre la misère » dont nous n’avons pu, en deux précédents numéros, épuiser le thème intéressant.
- Selon Godin « les premiers attentats contre le droit dérivèrent de la convoitise des richesses. L’établissement de la propriété privée en fut la principale cause.
- « Jusque-là les avantages que l’homme tenait de la société naturelle le laissaient prendre part à la gestion et aux affaires de la communauté. Son droit aux biens matériels nécessaires à l'entretien de son existence était entier. La violence et l’oppression ont seules rompu cet équilibre ; la force et la cupidité ont dès lors conduit le monde dans la voie du mal social, mais sans jamais pouvoir éteindre au cœur de l’homme la conscience de son droit qui est le sentiment de la justice.
- « La société civile et politique ne crée donc pas les
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- droits de l’homme ; ces droits existent avant elle ; son devoir et son objet consistent à restituer, à maintenir, à assurer au domaine social l’équivalent du domaine naturel, afin de conserver au citoyen les droits qu’il tient de la vie même. »
- Selon l’auteur « le régime de la propriété n’a d’influence sur l’ordre social qu’en raison de l’état d'avancement des peuples. Telle mesure bonne en certain temps serait inefficace dans un autre.
- « Chez les peuples pasteurs, par exemple, la terre est commune sans efficacité sur le progrès social, parce que l’unité sociale fait défaut.
- « Aux époques de barbarie et de conquêtes la terre est aux vainqueurs. L’esprit de lutte et de guerre est trop grand parmi les hommes pour qu’on songe au droit social. Le vaincu est courbé sous le joug du vainqueur.
- « Aux époques féodales (tant regrettées de quelques personnes) l’ignorance et la cupidité dominent ; la convoitise inspire les actions des puissants. Le paysan travaille au profit du seigneur comme il part en guerre à son commandement. Les classes labo-rieuses n’aspirent qu’à la liberté du travail, au droit de cultiver la terre et à la jouissance des produits de leurs labeurs.
- « Lorsque l'industrie se développe et que le travail multiplie les choses nécessaires à la vie, l’accaparement des bénéfices accumule de grandes fortunes au profit des exploitants. C’est alors que naît pour les masses le sentiment de leur droit au domaine social et à une part des profits.
- « C'est pourquoi la réforme sur les successions et l’hérédité de l’Etat auraient maintenant une influence considérable. Car tout est préparé pour faire produire à une telle mesure ses effets.
- « Aujourd’hui l’Etat peut avec avantage reconstituer le domaine social, devenir propriétaire, procéder à la recette des loyers, vendre et louer.
- « La pensée de l’intérêt public est assez avancée pour que le peuple élise les fonctionnaires chargés de traiter et de contracter avec tous les citoyens pour la vente, la location ou le fermage des propriétés qui écherront à l’Etat. »
- L’Etat héritier est, dans la pensée de Godin, la panacée de maux nombreux, le remède à la plupart des misères.
- En France, par exemple, l’Etat rentré en possession des revenus de la richesse publique disposerait d’un budget de six milliards et dans l’hypothèse de Godin pourrait :
- * Supprimer les impôts de toute nature ;
- « Rembourser la dette publique ;
- Couvrir la France de travaux et d’entreprises utiles, de canaux et de chemins de fer;
- « D’institutions d’assurances mutuelles, d’écoles primaires et d’écoles spéciales à toutes les grandes divisions de l’enseignement ;
- « Favoriser la fondation de villages modèles, dans lesquels les habitations seraient conçues de manière à réaliser les meilleures conditions de l’économie domestique, agricole et manufacturière ; dans lesquels les écoles, les fermes, usines et cultures seraient aménagées pour le plus grand avantage de la production, la facilité des rapports, l’allègement des travaux, l’accès de tous à la consommation, la satisfaction et le bien-être de tous les citoyens.
- « Quelles objections et quelles résistances appor-tera-t-on », demande Godin, « au droit d’intervention de l’Etat dans les successions ?
- « Le fait a lieu déjà par les droits d’enregistrement ; il s’exercerait d’une façon plus rationnelle par le droit d’héritage. »
- L’auteur résoud l’assurance contre le paupérisme et la misère, l’organisation des assurances mutuelles et la suppression de l’impôt avec cette conception : « L’Etat ne percevant de revenus que pour lès services qu’il aura rendus, et le citoyen ne payant que pour les services qu’il aura reçus, »
- Nous résumerons prochainement toute cette question traitée avec amour et grande autorité par Godin. Cet ouvrage, nous le répétons, se termine par un projet de loi relatif aux matières en cause.
- « Il Secolo. »
- Neutralisation de l’AIsace-Lorraine
- Dans notre précédent numéro, nous avons parlé, d’après le Temps, journal grave, de la fantaisie d’un député Saxon, M. Maas, qui a pris au sérieux la question la plus importante de la politique internationale, la Neutralisation de l’AIsace-Lorraine.
- Nous donnons aujourd’hui le texte des résolutions de M. Maas :
- 1° L’AIsace-Lorraine sera détachée de l’empire et formera un territoire neutre et autonome.
- 2° Les troupes prussiennes et autres qui y stationnent le quitteront et n’y retourneront plus.
- 3° Les fortifications de Strasbourg et de Metz seront démolies et ne seront plus relevées.
- 4° Pour mieux garantir la neutralité de l’AIsace-Lorraine, la forteresse française de Belfort, située à la frontière méridionale de l’Alsace, sera également démantelée, ou du moins mise hors d’état de se défendre.
- 5° Il va sans dire que les troupes françaises ne peuvent, sous aucun prétexte, pénétrer en Alsace-Lorraine.
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- 6° Abstraction faits des agents de police entretenus par les villes, l’AIsace-Lorfâine ne possédera qu’un corps dë gendarmerie. Cependant elle ne pourra organiser une iandwehr ou une milice, dont les cadres seront permanents.
- 7° L’Aliàcè-tôrrâiiiê pourra, on outré, conclure une union douanière, soit avec la France) Soit avec l'Allemagne- .
- 8° Les populations de l’Alsace-Lorraine pourront, à léufgré, âé donner un gûüvèfiiehieht commun, ou former une confédération ; elles détermineront aussi la forme du gouvernement..
- 9° La situation des établissements d.'instruction publiqiië, hôtâïûriiént celle dô l’Ühivèfsitë de Strasbourg, ainsi que celie dès cliemlns de l’Etat et dés autres Institutions de l’Etat, en particulier Iss demandes d’indemnités qui pourraient être adressées â l’empire pour dépèrisés mites, sëront réglées à l’amiable entre l'Allemagne et l’Alsftcë-Lorràihe.
- 10° Toutes fgs autres questions pécuniaires en suspens entre l'Allemagne et l’Alsace Lorraine seront réglées dë la mêifaë maniéré.
- 11° Les Alsaciens-Lorrains décideront la quôstioh de savoir s’ils adopteront les Codes civil ef criminel de la Erance ou de l’Allemagne, ou de quelque autre pays.
- 12° Toutes les autres questions secondaires seront également réglée^ d’après une convention équitable conclue entre l'Allemagne et i’Àlsace-Lorraine.
- ÏBd La neutralité de rAîsaeé-Lorrairie diirera à perpétuité ; elle sera placée sous la garantie des. grandes puissances, qui interviendront contre les perturbateurs.
- I4d L’Alsâcb-Lorràine formërà, avec les pâÿs voisins, le royaume de Hollande, l'e royaume de Belgique, le Luxembourg.et la Suisse, une confédération défensive rüèoo-aipine neutre, indissoluble â tout jamais.
- 15° Ces Etats décideront librement entre eux de la forme à donner à cette confédération, s’ils, auront un gouvernement fédéral commun, une délégation fédérale èotonkme ou tout autre signe extérieur d’un pacte fédératif, ou s’ils feront complètement abstraction d’une institution de ce genre.
- Plusieurs journaux dé Berlin, notamment le Ber-liner Tdgbtàtt, cbffibâttent les idées contenues dans la Brochure de M. Maas. Il y a là un indice certain qu’il existe en Allemagne de nombreux partisans de la Neutralisation de l’Alsace-Lorraine. S’il en était autrement les feuilles officieuses ne se donneraient pas la peine de répandre leur venin contre un adversaire imaginaire.
- La grande presse française a simplement reproduit j les conclusions do M. Maas sans oser les commente!". Nous attendons prochainement une autre attitude de la part du journalisme parisien. La présse française en s’abstenant plus longtemps manquerait aux devoirs que lui impose sa brillante tradition.
- LES ARBITRAGES INTERNATIOMDX
- Samedi dernier a eu lieu à la salle des Petits-Chamjis, uné côliférênce d’üii intérêt d’actualité tout
- particulier. Au moment, en effet, où l’horizon semble s’assombrir de menaces de guerre, M. Desmouiins, conseiller municipal, a lait pour la première fois l’histoire des trente-cinq Arbitrages Internationaux qui ont éteint autant de guerres possibles depuis le commencement du siècle.
- M. Ch. Lemonnier, Président de la Ligue Internationale do la Paix et de la Liberté, présidait la séance, assisté de M. Couturier, député, membre de la Ligue, et de M. Desmarets, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats.
- M. Lemonnier a d’abord fait connaître que six sociétés de Paix étàient représentées dans la réunion :
- 1° La Ligue Internationale de la Paix et de la Liberté, par lui, M. Couturier, et un grand nombre de ses membres ;
- 2° La Société des Travailleurs Amis de la Paix, par MM. Bfissae etBauzerr;
- 3° La Universal Peace Union, de Philadelphie, par M. Desmoulins;
- 4° U International Arbitration and Peace Associa-tion, de Londres, par MM. Desmarets et Desmoulins.
- 5° L’Association pour la neutralisation du Danemark, et
- 6Ü La Lega di Fratellanza, Pace e Liberté, de Milan, représentées par M. Lemonnier .
- « Chacune de ces six sociétés, a fait remarquer le Président, a son caractère propre, sa vocation, sa mission ; il existe entre elles des différences, même des divergences, qui du reste n’empêchent en rien leur union. La Universal Peace Union, par exemple, radicale en matière de paix, condamne toute guerre, même défensive. Son président, Love, lors de la guerre de sécession, a refusé le fusil, a subi pour ce fait l’amende et la prison, mais a persisté dans son refus, disant : « « J’irai aux ambulances ; je veux bien mourir, mais je ne veux pas tuer. »
- « La Ligue Internationale de la Paix et de la Liberté, au contraire, dit M. Lemohnier, approuve la guerre de défense, et proclame même, quand la souveraineté du peuple est méconnue et violée* le droit à l’insurrection.
- « Et tandis qu’elle proclame également la répu-, blique comme la seule forme de gouvernement pos-i sible, Y International Arbitration and Peace Associa-tion de Londres, s’inquiétant peu de la forme de gouvernement, s’attache exclusivement â l’idée d’arbitrage. Ainsi diffèrent ces diverses sociétés, mais toutes travaillent concurremment au même but. Un des résultats les plus marquants atteints jusqu’ici est la conclusion d’un Traité d’Arbitrage permanent entre la Suisse et les Etats-Unis, obtenus par les
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- efforts persévérants de la Ligue Internationale et de la Peace Union. L’association pour la neutralisation du Danemark, mais aussi celle de la Norvège et de la Suède.
- Arbitrage ;
- Fédération des peuples ;
- Neutralisation ;
- Ce sont là, dit M. Lemonnier, des termes qui s’impliquent, ce sont les trois facteurs de la paix. En terminant il insiste sur l’occasion propice qui s’offre d’appliquer au Congo l’idée féconde de neutralisation ;
- M. Desmoulins commence son discours en rappelant ces mots de Montesquieu : « L’Europe périra par les gens de guerre, » et affirme que si Montesquieu, vivant de notre temps, voyait, non-seulement les guerres déclarées, mais la guerre latente en permanence, répéterait la même parole. Or, comment obvier au danger ? Comment assurer la paix ? Par l’Arbitrage international.
- Avant d’entrer dans l’historique de ce qui a déjà été fait dans cette voie, l’orateur présente quelques chiffres qui font toucher du doigt l’énormité des dépenses de guerre. Voici le tableau des frais de la paix armée en Europe.
- Autriche-Hongrie. ....
- Belgique (malgré sa neutralité)
- Danemark...................
- France ....................
- Angleterre ....... 750.000.000
- Russie ........................ 840.000.000
- Allemagne ....*.. 540.000.000
- Passons maintenant à l’intérêt annuel de la dette publique, laquelle s’augmente bien entendu par les frais incessants énumérés plus haut.
- 335.000.000 fr. 41.000.000 17.00Q.000 780.000.000
- Autriche-Hongrie. Belgique . Danemark . France . Angleterre . Russie . Allemagne .
- 535.000.000 fr. 88.000.000 » 12.000.000 » 1.235.000.000 » 715.000.000 » 690.000.000» 280.000.000 »
- Soit pour toute l’Europe, en frais d’armée actuelle, 4 milliards de francs ; 5 milliards comme intérêts de la dette ; et pour l’ensemble de cette dette X 10 milliards de francs.
- Que de forces économiques perdues, sans compter les douze millions d’hommes enlevés aux travaux utiles ! Un curieux tableau, envoyé d’Angleterre, représente pour chaque armée, en lignes de diverses couleurs, la proportion des dépenses du gouvernement civil avec celles de la guerre en ce pays, pour les 50 dernières années. Sur une livre sterling ces
- dernières absorbent 16 scheîlings, les autres 3 schel-lings seulement. En 1856, les dépenses de guerre se sont élevées à 1 milliard 300 millions de francs, contre 325 millions accordés aux dépenses d’autre sorte.
- « Ainsi l’ambition, les hostilités, les convoitises, se résolvent en prodigalités inutiles, ruineuses. L’intérêt des peuples, c’est une politique pacifique, celle de l’arbitrage, au lieu de la politique agressive des souverains. Car les peuples, loin de gagner à se combattre, ont un intérêt suprême à s’ent’raider, à échanger les produits de leur industrie. Et là où règne le suffrage universel, la première condition qu’un électeur devrait imposera tout candidat, c’est une politique de paix.
- Or, le moyen d’assurer la paix existe-t-il ? Oui.
- Ici l’orateur lit un rapport du fragment de M. Couturier à la Chambre sur une pétition couverte de nombreuses signatures et demandant le recours à l’arbitrage.. Le rapport constate, de 1853 jusqu’à nos jours, 26 exemples d’un tel recours, un par an, en moyenne. Et chaque fois, par une simple décision d’arbitres, a été réalisé un double bienfait, celui d’écarter le conflit en évitant le sang et les horreurs de la guerre.
- M. Desmoulins, après avoir énuméré ces précédents, entre dans le détail d’un des cas d’arbitrage les plus intéressants, l’affaire de l’Alabama, entre l’Angleterre et les Etats-Unis.
- « Le traité de 1783, dit-il, par lequel fut reconnu l’indépendance américaine, était gros d’orages, ce qui est le caractère ordinaire des traités de paix, imposés par un vainqueur exigeant, subis par un vaincu humilié et désireux de vengeance. L’Angleterre avait donc fait insérer dans celui-ci des clauses qui étaient des germes de querelles ultérieures. Elle commença bientôt à se plaindre des flibustiers américains, elle qu’on avait vue, en 1808, incendier au mépris du droit des gens la flotte danoise clanà le port de Copenhague, et exercer d’autres déprédations terribles. Quoi qu’il en soit, une nouvelle paix fut signée à Gand en 1813 ; mais les plaintes et les contestations continuèrent ; et en 1826 intervint comme arbitre l’empereur de Russie. D’année en année cependant des mécontentements réciproques se faisaient jour. Arrive la guerre de sécession. L’Angleterre fournit clandestinement des subsides aux confédérés du sud, et les aida à couvrir les mers de corsaires. Elle ferma les yeux sur la construction qui se fit dans ses ports de quatre ou cinq corsaires qui sortaient des eaux anglaises sous pavillon anglais marchand, se rendaient aux Açores où à Madère, et là, changeant d’équipage et arborant le
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- pavillon sudiste, allaient rejoindre les belligérants, Le plus redoutable de ces corsaires, YAlobama, construit à Liverpool, fut pris au moment où le général Grant triomphait des confédérés. La guerre finie, des réclamations furent adressées à l’Angleterre; celle-ci refusa toute satisfaction, alléguant la dignité nationale ! Vers 1870, la situation était devenue très-étendue, les Etats-Unis se disposèrent à s’armer. Tous les armateurs, négociants, marins, qui avaient eu à souffrir des déprédations commises furent invités à établir leurs réclamations devant témoins, et un chiffre total fut fixé.
- Enfin, au moment où la guerre était imminente, les Etats-Unis proposèrent l’arbitrage. Et l’on vit de simples magistrats, recommandés par leur seule intégrité, par l’indépendance de leur caractère, résoudre une querelle qu’un nouveau sacrifice de vies humaines et de milliards n’auraient pu terminer.
- Ces arbitres au nombre de cinq étaient :
- Adams, nommé pour les Etats-Unis, par le général Grant ;
- Cockburn, par la reine d’Angleterre ;
- Sclopis, par le roi d'Italie ;
- Stœmfli, par le président de la Confédération helvétique ;
- Itajuba, par l’empereur du Brésil.
- Ils s’assemblèrent pour la première fois à Genève en juillet 1871, et le 14 septembre 1872 rendirent leur décision ; l’indemnité allouée aux Etats-Unis fut fixée à 76,500,000 francs ; et l’Angleterre, malgré les résistances du chauvinisme britannique, se soumit à la décision, parce qu’elle en reconnut la justice. Elle paya.
- « C’est qu’en effet, s’écrie l’orateur, il n’y a plus ici en présence un fort et un faible, un vainqueur et un vaincu, la violence et la haine. Il y a une partie qui a tort, une partie qui a raison, et les arbitres appelés ont prononcé entre elle en invoquant le droit. Le jugement est accepté sans rancune parce qu’il l’est sans pression ; les ennemis de la veille sont devenus amis, et la pensée de revanche, qui perpétue la guerre sans terme possible, a disparu de leur esprit.
- « Il n’est même pas besoin, ajoute finement M. Desmoulins, que l’arbitre soit par lui-même un juste pour juger justement, et Louis Napoléon Bonaparte a pu remplir cette mission en 1850, entre le Brésil et le Portugal.
- La situation désintéressée de l’arbitre, l’honneur où il se sent élevé par la confiance des appelants, suffisent à assurer sa conduite loyale en cette circonstance. Les jurys de nos tribunaux sont-ils composés d’hommes parfaits ? Et cependant n’avons-
- nous pas raison de nous fier à leur honneur ?
- L’orateur rappelle ici que l’établissement des tribunaux d’arbitrage international découle naturellement de l’idée qui a donné naissance aux tribunaux civils, en écartant les guerres entre individus. Le roi saxon Alfred-le-Grand, dit-on, institua le jury régulièrement; mais il ne fit que sanctionner une coutume bretonne dont l’origine se perd dans la nuit des temps. Le tribunal des Amphictyons en Grèce jugeait aussi des contestations entre particuliers et entre Villes. Or, d’où sont nées ces juridictions ? du besoin d’ordre entre les individus, de l’adoucissement des moeurs, qui les ont portés à remettre leur cause à des arbitres au lieu de se faire d’eux-mêmes sanglants justiciers.
- « Ce que le progrès moral et intellectuel a imposé aux individus, est-ce qu’il est impossible de l’appliquer aux Etats ? Non, certes.
- Rappelant la contestation à laquelle donna lieu en 1867 la possession du grand-duché de Luxembourg, entre la France et la Prusse, et qui se termina, sur la proposition de lord Stanley (aujourd’hui lord Derby) par la neutralisation du territoire en litige, l’orateur émet la pensée qu’une neutralisation semblable, appliquée à l’Alsace-Lorraine, cicatriserait cette blessure toujours vive, en même temps qu’elle écarterait les malheurs de nouvelles guerres.
- En terminant, M. Desmoulins se flatte d’avoir évité les écueils du sentimentalisme, d’avoir fait uniquement appel à l’expérience, à la raison pratique et au bon sens, pour montrer les dépenses insensées, les pertes de forces actives qu’entraîne la guerre, et l’immense intérêt qu’ont les peuples civilisés à terminer leurs différents par voie pacifique.
- Il annonce, au milieu des applaudissements, une conférence prochaine sur l’arbitrage international par M. Gaillard, député de Vaucluse.
- M. Lemonnier ajoute que cette conférence devra réunir le plus grand nombre possible de citoyens, afin d’offrir le caractère d’une manifestation imposante. Mais l’argent étant, actuellement, le nerf de la paix, il exprime la confiance que l’auditoire voudra bien contribuer aux frais indispensables. Une quête faite dans ce but par deux gracieuses demoiselles, Mlles Cornet, produit une cinquantaine de francs, et la souscription reste ouverte chez M. Lemonnier, 2, rue Tronchet.
- M. Desmarets , qui représente VInternational Arbitration and Peace Association de Londres, désire donner à l’assemblée quelques renseignements sur cette Société, fondée par M. Hodgson Prats à Londres, mais qui se propose de créer chez tous les peuples du continent des Sociétés animées de ses
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- principes, entre lesquelles elle établirait plus tard une fédération. Cette Société, qui compte dans son sein des citoyens appartenant à tous les peuples, a déjà tenu en octobre 1882, à Bruxelles, un grand meeting. Elle en tiendra un second à Berne en avril 1884.
- M. Lemonnier remercie alors les jeunes quêteuses de leur gracieux concours. La séance est levée au milieu des applaudissements.
- E. B.
- MOTS DE PROGRÈS
- La 'paix est le plus grand des bienfaits, à organiser et à maintenir parmi les nations ; c'est la principale des sécurités à donner à la me humaine.
- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- Sénat. — Au Sénat, on continue à épiloguer sur le projet de loi voté par la Chambre concernant les Syndicats ouvriers. Les incorrigibles vieillards, nous parlons de la majorité, font preuve d’une énergie exceptionnelle chaque fois qu’il peuvent saisir une occasion de provoquer le mécontentement au sein des classes labo-ieuses.
- La Chambre. — La question sociale est entrée à la Chambre. M. Maret a engagé ses amis à ne plus l’en laisser sortir.
- S’il en était ainsi, on n’arrivera peut-être, à la longue, à la traiter avec quelque compétence. M. Maret a déposé une excellente proposition demandant à la Chambre la nomination d’une grande commission permanente se recrutant librement, dans le but de provoquer l’intervention des hommes compétents qui ne participent pas à la représentation nationale. Tout cela est bien, mais on ne s’est pas suffisamment préoccupé du présent qui commande l’adoption d’un expédient permettant de faire face aux complications immédiates. Cette tâche paraît avoir été réservée par TExtrême-Gauche à M. ToDy Rôvillon ; celui-ci a énuméré une quantité considérable de travaux à exécuter, mais il ne semble pas s’être sérieusement inquiété des moyens pratiques de procurer l’argent nécessaire. M. Tony Réviilon appartient â cette catégorie d’hommes qui ne voient que deux moyens de procurer des ressources à un Etal manquant de réserves, l’emprunt ou bien de nouveaux impôts. Nous comprenons que M. Tony Rôvillon n’ait pas proposé l’un de ces deux expédients. Nous lui en indiquons un troisième, celui qui consisterait à faire face aux embarras présents par une application partielle du droit d’hérédité de l’Etat : Ainsi le total des successions et des donations entre vifs, en France, s’élève à un total annuel de 6,000,000,000 ; en imposant de 1 0/0 en plus les mutations de cette catégorie on obtiendrait un produit annuel de 60,000,000 ; or, avec pareille somme on peut gager un emprunt d’un milliard, intérêt et amortissement compris. De cette manière, on aurait des ressources qui ne ressembleraient en rien à celles procurées par les emprunts ordinaires, puisque prélevées directement sur la fortune acquise, elles ne pourraient être mises à la
- charge des travailleurs, comme cela arrive lorsque les emprunts sont gagés par les produits des autres impôts. Nous recommandons cet expédient aux méditations de l’Extrème-Gauche ; on pourrait, à l’occasion du prochain emprunt, proposer un projet relevant de cette méthode,
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- Gaucho radical©. — La gauche radicale, pendant que l’opinion publique suivait anxieusement les débats provoqués par l’Extrême gauche, publiait un programme que chacun de ses membres sera désormais obligé à signer. Si ce groupe avait l’intention de distraire le public français de l’attention accordée aux discussions parlemenfaires, il aura complètement manqué son but.
- Le programme en question réunit toutes les banalités du radicalisme phraseur habitué à vivre de mots ronflants et de déclarations fausses. Il est rédigé en des termes assez larges et suffisamment élastiques pour que les clowus da manège parlementaire puissent piquer une tète à travers sans jamais s’accrocher aux bords. Il est au reste, muet sur la question sociale ; et, lorsqu’on rapproche cette absence de déclarations sur la question majeure de l’époque ont est porté à considérer ce silence comme une négation. Celte prudence, cet oubli, ou bien cette négation ne fait pas honneur aux signataires.
- Si le programme ne vaut pas grand chose en lui-même, ce fait ne mérite pas moins d’être signalé à l’attention publique. Les électeurs auraient un puissant moyen de contrôle, s’ils obligeaient chaque groupe parlementaire à formuler un programme et à le faire sigr er par les membres du groupe. On aurait d’abord des déclarations vagues, mais insensiblement elles deviendraient plus précises ; on arriverait ainsi à obliger chaque groupe à présenter ses candidats avec un programme unique.
- *
- ¥> *
- L’Extrème-Gauche et 1© Parlementarisme, — L’initiative prise par l Extrême Gauche de provoquer un débat a fond sur la question sociale à donné lieu à une évolution parlementaire curieuse à noter. Tous nos représentants vivaient insouciants des misères ouvrières. M. Langlois avait oublié son projet de mutualité commerciale dormant depuis de longs mois dans les cartons parlementaires; mais M. Maret convoque avec rentissement l’Extrême-Gauche en vue de lui demander son concours pour interpeller le gouvernement sur les embarras économiques, aussitôt M. Langlois exhume son projet, M. de Mun entonne les litanies des cercles catholiques, M. Brialou se rappelle que la question intéresse particulièrement ses électeurs, tout le monde se réveille, et pendant huit jours on ne parle plus d’autre chose, et d’une manière générale dans la presse on fait la plus petite part à celui qui est réellement la cause d’une si belle émulation.
- Nous reviendrons sur cette importante discussion dans les divers articles que nous publierons sous le titre de « question ouvrière. »
- Les Congrès catholique». — Un nouveau
- congrès clérical vient d’ouvrir ses séances à Lille. Il s'intitule « Assemblée régionale de l’œuvre des cercles catholiques d’cuvriers. » Gomme toujours, l’auditoire est composé de la fine fleur du parti réactionnaire de Lille et des environs, et les ouvriers y brillent par leur absence. Il est, du reste, prudent de ne pas appeler les ouvriers à ces réunions, car les discours qu’ou y prononce ne sont pas de nature à les séduire. L’idée sur laquelle les orateurs Insistent et qui revient constamment sous les formes les plus diverses, c’est celle de l’asservissement de l’ouvrier au patron. Un état social où les travailleurs ne pourraient vivre qu’nutant qu’ils se soumettraient en toutes choses à U volonté et aux opinions de ceux qui les emploient, voilà l’idéal que les fleurs de rhétoriques et les paroles mielleuses des plus habiles ne parviennent pas à dissimuler. Une reconstitution de l’ancien servage, sous prétexte d’association protectrice
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- et la ruine du régime républicain, voilà je but que ks cléricaux assignent à leurs efforts en faveur des ouvriers. On comprend que ceux-ci restent froids.
- *
- * *
- Bilan die la misère. — Les faits suivants sont tirés du numéro du 29 janvier du CH dujreuple journal de M; Vallès. Nous les publions sâhë ëti modifiér la rédaction. Le ton brutal de i’èbrivain ne dépasse pas la Mutalité de la réalité:
- 1® Hier soir, le citoyen Adrien Absolut, vingt-deux ans, colporteur a été rencontré par les agents, errant, relouant. Il n’avait pas de travail: — c’est-à-dire pas e domicile, et crevant la faim — au bloc !
- 2° A deux heures du mâtin, le brigadier Margueria et le gardien Lambin ont ponsigné, à la disposition du nommé Gonet, commissaire de police, le petit Christophe, âgé de dix ans. Sans domicile ni moyens d'exis-tâhce.—Au bloc.
- 3° A une heure du malin, le gardien Bidot a arrêté et coqduit au poste du sieur Lapras, commissaire de police, le citoyen Eugène Lalos, peintre en bâtiments sans travail •— c’est-à-dire sans domicile et crevant la faim. — Au bloc !
- 4° A minuit, rue Villedo, le citoyen Gh, Dubreuil, quarante-cinq ans, charretier, fut trouvé par les gardiens de la paix assis au bord du trottoir. Pas d'ouvrage. Pas de domicile,pas de pain II errait. — Au bloc !
- 5“ Thois heures du matin, rue des Martyrs, la çiloy-èqne Marie Lejean, ouvrière,cinquante-trois ans. Pas de travail, pas d’asile, mourant de faim. Rencontrée par le hfigadier Brellë. — Au bloc.
- 6® Le citoyen Michel Salin, vingt huit ans, maçon, traînait,.. Minuit et demi. Pas de travail depuis huit jours. Faim et froid. — Au bloc !
- 7° A dix heures du soir, rue Fermât, la citoyenne Jeanne,Maréchal. Pas de travail ; pas de domicile*; «die avait faim depuis deux jours, le vent la battait, elle pipurait. — Au bloc !
- 8° A une heure quinze minutes du matin, le citoyen Jules Dagonnet, trente-quatre ans, journalier, s’est pendu au poste central du quatrième arrondissement. Sans travail, sans asile. Il n’ën pouvait plus.
- 9° Une série :
- Louis-Alexis Maret, vingt-trois ans, paveur ;
- Eugène Guignon, dix-sept ans, plombier ;
- yictor Carmels, vingt-cinq ans, journalier ;
- Joséphine Georgelle, trente-huit ans, journalière.
- Sans travail, sans asile, sans pain. — Au bloc.
- , Il y a maintenant ceux qui n'ont pas voulu aller au
- blQC.
- A sept heures du, soir, la dame GhfirmeUan, journalière; demeurant rue de la Roquette, 118, p’est lire un coup de revolver dans le côté gauche. Mort înstantanéë. Capse ? Misère !
- A hpit heures du matin, on a retiré de la Seine, au pont des Saints-Pères, le cadavre d’un homme de quarante-cinq ans environ. Depuis trois semaines dans l’eau. Pantalon de toile bleue et la chemise. Maigre. — Misère !
- A utie heure du matin, bn a trouvé quai du Louvre, sur le pàvê; une femme étenduë raide. Les agents l’ont sec'otiée. Alloué ! Allons ! rëlèvé-toi, vieille éaoûle !
- Morte.
- -Vêttië de haiiloüë, quarante ans environ, la peau, collée su» léà oA
- Pas dë travail, pas de domicile, pas de pain : au bloc ! C’èSt-à-dire, non : moite; celle-là. — A la Morgue.
- Npus trouvons encore dans le numéro du 30 janvier du même journal les deux faits suivants :
- — A trois heures qUarante-einq minutes du soir, le citoyeü Jean Moisseau, journalier, soixante-sept ans, s’ëst affaissé subitement âvënüë de Saint-Mandé. — Mort.
- — Et à deux heures et demie de l’après-midi, la citoyëühe Joséphine Maréchale* cinquante-huit ans; ouvrière 24; rue dd BdulOi; a été trouvée morte Sur soh lit.
- Ge sont-îà de tristes avertissements pour ceux qui nient la question sociale, il cbtivient de les méditer et d’y mettre fin par la mutualité nationale contre la misère,
- ÉTRANGER
- IL n’est pas une notion où l’on ne se préoccupe de la quëstidh économique. En flollàndé, l’Etat a ouvert des travaux publics pour alléger Ips chômagesp.en Pologne, ëh Norwège, en Russie, en Allemagne, en Autriche, en Espagne, en Grèce, en Italie, lës hoüvèlles de partout se résument en ces mots : crises ouvrières, difficultés économiques. Nulle part, les classes dirigeantes ne semblent s’apercevoir que les sociétés sont arrivése à la période aigüe du salariat.
- Les socialistes. — Une réunion électorale a eu lieu la semaine dernière à Hambourg pour entendre les explications dë M. Wendt Sur leà ëiVers projeta de réforme sociale à l’ordre du jour. L’assemblée comptait (jiiatfé toi lie membres, lès sopiàlistes étaient en majorité. Le f rësidènt favofablé à Wënüt, prévoyant îlti êchéc, a levé la séance avant le vote. Devant l’indignation de la fouie, le bureau a dû prendre la fuite par une porte dérobée.
- A Dusseldorf, la police vient de rendre uh arrêté ordonnant la saisie et iâ destruction dii manifeste communiste publié, il y a quelques mois, par la fédération socialiste de Chicago.
- RUSSIE
- Lé général Gresser, préfet de Saint-Pétersbourg, vient d’être investi, par ie ministre de l’intérieur, de pleins pouvoirs pour la dissolution de toute réunion publique, quelque soit sou but, politique, commercial, scientifique ou autre.
- On mande au Times que toutes les étudiantes en médecine de Saint-Pétersbourg ont été forcées de s’installer dans une pension alimentaire dirigée et fondée par la princesse Scnahowskoï. Elles payeront dix roubles par mois pour ie logement et la pension. Elles devront être rentrées à neuf heures du soir sous peine d’exclusion des cours.
- Les étudiants pauvres, boursiers de l’Etat ou des communes, vont de même être réunis dans un étabiis-ment fondé par M. Ppliakof, et placés sous la surveillance des agents du ministère de l’instruction publique.
- ÉTATS-UNIS
- Lës tréfilëriës dë Pittsburg sont fermées depuis la fin dü mois dë décembre; elles ne rouvriront que dans une quinzaine de jours. Trois mille ouvriers sont, de ce fait, sans travail.
- La Société « Fer et Acier de Manchester » a fait faillite. Trois cents familles de prolétaires sont dans le plus complet tlènûment.
- Plusieurs compagnies de mines et de charbonnages ont réduit le nombre de leurs ouvriers. Des milliers de travailleurs chôment ëh ce moment aux Etats-Unis ; ia Jnisère est épouvantable, malgré lés grandes ressources industrielles ët commerciales de ce pays.
- INDES ANGLAISES
- Une intéressante nouvelle nous arrive des Indes anglaises. Le conseil législatif siégeant a Calcutta a voté vendredi le but Ubert donnant aux tribunaux te pouvoir de juger dans certains cas les Européens aussi bien que les Indiens. On sait toute l’opposition qu’a rencontrée cette mesure et les attaques qu’elle a valu au vice-roi>
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- LB DEVOIR
- lord Ripon, de la part des Européens des Indes, jaloux de leurs privilèges et indignés de la tentative faite pour établir l’égâlitô ëntré eux fet iës indigènes* dans le domaine judiciaire. Lord Ripon a été obligé de modifier et d’atténuer considérablement la portée du projet de loi pour le faire voter. Néâtündins, telle qu’ëllë est, la mesure conserve un caractère libéral et constitue un premier pas dans la voie d’une politique de paix et de conciliation aux Mues.
- PLUS D’IMPOTS
- Désireux de ne rien laisser passer inaperçu de ce qui se Rattache à l’hérédité de l’Etat, qui ne peut manquer de prévaloir un jour, nous réproduisons la proposition de M. Grimaud, la même que celle publiée dans un précédent numéro, accompagnée dé nouveaux considérants.
- Les nombreux conseillers municipaux dé PàHs attachés à de grands journaux s’étaient gardés de donner quelque publicité à une proposition aussi sensée, qu’on avait réussi à écarter sans bruit à la municipalité. Mais, M. Grimaud est persévérant, nous l’en félicitons; il a fait une nouvelle rédaction et a présenté son projet une deuxièmé fois.
- Les conseillers radicaux de Paris, en parlementaires qui rendraient dés points aux pënsiüiinaifôs du Luxembourg, fie pouvant mieux faire, ont renvoyé discrètement le projet à une commission. L’affâirb devenait mauvaise. Là proposition de M. Grimaud courait grand risque de n’èn jamais sortir.
- Mais grâce au journal de M. Maher, ëÜë est parvenue jusqu’au Devoir qui lui donnera toute sa publicité, avec d’autant plus dé satisfaction, que, longtemps, il a été seul à défendre le principe dé l’hérédité de l’Etat; sa rédaction est résolue à n’en laisser produire aucune affirmation directe où indirecte, partielle ou intégrale, sans l’enregistrer afin de constituer âù jour le jour l’historiqué de cette question, qui tend à faire accorder à l’Etat une participation à la richéésé privée, proportionnée â son concours dans là production de cette richesse.
- NOTE
- Présentée par M. Grimaud, à l'appui de sa proposition tendant à ce qu'il soit perçu une taxe sur les successions ouvertes dans la ville de Paris, au profit de la caisse municipale.
- Messieurs,
- Le 23 mai dernier, je déposai sur le bureau du conseil municipal une proposition qui fut renvoyée à votre commission spéciale de l’emprunt. Elle avait pour but de remplacer l’emprunt proposé par l’administration par une taxe municipale sur les successions ouvertes dans la ville de Paris.
- 21
- L’emprunt rejeté* je priai le conseil de renvoyer ma proposition à la commission des finances. Cette commission en est saisie, et je la prie de s’en occuper au plus tôt.
- A mon avis, l’honorable rapporteur de la commission de l’emprunt, en vous faisant connaître qu’avec les travaux déjà gagés, et les crédits disponibles,
- ' vous auriez des ressources suffisantes pour faire | face aux besoins nouveaux pendant environ dix-huit mois, eût dû vous donner quelques indications sur les moyens de vous procurer des ressources pour parer aux éventualités de l’avenir; dix-huit mois, en effet, sont bien vite écoulés; il fallait donc poser des jalons et chercher quelqu’autre combinaison.
- Comment ferez-vous pour entreprendre les travaux de toute nature indiqués dans le mémoire du préfet ?
- En faisant un emprunt ? Vous n’en voulez pas.
- En créant des impôts nouveaux ? Pas davantage.
- En augmentant les impôts qui existent ? C’est chose impossible.
- Les emprunts éternisent la dette de la Ville.
- Quant aux impôts nouveaux, il n’y faut pas songer ; vos électeurs ne nous pardonneraient pas d’en créer.
- D'un autre côté, vous êtes menacés de perdre les bénéfices sur le gaz, le gain de votre procès étant à peu près certain. C’est encore un déficit à combler.
- Permettez-moi, messieurs, de vous le dire : le moment est venu de prendre un parti; pensez à l’avenir. Vous allez vous séparer. Si vous n’agissez pas immédiatement* vous serez accusés de n’avoib riën fait, ou du moins de n’avoir rien essayé pour éviter, soit des emprunts, soit un accroissement des impôts, soit la création d'impôts nouveaux.
- Ma proposition est de celles qui doivent être acceptées par tous les républicains du conseil municipal; je sollicite leur concours; je crois devoir y compter.
- Dans cette enceinte, elle peut être discutée, mais le résultat ne fait aucun doute ; elle sera acceptée.
- Dans les autres assemblées, dans celles qui, en définitive, décideront de son sort, si elle est vivement combattue, elle aura aussi d’ardents défenseurs; je l'espère pour la démocratie et pour la République.
- Que pourrait-on faire valoir contre une proposition aussi juste ?
- Les droits du père de famille.
- Ceux des héritiers.
- Je suis de ceux qui sont loin de méconnaître les droits du père de famille auxquels, dans aucun cas, on ne doit porter atteinte. Mais la commune a bien aussi ses droits, également respectables. Une par-
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- celle de la fortune dont le décédé a joui librement, paisiblement, sous la garantie des lois, peut donc être distraite pour des besoins communs et justifiés.
- Quant aux héritiers, —je parle de ceux qui sont dignes d’intérêt, — ils seront vite consolés de cette perte minime. Les autres, ceux qui na peuvent que faire un mauvais usage de leurs ressources, en auront toujours trop.
- Tenez-vous pour dit, messieurs, que l’adoption de cette proposition serait accueillie avec enthousiasme par la démocratie parisienne ; d’ailleurs, le moment est favorable pour demander et obtenir une loi exceptionnelle. L’honorable rapporteur de la commission de l’emprunt vous le rappelle : Paris est placé sous un régime exceptionnel.
- Je vais plus loin: je soutiens que la ville de Paris, même si elle était régie par le droit commun, ne saurait être comparée à aucune autre commune de France.
- J’ajoute que tout autre commune peut faire la même demande pour des besoins justifiés. Où serait donc l'inconvénient, le péril?
- Je crois qu’il est utile de donner ici le produit de cette nouvelle taxe qui représenterait à peu près l’équivalent des droits perçus par l’Etat.
- Voici le détail :
- Millions
- 1° 2 0/0 en ligne directe produiraient environ ..........................................14 »
- 2° 4 0/0 en ligne collatérale produiraient
- environ. ...............................4 »
- 3° 5 0/0 entre époux produiraient environ . 5 »
- 4° 9 0/0 entre étrangers produiraient environ ...........................................5 »
- 28 »
- J’ajouterai à cette somme celle de . . . 12 »
- pour les intérêts et l’amortissement d’un
- emprunt. ---------
- Total....................40 »
- Dans mon esprit, ces chiffres ne sont que des indications; ils peuvent être modifiés en plus ou en moins selon les circonstances. Je fais remarquer que les héritages en ligne directe sont les moins imposés, qu’ils peuvent supporter par conséquent une augmentation de taxe. Il en est de même des grosses successions, nombreuses à Paris, qui sont proportionnellement peu grevées ; on tiendrait compte^ottr fixer le droit qui les frappe, du plus ou moins d’héritiers : c’est un calcul très simple à faire.
- Et un mot, messieurs, vous avez là une mine inépuisable qui n’est exploitée qu'à la surface par l’Etat ; vous pouvez également l’utiliser avec pru-
- dence et sagesse pour vos besoins municipaux, sinon vous, du m ,ins vos successeurs ; j’en accepte l’heureux augure. Soyez sans inquiétude ; la société n’en sera nullement ébranlée ; elle ne pourra qu’en profiter.
- Vous pourrez consacrer 20 millions par an sur ces ressources à l'achèvement de tous les travaux de voirie qui restent en souffrance ; vous commencerez par la rue Réaumur et le boulevard Haussmann, pour dégager la circulation qui devient impossible au cœur de Paris.
- Avec le surplus, que de bonnes créations, que de choses vous pouvez faire ?
- 1° D’abord, dégrever peu à peu les droits d’octroi et finalement les supprimer ;
- 2° Etablir dans chacune des 20 mairies de Paris une caisse d’assurance générale en faveur des travailleurs, pères de famille, atteints par la maladie et le manque de travail, caisse que vous pourrez subventionner.
- Pas un père de famille ne refuserait de participer à une assurance lui garantissant la sécurité du lendemain et pour lui et pour les siens. Vienne la maladie ou le manque de travail, la misère est au logis ; elle est mauvaise conseillère. Une réserve serait faite en faveur des veuves chargées d’enfants ; il n’est pas de situation plus intéressante et plus digne de votre sollicitude. Les secours alloués actuellement par l’Assistance publique aux veuves ayant 2 ou 3 enfants sont dérisoires ;
- Augmenter la subvention de l’Assistance publique en faveur des vieillards qui sollicitent l'entrée dans un hospice ou un secours représentatif. Cette subvention devrait être assez élevée pour venir en aide aux 2 ou 3.000 vieillards sollicitant leur admission. 11 y aurait là une une sorte de caisse de retraite pour la vieillesse. Par suite, un grand nombre de ces indigents resteraient dans la famille, y seraient utilisés, ne fût-ce que pour garder les enfants ;
- Dans ce cas, vous n’admettriez plus dans vos hos pices que les vieillards infirmes ou trop âgés pour pouvoir rendre aucun service. Ces hospices seraient alors plus que suffisants ;
- 4° Créer un fonds de réserve en faveur des travailleurs privés de pain par les grands incendies. Le lendemain d'un sinistre, vous avez des centaines de pauvres gens sans logement, sans mobilier et sans ressources.
- L’obole que vous n’hésitez jamais à voter, il faut le reconnaître, est absolument dérisoire, comparée aux dommages causés par le fléau.
- Si vous adoptez la proposition que j’ai déposée, vous aurez bien mérité de la démocratie parisienne
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- et de la République. Les véritables travailleurs, les employés, ne s’y tromperont pas. Vous aurez fait du socialisme pratique.
- Avec ces réformes et le développement de l’instruction primaire, qui est l’honneur du conseil municipal, vous aurez obtenu un résultat immense dont les conséquences ne peuvent échapper. Alors, il n’y aura plus de dupes à faire, Di de naïfs et de créduks à tromper. Les déclamateurs de réunions publiques, les écrivains de mauvaise foi, hélas ! il y en a, prêcheront dans le désert la révolution et l’anarchie, avant-garde du despotisme. Ii n’y aura plus de craintes pour l’initiative individuelle, cette source de tous progrès.
- En conséquence,
- Le soussigné a i’honneur de prier le conseil municipal d’inviter M. le préfet à demander aux pouvoirs publics :
- 1° Une loi spéciale autorisant l’administration municipale à établir une taxe sur les successions ouvertes dans la ville de Paris. Cette taxe serait proportionnelle ;
- 29 Elle serait fixée par le conseil municipal et soumise à l'approbation des pouvoirs publics.
- Paris, le 14 novembre 1883.
- Le 14 novembre, M, Grimaud, esprit logique, généralisait son idée en la présentant sous la forme suivante ;
- Dépôt d’une proposition.
- M. Grimaud. — J’ai eu l’honneur de déposer au conseil municipal une proposition tendant à inviter l’administration à demander aux pouvoirs publics l’autorisation pour la ville de Paris de percevoir une taxe municipale sur les successions ouvertes à Paris.
- Je dépose aujourd’hui la même proposition, en étendant le bénéfice de la nouvelle taxe à toutes les communes de France.
- En voici le texte :
- « Il y a lieu de demander aux pouvoirs publics, une loi autorisant toutes les communes de la République, à percevoir à leur profit une taxe sur les successions ouvertes dans chaque commune.
- « Cette taxe serait proportionnelle et équivalente aux droits perçus actuellement par l’Etat.
- « En un mot, messieurs, pour éviter des emprunts ou la création d’impôts nouveaux et dégrever au besoin sur la consommation de première nécessité, cette proposition doit être accueillie par tous les républicains.
- « La loi devrait contenir les dispositions suivantes :
- | « 1° Que toute succession, à partir du 4e degré,
- ! devrait faire retour, moitié à la commune et à l’Etat, I sauf disposition testamentaire contraire ; i « 2° Qu8 les petits héritages seraient exonérés. »
- | Renvoyée à la 6® commission.
- ! Il n’est pas possible que la raison ne finisse pas, à | la fin, par avoir raison.
- COMMENT LES IMPOTS ANGLAIS ont été dépensés depuis nn demi-siécle
- Nous avons reçu de l’Association de la paix des travailleurs anglais, « Workmen’s Peace associa-tion », un tableau graphique montrant à quoi les impôts ont été dépensés depuis un demi-siècle, c’est-à-dire de 1833 à 1882 inclusivement.
- Les dépenses sont divisées en trois départements principaux :
- 1° Le gouvernement civil.
- 2° L’armée et la marine.
- 3° La dette nationale.
- La somme totale des dépenses publiques en ces cinquante aunées est de 3 260.953.807 L. ôu 81 milliards, 523 millions, 845 mille, 175 francs.
- Cette somme formidable a été répartie comme suit entre les trois chapitres de dépenses ci-dessus indiqués :
- Gouvernement civil 712.986.8351 ou 17.824.670.875f
- Armée et marine 1.135 654 2461 - 28.391.356.150f
- Dette nationale 1.412.312.7261 — 35 307.818.150f
- Si au lieu de ces trois chapitres de dépenses on n’en fait que deux et si l’on cherche quelle part chacun d’eux prend dans une livre anglaise soit 25 fr., on arrive à ce résultat :
- Sur une somme de 25 francs versée par le peuple au trésor public,
- Les frais directs de la guerre et les intérêts payés pour dettes de guerre prélèvent un peu plus de 20 francs ;
- Tandis que le gouvernement civil, c’est-à-dire les institutions qui servent le plus efficacement au bien-être du peuple reçoivent ua peu moins de 5 francs.
- De toutes parts l’attention pablique se porte maintenant sur les conséquences déplorables de la guerre ; c’est une évolution certaine vers la constitution de l’arbitrage international, pour le plus grand bien des peuples.
- Société des libérées de Saint-Lazare
- L’Assemblée générale annuelle de la Société des libérées de Saint-Lazare, dont le siège est 5, rue Albouy, vient d’avoir lieu, 10, rue de Lancry, devant une salle comble.
- Etaient au bureau, M, M. Demay, président de la réunion, Mme Vattier, adjointe, et MM. Mausais et Breuil, You, secrétaires èt trésorier.
- Dans des rapports fort bien écrits, les membres du bureau ont exposé la situation de la Société qui est florissante puisque dans le cours de l’année der-
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- nière, elle a doublé son effectif et ses ressources. Elle a pu secourir, en 1883, plus de 1.300 victimes de la mauvaise organisation sociale et fonder, à Billancourt, un asile provisoire dû surtout à l’initiative et au dévouement de Mme Bogelat.
- L’allocution de Mme E. de Morsier, qui a suivi, a été de tous points remarquable. Partant de cette idée que dans les tristes conditions de la vie humaine, dominée encore par l’anarchie intellectuelle, la lutte ténébreuse des égoïsmes inférieurs, l’ignorance si générale, les servitudes politiques, économiques et familiales, les iniquités de tous genres et la souffrance presque universelle, Mme de Morsier a conclu que la véritable justice c’est la bonté, et qu’en attendant les nouvelles justices humaines, lé devoir de tous ceux qui aiment leurs semblables, est de se vouer passionnément à l’amélioration matérielle et morale de l«ur destinée. ,
- Ce magnifique sujet, l'éminente conférencière Fa traité avec une mesure, une propriété de terme, une éloquence communicative et chaude qui ont, à plusieurs reprises, soulevé les applaudissements unanimes de son nombreux auditoire. Grand succès et bien mérité.
- La réunion s’est terminée par un concert dû au gracieux concours de Mlle Dudlay, de la Comédie française, de Mme Marthe Dufrène, de YOdéon, Mlles Biwinach, élèves et ier prix du Conservatoire de musique, de Mmes Lemit et Loizeau, MM. Nivard, Maire et Périer, Artistes et Amateurs, qui ont su également se faire applaudir et dont le talent a bien servi la philantropie.
- UN ÉCONOMISTE ÉCONOMISANT
- Le journal des économistes est rédigé par des personnages presque tous académiciens. On ne saurait douter de leur sérieux.
- M. Jules Mercier a publié dans le numéro de janvier 84 une étude fort intéressante sur le Mont-de-Piété de Paris ; détails historiques, administratifs, rien n’y manque. M. Mercier, prouve que, moyennant une subvention de 1,500,000 francs par an, on pourrait réduire à 5 0/0 le taux de l’intérêt ; il est d’avis que cette subvention doit être fournie par la caisse municipale.
- Cette préférence est ainsi motivée :
- Cette solution, sans nul doute, fait tout retomber sur la caisse municipale, mais n’est-elle pas chargée de subvenir à l’insuffisance du patrimoine hospitalier elle-même? Nous le recommandons au directeur actuel, M. Charles Quentin, si soucieux de l’avenir de la population pauvre de Paris. On s’adresserait à l’impôt. M. Thiers n’a-t-il pas dit en 1850, dans son rapport sur l’assistance publique : « Dans l’impôt, il entre la contribution des pauvres, et des peuples plus que des riches à raison de leur nombre. »
- A qui la grande ville doit-elle ses palais innombrables, ses avenues que l’on continue à multiplier et qui font l’admiration des étrangers ? A l’impôt de consommation qui lui fournit 120,000,000 par an, c’est-à dire la moitié de son budget des recettes. Cette somme énorme, une voie autorisée l’a dit, elle
- vient surtout du pauvre ; ne peut-on en distraire un million et demi pour l’intérêt de sa dotation. »
- Un économiste demandant T intervention sociale en faveur des pauvres ! Celà me paraissait dépasser les bornes de l’économie politique ; je prévoyais l’excommunication de M. Mercier devant être réclamée par l’unanimité de ses collègues ; mais je ne pouvais comprendre comment le directeur du Journal des Economistes avait pu laisser passer une pareille hérésie.
- J’ai relu alors les conclusions de M. Mereier et j’ai compris qu’il n’avait pas dit autre chose que ceci : \ il faudrait un millon et demi pour prêter à 50/0 dans les monts-de-piété de Paris ; ceià plairait aux pauvres, mais les riches ne voudront pas payer ; si je propose de créer un impôt nouveau, le peuple est fixé sur ce chapitre, il en sait autant la dessus que le grand Thiers lui-même, il verra qu’on veut lui reprendra d’une main ce qu’on lui donne de l’autre ; en prenant dans les caisses de l’octroi, Jacques Bonhomme n’y comprendra rien ; en opérant ainsi, l’octroi étant déjà insuffisant, on créera plus tard un nouvel impôt pour compenser le déficit, ou bien, au bout de quelques années, il y aura simplement un déficit de quelques millions, on le couvrira par un emprunt.
- On parvient de cette manière à faire payer aux pauvres diables les rabais d’intérêts consentis par le mont-de-piété et, en plus, la rente des capitaux empruntés pour combler les déficits Oh ! miracles de la sainte économie politique.
- Mais notre économiste est un homme pratique, il connaît l’intelligence de sa clientèle ; il sait qu’elle est capable de ne pas mieux comprendre que le pauvre ; et pour se mettre à couvert de cette fausse interprétation il a grand soin d’expliquer que l'on peut bien accorder un million à ceux qui en paient 120 à la ville de Paris, à ceux qui font les frais des palais innombrables et des nombreuses avenues si admirables !
- Les roublards applaudiront le bon tour trouvé par M. Mercier; les Imbéciles se figureront qu’ils ont fait acte de charité, et ils s’en targueront comme s’ils avaient sorti un million de leurs poches.
- ÉCOLES DU FAMILISTÈRE
- Composition cle M!oz*a.Ie
- En dehors des facultés organiques, que l’homme partage avec les plantes et les animaux, il possède encore quatre autres facultés : les facultés sensitives ou sensoriales, les facultés affectives, les facultés
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- intellectuelles. La réunion de ces facultés forme dans l’homme une fonction supérieure qui est la faculté morale.
- Les facultés sensoriales sont celles qui dérivent de nos sens, elles nous mettent en communication avec l’ensemble de toutes les choses qui ne sont pas nous.
- Les facultés affectives sont celles qui nous portent à aimer les êtres, les individus, les choses qui nous entourent. Les enfants ont des facultés fétichiques, c’est-à-dire qu’ils aiment les choses, les objets qui leur appartiennent. Ainsi une petite fille aime sa poupée et le petit garçon aime son polichinelle.
- Les facultés intellectuelles nous servent à comprendre ce qui se passe en nous et autour de nous ; elles nous servent à éclairer ce que nous connaissons déjà, à acquérir des connaissances nouvelles. On doit subordonner aux facultés intellectuelles les facultés imaginatives.
- Nous partageons avec les animaux les facultés sensoriales, car quelques animaux possèdent cinq sens et même six sens, car ils possèdent aussi les facultés affectives. Ils ont l’habitude de rechercher les individus de leur espèce ; ils aiment leurs petits. Les animaux ont aussi de l’intelligence. Les oiseaux choisissent bien, pour faire leur nid, l’endroit où leurs petits seront le plus heureux.
- Les fonctions affectives sont donc le partage de l’homme et des animaux. Les animaux ont aussi le sens de la pesanteur. Quand aux facultés morales, la science n’a pu découvrir le sens de celles-ci, chez les animaux. On voit cependant des animaux . accomplir certains actes qui auraient trait à la morale, mais qu’on a placé à tort dans la morale. Le premier physiologiste de notre siècle, Auguste Comte,place"l’amour maternel dans l’égoïsme.
- Notre devoir relativement à toutes les facultés que nous possédons est de travailler à les améliorer, à leur donner le plus de développement possible.
- Cette amélioration se fera par l’enseignement, par l’éducation.
- Aristote, le précepteur d’Alexandre-le-Grand, philosophe de l’antiquité et grand physiologiste qui a ôté considéré comme le Dieu de la science, jusqu’au dix-neuvième siècle, a formulé ces deux préceptes que nous devrions tous savoir:
- 1° Les pensées qui sont la représentation des objets arrivent à notre esprit par l’organe des sens.
- 2° La vertu est toujours au milieu.
- Conclusioa.
- Nous devons donc perfectionner toutes nos facultés dans le but de bien servir l’humanité.
- 18 janvier 1884.
- Prud’homme Gaston, âgé de 13 ans 1/2.
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- LES FEMMES MILITAIRES
- • (Suite)
- Une autre femme de lettres, qui aurait été non moins vaillante que Louise Labé, la comtesse de Saint-Balmont, née Barbe d’Ernecourt, a joué du mqusquet en Espagne, assez heureusement pour faire des prisonniers. Celle-ci a écrit une tragédie : les Jumeaux martyrs, puis s’est éteinte en 1660, âgée de cinquante-huit ans, dans le couvent des religieuses de Sainte-Claire, à Bar-le-Duc, à quelques lieues de
- son pays natal. Les chroniqueurs l’ont surnommée l’Amazone chrétienne.
- En 1652, une femme illustra son nom à la défense du faubourg Saint-Antoine de Paris; ce fut Anne de Vaux, dite Bonne Espérance, qui avait été nommée lieutenant quatre années auparavant.
- A la prise de Limbourg, un des mousquetaires les plus valeureux était une femme : Christine de Mey-rac.
- Le régiment de Condé eut dans ses rangs un soldat dont son histoire a lieu d’être fiëre. Il s’agit du chevalier Balthazar, surnom de Geneviève Prenoy, de la ville de Guise, cornette, puis lieutenant de cavalerie. Elle se battit comme une lionne, fut blessée à la prise de Valenciennes et dut subir la terrible opération du trépan.
- Ne tra'versons pas la Fronde, dans laquelle Mlle de Montpensier et d’autres femmes de qualité jouèrent un grand rôle, sans dire un mot de la personnalité étrange d’une contemporaine, Mme de la Guette, née Catherine Meurdrac, qui, à l’âge auquel les fillettes jouent à la poupée, faisait des armes et montait à cheval.Elle eut l’occasion de défendre ses propriétés; elle le fit à cheval,le pistolet à son petit poing ganté, exploits qui lui valurent de la part de quelques officiers de l’armée de Lorraine le surnom de la Saint-Balmont de la Brie. Elle a laissé des Mémoires curieux fourmillant d’anecdotes, qui retracent son caractère énergique et masculin. J’ai lu entre autres, à la page 66 de l’édition rare de 1681, qu’un jour, pour rompre une discussion très-vive qui s’étalt élevée entre son père et son mari, elle enleva ce dernier et le porta dans une chambre voisine.
- J’inscris pour mémoire le nom du chevalier ou de la chevalière d’Eon.
- Toutes ces héroïmes et tant d’autres n’ont-elles pas poussé dans ses plus admirables limites la vaillance féminine !
- Si de ces époques troublées et sanglantes on passe à une crise non moins sanglante, celle de la Révolution et de l'Empire, le second bataillon se forme tout aussi compacte.
- Dans le Dauphiné, à Maubec, à Angers, il se forma des compagnies de fédérées. J’en pourrais rechercher les plus intrépides champions féminins, mais je ne veux pas sortir trop souvent de mon cadre, pour l’instant du moins. Il y a, d’ailleurs, à faire une distinction entre l’abnégation raisonrmée d’un combat* tant militaire et l’affolement politique d’un révolté. Ce dernier croit se défendre lorsque le plus souvent il attaque, quand, au contraire, il ne fait que défendre sa patrie.
- Les Vendéennes ont montré beaucoup de bravoure, Jeanne Robin, Mme de La Rochefoucauld qui railla, sabre en main, les paysans au pied de son château du Puy-Rousseau, Antoinette Adams, surnommée la chevalier Adams, fusillée debout par ses vainqueurs I etc., etc.
- Deux belles figures de femmes militaires sont celles des soeurs Théophile et Félicité de Fernig qui servirent comme lieutenants dans la cavalerie de Du-mouriez, et se distinguèrent à Valmy, à Amderlecht et surtout à Jemmapes, où l’une d’elle fit prisonniers, à elle seule, deux soldats hongrois ! Après chaque combat, tandis que le corps d’armée, épuisé, se reposait sous la tente, les intrépides jeunes filles se souvenant alors qu’elles étaient femmes, descendaient de cheval et parcouraient le champ de bataille pour aider à relever les blessés, ceux de l'ennemi avec autant de sollicitude et de charité que ceux de leurs
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- frères d’armes. Louise Audu, Jeanne Laeombe, etc., ont leurs aventures consignées dans les femmes militaires de M. Tranchant.
- Les annales militaires ont dû porter au livre d’or le nom de Rose Barreau, dite Liberté, qui prit du service entre son mari et son frère, au deuxième bataillon du Tarn, et qui fit le coup de feu, en Espagne, sous le commandement de La Tour d’Auvergne. A l’attaque d’une redoute, elle perdit son mari et son frère, elle épuisa alors jusqu’à sa dernière cartouche, et fendit d’un coup de crosse la tête d’un Espagnol. Napo’éon lui servit une pension et la fit entrer aux Invalides, à Avignon.
- Les vivandières qui ont suivi partout les légions de Napoléon 1er ont été, presque toutes, des héroïnes. Dans l’entraînement général, elles avaient acquis le mépris de la mort, qui fait faire des prodiges d’audace, et la vénération des soldats, qui élève le sentiment du devoir jusqu’aux douceurs d’un culte. Par malheur, en ces années de fer et de poudre à canon, les ordres du jour se succédaient nombreux et laconiques, et, malgré la haute démocratie des chefs, une infinité d’humbles, tombés en héros pour l’honneur du drapeau, ne figuraient pas sur les relevés nominatifs. Quelques femmes cependant ont vu leurs noms parvenir à l’état-major, Anne Biget (sœur Marthe), par exemple, qui a pu être signalée et recevoir la croix d’honneur.
- Napoléon n’eut pas que des cantinières valeureuses, ses armées ont recélé des femmes-soldats, dont l’épopée est aussi touchante que glorieuse. Je citerai les principales.
- (A suivre.) Jean Alesson.
- ETAT-CIVIL DD FAMILISTÈRE
- Semaine du 21 au 27 Janvier 1884
- 3NTAIS@A]VOK
- Le 23 Janvier, de Macaigne Louise Lucie, fille de Macaigne Louis et de Braconnier Lucie.
- DÈCÈ9 *
- Le 21 Janvier, de Briquet Jeanne, âgée de 20 ans. Le 21 Janvier, de Sartiaun Henri, âgé de 63 ans et 4 mois.
- Le 23 Janvier, de Cordien Marguerite épouse de Hennequin Joseph, âgée de 40 ans 1/2.
- COURS D’ADULTES
- Leçon de Physique expérimentale par M. Barbary
- Séance du Mardi 5 Février
- 1° Soufflets et machines soufflantes.
- 2° Soupapes et Pistons dans les Pompes à liquides.
- 3° Des pompes en général.
- 9B Année. N° 102. Janvier 1884
- LA PHILOSOPHIE DE L’AVENIR
- Revue du Socialisme rationnel, paraissant chaque mois, fondée par Frédéric Borde.
- SOMMAIRE— Examen du « capital » de Karl Marx, Frédéric Borde. — Un nouveau partisan de la col ectivité du sol, Agathon de Potter. — LaMorale actuelle, Emile Van Hassel. — Une lettre de M. Lescarret. M. le professeur d’économie politique refuse de défendre ses idées. — Aveuglement bourgeois, Agathon de Potter. — Rapport des Pr ofits et des salaires aux Etats-Unis. — le Déterminisme • et la science rationnelle, Sur le compte-rendu fait parM. A. Réville. — J. Putsage.
- Prix du Numéro : 1 franc. Abonnement postal: Un an, 12 fr.; Six mois, 6 fr.; Trois mois, 3 fr. S'adresser pour les abonnements, à M. Jules Delaporte rue Mouflfetard, 108, Paris.
- Théâtre du Familistère de Guise
- Direction : A. Tétrel et A. Berthet
- Bureau 8 heures
- SAMEDI 2 FÉVRIER 1884
- Rideau 8 h. 1/2
- Représentation donnée
- par la Troupe du Grand Théâtre de St-Quentin
- Opéra-Gomique en 1 Acte, de MM. Scribe et Mélesville, Musique d’AüAM,
- M. BERNARD remplira le rôle de MAX.
- Daniel. . M. Rey. | Bettly. Mme DAlessandri. Soldats, Paysans, Paysannes.
- 30 AIS, Oü LA VIE DI JOUEUR
- Drame en 4 Actes, de MM. Victor Ducange et Dinaux.
- DISTRIBUTION :
- Georges de Germany . . . .
- Warner.......................
- Rodolphe.....................
- Dermont......................
- Albert.......................
- Valentin......................
- Birmann......................
- Amélie. . .................
- Louise................
- Madame Birmann...............
- Guerll.......................
- Goth ........................
- Georgette......................
- Un Voyageur....................
- MM. Noël. Villars. Fervelle. Husson. Malon. Briet. Henri.
- Mme® Fervelle. Mariani. Casabon. Gabrielle. Galère.
- la petite Fervelle. M. Bourdillat
- Joueurs, Buveurs, Soldats.
- Leçon de Chimie par M. Sekutowicz
- Séance du Vendredis Février
- Matières employées dans la Fonderie ; Sables, — Argiles.
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- SAINT-QUENTIN
- Société anonyme du Glaneur, Grand’Place, 33.
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- 8e Année, Tome 8. - b° 283 *L& numéro hebdomadaire BQ e. Dimanche 10 Février 1884
- LE DEVOIR
- REVUE »ES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M- GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
- Un an. . . .
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- ON S’ABONNE A PARIS 5,r.Neuve-des-petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- L’Etat Emprunteur. — Neutralisation. — M. Par-doux. — Nouvelles du Familistère. — Statistique agricole. — La question ouvrière. — Préceptes et aphorismes. — Faits politiques et sociaux. — Correspondance d'Angleterre. — Aménités conservatrices. — L'Arbitrage et la Querre. — Les Femmes militaires. — Cours d'adultes. — Leçon de chimie. — Astronomie populaire. — Théâtre.
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement a titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l'administration fait pré senter une quittance d'abonnement.
- NOTE DE L’ADMINISTRATION
- Les numéros du Devoir contenant la série d’articles publiés sous le titre de « Question ouvrière » sont envoyés franco par paquets de 10, au prix de 75 centimes, par paquets de 100 numéros, au prix de 5 francs.
- Adresser les demandes à la librairie du Familistère à Guise, département de l'Aisne.
- L'ÉTAT-EMPRUNTEUR
- Le ministre a été autorisé a émettre un emprunt ne dépassant pas 350,000,000.
- Le chiffre exact sera fixé dès que l’on connaîtra l’étendue des obligations auxquelles il doit faire face.
- Cet emprunt a pour but de couvrir les dépenses exceptionnelles de la guerre, de la marine, des travaux publics, des postes,des télégraphes, et de combler le déficit du budget extraordinaire de 1883. On ne sait pas encore exactement à combien s’élève ce déficit, les dépenses provenant des autres chapitres donnent un total de 257,000,000. En émettant un emprunt de 350,000,000, il resterait 93,000,000 pour solder le budget extraordinaire de 1883.
- Une fois ces dépenses payées, la situation sera moins pressante ; mais l’avenir financier de l’Etat ne sera pas moins compromis, si l’on persévère à suivre les anciens errements.
- On sait qu’après de vains efforts pour établir un projet de budget défendable pour Tannée 1884, le ministère, la Chambre et le Sénat se sont résignés à voter un budget où le déficit est masqué par des exagérations de recettes et des virement qui ne trompent personne. Donc, à la fin de l’exercice 1884, le gouvernement sera en présence d’un nouveau déficit, résultant des faits que nous venons de signaler et des dépenses nouvelles qui ne manqueront pas de surgir dans le courant de l’année. Nous avons déjà l’augmentation du traitement des instituteurs proposée par M. Fallières, dépense très-juste, même insuffisante, que l’on ne peut refuser, mais qui est
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- néanmoins un nouvel élément du déficit prochain. La crise économique imposera certainement des dépenses imprévues. Il ne faut pas oublier les mécomptes certains de l’expédition du Tonkin. Le déficit à la fin de l’année 1884 n’est pas douteux. On peut affirmer encore que les exercices suivants se solderont de même manière ; l’augmentation des dépenses est déjà une chose prévue, tandis que rien n’est plus problématique que l’ascension des recettes .
- On se demande généralement comment il se fait que les hommes publics n’interviennent pas vigoureusement pour arrêter un mouvement si préjudiciable à l’intérêt général.
- Ils seraient impuissants ; l’organisation sociale, mauvaise, entièrement fausse, serait plus forte que leur intervention. La plupart, même, fie sauraient où frapper ; ils ne comprennent pas que ce sont les bases de nos institutions économiques qu’il faut réviser intégralement.
- Les hommes publics de tous les partis, feront â la Chambre comme ils n’ont cessé de faire depuis l’avènement de la bourgeoisie ; ils gémiront, ils se récrieront, ils critiqueront les ministres qui ont créé le déficit, et cela sera tout.
- Au reste, il ne faut pas l’oublier, la masse, celle qui supporte les charges réelles des emprunts, est saris influence sur l’attitude des députés, elle ne sait pas se mettre en campagne pour elle-même et par elle-même, elle reste ordinairement calme lorsqu’elle ne reçoit pas le mot d’ordre des classes dirigeantes. Et véritablement, ce n’est pas l’emprunt qui peut exciter les protestations des rentiers et des capitalistes.
- Les emprunts d’Etat ne sont-ils pas le pain le meilleur du capital, son retranchement le plus sûr? Quelle bonne aubaine pour la gerit capitaliste, un emprunt. Lorsque les banquiers ont pu faire établir un taux d’émission avantageux aux prêteurs, ils s’empressent de couvrir l’emprunt plusieurs fois, afin d’amener une hausse immédiate qui procure des bénéfices scandaleux aux meneurs de la spéculation financière.
- ïl n’y a pas que les meneurs qui bénéficient des emprunts ; la classe capitaliste toute entière en retire des avantages réels.
- Si les emprunts étaient un danger pour les classes dirigeantes, celles-ci sauraient bien se débarrasser d’un gouvernement trop emprunteur. Depuis 1789, elles n’ont jamais manqué de renverser les gouvernements dès que ceux-ci ont cessé de les faire prospérer. La bourgeoisie se. montra révolutionnaire, aussi longtemps que la révolution augmenta sa pré-
- pondérance de classe au détriment des privilèges de la noblesse et du clergé et des intérêts des travailleurs ; elle a été impérialiste chaque fois que les gouvernements de cet ordre ont crée de bons placements aux capitaux par les guerres extérieures, pendant que les classes laborieuses en supportaient tous les frais ; mais, lorsque ces régimes se sont lancés dans des aventures qui imposaient aux capitalistes l’obligation de payer de leur personne et de leur fortune, comme cela est arrivé à la suite des invasions,alors la bourgeoisie a cessé d’être bonapartiste, elle est devenue républicaine, et elle conservera la République, pourvu que la caisse prospère. Le peuple à l’illusion de croire avoir renversé depuis 89 bon nombre de gouvernements. Qu’il réfléchisse, il verra que tous sont tombés uniquement par la volonté des classes dirigeantes et à l’heure choisie par elles ; il constatera en même temps qu’elles n’ont jamais choisi le moment d’un emprunt.
- Nous ne disons pas que la bourgeoisie ait une conception aussi nette de l’évolution économique, seule possible au milieu des pratiques sociales admises par les peuples contemporains.
- Nous sommes persuadés, au contraire, qu’elle ne perpétue ce régime que parce qu’elle est incapable d'en saisir l’analyse rigoureuse. La bourgeoisie retire du présent des avantages relativement considérables ; elle se contente des effets immédiats sans chercher à comprendre quelles sont leurs causes réelles et quelles sont leurs conséquences.
- Le capital, en France, est poltron, paresseux, il veut prospérer sans produire ; on peut lui retourner avec raison tous les qualificatifs que l’on prodigue ordinairement aux classes laborieuses ; il a peur des grandes applications industrielles, il redoute les frais nécessités par la généralisation de l’outillage perfectionné ; il se garderait bien de faire des chemins de fer, des canaux, si on ne lui accordait des subventions et des garanties d’intérêt.
- Des rentes sûres et perpétuelles ! voilà l’idéal du capital français ; et malheur à l’état politique qui ne saura pas procurer des débouchés si précieux.
- ~ En France, un gouvernement durera longtemps, s’il n’a contre lui que les estomacs vides travailleurs, mais il ne résistera pas six mois les coffres-forts ne sont pas satisfaits.
- L’emprunt des cinq milliards fut pour le capital un avantage aussi durable que la conquête de Guillaume le sera pour l’Allemagne. Le capital acquit, ce jour, 250.000.000 de rentes annuelles et perpétuelles — s’il est vrai que l’ordre social coupable de pareilles erreurs doive toujours durer — sans com-
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- pter que les titres de cette émission atteignent aujourd’hui une valeur de 7.000.000.000. L’immortalité des rentes ! voilà qui est bien trouvé de la part de prétendus, libres-penseur !
- L’Etat-Emprunteur est le véritable pouvoir exé * cutif du souverain capital.
- Jusqu’à ce jour les déficits et les emprunts qui les ont suivis ont peu impressionné la masse, on a eu facilement raison de ses plaintes en lui montrant que la signature de la nation était engagée par motif de sauvegarde nationale, en faisant vibrer les grands mots « honneur national », « gloire », « patrie » ; mais nous approchons d’une époque où les proportions de la dette publique seront devenues tellement énormes que les moins clairvoyants en comprendront toutes les charges.
- Enfin, l’Etat - Emprunteur va se charger de 350-000.000 dont les capitalistes n’ont pas l’emploi ; ceux-ci n’auront plus à essayer des combinaisons aléatoires p®ur utiliser leurs épargnes. Le capital ne connaît que la sécurité... pour lui.
- Dans quelques jours on inscrira au livre de la dette publique 15.000-000 fr. de rentes en plus qui s’ajouteront aux 1.350.000.000 déjà inscrit, par l’Etat-Emprunteur, au grand iivre de la dette, au profit du capital qui, par reconnaissance, lui prête toujours au plus cher denier.
- Comment le peuple ne peut-il comprendre que les capitaux fixés par les emprunts d’Etat, s’ils n’avaient la perspective de ces débouchés, seraient obligés de venir s’offrir sur le marché du travail, ou de s’utiliser en objets de consommation, deux destinations exceptionnellement favorables au développement de la prospérité publique ?
- Lorsque les travailleurs, acculés aux chômages, réclament l’intervention des pouvoirs publies, on répond par une kyrielle de déclinatoires ; on va jusqu’à prouver aux pauvres diables que c’est par amour de leur liberté individuelle qu’on les laisse en proie aux tortures de la misère ; et l’on répond à ceux qui soutiennent que le meilleur moyen de rendre la liberté individuelle à un malheureux tombé dans un gouffre est de l’en retirer, qu’ils sont des utopistes, qu’ils réclament un Etat-Providence. Les plus acharnés à empêcher l'intervention de l’Etat en faveur des travailleurs sont en même temps les plus adroits à expliquer et à légitimer les pratiques de l’Etat Emprunteur.
- Pourtant, quelle difïérenee y a-t-il entre donner du travail aux ouvriers eu chômage et procurer des placements aux capitaux disponibles ? Il n’y en a d’autre, si ce n’est que les derniers pourraient attendre, tandis que les premiers sont sous le coup d’im-
- périeuses nécessités.
- Lorsqu’on commet la faute d’intervenir en faveur des capitaux on est criminel en délaissant le travail.
- Nous savons qu’on ne peut passer brusquement d’un régime à un autre ; mais il existe des moyens pratiques transitoires d’une application facile,
- Pourquoi continuer les emprunts lorsque l’hérédité de l’Etat pourrait procurer des ressources eonsp dérables.
- Les successions en lignes collatérales s’élèvent annuellement à 697,646,230 fr.; en évaluant à 25 0/0 le droit d’hérédité de l’Etat on aurait 174,411,557 fr.; un droit de 50 0/0 donnerait 348,823,114 fr.
- Les successions par testament donnent un total annuel de 482,005,202; un droit d’hérédité de 25 0/0 produirait 120,501,300; en portant ce droit à 50 0/0, le rendement serait de 240,012,600,
- Si la raison publique admettait que les parents en ligne collatérale ont moins de droit à la richesse de ceux dont ils héritent que les travailleurs, qui ont contribué à édifier les fortunes, l’Etat devrait intervenir dans les successions au nom de la sauvegarde des intérêts des travailleurs.
- En fixant à 50 0/0 le droit d’hérédité de l’Etat dans les successions collatérales, et à 25 0/0 dans les héritages par testament, l’Etat disposerait annuellement d’un revenu dépassant 500,000,000.
- On aurait ainsi un demi-milliard qui s’ajouterait au budget de l’Etat, sans apporter aucun trouble dans le fonctionnement des affaires et sans que les spéculateurs aient à prélever des bénéfices sur ces ressources.
- On hésiterait à puiser dans un filon si abondant, selon les besoins généraux ! Quoi de plus rationnel ? Procurer des ressources à l’Etat en les prenant directement là où est la richesse. Quoi de plus humain ? ne rien demander aux riches pendant leur vie.
- On a trouvé spirituel de répondre aux socialistes, lorsqu’ils demandent à l’Etat de chercher dans les fortunes acquises les ressources nécessaires à la sauvegarde de l’indépendance du travail, que l’pn ne peut créer l’Etat-Providence; les auteurs de cette plaisante réponse sont les mêmes qui perpétuent les traditions de l’Etat-Emprunteur pour ne pas cesser d’entretenir les privilèges capitalistes.
- Les nombreuses lettre* qui nous ont ôté adressées à la mite de nos précédants articles sur cette question nous permettent de conclure que le public est favorablement disposé à se rallier à une idée aussi rationnelle.
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- Il convient donc aux membres et aux sociétés de la Ligue fédérale de Paix et cVArbitrage international de manœuvrer avec assez d’habileté pour faire savoir au public qu’il existe des groupes de propagande.
- L’obstacle le plus grand à la prompte généralisation de cette idée salutaire, proviendra du mutisme de la presse, mais on en aura raison en multipliant les manifestations des véritables amis de la paix.
- Nous l’avons dit, dès le début, il faut agir au sein des groupes déjà constitués et y provoquer des ordres du jour sur les sujets mêmes qui sont mis en discussion par l’existence de la Ligue fédérale de la paix.
- Nous sommes heureux de pouvoir citer un résultat qui confirme nos prévisions.
- La société de la Libre-Pensée de la ville de Guise a voté, dans sa dernière réunion, à l’unanimité des membres présents, l’ordre du jour suivant :
- « Considérant que la paix est la condition nécessaire du progrès humajn ;
- « Considérant que les longues périodes de paix armée épuisent les peuples et ruinent les nations ;
- « Considérant que la situation faite à l’Alsace-Lorraine à la suite de la guerre de 1870-1871 est la cause principale des armements de l’Allemagne et des puissances occidentales de l’Europe ;
- « Les membres de la Libre-Pensée de la ville de Guise approuvent la proposition delà Ligue fédérale de Paix et dCArbitrage international tendant à la neutralisation de l’Alsace-Lorraine comme gage d’un désarmement général réglé par un congrès arbitral international ; ils adressent leur ^licitations et leurs encouragements à la Ligue fédérale de Paix et d'Arbitrage international. »
- Voilà un bon exemple que l’on ne saurait trop approuver. Il est à souhaiter qu’il ait de nombreux imitateurs. Et ceux-ci ne manqueront pas si les initiateurs du mouvement pacifique font le nécessaire pour les mettre en situation d’agir.
- M. Pardoux, conducteur des Ponts-et-Chaussées, à Allègre (Haute-Loire), nous envoie dix nouvelles adhésions à la Ligue Fédérale de Paix et d’Arbitrage. Nous les publierons dans notre prochain numéro.
- NOUVELLES DD FAMILISTÈRE
- Le Familistère et les idées qui s’y rattachent fixent chaque jour davantage l’examen .
- De nombreux visiteurs viennent se rendre compte de la situation morale et matérielle de l’association.
- Les uns, poussés par le désir d’étudier de près une fondation si importante au point de vueda la sociologie, d’autres, des industriels, résolus à doter leurs ouvriers de quelques-unes des institutions du Familistère,veulent constater sur les lieux l’état prospère des diverses branches de l’association.
- Parmi les visiteurs de la dernière quinzaine nous devons signaler M. Lombart, chef de l’importante chocolaterie dont les produits sont si avantageusement connus sous le nom de chocolat-Lombart. M. Lombart accompagné de M. Fougerousse, économiste distingué, rédacteur en chef de la revue industrielle Le Génie civil, a soigneusement étudié le fonctionnement de nos institutions de mutualité ; il se propose de grouper ses ouvriers d’après les principes du Familistère. M. Lombart est décidé à organiser d’abord l’Association du Capital et du Travail et les institutions de mutualité, il s’occupera plus tard de l’édification d’un Palais social.
- Une pareille entreprise, en plein Paris, aurait une grande influence de propagande.
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- Un fait remarquable est que la plupart des visiteurs se déclarent partisans de l’hérédité de l’Etat ; beaucoup s’étonnent de la persistance des députés à ne pas chercher dans son application les ressources publiques nécessaires au développement des institutions démocratiques.
- Cette idée et beaucoup d’autres, considérées comme utopiques par les politiciens, rencontrent auprès d’un grand nombre de fabricants et d’industriels assez de crédit pour qu’il ne soit pes téméraire d’espérer voir surgir du milieu du patronnât des hommes disposés à devancer, sur le terrain socialiste, les politiciens de profession.
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- La presse, surtout la presse étrangère, accorde chaque jour plus de place à la discussion des idées émises par M. Godin.
- Depuis quelques mois la presse française nous fait une part plus grande que d’habitude. Plusieurs journaux ont publié intégralement le programme du Devoir,bien entendu en exprimant quelques réserves. Nous comprenons qu’on ne puisse admettre du premier coup des idées aussi opposées à l’empirisme en cours.
- VIntransigeant, le Radical publient régulièrement nos sommaires, nous les remercions de nous aider dans notre pénible propagande.
- M. Ernest Figurey, de l’Agence Havas, vient, de publier dans plusieurs journaux de province une série de correspondances dans lesquelles il a inséré le programme du Devoir.
- i Les articles 19, 20, 21 de ce programme, parais-i sent, selon l’appréciation de M. Figurey, « devoir J « être relégués jusqu’à nouvel ordre dans le champ « des vœux platoniques et de dame Utopie. Mais, il \ « y a là, à tout le moins, un sujet d'études et de re-I « cherches. »
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- * Utopie ! l’arbitrage.
- Mais, cher collègue, pourquoi l’arbitrage, une utopie ?
- L’arbitrage est une institution juste, humaine, matériellement possible, ayant déjà prouvé son efficacité dans des circonstances mémorables. Notre but n’est pas utopique, pas plus que nos moyens. Nous savons que les pratiques les plus sages ne sont admises que d’autant qu’elles sont soutenues par un grand nombre d'hommes ; c’est pour cela que nous
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- ne laissons échapper aucune occasion de faire prévaloir nos doctrines; nous savons qu’une période éducative est nécessaire, et nous nous y consacrons sans amertume.
- Ces réflexions sont suggérées par l’intérêt de notre propagande. Les réserves de M. Figurey ne nous irritent, ni nous étonnent; nous avons la plus grande considération pour les hommes d'un caractère assez élevé pour donner la publicité aux idées qu’ils ne partagent pas.
- ¥ ¥
- M. Demare, dans sa publication « Les hommes d’aujourd’hui » s’est emparé du Familistère et de son fondateur M. Godin.
- La première page du n° 172 de cette publication contient un portrait charge de M. Godin tenant déployé un plan du Familistère. M. Demare s’est servi de l’attrait qu’à pour ses lecteurs le portrait charge pour leur apprendre à connaître une institution qu’il apprécie loyalement dans une biographie de M. Godin, publiée dans le même numéro.
- En même temps que nous avions connaissance des bons procédés du journalisme aux allures légères et taquines, nous faisions une triste expérience de la bonne foi de la presse grave : Le Temps a trouvé le moyen d'associer le mot de Familistère aux projets réactionnaires de M. de Mun !
- Lorsque la conspiration du silence est vaincue, les esprits mal disposés se retranchent dans les insinuations malveillantes. Cette légèreté de conduite de la part d’hommes intelligents est à peine compréhensible,à la veille d’une effervescence populaire qui va contraindre les plus modérés, les journalistes même du Temps, à présenter les réformes défendues par M. Godin comme les seuls moyens pratiques de transition vers un monde respectueux des lois de la vie humaine.
- STATISTIQUE AGRICOLE
- LES BIENS RURAUX
- Le ministère des finances vient de terminer un travail d’un haut intérêt sur la valeur et le revenu des biens ruraux en France.
- Nous en détachons quelques indications statistiques.
- La valeur totale de la propriété agricole en France atteint une estimation de 94 milliards 583,966,075 francs.
- Parmi les départements qui représentent les portions les plus importantes de ce total, nous voyons la Seine qui compte pour 7 milliards ; le Nord, 3 mil-lards : la Seine-Inférieure et le Pas-de-Calais, 2 milliards.
- A l’extrémité opposée de l’échelle, nous trouvons les Hautes-Alpes, dont le sol n’est estimé qu’à 2Ô2 millions.
- Dans le département de la Seine, non compris Paris, les terrains de première classe sont estimés 38,000 fr. l’hectare ; dans le Rhône, 18,000 ; dans le Var, 12,000; dans les Alpes-Maritimes, 21,000.
- La terre labourable, dont le prix, à l’hectare, est de 2,197 fr. en moyenne, varie entre 5.172 fr. dans le Nord et 315 fr. en Corse.
- La valeur moyenne des herbages est de 2,960 fr. l’hectare ; celle des bois de 745 fr.
- La valeur de l’hectare de vigne est de 2,968 fr.
- Dans le départemennt de la Seine, où l'on cultive l’intervalle des ceps de vigne, l’hectare vaut 9,000 fr. Dans la Marne, il atteint 8,000 fr. et il desceud jusqu’à 1,000 fr. dans la Charente.
- Il résulte des chiffres dont nous venons de donner un aperçu que la valeur moyenne de l’hectare de toutes cultures en France est de 1.830 fr. et quelques centimes.
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- Tous les numéros du Devoir contenant des articles sur la Question ouvrière sont en> noyés gratuitement aux députés ayant pris part aux débats sur la situation économique, et à leurs collègues qui ont l'habitude de s'occuper des lois sur le travail.
- LA QUESTION OUVRIÈRE
- h tu
- Dans notre premier article, il a été démontré que la substitution de l’association au salariat avait pour conséquence de faire disparaître les effets perturbateurs de la surproduction.
- Nous examinerons aujourd’hui s’il existe des moyens pratiques de surmonter rationnellement les embarras de la situation économique sans atteindre l’institution du salariat.
- Les difficultés du moment ne disparaîtront pas d’elles-mêmes ; et il n’y a pas trente six manières de les supprimer, comme on serait porté à le croire d’après le nombre des propositions parlementaires déposées à ce sujet.
- Théoriquement,les effets delà surproduction peuvent être évités « dans l’ordre social actuel » :
- 1° En cessant de produire, jusqu’à ce que l’ont ait consommé le trop plein ;
- 2° En livrant tout d’un coup à la consommation générale une grande quantité de marchandises ;
- 3° En exportant l’excédant de la production ;
- 4° En détruisant une grande quantité de richesses péniblement créées.
- Sous le régime du salariat, on ne peut s’arrêter à la première hypothèse ; puisque le travailleur ne recevant de salaire que d’autant qu’il travaille, le chômage équivaut pour lui à la privation du nécessaire.
- Pour rendre la deuxième proposition possible, il faudrait que les travailleurs aient beaucoup d’argent épargné pour acheter beaucoup de marchandises, à moins que les détenteurs des produits vin-sent à se résigner à les donner gratuitement !
- (1) Lire dans le précédent article, page 67, deuxième colonne, ligne 21e, 1.100.000 au lieux de 1.800.000 ; 23e ligne, 800.000 au lieu de 1.000.000.
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- La deuxième et la troisième proposition ont fixé l’attention du gouvernement » On a débuté par la subvention accordée à la marine marchande ; on a continué par la campagne de Tunisie ; on en est maintenant à la guerre de Chine. De tout cela, il restera trois tripotages mémorables, et deux guerres misérables.
- En fait d’exportation, nos capitaux et nos hommes en fourniront la part la plus considérable.
- L’exportation, à notre époque, n’est plus un expédient propre à débarrasser les nations européennes des excédants de leurs produits; parce que toutes celles qui demandent des objets fabriqués aux autres puissances leur rendent d’autres mar* chandises fabriquées, en quantité équivalente, de telle sorte que la Situation reste à peu près la même. Puis toutes la nations civilisées sont outillées pour produire plus qu'elles ne peuvent consommer sous le régime du salariat. La création même de nouvelles Colonies ilé changera pas là situation, parce qUë bon commencé maintenant la colonisation par l'Importation dë l’OUlillagé perfectionné, et les colonies, à peine fondées arrivent elles-mêmes â la surproduction.
- Lé gouvernement Français s’est imaginé qu’il dépendait de lui dê créer Un moüvèment nouveau d’exportation. Ses tentatives Seront vaines.
- Cette Opinion Sur l’exportation est défendue par M. Boürne du Jôurnal ôf lhe statîstical Society de Londres. Voici comment M. Mâürice Bioch du Journal dès économistes résume ia pensée de M. Bourne : « Quant aux moyens d’achat, ils ne sont pas non plus illimités, car vous ne pouvez pas étendre vos exportations â volonté, U y à même des in-d'iôéS qïii fô?ïi c'rôîfê que la limite est à peu près atteinte. »
- Sür lês quatre moyéns indiqués deux sont inacb-miësîblës, un autre ne peut aboutir, il ne reste plus que lë quatrième, là destruction, c’est-à-dire la guerre.
- La puissance de ce dernier moyen n’est pas contestable. En 1870 il rba pas fallu plus de six mois de gUefrë pour nous débarrasser dé ia surproduction àccuttlüléè pendant lés six dernières années de l’em -pire, èt pour donner du travail pendant six Où huit ans avant que l’on ait ramené nos magasinages et nos réserves à leur niveau normal.
- Lorsqu’un ordre sOcial né laisse pas d’aiitrè issüe •que la destruction pbür éviter les extrêmes conséquences d'une pléthore dé richesses, on devrait conclure que cet ordre Social ëst aüssi absurde que le moyen lui-même, considérer cëttecoriclusiori comme Une condamnation de ^organisation sociale et cher-
- cher une solution rationnelle dans un© voie nouvelle.
- Mais, pour la plupart des hommes en situation, cela équivaudrait à déclarer qu’ils ont été jusqu’à présent des ignares, des sophistes, et que la raison était avec ceux qu’ils ne cessaient de qualifier d’utopistes, d’insensés, même de malhohnêtes gens. Ces gens là préféreront se laisser acculer à la guerre plutôt que reconnaître leur erreur.
- Fulsqu’ils ne veulent pas suivre les socialistes, et que ces derniers sont résolus à protester et à oppo-poser leurs données jusqu’au bout, fi faut donc se vautrer dans lé gâchis créé par le conservatisme routinier; peut-être qu’à force de ie remuer on finira par le rendre insupportable â ceux qui l’entretiennent depuis si longtemps avec tant de persévérance et de sollicitude.
- * *
- Commeht se reconnaître ?
- Du côté des travailleurs, les anarchistes, les Ëlan-quistes, les collectivistes révolutionnaires, le parti ouvrier possibiliste, l’alliance socialiste, lefè coopé rateurs.
- Du côté des classes dirigeantes, les économistes ét les politiciens divisés en un nombre infini de clans : l’extrême droite, la droite, le centre droit, le centre, le centre gauche, la gauche, ia gauche radicale, l’extrême gauche, l’union républicaine, etc.,et, avec tout cela, une presse vendue, louée ou à louer, taillant et rognant dans les faits quotidiens, exagérant OU diminuant les nuances et les divergences des groupes politiques suivant les intérêts des financiers qui la soudoient.
- Au milieu de tous ces vices l’ignorance générale de la question elle-même n’est plus qu’un défaut de second ordre.
- * *
- Demandez à tous ces gens qui vous parlent de la crise économique ce qu’est un bœuf et ce qu’il faudrait faire pour né pas en avoir. Ils vous répondront que c’est d’abord un animalcule infiniment petit qui dévient Un fœtuë dans les entrailles d’une vache, que ce fœtus devient un veau, et que le Veau produit le bœuf, enfin que si l’on ne voulait pas avoir dë bœüf il ne faudrait pas laisser arriver l’ânitnalCule primitif dans les parties sexuelles de la mère.
- Tous ne veulent pas de complications économiques, et lorsqu’ils soht eh présence de ces périodes de troubles, ils refusent de remonter aux origines ; ou bien, s’ils consentent à faite cet examen, ils devierthent comme enragés si on lëür parle dô supprimer les causes premières!
- Ils ne savent que crier, la crise ! là crise ! Délh
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- vrez-nous de la crise ! Qui nous donnera l’ordre, le repos, la sécurité ?
- Du côté des ouvriers, on rejette toute la responsabilité sur les patrons, tandis que du côté de ces derniers on ne cesse de répéter « c’est la faute aux ouvriers i »
- Les ouvriers ont le plus grand tort de s’en prendre aux patrons, car ils devraient comprendre que ces situations sont inhérentes à notre constitution sociale ; et, comme dans un pays de suffrage universel ils participent proportionnellement à leur nombre à tout ce qui peut conserver ou bien modifier le pacte social, ils devraient conclure qu’ils ne sont pas moins responsables que les patrons.
- Il n’est pas étonnant néanmoins de les voir persister dans leur erreur, tant on met d’acharnement dans la presse à défendre l’opinion contraire, qui tend à faire considérer la hausse des salaires comme le principal facteur de ces complications.
- On dit aux ouvriers français : vos salaires trop élevés empêchent le commerce national de pouvoir lutter avantageusement avec les puissances étrangères.
- L’ouvrier répond : cela n’est pas exact ; en Angleterre, les salaires sont encore plus élevés et l’exportation anglaise dépasse celle de toutes les autres nations ; ce que vous attribuez aux taux du salaire est causé par les prix de transport des matières premières, ainsi l’extraction d’une tonne de charbon revient de 7 â 10 francs de salaire, tandis que son transport à Paris en chemin de fer coûte toujours plus de dix francs ; en Belgique, un ouvrier pour aller à son travail peut faire un parcours quotidien de 20 kilomètres pour un franc quinze centimes par semaine, tandis que vous faites payer, en France, 2 francs par chaque voyage ; vous voyez bien que les prix de transport pèsent plus lourdement sur la valeur des marchandises que le salaire de la main-d’œuvre, En définitive, continue l’ouvrier, toutes vos objections basées sur le salaire sont pitoyables, je pourrais vous donner cinquante preuves, mais je veux me limiter à un argument qui met à néant toutes vos affirmations : si la crise, comme vous dites, est amenée par le prix de la journée, comment se fait-il qu’elle se manifeste partout, dans les pays où la main-d’œuvre est chère aussi bien que dans ceux où elle est à vil prix, car vous ne nierez pas que cette prétendue crise soit ressentie aux Etats-Unis, en Angleterre, en Allemagne, en Italie, en Fspagné, même en Russie où l’on rosse quelquefois le travailleur pour tout paiement*
- L'ouvrier, ayant aussi facilement raison de la seule accusation directe portée contre lui, et voyant
- partout, dans les journaux les plus dévoués au patronnât, des apparentes notifications de ses tendances à rejeter les responsabilités sur les patrons, demeure toujours accessible aux provocations contre les classes dirigeantes, surtout lorsque la faim le talonne.
- Rien n’est pitoyable en effet comme l’attitude de la presse dite sérieuse; résolue à ne pas aller au fond des choses, toutes ses explications superficielles vont à l’encontre du but qu’elle se propose.
- Nous lisons dans le Temps du 17 janvier :
- » Nos lecteurs n’ont peut-être pas oublié les études précises que nous avons publiées l'an dernier, en particulier sur l’industrie de l’ameublement et sur quelques autres. Nous avons montré que la crise naissait de la concurrence étrangère et de l’impossibilité dans laquelle plusieurs métiers parisiens, en ne renouvelant pas leur outillage,s’étaient mis à la soutenir. »
- C'est bien cela, dit l’ouvrier^ je m’étais toujours douté que les journaux, les plus dévoués à nos patrons, finiraient par dire la vérité sans s’en apercevoir, tant elle est évidente. Mais c’est pas moi qui ait la faculté de forcer mon patron à renouveler son outillage, et, comme c’est cela qui est la cause de la crise — le Temps lui-même le proclame — le vrai coupable c’est le patron. Puis on me demande d’avoir des ménagements pour un si mauvais patriote qui a préféré acheter des maisons à renouveler un outillage d’où dépendait le salut de la patrie ; ah ! je vais le ménager de la bonne manière ce patron-lâ.
- On lit encore dans le Temps du 18 janvier :
- « Ce qu'il y a, c'est une réelle difficulté pour quelques industries, comme Celle des menuisiers, par exemple, à soutenir la concurrence étrangère. Mais d’où vient cette difficulté :
- De l’infériorité de nos ouvriers ? Nullement ; elle vient de l’infériorité de leur outillage. Que I on y prenne garde 1 *
- Voilà encore qui ne contribuera pas à calmer les accusations portées par les ouvriers contre les pa1-trons *
- Pourquoi donner des motifs si futiles, lorsque les difficultés économiques ne sont pas moins grandes chez les nations outillées que chez celles moins avancées ?
- Les citations suivantes sont extraites du journal la France, numéro du 19 janvier :
- « Les chauffeurs et les matelots de Marseille sont revenus à l’ouvrage.
- Us ont bien fait.
- 11 eût été difficile de leur accorder une augmentation de salaires et une diminution d’heures de travail.
- Les frets sont tombés si bas, par suite du chiffre inoroyahle de navires construits depuis trois ans, que les Compagnies maritimes ne font plus que de très maigres bénéfices. »
- « D’une façon générale, on indique comme une
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- LE DEVOIR
- des principales causes de la crise actuelle les habitudes sédentaires de nos fabricants, qui ne visitent pas assez la clientèle, qui n’examinent pas d’assez près les procédés de fabrication du dehors. »
- « Le travail accéléré des machines, notamment dans la cordonnerie et l’habillement, fait que la production devient à la fin plus grande que la consommation. »
- ruiner. Le moment viendra où elles reconnaîtront, au contraire, que la guerre est la plus monstrueuse des calamités dues à la perversité humaine.
- Faits
- et sociaux de la semaine.
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- En voilà plus qu’il ne faut pour maintenir l’ouvrier dans des sentiments de haine contre les patrons. Il aurait même raison de persister dans cette opinion, s’il était vrai que les causes du malaise fussent celles indiquées par les écrivains du Temps et de la France : car ce sont bien les patrons qui font construire ce chiffre incroyable de navire, d’où résultent les complications constatées dans les transports maritimes; s’ils ne font pas voyager davantage, c’est qu’ils sont les maîtres d’agir ainsi; et c'est encore eux qui ont introduit le travail accéléré des machines dans la cordonnerie et l’habillement comrrîe dans toutes les autres industries.
- Les socialistes ne peuvent rester indifférents en face d’autant d’injustice; ils continuent à faire observer que ces causes ne sont point les véritables, puisque la situation n’est pas meilleure chez les peuples n’ayant point de navires, possédant de nombreux voyageurs de commerce, et n'ayant pas dans la cordonnerie et l’habillement le travail accéléré des machines. Ils font remarquer aussi que là, où ces facteurs sont portés à leur maximum de puis sance, il existe encore des vieillards, des femmes, des enfants, même des adultes valides ne pouvant se pppcurer des chaussures et des vêtements suivant les besoins de l’hygiène et de la propreté.
- Il n’est pas juste de dire que la production est devenue plus grande que la consommation.
- La vérité est que la production capitaliste est devenue plus grande que la consommation permise sous le régime du salariat, tout en se maintenant bien au-dessous des besoins réels de tous, soit de la consommation s®ciale.
- Voilà ce qu’il convient de dire, sous peine d’encourager des tendances devant aboutir rapidement à un choc sans résultats efficaces.
- Préceptes et aphorismes sociaux
- XXVIII
- L’arbitrage international est une nouvelle trêve de Dieu qui doit précéder la fédération des peuples et la paix universelle, car les nations ne seront pas oujours assez stupides pour s’entredéchirer et se
- FRANCE
- IL.© Sénat. — Le Sénat ne tient compte d’aucun avertissement; le projet de loi sur les Chambres syndicales vient encore une fois d’être renvoyé à la chambre. Les sénateurs ne veulent pas voter l’article accordant aux ouvriers de divers métiers la faculté de former des unions syndicales. C'est vouloir empêcher les travailleurs dispersés dans les petites localités de se grouper ; car, ou le conçoit, les trois ou quatre ouvriers de chaque métier, que l’on rencontre dans chaque commune rurale, ne peuvent former un syndicat pour chaque corporation. Ces refus continuels du Sénat de permettre aux travailleurs de jouir de la liberté de réunion, n’a aucune expli* cation admissible. Il semble que le Sénat poursuive le but de fatiguer les ouvriers les plus modérés ; rien n’est plus favorable au recrutement de l’armée révolutionnaire que ce parti-pris de ne consentir aucune concession.
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- * *
- IL.a Chtamlbr©. — La discussion de l’interpellation sur les perturbations économiques a été terminée par la victoire de M. Clémenceau sur le ministère. Cela changera-t-il quelque chose à la situation des ouvriers ? Nous n’osons l’espérer ; le résultat dépendra beaucoup de l’énergie de M. Clémenceau, et rien ne prouve que celui-ci soit résolu à mieux faire que par le passé.
- La résolution présentée par M. Clémenceau comprend deux parties bien distinctes; la commission devra faire une enquête et présenter les moyens pratiques d'améliorer la situation.
- L’enquête n’était pas chose nécessaire, lorsqu on avait théoriquement la démonstration de l’impuissance de l’ordre social actuel; il s’agissait surtout de proclamer la nécessité de l’intervention de l’Etat et de la rendre possible en proposant le vote de ressources destinées à faire face aux dépenses les plus urgentes ; puis, la commission devait avoir le mandat de présenter à brève échéance des conclusions tendant à remplacer l’empirisme de l’intervention accidentelle de l’Etat par des institutions devant prévenir désormais les complications économiques analogues à cellès que nous subissons maintenant.
- N’esi-il pas à craindre que l’on ait réclamé l’enquête pour gagner du temps, avec l’intention secrète de transformer la commission en un moyen de faire la guerre au ministère ?
- La Justice, journal de M. Clémenceau, annonce déjà que le travail de la commission sera long et pénible. M. Pelletan, le principal rédacteur de la Justice, énumère toutes les difficultés probables d’une eoquête approfondie, et il nous promet, lorsque la commission aura triomphé de ces grrands obstacles, des réformes sociales comparables à celles dont le parlementarisme anglais a doté les ouvriers britanniques.
- Si c’est tout le programme du chef de l’Extrême-Gauche, ce n’est pas la peine qu’il se mette en train de commencer une enquête aussi laborieuse.
- Les réformes sociales, à l’Anglaise ! Mais c’est l’exclusion de M. Bradlaugh du Parlement, parce que les électeurs ont affirmé sur son nom leur volonté de s’émanciper de l’idée religieuse qui fait vivre une partie influente des classes dirigeantes ; c’est la suspension des libertés publiques, dans les parties de l’Irlande, où les fermiers refusent de subir les extorsions des landlors ; ce sera demain la dispersion des Tradès-Unions, si les travailleurs anglais se décident à manoeuvrer sur le terrain politique en obéissant à la discipline qui les a si bien servi dans les groupements corporatifs.
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- Les réformes sociales, à l’Anglaise ! Voilà le rêve de M. Glémenceau. Cette déclaration, faite le lendemain du vote de la Chambre, a néanmoins une grande importance. Les membres de l’Extrême-Gauche sont dûment informés des intentions de leur chef ; à eux d’examiner s’ils veulent se faire les complices d’un avortement.
- La lecture de notre correspondance d’Angleterre les édifiera sur les réformes sociales anglaises.
- Nous supposerons néanmoins que M. Clémenceau et ses collègues sont animés des meilleures intentions, qu’ils ont la ferme volonté d’aboutir. Ils pourraient, il nous semble, après la nomination des 44 membres de la commission, se répartir en deux grandes sous-commissions,l’une ayant mandat de poursuivre l’enquête, l’autre commencerait aussitôt à étudier les principes de réorganisation sociale susceptibles de produire les conséquences cherchées. Que le mal soit plus ou moins grand, le principe du remède reste le même ; il y a donc avantage, pour éviter les pertes de temps, à définir les bases de l’intervention sociale, sauf à en régler ensuite les étapes suivant la gravité des désordres sociaux signalés par la sous-commission d’enquête.
- La presse officieuse n’est pas sans se préoccuper de l’attitude probable des membres de la commission ; ses réflexions peuvent être une indication certaine de ce qu’il convient de faire. Les hommes de bonne volonté, s'ils ne comprennent d’eux-même quelle doit être leur attitude, n’ont qu’à s’inspirer des conseils de la presse officieuse,bien entendu, en adoptant tout ce que celle-ci leur conseille de repousser ; ils seront amenés alors à faire ce que nous n’avons jamais cessé de conseiller.
- Le Temps, journal très ministériel, ne comprend pas une commission s’attachant à autre chose qu’à « recueillir, à classer et à centraliser tous les renseignements se rapportant à la crise ; » cela indique suffisamment que ce n’est pas là l’œuvre essentielle de la commission.
- Le même journal ne pardonne pas à certains dépulés de considérer la future commission « comme une lice ouverte à tous les systèmes économiques, à toutes les théories socialistes ou autres propres à chaque membre de la Chambre. » « Ainsi, continue le Temps, pour ne citer qu’un exemple, voici M. Henri Maret qui dans le Radical, manifeste son contentement du vote de la Chambre par la pensée qu’il lui sera permis de discuter au sein de la commission et, peut-être, de faire adopter ses idées sur l’abolition de l’héritage en ligne collatérale. » La mauvaise humeur et les gémissements de l’organe le plus influent de la presse officieuse, cette précaution à signaler dès le début comme dangereuses les opinions de M. Maret, sont une preuve irrécusable qu'elles méritent d’être prises en sérieuses considérations par les hommes dévoués au progrès social ? Qu’en pense M. Clémenceau ?
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- Les ouvriers de Marchienne. — La plupart des établissements métallurgiques du pays (département du Nord) ayant fait annoncer une réduction des salaires, les ouvriers de l’usine Châtelet ont refusé d’accepter les nouvelles conditions et se sont mis en grève. Les grévistes, réunis en grand nombre, ont cherché à entraîner les ouvriers de l’usine de Ja Providence. L’autorité a pris aussitôt des mesures énergiques et a fait fermer les portes de l’usine. L’attroupement n’a pas tardé à se disperser. La grève n’atteint que l’usine Châtelet.
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- Emancipation des» femmes. — La société du suffrage des femmes publie sous le titre « Le remède est là » le manifeste suivant à l’occasion de la crise économique :
- Français et Françaises,
- « La crise économique actuelle démontre l’impuissance des hommes à bien gérer seuls cette grande maison qu on appelle l’Etat. Il faut que les femmes administrent avec eux la fortune publique, pour que tous aient en travaillant le vivre et le couvert assuré.
- La Société du suffrage des femmes fait un puissant appel aux personnes désireuses de voir la sécurité et le bien-être succéder à la gêne actuelle, pour l’aider à faire admettre l’intervention des femmes dans les arrangements sociaux et politiques. En Angleterre et dans plusieurs contrées de l’Europe les femmes ont déjà le vote municipal.
- En Amérique, les territoires où les femmes ont le vote municipal et politique, sont devenus très florissants.
- Les Français annexés au Canada ont le vote municipal et politique. Notre pays ne peut rester à son détriment en arrière de tous iss autres. Nous adjurons tous les Français et Françaises de nous apporter le concours de leur intelligence et de leur activité, pour faire comprendre l’urgence qu’il y a de donner aux femmes la possibilité d’assurer le bonheur de tous, en apportant dans la gestion de nos intérêts nationaux, leur esprit de prévoyance et d’économie.
- La Société du suffrage ouvrira incessamment au centre de P .ris un cercle où - ses adhérents se réuniront pour faire des conférences publiques. »
- Le remède sera là, lorsque les femmes auront un programme économique efficace à faire prévaloir par leur vote. L’électeur masculin, lorsqu’il est pauvre, est moins indépendant que la femme riche privée du droit de vote. Si la Société du suffrage des femmes veut l’alliance des exploités, elle doit introduire dans ses manifestations des déclarations montrant qu'elle sait comment on doit maîtriser le paupérisme.
- ï*arlm Horrible. — M. Dumesnil aans un intéressant ouvrage sur les habitations ouvrières donne la description suivante d’une des maisons habitées par les chiffonniers.
- « Une baraque divisée en quatre pièces, dont deux » sont sous-louées en garni, constitue cette habitation » qui est louée deux cents francs aunuellement par un » chiffonnier. Le mur du fond est formé de planches » clouées de place en place sur le mur de la maison » voisine. Ces pièces n’ont pas d’autres moyens d’aérage » et d’éclairag3 que la porte vitrée par laquelle on y » pénètre. Dans le milieu de l'un de ces logements est » étalé le chiffonnage de la nuit précédente. Nous trou-» vous là une femme aveugle et un enfant borgne par » suite d’ophtalmie purulente.
- a La cour sur laquelle ouvrent tous ces logements à » rez-de-chaussée est un cloaque fangeux d’où s’exha-» lent des odeurs fétides. La cause de l’insalubrité est » l’aménagement tout a fait spécial du cabinet d’aisance » qui y existe ; il consiste en un trou en terre de peu de
- * ae profondeur, entouré de cloisons en osier, à la hau-
- » teur d’appui et sur lequel on a posé deux planches, » distantes de 20 à 22 centimètres. Lorsque cette fosse » est pleine ce qui arrive fréquemment, vu le peu de » profondeur qu’on lui donne, on enlève le cabinet, on » creuse un autre trou quelques mètres plus loin jus-» qu’à saturation du sol. Grâce à ce cabinet ambulant » déplacé plusieurs fois depuis l’existence de cet im-» meuble, on a infecté tout le sol du voisinage..
- « Voici un autre spécimen. A l’entrée de la rue Monge,
- » au voisinage de l’école polytechnique (3e arrondisse-» ment), débouche la rue des Boulangers, dont le n° 42
- * est occoupé par l’hôtel de Mâcon.Les cinq étages de cet » immeuble sont divisés et subdivisés en loges noires > et puantes, dont quelques-unes,au rez-de-chaussée ne » sont éclairées qu’en second jour sur des couloirs hu-» mides. Les chambres où sont empilés les locataires,
- » sont encombrées de sièges boiteux, de commodes » effondrées, sur lesquels sont déposés pêle-mêle des » guenilles. Tous les habitants de ces logis sont groupés » au milieu de la pièce, autour de poêles sans couvercle
- * et sans tuyau de famée,dans lesquels on fait brûler du » charbon de bois pour cuire les aliments et chauffer la » pièce. Dans tous ces logements et dans leurs dépen-» pendanees, escaliers et couloirs sombres et étroits,
- » règne la malpropreté la plus grande, l'air est saturé » d'émanations fétides. On en sort couvert de vermine.
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- LE DEVOIR
- » Le coût de Ces locaux est de 15, 18 et 25 francs par » mois. G’eet de l’usure en matière de logement ».
- « En nous fabantjeonnaitre ces bouges M. Du Mesnil » s’écrie avec raison": «Ce n’est pas de la vertu, c’est » de l’héroïsme qü’il faudrait à tout ce monde pour ne » pas contracter dans ces bouges la haine de la société » qui les tolère, »
- ANGLETERRE
- Irlande. — Les démonstrations nationalistes continuent en Irlande malgré la police et l’armée. Les oran-gistes et les nationalistes semblent à la veille d’en venir aux mains d’une manière sérieuse. La démonstration du 3 février à Ballymote a été suivie d’un échange de coups de fusils qui ont atteint cinq manifestants.
- *
- * *
- Les affaires d’Egypte sont loin de s’améliorer, le Madhi poursuit sa marche victorieuse.
- Le Standard a publié une dépêche qui montre le sans façon du gouvernement anglais a l’égard de ses tributaire. Le général Gordon était parti accompagné d'un
- ieune homme qu’il avait mission d’instituer sultan de )arfour. Le futur sultan, depuis son départ du Caire, n’a pas cessé d’être ivre, au point que le général Gordon le déclare impropre à supporter les responsabilités de là position qui lui était destinée.
- AUTRICHE-HONGRIE
- Agitation socialiste. — La commission du budget a saisi la Chambre des députés d’une résolution tendant a augmenter l’effectif de la police à Vienne. Le comie Taafe, au nom du gouvernement, s’est rallié à cette proposition„
- Le ministre exposera à la Chambre iés motifs des mesures d'exception qu’il a cru devoir prendre pour réprimer les tentatives et lés excitations à la guerre civile dans certains quartiers de la capitale.
- • Une ordonnance du guuverneur de la basse Autriche applique les sévérités de la loi de 1869 : i * à ceux qui auront donné asile, sans en avertir l'autorité, à des m-individus expulsés en vertu dés dernières mesures exceptionnelles ; â ceux qui, se trouvant dans un attroupement sur la voie publique, n’auront pas immédiatement obtempéré aux injonctions de l’autorité ; 3° a ceux qui se seront livrés a des démonstrations publiques ou qui auront été trouvés porteurs d’inbignes séditieux.
- *
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- l'raitê de commercé atéc la ÏTrance.
- — La Presse publie Une dépêche de Bdda Pesth annonçant qu’un traité de commerce provisoire, de la durée d’un ah, a ôté Conclu entre ia France et i’Autriche-Hon-grie
- La dépêché âjotitë qüe les propositions du gouvernement Irançâis relatives à l’admission conditionnelle en France du bétail d’Autriche-Hongrie serviront de base pour dès négociations qui pourront .peut-être amener plus tard Une entente à cet êgarü.
- ALLEMAGNE
- M. BlUto, à l’odôâàidh de là ihâlâdie de l’empereur Guillaume, a publié dans ié Rappel les quelques lignes suivantes, qui Sont Une Spirituelle et juste critique dé la monarchie la plüs puiéSâhté de l’Europe :
- La fteuiaiae d’ilü rhümé
- ou écrit de Berlin le lundi ;
- Nous sommes ici dans une émotion difficile à décrire, le nez de Sa Majesté l’empereur Guillaume est pris.
- On y entend des ronflements bizarres et inexpliqués. Le père de Fritz regarde déjà ses mouchoirs avec mé-laneoiie.
- Que va-t-ii se passer dans ce nez ?
- On écrit de Berlin le mardi :
- Le nez de Sa Majesté devient rouge, la pointe est même solférino.
- Les médecins appelés auprès du nez de l’empereur déclarent qu'ils ne peuvent encore se prononcer.
- Il y a un commencement d'humidité sous la narine gauche.
- Nous sommes haletants.
- Oh écrit de Berlin le mercredi :
- Il n’y a plus à s’y tromper, le nez de Sa Majesté est violet et pleure des torrents de larmes.
- Les populations sont consternées.
- On ordonne des prières dans les temples pour obtenir la prochaine sécheresse du nez du père du peuple.
- En attendant, Sa Majesté éternue à croire qu’elle a reniflé des canons Krupp.
- M. de Bismarck est soucieux. Notre Fritz va-t-il enfin monter sür le trône et l’Europe va-t-elle changer de face ?
- On écrit de Berlin le jeudi :
- La débâcle est complète. Vu l’âge de l’enrhumé, tout le monde est inquiet. Jamais on a éternué ni on ne s’est mouché comme cela 1
- On fait venir des mouchoirs de toutes les parties de l’Empire, Sa Majesté finit par employer ses draps.
- Le pays entier est suspendu au nez de l’empereur 1
- Si le nez ne résiste pas à l’inondation qui l’accable, toute la politique de l’Allemagne, toute la stabilité de l'Europe peuvent être bouleversées.
- Fasse que le nez du père de notre Fritz soit doublé en zinG !
- On écrit de Berlin le vendredi :
- ... Inondation moins prononcée ; le flux est toujours bohdant, mais oh constate une légère décroissance.
- L’éternuement commence à manquer de sonorité, le moelleux arrive, les médecins espèrent.
- Il est question d’illuminer le jour oü l’empereur n’aura usé que vingt-cinq mouchoirs dans la journée.
- Afin d’écouomiser les voix de la famille, on a fait poser auprès de Sa Majesté une mécanique qui dit : Dieu vous bénisse !
- On écrit de Berlin le samedi :
- Nous sommes sauvés ! Sa Majesté n’a pas éternué de là joürhéé.
- Les médecins connaissent maintenant le nom de la maladie dont a été atteint l'empereur : c’est Un coryza.
- Maintenant qu’on sait que c’est un coryza, les médecins vont soigner l’indisposition de l’empereur comme un rhume de Cerveau.
- L’Ëürope peut enfin dormir tranquille et notre Fritz peut rentrer encore cette fois ses idees personnelles sur la politique intérieure et extérieure : L’empereur n’est plus enrhumé. Il y a même un commencement de sécheresse dans son nez auguste,
- M. de Bismarck respire. Il garde toujours ses fonctions et sa prépondérance.
- Quant aux médecins qui ontsi bien soigné Sa Majesté, ils viennent tous d'ètre décorés de l’ordre de l’éternuement.
- Pour copie conforme :
- Ernest Blüm.
- ITALIE
- On lit dans le journal le Glaneur de Saint-Quentin :
- Notre vieil ami le professeur Marc-Amêdée Gromier a publié dans le Ferruûcio, de Florence, l’appel qui suit :
- Aux patriotes gréco-latins et à la presse grécô-latine encore indépendante
- La présence des Anglais à Gibraltar, Malte-, Chypre, Allexandrie, Port-Saïd, — et, rétablissement imminent des commis du Zollverein Germdni^uèh à Port-Mahon, Trieste, Salonique, Géaarée* nécessitent immédiatement un contre-poids, Sinon, c’en est fait, avant pôü, de l’é“
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- LE DEVOIR
- 01
- quilibre européen : les ânglo-s&xons prédominent partout sur les latino-slaves.
- La ciréâtion d’un Zollverein Méditerranée sauverait d’une ruine complète et prochaine le commérCë et l’industrie des peuples gréco-latins, à la veille de perdre iôllte possibilité d’échanges faciles et fructueux avec l’Asie-Mineurë, lés Grandes Indes et l’Afrique septentrionale.
- Ce Zollverein méditerranéen,, en attendant mieux, devrait unir êéonôiMquenient les habitants du Portugal, de l’Espagne, de la France, de l’Italie, du Monténégro, de l’Albanie, de là Grèce et de la Roumanie, ainsi que toutes les colonies méditerranéennes, actuelles et futures, de ces mêmes pays, exclusivement.
- Cêtte union économique, s’obtiendrait aisément entre tous de* pays, quëLlè qüë SOIT la forme Uë lëüë gouvernement RESPECTIF, par l’adoption synallagmatique, dans tout le terroir du susdit Zollverein méditerranéen, dé CBrtaiUes nu Sures d'ordre purement administratif, qu'il appartient à la presse grêco-latiné de proposer d’ores et déjà et dont voici quelques exemples pouvant servir dë préliminaires à la discussion indispensable.
- 1. Uniformité du calendrier grégorien :
- 2. Uniformité des poids, des mesures et dés mohüaies, d’après le système décimal ;
- 3. Uniformité des tarifs postaux. Dans tout le Zollve-Nin méditerranéen, ou devrait pouvoir employer, pour les cartes postales, des timbres de 5 centimes ; pour les lettres, des timbres de 10 centimes, par poids de 15 grammes \ pour lès imprimés, deS timbres dë 1 centime, par poids de 2b grammes) 5
- 4. Uniformité des tarifs télégraphiques (50 centimes les premiers dix mots et 2 centimes par mots suppiê-mentares);
- 5. Liberté et gratuité du cabotage sur toüt le littoral dès pays grécôGatinë èt dé îèdrs Colonies méditerranéennes pour les navires de la marine marchande de ces pays;
- 6. Uniformité du prix kilométrique des transports pàr kilogrammes de marchandises confiées aux Messageries de terre et de mer ;
- 7. Abolition de toüt passe-port èt de tout droit de do oane à l'intérieur du Zollverein méditerranéen c’est-à-dire : pleine liberté de communications et d'échanges entre lés habitants des pays faiëaht partie de cette association économique, nécessaire à la prospérité, à l’indépendance, au salut des peuples gréco-latins.
- Florence* 16 janvier 1884.
- M. — Aj Gromier.
- Pourquoi en Europe trois Zollevereins, le Zollverein germanique, le Méditerranéen, l’Anglo-saxon ?
- Soit, c’êst Une Simplification* â cë titre la préposition de M. Gromier est bonne à retenir ; lorsqu’on aura réduit les tarifs douaniers à trois types, on aura beaucoup moins dë peinë â iës fondre en Un ëeui.
- BELGIQUE
- L* question de l’hérédité de l’Etat vient de prendre ïang aahs lé parlement bëigé. Rarmi les divers projets destinés à procurer de nouvelles ressources budgétaires* M. Lelièvre a préconisé de reviser les articles 725 et 755 du Gode eiVil et d’àfrèter àü éb dègré le droit à l’hérédité. (Jette proposition a été accueillie par les mürmures des députés 4e la droite. Les conservateurs sont les rfièméfe partout.
- ESPAGNE
- ÂpfèS léé dêrhiëteS élections niühibipàlè's d’Andôrre, qui avaient été favorables à l’influence française, l’évêque de la Seo d’Ürgel, qui est co-prince de la* petite République, S’est liVré â dés mahdeüvres qui oht modifié le .caractère de ces élections;
- Des troubles ôtait survenus à la suite de, ce coup de main, le viguier épiscopal fit arrêter et c'oildàÜinéi’ aü±
- travaux forcés plusieurs individus sans l’assentiment du
- viguier français
- Les prisonniers ont été livrés au gouvernement espagnol pour subir leur condamnation. Lé gouvernement français va engager des négociations avec le cabinet de Madrid pour se faire restituer les prisonniers.
- Il he faut pas oublier que les affaires d’Ëspagüé peuvent se confondre aveo les querelles d’AllemahdSk
- LeS fédérés eit Espagne, “ Le gouvernement espagnol évalue à trente mille le nombre des fédérés révolutionnaires éü Andalousie,
- ÉTATS-UNIS
- Les délégués dés corporations parisiennes à l’Exposition de Boston viennent d’organiser de nombreuses réunions poür rendre compte de leur mission à leurs mandants. M, Dutnay, le délégué de la Chambre syndicale des mécaniciens, a constaté que l’ouvrier américain avec üù salaire de 10 a 12 francs par jour nè jouit pas d'un bien être plus considérable que l’ouvrier français qui agne 5 à 6 francs par jour, Le libéralisme patronal, ans la République si vantée des Etats-Unis, ne Vaut guère mieüx dans certains câs qüë lé libéralisme de quelques patrons français. M. Dumay a remarqué dans certains ateliers dés affiches ainsi Conçues : « Ici, on Üë reçoit pas d’ouvriers appa?tenant au Trade’s Unions. » M. "Dumay a été émerveillé du perfectionnement de roüiillâge américain. Il a VU aes fours revolvers si bien agencés qu’un seul ouvrier eu conduit sept. Il a remarqué qu’uu homme avec deux jeunes filles de quatorze à quinze ans suffisait pour conduire quarante machines à fabriquer des vis.
- Voici comment il apprécie la situation économique : << Boston est bondé d’ôglisëS , la liberté d’association y existe, l’outillage y est parfait, et le traité de Francfort n’y existe pas. Malgré cela, la crise industrielle y .-évit comme ici, ce qui semblé démontrer que ics différents remèdes qu’oü nous propose sont bien iüoffeüsifs* *
- Ges quelques ligues sont une réponse péremptoire aux de Mua du cléricalisme, de l’opportunisme, du radicalisme, à tous ceux qui Cherchent Uhe SOiutiod en dehors des données du socialisme.
- Correspondance d’Angleterre
- Les maisons des pauvres et les cités ouvrières. — Vues et plans de la police métropolitaine. — Les projets d hier. — Églises et hôpitaux.—* Lés Pharisiens !
- Il y à quelques jours, Un dés employés supérieurs dë Gfeûi Seotland Yard, notre préfecture dë polide à Londres, fàisâit part au publié, par l’intermédiaire d’un de nos grands journaux quotidiens, de ses VUès sür lëS logements aétuels deS pauvres de hôtre graddë Ville et stir la construction, raméhageA ment ët la ldcatioh d’hâbitàtidüs Ouvrières destinées à les remplacer.
- Selon lui, les habitations des pauvres qui sont les plus saies et où règne en même temps le plus d’immoralité, sont déliés que tt’hâbitent point leurs pto^-priêtaires, — cé qui est généralement le cas iorsqüè èés propriétaires sont riches, — aaràit-il pu ajouter.
- La pollOë visite dé temps â autre i’ihtérieur de des maisonS, sàhs qtié là lbi l’y autorise ; elle s’éfi Voit
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- donc assez souvent refuser l’entrée par les habitants, aussi voudrait-on à Scotland Yard que cette catégorie d’habitation fût mise sur le même pied que les maisons garnies Jde bas étage, “ Common lodging houses, ,, où des agents spéciaux, connus sous le nom de lodging house sergeants ont accès de par la loi.
- L’auteur de l’article en question recommande aussi que l’on construise des cités ouvrières à l’usage exclusif des classes pauvres, et où ne seraient par conséquent admis sous aucun prétexte les employés de chemins de fer, des docks, des postes, les commissionnaires, petits commis, etc.; tous gens qui, aujourd’hui, forment la majorité des locataires des Peabody Buildings au détriment des nésessiteux qu’ils ont évincés peu à peu.
- Que faudrait-il faire pour empêcher que la même chose ne se reproduisit dans les nouvelles habitations ? Tout simplement exiger de toute personne désireuse de louer une ou deux chambres qu’elle fit connaître ses moyens d’existence, le montant de ses salaires, sa situation de famille (si marié, combien d’enfants, etc.). De cette manière l’on pourrait contrôler efficacement les demandes d’admission et écarter celles émanant d'individus dont les moyens leur permettraient de se loger décemment ailleurs.
- A ces cités ouvrières selon le goût de Scotland Yard, bâties dans des quartiers spécifiés et sur des plans vus et approuvés en haut lieu, on annexerait quelques remises et hangars où les petits industriels, chiffonniers, marchands des quatre saisons, revendeurs de vieux habits, de peaux de lapin, fabriquants de boîtes d’allumettes, de cages d’oiseaux, fagoteurs de petits bois, (une industrie spéciale à Londres), etc., etc., pourraient remiser leurs outils, leurs charrettes et leur petit stock de marchandises, ou même se livrer pendant le jour à leur travail.
- Ces hangars seraient, la nuit, fermés au moyen d’un cadenas ; le locataire aurait une clef, mais la police en aurait une autre : en un mot, bâtiments et locataires seraient, on le voit, sous la surveillance absolue de la police.
- L’on ne voit pas d’un bon œil à Scotland Yard la démolition en grand des quartiers pauvres de Londres, qui commence en ce moment, car cet immense balayage d’immondices de toutes sortes aura sans nul doute pour conséquence immédiate de disséminer aux quatres coins de la métropole les voleurs et les criminels de toutes nuances que jusqu’ici nos agents de la sûreté savaient presque toujours où trouver.
- C’est me direz-vous, envisager l’assainissement de Londres à un point de vue bien exclusif, bien égoïste.
- Mais, que voulez-vous, à chacun ses besicles !
- Ainsi, nous, par exemple, nous avouons ne pas éprouver une grande admiration pour cette surveillance incessante et insultante à laquelle la police voudrait soumettre leurs futurs habitants des cités ouvrières dont elle préconise la construction.
- Que l’on élève de grands bâtiments, sains, bien aménagés, confortables, d’un prix de location peu élevé et où l’on admettra que des nécessiteux, bien ! Mais de là à donner à la police le droit d’entrer chez ces pauvres gens quand il lui plaira et de leur faire des visites domiciliaires à tous propos et même la nuit, et de s’ingérer dans leur travail ou leurs arrangements domestiques, voilà ce que nous ne saurions admettre ! I.es particuliers, ou les compagnies qui fonderont des cités ouvrières spécialement destinées à la classe précitée pourront facilement veiller, soit personnellement, soit par l’intermédiaire de leurs agents, à ce que ni la pauvreté ni les mœurs n’aient à souffrir de trop graves atteintes de la part de leurs locataires.
- Par exemple, nous ne saurions trop approuver et appuyer les autorités de Scotland Fard lorsqu’elles demandent qu’on mette fin aux honteuses spéculations auxquelles se livrent quelques individus dépourvus de tout sens moral, qui achètent à vil prix de vieilles mazures condamnées, pour les relouer à de pauvres diables à un taux relativement élevé, et ce sans y faire aucune réparation.
- Cette sorte de propriétaires sans cœur, qui n’est pas rare à Londres, ne demande qu’une chose : tirer le plus d’argent d’affreuses et insalubres bicoques achetées à vil prix ; quant aux conditions d’hygiène dans lesquelles vivent leurs locataires, ils s’en soucient autant que d’une figue.......ou que de leur
- moralité.
- Et il est de ces gens qui font grande figure dans le monde ; l’on compte même des ducs parmi eux. Pour d’aucuns ce sont de grands personnages , pour nous, plus ils sont haut placés, plus nous les trouvons bas.
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- Il n'est, hélas, que trop vrai, ainsi que nous le disions dans une lettre précédente, que ce grand cri de pitié (mêlé de terreur) qu’a poussé notre classe aisée, il y a quelques temps, au tableau des misères de Londres, commence déjà à s’éteindre, et que les projets philanthropiques d’hier font place aux préoc-| cupations politiques d’aujourd’hui.
- I Non seulement, en ce qui concerne la question des j logements ouvriers, on n’est encore arrivé à aucune solution pratique, mais voici que la charité publique elle-même se trouve obligée de resserrer les cordons de sa bourse.
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- Plusieurs de nos hôpitaux se voient dans la néces-sité de faire payer de petites sommes variant de six à douze sous aux malades du dehors auxquels, jusqu’ici, on avait donné gratis consultations et médecins. D’autres sont même allés plus loin, et ont mis à la disposition de malades payants des lits et des soins qui auparavant étaient réservés aux indigents.
- Voilà où nous en sommes, après tout le bruit qui s’est fait autour du Londres horrible ; les hôpitaux font payer les pauvres ; les hôpitaux n’ont plus d’argent !
- Les hôpitaux n’ont plus d’argent, mais l'évêque de Rochester, qui a une partie de son diocèse dans la partie sud de Londres, vient de faire un appel au public pour élever dix églises de plus à son clergé, et les fidèles ont versé quarante-deux mille livres sterling dans la caisse épiscopale !
- Les hôpitaux n’ont plus d’argent, mais lorsqu’il s’est agi d’élever une église protestante anglaise à Copenhague, on a trouvé presque d'un coup trois mille livres sterling, rien qu’à Londres, et l’église en question en coûtera dix mille !
- Mais les hôpitaux n’ont plus d’argent..! O Pha-
- risiens ! que Jésus vous connaissait bien, et qu'il avait raison lorsqu’il a dit qu’il serait plus facile à un chameau de passser par le trou d'une aiguille qu’â un riche d’entrer dans le royaume des cieux 1
- Londres le 28 janvier 1884
- P. L. Maistre.
- AMÉNITÉS CONSERVATRICES
- Ce qui fait les ^socialistes, c’est, sans parler de l’âpreté des convoitises, l’étroitesse de l’esprit.
- Le Temps, numéro du 6 février 1884.
- L’ARBITRAGE & LA GUERRE
- Toute idée nouvelle et juste traverse trois phases: 1° l’utopie ; 2° la préparation ; 3° la réalisation.
- Nous avons dépassé la première phase. On ne rit plus aujourd’hui du rêve de ce bon abbé de Saint-Pierre: La paix universelle* On doute, on hésite, on admet volontiers. Mais on ajourne la réalisation à un lointain avenir.
- Nous sommes donc arrivés à la seconde phase, et, comme je le prouverai tout à l’heure, nous entrons déjà dans la troisième.
- La préparation se fait de deux manières : l’une indirecte, par l’impulsion naturelle des faits con-
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- temporains ; l'autre directe, par la discussion et la propagande.
- Je vais démontrer d’abord que les tendances de l’époque nous conduisent indirectement, mais irrésistiblement à l’arbitrage. Il me suffira de reproduire un fragment de mon travail publié en mai dernier dans le bulletin de la Société française des Amis de la Paix.
- Après avoir énuméré méthodiquement fous les fléaux de la guerre, je disais :
- « A ceux qui m’objectent l’utilité, la légitimité et la fatalité de la guerre, l’impossibilité par conséquent d’un rapprochement fraternel entre les nations, je répondrai :
- « Est-ce que ces prodigieuses voies de communication rapide et instantanée ; ces percements d’isthmes, cotte neutralisation des fleuves et des mers ; ces expositions universelles, bientôt permanentes ; ces traités et congrès internationaux de toute sorte ; cette fièvre d’explorations lointaines qui agite notre époque ; ces merveilleuses intentions, ces incroyables découvertes scientifiques que chaque jour voit éclore et qui déjà transportent au loin les dépêches, l’heure, le son, la force motrice et la lumière ; enfle est-ce que cette éclosion spontanée et simultanée de grands et nombreux réformateurs économiques el sociaux, tous fervents apôtres de la fédération universelle, ne préparent pas forcément la suppressior des barrières, l'accord entre les peuples et les races, la paix générale ? »
- Maintenant, j’aborde la préparation directe par h discussion et la propagande.
- Déjà il s est fondé chez toutes les nations avancées des sociétés spéciales de la Paix, qui par leurs revues, leurs conférences, leurs congrès annuels, ré pandent incessamment l’idée d’arbitrage. L’an passé ces sociétés, réunies à Bruxelles dans des assise! plénières, ont institué un conseil fédéral européen dont j’ai l’honneur de faire partie.
- Or, les annales de ces revues, conférences et corn grès renferment les plus effroyables révélations su] les maux de la guerre. Je me bornerai à en signa 1er quelques-unes aux douloureuses méditations di vos lecteurs.
- D’après le consciencieux et très compétent écono miste M. Le Roy-de-Beaulieu, « dans les 15 année antérieures à 1870, la guerre a coûté au monde civi lisé seulement (sans compter deux millions d’hom mes), près de cinquante milliards.
- La Société Londonienne des Amis de la Paix, calculé en ces termes l’énorme bien qu’avec cett somme fabuleuse on eût pu produire :
- « Cette somme suffirait pour bâtir et remplir d’ob
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- jets d'art et d’instruction 1,530 institutions magnifiques comme le Palais de cristal de Sydenham près de Londres, chacune à 31 millions cinq cent mille francs.
- a Elle ferait un chemin de fer tout autour du globe; 23 mille milles anglais (36 mille kilomètres), à deux millions de francs par mille.
- • « Elle ferait le réseau le plus complet de télégraphes par terre et par eau sur toute la surface du globe, et le maintiendrait en activité permanente.
- « Elle procurerait des vivres, des vêtements et des meubles jusqu’à concurrence de 1,575 francs par tête d’habitant (30 millions), dans la Grande-Bretagne et l'Irlande-; 1,175 en France ; 1,425 en Autriche ; 9,625 en Belgique et 15,500 en Suisse.
- « Elle permettrait d’établir 1,913 hôpitaux dans différents pays, chacun de deux millions cinq cent mille francs.
- ce Elle suffirait à établir et à doter — voici ce qui est tout particulièrement de circonstance — 382,000 écoles à 12,500 fr. »
- M. Le Roi-de-Beaulieu a calculé que seule, la guerre civile des Etats-Unis, la guerre de Sécession, avait coûté 35 milliards. Et il ajoute « qu’avec une somme sept ou huit fois moindre, on aurait pu indemniser très convenablement les possesseurs d’esclaves et concilier ainsi l’inviolable liberté des noirs avec les ménagements dûs à la longue possession des blancs. »
- Quant à la guerre franco-Allemande de 1870, des documents officiels recueillis par un haut fonctionnaire du ministère des affaires étrangères en élèvent le coût, pour la France seulement, à 14 ou 15 milliards.
- « Voilà, fait observer un autre éminent économiste, Frédéric Passy, les dépenses de la guerre qui se fait. Si nous calculions les dépenses de la guerre qui ne se fait pas, c’est-à-dire de la paix armée, nous trouverions que dans ce siècle seul en tenant compte des intérêts et des pertes du travail, l’Europe a dépensé en armement des centaines, j’oserais presque dire des milliers de milliards. On a trouvé pour l’Angleterre seule, de 1815 à 1868, un chiffre de 65 milliards. Avons-nous tort de dire avec Bastiat, que Vogre de la guerre dépense autant pour ses digestations que pour ses repas ? »
- On ignore généralement que, de 1783 jusqu'à nos jours, une quarantaine de désaccords, parfois très-graves entre les peuples, ont été heureusement terminés par la voie de V arbitrage Mais, sauf l’affaire de l’Alabama, cette terrible lutte qui se préparait entre les deux plus grandes puissances maritimes du
- globe, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, sauf cette retentissante affaire, envenimée au début par les vieux ressentiments entre ces deux nations, et dénouée en six jours par l’intervention d’un tribunal arbitral réani à Genève, les autres arbitrages n’ont pas produit un grand éclat. En effet, si la guerre, comme on l’a dit, fait beaucoup plus de bruit encore que de mauvaise besogne, l’arbitrage fait beaucoup plus de bonne besogne que de bruit. Donc, l’arbitrage, en réalité, fontionne, remplaçant, comme une haute justice de paix, la lutte et la haine par la conciliation. C’est presque lui qui devient la règle, et la guerre l’exception.
- [République du Jura.) Gagneur.
- LES FEMMES MILITAIRES
- (Suite)
- La fameuse Ducoud-Laborde servit au 6e hussards, où elle était comme volontaire sous le nom de Breton-Double. Elle gagna les galons de maréchal des logis. A Eylau, elle tua un capitaine russe. A Fried-lan, elle fut blessée grièvement, se pansa elle même, remonta à cheval et fit prisonniers six Prussiens. Enfin à Waterloo, elle vit son mari tué à ses côtés, eut la jambe fracassée, fut amputée sur le champ de bataille et recueillie par un officier irlandais, qui l’entoura de soins respectueux jusqu’à ce qu’elle pût rentrer en France.
- Angélique Brulon, née Duchemin, originaire de Dinan, qui fut nommée sous-lieutenant en 1822, avait servi sous Napoléon comme caporal-fourrier au 42* d'infanterie. Fille, sœur et femme de soldats, elle vit les siens succomber sous les drapeaux. Elle s’est notamment signalée en Corse au siège de Caivi, où, par son sang-froid autant que par son intelligente bravoure, elle put conserver à l’armée une place forte importante. Angélique Brulon a été décorée en 1851.
- Personne n’a oublié Thérèse Sutter, née Figueur, cavalier au 15e dragons, surnommée Sans Gêne, qui sauva la vie d’un officier supérieur, fut blessée et faite prisonnière par les Autrichiens. Pensionnée par l’Etat, elle s’est éteinte, il y a peu de temps, à l’hospice des Ménages.
- Marie Scheliinck est encore une héroïne du premier Empire. Elle a été nommée sous-lieutenant à Iéna, puis blessée. Elle a passé par tous les grades.
- 11 y eut aussi le Joli Sergent du 27e de ligne, Virginie Ghesquière, décorée de la Légion d’honqçur pour un haut fait d’armes.
- Les journaux ont annoncé la mort récente d’une survivante de la Grande-Armée. Elisabeth Haizler, une alsacienne qui, pour suivre son mari, avait servi comme dragon dans l’armée française. Le frêle conscrit, cheveux coupés sous le casque, alla ainsi jusqu’à Moscou, A l’immortel passage de la Bérésina, Elisabeth Hatzler dut rester en arrière de l’armée, parce que son mari,- alors officier, avait reçu une blessure grave. Elle l’emporta en traîneau durant plusieurs jours ; mais ses efforts demeurèrent sans fruit, car le couple fut fait prisonnier par les Cosaques. Revenue en France deux ans après, en 1819,
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- Elisabeth Hatzler perdit son mari. Elle partit en Amérique et s’y fixa ; elle est morte à Philadelphie, âgée de quatre-vingt-onze ans, dans toute la plénitude de ses souvenirs douloureux.
- On me cite Marie Fetter, ancienne cantinière, qui vivrait encore et habiterait au -numéro 3 de la rue des Martyrs. Elle a assisté aux batailles de Leipzig, de Dresde, de Wagram et d’Austerlitz, où elle s’est fait remarquer par son abnégation et son courage. Naroléon III lui servait une pension sur sa cassette. Si Marie Fetter existe encore et qu’elle soit dans le besoin, pourquoi n’a-t-elle pas sa place, elle aussi, aux Invalides ?
- Nous voici progressivement arrivés devant le troisième bataillon, le bataillon des héroïnes contempo -raines.
- Une dame Régis, de Clamecy, recevait la croix en 1849 pour son énergique résistance à l’émeute. Un fait analogue, la défense d’une mairie du département du Cher, valait la même récompense à Mme Abicot.
- Les premières campagnes d’Afrique ont leur petit contingent féminin; le nom de Veuve Perrot me vient aussitôt à la mémoire. Cette brave cantinière fut blessée et décorée sur le champ de bataille.
- Sous le second empire, les guerres fréquentes révélèrent l’existence dans les rangs de nouvelles braves. Plus heureuses que leurs devancières, celles-ci durent pouvoir être signalées toutes et recevoir soit la croix, soit la médaille militaire. Annette Drevon eut la croix, en qualité de continière au 32e de ligne, et au 2e zouaves ; elle illustra son nom à Magenta; elle est aujourd’hui dame de la Halle, à Paris.
- A elles seules, les suivantes, titulaires de la médaille militaire, forment une compagnie d’élite : Mme Bourget, du 1er tirailleurs algériens, médaillée en Afrique ; Marguerite Calvet, née Gith, lyonnaise, du 1er zouaves, médaillée pour sa belle conduite à Solférino; Mmes Rossini et Gros, appartenant à la garde impériale, blessées, la première à Palestro, la seconde à Magenta; Mme Trimoreau, du 38 zouaves, et Mme Malher, du 34* de ligne, médaillées pour avoir combattu comme des troupiers aguerris : Jeanne Bonnemère, que me signale M. Bonnery, née en 1806 dans le Lot-et- Garonne, cantinière au 21e de ligne, a fait les campagnes de Crimée et de 1870, décorée de la médaille militaire, de la croix de Med-jidié, etc., connue surtout pour avoir avalé une dépêche militaire qu’elle s’était chargée de porter, au moment où les Prussiens assaillant Paris, s’emparaient d’elle; celle-ci vend des fleurs aux Halles de Paris; n’omettons pas surtout sœur Grégoire, blessée en Crimée, amputée au bras gauche, connue dans les hôpitaux militaires sous le doux sobriquet de maman Chocolat ; sœur Grégoire, morte en 1874, allait recevoir la croix.
- La guerro de 1870-71 n’a-t elle pas mis au plein jour de fort courageuses femmes. Trois cantinières de la garde nationale, Mmes Petitjean, Philippe et Eugénie Renom, portent la médaille gagnée pendant le siège de Paris*
- A tous ces fiers noms, il convient d’ajouter les suivants : Mme Louise née Beaulieu, engagée comme aide-major et récompensée insuffisamment par une médaille de Te classe ; Mme Breucq, cantinière aux éclaireurs à cheval de la Seine, à qui l'Académie française a décerné un prix Montyon ; Mme Massey, engagée volontaire, blessée au feu ; Mme Augusta d’Hennezel, actrice sous le nom d’Augusta Colas,
- blessée au plateau d’Avron ; Mlle Laurentine Proust, dite Vheroine de Chateaudun, qui, sous les obus allemands, approvisionna avec diligence les défenseurs des barricades.
- Le lecteur a déjà ajouté, j’en suis sûr, le nom de Mlle Juliette Dodu, employée au télégraphe eu 1870, décorée, médaillée et fêtée comme il convenait pour sa mâle et patriotique tenue dans l’exercice de ses fonctions. On murmure aussi, avant que je l’écrive, le nom de Julienne Jarrethoul, dite la Mère des volontaires, ancienne cantinière des francs-tireurs de la Savoie, Bretonne pleine de cœur, qui, au Bou-get, a accompli une action d’éclat sanctionnée par le ruban rouge.
- Je ne saurais manquer d’ajouter à ses éclatantes personnalités celle de Mlle Lix, ex-capitaine des francs-tireurs des Vosges. Puis-je reléguer dans mes notes le nom de Mme veuve Louise Imbert, qui, au péril de sa vie, a traversé plusieurs fois les lignes prussiennes, pour porter des dépêches dans Metz assiégée.
- Etc., etc., etc.
- (A suivre).
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- Ce volume met en lumière le rôle des pouvoirs et des gouvernements, le principe des droits de l’homme, les garanties dues à la vie humaine, le perfectionnement du suffrage universel de façon à en faire l’expression de la souveraineté du peuple, l’organisation de la paix européenne, une nouvelle constitution du droit de propriété, la réforme des impôts, l’instruction publique première école de la souveraineté, l’association des ouvriers aux bénéfices de l’industrie, les habitations ouvrières, etc., etc.
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- 8e Année, Tome 8, - a° 284 numéro hebdomadaire 20 t, Dirtianche Ï7 Février 1884
- LE DEVOIR
- REVUE DES OUESÏIONS SOCIALES
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
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- 5,r.Neuve-des-petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES ET POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1. — Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. —Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- 4. — Organisation du suffrage universel par l’unité de collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement général à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile ;
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens ;
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter ;
- La représentation par ies supériorités.
- 5. —- Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues par le suffrage universel.
- 6. — Egalité civile et politique de l’homme et de la femme.
- 7. — Le mariage, lien d’affection.
- Faculté du divorce.
- 8. — Education et instruction primaires, gratuites et obligatoires pour tous les enfants.
- Les examens et concours généralisés avec élection des élèves par leurs pairs dans toutes les écoles.
- 9. — Ecoles spéciales, nationales, correspondantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- 10. — Suppression du budget des cultes. Séparation de l’Eglise et de l’Etat.
- 11. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 12. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- 13. — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatérale à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dans une juste mesure, retour à la société qui a aidé à les produire.
- 14. — Organisation nationale des garanties et de l’assurance mutuelles contre la misère.
- 15. — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 16. — Liberté d’association.
- 17. — Libre échange entre les nations.
- 18. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 19. — Abolition de la guerre offensive.
- 20. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 21. — Désarmement européen.
- 22. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire.
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- LE DEVOIR
- SOMMAIRE
- Le droit d'hérédité. — Neutralisation. —* Adhésion à la Ligue de la Paix, — Abolition des impôts. — Les revenus et les impôts en France. — Un autoritaire. — Un sophisme. ~~ Préceptes et aphorismes. — La question ouvrière. — Faits politiques et sociaux. L'Habitation unitaire. — Les Professions en France. — Les femmes militaires. — Cours d'adultes. — Théâtre.
- AV JKSSi
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement h titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l'administration fait présenter une quittance d'abonnement.
- Divers projets financiers basés sur l'hérédité de l'Etat et de la Commune étant à l'étude dans le Conseil municipal de Paris, l’administration du Devoir fait parvenir régulièrement à chaque conseiller les numéros contenant des articles relatifs à cette importante question.
- LE DROIT D’HÉRÉDITÉ
- Nous demandons l’application d’une législation spéciale sur les héritages, afin de procurer à l’Etat les ressources nécessaires à rétablissement de la Mutualité nationale contre la misère.
- N’ayant pas l’intention de duper les travailleurs à la manière des politiciens qui promettent en même temps améliorer la situation des classes laborieuses et diminuer les charges publiques, nous n’avons aucune peine à déclarer que les grandes réformes demandées par les socialistes ne peuvent s’accomplir, si l’on ne veut convenablement doter les institutions nécessaires. Mais il est possible et urgent de procurer à l’Etat ces ressources sans grever le travail, en les prélevant sur les fortunes acquises, après la mort des citoyens riches.
- Nous préconisons l’adoption d’une loi faisant l’Etat héritier dans toutes les successions, à raison de 0 à 50 0/0 dans les successions en ligne directe suivant j l’importance des héritages, et de 50 0/0 sur les héri- ! tages par testament et en ligne collatérale. i
- C’est une atteinte au droit d’héritage, nous objecte-t-on généralement.
- Nous prouverons que cette modification procurerait des avantages à tous les citoyens.
- Les fanatiques de la conservation des lois actuelles sur l’héritage sont incapables de soutenir rationnellement leurs prétentions.
- D’abord, la législation ne pose pas le droit d’héritage en principe absolu puisqu’elle intervient pour fixer les degrés de parenté et pour établir une échelle variable des droits à payer à l’Etat. Il n’est donc pas nécessaire de sortir de l’esprit du code pour diminuer le nombre des degrés de parenté donnant droit à un héritage ou bien pour augmenter les prélèvements perçus par l’Etat.
- Nous avons peu de goût pour le casuisme juridique, nous n’en dirons pas davantage en ce qui concerne l’héritage et le code.
- Le grand argument des défenseurs de l’héritage est que l’homme, qui a acquis une grande fortune par son travail, doit être libre d’en disposer selon son bon plaisir.
- Le droit d’hérédité de l’Etat, tel que nous en avons défini l’application, n’est pas en opposition avec cette manière de penser. Car il faut distinguer que le travail de l’homme le plus habile serait impuissant à édifier une grande fortune, s’il était privé du concours de la population et de l’usage des services publics.
- Si l'on faisait la part du travail et de celle des circonstances indépendantes de l’intervention du possesseur, dans la plupart des cas de grosses fortunes, on trouverait certainement plas de 50 0/0 revenant aux utilités gratuites ou au travail des autres.
- L’an dernier, à Paris, près de la Bourse, on a vendu 3,000 francs le mètre carré un terrain couvert d’un bâtiment moitié usé et dont le prix de revient était par conséquent moitié amorti.
- Ce terrain avait coûté, il y a un demi-siècle 150 fr. le mètre carré, le prix de revient des constructions édifiées sur ce terrain augmentait le prix d’achat du terrain de 400 francs par mètre. Le travailleur qui avait fait cette opération avait donc donné une quantité d’épargne représentant 550 francs de travail. Nous avons dit qu’au moment de la dernière vente la moitié des frais de constructions avait été amortie ; chaque mètre carré ne représentait plus alors que 350 francs d’épargne. En vendant 3,000 francs le mètre carré, on a donc vendu pour 2,650 de valeur apportée par le concours de la population et des services publics ; cela fait près de 89 0/0 de la valeur totale.
- A Paris encore, il se trouve sur la croupe de la
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- butte Montmartre 100,000 mètres de terrain, achetés il y a dix à douze ans 25 francs le mètre carré; les propriétaires refusent de les céder au prix de 150, Ceux-ci n’ont cependant fait aucuns travaux; cette plus-value résulte uniquement de l’intervention du service public de viabilité de la ville de Paris qui a dépensé quelques millions pour faire construire au travers de ce terrain de magnifiques chaussées, A la mort de cas propriétaires, l’Etat, viendrait-il à élever le droit d’bôrédité à 80 0/0, il ne reprendrait pas la totalité de la valeur résultant uniquement du concours social,
- Pans une localité, c’est une route, dans une autre, c’est un chemin de fer, ailleurs c’est l’établissement d’une industrie qui fait hausser considérablement la valeur des propriétés, et toujours les défenseurs de l’héritage ne cessent de répondre que l’Etat n’a pas le droit d'empêcher un citoyen de librement disposer des résultats de son travail, sans s’apercevoir qu’ils défendent le privilège de quelques-uns à bénéficier gratuitement du travail de tous.
- On dirait même à entendre les conservateurs que les fortunes sont proportionnelles au talent , aux capacités et au travail des individus; tandis que la moyen le plus sfir pour une famille de conserver sa fortune, de génération en génération, par l'effet des successions, est de ne rien entreprendre et de vivre dans la paresse,
- L’industriel, le commerçant, le banquier le spéculateur rencontrent souvent sur le champ de la concurrence des adversaires redoutables ; la faillite et la ruine sont souvent le partage des plus vaillants. Mais le propriétaire qui a loué ses fermes, ses maisons, par de longs baux, le rentier qui a placé ses capitaux en bonnes rentes perpétuelles, ceux-là et leurs rejetons jouiront à perpétuité des avantages de la fortune, pourvu qu’ils observent la seule règle de proportionner leurs dépenses à leurs revenus.
- Un industriel, travailleur, instruit, va se donner beaucoup de peine pour organiser une grande fabrique ; à sa mort, elle sera pourvue d’un personnel laborieux, connaissant à fond tous les détails de la spécialité ; l’héritier pourra être ignorant des pratiques professionnelles, ne point s’occuper des affaires, habiter loin de son usine, les capacités et le travail ées chefs de services maintiendront l’industrie prospère ; et ce paresseux pourra léguer cet héritage à d’autres paresseux, tandis que les véritables travailleurs, recevant des appointements suffisant à leurs besoins journaliers, ne pourront léguer à leurs héritiers d’autre fortune que le souvenir de leurs capacités et de leur assiduité au travail.
- Dans la bourgeoisie, l'héritage est un véritable
- privilège pour une partie des classes dirigeantes ; et rarement ce privilège est basé sur la valeur véritable des hommes.
- Nous avons parlé de la possibilité pour les pares* seux de pouvoir conserver indéfiniment les avantages d© la fortune. Qui osera soutenir que l’organisation sociale permette l’héritage aux castes qui concourent le plus activement à la défense et à la conservation de l’ordre présent ?
- Dans le métier militaire, le jeune homme doit beau, coup travailler pour subir les examens des écoles spéciales, plus tard il sera contraint de porter un costume qui 1© désignera à l’attention publique;il ne pourra jamais faire un voyage sans demander une per. mission; il devra, chaque jour, è des heures déterminées, faire acte de présence auprès de ses chefs ; sur l’ordre d’un ministre fi ira se faire tuer bêtement au Tonkin, pour faire grossir les héritages des exportateurs ; s’il contracte un mariage, ses appointements lui permettront à peine de pouvoir vivre ; et, lorsqu’il aura vécu trente ans de cette existence, il sera peut-être colonel ; ses appointements seront de 7 ou 8,000 francs, de 10 à 15 s’il est devenu général ; mais ses dépenses obligatoires auront augmenté avec son élévation dans la hiérargie militaire ; après sa mort, ses héritiers seront heureux de trouver suffisamment pour payer les comptes courants.
- Dans l’enseignement, la plus noble, la. plus utile et la plus laborieuse des carrières, les professeurs de faculté, souvent, ne sont pas rétribués plus de 5 ou 6,000 francs ; et leur situation leur impose l’obligation de vivre dansées villes et d’observer un certain décorum. De quoi, et de combien hériteront les fik, les neveux et les cousins de ces hommes supérieurs ?
- Les magistrats, dans les grands centres, ne peuvent pas davantage économiser une partie de leurs appointements sans s’exposer à démériter l’attention du gouvernement par un genre de vie trop modeste.
- On nous objectera que tous ces citoyens font généralement des mariages avantageux.
- Ces unions basées sur des considérations d’un ordre aussi bas, de quel nom qu’on les appelle, de quelles cérémonies qu’on les accompagne, sont simplement une des formes de la prostitution, nous dirons même la plus grave, car rien n’est plus immoral que l’intervention de la loi, des officiers publics, et les hommages de tous accordés à des hommes qui abaissent l’acte le plus élevé de la vie du citoyen au point d’y mêler tous les courtages et tous les marchandages d’un contrat commercial,
- Cette conséquence directe de la passion des héri-
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- tages a pour cortège toutes les immoralités d’une société, où l’on trouve des magistrats pour les commissions mixtes, des officiers pour commander les fusillades des citoyens révoltés au nom du droit contre les gouvernements qui ont acheté l’armée.
- Il faut pourtant reconnaître que le plus grand nombre des défenseurs des institutions présentes, malgré leur corruption et leur volonté de se prêter à toutes les bassesses par amour de l’héritage, s’épuisent en efforts stériles sans pouvoir réaliser les projets, mobiles de toutes leurs actions.
- Si notre génération était capable de réflexions sérieuses, elle comprendrait bientôt que son culte pour l’héritage est une utopie, que, plus des neuf dixièmes de ceux qui sacrifient honneur, dignité et indépendance à cette foi menteuse, meurent la proie de la misère,ne laissant d’autre héritage à leurs proches que ces vaines croyances qui ont été cause de leur dénuement.
- L’Hérédité de l’Etat, telle que nous la demandons, pour alimenter la mutualité nationale, rétablira l’héritage selon ses véritables données. Elle aura pour conséquence l’héritage social, l’héritage pour tous. C’est l’héritage obligatoire.
- Nous considérons comme obligatoire pour notre génération d’organiser en faveur des générations à venir, des institutions sociales devant donner des garanties au travailleur, réunir au profit de l’enfance les soins indispensables à son développement intégrai, assurer un minimun de subsistance aux familles nécessiteuses, permettre de soigner les malades, et servir des pensions de retraite aux vieillards et aux victimes des accidents.
- Ce n’est pas une utopie que nous proposons, puisque toutes ces institutions fonctionnent largement au Familistère.
- Lorsqu’on aura institué cet héritage au profit de tous les citoyens, sans aucune exception, les hommes auront commencé à comprendre les véritables lois de la vie; car ils auront soustrait la vie humaine au mal de misère, et les sociétés n’auront plus à craindre les éventualités qui peuvent surgir d’une coalition des déshérités.
- Ces institutions seront aussi profitables aux citoyens riches qu’aux déshérités de l’heure actuelle.
- Nous demandons aux hommes qui possèdent la fortune, à ceux qui ont un certain âge, de récapituler le nombre des possesseurs de beaux patrimoines qu’ils ont vu devenir pauvres ; et qu’ils se disent ensuite, s’il n’aurait pas été préférable pour ces victimes de la concurrence ou de la mauvaise éducation d’avoir reçu un héritage
- réduit de moitié, sous condition de trouver à l’heure de la défaite et du malheur les institutions comparables à celles du Familistère. Qu’ils réfléchissent enfin que leurs descendants eux-mêmes ne sont pas à l’abri de ces ruines, conséquences de notre mauvaise organisation.
- Les travailleurs du Familistère ont droit après 25 ans de travail, ou bien à la suite d’un accident, à une retraite de 2 francs par jour; lorsqu’ils sont malades, eux ou les membres de leur famille,ils sont convenablement et gratuitement soignés à domicile, sans qu’il y ait suspension du salaire ; les jeunes enfants trouvent à la nourricerie tous les soins nécessaires. •
- Yoilà un héritage qu’il faut rendre possible pour tous ; et on ne pourra atteindre ce résultat sans établir la participation de l’Etat à toutes les successions ouvertes en France.
- Si cette institution existait à cette heure dans toutes les nations de l’Europe, en n’entendrait personne se plaindre du chômage et de la surproduction, la consommation générale serait un débouché plus puissant que les entreprises coloniales. Ainsi, seraient calmées les justes colères d’en bas; ainsi, disparaîtraient les terreurs justifiées d’en haut.
- de l’ÂIsace-Lorraine
- On lit dans la République du Jura :
- Les puissances européennes, toutes monarchiques, sauf la Suisse, se disent naturellement : La France est en république : mauvais exemple. La France reprend ses allures guerrières en allant partout batailler. Elle arme et discipline la jeunesse, les Parisiens couvrent de fleurs la statue de Strasbourg et accueillent fort mal les monarques : mauvaises tendances.
- Eh bien ! puisque la Prusse prend pour une menace le simple attachement naturel que conserve la France pour l’Alsace et la Lorraine et l’agitation superficielle causée par deux ou trois journaux prus-sophobes ; puisque c’est là la cause principale de ces inquiétudes, de cette paix armée, presque aussi désastreuse que la guerre, de ces armements formidables et indéfiniment progressifs que font toutes les puissances afin de parer à toutes les éventualités, il est nécessaire que le gouvernement français accentue une politique asseznettement pacifique pour dissiper toutes les méfiances et toutes les équivoques.
- Or, la seule solution acceptable pour l’Allemagne et populaire déjà en Alsace et en Lorraine, consiste-
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- rait à neutraliser ces deux provinces par un congrès des nations européennes, lequel déciderait le désarmement général.
- C’est ainsi que les trois petits Etats neutralisés : la Suisse, l’Alsace Lorraine et la Belgique, échelonnés entre la France et l’Allemagne, leur serviraient à toutes deux, comme on dit en mécanique, de tampon. Ce serait pour la première fois peut-être que les faibles protégeraient les forts.
- Gagneur.
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- Nous recevons dix adhésions à la Ligue de la Paix accompagnées de déclarations précises signées par chacun des adhérents ;
- Voici la formule adoptée par les nouveaux adhérents :
- Je soussigné,
- demeurant à Allègre (Haute-Loire) déclare adhérer aux«principes formulés dans le manifeste publié parle journal Le Devoir, n* du 6 Janvier 1884, au nom du comité parisien de la Ligue de la Paix internationale pour l’arbitrage.
- Les signataires sont MM. Guelle Alfred ; Pagès-Rebeyre, propriétaire ; Parent Régis, propriétaire ; Martin Jean-Baptiste, propriétaire ; Cuoq Jacques, propriétaire ; Ruiller Camille ; Laurent Benoit, négociant; Coiffler Camille, propriétaire ; Defillies Honoré, négociant ; Coudert Victor, négociant.
- Ces adhésions dùes à la propagande d’un de nos correspondants sont une preuve de ce que peuvent les hommes de bonne volonté qu?\ savent conformer leurs actes à leurs inspirations.
- Si chacun de ceux qui désirent le maintien de la paix, par conviction ou par intérêt, voulait suivre l’exemple des honorables habitants d’Allègre, le désarmement Européen serait un fait certain à brève échéance.
- Nous publierons dans notre prochain numéro un article du journal Le Nouvelliste de l'Est qui prouvera à nos lecteurs que le projet de Neutralisation est favorablement accueilli par l’opinion publique.
- Abolition des Impôts et du Paupérisme
- « Les impôts qui pèsent sur le pauvre pour épargner le riche sont des impôts d’iniquité sociale, et l’iniquité est d’autant plus grande que la société doit le nécessaire à ceux qui ne l’ont pas. »
- Ainsi parle Godin, le grand apôtre du socialisme, dont nous reprenons aujourd’hui la proposition de loi pour en achever l’examen.
- . Du livre entier émane l’élévation des sentiments, la pensée est toujours rendue avec une admirable lucidité.
- De Godin on peut faire cet éloge, mérité de si peu d’hommes : Il dit ce qu'il pense et il le dit de la façon la meilleure.
- Godin veut que nul impôt ne soit établi sur ce que la nature donne à l’homme pour qu’il en fasse usage.
- Faciliter, au contraire, cet usage ; c’est là ce que prescrit la loi de l’humanité. »
- Il est impossible, selon l’illustre français, d’obtenir la paix et la sécurité sociales si l’on ne prend pour base la justice.
- Et la justice est une parole vide de sens si elle ne consiste à faire que la vie ne soit amère à personne.
- Alors Godin dit à l’Etat ou mieux aux Chambres à qui il adresse sa proposition de loi :
- « Ne taxez pas le sel parce que tout le monde en fait usage.
- « Ne taxez pas les aliments, parce qu’ils sont indispensables au peuple.
- « Ne taxez pas la lumière, parce qu’elle est nécessaire à tous.
- Ne taxez pas les matières premières, parce que le travail de l’homme est obligé d’en faire usage.
- « Ne taxez rien enfin de tout ce dont la vie humaine est appelée à se servir pour remplir la mission vivante qui lui est confiée.
- « Ne taxez rien des dons de la nature, soit qu'ils viennent des entrailles de la terre, du fond de la mer ou des produits du sol, car ils sont nécessaires à la vie humaine.
- « Ne taxez rien du travail de l’homme, qu’il soit le produit de ses mains ou de sa pensée. »
- Abolir tous les impôts qui pèsent sur le travail et sur les choses de première nécessité ; rendre abondante la production ; faciliter l’épargne ; faire disparaître les vestiges des taxes qui grèvent le nécessaire à l’existence, tel est le moyen de mettre fin aux dernières iniquités de la politique.
- Quand un pays fait la guerre, au lieu d’en jeter le poids sur la richesse publique, on en écrase le travail.
- En France, après la guerre de 1870, les détenteurs du capital se sont enrichis des malheurs de la nation. L’Etat leur a emprunté quatre vingts francs pour un titre de cent francs et l’intérêt de cet emprunt est prélevé sur la consommation générale ; c’est l’ouvrier, c’est^le travail qui, aujourd’hui, paye, par l'impôt indirect, un milliard cinq cents millions pou* les frais de la guerre fatale.
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- ÎÔ2
- L’iiijusiice est patenté. En Erânëe, TËcai soutire dé deUx k quatre cents francs d’impôts ihdiréctsàîà
- Là propriété urbaine bâtie, qui rapporte 2,000,000,000 paye âu Trésor 79,000,000 d’impôt foncier êt
- famille de l’ouvrier qui n’a que le salaire pour vivre. Que fait-il payer à qiii possède céüt mille francs, à Qüi possède Un million, a possède là richë&sé sans mesure ?
- Comparativement rien i
- L’Ouvragé dë GodlH, nous Pavons dit, se termine par une proposition de loi comprenant environ 40 àr-llclës. dette proposition a pour but dë bréer iës ressources nécessaires à l’amelioration du sort des classes iàbôriéusès, en instituant ie droit d’hérédité de l’Etat et ën féformânt lés impôts.
- Elle ne modifie en rien le droit de propriété ni cëlhi de disposer librémént 'de la chose pÔsSédëë.
- « Lês héritiers qui entrent en possession en qualité de propriétaires sont exempts d’impôts sur lès biens Qui leur échoient ; maïs ils sont passibles du loyer ou de la rente ehvërs TËiàt comme le fermier Qui lôüë â bail.
- « L’Etat devenant propriétaire par droit d’héritage ne se fait éri aucune façon exploitant ; il touche seulement le revenu des biens qu’il donne à bail ou â fermë, âinSi que ceux des capitaux qu’il réalise par les ventes et qu’il convertit en rentes, il remboursé âifasi là dëtté publique et àppiiqUë ensuite la renté êt lëè revenus au profit de l’àssuràrice du peuplé côntr'è Tindigèânce, jusqu’à ce quë ses reve-ilîih soient suffisants poiir remplacer enfin les derniers impôts. »
- « Il Seëolo. »
- LES REVENUS & les IMPOTS EN FRANCE
- Le total des revenus français} d’après les économistes lès moins enthousiastes, sont évalués à 25,000,000,000.
- Sur un revenu de 2,845,000,000 la propriété agricole paie 706,500*000 d’impôts* soit 24,83 0/0;
- On a, eomffie retenus de là propriété mobilière, 1,350,000.000 d’intérêts de la dette publique; 45;00ô*000 d’intérêts des fohds 'déposés à la bàiése d’épargne et à la caissedes dépôts et consighatibiiS; 840,000,000 proviennent des valeurs étrangères et des valeurs non côtëêS; 750,000,000 dé retenu des créances hypothécaires-, dt 1,000,000*000 dé rëvefitt des créances chirographaires. Le total ést ddhe dé 3,945,000,000.
- L’impôt payé par ces diverses Valeurs s*élève à 110,000,000 de droits de ventes, dé successions OU. ^trest et50;0ü0;000 de droits de timbre ; Ce qiii Fait soit 4 0/0 du revenu.
- 47,000,C00 de portes et fenêtres ; 1,800,000 fràücS dë taxé Sur les biens de main-morte ; 73,000,(300 de contributions personnelles et mobilières; i4O,00O,OÔ0 d’énregistrement et de timbre, ce qui fait iih total dë 340,000,000, soit 17 0/0 de son rëveriü.
- La propriété industrielle et commerciale së compose des revenus des valeurs mobilières soumises â l’impôt de 3 0/0,1,600,000,000 ; des bénéfices des commerçants et des industriels, estimés à 1,040,000,000 ; ët de lOOjOOOjOdO dé reVeriitë des bffibës ministëHêls. Voici les charges de cëtté propriété : 158,000,000 de patentes ; 2,500,000 fràiics de redevances ; 13,000,000 de prestations ; 4,700,000 pour îel pdids et mesures ; 36,000,000 de droits de transferts ët fié transmissions ; 47,000,000 d’enregistrement et de timbre ; 48,000,000 d’impôt 3 0/0 sur la revenu;
- Gette propriété, pour un revenu total de 2*740,000,000 paie donc 358,000,000, soit 13 0/0.
- Le total des salaires, des appointements* des traitements est de 15,000,000,000. Les impôts indirects provenant de cette source s’élèvent à 1;940,000,000, soit à 7 0/0î
- UN AUTORITAIRE
- Dans sà séance 'dû 6 février cdübant, le conseil ffiUnicipàl de là ville déduise, âp¥ès â'v'dir voté les brëdits nécessaires aiix. écoles de garçons Qüi sorit dirigées par des instituteurs laïques, à dû, pour mettre enfin en demeure Tadmihistràiion de laïciSet les êcolefe de filles, refusëb de votër lê budget pdur ces écoles. Ce refus à été la cdhséquencë du mauvais Vouloir quë l’administràtion ii’a cèssé de montrer, depuis plus de deux années, pour donner satisfaction aux vœux renouvelés du conseil.
- En effet* dans sa réunion de 1882, le conseil sur la présentation des crédits des écoles avait voté la motion suivante qui se trouve au procès-verbal :
- « Tous les crédits ci-dessus sont adoptés, à l’una-« nimité ; mais, à l’égard des écoles des filles et de « la salle d’asile, l’augmentation n’a été votée qu’à « là bOUditiOh expresse, QUô lë pérsbhnel 'ëiiSéigfidht « serait exclusivement laïque. Pour 1S82, le statu « quo est maintenu. *
- Le conseil, conÛànt dans les promessëë qui lui avdieût été faites, pensait que Tannée scolaire 82-83 verrait s’effectuer le changement.Rlènhe se fit,àuési, pendant la session de févrieb 1883, le cdnseiî se voyait dans l’obligation de rénouvelér sdn Voté et prenait une nouvelle délibération ainsi boriêuë :
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- « Le conseil,après en avoir délibéré) désirant met-« tre fin â cèt état de chose, déclare lie Vôter l’aug-« mentation pour l’école des filles, qu’à la condition « que le personnel enseignant serait exclusivement « laïque èî fixé ainsi qu’il suit lés dépéiiSéS phur « 1884, etc. »
- Après avoir émis ces deux Votés, â unè àhttéé dé distancé, le conseil était en droit d’attëtidfe que l'administration agirait.
- La mise en demeure ne pouvait être plus claire, il était impossible au conseil dé manifester pitié nettement sa volonté. Mais il avait compté Sans la fii&ti-vàisé volonté administrative qui paraît décidée â continuer de verser aux bonnes ScéiifS les fdndë Vôa tés pour dés institutrices laïques, ce qiii constitue un abus dé pouvoir au premier chef. Ün ëëtil moyen restait au conseil, et il en a usé en refusant de Vofëf les crédits qu'on lui dëMàhdàit à nouveau dans sa dernière réunion,toujours avec promèSSé de laïciser.
- Monsieur le ifiairë, tout â ià discitétioii préfectorale, àpfès âvbii* essayé de Cônvâincfë un collègue qu’il était nécessaire dé Voter lé Crédit, a eu beâü menacer lé conseil déS foudres préfectorales, — riëH ïi’à pu le faire devenir Sur Sa déCiSidn, ët le crédit a été bel et bièfi rëfùsê.
- La préfecture le rétâblirà-t-ëllë suffis tëüii* cütoptë des vœux et dé la voîdhté êipfiifiêS par trois fois.
- Et oserâ-t-on, ëfi République, Continuer à ctffiflef l’ihstffiction des ènfâfitS UUt pifeS ëhnëmis de lâ liberté ?
- En agissant ainsi, la préfecture pourra dohüéf Satisfaction â i’àutOritarismë dii cOfisëiiier qu’ëüe a délégué â l'administration dë là ville dé (Mifeë ; mais lès électeurs, qui payent peur qû’Oh lëS Servô ët non qu’on les dirigé,auront le droit dë ÜbÜtirlUôt* à protester.
- UN SOPHISME
- Monsieur Leroy Beaulieu apprécie ainsi qu’il suit le rôle de l’Etat dans un article publié dans lé Journal des Débats, à l’occasion de la nomination de la commission d’enquête :
- « Si l’Etat veut être utile au pays il n’a qu’à fairé amende honorable, reconnaître les fâüiës si riom-bfeüs'éS qii’il a comtoises depuis Cifiq à èi& ahs-, ne pas reprendre les errements de 1848, pour lesquels il semble depuis quelque temps éprouver trop d’inclination. Ce. qui dépend du gouvernement ët dii Parlement) c'est de rétablir en France ce qui est ébranlé, la confiance ; il lui faudra beaucoup d’ef-foits pour y parvenir ; car on se défie chaque jour davantage de sa prodigalité, de son itoprévôyâhCe et dé sbn pèhehafit pOUr le èoCialiSifié d’Etat*.
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- Le Savant économiste des Débats a tort de soutenir que le gouvernement reprend les errements dé 1848^ 11 dévrait dire, pour apprécier exactement quô l'Etat est atix prises avec des complications analogues à celles qui firent succomber la deuxième répu« blique. S’il y a quelque Chosë dé repris à cette heure) c’ôst l’Etat et non les errements de 1848, qui sont inséparables des pléthores économiques, lorea qU’on cherché â lès résoudre saris recourir aux procédés criminels dë Napoléoâ III.
- La république de 1848 fi’êSt pas venue spontané* ment. Ceux qui vont âu fond des choses savent bien qu’elle est sortie du mécontentement populaire) provoqué par la période de surproduction relative constatée pendant les dernières années du règne dé Louis-Philippe, car nul ne prétendra que la répu« bliqüë dé 1848 Soit née de la conception par la masse des idées républicaines.
- Après la fugue dé Louis-i?hilippë> les républicains aüx prises avec les mêmes causes de mécontente» mëntj malgré leur ferme volonté d’améliorer là si» tüâtion des classes laborieuses, furent impuissants) soit parce qu’ils ne comprirent pas que le malaise avait son origine dans l’institution du salariat) soit parce qu’ils n’dsèrent pas attaquer cette base de l’ordre bourgeois.
- Il fallait sacrifier le peuple ou bien instaurer la République sociale. Trop hdhnêtes pour se résigner au pretoier parti) trop timides et probablement trop ignorants — car lés convictions positives élèvent les cœurs — les républicains de 1848 cherchèrent vaine-1 ment à concilier deux faits qui étaient arrivés au point où la conciliation n’était plus possible.
- ImphiéiBïUltâ à fésoàdfé le prOblèiâê économique, les gouvernants de 1848 dûrent céder la place à Napoléon III qui n’üésitâ pas devant la solution négative : les proscriptions, les exécutions sommaires purent maintenir les affamés dans la terreur) jusqu’à ce que l’empire eut pu trouver son salut dans les débouchés procurés au travail par la construction de nos grandes lignes et par les destructions, conséquences des guerres lointaines ; en même temps ces diverses entreprises donnaient au capital les bons placements que doit lui procurer tout bon gouvernement conservateur.
- Mais, encore une fois, le génie du progrès donna les moyens de produire plus qu'il n’était permis au peuplé dë Consommer ; âldrfe, lës mécontentements se manifestèrent dê nouveau-, et l’Empire chercha üh dérivatif dans là gtteri*e franCôaaUemandë) qui le fit disparaître âvëc les difficultés économiques qui avaient poussé le gouvernement â cette folle entre* prise.
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- Voilà pourquoi la troisième république a eu une douzaine d’années de calme, avant de se retrouver en face des complications analogues à celles qui entouraient la république de 1848 dès la première journée de son installation.
- Que va faire le gouvernement ? S’il écoute les sophistes, c’est bientôt le peuple affolé capable de toutes les fautes que peut suggérer la faim. S’il ne pousse le principe des errements de 1848 et s’il ne les perfectionne, il n’échappera pas longtemps aux conséquences de l’engorgement de la production, qui l’enserreront bientôt de toute part.
- Il n’y a pas de conciliation possible entre l’ordre d’hier et d’aujourd’hui, le salariat, et l’ordre de demain, dont la société est grosse, l’association. On peut seulement préparer la transition et mettre la société en situation d’enfanter bientôt le fruit qui la trouble aussi profondément.
- Rétablir la confiance! A l’intérieur, l’industrie privée suspend le travail et diminue les salaires, celà équivaut à la diminution des débouchés ; à l’extérieur, toutes les puissances subissent les mêmes embarras. Et les économistes qui, mieux que personne, connaissent cette situation, demandent aux pouvoirs publics de ne pas intervenir pour procurer aux travailleurs les salaires que les industries privées ne peuvent leur payer ! Procéder ainsi est à coup sûr rétablir la confiance des prétendants.
- Rétablir la confiance ! c’est un mot bientôt dit ; et la chose ne serait point difficile s’il ne fallait que de la salive d’économiste.
- Préceptes et Aphorismes sociaux
- XXIX
- Les hommes qui ambitionnent le gouvernement en vue de leurs satisfactions personnelles sont des hommes dangereux, capables de sacrifier à leurs convoitises Vintérêt des citoyens.
- Les hommes véritablement dignes de gouverner les autres sont ceux qui envisagent le pouvoir comme un moyen de travailler au bien de la vie humaine, c’est-à-dire au bonheur et au progrès des autres hommes.
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- Les numéros du Devoir contenant des articles sur la C2fcu.esti.011 ouvrière sont envoyés gratuitement aux députés ayant pris part aux débats sur la situation économique, et à leurs collègues qui ont l'habitude de s'occuper des lois sur le travail.
- LA QUESTION OUVRIÈRE
- III
- A côté des journaux, se donnant les apparences d’étudier la partie théorique de la situation économique, il s’en trouve d’autres affirmant l’intensité de la misère ouvrière et demandant à tout prix que l’on adopte quelques projets de grands travaux publics.
- Ces publicistes n’étendent pas leur sollicitude au-delà des fortifications de Paris. Ils s’efforcent d’amener l’opinion à faire pression sur les pouvoirs publics pour obtenir :
- 1° La construction de logements à bon marché ;
- 2° L’édification d’un Palais de Cristal à Saint-Cloud ;
- 3° L’entreprise d’un chemin de fer métropolitain 5
- 4° La création d’une bourse du travail ;
- 5° La démolition des fortifications ;
- Il n’est pas contestable que ces travaux sagement exécutés atténueraient momentanément les conséquences des chômages. Même, si l’on voulait prendre ces travaux pour point de départ de nouvelles pratiques économiques, en vue de faciliter l’organisation de compagnies ouvrières chargées de l’exécution et de l’exploitation de ces entreprises, on soulagerait le présent, et, chose plus importante, on préparerait l’avenir en mettant un certain nombre de travailleurs hors des atteintes des dangers du salariat.
- Pour obtenir ce double résultat, il faudrait surtout se préoccuper des clauses à introduire dans les cahiers des charges, afin de sauvegarder l’intérêt public sans sacrifier l’intérêt individuel des associés.
- Mais tous les défenseurs des projets que nous venons d’énumérer se déclarent ennemis de l’inter-vention de l’Etat ; ils se gardent bien d’appeler la discussion sur les conditions mêmes des concessions. On dirait qu’ils ignorent que ces travaux, exécutés selon les principes de l’école Haussmann, qui n’a rien perdu de son audace et de sa puissance en 14 années de République oligarchique, laisseront à peine aux salariés 15 ou 20 0/0 des millions prodigués aux capitalistes sous les formes et apparences les plus variées.
- Au fond de tout cela, on trouverait des syndicats d’hommes publics et de spéculateurs insatiables, distribuant de grasses mensualités à tous ceux qui consentent à augmenter le trouble pour faciliter les extorsions des écumeurs de concessions.
- Ceux qui demandent avec tant de persistance l’exécution des travaux de la ville de Paris ne se
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- préoccupent nullement des débouchés, que l’Etat pourrait procurer au travail en imposant aux compagnies de commencer la construction des lignes de chemins de fer concédées par les conventions. Ces travaux développeraient nos moyens de transport e^ faciliteraient l’écoulement des produits de notre industrie ; mais il ne rentre pas dans les plans de la finance de donner maintenant à notre outillage national ce Complément nécessaire ; aussi les gouvernants ont l’air de ne pas penser à ce moyen de soulager les chômages, et la presse au service de la haute banque a garde de suggérer des projets en contradiction avec les intérêts de ses entreteneurs.
- La commission des enquêteurs présidés par M. Spuller se propose de scinder ses travaux en deux parties, de donner d’abord satisfaction aux ouvriers parisiens, de chercher ensuite les moyens de venir en aide aux travailleurs de la province.
- Nous n’avons pas à critiquer les intentions et les premières dispositions de la commission d’enquête, pas plus que nous ne voulons l’empêcher d’agir immédiatement là où le mal est le plus menaçant.
- Nous avons voulu lui signaler les manoeuvres des spéculateurs prêts à piper les capitaux destinés à diminuer les chômages.
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- Les naïfs ont aussi donné leur note.
- A les entendre, il ne faut pas se préoccuper des considérations d’ordre économique ; ils indiquent la politique comme cause et remède du mal.
- Cette opinion n’a nulle part été mise avec plus de netteté que dans un article de M. J. Lesguiller, auquel nous faisons l’emprunt suivant :
- « Le vice capital de notre régime actuel, c’est, nous l’avons cht souvent, l’absence des responsabilités.
- « Une Constitution analogue à celle des Etats-Unis, établissant nettement la séparation des pouvoirs, peut seule assurer la prospérité de la République.
- « Pour en arriver là, nous avons une période peut-être longue de souffrances à traverser. »
- Soit, les Etats-Unis ont une Constitution parfaite, il importe peu maintenant d’examiner cette question. Mais leur Constitution économique est la même que la nôtre.
- Aux Etats-Unis, en France, le travail est une marchandise subissant la loi de l’offre et de la demande comme la matière inerte ! Le travailleur américain, comme l’ouvrier du vieux monde, subit toutes les fluctuations du salariat ; aussi les embarras économiques n’ont pas moins d’intensité que ceux constatés en Europe.
- Pourquoi ne pas se pénétrer des enseignements si
- péremptoires, matérialisés par l’état actuel de la population des Etats-Unis ? Voilà un pays neuf, riche en matières premières de toutes sortes ; sa population est virile, audacieuse, vaillante ; l’outillage a adopté tous les enfantements les plus parfaits du progrès mécanique ; et les complications économiques produisent déjà des perturbations effroyables.
- Aux Etats-Unis, en 1883, on a vendu aux enchères, après faillites, le matériel de 18 compagnies de chemins de fer exploitant 1,354 milles et représentant un capital de 230,000,000 francs en actions ou obligations ; la grande compagnie North-Pacifîc, qui parcourt 2,000 lieues Anglaises, a été mise en faillite, il y a quelques semaines, entraînant avec elle la ruine de 18 petites compagnies.
- Est-il possible de trouver une preuve plus concluante de l’impuissance de la politique ?
- Il faut être aveugle pour ne pas saisir que l’agitation populaire ne naît pas du défaut de liberté politique ; les inquiétudes et les incertitudes du paupérisme sont seules les véritables causes du mécontentement et des souffrances des classes laborieuses.
- La liberté qui manque aux travailleurs est celle de pouvoir suffisamment consommer.
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- Dans les camps ouvriers, la confusion n’est pas moins grande.
- La partie la plus nombreuse des classes laborieuses ne comprend pas mieux que les castes dirigeantes le principe et les conséquences d’un régime social basé sur le salariat.
- La population ouvrière a des aspirations sincèrement républicaines ; mais elle ne sait pas sortir des vagues déclarations des politiciens; elle veut le gouvernement du peuple par le peuple, mais elle ignore les conditions véritables d’un gouvernement agissant selon les intérêts de la vie humaine. Loin de rechercher les hommes capables de l’instruire, elle se met à la remorque de ceux qui la flattent.
- L’éducation économique des travailleurs exigerait de leur part beaucoup de réflexion, un examen attentif des doctrines socialistes ; à défaut de cette éducation, ils pourraient obtenir des avantages durables, s’ils possédaient la froide raison de ne jamais pardonner aux hommes politiques qui ont traversé le pouvoir sans faire œuvre féconde, et s’ils savaient se grouper autour des citoyens qui ont prouvé leur bonne volonté par des actes.
- Le défaut politique le plus grave chez le peuple est de s’enthousiasmer lorsqu’il entend traduire ses pensées et ses vagues aspirations par de brillants orateurs, habiles à le capter en exprimant sa pensée
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- soüs les formes séduisantes d’un langage académique. Il s’imagine alors applaudir des vérités, tandis que les bateleurs dé la politique jonglent avec seë illusions.
- Rien ne serait plüs profitable â l’émdridpatidfi dü travail que la manifestation d’ün esprit assez puissamment doué pour convaincre les travailleurs de leur incapacité en matière de lois sociales, en leur donnant en même temps la conviction qu’fis possèdent réellement âssëz d’intelligence pour aborder ia question sociale, lorsqu’ils voudront en étudier les détails aveë une persévérance et ufi calme comparables aux soins et aux efforts exigés par leur éducation professionnelle ; ce citoyen serait véritablement un bienfaiteur de l’humanité.
- La sélection humaine est asseé avancée UU point de vue intellectuel pdüf que le problème social puisse être compris par un nombre d’homme suffisant â eh faire prévaloir la Solution, ldrsqüe la généralité deS citoyens saura se résigner à étudier méthodiquement l’organisation d’une société, libérée par la ihachifie de rasserVisSeméht aux lois d’une production trop restreinte.
- Les travailleurs manquent surtout de calme et de méthode, lorsqu’ils Cessent d’être Indifférents. La partie militante du prolétariat, séduite par la phraséologie révolutionnaire, s’épuise én Vaines déclamations, espérant entraîner dans la vie publique les masses ouvrières d’autant plüs hésitantes qüe Ton VoUdfait ies conduire d’ün seül coup aux sommets dé l’idée révolutionnaire.
- Les anarchistes, dont les joUrnhux officieux colportent avëc une rare complaisance les divigations èt lés foliés provocations, comptent à pëine deux ou trois centS toqüés qüi semblent s’être donné la mission d’ehipê'chëf l’Organisation dès corporations ouvrières.
- Jamais on identend parler d’une invasion d’anarchistes dans lés réunions opportunistes ou radicales, Ou bien dans les manifestations des sociétés de libre pensée ; mais rarement ils négligent de manifester léür puissance dissolvante dans les réunions ayant
- üri caràctêrë ouvrier b'ièh tranché.
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- Lés groupés fcianqüiste's, relativement nombreux, sont disciplinés ; leür propagande continue procède rarement d’Uhé manière intempestive ; ils veulent être les puritains de la révolution. L’étude des questions économiques, l’examen des probabilités d’application sont choses insignifiantes à leurs yeux. Ils attendent tout d’Un coup clé main qui les mettra en possession clü pouvoir ; ët ils se sentent capables,
- lorsqu’ils auront la direction des forces publiques, de plier, par elles, les plus rebelles aux observations dés lois démocratiques.
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- Les possibilistes ont rallié le gros dü mouvement révolutionnaire ouvrier.
- Ceüx-ci sentent la nécessité d’urté période educative; ils ont l’intention de la commencer, mais harcelés à leuf gaüche par les anarchistes et les prétendus révolutionnaires Intransigeants, ils se laissent aller à exagérer leürs affirmations pour retenir aü milieu d’eui des éléments enthousiastes qui ne comprennent pas ia nécessité d’uné sage propagande auprès de la masse ouvrière indifférente et inconsciente.
- Ce parti possède dès homtttés instruite, compétents dans l’étude des faits économiques, ayant jusqu’à ce jour fait preuve d’une grande honnêteté politique. S’ils avaient sü se résoudre à Concentrer leur action dans la démonstration des problèmes sociaux, -s’adressant, â leur droite, à Cette masse ouvrière compacte, qüi ü’Cst indifférente qüe parce qu’elle ne sait pas, et qui n’a jamais eu une occasion de faire Un pas vers les socialistes bans être ëpoli -vantée par les exagérations révolutionnaires, les possibilistes pourraient eh très peu de temps amener au socialisme les masses profondes qui font la force du radicalisme.
- Les possibilistes, forts de l’impuissance et du mauvais vouloir des classes dirigeantes, commettent souvent la faute grave de perdre de vue le but du socialisme pour prêcher la guerre entré les classes ; iis ne réfléchissent pas que la haine entre les hommes est le plus puissant obstacle à la coalition des bonnes volontés contre les institutions mauvaises.
- Ils veulent, disent-ils, organiser les forces ouvrières avant de proclamer la nécessité de la révolution ; ils ne comprennent pas que l’organisation corporative sera plus puissante que la révolution mêtriC; que organiser les corporations ouvrières en vüe de la poursuite d’un but commun équivaut à résoudre
- pacifiquement lé problème.
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- Lé fait dominant qui së dégage de l’examen de la situation politique est qu’il se creuse un abîme enfirC les hommes publics et lés masses ouvrières à la suite de l’impuissance des premiers à démocratiser le bien-être.
- Cette feépàr'âtioh entre les éléments actifs des classes dirigeantes et les parties militantes du prolétariat peut devenir fatale à la caüse du progrès social.
- Déjà, le Parlement, sous rihfiüehcé ministérielle, a Voté d’e’s ioi;s dC fëàbti&h èt bôpôüSsé ’dC’s pr’ojèts de
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- lois Jibéràlés, pàixtë qiife lës ëôhsëëvàtëüi’s bht coin-pris que là partie avancée de là bourgeoisie n’avait plus la ‘ebiifiailbë delà masse.
- Dans ces circonstances, nous devohb le reconnaître, là fëspbriSàbilité de cëtte division festë ëtitière-niênt au compté des politicieris. Ceux-ci nWi jamais Vôulü ëompr èndfë quë fë& gàratities sbbiàles sont lëfe basés de l’indépendance politique des ouvriers. Lés travailleurs feërtt làs ü'êtfë dupes. Il retient àux bornmês publics dë chercher tes tërmès cruhe ^éconëiliàtion. Nous tâèhëronë, hous-mêmeSj lorsque nous dënnërons nos conclusions, dë lës rédiger conformément à ce besoin d’union éprouvé par les républicàihs sincères.
- L’éconëmie sociale et la politique ne doivent pas êtrè séparées ; ta première ëst te but, la seconde est le moyen. Que les travailleurs et les hommes politiques s’inspirent des nécessités dë cètte déclaration, ils trouveront les clauses d’un contrat d’alliance définissant leS droits dé l’économie sociale et prescrivant les devoirs de la politique , et, s’ils veulent tôui respecte^ le tirait©, leur puissante coalition triomphera sans peine dès êfforts de là réaction et du conâërvâtisihe êiiftêhii dü progrès social.
- hits politiques et sociaux de là semaine.
- FRANCE
- Le Sénat. — La Chambre basse, par mëgardê probablement; àVâlt introduit Un ârtiele i'éfjüblieaiïi dans lë ptbjët 'dë là nouvelle Ibi municipale; Celui qui pët-ihettàit ati public d’aSèister aux séances üëë coüseils muüièipâUx ; le Sénat-, n’ayant pas trouvé d'autre ddrh-prbiUiësidU âVëc les principes répübHbâlhs, a fënvbÿé le pfojèt dé ldi à la Chambre, Sâüs autre modification qiie rkütiülatibn d’ün article aussi subVëfsif, tehdant â pérrb'êttre âüx mahdans de contrôler lës ttiandataires.
- Là ldi sur lë diVoréé Va Venir à l’drdrë du jour dü Sénat; Lës pères conscrits pi’dflterdht dé l’bbéaàiori pour hdüè dohnér ütté nouvelle prëüvë dë leUr Vdldntè biëü arrêtée de ne pas rompre leur mariage avéc ia rëactioh.
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- La Chambre: — Pendant que le Sénat s’applique à ne pas laisser trace dans les nouveaux projets de loi des tendances républicaines ; la Chambre révise la loi sur la presse, afin d’y introduire les elausés anti-libérales que le Sénat, dans un moment d’abandon, avait négligé d’y inscrire. Les députés opportunistes vont doter notre législation d’üne loi sur les cris séditieux et manifestations sdr la voie publique, qui permettra aux entrepreneurs d'un coup d’Etat d'envoyer sur les pontons et dans les bagnes ICs citoyëns assefc pervefs; qui, à la suite d’une violation brutale de la constitution; oseront crier dans ia rue ou afficher sur les murs des appels aü courage des citoyens pour la sauvegarde de la République;
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- « > *
- Lia eon^«ii(«(>üiori d’énquêtè. — La commission d’ëhqüeté, Si iioUs èh croyons son président; va S’bcçiipôr activetiàënt de là situation 'écoporniquè, M. SjmlVèr à îU‘êrüe déclaré qü’èlle ne reculerait pas
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- devànt lëë sblütibns sobialiëtes ; probablement, afin de mieux les enterrer. La commission fait annoncer par tëUS ieS jqürnaüx officiëux qu’ellé ëst disbosêë à recevoir les dépbsilidnë des délégués des sociétés patronales et düvrièrës, et celles dëë citoyens qui demanderont à être entendus.
- La commission a rédigé en outre un questionnaire parfait, â céla près qU'il écàrtë le poifit le plus imfior-tatit. Cé qUëstidhpairè prévoit idütce qui peüt apprendre à bien connaître l’intensité du mal ; maié il CSt complètement rrmët sur les moyens pratiques dë le c6m-battrëi M: Brialdu pdürrâit plüs spécialement ptebdre iiotë de cétté obsërVatidh, car il ne doit pas oublier combien on a usé et abusé de sa déclaration Üiçidéfitè permettant dë Mjjpôëèr qü’il n’y avait pas dëreméaéâux embarrâë ëconomigués bréëëüts ; ce sërait ubë occasion pdùr lUi dë réparer titie faute, oü d’appreddrè ce qü’ii ttë sait pas. M. Bfiàlbü a ihtérèt à ce qü’dn né négligé p4S ëëttë partië aë la quëstibh ; car nbü§, nous n’bësitons pas à déclarer à M. Brialdu qu’il y à Un moyéü pratiqué ët effièaeë d’éviter les engorgements ëcdüdiniqUes.
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- OèÿdiditidjDi dëfe dhvriërs dè •
- —.Un groupe ouvrier de Montluçdn à énVdÿé à là Commission d’ëtiqUêtë la Üépdsitioh suivante, puBlieé pàf le ÛH dù Pèüple :
- A Messieurs les membres de là commission d'enquête sur là situation des travailleurs et tes mopens de Vaniê-liorer.
- Messieurs,
- Aussitôt connu le vote par lequel la Chambre des députés a décidé la nomination d’une commission dë 44 membres pour s’enquérir des conditions du travail en France, le Cercle fépublicaib des ouvriers de MoriüüçGn (Parti ouvrier) à résolu de rte pas attendre les délégués que vous tiendrez sans doute à envoyer dans la rôgiob, et de vous saisir directement des faits qui atteignent dans leur existence même quantité de nos camaradeb d’ateliér;
- Sur cinq hauts fourneaux qui fonctionnaient à l’usine de Saiüt-Jkëqüëâ (Moiitluçon), trois ont été éteints. L a-cierie ëât arrêtée. Et treize cents otiVriëfs stir debx mille ont été renvoyés de l’usine susnommée (Société de Cha-tillon- Commet: try).
- La majeure partie des travailleurs ainsi jetés süf le pavé a passé des années dans les ateliers, qui la rejette aujourd’hui comme des machines humaines inutiles, sans s’occuper de la faim qui l’attend, elle et les siehs. des travailleurs ont fait la fortune des actionnaires, qui les traitent actuellement comme on né traite pas un cheval ou un bœuf dont on a épuisé la force travail, parce que, si on a inventé une loi Grammont protectrice des àhimaUx, üné loi hrotectride de la classé qui produit tout est encore à créer.
- Mais që n’ést pas sur ce point que nous voulons appeler vdtré, attention. Ce que le Cercle républicain nous a ddiihé maüdat de vous faire remarquer, c’est le caractère permanent et normal des accidents du genre de cëlui qüi Vient dé nous.fràppe!r. t .
- Il s’agit eil réalité d’un déplacement d’industrie, comme il s’en est produit plusieurs depuis vingt-cinq ans dàhS ià région. ,
- Ça .Ôté d’abord )es forgés 'de Vierzon qui ont été arrêtées brusquement en 1861, parce que la sb'ciëté proprié-tàirè üüuvait àvantage à céder son outillage et sa marque à üUe société plüs puissante qui sê constituait ailleurs.
- La forge dë Rozière n’a pas eu Un autre sort en 186S-6& pour dés raisons politiques, son propriétaire, M. de Vogué, ayant voulu se venger de sa non élection au Corps législatif de l’Empire sur ses ouvriers, républicains dès cette époque.
- Les usines de Mareuil et de Trencay^ n’ont pas tardé à être fermées dans, les mêmes conditions, àbsorbéés qU’éilès Ont été par la société dë Châtilion-Commentry, qui se développait à Montluçon et qui vient à sdh tdür
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- de liquider en partie au profit de ses établissements de Beaucam.
- Que peuvent les ouvriers — même organisés en chambres syndicales — contre ces déplacements qu’ils payent de la perte de leur travail, de leur salaire — et quelquefois de leur vie — et qui dépendent du bon plaisir capitaliste ?
- Que pouvez-vous vous-mêmes, en qualité de législateurs, nous ne disons pas pour empêcher le mal, mais pour en conjurer les effets meurtriers ?
- Notre devoir, dans tous les cas, à nous que l’on accuse de vouloir la révolution pour la révolution, était de vous soumettre la question, dans les termes où elle se pose contre nous.
- Actuellement, étant donné que les moyens de production, hauts-fourneaux, aciéries,etc., appartiennent non pas à ceux qui travaillent,mais à ceux qui font travailler, quelle garantie peut-il exister pour les travailleurs que ceux qui les emploient n’auront pas demain intérêt à ne plus les employer, soit que, leur fortune faite, il plaise aux actionnaires de réaliser, soit qu’ils renoncent, moyennant finance, à une production qui gênait leurs concurrents, soit qu’ils trouvent à produire avec des profits plus considérables sur un autre point de la France ou même de l’étranger ?
- Le travail ouvrier — et par suite l’existence ouvrière — se trouve ainsi suspendu, subordonné à l’arbitraire de quelques capitalistes. Nous n’existons, en vérité, que dans la mesure où il convient à nos maîtres, qui sont dégagés de tout espèce de devoir vis-à-vis des travailleurs qui, cependant, les emmillionnent.
- A cette situation, dont on ne peut sortir, d’après le Parti ouvrier, que par la socialisation des moyens de production, c’est à vous, messieurs, qui ne partagez pas notre manière de voir, qu’il appartient de chercher et de trouver une autre solution, puisque vous affirmez qu’il en existe.
- C’est, d’ailleurs, à cet effet qu’a été formée la commission que vous composez et dont nous attendons les conclusions avec impatience, parce que si vous n’aboutissez pas, c’est la condamnation, pour impqissance, de l’ordre bourgeois, que vous aurez prononcée.
- Pour le cercle républicain des ouvriers de Montluçon.
- Le Président, Le Secrétaire,
- Y. COURTIGNON. J. DORMOY.
- * *
- Extrême-gauche. — M. Henry Maret, n’ayant pas la naïveté d’attendre un résultat sérieux d’une commission d’enquête, dont la majorité des membres avait voté contre l’utilité de cette enquête, a pris l’initiative de convoquer à nouveau l’extrême-gauche. Voici le compte-rendu de la réunion, tel qu’il a été publié dans le journal le Radical :
- M. Henri Maret a déclaré que sa première idée avait été de demander que l’extrême-gauche tout entière se formât en commission d’enquête. Mais il n’insiste pas sur le mot. L’enquête lui paraît d’ailleurs beaucoup moins nécessaire que l'étude des solutions et des projets de lois précis
- Ce à quoi il tient, c’est à ce qu’on parte de cette base, qu’il n’y a plus rien à faire avec le Parlement actuel. M.’ Henry Maret croit qu’il ne faut pas plus s’occuper de la commission des 44 que si elle n’existait pas. On doit s’adresser au pays et au suffrage universel. Le devoir de l’extrême-gauche est donc de se refuser désormais à toute intrigue parlementaire, de travailler à rédiger ce programme économique qu'on lui demande, et pour cela il faut que chacun se mette à 1 étude, sans autre but que de propager ses idées en dehors d’une Chambre impuissante et condamnée.
- M. de Lanessan craint qu’il ne soit dangereux de se mettre en antagonisme avec ia commission des 44. Il en fait partie, et croit encore que lui et ses collègues y pourront faire œuvre utile. Il pense, néanmoins, que la sous-commission de l’extrême-gauche doit continuer ses travaux.
- M. Brialou partage l’avis de M. de Lanessan. Il pense cependant, avec M. Henri Maret, qu’il convient que l’extrême-gauche continue à s’occuper activement des questions sociales, et guide la conduite des trois commissaires élus, jusqu’au moment où ceux-ci, voyant que rien n’aboutit, croiront le moment venu de se retirer.
- M. Salis appuie avec énergie la proposition deM. Maret, et montre très éloquemment le pays tout entier, attendant quelque chose des seuls députés qui lui soient fidèles. L’extrême-gauche doit agir avec plus d’énergie que jamais, on ne lui pardonnerait pas de laisser tomber le drapeau qu’elle a soulevé.
- Après une discussion très-vive, la réunion, forcée de se séparer à cause de la séance, remet à jeudi pour statuer.
- Il faut croire que l’attitude énergique de MM. Salis et Maret contrecarre les projets de bien des gens, car tous les autres journaux ont été unanimes à taire les déclarations formelles de ces deux députés.
- M. Maret a parfaitement compris les aspirations du pays et les devoirs qui s’imposent aux députés républicains. En effet, ce que veut le pays, c’est l’étude des solutions et des lois conformes à celles reconnues efficaces ; et les députés ont le devoir de proclamer le programme économique attendu depuis si longtemps par tous les travailleurs.
- Si MM. Maret et Salis persistent dans leur résolution d’amener les membres de l’extrême-gauche à se prononcer clairement sur les questions qu'ils ont agitées, il n’est pas douteux qu’ils seront suivis par un nombre de leurs collègues suffisant à préparer une vigoureuse campagne électorale, pour l’année 1885, contre tous les députés qui auront refusé leurs concours, en attaquant vigoureusement, dès le début, les circonscriptions des prétendus radicaux socialistes assez timides pour reculer devant une affirmation de principes.
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- * *
- La morale opportuniste. — Le Figaro vient de publier une longue conversation de M. Harmand, retour du Tonkin, expliquant les avantages considérables que la France pourça retirer de la conquête de ce pays.
- Voici un extrait qui a fait le tour de la presse officieuse de Paris et de Province :
- Le Tonkin est, du reste, un pays merveilleux, dont la possession ne peut manquer d'être des plus profitables à notre commerce. Rien ne peut donner une idée de l’extrême fertilité du sol et de la beauté des récoltes. Il y a des mines et des gisements houillers. Enfin, l’industrie y est relativement très avancée ; les meubles en bois sculpté, avec incrustations de nacre et de bronze, qu’on y fabrique, sont admirables. Vous pouvez en juger par ceux-ci, que j’ai rapportés lors de mon premier voyage. Enfin, j'estime que jamais la France ne retrouvera l'occasion d'ajouter à ses colonies une plus belle et plus riche contrée.
- Le Tonkin a encore un mérite, qui n’est pas à dédaigner : son climat est des plus sains. L’état sanitaire de notre corps d’occupation y est actuellement aussi satisfaisant qu’on peut le désirer; il est mêmecertain que, si nos troupes opéraient en France, on constaterait beaucoup plus de cas de maladie que l’on n’en voit là-bas.
- Le Temps, le journal qui reproche aux socialistes leur étroitesse d’esprit et leur insatiable jalousie, prend texte de ces paroles de M. Harmand pour réfuter victorieusement, à sa manière, les journaux qui ont soutenu que « l’expédition du Tonkin était désastreuse, épouvanta-« ble, abominable. »
- Qi.e diraient les écrivains du Temps du citoyen qui appliquant la même doctrine raisonner et agirait comme il va être dit : M. Hébrard, est un homme fort riche, qui doit payer très cher des littérateurs capables d’injurier en bon français des socialistes contre lesquels ils n’ont aucun motif personnel de haine ; il possède en outre de beaux meubles, des objets d’art, des valeurs en portefeuille ; ses appartements sont très-bien chauffés, de
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- moelleux tapis amortissent le bruit des pas, le personnel qui l’entoure n’est pas très brave, lui-mêine est incapable de se défendre ; voilà une excellente affaire pour les trois ou quatre particuliers qui profiteraient de cette occasion unique de compléter leur mobilier, dût-on casser la tête à M. Hébrard et à ses défenseurs.
- Raisonnement d e chourineur, dirait-on, en argot; en bon français, op appellerait cela le langage d’un misérable.
- Dans les affaires du Tonkin, il y a une circonstance aggravante, c’est que toutes les richesses si enviées par lés rédacteurs du Temps appartiendront aux spéculateurs qui se cachent derrière l’armée française.
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- Le régime des prison». — Le conseil supérieur des prisons a ouvert mardi sa session ordinaire.
- Le rapport du directeur général nous apprend que nous avons en France, onze prisons cellulaires.
- Cinq autres prisons cellulaires, celles de Besançon, Bayonne, Bourg, Sarlat et Chaumont sont en construction. Deux, celles de Nice et de Saint-Etienne sont approuvées et mises en adjudication. Plusieurs autres sont à l’étude.
- Les rapports des directeurs constatent que partout le régime cellulaire est considéré comme un adoucissement par les accusés et par les détenus instruits et par tous ceux qui ont encore conservé quelque sentiment honnête. Par contre, les récidivistes, les malfaiteurs d’habitude, tous ceux pour lesquels la prison est un gîte pour les mauvais jours, ne subissent qu’à grand’peine le régime cellulaire qui, pour eux, a une efficacité que le régime en commun était loin de réaliser.
- Il ne faut pas oublier que le maximum du temps passé en cellule ne dépasse pas neuf mois.
- Le conseil supérieur a eu à s’occuper des prisons de la Seine dans lesquelles, faute d’un personnel suffisant, on ne peut appliquer les nombreux règlements.
- Dans ces prisons il n’y a ni inspecteur, ni instituteur, ni comptable. Les détenus conservent leur argent de poche. Pour leur retirer cette argent il faudrait avoir, comme dans les maisons centrales, un comptable chargé de le recevoir et d’en passer écriture.
- Le conseil supérieur a pensé que la situation actuelle des prisons de la Seine ne pouvait être tolérée et qu’il y avait lieu de demander à M. le ministre de l’intérieur d’inscrire au prochain budget les crédits nécessaires pour nommer dans les prisons de la Seine un comptable, un instituteur et un inspecteur. Un vœu en ce sens, présenté par M. Liouville, député, a été adopté à l’unanimité.
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- Financer et colonie». — La politique coloniale révèle fréquemment des procédés gouvernementaux empruntés au système autocratique le plus absolu.
- Il y a quelques semaines, on insistait auprès de la commission du budget pour la décider à voter un crédit de 3,500,000 fr. destiné à poursuivre la construction du chemin de fer du Sénégal ; après le refus de la commission de se prêter à ces dilapidations, on lui expliquait que cette somme était nécessaire pour payer des travaux déjà faits !
- Pour procéder avec un pareil sans-gêne, il faut vraiment avoir perdu toute notion des conditions élémentaires du régime républicain. Si les ministères, sans l’autorisation des Chambres, se permettent de dépasser de 3,500,000 les sommes votées pour la construction d’un chemin de fer, que doit-il se passer dans les autres chapitres du budget ?
- Le ministère, cela n’est pas contestable, a des vues à lui sur l’île de Madagascar; il voudrait engager insensiblement la représentation nationale à favoriser les projets des colonisateurs.
- On demandait à la Chambre de voter 165,000 fr. pour couvrir les dépenses fai tes à Madagascar pendant l’année 1883. *La commission des finances a refusé de présenter à la Chambre cette demande dé crédit. En présence de la fermeté de la commission M. Ferry a consenti à retirer le crédit demandé.
- Cela ne peut satisfaire l’opinion publique. Ou bien le ministère a demandé des crédits, dont il n’avait pas besoin, et il est coupable de ce fait; ou bien cette allocation lui est nécessaire, et, pour payer les dépenses faites, |il devra détourner des fonds de leur première destination. Ces virements ne sont pas moins graves qu'une demande de crédit motivée par des faits imaginaires.
- Ces errements, lorsqu’ils sont dévoilés, ne restent plus à la charge du ministère seulement, ils impliquent la responsabilité de tous ceux qui ont mandat de veiller à la bonne gestion des affaires publiques.
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- Sollicitude électorale. — On lit dans le Petit Nord :
- Nous avons à remercier M. Pierre Legrand de l’initiative qu’il vient de prendre en adressant aux noms des départements frontières , une lettre au ministre des finances, demandant une audience prochaine pour les représentants des régions Nord et l’Est de la France.
- M. Pierre Legrand exposera au ministre l’émotion qui s’est répandue dans les populations à la nouvelle que le prix du tabac pourrait être augmenté. Il fera valoir l’inopportunité,1 l’injustice de pareilles surcharges, et appuyé par tous les sénateurs et députés, sans distinction, des pays intéressés, il réussira, nous en sommes certains, à écarter l’impôt qui menace surtout la partie laborieuse et besoigneuse de la population.
- Nous admettrons qu’il a été question d’augmenter l’imnôt sur le tabac ; et nous ne serons pas moins surpris de l’intempestive entrée en campagne de M. Legrand. Nous sommes les adversaires déclarée de l’augmentation des impôts quels qu’ils soient; mais si, encore une fois, l’Etat se décidait à chercher de nouvelles ressources dans l’augmentation des impôts, malgré les probantes démonstrations, que nous avons si souvent répétées, en faveur de l’hérédité de l’Etat, l’impôt sur les choses superflues, — et le tabac appartient incontestablement à cette catégorie -, plus que tout autre nous paraît mériter l’attention du gouvernement, dussions-nous, par notre franche déclaration, nous aliéner les sympathies de tous les chiqueurs et fumeurs de France et de Navarre.
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- Chômages-grèves — La tôlerie des forges de Commentry vient de renvoyer 120 ouvriers ; on a réduit la semaine de travail à cinq jours dans la mine et dans la forge.
- A. Nantes, l’entente n’a pu s’établir entre les patrons et les ouvriers couvreurs ; la grève centinue.
- A Bordeaux, les ouvriers déménageurs viennent de se mettre en grève.
- A Lyon, les ouvriers tisseurs continuent à soutenir les grèves partielles des ouvriers appartenant aux maisons qui ont refusé d’accepter le tarif proposé par le syndicat ouvrier.
- ANGLETERRE
- Les défaites successives des généraux anglais en Egypte sont exploitées par les conservateurs contre le ministère libéral présidé par M. Gladstone.
- Dans le Lancashire les grévistes ont jeté des pierres à la police, qui leur avait arraché un mannequin représentant un des principaux fabricants du pays ; la caserne a été assaillie et les fenêtres brisées à coups de pierres.
- L’association des hauts fourneaux de Claveland, composée de 2.500 membres, a informé les patrons que les ouvriers se mettraient en grève à la fin du mois, à la suite du refus d’une angmentation de salaire.
- ALLEMAGNE
- M. Frohme, député au Parlement, est poursuivi pour une contravention à la loi sur les socialistes.
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- Sur quatre meetings socialistes, tenus dimanche, dans les différents quartiers de Berlin, deux ont été dispersés par la police à cause de la violence de langage des orateurs.
- AUTRICHE
- Le gouvernement, usant des lois d’exception récemment votées par le parlementa fait arrêter 200 socialistes, et en expulsé un nombre égal. Les membres les plus en vue du parti socialiste et les orateurs des clubs ouvriers ont tous été expulsés.
- BELGIQUE
- On écrit de Charleroi :
- « La crise industrielle pèse en général sur toute la Belgique, Aucun bassin n’est épargné, partout il .y a ralentissement dans le travail. Le commerce en souffre et languit.
- « Dans le Centre, La Louvière, cette localité qui a pris en peu d'années un développement considérable, n’est pas ménagée, plusieurs établissements sont arrêtés, d’autres ont renvoyé une quantité considérable d’ouvriers et réluisent le taux des salaires, conséquence naturelle de la situation,
- « A Houdeng-Gognies, le laminoir ne marche plus déjà depuis quelques mois. — Bracquegnies a éteint son haut-fourneau.
- « Les charbonnages réduisent aussi le nombre de leurs ouvriers. »
- La grève de Seraing et celle de Marchlenne-au-Pont sont terminées. Les ouvriers ont dû capituler.
- ITALIE
- Les ouvriers italiens s’organisent rapidement en sociétés corporatives avec l’intention bien affirmée de poursuivre leur union sur le terrain politique. Les congrès ouvriers deviennent plus nombreux et plus suivis.
- A l'occasion du dernier congrès de Milan, qui vient d’avoir lieu, il y a quelques jours, la presse italienne constate les progrès considérables du mouvement ouvrier. Non-seulement le nombre des délégués augmente, mais les orateurs ont déjà acquis une précision dans la doctrine et une sûreté d’exposition, qui dépassent les prévisions des journaux les plus sympathiques.
- Les délégués des sociétés ouvrières de la Lombardie, réunis à Milan, au nombre de cent avaient le mandat de se prononcer sur les lois sociales à l’étude dans le parlement italien.
- Voici les résolutions du congrès de Milan :
- « 1° Les délégués des associations ouvrières proclament que, fidèle à la tradition des précédents congrès, qui ont admis en principe que les sociétés ouvrières devaient chercher dans la liberté les véritables conditions de leur existence, ils ne peuvent reconnaître aucune ingérence gouvernementale qui serait fatale à leur développement.
- Ils repoussent le projet Berti sur la personnalité civile des Sociétés de Secours Mutuels, comme tous les autres projets qui admettent l’intervention du gouvernement ; ! ils sont convaincus que les classes laborieuses n’ont pas ! à compter sur la tutelle gouvernementale, qu’elles doi- ‘ vent tout attendre de leur ardeur à, poursuivre la rénovation sociale qui doit établir le nouveau pacte de la fraternité des travailleurs.
- Ils demandent que la personnalité civile soit reconnue à toutes les sociétés qui ont pour but l’amélioration morale et économique de leurs sociétaires et l’émancipation des classes laborieuses, sans autre formalité que l’inscription aux registres de la municipalité.
- 2° Le quatrième congrès des sociétés ouvrières Lombardes, considérant que la loi sur les coalitions, proposée par le gouvernement, a pour but de donner une sanction
- légale aux mesures arbitraires que l’on ne cesse d’appliquer en Italie au détriment des travailleurs qui veulent jouir de leur droit de coalition contre le despotisme des capitalistes, condamne le projet de loi comme indigne d’être examiné, parce qu’il est contraire aux principes d’équité et de justice ; il invite toutes les associations à organiser une agitation nationale en vue d’em* pêcher le vote ; il proteste encore une fois contre les articles 385 — 386 — 387 du Gode pénal. »
- ÉTRANGER
- Toutes les nouvelles de l’Etranger indiquent que l’agitation socialiste se généralise partout : En Suisse, en Bavière, en Norwège, en Espagne, aux Etats-Unis, on signale soit des réunions révolutionnaires, soit des publications d’écrits socialistes, soit des arrestations et des condamnations des meneurs du mouvement ouvrier.
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- L’Habitation unitaire en Algérie
- Le Conseil municipal de Paris vient de prendre une décision très-importante au point de vue social et dont il peut être fier à juste titre. Désireux de donner à la grande ville qu’il représente une sécurité plus grande, il s’est préoccupé des moyens à employer pour diminuer le nombre toujours croissant des vagabonds ; il a pensé avec raison que la meilleure manière pour arriver à ce résultat c’était de prendre sous sa tutelle et d’élever les enfants moralement abandonnés appelés à devenir presque inévita* blement des crimineis. Cette mesure est infiniment meilleure et plus économique que la répression. Il a déjà recueilli et procuré du travail et de l’instruction à plusieurs milliers d’enfants qui donnent les meilleures espérances.
- Abandonnés à eux-mêmes ces pauvres petits auraient vécu dans un milieu de corruption oû les meilleurs finissent par succomber ; pressés par le besoin ils volent pour vivre, et la prison qui les attend achève de les corrompre complètement, ils en sortent criminels.
- Il y a là une plaie sociale dont les penseurs, les hommes de bien se sont préoccupés depuis longtemps ; plusieurs avaient indiqué le remède, mais nul ne l’avait encore appliqué d’une manière sérieuse. Le conseil municipal de Paris vient d’entrer dans cette voie ; voulant faire cesser dans la mesure de ses moyens cet état de choses indigne d’une grande nation, d’un pays républicain, dont la devise est : Liberté, Egalité, Fraternité, il a décidé la création de colonies agricoles en Algérie. Disons de suite que ce moyen nous paraît excellent, mais il n’est pas unique, la philantropie bien comprise pourrait en trouver d'autres tout aussi efficaces, bornons-nous aujourd’hui à examiner celui adopté. Les enfants abandonnés de la Seine seront envoyés en Afrique, où ils apprendront à cultiver le sol, que des travaux d'irigation bien organisés peuvent rendre l’un des plus fertiles qui soit au monde.
- Que les membres de la commission nommée pour s’occuper de l’installation des deux colonies agricoles dont la création est décidée nous permettent de leur donner quelques conseils d’une haute importance pour l’avenir de l’oeuvre qu’ils vont édifier et à laquelle leurs noms resteront attachés. A leurqfface nous ferions notre possible pour qu'il soit construit un palais du travail dans chaque centre agricole en création. Ces palais, comme celui de Guise,
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- seraient destinés aux logements des directeurs, employés et ouvriers de la colonie ; les eooles et les bâtiments d’exploitation ateliers etc., seraient placés soit en face du palais soit par derrière. Ce mode de construction,outre ses avantages sérieux au point de vue de la facilité des communications, permet à l’ar-chitectede réaliser de sérieuses économies; il est évident qu’un vaste bâtiment pouvant loger 100 ménages par exemple coûtera moins que 100 petites maisons séparées ; il y a certainement économie de matériaux, j de main d’œuvre et de terrain, et surtout une plus j grande facilité pour la surveillance et pour l'obtention des mesures de propreté indispensables à une bonne hygiène, dont la pratique évite de nombreuses maladies. Les approvisionnements sont aussi rendus plus faciles par la création dans le logement môme de magasins pour la vente des objets indispensables à l’existence ; et ce qui, pour l’Algérie surtout, doit peser d’un grand poids dans la balance, c’est la sécurité beaucoup plus grande pour les colons. Eu effet, en cas d’insurrections trop communes encore dans notre belle colonie p*r suite du nombre trop restreint d’Européens et surtout de Français qui l’habitent, il serait beaucoup plus facile de se défendre dans un vaste palais élevé de quelques étages et percé de nombreuses fenêtres,qui deviendraient dans un jour de défense autant de meurtrières redoutables, que de rester cantonaés dans de petites maisons isolées où les surprises sont faciles.
- Cela est presque impossible dans le palais social ; un belvédaire élevée au centre des constructions permet d’apercevoir l’ennemi à une grande distance et de se préparer à la défense. Le palais lui-même peut devenir une forteresse en l’entourant d’un large fossé qui en rendrait l’approche plus difficile. Les vastes caves creusées sous les logements permettraient d’y accumuler les approvisionnements nécessaires pour soutenir un siège,au besoin,en attendant des secours.
- Toutes ces considérations, indiquées d’une manière sommaire, devraient, il nous semble, frapper l’esprit des hommes pratiques et intelligents chargés de mener à bien cette œuvre de régénération sociale; nous pensons donc qu’il nous suffira de leur indiquer cette voie pour qu’ils l'étudient avec toute l’attention qu’elle mérite, ils auront ainsi puissamment aidé à la solution d’un des grands problèmes sociaux qui se posent à notre époque, donner à l’ouvrier un travail sain et rémunérateur par l’association ou tout au moins par la participation aux bénéfices ; lui procurer un logement salubre et agréable qui lui fasse aimer son intérieur, sa famille et l’empêche d’aller dans les cabarets gaspiller sa santé et son argent, quand sa femme et ses enfants en ont tant besoin.
- Bâtissez des palais pour les enfants abandonnés, Messieurs les conseillers municipaux, pour ces futurs citoyens recueillis et régénérés par vous, et vous aurez bien mérité delà patrie,de la République, de l’humanité.
- A. Doyen —---
- LES PROFESSIONS EN FRANCE
- Sous ce titre, le Globe publie les intéressants détails ci-dessous :
- D’après le recensement de 1881, les différents groupes professionels se répartissent de la façon
- suivante, la population totale de la France étant représentée par 100 :
- Agriculture.................... 50.03 0/0
- Industrie .........................25.56
- Commerce........................10.53
- Transport et marine. . . . 2.20
- Force publique ...... 1.52
- Professions libérales...........4.35
- Personnes vivant exclusivement
- de leurs revenus............5.81
- Total . . . .100,00
- On peut présenter ces chiffres d’une façon plus frappante en disant que :
- La moitié environ de la population française vit de l’agriculture.
- Un quart vit de l’industrie.
- Un dixième du commerce.
- Quatre centièmes de professions libérales.
- Six centièmes de rentes ou de revenus.
- Chacun de ces groupes se partage en effet ainsi : Agriculture, — 1° Propriétaires cultivant
- eux-mêmes leurs terres et les faisant
- valoir.................... Nombre. 9.170.000
- 2° Petits propriétaires travaillant aussi pour autrui, comme fermiers, métayers, journaliers.................. 3.522.000
- 3° Fermiers, métayers ou colons . 5.032.000
- 4° Forestiers, bûcherons, charbonniers ............................... 513.000
- Total. . , . 18.244.000
- Industrie, — l* Grande industrie, mines et carrières, mines métallurgiques . , , . 1.130,000
- Grande industrie, autres manufac-
- res et usines......................... 2,100.560
- 2° Petite industrie (ouvriers ou chefs de métiers, façonniers, etc., travaillant chez eux avec ou sans ouvriers). . . 6.093.000
- Total, , . . 9.324.560
- Commerce. — 1° Banquiers, commissionnaires
- et marchands en gros....................... 789.000
- 2° Marchands en détail,boutiquiers. 1.895.000
- 3° Hôteliers, cafetiers, logeurs, ca-baretiers................................ 1.164.000
- Total. . . . 3.840.000
- Transport et marine. — 1° Personnel des chemins de fer et autres entreprises dô transport par
- terre, fleuves et canaux.............. 549.000
- 2° Personnel de la marine marchande et des ports (long cours et cabotage), pêche........................ 251.000
- Total. . . . 800.000
- Force publique. — Armée de terre. 382.000
- Armée de mer ....... 242.000
- Gendarmerie et police .... 120.000
- Total. . . . 553.000
- Professions libérales. — 1° Fonctionnaires, agents et employés de toute sorte payés par l’Etat, le département ou la commune . . . 806.000
- 2° Cultes,personnel.............. 112.000
- 3° Communautés religieuses. . . 115.000
- 4° Professions judiciaires . . . 156.00
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- ne
- ls Bivom
- 5° Professions médicales . . . . 139.000
- 6° Enseignement libre.............. 111 -000
- 7° Artistes de tout genre . . . • 121.000
- 8° Savants (hommes de lettres, publicistes) ............................. 23-000
- Total. . • • 1.585.000
- Répartition des français par professions
- Personnes vivant de leurs revenus. — Propriétaires et rentiers ............. 1.849.000
- 2° Pensionnaires et retraités . . 272.000
- Total. . . . 2.121.000
- Total général : 36.477.000 formant, avec les 737.000 individus de population non classés (enfants en nourrice, étudiants et élèves des établissements d’instruction publique, pensionnaires des hôpitaux, hospices, prisons, vagabonds, etc.), et 191.000 personnes de professions inconnues, 37.405.290 population totale de la France.
- Le rapport, entre les nombres d’individus vivant de chaque profession, s’est-il modifié depuis 1876 ?
- En cinq années, les différences ne peuvent être très-petites et doivent être considérées surtout comme indication de tendance.
- La plus forte de ces différences concerne l’agriculture. En 1876, la population agricole représentait 53.04 pour cent de la population totale ; en 1881, elle ne compte plus que pour 50.03 pour cent ; la diminution est de 3.01 pour cent.
- L’industrie présente aussi une diminution, celle-ci est très faible et n’atteint que 0.37 pour cent.
- La population vivant du commerce a, au contraire, augmenté de 2.17 pour cent.
- Le rapport des autres professions à la population totale est resté sensiblement le même
- Cette diminution importante de la population agricole s’explique par la tendance qu’ont les individus à se porter vers les agglomérations, tendance déjà signalée lors des précédents recensements et que le dernier vient confirmer.
- Ainsi, pendant les cinq années 1876-1881, la population agglomérée a augmenté de 2.94 pour cent, la population éparse a diminué de 0.17 pour cent.
- Il y a trente ans, la population urbaine ne formait que le quart de la population de France (25 52 0/0), aujourd’hui elle en forme plus du tiers 34. 76 0/0.
- La répartition des professions que nous venons de donner comprend tous les individus vivant de chacune de celles-ci (chefs d’emploi, ouvriers, famille, domesticité). Nous nous proposons de rechercher, dans un prochain article, quel est le rôle de la femme dans ces diverses professions ; de présenter en un mot « la statistique du travail des femmes en France. »
- LES FEMMES MILITAIRES
- (Suite et fin)
- Je n’ai voulu parler que du courage militaire chez les femmes. Le sujet était assez riche assez vaste pour m’y restreindre. Encore ai-je le regret d’être forcé, en raison des limites d’un simple article, de ne rappeler que des noms connus. Si la pensée s’étendait au courage civique, — vertu peut-être
- plus belle encore que le courage militaire, — un énorme volume suffirait à peine pour enregistrer des actes mémorables tels que ceux de Mlle Sombreuil, de Mmes de Lavaiette, de Lucile Desmoulins, etc.
- Les femmes peuvent donc avoir toutes les vertus, et elles les ont. Bien que le public le sache, il me semble juste de lui redire. On s’habitue aujourd’hui à voir apparaître un nom de femme là où jadis on eût été fort surpris de l’y voir surgir.
- Ainsi, dans l’escrime, par exemple, fort goûtée des femmes, en ce moment, on cite déjà des maîtres féminin. Mlle Jean Louis, la fille du professeur d’escrime, est un bretteur très-fin, très- habile, qui a fait des armes avec des officiers — lutte courtoise — et a recueilli d’eux des compliments dans lesquels la sincérité, jointe à quelque admiration, effaçait la galanterie. Dans le monde l’on parle des "patriciennes qui espadonnent à la perfection ; on cite notamment Mme la comtesse R. de Salles, qui jongle avec une épée comme Béatrix de Montferrat et tire le fleuret comme un prévôt.
- Je ne suis pas partisan des femmes soldats, ainsi que je l’ai dit, mais, puisqu’il y en a, je les admire sans les encourager.
- L’escrime me semble tolérable, c'est une distraction favorable à l'hygiène, dont les fruits pourraient servir au besoin et qui ne saurait porter atteinte aux vertus domestiques de la femme.
- Qui sait ce que les mœurs de l’avenir permettront? Un jour viendra peut-être où des femmes calomniées par des hommes pourront obtenir elles-mêmes rétractation devant une invective écrite avec la pointe d’une épée. Si la coutume existait de nos jours, je sais plus d’un bon jeune homme auquel l’éventualité d’une pareille rencontre ferait avaler le venin.
- Jean Alesson.
- COURS D’ADULTES
- Leçon de Physique expérimentale par M. Barbary
- Séance du Mardi 19 Février
- 1° Fontaines intermittentes, (Suite).
- 2° Phénomènes de Capillarité.
- 3° De la chaleur.
- LEÇON DE CHIMIE PAR M. SÉKUTOWIGK
- Séance du Vendredi 22 Février
- 1° Matières accessoires employées dans les fonderies. 2° Chaux. — Plâtre. — Ciments.
- THEATRE DU FAMILISTÈRE DE GUISE
- Direction: A. TÉTREL et A. BERTHET
- Samedi 17 Février 1884
- Représentation donnée par la Troupe du Grand Théâtre de St-Quentin
- Opéra-Comique en 3 Actes,
- de MM. Leterrier et Van-loo musique de Ch. Lecoq M, GACK, remplira le rôle du PODESTAT Mme D’ALLESSANDRI, remplira le rôte de GRAZIELLA
- BUREAUX A 8 HEURES. RIDEAU A 8 H. 1/2.
- Le Directeur-Gérant : GrODIN
- S^Quentin. — lmp. du Glaneur.
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- 8‘Aimée, Tome 8. - n° 285 jLe numéro hebdomadaire 20 ç, Dimanche 24 Février 1884
- LE DEVOIR
- REVUE DES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
- Un an. . Six mois . Trois mois
- 10 fr. 6 3
- Union postale
- Un an. ... 11 fr.
- Autres pays
- Un an.
- 13 fr. 60
- ON S’ABONNE A PARIS
- 5,r.Neuve-des-petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- La dépopulation en France. — Le traitement des instituteurs. — Manifeste de la Ligue des travailleurs pour la paix internationale. — Les transports en France. — La question ouvrière. — Aphorismes et préceptes. — Faits politiques et sociaux. — Correspondance d'Angleterre. — Ecoles du Familistère. — Mémoires d'un buveur d'eau. — Etat civil. — Cours d'adultes.
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l'administration fait présenter une quittance d'abonnement.
- LA DÉPOPULATION DES CAMPAGNES
- La diminution de l’accroissement de la population française et la dépopulation des campagnes ont donné lieu à de récentes appréciations propres à faire ressortir les contradictions et l’ignorance des publicistes en matière de problèmes sociaux. Le trouble dans les esprits n'est pas moindre que dans les faits.
- Tel constate en toute vérité que l’offre des bras dépasse la demande, qui gémit le lendemain sur l’arrêt de l’augmentation de la population ; ce qui
- ne l’empêche pas de se lamenter un autre jour sur l’invasion des ouvriers étrangers.
- Si l’augmentation de la population est un bienfait pour une nation, pourquoi se plaindre de l’émigration des étrangers ? Il nous semble que dans cette hypothèse, il vaut mieux recevoir des producteurs en parfait état de développement que faire les frais de leur éducation.
- Mais, lorsque une société est assez mal organisée pour ne pouvoir entretenir convenablement ses classes laborieuses, on ne comprend pas la nécessité de l’accroissement du nombre de ses habitants, à moins que l’on ne considère l’intérêt seul des capitalistes. Ceux-ci ont un avantage incontestable dans l’avilissement des salaires, conséquence de la multiplication excessive des classes ouvrières, parce que, dans ces conditions, ils peuvent mieux soutenir la concurrence internationale.
- L’augmentation de la population produira ses effets bienfaisants, lorsqu’elle se manifestera dans une société ayant solidarisé les intérêts des citoyens.
- Les législateurs paraissent surtout se préoeuper des inconvénients produits par la désertion des compagnes ; ils attribuent même une partie des embarras économiques à l’affluence des travailleurs vers les centres industriels ; Je retour au travail des champs de l’excédant des populations urbaines atteintes par le chômage est selon eux le moyen le plus efficace de parer au malaise général.
- Théoriquement, abstraction faite de toute considération pratique, les défenseurs de cette thèse font un raisonnement parfait. Leur théorie, dans les circonstances présentes, est une véritable utopie,
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- LE DEVOIR
- car elle est complètement inapplicable ; elle serait soutenable, s’il suffisait de vouloir travailler à la campagne pour être certain d’y trouver un salaire rémunérateur. Malheureusement, la réalité est loin de confirmer cette opinion.
- Il faut" avant tout être de soîl temps. Il est utopique d’attendre de l’ouvrier actuel, ayant reçu un commencement d’émahcipation intellectuelle et politique par l’instruction primaire et par la pratique du suffrage universel, l’adaptation à un genre de vie comportant une manière de travailler ayant conservé tous les errements acceptés par les hommes igno* rants et dépourvus des notions de la vie intellectuelle et politique; surtout, lorsque toutes les autres conditions du milieu ont été profondément modifiées.
- Le travailleur rural, aussi bien que l’ouvrier des villes, n’a aucune chance de pouvoir prospérer, à moins qu’il ne puisse acquérir quelques épargnes lui permettant de se convertir en petit spéculateur ; et les occasions de ce genre sont infiniment moins nombreuses à la campagne. Le paysan salarié n’a même qu’un moyen certain d’acquérir quelque épargne, la domesticité avec toutes ses servitudes. Il devra renoncer, dans cette situation, à l’indépendance religieuse, politique, aux satisfactions de la famille et du foyer. Il répugne de s’arrêter longuement aux conditions générales de la domesticité, tant elle est en opposition avec les légitimes aspirations du citoyen d’üù état républicain.
- Quant à l’ouvrier agriculteur, comment veut-on qu’il puisse entrevoir la possibilité d’acquérir une situation aisée, à moins de s’imposer des privations permanentes. Si son salaire quotidien est parfois rémunérateur, on sait à quelles limites le total en est réduit à la fin de l'année, à la suite des chômages causés par les intempéries et par la distribution des récoltes dans un pays où l’agriculture est routinière. Certains départements, richés en pâturages, offrent un travail excessif pendant les mois de juin et juillet; quelques-uns, plus particulièrement réservés à lâ culture des céréales ne peuvent occuper l’ensemble des travailleurs en dehors des saisons de la semence et de la culture ; d’autres, lès pays vinicoles, ont besoin pendant les mois de mars, d’avril et de mai, de septembre et d’octobre, d’un nombre d’ouvriers qu’ils ne peuvent employer pendant le reste de l’année ; presque nulle part, le travailleur ne trouve des journèës régulières pendant l’hiver ; et, lorsqu’il a cette bonne fortune, il faut que sa santé lui permette de travailler sous la pluie le vent et le froid. Quant aux femmes, elles ne doivent pas espérer ren- ' contrer plus de dent cinquante journées ouvrières pen-
- t dant toute l’année. Il ne faut pas oublier encore que i la durée de la journée de travail est presque toujours ) excessive ; pendant les mois d’été elle varie de 15 à i 18 heures. Le travailleur des champs supporte aussi tous les frais des maladies et des accidents qui
- - peuvent l’atteindre lui et les siens, car les communes l rurales n’ont généralement aucune assistance pu-
- - blique.
- l L'histoire du cultivateur devenant propriétaire î sera bientôt une légende, parce que l’épargne ne fait » plus de martyrs ; il n’y a plus de cultivateur qui
- • consente à soigner une basse cour sans jamais man-
- • ger un œuf, à faire venir des légumes sans les goû-i ter avant d’en avoir gorgé les citadins, à produire la t viande et à se contenter de manger du pain frotté
- d’ail. Ah l nous les avons connus les cultivateurs i qui ont fait fortune ; ils allaient bien vite à pied à la i ville pour vendre leurs petites récoltes ; s’ils avaient 1 des souliers, ils les portaient attachés à un bâton, à ; la besace, à l’anse d’un panier ; si la course était i trop longue pour être faite entre deux repas,ils met-i taient à la poche un gros morceau de pain avec une
- • noix ; ils buvaient à leur retour, car ils avaient une sainte horreur de l’auberge et de tout ce qui pouvait les contraindre à débourser quelques sous ; nous les avons vu, chez eux, manger du pain dur, parce que, disaient-ils, le pain tendre s’en allait trop vite ; si le porc et l’enfant étaient malades, ils couraient chercher le vétérinaire.... La jeunesse ça veut vivre l Enfin, lorsque deux générations s’étalent âinsî épuisées, la société avait pour dirigeants ces ruraux qui acceptaient Louis Philippe, la République, l’Empire, puis la République, sans jamais s’inquiéter, lorsque leurs affaires particulières étaient pros-pères, de savoir si ces gouvernements sacrifiaient lés intérêts de l’hnmanitô tonte entière; comme ils renversaient les pouvoirs publics disposés à favoriser le progrès social, lorsque l’initiative de ces gouvernements coïncidait avec une période troublée par des circonstances extérieures ou indépendantes de l’action gouvernementale.
- Les martyrs de l’épargne ont fait leur temps, et la réaction ne fera pas le miracle de les ressuciter.
- Aussi, le travailleur des campagnes n’a plus l’esprit de sacrifice ; entre deux présents malheureux, il choisit le moins misérable, ou bien celui qui lui paraît tel. Pendant les périodes de production il préfère la vie industrielle, parce que la journée est moins longue, le travail plus régulier, le salaire plus rémunérateur ; puis il finit par être retenu dans les centres industriels, par la force de l’habitude et pâr 'les soulagements que lui procure l’assistance publique.
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- LE DEVOIR
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- Il est néanmoins vrai qu9 les travailleurs disponibles de l'industrie doivent revenir à l’agriculture ; mais on n’est pas autorisé à leur demander ce retour; si l’on ne met les conditions du travail agricole en rapport avec les besoins physiques, intellectuels* et moraux de l’homme, tel que l’a fait la Civilisation.
- En cherchant comment il est est possible d’opérer cette transformation on trouverait certainement que les améliorations nécessaires,soit réductions des heures de la journée, soit hausses des salaires, équivaudraient au moins à doubler le salaire moyen de l’ouvrier cultivateur! sans compter les charges publiques imposées par 1’organisation de la mutualité natiohale à laquelle doivent être subordonnées toutes les tentatives sérieuses du progrès social»
- Voilà tous les économistes qui s’écrient mais comment doubler les salaires, lorsque notre blé, notre viande ne peuvent soutenir la concurrence avec l’importation des produits de l’agriculture étrangère ?
- Nous connaissons un moyen infaillible d’obtenir le résultat annoncé, en faisant produire au même travail deux fois plus de récolte qu’il en livre actuellement.
- Que l’on demande aux professeurs et aux élèves des écoles d’agriculture de Grignon, de Grand-Jouan,de la Saulsaie, de l’institut agronomique de Vincennes s’il est matériellement possible de doubler, même de tripler, en quelques années, le rendement agricole de la France ! Ils répondront que c’est une simple affairé de capitaux et d’organisation des parcelles cultivées en vastes surfaces susceptibles de recevoir l’application du grand manchlnisme agricole que l’on connaît en France, seulement par ses descriptions et ses réductions déposées dans les recoins de quelques musées ; ils diront qu’il n’y a pas une machine à inventer, qu’il se perd dans les villes et lés campagnes mêmes beaucoup plus d’engrais qu’il en faudrait pour rendre au sol l’équivalent des matériaux assimilables que lui enlèverait la culture intensive, ils ajouteront que la chimie, elle seule, est prête à multiplier les engrais selon les besoins de l’humanité.
- Lorsque les hommes de l’art agricole répondent de cette façon, les socialistes concluent que, si la forme de la propriété individuelle n’est pas harmonisée avec les nécessités de l’outillage, la propriété soumise à l’association du travail et du capital supprime ces inconvénients, que, si la propriété associée est impuissante à payer les services des capitaux à un taux élevé, l’Etat en remboursant la dette publique et en cessant d’emprunter ferait descendre bien vite l’intérêt des capitaux à un
- taux ne dépassant pas les limites permises par les besoins de l’agriculture.
- Les lois et les institutions en rapport avec cet ordre d’idées se classent parmi les premières améliorations qui doivent mériter la sollicitude d’un gouvernement réformateur.
- Il est inutile d’espérer le retour au travail agricole de la part des ouvriers, tant qu’il ne s’offrira pas dans des conditions préférables à celles du travail industriel.
- Cette imigration des travailleurs dans les grands centres est après tout une manifestation du suffrage universel ; elle est une affirmation de la supériorité des conditions faites aux ouvriers des villes. Ceux qui souhaitent sincèrement le retonr des ouvriers aux travaux des champs n’ont qu’â égaliser les avantages en améliorant la situation des cultivateurs ; car il n’appartient qu’aux sophistes de prétendre qu’une classe puisse se résigner à renoncer à une augmentation de bien-être, dont elle a joui pendant un certain temps, et qu’elle sait être matériellement possible.
- Que l’on organise partout le travail selon les besoins de la vie humaine ; et l’on verra bientôt les producteurs se soumettre avec joie à toutes les exigences d’une production rationnelle.
- —<S=ïs*gjM*ss=g3i—^——
- LE TRAITEMENT DES INSTITUTEURS
- Voici la situation des 81.000 instituteurs et insti*
- tutrices qui, comme titulaires ou comme adjoints*
- exercent dans nos écoles publiques.
- 48.043 Instituteurs et Institutrices out utt traitétncnt inffrieur à 1.000 ff.
- 22.355 — — 1.001 à 1 300
- 5.969 - — 1.301 1.600
- 2.260 — — 1.601 1.900
- 1.364 — — 1.901 2.200
- 788 — - 2.201 2.000
- 579 — au-dessus de 2.600
- En résumé, on peut conclure que 3 0/0 des insti* tuteurs reçoivent un salaire leur permettant de vivre convenablement, les autres vivent comme ils peuvent.
- Revenons un instant sur la première catégorie, de beaucoup la plus nombreuse, Dôcomposons-la en ses divers éléments.
- Instituteurs et Institutrices Ont un traitement de
- 7.426 1.000 à 901
- 13.746 900 801
- 5.326 800 701
- 19.058 701 601
- 2.487 600 et au-dessous
- Cela se passe dans un pays où l’on donne 100,000.000 au budget de l’ignorance, au budget de l’Eglise apostolique et catholique et romaine. Mais il ne faut pas oublier que M. Paul Bert, le champion des instituteurs dans la Chambre, et M. Fallières, le
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- ta mvoir
- ministre de l’instruction publique, qui se donnent les allures de personnages très dévoués à l’amélioration du sort des instituteurs, votent des d9ux .mains le budget des cultes sous prétexte d’observer les clauses du Concordat 1
- MANIFESTE
- DE LA
- Ligne des Travailleurs pour la paix internationale
- Citoyennes et Citoyens,
- La vieille Europe marche d’un pas accéléré vers j une transformation politique et économique.
- Nous ne nous occuperons pas ici de la dernière, la Ligue étant instituée uniquement pour propager la solution qui se rattache au côté politique de la question sociale.
- L’un et l’autre point sont, d’ailleurs, étroitement liés. C’est une vérité qu’on ne saurait trop mettre en relief, car, dans l’hypothèse d’un affranchissement économique limité à la France, il faut compter avec la conjuration des rois, qui trouveraient moyen de déchaîner contre nous leurs sujets prolétaires, travestis en soldats !
- La Ligue se propose de faire une double propo-gande : l’une aura pour but suprême d’ouvrir les esprits à l’idée de la République européenne ; l’autre aura pour but immédiat de substituer, autant que faire se peut, l'arbitrage international à la guerre.
- La République européenne est le terme logique des évolutions politiques des peuples. Quand il sera prouvé aux hommes que les guerres internationales sortent forcément d’un organisme international, ils seront bien près de conquérir leur unité. Il faut donner aux peuples le désir et la volonté de se considérer comme ne faisant qu’un peuple. Quand ils auront élevé leur intelligence à cette notion, ils diront :
- « Que l’unité soit faite ! * et l’unité sera faite.
- C’est que les guerres internationales sont à la fois mauvaises pour la classe privilégiée, qui possède le capital de production et d’échange — sauf pour une minorité insignifiante — et meurtrières pour la classe dénuée qui ne possède que son travail.
- Si l’on calcule ce qu’elles coûtent, non en cadavres, mais en argent, et rien que pour l’entretien des armées, on trouve douze milliards annuellement extorqués aux producteurs. Et si l’on compte en plus les ruines qu’elles accumulent, il faut ajouter, pour ces vingt dernières années, des dizaines de milliards.
- Ces conséquences barbares sont causées uniquement par la multiplicité des patries.
- Chacune, en effet,pour se défendre contre l'étranger, doit se hérisser d’armements formidables. Rien, d’ailleurs, de plus prudent et de plus légitime, surtout pour la France républicaine, isolée au milieu des gouvernements monarchiques* -,
- Mais ce gigantesque appareil de tuerie n’aurait plus aucune raison d’être si les nations instituaient la grande fédération républicaine, la grande patrie, reliée par l’unité politique fonctionnant dans la plus large décentralisation.
- Jusqu’à l’ère nouvelle ou les peuples formeront cette véritable sainte alliance, le carnage international, répétons-le, sera inéluctable.
- Toutefois, en attendant que ce fléau soit anéanti, l’Europe réaliserait, certes, un grand bienfait, si elle parvenait seulement quelquefois à le détourner.
- La chose est-elle possible? Oui, en recourant dans certains cas à l’arbitrage international.
- Ce procédé n’est nullement un rêve : il a fait ses preuves. Dans l’affaire de l'Alabama, par exemple, il a empêché une guerre imminente entre l’Angleterre et les Etats-Unis d Amérique. Depuis une dizaine d’années, il a réglé une douzaine de litiges. Il a été recommandé par des résolutions prises au sein des Parlements d’Angleterre, d’Italie, des Etats-Unis d’Amérique, de Hollande, de Suède et de Belgique. On remarquera que les Chambres de la République française ne figurent pas sur cette liste.
- Ainsi, la Ligue offre un terrain commun de propagande et à ceux qui voient surtout le remède, la République européenne, pour tarir la source des guerres, et à ceux qui voient surtout le lénitif, l’arbitrage pour les diminuer.
- Citoyennes et Citoyens,
- La Ligue, à son début, compte déjà des adhérents ouvriers, députés, employés, etc., qui s’unissent tous dans l’idée de la paix : internationale, dont le prolétariat doit comprendre tout le prix.
- Car n’oubliez pas que la dictature millitaire triomphe pendant que les peuples s’entr’égorgent, et qu’elle éteint dans la frénésie du massacre toutes les revendications sociales !
- La Commission d’initiative :
- Fournier André, Henri Brissac, Henri Champi* Adhémar Leclerc, Benoît Malon, A. Réties, E. Rieutord, Léonie Rouzarde.
- Les citoyennes et les citoyens qui veulent devenir membres de la Ligue peuvent s’inscrire chez Der-veaux, 32, rue d’Angoulême ; et chez Rieutord, 9, rue de Dantzig.
- Envoyer aussi les adhésions au citoyen Henri Bris-sac, secrétaire, 6, boulevard de Port-Royal.
- Communications verbales, le dimanche, de 9 à 10 h. du matin.
- Nous recevons les adhésions suivantes à la ligue Fédérale de la Paix et d’Arbitrage international :
- MM. L. Guéneau, ancien préfet, rue des Ricol-lets, 19, à Ne vers;
- Allard A., propriétaire, à Nevers ;
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- LÉ DÉ VOIR
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- Vachier Jean, propriétaire, à Monlet; Maurin Adolphe-Célestin, propriétaire, à Vernassal;
- Clergeat Hippolyte, à Frontès,par Monlet; Bonneval Eugène, propriétaire, à St*Juste, près Chomelix;
- Coiffîer Charles, propriétaire, à Fix-Saint-Genest ;
- Blanc-Giraud, négociant, à Allègre.
- LES TRANSPORTS EN FRANGE
- Nous prenons dans la République industrielle les renseignements suivants qui donneront la preuve de ce que nous avons avancé dans un récent article sur la crise ouvrière, que le prix des transports en France est une des causes importantes de la diminution de nos exportations.
- Supposons une expédition de deux caisses d’articles de Paris, envoyées en grande vitesse jusqu’à un point quelconque de la Méditerranée, Alexandrie, Tunis, Constantinople, etc. Ces deux colis pèsent 40 kilos et ont une valeur de 500 francs. A combien reviendra le transport par la voie Française ; et, comparativement, à combien reviendrait-il, si les mêmes marchandises étaient expédiées de Berlin, de Bruxelles ou de Londres.
- Le destinataire aura à payer 32 francs 60 si le colis est parti de Paris ; 14 francs s’il a ôté expédié de Londres ; 21 francs de Bruxelles, et 28 francs de Berlin.
- Autres exemples : L’expédition d’un colis de 25 kilos envoyé par voie française de Paris à Alger coûte 24 francs. Le même envoi partant, en grande vitesse toujours,de Bruxelles pour New-York coûtera 16 francs. Enfin le même colis, expédié du fond de l’Ecosse à Alger, par la voie anglaise, sera livré (grâce aux services de groupage) contre 15 francs pour tous frais.
- Dans le calcul que nous venons de faire, la marchandise évaluée à 500 francs est donc chargée de 2 fr. 50 0/0 de frais supplémentaires. Mais si nous ramenons l’évalationà un taux moyen, c’est-à-dire à 5 francs le kilog., soit 200 francs pour 40 küog , nous nous trouvons en face d'une différence de 5 0/0 sur la valeur totale de l’envoi. Cette différence est plus que suffisante, pour déterminer toujours l’acheteur étranger à se pourvoir chez nos voisins.
- L’Etat renonçant aux taxes exagérées qui grèvent les transports en grande vitesse, et les compagnies réduisant d’une somme égale les tarifs de grande vitesse, comme cela a été prévu par les conventions, on réaliserait une économie de 45 0/0 dans le prix des transports. Nous pourrions ainsi lutter avec avantage contre nos voisins.
- Enfin si l’Etat, rentrant dans la vérité économique, rendait la liberté à l’industrie des transports, les commissionnaires expéditeurs, c’est-à-dire l’industrie privée, arriveraient aisément par les combinaisons de groupage,formellement prohibées en France, et fonctionnant au plus grand bénéfice du public étranger, à réduire encore notablemement l’ensemble du prix de revient.
- Notre confrère a parfaitement raison, mais il oublie qu’une solution rationnelle est presque impossible depuis le vote des conventions, car, en réduisant les tarifs des chemins de fer, l’Etat n’aura pas les plus-values devant résulter du partage des bénéfices
- des compagnies au-dessus des mixima prévus ; d'autre part, l’abolition des taxes sera une nouvelle cause de déficit dans un budget qui crève de partout. Nous savons aussi que le maintien du statu-quo crée une situation défavorable à notre mouvement commercial. Nous payons les fautes de l’indifférence générale des citoyens qui ont laissé voter les conventions par des députés ignorants des conditions du bien public; et cela ne fait que commencer !
- Les numéros du Devoir contenant des articles sur la Question ouvrièie sont en voyés gratuitement aux députés ayant pris part aux débats sur la situation économique, et à leurs collègues qui ont l'habitude de s'occuper des lois sur le travail.
- LA QUESTION OUVRIÈRE
- IV
- Il n'est pas inutile de savoir comment la question ouvrière a pris une si grande place dans les travaux parlementaires et de préciser quelle situation lui était faite à la Chambre avant les débats qui ont abouti à la nomination de la Commission d’enquête.
- De nombreux projets, quelques-uns susceptibles de permettre une discussion à fond de la question sociale, dormaient paisiblement dans les bras des commissions parlementaires, d’où ils ne seraient jamais sortis, sans l’interpellation de M. Langlois, qui, elle-même, n’aurait probablement jamais vu le jour, si M. Maret n’eût pris l’initiative de convoquer l’Extrême-gauche, pour lui demander son concours en vue d’une interpellation devant mettre en demeure le ministre de faire connaître ses vues sur les complications d’ordre économique.
- M. Maret, vers la fin de l’année 1883, dans une réunion de ses électeurs, à la salle Lévis, s’était engagé à provoquer les explications du gouvernement. Fidèle à sa promesse et respectueux des saines traditions parlementaires, le député du xvn6 arrondissement, demanda à son groupe de régler les conditions de l’interpellation. L’Extrême-gauche fit bon accueil aux propositions de M. Maret. Elle s’occupait des détails de son intervention, lorsque surgit une demande d’interpellation émanant de M. Langlois.
- L’initiative de M. Maret etles premières dispositions de l’Extrême-gauche passaient ainsi au deuxième plan, et la majorité opportuniste et ministérielle avait la satisfaction de voir les groupes de gauche perdre les bénéfices d’avoir été les premiers à amener la Chambre à l’examen des questions économiques, lorsque le gouvernement commettait la faute de rester indifférent.
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- LE DEVOIR
- Aussitôt; les journaux 4e Paris et de Province ne cessèrent de parler de l’interpellation Langlois ; les publicistes de l’Extrême-gauche ne firent aucun ef> fort tendant à rétablir les faits.
- M. Langlois aurait dû comprendre que la question soulevée par M. Maret lui permettait, de prendre part à la discussion d’une façon complète. M. Lam glois n'ayant pas eu cette délicatesse, il revenait à la presse de préciser la situation au nom de la justice et de la conservation des bonnes traditions parler mentaires.
- *
- 4 *
- A en juger par Je nombre de projets de lois sou^ mis à la Chambre, on verra que ce n’était pas les occasion qui auraient manqué à nos députés, s’ils avaient été disposés à l'étude des questions économiques.
- Voici la liste des propositions confiées à diverses commissions. Nous les avons groupées en cinq caté-* gories, afin de procéder avec méthode,
- A
- V Enquête sur la situation des populations ouvrières;
- %* Abolition de la loi contre l’internationale,
- 3° Suppression de la loi sur les coalitions et la liberté du travail •
- 4° Contrat d'association.
- 5° Fonctionnement des conseils de Prud’hommes.
- 6° Travail dans les mines.
- B
- 79 Transport par les chemins de fer des ouvriers se rendant au travail.
- 8° Réduction des heures de travail dans les manufactures,
- C
- 99 Question des loyers.
- lû9 Assainissement des logements insalubres.
- D
- 11® Education de l’enfauce,
- 12° Enfants abandonnés*
- F
- 13* Participation des travailleurs dans les bénéfices.
- 14° Modification au mode de concession des mines, chemins de fer, etc-, etc.
- w
- 15° Sociétés de secours mutuels.
- 16* Caisse de la retraite pour les mineurs.
- 17° Caisse de la retraite pour la vieillesse.
- 18° Assurance obligatoire sur la vie.
- 19° Accidents dont les ouvriers sont victimes.
- G
- 20° Assiette do l’impôt.
- *
- * ¥
- Les projets du groupe A sont d’ordre politique et administratif. Ils visent un ensemble de réformes mûres dans l’esprit de quiconque prétend être un républicain.
- Discuter le fond môme de ces propositions est vouloir perdre son temps en discours inutiles.
- La promulgation de ces lois ne modifiera pas sensiblement la situation économique des travailleurs ; mais les classes laborieuses débarrassées des servitudes morales imposées par les lois liberticides apprendront à mieux connaître les causes de feqrs souffrances matérielles.
- Une enquête sérieuse révélant les conditions généralement malheureuses des travailleurs augmentera la solidarité des déshérités ; elle permettra en même temps aux humanitaires des classes riches de mieux diriger leurs efforts.
- L’abrogation de la loi sur l’internationale est nécessaire, parce qu’une natjon isplée, entourée de peuples livrés aux conséquences d’une concurrence sans frein, ne peut aller bien avant dans la solution des problèmes sociaux, si elle n’est suivie par la majorité des autres puissances possédant l’outillage perfectionné. Rien ne doit entraver l'expansion du peuple le plus avancé dans son organisation sociale.
- La coalition des salariés sera toujours impuissante contre les coalitions des capitalistes ; à plus forte raison, lorsque l'infériorité économique des travailleurs est aggravée par une législation favorable aux intérêts des privilégiés de la fortune.
- La liberté et la protection des contrats d’association est fa réforme politique la plus importante, bien qu’elle doive être sans effets immédiats pour la généralité des salariés. L’existence de la loi en faveur du contrat dissociation entre le capital et le travail améliorera la situation des rares travailleurs possesseurs de quelques épargnes et de ceux que quelques patrons veulent faire participer aux bénéfices. Au point de vue social, les premières réalisations auront surtout une valeur éducative • elles apprendront aux plus bornés comment la production peut fonctionner sans le patronnât ; elles permettront en qqtre de contrôler par la pratique les diverses conceptions sur l’organisation des associations.
- Tous les règlements que l’on pourra établir à l'occasion du travail dans les mines seront lettres-mortes, aqssi longtemps que le travailleur restera sous le régime du salariat, qu’il ne participera sta • tutairement aux bénéfices de l’exploitation des mines;
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- et que son indépendance ne sera pas effectivement garantie par les institutions d’une puissante mutualité nationale.
- * *
- Le transport à prix réduit des ouvriers se rendant au travail aura la conséquence dans la généralité des cas de faire diminuer les salaires, et de per-< mettre de produire avec le même capital une quantité plus considérable de travaux.
- Lorsqu’une localité n’est pas suffisamment pour-vue en travailleurs, il peut y avoir surenchérissement des salaires d’une façon préjudiciable à la production nationale. Le transport à prix réduits permettrait aux ouvriers de se rendre où le travail l’exige ; cela diminuerait les nuisances des chômages.
- La réduction des heures de travail dans les manu^ factures aurait l’avantage, théoriquement, d’ouvrir l’atelier à un plus grand nombre de bras pour un même travail. Mais il ne faudrait pas que le prix de la journée fût diminué; et cela n’est pas possible dans le présent, à moins que cett© réforme soit adoptée par toutes les puissances. Gomme une pareille entente n’est pas admissible à propos d’une question aussi discutable, il faut que la nation désireuse de réformer son ordre économique y porte du premier coup des modifications profondes, susoep? tjbles de procurer aux travailleurs des améliorations tellement apparentes, que les autres peuples enthousiasmés par cet exemple soient aussitôt entraînés à
- en demander l’application dans leur pays.
- *
- ♦ *
- La question des loyers à bon marché, sous le régime du salariat, est également insoluble, comme toutes les autres. Le capitaliste connaît tr@p bien les incertitudes et les misères des salariés pour engager des capitaux dans des spéculations, dont les revenus suivent les fluctuations du salariat.
- La question des loyers, comme celle des logements insalubres, avancera, lorsque les communes et l’Etat interviendront pour réformer l’habitation et l’approprier aux besoins et aux avantages de l’association.
- l^pus verrons alors les économistes s’incliner et prétendre, de crainte que l’Etat aille jusqu’au bout, qu’il n’y a pas de principe absolu, mais que pousser plus loin cette intervention serait faire œuvre antisociale. Les économistes ont toujours possédé l’aune de l’empirisme; ils l’allongent à mesure quq les classes dirigeantes deviennent par raison politique
- moins insensibles aux misères du prolétariat.
- *
- ♦ 4
- E’éduçatmu de l’enfance, ayant pour conséquence économique de conserver l’enfant à l’école jusqu’à
- un âge relativement avancé, d’imposer aux parents l’obligation de l’entretenir dans les conditions d’un bien-être relatif, d’exciter à la production des fournitures scolaires, offre sur place un débouché à la production, en même temps ^qu’elle protège une foule de jeunes apprentis qui, chez les peuples où l’enfance est abandonnée sans garanties à l’exploitation capitaliste, augmentent inutilement le nombre des causes de surproduction.
- Mais l’éducation des enfants abandonnés, que l’on fait travailler à prix réduits dans dos ateliers exceptionnellement bien outillés, car l’outillage est fourni par la société, détruit une partie des effets économiques salutaires de l’éducation de l’enfanoe, parce que les produits confectionnés par les enfants assistés sont préférés aux marchandises d’un prix plus élevé fabriquées par des adultes, souvent avec un outillage imparfait.
- Toujours l’impossibilité des améliorations sociales
- sous le régime du salariat 1 .
- *
- * *
- Une loi véritablement socialiste serait celle qui protégerait l’association basée sur la participation aux bénéfices proportionnellement aux concours, c’est-à-dire l’association dans laquelle le partage des bénéfices est réglé diaprés le salaire de chacun de ces éléments de la production, en partant de cette donnée que un franc de salaire a un drpifc égal à un franc d’intérêt payé au capital y que les bénéfices revenant au travail doivent être transformés en parts de propriété destinées à rembourser les possesseurs actuels de la matière et de l’oujtillage ; ce serait convertir le principe même du salariat, ce serait faire place au principe de l'association, qui, une fois reconnu, opérerait la transformation de notre régime industriel.
- On ne peut faire cette affirmation sans penser aux innombrables objections qu’elle soulève, et pourtant on ne peut raisonnablement nier que l’état actuel de l’industrie ne soit un régime homicide, nous demandons sommairement qu’il soit réformé comme toutes les pratiques attentatoires à, la vie humaine.
- Cette réforme peut se ménager avec toutes les précautions nécessaires pour éviter les écueils et les difficultés inhéreptes aux transformation^ brusques ; il suffit que le législateur favoriseT’association du travail et du capital en lui donnant l’appui de la légalité qui fait toujours uù péu défaut aux -choses pouyelles • Il qe fapt pas exagérer non plus les inconvénients résultant de l’immixtipn des ouvriers dans la conduite fiés entreprises; On pour^ff signale? plans *e prient ^ pratiques infiniment plus vexatoires d’une application jour-
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- nalière et qui ne soulèvent aucune protestation. Au reste, il existe déjà des entreprises basées sur participation ; et la plupart des patrons organisateurs de ces premiers groupes ont déclaré dans une enquête récente qu’ils avaient tous trouvé des moyens pratiques de rendre possible le contrôle des ouvriers, sans qu’il en résultât des inconvénients pour la bonne conduite des affaires.
- Les concessions données aux sociétés ouvrières avec un cahier des charges réservant l’observation des lois de la participation, et l’Etat ou les com munes, à défaut de particuliers, devenant commanditaires de ces entreprises, seraient' encore des réformes salutaires devant hâter la période de transition.
- *
- ¥ ¥
- Nous n’examinerons pas séparément les projets indiqués au groupe F leur ensemble doit constituer un département nouveau dans les services publics, celui de la Mutualité nationale.
- Comme nos conclusions aboutiront à proposer, pour base de l’alliance entre les travailleurs et les hommes publics, un traité contenant l’obligation de l’organisation immédiate des services de la Mutualité, nous n’insisterons pas ici sur la nécessité et la valeur de cette réforme.
- *
- ♦ «
- La réforme de l’assiette de l’impôt est trop complexe, et il existe de trop grandes divergences dans la manière de concevoir l’avenir, pour que l’on puisse subordonner la solution de la question ouvrière à l’adoption d’un nouveau système d’impôts.
- Nous pensons qu’il est nécessaire de faire fonctionner pendant quelques années, à côté des autres impôts, l’hérédité de l’Etat, telle que nous l’appliquerons dans notre projet d’organisation de la mutualité nationale.
- Au reste, nous ne pensons pas qu’il soit possible de concevoir et d’appliquer tout d’une pièce un système de revenus publics. On doit commencer par développer les associations ; à mesure que celles-ci deviendront plus nombreuses les améliorations budgétaires se présenteront naturellement.
- (A suivre).
- Aphorismes et Préceptes sociaux
- Protection de la vie humaine
- Les gouvernements dignes de ce nom sont ceux qui travaillent efficacement à la protection de l’existence du peuple ; tout homme d’Etat, qui n'a pas le Mende la vie du peuple pour objectif est indigne de la position qu'il occupe et n’est qu’un oppresseur des faibles sous une forme déguisée.
- Faits
- et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- ILa CliRmlbre. — Le ministère a obtenu le rote d’une loi sur les cris séditieux et les démonstrations publiques dans la rue. La loi votée est suffisamment obscure : les gouvernements pourront faire les interprétations les plus variées ; elle a toutes les qualités essentielles des lois de réaction. Le débat a donné lieu à quelques incidents que l’on peut considérer comme de véritables excitations au mépris de la magistrature, et des tribunaux. Le gouvernement soutenait que certains délits ne pouvaient être jugés sainement parle jury ; l’opposition prétendait que les tribunaux correctionnels n’offraient aucune garantie ; de telle sorte qu’une moitié de la Chambre incriminait une moitié de la magistrature, celle qui opère dans les cours d’assises; tandis que l’autre moitié de la Chambre mettrait en suspicion la seconde moitié de la magistrature, celle qui rend des arrêts dans les tribunaux correctionnels ; cela nous permet de conclure que la Chambre a été unanime à critiquer l’humanité de la magistrature.
- La Chambre a commencé la discussion de la loi sur l’instruction publique. Le gouvernement parait disposé à combattre les articles qui visent l’augmentation des traitements des instituteurs,sous prétexte que le budget de 1884 ne pourra faire face aux nouvelles dépenses proposées par ce projet de loi ; ces dépenses ne sont pas moindre de 20.000.000, pour ies premières années; elles s’élèveront progressivement jusqu’à 40.000.000. Les partisans du projet sont disposés à voter les articles en question sans se préoccuper des déficits qu’ils ont pour conséquence inévitable, à moins que quelqu’un ne profite de l’occasion pour démontrer que, si l’on supprimait le budget des cultes, on pourrait du premier coup porter le budget de l’instruction publique au maximum prévu par la nouvelle loi. Il serait véritablement opportun de voir un député influent prendre prétexte de cette situation pour mettre en demeure la Chambre de dire clairement si l’école doit disparaître en face de l’église, si le curé doit avoir le pas sur l’instituteur.
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- Le Ministère. — Le gouvernement dit parlementaire a été battu onze fois.
- Voici la liste des échecs :
- 1° Le rejet des 50 millions de la colonisation algérienne, demandés par M. Weldeck-Rousseau ;
- 2° L’adoption de l’amendement Philippotaux, malgré MM. Faillières et Ferry ; s
- 3° L’ordre du jour sur les viandes salées d’Amérique, blâmant M. Hérisson ;
- 4° Le refus du crédit pour les chemins de fer du Sénégal, malgré MM. Raynal et Félix Faure ;
- 5° L’adoption, malgré M. Tirard, de diverses dispositions additionnelles au budget ;
- 6° Le rejet, malgré M. Martin-Feuillée, de divers crédits pour les cultes ;
- 7° L’abandon forcé des projets sur les incompatibilités et sur le sectionnement de Paris ;
- 8° La nomination d’une commission d’enquête sur la situation des ouvriers de l’industrie de l’agriculture malgré M. Jules Ferry. '
- 9° La suppression de l’article 1er de la loi sur les manifestations séditieuses ;
- 10® L’adoption de l’amendement Gatineau dans la même loi, malgré M. Waldeck-Rousseau ;
- 11° L’adoption de l'amendement Goblet dans la même loi, malgré M. Martin-Feuillée.
- Il est certain que le public n’a rien à gagner aux changements de ministères qui ne sont pas suivis de modifications dans les choses soumises à l’action gouvernementale ; il est non moins évident qu’aucun des cas cités n'a pas lui-même assez d e gravité pour entraîner une crise ministérielle. Mais lorsqu’il est constaté
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- que, dans si peu de temps, le ministère s’est trouvé onze fois en divergence avec l’opinion de la représentation nationale, sans compter que, dans la plupart des cas où il a paru être d’accord avec elle, cette communauté de vue s’est établie généralement à la suite de manœuvres parlementaires plus ou moins avouables, on est disposé à douter des capacités et de la bonne volonté des ministres ne sachant pas ou ne voulant pas prendre en considération les manifestations de l’opinion publique. L’histoire des petits ruisseaux prouve surabondamment que les petits échecs parlementaires successifs engendrent les effondrements politiques.
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- La commission le l’impôt sur le revenu. — Cette commission, on le sait, a résolu de supprimer plusieurs taxes indirectes, pour les remplacer par un impôt sur le revenu jusqu’à concurrence du même produit.
- Les taxes qu’elle propose de supprimer sont les suivantes : impôt sur les boissons hygiéniques, impôt des prestations, droit de 10 0/0 sur les transports en grande vitesse, impôt sur le papier. Ces suppressions s’élèveraient à 260 millions, dont on retrouverait l’équivalent par un impôt sur le revenu ainsi calculé :
- Impôt de 6 0/0 sur les créances chirographaires et hypothécaires ; de 4 0/0 sur les valeurs mobilières, actuellement imposées à 3 0/0, de 3 0/0 sur toutes les rentes d’Etat ; de 2 1/2 0/0 sur les traitements de tous les fonctionnaires — tes officiers exceptés — et sur tous les ap -pointements des employés de l'industrie ou du commerce ;
- Impôt de 4,49 0/0 sur la propriété non bâtie et de 6,52 0/0 sur la propriété bâtie.
- Enfin relèvement de 15 0/0 sur la plupart des patentes ; pour ;es banques l’élévation serait de 50 0/0 et pour les agents de change de 100 0/0.
- La décision relative à l'impôt de 3 0/0 à établir sur la rente française a été prise hier par 9 voix contre 2.
- La commission d’enquête. — Cette commission se réunit fréquemment ; elle a déjà reçu de nombreuses dépositions de délégués ouvriers ; nous en reproduisons sommairement l’analyse, mais pas sans exprimer notre regret de voir les travailleurs affirmer avec une certaine précision l’intensité des troubles économiques sans oser exposer les solutions socialistes. Paris compte un grand nombre de groupes d’ouvriers socialistes. Ces citoyens ont tort de laisser échapper cette occasion de demander aux pouvoirs publics de se prononcer sur les réformes préconisées par les socialistes; s’ils persistent dans cette abstention,ils perdront d’abord une excellente occasion de propager leurs théories; puis, ils laisseront à leurs adversaires l’avantage de pouvoir leur reprocher plus tard d’avoir craint d’exposer leurs revendications devant des hommes capables de les discuter, que répondront-ils lorsqu’on interprétera leur conduite de l’heure présente comme un aveu d’impqissance et de défaut de conviction.
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- Les tailleur» de pierre. — Ils ont exposé que le nombre des ouvriers qui ôtait de 18,000 â Paris, il y a cinq ans, s’est abaissé depuis deux ans à 12,000, mais qu’il est encore trop élevé, puisque depuis environ seize mois, 2,000 seulement sont régulièrement occupés.
- Les conditions actuelles du travail, conditions qui ne peuvent guère s’améliorer, puisqu’elles sont acceptées par les compagnons qui viennent chaque année à Paris et s'en retournent ensuite, se résument ainsi : durée du j travail, douze à quatorze heures par jour ; salaire moyen, I 80 à 85 centimes l’heure. *
- Trois cents ouvriers sur mille retournent dans leurs [ pays au commencement de l’hiver. Il y a cinq ans, la ! proposition était inverse. j
- Le salaire actuel précité est celui que les entrepreneurs offraient il y a dix ans.
- Les délégués ont ajouté que la moyenne des journées
- annuelles de chaque tailleur de pierre était de 240 produisant environ 2,400 francs.
- La crise, vu l’état actuel des chantiers et les travaux de construction en perspective, ne leur paraît pas devoir prendre fin de sitôt.
- Invités à formuler les vœux de l’association, les délégués demandent que les patrons soient mis dans l'obligation de prélever, sur tous salaires, des cotisations qui permettraient d’assurer le fonctionnement de la caisse de secours, absolument insuffisante. Ils demandent également le renvoi et même la suppression complète des tâcherons.
- La durée du travail quotidien devrait être limitée à huit ou neuf heures, en raison des fatigues qu’il impose. Néanmoins, le salaire ne saurait être réduit à moins de 9 ou 10 fr. par jour.
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- OrnemanisteM eu carton-pierre. — Cette corporation, d’après les déclarations des délégués, comprend 1,800 ouvriers, mais l’association syndicale pro-proprement dite ne se compose plus aujourd’hui que de 100 membres. Les autres se sont retirés volontairement ou ont été rayés parce qu’ils ne payaient plus ou ne pouvaient plus payer la cotisation mensuelle.
- Il résulte de cette situation fâcheuse que 100 ou 130 ouvriers seulement sont employés une assez grande partie de l’année. Les autres subissent un chômage presque continnel et sont forcés de se livrer à d’autres travaux divers,ce qui ne facilite pas la reconstitution du syndicat sur des bases plus larges et plus solides.
- Les délégués ont fait remarquer aux commissaires qui leur demandaient les motifs de la crise, que l’exportation des produits parisiens de leur industrie avait diminué de cent pour cent, parce que la fabrication à l’extérieur a pris une réelle extension et ne laisse plus rien à désirer. De plus, la production est toujours supérieure à la vente.
- Le salaire, en temps normal, était fixé à 9 francs par jour. Il est descendu à 5 francs.
- Les délégués, en se retirerant sans formuler de vœux précis, ont exprimé l’espoir que le gouvernement rechercherait le moyen de venir en aide aux corporations les plus éprouvées.
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- Charpentiers). {— Les délégués ont fait connaître que, sur cinq mille ouvriers de cette profession, à Paris, trois mille cinq cents environ se trouvaient sans travail. Le salaire maximum est, depuis quelque temps, établi à 0 fr. 90 l’heure.
- Le syndicat s’occupe actuellement de l’organisation d’une caisse de secours et d’une caisse de retraites.
- Les délégués se sont plaint de la substitution presque générale du travail mécanique au travail des bras,et des Fâcheuses conséquences de l’article 11 du traité de Francfort.
- Divers membres de la commission ont ensuite adressé aux délégués quelques questions, entre autres la suivante, qui répond à l’une des principales préoccupations du Parlement : « La crise que subit votre industrie est-elle plus intense que l’an dernier ?
- L’un des délégués a répondu : « Non ; la situation des charpentiers, assez prospère en 1882, s’est depuis cette époque sensiblement aggravée, mais elle n’est pas pire en 1884 qu’en 1883. »
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- Scieurs de long1. — L'association des scieurs de long compte 950 membres; 300 environ ne travaillent que quelques jours par mois, à d’assez longs intervalles. 150 s’embauchent où ils peuvent, la plupart comme hommes de peine. La journée de travail, ont ajouté les délégués, est de 12 heures en été et de 8 en hiver. Le salaire est fixé conformément à la série de prix de la Yille, soit, en moyenne et ordinairement, à 83 centimes l’heure de travail ; actuellement, le prix de l’heure de travail varie de 60 a 70 centimes.
- Le malaise de cette industrie remonte à 1879. Le syn-
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- diçat possède une caisse de secours, mais elle ne peut venir en aide que dans une faible mesure aux membres sans travail.
- Peintre» décoraieur» en céramique. —
- Les délégués ont fait connaître qu’ils étaient au nombre de 900. Les deux tiers des ouvriers chôment actuellement. Ils travaillent dix heures par jour et le salaire est de 6 francs. Parmi les causes dont les ouvriers se plaignent, nous Citerons le travail des femmes, la concurrence étrangère, les droits mis par les Etats-Unis sur les objets français, le prix plus élevé en France qu’à l'étranger des conditions de la vie.
- Moulenrs céramistes*. Les mouleurs céramistes sont au nombre de 833, sur lesquels 269 travaillent actuellement- Les patrons ont réduit la journée de travail de 10 heures â 7 heures pour ne pas diminuer le nombre des ouvriers travaillant. Le prix de l’heure varie entre 45 et 68 centimes. Le principal grief des mouleurs est celui tiré de la concurrence étrangère.
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- Les fcm^eur» en t>rox>sEe. — Les fondeurs en bronze d’art et bronze mécanique sont au nombre de 1,600, sur lesquels 700 sont syndiqués. La crise qqi sé-yit sur cette industrie affecte également la branche dite du bronze mécanique.
- L’ouvrier gagne 6 fr. 80 par jour, mais en défalquant les jours de chômage le salaire ne s’élève en réalité qu’à 4 fr. 75, avec lesquels l’ouvrier ue peut pas entretenir Sa famille,
- La concurrence étrangère est redoutable et les délégués ont demandé, entre autres remèdes, un relèvement des droits de douanes.
- Colleurs de papiers. — La corporation dès colleurs de papiers compte 400 à 480 membres ; un tiers a actuellement du travail. La chambre syndicale de ce groupe a réuni cent membres,
- Le travail se fait aux pièces. Il y a encore six mois, en travaillant aux pièces, la moyenne delajournée était de 9 francs. Aujourd’hui là moyenne est de 3 francs, par suite de la diminution du travail. Le travail çgt de dix heures en temps normal. On compte dans la corporation Un cinquième d’étrangers, Belges ou Suisses. Depuis 1878, lé nombre des ouvriers colleurs a augmenté de 100 à 180.
- Les ouvriers voient la cause du malaise dans l’abus des constructions depuis quelques années.
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- Doreurs sur Dois, r— La corporation comprend 3,000 ouvriers ; 2,500 travaillent en temps normal- La Chambre syndicale comprend 150 adhérents. Le travail se fait 4 l’heure et chaque journée est de dix heures.
- Lé chomâge est permanent depuis 1832, le salaire s’élève 4. B fr. pour tps apprôteurs, à 9 fr. pour les doreurs. Le malaise est, au dire des délégués, l’eeuvre de nos gouvernants et de Ja fiuanee coalisés.
- Qn ne fait pins de travaux sérieux dans les ministères, les édlftçes pup4csi les musées.
- Au ministère de la guerre et de la marine, aucun travail n’a été entrepris depuis deux ans. Le garde-meuble, auquel était attachée une équipe d’ouvriers, n’en emploie plus un seul.
- La Société.de secours mutuels de cette corporation fonctionne irrégulièrement. Dans les plus mauvaises années avant 1882, aucun chômage n’a duré plus de trois mois.
- Aujourd’hui, les ouvriers les plus favorisés travaillent six mois sur dpuze.
- La concurrence étrangère, notamment celle de l'Allemagne, ne porte que spr qn seul article — lç chimique — qui constitue a peu près un cinquième de l'ensemble du travail,
- Un queHtionnaire opportun. — Nous n’avons pas été seul à nous étonner sur le silence du questionnaire opportuniste en ce qui concerne les moyens de vaincre et d’éviter les difficultés économiques. Le Radical publie une lettre, adressée à M. Maret, signalant quelques questions qui nous semblent devoir être prises en considérations par les enquêteurs sincères.
- Monsieur le député.
- Depuis quelque temps, on a fait beaucoup de bruit à propos de la question sociale,
- La proposition Langlois repoussée, il semble que tout ait été dit sur la question, et que le silence soit imposé par la prudence à tous ceux qui avaient soulevé le débat.
- D’ici peu de mois, la crise industrielle augmentant, l’opinion publique remettra sur le tapis cette discussion que l’on voudrait aujourd’hui étouffer.
- Afin d’être prêt à répondre victorieusement à la tribune, voici quel conseil je me permettrais.de vous donner, si les conseils d’un prolétaire pouvaient parvenir jusqu’à votre oreille,
- Poser à toutes les écoles (soit économistes soit socialistes) les quatre questions suivantes :
- î- Quels ont été les differents systèmes économiques qui ont régi les sociétés?
- 2‘ Pourquoi les mécanismes économique anciens sont-ils bien fonctionné pendant des siècles ;
- 3- Pourquoi sont-ils devenus impuissants à satisfaire les besoins actuels de la société, et quels sont ces besoins?
- 4* Quelles sont les conditions que doit remplir le nouveau mécanisme économique pour assurer la stabilité de l’ordre par la satisfaction de tous les besoins sociaux ?
- Lorsque toutes les écoles auront donné leur réponse, il vous sera peut-être alors possible de déposer entre les mains de la Chambre un projet de réformes qui puisse aboutir.
- Persuadé que mon conseil ne sera point goûté, j’ai l’honneur, etc.
- Ch. Barthélemy.
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- X^e>*4 chiffonniers <1© Paris. — Le conseil municipal de Paris a été saisi par M. Joffrin d’une pro-posiütion demandant que la ville de Paris indemnise ips chiffonniers de Paris expropriés pour cause d’utilité puhüque. Voici la proposition de M. Joffrin ; « Considérant que sous le régime actuel d’une société basée pur le droit personnel de propriété, la propriété de chaque çitqyeri doit être respectée et que nul n’en peut-être privé popr cause d’utiiité publique que moyennant une indemnité équitable ;
- « Qqe ce principe fut généralement respecté;
- « Que l’Etat, en 1849, par exempt, indemnisait de 126,000,000 de francs les propriétaires d’esclaves des colonies françaises qu’on dépouillait de leur propriété de chair humaine;
- « Que l’Etat a cru devoir indemniser de même les émigrés, les maîtres de poste, tous celix qui, par son action, sont privés de leurs propriétés ou de leurs revenus ;
- * Que, même quand l'expropriation n'est pas de son fait, pomme c’est le cas peur les sinistres, l’Etat indemnise souvent les victimes ;
- « Qqe, comme l’Etat, la vilje de Paris indemnise les propriétaires qu’elle dépouillé pour cause d’utilité publique;
- « Que, dans l’ordre social actuel, les ouvriers chiffonniers ont le droit d’être considérés comme les propriétaires légitimes de i’exerciqe de leur industrie et qu’on ne peut les en dépouiller, même momentanément sans les indemniser ;
- <k Le Conseil délibère :
- « Une indemnité sera allouée aux ouvriers chiffonniers nour le dommage qu’ils ont déjà subi, sans préjudice d’une autre indemnité, si, l’arrêté qui les concerne étapt maintenu, ils Ôtaient définitivement dépossédés de l’exercice de leur industrie, 4 8igné : Joffrin. »
- ♦ *
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- LE DBVOIR
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- Le commerce do la France en j anvier 1S84L. «- L'administration des douanes vient de publier les résultats généraux de notre commerce extôr rieur pendant le mois do janvier de l’année courante en les comparant avec les résultats correspondant de janvier 1883. Voici les chiffres de cette statistique :
- Importations 1884 1883
- Objets d’alimentation.... Matières nécessaires à l’in- 100.238.000 128.234.000
- dustrie 123.156.000 180.356.000
- Objets iahriqnés 40.589.000 50.401.000
- Autres marchandises.... 8.616 000 9.491.Q0Q
- Total 274.629.000 368.462.000
- Exportations
- Objets d’alimentation.... Matières nécessaires àl’im- 47.841.000 60.026.000
- dustrie Objets fabriqués 28.494.000 41.403.000
- 76.967.000 87.821.00Q
- Autres marchandises.... 6.922.000 8.417.000
- Total 160.224.000 197.667.000
- De cette première constatation on peut conclure que les bénéfices des exportateurs et des importateurs ont été aussi réduitsde 23 0/0; ce qui les dispose à diminuer leurs dépenses, lorsque la surproduction exigerait une augmentation dp la consommation.
- En 1883, la différence entre les importations et les exportations était de lOo.TOS'OOO francs, en faveur des premières ; en 1884 cette différence n’est plus que de 114 404.000 francs ; la France a donc payé en janvier 1884, un tribut à l’étranger moins élevé de 46 390.000 que celui payé l’ap dernier pendant le même mois. Cette situation serait très-avantageuse dans une société rationnellement organisée; mais, lorsque la fortune publique est possédée par quelques uns, la masse des déshérités voit fréquemment son bien-être n’avoir aucune relation directe avec les variations de la fortune publique: ainsi, u? abaissement de la fortune publique comme en 1884, entraîne un grand mouvement de marchandises, par suite il répand l'abondance des salaires ; tandis que le maintien de la fortune publique, lorsqu’il se produit sans résulter d’une balance de pertes et de gains ou d’un grand courant commercial n’ayant dopné ni pertes ni profits, la classe des salariés est fortement atteinte dans ses intérêts parce qu’elle a été privée des salaires résultant de la manutention des marchandises.
- Le fait le plus Inquiétant ressort de la comparaison des chiffres de l’exportation en 1884 et 1883 ; l’exporta-lipp en 1884, donne une diminution de 37.443.000 fr. sur un total des chiffres de l’année 1883. Il est évident que ces 37.448.000 francs sont représentés par des objets imbriqués qui» n’ayant pas trouvé les débouchés prévus vont encombrer le marché et amener une nouvelle dépréciation de la main d’œuvre.
- Nqs députés, notamment ceux qui font partie de la commission d’enquête, comprendrpnt-ils la portée de ees enseignements?
- MAROC
- Nous avons déjà signalé quelques symptômes permettant de supposer que la politique coloniale pourrait nous entraîner à, de graves embarras du côté du Maroc.
- Les dépêches dans le genre de la suivante rappellent singulièrement le langage des officieux pendant la préparation du conflit ayec le Topkin. L’agence Havas publiait récemment cette dépêche :
- Tanger, 10 février.
- « L’influence françaisse a fait faire un premier pas à la question de l’abolition de l’esclavage, qui a été à plusieurs reprises vainement deïqandée par les représentants des puissances européennes au Maroc.
- « Le chérif de Quazzan, cédant aux conseils pressants de M, OrdegfL représentant de la France au Maroc, donne l’exemple aux indigènes en renonçant, pour lui et sa famille, à la coutume de vendre ou d'acheter des esclaves. »
- D’autre part, les journaux espagnols prétendent que M. Chavagnac aurait acquis des terrains au Rif pour le compte du gouvernement français.
- Nous ne savons ce qu’il y a de vrai dans les affirmations de la presse espagnole ; ce qu’il y a de certain, C’est que M. Chavagnac, le représentant de la France, avait acheté une ferme au Kaïd Hadj AR, fine cette ferme a été brûlée et saccagée par les kabyles, et que le vendeur et ses partisans ont soutenu un combat contre les autres kabyles, dans lequel il y a eu trois blessés et quatre tués.
- Il n’y aucun inconvénient à laisser M. Chavagnac acheter des fermes des territoires pour son compte ou celui d’autrui, pouryp que l’on n’ait pas la folle prétention de commanecr par là un des coups de la politique coloniale comparable à ceux de Tunis et du Tonkin.
- ALLEMAGNE
- La («situation en Allemagne. — «La lutte a dit M. Say, dans une récente conférence, est engagée avec violence. D’un côté, le socialisme révolutionnaire affiche ses prétentions les plus extrêmes. C’est l’organisation de la société qu’il faut refaire ; c’est la loi de fer du salariat qu’il faut abolir; c’est le capital dont il faut briser le joug ; c’est une nouvelle distribution des profits qu’il faut inaugurer, et on déclare qu’on ne peut y arriver que par la révolution.
- % D’un autre côté, le socialisme soi-disant conservateur se déclare capable de résoudre la question sociale par des modifications que les organes existants des gouvernements peuvent apporter à la loi positive, et prétend pouvoir dominer l’antagonisme des intérêts par la contrainte. La violence gouvernementale a la prétention de refaire la société aussi radicalement que la violence révolutionnaire. Les uns et les autres suppriment la liberté, ici au profit de la révolution, là au profit des gouvernements.
- « Entre les deux, une école moyenne cherche à persuader aux peuples et aux gouvernants qu'il ne faut aller ni jusqu’à l’un ni jusqu’à l’autre des extrêmes. Elle reconnaît qu’il y a de? limites aux fonctions gouvernementales, mais elle les étend en reconnaissant que l’Etat doit avoir d’autres souefi que celui de garantir la sécurité des citoyens. Enfin, sur un terrain si réduit qu’on a de la peine à le découvrir, reste toujours sqr la, défensive l’auciepue école économique qui est débordée de tous les côtés et demande à traiter sur la base des concessions les moins étendues à l’omnipotence de l’Etat. »
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- Les marins allemands. — Le rapport de l’amirauté constate que le recrutement du personnel maritime donne, chaque année, de moins bons résultats ; aussi l’autorité a-t-elle prescrit de former des volontaires. L’amirauté s’efforcera ainsi de retenir le plus longtemps possible les marins exercés qui, aujourd’hui déjà, reçoivent une solde supérieure à des hommes de l’armée de terre.
- ANGLETERRE
- L'opinion publique est vivement inpressionnée par les événements d’Egypte.
- On prétend que le générai Gordon a fait afficher une prqç}amation dans laquelle il déclare que l’Angleterre reconnaît aux habitants du Soudan le droit de continuer à faire la traite des noirs.
- Les adversaires du ministère libéral de M. Gladstonne organisent de nombreuses réunions dans lesquelles ils obtiennent le vote d’ordres du jour engageant le gouvernement à sb séparer de ses conseillers et à dissoudre la Chambre des communes. Ce beau mouvement de pa*
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- LE DEVOIR
- triotisme des conservateurs anglais couvre une manœuvre politique ayant pour but de renverser le ministère et de faire nommer une nouvelle Chambre des communes, avant le vote d’une nouvelle loi électorale étendant le droit de suffrage.
- Patriotisme des conservateurs i
- ESPAGNE
- Dans un meeting tenu par les républicains, M. Gal-vez, un des chefs de l’insurrection de Garthagène, a parlé en faveur de l'Eglise libre dans l'Etat libre et de la République fédérative, il a ajouté que si les monarchistes laissaient aux citoyens l’exercice de leurs droits individuels, les républicains abandonneraient tout projet de conspiration. Dans le cas contraire, les républicains accepteront la lutte avec toutes ses conséquences.
- Correspondance d’Angleterre
- Chinese «Gordon
- (d’après C. H. Allen.)
- En ce moment, où les regards de l’Europe toute entière sont tournés vers l’Egypte, et où, comme première conséquence de l’écrasante défaite de Baker Pacha à Trinkitat, l’insurrection du Soudan prend de nouvelles forces et s’étend de plus en plus, il ne sera peut-être pas inopportun de faire connaître un peu par le détail la vie du général Gordon, autrement dit Chinese Gordon, de cet homme au sort duquel chacun s’intéresse et dont tout le monde parle aujourd’hui sans guère le connaître.
- Charles, G. Gordon naquit à Woolwich, le 28 janvier 1833 et descend d’une famille de soldats. Il fit ses études à Woolwich même, comme Cadet, et prit part à la guerre de Crimée, où il se fit déjà remarquer de ses chefs par son adresse à découvrir les mouvements de l’ennemi. Il était à cette époque officier du génie, et avait pour compagnon d’armes celui qui est aujourd’hui lord Wolseley. En 1858, Gordon fut nommé membre de la Commission chargée de la délimitation des frontières turco-russes.
- Deux ans plus tard, il faisait partie de l’expédition anglo-française en Chine. Il assista à la prise de Pékin et au pillage du Palais d’Eté.
- En 1863, le gouvernement Chinois ayant fait demander au gouvernement britannique de vouloir bien lui désigner un officier supérieur capable de prendre le commandement des troupes impériales qui fuyaient partout devant les Taï-Pings, Gordon, sondé par le gouvernement de la Reine, accepta les propositions qui lui étaient faites, se rendit en Chine, et alors commença pour lui cette série extraordinaire de succès, mérités d’ailleurs, auxquels il doit la grande notoriété dont il jouit.
- On se rappelle que cette révolte des Taï-Pings, qui ébranla jusque dans ses fondements le vieil em-
- pire chinois, fut l’œuyre d’un maître d’école fanatique, Hung, qui, comme le Mahdi de nos jours, se posant en prophète, parvint à attirer sous ses drapeaux plusieurs centaines de mille hommes à la tête desquels il commença sa guerre d’extermination contre la race Mandchoue.
- L'armée, à la tête de laquelle Gordon fut placé en arrivant en Chine, comptait environ 4,000 hommes mal armés et encore plus mai exercés, mais qu’il sût façonner et plier à une discipline sévère, en même temps qu’il parvint à leur inspirer une confiance illimitée. Il marchait toujours à leur tête, armé d’une simple baguette même au plus fort du combat, donnant sans cesse à ses troupes l’exemple de la plus grande intrépidité jointe à un sang-froid incroyable et à un bonheur qui tenait du prodige, si l’on songe qu’il ne reçut jamais qu’une blessure dans toute cette campagne de Chine où cependant il exposa si souvent ses jours.
- Disons encore que Gordon, lorsqu’il quitta le Céleste empire, était aussi pauvre qu’à son arrivée. LrEmpereur lui ayant envoyé dix mille Livres quelques temps avant son départ, il distribua cette somme à ses troupes sans en rien garder pour lui. Toutefois, il ne crut pas, par bien séance, devoir décliner les titres et les grades que lui conféra le Fils du Ciel, aussi Chinese Gordon est-il mandarin de première classe et a-t-il le droit de porter la plume de paon à son bonnet.
- Le Roi Céleste, comme les Taï-Pings désignaient leur chef Hung, ne possédait plus guère que Nanking, où il s’était fait couronner, lorsque Gordon rentra dans la vie civile. Avant do quitter définitivement la Chine, il eut la satisfaction d’apprendre que Nanking était tombée au pouvoir des troupes impériales. Qui ne se rappelle la fin dramatique de Hung et de ses femmes ?
- Dès son retour en Angleterre, le colonel Gordon, car tel était alors le rang qu’il occupait dansjl’armée anglaise, vint se fixer à Gravesend où, de 1865 à 1871, il travailla aux fortifications de la Tamise, donnant en même temps l’exemple de la plus grande charité et d’un dévoument illimité envers la classe pauvre.
- Sa maison, dit un témoin oculaire, ressemblait bien plus tantôt à une école, à un hôpital ou à une maison des pauvres (Alms-House), qu’à l’habitation d’un colonel du génie. » Non content de recueillir, d’élever, et, plus tard, de placer ses jeunes protégés qu’il allait chercher lui-même dans tous les cloaques de la grande ville ; il en vient à enseigner dans les ragged schools, c'est-à-dire dans ces écoles où l’on ne reçoit que les pauvres des pauvres, les gamins
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- des rues, les orphelins du pavé : thé Street-arabs.
- On le voit, Gordon-Pacha, comme on l’appelait en France, est non seulement un officier de talent doublé d’un diplomate, c’est encore un croyant convaincu, honnête, désintéressé et plein du feu sacré : il est du bois dont on fait les héros ou les martyrs, et quelquefois l’un et l’autre !
- En 1874 nous le retrouvons au Soudan où il avait été appelé par le Khédive pour y rétablir l’autorité égyptienne méconnue, et, sinon abolir, du moins entraver, réprimer le commerce des esclaves qui s’y était développé dans d’effrayantes proportions. En un mot, il devait y continuer l’œuvre de civilisation commencée par sir Samuel Baker sous Ismaïl.
- Le Soudan proprement dit; Beled-es-Soudan, ou Fays des Noirs, comprend l’imménse pays qui s’étend de l’Abyssinie à la Sénégambie, et des montagnes de Kong, du lac Oukérévé ou Victoria et du mont Kénia au Sahara et à la Nubie. Mais le Soudan égyptien, ou Soudan oriental, dont Gordon Pacha devenait le gouverneur général, s’étend seulement de la Méditerranée jusque vers l’Equateur, et a 1700 milles de longeur sur 700 de largeur, — Comme qui dirait la superficie de l'Europe moins la Rassie.
- Dans sa première expédition, le colonel Gordon remonta le Nil jusqu’au lac Albert Nyanza. Tout le long du fleuve, de Khartoum jusqu’aux lacs, il établit des postes militaires, et sur l’Albert Nyanza il monta un petit vapeur* En même temps il parvint grâce à sa dévorante activité et à son courage indomptable, à réprimer assez efficacement le trafic des esclaves.
- L’on ne saurait se faire une idée des difficultés qu’eut à vaincre Gordon Pacha, ainsi que des souffrances que lui et les siens endurèrent pendant les deux premières années qu’il passa dans le Soudan. Presque tous les blancs qui l’accompagnaient moururent sur la terre d’Afrique, ou se virent obligés de regagner l’Europe pour échapper à la mort. Son propre domestique, un allemand, qui cependant lui était très-attaché, l’abandonna et s’enfuit un beau jour. Gordon fit à cette occasion la remarque suivante qui dépeint bien l’homme : « Tant mieux, après tout ! Le meilleur domestique que j’aie jamais eu, c’est moi ; celui-là fait toujours ce que je veux. »
- Que l’on me permette de citer encore les lignes suivantes extraites de lettres particulières écrites par lui en 1874, et qui nous montrent le côté religieux de l’homme : « J’ai une énorme province à administrer, mais ce m’est une véritable bénédiction
- {« blessing ») de penser que Dieu en a entrepris l’administration, et que c’est son travail et non le mien. Si j'échoue, c’est qu’il aura voulu; si je réussis, ce sera son ouvrage. »
- Et ailleurs : * Je suis devenu ce que l’on est convenu d’appeler fataliste, c’est-à-dire que je me fie à Dieu pour me tirer de difficulté. La grandeur solitaire du désert nous fait sentir combien sont vains les efforts de l'homme ! »
- Gordon rentra en Angleterre en 1876; mais en 1877, le Khédive Ismaïl parvint à le décider à accepter de nouveau le poste de gouverneur général du Soudan, mais, cette fois, avec des pouvoirs pour ainsi dire illimités.
- Alors eut lieu sa seconde expédition aux lacs. Le 18 février 1877, il quittait le Caire pour Suez, en route pour Massouak où il arrivait le 27, et d’où il se lançait quelques mois dans le désert.
- Quelques mois plus tard, après avoir arrêté de nombreuses caravanes d’esclaves qu’il rendait à la liberté après s’être rendu presque seul à Dara, dans le camp même du plus redoutable de ces marchands de chair humaine auquel il parvint à imposer sa volonté à force d’audace et de confiance en lui-même, Gordon Pacha avait acquis la certitude que l’entière suppression du honteux trafic qu’il poursuivait avec tant de vigueur, et même de succès, était pour ainsi dire impossible :
- « Lorsque vous parviendrez, écrivait-il à ce propos, à extraire l’encre qu'a bue une feuille de papier buvard, cejour là, l’esclavage cessera dans ce pays! »
- Et cependant, il avait tout fait pour y mettre fin : il s’était multiplié, payant toujours de sa personne, faisant à dos de chameau des milliers de milles pour surprendre les marchands d’hommes, ne s’épargnant pas plus les fatigues qu’il ne redoutait les dangers; mais se sentant mal soutenu au Caire, il perdit courage devant l’immensité de sa tâche et son isolement, et au mois de juillet 1877 il quittait de nouveau le Soudan, ne se doutant guère qu’il devait y retourner sept ans plus tard dans des conditions bien différentes..
- Depuis, on Ta vu tour à tour en Abyssinie, où il a risqué sa vie ; en Chine où son influence n’aurait, paraît-il, pas peu contribué à aplanir les difficultés qui s’étaient élevés entre la Russie et le Céleste-Empire; aux Indes enfin, où il ne fit que passer, donnant bientôt sa démission de secrétaire de lord Ripon, place qu’il n’aurait jamais dù accepter.
- C’est à Bruxelles qu’il était en dernier lieu, à Bruxelles où l’avait appelé le roi des Belges et qu’il allait quitter pour aller nous faire pièce au Congo,
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- LE DEVOIR
- lorsque le gouvernement britannique lui offrit la mission que l’on sait et que l’on peut, sans trop s’avancer, considérer dès aujourd’hui comme avortée.
- Quoique Chinese Gordon ne soit pas, tant s’en faut, un ami de la France, nous ne pouvons nous empêcher de faire des vœux pour qu’il revienne sain et sauf de sa dernière expéditio n au Pays des Noirs.
- Londres, le 10 février 1884.
- P.-L. Maistre.
- ÉCOLES DD FAMILISTÈRE
- Devoir sur la vue
- La vue est le pouvoir, que nous donnent les yeux, devoir dans l’espace les objets, leurs mouvements, leur forme, leurs dimensions et leurs couleurs. Elle est aussi le toucher par l’œil des rayons lumineux.
- A l’aide de la vue nous percevons la lumière, et un physicien a dit que beaucoup de phénomènes tendent à faire penser que la lumière est composée de particules matérielles extrêmement petites qui se meuvent dans l’espace avec une rapidité incroyable.
- La lumière est un vrai secret de la nature, et aussi un seGret de la science. L’agent indispensable de la vue est l’œil, les yeux sont des miroirs dans lesquels les choses nous sont représentées comme des images.
- C’est à l’aide de la vue qu'on est parvenu à découvrir les lois de l’astronomie et toutes les sciences, et nous pouvons dire que la vue est une faculté supérieure.
- L’œil est composé de diverses parties, savoir : la sclérotique qui enveloppe l'œil, le cristallin qui se trouve derrière la cornée, partie transparente de l’œil, la rétine qui enveloppe l’humeur vitrée, l’iris percé de la pupille et le nerf optique. La privation de la vue s’appelle la cécité.
- Il y a des personnes qui se servent de l’œil pour surveiller les autres et leur faire du mal. Au Familistère ce n'est pas cela ; les habitants doivent s’en servir pour voir faire le bien et l’exécuter ; il est probable qu’un jour les Familistériens accepteront cette devise : « Vivre au grand jour ! »
- LHOTE Louis,
- Agé de il ans et demi.
- LE RÉGIT D’UN BUVEUR D’EAU
- PAR
- Médérie CHABOT
- Je revenais d’une excursion dans la vallée de l’Au-betin, lorsque je fus surpris par l’orage. Une maison s’offrit à moi. Modeste, elle dominait les hauteurs boisées, mais en s’abritant sous la verdure comme un doux nid dans le feuillage. Avec ses persiennes vertes et sa façade toute blanche, elle avait je ne sais quel air accorte et hospitalier. Un jardin clos de murs l’isolait du village, dont on apercevait plus loin le clocher s’élever dans les nues. De larges gouttes de pluie commençaient à tomber : j’entrai dans la maison. Je connafssais d’ailleurs le propriétaire — un
- vieux brave homme du nom de Jean Thomâsset — pour l’avoir déjà rencontré. Sa femme étant allée voir les enfants et petits-enfants du côté de Vaudoy, je le trouvai seul, assis en face d’un jambon, d’un morceau de veau froid et d’une salade qu’il m’offrit de partager avec lui. G’était l’heure du déjeuner ; j’acceptai cordialement l’invitation. Alors, tout en mangeant, nous nous mîmes à causer : de ceci, de cela et d’autre chose encore. En somme, la conversation ne roula guère que sur la pluie, le beau temps, la situation des affaires, l’Exposition universelle et les élections de l’an dernier. Ces divers sujets épuisés, nous serions peut-être demeurés à nous regarder bouche close, n’ayant plus rien à manger et n’ayant plus rien à nous dire, sans une remarque que j’avais faite à plusieurs reprises pendant le repas, et dont je me permis de témoigner tout haut mon très-vif étonnement. Ge qui me valut, bons Briards mes amis, ie petit récit que vous allez lire.
- « Pourquoi je mets tant d’eau dans mon vin ? me demanda mon hôte après avoir savouré longuement le liquide à peine rosé contenu dans son verre, c’est une histoire, ma foi, bien simple et qui no date pas d’hier. Cela remonte aux premiers temps de mon mariage. Il y avait à peine un an que Claudine Gé* nisson et moi nous nous étions présentés, accompagnés de nos parents en habits de fête, par-devant M. le maire, qui nous avait lu quelques articles du code et flous avait déclarés, en bonne et due forme, unis par le mariage. La Claudineite et moi, nous étions pauvres, mais nous nous aimions bien. Une petite fille nous était venue dix mois après la noce, et je n’ai pas besoin de vous dire que nous l’aimions bien aussi. Je travaillais alors comme ouvrier charpentier chez le père Morissot, un entrepreneur habile et bien note dans le pays. Ma femme était connue comme la couturière et la lingère la plus adroite de la contrée : elle cumulait, et la besogne ne lui manquait pas. La maison que nous habitions n'était pas à nous ; mais nous savions que le propriétaire avait envie de la vendre, et je crois bien que ma femme avait déjà mis de côté quelques écus dans l’intention de l’acheter. Elle trouvait, non sans quelque raison, que c’est un premier avaatage d’être maître chez soi et de n’avoir pas de loyer à payer. Bref, tout aurait été pour le mieux, malgré notre pauvreté, si je n'avais eu un défaut, un satané défaut malheureusement trop commun : j’aimais à boire. Cela m’était venu de jeunesse, sur mon tour de France, car, tel que vous me voyez, j’ai fait mon tour de France comme compagnon du Devoir, et, avant que d’être patron, j’ai longtemps travaillé et peiné pour les autres.
- J'aimais donc à boire. Le matin, quand le ciel est gris et terne, les ouvriers se disent entre eux qu'avant de se mettre à l’ouvrage il faut vider un verre pour combattre le mauvais air. Lorsque la journée au contraire promet d’être belle, on se salue en se disant : « Beau temps, l’ami, ce matin, » et, sans s’être donné ie mot, on s’en va boire encore un verre, pour n’en point perdre l’habitude. Si la chose se bornait toujours là, il n’y aurait pas grand mal-, ce ne serait qu'une viDgtaine de francs de perdus sur lé budget de l’année. Seulement,il y a un malheur : c'est que lorsque l’on se trouve, à huit ou dix, réunis autour d’une table de cabaret, l'on ne se contente pas ordinairement d’une simple tournée. Il arrive trop souvent que chacun veut payer la sienne, et alors c’est le diable pour se décider à s’en aller. Et puis, comment travailler, d'ailleurs, après de semblables libations ? On se sent mal aux cheveux, les pieds ne sont
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- pas sûrs ; le plus sage est encore de rentrer au logis. On revient donc à la maison. Dire que la femme est de mauvaise humeur me paraît inutile, et, pour peu que la femme — comme c’est son droit en pareil cas
- __ne se montre pas bien satisfaite non plus, ce sont
- des reproches, des explications, ce sont des scènes 1
- « Il y avait alors, à l’entrée du village, une petite maison basse, à la toiture de chaume^ dont vous ne trouveriez plus trace aujourd’hui. C’était l’auberge de la mère Marion. Un gui pendait au-dessus de la porte. Deux fenêtres à petites vitres carrées s’ouvraient sur la rue, Le crépi se détachait des murs. Une vraie bicoque. On sentait, rien qu’à la regarder, comme une odeur de mauvais gîte. Au dehors, c’était laid ; au dedans, c’était sombre. Quand un rayon de soleil pénétrait en ôe lieu, il avait l’air de ne savoir où se trouver. Et, de fait, la maison n’avait pas bonne réputation. Marchands de balais et braconniers y tenaient parfois la huit des conciliabules dont le respect de la propriété ne faisait pas toujours absolument les frais. Seulement — et cela prouve bien que les plus mauvaises choses peuvent avoir leur bon côté — le cabaret de la mère Marion était réputé pour la qualité des diverses boissons qu’il offrait à ses consommateurs. Il y avait là certain vih blanc dont on parlait jusqu’à Beautheil, Touquin, Porameuse et autres lieux. Je ne sais d’où la mère Marion le tirait ; mais pour un fameux vin blanc, c’était un fameux vin blanc, et quand, additionné de sucre et de citron, le clair et savoureux liquide pétillait dans le saladier à fleurs bleues dont la vieille aubergiste se servait pour faire ses marquises, un saint, un anachorète, mieux encore, un vrai disciple du Co-ran se serait damné pour en boire 4 Le vin rôüge arrivait de Bourgogne en droite ligne : ce n’était pas de ses liquides épais et noirâtres, à couper au couteau, dont la vue seule vous rassasie un homme comme s’il avait beaucoup mangé, mais quelque chose, au contraire, de rayonnant, de pimpant, de léger, et qui semblait chanter dans le verre. Tout cela, servi dans ce bouge obscur, faisait une violente antithèse à l’air malsain et désolé de l’endroit. Et, quant à l’eau-de-viè, elle était sinon fine de goût, du moins forte en alcool et d’excellente provenance. Aussi fallait-il voir la vogue des petits verres de la vieille cabaretière : il n’était fllâ de bonne mère, parmi les ouvriers du pays,qui n’en absorbât chaque matin sa petite demi-douzaine.
- « Or, un jour que je me rendais au travail, il m’arriva de m’attarder au cabaret de la mère Marion, et de passer de l’eau-de-vie au vin blanc, du vin blanc au vin rouge, sans penser lè moins du monde à mal et sans me rendre compte du temps èt de l’argent perdus. Nous étions là six bu sept, parmi lesquels un ivrogne émérite venu jadis on ne sait d’où, et qui se nommait d’un nom étrange : Martin Lereboucart. Ce Martin Lereboucart n’était pas un ouvrier comme nous autres: c’est tout au plus s’il trouvait le temps, un jour sur sept, d’exercôr tantôt le métier de bûcheron, tantôt celui de laboureur; on le soupçonnait, en revanche, de se livrer a la braconne et d'exploiter* à son profit, les fourrés giboyeux de la forêt de Malvoisine. Le bruit avait même couru jadis qu’un garde-chasse avait été tué par lui : une façon d’échapper à la correctionnelle. On rencontre un brave garçon dont le devoir est de vous dresser procès-verbal : un coup de fusil vous débarrasse de l’importun et de son témoignage. On était braconnier, on devient criminel ; mais on n’est pas dénoncé, et l'on peut continuer tranquillement son honnête petit commerce.
- Oh ! l’horrible passion que celle du braconnage ! et dire que si je m’étais laissé aller à l’ivrognerie, — car tout se tient dans la vie, et les vices sont entre eux comme les anneaux d’une même chaîne, — dire que si je m’étais laissé aller à l’ivrognerie, je serais peut-être devenu, moi aussi, par la suite des temps, un Martin Lereboucart ! Oela fait frémir rien que d’y penser.
- « A la vérité, ni mes camarades ni moi n’avions jamais recherché la compagnie de ce Martin : nous l’aurions plutôt évité ; mais ce matin-là il était avec nous, buvaht, jurant, sacrant, jouant aux cartes, racontant des histoires, et chantant dans sa barbe rousse toutes sortes de refrains que je ne vous dirai pas, mais qui avaient le privilège d’égayer au plus haut degré la vieille Marion. La cabaretière, au surplus, n’etait pas seule à rire, et pour dire les choses comme elles sont, tout le monde s’amusait. Moi, pourtant, de temps â autre, je regardais du côté de la porte. Déjà, vers neuf heures, il m’avait semblé voir apparaître dans la rue l’image bien connue de ma ménagère, inquiète de ne pas me voir rentrer pour le déjeuner. Apercevant ma bisaiguë dressée contre le mur, auprès de l’entrée du cabaret, elle avait compris que j’étais là. Un moment même, j’avais craint qu’elle ne poussât plus avant sa démarche, mais, entendant les chants, les éclats de voix, les rires qui S’échappaient de ce lieu de libre joyeuseté, la brave femme n’avalt pas osé. Elle s’était retirée $ ce* pendant j’aurais volontiers juré qu’elle n’était pas loin, et que, profitant de l’aagle ombragé d’une haie de sureaux peu distante de l’auberge, elle y venait par instants pour épier encore.
- Médéric Charot {A suivre).
- ETAT-CIVIL DD FAMILISTÈRE
- Semaine du 11 au 17 Février 1884
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- Le 16 Février, de Leguiiler Marcel-Eugène, fils de Lêguiller Louis et de Blondelle Marie.
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- Le 11 Février, de Briquet Fernand, âgé de 21 ans 2 mois.
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- VIENT DE PARAITRE :
- T .F. gouvernement, ce qu’il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action.
- Ce volume met en lumière le rôle des pouvoirs et des gouvernements, le principe des droits de l’homme, les garanties dues à la vie humaine, le perfectionnement du suffrage universel de façon à en faire l’expression de la souveraineté du peuple, l’organisation de la paix européenne, une nouvelle constitution du droit de propriété, la réforme des impôts, l’instruction publique première école de la souveraineté, l’association des ouvriers aux bénéfices de l’industrie, les habitations ouvrières, etc., etc.
- L’ouvrage est terminé par une proposition de loi à la Chambre des députés sur l’organisation de l’assurance nationale de tous les citoyens contre la misère.
- In-8° broché, avec portrait de l’auteur . . 8 fr.
- MUTUALITÉ NATIONALE CONTRE LA MISÈRE. — Pétition et proposition de loi à la Chambre des députés.
- Brochure in-8°. extraite du volume « Le Gouvernement »...............................i fr. 50
- MUTUALITÉ SOCIALE & ASSOCIATION DU CAPITAL & DU TRAVAIL ou extinction du paupérisme par la consécration du droit naturel des faibles au nécessaire et du droit des travailleurs à participer aux bénéfices de la production.
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- In-8° broché, avec la vue générale des établissements de l’association.......................5 fr.
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- SOLUTIONS SOCIALES. — Exposition philosophique et sociale de l’œuvre du Familistère avec la vue générale de l’établissement, les vues intérieures du palais, plans et nombreuses gravures :
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- S8 Année, Tome 8, - n° 286 £e numéro hebdomadaire 20 e, IJimanche 2 Mars 1884
- LE
- EV0IR
- BEVUE «ES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU
- A GtJISE (Aisne
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODÎN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France Union postale
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- ON S’ ABONNE
- A PARIS
- 5,r.Neuve-des-petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES ET POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1. — Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- 4. — Organisation du suffrage universel par Vunité de collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement général à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile ;
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens ;
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter;
- La représentation par les supériorités.
- 5. Renouvellement annuel de moitié de la Chambre des députés et de tous les corps élus. La volonté du peuple souverain toujours ainsi mise en évidence.
- 6. — Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues par le suffrage universel.
- 7. — Egalité civile et politique de l’homme et de la femme.
- 8. — Le mariage, lien d’affection.
- Faculté du divorce.
- 9. — Education et instruction primaires, gratuites et obligatoires pour tous les enfants.
- ' Les examens et concours généralisés avec élection des élèves par leurs pairs dans toutes les écoles. Diplôme constatant la série des mérites intellectuels et moraux de chaque élève.
- 10- — Ecoles spèciales, nationales, correspondantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- 11. — Suppression du budget des cultes. Séparation de l’Eglise et de l’Etat.
- 12. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 13. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit df héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- 14. — Hérédité progressive de VEtat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatérale à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dans une juste mesure, retour à la société qui a aidé à les produire.
- 15. — Remboursement des dettes publiques avec les ressources de l’hérédité.
- 16. Organisation nationale des garanties et de l’assurance mutuelles contre la misère.
- 17. —Suppression des emprunts d'Etat.
- 18. '— Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 19. — Liberté d’association.
- 20. — Réforme des habitations insalubre les
- villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21. — Libre échange entre les nations.
- 22. — Abolition de la guerre offensive.
- 23. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 24. — Désarmement européen.
- 25. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire.
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- LE DEVOIR
- SOMMAIRE
- Révision du suffrage universel. — Comité Fédéra^ de la Ligue de la paix. — Adhésions à la Ligue fédérale. — Une conversion. — Les vrais Patriotes. Uarhitrage international. — Préceptes et aphorismes. — Question ouvrière. — Faits politiques et sociaux. — Correspondance d'Angleterre. — N eu* tralisation. — Ecoles du Familistère. —* Mémoires d'un buveur d'eau.
- J3Êtk ’WT'VMa
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l'administration fait présenter une quittance d'abonnement.
- RÉVISION DU SUFFRAGE UNIVERSEL
- Nous avons à développer les articles suivants du programme du « Devoir » ;
- . 3. — Réforme du régime parlementaire par tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- 4. — Organisation du suffrage universel par Vunité de collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant par bulletin de liste pour autant de députés qu’il y a de grandes divisions des affaires publiques ou de ministères.
- Dépouillement du scrutin dans chaque commune; recensement général h Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vetutile ;
- L’égalité devant l'urne pour tous les citoyens;
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter ;
- La représentation par les supériorités.
- 5. — Renouvellement annuel de moitié de la Chambre des députés et de tous les corps élus. La volonté du peuple souverain toujours ainsi mise en évidence.
- Tels sont les moyens que je propose pour nous faire entrer dans la période honnête et digne du suffrage ?
- Il est vraiment monstrueux que tous les pouvoirs publies, en dehors des courts instants de gouvernement populaire, aient jusqu’ici fait tous leurs efforts pour annihiler le suffrage universel.
- La Restauration, le règne de Louis-Philippe et l’Empire ont tout fait pour opprimer et corrompre les divers modes de suffrages. Au lieu d’ouvrir aux électeurs un libre champ d’examen et de discussion, au lieu d’obliger les candidats à se faire bien connaître et de permettre aux électeurs de les bien étudier, on a cherché à faire partout l’obscurité et le silence .
- Au lieu de multiplier les moyens d’information dans le choix des hommes, on a restreint ces moyens à la plus étroite limite ; au lieu d’ouvrir des listes nationales de candidats, une Chambre, « élue dans nos jours de malheurs, « a maintenu le scrutin uninominal de circonscription imaginé par le despotisme, scrutin de corruption politique, qui gangrène le corps social. Cette assemblée, continuant les traditions de l’empire, a fait tout son possible pour empêcher le réveil du peuple et pour continuer le régime de votation inventé au sujet de la candidature officielle.
- Sortirons-nous bientôt de ce cloaque d’immondices sociales ? En arriverons-nous bientôt au suffrage éclairé et libre, au suffrage vraiment national, donnant au citoyen la liberté du choix, lui permettant de voter pour autant de députés qu’il y a de départements ministériels, faisant que chaque électeur vote pour un même nombre de députés, établissant ainsi l’égalité des citoyens devant l’urne et portant l’influence du suffrage dans toutes les affaires du pays.
- Il est difficile d’entrevoir comment nos députés consentiront â réformer le régime qui les a fait naître. Combien parmi eux craindront qu'une forme de votation rationnelle et démocratique leur ferme les portes de la députation ?
- Il est du reste bien difficile de ne pas aimer son père et sa mère ; le député est l’enfant de la circonscription et du suffrage restreint. Quels que soient les taches originelles et humiliantes de son lieu de naissance, il conservera du penchant pour lui. Il est donc probable que les députés maintiendront le suffrage restreint qui conduit la France aux abîmes.
- Comment trouver l’issue et la fin de la politique impuissante de ces Chambres sorties du suffrage restreint, si ce n’est par l’organisation d’un suffrage
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- tout opposé, si ce n’est en donnant à l’électeur pour ] libre champ de vote la nation toute entière, afin qu’il y fasse choix de ses candidats, qu’au lieu d’avoir à voter dans une circonscription pour un candidat de rencontre dont la nomination s’impose puisque l’électeur ne peut qu’accepter ou s’abstenir, cet électeur ait la possibilité d’inscrire sur son bulletin environ douze noms de son choix, parmi un millier ou plus de candidats se recommandant à l’attention publique dans toute l’étendue de la na tion.
- Admettons pour un instant que nos députés actuels, bien qu’élus par le suffrage restreint, soient tous réélus sous ce nouveau mode de suffrage, comme étant les hommes les plus capables, les plus instruits, les meilleurs de la nation et les plus dévoués aux intérêts publics, eh bien 1 ces mêmes députés,sortis du suffrage national et soumis par moitié à la réélection annuelle, ne seraient plus en réalité les mêmes législateurs ; ce seraient des serviteurs relevant d’un autre maître ; chacun d’eux ne serait plus le député d’une circonscription et d’une coterie, il serait le député de la France et de la République.
- Le renouvellement annuel d'une partie de la Chambre des députés préciserait la pensée et la volonté du pays, l’esprit public sortirait de son atonie et les députés suivraient les impulsions et les volontés du souverain.
- Evidemment, le suffrage national serait inspiré d’autres sentiments que le suffrage restreint de la circonscription. Les candidats ne se présenteraient plus pour se mettre au service des intérêts égoïstes d’un canton, mais pour se mettre au service et à la disposition du pays tout entier. La pourriture locale s'effacerait sous la circulation de la sève nationale et la France retrouverait la noblesse et la grandeur de son rôle dans le monde.
- Le régime de la députation servile, organe des intérêts individuels, ferait place au régime de la députation libre, organe des intérêts nationaux et des vrais principes sociaux ; les fonctions publiques se relèveraient vite de l’état d’avilissement dans lequel elles sont tombées.
- Français, rejetez-donc loin de vous ces formes de votation imposées au suffrage universel par la tyrannie et le despotisme.
- Demandez la liberté du vote, l’égalité devant f urne. Que tout citoyen français vote pour un même nombre de candidats : que chacun puisse donner sa voix à ceux qu’il croit dignes de sa confiance avec la certitude de voir ses votes utilement recensés.
- Demandez la suppression des élections partielles
- et leur remplacement par des élections générales annuelles, portant sur la moitié du nombre des députés ; de cette façon vous mettrez fin à ces compétitions qui déshonorent le parlementarisme, car vous pourrez congédier les députés incapables ou infidèles et châtier ceux qui auront sacrifié l’intérêt public à leurs convenances personnelles.
- Demandez non seulement les élections générales au scrutin de liste nationale pour les assemblées législatives, mais aussi les élections au scrutin de liste départementale pour les conseils généraux et les élections au scrutin de liste communale pour les conseils municipaux ; vous ramènerez ainsi à la vie publique dans le corps électoral et aussitôt la vie nationale se réveillera dans tous les pouvoirs publics ;
- Les chambres cesseront de piétiner sur place, sans pouvoir faire de lois utiles ;
- Les ambitions désordonnées seront soumises à la censure de l’élection ;
- Les compétitions et les convoitises cesseront devant le jugement des électeurs ;
- Les membres des corps élus seront obligés de faire œuvre utile ;
- Le suffrage national votera sur des programmes définis et arrêtés par les candidats ;
- Les députés qui failliront à leur mandant seront, après deux ans d’exercice, jugés d’après leurs enga-ments mêmes par le suffrage de la nation entière ;
- Chaque année enfin, les Chambres, recevant les impressions nouvelles des élections générales, seront tenues de s’y conformer. Ce sera le véritable gouvernement du pays parle pays même.
- COMITÉ DE PARIS
- DE LA
- FÉDÉRATION INTERNATIONALE
- De l’Arbitrage et d<e la IPaix
- 37, rue Brochant> PARIS
- Le groupe ci-dessus désigné est l’une des assoeûlious nationales qui se créant en ce moment dans les divers Etats de l’Europe, et dont chacune fera partie d’une Fédération générale.
- Chaque association nationale aura son caractère propre et poursuivra son objet avec une complète indépendance, mais elle communiquera avec toutes ies autres par d’actives correspondances, par des réunions périodiques, par des envois de délégués et par des congrès internationaux. Leur objet commun sera de provoquera paix et la bonne entente entre les nations, elles devront
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- LM DJBVOIK
- toutes pousser à la substitution de l’arbitrage à la guerre dans le règlement de tous les différends Internationaux.
- Les moyens d’action pourront varier selon les circonstances, la position et les tendances des différentes nations où ces associations sont établies ; mais, d’une façon générale, ces moyens seront les suivants :
- 1° Eduquer et organiser l’opinion publique pour la disposer en faveur du règlement des difficultés par l’arbitrage ;
- 2° Exercer une pression sur les candidats au moment des élections et en général sur les gouvernements représentatifs ;
- 3° Recourir à la presse, aux publications spéciales, aux réunions publiques, aux conférences et aux congrès.
- Il n'cst aucune lâche que l'opinion publique ne puisse accomplir dans des Etats libres, si elle est dûment éclairée et organisée.
- Le but spécial que poursuit la Fédération est celui-ci: chaque fois qu’un différend sérieux s’élèvera entre deux Etats, les « associations de l’arbitrage et de la Paix » représentant ces deux Etats désigneront un certain nombre de délégués chargés de &e réunir afin d’étudier les causes du malentendu, de ramener les faits à leurs proportions réelles et de s’efforcer d’arriver à une solution commune, laquelle sera, dès ee moment, largement propagée et recommandée avec instance aux pouvoirs publics des deux gouvernements.
- En vue d’éviter les terribles pertes matérielles et morales infligées aux nations par la guerre et par les préparatifs de guerre, tous les amis de l'humanité et du progrès sont invités à adhérer au Comité de Paris et à souscrire au fond destiné à activer sa propagande.
- Conformément à ce qui vient d’être dit, le principal devoir du Comité de Paris sera de conférer avec les délégués des associations similaires, en vue d’arriver à la meilleure solution de tout différend international qui pourrait menacer la paix de l’Europe.
- Le prochain congrès international préparé par le Comité de Paris, de concert avec l’Association internn-tionale de l’Arbitrage et de la Paix de la Grande-Bretagne, aura lieu cette année à Berne, au mois d’août.
- Adresser toutes les adhésions, communications, etc., au Secrétaire honoraire du Comité de Paris, M. A, DESMOULINS, 37, rue Brochant, à Paris.
- ADHÉSIONS A LA LIGUE FÉDÉRALE de la Paix et de l’Arbitrage international
- MM. Bernard, Emile, négociant à Allègre (Haute-Loire) . — Coudert, Paul, négociant à Allègre (Haute-Loire). — Laurent, Clément, à Allègre.
- —...-
- UNE CONVERSION
- « La lutte pour la vie est la loi de tous les organismes, de l’organisme social comme de tous les autres ».
- « Il peut y avoir lutte pour le développement du « bien-être, mais il ne peut y avoir lutte pour l’exis-« tence. ».
- Les deux phrases précédentes expriment d’une façon précise deux idées différentes. Elles émanent cependant de la même personnalité, de M. Clémen-ceau.
- La première se trouve dans le discours de M. Clé— menceau, prononcé le 19 juin 1883, à l’occasion de la loi sur les syndicats, la seconde a été relevée dans le discours du même député dans les débats récents sur la question ouvrière.
- Nous n’avons pas fait ce rapprochement avec l’intention de critiquer M. Clémenceau. Nous aimons les hommes qui avancent.
- Nous avons voulu marquer une date, et insister sur les obligations que cette nouvelle déclaration impose au chef de l’Extrême-Gauche. M. Clémenceau ne peut s’arrêter à une simple déclaration contraire à ses opinions passées ; il lui revient de réagir contre les erreurs qu’il a tant contribué à répandre et à entretenir.Celui qui a semé l’erreur,lorsqu’il l’a reconnue, ne peut faire moins que réparer tout le mal qu’elle a fait.
- M. Clémenceau, jusqu’à ce jour, a été un fougeux radical, sa conversion serait considérée comme douteuse s’il ne devenait an vaillant socialiste.
- LES VRAIS PATRIOTES
- Madame la Comtesse de Clocheville, fondatrice de l’asile des enfants convalescents, à Tours, laisse à la ville, par testament, toute sa fortume, évaluée à près de trois millions, pour l'entretien de l’asile du boulevard Béranger.
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- Madame Bourgeois-Clin, à la Capelle (Aisne), a légué sa fortune au bureau de bienfaisance de Sor-bais pour y installer une maison de refuge pour les vieillards des communes de Sorbais et d’Autreppes, avec une rente perpétuelle de 8,000 francs pour l’entretien de cette fondation.
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- La lettre suivante a été communiquée à la presse par le bureau du conseil municipal de Paris :
- Monsieur le Président,
- J’ai l’honneur de venir remercier le Conseil mu-
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- LE DEVOIR
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- nicipal de la subvention de mille francs qu’il a accordée, dans sa séance du 5 novembre 1883, en faveur de l’œuvre de la Bouchée de pain.
- J’ai ouvert le 16 janvier 1884, rue Moret, 15 (onzième arrondissement), le premier réfectoire dans lequel les malheureux ouvriers sans ouvrage sont venus consommer gratuitement du pain sur place.
- L’affluence de ces malheureux a été telle, que notre local s’est trouvé trop petit ; ils ont été obligés de stationner sur la voie publique, nuisant à la circulation et aux voisins. Pour ces diverses causes, la personne qui nous louait n’a pas voulu continuer la location, nous avons donc dû quitter le local le 26 au soir.
- Notre fonctionnement a duré onze jours ; pendant ce laps de temps, nous avons distribué 2.500 kilos de pain à 15.000 consommateurs ; notre dépense a été de 275 francs. Deux femmes, malgré i’encombre-met, ont suffi à mettre l’ordre tout en faisant leur distribution.
- Ces malheureux, mangeant chacun leur bouchée de pain en silence, ne quittaient jamais le réfectoire sans un mot de remerciement.
- D’après cette expérience, voici ce que je me propose de faire.
- Ouvrir des réfectoires plus vastes dans des endroits où personne n’aurait à se plaindre de notre voisinage.
- Puis, pour donner satisfaction à la demande que nous ont faite des travailleurs chargés de famille.
- Faire vendre dans ces réfectoires du pain à prix de revient, en faisant faire l’épargne de 5 centimes par pain à l’acheteur.
- Cette épargne sera destinée à l’achat ou à la construction de maisons destinées aux travailleurs; elles ne pourront être louées à plus de 5 0[0 de leur valeur.
- Cette épargne, lorsqu’elle s’élèvera à 25 francs, rapportera3 0[0.
- En ce qui concerne le travail, notre architecte ne confiera les travaux que n.us aurons qu’à des patrons ou associations qui se conformeront, aux règles de la participations des travailleurs au bénéfice de l’entreprise. Ce mode étant le seul donnant satisfaction à tous les intérêts, puisqu’il augmente les salaires dont la conséquence est de diminuer le prix de revient.
- En résumé, voici les améliorations d’intérêt général pouvant être réalisées immédiatement :
- Donner du pain aux malheureux, en prêter aux ouvriers sans travail, faciliter l’épargne à ceux qui ne gagnent pas suffisamment pour la faire ; l’employer à l’achat ou à la construction de maisons se j louant à 5 p. OiQ du prix de revient; appliquer la j participation des travailleurs au bénéfice de tous les travaux que nous aurons à faire exécuter.
- Etant prêt pour !a réalisation de ce programme, dès ce jour je fais appel à toutes les bonnes volontés.
- Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma haute considération.
- Bourreiff,
- Rie Oberkampf, 19, (onzième arrondissement).
- + *
- Les vrais patriotes sont ceux qui, autour d’eux, dans la limite de leur force, vont vers l’enfant qui souffre, vers le vieillard malheureux, vers le travailleur qui chôme, pour les consoler, les aider de leurs biens et de leur intelligence, avec le regret de ne pouvoir étendre jusqu’aux dernières limites du
- monde la toute petite patrie d’où ils ont pu proscrire la misère.
- Les autres, ceux qui glorifient nos victoires au Tonkin, ceux qui rêvent la conquête sanglante de l’Alsace-Lorraine, ceux-là en sont encore à la notion de la patrie telle qu’elle est comprise chez les peuples barbares.
- +
- * *
- Le Drapeau, un organe du patriotisme qui tue, a publié récemment une série de lettres touchantes écrites du Tonkin par un jeune engagé volontaire âgé de 18 ans. La presse patriotique a été unanime à louer le jeune soldat, dont les lettres montraient tant de résolution. Voici une de ces lettres :
- Mes chers parents,
- Vous savez qu’il a été envoyé des troupes de renfort à Hanoï... Je vous assure que votre fils fera son devoir et qu’il s’acquittera bien de la tâche que la patrie lui impose. Sa première pensée sera pour la victoire, sa dernière pour les deux êtres qui lui sont les plus chers. Soyez tranquilles à mon sujet, car je me sens fort et prêt à combattre... C’est demain,25 décembre.que nous prendrons nos dispositions de combat ; l’heure et le moment de l’attaque ne sont pas encore indiqués, mais il est certain qu’au moment où eette lettre vous informera de ce qui se passe à Hanoï, je serai en train de me battre, vaillamment, je l’espère.
- En attendant, je suis et je serai toujours votre très dévoué fils qui vous aime.
- Alfred Blais.
- Une balle chinoise a tué ce brave : ses vieux parents iront au tombeau privés de l’appui d’un fils pour lequel ils avaient peiné pendant dix-huit ans.
- Combien ils ont dû sentir leur douleur, eux et tous les autres parents, dont on sacrifie les enfants au patriotisme des exportateurs, s’ils on lu une dépêche de Berlin donnant le récit de la dernière réception de l’ambassadeur français à l’occasion des fêtes du Carnaval.
- Berlin.
- « Le bal donné hier soir à l’ambassade de France « a été des plus brillants. On y remarquait les « princes et les princesses de la famille impériale, « tout le corps diplomatique, y eompris l'ambassa-« deur de Chine et sa femme, presque tous les mi-« nistres, l’état-major général, ainsi que toute la « haute société de la cour et beaucoup d’autres nota-« bilités.
- « Les danses ont commencé à dix heures. »
- Allons, patriotes, préparez vos enfants à la boucherie, faites en des fanatiques de la gloire militaire, J si vous ne comprenez pas un autre patriotisme que celui de vos gouvernants ,* mais, peut-être, lorsque vos enfants seront morts sur un champ de bataille, vous maudirez votre erreur en vous souvenant que l’on dansait à Berlin.
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- LE DEVOIR
- Paix et Arbitrage international
- M. Hodgson Pratt, président du comité exécutif anglais de l’Association internationale d’arbitrage et de paix, nous informe qu'il est revenu à Paris, ces jours derniers, dans lebut de prendre part à révolution nouvelle qui s’y produit.
- Ii assista à la réunion spéciale des membres de la « Ligue des travailleurs pour la paiæ internationale » où furent rédigés les statuts de la dite ligue. Cette réunion était présidée par Madame Léonie Rouzade. Le projet de statuts fut lu par le secrétaire, M. Henri Brissac.
- M. Gaillard, député, prit part à la discussion ; celle-ci dura environ trois heures ; ses résultats, très-satisfaisants, furent votés à la presque unanimité.
- La même semaine, M. Pratt présida une réunion de la commission internationale, instituée d’après une résolution de la conférence tenue à Bruxelles en 1882. Cette commission ôtait chargée de prendre les arrangements voulus pour la prochaine conférence internationale, après accord avec le comité anglais. Etaient présents à la réunion : M. Desmoulins, secrétaire honoraire, MM. 3>esmarest, Lyra, A. Ta-chart, Eschenauer et Bauzerr.
- On s’occupa d’abord d’une longue communication du comité anglais, concernant la prochaine conférence internationale, les sujets de discussion qui pourraient y être abordés et divers autres arrangements.
- Finalement il fut résolu, d’accord avec le comité anglais, de tenir à Berne, au commencement d’aoùt prochain, une conférence qui durera environ une semaine.
- Le comité anglais a été chargé d’adresser des lettres d’invitation aux hommes éminents de toute l’Europe, en les priant de préparer des discours pour le prochain congrès.
- Les sujets à discuter seront adressés au présent journal en temps utile pour la publication.
- APHORISMES ET PRÉCEPTES SOCIAUX
- Les influences sur le suffrage universel
- XXXI
- Les classes dirigeantes ont surtout influencé le Suffrage universel dans le sens de la représentation de leurs intérêts matériels. La bonne organisation et la liberté du suffrage nous donneront une représentation qui, comprenant rnie-urc les intérêts matériels f es rendra solidaires des intérêts momuts,
- Les numéros du Devoir contenant des articles sur la Question ouvrière sont envoyés gratuitement aux orateurs de la Chambre ayant pris part aux débats sur la situation économique, et aux députés qui ont l'habitude de s'occuper des lois sur le travail.
- LA QUESTION OUVRIÈRE
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- Nous examinerons aujourd’hui comment les Chambres ont envisagé la question économique. Pour être impartial, nous donnerons l’énoncé des affirmations et des propositions contenues dans chacun des discours des orateurs ayant pris part aux débats, sans nous arrêter aux développements et aux considérations générales produites dans le cours de la discussion. Nous suivrons l’ordre dans lequel les orateurs se sont succédés à la tribune.
- M. Langlois. — Il y a treize ans qu’il a l’intention d’interroger le gouvernement sur le problème de l’extinction du paupérisme.
- L’introduction des machines a augmenté le nombre des manœuvres en même temps que l'instruction améliorait la situation morale des classes laborieuses. Le progrès dans les moyens de production rend fréquemment disponibles de nombreux travailleurs qui éprouveraient moins de difficultés à trouver de l’ouvrage, s’ils avaient reçu une instruction polytechnique.
- Le salaire, si l’on juge de son importance, non par le chiffre en francs, mais par ce qu’il procure, est insuffisant.
- L’avenir appartient à l’association universelle des travailleurs ; il faut la mutualité commerciale et industrielle.
- On ne peut organiser d’un seul coup la mutualité sociale ; mais on ne peut faire moins que commencer par la mutualité professionnelle.
- La mutualité dans la production amènera un abaissement considérable des prix de revient par la suppression des intermédiaires.
- Le gouvernement doit favoriser la mutualité nationale par tous les moyens.
- M. Langlois ne veut pas exposer ses moyens ; ii demande d’abord à l’Extrème-Gauche de faire con-r naître son programme.
- M. Baudry-d’Asson. — Le gouvernement doit intervenir; les chômages sont comparables aux grandes catastrophes, qui ont toujours été suivies dans le parlement des résolutions commandées par les circonstances. Rien n’est plus urgent que l’alimentation des ouvriers sans travail.
- Le gouvernement est responsable de ces perturbations; c’est lui qui les a créées.
- Le libre-échange a été une cause puissante de la crise économique.
- Les ministres s’imaginent que, lorsque le gouvernement va, tout va. L’orateur rappelle à M. Ferry les promesses faites sous l’empire, il conclut par une phrase extraite d’une brochure de M. Ferry, publiée ver3 ia fin de l’empire : « Hâtez*»vous de montrer une .loîliôitttde anxieuse pour las misères dont la îlot débordé atteint déjà les murs do çetta eneeinta. »
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- LE DEVOIR
- Î35
- Il demande un crédit de 20,000,000 pour donner de l’ouvrage aux ouvriers sans travail.
- M. Le Chevallier. — M. Le Chevallier parle des diminutions de notre exportation. L’importation des marchandises fabriquées porte un préjudice considérable à la production nationale; il faut par des droits protecteurs empêcher l’importation des marchandises fabriquées.
- Les ouvriers sont trop exigeants. Il les exhorte à se pénétrer des véritables causes des embarras économiques et à savoir se résigner aux nécessités créées par des circonstances indépendantes de l’action du gouvernement.
- Comme proposition pratique, il conseille aux ouvriers de ne plus fréquenter les réunions publiques.
- M. Le Marquis des Roys. — La crise n’a d’autre cause que l’élévation des salaires des ouvriers parisiens. Les travailleurs des campagnes émigrent en masse à Paris où ils sont retenus par les avantages que leur procure l’assistance publique. Il faut faciliter l’établissement de l’assistance publique dans les campagnes. Mais le gouvernement doit se défendre de vouloir protéger les ouvriers des campagnes ; les travailleurs des villes et ceux des campagnes doivent lutter à conditions égales.
- M. Martin Nadaud. — Les enquêtes n’ont jamais abouti : La crise n’est pas niable. Les populations rurales et urbaines ont assez de vitalité pour lutter contre la concurrence étrangère.
- Le gouvernement doit ne pas hésiter en faveur des classes laborieuses. La bourgeoisie n’a jamais voulu donner la liberté au peuple; et les gouvernements ne cessent de protéger les spéculateurs.
- Il est nécessaire d’organiser le crédit agricole. On devrait voter bientôt les projets de lois sur les caisses de retraite en faveur des vieux travailleurs.
- L’avenir appartient à une bonne république.
- M. Haentjens. — La question du paupérisme a été agitée à tort; il la laissera de côté à cause de sa gravité. Le gouvernement ne doit pas intervenir. La Chambre est aux prises avec une situation qu’elle a créée; elle a déclaré la guerre au prêtre par l’enseignement laïque et le peuple crie sus aux ministres, sus au gouvernement !
- La réduction des impôts est urgente. On parle toujours du peuple, et c’est toujours pour la bourgeoisie qu’on travaille.
- A Paris, un homme sur treize est inscrit au budget de l’assistance publique ; dans le département du Nord un septième des hommes est assisté.
- Les travaux de M. Freycinet ont été la cause d'une hausse des salaires désordonnée.
- On a organisé la loterie qui augmente les misères du peuple en lui enlevant ses petites épargnes.
- L’Extrème-Qauche doit présenter une solution,
- M. Emile Brousse. — M. Brousse fait l’énumération de tous les projets de lois que nous avons indiqués dans notre précédent article. Il reproche sévèrement à la Chambre d’avoir montré une indifférance coupable. Chacun de ces projets de lois vise une partie de la question sociale ; tous ont une utilité incontestable. Leur ensemble constitue le programme économique de l’Extrême-Gauche. Le gouvernement doit faciliter l’étude de ces réformes. Le peuple aura la patience nécessaire, lorsqu’il verra les pouvoirs publics sincèrement résolus 4 s’occuper de ses intérêt)!
- Il ne faut pas m laisser arrêter par la rudesse du
- peuple à soutenir ses revendications; la plupart sont justes.
- Ce qu’il faut, ce n’est pas que l’Etat ait la main sur tout ; c’est que le travailleur dispose de la plus grande somme de liberté possible pour qu’il puisse faire lui-même ses affaires, sous la protection générale de l’Etat et sous un régime d’égalité effective.
- M. le comte de Mun. — On ne doit pas séparer la crise parisienne de la situation générale visée par l’interpellation de M. Langlois.
- Quelque moyen qu’on trouve pour échapper à la crise du moment ; le lendemain viendra chargé des mêmes difficultés. Une solution est urgente.
- On n’évitera pas une évolution économique devenue nécessaire. Veut-on la diriger ?
- On a abusé du travail et des forces de l’homme. La concurrence est devenue sauvage. Une partie du monde entier est en proie à ces souffrances ; la France n’en reçoit encore que le contre-coup. Le paupérisme s’accroît dans des proportions effrayantes dans tous les pays.
- Un remède est urgent. Autrefois l’Eglise tempérait les excès de la concurrence par la charité. Aujourd’hui, il faut un remède social et général ; on ne doit pas reculer devant des conventions internatio nales.
- La France est victime des théories des libres-échangistes.
- Les sociétés coopératives présentent un commencement de solution de la question ouvrière.
- Voulez-vous étudier la création d’une organisation corporative du travail, basée sur l’union des maîtres et des ouvriers ? Nous vous en demandons les moyens.
- Le gouvernement veut-il monter à la tribune et prendre l’engagement d’assurer la stabilité des tarifs '{
- Voulez-vous pour limiter l’extension des sociétés anonyme, commencer par la révision de la loi de 1867 ?
- Vous avez promis la prospérité et la vie à bon marché : il y a des ruines autour de vous et la misère est à vos portes.
- M. Rivet. — L’état social actuel est infiniment préférable à l’état social de l’ancien régime. Le remède offert par M. de Mun a déjà servi ; il n’a rien produit.
- Les sociétés modernes subissent le contra coup des transformations que les machines ont apportées dans la production et le travail ; il faut qu’on trouve un nouvel emploi des forces, et qu’on leur donne une nouvelle direction.
- La crise est générale.
- Les progrès réalisés par la République sont incomplets ; on a ajourné des progrès sociaux et écono-} uniques ; aujourd’hui il est temps de les reprendre.
- L’impôt sur le revenu donnera les résultats attendus de la modification de l’assiette de l’impôt.
- M. Rivet dépose une proposition en ce sens.
- M. Brialou. — La Chambre a eu tort d’attendre que la question sociale se présentât avec son cortège de misères. Les prodigalités du gouvernement et lés entreprises Inutiles sont la cause principale du malaise.
- La hausse des salaires n’a pas l'importance qu’on lui attribue ; les fautes des. patrons sont considérables.
- ke remède complexe,
- Jjii Chambra a fait un pas dans la feonnu vote m
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- LE DEVOIR
- votant les lois sur les syndicats et sur les Conseils des Prud’hommes.
- La liberté du contrat d’association serait une amélioration véritable.
- La Chambre est paralysée par le Sénat. La révision ferait disparaître les conflits entre les pouvoirs publics.
- Le vrai remède est la participation aux bénéfices ; mais cela dépend des patrons. Ce n’est pas une utopie; des essais concluants ont déjà été faits. Le jour où le capital voudra accorder au travail une participation,la paix sera faite. Une grande partie de la question sociale est là.
- L’application des impôts manque d’équité.
- L’Etat se défendant d’être l’Etat-Providence est l’Etat-Àbandon pour les ouvriers. Et cette doctrine est soutenue par tous ceux qui vivent des monopoles.
- Beaucoup de travailleurs souffrent, croyez-vous que vous avez le droit de les abandonner ?
- Les ouvriers étrangers font une concurrence nuisible aux nationaux. Dans les travaux dépendant des pouvoirs publics on ne devrait pas autoriser les entrepreneurs à employer plus de 10 0/0 des ouvriers étrangers.
- La crise étant plus forte à Paris, on pourrait donner des facilités aux ouvriers pour se déplacer. On devrait encore avancer le commencement de certains travaux publics que l’on se propose de faire plus tard.
- La. Roche-Joubert. — Les grèves sont la cause unique des souffrances actuelles ; elles sont la conséquence inévitable de notre ordre social absolument boiteux. Le chômage dans la bâtisse, est tout ce qu’il y a de désastreux.
- La participation aux bénéfices est le seul remède.
- Le gouvernement ferait avancer la question en introduisant une clause rendant la participation obligatoire dans les travaux de l’Etat, des départements et des communes.
- Le travail comme l’intelligence et le capital doit participer aux bénéfices d’une entreprise.
- La coopération dans la consommation produirait un excellent résultat.
- En attendant la généralisation de la participation, il y a lieu de donner du travail.
- Frédéric Passy. — Les conditions du travail ont été améliorées.
- C’est la concurrence qui fait le progrès, le bon marché. La demande appelle l’offre comme l’offre appelle la demande.
- Le libre échange n’est pas la cause de nos souffrances, puisqu’il n’a jamais existé en France.
- En agriculture on a exagéré la hausse de la valeur de la propriété, le prix des baux et des fermages. On revient de ces exagérations ; on est en période de réaction.
- Les intempéries et la marche des saisons jouent aussi un rôle considérable dans l’écoulement des produits.
- Il n’y a pas pléthore, en France ; la preuve, c’est qu’il y a trop de dénuements, trop de désirs inassouvis.
- L’agriculture souffre surtout parce qu’elle paye trop cher ses outils et tous les accessoires qu’elle demande aux autres industries, dont les prix de vente n’ont pas été nivelés comme ceux des produits agricoles par l’abaissement des tarifs.
- Les industries se sont très bien trouvées de la situation faite par les traités de 1860, jusqu’en
- 1875, Le mal provient de ce que, au lieu d’avancer sur les tarifs de 1860, on a reculé.
- Il y a quelque chose d’excellent dans la participation, mais il faut bien se garder de faire une loi en cette matière.
- Un peuple peut se croire libre, il peut être libre même au point de vue politique et à certains autres points de vue ; mais il n’est pas complètement libre, aussi longtemps qu’il n’est pas complètement maître de la direction et de l’emploi de son temps, de ses bras, de son intelligence et de ce qu’il en tire.
- M. Lalande. — M. Lalande partage les opinions de M. Passy. Les mauvaises récoltes ont contribué beaucoup à aggraver la situation.
- Si la France a besoin de tarifs protecteurs pour lutter sur son propre marché, comment pourra-t-elle lutter sur les marchés extérieurs ?
- Il y a quelque chose à faire dans la voie de la participation ; mais les partisans de ce moyen, en ont exagéré l’efficacité.
- La Chambre est saisie d’un grand nombre de projets qu’elle devra élucider.
- Ballue. — La Chambre doit s’occuper surtout de la discussion des lois économiques. La réforme de l’assiette de l’impôt est la principale.
- L’orateur expose les travaux de la com nisslon de l'assiette de l’impôt.
- M. Maret. — Les réformes réclamées par le programme républicain sont urgentes. M. le président du conseil est suffisamment renseigné sur ce sujet puisque le programme de i’Extrême Gauche a été autrefois celui de M. Ferry.
- M. Maret est partisan d’une mutualité, autre que celle de M. Langlois, ii en parlera plus tard.
- La crise tient à des causes profondes ; elle ne pouvait manquer de se produire dans une société où l’ouvrier est privé de ses moyens d'existence, lorsqu’il ne trouve pas de capitalistes disposés à lui donner du travail ; c’est une période d’un ordre social faux.
- Ce n'est pas l’heure d’exposer des idées sur les remèdes ; il faut aller au plus pressé ; il n’y a pas d’autre expédient que des crédits pour des travaux et des secours.
- Lorsqu’on aura fait celà, on aura remédié d'une façon accidentelle à la crise; ii convient, pour éviter et prévenir une crise nouvelle d’étudier les bases d’une nouvelle organisation sociale.
- Cette œuvre ne peut être conduite à bonne fin que par une grande commission extra-parlementaire se recrutant elle-même.
- La question sociale est entrée au parlement ; elle n’en sortira ^as. Passer de cette question à une autre, sans l’avoir traitée d’une manière complète, c’est vouloir exaspérer les travilîeurs.
- M. Maret propose la nomination d’une commission extra-parlementaire se recru; ant librement parmi les hommes qui se reconnaissent une compétence spéciale en cette difficile matière.
- M. Tony Revillon. — Il demande qu’on donne du travail aux ouvriers en attendant une solution. M. Revillon énumère les travaux à faire à Paris ; il insiste sur le projet de construction de logements à bon marché.
- Jules Ferry. — Le gouvernement ne saurait être trop prudent.
- L’organisation d’un crédit agricole donnera satisfaction aux agriculteurs.
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- La crise ne sort pas des portes de Paris. Les ouvriers sont sous l’influence des menées monarchistes et anarchistes. Les engagements des monts-de-piété ne dépassent pas ceux de l’année passée ; il n’y a pas augmentation des inscriptions au bureau de l’assistance publique.
- L’exagération des bénéfices et le défaut de vaillance des patrons peut avoir une certaine influence sur la crise économique.
- On a tort de semer la haine contre les ouvriers étrangers.
- On a trop construit de logements riches. Il reste néanmoins quelques travaux pour occuper les ouvriers pendant l’année courante. La crise aura son maximum d’intensité en 1885.
- C’est surtout l’affaire du conseil municipal de Paris. L’assistance publique est puissamment orga nisée à Paris.
- La mutualité proposée par M. Langlois est excellente, à condition que l’on n’ait recours qu’à ia libre volonté et au libre concours des participants.
- C’est un heureux symtôme d’avoir entendu tous les partisans de ia participation déclarer qu’elle doit émaner de l'itiative individuelle.
- On condamne les lenteurs du régime parlementaire ; il les préfère au despotisme d’un homme ou d’une Chambre unique.
- Le gouvernement est prêt à discuter les lois sur les retraites, les accidents et les enfants abandonnés.
- Le rôle de l’état est de faciliter, d’encourager, de subventionner, s’il le faut, l’initiative des citoyens. Il doit donner aux travailleurs la liberté de discuter les salaires, de s’associer, de se syndiquer sous toutes les formes. Ces libertés ne donnent leurs fruits qu’à longue échéance.
- On a déjà réalisé la réforme de l’enseignement. L’Etat doit encourager les petites épargnes, en les recueillant, en les gardant, en les administrant. En transformant l’assurance en impôt, on ne fait rien pour le développement de la prévoyance individuelle. La vertu d’épargne est une qualité fondamendale du travailleur.
- Il convient aux représentants du pays de rester sourds aux exagérations des charlatans de popularité.
- M. Clémenceau. — J’ai élé interpellé par M. Langlois et par M. le ministre, je ne veux pas esquiver la question,
- Le ministre aurait dû et pu apporter des documents étanlissant l’intensité de la crise. Les arguments tirés des monts-de-piété et de l’assistance publique ne prouvent qu’une chose, l’ignorance du ministre en ces affaires. .
- Pour soulager la misère, il ne faut pas attendre qu’eile soit un danger de révolte. Ii peut y avoir lutte pour le développement du bien-être, mais il ne Veut y avoir lutte pour le droit à l’existence?
- Les patrons peuvent se présenter sur tous les marchés du monde. L’ouvrier peut-il en faire autant ?
- L’instruction est une des conditions nécessaires ds l’émancipation du travail ; on est loin d’avoir fait ce que l’on aurait pu faire.
- Un gouvernement doit à l’individu la liberté politique et la liberté économique, la liberté et ses garauties.
- L’association pourra prendre une grande place en France; mais, pour produire le résultat attendu, elle
- doit être précédée d’une modification sérieuse, durable, de l’etat économique.
- L’intervention de l’Etat est nécessaire pour empêcher les patrons de faire ce qu’ils ne doivent pas faire. Il doit intervenir dans l’abaissement de la durée de la journée. Ce que le ministre appelle liberté n'est que la loi du monopole.
- L’Etat doit aider à la fondation de sociétés de crédit en faveur d^s travailleurs.
- M. Say a constaté que les économistes, en Angleterre, étaient en déroute devant le socialisme d’Etat; que l’assurance était obligatoire en Allemagne. Ces questions sont assurément dignes d’une démocratie.
- L’Etat doit intervenir en faveur des faibles, jusqu’à ce que par cette protection il- aient acquis les conditions d’égalité nécessaires pour la lutte vers le mieux.
- On n’organisera pas le budget de la République à côté de celui de ia monarchie; il n’y a pas place pour ies deux.
- On peut faire des économies dans le budget actuel. L’impôt unique sur le revenu n’est pas suffisant; je reste partisan d'un impôt progressif sur les transmissions des Mens par décès.
- La justice doit être gratuite.
- La politique de la monarchie est une politique de privilège, de monopole; celle de la République veut le droit, la liberté, la solidarité sociale.
- Il y a dans cette assemblée des hommes très capables qui feraient beaucoup, s’ils pouvaient dire après quelques années de vie parlementaire « J’ai fait une bonne loi. »
- La République sera la Répub’ique dans l’ordre politique < omme dans l’ordre économique.
- M. Clémenceau déposé une résolution demandant la nomination d une commission de 44 membres.
- M. Hugot. — On exagère le mal. Il y a partout surabondance de travail en France. Le mal est produit parce que la production est concentrée à Paris, où Jes besoins de l’ouvrier sont trop considérables. L’Etat socialiste aggraverait le mal.
- La participation librement consentie, les caisses de prévoyance alimentées par l’épargne ouvrière, sont des palliatifs suffisants. Tout cela demande beaucoup de temps. Le remède le plus prochain sera la translation hors Paris des usines.
- Le travail est une marchandise comme une autre. S'il y a des gens qui meurent de faim, il faut leur donner du pain; cela, tout de suite; mais c’est l’affaire du conseil municipal de Paris.
- Aux ouvriers qui n’ont pas de travail, on peut leur donner des facilités de rapatriement.
- L’agriculture a besoin de main-d’œuvre à bon marché.
- N’entrez pas dans la voie du socialisme d’Etat, c’est la spoliation légale 1
- M. Henri Germain. — Les monopoles sont d’excellentes institutions. On ne sait pas apprécier les services rendus par la Banque de France, les chemins de fer, le Crédit foncier.
- Le budget des cultes est le budget de l’assistance morale.
- L’idée la plus fausse est d’accorder à l’Etat et au Conseil municipal de Paris la faculté d’intervenir dans la question des logements.
- Il suffit d’amener de l’eau à Paris et de mieux organiser ia voierie.
- La ville de Paris est assez riche pour entreprendre les travaux susceptibles de calmer la crise.
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- Les Chambres se sont trop occupées des ouvriers de Paris ; elles ont dépassé le but.
- M. Freppel. — Toutes les mesures propres à améliorer la situation des classes laborieuses doivent être encouragées. Toutes les réformes, bonnes en elles-mêmes, sont impossibles si on néglige le côté moral.
- Les corporations, mêmes organisées selon les nécessités actuelles, ne sont pas une solution.
- On ne peut résoudre la question ouvrière sans la religion. On tourne le dos à la question soeiale en chassant Dieu de l'école.
- M. Langlois. — Les paroles prononcées par M. Langlois dans sa deuxième intervention échappent à l’analyse. On n’a pas toujours treize ans pour préparer un discours,
- M, Clovis Hugues — On a donné trop d’importance à l’école dans ce débat ; cela tend à faire dévier la discussion.
- Il faut donner aux classes laborieuses le moyen de gagner le pain. Cela sera préférable aux expéditions du Tonkin.
- Les grèves ne sont pas les causes des crises ; elles en sont des effets. Autant sont méprisables les hommes qui cherchent la popularité en jetant dans la rue des populations ouvrières, autant est condam: nable un gouvernement qui ne comprend pas la permanence des crises lorsque les grèves sont en permanence.
- Attaquer les socialistes, les qualifier d’utopistes, c’est se mettre à la place d’qn monarchiste qui, avant l’explosion de 178Q, aurait ricané devant les œuvres de Voltaire et de Jean-Jacques-Rousseau.
- Voqs n’empêcherez pas les ouvriers, qui ont vu la bourgeoisie organiser son collectivisme, les mono pôles, les mines, les chemins de fer* les banques, de rêver qu’ils se créeront leur collectivisme à eux.
- Le problème que vous pose l’Extrême-Gauche est celui-ci : Des ouvriers, qui veulent travailler, n’ont pas de travail, nous vous demandons que vous leur procuriez du travail.
- M. Brisson. — Pour compléter le compte-rendu des débats législatifs, bous devons dire que le président de la Chambre a été parfaitement ridicule, lorsqu’il a rappelé au respect des traditions parlementaires M. Brialon, coupable d’avoir employé le mot farce dans sa réponse à M. Langlois, et lorsqu’il a prétendu que M. Clovis Hugues compromettait la dignité de M. Sa;y en le supposant devenu ouvrier et dans la nécessité de régler son budget avec un gain quotidien de 4 fr. 50 par jour.
- Voilà beaucoup de paroles. Nous attendons les actes.
- Certaines des déclarations générales des orateurs républicains — nous n'avons rien à réclamer a ceux qui contestent le principe de la République — sont suffisamment précises pour engager leurs auteurs,
- M. Langlois considère comme réforme minima l’organisation professionnelle de la mutualité industrielle ; cette déclaration lui impose l’obiigation de présenter à brève échéance un projet de loi conforme à l’esprit de son discours.
- M* Brialou m demandant la participation oblîga* tolra dans lég ecmeeisîüûg et-lês adjtidieatiûas éma*
- nant de l’Etat, des départements et des communes, s’est implicitement engagé à présenter prochainement une formule législative susceptible d’être introduite dans tous les cahiers des charges concédés désormais par les pouvoirs publics.
- M. Maret veut une mutualité soeiale devant servir de bases à la réorganisation sociale, nous l’approuvons, parce que nous ne doutons pas qu’il conformera sa conduite politique aux promesses de son discours.
- M. Clemenceau a dit nettement que la lutte pour le bien-être n’impliquait pas la lutte pour l’existence et qu’il était nécessaire de chercher des ressources dans les successions en ligne collatérale. En parlant ainsi, M, Clémenceau s’est mis dans la nécessité de présenter un projet de loi sur l’hérédité de l’Etat en ligne collatérale, et de préparer un exposé législatif stipulant des garanties matérielles en faveur du droit à la vie.
- Ces affirmations ont été catégoriques ; elles émanent d’hommes capables, éminents ; ils seraient criminels s’ils refusaient d’aller jusqu’au bout des obligations librement contractées , d’autant plus qu’ils sont certains d’être suivis par tous les vaiL lanfs défenseurs des droits de l’homme.
- (4 suivre).
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE .
- Ooiaiüeil des minigires. ~r Le pabinet a défi.-nitivemeut résolu d'inviter expressément la Chambre à ajourner l'adoption des dispositions financières du projet sur les instituteurs..
- Dans le cas où la majorité de la Chambre ne se conformerait pas sur ce point aux vues du ministère, celui-ci donnerait sa démission.
- La faillite des classes dirigeantes, en France comme dans toutes les autres contrées de l’Europe, n’a plus aucune limite. Le prince héritier d’Allemagne, encouragé par les sommités protestantes, est allé s’humilier au Vatican ; le gouvernement italien a fait alliance avec l’empereur d’Autriche ; l’anti-esclavagiste Gordon, au nom des conservateurs anglais, édicte au Soudan des garanties en faveur des possesseurs d’esclaves ; le gouvernement français fait le commerce de l’opium au Cambodge ; à l’intérieur, il renonce aux promesses en faveur de l’instruction publique, après avoir subordonné pendant longtemps le commencement des autres réformes à la réorganisation de l’enseignement, qu’il re-. fuse de poursuivre lorsqu'il est mis-en demeure de se prononcer définitivement.
- Cette décision du conseil des ministres est plus qu’une faute. Qui donc croira véritablement qu’il y a impossibilité de réunir les ressources nécessaires à la réforme de renseignement, lorsque le gouvernement sai* trouver si facilement un budget annuel de ÎOO.ÛOÔ.OOO fr. au profit des curés, et les sommes énormes que l’on prodigue m Tunisie! m Tonkin ?
- 1 *
- * f
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- 3L<& gfrève d’Anzin. — Quel a été le fond de la pensée des provocateurs de la grève d’Anzin ? Par quels mobiles se sont laissé entraîner les hommes qui ont eu l’iniative des tracasseries qui menacent de soulever la population minière du bassin houiller du Nord ? Car toutes les apparences permettent de supposer que la grève a été voulue et cherchée par les administrateurs de la puissante compagnie d’A.nzin.
- Il y a quelques semaines, au mépris des droits de l’homme, on chassait de la mine les ouvriers appartenant à la chambre syndicale. Il était évident qu’une mesure aussi inique devait amener des mécontentements et pousser les travailleurs à lagrève. Les mineurs, sous l’influence de quelques-uns des leurs suffisamment édifiés sur les résultats négatifs des grèves, se résignèrent à subir ces persécutions. Mais, avant que se soient dissipées les fâcheuses impressions laissées dans les cerveaux ouvriers par ces manœuvres coupables, l’administration d’Anzin cherche à imposer des modifications dans le travail, qui auront pour résultat de diminuer les salaires des mineurs et d’ehleyer leurs moyens d’existence aux vieillards moitié usés par de longues années du travail épuisant de la mine.
- L’économie devant résulter de ces modifications est peu importante pour les puissants capitalistes possesseurs des tilr s d’Anzin ; mais elle atteint cruellement les vieillards qu’elle vise directement, et les jeunes travailleurs se voient enlever tout espoir pour leurs vieux jours.
- L’opinion publique ne pouvait manquer de s’émouvoir en faveur nés mineurs ; le gouvernement lui même, si partial d’ordinaire envers les capitalistes, était contraint de faire des remontrances légitimant les protestât; o as des travailleurs.
- L’administration d’Anzin, loin de s’incliner devant l’opinion publique et lés conseils du préfet du Nord, s’est empressée d’exaspérer les ouvriers en ajoutant une nouvelle persécution à ses premières manœuvres, par le renvoi de plusieurs centaines des membres de la Chambre syndicale.
- N'y a-t-il pas dans cette série de provocations une • preuve certaine que l’administration souhaite surexciter la colère de ses serfs, afin de les amener à une situation morale devant rendre inutile toute tentative de conciliation ?
- Quelles sont les spéculations honteuses, prétextes de tant de perfidies ? Voudrait-on amener une hausse factice dans les prix des charbons, ou écouler des marchandises défectueuses que l’industrie refuse dans les périodes normales? Youdrait-on peut-être, en aggravant la crise industrielle,favoriser les entreprises criminelles des partis réactionnaire-.
- Dans un cas comme dans l’autre, il y a conspiration contre l’ordre public.
- Quoiqu’il en soit, nous dirons aux mineurs qu’ils n’ont rien à espérer de la grève. Ils doivent tout attendre d’une législation respectant les droits du travail. Et cette législation ne sera faite que lorsque, comprenant l’impuissance des institutions présentes, ils se mettront résolument à l’œuvre, pendant les périodes de calme et de prospérité, pour se coaliser sur le terrain politique en vue de confier à des hommes probes et capables un mandat conforme aux besoins des classes laborieuses.
- 3Les grajrdLiens* de la paix:. — Le Comité des gardiens de la paix, dans une réunion tenue le 23 février 1884, a décidé de convoquer à une réunion générale les délégués des arrondissements, afin de discuter les principaux points sur lesquels doivent porter leurs revendications, savoir :
- 1. La question des loyers.
- 2. La question des gratifications.
- 3. L’inutilité du médecin de contrôle, remplacé par des consultations et des médicaments.
- 4. Loyer et traitement fondus ensemble.
- b* Suspension des traitements versés au service pajcé.
- 6. Que !« service payé «oit fondu dans une seule calage et réparti dans chaque arrondissement,
- 7. Que chaque agent arrivé au maximum de l’âge exigé pour l’obtention de sa retraite y soitmis d’office.
- 8. Retraite proportionnelle à 13* ans, service militaire
- compris, pourvu néanmoins que le service- militaire ne dépasse pas 3 ans. •
- 9. De la masse, o’est-à-dire la réformation de l’article 4 de l'arrêté du 1er avril 1876, et l’inseript-ion sur le livret du taux de la masse portée à 104 francs depuis 1880.
- Chaque membre du comité devra, dans un rapport, faire connaître ses idées qui seront ensuite fondues dans un rapport général qui sera communiqué à la presse.
- On a décidé également d’inviter plusieurs reporters pour assister à la réunion générale qui aura lieu prochainement. •
- Dans l’espoir que nos intérêts généraux seront mieux soutenus par le Conseil municipal, le Comité proteste énergiquement contre le vote en première lecture de la loi de rattachement. • ’
- Le Comité.
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- Manifestations des ouvriers de Saint-Etienne. — Les ouvriers en chômige, à St-Etienne, au nombre de 3,000, après ..fine manifestation devant la préfecture,o it adopté les résolutions suivantes dans une réunion tenue’au Cirque :
- 1° L’abolition des adjudications et l’exécution des travaux par les chambres syndicales et corporations de la Tille.
- 2° Défense aux propriétaires de louer tout logement reconnu malsain et insalubre.
- 3° Imposition des logements non loués et des terrains non bâtis ; reconstruction immédiate de toutes les rues nouvellement alignées.
- 4° Défense aux patrons d’occuper des ouvriers au-dessous du tarif de 1881. Pour les ouvriers étrangers sans distinction de nationalité, défense d’en employer un nombre supérieur au dixième de leurs ouvriers.
- 3° Suppression des heures supplémentaires et réduction de la journée de travail à huit heures, pour per^-mettre d’oeeuper tous les ouvriers en chômage.
- 6° Nomination d’une commission de surveillance,chargée de veiller à l’exécution des clauses ci-dessus.
- Que deviennent, devant ces faits, les affirmations de M. Jules Ferry, prétendant que la crise ne dépasse pas les portes de Paris?
- *
- •¥ *
- 33IIaEn cle la Misère, — Où vient de faire le relevé des sommes prêtées, pendant l’année, par les 42 monts-de-piété existant èn France. Il est curieux de voir comment ces villes varient d’une ville à l’autre. Voici cette intéressante nomenclature :
- Paris . . . 33.231.012 fr.
- Lyon . . . 3.124.095
- Bordeaux . . 2.491.423
- Marseille . . 4.907.239
- Lille. . . . î.394.805
- Versailles . 1.193.202
- Rouen . . . 1.047.166
- Toulouse . . 908.637
- Reims . . . 785.612
- Besançon . . 630.867
- Le Havre . . 548.224
- Nîmes . . . 437.078
- Nantes. . . 412.6X2
- Roubaix . . 389.705
- Avignon . . 382.360
- Dunkerque . 382.360
- Brest . . , 368.621
- Toulon. . . 297.694
- Nancv . . , 280.678
- Boulogne-sur-Mer . . 279.495
- Valenciennes. 269.089
- Dijon . . . 264,163
- Samt-Quenlin . . . 4 252,931
- Angers, , » 177,630
- Douai , * , t * « < * » 1 I
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- LE DEVOIR
- Montpellier . . . 176.380
- Saint-Germain-en-Laye » 169.430
- Arles 159.761
- Arras 155.457
- Calais 131.810
- Aix 93.865
- Limoges .... 77.744
- Cambrai .... 61.120
- Carpentras. . . . 59.252
- Lunéville .... 48.092
- Grenoble .... 40.162
- Tarascon .... 36.886
- Beaucaire .... 10.022
- L'Isle (Vaucluse). . 8.132
- Brignoles .... 4 242
- Apt 1.596
- Total
- 52.995.948
- Les prêts des Monts-de-Piété sont généralement consentis à 10 0/0. Ce n’est donc pas moins de 5,300,000 fr. que l’assistance publique fait payer son concours aux malheureux qu’elle prétend secourir I
- ITALIE
- Le parlement italien est saisi d’une demande en autorisation de poursuites contre M. Musini, adressée à la Chambre des députés, par le procureur du roi à Parme.
- M. Musini, socialiste, récemment élu à Parme, est accusé d’avoir excité les électeurs contre les propriétaires, et d’avoir terminé plusieurs discours par les cris de « Vive le gouvernement du peuple ».
- ANGLETERRE
- M. Bradlaugh vient d’être réélu membre de la Chambre des communes par 3.922 voix, contre M. Richards, conservateur, qui a obtenu 3.488 voix.
- Le général Gordon, le fait n’est plus douteux, a reconnu le droit aux habitants du Soudan de continuer à se livrer au commerce des esclaves.
- EtM. Clémenceau est allé étudier les moyens pratiques de résoudre la question sociale dans un pays où l’on chasse du parlement des libres-penseurs, où l’on viole le droit électoral, où l’on proclame la nécessité de l’esclavage. Pourquoi M. Clémenceau n’irait-il pas en Bavière !
- Impuissance de* catholiques. — Le comité de défense religieuse vient d’adresser à ses fidèles une circulaire où il est constaté d’abord que la situation est loin de s’améliorer, et que la défense sacrée de la liberté religieuse et de l’enseignement chrétien réclame tous les jours de plus grands efforts et des sacrifices plus généreux.
- Le comité fait donc appel à la générosité des catholiques, et il espère que leur générosité sera à la hauteur des difficultés croissantes.
- Il rend compte ensuite de l’emploi fait, en 1883, des ressources dont il a eu la disposition.
- Le produit net des souscriptions s’est élevé à 86,450 fr. Les secours consistant en secours accordés à des religieux expulsés, aux écoles libres, frais de publications, de conférences, se sont élevées à 88,190 fr. 25 c. et ont dépassé de 1,739 fr. les recettes.
- La circulaire se termine par l’appel pressant qu’on va lire :
- « Si les catholiques veulent que nous puissions continuer à lutter pour défendre leur liberté et pour résister à la persécution qui envahit non-seulement le couvent et l’école, mais le presbytère, l’église, l’hôpital et jusqu’au cimetière, ils comprendront qu’ils doivent proportionner leurs sacrifices aux périls de l’heure actuelle et aux ruines qui s’accumulent. »
- Comprend-on que l’Etat continue à dépenser cent millions eu faveur d’une associetioo, qui dans ses moments de détresse ne peut obtenir de ses fidèles plus de 86,450 francs ?
- RUSSIE
- La Gazette nationale, annonce que cinquante ouvriers français, accompagnés de leurs familles, viennent de passer par Berlin, se rendant à Moscou; ces ouvriers ont été engagés par une fabrique de fil de fer à raison de 8 francs par jour. La Gazette ajoute qu’ils sont, arrivés dans des wagons de tre classe.
- — Parions que dans quelques années les possesseurs de fabriques de tréfilerie demanderont une enquête sur la diminution des exportations des articles de leur spécia-
- AUTRICHE-HONGRIE
- « La Chambre des Magnats a adopté, à l’ur.animité, la convention commerciale conclue le 18 février avec la France.
- « La Chambre des députés a reçu communication de ce vote. La convention a été ensuite soumise à la sanction de l’empereur, roi de Hongrie. •
- BAVIÈRE
- Les complications économiques ont produit de véritables accès de démence au sein des classes dirigeantes de la Bavière.
- Les députés bavarois, afin de résoudre le problème du paupérisme,discutent une loi tendant à limiter et â empêcher le mariage des malheureux indigents.
- « La commune, dans laquelle l’homme qui veut se marier a son domicile, est autorisée, dit la loi, à empêcher ce mariage, quand cet individu ne dispose pas de moyens suffisants pour entretenir une famille.
- » Il ne peut y avoir de mariage, dit encore l’art. 5, quand l’homme et la femme ont reçu, ou seulement demandé, pendant les trois dernières années, des secours publics.
- » Le mariage ne pourra également avoir lieu, tant que l'homme ou la femme %'auront point versé dans la caisse communale les sommes pour lesquelles Us sont imposés. »
- « Le mariage peut être défendu par l’autorité communale, dit à son tour l’article 9 du projet, quand il s’est produit contre l’homme ou la femme, depuis trois ans, des faits qui justifieut cette supposition que le bien-être de la famille serait empêché faute de sobrité, d’économie ou d’amour du travail. »
- AMÉRIQUE
- Une dépêche de Lima constate que les représentants, des puissances ont eu une conférence vendredi, afin de rédiger une protestation contre un article du traité de paix conclu avec le Chili et le Pérou.
- M. de Tallenay, ministre de France, a été choisi pour présenter la protestation au gouvernement. Les puissances qui ont protesté sont décidées à poursuivre le programme présenté par l'Angleterre et la France.
- La Epoca dit, à ce sujet, que la nation qui conservera la souveraineté de la province de Tarapaca devra remplir les engagements pris et respecter les garanties accordées sur les dépôts de guano et de salpêtre. Le droit international exige que les conventions antérieures à la guerre, ayant un caractère particulier ou collectif, et sanctionné par la législation en vigueur soient respectées.
- AUSTRALIE
- D’après une dépêche de Melbourne, le gouvernement anglais annonce qu’il n’est pas disposé à sanctionner l’annexion des îles du Pacifique, à moins que la Fédération des Parlements australiens n’adopte préalablement une série de résolutions à ce sujet. Il répète qu’en cas de garanties données par les colonies australiennes, il est prêt à nommer un commissaire muni de pleins pouvoirs.
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- LE DH VOIR
- CORRESPONDANCE D’ANGLETERRE
- Le Standard du 15 courant a consacré à la visite de M. Clémenceauen Angleterre un article très aimable dans la forme, mais des plus pessimistes quant au fond.
- L’auteur de l’article en question ne croit pas qu’une étude même approfondie du système administratif et des lois économiques de l’Angleterre puisse être d’aucune utilité au député radical dans le travail de réforme qu’il a en vue en France. Autant vaudrait, au dire du Standard, vouloir étudier sur les mollusques les maladies auxquelles les mammifères sont sujets.
- En France, en effet, nous trouvons une République, dont le Sénat ne saurait se comparer à la Chambre des Lords, et où une aristocratie terrienne fait complètement défaut, mais que remplace une classe nombreuse de petits propriétaires parmi lesquels la propriété foncière va se subdivisant toujours plus, tandis qu’en Angleterre, que voyons-nous? Une monarchie, une Chambre des Pairs, héréditaire, de grands propriétaires fonciers et, enfin, un système d’hérédité complètement différent. En outre, tandis qu’en France on ne fait guère que ce qu’on appelle sottement des mariages de raison, les jeunes gens jouissent, à cet égard, d'une bien plus grande liberté en Angleterre où les mariages d’amour sont nombreux et où, encore au rebours de la France, les familles ne se limitent pas à un ou deux enfants.
- Et cependant, ajoute l’autorité précitée, dans ces deux pays nous trouvons les mêmes sujets de plainte : la population des campagnes diminue en raison directe de l’augmentation de celle des villes ; les mêmes crises économiques se produisent de temps à autre, et comme dirait Heine, des deux côtés du détroit « le café est bien cher et l’argent difficile à gagner. »
- Certes, il y a beaucoup de vrai dans les observations du Standard, mais quelques différentes que puissent être les conditions économiques les institutions et les mœurs des deux pays il n’en est pas moins vrai que M. Glémenceau aura l’avantage d’étudier sur le vif les Sociétés coopératives, les Trades-Unions et les lois
- qui règlent l’assistance publique.
- *
- ♦ *
- L'association pour la Réforme et la Codification des lois internationales a adopté à l'unanimité, dans la Conférence tenue à Milan, du 11 au 14 septembre 1883, les résolutions suivantes que vous jugerez sans doute dignes d’intérêt.
- — 1 —
- La conférence émet le vœu que la traite des nègres soit assimilée, en droit international, à la Piraterie.
- - 2 —
- L’esclavage étant contraire au droit naturel, toute nation est fondée, en droit international, à refuser toute reconnaissance de cette institution, soit dans la
- personne d’étrangers séjournant dans son territoire, soit dans la personne de ses propres sujets qui l’auraient méconnue dans un territoire étranger.
- _ 3 __
- Toute clause, dans un traité international quelconque obligeant un Etat à rendre des esclaves entrés dans son territoire n’est pas valable devant le droit international.
- — 4 -
- L'ancien esclave poursuivi, dont l’extradition est demandée, ne doit être rendu que dans le cas où il y aurait lieu de livrer un homme libre.
- [/extradition ne sera pas non plus accordée si l’ancien esclave doit être jugé par d’autres juges ou puni d’autres peines que ne le serait un homme libre.
- — 5 —
- Chaque état doit défendre à ses sujets de posséder, d'acheter ou de vendre des esclaves en pays étranger, et de participer soit directement, soit indirectement, à tout trafic ou exploitation de ce genre, ou a tout contrat ayant des esclaves pour objet, cela sous les peines que chaque Etat édictera.
- *
- * *
- Assisterons-nous prochainement à une dissolution du Parlement par M. Cladstone et à un appel au pays ou le Cabinet restera-t-il au pouvoir en dépit des attaques passionnées dont il est l’objet aujourd'hui de la part des Conservateurs et même de certains libéraux?
- Telle est la question que tout le monde se pose, mais que personne n'ose encore essayer de résoudre.
- Certes le vote de censure passé par les Lords à 100 voix de majorité ne signifie pas grand’chose en lui-même, car qui est-ce aujourd'hui, qui attacherait tant soit peu d’importance à un vote de blâme de nos Pairs ? Personne, pas même ces Pairs ; mais un symptôme plus grave c’est ce réveil de l’esprit de chauvinisme, du jingoïsme auquel nous assistons, et qui bon gré mal gré, pousse M. Gladstone à adopter une politique que n’eüt pas désavouée Disraéli.
- Espérons néanmoins que le Parlement ne sera pas dissous qu’il n’ait auparavant procédé à l’extension de la franchise électorale dans la campagne ainsi qu’à un remaniement judicieux des circonscriptions électorales.
- C’est là ce que craignent nos conservateurs et s’ils harassent comme ils le font le cabinet actuel, s'ils organisent partout des « Indignations Meetings * c'est qu’ils donneraient tout au monde pour faire avorter une réforme qui doit les reléguer pour longtemps, sinon pour toujours, au second plan.
- Et voilà aussi pourquoi les Radicaux soutiennent et soutiendront quand même le ministère Gladstone.
- Londres, le 17 Février 1884.
- P. Maistre.
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- LE DEVOIE
- Neutralisation de l’Alsace-Lorraine
- Nous empruntons au Nouvelliste de l’Est l’article suivant ; parce qu’il contient une solution acceptable par tous les amis de la paix. Nous avons émis une opinion générale sur la nécessité de la Neutralisation de l’Alsace-Lorraine ; nous enregistrons avec satisfaction les diverses appréciations des détails, comptant que l’opinion publique saura faire prévaloir les propositions les plus pratiques.
- Le Nouvelliste de l'Est a fait connaître à ses lecteurs (a) la substance d’un projet de règlement de la question de l’Alsace-Lorraine, émané d’un député de la Saxe, M. Maas, et il a ajouté que ce projet avait été discuté par la presse d’Aliemagne et d’Alsace-Lorraine sans soulever de violentes protestations, mais que d’après l’opinion du Journal d’Alsace « il nesera accepté ni par l’Allemagne ni par la France ». Vous le croyons fort volontiers ; mais nous croyons aussi que cette question est soluble autrement que par la voie des armes etquele projet du député Maas, s'il n’est pas acceptable dans sa forme actuelle, n’est pas non plus seulement de la haute fantaisie, comme le taxe avec outrecuidance le journal le Temps, et qu’il peut devenir respectable s’il est amendé.
- En effet, toute tentative de transaction pour aboutir, doit respecter les exigences essentielles de chaque partie, sauf à porter les sacrifices réciproques sur les autres points: c’est ce que ne fait pas le projet de M. Maas dans sa forme trop absolue et trop platonique.
- Ce à quoi l’Allemagne tient, comme étant d’un intérêt capital pour elle, c’est d’être maîtresse militairement des deux rives du Rhin, dans la partie qui traverse l’Alsace. Die Wacht am Rhein, la Garde du Rhin, voilà le titre du chant patriotique des allemands !
- Ce que la France aussi, considère comme d’un intérêt capital pour sa défense, c’est d’avoir la ligne des Vosges, versant occidental et versant oriental, depuis Belfort jusqu’à la Bavière Rhénane.
- La possession militaire de la ligne du Rhin entraîne celle de toutes les forteresses situées sur la rive gauche de ce fleuve, depuis Huninga jusqu’à Lauterbourg. Strasbourg serait fatalement compris dans cette ligne de défense du Rhin, ainsi que Neuf-Brisach et Lauterbourg ; elle entraine aussi la faculté d’établir de nouvelles forteresses dans un rayon dont la largeur serait à déterminer, comme nous allons le voir.
- La possession militaire de la ligne des Vosges, entraîne comme complément celle de Metz et de Thionville, ainsi que des forteresses vosgiennes de Phalsbourg, Bitsch, La Petite-Pierre et la faculté d’en établir de nouvelles sur le versant oriental des Vosges dans un rayon dont la largeur serait à déterminer.
- Les pays compris dans ces deux zones seraient en conséquence soumis aux servitudes militaires au profit des deux puissances.
- Mais voici en quoi les deux puissances pourraient faire des concessions. En compensation de ces servitudes militaires, les pays qui constituent actuellement l’Alsace-Lorraine seraient, sous le point de vue politique, administratif, financier et commercial,
- libres et autonomes, ayant la faculté de se gouverner comme iis l’entendraient ; ils seraient affranchis de toute taxe et de tout service militaire au profit de l’Allemagne et de la France. Ils auraient la faculté d’établir à leurs frontières leurs lignes douanières, ce qui impliquerait le recul de celles des allemands au-delà du Rhin et sur les frontières de l’Allemagne et le maintien de celles des français dans leurs positions actuelles; ils auraient en outre la faculté d’é-blir des traités commerciaux avec les deux pays limitrophes et avec d’autres pays ; mais ils n’auraient pas le droit de conclure des- alliances offensives et défensives avec d’autres Etats, Leur neutralité et leur indépendance seraient mises sous la garantie des deux puissances : chacune garantirait la portion soumise à ses servitudes militaires contre toute atteinte de l’autre ou du dehors; car les servitudes en question seraient purement défensives et ne pourraient être utilisées par une autre puissance. Les mêmes pays pourraient entretenir une milice pour leur police intérieure.
- Resteraient à établir les lignes de démarcation entre l’Allemagne et la France. Ces lignes sont déjà tracées : ce sont, entre Strasbourg et Bâle, la ligne du chemin de fer de Strasbourg à Bâle, à partir d’un rayon déterminé au dehors des fortifications actuelles de Strasbourg ; entre Strasbourg et Wis-sembourg, la ligne du chemin de fer de Strasbourg à Wissembourg à partir d’un rayon déterminé en dehors des dites fortifications. Ces lignes, à partir de ces périmètres destinés à la défense de Strasbourg, feraientretour à l’Alsace-Lorraine,ainsi qu’aux autres chemins de fer non stratégiques, et les canaux situés sur le territoire de l’Alsace-Lorraine, moyennant une indemnité à fixer par les gouvernements d’Allemagne et d’Aisace-Lorraine.
- Ces deux chemins de fer avec leur ligne de raccordement au-delà du périmètre des fortifications de Strasbourg, seraient déclarés neutres (1) il serait stipulé en conséquence que, sur leur parcours à une largeur de cinq kilomètres de chaque côté,ces lignes neutres seraient affranchies de toute servitude militaire et inaccessibles aux troupes des deux puissances. La même défense serait faite sur la ligne frontière de la Bavière Rhénane et de la Prusse Rhénane (2,i.
- Une indemnité serait fixée entre la France et l'Allemagne pour les travaux de fortification et chemins de fer stratégiques qui feraient retour à la France.
- Nous n’avons pu indiquer qu’approximativement les bases principales des arrangements à proposer ; mais ce que nous venons de dire suffira pour faire comprendre que ces arrangements sont possibles, comme conciliant les exigences principales des deux parties et pouvant satisfaire jusqu’à un certain point les populations d’Aisace-Lorraine.
- L’Allemagne, conservant du côté du Rhin sa véritable ligne de défense, pourrait renoncer à la ligne de Metz, qui ne fait que lui apporter un surcroît aux nombreuses lignes de défense qu’elle possède déjà dans les provinces rhénanes. Elle ne sacrifierait que des pays qui seraient plutôt un embarras qu’un renfort pour elle, en cas de guerre. Elle ne devrait donc
- (1) Quelque chose d’analogue au sentier de la paix chez les tribus sauvages de l’Amérique.
- (2) Celte ligne neutre ne serait guère respectée en temps de guerre ; mais alors respectera-t-on les traités les plus solennels *?
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- LE DEVOIR
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- pas être trop exigeante pour le montant de l’indemnité qu’elle réclamerait de la France. Les avantages directs et indirects qui résulteraient pour elle du dénouement pacifique de la question d’Alsace-Lorraine, seraient bien supérieurs aux milliards qu’elle rêverait.
- De son côté la France devra se résoudre a un nouveau sacrifice pécuniaire, pour regagner une position plus normale et plus stable; et elle devra songer qu’une nouvelle guerre, même heureuse, lui coûterait bien plus de sacrifices en argent et en hommes, que ceux auxquels elle se résignerait. Par contre les populations de l’Alsace-Lorraine, en compensation des servitudes militaires, auxquelles elles seraient d’ailleurs assujetties sous chacun des deux régimes, par suite de leur position topographique, retireraient des avantages incalculables de cette combinaison.
- Que les gouvernements d’Allemagne et de France se hâtent donc d’entatner des négociations qui sont des plus urgentes et des plus opportunes. Qu’ils préviennent par leur sagesse une guerre, qui, cette fois-ci, serait plus terrible que celle de 1870 ; car il s’agirait pour chaque partie d’exister ou de ne pas exister, to be, or not tobe.
- Un Alsacien-Lorrain.
- ÉCOLES DO FAMILISTÈRE
- Devoir sur l’Ouïe.
- L’ouïe est le sens par lequel nous percevons les sons. L’organe de l’ouïe est l’oreille. Comme pour la vue, ce sens a besoin de deux choses : l’oreille et l'air.
- Le son est produit par les ondulations de l’air.
- Quand on jette une pierre dans l’eau, on voit de grands cercles concentriques appelés ondes, et qui vont toujours en s’agrandissant. Cela produit exactement le même effet dans l’air.
- L’air étant très susceptible de mouvement, se délace au moindre choc, et ses ondulations parvenant
- notre oreille, forment le bruit. Ce bruit se reproduit d’autant plus vite que le gaz est plus élastique.
- L’oreille, deuxième agent de l’ouïe, est formée de trois parties : l'oreille externe, l’oreille moyenne, l’oreille interne.
- L’oreille externe se divise elle-même en pavillon et en canal auditif qui conduit les ondulations dans l’oreille moyenne.
- L’oreille externe est fermée par le tympan, cette petite peau, vibre comme celle d’un tambour, quand les ondes sonores entrent avec force dans l’oreille moyenne.
- Celle-ci qui communique avec l'arrière-gorge par la trompe d’Eustache, renferme quatre osselets : le marteau, l’enclume, l’étrier et le lenticulaire.
- L’oreille interne est formée par les canaux semi-circulaires, et le limaçon, qui perçoit les vibrations.
- L’oreille est le plus merveilleux de tous les claviers . Les sons sont formés par sept notes, de meme qu’il y a sept couleurs.
- Le clavier le plus compliqué d’un piano a seulement quatre-vingt-quatre , nuances, tandis que la gamme auditive comprend trois mille sortes de sons. Ce sens est donc bien précieux.
- C’est au moyen de l’ouïe que nous sommes mis en rapport le plus direct avec nos semblables.
- Zénon a dit : « La nature nous a donné deux
- oreilles et une seule bouche pour nous prouver que nous devons écouter plus que parler. »
- Dallet Marie,
- Agée de 11 ans.
- LE RÉCIT D'UN BUVEUR D’EAU
- PAR
- Médério CHABOT
- « Je n’étais donc pas fort tranquille. Néanmoins je faisais bonne contenance et tâchais de m’amuser comme les camarades. De moment en moment, la gaieté devenait plus bruyante. C’était un vacarme à rendre sourds les vivants, à rendre l’ouïe aux morts. On se querellait même un peu ; et j’ai bien compris depuis cajour-là que ce n’est point lorsque les gens crient le pius fort qu’ils s'entendent le mieux. Mais tout cela n’était rien. En somme, les affaires marchaient ; les bouteilles se vidaient, que c’était merveille ; la mère Marion était contente, et nous étions tous satisfaits, lorsque, vers les quatre heures, la porte s’ouvrit si violemment que tout le monde à la fois se retourna. J’avais mon verre à la main et me préparais à le boire au moment où la porte s’ouvrit.
- « — Tiens, tiens, c’est la Noiraude ? fit la Marion. Est-ce que vous avez besoin de quelque chose ?
- « La femme qui Venait d’entrer était grande, sèche, maigre. Son teint basané et ses cheveux noirs lui avaient valu son surnom.
- « — Oui, répondit ia Noiraude, j’ai besoin de mon homme.
- « Et se tournant vers Martin Lereboucart : — Voyons, lui dit-elle, Martin, est-ce fini de boire ? Pas de pain à la maison, des enfants en guenilles !... On a beau être dévouée, on a beau être courageuse ; on finit bien par se lasser. J’en ai assez, vois-tu, Martin, de cette vie-là !
- « Martin ne répondit pas : il se contenta de lever le poing ; et, comme on voulait l’en empêcher, il s’échappa de nos mains et se précipita en avant.
- « — Par exemple ! fit-il.
- « La Noiraude avait reculé. Elle avait remonté les deux marches et se tenait debout sur le seuil, les narines frémissantes, partagée entre la colère et la peur. Martin avait les yeux fixés sur elle ; leurs regards se rencontrèrent. Alors elle se prit à trembler. La peur avait vaincu la colère.
- « — Je m’en vais, murmura-t-elle, je m’en vais, Martin.
- « — C’est cela, fit-il, va-t’en, — et, comme pour la faire partir pius vite, lui posant la main sur la poitrine, il la repoussa violemment.
- « Croyant la querehe apaisée, j avais repris mon verre pour le porter à mes lèvres, lorsqu’un cri d’hor* reur poussé par mes camarades me fit tourner la tête vers la porte.
- « Etendue sur le côté, immobile et comme morte, la Noiraude était là, gisante, sur le pavé. Un flot de sang s’échappait de sa tempe gauche et rougissait les pierres du chemin. Ses yeux grands ouverts semblaient plonger dans le vide... le vide du néant ou de l’éternité. Une de ses mains, la droite, légèrement levée, paraissait invoquer la justice du ciel. Quant à Martin Lereboucart, il était demeuré froid, raide et comme stupéfait en face de sa victime. Cette femme, en somme, il l’avait aimée, de sa façon à lui, comme un mâle sa femelle.. ‘ (A suivre).
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- LE PBVOÏE
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- ETAT-CIVIL DD FAMILISTERE
- Semaine du 18 au 24 Féyrier 1884
- NAISSANCE
- Burlet Jeanne, fille de Burlet Louis et de Gros Héloïse
- DÉCÈSï
- Le 19 féviier, de Caillaux Augustine épouse de Mairesse Pierre, âgée de 64 ans 10 mois.
- COURS D’ADUL/rES
- LEÇON DE CHIMIE PAR M. SÉKUTOWICK
- Séance du Vendredi 7 Mars Métallurgie du cuivre.
- Leçon de Physique expérimentale par M. Barbary
- Séance du Mardi 4 Mars
- De la Chaleur.
- Théâtre du Familistère de Guise
- Direction : A. Tétrel et A. Berthet
- Bureau 8 heures
- SAMEDI 1er MARS 1884
- Rideau 8 h. 1/2
- Drame en CINQ ACTES et UN PROLOGUE de MM. MARQUET et DELBÈS DISTRIBUTION :
- Jean Gauthier. . . MM. Noël.
- Maurice Fervelle.
- Gaston VlLLARS.
- Janicot Lé ONE.
- Boursier , , Ne sme.
- Pautel Husson.
- Simon Bourdillat.
- Jean-Claude .... Briet.
- Jeanne . . Mraes B. d’Argyle.
- Eloi, dit l’innocent . Luceuille.
- Périne Lesoeur.
- Jacotte 4 Gabrielle.
- Tiennette Cazabon.
- Françoise Mariani.
- Eloi
- Bazu Denis.
- LES
- NOCES DE JEANNETTE
- Opera-Comique en UN Acte, paroles de MM. Michel Carré et Jules Barbier, Musique de M. Victor Massé.
- Mrae D’ALLESSANDRI
- Remplira le rôle de Jeannette (par complaisance)
- M. GACK
- Remplira le rôle de Jean.
- Thomas...........................M. Husson.
- Petit-Pierre.....................Mlle Gabrielle.
- L’HOTEL DE VILLE
- Organe de la démocratie socialiste des communes
- PARAIT LE DIMANCHE
- PRIX RE L’ABONNEMENT
- Paris et Départements : Un an, 6 fr. ; Six mois, 3 fr. Etranger : le port en plus.
- Annonces : 1 franc la ligne
- On s’abonne en envoyant un mandat sur la poste ou sur une maison de Paris, ou des timbres-poste, à l’ordre de M. Fombertaux. administrateur de F Hôtel de Ville, rue du Faubourg-Montmartre, 10.
- L’Hôtel de Ville se trouve dans les kiosques, dans les gares de chemins de fer et chez tous les marchands de journaux.
- IL. SECOLO
- Gazetta di Milano
- Journal politique quotidien 100.000 exemplaires prjour.
- Le Secolo, le plus complet et le plus répandu des journaux italiens, donne en prime gratuite, à ses abonnés d’un an/deux journaux illustrés hebdomadaires et 11 suppléments illustrés.
- L’abonnement d’un an au Secolo, primes comprises, pour la France et tous les pays de 1 Union postale, coûte seulement 40 fr. Semestre et trimestre en pro-
- Èortion. Envoyer mandat-poste à l’adresse de l’éditeur douard Sonzogno, à Milan (Italie), 4, rue Pasquirolo. Le Secolo est le meilleur organe italien de publicité. Les annonces sont reçues au prix de 75 c. pr ligne en 4e page et de 3 fr. par ligne en 3e page.
- 9° Année. N° 103 Février 1884.
- LA PHILOSOPHIE DE L'AVENIR
- Revue du socialisme rationnel
- Paraissant chaque mois Fondée par FRÉDÉRIC BORDE SOMMAIRE
- Progrès du socialisme. — Examen d’un article de M. Emile de Laveleye publié dans la Contemporary Review. — Agathon de Botter. — Une éviction en Irlande. — Emile Van Hassel. — Correspondance et Discussion contradictoire.— Discussion avecM. Alfred R. Wallace. — Discussion sur les expressions sol et capital, propriété foncière et propriété mobilière.
- — Agathon de Potter. — M. Gide, professeur d’économie politique à Montpellier, et le socialisme rationnel
- — Le socialisme rationnel et le journal des Economistes
- — Agathon de Potter. — Nécrologie. — Mort de M. Simonnard. — Frédéric Borde.
- Prix du numéro : 1 franc ’
- Abonnement postal : Un an 12 fr. — Six mois, 6 fr. Trois mois, 3 fr,
- S’adresser à M. Jules DELAPORTE, rue Mouffetard, 108, PARIS
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- SAINT-QUENTIN
- Société anonyme du Glaneur, Grand’Piace, 33.
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- g8 Année, Tonie 8. ••• n° 28? "Le numéro hebdomadaire 20 c.
- Dimanche 9 Mars 1884
- LE DEVOIR
- REVUE DES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU
- A GÜISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
- Union postale
- Un an. . . . 10 fr. »» Six mois ... 6 »» Trois mois . 3 »»
- Un an. . . . 11 fr. »« Autres pays Un an . . . 13 ir. 60
- ON S’ABONNE A PARIS
- 5,r.Neuve-des-petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S'adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences
- psychologiques.
- SOMMAIRE
- Réforme du suffrage universel. — Habitations ouvrières. — Paix et Arbitrage international. — La Panacée socialiste. — La question ouvrière. — Préceptes et aphorismes sociaux. — Faits politiques et sociaux. — Correspondance d'Angleterre. — Mémoires d'un buveur d'eau. — Etat-civil du Familistère. — Cours d'adultes. — Flammarion.
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d'essai.
- Si le journal n'est pas renvoyé après le quatrième numérof l'administration fait présenter une quittance d'abonnement.
- REVISION DU SUFFRAGE UNIVERSEL
- (c
- II
- Nous demandons à tous nos politiciens de bonne foi, si réellement on pourrait concevoir un mode de votation plus opposé au véritable exercice des droits politiques du citoyen, que le vote par circonscription inventé pour permettre au despotisme de dominer les populations.
- Le vote uninominal employé par l’empire pour
- (1) Lire le « Devoir » du 2 mars 1884.
- soutenir la candidature officielle, a eu pour but de ne laisser aux citoyens que l’apparence du suffrage universel et de les mettre, en réalité,dans l’impuissance de nommer d’autres candidats que ceux choisis par le pouvoir. Une telle hypocrisie, une telle dénégation des droits souverains du peuple sont trop grossières pour pouvoir durer toujours.
- La circonscription électorale enlève à Télecteur la liberté de vote et de choix ; elle l’oblige à voter pour les candidats qui s’offrent à lui, lors même qu’il les croit incapables ;
- Elle limite le droit de suffrage à un seul vote, lors que, pour avoir un droit effectif, le citoyen devrait pouvoir élire les capacités de son choix, à toutes les grandes divisions du gouvernement ou des affaires du pays ;
- Elle est une arène de divisions intestines en mettant aux prises les intérêts locaux et en suscitant les rivalités locales.
- Le vote uninominal de circonscription est une cause de démoralisation et de corruption des mœurs publiques, parce qu’il met l’électeur dans l’impuissance d’envisager les intérêts nationaux et qu’il subordonne en conséquence le député aux intérêts égoïstes et étroits de la localité et des meneurs d’élection.
- Il met le député à la merci de tous les solliciteurs de sa circonscription et abaisse le rôle de représentant du peuple aux complaisances les plus mesquines.
- Habituée à ces obligations infimes, la députation a perdu le caractère dont elle ne devrait jamais sortir ; en l’humiliant on l’a avilie, on l’a rendue impuissante à remplir le rôle élevé aaquel elle est appelée.
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- LE DEVOIE
- Qu’on y regarde et Ton verra que le suffrage uninominal de circonscription est pour beaucoup dans la crise autant politique qu'industrielle à laquelle la France est en proie. Cette crise pourra s’atténuer, mais les causes n’en disparaîtront pas sans la révision de notre système électoral, de ce système créé pour les besoins d’un gouvernement parjure ; cette évolution est indispensable à la France pour sortir de l’impasse où elle est entrée. Une République vraiment démocratique ne peut demeurer dans une telle situation.
- Qu’un tel système électoral soit maintenu dans une République que les forces du passé retiennent dans les errements oligarchiques, cela se conçoit ; mais ces tendances sont tellement en contradiction avec les besoins du temps qu’elles conduisent la France à l’abîme et que la force des choses doit les faire disparaître.
- Oui, le scrutin de circonscription pour l’élection des députés doit être écarté avec mépris et dégoût ; on a beaucoup parlé de révision de la constitution, mais la révision du système électoral est bien plus pressante et aurait une bien autre influence sur le fonctionnement de nos assemblées législatives.
- Si l’on révise la constitution sans changer le régime du suffrage universel, tes mêmes errements rétabliront les mêmes ambitions, les mêmes compétitions, les mêmes convoitises, les mêmes cupidités, les mêmes corruptions, les mêmes influences des comités aristocratiques. Ces comités toujours plus ou moins préfectoraux reparaîtront sous l’action des empiètements du pouvoir. Mais qu’on établisse le scrutin de liste nationale, oh ! alors tout changera de face : les députés et les sénateurs nommés par la France, nommés par la République, seront revêtus d’un autre caractère. Non-seulement, les élus seront singulièrement influencés par les grandes assises nationales qui leur auront montré la pensée et la volonté de la France républicaine, mais ils seront sous cette impression que la moitié d’entre eux devra reparaître l’an d’après devant la France assemblée une nouvelle fois, et l’autre moitié après une période de deux ans.
- Les palinodies honteuses auront fait leur temps, les professions de foi mensongères seront ïarge-gement dévoilées, à la confusion de leurs auteurs.
- La sincérité, la franchise des engagements deviendra une nécessité ; le député ne pourra se soustraire à ses promesses qui, toujours, revêtiront une haute portée d’intérêt public et national, car les candidats devant le corps électoral national ne pourront se livrer à ces compromissions, à ces obligations honteuses auxquelles le vote par circons-
- cription assujettit les candidats à l’élection.
- Députés et sénateurs, faites un retour sur les mobiles qui ont engendré les systèmes de vote dont vous êtes sortis, et vous verrez qu’une pensée criminelle, anti-républicaine, anti-démocratique y a présidé ; vous vous direz alors qu’une mauvaise semence ne peut faire lever une bonne plante, et qu’une plante de mauvaise essence ne peut donner de bons fruits.
- Cette vérité vous fera comprendre pourquoi vous êtes impuissants à faire des lois et à mener utile-lement les affaires du pays. Cela compris, votre amour du vrai et du juste, vos sentiments républicains, votre dévouement aux intérêts du peuple vous entraîneront d’enthousiasme à réviser nos lois électorales, à établir le scrutin de liste nationale permettant à tout électeur de voter pour un même nombre de députés, choisis à son gré, entre toutes les sommités et tous les vrais mérites que la France possède.
- Le dépouillement serait exactement fait à la commune et le recensement général à Paris.
- Cette loi étant donnée, la révision de la constitution en sera la conséquence. Députés et sénateurs, vous donnerez en masse votre démission, puis vous irez, devant le collège électoral de la République, vous retremperez dans le baptême national du véritable suffrage universel, et vous y trouverez la vertu et la paissance de remplir dignement et franchement votre mandat, au lieu de louvoyer entre des équivoques et des compromissions indignes des représentants d’un grand peuple.
- (A suivre).
- Les habitations ouvrières en Angleterre
- La question d’amélioration du sort des classes laborieuses se pose partout avec une urgence de plus en plus marquée.
- En France, nous avons les commissions d’enquête sur la crise du travail; en Angleterre, voici qu’une commission royale vient d’être instituée pour l'étude des logements ouvriers.
- Nous remarquons parmi les membres de cette commission, le Prince de Galles, l’Evêque de Bedfort, le marquis de Salisbury et un certain nombre de membres du Parlement.
- Paix et Arbitrage international
- Nous empruntons à VArbitrator de Londres les renseignements suivants :
- Le 13 février dernier eut lieu, à Londres, l’assemblée générale ordinaire de l’Association des travailleurs pour la paix.
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- LE DEVOIR
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- M. Thomas Burt, membre du Parlement, présidait. Un certain nombre de membres da Parlement s’excusèrent par lettre de ne pouvoir assister à la séance. Nous citerons parmi eux M. Henry Richard et M. John Bright.
- Après lecture du rapport annuel sur les opérations de la société, divers discours furent prononcés ; puis on procéda au renouvellement du bureau.
- M. Thomas Burt, président sortant et M. Cremer secrétaire sortant furent tous deux réélus dans leurs fonctions aux vifs applaudissements de l’assemblée.
- Une communication fut faite par M. Burrows, secrétaire honoraire pour la France, de la part ’de la ligue des travailleurs pour la paix récemment formée à Paris. Dans cette communication, M. Henri Brissac, secréiaire de la ligue française, exprime les regrets de la nouvelle ligue de n’avoir pu envoyer de délégués au congrès de Londres et ajoute :
- « Mais nou3 voulons au moins saisir cette occa-« sion de vous envoyer, à travers la mer, une fra-« ternelle poignée de mains. Les nations sont faites « pour s’unir dans le progrès et non pour se détruire « les unes les autres. Les diversités de races, de j « langues, de situations géographiques, n’ont pas la « puissance de désunir les cœurs ni les mains. C’est « ce que les nations n’ont pas compris-encore, mais « c’est ce que vous et nous cherchons de concert à « faire entendre. Dans cette voie nous sommes « l’avant-garde de l’humanité. Courage,le corps d’ar-« mée et les retardataires sont sur nos pas. »
- M. Pagliardini, secrétaire honoraire pour l’Italie, appuie la motion de M. Brissac, puis donne lecture de l’adresse suivante qu’il a reçue d’Italie :
- Milan, 10 février 1884.
- « Cher Monsieur,
- « La ligue milanaise : Liberté, Fraternité et Paix « envoie par ce courrier ses félicitations à la ligue « des travailleurs pour la paix, mais au nom du « journal II Secolo à la rédaction duquel je suis at-« taché, je vous demande la permission d’ajouter « quelques mots.
- « Depuis sa fondation 11 Secolo n’a jamais cessé de « défendre la cause des travailleurs, celle qui fera de « toutes les nations une grande famille de frères et « d’hommes libres. Veuillez doncjoindre les frater-« nelles félicitations du « Secolo » à toutes celles qui « seront adressées à l’Association des travailleurs
- * pour la paix. Paisse cette Association demeurer “ forte et prospère dans sa noble et humanitaire pro-“ pagande, dans sa généreuse activité, jusqu’à ce.
- “ qu'elle ait atteint son but et que la paix règne sur
- * la terre secondant les hommes de bonne volonté.
- « En vain des océans nous séparent, à travers eux « les mains et les cœurs se cherchent et s’unissent « dans un fraternel amour. Élevez votre voix, ô tra-« vailleurs britanniques, pour empêcher les torrents *. de sang de rougir la surface de la terre, dans le « seul but de favoriser l’esprit de conquête qui laisse « derrière lui tant de misèros et tous les maux hor-« ribles que la guerre enfante.
- « De ce côté de l’Atlantique les italiens seront toute jours vos compagnons fidèles dans cette pacifique « campagne. Serrons les rangs et travaillons pour « substituer à la politique de guerre la politique de « justice, à la politique du mal la politique du bien * universel. Au-dessus de toutes les considérations, « sachons placer les droits de l’homme et le earac-« tère sacré de la vie humaine.
- «• Croyez-moi, avec la plus grande estime votre « tout dévoué.
- ' « C. Romussi. »
- Cette lettre de Milan et la précédente de Paris furent accueillies par les plus chaleureux applaudissements.
- Un discours de M. Thompson, membre du Parlement, termina la séance. Nous relevons de ce discours les paroles qui suivent :
- « Si l’opinion publique, si le peuple anglais étaient « opposés h la guerre, la presse n’oserait la préco-« niser et le gouvernement ne l’entreprendrait pas.
- « Le ministère de M. Gladstone s’est opposé, tant « qu’il l’a pu, à l’envoi de troupes en Egypte ; s’il « en envoie aujourd’hui c'est l’Angleterre même qui « l’y contraint. »
- Nous avons reçus les adhésions suivantes à la Ligue fédérale de la Paix et d’Arbitrage international.
- Tarbouriech, employé, à Cazouls-les-Béziers.
- Peyrebère Louis, plâtrier, —
- LA. PANACÉE SOCIALISTE
- Que n’a-t-on pas imaginépourcombattre le socialisme ? Le silence, la calomnie, le ridicule, la violence, les ennemis du progrès social ont tout essayé sans pouvoir arrêter l’idée puissante contenant le germe de la Rédemption humaine.
- Lorsque le socialisme affirme sa fécondité en vue de l’amélioration de la race humaine, tous les caniches et roquets de la presse soumise jappent après les novateurs. On dirait que ces gena-là ont peur qu’on les tire de la boue.
- Dites que le socialisme contient le principe d’ordre, d’où découleront progressivement, sans heurt
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- et sans violence, tous les perfectionnements possibles des pratiques sociales ; dites que l’application du socialisme engendre le bien, de la même manière que les complications naissent sans cesse d’un ordre social basé sur la toile concurrence : Oh ! vous avez une panacée ; on vous demande de la montrer, votre panacée ; et l’on vous propose des guérisons à opérer comme si vous teniez boutique à Lourdes; puis les plaisanteries, les quolibets, et les boutades les plus saugrenues n’arrêtent pas ; bon gré mal gré vous incarnez une panacée, et comme il est si doux aux charlatans de l’empirisme de se débarrasser de quiconque peut faire le jour sur leur prétentieuse incapacité, sous prétexte de faire justice de la panacée qu’ils ont inventée, ils accablent le penseur et parviennent à le rendre momentanément impuissant.
- Soyez assez fort pour résister à cette coalition des exploiteurs de la bêtise humaine ; ayez assez d’énergie pour forcer une partie de l’opinion publique à comprendre la donnée du socialisme, telle que vous l’aviez présentée au débat, c’est-à-dire comme un germe de progrès, comme une base sur laquelle doivent s’édifier, l’une après l’autre, un ensemble de reformes coordonnées, chacune ayant sa place marquée à l’avance, les dernières ne pouvant être entreprises avant que les premières soient suffisamment assises; alors la même meute recommence à japper sur un autre ton ; vous n’avez pas un remède infaillible, universel ; vous êtes un charlatan de popularité ; vous ne valez pas mieux que ceux qui vous entourent ; les détenteurs de pouvoir vous diront même qu’ils seraient prêts à vous , céder la place si vous possédiez le moyen certain de guérir toutes les misères ; et l’on ne cesse d’agrémenter ce thème de toutes les vilenies de la bêtise humaine.
- Ces exagérations, ces charges, tous ces faux, si fréquemment accomplis afin de rendre le socialisme et les socialistes ridicules,détestables, auront bientôt fait leur temps ; mais ces pratiques sont encore assez puissantes pour qu’il soit nécessaire de s’attarder quelques instants à les combattre de front et à en faire bonne justice; il ne suffit pas marcher en avant sans s’inquiéter de savoir ce que devient derrière soi la bonne semence, répandue avec tant de peine.
- Ces manœuvres delà réaction ont perdu une grande partie de leur influence, depuis qu’on peut les mettre en présence d’une réalisation comme celle du Familistère de Guise.
- La panacée socialiste, lorsqu’elle est appliquée par un penseur comme M. Godin, produit des résultats matériels indéniables, qu’il convient de faire constater malgré eux aux augures de l’empirisme.
- Dans notre dernier article sur la question ouvrière, publié dans ce même numéro du Devoir, nous proposons l’organisation de la Mutualité nationale comme première application du remède socialiste, destiné à prévenir les complications économiques.
- Nous De vouions pas insister sur ses effets généraux, en ce qui concerne les améliorations matérielles et morales qu’elle peut procurer à une nation dotée de cette puissante institution. Nous nous bornerons à constater son action réelle et les services rendus par elle à une population ouvrière dépassant 3,000 habitants.
- Les dépenses totales des institutions de Mutualité du Familistère de Guise ont atteint, en trois ans, le chiffre total de 264,000 fr.
- Dans une industrie subissant toutes les rigueurs du salariat, cette somme serait revenue toute entière aux capitalistes, qui l’auraient employée soit en dépenses de luxe soit en placements. Dans un cas comme dans l’autre, le nombre des travailleurs rémunérés par l’emploi de cette somme aurait été infiniment moindre que le nombre de ceux qui en ont profité, en l’utilisant dans la consommation d’objets de première nécessité, comme cela est résulté de la Mutualité, qui a pour but de procurer le nécessaire à des travailleurs jeunes, malades, ou vieux, condamnés à la noire misère s’ils n’avaient eu les secours de cette bienfaisante institution.
- Examinons quels seraient les résultats d’une application générale de la Mutualité dans une population de 40,000,000 d’habitants.
- Si, par chaque groupe de 3,000 individus, on avait consacré la même somme aux besoins analogues, cela aurait eu pour résultat économique d’avoir augmenté, pendant ces trois ans, la consommation ouvrière des produits de première nécessité pour une somme de 3,520,000,000 fr. De cette manière, les ouvriers, qui ont été amenés par le manque de demande à délaisser la production des objets de consommation courante, et qui sont venus augmenter la surproduction des objets de luxe et de fantaisie, auraient été retenus dans leurs anciennes profession ; et la société toute entière n’aurait pas à subir les angoisses du présent et les convulsions que lui prépare l’avenir, si elle continue à se montrer incapable à comprendre les voies du socialisme.
- Au Familistère, les dépenses exceptionnelles faites en faveur de l’enfance et les intérêts servis aux parts de propriété acquises par la participation des travailleurs aux bénéfices, pendant les mêmes trois années, représentent une augmentation du bien être ouvrier équivalente à l’amélioration résultant de la Mutualité. Nous pouvons donc soutenir que les
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- améliorations, possibles par la généralisation des réformes appliquées avec un plein succès dans l’association de Guise, auraient procuré à la France ouvrière, pendant ces trois dernières années, un supplément de consommation correspondant à une valeur supérieure à 7,000,000,000,
- Nous venons de signaler les résultats matériels inséparables de l'application des théories socialistes, nous ne voulons pas nous arrêter longuement aux perfectionnements moraux qui en sont une conséquence non moins incontestable. Mais, qui donc osera nier que l’enfant soustrait aux souffrances qui l’assiègent, ordinairement, dès sa naissance, dans les familles pauvres, que les adultes n’ayant plus à supporter les tourments et les désespoirs nés de ces souffrances et leurs misères personnelles, deviendront de jour en jour moins accessibles aux inspirations de la colère, de l’envie et de la haine. Nous pouvons encore ici citer des faits à l’appui de notre thèse et mettre en demeure nos contradicteurs de venir constater que les registres de la magistrature sont immaculés des traces de poursuites contre les habitants du Familistère.
- Lorsqu’on a une pareille justification de la théorie, lorsqu’on peut faire suivre chacun de ses arguments de faits et de chiffres indiscutables, lorsqu’on pourrait encore ajouter à cela l’énumération des avantages de l’habitation unitaire, n’a-t-on pas le droit et le devoir de ne pas se laisser décourager par le sarcasme, l’injure, et la violence, et d’accepter la situation telle que la font les mauvais esprits, en soutenant la lutte sur tous les terrains qu’il leur plaît de choisir.
- Eh bien ! il nous convient, à nous, en face des gens qui jouent des mots comme d’autres se servent de l’éteignoir, d’afflmer l’existence d’ftne panacée, souveraine, infaillible ; de déclarer que nous en connaissons suffisamment les premières applications ; .de promettre à la société une prompte guérison des maux les plus aigus, qui semblent à cette heure menacer directement son existence, pourvu qu’elle consente à en commencer l’expérimentation méthodique, suffisamment démontrée par la théorie et par la première expérience de Guise.
- Notre panacée est réelle ; elle résiste à l’examen ; l’expérimentation la confirme ; son efficacité contre le paupérisme n’est pas plus contestable que l’action fie la potasse contre les moisissures ; c’est elle qui guérira successivement l’humanité de tous les maux guérissables ; c’est elle qui nous débarrassera progressivement, au matériel et au moral, de tous les effets du paupérisme, et de la bêtise humaine et du charlatanisme politique.
- Notre panacée s’appelle la solidarité ; la Mutualité nationale en sera la première application.
- Tous les numéros du Devoir contenant des articles sur la Question ouvrière sont envoyés gratuitement aux députés ayant pris part aux débats sur la situation économique, et à leurs collègues qui ont l'habitude de s'occuper des lois sur le travail.
- VII
- Avant de donner nos conclusions et de préciser la base des réformes à réaliser pour échapper aux crises industrielles dont la France et tout le monde civilisé souffrent maintenant, avant d’indiquer les moyens de réaliser l’alliance féconde du capital et du travail par la mutualité et l’association, résumons les points principaux que nous avons mis en évidence dans cette étude :
- Nous avons démontré que les maux dont souffre la société ont leur cause dans une mauvaise répartition de la richesse, que le régime du salariat ne permet pas le développement de la consommation proportionnellement à la puissance de la production, que par cela même il survient inévitablement des phases de surproduction qui amènent le chômage du travail et de l’industrie,et qui peuvent donner lieu aux perturbations les plus profondes dans l’ordre social.
- Le travail humain étant assimilé au travail de la machine et soumis aux extrêmes conséquences de la loi de l’offre et de la demande, les ouvriers sont abandonnés à la détresse et à la misère.
- C’est à cet état de choses qu’il faut porter remède ; le législateur doit en prévoir les conséquences éventuelles pour la société ; l’humanité lui prescrit d’éviter ces souffrance au peuple.
- Dans une société où la production laisserait aux masses laborieuses une part proportionnelle à leur travail et aux utilités gratuites auxquelles elles ont droit, la puissance de la consommation tiendrait toujours en équilibre celle de la production, la surproduction serait un bienfait, conséquence du progrès croissant des procédés du travail et des perfectionnements de l’industrie; ses résultats se traduiraient par une augmentation de bien-être général conforme aux besoins et aux destinées de la vie humaine, concourant par conséquent au plus grand bonheur de l’universalité des citoyens.
- Quel heureux régime inaugurera ces bienfaits ? Ce sera d’abord celui de la solidarité, de la mutualité
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- nationale établie au nom des utilités gratuites naturelles; ce sera ensuite l’association des travailleurs aux bénéfices de l’industrie dans la proportion du concours et du travail de chacun.
- La mutualité nationale effacera la misère ; l’association du travail sera l’émancipation du travailleur, son élévation au bien-être et la disparition des crises industrielles.
- Dans un précédent article nous avons exposé la légitimité du droit d’hérédité de l’Etat dans les fortunes acquises; ce droit peut être envisagé à différents points de vue. Par les politiciens il peut être considéré comme un moyen d’équilibrer le budget et d’échapper à la fatalité des emprunts ; par les socialistes, comme remplissant le premier moyen en même temps que comme entrée dans la voie des réformes sociales les plus urgentes.
- En effet, quelle est la cause des souffrances des travailleurs ? Il est évident que cette cause réside principalement dans la mauvaise répartition de la richesse, dans ce fait que les produits du travail ne sont pas employés au plus grand bien des ouvriers qui les créent et que l’état actuel de l’organisation du travail permet à quelques-uns de s’approprier tous les avantages naturels et tous les avantages des services sociaux en ne laissant aux travailleurs que le salaire indispensable aux besoins de leurs familles, sans aucune garantie pour les mauvais jours.
- Il y a en cela une iniquité sociale. Le travailleur qui crée la richesse doit trouver dans cette richesse une garantie contre le malheur; c’est là ce qui a toujours fait défaut à la masse ouvrière ; mais cette absence de garantie devient d’autant plus sensible et plus criante aujourd’hui dans les nations civilisées que l’avènement de la production mécanique multiplie ies moyens de production au seul profit de ceux qui exploitent le travail.
- Le salaire, il faut bien qu’oh se le dise et qu’on le sache,n’est pas toute la part due à la famille de l’ouvrier dans la richesse créée. En travaillant à augmenter la richesse générale le travailleur devrait trouver dans cette augmentation des sécurités et des garanties qu’il n’a pas plus aujourd’hui qu’il y a cent ans. Lorsque le travail vient à manquer, la famille ouvrière est livrée aux plus dures privations de la misère sans autre ressource que l’aumône, et, si celle-ci fait défaut, sans autres ressources que le vol ou la mort.
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- On commence à entrevoir la nécessité de dojtwar des garanties aux classes ouvrières» La participation
- des ouvriers aux bénéfices en plus du salaire est une question posée devant l’indu trie moderne.
- En présence de tels faits, il n’est point besoin d’ouvrir des enquêtes ; ceux qui ont mission de réaliser les réformes nécessaires feraient mieux de se mettre à la besogne et de voir comment la richesse créée pourrait ménager ces garanties aux familles laborieuses au nom de sa propre sécurité autant que dans l’intérêt des masses souffrantes.
- Or, devant les dangers du paupérisme, il ne suffit pas de prêcher l’économie ni de créer des retraites pour ceux qui peuvent s’en passer ; ce qu’il faut faire, c’est assurer du pain à ceux qui ont faim. Les enquêtes ne le feront pas ; des mesures rationnelles sont seules capables d’atteindre un tel but, et, en fait de participation des ouvriers aux bénéfices, la première à instituer, c’est de garantir à l’ouvrier et à sa famille, s’ils tombent dans le besoin, les secours nécessaires à l’existence. Yoilà la première des réformes à faire sortir en faveur des masses ouvrières.
- La loi ne proclamera une telle mesure que le jour où elle consentira à prélever sur la richesse créée la part due aux utilités gratuites de la nature et des services publics ; c’est pourquoi, quant à nous, nous revendiquons le droit d’hérédité de l’Etat comme chose indispensable à l’inauguration des garanties ouvrières à organiser ensuite sous forme de mutualité nationale.
- Comprise ainsi, l’hérédité de l’Etat ne serait pas un impôt sur la richesse, mais une restitution aux masses laborieuses qui ont aidé l’Etat à créer cette richesse ; c’est pourquoi nous préconisons le retour à l’Etat de tous les biens tombant en ligne collatérale, et d’une certaine part sur les autres biens délaissés à la mort des personnes.
- Si l’on veut y faire attention, on verra l’énorme différence qu’il y aurait entre la constitution du domaine social du pauvre, telle que nous la proposons et les moyens anarchistes, empiriques et violents qui se propagent aujourd’hui dans toutes les nations civilisées pour l’expropriation du sol.
- Le droit d’hérédité de l’Etat dont la légitimité ne saurait être contestée permettrait d’entreprendre sans secousse et sans trouble l’organisation de la mutualité nationale, de réaliser les institutions et les réformes jugées utiles en faveur des masses laborieuses.
- Le grand mérite de cette mesure c’est qu’elle peut être mise en pratique et essayée dans telle proportion qu’on jugera utile ; la loi peut prononcer l’hérédité de l’Etat sur les fortunes acquises dans les limites tmesi restreintes qu’elle le Jugera bon et poser à la mutualité les tiqraes qu’elle voudra de
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- manière à pouvoir en surveiller et organiser le mouvement.
- Nous entendons ici les partisans du laisser faire et de l’incurie politique et sociale dire que la mutualité n’est pas du ressort du gouvernement, que le gouvernement doit se désintéresser de ces questions ; nous le voulons bien, mais nous ferons remarquer que, si le gouvernement peut s'en désintéresser, l’Etat ne le doit pas, qu’il appartient au législateur de faire la loi et que si celui-ci ne veut pas prendre le parti de faire restituer aux pauvres la part qui leur est due sur la richesse générale, un jour viendra où les pauvres eux-mêmes la reprendront. C’est ce grave conflit que nous voudrions éviter dans l’intérêt du progrès et de la civilisation.
- L’établissement de la mutualité nationale donnerait un soulagement rapide aux misères les plus poignantes et les plus redoutables, car la mutualité se constituerait immédiatement dans tous les centres populeux où les atteintes de la misère sont les plus graves.
- Que la loi d’hérédité et de mutualité étant faite, le gouvernement laisse les détails d’organisation pratique à l’initiative des populations, rien de mieux ; néanmoins c’est à lui qu’il appartiendrait d’intervenir pour faire dresser des règlements, arrêter le tarif du nécessaire à la subsistance des personnes privées de ressources et impuissantes à s’en procurer par le travail, enfin préciser les mesures d’ordre pour le contrôle des fonds et la vérification des comptes.
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- En résumé les mesures législatives aujourd'hui nécessaires sont les suivantes :
- l6 Réserver la part due aux masses laborieuses dans la création de la richesse en instituant le droit d’hérédité de l’Etat sur une part suffisante des fortunes délaissées à la mort des citoyens.
- 2° Instituer la mutualité nationale de manière à donner aux personnes dans le besoin les garanties nécessaires à l’existence. Subventionner cette mutualité par les biens tombant en héritage à l’Etat.
- 3° Donner aux travailleurs la liberté d’association et protéger par la loi même i’association du travail et du capital, de manière à l’entourer des sécurités légales qui lui font défaut.
- Ces mesures,si elles étaient prises par nos députés et sénateurs, opéreraient à elles seules la transformation pacifique de la société et son évolution vers un ordre économique nouveau ayant la propriété de sauvegarder les intérêts des citoyens pauvres et fichue dans la mesura de la jasttca et du manié?* à m&m bônhôar commun,
- Nous demandons avant toute chose l’organisation de la Mutualité nationale, et nous précisons quels services incombent à cette institution :
- 1° Garantir le minimum de subsistance à tous les êtres humains composant la nation, d’après une échelle variable suivant le prix des denrées dans chaque localité.
- 2° Garantir le développement intégral des enfants, sans les contraindre prématurément à un travail productif d’objets échangeables, et donner renseignement secondaire et supérieur à ceux qui feront preuve d’aptitudes.
- 3° Procurer aux malades et aux infirmes les soins nécessaires, et indemniser les familles des chômages supportés par leurs membres valides.
- 4° Servir des pensions de retraite aux vieillards et aux infirmes.
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- Les charges nationales devant résulter de la Mutualité sont considérables. Elles constitueront les premiers éléments de la liste civile du véritable souverain, le peuple. Il faut U commencer en changeant la destination des ressources réservées jusqu’à présent aux budgets de l'oligarchie capitaliste : le service de la dette et le budget de la guerre.
- D’après les constations faites au Familistère de Guise, on ne peut compter moins de cinquante francs par chaque habitant pour alimenter le budget de la Mutualité nationale.
- C’est donc un budget de 2,000,000,000 pour une population de 40,000,000 d’habitants, à peu près l’é-quivaient des budgets de la guerre et du service de la rente.
- En faisant l’Etat l’héritier universersel dans les successions en ligne collatérale sans testament, et en réduisant à 50 0J0 le droit d’hérédité de l’Etat dans les successions de même ordre, accompagnées de testament, on disposerait annuellement de ressources supérieures à 600,000,000.
- À brève échéance le budget de la Mutualité nationale peut être augmenté, par le désarmement, des centaines de millions absorbés par les dépenses militaires. Pour cela il ne suffit pas de souhaiter la paix, il faut savoir imposer aux hommes d’Etat de préparer l’opinion publique à vouloir un congrès international ayant mission de régler les conditions du désarmement.
- Mais on peut entreprendre dès maintenant l’organisation progressive du budget de la mutualité en appliquant au remboursement de la dette publique les produits de l’hérédité de l’État m ligne coÜaté-fata, établi* â*apfê§ Us basai! im mm venons dHïU iüqiiêf#
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- Un remboursement annuel de 600,000,000 permettrait de disposer chaque année de 25,000,000 de rentes libérées en faveur de la Mutualité nationale.
- L’Etat, en distribuant régulièrement, chaque année, les rentes disponibles aux sociétés et aux communes pratiquant la Mutualité, provoquerait certainement de la part de celles-ci des dotations au moins égales à sa participation.
- On peut conclure que l’Hérédité de l’Etat en ligne collatérale pourrait, en remboursant la dette publique, amener dans l’industrie et l’agriculture une circulation de capitaux excessivement profitable au relèvement de notre production,en même temps qu’elle augmenterait, chaque année, de 50,000,000 le budget de la Mutualité nationale.
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- Le programme du Devoir comporte des réformes plus nombreuses et plus profondes que celles que nous venons d’indiquer.
- Nous voulons, notamment, la participation des travailleurs aux bénéfices, d’après des règles précises, en vue de constituer des épargnes destinées à indemniser les propriétaires des moyens de production, à mesure que l'outillage et la matière deviendront la propriété des travailleurs associés. Nous attachons aussi une grande importance à la tranformation architecturale de l’habitation que l’on doit approprier aux besoins nouveaux de l’association. Dans l’ordre politique nous voulons encore que la souveraineté du peuple soit rendue effective par une organisation rationnelle du suffrage universel.
- Nous n’insistons pas sur l’urgence des diverses réformes favorables au développement de la vie humaine ; nous voulons nous en tenir momentanément à ce que nous considérons comme le minimum des premières mesures indispensables à l’amélioration du sort de la masse.
- La question ouvrière, au nom de l’intérêt général, impose à tous ceux qui veulent l’union féconde des républicains, de faire cette union par un pacte les engageant à militer énergiquement jusqu’à ce qu’ils aient obtenus les réformes suivantes :
- 1° La Mutualité nationale.
- 2* Le Droit d’Hérédité de l’Etat.
- 3" Le remboursement de la dette publique.
- 4° Une loi proclamant la liberté du contrat d’association.
- 5° Le désarmement par l’arbitrage international.
- Que sont toutes ces réformes ? Simplement, les garanties du droit à l’existence.
- Peut-on loyalement demander à l’action politique de s’appuyer sur des bases moindres que ces garanties ?
- N’est-il pas au contraire étonnant de penser que des travailleurs peuvent déléguer les pouvoirs publics à des hommes qui n’ont pas pris l’engagement solennel de constituer un gouvernement respectueux du droit de tous à l’existence ?
- Nous avons dit ce que devait être la Mutualité nationale ; si chaque travailleur avait l’énergie de ne jamais confier un mandat, soit corporatif, soit municipal ou législatif, à un citoyen qui hésiterait à accepter les engagements que nous venons de définir, la question ouvrière serait aussitôt résolue, en ce sens que la révolution ne serait plus un danger, parce que les autres parties de la question sociale auraient une base suffisamment stable pour permettre à l’humanité d’évoluer indéfiniment, sans arrêt et sans secousse, vers le perfectionnement de la vie humaine.
- FIN
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- APHORISMES ET PRÉCEPTES SOCIAUX
- Production et consommation
- Les garanties mutuelles de l'existence et la participation des travailleurs aux bénéfices de la production sont aujourd'hui des institutions nécessaires à la paix intérieure des nations civilisées.
- Elles donneront aux classes ouvrières les moyens de prendre une part plus importante à la consommation des produits créés par Vagriculture et l'industrie et assureront un écoulement à la production.
- En donnant ces garanties au peuple, le législateur assurera la permanence du travail, les chômages disparaîtront et les populations vivront heureuses du fruit de leurs travaux.
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- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- La Grève d’Anæin, — M. Audiffred Pasquier, président du conseil d’administration de la Compagnie d’Anzin, a eu une conversation avec un reporter du Temps au sujet de la grève des mineurs. M. le marquis s’est longuement étendu sur les embarras de toute sorte causés à la malheureuse compagnie par la concurrence étrangère et par les prétentions excessives des ouvriers, que rien ne peut satisfaire. La compagnie est cependant bien paternelle envers ses ouvriers; elle paiedes pensions aux vieillards; elle accorde des secours aux nécessiteux ; elle a payé de ce chef des sommes folles qui n’ont pas empêché les revenus de ses actionnaires d’augmenter dans des proportions vraiment scandaleuses. La bonne compagnie d’Anzin a fait tout cela et beaucoup plus
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- encore, sans y être contrainte par aucune loi, par aucun règlement. Depuis plusieurs mois, a dit M. le marquis, la compagnie occupe plus de 1,000 ouvriers dont elle n’a pas besoin, tant ses approvisionnements sont considérables et tant ont été diminués ses débouchés à la suite de la crise métallurgique. Les déboires de Messieurs d’Anzin'sont vraiment attendrissants. Pauvre marquis! pauvre compagnie ! quelle situation est la vôtre ? Vos revenus vont peut-être diminuer de 10 0/0, ce qui fera que vos capitaux primitivement engagés dans l'exploitation d’Auzin ne vous rapporteront pius que 200 0/0. Vraiment cela n’est pas supportable. Comprend-on un gouvernement qui reste indifférent en présence des malheurs comparables à ceux des actionnaires d’Anzin?
- Le reporter du Temps a ôté tellement ému par le récit des infortunes du président de la société houillière, infortunes du reste noblement endurées, qu’il n’a pu trouver un mot pour interroger ou consoler Monsieur le marquis d’Anzin. Il y a de ces malheurs que la discrétion commande de ne pas approfondir, et que la dignité de ceux qu’ils atteignent ne permet pas d’adoucir par de banales condoléances. C’est assurément à des sentiments aucsi élevés qu’il faut attribuer le silenee de l’interlocuteur de M. d’AudiffredPasquier,car on ne saurait mettre en doute la sensibilité des rédacteurs du journal parisien le plus sérieux. Si nous avions eu l’honneur de recevoir les épanchements de l’honorable président de la société d’Anzin, nous n’aurions pas eu la délicatesse du journal, écho de M. le marquis, nous n’aurions pu résister au désir de venir en aide à tant de misère, en ouvrant une souscription en faveur de victimes aussi dignes de pitié.
- Après avoir fait la part légitimement dûe aux sacrifices de Messieurs les Actionnaires, seigneurs d’Anziü et d’autres lieux, nous apprécierons les faits avec une impartiale logique.
- Il est évident que la compagnie d’Anzin ne peut maintenir le taux des salaires généraux en face de la concurrence étrangère; il est absolument urgent de ramener les salaires à un prix qui permette d’écouler les charbons français sur les marchés intérieurs,où les charbons étrangers arrivent dans des conditions de bon marché avantageuses. L’intérêt national et l’avenir même des ouvriers mineurs commandent impérieusement une résolution dans ce sens ; la compagnie ne peut faire moins que tenir compte de ces nécessités.
- Mais les salaires payés par la compagnie se divisent en deux parties nettement caractérisées : les salaires payés aux capitaux, et les salaires payés aux ouvriers.
- La question générale étant ainsi nettement posée, il se présente à l’esprit les questions relatives de savoir si l’on doit imposer une diminution aux deux sortes de salaires, ou bien si l’on doit la faire supporter à une seule.
- La Compagnie d’Anzin répond catégoriquement que le salaire des ouvriers doit supporter toutes les charges.
- Nous, nous soutenons que le salaire du capital doit supporter la diminution toute entière, fût-elle plusieurs fois plus importante qu’elle l’est actuellement.
- Depuis trente ans — nous admettons la prescription sur les privilèges antérieurement acquis par la compagnie — les dividendes, les salaires du capital,ont décuplé, tandis que le salaire des ouvriers est demeuré stationnaire. N’est-il pas juste, en présence des difficultés créées par la concurrence, de faire porter toutes les réductions sur la partie des salaires que l’on a exagérée ? Cela est rationnel ; nous pouvons même dire que nos conclusions sont conformes à l’esprit du code français qui limite à 5 0/0 le salaire du capital. Il est môme certain qu’en prenant pour point de départ la loi qui règle le taux de l’intérêt, pour arriver juridiquement à imposer à très haute et très puissante compagnie d’Anzin des obligations conformes à nos conclusions, il faudrait moins torturer l’esprit du code qu’on ne l’a fait afin de condamner à mort l’anarchiste Gy voct, coupable d’avoir écrit un article de journal excitant les citoyens à la révolte.
- Nous ne sommes pas disposés à ménager la compagnie, on le voit ; nous conseillons néanmoins aux mineurs
- d’Anzin de ne pas cunliin er une lutte stérile. Qu’ils réfléchissent à cet aveu de M. Audiffred-Pasquier,lorsqu’il a déclaré que la compagnie continuait à occuper, depuis longtemps, plus de 1,000 ouvriers dont elle n’avait pas besoin ; ils comprendront que la grève fait parfaitement les affaires de la compagnie, et qu’il est de leur intérêt de ne pas la continuer. Ce n’est pas la résignation qu’on leur demande ; le malheureux, victime d’une injustice, est presqu’un lâche, lorsqu'il se résigne. Les mineurs d’Anzin devraient reprendre le travail, conservant intérieurement toute l’énergie qui les a poussés à la grève, mais résolus à donner à cette énergie une autre direction. Rentrés au service de la compagnie, ils devraient employer les rares moments de liberté à faire ce qu’ils ont si bien commencé pendant la grève, en sommant leurs représentants et ceux du gouvernement d'imposer aux seigneurs d’Anzin l’observation de règlements protecteurs de l’existence. M. Giard a eu une excellente idée eu demandant aux autres députés des centres miniers de l’assister auprès du gouvernement ; mais, il n’est pas allé assez loin dans ceLe voie ; il aurait dû invoquer la solidarité de tous les députés élus par des majorités ouvrières, et prendre acte de leur refus, si refus il y avait eu, pour les dénoncer à la méfiance de leurs électeurs.
- Cette grève d’Anzin a eu jusqu’à présent l’excellent résultat d’établir un rapprochement entre des électeurs et leur élu ; si les électeurs, les grévistes, avaient la sagesse de se courber quelques temps sous les rigueurs des compagnies, et de profiter de leurs bons rapports avec leur représentant pour lui remettre une rédaction concernant les garanties jugées indispensables par eux, en lui donnant le mandat ae la présenter, en dehors des séances législatives, à la signature de chaque député en particulier et de dresser une liste de tous ceux qui refuseraient de signer, l’échec des mineurs devant les féodaux du capital serait bientôt suivi d’un véritable triomphe sur le terrain social.
- JLa commission d’enquête. — La commission travaille avec une ardeur véritablement inconnue aux commissions d'enquête, dont l’histoire parlementaire a conservé le souvenir. Ce n’est pas une raison pour que ses conclusions soient déclarées d’avance valoir mieux que le silence des enquêtes précédentes. Les précédents interdisent le moindre enthousiasme ; s’il pouvait seulement en sortir une souris. Nous continuons a enregistrer les dépositions reçues par la commission des 44.
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- Chambre syndical© patronale de» payeurs. — Les délégués de la chambre syndicale des entrepreneurs de pavage ont exposé qu’il y a, à Paris, 240 entrepreneurs, dont 80 font partie de la chambre syndicale.
- Le pavage subit le contre-coup de la crise qui pèse sur l’industrie du bâtiment.
- Cette industrie se divise en deux catégories : la première comprend les travaux de l’Etat et ceux de la ville, et la deuxième les travaux privés.
- Il n’y a pas crise pour la première, qui ne comprend qu’un nombre limité d’entrepreneurs.
- Pour les travaux particuliers, il n'en est pas ainsi ; un tiers des ouviiers chôment.
- A Paris, il y a 1,000 compagnons paveurs et autant de garçons pour les servir, il y a 200 piqueurs de grès et 400 tailleurs de granit, 400 bitumiers et 600 garçons pour les servir, en tout 4,000 ouvriers environ.
- En hiver, les ouvriers font neuf heures par jour ; en été, onze. Leur salaire est de 70 centimes l’heure, pour les compagnons, et de 50 centimes, pour les garçons. Autrefois, ces salaires étaient de 50 et de 35 centimes.
- Le malaise provient de l’arrêt des constructions.
- On a toujours recherché s’il y avait moyen de créer des caisses de secours ou de retraites, mais les ouvriers paveurs sont nomades.
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- ï,K DEVOIR
- Chambre Ny*«dieale patronale des me-nuiwierxi. — M. Haret, président, a déclaré que, sur 700 entrepreneurs, 400 se rattachaient à la chambre syndicale. Sur 20,0ü0 ouvriers que comprend la corporation, 10,000 environ sont sans ouvrage.
- Il y a crise, et la crise doit être attribuée à la cherté des salaires qui est un fait artificiel. Le salaire était de 3 fr. 50 par jour en 1845; il est aujourd'hui de 7 fr. La dernière série des prix de la Ville le porte à 8 fr., mais les entrepreneurs n’ont pas voulu admettre ce prix qui aurait entraîné la ruine de lÏDdustrie.
- M. Jametel ayant demandé s’il était vrai que les entrepreneurs n’eussent pas suffisamment amélioré et renouvelé leur outillage, M. Haret a répondu que, même avec l’usage des machines, la concurrence restait difficile à cause de l’infériorité des salaires à l’étranger.
- L’industrie de la menuiserie exige beaucoup de frais, il faut des ateliers couverts ; les assurances sont plus onéreuses â cause des risques plus nombreux.
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- Tdnion de» Chambres syndicales patronales — Les représentants sont Messieurs Havard, patron papetier, et M. Vée, fabricant de produits chimiques.
- Ils ont déclaré que les chambres syndicales de l’union comprennent l’ameublement, les industries de luxe et autres, l’alimentalion, etc. Chaque chambre syndicale reste indépendante. Aucune ne s’occupe des questions de salaires, qui varient selon les industries.
- En général, ces délégués r.e croient pas que la crise existe aussi grave qu'ôn l’affirme. Beaucoup d’industries n’ont pas de chômages sérieux. Il y a certainement un malaise qui ne se fait pas sentir seulement en France, quoique les produits étrangers nous fassent concurrence sur nos propres marchés, mais il ne faut pas oublier que le commerce est toujours sous le coup des impôts résultant de la guerre de 1870.
- Spécialement, M. Havard a dit que la librairie et ie papier souffrent de la concurrence des pays voisins. L’Angleterre importe en France même ie papier Ajournai, mais en travaillant à perte le plus souvent. Le papier français fait néanmoins pour 150 millions d’affaires, quand, auparavant, le chiffre de 80 millions n’était pas atteint.
- Relativement aux dépositions formulées ces jours-ci devant la commission par différents corps de métiers, MM. Havard et Vée affirment que, si les ouvriers du bâtiment ont jeté un cri d’alarme, la situation actuelle n’est pas, en réalité, inférieure à celle d’il y a deux ans. Il y a un peu d’affolement, comme en temps d épidémie où la frayeur accroît la gravité des cas. Si le marché français est dévoré par la concurrence étrangère, c’est qu’en définitive ce marché est ie plus solide.
- Les délégués ont émis l’opinion qu’il faut avant tout rassurer les esprits. En examinant la situation avec sang froid, on verra que ie mal est restreint. Les syndicats professionnels, selon eux. doivent avoir pleine liberté, mais il n’y a pas lieu d’accorder la vie civile à la fédération ouvrière. L œuvre syndicale doit être essentiellement moralisatrice. Quant aux chambres syndicales, leur composition doit être mixte.
- Une question urgente est celle de la révision des tarifs de chemins de fer, en vue du b>n marché et de la rapidité aes transports, lant à l’intérieur qu’à l’extérieur.
- Parmi les produits chimique.-, la soude et la potasse sont à l’état de crise confirmée. Les petits produits divers maintiennent leur chiffre d’affaires, mais l’exportation en est presque nulle, tandis que des quantités considérables de produits étrangers inondent nos marchés et se placent facilement. La consommation de ces divers produits chimiques a quintuplé.
- Les délégués ont fait remarquer à ce propos que l'influence scientifique, qui a une absolue prépondérance dans ce commerce, appartient maintenant à 1 Allemagne* Il faut donner un nouvel essor a l’instruction pour nous mettre à cet égard au niveau de no* «nvaliUééUtâ voisins,
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- Union dea cïmmbres syndicales patronales de la rue <1© Lancry. — M. Muret, délégué.
- L’industrie parisienne souffre surtout de la concurrence allemande et américaine. Le gouvernement devrait favoriser les institutions de crédit, l’enseignement technique et professionnel, subventionner les écoles de dessin et d’art industriel. L’impôt des patentes est injuste. Le dégrèvement du prix des transports est nécessaire. Les grands magasins de nouveautés ont fait un tort immense aux petits fabricants.
- JL© Orédit Foncier. —M. Christophle prouve que les documents apportés à la tribune du Corps législatif par M. Jules Ferry sont complètement fantaisistes; ils évaluaient à un chiffre 4 fois par trop élevé le total de la valeur des immeubles récemment construits à Paris.
- Le plus grand mal provient du krach ; l’industrie du bâtiment souffre comme les autres, mais pas plus que les autres. Une reprise est souhaitable; il ne faut pas cependant désirer une réaction trop vive, laquelle produirait alors le krach de la construction.
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- IL© comptoir des entrepreneurs. —- M.
- Robinot, délégué.
- La liquidation des entreprises de contraction est, à l’heure présente, fort difficile, faute de crédit à long terme. Il confirme les faits dénoncés par M. Christophle.
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- Chambre syndicale patronale des charpentiers. — M. Bertrand expose qu’il y a 282 patrons, dont 121 groupés en chambre syndicale depuis 1807. Depuis un an, l’état est difficile ; on a trop construit.
- Les 121 occupent un noyau d’ouvriers môme avec peu de travail. Jamais ils ne diminuent le salaire des ouvriers. L’augmentation des salaires est la principale cause de la crise.
- Les neuf dixièmes des patrons sont d’anciens ouvriers. Les ouvriers vivent plus largement qu’autrefois ; ils ont plus de besoins. Qu a dû. s’adresser à l’étranger. On peut faire arriver à Paris de la charpente façonnée en Allemagne au môme prix que le bois brut pris sur chantier Français.
- Le "bois brut, en Allemagne, coûte 12 fr. 50 le stère; en France, 50 ou 60 fr. L’ouvrier gagne en Allemagne 2 fr. 50 par jour ; en France, 8 fr.
- L’ouvrier produisait autrefois trois fois plus de travail dans le même temps qu’aujourd’hui. Là où il donnait quinze heures de travail ; il en donne cinq. Il était payé 4 fr. par jour ; il est payé 8 fr.
- Les patrons proposent comme remèdes quelques percements dans l’intérieur de Paris en divisant le travail entre cinquante ou soixante patrons. En temps normal, il n’y a que 3,500 ouvriers ; en hiver, 7 ou 800 de moins, j Ou a exagéré leur nombre ; Un dixième seulement est noccupé. Les patrons ont une caisse d’assurances à leurs frais pour venir au secours des ouvriers blessés.
- Chambre syndical© patronale des serruriers. — La serra rie supporte le contre-coup du malaise général. Le chômage est considérable. Le prix de la journée est entre 6 et 8 francs. La crise serait atténuée si les ouvriers venus de province consentaient k revenir chez eux. Les ouvriers négligent l’épargne. L’augmentation des salaires est justifiée par la cherté croissante de la nourriture et du logement ouvrier. La participation aux bénéfices serait juste, mais elle est inapplicable dans la situation actuelle de cette industrie. Un cinquième seulement des patrons réalise des bénéfices réels,* trois cinquièmes végètent \ les autres marchent a la failli ta. Le délégué évalue l’àUgm.ént&ilôft dss loyers de %QÙ h SüO ÿmt 100.
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- Chambre syndicalepatronaJe tte>» peintres. — Oq emploie de 15 à 20,000 ouvriers. La diminution du travail, en 1883, a été environ de 33 0/0. Il est impossible de prévoir où s’arrêtera le malaise. Depuis vingt ans les salaires ont augmenté de 100 pour 100 Le nombre des ouvriers étrangers ne dépasse pas In quart des ouvriers employés. Les ouvriers ont refusé de s’entendre avec les patrons pour l’organisation de caisses de secours.
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- Cliamb,'e syndicale ouvrière de» peln-tres ea bâtiment». — Les peintres en bâtiments sont au nombre de 10.000 environ ; il n’y a qu'au tiers de la corporation qui travaille constamment ; un autre tiers perd deux mois et le dernier tiers perd de trois à quatre mois.
- La journée de travail varie suivant la saison et à cause de la durée de la lumière du jour: dix heures pendant six mois, d’avril à septembre, et huit à neuf heures pendant six autres mois.
- Cet hiver la crise s’est aggravée : il y a 3 à 4,000 ouvriers qui no travaillent pas du tout. Ils sont obligés de se placer comme garçons de peine, de magasins, etc. Pour beaucoup, c’est la femme qui est obligée de Subvenir aux besoins du ménage.
- Le salaire était, il y a 10 ans, de 50 centimes l’heure ; 55 en 1868 ; il a, de 1877 à 1882, monté de 5 centimes par an, et il est arrivé à 80 centimes en 1882.
- Mais aujourd’hui les patrons spéculant sur le besoin font travailler à 70. et même 60 centimes l’heure. Les patrons recherchent les étrangers, qui sacrifient le fini de l’exécution et se font payer moi-is cher.
- Le citoyen Finance, l’un des délégués des peintres, a fait une déposition qui a vivement intéressé U commission. Il a attribué la crise â l’excès des travaux, qui a attiré à Paris une fouie d’ouvriers nomades. Loin de demander des travaux, M. Finance prétend qu’on devrait cesser d’en exécuter, et le déclarer nettement, de ma Mère à faire que les nomades retournent dans leurs foyers et qüe Paris soit une ville parisienne vivant de sa vie propre.
- Le citoyen Finance a également repoussé la création de caisses de secours ou de retraites avec le concours de l’Etat; ce sont, a-t-il dit textuellement, « des fabriques d’infirmes ». Il prétend que ces institutions détruisent le sentiment de solidarité et de fraternité auquel on doit exclusivement recourir.
- Chambre syndicale cio** entrepreneurs <!e fumisterie. — Il y a 350 patrons employant environ 3,500 ouvriers. Le chômage porte sttr un cinquième de la corporation. La journée de travail est de dix heures et le salaire unique est de 7 fr. par jour ; il ne varie pas en temps de crise.
- Le malaise actuel se rapporte à l'augmentation des logements restés sans locataires.
- Les délégués désirent la création d'une caisse de secours et de retraites auxquelles les patrons et les ouvriers pourraient ensemble participer.
- Jusqu’à présent, les chambres syndicales ouvrières dont les adhérents sont en très petit nombre, ont résisté à cette mesure,
- Ce sont principalement les entrepreneurs ayant travaillé pour les sociétés de constructions et à crédit, qui ont été atteints par la crise.
- Les deux tiers des patrons sont étrangers ainsi que la moitié des ouvriers, composés de Suisses et d’Italiens.
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- CD ambre syndical** patronale «le» poseurs «le sonnettes électriques. — Il y a
- 68 patrons, dont 42 font partie delà chambre syndicale Sur 400 ouvriers en totalité, il y en a 300 environ qui sont occupés. La journée de dix heures se paye de 7 â 8 tféuds ; oa tPeranidio â ce pM* élevé que de hopa ou* s vriers. Oa 1867 à 1874, le salaire s’est maintenu de 8 à $ francs. !
- L’exagération des constructions et les U ri fs de douane, qui ont fait b .isser les exportations de 30 0/0, sont la cause du malaise actuel. La situation n’a rien qui uoive alarmer ; mais on craint pour l’avenir si l’industrie du bâtiment continue à chômer. D’autre part, l’Allemagne fait une concurrence redoutable aux produits français sur les marchés étrangers,
- Il n’y a Di caisse de secours ni caisse de retraites.
- Chambre syndicale patronale «le» me-nuisn r«. — Le syndicat représente 400 maisons sur 700. Il y a diminution notable dans les travaux, et, ce qui est plus fâcheux on n’entrevoit aucune amélioration pour la campagne prochaine.
- La corporation comprend 20,000 ouvriers dont 10,000 seulement sont occupés. Le ralentissement a commencé il y a deux ans ; le chômage sévit depuis surtout trois mois.
- Les salaires de 7 francs par jour pour dix heures de travail en toute saison. Les bons ouvriers gagnent même davantage. Les entrepreneurs n’ont pas voulu admettre les prix de la dernière série de la ville, qui, ont-iis affirmé, auraient entraîné la ruine de l’industrie en présence de la concurrence étrangère.
- Le salaire ne varie pas en temps de chômage ; même on pale certains ouvriers inoccupés. -De 1870 à 1878, le salaire était de 5 fc., en 1879, de 6 fr. Depuis 1880, il' est dé 7 fr.
- Le délégué s’est plaint de ce que la ville ait cru devoir fixer le prix de la journée à 8 fr. Il a déclaré que, même avec le perfectionnement de l'outillage, avec l'usage des machines, la concurrence restait très difficile, à cause de l’infériorité des salaires à l’étranger.
- L’industrie, de la menuiserie exige beaucoup de frais. Il faut des ateliers couverts ; les risques d’incendie sont nombreux et les assurances coûtent fort cher. Du reste, le perfectionnement de l’outillage a fait du tort à de bons ouvriers qui n’oot pu s’établir. Tous les patrons sont d’anciens ouvriers.
- Si l’Etat et la Ville procuraient des travaux, la crise s’amoindrirait, mais l’élévation des salaires sera toujours une gène. Les traités de commerce ont trop facilité l’importation des bois travaillés et les maisons étrangères ont envoyé des commissionnaires sur la place de Paris.
- Il n’existe pas de caisse de secours et de retraites. Dans certaines maisons, il existe des caisses particulières. La participation des bénéfices serait très difficile à établir, ces bénéfices étant très minimes.
- La chambre syndicale des ouvriers, ont-ils ajouté, a à sa tète des membres qui ne travaillent pas. Quelques ouvriers avaient fondé des cours de dessin ; ils ont refusé les prix offerts par les patrons parce, que, selon eux, c’eût été une déchéance.
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- Xj©» Compagnons charpentier» du Devoir. — Les délégués ont dressé le budget de l’ouvrier : le salaire étant de 8 fr. par jour, la moyenne, en tenant compte des chômages obligatoires soit 245 jours de travail par an — ne ressort qu’à 5 fr. 38 par jour, ce qui est insuffisant pour nourrir et élever une famille. Ils ont donc insisté pour que le prix de journée soit porté à 9 fr.
- Parmi les causes de malaise, les compagnons charpentiers citent les expéditions de Tunisie et du Tonkin.
- Il existe une caisse de secours dans la corporation. La Mère des compagnons considère les ouvriers comme ses propres fils et les soigne lorsqu’ils sont malades.
- Les délégués ont protesté très vivement contre les allégations de M. Bertrand et des autres représentants de la Chambre syndicale des patrons charpentiers. Ils ont conclu en demandant qu’on recherche les moyens de concéder de gré à gré les travaux de la Ville et de, l’Etat aux associations ouvrières, qu’on supprime l’impôt prélevé sur les bénéfices des membres de ces asso-et qu'auentreprenne la, construction, de maisons puvrièraâ, Ils dût déclaré avoir organisé unâ école professionnelle qui fonctionne parfaitement,
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- LE DEVOIR
- Chambre syndicale des ouvriers mar-forie**». — Les marbriers appartiennent à, plusieurs catégories : les ouvriers pour les meubles et pendules, les ouvriers pour le bâtiment et enfin les marbriers pour les monuments funéraires.
- La corporation comprend au total 1,000 ouvriers dont 800 font partie du syndicat. La journée est de 10 heures, le salaire en temps normal varie entre 7 et 8 francs ; malgré la crise, il est resté le même.
- La crise date de 1883 ; la principale cause est la concurrence étrangère, notamment celle de la Belgique; les marbres travaillés ne paient pas de droits à l’entrée en France.
- Les délégués ont déposé les conclusions adoptées par les groupes du parti ouvrier.
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- Chambres syndicales adhérentes au parti ouvrier. — Dans une réunion privée,composée des délégués des Chambres syndicales adhérentes à la tactique du parti ouvrier, il a été décidé que les délégués de ces groupes devaient s'abstenir de déposer, s’il ne leur était promis préalablement que l’on écouterait les propositions tendant à déterminer les moyens de remédier à la situation.
- Voici les douze propositions adoptées par ces groupes :
- 1° Distribution de secours provenant des fonds de l’Etat et de la Ville par l’intermédiaire des chambres syndicales ; 2° remise d'un terme de loyer aux ouvriers ayant chômé ; 3° dégrèvement des impôts sur les matières premières et les denrées alimentaires ; impôt sur les produits étrangers; 4° rapatriement des ouvriers; 5° irréductibilité des salaires ; 6° obligation pour les propriétaires de faire immédiatement dans leurs maisons les réparations utiles afin de procurer du travail ; 7° réduction de la journée de travail à huit heures ; 8° impôt spécial sur les terrains non bâtis ; 9° impôt fortement progressif sur les héritages \ 10° concession des travaux de l’Etat aux chambres syndicales; 11° établissement de bouillons et marmites et fourneaux économiques ; 12° construction de logements ouvriers.
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- Emancipation de la Femme. — Nous aurions eu une double satisfaction, si la lettre suivante avait été adressée par une femme à la Commission d’enquête, parce que le fond n’aurait riea. perdu de sa justice, et nous aurions eu l’avantage de constater une fois de plus un acte prouvant que les intéressées sont à la hauteur de la situation à laquelle elles prétendent a si juste titre. Cette faute de tactique commise par les groupes de femmes est en partie reparée par l’initiative de M. Richer.
- Paris, le 3 mars 1884. .
- Monsieur le président,
- Je suis avec un vif intérêt le compte rendu ^publié par ! les journaux, des dépositions recueillies au jour le jour | par la commission des 44, ;
- J’ai vu défiler devant vous, dans un ordre auquel rien ! n’est à reprendre, de nombreux délégués de divers corps d’état : — tous hommes.
- Pourquoi pas les femmes ?
- S’il y a des ouvriers, il y a aussi des ouvrières.
- Est-ce qu’elles ne compteraient pas pour vous, pour j la commission d’enquête que vous avez l’honneur de ! présider? Pourtant elles sont en nombre considérable; on j les emploie dans une foule d’industries ! !
- J’ajoute qu'elles sont plus exploitées encore que les j hommes. J
- Si j’entrais dans les détails, cette lettre, qui n'a d’au- ! tre but que d’appeler votre bienveillante attention et celle de vos honorables collègues sur les causes de la misère contre laquelle se débattent tous ceux qui souffrent de notre crise industrielle et commerciale, dépasserait les limites d’une simple requête. Je me bornerai donc à dire que la situation économique ne touche pas seulement, spécialement, exclusivement, les travail-
- leurs hommes, mais qu’elle atteint en même temps et non moins cruellement les femmes.
- Connaissez-vous les ouvroirs, sortes d’ateliers tenus par les religieuses, lesquelles, sous prétexte d’apprendre aux petites filles qui leur sont confiées à coudre des draps, à tailler des chemises, à des camisoles, à broder des chiffres, etc., les tiennent à l’ouvrage dix heures durant sans les payer, et livrent ensuite leur travail à des prix si bas que toute concurrence est impossible ? Vous a-t-on dit que cette exploitation a pris des proportions si considérables qu’une femme, môme en passant les nuits, n’arrive pas à gagner le prix de son pain et son huile ?
- Il y a là, monsieur le président, tout un côté de la question qui me paraît vous échapper.
- Le nombre des ouvrières est aussi grand que celui des ouvriers.
- Certaines femmes ont toutes les peines du monde ài gagner dix sous par jour.
- Est-il possible à un être humain de vivre avec cela ?
- Ne nous étonnons plus des progrès contants de la prostitution.
- J’appelle donc votre attention, monsieur le Président, sur l’exploitation coupable des entrepreneurs et des ouvroirs dirigés par les sœurs. Etudiez ces plaies ; appelez à vous les intéressées ; faites vous donner des chiffres ; renseignez-vous sur l’exiguitô des salaires, — et vous serez douloureusement frappé.
- Une enquête qui ne porterait que sur le travail des hommes ne serait pas complète ; elle négligerait toute une moitié du problème à résoudre. Je vous supplie d’appeler à vous les femmes, de les interroger, de les entendre. De bien tristes révélations vous seront faites.
- Yeuillez agréer, monsieur le Président, l’assurance de ma considération très distinguée.
- Léon Richer.
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- Congrès du parti ouvrier (région du centré). — Le congrès régional ouvrier du centre tiendra ses séances à Paris, du samedi 5 au mardi 8 avril prochain.
- Trois questions y seront discutées :
- 1° Les élections municipales ;
- 2° La crise industrielle ;
- 3° Les prud’hommes.
- La proximité des élections municipales donne un intérêt tout particulier à la première question. On peut s’attendre à voir le parti ouvrier s’efforcer de présenter des candidats ouvriers dans tous les quartiers de Paris où ils auront chance de recuillir quelques suffrages.
- MAROC
- Tout ce qui concerne le Maroc est l'objet, depuis quelques mois, d’une sollicitude toute particulière de la part de notre gouvernement.
- On annonce que M. Ordéga, ministre de France à Tanger, vient d être nommé ministre plénipotentiaire de première classe. Cette promotion tout exceptionnelle, puisque M. Ordéga n'a pas les trois années de grade réglementaires, serait motivée sur les services que cet agent aurait rendus, en dernier lieu, eu obtenant l’ouverture du Riff aux étrangers.
- ANGLETERRE
- La dynamite fait beaucoup de bruit dans le pays du parlementarisme ; on s’y croirait presque en Russie. Cette coïncidence des mêmes symptômes des colères ouvrières dans ces deux pays, placés par leurs mœurs politiques aux deux extrêmes de la civilisation, sont une preuve irréfutable de l’insuffisance des garanties d’ordre politique en vue d'assurer l’ordre public. Ce n’est pas sans causes réelles que la dynamite parle avec une égale vigueur dans le pays du constitutionalisme et dans celui de l’autocratie.
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- ALLEMAGNE
- Les lois d’exception appliquées contre les socialistes sont loin de produire les résultats attendus par M. de Bismarck.
- Dans l’élection complémentaire pour le Reichtag, qui vient d’avoir lieu à Bielefeld, le candidat conservateur a été élu, mais le nombre des voix socialistes s’est élevé à 2.558, alors qu’en 1881 il n’était que de 1.148.
- CORRESPONDANCE D’ANGLETERRE
- La situation politique en Angleterre : Libéraux et Conservateurs. — Gordon Pacha et la traite des Noirs. — Les quatre élections de Northampton et la future ligne de conduite de M. Bradlaugh.
- En dépit des quarante-neuf voix de majorité obtenues par le gouvernement à la Chambre des communes contre la proposition de Sir Stafford North-cote, vote qui fait plus que de contrebalancer l'échec subi par nos ministres à la Chambre des Lords, je ne suis pas de ceux qui ont une confiance absolue dans la vitalité du cabinet actuel, et je ne me déclarerai satisfait que le jour où nos Commoners auront adopté Y Electoral Reform Bill d’où dépendra le résultat des prochaines élections générales.
- C’est que, outre les complications extérieures qui sont plus que jamais à redouter et qui constituent en général une piorre d’achoppement pour nos libéraux, il paraît que la santé de M. Gladstone laisse fort à désirer depuis quelques temps, et il ne serait pas impossible que si l’opposition combinée des Tories et de leurs alliés d’un jour les Parnellistes le poussait à bout, il ne se retirât brusquement des affaires, entraînant avec lui le Cabinet, ou le laissant désorganisé et sans direction, ce qui reviendrait au même.
- Or, l’on se demande à quel homme, dans une éventualité semblable, le parti libéral pourrait bien confier, avec sa direction, les destinées du pays en ce qui concerne l’œuvre des réformes intérieures. Je ne vois personne capable de remplacer M. Gladstone, et la seule consolation que l’on puisse s’offrir en cette occasion, c’est de constater que le parti conservateur est encore plus mal partagé, lui qui n’a aujourd’hui ni leader, ni politique; à moins toutefois que l’on n’appelle de ce nom un système qui consiste à tout critiquer sans avoir soi-même aucune ligne de conduite à proposer !
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- La soi-disant proclamation de Gordon Pacha, à Karthoum, est déjà connue des lecteurs du Devoir ; inutile donc de la reproduire à nouveau ici.
- Mais que faut-il penser de cet étrange document ?
- Bien des gens ici, et des mieux informés, de ceux qui connaissent personnellement Gordon, mettent en doute l’exactitude du texte de sa déclaration relative à la traite des noirs tel qu'il nous a été transmis ; et il faut avouer que quiconque a lu la vie de Gordon Pacha, et a une connaissance même superficielle du côté religieux et humanitaire de l'homme, aura peine à croire qu’il ait pu biffer ainsi d’un seul trait de plume les plus belles pages de sa vie publique.
- Agir de la sorte serait faire acte de renégat, et, en outre, déshonorer son pays aux yeux du monde.
- Nous persistons donc encore à croire ou plutôt à espérer, que lorsque l’on connaîtra les termes exacts dans lesquels était conçue la proclamation en question, on connaîtra qu’elle n’avait pas la portée qu’on lui a tout d’abord attribuée.
- Nous le désirons, pour l’honneur de Gordon et de l’Angleterre. Il serait honteux de voir ce pays qui, autrefois, a sacrifié vingt millions de livrés sterling à racheter ses esclaves des Antilles, reconnaître officiellement aujourd’hui la traite des Noirs ! Que dis-je,
- la reconnaître, la proclamer !
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- L’élection d’un député a eu lieu à Northampton mardi dernier, et, ainsi que vous l’avez déjà annoncé; M. Bradlaugh a été réélu, comme il fallait d’ailleurs s’y attendre.
- C’est la quatrième fois que ce champion de la libre-pensée est renvoyé à la Chambre des communes par ses constituants, et les chiffres suivants feront voir que sa popularité n’a point souffert à Northampton, et que ses électeurs ne sont point encore las de soutenir avec lui la lutte contre nos cagots et nos pha-
- risiens. *
- En 1880, M. Bradlaugh obtenait- 3.827 voix Et son adversaire, M. Phipps. . 3.152
- En avril 1881, M. Bradlaugh est
- élu par .........................3.437 voix
- Son adversaire, M. Corbett recevant . . 3.305 suffrages
- En mai 1882, le scrutin donne son résultat :
- M. Bradlaugh..................... 3.796 voix
- M. Corbett...................... 3.688
- Enfin, à cette dernière élection nous voyons :
- M. Bradlaugh élu par . . . . 4.032 voix
- M. Richards son adversaire recevant .............................. 3.664 suffrages
- ‘ Ce qui donne une majorité de. . 368 voix
- en faveur de M. Bradlaugh.
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- LE DEVOIR
- On sait que depuis sa nomination M. Bradlaugh a ; siégé au Parlement, qu’il y a pris trois fois part aux I votes de la Chambre des Communes et qu’il a cru ; devoir prendre sur lui de prêter serment. ;
- L’on n’ignore pas qu’il va, de ce chef, être pour- j suivi par le gouvernement devant les tribunaux. j
- J’apprends de source autorisée que la ligne de con- j duite que M Bradlaugh entend suivre à cette occa- j s ion est la suivante : j
- Si la cour devant laquelle il sera traduit décide qu’il n’avait pas le droit de prêter serment de son chef ainsi qu’il l’a fait, il demandera les Ch?Item Hundreds et ne posera plus sa candidature. Si, au contraire, la cour rend un jugement en sa faveur, il a l’intention de poser sa candidature dans quinze ou seize collèges électoraux où il affirme avoir de grandes chances de réussite.
- En outre, M. Bradlaugh se réserve le droit d’agir
- — il ne dit pas comment — pour faire reconnaître la validité de ses votes à la Chambre des Communes,
- — au cas où la cours remettrait son jugement à plus de sept semaines.
- En un mot, le député de Northampton veut que son cas soit tiré au clair et il empêchera que les choses ne traînent trop en longeur.
- Londres, le 25 février 1884.
- P.-L. Maistre,
- ----—.... ^
- LE RÉCIT DON BUVEUR D’EAU
- PAR
- Médério CHAROT
- SUITE ET FIN
- « Cette vue me dégrisa. D’un geste brusque, je repoussai le verre que je portais à mes lèvres, comme si le vin que j’allais boire avait été le sang de cette malheureuse, et sans rien écouter, la tête basse, éperdu, je m’échappai, tout courant, de cette maison maudite, et je me dirigeai vers ma demeure, où devait m’attendre ma femme. Je me souviens pourtant que, au moment où je passais devant la porte du cabaret, je vis Martin Lereboucart se pencher au-dessus du corps de la Noiraude, et que celle-ci, soulevée par cette force invisible que le ciel réserve quelquefois aux mourants, retrouva juste assez de vie pour dire tout bas, à son mari, avec une expression indéfinissable: « Comme le garde-chasse, alors! » Et ce fut tout ; la main élevée vers le ciel se détendit et retomba. Moi, je fuyais toujours. Arrivé près de la haie de sureaux qui fait l’angle du chemin, j’aperçus ma femme, qui de loin avait assisté, toute pâle, à cette horrible scène. Elle me suivit en courant jusqu’à notre porte, qu’elle franchit juste à temps pour me voir m’aflaisser sur une chaise, au coin de l’âtre.
- « — Oh ! c’est horrible, murmurai-je.
- « Et je fermai les yeux comme pour m’endormir. L’émotion m’avait anéanti.
- « Ma femme alors, doucement, délicatement, me prodigua ses soins et ses consolations.
- a Quand je fus revenu à moi :
- « — Sais-tu, Jean? me dit-elle, c’est triste ce qu’on dit ! eh bien, Martin Lerebcucart s’est tué tout à l’heure d’un coup de fusil. Yoiià de pauvres petits enfants que quelques malheureux verres de vin ont rendus orphelins.
- « — Nous leurs viendrons «n aide, lui répondis-je.
- « Et je me dirigeai vers le berceau de ma chère petite fille, que je n’avais pas embrassée depuis le matin.
- « — Chut ! me dit ma femme, elle dort ; ne va pas la réveiller. La pauvre chère a été mal soignée aujourd’hui. Je suis si souvent sortie pour voir si tu te décidais à rentrer ! Et puis, j’était de mauvaise humeur contre toi, Elle en a pâti. C’est comme ça toujours, vois-tu, mon pauvre homme: lorsque dans un ménage l’un ou l’autre se dérange, tout s’en ressent dans la maison, tout souffre, tout va mal.
- « — Oui, tu as raison, lui dis je, j’ai dépensé mon temps, mon argent ; c’est pour moi une journée de perdue, et tu as mal employé la tienne, tout cela par ma faute... sans compter que.,. ah! tiens, j'ai là, sur la poitrine...
- « Je me mis à pleurer sans pouvoir terminer ma phrase. Les sanglots m’étouffaient.
- « — Allons, Jean, mon cher Jean, calme-toi, me dit ma femme. Aimons-nous bien, et faisons notre devoir : c’est le moyen d’être heureux.
- « Me prenant alors par le cou, elle appuya ses lèvres sur mon front, et longuement, tendrement, nous nous embrassâmes.
- « — Il ne faut pourtant pas que tout cela nous empêche de souper, me dit encore ma femme.
- « — Ah ! je n’ai pas faim, lui répondis-je.
- « — N’importe, essayons tout de même, répliqua-t-elle en disposant le couvert.
- « Et quelques instants après nous nous mettions à table. Inutilement d’ailleurs; les événements du soir nous avaient ôté l’appétit.
- « — Bois du moins un peu de vin, me dit la Clau-dinette en remplissant mon verre.
- « Mais il m’échappe aussitôt un tel mouvement de répulsion que ma femme me regarda, tout étonnée, se demandant si je n’était pas devenu fou.
- « — Femme, lui dis-je alors, à partir d’aujourd’hui, tu placeras toujours à côté de mou couvert une cruche d’eau sur la table.
- « Et voilà comment de buveur de vin je devins buveur d’eaa : pure, d’abord ; puis, peu à peu, grâce aux instances de la ménagère, buveur d’eau rougie seulement. Au reste,je n’eus pas lieu de m’en repentir. Grâce à ce régime économique, la maison que nous habitions devint tout-à-fait nôtre avant la fin de l’année. Désormais nous pûmes dire que nous étions chez nous. Depuis, nous l’avons fait réparer et embellir de la manière que vous voyez, car c’est celle où j’ai le plaisir de vous recevoir aujourd’hui,
- « Deux ans après l’acquisition de notre maison, le père Morissot se retirait des affaires et me cédait sa clientèle. C’était en 46, le jour de la Saint-Martin. J’étais encore jeune alors ; je suis vieux aujourd’hui; mais n’importe, j’ai bien travaillé, bien étudié, bien prospéré ; ma fille est bien établie ; je suis content. »
- La pluie avait cessé. Mon hôte ouvrit la fenêtre aux fraîches émanations qui s’élevaient du jardin. On entendait au loin, vers l’est, les derniers grondements de l’orage. Bientôt même, ces derniers roule*
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- LJB DEVOIR
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- nients cessèrent. Au-dessas de la contrée, le ciel j était redevenu bleu : du haut en bas de la côte, on voyait la verdure, encore humide de pluie, étinceler au soleil.
- — Allons, fis-je en me levant, merci de votre hospitalité, monsieur Thomas set ; mais il faut que je m’en aille.
- Le brave homme chercha à me retenir encore quelque temps, disant qu’il serait sage à moi d’attendre que les chemins fussent un peu séchés. A la fin pourtant, je sortis.
- — A charge de revanche, quand vous viendrez à à Coulommiers, lui dis-je en lui serrant la main.
- — Bon, bon, fit-il, comptez sur moi.
- Puis, me regardant dans le blanc des yeux:
- — Surtout, me dit-il, n’allez pas vous aviser de raconter mon histoire dans votre journal.
- — Soyez tranquille, lui répondis-je, je la raconterai dans un livre (1).
- Le brave homme partit d’un éclat de rire.
- — C’est différent, fit-il. Mais, après tout, vous êtes libre : faites-donc comme vous voudrez.
- — C’est cela, lui dis-je.
- Nous nous serrâmes une dernière fois la main, et je partis.
- 2 Octobre 1878
- FIN
- (1) Le « Récit d’un buveur d’eau » fait partie, en effet, d’un volume de Contes et Romans briards, qui, paru chez Dentu sous le titre de : Chanson dut
- Berger, a obtenu une médaille d’honneur de la Société nationale d’Encouragement au Bien, et a été adopté par le ministère de l'instruction publique, pour les bibliothèques populaires.
- ETAT-CIVIL DU FAMILISTÈRE
- Semaine du 25 Février au 2 Mars 1884
- NAISSANCE
- Néant.
- IXË2C3ÈS s
- Le 1er Mars, de Laporte Léonie-Marie, âgée de 1 an.
- COURS D’ADULTES
- LEÇON DE CHIMIE PAR M. SÉKUTOWICK
- Leçon du 14 Mars Des alliages du cuivre :
- Laiton — Bronze — Métal des cloches — Métaux blancs : Mailiechort — Pikfurg Argentan.
- -------------------
- Leçon de Physique expérimentale par M. Barbary
- Séance du Mardi 11 Mars
- LA CHALEUR
- 1° Liquidation du Gaz sulfureux.
- 2° Solidification du Mercure.
- 3o Dilatation et Contraction.
- IPAstronomie, Revue mensuelle d’Astronomie populaire de météorologie et de Physique du globe, par M. Camille Flammarion. — Sommaire du N° de Mars 1884 : La planète transneptunienne et les comètes périodiques, par M. C. Flammarion. — La première traversée de la Manche en ballon, parM. F. Lhoste.— Statistique des taches solaires, par M. Bruguière. — La comète de Pons observée a Washington, par M, Sampson. — Académie des Sciences : Observation delà comète Pons laite à l’Observatoire de Meudon, par M. Trouyelot. — Nouvelles de la Science : Durée de la rotation de Jupiter. Aplatissement d’Uranus. —Observations astronomiques, par M. Gérigny. — Ce numéro contient 22 figures. — (Librairie Gauthier-Villars, quai des Augustins, 55, Paris.)
- L’HOTEL DE VILLE
- Organe de la démocratie socialiste des communes
- PARAIT LE DIMANCHE
- PRIX RE E’ABONNEMENT
- Paris et Départements : Un an, 6 fr. ; Six mois, 3 fr. Etranger : le port en plus.
- Annonces : 1 franc la ligne
- On s’abonne en envoyant un mandat sur la poste ou sur une maison de Paris, ou des timbres-poste, à l’ordre de M. Fombertaux, administrateur de VHôtel de Ville, rue du Faubourg-Montmartre, 10.
- L’Hôtel de Ville se trouve dans les kiosques, dans les gares de chemins de fer et chez tous les marchands de journaux.
- 9e Année. N° 103 Février 1884.
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- Revue du socialisme rationnel
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- — Agathon de Potter. — M. Gide, professeur d’économie politique à Montpellier, et le socialisme rationnel
- — Le socialisme rationnel et le journal des Economistes
- — Agathon de Potter. — Nécrologie. — Mort de M. Simonnard. — Frédéric Borde.
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- Abonnement postal : Un an 12 fr. — Six mois, 6 fr. Trois mois, 3 fr,
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- LE GOUVERNEMENT, ce qu’il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action.
- Ce volume met en lumière le rôle des pouvoirs et des gouvernements, le principe des droits de l’homme, les garanties dues à la vie humaine, le perfectionnement du suffrage universel de façon à en faire l’expression de la souveraineté du peuple, l’organisation de la paix européenne, une nouvelle constitution du droit de propriété, la réforme des impôts, l’instruction publique première école de la souveraineté, l’association des ouvriers aux bénéfices de l’industrie, les habitations ouvrières, etc., etc.
- L’ouvrage est terminé par une proposition de loi à la Chambre des députés sur l’organisation de l’assurance nationale de tous les citoyens contre la misère.
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- jjj8 ÀflOé$, Toiïll 8s **“ ïï 288 £># numéro hebdomadaire W c. DlHÎHÎÎCÉfi 18 ISEfl 1884
- «L'ESTIONS SOCIALES
- BUREAU
- A GÜ IS E (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODÏN, Directeur-Gérant
- Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par i’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
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- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES ET POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1. — Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- 4. — Organisation du suffrage universel par Vunité de collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bullelin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement général à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile;
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens ;
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter;
- La représentation par les supériorités.
- 5. Renouvellement annuel de moitié de la Chambre des députés et de tous les corps élus. La volonté du peuple souverain toujours ainsi mise en évidence.
- 6. —- Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues par le suffrage universel.
- 7. — Egalité civile et politique de l’homme et de la femme.
- 8. — Le mariage, lien d’affection.
- Faculté du divorce.
- 9. — Education et instruction primaires, gratuites et obligatoires pour tous les enfants.
- Les examens et concours généralisés avec élection des élèves par leurs pairs dans toutes les écoles. Diplôme constatant la série des mérites intellectuels et moraux de chaque élève.
- 10. — Ecoles spéciales, nationales, correspondantes aux
- grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections. 1
- 11. — Suppression du budget des cultes. Séparation de l’Eglise et de l’Etat.
- 12. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 13. — Plus d impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- 14. Hérédité progressive de VEtat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatérale à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dans une juste mesure, retour à la société qui a aidé à les produire.
- 15. — Remboursement des dettes publiques avec les ressources de l’hérédité.
- 16. Organisation nationale des garanties et de l’assurance mutuelles contre la misère.
- 17. — Suppression des emprunts d'Etat.
- 18. — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 19. — Liberté d’association.
- 20. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21. — Libre échange entre les nations.
- 22. — Abolition de la guerre offensive.
- 23. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 24. — Désarmement européen.
- 25. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire.
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- LE DEVOIR
- SOMMAIRE
- Numéros de propagande. — Note de l'administration. — Révision du suffrage universel. — hérédité de l'Etat. — Colins et ses disciples. — Budget de Vannée 1885. — Modifications fiscales. — Arbitrage international. — Préceptes et aphorismes sociaux. — Faits politiques et sociaux. la propagande de la paix. — Congrès de la paix. — Correspondance d’Angleterre. — Le Franc parleur. — La crise agricole. — Un économiste. — Les Hôpitaux. — Un polype Chinois.
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, Vadministration fait présenter une quittance d'abonnement.
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L'administration du Devoir livrera franco aux abonnés des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la librairie du Familistère*
- NOTE DE L’ADMINISTRATION
- Le numéro du Devoir du 30 Mars sera remplacé par une brochure envoyée à tous nos abonnés, donnant l’analyse des institutions du Familistère, de leur situation et des services rendus par elles. Imprimée sur beau papier et soigneusement éditée, cette brochure contiendra cinq vues du Familistère et de ses dépendances : Vue générale du Familistère (Palais social, Usine et annexes) ; Vue extérieure de la NoUr-ricerie et du Pouponnât ; Vue intérieure de la Nourricerie; Les Écoles et le Théâtre ; L’aspect d’une cour du Familistère un jour de Fête.
- Publiée en vue de la propagande, elle sera mise en vente à la librairie du Familistère, à Guise (Aisne), aux prix suivants :
- Un exemplaire. . , 40 centimes
- 10 exemplaires. . . 2 50 »
- Envoi franco par la poste.
- REVISION DU SUFFRAGE UNIVERSEL"1
- III
- Nous attachons une importance considérable à la réforme du suffrage universel, parce que l'exercice véridique du suffrage ne sera pas seulement une réforme politique, mais aussi le dénouement delà question sociale.
- Le suffrage universel étant l’exercice du droit Souverain du peuple, c’est l’instrument par lequel celui-ci peut légalement faire opérer toutes les réformes capables d’améliorer son sort, mais à la condition que l’exercice du vote soit affranchi de toutes les restrictions dont on l’a entouré et que le droit de suffrage soit pratiqué dans toute sa vérité.
- Le suffrage universel a été un progrès considérable sur le suffrage censitaire, mais les classes dirigeantes en ont fait, aussitôt son avènement, le point capital de leur tactique conservatrice ; ne consultant que les avantages qu’elles peuvent tirer de la chose publique, elles ont manœuvré de manière à diriger les élections et à les faire servir à leurs intérêts.
- Le suffrage universel est donc en tutelle ; chose étrange il est à la merci de eeux-mêmes qu’il choisit comme mandataires et qui deviennent aussitôt ses maîtres. C’est ce renversement des rôles qui rend les assemblées parlementaires impuissantes à faire quoi que ce soit dans le sens du progrès.
- Oubliant les intérêts du peuple qu’ils ont mission de défendre, les députés font du gouvernement et de la législature un champ de compétitions et de rivalités individuelles et chacun se "ivre à la curée des pouvoirs et à l’organisation des privilèges au profit des meneurs.
- II en serait tout autrement si le suffrage universel était rendu à sa libre expression, s’il avait la liberté de choisir ses députes et si la moitié de ces députés étaient tenus de lui rendre compte tous les ans dé l’exercice de leur mandat et soumis à une élection nouvelle.
- Mais les classes dirigeantes qui tiennent entre leurs mains l’organisation du suffrage se refuseront sans doute à émanciper le vote de l’oppression qu’il subit, jusqu’à ce que les événements imposent cette émancipation.
- Depuis bientôt un siècle le peuple lutte en France pour sa liberté ; et cette liberté qui miroite sans cesse devant ses yeux, il ne peut l'atteindre ; la tyrannie, le despotisme, l’oligarchie, les privilèges sont toujours là pour lui barrer le chemin. Le moment est pourtant solennel ; plus que jamais l’état
- (Lire le « Devoir # des 2 et D mars 1884.
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- LE DEVOIR
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- de décomposition politique dans lequel lès pouvoirs versent chaque jour exige l’action véridique du suffrage universel.
- Qai ne voit comment les classes ouvrières s’éclairent sur leurs droits et comment la diffusion des idées sociales fait des progrès rapides. La solution de toutes les questions qui s’accumulent peut-elle se concevoir sans l’intervention des parties les plus intéressées ? Non* sans l’intervention des masses dont les droits sont lésés, jamais justice ne se fera.
- Or, il n’y a que deux moyens pour le peuple de faire triompher ses droits : ou en obtenir l’exercice par la voie mesurée des pouvoirs publics, ou le faire surgir de la révolution. La prudence du législateur pourrait ménager le premier moyen ; son incurie précipitera le second.
- Les classes dirigeantes se retranchent derrière ce dilemme : Avec le suffrage universel toute action par la force est condamnable, puisque le peuple choisit ses mandataires et qua ses affaires sont faites par ceux qu’il nomme à cet effet.
- Ceci manque de vérité ; jusqu’ici les affaires du peuple ont été faites par des mandataires dont la nomination est obligée, ce qui est bien différent ; jusqu’ici les lois électorales ont été faites de façon à forcer la main à l’électeur; jamais on n’a organisé de scrutin qui laisse au peuple la complète liberté de son choix. Une intention machiavélique a toujours présidé à la confection des lois électorales.
- Jamais le législateur ne s’est débarrassé de vues intéressées, contraires aux intérêts de la grande majorité des électeurs.
- Les classes dirigeantes ont voulu diriger à l’insu du pouvoir souverain ; elles ont écarté et elles écartent, autant qu’elles le peuvent, les classes ouvrières de toute action sur les pouvoirs. Sans se l’avouer à elles-mêmes, elles n’ont jamais agi de manière à ce que le pouvoir fût partagé par le peuple. Le suffrage universel n’est qu’un simulacre de souveraineté ; il faut changer ce simulacre en une souveraineté effective.
- Mais combien de républicains formalistes, combien de prétendus amis du peuple se récrieront à la pensée qu’on pourait débarrasser le suffrage universel de toutes les lisières dont on i’a entouré.
- Donner à tous les citoyens la liberté de voter par bulletin de liste nationale de douze noms, renouveler le vote pour la moitié des députés chaque année. Mais cela ne s’est jamais vu ! mais c’est impossible 1 Voilà l’accueil que les prétendus amis de la liberté feront à cette proposition, se refusant même à examiner si ce projet si simple, si modeste, n’est pas à lui seul la réforme complète de notre régime parle-
- mentaire et le moyen pacifique de résoudre les difficultés sociales que les Chambres sorties du vote par circonscription sont incapables d’aborder.
- Oui, ia réforme du régime parlementaire par la réforme électorale voilà ce qui est à faire, si l’on veut se soustraire aux difficultés inextricables qu’amoncelleront les Chambres élues par le suffrage restreint.
- On s'en prend au gouvernement* oh s’en prend aux ministres de l’incapacité politique de notre temps, mais le gouvernement et les ministres sont ce que les Chambres les font* et les Chambres à leur tour sont ce que les fait être le mode de votation appliqué à leur élection.
- Pour sortir de l’impuissance électorale et de l’incompétence législative, il faut rendre la liberté de suffrage au peuple souverain, et placer les assemblées sous le contrôle d’élections libres, il faut réformer le vote par circonscription et organiser le vote national par bulletin de liste, avec élection tous les ans de la moitié de tous les corps élus ; de cette façon on donnera à la France d’autres députés parce qu’on donnera d’autres intérêts aux représentants du peuple.
- La France serait bien vite la reine du monde si elle organisait la République de manière à donner à ses enfants autre chose qu’un replâtrage oligarchique, sous un autre nom que celui de monarchie, replâtrage dont la conséquence est d’aggraver le paupérisme et ia misère.
- Si là République française sé faisait vraiment démocratique, si par le bulletin de liste nationale elle appelait le peuple à exprimer librement sa volonté, à prononcer son jugement chaque année sur la ligne de conduite du parlement, les réformes nécessaires s’opéreraient rapidement, la prospérité et l’abondance seraient des garanties nouvelles de paix et de sécurité publique.
- Que la France démontre ce que peut une nation sous la puissante influence du suffrage universel agissant dans la plénitude de la liberté, et bientôt on Verra l’Europe monarchique s’écrouler pour faire place à la fédération des nations républicaines inaugurant le règne de la paix et de la liberté.
- On ne verrait plus les monarchies voisines marchander aux peuples un élargissement du cens électoral; ce seraient ces peuples eux-mêmes qui s’investiraient, à 1 imitation de la France, du droit de suffrage dans les affaires publiques.
- Jusqu’ici le suffrage universel, livré aux mains du despotisme et de l’égoïsme, ou de républicains incapables, n’a pu produire que des fruits incomplets ; rien n’en est sorti de nature à attirer l’attention
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- LIS devoir
- des peuples voisins. Mais le Jour où, véritablement organisé, le suffrage universel se montrera comme une puissance pour 1ô progrès politique et social, le jour où il sera prouvé qu’il a capacité pour effacer les souffrances du peuple, le despotisme sera vaincu pour toujours.
- (A suivre).
- ----j'"-—
- HÉRÉDITÉ DE L’ÉTAT
- La propagande de l’idée de l’Héridité de l’Etat et de la Mutualité Nationale va rentrer prochainement dans une nouvelle phase. Monsieur Henri Maret est résolu à présenter un projet de loi conforme aux doctrines que le Devoir n'a cessé de vulgariser. Dans un article sur la situation financière, publié dans le journal Le Radical, numéro du 13 mars, M. Henry Maret s’exprime ainsi :
- « De quelque côté que vous vous tourniez, de « quelque façon que vous opériez, je vous défie « de créer un impôt qui, finalement, ne tombe « pas sur le pauvre diable,
- « Il y en a un, un seul, celui que je prétends « proposer prochainement sur les héritages, « c’est-à-dire sur les morts. Mais j’estime avec « M. Godin que ces ressources là doivent être « consacrées à la création d’une caisse de muet tualité nationale, car il ne suffit pas d’exoné-« rer le pauvre, il faut le secourir. »
- Nous félicitons M. Maret de sa détermination que nous considérons comme un acte de courage, en pensant qu’il devra agir en face d’une Chambre de ruraux.
- Les débats ne peuvent manquer d’avoir du retentissement. On peut prévoir dès maintenant l’intervention de M. Clémenceau qui ne peut faire moins que d’appuyer ce projet de loi, après la déclaration contenue dans son discours sur la question ouvière.
- Ce projet de loi doit peu inquiéter un ministère, heureux de vivre au jour le jour, sans aucun scrupule sur les moyens de. conserver le pouvoir; mais nous le considérons comme un heureux symptôme d’un commencement de coalition des honnêtes gens contre la misère, principale cause de la fortune des charlatans de popularité.
- COLINS ET SES DISCIPLES
- Le journal VHôtel-de - Ville publie une lettre de M. Delaporte, lettre dans laquelle celui-ci demande à « relever une affirmation fâcheuse du « Devoir ».
- Cette affirmation consiste, selon lui, à avoir dit, dans notre journal, que longtemps le « Devoir » avait été seul à défendre le principe d’hérédité de l’État.
- M. Delaporte espère que le « Devoir » voudra bien revenir sur la question en reconnaissant que Colins, dès l’année 1834, et ses disciples dans ces dernières années se sont occupés de l’hérédité de l’État.
- Le « Devoir » n’a nullement eu la pensée de porter atteinte à ces prétentions de notre collègue, M. Delaporte.
- Nous attachons trop peu d’intérêt à ces questions de priorité pour nous en préoccuper ; elles sont à nos yeux bien secondaires auprès du but à atteindre. Ce qui importe, c’est de faire avancer les questions d’une façon utile.
- En disant que depuis longtemps le « Devoir » était seul à défendre l’idée du droit d’hérédité de l'État, nous avions raison en ce sens que depuis un an M. G-odin a produit, sous forme de pétition à la Chambre des députés, sa brochure « Mutualité nationale contre la misère », brochure dans laquelle l’hérédité de l’État est présentée comme ressource pour donner aux ouvriers les garanties qui leur sont nécessaires. Nous ne sachons pas que les Golinsiens aient discuté ce projet. Les nombreux articles publiés dans le « Devoir » à ce sujet n’ont pas autrement attiré leur attention.
- Pourtant si la question a de l'actualité, c’est en face des déficits du budget de l'État, c’est en face de la misère des classes ouvrières. Voilà pourquoi nous avons pu dire que nous étions les seuls à défendre le droit d’hérédité de l’État ; mais nous n’entendons nier en aucune façon pour cela les travaux de Colins ni ceux de ses disciples ; pas plus que nous n’entendons méconnaître les travaux de Thomas Morus aux 16e siècle sur la collectivité des richesses; les travaux de Fourier qui, dès 1808,présentaient la collectivité du sol comme principe de la réforme sociale ; ceux des Saints-Simoniens qui, plus tard, posèrent le droit d’hérédité de l’Etat ; ceux de Robert Owen qui fit en Angleterre une si rude guerre aux abus de la propriété ; ni ceux de Cabet qui prétendit organiser la communauté des biens, etc* Tout cela c’est de l’histoire, mais nous avons autre chose à faire qu’à citer le passé. Les idées marchent par le travail de tous les jours, c’est
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- à chacun de noos de travailler à leur avancement par la parole et par les actes
- « JJ Hôtel-de-Ville » met avec raison le programme du « Devoir » en présence de la réclamation de jyj. Delaporte. Où en serions-nous si nous avions à nous arrêter aux minutios de savoir qui a parlé le premier de tel ou tel sujet ? Le « Devoir » préconise l’extinction du paupérisme, quelle est l'école socialiste qui n’en a pas parlé ? Le « Devoir » demande l’abolition de la guerre, la fédération européenne, l’arbitrage international, mais on pourrait dire aussi que M. Lemonnier a fondé, il y a longtemps, les États-Unis d’Europe. Les ligues nationales pour l’arbitrage et la paix demandent la même chose chacune de son côté ; bien mal avisé serait celui qui dans ce mouvement vers le progrès s’attacherait surtout à revendiquer les idées à son profit ou au profit de tel ou tel. Chacun de nous y apporte son contingent et c’est au bien de l’humanité qu’il faut faire aboutir tous les efforts.
- Ceux qui savent tenir une plume ont mieux à faire que de voir si les idées émises aujourd’hui n’ont pas été émises il y a un demi-siècle et à qui l’on peut attribuer l’honneur de les avoir posées; le mieux est de grossir le contingent des idées acquises et d’apporter des solutions aux problèmes à résoudre.
- Le moment est venu où les idées générales ne suffisent plus ; il faut aujourd’hui aborder en détailles questions d’organisation ; il faut enfin des solutions. Que ceux qui en ont les donnent, c'est là l’œuvre utile à accomplir, c’est là ce que fait et fera le « Devoir ». Nous serons toujours heureux de rencontrer des hommes poursuivant le même but que nous.
- En fait de questions sociales les idées générales sont bien quelque chose, mais les solutions pratiques n’ont pas moins d’importance et c’est à elles que nous nous consacrons.
- BUDGET DE L’ANNÉE 1885
- Budget ordinaire
- Dette publique....................
- Finances!.........................
- Justice...........................
- Galles............................
- Affaires étrangères...............
- Intérieur.........................
- Algérie ..........................
- Postes et télégraphes.............
- Guerre............................
- Marine............................
- Colonies .........................
- Instruction publique..............
- -Beaux-Arts........................
- Commerce..................... . .
- Agriculture ........
- Tuyaux publics....................
- 1.325.178.244 fr. 218.562.258
- 38.944.400 51.095.066
- 14.607.400 66.587.694
- 8.094.245 142.423.000 596.306.230 200.000.000 34.420 805 137.548 523 15.702.805 18.928.998 43.422.698 136.602.378,
- 3.048.544.744 fr.
- Budget extraordinaire
- Guerre.................................. 85.000.000 fr.
- Marine et cclonies...................... 17.817.215
- Travaux publics........................ 105.250.603
- Total . . 208.067.818
- Le budget ordinaire présente sur celui de 1884, une augmentation des dépenses de 23.000.000, provenant en partie des charges du nouvel emprunt. D’un autre côté, l’insuffisance du rendement de certains impôts ont fait diminuer les prévisions de 35.000.000. L’augmentation de 23.000.000 des dépenses, et la diminution prévue des recettes constituent un déficit de 58.000.000. Le ministre promet de trouver l’équivalent dans l’application rigoureuse des droits des contributions indirectes sur une grande partie des produits écoulés eu fraude jusqu’à ce jour.
- La confiance du ministre des finances part d’un bon naturel, mais elle ne paraît pas reposer sur des bases très-sérieuses. Quant aux autres recettes calculées d’après les rendements des impôts en î883, elles promettent de nombreuses insuffisances si i’on juge d’après les déficits constatés pendant les premiers mais de l’année 1884.
- Le budget extraordinaire est diminué de 49.000.000 ; ce qui est passablement inquiétant à une époque de chômage et de crise industrielle. Le ministre propose d’alimenter ce budget par des émissions d’obligations à court terme, dont l’échéance ne pourra dépasser 1890.
- Alors ?
- Qui vivra paiera ou empruntera.
- MODIFICATIONS FISCALES
- La Commission de la réforme des finances vient de publier le résultat de ses travaux, nous devrions dire de son impuissance.
- Si la Chambre adopte les propositions présentées par M. Ballue, rapporteur de cette commission, noos aurons de nombreuses modifications dans le système fiscal, mais le fond du système restera le même, et l’équilibre des budgets établis avec ces nouveaux impôts ne sera pas moins instable que dans le présent et le passé.
- Le travail de la commission n’est pas une œuvre | de réformateurs ; il est le fait d’agités qui s’imagi-j naient faire beaucoup d’ouvrage parce qu’ils boule-| versaient tout le mécanisme fiscal en usage.
- | Les projets de la commission ne répondent ni aux ! besoins du gouvernement, ni aux exigences d’un état | républicain, ni aux aspirations du peuple.
- I Le gouvernement, celui d’aujourd’hui et celui de ! demain, car il n’y aura rien de changé dans la situa-| tion économique du pays par la prise de possession ‘ du pouvoir par les radicaux, exige des ressources
- Total .
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- certaines qui permettent (le présenter un budget défendable, faisant face aux besoins du présent et offrant la perspective d’augmentations équivalentes à l'accroissement prévu de certaines dépenses, reconnues insuffisantes dès maintenant; mais ces conditions générales se compliquent d’autres obligations non moins urgentes,
- Le gouvernement a besoin de sauvegarder son crédit, auquel il peut être contraint «je recourir à brève échéance. Les fonds provenant du dernier emprunt n’ont comblé qu’une partie du déficit ; il n’est pas douteux que ia liquidation de l’exercice courant sera loin de couvrir les dépenses prévues et imprévues.
- Le projet de 1a commission ne présente aucun de ces avantages immédiats.
- Les recettes provenant des impôts supprimés s’élèvent à 287,000,000 ; et le produit des nouvelles taxes n’est pas évalué à plus de 900,000 francs au-dessus de ce chiffre. En admettant que les rendements réels justifient les prévisions des prétendus réformateurs, la situation restera exactement la même.
- Il n’en sera pas ainsi du crédit public. Au nombre des nouveaux-impôts figure un droit de 3 0/0 sur les revenus provenant des créances sur l’Etat. Cette réduction de 3 0/0 des revenus des titres de rente aura pour conséquence d’amener une diminution proportionnelle des valeurs soumises à cet impôt ; et, comme la valeur de ces titres se côte d’après leur revenu, il esf incontestable que les capitalistes porteurs des titres de rente auront à subir en plus du nouvel impôt un amoindrissement de leur capital. Tout cela en définitive causera une grande baisse dans la côte des titres de rente et éloignera le public des emprunts de l’Etat, au moment où ce dernier ne comprend pas la nécessité d’employer d’autres moyens pour combler les déficits budgétaires.
- Recourir à cet expédient do 1 impôt sur la rente équivaudrait à l’adoption d'une mesure de salut public. Rien n’est plus dangereux que l’emploi de ces moyens, lorsque l’opinion publique est convaincue avec raison qu’ils ne sont pas absolument nécessaires ; surtout, lorsque ceux qui les conseillent n’ont pas conscience de la portée véritable de ces mesures. On comprendrait ces propositions de la part de révolutionnaires étourdis n’ayant pas fait l’étude des moyens rationnels de transition. Les membres de la commission des finances ont fait acte, sans le savoir, de révolutionnaires dangereux.
- Il n’est pas compréhensible de voir des hommes, ayant la prétention d’être sérieux, s’arrêter à des prqjüts pas mien* établis, Qlimm sait a»® la OJiambra
- et le Sénat n’accepteront jamais de porter un pareil coup au crédit public, le lendemain d’un échec relatif dans un emprunt national. Le rejet de l’impôt sur la rente diminuera de 27,000,000 les rendements prévus par la commission ; c’est dire qu’il entraînera l’écroulement du projet tout entier.
- Si ces noi veaux impôts, en mettant de côté toutes les critiques motivées par leur insuffisance, inauguraient des pratiques évitant les inconvénients et les injustices des anciens, ils mériteraient d’être défendus par tous les progressistes.
- Les plus grand reproche que l’on fait au système en vigueur est de permettre des répercussions indéfl* nies qui se répètent jusqu’à ce que l’on ait repassé toqtes les charges fiscales aux consommateurs.
- Les revenus publics dans une démocïatie doivent être payés et supportés par les citoyens riches. Aujourd'hui ce sont bien les gens aisés qui paient aux caisses publiques, mais c’est une simple avance qu’ils versent, dont ils ont grand soin de se fairq rembourser, en établissant les prix de revient des objets qu'ils produisent ou qu'ils manipulent.
- Les impôts présentés par la commission n’évitent aucun des inconvénients du passé et ne satisfont aucune des aspirations démocratiques.
- Que signifient la disparition de l’impôt des portes et fenêtres et son remplacement par un droit dé 2 0/0 sur la valeur locative des propriétés bâties, valeur diminuée de 12 0/0 ?
- Au Familistère, nous payons actuellement 1,345 fr. d’impôts pour les portes et fenêtres du palais social, les taxes provenant du nouvel impôt ne changeront pas sensiblement le tptal de notre contribution ; |1 en sera certainement de même dans la majorité des cas.
- Les revenus des maisons bâties seront facilement appréciables dans les cas de location ; mais, lorsque la propriété sera habitée par son possesseur, il sera beaucoup plus difficile d’obtenir les çfécjarations exactes.
- En quoi sera modifiée la situation du locataire ? Le propriétaire lui mettra sur son compte l’impôt sur le revenu, comme il l’oblige aujourd’hui à accepter l’engagement d’acquitter l’impôt des portes et fenêtres-
- Dans l’ordpe social présent, de quelque manière que l'on taxe le propriétaire, le fabricant, le commerçant, ils pe cesseront pas de porter à leurs frais généraux ces dépenses et de les répartir sur la totalité de leurs opérations,
- Ce n’est p^s même l’Impôt sur le revenu que propos® îfi c’est une séria d’impôts nouveaux
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- tenant se greffer à côté de la plupart de ceux en vigueur.
- Voudrail-on nous gratifier d’un système fiscal semblable à celui tant vanté de l’Angleterre, que nous üe verrions actuellement aucune opportunité à son application. Malgré l’impôt sur le revenu, le sort des travailleurs anglais n’est pas fait pour exciter l'envie des citoyens français.
- Ce n’est pas maintenant qu’il est temps de rechercher les moyens économiques de percevoir les revenus publics. Les économies que l’on peut réaliser ainsi n’ont qu’une importance relative, si on les compare à la totalité des ressources nécessaires et à l’urgence d'apporter l’ordre et la justice dans les charges financières.
- Ce qu’il est urgent d’entreprendre, c’est l’établissement de toutes les pratiques préventives devant précéder une réorganisation financière complète, ne présentant aucun des inconvénients dont nous venons de parier.
- Il est temps encore d’étayer efficacement notre système fiscal, si l'on veut adopter une mesure correspondant aux besoins de la situation. Il faut ajouter aux impôts actuels une nouvelle source de revenus publics, prélevés sur la fortune acquise Ssans apporter aucun trouble dans le mouvement général des affaires. Ces nouvelles ressources doivent être suffisamment abondantes pour doter convenablement les prochains budgets, et assez élastiques pour pouvoir être augmentées sans inconvénient selon les besoins nouveaux exigés par le développement des services publics nationaux.
- Dans de précédents articles nous avons démontré la justice et la nécessité du Droit de l’hérédité de l’Etat, en même temps que nous avons prouvé sa fécondité.
- Il est certain que l’on peut trouver dans cette voie toutes les ressources indispensables au bon établissement des budgets, pendant toute la période de transition devant conduire l’État à se procurer le reste de ses revenus dans la constitution d’un domaine social, proportionné aux besoins généraux de la société ; solution définitive du problème économise, qui nous délivrera d’un fonctionnarisme parasite et de toutes les roueries et les immoralités inséparables d’un régime financier basé sqr l’exploitation du travail.
- Le Droit d’hérédité de l’Etat dans les successions en ligne collatérale, selon nous, doit être complètement appliqué à l’organisation de la mutualité nationale. Puis en fixant ce droit de 0 à 50 0/0 dans les 9a ligne directe suivant leur importance* 8a «^tiendrait des revenus suffisamment élevés pour !
- éviter tous les embarras résultant des déficits budgétaires ; en même temps on commencerait progressivement la constitution du domaine social.
- Ces conseils ne seront pas écoutés, cela ne fait aucun doute. Mais que fera-t-on ? On ne peut ni diminuer les dépenses, ni augmenter les nouveaux impôts. Ya-t-on accepter comme système financier les déficits et les emprunts perpétuels ? Si la fortune publique de la France permet pendant longtemps encore la pratique de ces funestes errements, on oublie que les travailleurs sont las de payer des rentes aux capitalistes créanciers de l’Etat.
- Les gouvernements paraissent avoir une tendance à escompter les années qui les séparent de la faillite; mais les travailleurs manifestent, de jour en jour, d’une manière plus ferme, leur volonté de ne pas attendre cette échéance.
- ARBITRAGE INTERNATIONAL
- Sous ce titre : Mission civilisatrice, le « Secolo » de Milan, en date des 4 et 5 courant, publie l’article qui suit :
- Vers la grande république fédérale des Etats-Unis se tournent, attentifs et pleins d’espérance, ous les amis de la paix, tous ceux qui gémissent de voir la raison du plus fort dominer encore le droit en Europe, tous ceux qui abhorrent la guerre infâme et désirent voir tous les litiges et différends entre gouvernements aplanis et résolus par un tribunal arbitral.
- Les Etats-Unis et la Suisse sont sur le point de conclure un traité mutuel d’arbitrage permanent, qui unira les deux Républiques pour une période de trente ans, et soumettra toutes les questions pouvant surgir entre elles à un tribunal d’arbitres.
- Qu’arriverait-il si les Etats d’Europe où s’entretiennent des armées permanentes imitaient un tel exemple ?
- Qui pourrait évaluer les inestimables bienfaits qu’apporterait l’arbitrage de nations à nations, d’Etat à Etat, remplaçant la guerre bapbaro et sanguinaire.
- Un journal anglais « The herald ofpeaee » [Le drapeau de la paix) attend avec le plus vif intérêt la cpnclusipq de ce traité espérant qïpjp poptrat analogue pourrait être conclu entre les Etats-Unis et l’Angleterre. The herald of peace est convaincu que la grande majorité des citoyens de l’Angleterre et de l’Amérique sont sincèrement et ardemment disposés à accueillir un tel eQpçorfc»
- Mais par des motifs qa?il «Uadique pis, lé journal
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- anglais dit que l’initiative doit venir du gouverne- j ment de Washington.
- « Nos collègues et amis d’Amérique », écrit le Herald, * rendraient un immense service à l’huma-nité,en demandant à leurgouvernementd’être l’initiateur de négociations diplomatiques officielles avec le cabinet de Londres, pour la codification d’un traité permanent qui soumettrait tous les différends pouvant s’élever entre les deux nations au jugement d’un arbitrage pacifique.
- « Aucun service plus pratique ni plus précieux ne pourrait être rendu à la cause de la paix, par nos frères d’Amérique.
- « Certes, il est plus facile aux américains qu’à tout autre peuple d’exercer une telle pression bienfaisante sur le gouvernement ; car, les Etats-Unis sont dégagés de tous ces conflits d’intérêts qui tiennent au système militaire, divisent entre elles les nations européennes, et suscitent des embarras constants entre les Etats aristocratiques de notre ancien continent. »
- L’appel du journal anglais sera entendu, nous l’espérons, et les Etats-Unis d’Amérique accompliront largement pour la paix du monde et la grande et sainte cause de l’humanité, leur mission civilisatrice.
- APHORISMES ET PRÉCEPTES SOCIAUX
- XXXIII
- Réforme des impôts
- Le droit d'hérédité de l'Etat, sur les Mens des riches après leur mort, reconstituerait le domaine social au profit de tous les déshérités de la société; il créerait pour l’Etat les ressourses budgétaires gui lui sont nécessaires. Les impôts indirects cesseraient d’être l’écrasement du peuple au profit des classes dirigeantes, et la répartition de la richesse se ferait de manière à rendre continues la consommation générale et par conséquent la production.
- Faits politiques et sociaui de la semaine
- FRANCE
- !<e Sénat. — Les sénateurs continuent la discussion de la loi municipale votée par la Chambre. Ils ont passé une séance à délibérer sur l’article autorisant les maires à conserver les clefs des églises. On conçoit quel doit être le libéralisme de la nouvelle loi, lorsque les parlementaires du Luxembourg ne rencontrent pas d’autres prétextes pour prolonger indéfiniment des débats stériles ; ce n’est plus du byzantinisme, nos sénateurs sont en plein enfantillage.
- La Chambre, — Les articles du projet de loi sur l’instruction publique visant l’augmentation du traitement des instituteurs ont ôté repoussés par 315 voix contre 215.
- On trouve de l’argent pour aller au Tonkin, pour construire des chemins de fer au Sénégal ; on aurait trouvé 50,000,000 pour des entreprises algériennes, si la Chambre avait eu la faiblesse de suivre le ministère dans celte question. Mais on ne peut rien faire pour l’enseignement. On a cependant su se procurer les fonds nécessaires à l’édification de monuments scolaires construits avec prodigalité ; maintenant qu’il n’y a plus de spéculations et de spéculateurs à favoriser ; maintenant qu’il faut donner un salaire moyen aux instituteurs, à ceux qui ont en main l’éducation de la nouvelle génération, c’est-à-dire l’avenir de la République, on déclare ne pouvoir disposer d’aucune ressource.
- Gette délibération aboutit au rejet du projet de loi tout entier ; car on n’a pas le droit d’imposer aux instituteurs de nouvelles obligations, lorsqu’on refuse d’augmenter leur salaire ; mais elle équivaut aussi à un aveu d’impuissance ou de mauvaise volonté. Eu repoussant le projet de loi sur l’instruction publique, le gouvernement vient de déclarer qu’il est impuissant à réaliser la moindre réforme sociale. Après ce vote, il y aurait cynisme de la part du ministère ou des membres de cette majorité à proposer une réforme, une modification quelconque entraînant une augmentation de dépenses ou l’ouverture d’un nouveau crédit. Lorsqu’un gouvernement, une Chambre déclare ne pouvoir augmenter les traitements d’instituteurs payés de 600 à 300 francs par an, c’est la cause du peuple tout entier qui est lésée dans ses intérêts les plus chers. Un gouvernement républicain qui renonce à améliorer le sort de l’enfance, n’a plus rien qui le distingue d’un pouvoir monarchique ; il est devenu indigne de la confiance publique, lui et les députés qui ont été ses complices. L’opposition, elle-même, ne s’est pas montré consciente do ses devoirs républicains, en laissant passer une occasion si solennelle, sans montrer les ressources immenses que l’on pouvait trouver dans l’établissement du Droit d’Héréditê de l’Etat, moyen si démocratique, si légitime et si puissant pour apporter l’abondance dans les finances, pour liquider tous les désordres du passé, et faciliter toutes les réformes nécessaires.
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- * *
- Toujours le déficit. — Le rendement des impôts pendant le mois de février a été inférieur de quatre millions et demi aux plus values prévues à cause de la bissextilité de l’année. Il n’y a pas dans ce fait la justification du vote de la Chàmbre, puisqu’il existe une source de ressources considérables comme celle que nous venons d’iDdiquer.
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- * ¥
- Menées royalistes. — On ne sait encore exactement ce qu’ont de fondé les bruits dn conspiration royaliste, mis en circulation à uu moment où le gouvernement a besoin de distraire l’opinion publique de la critique de ses fautes. Quoiqu’il en soit, les royalistes sont incapables de renverser la République sans le concours de la misère ; et, si l’on juge d’après le passé, c’est le gouvernement seul qui peut faire ou empêcher cette alliance, suivant qu’il se montrera juste ou injuste envers les malheureux, en leur donnant ou en leur refusant le travail et les secours qu’ils ne peuvent se procurer auprès des particuliers. Mais il faut espérer que le peuple a appris depuis 1848, et que s’il est abandonné par le gouvernement il saura créer l’état républicain en s’emparant du pouvoir, pour le démocratiser, au lieu de le renverser au profit des orléanistes. Depuis 89, la nation n'a su que changer des gouvernements, en laissant subsister l’état monarchique ; il est temps qu’elle comprenne son erreur et la corrige par une appréciation plus exacte des idées républicaines.
- Grrève d’Anzln, — Les mineurs d’Anzin continuent la lutte entre la puissante compagnie, conces-
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- sionnaire du monopole de l’exploitation des mines et des hommes sur une surface de 28.000 hectares. La plus grande partie de la presse, à part quelques journaux inféodés à l’orléanisme, continue à s’apitoyer sur la malheureuse situation des ouvriers mineurs ; à la Chambre, à la Commission d’enquête quelques députés semblent compatir à ces misères. Vaines ou hypocrites démonstrations.Comment ne se trouve-t-il un représentant assez ferme, assez courageux, assez pénétré de ses devoirs pour opposer a l’indifférence de la majorité un projet de loi demandant la révision des concessions minières ! Ce ne sont point les considérants qui manqueraient pour le motifier puissamment. Nous l’avons dit, dans notre précédent article sur la grève d’Anzin, le principe du droit du gouvernement dhntervenir pour régler le revenu des capitaux est inscrit dans le code, puisqu’il existe un article de loi fixant à 5 0/0 l’intérêt de l’argent prêté. Il est encore inscrit dans la loi que les droits des communes sont imprescriptibles. Que sont les communes, sinon des collectivités ? Il est évident qu’â la naissance du salariat, alors que la commune représentait tous les intérêts, on ne pouvait prévoir la constitution de ces immenses collectivités de salariés nées de la grande industrie, et qu’il n’a pu venir à l’idée des législateurs de cette époque de prévoir des garanties en faveur d’intérêts inconnus ; mais, en donnant les garanties résultant de rimprescribililê des droits des communes, le législateur a proclamé le devoir d’intervention des pouvoirs publics au nom de la sauvegarde des droits des groupes. Le principe du droit républicain, celui qui a présidé à l’avènement de la bourgeoisie n’a point d’autre origine. Enfin, la conscience humaine n’est-elle pas convaincue delà légitimité du droit à la vie et à la liberté de chaque citoyen ? Les prétentions excessives des féodaux d Auzin menacent la vie et la liberté de dix mille familles. Et nul n’ose invoquer la nécessité d’une légalité nouvelle en rapport avec les intérêts d’un si grand nombre de travailleurs ; lorsqu’il est constant que la faiblesse des ducs d’Anzin devant la concurrence étrangère n’a d’autre cause que les exagérations des salaires payés aux capitaux qui concourent à la mise en œuvre des mines exploitées par cette compagnie. Ce n’est point le moment de proposer à la commission d’onquèle d envoyer une délégation auprès des grévistes. La grève d’Anzin ne dépend pas de circonstances locales ; ses causes doivent être connues de quiconque sait le premier mot des rapports actuels au capital et du travail, soit que l’on réside à Paris ou à Versailles. On dirait que l’inventeur de cette nouvelle proposition d’enquête ne se trouve pas à l’aise soit au milieu de ses 43 collègues, soit en présence des dépositions de ses citoyens. L'action véritable, rendue urgente par la grève, doit se dérouler à Paris en face de ceux qui connaissent le mal et qui ont les moyens d’y porter remède. Les souscriptions, les secours, les exhortations aux mineurs les engageant à persévérer énergiquement et pacifiquement dans la voie de la résistance n’atteindront pas le but, quand même les grévistes sortiraient vainqueurs de la lutte. Les mineurs d’Anzin, comme tous les autres travailleurs ont besoin de garanties légales. Voila ce qu il faut dire et répéter sans cesse, non-seulement dans les réunions publiques, surtout à la tribune «lu Palais Législatif.
- * *
- Commission d’enqaêt©. — La Commission d’enquête continue ses séances. Les nombreux délégués, ouvriers ou patrons, entendus depuis notre dernier compte-rendu n’ont produit aucune déposition diffé* rant sensiblement de celles que nous avons déjà publiées. Toujours les mêmes plaintes, et toujours la même absence de propositions contenant une solution rationnelle. Les dépositions des délégués du parti ouvrier ont été reproduites p»ar la presse d une manière si contradictoire, qu’il serait peut-être imprudent, à celui qui veut rester impartial, d’en parler avant qu’elles aient été publiées par les journaux hebdomadaires de ce
- parti, impuissant jusqu’à présent à se procurer un organe quotidien.
- ¥ ¥
- Eclairage électrique. — C’est la ville d’Angers qui sera la première en France à posséder une usine centrale d’électricité distribuant la lumière électrique aux particuliers.
- La construction de cette usine vient d’être décidée.
- ALLEMAGNE
- Il vient de se constituer dans le Reichstag, sons le nom de « parti libéral allemand » un nouveau groupe qui ne compte pas moins de 110 membres.
- Le nouveau parti vient de publier son programme. Il réclame l’é ablissement d’un régime constitutionnel véritable, appuyé sur le contrôle effectif du Parlement et sur la responsabilité ministérielle. Par voie de conséquence, il repousse tout projet tendant à retirer au Reichstag le vole annuel de l’impôt, la suppression du suffrage direct et secret ; il se prononce en faveur du principe de l’indemnité législative et de la liberté de conscience. Eu ce qui touche les réformes économiques, il déclare qu’il combattra avec la dernière énergie les expériences du socialisme officiel que le chancelier veut faire sur l'anima viils du peuple allemand; et qu’il compte plus, pour la solution des questions sociales, sur la liberté, sur l’initiative des citoyens, sur le concours de toutes les bonnes volontés que sur la paperasserie administrative et l’omnipotence des bureaux.
- ANGLETERRE
- Les difficultés rencontrées en Egypte n’empêchent pas le gouvernement anglais de poursuivre ses projets de colonisation en Afrique et en Océanie. Il vient d'être conclu entre le cabinet de Londres et de Lisbonne un traité relatif à la délimitation des possessions portugaises, et à l’exeicice du protectorat anglais sur ces colonies. En voici les principales clauses:
- Le traité reconnaît la souveraineté du Portugal sur la partie de la côte occidentale d’Afrique, située entre 8° et 5<> 12 de latitude sud, c’est-à-dire entre Noki, où s’arrête la grande navigation du Congo, et la frontière septentrionale des autres possessions portugaises d’Aûgola.
- Ce territoire restera ouvert à tous les étrangers, qui y jouiront des mêmes droits que les Portugais eux-mêmes.
- Le commerce et la nagivation sont libres pour tous les pavillons sur le Congo ; ils n’y seront l’objet d'aucun monopole ou concession exclusive. Point üe droits de péage, de droits de douane honoraires, amendes ou autres impôts, sauf ceux indiqués dans le traité ou dont pourraient ultérieurement convenir les hautes parties contractantes.
- Une commission anglo-portugaise rédigera un règlement pour la navigaiien, la police et la surveillance du Congo. Elle pourra établir des droits spéciaux pour ses propres dépenses, les tiavaux d’aménagement des ports, l'entretien des phares et balises.
- Les marchandises en transit ne seront assujetties a aucun droit ; la circulation sur toutes les routes sera
- llbLes missionnaires et autres ministres des religions chrétiennes seront protégés, pourront élever des églises, écoles ou autres établissements, auront le libre exercice de leurs fonctions. Toutes les formes de culte seront d’ailleurs tolérées sur un même pied d’égal lté.
- Respect des traités contractés avec les indigènes et des droits des habitants, protection des biens des uns
- ît des autres. , ,
- Môme tarif de douane que dans la province de îambique, valable pour dix ans, et révisable alors.
- L’Angleterre a d’ailleurs eu soin de stipuler pour îavires et ses marchandises une situation tout à
- privilégiée. , =
- Les derniers articles sont relatifs à la traite des jres sur la côte orientale d’Afrique et en confirment la prohibition.
- Mo-
- ses
- fait
- nè-
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- LB DEVOIE
- Plusieurs notes diplomatiques ont été échangées entre Londres et Paris au sujet des réclamations des colonies Australiennes contre le transport des récidivistes en Nouvelle-Calédonie. Le dernier congrès des délégués des îles Australiennes avait déjà voté une résolution opposée à l’exécution des projets du gouvernement français. Les Australiens ont déjà su faire céder la métropole qui voulait transporter chez eux ses récidivistes ; il est probable qu’ils ne renonceront pas facilement à leurs nouvelles prétentions. Les journaux australiens se font môme Fécho de menaces qui auraient été proférées dans les cercles politiques de la Nouvelle-Galles du sud.
- NORWÈGE
- Le procès intenté par la Chambre norvégienne aux ministres vient de se terminer par un arrêt du Rigsret (Cour Suprême) qui déclare M. Selmer, le chef du cabinet, convaincu de forfaiture pour avoir conseillé au roi la violation de l’article de la Constitution suivant lequel le vote royal est suspensif et perd toute force après la seconde application qui en est faite à une loi votée de suite parle Parlament, Bien que M. Selmer ait été seul mis en cause, l’arrêt frappe implicitement ses dix collègues. Que fera le roi Oscar? S’il accepte la sentence il changera de ministres et placera la royauté sous la dépendance du Storthing. S’il résiste, c’est un coup d’Etat, et la solution paraît inévitabble : proclamation de la République. Le peuple des campagnes en Norvège est résolument républicain, plus encore que celui des villes. La presse suédoise indépendante n’hésite pas à déclarer que le devoir dn roi est de se soumettre, en aura-t-il la prudence et le courage ?
- LA PROPAGANDE DE LA PAIX
- L’action, toujours Faction 1
- On est sans cesse ramené à cette conclusion lorsque l’on envisage le^ moyens pratiques de faire prévaloir une ffiée humanitaire.
- L’intelligence humaine n’est pas encore assez développée pour saisir vite et retenir d’une manière durable les vérités sociologiques ; et cependant, on n’en peut douter, il viendra une époque où la propagation d’une idée juste, quelle qu’elle soit, s’accomplira avee une rapidité comparable à celle que l’on constate déjà dans la généralisation de tout ce qui concerne le progrès scientifique et industriel.
- Dans ces deux ordres d’idées, à peine a-t-on précisé une observation rationnelle dans un coin quelconque du monde civilisé, aussitôt elle est répandue partout et acceptée par un nombre d’hommes capables de la faire prévaloir.
- Mais il ne faut pas oublier qu’en remontant à quelques draines d’apnées on se trouve dans des sociétés où la science et l’industrie étaient le monopole de quelques uns ; alors, tout ce qui se reportait à l’une ou à l’autre passait également inaperçu et inintelligible pour les autres hommes ; depuis elles ont eu leurs pionniers, leurs hommes d’action, théoricien^ et vulgarisateurs, et une grande partie dp Fh«* m&nité a acquis un développement iniüüôotuel «apat-
- hie d'assimiler les nouvelles conceptions dès qu’elles se manifestent.
- En sociologie, nous en sommes encore à la période des pionniers. Combien durera cette époque laborieuse ? C’est une question qu’il ne nous est pas donné de résoudre exactement; mais nous ne pouvons croire que la vulgarisation soit encore longtemps à se faire.
- Ces réflexions et ces pensées encourageantes nous sont suggérées par une lettre d’un de nos abonnés.
- Homme d’action et de bonne volonté, notre correspondant, depuis un mois environ, a rallié plus de trente adhérents aux idées de désarmement et d’arbitrage international, tous recrutés dans un milieu capable d’action dirigeante sur la masse ; déjà, dans une localité,le noyau des premiers adhérents est suffisamment nombreux pour constituer un groupe actif de propagande ; dans les cinq ou six autres communes où habitent les autres signataires des principes contenus dans le manifeste de la Ligue fédérale de paix et d'arbitrage international, tout nous fait présager la prochaine constitution de nouveaux groupes.
- Il serait intéressant de constater l’organisation de plusieurs cantons en vue du désarmement, par l’initiative d’un seul citoyen ; car, il faut ne pas oublier que ce qui est possible dans une localité est faisable dans toutes les autres et de la même manière que dans la première. Il y a là un indice que l’opinion publique est sympathique aux idées de pacification, mais qu’elle n’est pas assez sûre d’elle-même pour manifester spontanément ses aspirations, et qu’il y a nécessité pour les hommes de progrès à comprendre que ce sentiment latent les oblige à toutes les démarches propres à dégager l’opinion publique des craintes et des timidités inséparables des consciences insuffisamment éclairées.
- L’action la plus convenable à cette heure est celle tendant â l’organisation générale des groupes locaux. Vouloir agir sur le gouvernement, avant d'avoir jeté dans toutes les régions de la France des centres de propagande et d’agitation, serait stériliser l’œuvre. A mesure que les groupes se ferment, ils doivent avoir pour principal objectif dq provoquer la fondation de groupes semblables dans les mêmes localités; puis de les fédérer entre eux par canton, par arrondissement ou bien par département, suivant le nombre des groupes constitués.
- Plus tard, lorsque les groupes auront réuni dans quelques centres les citoyens résolus à agir uniquement d’aprèé le? nécessités de cette propagande $ 14 devront agir mf la masse par des rétiniens, des
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- LE DEVOIR
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- conférences et des distributions d’imprimés organisées darjg le but de maintenir la question à l’ordre du jour de l’opinion publique.
- Après cette organisation du pays, il y aqra lieu de donner à la propagande à l’étranger une vigoureuse impulsion. Le désarmement n’est pas une chose dépendant d’une puissance; l’accord des gouvernements européens en est la condition essentielle; les gouvernants ne feront rien pour le faciliter, à moins d'y être contraints par les manifestations des gouvernés.
- Aux Etats-Unis, en Angleterre, en Belgique, en Hollande, en Suisse, en Allemagne même, l’opinion publique se préoccupe de la question ; dans les parlements de ces nations on compte partout quelques députés assez indépendants pour affirmer leurs sentiments pacifiques.
- En France, l'œuvre importante, la plus urgente, est de donner bientôt au mouvement pacifique une puissance de manifestation assez vivace pour imposer d’abord à la presse française l’obligation de publier tout ce qui se rapporte à l’action pacifique des groupes amis de la paix.
- Alors? la presse étrangère ne tardera pas à répéter les récits tirés des journaux français ; et, lorsqu’il sera évident pour tous les peuples que la nation française veut sincèrement la paix, on verra aussitôt les gouvernants les plus réactionnaires entraînés malgré eux à demander un congrès arbitral ayant mission d’établir un droit international européen fixant les forces militaires de chaque pays réduites au minimum.
- Ce caractère international de la question du désarmement impose à chaque citoyen l’obligation de ne rien faire et de ne rien demander qui soit susceptible d’affaiblir l’organisation militaire de la nation, qui doit être constamment prête à une action défensive. Nous sommes persuadés que les citoyens les plus ardents à servir la cause de la paix seraient les défenseurs les plus intrépides dè la République, si des provocations extérieures tendaient à compromettre son principe et son intégralité.
- L’initiative, le temps, les démarches, les fatigues et ies lenteurs inséparables d’une action aussi salutaire sont les conditions mêmes de la vie républicaine. Un peuple qui veut se gouverner, un citoyen qui désire avoir sa part du gouvernement de tous, ne seraient pas républicains s’ils refusaient d’en accepter les charges et les ennuis.
- Si l’on mettait en regard des démarches exigées par 4 propagande des idées pacificatrices,avec les efforts, luttes, les destructions, les carnages et les dépenses d’ane guerre de quelques moisi on m pour» \
- rait s’empêcher de s’estimer heureux d’éviter si facilement une situation aussi désastreuse.
- Mais ce n’est pas une guerre que nous voulons éviter ; c’est la guerre elle-même qu’il faut proscrire.
- Les bienfaits du désarmement pour les peuples et pour les individus sont inappréciables ; ils seraient bien vite réalisés, si une faible partie des jeunes hommes, sous le coup de la loi des 28 jours,voulaient s’occuper pendant leur présence au régiment à faire germer dans l’esprit de leurs camarades les moyens pratiques de faire prévaloir la politique de paix, dont ils sont tous partisans au fond du cœur.
- Il ne faut pas voir seulement les difficultés de la propagande, il faut aussi savoir apprécier à quel prix seront payés ses efforts. Jamais affaire ne s’est présentée dans des conditionsjplus favorables,sous le rapport de la rénumération, puisque le désarmement pour la Franco seule réalisera une économie annuelle dépassant 500.000.000.
- La propagande en faveur de la paix n’est pas seulement une œuvre généreuse, elle s’impose égaîe-lement auprès des esprits positifs, habitués à calculer le prix de chacune de leurs démarches.
- La politique pacifique a besoin du concours de tous ; mais ce concours naîtra de l’action de quelques-uns, des meilleurs; ce sont ceux-là que nous adjurons de suivre l’exemple de notre correspondant, dont nous avons parlé au début de cet article.
- Adhérions aux principes formulés dans le manifeste de la Ligue de la paix et d’arbitrage international.
- MM.
- Boudon Claude, propriétaire à Allègre;
- Frugère Pierre, propriétaire à Sassac-d’Allègre ; Dieudonnat Clément, propriétaire à Besse-d’Allègre ; Durif Victor, propriétaire à Fix-St-Geneys ; Chossegros Joseph, propriétaire à Chenevilie, commune de Varenne St-Honorat ;
- Maltarit Etienne, propriétaire à Salette, par Allègre ; Giraud Emile, négociant à Allègre ;
- Armand Claude, négociant à Allègre ;
- Besson Florentin, négociant à Allègre ;
- Héritier Louis, cultivateur à Allègre ;
- Menochet, parqueteur, 254, avenue Daumqsnil, Paris; Masse Philippe, propriétaire à Caux d’Allègre ; Carret Pierre-Etienne, à Visker, par Ossun, Hautes-Pyrpnnées;
- Malfant Antoine, propriétaire à Menteyre d’Allègre ; Déchelle Jean-Claude, négociant à Allègre;
- Ronchon François# négociant à Allègre; piye, iJ’kuUM à Uam, (Somme),
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- LE DEVOIE
- Gueneau Lucien, sous-préfet honoraire, ancien capitaine de cavalerie, 19, rue des Recollets à Ne ver s ;
- Laurent Paul-Théophile, à Picquigny, (Somme) ; Peltier Stanislas, propriétaire,rue de Balioi, au Mans; Montagne Jules, économe au Familistère de Guise ; Rousselle Léopold, au Familistère de Guise ; Donneaud Henri, au Familistère de Guise ; Bernardot François, ingénieur, au Familistère de Guise.
- Mmct
- Menochet, 254, avenue Daumesmil, Paris;
- Menochet Clémence, 254, avenue» Daumssnil, Paris; Mayet, mère de deux enfants, 254, avenue Daumesnil, Paris.
- Nos correspondants, en nous envoyant sous enveloppes ouvertes les bulletins d'adhésion aux principes de la Ligue de la Paix, commettent une contravention aux réglements de Vadministration des postes. Ces bulletins sont considérés comme des correspondances par lettres.
- CONGRÈS DE LA PAIX
- Nous recevons communication de la liste des sujets à discuter dans le prochain congrès international de
- la Ligue Fédérale de la Paix et d’Arbi-
- trage international, devant avoir lieu à Berne, vers le commencement du mois d’août prochain.
- Liste des Questions proposées à l’examen des membres de la Conférence, et qui peuvent servir de base aux essais et aux résolutions.
- I. ARBITRAGE INTERNATIONAL.
- (a) Possibilité de l’Arbitrage International.
- (b) Examen des meilleurs moyens de faire adopter ce
- système par les Gouvernements Européens.
- (c) Obstacles et objections.
- II. TRIBUNAUX INTERNATIONAUX
- () Moyens d’assurer leur impartialité, et de leur don-
- ner l’autorité nécessaire.
- () La constitution d’un Tribunal International perma-
- nent.
- (c) Sur quel principe doit être basée la représentation
- chez un tel tribunal ? Devrait-on exiger une majorité (par exemple de deux tiers), pour arriver à un jugement définitif ?
- (d) Selon quel principe doit-on régler la constitution
- et la procédure des tribunaux spécialement établis pour des cas extraordinaires ?
- (e) En attendant la formation dun Tribunal permanent,
- quel système pourrait-on adopter pour terminer les différends internationaux, lorsqu’ils se produisent ?
- if) En attendant l’adoption de l’Arbitrage par les nations, le droit de déclarer la guerre devrait-il appartenir au Parlement ou au Gouvernement exécutif ?
- III. DÉSARMEMENT INTERNATIONAL.
- (a) Quels moyens peut-on adopter pour obtenir une
- Réduction des Armements par les Grandes Puissances ?
- (6) Conditions et arrangements pour un tel désarmement.
- (c) Obstacles et objections.
- VII. NEUTRALISATION DES CANAUX OCÉANIQUES,
- () Définition de la Neutralité.
- () Les Canaux Océaniques considérés comme grandes
- routes maritimes internationales.
- (c) Souveraineté des Etats dont ils traversent le terri-
- toire.
- (d) Fortifications et garnisons.
- je) Transit des troupes, des vaisseaux, et des munitions de guerre.
- {r) Actes d’hostilité sur les Canaux, et sur les nves, dans les entours et aux ports qui y appartiennent (g) Neutralité, contrôle et protection des Canaux garanties par un Tribunal International.
- N. B. — Le comité prie les personnes qui ont l'intention de lire des discours à la conférence^ d’en communiquer les titres aux secrétaires aussitôt que possible.
- CORRESPONDANCE D’ANGLETERRE
- VElectoral Reforme Bill de M. Gladstone.
- M. H. Richard M. P. et l’Eglise d’Angleterre.
- Les quarante-neuf voix de majorité par lesquelles la Chambre des Communes a rejeté la motion de blâme proposée par Sir Stafford Nortlcote prouvent, après les débats qui avaient précédé ce vote, quelle importance nos libéraux et nos radicaux attachent à la direction de M Gladstone et à la réussite de son Electoral Reform Bill.
- Car il est impossible de le nier, si le Cabinet n’a pas été abandonné à l’heure décisive du scrutin par bon nombre de ses partisans, c’es: que ceux-ci sentaient qu’il fallait avant tout faire passer cette importante mesure de l’extension des franchises électorales qui doit assurer l’avenir du parti libéral; autrement, ainsi que l’a fort bien fait remarquer le Temps dans une excellente étude sur le rôle du cabinet Gladstone dans la question égyptienne, il est permis de dire que « repoussée par le vote, la motion de blâme a été affirmée par la discussion. »
- Le projet de loi sur la Réforme électorale soumis par M. Gladstone à la Chambre des Communes dans la séance de jeudi dernier tend, ainsi que je vous l’avais fait prévoir de longue date, à assimiler les droits électoraux des campagnes à ceux des &o-roughs, et fixe un cens électoral moins élevé et basé non plus sur les taxes que paie la propriété foncière mais sur la valeur réelle de cette dernière. En outre, il crée toute une nouvelle classe d’électeurs parmi les citadins, employés de toutes sortes, et surtout les travailleurs des campagnes (labourers), auxquels leurs patrons, compagnies ou simples particuliers, fournissent le logement.
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- LE DBVOiE
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- Nous aurons donc désormais trois sortes de votes : '
- Celui du propriétaire.
- Celui du locataire.
- Et celui du simple occupant (occupier).
- Ce dernier que M. Gladstone a dénommé le Service Vote, et qui augmentera considérablement le nombre des électeurs ruraux peut être considéré comme constituant une véritable étape dans la voie du suffrage universel.
- Ajoutons que le projet de réforme présenté par M. Gladstone au Parlement est applicable au Royaume-Uni tout entier, et que, s’il passe dans son intégralité, il dotera le pays de 1.700 000 à 2.000.000 d’électeurs de plus.
- Notons encore que le Bill en question ne fait pas mention d’un remaniement des circonscriptions électorales; cette mesure ayant été jugée assez importante et assez complexe pour faire à elle seule l’objet d’un projet de loi qui, les circonstances le permettant, sera soumis au Parlement dans sa seconde session.
- MM. H. Richard et Peddie se proposent de rompre une lance en faveur de la séparation de l’Eglise avec l’Etat, en Angleterre et en Ecosse, aussitôt que la Chambre des Communes en aura fini avec le Reforrn Bill.
- Le lecteur comprend qu’il s’agit de l’Eglise d’Angleterre ou EstaUished Church qui est la seule subventionnée dans le Royaume-Uni, et qui coûte des sommes énormes. Son revenu annuel s’élevant, tout compris, à environ dix millions de livres sterling, et les membres des innombrables sectes religieuses qui pullulent dans ce pays en fournissant une forte partie, rien ne semblerait plus juste que de décréter que désormais l’Eglise d’Angleterre subviendra à ses propres besoins comme le font toutes les autres sectes du Royaume-Uni.
- L’Eglise d’Angleterre est une institution éminemment aristocratique, et dont le peuple se détache de plus en plus ainsi que le déclarait tout récemment encore le Conseil général des Etats-Unis dans un de ses rapports où il constatait que tout au plus 2 0/0 de la classe ouvrière patronnent aujourd’hui les édifices religieux du seul culte subventionné par l’Etat.
- De quel droit, dans ce cas, persister à prélever sur les modestes salaires des ouvriers méthodistes, baptistes, wesleyans, libre-penseurs ou simples indifférents, un impôt destiné à subvenir aux besoins d’une foule de dignitaires dont un seul, l’archevêque
- de Canterbury par exemple, empoche 15.000 livres «terling par an!
- Sait-on que le moindre des évêques de cette église d’Angleterre touche par an 40.000 fr. d’appointements, que nos doyens (deans), au nombre de trente reçoivent de 700 à 3.000 livres, et que le nombre des membres du clergé de la dite église dépasse 23.0.0 1
- En présence de ce chiffre n’est-il pas permis de dire que MM. Richard et Peddie feront œuvre de justice en dénonçant et en attaquant de toutes leurs forces une institution aussi peu populaire et aussi coûteuse.
- Puissent-ils en cette circonstance débarrasserjl’An-gleterre et l’Ecosse de cet incubus comme autrefois M. Gladstone en a délivré l’Irlande.
- Que chaque culte subvienne à ses propres frais !
- Londres le 3 mars 1884.
- P. L. Maistre.
- LE FRANC PARLEUR
- De St-Quentin et de l'Aisne
- Organe dix Progrès Sooial
- Nous souhaitons la bienvenue à notre nouveau confrère, dont le premier numéro contient l’engagement d’être une tribune accessible à tous ceux que préoccune l’intérêt public.
- COMBIEN COUTE UN PATRON ?
- Les historiens contemporains ont décrit, Souvent, dans un langage élevé, les lourdes charges imposées aux peuples dans les pays soumis aux privilèges de la noblesse. Les travailleurs, attentifs à ces justes réprobations des mœurs seigneuriales, n’ont pas su retenir la méthode des historiens et l’appliquer à l’inventaire des charges que leur impose le patronnât.
- | Le compte rendu des opérations de la société coo-! pérative de boulangerie de Roubaix nous donne une j excellente occasion de démontrer de quel poids le | patronnât pèse sur la consommation générale, j Cette société a fabriqué, en 1883, 827.990 kilos de | pain, ce qui a nécessité l’emploi de 599.600 kilo-grammes de farine. Son chiffre d’affaires s’est élevé » à 297.705 fr. Elle a gagné une somme nette de i 75.690 fr., indépendamment de 2.852 fr. imputés | aux dépenses et payés à titre d’intérêt sur les cotisations ou les dépôts des sociétaires.
- Elle a prélevé sur cette somme de 75.600 fr., 2.971 fr. d’amortissement, 1.422 fr. pour la réserve; et elle a distribué 72.719 fr., soit 24 0/0 du montant de leurs achats, aux sociétaires. Chacun a donc eu
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- LE DEVOIR
- le remboursement du quart du pain qu’il avait consommé.
- — Mais à quel prix est le pain ? Le pain de ménage, fait de pure fabirte de blé, est vendu 32 cent.; le pain blanc, fait de pürë fleur, est vendu 37 cent, le kiiog.; le pain de gruau, 42 cent. 7/10.
- Si nous appliquons les résultats obtenus à Roubaix, à la Boulangerie en général, pour une population de 40.000.000 d’habitants, dans laquelle chaque personne consommerait 180 kilos de jsain par an, soit 500 grammes par jour, les bénéfices des boulangers seraient représentés par une somtne 650.800.000 fr.
- On a employé 599.600 kilos de farine po.ur obtenir 827.990 kilos de pain. Le pain nécessaire à une population de 40.000.000 d’habitants exigerait donc une consommation annuelle de 5.209.000.000 kilos de farine, soit en francs, d’après le cours actuel des farines 2.600.000.000.
- Il est admissible que les bénéflses prélevés par les divers intermédiaires mis en œuvre, depuis la livraison du blé par le propriétaire jusqu’au transport dans la boulangerie, s'élèvent ensemble à 20 0/0 de la valeur de la farine, soit à 500.000.000 environ.
- Nous pouvons encore supposer que le travail utile incorporé aux farines, dans les diverses manutentions faites chez ces intermédiaires, soit représenté par 20 0/0 de la valeur de la farine. Nous aurons la valeur du blé chez le propriétaire en déduisant I.OCO.OOO.OOO de la valeur de la farine ; le prix du blé sera donc de 1.600.000.000.
- Si nous considérons que dans les pays à métayage, le travailleur supporte tous les frais de culture pour avoir une moitié de la récolte, et que, dans les pays à fermage, le prix des baux est fixé d’une manière équivalente, le prélèvement du propriétaire sera donc représenté par 800.000.000.
- Récapitulons :
- Bénéfices des boulangers, 658.000.000
- — intermédiaires, 500.000.000
- — propriétaires, 800.000.000
- Total: 1.958.000.000
- Cela nous permet de conclure que, si la production du blé et la fabrication du pain étaient socialement organisées par des associations unitaires, analogues à. la société coopérative de Roubaix, l’ensemble des consommateurs conserverait pour lui une puissance de consommation de 1.958.000.000 francs, qu’il donne à d’autres, à cause de son ignorance et de sa mauvaise volonté à ne pas vouloir comprendre les choses les plus rationnelles.
- UN ÉCONOMISTE!
- On sait que rien n’horripile un véritable écono miste, un pur, comme une industrie organisée de telle manière qu’elle puisse fonctionner sans qu’aucun spéculateur vienne en cueillir les bénéfices.
- L’imprimerie nationale est dans ce cas. Voici comment le directeur, M. Doniol, rend compte des opérations de cette entreprise : * Dans les vingt-deux * dernières années, de 1858 à 1880, l’imprimerie na-» tionale, quoique ayant réalisé des abaissements de » tarifs successifs, a versé à l’État 11 millions 1/2 » d’excédents de recettes. Sur ces 11 millions 1/2, » 4 1/2 ont été employés en aquisitions de terrains, » constructions nouvelles ou matériel; 1 1/2 a été » affecté au personnel. Le reste a été encaissé par. » le Trésor. »
- Un économiste, du Journal des Économiste, revue de là science économique et de la statistique* 438 année de la fondation, n’ayant pu digérer le rapport de M. Doniol, un socialiste sans le savoir, a confié à ses lecteurs les réflexions suivantes :
- « C’est égal, si toutes les imprimeries, — que dis-je, » si toutes les industries, — étaient nationalisées ou » municipalisées, il est clair, qu’avec l’aide du bud-» get, tous les ouvriers auraient des secours et dèS » pensions à satiété. Il ne resterait plus, pour ré-» soudre définitivement la question sociale, qu’à » trouver le moyen d’alimedter le budget ».
- Il ne faut pas croire que ces réflexions soient écrites par un économiste ignorant la citation extraite du rapport de M. Doniol, le rédacteur du Journal des Économistes a eu grand soin de la mettre en évidence dans son article.
- Ne voulant pas laisser plus longtemps notre confrère dans l’embarras, nous allons tâcher de lui faire comprendre commentserait alimenté un budget, dans un pays où toutes les imprimeries et toutes les industries seraient nationalisées.
- Il ressort du rapport de M. Doniol qu’en 22 années le Trésor a reçu de l’imprimerie nationale un excédent de 5 millions sur les dépenses occasionnées par ce service public.
- Eh bien, cela veut dire que l’Etat a pu disposer de cette somme pour alimenter une partie de sôs autres services ; et cela permet de conclure que, si chaque groupe ouvrier contenant un nombre égal de travailleurs versait un pareil excédent au Trésor,comme cela arriverait sous le régime de la socialisation, aù lieu de le laisser sous formo de bénéfice entre les mains de quelques patrons comme cela se passe
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- LE DEVOIR
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- en époque de salariat, le Trésor disposerait d’un budget beaucoup plus considérable que celui qu’il recueille au moyen d’impôts souvent injustes ; que les imprimeurs, tous les ouvriers, et les économistes aussi n’auraient besoin d’acquitter aucun impôt pour avoir à satiété des secours et des pensions de retraite ; on pourrait même accorder des rentes perpétuelles aux économistes incurables.
- LES HOPITAUX
- On ne se fait pas une idée du nombre de malades et de vieillards qui sont journellement refusés dans les bureaux de l’Assistance publique et dans les parvis de nos hôpitaux où se passent* chaque matin, des scènes à fendre l’âæe.
- Ce n’est certes pas seulement d’un trop plein de deux ou trois qu’il s’agit, mais de vingt ou trente mille.
- En tout cas, il est évident que la construction de nouveaux hôpitaux donne lieu à d’effroyables gaspillages. Qu’on en juge par cet extrait d’un rapport du Dr Brochard, que j’emprunte à une étude sur rHygiène en f rance, de MM. Napias-Piquet et Martin. Le Dr Brocharddonne le remède en indiquant le mal.
- Avec les sommes dépensées pour les constructions de l'hôpital Lariboissière et de l’Hôtel-Dieu, on aurait pu entourer Paris d’une ceinture de 16 hôpitaux de 500 lits, fonder 24 hôpitaux de secours, et créer uu système de transport aussi confortable que possible.
- Lariboissière a coûté 10.445.143 fr.
- L’Hôtel-Dieu* environ 60.000.000
- Total 70.445.143 fr.
- pour 1000 lits.
- Ce qui équivaut à 16 hôpitaux de 500 lits, à 5000 fr. le lit (chiffre suffisant pour un hôpital excentrique), soit 40.000.000 fr.
- Et 24 hôpitaux de secours do 100 lits à 6000 francs la lit (chiffre suffisant, même au centre de Paris, ces petits hôpitaux n’ayant pas de dépendances),.soit 14.400.000
- Total 54.400.000 fr.
- pour 10,080 lits.
- Il serait donc resté à l'assistance publique une somme de plus de 16.000.000 de francs pour établir son système de transports et le matériel nécessaire, tandis qu’elle a dépensé toute la somme pour n’avoir que 1006 lits au lieu de 10.400.
- Est-ce assez réussi comtüe gaspillage?
- Le gaspillage administratif n’est pas moindre. On s’en plaint à Paris. En Province il est pire, et nous le stigmatiserons suffisamment en donnant l’état du personnel hospitalier. Pour les 152,449 lits (dont la
- moitié sont, dit-on, inoccupés), que possède la France, dans ses 1580 hôpitaux et hospices, au budget régulier de 40.000.000, outre les allocations, le personnel se compose, en dehors des 2.800 médecins, de 11,500 religieuses (consolez-vous, ô Pesprès), 3,000 employés et 24,500 serviteurs. Notons qu’à Paris, où l’embéguignage est moins facile, il n’y avait que 511 religieuses pour 20.800 lits, et que, cependant, proportionnellement au nombre de lits (tous occupés) le nombre des serviteurs était moindre.
- Tels sont les procédés administratifs ; tel est l’emploi du « patrimoine des pauvres. » Cependant, dans les grandes villes et surtout à Paris, le nombre des refusés par nos établissements hospitaliers est incalculable, le directeur de l’Assistance publique s'en plaint et réclame lui aussi ; mais rien ne vient, ni augmentation sérieuse de budget, ni application de nouveaux procédés, ni réformes administratives. Et pourtant ni la maladie, ni le dénùment n’attendent, et les repoussés souffrent et meurent faute de secours; les moins malheureux, en écrasant leur pauvre famille, déjà à bout sans cela.
- Quand jugera-t-on à propos, dans notre société encombrée de monopoles oppresseurs et spoliateurs, de grasses et scandaleuses sinécures, et que déshonore la révoltante voracité des gros budgétiVôres, de faire du droit à l’assistance une réalité, de secourir suffisamment les plus douloureuses misères ?
- (L’Intransigeant). B. Malon.
- LE POLYPE CHINOIS
- C'est dans la mer Jaune que les Chinois ont découvert le Dzou-no-Dzé, ou polype à vinaigre, un des êtres les plus excentriques et les plus stupéfiants de la création.
- Figurez-vous un monstrueux assemblage de membranes gluantes et charnues, un composé inextricable d’excroissances et d’appendices informes, un système extravagant de chairs élastiques et de tubes incompréhensibles.
- On dirait du caoutchouc ; mais aussitôt que l’on touche à cette chose, un être vivant se dégage, se dessine, se meut, se dilate ou se contracte, apparaît ! C’est une bête.
- De ia constitution et de là vie du polype chinois, on ne sait pas grand chose. Le marquis du Tseng lui-même ne nous apprendrait rien. On ne connaît guère de ce singulier animal que son étonnante faculté de fabriquer d’excellent vinaigre.
- La recette est très simple. On met le polype dans un grand vase d eau douce en ajoutant quelques verres d’eau-de-vie.
- C’est tout. La nature se charge du reste. Au bout d'un mois, le liquide se trouve transformé en parfait vinaigre, sans le secours d’aucun ingrédient. Il n’y a qu’à verser.
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- ls Diront
- Ce vinaigre animal a an autre mérite que son incomparable saveur et sa piquante originalité : une fois la première transformation opérée, la source est aussi intarissable que ia bouteille inépuisable de Robert-Houdin ; il suffit d’ajouter une égale quantité d’eau pure, sans la moindre addition de liquide étranger.
- Le lendemain, vous aurez un vinaigre aussi fort, aussi pur, aussi bon, aussi parfumé que le premier.
- Le polype chinois ne change pas l’eau en vin, il la transforme en vinaigre exquis et c’est là son miracle.
- Durant son séjour en Chine, le savant père Hue fit constamment usage de l’excellent vinaigre du Dzou-no-Dzé, et quand il fut obligé de partir pour le Thi-bet, il céda son précieux fournisseur aux chrétiens de la mission des Eaux-Noires.
- Deux ans après, le polype chimiste distribuait encore du vinaigre et toujours gratuitement.
- Le polype chinois, qu’on pêche avec un soin patient dans les eaux de la mer Janne, jouit des étonnantes propriétés de notre polype d’eau, animal bizarre entre tous que je me plais à vous présenter pour vous convaincre que nous pouvons lutter contre la Chine en bêtes invraisemblables, dragons réels, chimères vivantes !
- Le polype d’eau douce n’est pas une bête, c’est un couloir vivant ; ce n’est pas un corps, c’est une peau ; ce n’est pas une constitution, c’est un sac ; ce n’est pas une créature, c’est un phénomène ; ce n’est pas un genre, c’est un tour de force, une gageure, une ironie, un défi de la nature.
- Dans toute sa longueur, le polype n’est qu’un tube, qu’un sac ; mais ce sac est vivant ; il respire, il se meut, il nage, il se reproduit, cachant dans sa peau étrange et mystérieuse le grand ressort de l’existence.
- En guise de constitution, le polype offre le vide ; on cherche les organes et l’on trouve un tunnel.
- *
- # «
- Savez-vous maintenant comment on multiplie cet être singulier ? C’est avec une lame, en le découpant par morceau comme une galette.
- Tout autre animal s’empresserait de mourir. Le polype d’eau douce se hâte de vivre en multipliant son existence : chaque tronçon se perfectionne et se complète ; chaque fragment devient à son tour un polype parfait. Le bourgeon se fait feuille, le ) ameau se fait arbre.
- C’est par bouture, comme une plante, que le polype se multiplie.
- C’est plus que de la vitalité, c’est la vie même ; qu’on l’ampute, qu’on la tranche, qu’on la divise, qu’on l’arrache, qu’on la taille, elle reste la vie, se propage et s’étend, s’incruste, s’insuffle dans chaque tronçon qu’elle anime et qu’elle féconde !
- Si Vous coupez un polype par la moitié du corps, le coté de la tête prendra celui de la queue et le côté de la queue celui delà tête.
- Si vous variez d’exercice en coupant le polype en long au lieu de le trancher en large, un autre phénomène se produit : eu grandissant, la partie droite prendra la partie gauche qui lui manque et, de son côté, la partie gauche se complète de la partie droite dont elle a été privée. Par ce moyen, vous obtiendrez deux polypes irréprochables au lieu d’un.
- Ce n’est plus la multiplication des pains, c’est la
- multiplication de la vie que le plus vif mortel opère avec une simple lame.
- En fendant le polype sur certaines parties de sa longueur, on arrive à former un phénomène artificiel, un monstre horrible, une hydre enfin à autant de têtes et de queues qu’on voudra !
- Et le polype vivra sans malaise, sans surprise, indifférent à cette monstreuese parure, laissant pousser ses têtes comme une plante laisse bourgeonner ses feuilles.
- Un dernier trait d’originalité : le polype se retourne comme un gant. Le dessus devient le dessous et réciproquement. H y a des jaquettes anglaises et des consciences politiques qui se retournent ainsi. Quand la chose est usée à l’endroit, on la met à l’envers...
- On peut ainsi retourner un polype tous les huit jours sans porter atteinte à sa santé.
- En le taillant comme un copeau, on multiplie sa vie. En le retournant comme un manchon, on ne fait que changer la face de son existence.
- J’ai dit que le Dzou-no-Dzé ou polype chinois jouit des merveilleuses propriétés du polype d’eau douce.
- Comme lui, il se multiplie par bourgeons; qu’on lui coupe un membre, un simple appendice, une rondelle informe, ce fragment se met aussitôt à végéter comme un rameau; il grossit, s’allonge, se perfectionne, se complète, devient lui-même un être irréprochable et parfait qui, comme son ancêtre, sera un chimiste de premier ordre et un prodigieux fabricant de vinaigre.
- Il paraît, que le Jardin zoologique d’acclimatation va recevoir une cargaison de polypes chinois. Je ne dis pas que l’épicerie française soit menacée. Mais comme en les découpant par petits morceaux, on peut faire d’un seul polype, c’est-â-dire d’un seul ouvrier, une usine entière, j’engage MM. les épiciers à veiller à leur vinaigre.
- Avec le Dzou no-Dzé, on a l’huilier sous la main et sa salade toute assaisonnée.
- Le polype chinois n’est pas une bête c’est une burette !
- [France] Fülbert-Dumonteil.
- Théâtre du Familistère de Guise
- Bureau 8 heures
- SAMEDI 15 MARS 1884
- Rideau 8 h. 1/2
- Représentation donnée
- par la Troupe du Grand Théâtre deJ$t-Quentin
- les B et s Bleues
- Opéra-Comique en Trois Actes, de MM. Dubreuil, Humbert et P. Burand
- Musique de Bernicat, terminée par M. A. Messager.
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- SAINT-QUENTIN
- Société anonyme du Glaneur, Grand’Place, 33.
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- Dimanche 23 Mars 1884
- 8 Année, Tome 8. n 289 numéro hebdomadaire 20 c.
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- —JL'TT'J-
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M GODIN, Directeur-Gérant
- Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par i’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
- Union postale
- Un an. . . . 10 fr. »»
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- Six mois ... 6 »» Autres pays
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- ON S’ABONNE A PARIS 5,r.Neuve-des-petits-Champs Passade des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences p s y c li o î o g i q u e s.
- SOMMAIRE
- Révision du suffrage universel. — Le temps de M. Ferry. — Ligue des Travailleurs. — Les classes allemandes et le socialisme. — Le pairio tisme qui tue. — Les mineurs et la participation. — Préceptes et aphorismes sociaux. — Faits politiques et sociaux — Correspondance d An gleterre. — La Crise agricole. — Fleurs et parfums. — Etat-civil. — Cours d'adultes. — Librairie du Familistère.
- jm. w m
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l'administration fait présenter une quittance d'abonnement.
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir livrera franco aux abonnés des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la librairie du Familistère.
- NOTE DE L’ADMINISTRATION
- Le numéro du Devoir du 30 Mars sera remplacé Par une brochure envoyée à tous nos abonnés,
- donnant l’analyse des institutions du Familistère, de leur situation et des services rendus par elles. Imprimée sur beau papier et soigneusement éditée, cette brochure contiendra cinq vues du Familistère et de ses dépendances : Vue générale du Familistère (Palais social, Usine et annexes) ; Vue extérieure de la Nour-ricerie et du Pouponnât ; Vue intérieure de la Nourricerie; Les Écoles et le Théâtre ; L'aspect d’une cour du Familistère un jour de Fête.
- Publiée en vue de la propagande, elle sera mise en vente à la librairie du Familistère, à Guise (Aisne), aux prix suivants :
- Un exemplaire. . , 40 centimes
- 10 exemplaires. . . 2 50 »
- Envoi franco par la poste.
- La Révision du Suffrage Universel
- IV
- Résumons-nous. J’ai demandé :
- La liberté du suffrage, c’est-à-dire la faculté pour tout électeur de choisir ses candidats où bon lui semble ;
- L’égalité des électeurs devant l’urne en votant pour douze noms, par bulletin de liste nationale, dans toutes les communes de France ;
- L’élection nationale et annuelle de la moitié des Chambres, afin que les électeurs fissent connaître leur appréciation sur la politique de leurs mandataires ;
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- LR DEVOTR
- La proclamation à l'avance des noms des candidats et l’organisation des moyens les pins complets d’information sur leur compte ;
- L:élection et le dépouillement du scrutin à la commune, le recensement à Paris ;
- Comme prévision intéressant l’avenir du suffrage, j’ai demandé, en outre, que le concours et l’élection fussent pratiqués et enseignés dans toutes les écoles, pour faire l’éducation électorale des citoyens et mettre en relief les mérites et les capacités dignes d'être élus ou promus à toute fonction dans l’avenir.
- J’ai démontré les raisons d’équité et de justice en vertu desquelles le système de votation nationale doit être établi pour remplacer le système trop justement condamné du scrutin uninominal de circonscription.
- Examinons maintenant les objections que feront les adversaires de ce système, en se posant en ennemis des libertés du peuple.
- La liberté du suffrage, diront-ils, en laissant à l'électeur le libre choix parmi les candidats inscrits sur la liste générale de la France, ne donnera aucune garantie contre la possibilité poi r telle contrée ou tel département, de se trouver dépourvus de représentants.
- Cette objection naîtra, on le conçoit, dans l’esprit des individus qui placent les intérêts matériels au-dessus des intérêts humains, qui veulent toujours voir la représentation de la richesse et du terroir et non la représentation des personnes et des existences humaines. Mais il ne faut pas s’y tromper plus longtemps, la richesse par ces résistances, marche à un cataclysme qu’une évolution bien comprise pourrait seule éviter. Le suffrage universel c’est l’émancipation politique des masses laborieuses, en attendant que ce soit leur émancipation sociale.
- Il ne s’agit plus de représenter les terres et les châteaux de M. le Duc ou de M. le Marquis ; il ne s’agit plus seulement de prendre les mesures propres à assurer des privilèges nouveaux à ces grands personnages ou à la bourgeoisie qui leur succède ; il s’agit de représenter la vie et l’existence de tous les citoyens, de protéger et de garantir les droits de tous aux dons de la nature et aux avantages sociaux.
- Pour cela il n’est pas besoin de représentants sur tel ou tel domaine, mais il faut au peuple des mandataires qui s'occupent de donner les garanties de l’existence aux familles et l’instruction aux enfants; il faut au peuple des mandataires qui lui assurent la juste part due à son travail dans la richesse créée. Pour cela il n’est pas besoin d'assigner une circons-
- cription au vote, il n’y a qu’à laisser l’électeur libre de son choix.
- Pourquoi refuserait-on la liberté du vote sinon dans cette arrière-pensée qu’il faut se rendre maître du suffrage qu’il faut le guider ?
- Oui, c’est bien la représentation des intérêts matériels qu’a voulu faire le législateur réactionnaire de la loi actuelle ; il a voulu la représentation de ceux qui possèdent la richesse à l’exclusion de ceux qui n’ont en partage que la pauvreté. Plus l’on possède plus l’on a droit à être représenté : telle est la ten* dance du système, de façon que le peuple qui ne possède rien ne devrait pas être représenté du tout.
- Mais le peuple du suffrage universel qui a besoin de vivre, qui a le droit à la vie, ce droit le plus grand et le premier des droits de l’homme, pourra-t-il toujours supporter ces prétentions égoïstes et oppressives, sans réclamer la liberté qui lui est due dans l’exercice de ia souveraineté ?
- Ne voit-on pas déjà dans quelle proportion le peuple exerce ia critique de ce qu’il appelle la représentation bourgeoise ?
- Quelle est la cause de cette appréciation si ce n’est le mode même de votation qui fait réellement des députés et bien plus encore des sénateurs une représentation bourgeoise, c’est-à-dire n’ayant d’attache sérieuse qu’aux intérêts deia richesse et aucune aux intérêts de la pauvreté. Cela n’est pas contestable en principe.
- Je conçois pourtant que des députés puissent croire de bonne foi à l’efficacité du suffrage restreint, si celui-ci les a nommés sur l’affirmation d’un programme avancé et démocratique, mais ce n’est pas sur quelques exceptions qu’il faut juger les institutions, c’est sur leurs tendances générales et sur leurs effets. Or, ces tendances et ces effets sont manifestes ; il est incontestable que les élections à la circonscription se font et se feront généralement dans les vues étroites de l’intrigue, de la cabale, de la médisance, du mensonge et de la calomnie ; qu’on ne recule devant aucun moyen et que l’art de faire une élection descend aux plus bas degrés de la corruption. La vérification des pouvoirs en donne trop souvent de tristes exemples.
- Le suffrage ne peut-être conduit à un plus complet avilissement et c’est au, mode même de votation que cela est dû. Un tel état de choses ne peut durer sans nous conduire à l’abîme ; il faut réformer ce mode de suffrage.
- Peut être dans le vote de la loi des circonscriptions électorales un certain nombre de députés qui n’avaient pas suffisamment étudié la question, ont-ils adopté de bonne foi ce système comme établissant
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- LE DEVOIE
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- l’égalité de tous les électeurs français devant Furnc, le scrutin de liste départementale produisant, en effet, cette anomalie qu’à Paris les électeurs vota’ent pour 44 députés tandis que dans certains départe • ments français les électeurs avaient leur liste limitée à trois ou quatre noms.
- Une bonne loi électorale ne doit pas évidemment offrir de semblables anomalies ; la loi doit être égale pour tous. On comprend donc que pour remédier à cet abus quelques députés aient pu accepter la circonscription électorale comme pis-aller.
- Ce mode étant doublement condamné par l’usage que l’empire en a fait et par l’expérience que la République en a renouvelée il faut le remplacer au plus vite. Le scrutin de liste départementale ne pouvant lui être substitué à cause de l’inégalité qu’il crée pour les électeurs, c’est donc fort à propos que je viens, en vue des élections prochaines, proposer à l’attention de nos législateurs le scrutin de liste nationale, par bulletins de douze noms et le renouvellement des Chambres par moitié chaque année.
- L’élection annuelle est une nécessité de l’extention du droit souverain du peuple, elle est dans la logique du contrôle et de l’influence qu'il doit exercer par l’élection sur la conduite de ses représentants. Je sais bien qu’on opposera à cette proposition toutes sortes d’objections telles que celles-ci : ce serait déranger le peuple trop souvent ; ce serait renouveler tous les ans une grande agitation dans le pays ; etc., mais les objections les plus graves seront celles qu’on ne formulera pas et qui se résument ainsi : il serait dangereux de donner au peuple une trop grande influence dans les affaires du pays, car il deviendrait trop exigeant.
- Je dis à ceux qui pensent ainsi : Vous êtes sur la voie de la résistance qui conduit aux abîmes; prenez-y garde. La voie que je vous indique est au contraire l’exutoire pacifique des revendications populaires, c’est le moyen d’opérer toutes les réformes nécessaires sans trouble et sans bruit. Donnez au suffrage universel la liberté d’exprimer largement la pensée et la volonté nationales et de choisir des députés capables de traduire dans les faits cette pensée et cette volonté ; la question sociale perdra son acuité et la France entrera paisiblement et sans trouble dans la voie des institutions utiles à tous.
- Députés et sénateurs, préoccupez-vous du salut du pays, il en est temps. Au lieu de batailler entra vous sur la question de révision de la Constitution, au lieu même de remplacer une Constitution mauvaise jar une-qui ne vaudra pas mieux, commencez par placer le peuple souverain dans les conditions de li-
- berté nécessaires à la vérité de sa haute fonction, donnez-lui la faculté du suffrage national.
- Le collège électoral national par scrutin de liste avec bulletin de vote de douze noms et renouvellement des Chambres par moitié chaque année correspond aux besoins de réforme parlementaire que la République éprouve.
- Ce système est en accord avec le principe républicain moderne ;
- Il satisfait aux besoins réels de la démocratie ;
- Il est moralisateur du suffrage et des assemblées ;
- Il supprime les rivalités, les jalousies et les haines résultant du vote par circonscription ;
- Il rend les citoyens égaux devant Furne ;
- Il donne à l’électeur une complète liberté de choix;
- Il fait la lumière sur la valeur et le mérite des candidats ;
- Il élit à la représentation toutes les supériorités ;
- Il appelle à brève échéance le député à passer par le jugement de ses électeurs :
- Avec lui, le député jugé par les électeurs de la France entière ne sera pas réélu s’il a failli à ses prumesses, s’il n’a pas bien rempli son mandat.
- Un tel système étant adopté, toutes les révisions se feront ensuite sans difficultés.
- {A Suivre).
- Le Temps de M. Ferry
- M. Ferry, n’osant venir à la tribune législative exposer quelles nouvelles obligations incombaient au gouvernement après la prise de Bac-Ninh, a voulu néanmoins sauver les apparences en faisant publier sous forme de conversation sa manière de voir sur la politique extérieure. Il a choisi pour confident le co respondant parisien de la Nouvelle Presse libre.
- U convient de relever une des déclarations de M. Ferry, celle qui concerne le désarmement.
- M. Ferry a déclaré qu’aucune proposition de désarmement ne lui a été faite, à la suite du rapprochement effectué entre la Russie, l’Allemagne et l’Autriche, et qu’il considère une proposition de ce genre comme impossible, ou du moins comme très improbable. « Il croit que s’occuper de questions pareilles, c’est perdre son temps. »
- M. Ferry a voulu dire qu’il n’y avait pas d’argent à gagner pour lui dans la propagande des idées de pacification. Où serait cependant M. Ferry, s’il ne s’était trouvé avant lui d s hommes assez désintéressés pour faire mûrir malgré la perte de leur temps, malgré les persécutions, les idées libérales que lui et ses pairs ont indignement exploitées ?
- Le temps de M. Ferry, ça vaut de l’argent, si l’on en juge par les bénéfices du syndicat qui s’était rendu propriétaire des titres de la dette Tunisienne, pendant que M. Ferry et ses amis employaient leur temps à nouer les intrigues qui devaient aboutir à l’expédition contre les Kroumirs. De même, du temps
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- dépensé à préparer et à compliquer notre intervention an Toukin, en voilà du temps bien employé ; la France ne sait pas encore tout ce qu’il lui coûtera.
- Mais si M. Ferry n’a pas de temps à perdre pour s’occuper du désarmement ; il faut croire qu’il gagne gros à parler contre le désarmement et qu’il a de puissants motifs à faire une campagne opposée à la nôtre, puisqu'il n’a pas hésité à donner au reporter de la Nouvelle Presse libre quelques heures d’un temps si précieux.
- Les véritables amis de la paix verront dans les inquiétudes que laisse paraître M. Ferry an indice certain des chances favorables de leur propagande ; si elle n’avait aucune chance d’aboutir, M. Ferry n’emploierait pas son temps à essayer d’en atténuer les effets.
- En haut, on ne parlerait pas contre le désarmement, si l’on n’avait pas peur de voir surgir d’en bas un mouvement sérieux en faveur de la paix.
- Adhésions aux principes formulés dans le manifeste publié par le Devoir n* du 6 janvier 1884, au nom du comité parisien de la Ligue fédérale de la •paix et de l’arbitrage international.
- Mesdames,
- Moret Marie, au Familistère de Guise (Aisne).
- Moret Emilie, veuve Dallât. —
- Doyen, née Brunet. —
- Deynaud Louise. —
- Messieurs,
- Giraud J. R., à Valence (Drôme).
- Duplaquet Jules, à Guise (Aisne).
- Coppeaux Léandre, employé, à Hamappes (Aisne). Doyen Pierre-Alphonse, employé, Familistère de Guise Doyen Albert, peintre. —
- Deynaud Simon, publiciste. —
- Marchand Arthur, au Familistère de Guise. Cornilleau Louis-Jean, propriétaire, ancien percepteur, 6, rue Montbarbet-au Mans (Sarthe). Garric Etienne-Marcel, 7, rue du Coq, Béziers. Silberling Maximilien, ingénieur, à Craïova, Roumanie.
- Dirson Arthur, à Guise.
- Guévin Jean, Villenave-de-Rioms.
- Lipe des Travailleurs pour la paix internationale
- Extrait du manifeste
- La vieille Europe marche d’un pas accéléré vers une transformation politique et économique. La Ligue est instituée pour propager la solution qui se rattache au côté politique de la question sociale.
- Elle fait une double propagande : l’une a pour but suprême d’ouvrir les esprits à l’idée de la République européenne ; l’autre a pour but immédiat de substi-
- tuer, autant que faire se peut, l’arbitrage international à la guerre.
- Elle offre un terrain commun et à ceux qui voient surtout le remède, la République européenne, pour tarir la source des guerres internationales, et à ceux qui voient surtout le lénitif, l’arbitrage, pour les diminuer.
- N’oublions pas que la dictature militaire triomphe pendant que les peuples s’entr’égorgent, et qu’elle éteint dans la frénésie du massacre toutes les revendications sociales.
- Extraits des statuts
- Le minimum, de cotisation annuelle est fixé pour chaque adhérent à un franc, payable facultativement dans le courant de l’année de son adhésion.
- Envoyer les adhésions au citoyen Henri Brissac, secrétaire de la Ligue, 6, boulevard de Port-Royal.
- Communications verbales, le dimanche, de 9 à 10 heures du matin.
- Les classes allemandes et le socialisme
- La nation allemande se trouve dans une situation qu'il serait difficile de comparer à aucune autre époque de la vie d’un peuple. Ses récentes victoires semblent lui avoir procuré une puissance réelle ; son gouvernement exerce une prépondérance incontestable dans la politique internationale ; ses armements sont formidables ; son industrie se développe avec une sûreté et une précision exceptionnelles, pendant que son commerce s’étend sans rencontrer aucun obstacle sérieux et que son agriculture se prépare à un8 grande prospérité, en s’efforçant d’accaparer la production du sucre, en Europe. Et c’est au milieu de tous ses signes de prospérité que les classes allemandes se préparent froidement, méthodiquement, à une action parlementaire devant aboutir à l’entrée en scène du peuple dans la politique intérieure.
- Comme en Allemagne rien ne se fait sans la volonté de M. de Bismarck, c’est lui-même qui a donné au peuple cette situation devant fatalement le rendre maître des destinées de la nation.
- Le peuple allemand saura-t-il profiter des circonstances pour agir selon ses intérêts ; ou bien emploiera-t-il sa puissance à fortifier la monarchie autoritaire ? M. de Bismarck a-t-il prévu cette alter. native ; ou bien agit-il sous l’impression d’une aveugle confiance ?
- Les projets de lois sur les secours en cas de maladie
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- et contre les accidents, émanés de l’initiative de M. de Bismarck, auront pour résultat de cohésionner le peuple et de l’organiser presque malgré lui. Nous n’en donnerons d’autre preuve que l’économie générale du projet de loi sur les accidents.
- Les industries soumises à l’obligation légale de payer une indemnité dans les cas d’accidents sont les carrières, les mines, les salines, les fabriques et les usines. Sont considérés comme usines et fabriques tous les établissements employant plus d8 trois ouvriers où sont utilisées les machines à vapeur et les forces naturelles ; de même pour les ateliers, sans force motrice, lorsqu’ils occupent plus de dix ouvriers. En plus de ces cas prévus par la loi, le conseil supérieur des assurances aura le droit d’étendre les applications de la loi chaque fois qu’il le jugera convenable.
- Tous les patrons d’un même corps d’Etat forment une corporation solidaire dans les règlements des indemnités à payer à la suite d’accidents.
- Après déclaration du nombre d’ouvriers qu’ils emploient, les patrons sont convoqués par le conseil supérieur en assemblée générale pour constituer leur corporation ; les statuts doivent être approuvés par le gouvernement impérial ; si les patrons ne peuvent se mettre d’accord, le conseil supérieur organise d’office la corporation. Dans les assemb'ées générales, chacun des membres a autant de voix qu’il a de fois 20 ouvriers jusqu’à 200, après ce maximum il acquiert une voix en plus par chaque groupe de cent ouvriers.
- A côté de la corporation patronale existe la corporation ouvrière, nommant pour quatre ans une commission composée de 9 membres au moins et de dix-huit au plus ; cette commission délègue deux de de ses membres à un tribunal d’arbitres, dont le président est nommé par l’administration, et les deux autres membres par les patrons. Ce tribunal a pour mission d’examiner les cas litigieux ; ses décisions ne sont valables que si elles ne sont pas frappées d’appel par une des deux parties; dans le cas d’appel le conseil supérieur des assurances juge en dernier ressort.
- L’enquête sur l’accident est ouverte par la police locale, qui ne peut refuser le concours de la commission ouvrière et de la corporation patronale.
- En cas de blessures, les victimes sont remboursées des frais de maladie pendant les treize premières semaines ; après ce délai, elles ont droit à une renie annuelle équivalente aux deux tiers du salaire moyen, s’il y a incapacité de travail, et à la moitié de ce salaire pour l’incapacité partielle.
- En cas de mort : les frais de funérailles, à raison
- de vingt fois le salaire moyen à la veuve, et de 10 0/0 à chaque enfant, sans que le total de ces rentes puisse dépasser 50 0/0 du salaire moyen ; en outre, une rente de 20 0/0 aux ascendants nécessiteux. Si la veuve se remarie, elle reçoit pour toute indemnité le montant de trois fois sa rente.
- Les mesures proposées pour assurer le paiement de l’indemnité permettent de supposer que M. de Bismarck veut une loi dont personne ne puisse éluder les conséquences.
- Lorsqu’un accident a donné lieu à une indemnité, la corporation avise l’administration des postes, et celle-ci fait parvenir à la victime les fonds qui lui sont dûs. A la fin de chaque exercice, l’administration des Postes fait an relevé général des sommes payées par elle, puis elle informe chaque corporation du total des indemnités payées aux ouvriers du corps d’état ; les dettes des corporations envers l’administration des Postes sont recouvrées comme les contributions communales.
- Ces projets sont certainement hardis et dénotent que M. de Bismarck veut grouper autour de la dynastie une partie du peuple prêt à se partager entre le parti socialiste et les diverses fractions progressistes et libérales de la bourgeoisie.
- Mais le chancelier allemand a-t-il l’illusion de penser que cette alliance d’une fraction du peuple et de la monarchie peut être durable et préserver indéfiniment un gouvernement autoritaire ? Ou bien est-il convaincu de le prolonger par ce moyen le plus longtemps possible, en préparant en même temps une transition ?
- Le parti socialiste pourra prétendre avec raison que ces réformes sont dûes à son attitude de vaillante avant-garde, et que le gouvernement avancera encore dans les voies du socialisme à mesure que le peuple se rapprochera davantage des partis extrêmes.
- Il est certain que ces choses seront dites, qu’elles seront entendues et comprises par un grand nombre de travailleurs; car le peuple allemand rachète son manque d’enthousiasme par la réflexion; il sera peut-être lent à saisir cette interprétation, mais il ne faut pas oublier que ceux qui ont intérêt à la faire prévaloir seront tenaces à la vulgariser, ces derniers connaissent trop bien M. de Bismarck pour lui accorder la moindre confiance.
- Il n’est pas téméraire de conclure que le vote des projets de M. de Bismarck favoriserait le développement du socialisme ; et cela est tellement vrai et compris en Allemagne, que les deux fractions les plus importantes des représentants de la bourgeoisie viennent de se coaliser au Reichstag, en vue de résister énergiquement aux entreprises du socialisme
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- LR DEVOTE
- d’Etat. La déclaration du nouveau groupe parlementaire, formé sous le nom de parti libéral national allemand, sont formelles à cet égard.
- Ce prétendu parti libéral, s’il avait eu pour but de combattre l’autoritarisme du chandelier, n’avait qj’un moyen efficace d’obtenir la victoire; au lieu de partir en campagne contre le socialisme d’Etat, il devait lui aussi arborer le drapeau socialiste et accepter le principe des assurances générales en combattant énergiquement tous les articles qui tendent à faire passer la direction de ces assurances dans les mains de l’Etat ; à côté du projet autoritaire d8 M. de Bismarck, il était possible de proposer une loi conservant au peuple les avantages des assurances et lui donnant par surcroit tous ceux de la liberté ; mais il fallait accepter le principe du socialisme.
- Aucune des déclarations du parti libéral ne peut être considérée comme offrant aux travailleurs la plus petite compensation des avantages immédiats contenus dans les promesses du gouvernement. On y trouve que les clichés ordinaires sur la liberté individuelle et la libre initiative des citoyens, a peu près les phrases creuses qui font depuis si longtemps le bonheur du peuple français.
- En cette circonstance, les représentants de la bourgeoisie allemande font preuve de mal connaître le fond essentiellement positif du caractère germain ; ce ne sont pas les mangeurs de choucroutes et les buveurs de bière qui se laisseront entraîner par un sentimentalisme excessif. On ne peut combattre efficacement le gouvernement impérial de l’Allemagne sans porter la lutte sur le terrain de la République sociale.
- A entendre las libéraux allemands, ne dirait«on pas que c’est la première fois qu’iis se trouvent en présence de l’autoritarisme de M. de Bismarck ? Cependant, celui-ci n’a jamais cessé d’être le même cuirassier, se faisant un jeu des parlementaires chaque fois que sa volonté l’a entraîné hors des voies du parlementarisme. Mais dans le passé, les décisions du ministre n’ailaient pas au-delà des convoitises des classes dirigeantes, et les libéraux d’aujourd’hui s’honoraient d’être de plats ministériels.
- Lorsque M de Bismarck concentre tous les chemins de fer dans les mains de l’Etat, les libéraux retrouvent les mots de liberté et quelques protestations contre la centralisation ; c'est qu’ils étaient sensibles à la perte des bénéfices de l’exploitation des chemins de fer, si libéralement empochés par les capitalistes de certaines républiques ; mais ils n’y tiennent plus, lorsqu’on parle de donner aux travailleurs quelques garanties bien insuffisantes et dans des conditions véritablement despo-
- tiques. Alors, ce ne sont pius des protestations isolées, tous les groupes oublient leurs divergences, et les hymnes à la liberté retentissent avec an ensemble admirable; tout cela, pour empêcher aux travailleurs de comprendre qu’iis peuvent posséder et les garanties et la liberté.
- Peut-on admettre que l’évidence du développement des idées .socialistes par l’influence des projets de M. de Bismark, évidence déjà escomptée par les groupes d’avant-garde et si vivement pressentie par les cen.res conservateurs, échappa à leur auteur que tout le monde proclame comme une supériorité intellectuelle ?
- Ne devrait-on pas se demander si le cuirassier politique, qui dirige depuis si longtemps la politique européenne, n’est pas doublé d’un Turgot, d’un Nee-ker?
- La question du moment est de prévoir quelles seront les conséquences socialistes de la lutte politique qui se prépare au Reichstag.
- J,e ministre a la confiance du gouvernement, et dans le cas d’un échec la dissolution du parlement est un événement probable.
- Le succès des libéraux, affirmé après une ou plusieurs dissolutions, pourrait avoir pour résultat de pousser le gouvernement à un coup d’Etat ou bien de jeter le vaincu dans l’opposition, car il bien difficile d’admettre qu’un homme d’action aussi énergique puisse se donner au repos avant d’y être contraint par l’impuissance. Puis une majorité nouvelle serait mise en demeure de prouver son libéralisme en laissant les socialistes jouir des libertés de droit commun ; obéissant à cette logique, la majorité rendrait à la propagande socialiste son activité d’autrefois ; refusant cet acte de justice elle serait aussitôt démasquée et l’organisation clandestine des socialistes deviendrait plus facile.
- Si, au contraire, le gouvernement sortait victorieux des nouvelles élections ; en plus des occasions favo rables à la propagande présentées par toutes les périodes électorales, le socialisme aurait beaucoup à espérer de la nouvelle situation. On verrait bientôt les hommes ambitieux de prendre part à la direction du pays renchérir sur les déclarations officielles dans la voie du socialisme, l’opposition finirait par où elle aurait dù. commencer, en opposant au socialisme d’Etat le socialisme libéral.
- Enfin, le fait important est que les officieux et les libéraux de l’Allemagne vont se trouver aux prises dans une question touchant les intérêts les plus directs des classes laborieuses. Plus la lutte sera longue et passionnée entre les diverses fractions des classes dirigeantes, plus il y a de chance que les
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- travailleurs sentent la nécessité d’intervenir d’une manière décisive.
- On verrait alors ce que peuvent être des querelles entre Allemands.
- LE PATRIOTISME^Qül TUE
- Il y a un patriotisme qui veut harmoniser les intérêts, qui lutte contre le paupérisme et l’ignorance ; un autre qui s’acharne contre les peuples, les forteresses, et qui détruit souvent en quelques mois toutes les œuvres fécondes péniblement édifiées par le premier. La lutte entre ces deux antinomies devient néanmoins chaque jour plus favorable au patriotisme qui sème la vie.
- Le patriotisme qui tue commence à faire faillite, à sa morale, à son honneur, à sa gloire ; il fera bientôt banqueroute à ses engagements financiers. Nos Tonkinois ont une singulière audace pour faire des appels incessants au dénouement des travailleurs au nom d’une patrie et d’une gloire militaire qui abandonnent si misérablement leurs serviteurs les- plus intrépides, comme l’atteste le fait suivant signalé par VIntransigeant :
- A Ivry-sur-Seinc, rue du Parc, 88, habite une pauvre famille dont le chef est privé de travail. La faim, le froid et toutes les hor eurs qui sont le cortège de la pauvreté, ont déjà pénétré sous cet humble toit. Le citoyen Bégeot — c’est le nom du père — a fait des démarches ; bien des fois il est allé frapper à la porte de ros représentants sans obtenir de réponse. G’est donc à la presse qu’il appartient de rappeler la dette d’honneur que la France a contractée envers celte famille désespérée.
- Le citoyen Bégot et sa femme ont une page sublime dans l’bistoire des dévouements de la campagne de 1870.
- Ce citoyen, porteur des dépêches du colonel Denfert-Rochereau, était chargé de traverser les lignes prussiennes pour transmettre les avis secrets à l’un de nos corps d'armée.
- Quatre-vingt-seize fois il fit, en compagnie de sa femme qui ne le quittait jamais, ce pénible et périlleux voyage. La quatre-vingt-dix-septième fois, Bégeot, surpris, fut fait prisonnier, tandis qu’on disait à sa femme:
- « Vous êtes libre de vous en retourner chez vous ». Mais elle, vaillante, répondit : « Ce n’est pas le moment de l’abandonner ! s’il y a quatre balles pour lui, il»y en aura bien quatre autres pour moi ! »
- Cette femme héroïque et son mari échappèrent comme par miracle à l'exécution capitale et furent emmenés comme prisonniers de guerre à Dantzich où ils furent détenus pendant dix-sept mois, subissant les plus durs traitements.
- Ces braves gens ne demandèrent et ne reçurent aucune récompense de leurs services. Aujourd’hui, la fatalité les accable ; le mari est malade et sans travail et la mère est seule, avec deux enfants, à supporter une charge au-dessus de ses forces.
- LES MINEURS ET LA PARTICIPATION
- L’étude du mouvement financier des titres de la compagnie d’Anzin est bien propre à faire ressortir combien il serait facile d’établir la participation aux bénéfices dès le début des entreprises, et quels avantages immenses en résulteraient pour les classes laborieuses.
- En 1734, après 16 ans d’efforts persévérants et moyennant une dépense de 1.365.603 francs la compagnie était en possession d’une exploitation minière prospère. Ces 1.365.603 francs ont été divisés en 288 deniers, ce qui met la valeur première du denier à un peu plus de 4.000 francs, Le total de ces mêmes valeurs, d’après les côtes de la Bourse, s'élevait en 1874 à 230.000.000.
- En 1833 nous trouvons les dividendes annuels distribués aux actionnaires s’élevant à 2.204.000 fr. presque le double du premier capital versé. D’après le tableau suivant des dividendes, de 1833 à 1883, les actionnaires d’Anzin auraient reçu pour l'intérêt et les bénéfices de leur capital une somme de 175.850.000 francs :
- Années Dividendes moyens
- 1833 à 1848 1849 à 1854 1855 à 1865 1866 à 1863 Depuis 1874
- 2.204.000 3 500.000 5.000.000 7.500.000 5.079.000
- Totaux 33.060.000 17.500.000 50.000.000 24.500,Q0Q 50.790.000
- Total . . . 175.850.000
- L’intérêt légal du capital engagé n’aurait pas produit, pendant ces cinquante années, plus de 3,414,000 francs. Le bénéfice net des actionnaires s’élève donc à 172,436,000.
- Nous n’avons ni la quantité de salaires payés par la compagnie, ni le nombre des ouvriers occupés pendant cette même période de 5Ô ans, mais depuis 1874 jusqu’en 1883, la compagnie a employé 10.000 ouvriers gagnant un salaire annuel moyen de 1,150 francs chacun.
- Si nous appliquons la règle de la participation aux bénéfices pratiquée dans l’association du Familistère, qui établit que le franc du salaire ouvrier doit avoir le même bénéfice que le franc du salaire du capital, soit de l’intérêt, nous trouverons que chaque travailleur d’Anzin aurait dû recevoir pendant ces 9 années à une part de bénéfice s’élevant à 5.017 fr.
- En effet, Tin érêt du capital réel engagé dans l’entreprise d’Anzin, 1.365.000 fr. aurait produit une somme de 614 000 fr.
- Le salaire total des ouvriers pendant la même période a été de 103.500.000 fr.
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- De 1874 à 1883 les actionnaires ont reçu une somme de 50,790.000 soit 50.176.000 en plus du salaire de leurs capitaux. Cette dernière somme constitue le bénéfice qu’il convient de répartir entre le capital et le travail, proportionnellement au concours de chacun d’eux.
- Le total des salaires ouvriers et des intérêts du capital s’élève à 104.114.000 francs ; chaque franc de ces divers salaires a droit à 48 centimes et 19centiè-mes, le bénéfice du capital serait donc de Ofr. 48 19 X 614,010 de la totalité des bénéfices ; celui du travail de 0,48 19 X 103.500.000, soit pour le premier de 295.886 fr., et pour le second 49 876.000.
- Il est évident que les capitalistes auraient pu eux-mêmes participer aux bénéfices revenant au travail en s’employant comme travailleurs dans les divers services de l’exploitation.
- Le capital ainsi accumulé par chaque travailleur, en 9 années, ne dépasserait pas 5.000 francs. Est il subversif de soutenir que chaque année de travail accompli dans les conditions pénibles faites au mineur mérite bien 500 francs en plus du salaire quotidien ?
- Il est certain que cette somme distribuée annuellement à chaque mineur serait loin de lui procurer le bien-être auquel il a le droit de prétendre. Mais collectivement épargnée pour constituer des services de mutualité, des assurances générales, et pour améliorer les conditions du logement, le total serait plus que suffisant pour assurer à une population de 30.000 habitants les équivalents de la richesse.
- Lorsque le raisonnement permet d’analyser ainsi le passé et d’en tirer des enseignements aussi concluants,ne doit-on pas demander aux législateurs de modifier la loi d’après ces nouvelles conceptions ? L’origine du droit moderne n’est-elle pas dans les considérations d’utilité publique ; et n’y a-t-il pas intérêt général â procéder comme nous l'avons dit?
- En même temps que l’Etat poursuivrait l’expropriation des concessions anciennes conformément à un projet de loi présenté par quelques députés de l’Extrême-Gtauche, il conviendrait de faire une application rigoureuse de la participation dans toutes les nouvelles concessions.
- On ne devrait plus concéder aucune entreprise minière sans inscrire dans le cahier des charges un tarif minimum des salaires, et l’obligation pour les concessionnaires de se conformer aux règles de la participation aux bénéfices, d’après cette définition que le franc de salaire a droit au même bénéfice que le franc d’intérêt.
- Si les capitalistes organisaient la grève des capitaux, l’Etat pourrait intervenir lui-même comme
- commanditaire sans qu’il soit fait aucune dérogation aux règles de la participation.
- Beaucoup de gens considèrent comme une innovation dangereuse l’insertion dans un cahier des charges d’un tarif minimun des salaires. Cependant des | garanties analogues sont inscrites déjà dans les ca-| hiers de certaines adjudications de fournitures militaires, lorsqu’il est stipulé, par exemple,que certains tissus ne pourront être achetés au-dessus d’un prix | déterminé par les bureaux du Ministère de la guerre.
- | Mais l’objection majeure est celle que l’on tire des difficultés de soutenir la concurrence contre l’étranger. Il est certain que la garantie d’un salaire minimum ne serait pas faite pour faciliter le développement des exploitations minières qui ne peuvent payer convenablement les ouvriers, bien qu'elles ne donnent aucun dividende à leurs actionnaires. Cette objection n’a aucune valeur dans les exploitations prospères, car les obligations nouvelles chargeraient beaucoup moins les frais généraux que les dividendes excessifs prélevés par les capitalistes; puis il n’est pas douteux que le rendement des ouvriers, encouragés à mieux travailler parles effets de la participation aux bénéfices, serait accru dans de notables proportions.
- Àu reste, ces garanties en faveur des ouvriers auraient une influence décisive dans la politique intérieure des autres peuples. Il ne faut pas croire que les autres gouvernements puissent longtemps refu-ces garanties à leurs sujets, lorsque ceux-ci apprendront que les travailleurs d’une nation jouissent légalement de droits aussi conformes aux besoins et aux intérêts des classes laborieuses.
- Un bon projet de loi réglant les termes des nouvelles concessions vaudra mieux que cinquante enquêtes sur la situation des ouvriers mineurs.
- Afin d’être clairement compris nous formulons quelques projets d’articles de lois qu’il serait nécessaire d’inscrire dans les lois sur les concessions minières.
- Art. 1er. — Aucune société ne pourra commencer une concession minière, sans indiquer dans ses statuts un tarif des salaires et le droit du travail à la participation aux bénéfices.
- Art. 2. — Le tarif minimum des salaires est fixé par le gouvernement, après consultation des parties intéressées ; il ne peut dépasser le taux moyen des salaires payés dans les concessions exploitées.
- Art. 3. — La participation du travail aux bénéfices s’exerce d’après cette règle: que le franc de l’ouvrier a droit à la même part que celle accordée à un franc d’intérêt du capital, étant donné que cet > intérêt maximum est fixé par la loi à 5 0/0.
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- Art. 4. —Les bénéfices revenant à la participa-tion du travail sont employés à constituer d’abord les institutions d’assurances mutuelles, à améliorer les conditions matérielles de la concession et de ses dépendances, à constituer ensuite des parts de propriété aux travailleurs, proportionnellement au concours de chacun.
- Art. 5. — Les fonds immobilisés en part de propriété sont destinés à rembourser annuellement les commanditaires et à procurer aux travailleurs les avantages de la commandite.
- Art. 6. — L'Etat, à défaut des particuliers, commandite les sociétés d’ouvriers mineurs, lorsqu’elles se présentent régulièrement constituées afin d’exploiter une nouvelle concession, reconnue productive par les ingénieurs compétents par l’administration des mines.
- Art. 7. —Toute concession, restée plus de trois ans sans être exploitée, fait retour à l’Etat.
- Art. 8. —Les sociétés commanditées par l’Etat recrutent le personnel directeur parmi les ingénieurs reconnus aptes par le gouvernement.
- Tout cela, à première vue semble irrationnel, et d’une application très-difficile. Mais quiconque réfléchira comprendra que ces propositions ne sont pas plus extraordinaires que les droits accordés à une société financière, à l’exclusion de toute autre, de vendre du gaz pendant un siècle dans un périmètre déterminé et d’après un tarif fixé par les municipalités, que les concessions des moyens de transport données dans les mêmes conditions, que le paiement annuel de 10.000.000 d’indemnités distribuées à la marine marchande proportionnellement aux parcours des navires, que beaucoup d’autres garanties d’ordre capitaliste trop nombreuses pour être énumérées.
- En tout cela, il n’y a d’extraordinaire, ou bien de trop ordinaire, que la simplicité des dirigés, et l’impuissance et la mauvaise volonté des classes dirigeantes toujours disposées à développer les privilèges de leur classe au détriment des droits du travail.
- APHORISMES ET PRÉCEPTES SOCIAUX
- XXXIV
- ELECTION
- Lorsque le suffrage sera bien compris de la société, il sera entouré de toutes les précautions nécessaires pour que les citoyens sachent toujours distinguer parmi eux les hommes les plus capables de bien gouverner, de bien administrer, de bien gérer les affaires sociales, de bien diriger
- les affaires industrielles, de bien conduire le travail dans toutes ses parties ; le suffrage enfin sera organisé de manière à permettre aux citoyens de toujours distinguer parmi eux les plus dignes de concourir, en toutes choses, au bonheur commun et les plus dévoués à cette mission supérieure.
- A cette fin le suffrage universel sera pratiqué dans l’école, il fera partie intégrante de Venseignement public ; dès le jeune âge, l'enfant sera initié à s’en servir, il en fera Vapprentissage ; par le suffrage seront mises en relief les qualités de chaque élève.
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- ’Tonktn. — La victoire de Bac-Ninh et les grands territoires que vont soumettre nos troupes en poursuivant les Pavillons Noirs, créeront une situation nouvelle ea Goi hinchine. En admettant que la conquête du Ton-kiu soit une affaire avantageuse pour notre pays, il sera nécesr-aire pendant quelque années de faire des dépenses considérables, d’autant plus élevées que la conquête sera plus étendue, afin de mettre le pays en état de défense contre un retour offensif, et d’y organiser les nombreux services publics indispensables à la sécurité des intérêts européens. Nous saurons bientôt ce que nous aura coûté la conquête militaire du Tonkin ; saurons-nous jamais â combien nous reviendra l’organisation de cette colonie? Fera-t-on mieux qu'en Algérie ?
- *
- 4 4
- L’égalité devant la. loi militaire. — Le
- général Gampenon s’est prononcé en faveur du projet de loi demandant la réduction à trois ans de la durée du service militaire; le ministre est en outre partisan de l’abolition de tout privilège en faveur des jeunes gens voués aux carrières liberales, ainsi nommées, sans doute, parce qu’elles n’ont cessé d’être la pépinière des réactionnaires qui se disputent le gouvernement de la France. Cette nouvelle a produit un effet stupéfiant dans le monde dérigeant, si nous en jugeons par les divagations qu’elle a arrachées aux rédacteurs du journal le Temps. Pendant qu’une partie de la rédaction célébrait, en première page, la valeur des vainqueuis de Bac-Ninh et répétait toutes les banilitôs de circonstance sur les avantages moraux de la discipline militaire, les autres rédacteurs, en seconde page du même journal, s’épuisaient à plaindre le sort des* jeunes dirigeants qu’on veut soumettre aux corruptions et aux abrutissements du métier de soldat ! Logique des conservateurs !
- Le général Gampenon mérite en cette occasion les sincères félicitations des membres des groupes le la paix ; car c’est leur assurer une augmentation d’effectif, plus considérable que celle revenant à l’armée. Il ne faut pas douter que bon nombre de jeunes gens riches, lorsqu’ils se verront menacés d’être soumis pendant trois ans aux abrutissantes pratiques si bien stigmatisées par les rédacteurs du Temps, mettront leur temps, leur savoir et leur argent au service de la cause du désarmement. Ils feront par intérêt ce qu'ils auraient dû accomplir par raison.
- Il taut espérer que le .général Gampenon persévérera dans sa résolution.
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- 4 4
- Les mineurs. — Les mineurs d’Anzin ont obtenu jusqu’à présent une grande victoire ; nous voulons
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- LE DEVOIR
- parler de celle qu'ils oui remportée sur l’Exlrêtne-Gau-che du Parlement. A la suite des pourparlers survenus à l’occasion de la grève d’Anzin, entre les représentants de la corporation des mineurs et le député de D^nain, Messieurs Giard et Brousse ont déposé un projet de loi tendaot à abroger la loi de 1810 et les dispositions subséquentes qui régissent l’exploitation des mines. D’après ce projet, les mines seraient considérées comme propriétés nationales. Les propriétaires actuels seraient expropriés moyennant indemnités, et les concessions ne pourraient être accordées que dans des conditions de durée et d'étendue limitées ; la participation des travailleurs aux bénéfices serait une de ces conditions. Il est regrettable quil ait fallu une grève pour amener les députés à concevoir un projet aus-si juste, et pour décider les mineurs à mettre eu demeure leurs représentants politiques d’intervenir en faveur d’intérêts aussi légitimes. Les députés surtout sont responsables de l’emploi de ces moyens si dangereux ; ils ont l’instruction, le temps et ce qu’il faut pour saisir les côtés théoriques des questions sociales ; ils sont coupables lorsqu'ils attendent pour s'en occuper des situations aussi critiques. Les travailleurs ont pour excuse leur ignorance et les conditions pénibles de leur travail quotidien Nous ne disons pas ces choses avec l'intention de blâmer ceux qui agissent, même à la dernière heure ; mais nous voudrions éviter de voir commettre toujours les mêmes fautes. Les législateurs doivent avoir la sagesse d’agir d’après les enseignements de la théorie ; et les travailleurs, quelles que soient les fatigues de la journée, ont le tort, pendant les périodes de prospérité, de ne pas rappeler continuellement cette vérité aux hommes politiques, jusqu’à ce qu'ils les aient habitués à l’observer spontanément.
- ♦
- ♦ *
- Œuvre de l’hospitalité de nultê Paris.
- — Pendant l’année 1883, l’œuvre a recueilli 37,041 pensionnaires, qui ontcouchô peu faut loi,382 nuits.
- Eu ajoutant le nombre des hôtes de cette année à celui des années précédentes, on trouve que 146,238 pauvres ont passé 437,470 nuits dans l’œuvre depuis sa fondation.
- Les 37,041 pensionnaires de cette année, originaires de toutes les parties du monde se subdivisent en :
- 31.731 Français.
- 5.172 Européens.
- 71 Africains.
- 12 Asiatiques. '
- 47 Atné icains.
- 8 Océaniens.
- Total. 37.041 pensionnaires.
- A ces 37.041 pensionnaires l’Œuvre a distribué :
- 29.485 bons de pain.
- 18.754 bons de fourneaux.
- Elle a donné à 4.101 d’entre eux :
- 738 paletots.
- 743 pantalons.
- 883 chemises.
- 3.123 paires de chaussures.
- 3.762 menus effets.
- * *
- Le remlcmcnt des impôt». — Le Journal officiel publie les tableaux du rendement des impôts pondant tes deux premiers mois de 1884.
- Voici le tableau du produit aes impôts en 1884 et
- 1884 1883
- Enregistrement. . . . 86.942.000 99.140.000
- Timbre ...... 28.03i.500 27.289.000
- Douanes 48.318.000 51.762.0u0
- Contributions indirectes. 120 599 000 I17.444.0u0
- Sucres 15.801.000 19.370.000
- Vins 22.499.000 21.075 000
- Postes 18.185.000 17.982.000
- Télégraphes 4.085.3 0 4.0Î5 000
- Totaux . 344.58U.8U0 349 1O7.UU0
- Soit une diminution de recettes, pour 1884, de 4.026. 200 francs.
- Les évaluations budgétaires, pour les deux premiers mois, étaient ainsi réparties :
- Enregistrement. !... 92.506./i00
- Timbre.......................... 27.456.000
- Douanes ....... 51.795.800
- Contributions indirectes . . 117.593.400
- Sucres.......................... 22.147.000
- Vins............................ 21.667.000
- Postes.......................... 18.550.000
- Télégraphes...................... 4.389.000
- Total . . 3b6.104.600
- Le rendement des impôts, pour les deux premiers mois de 1884 est donc inférieur de 11.623.800 fr. sur les prévisions budgétaires.
- ALLEMAGNE
- M. de Bismarck, dont on remarquait l’absence au Parlement depuis un an, a pris part à la discussion du projet de loi siar les assurances. Son intervention a été énergique et peu gracieuse envers ses adversaires. Il a défendu son projet en soutenant que cette loi entraverait la propagande des meneurs socialistes. M. de Bismarck pense-t-il réellement ce qu’il a dit pour les besoins de son plaidoyer ? Quand donc a-t-on arrêté l’essor d’un parti en lui faisant des concessions? M. Bamberger, un des fondateurs du parti national libéral allemand, a laissé voir le bout de l’oreille de La nouvelle coalition en reprochant au chancelier de faire uoe loi destinée à ruiner les compagnies d’assurances. Ces paroles confirment notre appréciation sur les mobiles des meneurs de la bourgeoisie allemande qui voit échapper une partie des revenus qu’elle tire de 1 exploitation de la misère par les assurances. Voici la réponse de M. 4e Bismarck :
- « Les inléiêtsde ces compagnies ne me préoccupent pas, dit M. de Bismarck.
- « Je demande si 1 Etat a le devoir ou non de s’occuper du sort des citoj ens nécessiteux. Je suis d’avis qu’il a ce devoir et qu’il est de son intérêt de ne pas l’oublier.
- « Si l’on m’objecte que c’est là du socialisme, cela m’est parfaitement égal. Le socialisme d’Etat est une chose absolument indispensable. Certains Etals sont tellement éloignés du socialisme, qu’ils n’ont pas de loi pour protéger les indigents. Voyez la France, où, comme l’a dit un homme politique éminent dont nous a entretenus M. Bamberger, tout citoyen a le droit de mourir de f dm sans que l’Etat ait le devoir de l’eu empêcher. L’état de ce pays ne lui permet jamais d’être complètement tranquille, et il faudra bien qu’un jour ou l'autre le gouvernement français se décide, lui aussi, à faire un peu plus de socialisme d Etat.
- « Notre époque réclame le socialisme d’Etat. Les partis politiques — le parti socialisme comme les autres — disparaîtront d’eux-mêmes et feront place à un programme d’économie nationale. Je suis convaincu que l’idéal des socialistes est irréalisable, et que le socialisme interuational est impossible, mais ce n’est pas lfr une raison pour ne rien faire. Je crois au contraire, qu’il faut se décider à des réformes sociales, s
- Quoiqu’en puisse pen?er M. de Bismarck, il faudrait beaucoup de discours de même farine pour atteindre l’idéal socialiste ; car le socialisme est bien près de deve; nir une réalité internationale, lorsqu’on aura commencé quelques organisations nationales.
- BELGIQUE
- Le gouvernement belge vient de faire publier le programme des connaissances exigées de la part des citoyens qui voudront jouir des bénéfices de la nouvelle ioi électorale. Ce programme est vivement critiqué par la presse française officieuse, notamment par le Temps, qui ne peut admettre que l’on demande aux électeurs de savoir
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- LÈ DEVOIR
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- répondre quelque cho^o :> ia question suivante : Quel est le but qu'il faut principalement poursuivre dans la vie ? Les électeurs be ges, s’ils sont embarrassés, n’a iront qu’à consulter le chapitre spécial a cette question du livre ie Gouvernement de M. Godio, et ils en sauront suffisamment pour réfuter tontes les calembredaines sur ce sujet des philosophe? opportunistes.
- MAROC
- Nous lisons dans une correspondance télégraphique de Vienne, publiée par le Standard du 4 :
- « On dit ici que la France et l’Espagne ont conclu une entente à l'effet d’exercer une pression sur le sultan du Maroc, pour le forcer à observer les traités en vigueur et à ouvrir sou pays an commerce.
- » La. réouverture de la question du Maroc, au moment actuel, n’est pas dépourvue d’importance, et quelques observations faites il y a quelque temps dans le nord de l’Afrique, sont peut-être de nature à jeter ua peu de lumière sur cette question.
- » On a constaté que les indigènes du Maroc résidant en Tunisie et dont la nombre peut être évalué de 10 à 15,000, recherchent actuellement l’appui du consul général allemand dans les contestations qui surgissent entre eux, les Tunisiens et les Européens, tandis qu’aupara-vant ils réclamaient toujours la protection du consul anglais.
- » Gela s’est produit si fréquemment qu’a une occasion récente on a demandé officiellement au consul allemand si les personnes auxquelles il s’intéressait avaient adopté le protectorat allemand, question à laquelle il a répondu évasivement.
- » J’apprends de plus que ce revirement a été constaté d’une manière plus particulière, depuis la visite du prince d’Allemagne en Espagne, et l’on en conclut que ! Allemagne s’intéresse snéeiaiement au Maroc, soit pour elle même, soit pour l’Espagne, et que le Maroc aura prochainement le sort de la Tunisie et de l'Egypte. »
- N’oublions pas que noire gouvernement donnait, il y a quelques semaines, un avancement exceptionnel à notre représentant à Tanger.
- AUTRICHE
- Le gouvernement autrichien avait envoyé un délégué auprès de M. Godio, il y a quelques mois, pour étudier sur place le fonctionnement des institutions de mutualité, avant de proposer un projet de loi visant les accidents. Le projet présenté par le ministère n’a aucun point commun avec les idées préconisées par le fondateur du Familistère ; il constitue cependant un progrès, puisqu’il tend à faire inscrire dans la loi le principe du droit à l'assistance. Il n’est pas douteux que le gouvernement pense entraver par ces palliatifs si mesquins ia propagande des socialistes autrichiens.
- Mais les socialistes ne se laisseront pas duper par les combinaisons officielles, pas plus qu'ils ne se laissant intimider par l'application des lois d’exceptions, qui ont permis au gouvernement d’expulser de Vienne, en quelques sema nés, plus de 700 socialistes.
- Voici le projet de loi du gouvernement :
- § 1. — Toute personne travaillant dans une fabrique, dans une mine ou des établissements eu faisant partie, daus les hauts-fourneaux, dans les carrières et dans les chantiers — et, les employés de l'exploitation dont le salaire ne dépasse pas 800 florins (1 florin = 2 fr. 10 au cours du jour) par an, sont assurés contre les suites des accidents qui se produisent dans l’exploitation d’après ies dispositions de la pré. ente loi. C-Jte même loi sap-pl que aux ouvriers et employés suivants, qui ont un c*!aire ci-dessus indiqué : *
- 1° Dans les constructions ; mais sont exceptés ceux qoi font accidentellement les réparations ;
- 2° Dans les industries employant des chaudières — ou dans lesquelles on travaille avec une force motrice mue
- par le vent, par l’eau, par la vapeur, par ie gaz, par l’an chaud, par l'électricité, etc., ou par les animaux ; exception est fille si la force motrice a est employée que temporairement ;
- 3° Dans les établissements qui fabriquent des matières explosibles, ou dans lesquels on emploie ces matières.
- Sont également considéré comme ouvriers, l’apprenti, le volontaire, ie praticien, ou tou e autre personne qui ne retire de son travail aucun bénéfice, ou n’en retire qu’un minime.
- § 2. — Quant aux chemins de jf r et à la navigation, les dispositions de la présente loi ne trouvent leur application qu’au cas où ils font partie intégrante d’uue industrie soumise à l'obligation de l’assurance et ne travail 1 -.ut que pour cette industrie. Les ouvriers et employés occupés par les chemins de fer sont sous la dépendance de cette loi pour tous les cas où les dispositions de la loi du 5 décembre 1869 a'en décide pas autrement.
- § 3. — Le ministre de l’intérieur e*t autorisé, pour les industries p ur lesquelles l’assurance est obligatoire d’après le § 1er, et qui ne présentent aucun daoger pour les personnes qu’elles occupent, à les exempter de l’assurance obligatoire. De même le ministre est autorisé à faire de l’assurance une oLligalion pour toutes industries autres que celles enregistrées sous le g 1er et qui présenteraient du danger, notamment le danger d’incendie.
- § 4. — La présente loi n’a pas d’application aux fonctionnaires de l’Etat, des communes, des districts qui touchent des gages fixes aboutissant à une pension.
- § o. — Dans son esprit toutefois cette loi vise tout gage, salaire, tantième ou produit de nature quelconque.
- § 6. — L’objet de l’assurance désigné sous le § 1er est d’indemniser l’assuré des pertes résultant de blessure ou de mort.
- § 7. — S’il s'agit d’une blessure, cette indemnité est payée sous la forme d’une rente et cela cinq semaines après la date de laccidant ; elle est payable tant que dure l’incapacité de travail. Comme base de cette indemnité ou prend le salaire ou appointement que l’assuré touchait daus rétablissement, au moment où l’accident est arrivé. Si l’assuré n’a pas encore séjourné une année entière, en comprenant le jour de l’accident dans l’établissement ; on prend pour base la moyenne du salaire que les ouvriers de sa corporation gagnent dans la maison ou dans d’autres similaires. Si d’après la nature de l'exploitation, la malsou ne travaille pas toute l’année, mais seulement à certaines époques, on prend pour base le nombre de journées de travail qu’exige l’entreprise. On ne tient pas compte, cependant, des interruptions de travail purement accidentelles : on multiplie par 300 le nombre des journées à l’année. Si le salaire ainsi calculé dépasse 800 florins par an, il n’est pas tenu compte du surplus. Quant aux apprentis, aux employés volontaires, aux praticiens et à toutes autres perso mes qui, par suite d une instruction incomplète, ne gagnent que très peu, on même den, ils ne touchent comme indemnité qu’une rente ne pouvant dépasser 300 florins.
- La rente d’indemnité est ainsi répartie :
- (a. En cas d’incapacité totale de travail, 60 0/0 de la somm« que l’assuré gagne en une année ;
- (b. En cas d'incapacité temporaire, au prorata de sa durée, 50 0/0 du salaire de l’année. Le blessé n’a pas droit à ia rente si l’accident est arrivé par sa volonté.
- § 8. — Le chef d’un établissement ou d’uue entreprise assurée e t. obligé immédiatement après i’accideut de donner tous les soins nécessaires pour obienir la prompte guérison du blessé. Il a a sa charge les frais de maladie pendant quatre semaines, si la commune ne vient pas en aide à l’assuré, si le blessé est pauvre, ou s’il n’existe pas de caisses de secours en cas de maladie lui offrant des secours. Mais si les dépenses que nécessite cette situation incombent en dehors des dispositions de la présente loi, à d'autres institutions, l’entrepreneur a droit de se couvrir des frai sur ces dernières. Ges questions sont réglées par la loi du 3 décembre 1863.
- § 9. — Eu cas de mort à la suite de l’accident, il est
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- LE DEVOIR
- payé, en dehors de la rente prévue par l’article 7 : 1° les frais d’enterrement suivant l’usage, à condition qu’ils ne dépassent p*s vingt-cinq fl >rms ; 2° aux héritiers, une rente réglée par les dispositions des § 7, 2 et 6.
- KK,
- Cette rente se décompte de la manière suivante :
- (a. La veuve, sa vie durant ou jusqu’à ce qu'elle contracte un nouveau mariage a droit à 20 0/0 du salaire du mort ; le veuf, en tant qu’il reste incapable ue travailler reçoit 20 0/0 ; chaque enfant, légitime ou illégilimeye-çoît jusqu’à l’âge de quinze ans 10 0/0 ; dans le cas où il existe un enfant légitime ayant perdu son père et sa mère, il reçoit 15 0/0 de ce que gagnait le défunt en une année; toutefois ces rentes réunies ne peuvent dépasser 50 0/0 du produit du travail d’une année. Si ces chiffres excédaient cette quotité, la rente serait réduite au prorata pour chacun.
- (b. Les ascendants du défunt, si cette rente est leur seule ressource jusqu’à leur mort, ou jusqu’au jour où il n’y a plus nécessité, reçoivent 20 0/0 du salaire de l’année. Ce chiffre ne peut être dépassé, Si plusieurs ascendants se présentent, les pères et mères ont la préférence sur les grands parents.En cas de mariage la veuve touche trois fois sa part proportionnellement au produit du travail d’une année. La rente allouée au veuf n’est pas retirée s'il contracte un nouveau mariage. Si la personne n'a contracté mariage qu’après l’accident, la veuve ou le veuf n’a aucun droit à réclamer une rente pour les enfants nés de ce mariage ; il en est de môme pour les enfants illégitimes cooçus après l’accident, ou pour l’époux séparé de sa femme par sa faute. Si deux ayants droit se présentent, un seul a droit à la rente. Les enfants de l’assuré, qui est la cause lui môme de l'accident, touchent cependa it la, rente.
- § 10. — L’assurance prévue à l’article premier est servi par des établissements créés tout exprès dans ce but et reposent sur la mutualité. En thèse générale pour chaque région possédant une Chambre de commerce ou d’industrie, il doit exister au siège de chaque Cüambre une Compagnie d’assurances. Le Ministre est autorisé à permettre la création d’une seule de ces Compagnies, pour plusieurs sièges de Chambres commerciales, ou bien à en établir plusieurs pour un seul siège commercial. Ces Sociétés sont sous Je contrôle de l’Etat. Les employés à salaire fixeront obligés de prêter serment ; pour les engager ou les congédier il faut l’autorisation du Gouvernement.
- § 11. — Les membres de la Société d’assurances se composent des entrepreneurs des industries soumises à l’obligation, de leurs ouvriers, et des employés désignés par l’article premier.
- § 12.— Est consldétée comme entrepreneur toute personne au profit de qui l’exploitation a lieu. Pour les industries désignées au § 1, 2 et 3. est considéré l’entrepreneur, en tant qu’il s’agit d’ouvriers et d’employés occupés dans l’industrie, spécialement en ce qui concerne la construction, celui qui a la conduite des travaux, ou le maître-maçon.
- § 13. — Les mines qui ont des « Bruderladen, » (Sociétés de prévoyance) ne peuvent pas être comprises dans cette assurance. Si l’assurance usitée dans ces Sociétés est moindre, on doit opérer un changement dans leurs statuts, pour arriver à obtenir les mômes bases. Si ce changement n’a pas lieu en temps fixe ces industries sont comprises d office parmi celles pour lesquelles l’as urance est obligatoire.
- $ 14. — Si dans les industries soumises à l’assurance existent des caisses de secours pour les invalides, qui sont aussi prévoyantes que 1’? s su rance, les chefs de ces établissements peuvent demander au Ministre à être exonérés de l’assuraDce prévue par la présente loi.
- § 15. — Les • Bruderladen », les caisses de secours pour les invalides, les caisses de prévoyance pour les veuves, etc,, sont mises sous le contrôle de l’Etat. Si par la suite, ces établissements n’offrent plus a;-sez de garanties, le Ministre est autorisé à imposer à ces industries l’obligation de rentrer dans l’assurance légale. Le jour où un accident arrive, ces établissements sont obligés de verser la valeur du capital assuré à l’assu-
- rance du district qui se charge de la répartition des rentes.
- § 16. — La direction de l’assurance que vise le § 10 qui aura la conduite des affaires, et qui représentera l’assurance légale reste à organiser : Elle sera établie par un comité de membres composé des représentants de l’assurance ; des membres assurés et des personnes qui connaissent bien la contrée où siège l’assurance. Ces membres seront désignés par le Ministre.
- Ce comité nomme son président et son remplaçant. Le Ministre peut dissoudre la Direction et la faire remplacer provisoirement; mais la Direction ainsi nommée ne peut rester en fonction plus de quatre semaines.
- § 17. — Chaque Société d’assurances doit avoir des statuts approuvés par le Gouvernement.
- § 18. — Les différentes industries comprises dans l’assurance sont classées suivant une catégorie du danger que l’expérience a enseigné.
- § 19. — Il y a un compte de réserve. Moitié du capital ainsi mis en réserve alimentera un fonds spécial de réserve pour l’assurance du district, l’autre moitié alimentera un fonds de réserve commun à tous les établissements d’assurances.
- § 20. — La prime à payer est calculée d’après la probabilité du danger.
- § 21, — La moyenne de la prime étant calculée sur la paye annuelle d’un ouvrier, l’assuré paie 25 0/0, l’entrepreneur de l’industrie 75 0/Ode la prime. Les primes pour les appaenlis, les ouvriers volontaires, les praticiens et autres, sont à la charge du chef de l’industrie.
- L’article 41 prévoit les difficultés à survenir. Celles-ci doivent être soumises à un jugement arbitral, dont les décisions ne peuvent être contestées.
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- CORRESPONDANCE D’ANGLETERRE
- Le SCHOOL BOARD de Londres et ses détracteurs. ••• Un important travail de statistique par M. T Marchant Williams. — Où gît le mal.
- Depuis que VEducation Bill de 1870 a doté l’Angleterre d’un système complet de School Boards, ou Conseils des Écoles, l’instruction primaire a fait dans ce pays des progrès bien autrement rapides que ceux accomplis de 1839 à 1869, sous les auspices du Comité d’Education.
- Comme conséquence inévitable de ses succès, et en raison de l’accroissement continu de son budget, le School Board de Londres est depuis longtemps l’objet des attaques d une bonne partie de notre bourgeoisie qui voit avec peine les enfants de la classe ouvrière recevoir une éducation relativement supérieure.
- Tout d’abord la Bourgeoisie a commencé l’attaque sur le terrain financier.
- Le budget du Board, toujours grossissant, et dont la classe moyenne supportait, disait-elle, presque tous les frais, tandis que ses enfants ne profitaient pas de l’instruction donnée dans ses écoles, ce budget constituait une injustice criante : pourquoi devaient-ils, eux bourgeois, fournir les fonds néces-
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- LB DEVOIR.
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- saires pour faire instruire les fils et les filles d’ouvriers ?
- A quoi les partisans du progrès répondront simplement : « Pourquoi n’envoyez-vous pas vos enfants dans les écoles du Board où l’instruction, vous le reconnaissez, est aussi bonne, et dans bien des cas meilleure que celle donnée dans les institutions particulières que vous patronez presque exclusivement ? »
- Pourquoi, ils le savaient bien : Parce que l'esprit de caste s’y opposait. Un fils de bourgeois coudoyer un enfant de manœuvre! Un membre de la Churck of England, envoyer ses enfants à l’école avec de petits Baptistes, des Wesleyans, des fils d’indifférents ou même d’Athées......jamais !
- La question d’argent ayant dû être abandonnée comme point d’attaque, on en trouva une autre qui présentait cet avantage que, tout en prêtant des armes contre le Board, elle posait les adversaires de ce dernier en défenseurs de l’enfance. Le mot d’ordre fut donné, et bientôt dans tous les journaux bien pensants l’on vit paraître des lettres fort pathétiques dans lesquelles « Paterfamilias », ou « Une mère de six enfants », ou bien encore « Un luge impartial » et tutti quanti, accusaient rondement le Board de surcharger de travail tous ses écoliers et d’exiger d’eux des connaissances beaucoup trop élevées pour la position future qu’ils devaient occuper dans la société.
- Il est bien entendu que la corde dont on jouait le plus volontiers dans tous ces refrains, c’était de la corde sympathique : « Ces pauvres enfants par-ci, ces pauvres enfants par-là... ! » la ritournelle était toujours la même et passait à l’état de complainte.
- De là, il n’y avait naturellement qu’un pas pour demander la simplification du programme scolaire et, partant une réduction du budget des Ecoles.
- Le coup était bien porté, et plusieurs s’y trompèrent au premier abord.
- Mais voici que l’un des inspecteurs du Board, un vrai libéral, homme à la fois énergique, intelligent et actif, — nous pouvons le dire à bon escient le connaissant personnellement et ayant autrefois enseigné sous ses ordres dans ce même School Board — voilà, disions-nous que M. Th. Marchant Williams s’avise un beau jour de faire un travail de statistique très-long, très minutieux et, en apparence, fort innocent, mais dont la seule puplication dans le Times aura suffi pour réduire à néant la nouvelle accusation des détracteurs du Conseil des Ecoles en montrant les faits sous leur véritable jour.
- M. T. Marchant Williams, qui a sous la main trois importantes divisions du School Board de Londres,
- a constaté que dans le seul quartier de Finsburg, sur 503.851 habitants, il n’y en avait pas moins de 41.044 qui, en 1881, vivaient en moyenne à quatre dans une chambre,tandis que 82.215 occupaient deux chambres à quatre ou à cinq. Certaines chambres ne contiennent pas moins de dix occupants ; beaucoup en ont six ou sept.
- Islington et Holloway ne sont pas mieux avantagés sous ce rapport que Saint-Ciles et Holborn. La Cité même, le centre des richesses et le quartier le moins habité de Londres (1), présente un spectacle tout aussi révoltant : des chambres de douze à quinze pieds de long sur six à dix de large servent de demeure commune à plusieurs familles qui s’en divisent la superficie par pouces carrés, et qui « y vivent avec moins de respect pour la décence Que n'en auraient des chats et des chiens /
- C’est le Times qui s’exprimait ainsi dans l’article où il commentait le remarquable travail de M. T. M. Williams, travail qui a été cité à la Chambre des Lords.
- L’organe de la City ajoute : auparavant, l’on pouvait croire que ces effroyables entassements d’êtres humains étaient des exceptions ; il est évident, aujourd’hui, qu’ils sont la règle. »
- En sa qualité d’inspecteur, M. T. Marchant Williams s’abstient, lui, de tous commentaires ; nous mettant devant les yeux les faits mêmes, dans toute leur bratalité, il nous laisse en tirer des conclusions qui s’imposent : c’est que si une portion considérable des élèves du Board éprouve de grandes difficultés à satisfaire leurs maîtres, cela ne tient pas tant à l’encombrement du programme scolaire qu’aux conditions difficiles d’existence dans lesquelles ces élèves se trouvent placés.
- La première réforme à opérer est donc, non pas d’abaisser le programme des études, mais bien d’améliorer les conditions d’existence de la classe ouvrière.
- C’est ce dont on parle beaucoup ici, en ce moment, mais ce dont, au fond, on se soucie en général tort peu.
- Il y a bien une Commission royale d’instituée, qui doit faire une enquête sur les logements ouvriers, mais avant qu’elle ait donné des résultats pratiques, celle-là, il passera bien de l'eau sous le pont et des pauvres au Worhhouse /
- Londres, le II mars 1884.
- P. L. Maistre:.
- (1) On n’ignore pas que nos grands marchands, nos grands banquiers, courtiers, assureurs maritimes, etc., qui tous ont leurs bureaux dans la Cité, demeurent à la campagne, à des 8,10,15 milles du centre de U ville l
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- LE DEVOIR
- LA CRISE_AGRICOLE
- M. Méline, ministre de l’agriculture répondant à M. de Saint-Vallier, à l’occasion d’un discours de ce dernier sur la situation désastreuse de l’agriculture, dans le département de l’Aisne, a clairement démontré que l’agriculture française n’avait d’autre salut que dans les grands rendements.
- Autant cette partie théorique du discours ministériel est juste, autant il convient de se méfier du moyen proposé pour obtenir ces résultats.
- Le Crédit agricole organisé avec les procédés financiers en usage aura pour effet de précipiter la raine de la plupart de ceux qui y auront recours.
- Cependant il n'est pas contestable que l’on puisse obtenir 10 0/0 du capital de roulement dans un grand nombre de cas, mais M. le ministre ne sait pas, peut-être, à quelles conditions exactes. Il faut d’abord beaucoup d’argent au début, et pouvoir généralement se passer pendant plusieurs années de recevoir les intérêts ; puis, à la longue, après plusieurs années, on obtient une balance générale avantageuse, qui souvent aurait été compromise s’il avait fallu chaque année payer le moindre intérêt du capital engagé. Lorsqu’on aura fondé le crédit agricole, on verra dans la pratique qu’on ne voudra jamais avancer le capital nécessaire, parce que les garanties ne seront pas assez certaines,relativement à celles réclamées ordinairement par les sociétés de crédit. Et les agriculteurs qui auront commencé leurs opérations avec des capitaux insuffisants seront forcés de liquider leur situation à la veille de pouvoir en recueillir les bénéfices, s’ils avaient été soutenus plus longtemps. La société decrédit saura intervenir au moment opportun pour recueillir le fruit du travail de l’agriculteur ruiné.
- Il n’est pas contestable que par l’action financière, on pourra relever l’agriculture nationale ; mais il est fort probable que l’on ruinera d’abord l’agriculteur et que ce relèvement de l’agriculture ne profitera à d’autre qu’aux féodaux de la finance.
- IL serait beaucoup plus rationel que l’Etat intervienne d’après les données que nous avons indiquées dans un précédent article, au lieu de créer un nouveau monopole.
- Voici l’analyse du discours de M. Méiine :
- Je crois que la cherté de la main-d'œuvre a été la conséquence plutôt que la cause de la crise agricole, elle a été amenée par celle-ci plutôt qu elle ne l’a produite.
- L’agriculture était encore prospère lorsqu’à commencé l'émigration des ouvriers des campagnes vers les villes. {Mouvements divers.)
- Il y a une autre question à examiner.
- Les méthodes de culture ne seraient-elles pas éga-lement une des causes de ces souffrances ; pouvons-nous assurer que les méthodes suivies par noire agriculture soient parfaites et que le rendement est ca qu’il devrait être ? Or, l’intensité du rendement est la condition indispensable de la prospérité agricole.
- Dans l’Aisne, obtient-on les gros rendements qu’on devrait obtenir, bien qu’il y ait je le reconnais, de gros rendements dans certaines exploitations ?
- J’ai pris connaissance du procès-verbal du concours régional de 1882 dans l’Aisne ; ce procès-verbal, qui sert de base à la répartition des récompenses, est aussi complet que possible sur les résultats des exploitations.
- J’ai particu'ièrement examiné le compte de culture du cultivateur qui a obtenu la prime d’honneur, afin de pouvoir apprécier son rendement, et j’ai vu qu’il avait obtenu 10 pour cent et même 11 du capital de roulement et qu'ii était arrivé à un rendement de 25 hectolitres à ! hectare .. (.Interruptions à droite et sur divers autres bancs.)
- J’ai aussi trouvé une constatât on qui a sa valeur en réponse à l’assertion de l’honorable comte de Saint-Vallier, qu’il y aurait des inconvénients à laisser s’accréditer. Il a dit, nous sommes condamnés à nous priver de 1 élevage du bétail .
- Il y a lr une erreur. Sans doute il faut distinguer entra l’élevage et l’engraissement.
- Le premier, il est vrai, se fait dans les pâturages ; mais l’agriculteur peut se consacrer avec profit à l’engraissement. Je puis citer pour exemple et pour modèle l’agriculteur dont je pariais et qui a obtenu la prime d’honneur au concours de 1882.
- Lorsqu’il a pris possession de son domaine, il n’avait que 17 animaux de travail et il en possédait 59 lorsqu’il a obtenu la prime d’honneur ; il n’avait que 10 vaches à l’engrais à l’origine de son exploitation et il en comptait 60 lorsqu’il a reçu la prime ; enfin le nombre de ses brebis et béliers, qui n'était que de 400 primitivement, s’élevait à 971 en 1882.
- Yoiià comment il est arrive à tirer de son capital de roulement jusqu’à 11 pour 100 ; je ne dis pas que cela soit pos3ibl| à tous ; mais il n’est pas prouvé non plus qu’il n’y en ait beaucoup qui négligent l’emploi des meilleures méthodes et la plupart l’avouent eux-mêmes.
- Ainsi, pour avoir de gros rendements, pour avoir du bétail, il faut un capital condérable, et ceci me ramène au projet du crédit agricole, qui sera, je l’espère, prochainement discuté ; c’est là le levier indispensable à l’agriculture qui ne peut se passer de capital et de crédit.
- M. le baron de Rayignan. — Donnez-lui des dégrèvements.
- IVÏ- Méline, ministre de l'agriculture. — Le | crédit agricole sera une manière de dégrever l’agri-| culture.
- FLEURS ET PARFUMS
- Il est tout naturel que l’homme, éprouvant une sensation agréable en respirant des fleurs, ait cherché par tous les moyens possibles d’en extraire les parfums et les conserver pour les saisons qui rendent
- la terre rebelle.
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- L’usage des parfums est aussi anciea que ie nez humain. Depuis le jour où les premières femmes grecques s’amusaient à piler du benjoin, à l’arroser et à en faire une pâte cosmétique odorante, la science de la parfumerie a fait des pas immenses. On se contentait autrefois de recueillir ce que la terre voulait bien produire, aujourd’hui on cultive. Nice fournit chaque année deux cent mille kilos de fleurs d’oranger et vingt-cinq mille kilos de violettes, Cannes contribue à la production dans une mesure égale et ajoute à son lot dix-huit mille kilos de fleurs de cassis. Montpellier et Nîmes se chargent du romarin et de la lavande. Enfin tout le Midi et surtout Cannes et Grasse donnent la rose, le jasmin et la tubéreuse. L’iris et la bergarnotte embaument l’Italie, le citron et l’orange de parfumerie se récoltent en Sicile, le vétyvert, le patchouli, la verveine, le Tonkin, viennent de l’Inde et de la Chine, la meilleure vanille arrive du Mexique.
- Nous n’allons pas continuer la longue ôt pourtant intéressante énumération des fleurs à parfums ; le travail a été fait dans un livre auquel nous empruntons la majeure partie de nos renseignements, livre rédigé par un chimiste anglais, M. Piesse, publié en France par M. Réveil, professeur à la Faculté de médecine et édité par Baillière,
- Les fleurs que nous venons de citer forment la base de toute la parfumerie, avec les parfums d’origine animale tels que musc, l’ambre, la civette, le castoreum et l’hyraceum. Nous n’oserons jamais dire ce qu'est l’ambre, pas plus que l’hyraceum, 'produit, d’un petit animal africain, le daman.
- Dans l’industrie, on S8 sert aussi d’odeurs peu connues, peu agréables à respirer directement, mais dont le mélange avec d’autres éléments donne des résultats merveilleux ; nous citerons par exemple, le styrax, sorte d’encens, lesoumboul, la valérianue, ie spika-nard, etc. etc.
- L’odeur des plantes se tire, on le sait, de parties diverses ; ainsi pour l’iris et le vétyvert, ie parfum réside dans la racine ; il s’extrait du bois dans le cèdre et le santal; de la feuille pour la menthe, le patchouli, le thym, la verveine, etc., etc.; de la fleur pour la rose, la violette, etc., etc.; de la graine dans le Tonkin; du fruit pour le citron, le carvi, etc.; de l’écorce pour la canelle ; de la gousse pour la vanille, etc., etc.
- Il faut une certaine prudence lorsqu’on fait usage des odeurs ou des parfums. Par une fatalité qui prouve une fois de plus que tout est vain en ce monde, ce sont les parfums que nous aimons le mieux qui nous sont le plus nuisibles, Grétry adorait le
- parfum de la rose, mais il en restait absolument incommodé. L’impératrice Joséphine avait une passion pour le musc qui l’enivrait et lui donnait des céphalalgies.
- Parmi les fleurs les plus connues pour leur influence pénible sur le cerveau et sur les nerfs, nous nommerons le jasmin, le magnolia, la tubéreuse, la rose, le lis, la vanille, la bétoine fleurie qui détermine l’ivresse chez le jardinier qui l’arrache, etc. On pourrait citer les émanations du sureau, du chanvre, du noyer, etc. On ne doit pas se reposer sous un noyer, cet arbre est presque le mancenillier du Nord.
- En revanche, on a reconnu les excellents effets des odeurs de la lavande, de la menthe, de la verveine, du thym, etc. Des fumigations de benjoin, de baies de genièvre sont des remèdes excellents contre les extinctions de voix. Malheureusement, ce ne sont pas U les parfums les plus agréables. Il faat donc se garder de sacrifier trop vite aux appétits de notre proboscitîe.
- Quand Médée tuait un vieillard en le trempant dans un bouillon d’herbes destiné à teindre ses cheveux en noir, lorsque plus tard René le Florentin tua Jeanne d’Albret en lui présentant une liqueur parfumée qu’on croyait avoir été de l’essence d’amandes amères, la chimie était déjà en progrès, mais depuis ces époques plus ou moins reculées, la chimie a réussi à établir de nombreuses et savantes classifications et l’on n’a plus rien, ou presque rien à redouter des parfums passés dans le commerce. Les plantes et les fleurs qui sont à la disposition de tout le monde doivent donc seuls être l’objet de notre prudence. Jean Alesson.
- ETAT-CIVIL DD FAMILISTÈRE
- Semaine du 10 au 16 Mars 1884
- RAl*iSANCB
- Le 13 Mars, de Serre André, fils de Serre Gustave et de Rigaux Aimée.
- DÉCÈS
- Néant.
- COURS D’ADULTES
- Leçon de Physique expérimentale par M. Barbary
- Séance du Mardi 25 Mars
- 1. Dilatation et contraction des gaz et des liquides.
- 2. Thermomètres.
- 3. Pendule compensateur.
- LEÇON DE CHIMIE PAH M. SÉKUTOWICK
- Séance du Vendredi 28 Mars L’Etain, ses alliages, son emploi.
- Le Directeur-Gérant: GODIN
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- LB DEVOIR
- DU FAMILISTERE
- G-UISE (-A.ISNE)
- OUVRAGES DE M. GODIN *
- FONDATEUR DU FAMILISTÈRE
- VIENT DE PARAITRE :
- LE GOUVERNEMENT, ce qu’il a été, ce qu’il
- doit être et le vrai socialisme en action.
- Ce volume met en lumière le rôle des pouvoirs et des gouvernements, le principe des droits de l’homme, les garanties dues à la vie humaine, le perfectionnement du suffrage universel de façon à en faire l’expression de la souveraineté du peuple, l’organisation de la paix européenne, une nouvelle constitution du droit de propriété, la réforme des impôts, l’instruction publique première école de la souveraineté, l’association des ouvriers aux bénéfices de l’industrie, les habitations ouvrières, etc., etc.
- L’ouvrage est terminé par une proposition de loi à la Chambre des députés sur l’organisation de l’assurance nationale de tous les citoyens contre la misère.
- In-8° broché, avec portrait de l’auteur . . 8 Ir.
- MUTUALITÉ NATIONALE CONTRE LA
- MISÈRE. — Pétition et proposition de loi à la Chambre des députés.
- Brochure in-8°. extraite du volume « Le Gouvernement » .....................i fr. 50
- MUTUALITÉ SOCIALE & ASSOCIATION DU CAPITAL & DU TRAVAIL ou extinction du paupérisme par la consécration du droit naturel des faibles au nécessaire et du droit des travailleur s à participer aux bénéfices de la production.
- Ce volume contient les statuts et règlements de la Société du Familistère de Guise.
- ln-8° broché, avec la vue générale des établisse-
- ments de l’association.......................5 fr.
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- 8e Année. Tome 8.— n” 290 Le numéro hebdomadaire 20c. Dimanche 30 Mars 1884
- LE DEVOIR
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- M. 60D1N, Directeur-Gérant Six mois ... 6 »» Autres pays administrateur de la librairie des sciences
- Fondateur du Familistère Trois mois . . 3 »» Un an ... 13 fr. 60 psychologique.
- Ce numéro exceptionnel du Devoir à pour but d’attirer l’attention publique sur les enseignements contenus dans les résultats positifs, tangibles, obtenus en quatre années au Familistère de Guise, société basée sur l’association du Travail et du Capital. La participation du travail aux bénéfices, pendant cette courte période, se décompose ainsi: Parts de propriété acquises par les travailleurs . . 4,969,000f
- Intérêts et bénéfices de ees parts............... 485,000
- Dépenses des assurances générales................ 342,000
- Dépenses des services d’Éducation et d’Enseignement. 4 00,000
- TOTAL. . . . 2,566,000f
- Il faut remarquer que les travailleurs du Familistère n’ont supporté aucun chômage, que leur salaire a été constamment supérieur à celui des ouvriers des autres industries locales, que les 1,200 habitants logés au Palais social ont joui de tous les bienfaits de l’habitation unitaire.
- La part faite au travail a été obtenue sans sacrifier la rémunération du capital. En effet, avant d’accorder aucun bénéfice au travail, le capital de commandite, apporté par M. Godin, reçoit lui aussi son salaire, l’intérêt légal de 5 0/0. Depuis la fondation de la société, M. Godin a retiré moyennement, après répartition des bénéfices, un revenu annuel de 6 0/0 des capitaux confiés à l’association du Familistère, sans compter ses appointements de gérant et sa participation aux bénéfices r comme travailleur. Les revenus des créanciers de l’État, des obligataires des Chemins de fer et du Crédit Foncier sont beaucoup moins élevés.
- M. Godin, s’il eût procédé autrement, en faisant acte d’un désintéressement exagéré, n’aurait pas atteint le but poursuivi : on lui objecterait qu’il n’est pas rationnel de poser, en exemple devant être imité par tous, un fait dans lequel l’abnégation et la générosité auraient eu une action décisive.
- Les intérêts des parts de propriété, les dépenses de la mutualité et de l’enseignement s’élèvent à 597,000 francs.
- Cette somme, dépensée au Familistère en objets . de première nécessité, a procuré du travail à un nombre de bras beaucoup plus considérable que si
- elle avait été employée en placements ou bien en dépenses de luxe, comme cela serait arrivé dans l’industrie patronale.
- Cette remarque à une grande importance au point de vue social. Nous avons en France 12,333 fois plus de population que le groupe bénéficiaire des institutions du Familistère; si chaque fraction de la population, comptant 3,000 habitants, avait joui, pendant ces quatre années, d’avantages analogues, il y aurait eu, dans notre pays, un supplément de consommation de produits de première nécessité équivalent à 7,322,000,000. C’était plus qu’il fallait pour éviter les souffrances présentes et les sombres inquiétudes de l’avenir ; car les classes laborieuses n’ont jamais songé à la révolte, lorsqu’elles ont eu un travail régulier et rémunérateur.
- Les institutions du Familistère peuvent être généralisées une à une, lorsque les hommes d’É.tat s’élèveront à la hauteur des besoins de notre temps. Elles forment un tout, au Familistère, parce que le fondateur a voulu doter cette institution d’un mécanisme complet ; il a pris à sa charge les institutions de Mutualité et d’Enseignement qui devraient incomber à la solidarité sociale. Il serait facile à l’État de se procurer les ressources nécessaires pour établir ces bases de la réforme sociale, l’extinction du paupérisme et de l’ignorance, s’il devenait héritier dans toutes les successions, proportionnellement au concours des richesses naturelles et des services publics dans l’édification de chaque fortune.
- Le Familistère de Guise n’a pas été fondé d’après les inspirations d’une étroite philanthropie. Ce n’est pas seulement pour soustraire au paupérisme quelques milliers d’ouvriers que M. Godin a créé cette puissante fondation ; il a voulu donner au monde un exemple pratique de la possibilité de l’harmonie sociale, naissant de l’alliance des intérêts, suivant les lois de la vie.
- L’Alliance du Travail et du Capital n’est plus une utopie ; les clauses du pacte fécond sont trouvées et appliquées. Elles n’imposent de sacrifices à aucune des parties. Les hommes de bonne volonté ne peuvent refuser de les appliquer.
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- FAMILISTÈRE DE GUISE
- L’Œuvre du Familistère
- Le mot Familistère a été imaginé par M. Godin pour désigner les palais d’habitation que ce novateur a fondés à Guise, afin d’y loger les ouvriers qu’il a associés à sa fortune.
- Ce mot s’appliquera dansl’avenir à toute association mettant, comme celle de Guise, les Equivalents de la Richesse à la portée des ouvriers et de tous les citoyens par les moyens suivants :
- Réunir un certain nombre de familles dans des locaux confortables, spécialement‘agencés en vue du bien-être des habitants et du facile fonctionnement des services publics nécessaires à la satisfaction des besoins de la vie humaine ;
- Organiser les assurances mutuelles au profit des malades, invalides, vieillards, veuves, orphelins, de toute personne ou famille enfin, dont les ressources sont impuissantes à lui garantir le nécessaire à la subsistance ;
- Pourvoir aux approvisionnements de toutes choses de consommation usuelle au bénéfice des habitants ;
- Offrir à la population les délassements indispensables à la santé physique, intellectuelle et morale ;
- Organiser les soins, l’éducation et l’instruction de l’enfance, filles et garçons, jusqu’à l’apprentissage ;
- Donner au travailleur le logement à proximité de l’atelier, de manière à lui permettre de se rendre sans fatigue au travail ; enfin rendre l’association facile ; répartir équitablement, entre les divers concours producteurs, les bénéfices industriels et commerciaux de l’association ; et pourvoir à la transmission constante de la propriété sociale aux mains des travailleurs .actifs.
- D’après l’expérience de Guise, on peut conclure, au point de vue de l’organisation des services généraux d’assurances mutuelles, d’éducation de l’enfance, etc., que le groupe unitaire donnera ses résultats maxima avec une population de 1.500 4 2.000 habitants. Une association moins nombreuse organisera certainement tous ces services, mais d’une façon moins complète. Avec moins d’habitants, par exemple, on ne peut établir un nombre aussi élevé de divisions scolaires convenablement graduées ; et la pleine organisation de l’enseignement est de grande importance dans le groupement unitaire. Lorsqu’on élèvera les enfants selon les lois de la vie humaine, on abandonnera certainement les lycées de garçons et les lycées de filles, et toutes les casernes scolaires d’un communisme dissolvant. L’éducation rationnelle de l’enfant doit resserrer les liens de la famille au lieu de les relâcher.
- Cette association possède, à Guise, une usine considérable
- et plusieurs palais d’habitation ; à Laeken, en Belgique, une-usine et des habitations ; on y construit un palais social.
- Le capital de commandite, primitivement fixé à 4,600,000 francs, vient d’être élevé à 6,000,000.
- Le siège social est à Guise, dans le département de l’Aisne.
- L’usine de Guise occupe quatorze cents ouvriers environ ; les palais sociaux ont une population de 1300 habitants. Dés que sera terminé l’aménagement intérieur d’un nouveau palais-, social récemment construit, la population logée dans les bâtiments du Familistère- atteindra le total de mille huit cents habitants. Les autre»travailleurs, membres de l’association,, sont logés dans la ville ou dans les villages voisins.
- Palais social
- La vue d’ensemble, pages 200 et 201, représente le bâti— ment le plus important du Familistère et ses annexes ; il est occupé par 1200 habitants. Deux autres bâtiments non indiqués ici, mais construits d’après les mêmes données, contiennent en plus une population de 600 habitants.
- Le palais social est construit au milieu de terrains de 8 à 10 hectares de jardins, que l’Oise traverse et contourne sur les deux tiers de leur étendue ; une partie de cette propriété est convertie en promenades, squares, et jardins d’agrément ; une autre partie est consacrée à la culture des légumes par les membres de l’association.
- Le front du palais fait façade à la ville de Guise sur une étendue de 180 mètres; il a 1200 portes ou fenêtres soumises à l’impôt.
- Chacun des parallélogrammes du Palais social forme une cour intérieure couverte d’un vitrage à la hauteur des toits ; autour de cette cour sont disposés les logements. Au rez-de-chaussée, ces logements ont leur entrée directement dans la cour ; des galeries disposées en quelque sorte comme des rues suspendues donnent accès aux logements des étages, qui ouvrent chacun sur ces galeries. Les entrées extérieures du Palais social sont placées au coin de chaque parallélogramme, et les cours ont, chacune, aux quatre coins, un escalier permettant de communiquer d’un étage à l’autre.
- Les lieux d’aisance, les chambres à ordures, les robinets à eau sont établis dans des locaux spécialement agencés et disposés à cet effet aux angles de chaque étage; dans les chambres à ordures il existe des trappes qu’il suffit de faire basculer pour que les ordures soient immédiatement engouffrées dans des réservoirs placés dans les caves, d’où on les enlève chaque jour.
- Pour se rendre exactement compte de l’aménagement de-
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- l’air, de l’eau, du gaz et des autres services d’hygiène et d’utilité, il est indispensable de lire l’ouvrage de M. Godin « Solutions sociales. »
- Les magasins cooDératifs sont situés au rez-de-chaussée dans des bâtiments spéciaux. Ils comprennent la boulangerie, l’épicerie, les étoffes, la mercerie, les combustibles, la boucherie, la charcuterie, la buvette, etc., etc.
- Le Palais unitaire a l’avantage de rapprocher les hommes, d’établir entre eux des relations amicales, et de permettre le fonctionnement des diverses institutions du Familistère qui sont difficilement praticables dans une population disséminée.
- Les effets moralisateurs de l’habitation unitaire sont considérables ; la partie inférieure de la population est maintenue par l’ensemble des habitants habitués à bien se conduire.
- 11 ne faut point perdre de vue que le fondateur môme, M. Godin, ainsi que les ingénieurs et les principaux directeurs de l’association sont tous logés dans le Palais social. La fréquentation des hommes entre eux n’empêche jamais quelqu’un de faire le bien dont il est capable, mais elle est souvent un obstacle au mal que l’un d’eux serait tenté de commettre.
- L’habitation unitaire est surtout inappréciable en bienfaits, lorsqu’on l’envisage dans ses rapports avec le bon fonctionnement des assurances mutuelles et des services de l’enfance.
- La misère ignorée, délaissée est impossible dans un milieu où tout le monde se connaît ; l’abus des services de l’assurance y est également impossible, parce que chacun vit au grand jour sous les yeux de tous.
- Quant à l’enfance, elle se trouve au Palais social dans le milieu le plus favorable sous tous les rapports. Nous avons parlé du fonctionnement général des classes de l’enseignement. L’écolier prend ses récréations dans les cours des bâtiments et dans les jardins du palais. Là, sans qu’il y aitaucun surveillant désigné, il se trouve à chaque instant sous les yeux des adultes allant et venant dans les mêmes lieux suivant leurs occupations , et la crainte d’être surpris en faute l’empêche de faire tous les mauvais tours dont 1 enfance abondonnée à elle-même se rend coupable à chaque instant. De même, l’enfant sait bien que ses parents, pour être renseignés sur son travail, n’ont besoin de faire aucune démarche pénible ou demandant quelque perte de temps, que chaque jour, par hasard, ou plutôt par l’effet de 1 habitation unitaire, les parents et les maîtres se rencontrent soit dans les galeries, les cours, ou les jardins du Palais social, et que là ils ont toujours la possibilité d’être informés de sa tenue à l’école. Dans ces conditions générales les entants s habituent insensiblement à se conduire raisonnablement; et les parents recueillent tous les avantages de cette surveillance mutuelle, qu’ils exercent tous ensemble sur chacun des jeunes habitants du Palais social, sans que les Premiers puissent apprécier pour quelle part ils participent à cette mutualité qui ne demande à aucun d’eux aucun effort particulier en vue des résultats quelle procure.
- Le premier Palais social du Familistère de Guise fut commencé en 1859 et occupé en 1860, alors que M. Godin développait l’industrie qui devait lui permettre de réaliser ses conceptions sociales.
- Il est à remarquer que depuis cette date la population de 1200 habitants du Palais social n’a donné lieu à aucune intervention de la justice extérieure.
- Lorsqu’un logement est vacant, une annonce insérée dans les tableaux d’affichage indique le prix minimum de la location ; les demandes sont remises sous pli cacheté et la location est consentie au plus offrant.
- La société est gérée par un administrateur gérant assisté d’un conseil de gérance, d’un conseil d’industrie , et d’un conseil du Familistère.
- Ces conseils sont composés des associés, élus pour trois ans en assemblée générale d’associés, et des chefs des principaux services de l’établissement; ces derniers sont conseillers de droit.
- Un conseil de surveillance composé de trois associés est nommé pour un an en assemblée générale.
- Les conseillers élus sont toujours rééligibles. M. Godin lest gérant à vie ; après lui, le gérant désigné par l’élection sera également à vie, mais il pourra être révoqué en assemblée générale selon les règles prévues par les statuts.
- Les associés qui aspirent à devenir membres du conseil de gérance, doivent avoir été, pendant un certain temps, auditeurs aux conseils de gérance et de l’industrie. On acquiert cette dernière situation à la suite d’examens écrits et oraux, permettant de constater les capacités théoriques et professionnelles des candidats.
- Les chefs de services et les employés sont nommés par l’administrateur gérant. Lorsqu’ils sont recrutés dans le personnel du Familistère, l’administrateur les choisit parmi les employés ayant prouvé par des examens écrits et oraux qu’ils possèdent les connaissances en rapport avec les obligations de la charge à pourvoir. De même, lorsqu’un employé demande une augmentation de salaire, sa demande n’est retenue que s’il a justifié du développement de ses. attributions et prouvé son aptitude à les bien remplir.
- .L’usine est divisée en un certain nombre d’ateliers dont nous parlerons au chapitre spécial ; chaque atelier a un nombre variable de sections. Les ateliers sont dirigés par des chefs et les sections par des surveillants. Quiconque tient un débit, de boissons dans la ville ou dans les villages voisins ne peut être nommé surveillant d’atelier. Les chefs d’atelier reçoivent les matières à travailler des chefs de services ; ils les distribuent aux surveillants qui les font exécuter par les hommes des sections. Inversement les pièces fabriquées reviennent aux chefs d’atelier qui les agréent.
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- La durée de la journée de travail est de dix heures. Le travail est donné aux pièces, d’après les tarifs acceptés par les travailleurs eux-mêmes. Les réclamations à ce sujet sont d’abord examinées par un comité de délégués élus par tous les
- travailleurs à quelque catégorie qu’ils appartiennent.
- Le conseil de gérance prononce sur le rapport de ce comité. Les tableaux suivants montrent l’état du personnel de l’association, pendant la crise industrielle de 1884.
- TAUX IDES SALAIRES
- Employés et employées au mois Ouvriez s, ouvrières et apprentis à la quinzaine
- SALAIRES du mois à l’USINE au Familistère aux ÉCOLES TOTAUX SALAIRES des quinzaines à USINE au Familistère TOTAUX
- | 50 à 100 fr. . . 24 25 10 59 45 à 25 fr 129 14 143
- ; 101 à 125 .... 17 4 » 21 26 à 30 66 4 70
- 426 à 150 .... 21 4 1 23 31 à 40 4 99 3 202
- 151 à 175 .... 42 1 ’D 43 41 à 50 276 6 282
- 176 à 200 ..... 40 2 3 15 51 à 60 • . 185 1 4 86
- 201 à 250 . . . . 8 4 2 14 61 à 70 181 » 181
- 251 à 300 .... 2 4 » 3 71 à 80 76 » 76
- 301 à 4U0 .... 6 4 » 7 81 à 90 24 » 24
- 401 à 500 .... 3 » » 3 91 à 100 8 » 8
- 501 et au-dessus. . 2 » » 3 101 et au-dessus 2 » 2
- 105 36 16 158 1,146 28 1,174
- TABLEAU D’ANCIENNETÉ DU PERSONNEL
- EMPLOYÉS à 1US1XE au Familistère aux ÉCOLES TOTAUX OUVRIERS àl’USIKE au Familistère aux ÉCOLES TOTAUX
- Moins d’un an . . . 12 15 6 33 Moins d’un an . . . 68 7 » 75
- 2 ans ’ . . 9 3 3 15 2 ans 72 » » 72
- 3 » 11 4 » 15 3 » 429 » » 129
- 4 » 11 2 4 14 4 » 141 3 » 114
- 5 » 3 4 1 5 5 » 51 2 » 53
- 5 à 10 ans . . . . 19 5 1 25 5 à 10 ans . . . . 142 2 » 144
- 10 à 15 » .... 24 3 4 31 10 à 15 » .... 177 4 » 181
- 15 à 20 » .... 8 3 y> 11 4 5 à 20 » .... 184 5 » 189
- 20 à 25 » .... 7 )) » 7 20 à 25 » .... 106 3 » 4 09
- 25 et plus 1 » » 1 25 et plus 106 2 » 108
- Association du Capital et du Travail
- ou
- Participation aux bénéfices
- Dans la plupart des sociétés basées sur la participation du travail aux bénéfices, on a fait les parts du travail d’une manière plus ou moins arbitraire et toujonrs d’après une méthode empirique.
- M. Godin, lui, a formulé ainsi la loi de participation de chacun des facteurs de la production : Tout élément producteur doit participer aux bénéfices dans la proportion des services quil a rendus.
- Puis il a établi que trois facteurs concourent à la production de toutes les richesses :
- La terre et les ressources données par la nature, jointes aux utilités gratuites de la société ;
- Le travail actif des individus ;
- Et le capital ou travail économisé, agent passif ;
- Les ressources données par la nature et celles de la société constituent le droit des pauvres, c’est au nom de ces ressources
- que la société doit assurer l’existence de tous ses membres ;
- Le travail actif constitue le droit de l’ouvrier aux bénéfices produits par son travail ;
- Le capital, travail passif, constitue le droit du prêteur à la rémunération du service rendu.
- Tels sont les principes fondamentaux sur lesquels repose l’association du Familistère.
- Ayant en outre constaté, d’un côté, que les services des capitaux engagés dans une affaire reçoivent un intérêt déterminé, représenté par un certain nombre de francs ; d’un autre côté, que les travailleurs reçoivent des salaires représentés aussi par un certain nombre de francs,—et ces sommes exprimant les concours de chacun des facteurs,—M. Godin a été amené, scientifiquement, 4 conclure que la part de bénéfices, revenant équitablement à chacun de ces éléments : capital et travail, devait être proportionnelle au nombre de francs payé à chacun d’eux, sous forme d’intérêt pour le capital, sous forme de salaire pour le travail. Ainsi, dans les industries où l'on paie deux fois, trois fois, quatre fois, dix fois plus de salaires aux travailleurs que d’intérêts aux capitalistes, la part des bénéfices revenant aux travailleurs doit être deux fois, trois fois, quatre fois, dix fois
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- plus grande, et inversement.
- Au Familistère de Guise la participation du travail est huit fois plus considérable que celle du capital, parce que le total des salaires annuels s’élève à 1,888,000 francs, tandis que l’intérêt de la commandite ne dépasse pas 230,000 francs.
- La portion de bénéfices revenant au travail général étant ainsi établie, larépartition individuelle est facile, puisque chacun y a un droit proportionnel à ce qu’il a reçu dans l’année en salaires et intérêts.
- Mais en fondant cette association, M. Godin se trouvait en présence d’anciens ouvriers et employés ayant 10, 20, 25 ans et plus de bons services, qui avaient contribué à l’édification de sa fortune, et d’ouvriers capables dont le travail était fait dans des conditions plus profitables et plus avantageuses que celui de nouveaux venus ou d’ouvriers peu soigneux ; voulant reconnaître ces anciens services et ces capacités, M. Godin créa les catégories suivantes dans lesquelles sont répartis les bénéficiaires des institutions du Familistère :
- 1° Les Associés 68 personnes 2° Les Sociétaires 95 »
- 3° Les Participants 573 »
- 4° Les Auxiliaires 258 »
- 5° Les Intéressés 286 »
- Les Associés doivent être âgés d’au moins vingt-cinq ans ; résider depuis cinq ans au moins dans les locaux du Familistère ; participer depuis au moins le même temps aux travaux et aux opérations qui font l’objet de l’association ; savoir lire et écrire ; être possesseurs d’une part du fonds social, s’élevant au moins à cinq cents francs ; être admis par l’assemblée générale des associés.
- Les associés sont le noyau d’élite qui, aujourd’hui, se recrute par lui-même et qui compose l’assemblée générale de l’association. Les statuts portent que les associés interviennent pour le double de leurs salaires dans la répartition.
- Les Sociétaires sont les membres de l’association qui remplissent les conditions suivantes : être âgés d’au moins >ingt et un ans et libérés du service militaire dans l’armée active ; travailler au service de l’association depuis trois ans au moins ; habiter le Palais social ; être admis par le conseil de gérance et par l’administrateur gérant.
- Les sociétaires interviennent pour moitié en sus de leurs salaires.
- Les Participants doivent remplir les conditions suivantes : être âgés d’au moins vingt et un ans et libérés du service militaire dans l’armée active ; travailler au service de l’association depuis un an au moins ; être admis par le conseil de gérance et 1 administrateur gérant.
- Les participants interviennent dans la répartition pour les salaires qu’ils ont reçus.
- Les Auxilliaires comprennent tous ceux qui travaillent à un htre quelconque dans l’association en dehors des catégories précédentes. Ils n’interviennent pas directement dans la
- répartition ; ils n’ont droit qu’aux secours de la mutualilé.
- Les concours évalués comme il vient d’être dit sont réunis en masse en fin d’exercice et ce sont eux qui partagent les 75 O/o de bénéfices restants après les 25 O/o accordés à la Gérance et aux Conseils
- Les parts revenant à chacun des titulaires sont transformées en titres d’épargne, et l’argent que ces titres représentent est destiné à rembourser la commandite.
- Le total des bénéfices du travail des auxiliaires est versé aux fonds d’assurance des pensions et du nécessaire à la subsistance.
- Sont Intéressés les personnes qui seulement possèdent par héritage, achat ou toute autre voie, des parts du fonds social.
- On compte aussi un certain nombre de jeunes gens, fils de membres de la société, auxquels l’association fait une situation particulière en vue de les intéresser de bonne heure à la prospérité générale du Familistère.
- Ils ont un compte de participation crédité chaque année* comme les comptes des participants ; mais il est convenu qu’ils ne sont mis en possession de leurs titres d’épargne que s’ils reviennent travailler au Familistère, après leur service militaire dans l’armée active.
- A mesure que les ouvriers deviennent leurs propres capitalistes, ils acquièrent pour eux les avantages accordés primitivement au capital ; ils participent proportionnellement au total de leur épargne et de leur salaire.
- Quant à l’attribution de 25 °j0 des bénéfices au talent et à la capacité administrative, elle a été déterminée par les motifs suivants :
- Prenant en considération les faits quotidiens qui démontrent que, parmi les industries similaires, également outillées en capitaux et en instruments de travail, puisant les matières premières aux mêmes sources, recrutant les employés et ouvriers dans les mêmes localités, et opérant le placement des produits dans le même milieu, les unes arrivent à la ruine, les autres à la fortune, en quelques années, M, Godin a conclu que les entreprises prospères devaient leur prospérité au seul élément qui ne fût pas commun à toutes ces industries, soit l’élément directeur, le talent ; et, voulant faire une œuvre durable, capable de lutter victorieusement dans notre milieu de folle concurrence, il a assuré à cet élément une participation équivalente à sa prépondérance dans les faits, en lui allouant une part exceptionnelle dans les bénéfices.
- Le Familistère de Guise accorde 25 0/0 des bénéfices au talent directeur et administratif; ces 25 0/0 sont ainsi répartis:. 12 0/0à l’administrateur gérant, 9 0/0 aux membres du Conseil de gérance, 2 0/0 au Conseil de surveillance, 2 0/0 à la disposition du Conseil de gérance pour ^récompenser les services exceptionnels.
- Lorsque M. Godin, en 1880, à définitivement constitué la Société du Familistère de Guise par des actes enregistrés, il avait fait fonctionner déjàpendantquelquesannéesun compte d’épargne
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- au profit des ouvriers les plus réguliers ; dès la fondation de l’association, il a converti ces épargnes en parts de propriété ; elles s’élevaient à la somme de 172,266 Irancs ; et les fonds de réserve des diverses assurances étaient de 90,000 francs.
- Actuellement, les travailleurs possèdent par leur participation aux bénéfices 1,969,000 fr. de la valeur du fonds social.
- On peut donc prévoir que dans une période assez rapprochée, les travailleurs du Familistère seront devenus propriétaires de la totalité du fonds social. Il ne faut pas perdre de vue que, d’après leur progression normale, les réserves et les dotations statutaires s’élèveront après sept ou huit ans, à 2,000,000 enviion.
- A cette époque M. Godin aura été remboursé de ses avances, et l’association du Familistère possédera un avoir réel de 6,600,000 francs, sans faire entrer en compte la valeur du fonds commercial.
- De pareils résultats dispensent de tout commentaire sur le caractère de l’homme et la valeur de la méthode.
- Le tableau suivant montre la situation des membres de l’association au 30juin 1883.
- TABLEAU DES TITRES D’ÉPARGNE
- Acquis par la paticipation du travail
- NOMBRE j des | 1 I I RES VALEUR DES TITRES VALEUR TOTALE VALEUR MOYENNE
- | 133 de 100 fr. et au-dessous 10,426 fr. 78
- ! 188 101 à 500 fr. 52,840 281
- i 167 501 à 1,000 . . 132,662 794
- 1 318 1,001 à 5,000.. 706,010 2,220
- | 12 5,001 à 10,000 . . 83,631 6,969
- i 2 10,001 à 15,000 . . 22,231 11,115
- i 4 25,001 à 50,000 . . 131,941 32,985
- i 3 au-dessus de 50,000 . . 829,508 (Nota)
- | 827 1,969,249
- NOTA.. — Dans le nombre des titres dépassant 50,000 francs est compris le fonds de réserve de la caisse des pensions et du nécessaire à la subsistance.
- Mutualité, Assurances générales
- La mutualité, établie au nom des ressources données par la nature et la Société, est organisée d’une manière complète au Familistère; ses divisions correspondent aux besoins généraux des individus. Les services rendus par elle à l’association dépassent toutes les prévisions des théoriciens; et ceux qu’elle permet d’entrevoir pour l’avenir promettent à brève échéance une sécurité complète à environ 500 familles logées dans les palais sociaux, et l’assurance du lendemain à tous les ouvriers du dehors.
- Les institutions de mutualité forment quatre divisions :
- 1° Assurance du nécessaire à la subsistance et des pensions de retraite ;
- 2° Assurance contre les maladies — Section des hommes;
- 3* » » — Section des dames ;
- 41’ Fonds de la pharmacie.
- Depuis le 1er Juillet 1880, les services rendus par ces diverses assurances se chiffrent par une dépense de 264,4-59 fr. 07. La plus grande partie du budget de la mutualité provient d’allocations passées aux frais généraux de la fabiication et de la participation aux bénéfices, c’est-à-dire de ressources qui, dans les entreprises ordinaires, vont augmenter les bénéfices des capitalistes.
- Toutes ces assurances sont gérées par des comités spéciaux, élus par le vote des intéressés. Les membres de ces comités sont rétribués proportionnellement au temps qu’ils consacrent au service de l’assurance.
- Assurance du nécessaire. Cette assurance en faveur des familles les plus nécessiteuses n’est pas une application empirique, permettant le favoritisme et laissant la distribution à l’appréciation des chefs ou bien des personnalités influentes
- Une table insérée dans les règlements indique, d’après la valeur des denrées de première nécessité, quel est le prix de revient du nécessaire à la subsistance pour les vieillards, les adultes, et les enfants suivant l’âge. Lorsque une famille ne reçoit pas un total de salaires équivalent au total du nécessaire à la subsistance, l’association paie la différence.
- Le taux du minimum journalier est fixé comme suit :
- Pour un veuf ou une veuve chef de Famille. . . . lf 50
- — une veuve sans famille........................1 »»
- — un homme invalide dans une famille............1 »»
- — une femme.....................................» 75
- — les jeunes gens de plus de 16 ans, chacun . . 1 »»
- — — de 14 à 16 ans...........................» 75
- — les enfants de 2 à 14 ans.....................» 50
- — — de moins de 2 ans.......................» 25
- Ces derniers ont, en outre, droit à la nourricerie.
- Cette assurance est la consécration du droit à la vie, sanction réelle, devant laquelle se brise toute la phraséologie des politiciens vivant depuis 1789 sur la déclaration des droits de l’homme, et persistant à ne pas vouloir s’apercevoir que les immortels principes sont une utopie, lorsque les légistateurs en refusent la sanction matérielle.
- Assurance des pensions. — Les pensions sont accordées à la suite de longs services dans l’association ou bien après des accidents d’atelier suivis d’incapacité de travail.
- Voici le tarif minimum d’après lequel sont calculés les taux
- des pensions.
- Pour les hommes.
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- Pour les femmes.
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- Dans la pratique la plupart des retraités reçoivent des {pensions supérieures à- cesminima.
- Lorsqu’un accident d’atelier entraîne l’incapacité de travail, il n’est pas tenu compte des années de présence, la pension est la même que celle accordée après 20 annéess de service ; si la victime d’un tel accident a plus de quinze années de présence, la pension est calculée comme si la victime avait 30 années de service.
- L’assurance du nécessaire à la subsistance et des pensions est alimentée par un versement de 2 0/0 du total des salaires payés par l’associatiou et par les bénéfices accordés au travail des auxiliaires.
- Les dépenses de ces services ont atteint pendant les trois • derniers exercices un total de 91,426 fr. 15.
- Le nombre des pensionnaires est, en 1884, de :
- 18 au Familistère,
- 24 à Guise ei dans les environs,
- 1 à Laeken-lez-Bruxelles.
- 43 au Total.
- Le fonds de l’assurance des pensions et du nécessaire à la ^subsistance dépasse 500,000 francs.
- On peut prévoir que dans quelques années ce fonds produira par l’intérêt seul un revenu supérieur aux dépenses totales de «ce service. On pourra alors élever le taux des indemnités, et constituer des fonds de réserve assez élevés dans les autres branches de la mutualité pour arriver à remplacer les "Cotisations et les allocations annuelles par des revenus fixes ; enfin il sera possible de donner à ces institutions un développement devant procurer à chacun des membres de l’association une sécurité plus solide que celle que la moyenne bourgeoisie trouve dans son patrimoine.
- Nous devons signaler encore une clause des règlements de la mutualité, qui démontre la solidité des connaissances économiques de M. Godin et la sagesse de sa prévoyance.
- Les droits à la pension sont suspendus pour tout pensionnaire qui accepte, sans autorisation du conseil de gérance, des fonctions salariées en dehors de l’association.
- M. Godin a voulu éviter de jeter dans le milieu ouvrier les perturbations susceptibles d’amener la baisse des salaires, comme cela est arrivé à Paris dans la corporation des employés d’administration, où les retraités de l’Etat et des grandes compagnies viennent s’offrir au rabais parce qu’ils tiennent compte des avantages de leurs pensions.
- Assurance contre la maladie. — Hommes. — Le budget de cette assurance provient des amendes infligées pour
- contraventions aux règlements d’ateliers, des retenues faites aux ouvriers pour casse et malfaçons etc., des cotisations de chaque travailleur variant de 1 1/2 à 2 0/0 du salaire. Enfin, dans le cas où les ressources deviennent insuffisantes, la subvention nécessaire est supportée par moitié entre l’association et les mutualistes ; de cette façon les mutualistes sont toujours intéressés à surveiller les dépenses puisqu’ils sont tenus de payer la moitié des excédants lorsque les dépenses dépassent les ressources.
- Cette assurance paie les frais de visites des médecins, et les allocations journalières aux malades fixées à 2 fois le montant de la cotisation mensuelle pendant les trois premiers mois ; à une fois et demi, pendant le second trimestre ; à une fois, pendant les six mois suivants.
- Ces allocations journalières sont réduites de 25 0/0 environ pour les individus entrés à l’association après 45 ans. Les frais de cette assurance se sont élevés pendant les trois derniers exercices à la somme de 139,405f 90.
- L’assurance a payé pendant l’année 1883, 17,035 journées de maladie à 708 malades.
- Assurance contre la maladie. — Dames. —
- Cette assurance fonctionne d’une manière analogue ; elle est restreinte aux dames habitant le Palais social. La dépense de cette branche de la mutualité a été pour les 3 dernières années de 16,607 fr. 66.
- Les comités élus de ces deux services se réunissent deux fois par mois pour dresser les bordereaux de paiement, désigner les visiteurs et faire toutes choses nécessaires à la bonne marche des assurances. Les procès-verbaux des séances sont enregistrés sur des livres spéciaux.
- Fonds de Pharmacie. — Le fonds de pharmacie est entretenu par une cotisation de 0,50 centimes payée par chaque personne âgée de plus de 14 ans, habitant le Familistère, et par une allocation égale au montant des cotisations et versée par l’association.
- Le fonds de pharmacie procure gratuitement les médicaments ordonnés par le médecin ou la sage femme, les bains, les ustensiles et linges nécessaires aux soins des malades. IL pourvoit aussi aux frais civils des funérailles des mutualistes.
- Du 1er Juillet 1880 au 30 Juin 1883, il a été dépensé par ce service une somme de 17,009 francs.
- Il est d’usage dans le milieu des orthodoxes de l’économie politique d’appeler utopistes et rêveurs les socialistes qui demandent l’extinction du paupérisme. Ces messieurs ont toujours fait comme s’ils ignoraient les résultats obtenus au Familistère de Guise.
- Les Saint Thomas de l’économie politique ne veulent pas même toucher.
- Cependant la mutualité, se traduisant en assurances générales comme celles fondées par M. Godin, mérite, il nous semble, qu’on s’arrête à ses effets, surtout lorsqu’on affiche la
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- prétention de s’occuper de la chose publique et de parler au nom des principes de la Révolution.
- Nous terminons ce chapitre par un petit problème d’arithmétique élémentaire, problème résolu à l’intention des académiciens de toutes les académies d’économie politique.
- En trois années, les diverses branches de la mutualité ont constitué un fonds de réserve de 500,000 francs, tandis qu’elles ont supporté une dépense totale de 264,000 francs.
- Si nous nous reportons après 9 nouvelles périodes de 3 ans, la mutualité aura reçu 7,600,000 francs, et ses dépenses pendant le même temps n’auront pas dépassé 2,640,000 francs.
- Les fonds de réserve atteindront donc alors un total de 5,000,000 de francs, produisant à 5 0/0 un revenu annuel de 250,000 francs. A cette date, la mutualité aura un revenu annuel presqu’équivalent au total de ses dépenses actuelles pendant trois exercices, et cela au profit de toutes les générations à venir.
- Boulangerie
- Café Billard
- M. Godin indique dans son ouvrage « Le Gouvernement » et dans une brochure intitulée « Mutualité nationnale » comment on peut étendre les bienfaits de cette mutualité à toute la population française : en créant des ressources budgétaires par l’institution de l’hérédité de l’État.
- L’éloge de la Mutualité du Familistère se résume en ces quelques mots ; c’est la sanction du droit à la vie ; elle éteint le paupérisme ; elle permet les soins des malades à domicile, elle
- Ecoles Théâtre Ecoles Débits Restaurant BcuvwwinÀci'du te'faxfitdmt. c&nïxo-t PuPatau) ü CUT168 Remises
- supprime ainsi l’hôpital, cette monstrueuse erreur qui enlève aux siens l’individu alors qu’il éprouve plus que jamais le besoin d’être au milieu d’eux.
- Éducation Instruction
- La part faite à l’enfance dans l’association du Familistère est considérable ; elle paraîtra excessive à quiconque n’a pas compris que le progrès humain se développe en raison directe
- Douche" Messes -
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- des soins apportés à la culture de l’enfance.
- Quatre cents enfants dépendent de ce service.
- Seize maîtres ou maîtresses sont attachés aux institutions d’éducation et d’enseignement. Tous habitent le Palais social.
- Les enfants sont répartis en dix classes.
- Le budget de ce département s’est élevé pendant le dernier exercice à 33,000 francs. On comprendra l’importance relative decettesomme, si l’on pense que des villes riches comme celles de Guise et Saint-Quentin, la première ayant 800 enfants, la
- seconde 5,000, ne dépensent pas plus pour l’enseignement, l’une de 13,500 , l’autre de 45,000 francs.
- L’éducation et l’instruction sont organisées de manière à réunir tout ce qui peut contribuer au développement physique, intellectuel et moral de l’enfant, depuis la naissance jusqu’à l’âge de quatorze ans au moins.
- Deux édifices principaux sont affectés à l’éducation et à l’instruction.
- Le premier réunit les enfants de O à 4 ans, le second
- Bains et Lavoirs Bureaux Dessin Sculpture Mécanique Emaillage fonderies
- Gazomètre Magasins Ajustage
- renferme les classes d’école pour les enfants de 4 ans à 14 ans et au-dessus.
- Nourricerie, Pouponnât
- Ces deux services sont établis dans un pavillon attenant à la -partie centrale du Palais par une passerelle aboutissant au vestibule de l’édifice destiné à ces services.
- La porte d’entrée de ce bâtiment ouvre sur un vestibule à droite duquel se trouvent deux pièces : l’une servant à la
- préparation des aliments et boissons des enfants, et à la réception des mères lorsqu’elles apportent les bébés ; l’autre à la réserve du linge sale, des ustensiles, balais, brosses, seaux de propreté , bassins, baignoires, etc,, nécessaires à la nourricerie ; cette pièce contient, en outre, les petits sièges— d’aisance des enfants.
- L’extrémité du vestibule d’entrée donne accès dans la salle du promenoir de la nourricerie, où les enfants s’exercent à faire leurs premiers pas. Au milieu de la salle, sur un plancher
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- circulaire entouré d’une double balustrade, on voit les uns se rouler au centre de l’appareil, les autres se guider et s’affermir dans la marche en s’appuyant sur les mains-courantes des ballustrades parallèles.
- Les plus grands parmi les nourrissons se promènent dans la salle ou sur les balcons extérieurs qui entourent l’édifice ; ils jouent ensemble , vont, viennent ou s’asseyent dans leurs fauteuils, lorsque la fatigue les y engage.
- Les nourrissons qui ont besoin de sommeil sont portés dans les berceaux pla--cés dans les salles contiguës; ces salles sont ouvertes perpendiculairement sur la salle du promenoir, de manière à ce que les dames de garde embrassent des yeux tous les berceaux à la fois, de tous les points de la salle.
- Les berceaux de la Nourricerie se c'o m p osent d’un ovale en
- tringle de fer rond porté par un moniant en fonte à chacune de ses extrémités. Les montants forment pieds et sont reliés en bas par une traverse qui consolide le lit. Une tringle de fer
- fixée au montant de la tète du lit sert de flèche au rideau en s’élevant au-dessus du berceau.
- Le lit du berceau se compose d’une toile en coutil, cousue en forme de demi-sphère lallongée en ovale,
- ayant juste la dimension du cerceau de fer. Au bord de cette toile sont ménagés de forts œillets servant à la fixer au cercle en fer du berceau, au moyen d’un lacet passé dans les œillets et tourné autour de la tringle.
- Vingt litres de gros son de froment versés danslatoiledu berceau et recouverts d’un petit drap sur lequelonpose, l’oreiller, le ® drap de dessus g et la couver-ture, composent le matelas et le lit de l’enfant.
- Le son ayant la propriété de ne pas se laisser pénétrer par l’humidité, il n’y a, pour tenir le lit constamment sec et propre, qu’à changer chaque fois qu’on lève l’enfant le drap sur lequel
- celui-ci était couché et à enlever la partie du son aggloméré par l’humidité.
- Cinquante enfants dans la Nourricerie donnent moins d’odeur
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- qu un seul enfant à domicile, avec les matelas imprégnés d’urine, encore en usage presque partout.
- Ce mode de coucher est parfait, il réunit toutes les conditions d’hygiène et de propreté.
- Le lait consommé par les enfants de la Nourricerie est fourni par une vacherie exclusivement organisée en vue de cette destination.
- Quiconque visite la Nourricerie est surpris de l’heureuse disposition et de la propreté du local,ainsi que de la bonne mine des habitants. A cette première impression, mal-•gré sa force, en succède bien vite une autre devant les hôtes de céans, qui , par des pa.... papa....ppa... lui rappellent que tout cela est fait pour eux, et que lui •aussi leur doit ses premiers hommages.
- On aurait véritablement mauvaise grâ ce à les refuser à ces mignons qui ne pleurent jamais ,
- et qui, après un sourire, se livrent à leurs enfantines évolutions, comme s’ils voulaient montrer qu’ils savent courrir.
- Pendant plusieurs années, la Nourricerie du Familistère a
- gardé les enfants nuit et jour, lorsque les mères les y laissaient; mais l’habitude admise de donner à domicile aux mères un berceau tout garni pour les «niants, pendant la période de l’allaitement, a fait prévaloir la remise générale des enfants à
- la famille après la journée de travail; chaque enfant a deux berceaux: l’un, à la Nourricerie pour le jour, l’autre, à domicile pour la nuit.
- La Nourricerie rend aux enfants et aux parents des services inappréciables.
- Il n’y a pas à réclamer de la part des enfants de la Nourricerie des exercices réguliers.
- C’est par la bonté et l’attention des dames gardiennes qu’on arrive à obtenir des bébés les résultats suivants :
- Attendre son tour sans pleurer ni crier pendant qu’on sert à manger aux camarades ;
- Attendre sans pleurer la venue des bonnes au réveil;
- Ne pas prendre ni désirer la part du voisin ;
- Manger seul comme les grands quand on devient grand soi-même;
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- S’endormir safis pleurer ;
- Se tenir bravement dans la promenade en bois ; passer à côté des camarades sans les faire tomber ni tomber soi-méme ;
- Comprendre qu’il ne faut pas faire de mal aux camarades, ni les taquiner ;
- Aller adroitement soi-même dans le cabinet sur les petits sièges d’aisances spéciaux aux nourrissons sachant se tenir et marcher ;
- Prendre les petits amis par la main et se promener avec eux sur les balcons ou les pelouses ;
- Être bien complaisant avec les petits camarades ;
- Jouer et se rouler sur les pelouses parle beau temps, sans faire de mal aux petits amis ;
- Rentrer en bon ordre à la Nourrice-rie ;
- Voilà les petites choses que l’on s’attache à obtenir des enfants de cet âge, sans contrainte, mais par la bonté, la bienveillance et la douceur.
- L’autre partie du pavillon destinée aux poupons est divisée en deux grandes salles : la première, à l’entrée, sert à la
- réception des enfants ; la seconde est divisée en deux parties l’une servant à la promenade et aux exercices corporels très-fréquents pour des enfants aussi jeunes; l’autre réservée pour les petits bureaux des élèves. Cette seconde salle a ses
- murs décorés, de planches représentant, des objets usuels, des animaux, des plantes, enfin les premières choses que l’enfant a besoin de connaître. Cette salle est garnie de petits-bureaux avec bancs, sur lesquels s’asseyent les enfants , lorsqu’ils sont fatigués.
- Les élèves de cette classe* sont âgés de deux à trois; ans et demi.
- Une maîtresse patiente, dévouée,, intelligente préside à leurs-exercices. Elle a soin d’attirer leur attention sur tous les objets du matériel scolaire destinés aux leçons de choses. Elle leur apprend à les désigner, à les reconnaître , à se souvenir des noms ;
- elle leur en indique les usages les plus généraux à la portée d’enfants aussi jeunes.
- Sous sa direction les poupons, parlent, comptent, chantent,..
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- dansent, et marchent en groupes d’une manière vraiment curieuse. Par la belle saison, ils passent la plus grande partie de la journée à jouer sur les pelouses du parc.
- Le Pouponnât est ouvert pendant les heures du travail ; les parents viennent prendre les enfants au moment du repas.
- On ne peut parler de la Nourricerie et du Pouponnât du Familistère sans dire combien M. Godin attache d’importance au bon fonctionnement de ce service. De même, il convient de ne pas oublier Mme Roger, la dame à laquelle sont confiés ces services quelle dirige depuis vingt ans, en donnant, à chaque instant de sa vie, l’exemple du travail et des nombreuses qualités qu’exige une mission aussi délicate.
- Écoles
- L’édifice du Bambinat, des Écoles et du Théâtre fait face à la partie centrale du Familistère, il est situé à environ 80 mètres du Palais social.
- Le bâtiment du milieu de cet édifice contient la salle du théâtre, les salles de réunions et de conférences.
- Les ailes, à droite et à gauche, du théâtre sont occupées par les salles d’école maternelle et d’école primaire.
- Les enfants sortant du Pouponnât vers l’âge de trois ans et demi entrent dans une première classe maternelle où ils restent jusque vers cinq ans.
- Au-dessus de cette division est la classe maternelle la plus élevée, celle des enfants de 5 à 6 ans et demi.
- L’enseignement est si bien gradué et distribué au Palais social que les classes maternelles y sont en réalité la pépinière de l’enseignement primaire. Les élèves, filles et garçons, qui sortent de la classe maternelle la plus élevée, au nombre de 25 environ, chaque année, savent tous lire couramment à livre ouvert, possèdent des notions exactes sur les premiers éléments de l’arithmétique, commencent à écrire, à dessiner et ont un certain nombre de connaissances utiles.
- Les promotions d’une classe à l’autre ont lieu après examen. Nul élève n’est admis dans un cours s’il n’y peut suivre convenablement les leçons données.
- Au-dessus des classes maternelles, l’enseignement comprend cinq classes, où les enfants, filles et garçons, sont répartis selon leurs connaissances et leur âge. Les derniers programmes officiels pour les écoles primaires publiques sont rigoureusement appliqués.
- Le cours élémentaire y comprend deux classes : celle des fdles et garçons de 6 ans et demi à 8 ans ; celle des filles et garçons de 8 à 9 ans. Viennent ensuite deux classes du cours moyen : l’une où se trouvent les enfants de huit à dix ans ; et l’autre où sont les élèves de 10 à 42 ans. On passe ensuite au cours supérieur où les élèves, filles et garçons, les plus distingués en intelligencé sont préparés à l’obtention du certificat d’études. Les enfants de cette classe ont de onze à treize ans. L’année dernière 15 élèves, sept filles et huit
- garçons ont obtenu le certificat d’études.
- Au-dessus du cours supérieur est le cours complémentaire pour les élèves qui ont obtenu le certificat et ceux qui veulent poursuivre leur instruction. Ce cours comprend les élèves de treize, â quinze ou seize ans.
- Chaque classe a son professeur, instituteur ou institutrice. En outre des employés spéciaux se détachent de l’usine pour venir enseigner, l’un le dessin industriel, l’autre la géométrie.
- Deux fois par semaine les jeunes filles reçoivent des leçons de couture, pendant que les jeunes garçons font du dessin linéaire.
- La musique, le chant, la gymnastique sont enseignés au Familistère.
- Deux fois par semaine, en dehors des heures de classes, ont lieu des cours spéciaux de physique et de chimie avec démonstrations pratiques. Les élèves les plus avancés, ainsi que les apprentis de l’usine et tous les habitants du Familistère ont la faculté d’y assister, aussi un grand nombre en profite-t-il avec empressement.
- Quand on examine de près ce qui est fait pour l’enseignement primaire au Palais social de Guise, on peut dire qu’aucune ville, sans excepter Paris, n’a fait pour l’éducation de l’enfance l’équivalent de ce qui existe dans cette association.
- La présence des enfants dans les classes d’enseignement primaire est obligatoire de 8 à 9 heures, de 10 à 1 h. et de 3 â 6 heures.
- Après chaque heure de travail, les classes sont interrompues pendant dix minutes par des marches au pas et au pas de course, accompagnées de chants et mêlées d’exercices gymnastiques.
- L’émulation des élèves est excitée et entretenue par des récompenses distribuées chaque mois avec solennité et par la mise à l’ordre du jour dans les tableaux d’affichage des élèves les plus méritants.
- Une bibliothèque composée de 3,000 volumes est à la disposition des habitants du Familistère. Ils peuvent venir y lire ou bien y demander des volumes pour lire chez eux.
- Services d’approvisionnements
- Ces services ont des points communs avec les associations partielles connues sous le nom de sociétés coopératives de consommation, en ce sens qu’ils font participer directement l’acheteur aux bénéfices. Ils procurent aux habitants du Palais social les avantages ordinaires des sociétés coopératives, sans exiger de leur part un apport sur le capital épargné individuellement ; ils n’imposent aucun prélèvement sur les salaires.
- Dans l’association du Familistère, la coopération n’est pas une association particulière, elle est une partie, un membre, une branche de l’association générale, ayant la spécialité de la vente des marchandises. C’est simplement un service public
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- de l’association, dirigé par un économe et des chefs de rayons, sous la surveillance et le contrôle du conseil du Palais social.
- Le capital des marchandises en magasins et d’autres utilités indispensables au fonctionnement de ces services est fourni par le capital collectif de l’association.
- Les marchandises sont vendues d’après les cours sur des prix arrêtés par les conseils de l’association.
- Les bénéfices provenant de cette source sont partagés entre les acheteurs et l’association ; celle-ci ajoute sa part de bénéfices à ceux de la fabrication, et le total est réparti comme nous l’avons indiqué au chapitre de la participation.
- La répartition aux acheteurs se fait d’après un carnet sur lequel sont inscrits tous leurs achats au moment où on leur délivre la marchandise. Cette remise à été établie en vue d’habituer les membres de l’association à se rendre compte de leurs dépenses ordinaires et pour les engager à ne pas se pourvoir au dehors.
- Aucun règlement n’oblige les habitants du Palais social à s’approvisionner aux magasins de l’association, la liberté étant le principe fondamental de l’institution.
- Ces services de vente fonctionnent avec un capital de 100,000 francs environ. On trouve aux magasins du Familistère, pain, vin, spiritueux, boucherie, charcuterie, épicerie,bois, charbon, vêtements, chaussures, mercerie, enfin toutes les choses usuelles qui entrent dans les besoins des ménages.
- Les bénéfices que l’association réalise par ces services sont à peu près égaux aux revenus quelle tire de la location des appartements du Palais social; mais pour la population ils offrent le double avantage de procurer des salaires rémunérateurs à un certain nombre des membres de l’association, principalement aux femmes et aux jeunes filles.
- Services publics
- Nous avons déjà parlé de quelques-uns des services de l’association ; ceux des approvisionnements , des assurances mutuelles, de l’éducation et de l’enseignement ; il en est d’autres à indiquer en quelques mots.
- Le soin du logement individuel est strictement laissé à la charge des familles. Chacun est chez soi, et l’administration n’intervient pas au foyer domestique. Mais hors du logement, les balcons, les escaliers, les cours, les cabinets d’aisance, les cabinets aux eaux sales et aux balayures, etc., enfin toutes les choses d’un usage commun sont entretenues dans un état permanent de propreté, visitées et nettoyées autant de fois par jour qu’il est nécessaire, de façon à ce que la salubrité et l’hygiène soient parfaites au Palais social.
- L’entretien de cette propreté générale est confiée à des employés, des femmes pour la plupart, qui sont rétribués par l’administration et sa livrent ainsi à d s travaux rémunérateurs en dehors des soins du ménage.
- La direction de tous les services du palais d’habitation est, confiée à un économe qui est l’agent exécutif des décisions du, conseil du Familistère.
- Chaque corps de bâtiment possède à chaque étage des fontaines pourvues de robinets, où les ménages viennent faire provision d’eau suivant leurs besoins. La consommation moyenne dépasse 20 litres par habitant. L’eau est fournie par un puits artésien.
- Un édifice particulier contenant les lavoirs et les buanderies réunit toutes les commodités pour nettoyer le linge; c’est un véritable établissement modèle. L’eau chaude est fournie par l’eau de condensation des machines à vapeur de l’usine.
- Une autre partie de l'eau de condensation alimente une piscine à écoulement continu, de 50 mètres carrés de surface,, où les habitants et les enfants peuvent se baigner en pleine eau, à toute heure du jour. Cette piscine est pourvue d’un fond de bois pouvant descendre à 2“ 50 de profondeur, et être ramené à la surface de l’eau, afin de permettre de ménager aux baigneurs une profondeur d’eau à leur convenance; c’est le bassin et l’école de natation des enfants.
- Des bains ordinaires sont disposés dans un local attenant à la buanderie.
- Le Palais social et les communs sont abondamment éclairés au gaz pendant toute la nuit.
- Les précautions contre les cas éventuels d’incendie ne sont pas négligées ; un veilleur de nuit fait d’heure en heure une ronde générale des caves aux greniers et dans toutes les parties de l’usine. Un corps de pompiers, constitué librement parmi les sociétaires les plus aptes à la fonction, est toujours prêt à saisir la pompe d’incendie à la première alerte.
- Ce corps de pompiers, en uniforme, aux grands jours de fête et de réunions publiques, a la mission de veiller à l’ordre intérieur et à la conservation de l’édifice.
- En temps ordinaire l’ordre et la sécurité n’ont besoin d’être sauvegardés par aucune surveillance exceptionnelle autre que celle de l’économe. Les entrées du Palais social n’ont pas de portes; en hiver seulement, on pose des vantaux mobiles, sans serrure, pour maintenir une douce température dans les cours intérieures couvertes par un vitrage. On peut donc aller et venir de l’intérieur à l’extérieur du Palais, à toute heure du jour ou de la nuit. On ne constate jamais aucun méfait.
- Les concierges ou portiers sont inconnus au Familistère.
- De grands tableaux placés à chaque entrée du Palais contiennent les noms des familles et les numéros des logements.
- Dans la cour principale sont installés des tableaux d’affichage. Certains sont spécialement réservés aux écoles pour signaler’ les élèves les plus méritants. D’autres sont destinés aux annonces diverses.
- Les services publics du Familistère n’occupent pas moins de? 64 personnes.
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- Fêtes et Agréments
- Indépendamment des pelouses et des jardins entourant le Palais social, l’association possède un jardin, où les arbres utiles sont cultivés à côté des arbustes d’agrément.
- Les sociétés théâtrales, chorales et musicales sont les heureux auxiliaires de ces moyens de délasseeaent et de distraction.
- L’association célèbre, chaque année, un certain nombre de fêtes avec une solennité exceptionnelle, notamment celles du Travail et de l’Enfance.
- Notre dessin donne l’aspect de la grande cour à l’occasion des fêtes publiques organisées par l’association.
- Le Familistère possède un théâtre machiné où les sociétés théâtrales peuvent organiser des représentations suivant leur bon plaisir. Il contient 1,200 spectateurs.
- Pendant l’hiver des troupes théâtrales viennent, deux fois par mois, donner des représentations des meilleures pièces de leur répertoire.
- La vue extérieure du théâtre est reproduite dans le dessin représentant les écoles; c’est le bâtiment du milieu. Il est pourvu de toutes les dépendances ordinaires : foyer, salies de concert, de conférence, etc.
- Il existe, en outre, dans l’association diverses sociétés constituées suivant les aspirations de ceux qui recherchent des occasions de s’instruire ou de se distraire en dehors des prévisions générales.
- VUE DE LA. GRANDE COUR, UN JOUR DE FÊTE
- Industrie
- L’association exploite la fabrication des appareils de chauffage, d’ameublement et de cuisine en fonte moulée, ou émaillée, et tous les autres articles en fonte de fer.
- La force motrice des diverses machines à vapeur est évaluée a 250 chevaux-vapeur.
- L’outillage et les modèles ont donné lieu à 180 brevets, la plupart pris par M. Godin.
- Les ateliers sont installés dans des conditions parfaites ; ils couvrent une supeficie de 46,200 mètres carrés ; ils sont sillon-
- nés par 4,200 mètres de rails pour la circulation intérieure de la matière première et des marchandises fabriquées ou en cours de fabrication.
- M. Godin, par l’invention d’une machine à mouler, a réalisé un engin qui étonne par ses dimensions et qui rend des services considérables.
- La description de la fabrication ne rentre pas dans notre cadre; nous nous bornerons à faire l’énumération des divers ateliers de l’usine ; ils peuvent se classer en sept grandes catégories :
- 1° Modèles : modelage, fonderie de zinc, ajustage ;
- 2° Fonderies : moulage, coulage, ébarbage ;
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- 3° Ajustage : minage, emballage, magasinage ;
- 4° Émaillerie : broyage des produits, décoration, cuisson ;
- 5° Matières pour la fabrication des moules : moulins à broyer le sable et le charbon, magasins de sables;
- 6° Industries secondaires : fonderie de cuivre, tôlerie, forge, atelier de mécanique, poterie réfractaire ;
- 7° Industries annexées : bourrelerie pour le harnachement 'de 40 chevaux, charronnage, menuiserie, emballage, scierie mécanique, charpente, maçonnerie, briqueterie, serrurerie, fours à chaux, carrières à sable.
- Le Capital au service du travail
- 11 est intéressant de savoir comment M. Godin a pu constituer une association solide , malgré notre législation sur les associations, que l’on peut appeler législation contre l’association.
- La réalisation de la Société du Familistère de Guise est une preuve que la bonne volonté peut avoir raison des mauvaises lois, et que les industriels, qui prétextent la nécessité d’attendre une loi favorable pour associer leurs ouvriers aux bénéfices, sont de simples farceurs décidés à ne rien faire en faveur de leurs ouvriers.
- Il a été dit précédemment que M. Godin avait fait fonctionner, avant de constituer légalement l’association du Familistère, un compte de participation aux bénéfices au profit de ses collaborateurs les plus dévoués.
- Lorsqu’il s’est agi de constituer définitivemeut l’association, ce compte de participation possédait 172,000 francs.
- Alors M. Godin a pu faire un contrat d’association avec les possesseurs de cette participation, qui ont formé le premier noyau d’associés ; puis il est devenu lui-même le commanditaire de l’association, sous réserve que les clauses de la commandite continsent l’obligation pour les associés d’observer les statuts du Familistère.
- Ainsi constituée, la société du Familistère échappe à tous les embarras de la législation contre les associations ; elle est régie par un contrat qui n’est révisable que du consentement des parties ; et comme ces parties, dans les clauses de la commandite, ont prévu le cas de révision, stipulant en outre que la dissolution, pour être valable, doit réunir l’unanimité des associés, ils s’en suit que les contractants sont liés d’une manière précise, et qu’ils n’ont plus qu’à se conformer, eux ou leurs héritiers, aux termes d’un contrat parfaitement défini et valable jusqu’à son échéance, en 1979.
- Les conditions de la commandite obligent M. Godin à laisser jouir les associés, pendant toute la durée de l’association, de l’usine, du matériel, des marchandises, du fonds de commerce, des capitaux en banque, comptes courants, des immeubles, etc., etc., le tout évalué à 4,600,000 francs.
- La durée de la commandite étant limitée à la durée de l’asso-
- ciation, rien ne peut la faire cesser avant celle-ci ; ear la mort n’interrompt pas plus une commandite qu’elle ne délie les parties ayant consenti un bail, un prêt hypothécaire, à moins que le contrat contienne une clause expresse à ce sujet, ce qui n’est pas le cas dans l’association du Familistère.
- Au reste, cela a été dit, il ne faut que quelques années pour que les associés aient remboursé intégralement leur commanditaire.
- Voilà l’œuvre de M. Godin. Elle est une preuve évidente, palpable, de la facilité, de la praticabilité des moyens transitoires susceptibles de nous conduire, sans secousse et sans aucun inconvénient, du régime du salariat à celui de l’association.
- Les lecteurs de ce rapide exposé d’une réalisation imposante, unique dans le monde, se demanderont peut-être comment une création si puissante, organisée par un homme supérieur, n’a pas attiré sur elle et sur son fondateur l’attention de toute la nation, au moins celle des classes laborieuses.
- Si M. Godin eût été seulement un avocat, ou bien un poète médiocre, employant sa fortune à entretenir le public de sa personnalité, il serait peut-être à cette heure l’homme le plus honoré de France, peut-être des ouvriers feraient des manifestations publiques en l’honneur de ses anniversaires. Mais M. Godin a agi au lieu de parler. L’homme qui a écrit le livre le Gouvernement a eu la simplicité de s’occuper d’inventer un coucher à l’usage des enfants de ses associés. Peut-on être mauvais français à ce point ?
- Puis, M. Godin s’était imaginé que les hommes politiques, que les grands économistes du Collège de France et des académies renommées avaient mission de constater la vérité lorsqu’elle était démontrée et d’employer leur temps à faire prévaloir sesense-gnements. Mais tous ont continué à parler vaguement, comme avant l’existence du Familistère, de mutualité, de participation, d’amélioration du sort des classes laborieuses, juste assez pour faire accroire au vulgaire qu’ils se préoccupaient de ces graves questions; ils n’ont cessé surtout de continuer à éxagérer les difficultés matérielles et incalculables de la pratique, comme si le Familistère de Guise n’était pas un fait donnant exactement la mesure des besoins à satisfaire et celle des moyens efficaces d’atteindre le but, progressivement, en tenant compte de tous les intérêts.
- Ceux qui nient l’existence de la question sociale n'ont rien à faire avec nous, pas plus que nous avec eux. Les autres, ceux qui croient à la légitimité du droit égal de tous les citoyens à la vie, et à la nécessité de chercher une organisation sociale respectueuse de ce droit, nous les adjurons de nous aider à propager les enseignements contenus dans l’admirable création du Familistère de Guise.
- Le 30 Mars 1884.
- S. DEYNAUD.
- L’un des Gérants : L. Doyen.
- uuise.— lmp, biuc
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- 8e Année, Tome 8, - n° 290 £e numéro hebdomadaire 20 e.
- Dimanche 6 Avril 1884
- LE ais ¥4Mü
- BUREAU
- A GÜISE (Aisne)
- •«^TFNA-
- Tontes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant
- Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
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- 5,r.Neuve-des-petits-Ghamps Passage des Deux-Pavillons
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- Un an. .
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- Un an. . . . 11 fr. »»
- Autres pays Un an........13 ir. 60
- S’adresser à M. LEYMAR1E administrateur de la
- Librairie des sciences psychologiques.
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES ET POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1 # — Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses. dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- 4. — Organisation du suffrage universel par Vunité de collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement général à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile;
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens ;
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter;
- La représentation par les supériorités.
- 5. Renouvellement annuel de moitié de la Chambre des députés et de tous les corps élus. La volonté du, peuple souverain toujours ainsi mise en évidence.
- 6. — Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues par le suffrage universel.
- 7. — Egalité civile et politique de l’homme et de la femme.
- 8. — Le mariage, lien d’affection.
- Faculté du divorce.
- 9. — Education et instruction primaires, gratuites et obligatoires pour tous les enfants.
- Les examens et concours généralisés avec élection des élèves par leurs pairs dans toutes les écoles. Diplôme constatant la série des mérites intellectuels et mor&ux de chaque élève.
- 10. — Ecoles spèciales, nationales, correspondantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- 11. -- Suppression du budget des cultes. Séparation de l’Eglise et de l’Etat.
- 12. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 13. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- 14. — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatérale à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dans une juste mesure, retour à la société qui a aidé à les produire.
- 15. — Remboursement des dettes publiques avec les ressources de l’hérédité.
- 16. —« Organisation nationale des garanties et de l’assurance mutuelles contre la misère.
- 17. — Suppression des emprunts d'Etat.
- 18. — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 19. — Liberté d’association.
- 20. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21. — Libre échange entre les nations.
- 22. — Abolition de la guerre offensive.
- 23. — Arbitrage international jugeant toits les différends entre nations.
- 24. — Désarmement européen.
- 25. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire.
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- LE DEVOIR
- SOMMAIRE
- A nos lecteurs. — Progrès et 'pauvreté. — Le Conseil municipal et le Familistère. — Les Syndicats ouvriers. — Aphorismes et préceptes. — Faits poli-ques et sociaux. — Propagande de la paix. — Les Récidivistes. — Ecoles. — Cordonnerie amé-caine. — Machine à voter. — Les femmes au vent. — Petite correspondance. — Etat- Civil. — Cours d’adultes. — République industrielle. — Flammarion. — Théâtre.
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d'essai.
- Si le journal n'est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir livrera franco aux abonnés des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la librairie du Familistère.
- NUMÉRO EXCEPTIONNEL
- La Librairie du Familistère a mis en vente un numéro exceptionnel du Devoir, donnant l’analyse des institutions du Familistère, de leur situation et des services rendus par elle, avec les vues du Familistère et de ses dépendances : Vue générale du Familistère. (Palais social, Usine et annexes), Vue extérieure de laNourricerie et du Pouponnât ; Vue intérieure de la Nourricerie ; les Ecoles et le Théâtre ; l'aspect d'une cour du Familistère un jour de fête.
- Prix franco :
- Un exemplaire 40 centimes.
- Dix exemplaires 2 fr. 50.
- A NOS LECTEURS
- Un contact de quelques jours avec les hommes habitués à s’occuper de politique nous a permis de constater un désarroi général dans les esprits.
- Quelques-uns comprennent qu’il faut innover pour rétablir l’équilibre social ; leur nombre est bien petit, et ils sont bien embarrassés pour agir efficacement dans un milieu aussi troublé. Les autres continuent à se mouvoir dans le gâchis, sentant que rien du passé et du présent n’est défendable; leur effarement les empêche même de s’occuper de l’avenir.
- Il est urgent de donner à ces consciences troublées le câline qui naît de la confiance en l’avenir. Mais ces hommes ne sont point à la recherche de la vérité ; ils la laisseront passer inaperçue, si on ne les contraint à l'examen des faits les plus évidents.
- Avant de chercher à surmonter l’indifférence des hommes politiques, il faut inspirer à la masse le désir du mieux être, et rien ne convient mieux pour atteindre ce résultat que la démonstration des moyens pratiques.
- C’est sous l’influence de cette pensée que nous avons publié le Numéro exceptionnel du DEVOIR. Nous demandons aujourd’hui à nos lecteurs de nous aider à propager cet exposé de faits que nul ne peut contester.
- Nos relations avec les libraires de la province ne sont pas assez étendues pour qu’il nous soit facile de généraliser la vente dans toute la France.
- Convaincu de l’utilité et de l’opportunité de notre propagande, nous n’hésitons pas à demander à nos lecteurs, que nous savons tous dévoués au progrès social, de nous aider en nous mettant en relation avec les libraires et les colporteurs chez lesquels ils se pourvoient ordinairement.
- Il n’est pas d’œuvre plus salutaire, à cette heure, que la vulgarisation des faits réalisés par l’association du Familistère.
- Trop longtemps on a reproché aux socialistes de n’avoir que des théories vagues, trop longtemps on leur a demandé des faits, pour qu’il ne soit pas du devoir de chacun de répandre
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- LE DEVOIR
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- des démonstrations aussi concluantes que celles contenues dans notre travail sur le Familistère.
- PROGRÈS ET PAUVRETÉ
- Par M. HENRY GEORGE
- I
- Sous le titre « Progress and Poverty », M. Henry. Gieorge, un américain, vient de publier à Londres un ouvrage qui, en quelques mois, s’est vendu à plus de cent mille exemplaires et a suscité en Angleterre une émotion considérable.
- Des conférences ont été faites par l’auteur eu nombre de villes, aux États-Unis comme en Angleterre ; il est même venu préconiser à Paris le remède qu’il entrevoit pour mettre fin au paupérisme.
- Le mouvement qu’il a déterminé dans l’opinion publique, en Angleterre, nous a inspiré le désir de connaître à fond sa pensée. Nous nous sommes donc procuré l’ouvrage de M. George.
- Cet ouvrage a le tort, selon nous, de ne point présenter assez vite, nettement et sans ambages, le remède entrevu par l’auteur.
- Les misères sociales frappent tous les yeux; les revendications ouvrières s’accentuent, et chacun est anxieux de savoir comment se résoudront les brûlantes questions qui se posent dans toutes les nations civilisées.
- M. George croit donner la solution du problème social en proposant la suppression de tous les impôts actuels et leur remplacement par une taxe unique sur la nu-valeur du sol, taxe égale au revenu de cette valeur même ; le sol faisant ainsi retour à l’Etat et étant dorénavant considéré comme propriété nationale, inaliénable à titre définitif par les individus.
- On le voit, cela touche de près aux idées collectivistes de notre temps, bien que M. George ait ses idées propres sur le sujet.
- Si l'on examine quelle serait, en France, la portée de l’application de la .proposition de M. George, on obtient ce résultat :
- Le revenu de la nu-valeur foncière est de 2.615.000.000 de francs; tandis que le budget de 1^84 s’élève à 3.028.524.000 de francs. Donc, le rendement de la nu-valeur du sol ne couvrirait pas les dépenses actuelles de la France.
- Évidemment, M. George est dominé surtout par Ses aspirations généreuses ; il voit les maux de la société ; il désire de toutes ses forces un remède ;
- l’iniquité de l’appropriation indéfinie et individuelle du fonds commun le frappe et cela à juste titre ; il demande alors la nationalisation de la terre, mais sans s’être rendu compte de l’insufflsaoce de son plan appliqué dans l’une ou l’autre des nations civilisées. Pour parer à cette insuffisance, on ne peut décréter tout d’un coup ni l’abolition générale des armées permanentes qui pourrait permettre de diminuer le taux des budgets, ni l’élévation de la nu-valeur foncière puisque les nations ont à rivaliser entre elles pour le bon marché des produits.
- La rente du sol nu ne peut fournir actuellement aux sociétés de quoi taire face à leurs dépenses, c’est là le premier et péremptoire motif pour déclarer insuffisant le projet de M. Henry George.
- Ce projet aurait, en outre, le grave tort de ne point remplir toutes les conditions de l’équité. D’abord il déposséderait, sans compensation, les détenteurs actuels du sol; ensuite il ne répartirait pas les charges publiques sur tous les membres du corps social en état d’y faire face. Tout homme qui occuperait une portion du sol paierait à l’Etat un loyer pour la valeur foncière affermée ainsi momentanément à son profit ; mais tous les autres travailleurs dont l’action ne serait pas basée sur l’usage du sol ne contribueraient en rien aux charges sociales.
- Ce projet, enfin, continuerait de laisser à la disposition des classes riches toutes les utilités sociales gratuites qui concourent si largement à la création des richesses, sans prélever au nom des faibles et des nécessiteux la part de biens dus à l’action de ces forces sociales.
- Si i’on rapproche du projet insuffisant de M. Henry George le projet si complet de M. Godin sur le droit d’hérédité de l’Etat dans des conditions déterminées et l’organisation de la mutualité nationale (1), on voit que c’est le projet Godin qui répond pleinement à toutes les aspirations de M. George, qui donne satisfaction aux vœux des Economistes les plus sérieusement préoccupés du bien du peuple, et qui échappe enfin à toutes les difficultés pratiques, à tous les obstacles qui ont jusqu’ici embarrassé la voie des solutions du problème social.
- M. Henry George débute par indiquer éloquemment le but qu’il veut atteindre : l’anéantissement du paupérisme et l’organisation du progrès pour tous les hommes ; puis il passe à l’examen des doctrines économiques courantes et s’efforce de donner un sens précis aux termes : travail et salaires, capital et intérêts, richesses, profits, etc. On voit que cette
- (l) Voir Mutualité nationale contre la misère, péiitiou et proposition de loi à la Chambre des députés, 1 fr. $0, chez Guillaumin, 14, rue Richelieu, Paris.
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- LE DS Y OIE
- partio de la brochure a été écrite surtout pour réagir contre les funestes conséquences de la théorie de Maltiius d’une part et, d’autre part, contre les prétentions égoïstes qui font considérer le capital comme accordant une grâce au travail en voulant bien le mettre en action, tandis qu’en réalité c’est le travail qui a créé le capital et qui l’augmente sans cesse. Bien loin donc que le capital fasse grâce au travail en voulant bien l’utiliser, c’est le travail qui utilise et féconde le capital, et la part qui revient aux ouvriers comme salaires est enfantée et au-delà par les travailleurs eux-mêmes.
- L’ouvrage de M. George est divisé en dix livres. Au début du livre VI, l’auteur indique en termes brefs et concis l’insuffisance des remèdes couramment prônés par les esprits les plus avancés.
- Les aspirations de Stuart Mill, Herbert Spencer et Henry George lui-même seraient, nous la répétons, réalisées avec le projet da M. Godin sur l’hérédité da l’Etat, sans prêter aux difficultés que soulève le projet da M. George. Ge dernier i rojet, l’appropriation sociale de la nu-valeur foncière da tout le sol d’un Etat, étant, comme nous l’avons vu, absolument insuffisant à couvrir même les frais des budgets actuels, il n’y aurait là ni le moyen de supprimer tous les autres impôts, ni celui de faire face à toutes les réformes sociales urgentes, lesquelles sont différées aujourd’hui, en France même, faute d’argent.
- M. George consacre tout un chapitre de son livra VIII à l’exposé des conditions que doit remplir, selon lui, la meilleure des taxes sociales. Un point qui nous frappe est le suivant. M. George dit :
- « L'impôt attaché à l’acte même de la production « ou à l’usage de l’un des trois facteurs décourage « forcément la production. »
- Or, M. George a posé comme facteurs de la richesse :
- 1° La terre et les forces naturelles ;
- 2° Le travail ;
- 3° La capital.
- Et il attache l’impôt unique, à quoi ? Â la nu-valeur du sel, c’est-à-dire à l’un des trois facteurs, à l’exclusion des deux autres. Le projet de M. Godin développé en son volume Le Gouvernement (1) est encore sur ce point plus complet et plus satisfaisant que celui de M. George.
- M. Godin assure à l'Etat deux modes de ressources :
- 1° Les biens tombant en la possession sociale par l’exercice du droit d’hérédité dans les conditions à fixer par la loi ;
- (1) Le Gouvernement \ vol. 8 fr., chez Guillaumin et Ge, 14, rue Richelieu, Paris.
- 2° Les fermages ou ventes à vie des biens tombés en la possession de l’Etat.
- Avec ce projet, les citoyens sont absolument libérés de tout impôt. Ceux à qui il convient de louer des biens appartenant à l’Etat le font à conditions librement débattues et acceptées ; les producteurs tou-chent le fruit intégral de leurs œuvres. C’est seulement à la mort des individus que s’exerce le droit d’hérédité nationale, et cette fois il s’applique dans des conditions déterminées et proportionnellement aux avantages sociaux dont chaque citoyen a joui. Ce qui est l’idéal réclamé par Adam Smith en ces termes ;
- « Les citoyens de tout Etat doivent contribuer aux « charges gouvernementales autant que possible » proportionnellement â leurs capacités respectives; « c’est-à-dire proportionnellement aux revenus dont « chacun d’eux jouit sous la protection de l’Etat. »
- Il est vrai qu’on a prétendu réaliser ces aspirations d’Adam Smith en instituant les multiples impôts qui. atteignent aujourd’hui toutes choses, entravent la production et la consommation et sévissent relativement bien plus sur le pauvre que sur le riche. Avec ce système on a donc marché vers un but opposé à celui indiqué par Adam Smith ; et c’est en entrant dans une voie toute différente qu’on pourra réellement « faire contribuer chacun aux « charges sociales proportionnellement à ses fa-« cultés respectives. »?
- Les excellentes réflexions que fait M. George pour justifier l’application de l’impôt unique sur la nu-valeur du sol sont en tous points applicables à l’hérédité de l’Etat et avec plus de justesse encore; les conséquences qu’il assigne à son projet seraient de même atteintes avec le projet d’hérédité nationale, puisque celui-ci comme le précédent ferait rentrer le sol à la propriété sociale et transformerait les détenteurs fonciers en simples locataires ou en propriétaires à vie, versant à i’Etat le loyer convenu.
- Une des graves critiques qu’on peut faire du projet de M. Henry George est de manquer de justesse, en ne tenant point compte de tous les éléments producteurs pour faire la part de chacun d’eux dans la répartition des produits.
- C’est ainsi qu’il ne mentionne pas les utilités sociales gratuites ; pourtant il en entrevoit l’existence mais l’idée ne lui est pas venue,comme elle est venue à M. Godin, de baser sur le concours producteur de la nature et de la Société, le droit des faibles à une part de toute production.
- Le projet de M. George a donc là une grosse lacune qui, jointe à son insuffisance comme rendement, en fait un projet véritablement insuffisant pour ré*
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- LE DEVOIR
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- pondre aux besoins et aux asp1 rations des sociétés modernes.
- M. George, après l’exposé de sou plan de réforme, se livre à des considérations éloquentes sur l’essor de production qu’entraînerait la nationalisation du soi, et sur les avantages sociaux dont bénéficeraient tous les citoyens sa is exception. Mais on aimerait à voir un peu plus exactement par quels moyens pratiques se réaliseront ces avantages. Nous lisons bien que personne ne sera plus exposé à mourir de faim et de dénûment, mais rien ne nous indique comment fonctionneront les services de prévoyance-sociale qui donneront ainsi à chacun les garanties de l’existence.
- Nous pouvons en pensée nous reporter au projet de M. Godsn sur la mutualité nationale, mais pour inaugurer cette mutualité, il faut, comme l’a démon» tré l’auteur du projet, instituer le droit d’hérédité de l’Etat, afin de se procurer les ressources nécessaires. Ce qui nous amène de nouveau à cette conclusion que le projet Godin nous donnerait et ce que propose M. George et des avantages bien supérieurs.
- M. Henry George a de hautes aspirations morales ; il n’est pas biblique comme certains journaux ont essayé de le faire entendre. Il conçoit le principe de bonté, d'amour universel comme la force des forces dans les phénomènes de la vie universelle. La morale de l’intérêt individuel ne lui paraît pas suffisante et pour prouver qu’il y a autre chose dans l’essence de l’ètre humain, il dit : « L’intérêt personnel fera « qu’un homme donnera tout ce qu’il possède, sauf « sa vie. Mais animé d’une impulsion plus noble,
- « l’homme donnera sa vie même.
- Et il ajoute :
- « Appelez cette fores, religion, patriotisme, sym-* pathie, amour de l’humanité ou amour de Dieu,
- « donnez-lui le nom qu’il vous plaira, c’est lapuis-« sance qui domine et vainc l’égoïsme, c’est l’élec-“ tricité de l’univers moral, la force devant laquelle “ tout autre force est faiblesse... »
- Plus loin, il admet avec Plutarque que « l’âme a « en elle-même un principe de bonté, qu’elle est née « pour aimer, comme pour percevoir, penser et se “ souvenir. »
- C’est sur ce principe de bonté qu’il veut voir baser la société. Aussi s’efforce-t-il de convaincre le lecteur par les touchants tableaux de paix et de sécurité sociales qui deviendraient le lot de chacun, si toutes les forces vives s’employaient au bien com-Eûun. Il fait alors ressortir le nombre de forces aujourd’hui perdues pour le progrès, stérilisées en grande partie qu’elles sont dans les écrasants et
- aveugles labeurs d’une société encore mal agencée et grossièrement outillée.
- Si ce n’était point ici sortir de notre cadre, nous dirions qu’une phrase do M. George nous semble indiquer en lui un lecteur ou un adepte de Swedenborg. Voici cette phrase : « La volonté est en nous l’es-« seuce même de la conscience. » Les doctrines de l’illustre suédois ne trouvent leur application que dans le socialisme le plus avancé. Aussi rencontre-t on des Swedenborgiens parmi les adeptes du mouvement engendré par Owen et Fourier aux Etats-Unis, comme aussi au rang des fameux 28 premiers pionniers de Rochdale.
- Dans le chapitre 2’ du livre X, M. George revient sur l’importance du domaine social intellectuel et moral qu’il considère comme la base du progrès des individus et des générations.
- « Le progrès humain » dit-il, « a lieu selon que « les efforts accomplis par une génération sont plus « ou moins complètement emmagasinés comme pro-« priété sociale pour la génération qui suivra, afin « de servir de point de départ à de nouveaux pas en « avant. »
- Quelle plus balle démonstration ferait-ou de la valeur effective du domaine social intellectuel pour la création des richesses, et de l’équité de la mesure par laquelle on attribuera aux faibles, au nom de ce concours gratuit, une part dans toute répartition de bénéfices.
- Pour M. George, la loi du progrès humain n’est pas autre chose que « la loi morale elle-même. Selon « que les institutions sociales développent la justice, « selon qu’elles consacrent l’égalité de droits entre « hommes et qu’elles assurent à chacun une liberté « parfaite limitée seulement par la liberté égale des « autres individus, la civilisation avance ».
- La liberté n’est pas, pour lui, « un vain brait « propre à amuser l’oreille, c’est la loi de justice, « de santé, de symétrie, de force, de fraternité et de « coopération. »
- Pour lui, « les conditions du progrès social sont « l’association et l’égalité. »
- Dans sa conclusion, examinant le problème de la vie individuelle, il pose cette question : « Tous les « hommes qui se sont sacrifiés pour le progrès soft ciai vont-ils au néant ? » Et il ajoute: «Non, je « ne puis le croire. La croyance en une autre
- « vie est naturelle et profonde....A quoi tient-il
- « qu’elle ait tendance à se détruire dans la société « présente ? si nous en cherchons la cause, nous la « trouvons, non dans les leçons de la science physi-« que, mais dans certains enseignements économi-« ques et politiques, dans les doctrines qui attri-
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- LE DEVOIR
- « buent la misère au jeu des lois naturelles, à la « trop grands production d’êtres humains. De tels « enseignements » selon lui, « détruisent l’idée qu’une « intelligence universelle veille à l’ordre de la na-« ture ; ils réduisent à néant le rôle de l’individu, « persuadent à celui-ci que rien dans l’univers n’a « été prévu pour son existence et que les qualités « morales ne sont que des mots.
- Pour combattre cet ordre d’idées, M. George termine en rappelant l’imperfection et les limites étroites des sens et facultés de l’être humain qui font que nous ne voyons pas même tout ce qui se passe le plus près de nous. Comment donc pourrions-nous juger sainement des faits £e la vie au-delà de la mort corporelle ?
- C’est donc par des considérations philosophiques très élevées que se termine cet ouvrage dont la portée révolutionnaire surtout a frappé les esprits.
- Pour M. George, évidemment, le progrès moral de l’être humain n’est pas moins essentiel que le progrès physique ; ce sont deux aspects d’une même évolution, mais en homme pratique il veut que l’on commence par le commencement. Aussi dit-il formellement : « Pour rendre le peuple industrieux, pru-« dent, habile, intelligent, vertueux, commencez par « le relever du dénûment. Si vous voulez que l’es-« clave ait les vertus de l’homme libre, donnez-lui « d’abord la liberté. »
- Nous félicitons cordialement M. Henry George de son excellent onvrage, et voudrions voir son livre dans toutes les mains. Il est écrit avec la passion de la vérité et de la justice, l’amour de l’humanité y éclate à chaque ligne, et si l’auteur ne conyainc pas de la justesse du remède qu’il propose, il convainc du moins de la nécessité pour tous les hommes de cœur de travailler activement à l’anéantissement des maux qui déchirent et déshonorent aujourd’hui les sociétés civilisées.
- « C’est un fait universel, » dit M. George, « qu’où « la valeur de la terre est la plus élevée la civilisa-« tion étale son plus grand luxe côte à côte avec la « plus hideuse misère. Pour voir des êtres-humains « dans la condition la plus abjecte, la plus dénuée,
- « la plus désespérée, ce n’est point dans les huttes « et cabanes des pionniers des bois ou des prairies « qu’il faut aller, mais dans nos grandes villes où la « seule propriété d’une parcelle de terrain constitue « une fortune. »
- C’est là une vérité profonde et c’est à cette misère qu’il faut aujourd’hui porter le vrai remède.
- Nos réserves étant faites, nous passons à la publication des parties les plus importantes de l’ouvrage de M. Henry George, en suivant l’ordre des
- livres et des chapitres, afin qu8 la lecteur juge par lui même de la pensée de l’auteur.
- (A suivre).
- -----SL-----------------
- Le Conseil municipal de Paris et le Familistère
- Le Conseil municipal de Paris a voté une somme de 1,500 francs pour envoyer une délégation de lOouvriers ayant mission d’étudier les logements du Familistère de Guise. Les délégués seront désignés par les chambres syndicales.
- Cette décision de la Municipalité a tous les caractères d’un acta véritablement républicain ; le conseil a voté une dépense pour une délégation utile, en laissant aux plus intéressés le soin d’en organiser les détails et de choisir les hommes selon leur préférence ; c’est ainsi que l’on devrait toujours agir dans une démocratie.
- Il est néanmoins curieux de constater que, dans une ville où la question des logements a une si grande importance, on ait attendu la dernière heure pour visiter l’institution qui a donné à notre époque le plus grand développement au logement, complété de toutes les institutions conçues par l’esprit d’association. On a passé la môr, pour étudier les maisons ouvrières de l’Angleterre ; la Belgique a vu les édiles parisiens examiner sur les lieux ses petites maisons; et l’on avait négligé de venir à Guise, à moins de 200 kilomètres de Paris, où l’on peut voir et toucher une imposante réalisation qui constitue une véritable Révolution dans le logement.
- Jamais aucun autre fait que l’œuvre de M. Godin n’a si bien justifié la vérité de cette parole que nul n’est prophète en son pays.
- Fréquemment le Familistère est visité par des étrangers de distinction; quelques journaux italiens, anglais et américains passent rarement plusieurs semaines sans entretenir leurs lecteurs des questions qui nous concernent; un roman américain inspiré par l’idée du Familistère vient d'avoir un véritable succès de librairie ; le plus grand journal du monde, le Herald, de New York, consacrait, il y a quelques temps, trois numéros à l’étude de cette association, dont il reproduisait tous les documents, tels que les statuts, les plans et les vues des bâtiments ; et jamais encore un corps public français n’avait pensé qu’il y avait peut-être utilité publique à apprécier exactement cette institution.
- Enfin, le Conseil municipal de Paris a voté les fonds pour une délégation ouvrière. Mais il ne faut pas croire que ce vote ait été unanime. La proposi-
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- tion a été combattae par des républicains, par des socialistes. Nous donnerons dans notre prochain numéro un extrait du procès-verbal de la séance du Conseil municipal, et nous apprécierons les motifs des adversaires de la nomination de la commission ouvrière.
- C’est bien une délégation ouvrière qu’il convenait d’envoyer à G-uise, puisque le Familistère a pour but de soustraire le travailleur à l’exploitation religieuse patronale, commerciale et capitaliste ; en mettant les ouvriers en possession de l’instrument de travail et en les dotant des institutions propres à les préserver des effets du paupérisme.
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- LES SYNDICATS OUVRIERS
- En Allemagne, en Autriche, les gouvernements, à l’occasion des projets de lois sur les assurances ouvrières, ont pris l'initiative de reconstituer les corporations.
- La bourgeoisie républicaine doit-elle imiter les exemples donnés par les deux monarchies autoritaires du Nord de l’Europe ? Puisque les corporations ont existé dans notre pays, sous le régime de la monarchie du droit divin, puisqu’elles sont aujourd’hui organisées par des gouvernements aristocratiques, n’y a-t-il pas dans ces faits la preuve certaine que les corporations ne peuvent exister dans une République ?
- Cette opinion prévaut généralement dans les milieux conservateurs ; on ne peut proposer l’organisation sérieuse des syndicats ouvriers sans s’entendre répondre que cela équivaut à un retour vers le passé, que nos pères savaient bien ce qu’ils faisaient lorsqu’ils ont supprimé les corporations»
- Mais nos syndicats ouvriers basés sur les pratiques démocratiques n’ont aucun des inconvénients inhérents aux corporations d’autrefois, entretenues pour maintenir les privilèges de quelques-uns. Après 1789, les corporations,à cause de leur alliance avec la réaction et surtout à cause des règlements oppressifs qu’elles imposaient à la généralité de leurs membres, constituaient un obstacle que des révolutionnaires ne pouvaient tourner ; il fallait le détruire. Ce fait n’autorise pas à -conclure que les hommes de la Révolution aient été hostiles à l’idée générale d’une alliance entre les travailleurs d’un même métier; cela serait contraire à l’esprit de la Révolution.
- Dans les lois et les institutions sorties de la Révolution française, il est nécessaire de faire une distinction entre celles qui furent votées en vue de la défensive et celles que l’on affirma à cause de leur
- valeur positive. On néglige trop souvent de tenir compte de cette différence ; et l’on considère comme définitives des pratiques provisoires adoptées en vue de résister à des dangers depuis longtemps disparus.
- Pour emporter une place-forte, le vainqueur est souvent obligé d’en détruire les remparts, ce qui ne l’empêche pas de les relever aussitôt après sa victoire, en les établissant dans les conditions les plus favorables à sa défense.
- Les corporations peuvent être un danger, lorsque, organisées par le despotisme, elles demeurent sous sa direction pour résister au progrès. Les syndicats organisés démocratiquement en vue du développement du bien-être général seront un bienfait dans la République.
- Les syndicats réclamés par les socialistes ne comportent aucune des formes hiérarchiques de l’ancien régime. Ils correspondent à un besoin d’ordre et de groupement universellement éprouvé par l'ensemble des travailleurs ; même, les nécessités de la grande production et les perfectionnements incessants de l’outillage imposent cette organisation afin d’éviter les chômages qui naissent de ces circonstances.
- Sans les syndicats on ne peut obtenir des statistiques rigoureuses, ni prévoir l’insuffisance de l’outillage d’un corps d’état, ni parer promptement aux conséquences des révolutions industrielles. Rien n’est plus utile cependant que de savoir exactement quel est le nombre de bras, de machines nécessaires à une production déterminée. Puis, à la suite de l’emploi de nouveaux procédés, n’est-il pas indispensable de connaître rapidement quelles modifications en résultent pour les travailleurs d’un corps d’état ? Que de souffrances, que de misères l’on éviterait si l’on pouvait connaître à chaque instant les fluctuations de la demande des bras dans les diverses industries. Souvent des ouvriers d’une profession endurent de longs chômages, tandis qu’un autre corps d’état ne peut suffire à la demande de ses produits. L’organisation des corps de métier d’après des bases démocratiques supprimerait les inconvénients que nous venons de signaler et procurerait tous les avantages de l’ordre.
- Mais les syndicats sont surtout nécessaires à notre époque de transition. Dans le monde politique on ne nie plus la nécessité de passer du régime de l’association à celui du salariat, mais on refuse formellement d’engager le gouvernement à favoriser de son influence et de sa puissance le mouvement associatioaiste ou socialiste ; on continue à soutenir que cette transformation doit sortir de la libre initiative des citoyens, comme si l’on ignorait que la liberté n’existe pas pour les travailleurs inconscients. Nous persistons
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- néanmoins à penser que les hommes politiques, ceux qui savent et qui peuvent être libres, doivent, au nom de la liberté dont ils se réclament, maintenir une législation permettant aux travailleurs de se grouper par métier ; et, pour être logiques avec leur situation de législateurs, ils ne peuvent se dispenser d’employer leur action gouvernementale à influencer les travailleurs en vue de hâter un groupement si salutaire.
- Il est certaines idées dont on ne conteste plus le principe, mais dont on ne peut concevoir l’application, si l’on écarte l’existence des syndicats profes-nels. La participation des travailleurs aux bénéfices rentre dans cette catégorie. Ainsi dans les grandes fabriques, où la participation est la plus facile à établir, on ne peut encore la pratiquer d’une manière suffisamment complète, pour que l’auxiliaire, l’ouvrier que l’on emploie temporairement, dont le nombre suit les variations de la demande, puisse en retirer les mêmes avantages que les ouvriers définitivement attachés à ces établissements. Tandis que si l’on suppose le syndicat professionnel organisé, il devient alors possible, à la suite d’une entente facile à trouver entre les industriels et les syndicats, de procurer à l’auxiliaire toutes les garanties données aux autres travailleurs.
- A mesure que la propriété sociale se constituera, n’est-il pas sage de penser que l’on doit chercher dans les sociétés professionnelles un élément pondérateur nécessaire pour éviter l’empiètement sur le terrain économique des éléments politiques et administratifs.
- Actuellement l’ouvrier surtout devrait comprendre la nécessité de l'organisation professionnelle, lorsque son isolement le met dans l’impossibilité de se défendre contre les conséquences du salariat. Chaque fois qu’il subit une injustice, ses protestations et ses résistances individuelles passent inaperçues. Pour que la société se soit arrêtée à l’examen des scandaleuses prétentions des administrateurs de la compagnie d’Anzin, il a fallu que 10,000 hommes se soient déclarés solidaires avec les 144 que l’on voulait affamer, parce qu’ils étaient socialistes ; comme cette manifestation des mineurs aurait été plus imposante et la victoire plus facile, si elle avait été précédée de l’organisation corporative.
- Le groupement corporatif doit être large à tous les points de vue ; il ne doit exclure ni la politique, ni la propriété ; il rendra des services dans l’administration générale du pays, parce qu’il sera toujours prêt à faire connaître les aspirations et les besoins de ses membres; mais il ne sera réellement puissant, que d’autant qu’il jouira de tous les droits accordés
- à chaque individu, c’est-à-dire qu’il pourra devenir propriétaire au même titre que les particuliers.
- Tous les motifs, que Ton pourrait alléguer contre l’accumulation des biens et des capitaux dans les mains des syndicats ne résistent pas à un examen sérieux. Cette accumulation est un véritable danger, lorsqu’elle est accordée exceptionnellement à un groupe à l’exclusion des autres, ou bien lorsqu’elle attribue une propriété spéoiable à chacun d’eux. On constitue alors des monopoles dangereux.
- Les adversaires des chambres syndicales ouvrières, ceux qui parlent sans cesse de la nécessité d’éviter les groupements susceptibles d’accaparer une partie de la fortune publique, ne réfléchissent pas que cet accaparement ne sera pas possible par le fait que tous les corps de métier auront les mêmes droits ; au reste, au-dessus de ces groupes, existera toujours la loi générale s’inspirant des besoins de l’universalité des citoyens.
- On peut aider à organiser des syndicats, sans craindre qu’il s’en crée un seul aussi dangereux que l’association des agents de change, si ardemment défendue par les adversair-s des groupements ouvriers. Ce groupe réunit cependant tous les abus et les privilèges accordés p la monarchie aux anciens corps de métier, avec cet aggravation qu’il existe à l’exclusion de tous les autres.
- Il y a soixante hommes à Paris qui ont le monopole des affaires de bourse ; ils se recrutent eux-mêmes, et le ministre ne rend le décret de nomination que d’autant que celui qu’il vise a été agréé par la corporation ; chaque titulaire peut être censuré, révoqué par un vote de ses collègues ; il est interdit à chacun des membres d’introduire dans ses opérations aucune modification ou innovation nuisibles aux intérêts de la corporation. Chaque année les agents de change fixent le taux des commissions qu’ils prélèvent, et nul ne peut consentir aucun rabais. IVaprès le Journal des Economistes, la corporation des agents de change effectue une quantité de négociation s’élevant à 48.000.000.000 environ et lui laissant un bénéfice net de 48.000.000, soit 800.000 francs pour chaque charge. Plus la grande industrie augmente le nombre des valeurs de Bourse, plus l’Etat emprunte, plus nombreuses deviennent les opérations des agents de change, et plus augmentent leurs bénéfices. En 1815, il y avait 5 valeurs inscrites à la côte; en 1830, 39 ; en 1848, 130 ; en 1852, 126 ; en 1883, 783 ; et il reste toujours 60 seigneurs du change 1
- La monarchie, à aucune époque et en aucun pays, n’a jamais soutenu une corporation réunissant des privilèges aussi considérables et un monopole auss
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- dangereux au point de vue de la fortune publique. Et ce sont tous les défenseurs de pareilles institutions qui se montrent les adversaires les plus résolus des syndicats ouvriers organisés selon les idées de justice et d’égalité, tels que les proposent les socialistes.
- Les socialistes veulent des groupes corparatifs soumis à la loi commune et toujours ouverts; ils sont indispensables à cette heure, parce que le travailleur a besoin de résister aux excès du patronnât, parce qu’ils facilitent la période de transition, parce que, dans une société organisée, ils contribueront au maintien de l’ordre dans la production, comme ils seront une affirmation de la solidarité humaine.
- APHORISMES ET PRÉCEPTES SOCIAUX
- XXXV
- LES GRISES DU TRAVAIL
- Pour éviter les chômages et les crises de l’industrie, il faut laisser aux masses ouvrières la possibilité de consommer autant que de produire; il faut organiser la mutualité nationale assurant à chacun la satisfaction des besoins de la vie, donnant à tous les garanties de l’existence ; il faut laisser aux travailleurs les bénéfices résultant de leur travail.
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- IL g N cireonseriptlons électorales parisiennes. — L'esprit gaulois avait trouvé l’histoire d’un gendre suffisamment cuisinier pour faire avaler à sa belle-mère une semelle de pantoufle, en guise de bifteck; le spirituel nouvelliste,auteur de ce récit, avoue cependant que dame belle-mère trouva le monceau un peu dur ; néanmoins il fut avalé. Ce tour de force, ou de cuisine, n’est rien à côté de la farce que les marmitons politiques voudraient jouer à la bonne ville de Paris. Il est certain que la chose n’est pas facile, si l’on en juge par le nombre de fois que les meneurs de cette mauvaise plaisanterie s’y sont repris sans pouvoir parvenir à trouver â quelle sauce Paris sera mangé par Belle-Mère Réaction. Voilà cinq ou six fois que le projet d’organisation des sections municipales de Paris va et vient du Sénat à la Chambre, de la Chambre à la Commission, et de la Commission à la Chambre, sans que nos législateurs puissent s’arrêter à un vote définitif. Enfin,les pror fonds politiques de la Chambre basse ont accepté la sauce Fioquet : on coupera Paris en quatre tronçons, le plus tard possible, et l’on espère que par une brusque et vigoureuse attaque on pourra gober les électeurs, avant qu’ils aient eu le temps de se mettre en travers. Faut-il encore que ce projet plaise au grand Conseil des Communes.
- 11 aurait peut-être été plus sage et plus digne de dire simplement qu’il était déplorable de voir des hommes ‘politiques commettre cette faute énorme d’attendre la veille des élections municipales pour fixer comment se
- fera cette manifestation du suffrage souverain. Mais il s’agit de Paris ; pourquoi prendre au sérieux des politiciens qui confondent Paris et Fouilly-les-MarmoUes.
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- Des explications nécessaires. - Plusieurs grands journaux, notamment la France, ont publié que le préfet de Bordeaux avait été mis en disgrâce pour avoir refusé de se prêter à de honteuses spéculations, tendant à exploiter des affaires d’intéiôt public au profit . de quelques financiers. Ün attribue a l'intervention de | M. Raynal le remplacement du préfet de Bordeaux par • M. Schnerb, ancien directeur de la sûreté ; le nouveau | titulaire a des états de services qui doivent médiocre-I ment flatter ses nouveaux administrés. Le gouverne-| ment doit des explications; il ne manque pas d’interpel-[ lateurs sur mesure; c’est le moment d’en faire sortir un.
- i JL.» dette Tunisienne. — Le bey de Tunis ne trouve plu» à emprunter, même à 25 0/0 ; c’est dire que les porteurs des titres de la dette tunisienne n’ont pas une garantie, bien sérieuse. Aujourd’hui, les 75 000,000 de fonds tunisiens, s’ils n’avaieut ia perspective d’être passés au grand livre de la dette française, ne vaudraient pas 75 francs ; demain, lorsque la Chambre aura voté ce projet, les créanciers du bey auront une valeur réelle de 75,000,000. Nous ne demanderons pas aux économistes si ces bénéfices si facilement acquis résultent du travail de ceux qui vont les encaisser ; nous n’avons aucun doute à cet égard ; noire curiosité ne va pas au-delà de savoir si les partisans de cette affaire ont fait un travail loyal, honnête, patriotique !
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- Ln presse parisieaue. — Campi, l’assassin Campi, a eu le monopole, pendant une quinzaine, d’être l’objet de la préoccupation dominante du journalisme parisien. Il est inutile de faire la statistique des kilomètres de copie rédigée et publiée à l’occasion de ce misérable. Il vaut peut-être mieux rappeler à nos confrères — le résultat ne sera probablement pas meilleur — que la dignité du journalisme n’a rien à gagner à ces excès d’informations malsaine^. Si l’on avait accordé à l’examen d’une réforr . sociale le dixième de la publicité prodiguée à ce m< -de peu intéressant, on aurait certainement travaillé fructueusement en vue de l’amélioration de la situation générale. On répondra à cela que la clientèle du journai quotidien est friande de ces détails. Cependant, si les rédacteurs refusaient cette marchandise, ils finiraient bien par habituer le public à s’en passer.
- JLest privilégies militaires. — Le général Campenon renonce à son projet de demander l’égalité du service militaire ; il accepte uu amendement qui a pour but d’élever ia proportion des sursis d’appel en faveur des jeunes gens qui se destinent aux carrières libérales, aux écoles du gouvernement et aux écoles d’agriculture. Résultat définitif : un privilège en plus. Toutes les réformes commencent par un projet républicain ; elles finissent inévitablement par une aggravation du favoritisme : Le prestige de l’armée ne gagnera rien à ces variations de son grand chef.
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- La grève d’Anzin. — Les mineurs d’Aczin continuent à résister aux féodales prétentions des orléanistes possesseurs des actions de cette société minière. La fermeté et l’énergie des mineurs est vraiment remarquable ; rien ne peut les faire départir de leur virile résolution de prolonger la lutte sans se laisser entraîner par les provocations de la misère et des agents au service de la compagnie. Un habitant de Valenciennes, un témoin de cette résistance héroïque nous disait quelles sympathies avaient éveillées dans les classes aisées la sagesse des mineurs; tous admirent avec quelle résignation et quel empressement ces ouvriers et leurs familles acceptent les travaux et Les corvées de
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- tout ordre pour gagner quelqu’argent et diminuer d’autant les prélèvements à réclamer à la caisse des secours, on cite des familles qui acceptent de vivre avec une dépense quotidienne de 25 centimes pour chacun de ses membres. Mais rien ne montre mieux la volonté des grévistes que le fait d’avoir su conserver leur sang-froid en présence d’arrestations arbitraires ; car les représentants du gouvernement, sous prétexte d’attentat à la liberté du travail, ont arrêté des innocents, puisque ceux qu ils ont conduits à la barre du tribunal de Valenciennes ont été acquittés par le tribunal. M. Paul Fou-cart, avocat à Valenciennes, a vigoureusement disputé ces victimes de la rtpacité capitaliste, aux i-évérilés de la magistrature trop souvent disposée à considérer,comme coupables.les citoyens qui défendent leur liberté contre l’iiitolérance des féodaux de la finance.
- Cette attitude des grévistes d’Anzin marque une date nouvelle dans l’histoire des revendications prolétariennes. Les travailleurs qui savent résister avec calme aux entraînements d’une défense légitimeseront bientôt mûrs pour l’offensive ; nous voulons parler de celle qui convient à des hommes libres, jouissant du suffrage universel ; vaincus ou victorieux, les mineurs lorsqu'ils seront revenus au travail, couserveront cet esprit de discipline acquis pendant la lutte, et ils comprendront qu’en en faffant l’application cunstarte dans les manifestations fréquentes de la vie politique, iis pourront obtenir de l’Etat, de la société, les garanties socia»es qu’ils ne pourrontjamais rencontrer dans 1 industrie patronale.
- Il n’y a pas que l’attitude des mineurs qui mérite de fixer l’attention ; on voit des hommes des classes privilégiées proclamer le bon droit des grévistes et les aider de leur fortune ; parmi les souscripteurs on remarque les dons de 5.0U0 francs de M. de Taleyrand-Perigord, et de 10,000francs de M Jumel de Noireterre. La réaction, affolée de se voir abandonnée de ceux qui par le nom et le privilège de la fortune sembleraient devoir être complices de ses excès, ne manquera pas d'accuser de trahison ou d’ambition malhonnête les nouveaux alliés du prolétariat. Nous ne chercherons pas â approfondir les mobiles de ces concours inattendus ; nous nous rappellerons que, parmi les hommes les plus ardents à propager le mouvement philosophique d’où devait sortir la Révolution de 89, on en comptait beaucoup appartenant par leur naissance aux classes privilégiées; et, pendant la période héroïque, nos pères ont été heureux de compter au nombre des plus vaillants défenseurs de l’idée démocratique ies de Mirabeau, de Lafayett^, de Robespierre, de Si-Just, et tant d’autres illustres révoltés contre les privilèges de leur classe. Nous ne voulons pas examiner dans quelle mesure ces alliés de la bourgeoisie tinrent compte de la raison et de la justice dans leur manière de servir notre première République ; il nous suffit ue déclarer maintenant que jamais on a douté de leur sincérité. Pourquoi n’y aurait-il pas dans les classes élevées des hommes assez justes ou assez intelligents pour comprendre que la Révolution, arièiée à l’émancipation du Tiers-Etat, n’a pas achevé son œuvre 7 It nous semble au contraire qu’il devrait se rencontrer chez ies descendants des vaincus de 89 des hommes capables de comprendre que leur défaite était méritée et qu’elle est irréparable pour eux ; et lorsqu’ils ont fait cette première constatation, pourquoi, logiques jusqu’au bout, ne reconnaîtraient-ils pas que leur défaite ne peut conserver son caractère de justice que d’autant que leurs dépouilles resteront la propriété de la nation toute entière ? Nous ne disons pas au peuple de se livrer aveuglément à ces nouveaux venus ; mais il ne faudrait pas écarter ces concours par des suspicions exagérées. Que le peuple le sache, il manque de deux qualités essentielles à son émancipation ; il ne possède pas le capital et il n a pas une capacité administrative suffisante ; qu’il cherche ces deux qualités partout où elles se trouvent, pourvu qu’elles soient inséparables d’une boDLêieté incontestable. Car il ne suffit point pour mériter ta confiance du peuple de lui jeter en pâture le prix d’un chevai de race ou l’équivalent de ce que l’on donne à une horizontale en renom
- après une nuit d’orgie. Ces largesses ne suffisant pas ; ceux qui les ont faites sont puissamment riches ; ils sont pessesseurs d’immeubles, de propriétés, d’industries, rien ne s’oppose à ce qu’ils dotent les travailleurs qui concourent à l’édification de leurs fortunes d’institutions devant précéder et préparer l’intervention sociale en faveur des déshérités. Le prolétariat doit serrer les rangs, mais pas assez pour empêcher de venir à lui ceux qui seront disposés à prouver leur bonne foi par des services comparables à ceux dont nous venons de parler.
- Mùntensnt la généralité des travailleurs doit son obole à ceux qui, en défendant son indépendance ont relevé le drapeau du salariat tout entier. Il ne faut pas laisser succomber les grévistes d’Anzin que le patronnât vient de frapper d’une manière si cruelle, en voulant diminuer leur salaire, en les privant de leur liberté politique, puisqu’on a renvoyé les mineurs qui avaient souscrit aux frais rte l’élection d’un des leurs, en chassant de la mine des citoyens résolus de mettre en pratique le droit d’association qui caractérise la supériorité de la race humaine.
- Jamais nous n’avons été partisan systématique de la grève ; nous voudrions voir le prolétariat assez prévoyant pour se maintenir constamment en action sur le terrrain politique. Mais la légitimité des griefs des mineurs d’Anzin, leur froide résolution, la misère qui les dévore, l’insolence de la réaction, tout nous porte à faire acte de solidarité avec tant d’infortunes. La population toute entière du Familistère a été profondément ému par la malheureuse situation de ces salariés ; déjà des listes de souscriptions ont été spontanément couvertes de signatures dans lesateliers de l'association; demain aura lieu au Théâtre du Familistère une conférence publique au profit des grévistes. La, nous déclarerons au représentant des mineurs la sincérité de notre concours ; mais nous i adjurerons de tenter de faire comprendre à ses camarades, loisque la grève sera terminée, que le devoir du travailleur est d’être moins insouciant de la chose publique et de savoir prévoir, à temps, quelles institutions sociales ils doivent légalement exiger pour éviter ces tourmentes désastreuses à la prospérité publique, et
- dont ils supportent en définitive la part la plus lourde.
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- Ln prostitntioa à Paris* et la loi. — A
- la suite de faits de prostitution clandestine constatés dans certaines boutiques sises passage Yerdeau, galerie Yivienue, rues Grétry, Le Peletier, la Fayette, de Provence, Geoffroy-Marie, le» propriétaires ou principaux locataires ont été poursuivis devant le tribunal de simple police pour avoir loué à des femmes qui, sous prétexte de vendre de la parfumerie, des cravates, des gants, des parapluies (!), se livraient... à un tout autre genre de commerce.
- Qn invoquait contre eux l’article 2 de l’ordonnance du 6 novembre 1778, ainsi conçu :
- « Défendons à tous propriétaires et piincipaux locataires des maisons de cette ville et faubourgs d’y loger, ni sous-louer les maisons dont ils sont propriétaires ou locataires, qu’à des personnes de bonne vie ou mœurs et bien famees, et de souffrir en icelles aucun lieu de débauche, à peine de 500 livres d’amende. »
- Mais les prévenus ont soutenu que cette ordonnance a été abrogée, et le juge de paix leur a donné gain de cause ;
- « Attendu que l’ordonnance de 1778 est abrogée par l’usage contraire ;
- » Qu’elle enjoignait aux propriétaires ou principaux locataires de ne pas louer à des filles publiques ; mais « que les filles publiques était tolérées à Paris et, par * cela même, autorisées à se loger, à Paris, les proprié-» taires ou principaux locataires ont incontestablement » la faculté de louer à des filles publiques ;
- » Que d cider autrement, ce serait porter arbitrairement atteinte à leur droit de propriété, de même si l’on faùait revivre une ordonnance ou 8 novembre 178 i défendant à tous marchands de vendre, louer ou prêter à des femmes de débauche des hardes, vêtements ou ajus-
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- temeuls pour se parer, à peine de 300 livres d'amende ;
- * Que, d’ailleurs, la cour de cassation, par arrêt du 18 juillet 1857, a reconnu que l’autorilé municipale excédait ses pouvoirs en interdissant à tout propriétaire de louer aucun appartement aux femmes de mauvaise vie... >
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- JLyoée» fie fille». — Depuis deux ans et demi seulement qu’elle est promulguée, la loi sur l’enseignement secondaire des jeunes filles a déjà donné d’imoor-tants résultats, que nous sommes en mesure de faire connaître.
- A la date d’aujourd’hui, il existe :
- 10 lycées de jeunes filles, comprenant 1,322 élèves ;
- 13 collèges de jeunes filles, comprenant 1,649 élèves ,
- Soit, au total, 23 établissements, renfermant 2,971 élèves. Il y a donc une moyenne de 130 élèves par établissement.
- 8 nouveaux lycées et 8 nouveaux collèges vont être ouverts, à savoir :
- Lycées : Le Havre, Nice, Roanne, Saint-Etienne, Bourg, Marseille, Gharleville et Montauban.
- Collèges : Saint-Quentin, Tarbes, Béziers, Gastelsar-rasin, Bergerac, Valence, Sedan et Bar-le-Duc.
- Trop de casernes !
- ALLEMAGNE
- L’Allemagne est menacée d’une crise intérieure. Il est hors de doute que M. de Bismarck a demandé à être remplacé de ses fonctions de ministre. L’empereur n’a pas encore pris de décision. On pense généralement que la retraite du prince de Bismarck ne sera pas de longue durée.
- ESPAGNE
- Une commission espagnole, composée d’officiers de toutes armes, assistera aux manœuvres militaires qui doivent avoir lieu à Berlin au mois d’août.
- ANGLETERRE
- La situation en Egypte est loin de s’améliorer.
- Tous les journaux continuent à déplorer la mort du duc d’Albany et les malheurs privés de la famille royale. La mort d’un prince épileptique, survenue dans un moment de folie, ne nous empêche pas de penser à ces robustes travailleurs que les princes et les dirigeants font tuer au Tonkin et en Egypte.
- PROPAGANDE LA PAIX
- Nous avons dit plusieurs fois qu’il suffisait de rencontrer en France quelques centaines d’hommes d’action pour faire avancer la question du désarmement. Dans un canton de la Haute-Loire,notamment, un de nos abonnés a recueilli 57 adhésions depuis le mois de février. Quelle imposante manifestation de la volonté du peuple se serait déjà produite, si nous avions rencontré dans chaque canton de notre pays un nombre égal d’amis de la paix. Cependant partout la situation morale est la même ; ce qui manque généralement est l’homme d’initiative assez courageux pour chercher les bonnes volontés et les décider à avouer publiquement leurs aspirations vers tout ce qui peat contribuer à développer la prospérité générale.
- Notre correspondant nous informe que l’opinion publique dans cette partie de la France est favorable à notre propagande pacifique, que les premières sympathies qu’il nous a traduites ne sont que le prélude d’un mouvement plus général auquel s’associeront les hommes de tous les partis.
- Le groupe d’Allègre est définitivement constitué ; bientôt plusieurs communes posséderont des groupes locaux disposés à servir la cause d8 la paix.
- Les citoyens d’Allègre ont adopté les considérants suivants reproduits sur un bulletin d’adhésion que doit signer chaque nouveau membre :
- « Considérant que la législation, tant civile gue » religieuse, de tous les pays civilisés, ou se disant « tels, interdit avec raison aux particuliers de se « faire justice eux-mêmes :
- « Que l’opinion publique, d’accord en cela avec la « législation, accorde partout la plus grande somme « de considération aux citoyens dont la conduite u journalière est la plus conforme à ce principe « fondamental de toute société ;
- « Qu’il ne peut pas y avoir deux manières de se « faire rendre justice, une pour les sociétés et une « autre pour les membres de '’es sociétés, attendu « que ceux-ci n’ont pu mettre en commun que les « droits qu’ils possédaient eux-mêmes.
- a Déclare adhérer au principe de l’arbitrage subs-« titué à la guerre pour le règlement des difficultés « internationales.
- Cette formule précise pose suffisamment le principe de la paix sans y mêler aucune considération susceptible d’engager le signataire sur d’autres questions plus controversées. Car, il faut le reconnaître, l’amour de la paix existe dans le cœur de la grande majorité des citoyens ; et ce sentiment aura une pleine satisfaction lorsque chacun de ceux qui la partagent consentira à se concerter avec les autres pour déclarer publiquement ses aspirations pacifiques.
- Nous tenons gratuitement à la disposition des citoyens désireux de former des groupes des bulletins conformes à ceux adoptés par nos amis d’ALLÈGRE.
- Adhésions aux principes de la Ligue de la Paix
- Mesdames,
- Laglier, Marie-Anne, 1, Rond-Point de Plainpalais, Genève.
- Bemadot,Angélina-Marguerite,au Familistère de Guise. Tinayre, au Familistère de Guise.
- Messieurs,
- Déchelle Louis, maréchal-ferrant, à Monlet.
- Gisclon François, propr.étaire, à Allègre.
- Martin Raymond, négociant, à Al.ègie.
- Beignet Anoré, propriétaire,au Besse par Allègre. Beignet Claude, propriétaire,à Maiiet par Allègre.
- | André Jacques,charron,à Mouiis commune de Yernassal.
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- LE DEVOIR
- Malhomme Claude, propriétaire,au Mallet par Allègre. Moury André, propriétaire, à Monteyre par Allègre. Prud’homme Charles-LouL, 52, rue de Pbalsbourg. Hergot Auguste, ingénieur, au Familistère de Guise. Gardy Louis, négociant, rue des Moulins, à Genève. Ambrogy Paul, à Ile-Rousse, Corse.
- Nicolas Joseph, au Familistère de Guise.
- Baker Alphonse, à Bar-le-Duc, Meuse.
- Carpentier Eugène, 23, rue du Cosmorama, à St-Pierre-lès-Calais.
- Garen Etienne, 6, rue de l’Evècbé, à St-Quentin.
- Davin Joseph, ex-directeur uu journal le Mont-Atlas, à Oran.
- Lescure Jules, ancien déporté dm 2 décembre, à Oran. Bordères Jean-Joseph,ancien notaire, à Montréjeau (Htes-Pyrénées).
- Templier Louis, à Ry (Seine-Inférieure).
- Olivier Louis, au Familistère de Guise.
- Lerl mp Léonard, au Familistère de Guise.
- Lobstein Jean, ingénieur, 168, rue Saint-Amand,à Anziu (Nord).
- Ponteil Guillaume, 21, rue St-Etienne, quartier Valbour-din, à Toulon.
- Vodoz Auguste, directeur gérant du journal Lumière et Liberté, 12, rue Paquier.
- Barre Léon-François, à Guise.
- Bourgeois Henri*marchan 1 quincaillier,à Sélif (Algérie). Braillon Eimona-Louis, au Familistère de Guise.
- Jamart Auguste, mouleur, au Familistère de Guise. Féret Eustaehe, à Hannapes (Aisne).
- Génot Camille, employé, à Hannapes (Aisne).
- Lescot Honoré,agence agricole,à Margny-les-Compiègne, Soulier Félix, propriôtaii e, 4 Salette par Allègre.
- Blanc Eugène, négociant, à Allègre.
- Connac Etienne, propriétaire, à Allègre.
- Tavernier André, propriétaire, à Monlet.
- Fouilly Paul, propriétaire, à Collât, canton de Paulha-guet.
- Bonnaud-Tavernier, négociant, à La Chaise-Dieu. Ma’homme Jean-Pierre, propriétaire, Bonharmes, à par Monlet.
- De Ronchelimagoe François, entrepreneur, à AlLègre. Allemand Jean, maître plâtrier, à Allègre.
- LES RÉCIDIVISTES
- Le projet de loi contre la récidive qui vient d’être voté par le Sénat, sur la proposition de M. Bérenger, a la rare fortune de ne mériter que des éloges.
- Partant de ce principe qu’il vaut mieux prévenir que réprimer, l’honorable M. Bérenger s’est préoccupé d’amender le prisonnier en lui faisant entrevoir, comme prime de sa bonne conduite, l’espoir d’une libération anticipée.
- Grâce à un sysième ingénieux de punition et de récompenses, le condamné peut, s’il s’est bien conduit, être mis conditionnellement en liberté après avoir subi la moitié de sa peine.
- Ce n’est pas tout : une des causes les plus fréquentes de la récidive est l’impossibilité pour le criminel de faire oublier son passé. La peine survit à l’expiation et à la flétrissure morale est indélébile.
- Il existe bien, il est vrai, dans la loi le principe de la réhabilitation.
- Mais la loi est faite de telle façon que le condamné est à peu près réduit à l’imposibilité de se rehabiliter.
- Le code d’instruction criminelle exige qu’il ait habité pendant trois ou cinq ans dans le même arrondissement, et au moins deux ans dans la même commune, et qu’il apporte des attestations délibérées
- et votées par les conseils municipaux de toutes les résidences qu’il a occupées depuis sa libération.
- A cette enquête administrative succède une enquête judiciaire dont les lenteurs équivalent souvent à un ajournement indéfini.
- M. Bérenger modifie grandement toutes ses formalités. Il propose que l’avis du conseil municipal soit remplacé par celui du maire.
- Il supprime l’obligation de résidence dans un même arrondissement ou dans une même commune.
- Il remédie à la lenteur des opérations de la justice.
- Il autorise les tribunaux à accorder en cas d’insolvabilité constatée, la réhabilitation en faisant remise des frais de procédure.
- Enfin il donne à la réhabilitation son véritable caractère, celui d’une amnistie qui efface non-seulement les conséquences de la peine, mais la peine elle-même:
- Le Sénat s'est honoré en adoptant ces mesures si véritablement libérales et humanitaires.
- Il constitue ainsi la tradition inaugurée par la convention et reprise par la République en 1848.
- De même que le mépris de la vie humaine est le fond de toutes les constitutions monarchiques, la base de la République, c’est l’amour de l’humanité.
- ÉCOLES DD FAMILISTÈRE
- Devoir de Morale
- VA ffectîonnel
- On a jusqu’ici examiné cinq sens, cependant certains physiologistes, entre autres M. Godin, en ont découvert un sixième qui est l’affectionne!. L’affec-tionnel est un sens qui nous porte à aimer et à rechercher les satisfactions dans les choses qui nous sont extérieures. On ne pense pas que i’affectionnel ait un organe spécial mais son siège est au cerveau.
- L’affectionnel pousse les êtres de toute classe à rechercher le milieu qui leur plaît le plus, à se reproduire et à rechercher ceux de leur espèce.
- Chez l’homme il est perfectionné par une bonne éducation et tend à subordonner l’égoïsme à l’altruisme. Ceux qui ont ce sens bien développé, affectionnent leurs semblables plus qu’eux-mèmes. L’homme n’est pas toujours maître de son affection, mais il ne doit pas faire de mal à ceux qu’il n’aime pas, au contraire, il doit tâcher de les aider et surtout d’être juste envers eux.
- M. Godin considère les formes du crâne comme étant subordonnées à celles du cerveau. En conséquence, le développement de l’os occipital indique que la partie du cerveau où siège l’affectionnel, est développée ; ce qui est le signe de l’attachement que nous avons pour les êtres et pour les choses au | milieu desquels nous vivons.
- ! Aristote croyait que l’organo du sens affectionnel
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- LE DEVOIE
- était le cœur, et la plupart des philosophes jusqu’à nos jours ont partagé son erreur.
- La faim, la soif, l’amour maternel, l’attachement, le courage, les penchants vers certains métiers font partie de l'affectionne!.
- Mais ce qui est tout à fait particulier à l’homme, c’est le rire
- Il est à remarquer aussi que l’amour maternel que l’homme partage avec les animaux est bien plus développé chez l’homme.
- Dallet Marie, Agée de II ans.
- LA CORDONNERIE EN ÂMÉIQUE
- Les documents suivants sont tirés du rapport du délégué ouvrier de la cordonnerie à l’exposition de Boston. Ces renseignements et l’hypothèse certaine que les mêmes faits se produisent progressivement dans tous les pays neufs sont une explication irréfutable de la situation difficile de la plupart de nos industries privées des débouchés de l’exportation ; ils prouvent aussi qu’il y a nécessité à orgamser notre production selon les besoins de nos nationaux, puisque nos produits cessent d’être demandés chez les peuples étrangers devenus à leur tour producteurs.
- Les Etats-Unis possèdent :
- 17,972 ( établissements de cordonnerie, disposant d’un capital de 272 millions de francs et d'un matériel évalué à 574 millions. Leur production annuelle est de 984 millions.
- Le personnel ouvrier se décompose ainsi : 105,000 hommes au-dessus de seize ans ; 25,000 femmes au dessus de quinze ans et 4,000 enfants, La totalité des salaires annuels serait de 255 millions. Les hommes gagnent une moyenne de 7 francs par jour, les femmes 4 fr. 50 et les enfants 2 fr. 30.
- Le seul Etat du Massachusets absorbe la moitié de la production de chaussures des Etats-Unis. Ou y compte 1,532 fabriques, occupant 65,500 ouvriers des deux sexes, produisant annuellement 87,000,000 de paires d’une valeur de 525 millions, ce qui mettrait la paire, à un prix moyen de 6 francs.
- Le délégué a particulièrement étudié la fabrication delà ville de Lynn, voisine de Boston. Ce centre manufacturier qui en 1830, comptait 6,000 habitants, a vu sa population s’élever progressivement à 45,000 âmes. Elle renferme 175 fabriques de chaussures occupant 10,800 ouvriers qui, à eux seuls, pourvoient au cinquième de la consommation des Etats-Unis. Les ateliers sont vastes, bien aérés et admirablement outillés. L’introduction de la machine dans la fabrication date de 1840, mais elle a pris de l’extension principalement depuis une vingtaine d’années. Le travail est divisé en une infinité de spécialités ; on n’en compte pas moins de vingt-cinq pour la partie du pied et de quinze pour la partie de la tige. La plupart des machines employées sont connues dans l’industrie parisienne. Le délégué en a cependant remarqué une qu’il n’avait pas encore vue en France ; elle sert à faire le chevillé en bois, perce le trou et enfonce la cheville avec la rapidité d’une machine à coudre. Une autre coud les boutons, une
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- troisième pique la tige ; enfin une dernière va chercher le talon, le cloue et le redresse avec une rapidité telle, qu’un seul ouvrier peut poser jusqu’à 400 paires de talons par jour.
- Cette spécialité, étant la mieux groupée, est celle qui maintient le mieux ses prix. On y travaille aux pièces, et. le travail s’élève à environ 60 fr. par semaine. Les femmes gagnent 40 fr., les enfants 20 à 25 fr. Pour le salaire du pied, on n’emploie que des hommes ; les femmes et les enfants s’appliquentdans des spécialités de la tige.
- Presque toute la chaussure de Lynn est cousue, peu de vissée.
- Les contre-maîtres gagnent de 80 à 100 francs par semaine, embauchent et remercient les ouvriers, qui doivent compter avec trois ou quatre mois de chômage par année.
- Voici quelques prix de façon : les bottes pour hommes en veau ciré avec liège, se vendant 75 fr., sont payées 10 à 12 francs pour le pied, et 20 à 25 francs pour la tige; bottes d’homme, pied ordinaire, 15 fr. ; bottines d'homme ou de famine, 15 fr. ; botti- * nés talons Louis XV, se vendant 60 fr., sont payées 20 à 25 fr. ; on en fait très peu.
- La chaussure est bien conditionnée par des ouvriers venant surtout d’Allemagne et d’Angleterre ; fort peu viennent de France. Les cuirs sont généralement inférieurs aux cuirs français Le cuir rouge vaut de 2 fr. 80 à 3 fr. le kilo ; le blanc, 4 fr. 25 à 4 fr. 50 Le veau coûte 7 fr. 50 à 8 fr. la pièce, la deuxième qualité 6 fr. 80 à 7 fr. ; le veau mégis 90 à 100 fr. la douzaine ; la petite vache, 3 fr. le mètre carré ; la petite vache mégis, 18 à 26 fr. la pièce ; la chèvre, 6 fr. la pièce On emploie beaucoup une peau appelée mokjs, produite par nn métis d’agneau et de chèvre et remarquable par sa solidité.
- Les journaux qui ont donné le renseignement suivant, l’ont annoncé sous le nom de nouvelle machine à voter, nous rectifions cette désignation et nous dirons une nouvelle machine à recueillir les votes, afin de ne pas encourager une concurrence déloyale.
- La sous-commission du bureau de la Chambre, qui a été chargée d’étudier un nouveau mode de votation destiné à supprimer les abus qui se sont produits dans les derniers scrutins publics, a entendu hier M. Joliy , architecte de la Chambre. Elle s’est arrêtée à un appareil dont voici les principales dispositions :
- La nouvelle urne sera divisée en deux compartiments par une cloison verticale.
- Chacun de ces compartiments, dont l’un est destiné aux bulletins pour, l’autre aux bulletins contre, sera muni d’un orifice d’admission de forme distincte, de manière à empêcher l'introduction d’un bulletin dans le compartiment auquel il ne serait pas destiné, en même temps que l’introduction simultanée d'un grand nombre de bulletins au nom des députés absents.
- Les nouveaux bulletins auront la forme d’un jeton métallique.
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- L’intérieur de l'urne sera capitonné en cuir pour amortir le bruit pour le dépouillement du scrutin.
- Il suffira de vider successivement les deux compartiments, où le partage en pour et contre sera déjà opéré par le fait même du vote, et de jeter chaque lot de jetons dans une balance spéciale.
- Chaque jeton pesant exactement dix grammes une aiguille enregistrera sur un cadran gradué le poids total correspondant au nombre des votants.
- FEMMES Aü VENT1”
- Rentrant à votre domicile au retour d’un voyage, il vous est arrivé souvent de vous croiser avec une voiture conduisant à la gare une femme seule, à côté d’une malle de moyenne dimension. C’est un spectacle qui, plus d’une fois, m’a rendu rêveur. La voyageuse est une demoiselle vêtue de noir, ou d’un costume simple et sévère ;ou bien une femme jeune encore, d’un aspect grave et pensif. La malle ne peut contenir que peu d’objets, une modeste oarde-robe qui est sans doute toute la fortune de l’inconnue. Où va-t-elle ainsi ? A. quel hasard sa vie est-elle livrée ? Une vague inquiétude assombrit sa physionomie pensive. Pas de mari, pas de frère, pas d’ami qui l’accompagne à la gare. Seule, toute seule, le cœur serré, elle va descendre de voiture, payer strictement la course du cocher et prendre son billet au bureau.
- Cette femme, c’est une institutrice ou une gouvernante qui a trouvé une place par correspondance ou qui a traité sur une annonce de journal. Elle se demande où elle va, quel accueil lui sera fait à l’arrivée. Parfois une larme vite essuyée glisse sur sa joue pâlie.
- Il faut qu’elle dissimule toute trace de souffrance ; il est nécessaire qu’on lui trouve, au premier abord, une physionomie ouverte. Sa position peut dépendre de la première impression. Elle le sait et se défend contre les angoisses qui la minent.
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- Si l’on doutait du besoin de transformation sociale qui tourmente l’époque où nous vivons, on n’aurait qu’à réfléchir sur la direction prise, depuis quelques années, par les écrivains chargés de récréer nos loisirs. En est-il un, je parle des plus futiles, qui, dans l’intérêt de sa réputation, ne se soit crû obligé d’élargir le terrain rebattu du roman ou du drame, et d’y introduire, avec plus ou moins de bon sens, de raison, de goût, de talent, la critique de quelques abus, un plaidoyer en faveur de telle ou telle classe méconnue, un réquisitoire contre telle ou telle autre, oppressive ou corruptrice ; enfin, un travail de moraliste tendant à une réforme quelconque ?
- Sans passer en revue toutes les fictions qui peuvent être regardées à boa droit comme autant d’etu-des sociales, il était naturel, inévitable même qu’on en vînt à mettre en scène les destinées humblement tragiques de ces êtres si méritants quelquefois, si malheureux toujours, de qui dépendent chez nous les premiers soins donnés à l'éducation de l’enfance.
- Qui donc mieux que la gouvernante, l’institutrice, mérite, avec nos sympathies, les soins necessaires
- (1) Les Mémoires du Trottoir% Dentu, éditeur•
- pour améliorer une position si précaire, si mal définie ? Au moment où chacun se croit obligé, en son âme et conscience, à relever graduellement] de leur humiliation relative les personnes qui dépendent directement de lui, comment ne pas songer avant tout à cette subordination, la première en grade, la plus intéressante à coup sûr, par son emploi d’abord, puis par l’espèce d’incompatibilité qui existe entre la culture raffinée de l’intelligence et l’asservissement de la volonté ?
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- Presque toujours l’institutrice, la governess anglaise, est un être qui, par la naissance, par les mœurs, par l’éducation, est l’égale ‘de celui qui la prend à gages. Il n’a sur elle d’autre supériorité que le bonheur d’avoir acquis ou conservé une fortune qu’elle n’a pas eue, ou dont elle n’a joui quelques années que pour s’en voir dépouiller plus tard.
- L’idéal de la femme que cherchent les gens fortunés pour lui remettre le soin de leurs enfants est justement la demoiselle ou la dame dont le père ou le mari s’est trouvé subitement ruiné. Il faut compter sur les folies, les extravagances ou tout ou moins le malheur d’un certain nombre d’hommes, nos égaux en tout point, pour que la récolte de gouvernantes ne manque pas et pour qu’il y ait, sur le grand marché humain, abondance de cette utile denrée.
- Voila donc une classe d'ouvrières tout à fait à part. En connaissez-vous une autre où il soit imposé à tous les individus dont elle se compose d’être invariablement supérieurs à leur métier par la naissance, l’Intelligence, les habitudes ? et n’est-ce pas là, d’une part, une cruauté singulièrement raffinée de notre ordre social, de l’autre une grande source de pitié, de commisération, de sympathie ?
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- Au reste, c’est de cette anomalie étrange que découlent presque toutes les misères de leur condition exceptionnelle. Il y a une barrière entre la gouvernante ei ceux qui l'emploient, mais cette barrière ne se maintient pas d'elie-même. Il faut à tout instant songer à la relever, à l’étayer, à remplacer artificiellement la solidité, la réalité qui lui manquent.
- La gouvernante s’assoit à votre table, elle parle, et son langage ne vous met point mal à l’aiss : son apparence, ses façons valent les vôtres. Son éducation est peut-être supérieure à ceiie que vous avez reçue. Rien, à vrai dire, qui marque d’une empreinte d’un sceau d’infériorité, cette créature condamnée à vivre au-dessous de vous.
- La distinction doit cependant exister, et ce mensonge social veut être ratifié chaque jour par une subordination factice qui doit peser cruellement sur ces organisations délicates, sur cette disposition vaniteuse, élément presque inséparable du caractère féminin.
- Elle ne serait pas femme, elle mériterait une béatification immédiate, celle qui s’élèverait au-dessus de ces petites épreuves quotidiennes qui usent peu à peu la résignation la plus résolue. Et voulez-vous une preuve preuve effrayante, de li force qu’il faut pour tenir bon à ce métier que nous leur rendons en général si pénible ? La classe qui, proportionnellement, fournit le plus d’aliénées aux hospices de femmes, est justement celle des jeunes institutrices ou gouvernantes. Et vous auriez tort de dire que l’orgueil les y conduit, en ce sens que ce n'est pas un orgueil naturel, mais un orgueil blessé, dont les tortures se sont trouvées trop cruelles pour qu’elles y pussent résister.
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- La gouvernante n’a pas d’égaux dans la maison où elle doit vivre. Ii n’est pas commode de se heurter vingt fois par jour à une personne qui a de fait, et ne saurait avoir de droit, tous les privilèges de son sexe. Existence grave, demi-cloîtrée, sans éclat, sans liberté, sans plaisir. Elle est un embarras pour les maîtres ; elle est haïe des domestiques, qui, la regardant comme leur égale sous un certain rapport, se voient pourtant obligés de la traiter comme l’égale de leurs maîtres. Elle peut être aimée de ses élèves, prendre plus ou moins d’intérêt à leur destinée ; mais le sentiment qui est entre elle et eux n’est pas, à vrai dire, de l’amitié. Il faut qu’elle vive et qu’elle meure seule, à moins, ce qui est bien rare, d’avoir transgressé cette limite invisible qui doit la séparer de ceux qui ont requis ses services.
- Et le pire de tout, c’est qu’il n’y a pas de remède à cette situation. A l'étranger, l’institutrice peut rencontrer des habitudes de vivre moins rigoureuses, une assimilation plus complète avec la famille où elle entre, et, si elle peut s’en contenter, des dehors plus flatteurs pour elle.
- La vie lui sera moins dure que dans cette société française qui offre ce phénomène d’une aristocratie sans aïeux, et d’autant plus hautaine qu’elle redoute le dédain et la moquerie.
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- Nos contemporains ont une disposition usuraire à tirer parti, sans merci ni scrupule, des malheurs individuels. On n’achète pas, on ne vend pas selon la vraie valeur de la marchandise, mais suivant les besoins de l’acheteur ou du vendeur. Le nombre toujours croissant des désastres privés réduit à la condition d’institutrices, gouvernantes ou dames de compagnie, des femmes et des jeunes Allés nées ou élevées pour un tout autre sort; et le preneur stipule contre de pauvres personnes dont tout le tort est de n’avoir pas de quoi vivre.
- « Elle est encore bien heureuse de nous trouver, » répondent invariablement les honnêtes gens à qui l’on essaie de remontrer qu’il y a peu de justice à placer le fardeau complet d’une éducation souvent difficile sur une malheureuse jeune femme à qui l’on donne mille ou douze cents francs par an.
- Cela établit-il, par hasard, un juste rapport entre l’importance du salaire et l’importance des services rendus ? entre ce que vous donnez et ce que vous recevez en échange ? Voilà cependant ce qu’il serait équitable de proportionner, et d’autant plus équitable que vous contractez avec un être placé par le sort à votre discrétion.
- Les ouvriers ordinaires peuvent se révolter et se mettre en grève ; de leur côté, les commerçants peuvent se liguer, et les uns et les autres arrivent ainsi à obtenir, soit de leur travail, soit de leurs denrées, le prix que ces choses représentent.
- La gouvernante est sans défense ; elle n’a ni refuge, ni moyen d’échapper au dilemme sinistre : ou travailler à vil prix ou mourir de male mort ; car elle est une dame, une dame sans pain, il est vrai, mais une darne enfin, dont les services ne peuvent avoir une valeur tarifée sur le marché. C’est un factotum maternel, qui s’occupe à la fois d’instruire et de surveiller les enfants, et qui doit mener de front la morale et la santé pour les mêmes appointements que le cuisinier. Et lorsque cette autre mère aura vécu dix ou douze ans dans la famille, on la congédiera en la recommandant au monde entier comme un vrai trésor, mais sans se préoccuper autrement de ce qu’elle peut devenir»
- Si l’institutrice est jeune et jolie, elle est en butte aux obsessions du fils aîné de la maison, souvent même du mari de madame.
- Le jeune homme éprouve sa première passion ; il est ardent, convaincu. Il se jette aux pieds de la pauvre fille sans défense contre elle-même, jeune aussi, éprouvant comme une autre le besoin d’aimer et de se laisser aimer.
- Malheur à elle si elle cède, si elle oublie ses devoirs. On la jette sur le pavé, souvent avec un enfant qu’elle devra nourrir, elle qui ne pouvait se suffire à elle-même !
- La gouvernante a quelque part une mère veuve à qui elle doit envoyer vingt ou vingt-cinq francs par mois. C’est une profession à laquelle on ne se résigne qu’à la suite de malheurs de famille... Un matin, les indifférents qui prennent un madère sur la terrasse des cafés du boulevard, lisent dans les faits divers qu’une jeune femme s’est jetée par la fenêtre et s’est brisé la tête sur le pavé.
- C’est une institutrice à laquelle le fils de la maison avait promis le mariage, et qui vient d’apprendre que le jeune homme épouse une demoiselle richement dotée.
- Une autre fois, le fait divers annonce la mort, dans une mansarde des Batignolles, d une femme de soixante ans, qui gagnait quinze sous par jour à faire de la couture et dont la vue s’est affaiblie.
- Privée de ressources, trop fière pour tendre la main, elle a fermé sa porte et attendu la mort...
- C’est une institutrice qui a vieilli.
- Aurélien Scholl.
- PETITE CORRESPONDANCE
- H. P. Hôtel Chatam, Paris. — Ce que nous avons dit de l’Angleterre n'a pas été écrit pour inférioriser ce pays ou humilier sa population ; nous voulions prouver que la misère matérielle et morale n’est pas moindre en Angleterre qu’en France.
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- A. B. à Bar-le-Duc. — Par ce temps d’imprimerie, de télégraphes et de téléphones, un siècle, c’est bien long ; mais peu importe le délai qui nous sépare de l'avènement de la justice ociale, les gens convaincus ont toujours le devoir de proclamer ce qu’ils croient être la vérité.
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- A. P, au Havre. — Le Familistère est le possible que peut réaliser un homme de bonne volonté. Les ouvriers déclassés par les progrès industriels doivent trouver dans une puissante mutualité nationale les garanties du droit à l’existence. La question agricole n’est pas différente delà question industrielle ; la nationalisation du sol fait partie de noire programme, ainsi que la commandite d Etat en faveur des associations de travailleurs n’ayant pas les capitaux nécessaires. Nous sommes actuellement dans la période de transition, et nous faisons ce que nous pouvons en attendant que l’Etat fasse ce qu’il doit.
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- Ch. B. à Carvin, Pas-de-Calais. — Nous avons reçu votre lettre à la Commission d’enquête. La divergence que vous croyez exister entre vous et nous n’est pas réelle. Remplacez dans votre écrit le mot commune par celui de Familistère, comprenez bien que nos théories, Mies qu’elles ont éiê exposées dans le Devoir, tendent à l’association intégrale, et vous verrez que nous avons assez de points communs pour marcher d’accord»
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- LM B1VÛÏB
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- ETAT-CIVIL DIS FAMILISTÈRE
- Semaine du 24 au 30 Mars 188(t X>ÏDC3±:®
- Le 23 Mars, de Hamel Julia, âgée de 1 an et 2 mois.
- COURS D’àDULTES
- Leçon de Physique expérimentale par M. Barbary
- «Séance du 8 Avril.
- 1. Mouvements dûs à la dilatation de l’air.
- 2. Effet de la variation do la température sur ia quan-
- tité d’air respiré.
- 3. Fusion des corps.
- 4. Lhaleur latente et chaleur sensible.
- LEÇON DE CHIMIE PAR M. SÉKUTOWÎCK
- Séance du Vendredi i î Avril
- Plombs. — Ses sels. — Ses alliages. — Son emploi industiiei.
- LA RÉPUBLIQUE INDUSTRIELLE
- 35, rue de l’Arbrk-Sec, Paris
- Sommaire du jeudi 27 mars 1884 France. — La loi des dix. heures.
- La contrefaçon allemande.
- Mouvement de la condition des soies, des laines et des cotons en janvier et février 1883 et 1884. Les musées commerciaux et industriels. L’industrie de la Fonderie et l’octroi de Paris. Étranger. — Les réseaux Italiens.
- L’industrie lainière en Russie et en Italie. L’abaissement du salaire des ouvriers métallurgistes en Angleterre.
- Le pétrole en Russie.
- Les tabacs turcs.
- La plus grande compagnie de chemins de fer du monde.
- Le mouvement commercial d’Aden.
- Colonies. — Le Congo. — Nouvelle-Calédonie. Variétés. — La marine militaire allemande et le canal du Nord à la Baltique.
- Le conseil supérieur de statistique.
- Le papier d’Àlfa.
- Nouvelles économiques des deux Mondes. Société de Géographie commerciale de Paris. Bibliographie.
- Revue financière.
- L’Astroaomle, Revue mensuelle d’Astronoraie populaire, de Météorologie et de Physique du globe, pav M. Camille Flammarion. — Sommaire du N° g’Avril 1884 ‘.'Nécessité de la création d'uns succursale de l Observatoire hors de Paris, par M. l’amiral Mouchez. —Ombres observées sur le soleil, parM. Trouveiot. — Les fluctuations de VacUrité solaire, par M. 0. Flammarion. —La France centrale sons les nuages, par M. Plumandon. — Note sur les marées de la Méditerranée, par M. Vigan. — Académie des Sciences: Sur la comète Pons-Broocks, par M. Perrotin. — Nouvelles de la Sciences. Variétés : Derniers échos de Féruption de Krakatia. Singulier aspect de la grande comète de 1882. Etoiles types. — Observations astronomiques et Etudes sèlè• nographigues, par M. Gérigny, — Ce numéro contient 21 figures. — (Librairie Gauthier-Villars, quai des Augustin®, 5b, Paris.)
- IlLfl ÉSECOLO Gazetta di Milano
- Journal politique quotidien 100.000 exemplaires p*jour.
- Le Secolo, le plus complet et le plus répandu des journaux italiens, donne en prime gratuite, à ses abonnés d’un an, deux journaux illustrés hebdomadaires et 11 suppléments illustrés.
- L’abonnement d’nn an au Secolo, primes comprises, pour ia France et tous les pays de 1 Union postale, coûte seulement 40 fr. Semestre et trimestre en proportion. Envoyer mandat-poste à l’adresse de l’éditeur Edouard Sonzogno. à Milan (Italie), 4, rue Pasquirolo.
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- Tlxèsxtire dix Familistère de Guis© Dimanche 6 Avril 1884
- FANFRELUCHE
- Opéra-Comique en 3 actes, de MM. G. Hirch, Saint-Arroman et Burani, musique de Gaston Serpette.
- Joué à Paris pour la première fois au mois de janvier 1884. — Mise en scène de Paris. — v0 costumes spéciaux
- DISTRIBUTION :
- Le comte de Saverdy..........MM. Aubert.
- De Bombonne.................. Cadinot.
- De Larnage.................... Dalvarez.
- Bijou........................ Darcy,
- D’Aumont........................ Champavert.
- Landermol.................... Darcourt.
- U a sergent.................. Sipp.
- Ua seigneur....................... Dumont.
- K“8: :::::::: **«»»«•
- Lucrèce de Bombonne.......... Féliciani.
- Claudette....................... Cadinot.
- Ravageot..................... Blouzard.
- Léa *........................ Monge.
- Zizi......................... Aubert.
- Résille...................... Marat.
- Seigneurs, estaffiers, ouvrières, enfants, gens de police soldats, domestiques.
- LE SPECTACLE COMMENCERA PAR
- LE' SUPPLICE D’UN HOMME
- Comédie-Vaudeville en 3 actes, par Eug. Grangé et Lambert Thiboust.
- PRIX ORDINAIRES : Location et cartes à l’avance comme d’habitude.
- Bureaux 7 h. 1/4. — Rideau 8 b. précises.
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- S^Quentin, lmp, du Glaneur,
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- 8* Année, Tome 8, - n° 292 "Le numéro hebdomadaire 20 c.
- Dimanche 13 Avril 1884
- LE DZ!VOXR
- REVUE MS OUESTÏONS SOCIALES
- BUREAU
- A GtJISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
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- SOMMAIRE
- La Municipalité parisienne et le familistère. — Ecoutez les Economistes. — Progrès et Pauvreté. — La zone neutre. — Préceptes et Aphorismes. — Faits politiques et sociaux. — Les belles phrases. — Nouvelles du Familistère. — Adhésions à la Ligue de la Paix. — Rose Girard.
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- La Municipalité Parisienne et le Familistère
- Nous avons parlé dans notre précédent numéro de la décision du Conseil municipal de Paris concernant l’envoi d’une délégation au Familistère. Nous donnons aujourd’hui l’extrait du procès-verbal relatant la discussion soulevée par la proposition de M. Manier. Nous indiquons par des italiques les parties qui nous semblent devoir être commentées :
- iW* Jacques. — Messieurs, vous avez renvoyé à votre Commission des finances une proposition de notre honorable collègue M. Manier, tendant à l’ouverture d’un crédit de 2,000 fr. pour l’envoi de délégués chargés de visiter le familistère de Guise#
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- Vous connaissez, au moins par ouï dire, Messieurs, cet établissement dû à l’intelligence philanthropique de M. Godin ; vous pansez sans doute, comme votre Commission, qu’il faut accorder les moyens d'étudier de près toutes les institutions qui tendent à développer la solidarité du capital et du travail.
- Nous vous proposons d’accorder un crédit de 1,500 francs pour 10 délégués, sous la condition qu’un rapport sera fait par eux au Conseil sur les observations et appréciations auxquelles aura donné lieu leur visite.
- IVÏ. Jolïriiî. — Je ne veux pas combattre le fond de la proposition, mais je me demande quel sera le résultat pratique de cet envoi de délégués. Quiconque s'occupe de questions économiques connaît le fonctionnement du Familistère de Guise. La délégation examinera des usines, des logements, retirera d'excellents enseignements de sa visite, cela est certain, mais aucun résultat pratique.
- Si M. Manier pense pouvoir faire remplacer le Sacré-Cœur par un Familistère, je comprendrais le motif de la visite qu’il demande. Mais je ne crois pas que le Conseil ait l'intention de fonder un familis tère à Paris.
- La visite sera donc inutile, car, je le répète, on connaît déjà comment fonctionne le Familistère de Guise, tant parles livres de M. Godin que par son journal hebdomadaiie.
- Selon moi les 1,500 francs seraient mieux employés si l’on envoyait des ouvriers à l’étranger pour étudier comment se fabriquent certaines matières qui font concurrence à nos produits français.
- M. le Rapporteur. — Je constate tout d’abord que M. Jofîrin ne s’oppose pas à nos conclusions. Sans doute je reconnais avec lui que bien d’autres choses intéressantes sont à étudier, en Franée et à l’étranger. Mais il faut bien commencer par quelque chose. Or l’organisation du Familistère de Guise est considérée par beaucoup, à tort où à raison, comme pouvant offrir un remède à la situation fâcheuse des travailleurs. Le Conseil a donc intérêt à voir quel avantage on peut retirer de cette organisation qui prospère,d’autant plus que le sacrifice que nous vous demandons est minime.
- Que si plus tard M, Jofîrin vient demander l’envoi de délégués à l’étranger pour des études intéressantes, je suis persuadé que le Conseil ne repoussera pas sa demande.
- i§]VI. Manier. — M. Jofîrin connaît-il le Familistère de Guise ? Non. Eh bien, la délégation lui dira comment il est organisé. Ce sera déjà un résultat. N’oubliez pas que, dans cette agglomération de 1,500 personnes, il n’y a ni pauvres, ni secours, ni [ assistance. Pourquoi aller en Amérique, quand il y a des choses du plus haut intérêt à étudier tout près de nous et chez nous ?
- MC- «Jofîrin. — Je prétends connaître le Familistère de Guise aussi bien que M. Manier. Je reconnais qu’il contient d’excellentes choses ; mais je réitère ma question : Quel résultat pratique tire-ra-t-on de l'envoi de la délégation ? Les délégués feront un rapport. Le rapport, fût-il fait dans la perfection, ne donnera au Conseil aucune solution de la situation des ouvriers. "
- D'ailleurs, si je voulais rentrer dans le fond de la question, je pourrais rechercher et dire ce que sont en général les philanthropes qui font participer les ouvriers aux bénéfices. Cette participation est pour eux un moyen de faire fortune vite, de faire rendre
- aux muscles et à l'intelligence des hommes tout ce qu’ils sont capables de produire.
- Il faut lire les œuvres écrites sur la participation pour savoir ce qu’elle vaut. En Angleterre, un grand industriel, M. Bradshaw, la met en pratique. M. le comte de Paris a parlé des résultats qu’il obtient, dans son livre sur les Trades Unions. Il constate que M. Bradshaw a trouvé ià le moyen*de faire rendre de gros intérêts à son capital.
- Je ne veux pas dire que ce soit là le cas de M. Godin. Jasais que celui-ci fait des sacrifices, je lui rends pleinement justice. Mais je dis que des délégués du Conseil, qui iraient à l'étranger étudier la fabrication d'un produit qui nous fait concurrence, rendraient plus de services aux ouvriers que les délégués au Familistère de Guise.
- Si le Conseil veut faire quelque chose pour les travailleurs, il a un moyen bien simple de manifester ses intentions : dans le Nord, il existe de malheureux mineurs qui sont en grève, non de leur propre volonté, mais parce qu’on les a forcés de s’y mettre. Donnez vos 2.000 francs aux mineure d'Anzin ; ce sera de Vargent bien placé.
- Je dépose en conséquence, d’accord avec mon collègue Pichon, la proposition suivante :
- « Les deux mille francs demandés par M. Manier pour l’envoi de délégués à Guise seront versés à la souscription ouverte pour les mineurs d’Anzin.
- « Signé : J. Jofîrin, Pichon.
- M. Manier. — S’il y avait à Anzin la participation des ouvriers aux bénéfices, il n’y aurait pas de grève. C’est pourquoi ceux qui veulent des grèves ne veulent pas de la participation.
- M. .Jofîrin. — Je n'en veux pas. moi, car je suis socialiste.
- M. le Rapporteur. — Tout à l’heure, M. Jofîrin a dit qu’il ne s’opposait pas à mes conclusions Je le prie de nous faire savoir si sa proposition doit être renvoyée, selon lui, à une Commission ou si elle constitue un contre-projet aux conclusions que je vous présente,
- M. «Jofîrin. — J’ai dit qu’en principe je ne m’opposais pas à l’envoi de délégations. Mais celle qui serait chargée d'aller à Guise ne servirait à rien et. vu la situation, il me semble qu'il est préférable de donner les 2 poo francs aux mineurs d'Anzin. Ma proposition constitue donc un contre-projet aux conclusions de la Commission.
- M. le Président. — Je suis saisi d’une demande de scrutin sur les conclusions de la Commission.
- Le scrutin auquel il est procédé donne les résul-
- tats suivants :
- Nombre de votants....... 37
- Majorité absolue........... 19
- Pour..................... 24
- Contre...................... 13
- Le Conseil a adopté les conclusions de la Commission.
- Ont voté pour :
- MM. Amouroux, de Bouteiller, Cattiaux, Collin, Curé, Dépassé, Dupont, Frère, Gamard, Germer Baillière, Grimaud, Ernest Hamel, Jacques, Jobbô-Duval, Lainé, Levraud, Loiseau, Maillard, Manier, Marsoulan, Rouzé, Royer, Sauton, Voisin.
- Ont voté contre :
- MM. Boué, Bralertit, Darlot, Delhomme, Desmou-
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- lias, Joffrin, Lyon-Alemand, Mesureur, Pichon, Réty, Robinet, Rouselle, Songeon.
- En congé:
- MM. Delabrousse, Deligny, Despatys, Hervé, Geor ges Martin.
- Excusés :
- MM. Dreyfus, Hovelacque, Mathé, Monteil, Murat, Rabagny, Strauss, Vautbier.
- N'ont pas pris part au vote, bien qu'ayant signé la feuille de présence :
- MM. Aclocque, Binder, Boll, Cernesson, Cocbin, Combes, Engelhard, Guichard, Yves Guyot. Hattat, Alfred Damoureux, Marius Martin, de Ménorval, Michelin, Aristide Rey, Reygeal, Riant, Thorel, Villard.
- Absents :
- MM. Barthoioni, Cusset, Forest, Dr Level, Narcisse Leven, colonel Martin.
- MM. Jacques a posé la question en des termes que nous acceptons, sous réserve de nous expliquer sur le mot philanthrope employé aussi par M. Joffrin.
- L’attitude de M. Joffrin nous a surpris, nous étions loin de prévoir que le conseiller municipal de Montmartre, qui a si fréquemment agité la question des loyers, combattrait une proposition tendant à en maintenir l’actualité et, en définitive, à fixer l’esprit public sur an fait en parfaite concordance avec les desirata socialistes.
- Dès le début de son intervention, M, Joffrin a déclaré ne pas vouloir combattre la proposition de M. Manier ; en fait, il nJa rien négligé de ce qui pouvait la faire échouer, pas même la modération de la forme.
- D’après les paroles de M. Joffrin, on le voit particulièrement préoccupé du côté pratique de l’envoi des délégués à Guise ; si le conseil municipal de Paris était disposé à fonder un Familistère, il serait même décidé à donner son approbation.
- Il est vraiment regrettable de voir M. Joffrin manquer en cette circonstance aux traditions de son parti, qui a décidé dans tous ses congrès que sa po litique devait consister surtout à réclamer aux pouvoirs publics des réformes en concordance avec les besoins ouvriers et ayant en même temps un carac-. tère socialiste bien défini ; c’est ce qu’on appelait dans le parti possibilité ouvrier procéder par voie de mises en demeure. Cette tactique avait sa valeur ; car les refus et les acceptations des projet présentés par les possibilistes avaient toujours, dans ces circonstances, un résultat avantageux pour eux. En effet, chaque refus exaspérait ceux qui étaient appelés à bénéficier de la réforme réclamée ; cela disposait les mécontents à abandonner les radicaux, maîtres de la municipalité parisienne, et les préparait à se fondre dans les groupes possibilistes ; les satisfactions accordées avaient un égal avantage, puisqu’elles permettaient aux promoteurs de revendiquer la paternité des mesures favorables au travail,
- et parce qu’elles engageaient malgré eux les radicaux à faire du socialisme;.
- Si M. Joffrin s’était montré dans le passé aussi soucieux de savoir si ses collègues étaient disposés à passer à la réalisation immédiate ; il est certain qu’il n’aurait pas répondu aux aspirations de son parti ; il est même évident qu’il n’aurait proposé ni défendu aucun des projets qui légitiment sa présence au conseil municipal et qui font désirer sa réélection; chacun le sait, le principal mérite de M. Joffrin a été de se mettre au-dessus de l’opinion publique et de faire tous ses efforts pour faire prévaloir ce qu’il pensait être juste, sans se soucier beaucoup de savoir si ses collègues étaient plus ou moins favorables à ses demandes.
- Il nous paraît inadmissible queM. Jofffin connaisse le Familistère de Guise, aussi bien que M. Manier qui est venu l’étudier sur place.
- C'est aller loin en disant que le rapport des délégués ne donnera au conseil aucune solution de la question ouvrière. Il nous avait toujours semblé que la solution poursuivie par les possibilistes tendait à mettre les travailleurs en possession de leurs moyens de production. A cet égard, le Familistère ne laisse rien à désirer, puisque en 4 années, les travailleurs ont acquis un peu plus du tiers de la valeur des capitaux et du matériel nécessaires au fonctionnement de Fusine de Guise. M. Joffrin nous laisse croire qu'il ne considère pas comme sérieuse une entreprise n’exigeant pas plus d’une douzaine d’années pour rendre les travailleurs propriétaires des moyens de production et de tous les services des assurances générales.
- Expliquons-nous clairement. Les possibilistes réclament en faveur des producteurs l’abolition du servage patronal, capitaliste, commercial et religieux. Le patron n’existe plus au Familistère, puisque la direction et l’administration relèvent de divers conseils où les associés seuls ont voix délibérative ; le capitaliste commanditaire est remboursé de plus d’un tiers de sa commandite, il sera complètement éliminé en huit années environ ; l’exploitation commerciale est gravement atteinte puisque tout le service d’échange est organisé sous forme de services publics, laissant à l’association, à tous, les bénéfices réalisés sur les produits de consommation ; quant à la religion, elle ne reçoit aucune subvention et ne dispose d’aucun local dans l’association, chacun étant libre do se payer ses secours suivant sa fantaisie. Les servitudes matérielles y sont limitées par des assurances générales; les servitudes morales, résultant l’ignorance, y sont combattues au moyen
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- d’un enseignement rationnel laissant loin derrière lui les dispositions de la municipalité parisienne.
- Tout cela a un côté pratique, puisque tout cela existe.
- En outre, les délégués, par l’examen de la Nourri* cerie et du Pouponnât, apprendront à la municipalité parisienne comment il est possible de décharger la famille des inconvénients inséparables des premières années de l’enfance, en lui en assuranttoutes les satisfactions. L’étude des constructions scolaires leur permettra de dire à la municipalité combien il était facile de mieux aménager les écoles parisiennes en dépensant quatre fois moins que les sommes employées dans l’édification des édifices scolaires de la ville de Paris. Les délégués verront encore quelle différence il existe entre des maisons ouvrières et des habitations municipales ; car, au Familistère, les logements sont à la portée de toutes les bourses et de toutes les convenances. Ils apprécieront l’économie de l’habitation unitaire au point de vue des satisfactions individuelles, communales et sociales. Ceux qui appartiendront à la corporation du bâtiment pourront conclure de leur visite qu’il serait facile d’organiser à Paris des habitations municipales réalisant une baisse considérable dans le prix du logement. Si M. Joffrin nous faisait le plaisir d’accompagner les délégués, il saisirait lui-même combien l’habitation unitaire se prête facilement à l’installation des boucheries, boulangeries municipales et autres services, dont nous le félicitons d’avoir pris l’initiative au sein du Conseil municipal de Paris; il comprendrait en outre de quelle façon admirable les palais sociaux facilitent les grandes réalisations de l’art architectural. Enfin, d’une manière générale, les délégués auront un aperça, par un exemple tangile, de la commune de l’avenir.
- M. Joffrin redoute peut-être que nous cherchions à rétrécir les convictions socialistes des ouvriers parisiens en exagérant l’importance de notre réalisation partielle. En cela, M. Joffrin n’a rien à craindre; nous serons les premiers à montrer aux délégués l’impossibilité de donner aux travailleurs les satisfactions légitimes sans l’intervention de l’Etat; nous leur prouverons que notre association supporte les charges de certaines institutions qui par leur nature, par les garanties constantes qu’elles doivent offrir sans cesse à chaque individu, ne peuvent trouver une solidité véritable en dehors d’une organisation sociale placée sous la protection de la loi. Nous nous servirons de l’exemple du Familistère, comme d’une preuve incontestable de ce que peuvent faire les citoyens riches en faveur des travailleurs ; nous le leur montrerons, en quelque sorte, comme une partie
- de ce qui peut être fait par un Etat comprenant les charges d’une République sociale ; nous espérons que par une analyse sérieuse de nos institutions nous leur donnerons le désir de vouloir ce commencement avec la ferme volonté de posséder un jour le complément.
- Quant au résultat pratique, qhe n’a pas compris M. Joffrin, il sera le suivant : c’est que les délégués parisiens, en transmettant leurs observations au Conseil municipal de Paris, seront écoutés par la France toute entière, et qu’un grand nombre des citoyens, qui ne croient pas à la possibilité matérielle d’organiser la société conformément aux données socialistes, se rendront à l’évidence des faits, en constatant ce cas nouveau pour eux, qu’il existe en France une commune où il n’y a pas de commerçants, de propriétaires de maisons, où les habitants seront bientôt soustraits à toutes les pratiques de la spécu-tion, dans la limite permise dans un milieu où l’association est encore une exception; et lorsque ces idées seront dans les cerveaux, elles ne tarderont pas à passer dans les faits.
- Cela prouve que M. Godin n’est pas un philanthrope, dans l’acception banale de ce mot. Le fondateur de Guise est véritablement un socialiste, c’est-à-dire un homme qui désire le bien de l’humanité et qui sait quelles conditions sont nécessaires à ce bien, qui emploie les moyens de transition à sa portée, et qui a prouvé par des faits péremptoires que ces moyens transitoires tiennent compte des intérêts en jeu.
- M. Joffrin soutient qu’il aurait mieux valu envoyer des ouvriers à l’étranger pour nous mettre au niveau de la concurrence. Cette affirmation est encore en contradiction avec les idées du parti possibiliste, qui a constamment déclaré que ces délégations à l’étranger n’avaient pas une grande importance au point de vue professionnel, tant que l’outillage et les moyens de production n’étaient pas possédés par ceux qui les mettaient en œuvre, mais qu’elles avaient de sérieux avantages au point de vue de la solidarité internationale des travailleurs. Pour être logique avec lui-même, M. Joffrin devrait proposer à sa corporation, aux mécaniciens, de demander l’adoption des procédés de fabrication en usage en Amérique, sur lesqaels M. Dumay, délégué à l’exposition de Boston, a donné certains détails dont l’application ne sera pas réclamée par ses collègues ni par M. Joffrin ; ce serait,par exemple,un excellent moyen de faciliter la concurrence étrangère,en confiant à un seul ouvrier la conduite de quatre tours à fabriquer les vis, comme cela se fait en Amérique, contrairement à la pra-
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- tique française, qui emploie un ouvrier pour chacun de ces outils.
- Nous n’en voulons certes pas à M. Joffrin d’avoir demandé 2,000 francs en faveur des grévistes d’An-zin. Mais nous pensons qu’il n’y avait pas liea d’attendre le vote sur la proposition Manier pour opposer à un intérêt ouvrier un autre intérêt ouvrier. M. Joffrin, en procédant ainsi a donné le droit de croire qu’il n’aurait pas pensé aux grévistes, si nos amis n’avaient pas attiré, avant lui, l’attention du conseil sur un fait intéressant plus spécialementles ouvriers parisiens.
- M. Joffrin, dont nous suivons attentivement les faits et gestes au Conseil municipal, dont nous louons la persévérance ordinaire, s’est trompé cette fois ; il comprendra, à l'avenir, que les projets socialistes son trop rares pour être combattus par les socialistes eux-mêmes. Nous ne demandons pas au conseiller municipal de Montmartre de bâtir un Familistère ; nous le laisserons suivre sa voie, respectueux de ses préférences et de son dévouement â son parti ; mai3 nons le prierons de croire aussi aux bonnes intentions des autres et à ne point entraver l'action socialiste lorsqu’elle évolue vers le but final de tous les socialistes, la Rédemption du prolétariat.
- Nous avons encore le regret de trouver M. Desmoulin au nombre des adversaires de la proposition de M. Manier. Ce vote nous paraît inexplicable. Comment M. Desmoulin, que l’on rencontre un peu partout,à la Ligue de la Paix, à la Ligue des contribuables, à la Ligue de l’Enseignement, aux Congrès ouvriers, etc., etc., a t-il pu refuser son concours sans réfléchir qu’une exception si contraire à ses habitudes ns passerait pas inaperçue.
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- Ecoutez les économistes!
- Par ce temps de grèves, d'agitation populaire, de mécontentement, d’irritation, un simple mortel viendrait vous dire qu’il y a un moyen certain d’accroître la production, d’amériorer la situations des travailleurs, d’apaiser les conflits, les coalisations et les grèves qui affaiblissent aujourd’hui notre production, vous, qui n’êtes pas économiste, vous répondrez que, dans une société où la raison d’Etat réside dans la satisfaction d’intérêt général, comme elle résidait autrefois dans l’observation des privilèges de la royauté, il convient de légaliser un moyen si précieux dans un moment aussi critique.
- Ou voit bien que vous n’êtes pas un économiste.
- Ecoutez les économistes de Bordeaux ; surtout ne croyez pas qu’ils different des autres parce qu’iis sont à la lisière de la Gascogne.
- La conférence Bastiat, à Bordeaux, à la suite d’une longue discussion à laquelle ont pris part MM. Larran, Darquier, Dupuy et le professeur M.
- Lescarret, a adopté les résolutions suivantes dans sa dernière réunion du 7 mars :
- « Considérant que parmi les moyens mis en œuvre pour rétablir l’harmonie entre le capital et le travail, la participation des ouvriers et employés aux bénéfices des patrons est le plus rationel et le plus efficace ;
- « Que, sans faire disparaître tous les germes d’an tagonisme qui existent entre ces deux éléments de production, la participation, sous les formes variées qu’elle peut affecter, tend à les pallier et à les affaiblir en solidarisant les intérêts aujourd’hui divisés, et en éclairant les ouvriers sur les bénéfices que l’ignorance, la défiance et les excitations malsaines exagèrent dans la plupart des cas ;
- « Considérant que si la participation ne constitue pas un droit pour l’ouvrier, il ne faudrait pas davantage la considérer comme un acte de pure bienfaisance, mais plutôt comme une combinaison ingénieuse inspirée, tout à la fois par un sentiment de bienveillance à l’égard des travailleurs, et par l’intérêt bien compris des patrons eux mêmes qui trouveront, dans la plupart des cas, une compensation aux sacrifices qu’ils s’imposent dans le surcroît d’activité, de vigilance et de soins que cette mesure éveillera dans l’esprit des ouvriers.
- « Sans entrer dans des détails d’exécution qui peuvent varier suivant la nature de l’industrie, la conférence estime que, d’une manière générale, le système de participation des ouvriers et employés dans les bénéfices de l’industrie à laquelle ils prêtent leur concours, constitue un progr ès sérieux aux points de vue de l’accroissement de la production, de Vamélioration de la condition des travailleurs et de l'anaisement des conflits, des coalisations et des grèves qui affaiblissent aujourd'hui notre industrie. »
- De l’aveu des économistes, la participation possède toutes les qualités d’une institution d’utilité publique, c’est-à-dire d’une chose digne d’être légalisée; néanmoins tous les économistes estiment qu’elle doit rester dans le domaine de l’initiative inaividuelle 1
- Ce qui nous tranquilise,c’est de voir les économistes en si bon chemin ; ils se gardaient d’en dire aussi long.il y a quelques mois. Bientôt,ils feront un pas de plus, si l’esprit public avance davantage. L’économie politique est une science toujours ouverte, comme les portes enfoncées.
- PROGRÈS ET PAUVRETÉ 1)
- par M. Henry George.
- II
- Enquête sur la cause des crises industrielles et du développement du paupérisme concurremment à celui de la richesse. — Le remède.
- A ceux gui, voyant le vice et la misère sortir du privilège et de l'inique répartition des richesses, aspirent à un état social plus élevé et luttent pour son organisation.
- INTRODUCTION. - Le Problème.
- Le présent siècle a été marqué par une prodigieuse augmentation des moyens de créer la richesse.
- (Lire le « Devoir » depuis le numéro du 6 avril 1884.
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- L’ütiiisation de ia vapeur et de l’électricité, la découverte de procédés perfectionnés et de machines-outils, la constitution de la grande production et la subdivision du travail, la facilité merveilleuse des échanges, tout a multiplié énormément l’efficacité du travail.
- Au début de cette ère merveilleuse, il était logique d’espérer, et l’on espérait que le travail allait être allégé et la condition du travailleur améliorée ; que l’énorme augmentation de la puissance productive allait réellement faire de la pauvreté une chose du passé....
- Cependant de toutes les parties du monde civilisé s’élèvent des plaintes : les crises industrielles se propagent ; le travailleur est condamné à l’inaction ; le capital s’accumme sans emploi; la détresse est dans les affaires ; le besoin, la souffrance, l’auxiété sont le lot des classes laborieuses...
- Cet état de choses commun à des sociétés qui diffèrent totalement de situation, d’institutions politiques, de système fiscal et financier, de densité de population et d’organisation sociale ne peut être attribué à des causes locales. Il y a détresse dans les-pays où sont maintenues de grandes armées permanentes, mais il y a détresse aussi dans les pays où les armées ne sont que nominales ; les pays à tarifs protecteurs ne sont pas plus préservés des crises que les pays à commerce libre. La détresse est aussi bien sous les gouvernements autocratiques que sous les gouvernements démocratiques ; elle existe avec le régime du papier monnaie comme avec le régime de l’or et de l’ai’gent. Evidemment sous toutes ces choses, il y a une cause commune, celle que nous devons rechercher....
- L’association de la pauvreté et du progrès est l’énigme de notre temps. C’est le point central des difficultés industrielles, sociales et politiques qui tiennent le monde perplexe....
- Aussi longtemps que le luxe de la minorité rendra plus criante la misère de la majorité, le progrès ne sera ni réel ni permanent. La réaction sera imminente. ...
- Bien des causes ont été mises en avant pour expliquer le mal : surplus de consommation, surplus de production, dévastations de guerre, extension des | chemins de fsr, efforts des ouvriers pour élever les salaires, démonétisation de l’argent, essor de papier j monnaie, augmentation des machines-outils, ouver- j turos d8 voies directes pour les transports, etc., etc. I Au milieu de ces contradictions,et pendant que les j économistes se réfutent mutuellement, s’élèvent dans ! le peuple ces idées erronées ; le capital et le travail j »© peuvent exister qu’avêe eoaâit eatr® eux ; la ma- j
- chine est un mal ; U faut empêcher la concurrence et abolir l’intérêt du capital ; ’ la richesse peut être généralisée en créant de la monnaie ; le devoir du gouvernement est de fournir au peuple le capital et le travail, etc. Et ces idées font rapidement leur chemin chez les gens qui souffrent sans connaître la cause de leurs douleurs ayant simplement la conscience d’un tort commis à leur égard. De telles idées qui peuvent livrer les masses à la direction des hâbleurs et des charlatans sont pleines de dangers ; mais on ne les combattra pas efficacement tant que l’économie politique n’aura donné réponse à la grande question qui préoccupe tous les hommes....
- C’est cette réponse que je me propose de chercher. Si les conclusions blessent nos préjugés, si elles condamnent des institutions considérées jusqu’ici par nous comme sages et naturelles, sachons ne point reculer pour cela.
- Livre 1er. - SALAIRE & CAPITAL
- Chapitre Ier
- La doctrine courante des salaires, son influence La question est celle-ci :
- Pourquoi, en dépit de l’augmentation du pouvoir productif, le salaire tend-il au minimum du strict nécessaire à la subsistance ?
- L’économie politique courante répond que le taux des salaires est déterminé par le nombre des travailleurs se répartissant la certaine somme do capitaux consacrés à l’industrie. Elle ajoute que ce taux tend constamment au chiffre le plus bas auquel l’ouvrier puisse vivre et se reproduire, parce que l’augmentation du nombre des travailleurs tend toujours à suivre et à dépasser la moindre augmentation des capitaux... .
- Toute enracinée et généralisée qu’elle soit, cette doctrine est contredite par les faits....
- Les salaires loin d’être tirés du capital sont tirés du produit même du travail pour lequel iis sont comptés.,..
- Chapitre II Définition des termes
- Salaires dans le sens vulgaire est la compensation donnée à une personne louée pour accomplir un travail manuel. Mais en économie politique, salaire a une acception plus large et comprend tout fruit d’un travail quelconque. *&
- Comme les économistes politiques l’expliquent, il y a trois facteurs de la production, savoir :
- La Terre. — Le Travail. — Le Capital La part des produits qui va au second des facteurs est appelée wMre
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- Nous éviterons toute difficulté pour concevoir une idée claire du mot Capital en nous rappelant que dans les trois facteurs de la production, ce mot est en opposition à celui de Terre et de Travail ; donc tout ce qui ne rentre ni dans l’un, ni dans l’autre de ces deux termes constitue 1 & capital.
- Quant au mot terre, il comprend non-seulement la surface de la terre distincte de l’air et de l’eau, mais tout l’univers matériel ; ce terme comprend tous les matériaux naturels, les forces vives de la nature, enfin tout ce que la nature donne libéralement à l’homme. Rien de tout cela ne peut être proprement classé comme capital....
- Le mot richesse s’applique communément à toute chose ayant une valeur d’échange. .....
- Mais en économie politique il doit s’entendre des produits naturels qui ont été transformés, combinés, mis en réserve pour la satisfaction des besoins humains........................................
- Tout capital est une richesse ; mais toute richesse n'est pas un capital. Le capital est cette'partie de la richesse qui concourt à la production. En nous rappelant cela nous éviterons des malentendus par la suite.
- Chapitre III
- Les salaires ne sont pas tirés du capital ; ils proviennent du travail même.
- Chapitre IV
- L'entretien des ouvriers ne provient pas du capital
- Les demandes de la consommation 'déterminent la direction du travail producteur.
- Les séries d’échange qui unissent la production et la consommation sont comparables à un tuyau rempli d’eau. La quantité d’eau qui s’échappe par une extrémité est remplacée à 1 autre bout par une quantité analogue ; ce n’est point la même eau, c'en est l'équivalent, Ainsi font les travailleurs : ils apportent et ils emportent ; donc leur subsistance et leurs salaires ne sont tirés que du produit de leur labeur.
- Chapitre 6
- Les fonctions réelles du capital.
- Le capital est cette partie de la richesse qui est consacrée à augmenter la puissance productive du travail sous diverses formes....
- Livre II. — POPULATION & SUBSISTANCE
- Chapitre 1.
- La théorie de Malthus, sa conception et ses
- causes de soutien,
- Chapitre 2.
- Inductions tirées des faits.
- Chapitre 3.
- Inductions tirées de l'analogie.
- Chapitre 4.
- Réfutation de la théorie de Malthus.
- L’idée qu’il y ait un constant effort dans la population pour s’accroître au-delà des moyens de subsistance, cette idée qui jette la responsabilité de la misère sur l'essor d’un instinct naturel, sur les plus pures et les plus douces affections, a toujours été combattue ou préconisée avec une égale passion. Cette théorie est en apparence corroborée par des faits évidents tels que la dominance de la pauvreté, du vice et de la misère parmi les populations concentrées, le résultat général du progrès matériel qui est d’augmenter la population sans diminuer le paupérisme, la multiplication rapide des êtres humains dans les pays neufs, et la décroissance de population dans les pays avancés où la misère engendre une grande mortalité parmi les classes nécessiteuses.
- La théorie malthusienne s’harmonise, en outre, avec l’idée que les salaires sont tirés du capital...
- L’Irlande, souvent citée pour démontrer la véracité de la théorie de Malthus, en prouve justement la fausseté, puisque le pays est à peu près dépeuplé ; et ainsi des autres faits qu’on peut invoquer....
- C’est l’injustice de la société et non l’avarice de la nature qui engendre la misère attribuée à un surcroît de population.
- Plus grande est la population, plus grand serait le confort avec une équitable répartition des richesses... Vingt hommes travaillant sur le sol le plus ingrat produiront plus de vingt fois la richesse que produirait un seul homme sur le sol le plus généreux. Plus dense est la population, plus minutieuse est la subdivision du travail,plusgrandes sont les économies de production et de distribution, d’où c'est le contraire de la théorie de Malthus qui est vrai ; plus une nation est peuplée, plus complètement elle supplée à ses besoins....
- Dans les contrées où la misère est la plus profonde les forces productrices sont telles qu’elles créeraient, si elles étaient bien utilisées, non-seulement le confort mais le luxe pour tous. Il est manifeste que ce n’est point à un manque de force productive que sont dues les paralysies industrielles et les crises commerciales.
- Nous avons donc à découvrir ce qui produit la misère au sein des richesses croissantes.
- (A suivre.)
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- Désireux de faire connaître à nos lecteurs tout ce qui se rattache à la neutralisation d8 i’Alsace-Lor-raine, dont nous nous sommes occupé, il y a déjà plusieurs mois, nous reproduisons l’article suivant du « Herald ofpeace and international arbitration » dans lequel cette question nous semble considérée à un point de vue trop restreint. Le journal anglais, comme on le verra plus bas, se contenterait d’une neutralisation qui permettrait néanmoins l’occupation temporaire par les Allemands de Metz et de Strasbourg. Ce projet ne peut satisfaire la nation française; la neutralisation, dans de pareilles conditions, serait illusoire ; il faut une neutralisation effective ; et le meilleure moyen de l’obtenir serait de raser les fortifications de Metz et de Strasbourg et celles de toutes les autres places qui constitueraient un danger analogue. Jamais argent n’aurait été mieux employé.
- Ces réserves faites nous reproduisons l’article du Hérald :
- ZONE NEDTRE EUROPÉENNE
- Un des principaux dangers de rupture de la paix européenne est la situation des deux provinces d’Al-sace-LorraiDe, résultant de la guerre franco-allemande de 1870-1871.
- Cette situation est une source permanente de vive irritation d’un côté du Rhin et d’armements écrasants de l’autre. Elle est une formidable menace entre la France et l’Allemagne. Le colosse triomphant, récemment élevé par l’Allemagne pour dominer la vallée du Rhin et rappeler à tous les voyageurs, petits et grands, les victoires de 1870, disparaît dans l’ombre en face de ces deux provinces d’Alsace-Lorraine qui demeurent comme un éloquent monument de guerre, une gigantesque provocation à la revanche du côté des Français, à la vigilance la plus rigoureuse du côté des Allemands.
- La situation de l’Alsace-Lorraine est l’ombre énorme qui pèse sur les confins de l’Europe. Elle évoque les plus sinistres appréhensions pour toute la jeunesse de France et d’Allemagne. Dans sa prolongation pleine d’incertitude, cet état de chose entrave, d’une façon chronique, le commerce, l’industrie, les finances de la France et affaiblit ainsi la vie nationale en lui causant une paralysie partielle. En même temps elle assujettit le peuple allemand, autrefois libre et éclairé, aux exigences de ses propres armements.
- En raison des lourdes taxes nécessitées par ces armements formidables, la prospérité de l’Allemagne est entravée à un point qui touche à l’oppression. Les libertés individuelles et parlementaires, les droits de l’opinion publique subissent, par suite de cet état de choses* les échecs les plus humiliants pour le caractère général du peuple allemand.
- Il n’y a donc pas à être surpris, si, même parmi les vainqueurs de la dernière guerre, on considère comme un grave problème d’obvier, si possible, aux perplexités et aux dangers nationaux que les victoires mêmes de 1870 entraînent pour l’Allemagne. Aussi l’attention publique s'est-elle portée avec in-
- térêt sur une récente brochure de M. Maas intitulée: « Que ferat-on de VAlsace-Lorraine ». (Leipsiek 1884). L’auteur admet, avec la grande majorité de ses compatriotes, l’impossibilité d’une remise pure et simple de ces deux provinces à la France, parce que ce dernier pays, sous le premier et le troisième Napoléon, s’est abondonné à une politique tellement agressive à l’égard de ses voisins d’outre Rhin, qu’il y aurait folie pour ceux-ci à se placer volontairement dans une position propre à faciliter le retour d’une telle politique.
- Mais en même temps retenir ces provinces est comparable pour les vainqueurs à garder un « éléphant blanc » garde dont le coût est de nature à absorber tous les biens du possesseur de l’objet rare. M. Maas en conséquence, se fait courageusement l’avocat de la neutralisation de l’Alsace-Lorraine, sous un gouvernement spécial constitué par les Alsaciens-Lorrains eux-mêmes. Il propose, en outre, afin d’élever une puissante barrière entre la France et l’Allemagne et d’ôter toute raison d’être au maintien des gigantesques armements de l’Europe en général, qu8 la Suisse, la Hollande, la Belgique et le Luxembourg soient invitées paries grandes puissances de l’Europe à accepter aussi la neutralisation. Ainsi serait formée, le long des Alpes et du Rhin jusqu’à l’Océan boréal, une longue et large ceinture de pays déclarés neutres et inviolables dans >eur position pacifique ; ces pays seraient placés sous la protection et la garantie de tout le reste de l’Europe pour l’intérêt mutuel des parties en cause. Les vœux du parti populaire en Danemarck concernant la neutralisation du pays pourraient de même trouver là leur satisfaction.
- Naturellement, il est très facile de concevoir et de publier de telles propositions. Mais elles ne sont peut-être pas sans utilité vu l’état d’anxiété ie l’opinion publique en Allemagne comme en France, concernant les perspectives et les dangers de l’avenir.
- Si l’on pouvait susciter dans l’opinion une faveur marquée pour le projet de M. Maas, cela préparerait, naturellement jusqu’à un certain point, son triomphe final.
- Les importantes forteresses de Metz et Strasbourg présentent deux difficultés dans la question. Non seulement l’Allemagne ne peut en quoi que ce soit consentir à les rendre à la France, mais el'e hésiterait même beaucoup à le3 placer sous la garde d’un état neutre, crainte de voir la France s’en emparer soudainement. Le sentiment générai serait donc qu’à tout événement et en l’état actuel des choses, ces forteresses demeurassent telles qu’elles sont, et que l’Allemagne, en cas de neutralité proclamée, y eût néanmoins accès par le nombre de troupes reconnues nécessaires.
- Plus tard, après une longue épreuve des bienfaits de la zone neutre, l’Allemagne pourrait se retirer des forteresses en cause et même les laisser raser. Ce serait le couronnement de l’œuvre de la neutralisation.
- La zone pacifique du Rhin et des Alpes offrirait un champ commun de relations libres et fraternelles entre les deux grands peuples voisins. Sans doute la prospérité de toute la région en serait grandement accrue et l’Europe entière en bénéficierait. — Une telle zone diviserait en quelque sorte le continent en deux grandes sections et tendrait ainsi à prévenir toute collision et tout sentiment de rivalité,non seulement entre l’Allemagne et la France, bien que ces deux nations auraient le plus à y gagner, mais aussi
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- entra tontes les paissances orientales et occidentales.
- Le projet ainsi soumis à l’examen a profondément intéressé beaucoup d’esprits sur le continent, et il nous a paru tout à fait digne d’être porté à la connaissance de nos lecteurs, afin qu’eux-mêmes saisissent toutes les occasions de le préconiser et de le recommander aux gens réfléchis de tous les pays.
- « Herald of peace and international arbitration »
- Londres, avril 1884.
- APHORISMES ET PRECEPTES SOCIAUX
- XXXVI
- LIBERTÉ & RESPONSABILITÉ
- Le progrès moral de la personne humaine ne s'accomplit que dans la liberté et par la liberté. Le bien n’est réel pour l’homme et ne lui est compté dans le progrès de la vie qu’autant que ce bien a été voulu et vécu par son auteur, qu’autant qu’il a été l’œuvre de sa libre volonté. La responsabilité des actions faites sous l'empire de la violence et de la crainte incombe au pouvoir qui les a imposées.
- Le progrès moral de la personne humaine n’est donc effectif que si l’être est responsable, et la responsabilité n’existe que par la liberté. Cela permet de comprendre combien la liberté est indispensable au progrès du monde.
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- Le Parlementarisme. — Le Sénat a repoussé la loi municipale votée par la Chambre. Les élections j parisiennes se feront avec les anciennes circonscriptions de quartier. M. de Marcère, sénateur, a défendu le projet qu’avait défendu M. de Marcère, député. L^ conduite des parlementaires serait inexplicable, si l’on admettait que la plupart des politiciens ont pius de pudeur que M. de Marcère II faut vraiment avoir la folie du pouvoir pour s’acharner à conserver la direction de la politique avec un parlement aussi dénué d’esprit public. Si le ministère comptait quelques membres ayant le sec liment de l'honneur national, après de pareilles constations, les ministres devraient être unanimes à accentuer le conflit entre ia Chambre et le Sénat, afin d’en finir une bonne fois avec des procédés parlementaires qui énervent la nation. On parle beaucoup du Sedan économique de la France ; serait-elle aussi arrivée à son Sedan moral !
- La discussion du projet de loi sur le recrutement aélé commencée à la Chambre dans les conditions ordinaires • à peine a-t-on abordé l’examen général du projet, et l’on est déjà en plein gâchis ; qu’adviendra-t-il lorsqu’on discutera les articles !
- Un bon projet de loi. — Une centaine de députés appartenaui a toutes les régions et à tous les groupes républicains ont donc dépo-ô une proposition de loi ayant pour objet • 1° La création d’une caisse de dotation pour les enfants abandonnés délaissés ou maltraités; 2° une modification de l’article 755 et l’abrogation de l’arUcle768 du code civil. L’étroitesse de notre budget est telle qu’oa ne peut songer a y introduire un chef de nouvelle dépense aussi important que celui que réclamerait un service public, dont les exigences encore inconnues pourraient devenir considérable*. Les députés pensent trouver une source de produits dans une catégorie de successions où la transmission des biens par hérédité ne se justifie ni par des motifs tirés des liens affectueux qui unissent les familles, ni par aucun intérêt social. Toutes les successions du 7e au 12e degré sont dans ce cas. Ea conséquence les changements apportés au code civil prr les dispositions nouvelle* consistent à rédiger le premier paragraphe de l’article 755 ainsi qu’il suit : « Les parents au-delà du sixième degré ne succèdent pas. »
- L’article 768 dit qu’à défaut de conjoint survivant, la succession est acquise à 1 Etat. Cet article est désormais rendu inutile puisque c’est la nouvelle caisse de la dotation qui serait substituée à l’Etat. Il doit donc être abrogé.
- Les enfants naturels reconnus et l'époux survivaut prendront rang désormais, pour l’exercice de leurs droits successifs, après le sixième degré, dans les mêmes conditions où ils héritaient précédemment après le douzième.
- La nouvelle caisse de dotation s’alimenterait : 1° Par le produit de toutes les successions ab intestat, à partir du 7e degré ; 2* Par toutes les libéralités, dons et legs dont elle sera l’objet ; 3° Par la partie des amendes de police correctionnel!*', affectée a ce jour, au service des enfan s assistés et par la totalité de celles résultant des condamnations pour i’exercice illégal de la médecine.
- La réserve en capital résultant des dons et legs fait précédemment aux enfants assistés entrera, pour en faire désormais partie intégrante, daus cette caisse de dotation qui sera chargée de la totalité des dépenses auxquelles donnera lieu l'exécution, tant de la loi du 5 mai 1869 que de celles qui seront ultérieurement édictées. Elle sera administrée par un conseil de douze membres, dont six seront nommés au scrutin dans le sein de la Chambre des députés et du Sénat et les six autres choisis par le Ministre qui aura, par lui où son délégué la présidence de droit de ce Conseil. Si le total des produits réalisés n’est pas épuisé par des emplois annuels du service, l’excôdeat sera réservé pour constituer à la dotation un capital dont les revenus seuls seront appliqués aux besoins des exercices suivants :
- Les droits auxquels les successions déterminées à l’article 2 ont jusqu’ici donné ouverture continueront à être perçus au profit du Trésor. Les libéralités destinées à cette dotation seront exemptes de tous droits.
- Nous reviendrons sur ce projet, qui serait une première application partielle du droit de l’Hérédité de l’Etat, lorsque nous aurons le texte en main.
- * *
- Grève d’Anzln. — A la suite de l’intervention de la force armée contre les mineurs d’Anziu, les grévistes ont adressé aux ministres de l’intérieur et de la guerre la proteslatiun suivante accompagnée de nom-nreuses signatures.
- Nous, mineurs du bassin houillier d’Anzin, protestons de toute notre énergie contre les actes inqualifiables qui ont été commis hier sur une foule pacifique et désarmée, composée en majeure partie de nos femmes et de nos enfants.
- Des mères ont été brutalement bousculées et foulées aux pieds par la gendarmerie ; on a chargé le sabre au clair, pistolet au poing, sans sommation préalable.
- Des citoyens ont été ble-sés, des coups de feu ont élô tirés par le* gendarmes commandés par le maréchai-des-logis de Deuain.
- Le calme dont ne s’était pas départie, jusqu’à ce jour la population minière, en dépit des provocations réité"
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- rées, n’a été troublé que par l'arrivée fies encadrons de cavalerie, que par leur attitude menaçante. Le général Renaudeau a fait charger ostensiblement devant la foule les mousquetons de ses soldats, plusieurs charges de cavalerie rasant les maisons, balayant la chamsée et les trottoirs ont été poussés contre des groupes de citoyens qui circulaient paisiblement.
- Tous ces faits, et bien d’autres qu’il serait trop long d’énumérer, notamment l’arrestation de plusieurs personnes traînées, les menottes aux mains, comme des criminels, s'étant produits pendant que le générai Re naudeau et le préfet Cambon étaient .-ur les lieux, nous ne pouvons que les rendre personnellement responsables et adresser notre protestation qu'à ceux dont ils relèvent directement, c’est-à-dire au ministère de l’Intérieur et au ministère de la Guerre.
- Nuus tenons en outre, à saisir l’opinion publique de ces agressions odieuses «fin que. dès a présent, les responsabilités soient nettement établies.
- « Voici quelques chiffres tirés du journal le Temps, qui permettront de se rendre compte des perles occasionnées par la grève d’Aizin :
- * Si les ouvriers n’avaieut pas interrompu leurs travaux, ils eussent touché depuis le 21 février 1,600 000 fr. de salaires ; la Compagnie n’ayant versé que 398,OOu fr. de salaires aux ouvriers qui ont continué à travailler, la perte est donc, pour les grévistes, de 1,200,000 fr. envi ron. De plus, le travail ^'extraction ayant été interrompu, les distribution gratuite ne th-*u£fage ont été suspendues; les ouvriers sont doue ooiigés d acheter le combustible nécessaire à leur chauffage et à la cuisson des aliments.
- « Enfin, pour faire face à leurs besoins, les ouvriers qui avaient des dépôts à la caisse d’ôpargue les ont retirés, ceux qui n’en avaient pas ont contracté des dettes que l’on peut évaluer à 15u ou 200 francs par ménage au minimum.
- « Voici d’autre part uu aperçu approximatif des pertes que la grève a fait imbir à la productiun générale :
- La production de la Compagnie d’Anzin est en moyenne de 6 000 tonnes par jour ; si le travail d extraction avait ôté absolument arrêté depuis quarante-trois jours,
- 11 y aurait une p-rle de 258.000 tonnes, mais il faut défalquer de ce chiff.e 41,000 tonnes environ qui ont été extraites par les ouvriers non g évisies : reste une p^rte nette de 217.000 tonnes. Le prix «le la toune était évalué
- 12 fr., c’est uue perte totale de 2,604,000 fr. subie par la production française au profit de la production étrangère *
- Le Temps a oublié de compter d’autre part combien ferait en vingt ans les salaires que la Gompaguie veut soustraire aux ouvriers par les modifications qu elle cherche à introduire dans le travail.
- Que notre vieux et grave confrère fasse le calcul que nous venons d’indiquer ; puis, qu’il estime quel prix vaut la liberté de lu.000 mineurs menacés dans leurs droits de citoyens !
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- * *
- La Marin© marchande. — La ville de Buenos- Ayres comi te 40.0u0 Français sur une population de 300.000 habiiauts. D après ie journal 1 Union Française, notre pavillon ne ferait plus aucune apparition dans ce port. Voici les chiffres publiés par l'Unton Française :
- Dans la période du 23 janvier au 6 février de cette année, il est entré dau> notre port:
- 14 navires à voiles, Italiens.
- 8 Anglais.
- 4 Nord Américains.
- 3 Suédois.
- 3 Allemands.
- 2 Noiwégiens.
- Sur un total de 34 navires au long cours.
- Dans la période du 7 au 23 févr er, le monde nous a envoyé :
- 13 navires à voiles, Anglais*
- 7 Italiens.
- Ô Nord-Américain».
- 5 Espagnols.
- 2 Allemands.
- 1 Autrichien.
- 1 Suédois.
- 1 Danois.
- Total 36 navires au long cours.
- Ce qui nous donne pour la douxième partie de l’année 1884, la quantité de 70 navires qui se divisent ainsi par nationalité. :
- 21 N avires Anglais.
- 21 I. aliéna.
- 10 Nord-Américains.
- 5 E>pagnols.
- 5 Allemands.
- 4 Suédois.
- i Autrichien.
- 1 Danois.
- 2 Norvégiens.
- De faç m que le pavillon marchand français brille par son absence et qu’il est aussi inconnu ce mois-ci (fé-vriei) que le pavillon bolivien ou le sandwichien.
- Nous livrons ces chiffres aux méditations de M. le ministre du commerce, ainsi qu’à celles de MM. les ar-maieurs, capitaines au long cours et importateurs français. Il est de toute évidence que notre pavillon marchand est aujourd’hui distancé sur les bords de la Plata par tous les autres pavillons, et cela en dépit de l’importance de notre colonie.
- Que disons-nous : distancé, alors qu’il en a disparu, comme s’il avait peur de Buenos-Ayres ?
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- Consommation du tabac on France. —
- Voci 1« relevé de la consommation du tabac durant l’année 1^83 :
- 35.621.834 kilogrammes vendus, représentant une valeur de 371.217.489 francs.
- Eu moyenue, la consommation en France est de 945 grammes par habitant et par an. Quant au produit de la vente, il est eu moyenne de 9 fr. 70 par habitant et par année.
- Voici les quantités vendues pour les principales sortes de tabacs :
- Cigares de la Havane; 30.610 kilogrammes, valeur 2 millions de francs.
- Cigares français : 3.608.861 kilogrammes, valeur 2 millions de francs.
- Cigarettes : 893.720 kilogrammes, valeur 17 millions de francs.
- Tabac à fumer: 16.747.000 kilogrammes, valeur 171 millions de francs.
- Tabac à primer : 6.737.000 kilogrammes, valeur 78 millions de francs.
- Tabac à mâcber : 703.000 kilogrammes, valeur 9 millions de francs.
- Dans <*es résultats ne sont pas compris les produits de la vente des tabacs daus les zones frontières, ni des tabacs pour l’armée ou l’exportation.
- On pourrait avec le même argent assurer une vieilesse heureuse à 300.000 vieillards I
- ANGLETERRE
- La situation, en Egypte, est loin de s’améliorer. On parle de l’abandon du général Gordon par le gouvernement Anglais ; et l’on prend texte de cette probabilité pour s indigner contre le gouvernement. Ce n’est pas le général Gordon qui aurait le droit de se plaindre d’un pareil sort ; il éprouverait simplement de la part de son gouvernement les mêmes déceptions que celles qu’il a infligées aux défenseurs de la cause anti-esciavagiste.
- ALLEMAGNE
- Les mécaniciens de MM. Frister et Rosemann, fabricants de machines à coudre, à Berlin, viennent de se mettre en grève. Ges ouvriers mécaniciens, au nombre de eaà§ eeats, s’opposent k une réduction de salaire, lia
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- gagnent actuellement de 15 à 18 francs par semaines, soit de 60 à 75 francs par mois.
- Si l’on tient compte du prix des denrées, à Berlin, ou la yie est par le fait presque aussi chère qu’à Paris, on voit que les ouvriers prussiens n’ont pas plus à se réjouir de leur victoire que les travailleurs français de leur défaite.
- ESPAGNE
- La monarchie espagnole est tellement aux abois que pour s’assurer une majorité servile au sein des Cortès, elle n’hésite pas à redoubler de rigueur envers quiconque est soupçonné de libéralisme.
- Le cabmet Canovas del Gastello cherche a terroriser les Espagnols, en poussant la lâcheté jusqu’à arrêter les femmes des républicains.
- C’est ainsi que Mme Marti y Miguel, femme du secrétaire du comité zorilliste, a subi le môme sort que son
- lll 1X « ^
- Elle a été incarcérée à la prison delà préfecture ou elle est tombée malade. , . .u
- Les condamnations prononcôpg par le tribunal de Xérè-, contre les membres de la Ma.no Negra, ont paru insuffisantes aux valt-tsde don Alphonse qui siègent à la cour de cassation. Pour complaire a son maître, celle-ci a condamné tous les accusés à mort.
- Encore un peu de temps, et nous ne désespérons pas de voir rétablir l’inquisition en Espagne.
- Ces exactions surexcitent les Espagnols. Il nest pas possible à ce peuple de se soumettre plus longtemps a un pareil joug. La police croit être sur la voie de plusieurs conspirations, après la découverte de plusieurs fusils et de quelques bombes chez un sellier du iaubourg
- d’Atocha, à Madrid.
- Comment n’en serait-il pas ainsi avec le despotisme dont fait preuve le gouvernement d’Alphonse XII. Evi demment, il faut s’attendre à ce que d’un jour à 1 autre, ce gouvernement se trouve en face d’une formidable insurrection. . .
- Dans ses colonies même, 1 Espagne est loin de jouir d’une sécurité complète. On prétend que des corsaires tenteraient un débarquement dans 1 île de Cuba, où l’agitation n’a cessé de légner depuis plusieurs années.
- Evidemment, il faut nous attendre à de graves événements en Espagne, la situation actuelle ne peut ^e prolonger longtemps. Le gouvernement d’Alphonse XII ne représente aucunement une monarehie constitutionnelle. Il ne saurait être comparé au gouvernement belge tù le régime parlementaire est l’expression fidèle du pays ; tandis qu’en Espagne c'est la domination d un monarque fanatique, n’ayant d’autre ambition que celLe de satisfaire à ses jouissances et à celles de ses créatures.
- LES BELLES PHRASES
- Les lignes suivante sont extraites d’un article de M. Henri Fouquier :
- • A cette heure, tandis que résonne encore à notre oreille le cri de guerre sociale pousse par des politiciens qui, pour la plupart, n’ont apporté au progrès ni une idée, ni une force ni une obole, ni une goutte de leur sang, quelque bourgeois, ingénieur, économiste, industriel, un fils d’ouvrier peut-être, cherche dans l’ombre un instrument de travail, un moyen de crédit, une formule d'association de l ouvrier et du patron, et, demain, il apportera sa découverte. Celui-là, on ne l acclamera pas dans la chaude atmosphère des clubs î II ne sera pas populaire. Il passera inconnu parmi les foules, sans qu on dise son nom. Mais c’est par lui et non par d’autres que le pays noir deviendra moins noir, il1 aminé d’un chaud rayou d’espérance. G est par lui, travailleur qui aime ies travailleurs* que las père», déjà plus heu* rtux que leurs pères, verront leurs fil* plus heureux
- qu’eux-mêmes. Au printemps, un veut doux et frais fait fleurir les roses dans le petit jardin du miueur, ouvre les feuilles aux bois où il va respirer l’air pur. Le vent âpre du Nord, soufflant en tempête, a fait l’hiver cruel et long. Mais le vent funeste des mois glacés est moins redoutable pour le pays noir que le vent desséchant de la politique, déchaîné en ouragan par les bavards cruels, ignorant que chaque applaudissement quils récoltent ici, sera peut-être payé, lâ-bas, d’une larme 1 C’est à eux, si puissants, hélas ! que je demande grâce et pitié ! »
- Comme cela est bien dit ! Qui pourrait croire que les auteurs de critiques si bien senties ne brûlent de signaler au monde sérieux l’inventeur n’une formule d’association de l’ouvrier et du patro > ? Hélas 1 tous ces beaux phraseurs, comme les bavards cruels, cor naissent les donuées théoriques et pratiques du Familistère ; et les premiers ne sont pas plus ardents que le» seconds à les propager.
- NOUVELLES DU FAMILISTÈRE
- CONFERENCE
- au profit des mineurs d’Anzin.
- Jeudi dernier 3 avril, sur la demande du comité de Saint-Quentin, une conférence organisée par les soins de M. Godin réunissait dans le théâtre la nombreuse population du Familière, quelques personnes de la ville avaient aussi tenu à honneur d’apporter leur obole aux malheureux mineurs qui luttent si courageusement pour défendre leur droit à la vie.
- La salle du théâtre était comble à huit heures, M. Godin prend place au bureau comme président, accompagné de M. Lefèvre-Mézand, délégué du co-* mité de Saint-Quentin, de MM. Berthuiet, Champenois, Hedin, Froment, délégués des ouvriers de l’usine, comme assesseurs.
- M. Godin ouvre la séance et donne la parole à M. Basly.
- La salle accueille M. Basly par des applaudissements et lui donne ainsi une preuve de la sympathie que le peuple éprouve toujours pour la cause du travail en lutte contre le capital.
- M. Basly avec une grande facilité d’élocution expose les doléances des mineurs. Il fait comprendre les causes qui ont amené la grève et détache de la partie industrielle la cause politique qui est la base du mouvement gréviste suscité par la puissante Compagnie et qui a à la tête de son administration tous les gros bonnets de l’Orléanisme.
- Les mineurs, dit-il, ont compris que le but de la Compagnie est de nous pousser à la haine de la République, qui ne sait pas nous défendre et qui ne fait rien pour soulager le prolétariat,nous savons que la réaction est là, guettant le moment opportun pour faire mam basse sur le peu de libertés que aoua
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- LE DEVOIR
- avons arraché au prix de notre sang. Noas ne nous laisserons pas faire, nous maintiendrons la grève avec calme, nous saurons repousser toutes les provocations , nous saurons endurer la misère et la faim, mais nous ne prêterons pas la main à nos ennemis pour détruire la République, parce que la République c’est la cause du peuple, parce qu’avec la République nos droits finiront par prendre la place qui leur est dùe.
- Les ouvriers s’instruisent ; à l’avenir, ils enverront au Parlement des hommes qui sauront faire leur devoir et qui connaîtront la question sociale.
- Nous sommes à Anzin, 11 000 qui vivons avec 0,25 centimes par jour, et tant que le peuple nous viendra enaide en comprenant que notre cause est la sienne nous maintiendrons nos droits.
- M. Basly développe ensuite les motifs qui ont amené la grève — ilexplique comment la Compagnie, après avoir exigé que les détacheurs fissent en même temps le service de l’entretien des voies et des étanchons, ne voulant payer ce service qu’après 100 m. effectifs, a renvoyé les vieillards qui étaient chargés de ces derniers travaux.
- Le mineur ne peut gagner sa journée et de plus rien ne le garantit du lendemain. La Compagnie toujours à l’affût pour trouver des occasions de diminution de salaire après avoir renvoyé les vieillards, chassé 144 ouvriers qui faisaient partie du syndicat, pensant effrayer les autres par cet acte de sévérité. C’est alors que la grève a éclaté.
- Du discours de Basly, il ressort que sous des dehors généreux la Compagnie d’Anzin est d’une rapacité inouïe.
- On a prétendu, dit-il,que laComnagnie habillait les enfants pour la première communion, c’est faux ; on a prétendu qu’elle aidait les mineurs malades, c’est faux ; celui qui ne verse pas à la caisse de secours ne reçoit jamais rien et la Compagnie fait des largesses avec notre argent.
- Après 40 années de services consécutifs ce mineur a droit à une retraite de 0,50 par jour ,‘ qu'après 10, 15, 20, 35 années de travail, le mineur quitte la Compagnie pour y rentrer plus tard, tout ce temps passé ne compte plus, il faut recommencer ou la retraite est perdue.
- La Compagnie loge ses ouvriers ; oui, elle les loge en effet, elle a construit pour 2,000,000 de maisons; maisces maisons lui rapportent 5 0/0 net de son capital, est c’est nous qui remboursons ces 2,000,000, qui malgré nos remboursements resteront éternellement la propriété de la Compagnie.
- Et il faut voir avec quelle discipline de fer la Com pagnie mène ses habitants ; certes dans l’armée la
- discipline est rude ; mais là du moins on est sûr du lendemain; le mineur qui de son acier a fait jaillir le paradis de ces Messieurs n’a jamais ce lendemain assuré.
- M. Basly rappelle ensuite que les doléances des mineurs ont été portées à la Chambre, qu’on n’a rien voulu faire et que cependant la question du prolétariat mérite d’être étudiée... Cette question s’impose, dit-il, et en attendant qu'on fasse de nouvelles lois, la loi de 1810 donnait à la Chambre une action sar la Compagnie..
- Mais la Compagnie d’Anzin si dure avec nous est généreuse pour d’autres. Qu’importe que 11,000 ouvriers meurent de faim, si les dividendes permettent d’entretenir nos calomniateurs et autres intéressés. M. Basly quitte la tribune en remerciant la population de sa bienveillance et de sa sympathie qui lui sont dictées par la solidarité.
- M. Giard, député, prend ensuite la parole. Il fait ressortir les points saillants du discours de M.Basly. Nous savons que M. Giard s’est dévoué à la cause du prolétariat ; et nous ne saurions trop le féliciter et le remercier d’apporter son talent comme appui à la grande revendication.
- M. Giard fait un parallèle entre les ouvriers d’Anzin et ceux du Familistère où la question du salariat a été résolue.
- Vous êtes au port,dit-il à nos ouvriers ; vous êtes à l’abri du danger, et vous ne faites pas comme le marin qui à terre se rit de la tempête ; vous vous intéressez à ceux qui naviguent, vous prouvez ainsi que la solidarité n’est pas un vain mot.
- Après avoir exposé les griefs des mineurs contre la Compagnie d’Anzin qui a abattu l’arbre pour recueillir les fruits plus vite, et qui maintenant voudrait faire des économies qui compromettraient la sécurité des ouvriers et du sol, M. Giard rappelle qu’il a proposé à la Chambre un projet de loi pour restreindre les droits des grandes compagnies et intéresser les ouvriers aux bénéfices. Il veut que les grands fiefs qui sont des propriétés nationales restent à l’Etat; et. particulièrement, en cequiconcerne la Compagnie d’Anzin qui a plus de concessions qu'elle n’en peut exploiter.
- Ce qui était à tous doit revenir à tous.
- Nous n’entendons pas reprendre sans compensation ce qui a été donné ; mais nous ferons le compte de la richesse nationale et nous verrons à faire une juste balance.
- La justice veut que chacun soit rémunéré suivant le concours apporté. Le travail qu’on a jusqu’ici méprisé est l’égal du capital, et comme lui, il a droit à I sa part. La lutte est ouverte et le champ de bataille
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- LE DEVOIR
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- est là où est Basly. Vous nous apportez votre obole, merci !
- Après avoir remercié M. Girard au nom de la population de ce qu’il a fait à la Chambre, M. Godin donne la parole à M. Deynaud.
- Nous ne referons pas ici le discours de notre vaillant rédacteur, les applaudissements qui ont accueilli ses paroles lui ont prouvé que la cause du socialisme, à laquelle il a apporté sa chaude éloquence. a été comprise par notre population.
- M. Deynaud a pris la question de haut ; il a pris texte de la grève d’Anzin pour étudier la question sociale qui doit être maintenue à l’ordre du jour.
- Au Familistère, dit-il, la question a été résolue et il engage M. Basly a rapporter aux mineurs 'd’Anzin ce qu’il a vu ici.
- Dites à vos amis que vous avez vu une industrie où la grève, si funeste aux ouvriers eux-mêmes, est impossible ; dites leur que vous avez vu les ouvriers possesseurs de leurs outils de leurs habitatations ; dites leur que vous avez vu ici une population active, travailleuse, à l’abri de toutes les crises et possédant toutes les garanties de l’existence ; — dites leur que le salariat n’existe plus, au Familistère, et que le travail est rémunéré au même titre que le capital, en attendant Jque ce dernier ait fait retour aux travailleurs eux-mêmes ; car la possession des moyens de production par les travailleurs est une condition nécessaire de leur émancipation.
- Après avoir parlé de la solidarité entre les hommes, M. Deynaud a terminé son discours par les paroles suivantes.
- Délégués d’Anzin,vous représentez à cette heure la cause du salariat, cause nationale, cause universelle. Vous avez eu raison d’en appeler à la France entière ; mais, ici, à Guise, centre de l’ancienne Picardie, dont quelques enfants ont empreint l’histoire de marques si profondes, vos plaintes et vos revendications prennent leur véritable signification ; nulle part, on ne peut citer des hommes aussi audacieux dans leur manière de rompre avec le passé et de préparer l’avenir, comparables à quelques illustres fils de la Picardie. Au moyen âge, c’est Pierre l’Ermite qui révolutionne le monde par les croisades ; plus tard, un autre picard, Calvin, oppose le droit d’examen à l’aveugle credo pontifical; en 89, c’est un enfant de Guise, Camille Desmoulins, qui, sous la poussée de l’idée philosophique, communique au peuple cette flamme révolutionnaire qui emporte la Bastille, la Noblesse et la Royauté; puis, à côté delà maison où est né ce vaillant champion de l’émancipation du Tiers-Etat, nous trouvons André Godin, dont la trace sera si profonde dans l’histoire de la
- rédemption des travailleurs. Le Familistère est une réalisation imposante dont l’inspiration se trouve dans les idées socialistes que le novateur de Guise a su comprendre, interpréter et agrandir, au point de doter le monde d’un œuvre nouvelle qui commence le régime de l’association. Eh bien ! nous, l'association qui vient de naître, nous devons à nos frères malheureux d’Anzin notre obole, notre concours ; donnons une fraternelle étreinte au salariat qui convulsionne avant de se transformer.
- M. Godin présente ensuite M. Roche qui prend la parole :
- Dans un discours plein de verve M. Roche flétrit la compagnie d’Anzin,qui épuise ses ouvriers et paraît ne les trouver jamais assez misérables; puis il entreprend une revue historique des revendications populaires, depuis la féodalité jusqu'à nos jours en passant par notre grande Révolution — il jette un coup d’œil sur l’avenir, en se demandant ce que dans cent ans nos enfants penseront de notre état actuel. — Ils s’étonneront certainement de voir un gouvernement républicain accorder sa protection à des Audi-fret-Pasquier et tuti-qunnti pour la refuser à ceux qui ont fondé la République.
- La Révolution dit-il est un principe,c’est le régime de la liberté.
- M. Roche quitte la tribune aux applaudissements de l’assemblée.
- M. Godin remercie les orateurs qui ont prêté leur concours à cette conférence.
- II dit qu’après les discours éloquents qu’on vient d’entendre il ne prendrait pas la parole s’il ne sentait le besoin de faire ressortir le côté pratique qu’une plus sage prévoyance de la loi pourrait ménager aux travailleurs. Il suffit pour s’en rendre compte de jeter un coup d’œil sur ce que la Compagnie d’Anzin aurait pu faire, sans affecter sensiblement les bénéfices de ses actionnaires.
- M. Godin fait remarquer qu’il y a 80 ans la Compagnie d’Anzin était déjà rentrée dans son capital de fondation. Supposons qu’elle ait occupé, en moyenne, depuis lors 5,000 ouvriers à mille francs chacun, cela donnerait cinq millions de salaires, payés par année...............ci.
- Si la Compagnie avait commencé, il y a 70 ans, à garantir sur la mine, au profit des travailleurs à son service 5 0/0 des salaires à eux payés, cela aurait constitué annuellement
- une somme de.......................
- et en 70 ans une somme de. . .
- La comparaison avec ce qui se passe dans la société da Familistère
- 5 000.000fr.
- 250.000
- 17.51.0.000
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- LK DEVOIR
- de Guise établit que la Compagnie d’Anzin aurait pu payer des pensions à 200 pensionnaires par an, depuis 50 ans ; à raison de 500 francs en
- moyenne, ce serait...................... 100.000
- de pensions qu’elle aurait eu à verser annuellement.
- Il resterait aujourd’hui un capital, constitué au profit des travailleurs, se chiffrant par 150,000 francs et par 70 ans, soit..................... 10.500.000 fr.
- C^s dis millions cinq cent mille francs garantis par la mine, permettraient, à 5 0/0 d’intérêt, un revenu
- annuel de............................... 250.000
- revenu qui, progressivement, par les intérêts accumulés , aurait permis de faire largement mille à quinze cents francs de retraite à tous les travailleurs invalides, au lieu de les jeter sur le pavé et de les livrer à la misère comme la Compagnie d’Anzin le fait aujourd’hui
- Cela ne serait véritablement qu’une obole comparativement aux immenses richesses que la Compagnie a obtenues du travail de ses ouvriers.
- Qu’on se demande ensuite s’if n’y a pas quelque chose d’étrange, de monstrueux, à ce que des richesses accumulées par la nature au sein de la terre, pour le genre humain tout entier, puissent être exploitées au seul profit de quelques hommes, en laissant dans la misère les travailleurs qui extraient ces richesses.
- Mineurs, organisez donc mieux que la grève, organisez vos remontrances aux pouvoirs publics. Soutenez sans relâche le droit des travailleurs à vivre eux et leurs familles du fruit de leurs labeurs, et cela jusqu’à ce que les pouvoirs publics vous aient donné les garanties de ce droit.
- Demandez sans cesse ni trêve que la mutualité nationale vous assure ces bienfaits et le droit pour l’ouvrier de participer aux bénéfices de la mine.
- La réunion vote à l’unanimité la proposition suivante :
- Les citoyens réunis, le 3 avril 1884, au théâtre du Familistère de Guise, déclarent qu'il y a lieu de soutenir les grévistes d’Anzin.
- Ils demandent l’adoption des projets de loi déposés par MM. Giard et Brousse, tendant à l’expropriation par l’Etat des concessions houillères, et leur exploitation sous la surveillance de l’Etat par des sociétés garantissant aux familles des mineurs, au moyen d’un prélèvement sur les bénéfices, le nécessaire à la subsistance, les soins aux malades, des retraites aux victimes d'accidents et aux vieillards, et répar-
- tissant les bénéfices proportionnellement au concours de l’Etat, des concessionnaires et de chacun des travailleurs.
- Ils Invitent les travailleurs des centres ouvriers à convoquer leurs représentants à l’occasion du conflit d’Anzin pour leur donner mandat de voter des lois conformes aux déclarations précédentes.
- M. Godin remet ensuite les recettes en faveur des
- mineurs.
- Collecte dans les ateliers. . . .
- Produit de la Conférence. Versement de M. Godin.. . . . .
- Total. . .
- Collecte à la sortie de la conférence, Mme Yve Boussuat Robertine .
- 321 fr.
- 132
- 237
- 700
- 60
- 5
- Total. ... 765 fr.
- Le secrétaire de la réunion,
- Bernakoot.
- ADHÉSIONS
- Aux principes de la Ligue fédérale de la paix et d’arb.trage international.
- Mesdames,
- Tarbouriech Isabelle, à Cszouls-les-Béziers.
- Delozarme, propriétaire à Djijeli (Algérie).
- Ve Glady Gavelier-Bréchot, institutrice, 23. Grand’Rue h Saumard.
- G udice Maria, 32 Via Beverato, interno 9 Borgo Pila, Gènes
- Puyo, propriétaire, à Djijéli (Algérie).
- Messieurs,
- Morlet Ulysse, employé à Guise, Aisne.
- Degon Emile, employé de mairie à Guise.
- Dewon, préposé principal de l’octroi à Guise.
- Degon Camille, comptable au chemin de fer du Nord, 13, rue Letort, Paris.
- Degon Ovide, commerçant à Guise.
- Olivier Eugène, à Guise.
- Payliardini Fitv, secrétaire honoraire pour l’Italie de la WornmenfTs Peace association de l'Angleterre.
- Devoluet Antoine, coionei d’artillerie retraité, 58, avenue d© Wagram, Paris.
- Giudiee Luigi, sculpteur, Via Beverato 32, interno 9, Borgo Pila, Gênes.
- Corda Gaston, quincaitler au Ghesne, Ardennes.
- 1 DelozanneJ., propriétaires à Djijéli, Algérie.
- ? Joannès, préposé des lits militaires, Dji eli (Algérie).
- ' Aoust Etienne, coiffeur â Gazouls-Ies-Béziers.
- | Bousquet Paul, employé a GazouL-les-Béziers.
- Laforgue Jean, négociant, faubourg Bounefoy, 65, à Toulouse.
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- LE DEVOIR
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- VARIÉTÉ
- ROSE GIRARD
- Le sentiment de l’honner attaché à la vertu de la femme se rencontrait parfois très fort chez des artisans aux mœurs saines, presque austères, en province surtout; on voit encore des pères adorant leurs filles, comme une sorte d’idéal, jusqu’à les tuer si elles manquent à leur chasteté, la douleur de les voir tomber leur état intolérable,
- Pierre Girard, charron, solide travailleur, avait deux filles, grandes, jolies, en âge d’être mariées, malheureusement elles ne possédaient en dot que leurs attraits; gaies, vives, avenantes, elles étaient tort recherchées par la jeunesse de la ville : pas une partie de plaisir dont elles ne fussent, et la mère ne pouvait suffire à les accompagner partout dans les réunions, les promenades, les allées et venues avec leurs amies, après les heures de travail ou les jours de fête. D’ailleurs, en certaines villes de province lointaine, aux coutumes patriarcales, une grande liberté règne entre les jeunes gens des deux sexes dont très rarement iis. abusent; on vit comme en famille, il semble que ce soit tous frères et sœurs, et, le plus généralement, on se marie après avoir vécu dans l’intimidité la plus complète en même temps que la plus innocente.
- L’aînée des deux sœurs, Rose,était la plus aimable naïve, sans défiance, expensive, elle apportait dans les relations d’amitié une facilité irréfléchie et pleine de grâce ; l’élégance de ses formes, la finesse de ses traits, la délicatesse de sa carnation se rencontrent rarement chez les simples ouvrières. La cadette, Marie, plus rustique, bien que belle fille également, se montrait plus avisée, plus prudente,et savait gar der une réserve avec les jeunes gens, tout en se livrant sans arrière pensée à son enjouement naturel.
- Le compagnonnage n’existe plus guère de nos jours et les ouvriers voyageurs attachés à ces corporations de jadis, animés d’un puissant esprit moral, ne circulent plus de cité en cité, faisant leur tour de France; quelques caractères vagabonds seuls se plaisent à changer constamment de localité : des poussées d’ouvrage entraînent par moments plusieurs à se transporterer d’une contrée à l’autre.
- Parmi ces derniers, an jeune Bordelais, fort beau garçon, spirituel et hardi, sut gagner Rose, elle ne fit point réflexion qu’étranger à la ville, il y était comme l’oiseau sur la branche et ne subissait aucune de ces influences de famille et de relations qui, pesant sur le cœur et la conscience, retiennent dans le le devoir. Habile à séduire, sans scrupule, il enlaça très-habilement l’honnête et simple fille, ne lui parlant que de mariage, formant avec elle des projets pour toute la vie. Elle l’aima de tout son cœur, pleine de confiance et d’abandon et se laissa surprendre un jour dans le piège qu’il lui avait tendu avec la ruse savante d’un trompeur expert. Le perfide continua plus quo jamais à lui parler de mariage, puis, quand il apprit mystérieusem nt par elle qu’un fruit de ses œuvres s’agitait sourdement dans les entrailles de la pauvre créature, subitement il disparut sans que nul put dire où il était allé, car il redoutait le père.
- Du jour de son départ, la gaî é de Rose s’envola ; un voile de mélancolie s’étendit sur son visage que
- n’éclairait plus jamais ce doux sourire épanoui qui lui prêtait tant de charme : Le sourire des vierges, comme le soleil et le bon vin réjouit le cœur de l’homme : la gaîté de ses filles rendait heureux Pierre Girard, la tristesse de son aînée le fit triste et songeur; d’&bord il crut, comme tout le monde, que la disparition de son prétendu avait profondément affecté sa fille et pensa bien que le temps et les assiduités de quelque autre brave gare n remédierait au mal. Mais la mélancolie semblait empirer, et, simultanément,, la santé s’altérait ; certains accidents, plus habituels aux femmes mariées qu’aux jeunes fille-», éveillèrent dans son esprit des soupçons terribles, mais les trois femmes, la mère et les deux sœurs, s’appliquèrent d’entente à dérouter ses suppositions, sans parvenir à le rassurer entièrement.
- Effrayée des conséquences de sa faute, épouvantée surtout à l’idée de la voir connue par son père, Rose, par tous les moyens, dissimula sa grossesse; néanmoins on en jasait à petit bruit, sous le manteau de la cheminée, car nul n’en était sûr, et ces rumeurs arrivaient cepentant jusqu’à Pierre, qui se sentait mordu au cœur d’une atroce angoisse. Il n’osait interroger son enfant, pas même sa femme dont il connaissait l’aveugle tendresse, la faiblesse pour leurs filles, mais, à la dérobée, il jetait sur l’infortunée des regards étrangement scrutateurs où on lisait un doute douloureux et qui la faisaient frissonner.
- Un soir, le père rentre, au sortir du travail ; les jeunes filles cousent silencieuses, la mère apprête le repas ; modeste intérieur de l’artisan économe et rangé, naguère la joie y rayonnait ; comme deux fauvettes en cage, Rose et Marie gazouillaient les chansons du jour ou quelque vieille romance d’antan, et Pierre s’arrêtait sur le seuil, contemplant le tableau de son bonheur; ii ne sentait ni la fatigue, ni la pauvreté, pas un millionnaire qui eût un tel contentement.
- (A suivre) Ernest Allard.
- ETAT-CIVIL DO FAMILISTÈRE
- Semaine du SI Mars au 6 Avril 188k
- NAI-SANOES
- Le pr avril, de Léguiller Paul-Ernest, fils de Léguiller Georges et de Lemaire Ca.herine.
- Le lep avril, de Leduc 'Marie-Julia, fille de Leduc Jules et de Gaudrier Adèle.
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- Le 2 avril, de Défontaine Eugène, âgé de 18 ans et 5 mois.
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- SOMMAIRE
- Les Elections municipales. — Loi sur les réunions publiques. — Loi municipale. — Progrès et pauvreté. - Faits politiques et sociaux. — Statuts de la Ligue des travailleurs. — Banquet de la libre pensée. — Adhésion à la ligue. — Offre d'emploi• —Cours d'Adultes»
- les Elections municipales
- La période électorale municipale vient de commencer au milieu d’une indifférence générale. Les électeurs vont aller aux urnes sans préparation sérieuse. Dans les communes où l’on constate quelque activité électorale, elle est rarement motivée par les questions d’intérêt public ; à peine si les intérêts de clocher sont en jeu ; l’agitation, là où elle existe, ne dépasse pas les limites des compétitions personnelles.
- Les électeurs et les élus se sont habitués à considérer comme juste la loi qui interdit aux municipalités de s’occuper des questions politiques. Ils croiraient dépasser leurs attributions s’ils se permettaient de formuler dans les programmes des articles visant les réformes générales et^’administration publique du pays. Ils ne réfléchissent pas que l'électeur, étant à la fois, citoyen, travailleur, chef de famille, ne doit, jamais accepter une situation qui "mo\fldYit' ùhé'attiflbùtion quelconque deTune dé «es
- trois qualités. On s’étonne qu’un peuple souverain ait pu se résigner à subir des lois qui, dans un cas, lui interdisent de s’occuper de religion ; dans un autre, de traiter des sujets politiques ou bien de discuter les conditions générales faites aux travailleurs, de telle sorte que, rarement, il lui est permis de se préoccuper de l’ensemble de ses intérêts directs.
- Sous l’empire et pendant les premières années de la République, la vie communale a été restreinte aux besoins des voies de communications, des écoles, des églises ; seulement en ce qui concernait la partie matérielle, sans qu’on ait jamais permis aux municipalités de s’immiscer sérieusement aux choses de* ponts-et-chaussées, de l’enseignement et des cultes. Cependant ces intérêts réduits à de si minimes proportions entretenaient encore quelque semblant de vie publique.
- Maintenant,les communes riches ont généralement achevé leur réseau de chemins vicinaux ; elles ont bâti leurs écoles, et donné à leurs monuments religieux un développement qu’qlles réduiraient, si elles pouvaient, sous la poussé* d’un commencement d’émancipation religieuse ; les autres, les communes moins riches sont endettées ; elles sont dans une situation analogue à celle de* communes trop pauvres pour emprunter ; elles sont impuissantes à terminer les voies de communication, depuis que l’Etat a supprimé la dotation des chemins vicinaux ; celles qui n’ont pas construit leurs écoles ne peuvent songer à ces entreprises puisque la caisse des écoles est vide et que les législateurs ont refusé de nouveaux crédits.
- On conçoit que dans ce* conditions, tant que le*
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- LE DEVOIR
- électeurs ne comprendront pas la nécessité d’augmenter les attributions municipales, il n’y ait pas à proprement parier vie municipale, faute de mobile pour l’entretenir. L’administration communale, réduite à l’entretien des choses créées et définies, n’a pas asSez d’àttrâctioh pèur tërtir ën éveil l’esprit public ; elle n’exige d’autres efforts que le travail des secrétariats des mairies. Il faut cependant constater une exception en faveur des grands rentres, où les besoins du progrès et les ressources considérables des municipalités maintiennent constamment à l’ordre dü jour des conseils municipaux des intérêts materiels assez importants pour mériter l’attention générale.
- Mais la vie publique dans la commune est une condition nécessaire d’un Etat républicain ; il y a péril national à la laisser disparaître. Les législateurs n’ont pas compris qu’au moment, où ils autorisaient la publicité des séances des conseils municipaux, ils allaient augmenter l’énervement des électeurs en les introduisant dans des assemblées n’ayant aucun prétexte d’agiter des questions véritablement dignes d’intérêt.
- Il faut que les communes redeviennent ce "qu’elles ont été dans le passé, un instrument de décentralisation et de progrès poursuivant en même temps la solution des questions d’intérêt local et d’intérêt général. Elles ne reprendront cette brillante situation que d’autant qu’elles sauront retrouver leur esprit d’initiative d’autrefois. Alors, elles n’attendaient rien du pouvoir ; elles savaient lui forcer la main pour se faire octroyer les droits qu’elles commençaient par s’arroger elles-mêmes.
- L’électeur municipal ne doit renoncer à aucune des questions qui intéressent le chef de famille* le travailleur, le citoyen ; en les abordant toutes, il ne doit avoir d’autre but que celui de les élucider, de les préciser et d’en hâter la maturité, en évitant de compliquer le travail des autres corps publics.
- En réservant aux municipalités le droit de nommer un Sénat, le gouvernement a reconnu, à son insu peut-être, ou bien parce qu’il supposait que l’électeur municipal ne penserait pas à bénéficier des conséquences de cette situation, le devoir de ne rien négliger de tout ce qui est d’ordre politique* administratif et religieux. Cette aflîrmation se passe de tout commentaire. Comment le Sénat pourrait-il avoir le mandat de s’occuper de politique, si ceux qui le nomment étaient privés de ce droit ; et comment les conseillers municipaux, les électeurs sénatoriaux, auraient-ils, eux-mêmes, ce pouvoir, si les électeurs du premier degré ne le leur avaient pas conféré ?
- Les électeurs municipaux ne doivent pas hésiter à inscire dans les programmes des candidats des clauses visant les questiohs à l’ordre du Jour du Parlement. Il y a quelques jours, Mi Ferrÿ et tout le ministère soutenaient l’impossibilité de faire âucune dépense en faveur des traitements des instituteurs ; hier, le même ministère affirmait à Cahors que l’on devait indéfiniment conserver un Concordât ghi impose une dépense annuelle de 100,00(3,000 au profit des cultes; il appartient aujourd’hui aux électeurs municipaux de proclamer qu’il y a lieu de supprimer le budget de l’ignorance pour augmenter d’autant celui de l’instruction publique. Le gouvernement se propose d’introduire dans la nouvelle loi militaire des privilèges en faveur des enfants des familles riches, sous prétexte de ne pas entraver le recrutement des carrières libérales ; les chefs de familes pauvres et les honnêtes gens de toutes conditions ont le devoir d'opposer à ses prétentions gouvernementales un article municipal demandant l’égalité du service militaire. Ën même temps qu’ils défendront ce principe d’égalité devant les charges militaires, ils sè conduiront en vrâis patriotes en cherchant à faire prévaloir une politique étrangère devant nous cohd'ûrê aù désarmement européen et à l’arbitrage ihtéfhational. Lès financés publiques sont eh souffrance ; le déficit augmente sans cesse ; les parlementaires ne savent trouver d'autres procédés que les emprunts* il appartient aux conseils tnnuiei* paux d’examiner s’il ne vaudrait pas mieux, au lieu d’endetter la nation, demander des ressources aux gens riches après tèub moft, ên fendàht l'Etat héritier dans les successions de ceux qui meurent sans héritiers directs, et en établissant un droit d’hérédité progressif dans les grosses fortunes. Il s'élève aujourd’hui d’incessantes querelles entre les salariés et les càpitàlistes ; les grèves menacent de compromettre la prospérité publique ; le gouvernement refuse d’intervenir en faveur des faibles. Pourquoi les municipalités, nées dés nécessités de la défense des faibles contre les forts, ne reprendraient pas leur rôle proteCtèùr?
- Non-seulement les électeurs municipaux doivent mandater leurs élus comme nous venons de l’indi* quer ; mais, aussi longtemps que dureront les aûo*-malies de notre représentation nationale, ils auront intérêt à demander à lenrs conseillers de Se réunir, en session, ou hors session, afin de discuter les votes des sénateurs élus par eux. La municipalité parisienne a donné, l’an dernier, un excellent exem* pie qui n’a pas été imité ; les électeurs agiraient sagement en imposant aux conseillers municipaux
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- d’organiser chaque année des réunions publiques, dans lesquelles les sénateurs seraient invités à rendre compte de leurs votes.
- Dans le domaine communal, une municipalité animée de bonnes intentions peut souvent établir des réalisations d’un grand intérêt pratique. Certaines communes possèdent encore des biens communaux; il serait de bonne administration de les mettre en valeur en les agençant convenablement avant de les louer, lorsque la municipalité possède des ressour* ces suffisantes ; ou bien en cédant la jouissance gratuite des propriétés incultes, pendant un certain temps, à des citoyens obligés par un cahier des charges, rationnellement établi, à des conditions de culture devant permettre de louer fructueusement après l’expiration de cette première concession. Il faut éviter d’encourager les communes à vendre leurs biens communaux. Si l’on eût procédé ainsi, au lieu des ressources passagères tirées ordinairement de la vente des parcelles communales, un grand nombre de municipalités trouveraient, dans les revenus annuels des parcelles mises en valeur, des produits souvent supérieurs aux ressources qu’elles demandent à des impôts aussi iniques que les octrois. Les électeurs des communes soumises à l’octroi ont un avantage réel à remplacer ces impôts par des centimes additionnels, parce que ceux-ci eôùtent beaucoup moins à percevoir. Les municipalités devraient se préoccuper d’organiser une assistance publique sur des bases assez larges pour permettre au gouvernement de la transformer plus tard en mutualité nationale. Les travailleurs ont intérêt à ne pas voter pour un candidat qui refuserait de s’engager à confier les entreprises communales à des associations ouvrières. L’organisation des magasins communaux, boucheries, boulangeries, et bazards etc, etc , même des habitations municipales a aussi une grande importance au point de vue du bien-être général. Nous pouvons appuyer cette affirmation par des chiffres indiscutables. Nous pouvons considérer, en quelque sorte, comme formant une commune, les 1.20Ü habitants logés dans le Familistère, comme une commune logeant ses habitants dans une habitation municipale et ayant ses magasins communaux. Notre commune, notre Familistère, reçoit annuellement 60.000 francs des locataires ; et les magasins divers, après avoir procuré un travail rémunérateur à un grand nombre de personnes, lui produisent un bénéfice net de 45.0Ù0 francs ; soit un total de 105.000 francs. Or, on sait qu’en France il y a 31.000 groupes de 1.200 habitants ; si l’on suppose chacun de ces groupes épargnant 105.000 francs, par an, en logeant et en pourvoyant coopérativement ses
- membres, l’économie totale dépasse trois milliards deux cent cinquante mille francs, plus de l’équivalent du budget de toute la France.
- Les conseillers municipaux ont en outre de graves obligations à remplir en ce qui concerne l’éducation de l’enfance et la protection à accorder aux faibles.
- Comme toutes les réformes sont subordonnées à la question financières, nous insistons auprès des électeurs pour qu’ils commandent à leurs mandataires d’exercer une pression incessante sur les gouvernants afin d’obtenir une bonne loi sur l’hérédité de l’Etat, selon les idées générales émises plus haut.
- Tout ce qui vient d’être dit restera lettre morte, aussi longtemps que les électeurs continueront à se montrer incapables ds choisir des hommes dignes de les représenter. Il ne s’agit point d’élire des hommes honnêtes, suivant la signification banale de ce mot, gens qui respectent la loi par crainte lorsqu’ils ne peuvent pas la tourner sans avoir la certitude d’échapper à ses atteintes ; de même, il faut se méfier des hommes instruits, lorsqu'ils ont prouvé par leur conduite qu’il n’ont pas conscience de la science de la vie. Le véritable représentant sera l’homme indépendant, qui sait s’élever au-dessus de la crainte des gouvernements et se maintenir au-dessus des interpellations vulgaires d’une morale empirique ; il y a encore plus de courage à résister aux entraînements et aux acclamations de la foule qu’à désobéir aux injonctions des gouvernements autoritaires. L’homme véritablement indépendant est celui qui, planant au-dessus des ordres des puissants et des invités de la masse ignorante, sait discerner les conditions de la vie humaine et y conformer sa conduite en méprisant les conventions et les lois contraires à l’intérêt public.
- Nous n’examinerons pas si la masse ignorante, poussée par sa vague aspiration vers le perfectionnement de la vie humaine, est capable de discerner chez les individus une qualité qu’elle ne possède pas dans son ensemble. L’heure de l’action est trop proche pour nous arrêter à philosopher. Nous terminerons en rappelant aux électeurs et aux candidats que le citoyen a le droit et le devoir d'examiner tout ce qui touche à l’intérêt public et de ne tenir aucun compte des lois restrictives.
- Le peuple sera véritablement souverain lorsqu’il saura s’inspirer des profondes paroles défendues par le Devoir, définissant ainsi la mission suprême de la politique :
- Faire de Vexistence humaine le premier objet de l'attention sociale ;
- Aimer, vénérer, respecter, servir l'existence hu-maine ;
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- La protéger au-dessus de toutes choses dans l'individu, dans la famille et dans la société.
- Loi sur les réunions publiques
- Art. 1er. — Les réunions publiques sont libres.
- Elles peuvent avoir lieu sans autorisation préalable, sous les conditions prescrites par les articles suivants.
- 2o _ Toute réunion pnblique sera précédée d’une déclaration indiquant le lieu, le jour, l’heure de la réunion. Cette déclaration sera signée par deux personnes au moins, dont l’une domiciliée dans la com-mune où la réunnion doit avoir iieu.
- Les déclarants devront jouir de leurs droits civils et politiques, et la déclaration indiquera leurs noms, qualités et domiciles.
- Les déclarations sont faites : à Paris, au préfet de police ; dans les chefs-lieux de département, au préfet ; dans les chefs-lieux d’arrondissement, au sous-préfet ; et dans les autres communes, au maire.
- Il sera donné immédiatement récipissé de la déclaration.
- Dans le cas où le déclarant n'aurait pu obtenir de récipissé, l’empêchement ou le refus pourra être constaté par acte extra-judiciaire ou par attestation signée de deux citoyens domiciliés dans la commune.
- Le récipissé, ou 1 acte qui en tiendra lieu, constatera l’heure de la déclaration.
- La réunion ne peut avoir lieu qu’après un délai d’au moins vingt-quatre heures.
- Ce délai sera réduit à deux heures pour les réunions publiques électorales prévues à l’article 5, lorsqu’elles seront tenues dans la période comprise entre le décret ou arrêté portant convocation du collège électoral et le jour de l’élection exclusivement.
- La réunion pourra avoir lieu le jour même du vote, s’il s’agit d’élections comportant plusieurs tours de scrutin dans la même journée.
- La réunion pourra alors suivre immédiatement la déclaration.
- 4. — La déclaration fera connaître si la réunion a pour but une conférence, une discussion publique, ou si elle doit constituer une réunion électorale prévue par l’article suivant.
- 5. — La réunion électerale est celle qui a pour but le choix ou l’audition des candidats à des fonctions publiques électives, et à laquelle ne peuvent assister que les électeurs de la circonscription, les candidats, les membres des deux chambres et le mandataire de chacun des candidats.
- 6. — Les réunions ne peuvent être tenues sur la voie publique ; elle ne peuvent se prolonger au-delà de onze heures du soir ; cependant, dans les localités où le fermeture des établissements publics a lieu plus tard, elles poarront se prolonger jusqu’à l’heure fixée pour la fermeture des établissements.
- 7. — Les clubs demeurent interdits.
- 8. — Chaque réunion doit avoir un bureau composé de trois personnes au moins ; le bureau est chargé de maintenir l’ordre, d’empêcher toute infraction aux lois,de conserver à la réunion le caractère qui lui a été donné par la déclaration ; d’interdire tout discours contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, ou contenant provocation à un acte qualifié, crime ou délit.
- A défaut de la désignation par les signataires de la déclaration, les membres du bureau seront élus par l’assemblée.
- Les membres du bureau et, jusqu’à la formation du bureau, les signataires de la déclaration sont responsables des infractions aux prescriptions des articles 6, 7 et 8 de la présente loi.
- 9. — Un fonctionnaire de l’ordre administratif ou judiciaire peut-être délégué, à Paris par le préfet de police, et dans les départements, par le préfet, le sous-préfet ou le maire, pour assister à la réunion.
- Il choisit sa place.
- Il n’est rien innové aux dispositions de l’article 3 de la loi des 16 24 août 1790, de l’article 9 de la loi des 19-22 juillet 1791 etdes articles 9 et 15 du 18 juillet 1837.
- Toutefois, le droit de dissolution ne devra être exercé par le représentant de l’autorité que s’il en est requis par le bureau, ou s’il se produit des collisions et voies de fait.
- 10. —- Toute infraction aux dispositions de la présente loi sera punie des peines desimpie police, sans préjudice des poursuites pour crimes et délits qui pourraient être commis dans les réunions.
- 11. — L’article 463 du Code pénal est applicable aux contraventions prévues par la présente loi. L’action publique et l’action privée se prescrivent par six mois.
- 12. — Le décret du 28 juillet 1848 demeure abrogé, sauf l’article 13 qui interdit les Sociétés secrètes. Sont également abrogés : le décret du 25 mars 1852, la loi des 6-10 juin 1868 et toutes dispositions contraires à la présente loi.
- 13. — La présente loi est applicable aux colonies représentées au Parlement.
- DE L’AFFICHAGE
- Dans chaque commune, le maire désigne, par arrêté, les lieux exclusivement destinés à recevoir les affiches des lois et autres actes de l’autorité publique.
- Il est interdit d’y placarder des affiches particulières.
- Les affiches des actes émanés de l’autorité seront seules imprimées sur papier blanc.
- Toute contravention aux dispositions du présent article sera punie d’une amende de cinq à quinze francs.
- Les professions de foi, circulaires et affiches électorales pourront être placardées, à l'exception des emplacements réservés par Partirne précédent, sur tous les édifices publics autres que les édifices consacrés aux cultes, et particulièrement aux abords des salles de scrutin.
- Ceux qui auront enlevé, déchiré, recouvert ou altère par un procédé quelconque, de manière à les travestir ou à les rendre illisibles, des affiches apposées par l’ordre de l’administration dans les emplacements a ce réservés, seront punis d’une amende de cinq francs à quinze francs.
- Si le fait a été commis par un fonctionnaire ou un agent de l'autorité publique, la peine sera d’une amende de seize à 100 francs et d’un emprisonnement de six jours à un mois, ou de l’une de css deux peines seulement.
- Seront punis d’une amende de cinq francs, à quinze francs ceux qui auront enlevé, déchiré, recouvert ou altéré par un procédé quelconque, de manière
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- à les travestir ou à les rendre illisibles, des affiches électorales émanant de simples particuliers, apposées ailleurs que sur les propriétés de ceux qui auront commis cette lacération ou alteration.
- La peine sera d’une amende de seize francs à cent francs et d’un emprisonnement de six jours à un mois ou de l’une des deux peines seulement, si le fait a été commis par un fonctionnaire ou agent de l’autorité publique, à moins que les affiches n’aient été apposées dans les emplacement réservés.
- Pendant la période électorale, les affiches portant la signature d’un candidat sont dispensées de payer le droit de timbre.
- Les affiches électorales ne sont pas soumises au dépôt préalable.
- Les dernières affiches électorales doivent être placardées deux heures avant l’ouverture du vote.
- DISTRIBUTION DES CIRCULAIRES ELECTORALES ET DES BULLETINS DE VOTES
- Les distributeurs de circulaires électorales, de bulletins de votes, comme les afficheurs, ne sont soumis à aucune formalité. Ces agents peuvent être recrutés parmi des mineurs ou des personnes ne jouissant pas de leurs droits civils ou politiques.
- LA NOUVELLE LOI MUNICIPALE
- Voici le texte complet et officiel de la nouvelle loi municipale adoptée définitivement par les deux Chambres.
- Titre Ier. — Des communes
- Article premier. — Le corps municipal de chaque commune se compose du conseil municipal, du maire et d’un ou plusieurs adjoints.
- Art. 2. — Le changement de nom d’une commune est décidée par décret du président de la République sur la demande du conseil municipal, le conseil général consulté et le conseil d'Etat entendu.
- Art. 3. — Toutes les fois qu’il s’agit de. transférer le chef-lieu d’une commune, de réunir plusieurs communes en une seule, ou de distraire une section d’une commune, soit pour la réunion à une autre, soit pour l’ériger en commune séparée, le préfet prescrit dans les communes intéressées une enquête sur le projet en lui-même et sur ses conditions.
- Le préfet devra ordonner celte enquête lorsqu'il aura été saisi d’une demande à cette effet, soit par le conseil municipal de l’une des communes intéressées, soit par le tiers des électeurs inscrits de la commune ou de la section en question, Il pourra aussi l’ordonner d’office.
- Après cette enquête, les conseils municipaux et les conseils d’arrondissement donnent leur avis, et la pio-position est soumise au conseil général.
- Art. 4. — Si le projet concerne une section de commune, un arrêté du préfet décidera la création d’une commission syndicale pour cette section, ou pour la section du chef-lieu, si les réprésentants de la première sont en majorité dans le conseil municipal, et déterminera le nombre des membres de cette commision.
- Ils seront élus par les électeurs domiciliés dans la section.
- La commission nomme son président. Elle donne son avis sur le projet.
- Art. 5. — Il ne peut être procédé à l’érection d’une commune nouvelle qu’en vertu d’une loi, après avis du corseil général et le conseil d’E’at entendu.
- Aît. 6. — Les autres modifications à la circonscription territoriale des communes, les suppressions et les réunions de deux eu de plusieurs communes* la désigna^
- tion des nouveaux chefs-lieux sont réglées de la manière suivante :
- Si les changements proposés modifient la circonscription du département, d’un arrondissement ou d’un canton, il est statué par une loi, les conseils généraux et le conseil d’Etat entendus.
- Dans tous les autres cas, il est statué par un décret rendu en conseil d’Etat, les conseils généraux entendus.
- Néanmoins, le conseil général statue définitivement s'il approuve le projet, lorsque les communes ou sections sont situées dans le même canton et que la modification projetée réunit, quant au fond et quant aux conditions de la réalisation, l’adhésion des conseils municipaux et des commissions syndicales intéressés.
- Art. 7. — La commune réunie à une autre commune conservent la propriété des biens qui lui appartenaient.
- Les habitants de cette commune conservent la jouissance de ceux de ces mêmes biens dont les fruits sont perçus en nature.
- Il en est de même de la section réunie à une autre commune pour les biens qui lui appartenaient exclusivement.
- Les édifices et autres immeubles servant à un usage public et situés sur le territoire de la commune ou de la section de commune réunie à une autre commune ou delà section érigée en commune séparée deviennent la propriété de la commune à laquelle est faite la réunion ou de la nouvelle commune.
- Les actes qui prononcent des réunious ou des distractions de communes en déterminent expressément toutes les autres conditions.
- En cas de division, la commune ou la section de commune réunie à une autre commune ou érigée en commune séparée reprend la pleine propriété de tous les biens qu’elle avait apportés.
- Art. 8. — Les dénominations nouvelles qui résultent s il d’un changement de chef-lieu, soit de la création d’une commune nouvelle, sont fixées par les autorités compétente* pour prendre ces décisions.
- Art. 9. — Dans tous les cas de réunion ou de fractionnement de communes les conseils municipaux sont dissous de plein droit. Il est procédé immédiatement à des élections nouvelles.
- Titre II. — Des conseils municipaux
- CHAPITRE PREMIER
- Formation des conseils municipaux
- Art. 10. — Le conseil municipal se compose de 10 membres dans les communes de 500 habitants et au-
- dessous.
- Habitants.
- De 12 dans celles de 501 à 1500
- De 16 — 1501 à 2500
- De 21 — 2501 à 3500
- De 23 — 3501 à 10000
- De 27 — 10001 à 30000
- De 30 — 30001 à 40000
- De 32 — 40001 à 50000
- De 34 — o’iOOL à 60000
- De 36 - 60001 et au-des.
- Dans les villes divisées en plusieurs mairies, le nom-
- bre des conseillers sera augmenté de trois par mairie.
- Art. 11. — L’élection des membres du conseil municipal a lieu au scrutin de liste pour toute la commune.
- Néanmoins, la commune peut être divisée en sections électorales, dont chacune élit un nombre de conseillers proportionné au chiffre des électeurs inscrits, mais seulement dans les deux cas suivants :
- 1. Quand elle se compose de plusieurs agglomérations d’habitants distinctes et séparées; dans ce cas, aucune section ne peut avoir moins de deux conseillers a élire ;
- 2. Quand la population agglomérée de la commune e=t supérieure à 10,000 habitants. Dans ce cas, la section ne peut être formée de fractions de territoire appartenant à des cantons ou à des arrondissements municipaux différents. Les fractions de territoire ayant des biens propres ne peuvent être divisées entre plusieurs sections électorales^
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- Aucuns de ces sections ne peut avoir moins de quatre conseillers à élire,
- Daus tous les cas où le sectionnement est autorisé, chaque seelion doit être composé de territoires contigus.
- Art. 12. — Le sectionnement est fait par le conseil général sur l’initiative soit d’un de ses membres, soit Hu prefet, soit du conseil municipal ou d’électeurs de la commune intéressée.
- Aucune décision en matière de sectionnement ne peut être prise qu’après avoir été demandée avant la session d’avril ou au cours de cette session au plus tard. Dans l’intervalle entre la session d’avril et la session d’août, une enquête est ouverte à la mairie de la commune intéressée, et le conseil municipal est consulté par les soins du préfet.
- Chaque année, ces formalités étant observées, le conseil général, dans sa session d’août, prononce sur les projets dont il est saisi. Les sectionnements ainsi opérés, subsistent jusqu’à une nouvelle décision. Le tableau de ces opérations est dressé chaque année par le conseil général de la session d'août. Ce tableau sert pour les élections intégrales à faire dans l’année.
- Il est publié dans les communes intéressées avant la convocation des électeurs par les soins du préfet, qui détermine, d'après le chiffre des électeurs inscrits dans chaque section, le nombre des conseillers que la loi lui attribue.
- Le sectionnement, adopté par le conseil général, sera représenté par un plan déposé à la préfecture et à la mairie de la commune intéressée. Tout électeur pourra le consulter et en prendre copie.
- Avis de ce dernier dépôt sera donné aux intéressés par voie d'affiche à la porte de la mairie.
- Dans les colonies régies par la présente loi, toute demande ou proposition de sectionnement doit être faite trois mois au moins avant l’ouverture de la session ordinaire du conseil général. Elle est instruite par les soins du directeur de l’intérieur dans les formes indiquées ci-dessus.
- Les demandes et propositions, délibérations de conseils municipaux et procès-verbaux d’enquête sont remis au conseil général à l’ouverture de la session.
- Art. 43. — Le préfet peut, par arrêté spécial publié dix jours au moins à l’avance, diviser la commune en plusieurs bureaux de vote qui concourront à l'élection des mêmes conseillers.
- Il sera délivré à chaque électeur une carte électorale. Cette carte indiquera le lieu où doit siéger le bureau où il devra voter.
- Art. 14. — Les conseillers municipaux sont élus par le suffrage direct universel.
- Sont électeurs tous les Français âgés de vingt et un ans accomplis, et n’étant dans aucun cas d’incapacité prévu par la loi.
- La liste électorale comprend : tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune, ou y habitent depuis six mois au me ins ; 2° ceux qui y auront été inscrits au rôle d’une des quatre contributions directes ou au rôle des prestations en nature, et, s’ils ne résident pas dans la commune, auront déclaré vouloir y exercer leurs droits électoraux.
- Seront également inscrits, aux termes du présent paragraphe, les membres de la famille des mêmes électeurs compris dans la cote de la prestation en nature, alors même qu’ils n’y sont pas personnellement portés, et les habitants qui en raison de leur âge ou de leur santé auront cessé d’être soumis à cet impôt ; 3° ceux qui, en vertu de l'article 2 du traité du 10 mai 4871, ont opté pour la nationalité française et déclaré fixer leur résidence dans la commune, conformément à la loi du 19 juin 1871 ; 4° ceux qui sont assujettis à une résidence obligatoire dans la commune en qualité soit de ministres des cultes reconnus par l’Etat, soit de fonctionnaires publics.
- Seront également inscrits kg citoyens qui, neremplis-saot pas les conditions d’âge et de résidence ci dessus indiquées lors de la formation des listes, les rempliront avant la clôtura définitive,
- L’abieno® de la commun® Heuitw&t du servie# mili-
- taire ne portera aucune atteinte aux règles ci-deasus édictées pour l’inscription sur les listes électorales.
- Les dispositions concernant Paffichage. la libre distribution des bulletins, circulaires et professions de foi, réunions publiques électorales, la communication des listes d’émargement, les pénalités et poursuites, en matière législatives sont applicables aux élections municipales.
- Sont également applicables aux élections municipales les paragraphes 3 et 4 de l'article 3 de la loi organique du 30 novembre 1875 sur les élections des députés.
- Art. 15. — L’assemblée des électeurs est convoquée par arrêté du préfet.
- L’arrêté de convocation est publié dans la commune, quinze jours au moins avant l’élection, qui doit toujours avoir lieu un dimanche.
- Il fixe le local où le scrutin sera ouvert, ainsi que les heures auxquelles il doit être ouvert et fermé.
- Art. 16. — Lorsqu’il y aura lieu de remplacer des conseillers municipaux élus par des sections conformément à l’article 11 delà présente loi, ces remplacements seront faits par les sections auxquelles appartiennent ces conseillers.
- Art. 17. — Les bureaux de vote sont présidés par le maire, les adjoints, les conseillers municipaux, dans l’ordre des tableaux, et, en cas d’empêchement, par des électeurs désignés par le maire.
- AU. 18. — Le président a seul la police de l’assemblée. Cette assemblée ne peut s’occuper gt’autres objets que de l’élection qui lui est attribuée. Toutes discussion, toute délibération lui sont interdites.
- Art. 19. — Les deux plus âgés et les plus jeunes des électeurs présents à l'ouverture de la séance, sachant lire et écrire, remplissent les fonctions d’assesseurs.
- Le secrétaire est désigné par le président et les assesseurs.
- Dans les délibérations du bureau, il n’a que voix consultative. Trois membres du bureau, au moins, doivent être présents pendant tout le cours des opérations.
- Art. 20. — Le scrutin ne dure qu’un jour.
- Art. 21. — Le bureau juge provisoirement les difficultés qui s’élèvent sur les opérations de l’assemblée. Ses décisions sont motivées.
- Toutes ies réclamations et décisions sont insérées au procès-verbal ; les pièces et les bulletins qui s’y rapportent y sont annexés, après avoir été paraphés par le bureau.
- Art. 22. — Pendant toute la durée des opérations, une copie de la liste des électeurs, certifiée parle maire, contenant les noms, domicile, qualification de chacun des inscrits, reste déposée sur la table autour de laquelle siège le bureau.
- Art. 23. — Nul ne peut être admis à voter s’il n’est inscrit sur cette liste.
- Toutefois seront admis à voter, quoique non inscrits, les électeurs porteurs d’une décison du juge de paix ordonnant leur inscription ou d’un arrêt de la cour de cassation annulant un jugement qui aurait prononcé leur radiation.
- Art. 24. — Nul électeur ne peut entrer dans l’assemblée porteur d’armes quelconques.
- Art. 25. — Les électeurs apportent leurs bulletins préparés en dehors de l’assemblée.
- Le papier du bulletin doit être blanc et sans signe extérieur.
- L’électeur remet au président son bulletin fermé.
- Le président le dépose dans la boîte du scrutin, laquelle doit, avant le commencement du vote, avoir été fermée à deux serrures, dont les clefs, restent, l’une entre les mains du président, l’autre entre les mains de l’asseseur le plus âgé.
- Le vote de chaque électeur est constaté, sur la liste en marge de sou nom, par la signature, ou le paraphe avec initiales de l’un des membres du bureau.
- Art. 26. — Le présilent doit constater au commence-meut de l’opération, l’heure à laquelle le scrutin est ouvert.
- Le scrutin ne peut êtr* fermé qu’après avoir été ouvert pendant six heure# au melBi.
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- Le président constate l’heure à laquelle il déclare le scrutin clos ; après cette déclaration aucun rote ne peut être reçu.
- Art. 27. — Après la clôture du scrutin il est procédé au dépouillement de la manière suivante :
- La boîte du scrutin est ouverte et le nombre de bulletins vérifié.
- Si ce nombre est plus grand ou moindre que celui des votants, il en est fait mention au procès-verbal.
- Le bureau désigne parmi les électeurs présents un certain nombre de scrutateurs.
- Le président et les membres du bureau surveillent l'opération du dépouillement.
- Ils peuvent y procéder eux-mêmes, s’il y a moins de 300 votants.
- Art. 28. — Les bulletins sont valables bien qu’ils portent plus ou moins de noms qu’il n’y a de conseillers à élire.
- Les derniers noms inscrits au-delà de ce nombre ne sont pas comptés.
- Les bulletins blancs ou illisibles, ceux qui ne contiennent pas une désignation suffisante ou dans lesquels les votants se font connaître, m'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement, mais ils sont annexés au procès-verbal.
- Art. 29. — Immédiatement après le dépouillement le président proclame le résultat du scrutin.
- Le procès-verbal des opérations est dressé par le secrétaire ; il est signé par lui et les autres membres du bureau.
- Une copie également signée du secrétaire et des membres du bureau en est aussitôt envoyée, par l’intermédiaire du sous-préfet, au préfet qui en constate la réception sur un registre et en donne récépissé.
- Extrait en est immédiatement affiché par les soins du maire.
- Les bulletins autres que ceux qui doivent être annexés au procès-verbal sont brûlés en présence des électeurs.
- Art. 30. — Nul n’est élu au premier tour de scrutin s’il n’a réuni : 1® la majorité absolue des suffrages exprimés ; 2° un nombre de suffrages égal au quart de celui des électeurs inscrits.
- Au deuxième tour de scrutin, l’élection a eu lieu à la majorité relative, quel que soit le nombre des votants.
- Si plusieurs candidats obtiennent le même nombre de suffrages, l’élection est acquise an plus âgé.
- Ea cas de deuxième tour de scrutin, l’assemblée est de droit convoquée pour le dimanche suivant.
- Le maire fait les publications nécessaires.
- Art. 31. — Sont éligibles au conseil municipal, sauf les restrictions portées au dernier paragraphe du présent article et aux deux articles suivants, tous les électeurs de la commune et les citoyens inscrits au rôle des contributions directes ou justifiant qu ils devaient y être in scrits au 1*'janvier de l’année de l’élection, âgés de vingt-cinq ans accomplis.
- Toutefois, le nombre des conseillers qui ne résident pas dans la commune au moment de l’élection ne peut excéder le quart des membres du conseil. S’il dépasse ce chiffre, la préférence est déterminée suivant les règles posées à l’article 49.
- Ne sont pas éligibles les militaires et employés des armées de terre et de mer ea activité de service.
- Art. 32. — Ne peuvent être conseillers municipaux:
- 1. Les individus privés-4û droit électoral ;
- 2. Ceux qui sont pourvus d’un conseil judiciaire ;
- 3. Ceux qui sont dispensés de subvenir aux charges communales et ceux qui sont secourus par les bureaux de bienfaisance ;
- 4. Les domestiques attachés exclusivement à la personne.
- Art. 33. — Ne sont pas éligibles dans le ressort où ils exercent leurs fonctions :
- 1. Les préfets, sous-préfets, secrétaires-généraux, conseillers de préfecture ; et, dans les colonies régies par la présente loi, les gouverneurs, directeurs de Un* têrisur et Iss membres au conseil privé ;
- 2. Les commissaire* et tes agents de police |
- 3. Les magistrats des cours d'appel et des tribunaux de première instance, à l’exception des juges suppléants auxquels l’instruction n’est pas confiée;
- 4. Les juges de paix titulaires ;
- 5. Les comptables des deniers communaux et les entrepreneurs de services municipaux ;
- 6. Les instituteurs publics ;
- 7. Les employés de préfecture et de sous-préfectures ;
- 8. Les ingénieurs et les conducteurs des ponts-et-ehaussées, chargés du service de la voirie urbaine et vicinale, et les agents-voyers ;
- 9. Les ministres en exercice d’un culte également reconnu ;
- 10. Les agents salariés de la commune, parmi lesquels ne sont pas compris ceux qui, étant fonctionnaires publics ou exerçant une profession indépendante, ne reçoivent une indemnité de la commune qu’à raison des services qu’ils lui rendent dans l’exercice de cette profession
- Art. 34. — Les fonctions de conseillers municipal sont incompatibles avec celles :
- 1. De préfet, de sous-préfet et de secrétaire général de préfecture
- 2. De commissaire et d’agent de police ;
- 3. De gouverneur, directeur de l’intérieur et de membre du conseil privé dans les colonies.
- Les fonctionnaires désignés au présent article qui seraient élus membres d’un conseil municipal auront, à partir de la proclamation du résultat du scrutin, un délai ee dix jours pour opter entre l’acceptation du mandat et la conservation de leur emploi. A défaut de déclaration adressée dans ce délai à leurs supérieurs hiérarchiques, ils seront réputés avoir opté pour la conservation dudit emploi.
- Art. 35. — Nul ne peut être membre de plusieurs conseils municipaux.
- Un délai de dix jours, à partir de la proclamation du résultat du scrutin, est accordé au conseiller municipal nommé dans plusieurs communes pour faire sa déclaration d’option. Cette déclaration est adressée aux préfets des départements intéressés.
- Si, dansee délai, le conseiller élu n'a pas fait connaître son option, il fait partie de droit du conseil de la commune où le nombre des électeurs est le moins élevé.
- Dans les communes de 501 habitants et au-dessus, les ascendants et les descendants, les frères et les alliés au même degré ne peuvent être simultanément membres du même conseil municipal.
- L’article 49 est applicable aux cas prévus par paraphe précédent.
- Art. 36 — Tout conseiller municipal qui, pour une cause survenue postérieurement à sa nomination, se trouve dans un des cas d’exclusion ou d’incompatibilité prévus par la présente loi, est immédiatement déclaré démissionnaire par la préfet, sauf réclamation au conseil dans les dix jours de notification, et sauf recours au de préfecture conseil d’Etat, conformément aux articles 38, 39 et 40 ci-après.
- Art. 37. — Tout électeur et tout éligible a le droit d’arguer de nullité les opérations électorales de la commune.
- Les réclamations doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine de nullité, dans les cinq jouis qui suivent le jour de l’élection, au secrétariat de la mairie, ou à la sous-préfecture ou a la préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet, et enregistrées par ses soins au greffe du conseil de préfecture.
- Le préfet, s’il estime que les conditions et les formes légalement prescrites n’ont pas été remplies, peut également, dans le délai de quinzaine à dater de la réception du procès-verbal, déférer les opérations électorales au. conseil de préfecture.
- Dans l’un et l’autre cas, le préfet donne immédiatement connaissance de la réclamation, par la voie administrative, aux conseillers dont l’élection est contestée, les prévenant qui ont cinq jours, pour tout délai, à peffât de déposer lëuta dêfouses au Sêdîétwi&t ds U mairie, de la fseus-préfaôture eu de le préfecture, et d«
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- faire connaître s’ils entendent user du droit de présenter des observations orales.
- Il est donné récépissé, soit des réclamations, soit des défenses.
- Art. 38. — Le conseil de préfecture statue, sauf recours au conseil d'Etat.
- Il prononce sa décision dans le délai d’un mois à compter de l’enregistrement des pièces au greffe de la préfecture, et le préfet l’a fait notifier dans la huitaine de sa date.
- En cas de renouvellement général, le délai est porté à deux mois.
- S’il intervient une décision ordonnant une preuve, le conseil de préfecture doit statuer définitivement dans le mois à partir de cette décision.
- Les délais ci-dessus fixés De commencent à courir, dans le cas prévu à l’article 39, que du jour où le jugement sur la question préjudicielle e3t devenu définitif.
- Faute par le conseil d’avoir statué dans les délais fixés, la réclamation est considérée comme rejetée. Le conseil de préfecture est dessaisi; le préfet en informe la partie intéressée, qui peut porter sa ré -iamation devant le conseil d’Etat. Le recours est notifié dans les cinq jours au secrétariat de la préfecture par le requérant.
- Art. 39. — Dans tous les cas où une réclamation, formée en vertu de la présente loi, implique la solution préjudicielle d’une question d’Etat le conseil de préfecture renvoie les parties à se pourvoir devant les juges compétents, et la partie doit justifier de ces diligeuces dans le délai de quinzaine ; a défaut de cette justification, il sera passé outre, et la décision du conseil de préfecture devra intervenir dans le mois à partir de l’expiration de ce délai de quinzaine.
- Art. 40. — Le recours au conseil d’Etat contre la décision du conseil de préfecture est ouverte soit au préfet, soit aux parties intéressées.
- Il doit, à peine de nullité, être déposé au secrétariat de la sous-préfecture ou de la préfecture, dans le délai d’un mois qui court, à l’encontre du préfat, 4 partir de la décision, et à l’encontre des parties à partir de la notification qui leur est faite.
- Le préfet donne immédiatement, par la voie administrative, connaissance du recours aux parties intéressées, en les prévenant qu’elles ont quinze jours, pour tout délai, à l’effet de déposer leurs défenses au secrétariat de la sous-préfecture.
- Aussitôt ce nouveau délai expiré, le préfet transmet au ministre de l’intérieur qui les adresse au conseil d’Etat, le recours, les défenses, s’il y a lieu, le procès-verbal des opérations électorales, la liste qui a servi aux émargements, une expédition de l’arrêté attaqué et toutes les autres pièces visées dans ledit arrêté. Il y joint son avis motivé.
- Les délais pour la constitution d’un avocat et pour la communication au ministre de l’intérieur sont d’un mois pour chacune de ces opérations et de trois mois en ce qui concerne les colonies.
- Le pourvoi est jugé comme affaire urgente et sans frais, et dispensé du timbre et du ministère de l’avacat.
- Les conseillers municipaux proclamés restent en fonctions jusqu’à ce qu’il ait été définitivement statué sur les réclamations.
- Dans le cas où l’annulation de tout ou partie des élections est devenu définitive, l’assemblée des électeurs est convoquée dans un délai qui ne peut excéder deux mois.
- Art. 41. — Les conseils municipaux sont nommés pour quatre ans.
- Ils sont renouvelés intégralement, le premier dimanche de mai, dans toute la France lors môme qu’ils ont été élus dans l’intervalle.
- Art. 42. — Lorsque le conseil municipal se trouve, par l’effet des vacances survenues, réduit aux trois uarts de ses membres, il est, dans le délai de deux mois
- dater de la dernière vacance, procédé à des élections complémentaires.
- Toutefois, dans les six mois qui précédent le renouvellement intégral, les élections complémentaires né
- sont obligatoires qu’au cas où le conseil municipal aurait perdu plus de la moitié de ses membres.
- Dans les communes divisées en sections il y a toujours lieu à faire des élections partielles, quand la section a perdu la moitié de ses conseillers.
- Art. 43. — un conseil municipal ne peut-être dissous que par décret motivé du président de la République, r*»ndu en conseil des ministres et publié au Journal officiel, et, dans les colonies régies par ia présente loi, par arrêté du gouverneur en conseil privé, inséré au Journal officiel de la colonie.
- S’il y a urgence, il peut être provisoirement suspendu par art été motivé du préfet, qui doit en rendre compte immédiatement au ministre de l’intérieur. La durée de la suspen ion ne peut excéder un mois. DanR les colonies ci-dessus spécifiées, le conseil municipal peut être suspendu par arrêté motivé du gouvernement. La durée de la suspension ne peut excéder un mois.
- Le gouvernement rend compte immédiatement de sa décision au ministre de la marine et des colonies.
- Art 44. - En cas de dissolution d’un conseil municipal ou de démission de tous les membres en exercice, et lorsqu’un conseil municipal ne peut être constitué, une délégation spéciale en remplit les fonctions dans les huit jours qui suivent la dissolution ou l’acceptation de la démission.
- Cette délégation spéciale est nommée par décret du président de la République, et, dans les colonies par arrêté du gouverneur.
- Le nombre des membres qui la composent est fixé à trois dans les communes où la population ne dépasse pas 35,000 habitants.
- Ce nombre peut être porté jusqu’à sept dans les villes d’une popùlaüon supérieure.
- Le décret ou l’arrêté qui l’institue en nomme le président, et, au besoin, le vice-président.
- Les pouvoirs de cette délégation spéciale sont limités aux actes de pure administration conservatoire et urgente.
- Eq aucun cas il ne lui est permis d’engager les finances municipales au-delà des ressources disponibles de l’exercice courant.
- Elle ne peut ni préparer le budget communal, ni recevoir les comptes du maire ou du receveur, ni modifier le personnel ou le régime de l’enseignement public.
- Art. 45. — Toutes les fois que le conseil municipal a été dissous, ou que, par application de l’article précédant, une délégation spéciale a été nommée, il est procédé à la réélection du conseil municipal dans les deux mois à dater de la dissolution ou de la dernière démission.
- Les fonctions de la délégation spéciale expirent de plein droit dès que le conseil municipal est reconstitué.
- {La fin, au prochain numéro).
- PROGRÈS ET PAUVRETÉ(1)
- par M. Henry George.
- III
- Livre III. — LES LOIS DE RÉPARTITION
- Chapitre 1er
- Enquête bornée aux lois de répartition, — Les rapports nécessaires entre ces lois.
- Pour découvrir la cause de l’approfondissement de la misère à mesure de l’accroissement des arts productifs et de la population, il nous faut déter-
- (Lire le « Dméf * depuis le numéro du 8 avril 1884.
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- miner la loi de la part de produits qui revient au travail sous forme de salaire.
- Pour cela, il nous faut également déterminer la part qui va au capital et celle qui va aux propriétaires terriens, puisque la terre, le travail et le capital unis sont les source de la richesse, et que c’est entre ces trois facteurs que les produits se répartissent. ...
- Comme je l’ai déjà expliqué, la production ne signifie pas simplement la confection de choses quelconques, mais elle comprend l’augmentation de valeur engendrée par les transports ou les échanges. Dans une société purement commerciale, il y a production de richesse comme dans une société purement agricole ou manufacturière ; et dans l’un comme dans l’autre cas une part du produit va au capital, l’autre au travail, et, si la terre a quelque valeur, les propriétaires fonciers ont aussi une part.
- En fait, une partie de la richesse produite remplace constamment le capital qui est ainsi sans cesse consommé et renouvelé. Mais il est inutile de prendre ceci en compte, puisque nous pouvons con sidérer le capital comme continu.
- Quand noijs parlons du produit, .nous, entendons, en conséquence cette part de richesse dépassant ce qui est nécessaire pour remplacer le capital consommé dans la production ; et quand nous parlons de l’intérêt du capital nous entendons ce qui revient au capital après son renouvellement.
- Il est, en outre, dans toute société sortie de la phase primitive, une part de produit enlevée pour les impôts et consommée par le gouvernement. Mais nous pouvons laisser cela de côté dans notre recherche des lois de répartition, en considérant simplement que les impôts réduisent les produits....
- Dans tous les ouvrages d’économie politique on nous dit que les trois facteurs de la production : la terre, le travail et le capital se partageaient primitivement le produit en trois parts correspondantes : Le revenu foncier représente ce qui va aux propriétaires du sol ; les salaires représentent ce qui revient aux travailleurs ; quant au troisième terme qui devrait exprimer ce qui revient au capital, les ouvrages les plus sérieux n’en parlent qu’avec ambiguité et confusion. C'est celui d intérêt qui est le plus près de la vérité parce que dans l’acceptation vulgaire il implique ce qui revient au capital pour son usage....
- Le mot profit, tel qu’il est communément usité, signifie un gain, une somme reçue en excès d’une somme dépensée ; fréquemment, il comprend une
- part qui est proprement du revenu foncier, une autre qui presque toujours comprend des salaires aussi bien que des compensations pour le risque inhérent aux usages variés du capital. A moins d’extrême violence, ce mot profit ne peut donc pas être employé en économie politique pour signifier cette part de produit qui revient au capital en opposition à la part du travail et à celle du propriétaire foncier.
- Dans nombre d’ouvrages sur la matière ou enseigne que les profits sont composés de trois éléments :
- Les salaires de la direction,
- Les compensations de risques,
- L’intérêt du capital.
- Il est donc absolument inexact de placer sur un même rang les mots : revenu foncier, salaire, profits pour définir, entre eux, les lois de la répartition. Ce serait comme si l’on divisait l’espèce humaine en : hommes, femmes et êtres humains.
- Cependant c’est ce qu’on fait dans les ouvrages spéciaux au complet ahurissement du lecteur. Après avoir décomposé les profits en : salaires de direction, compensation pour les risques, et intérêts pour l’usage du capital, on cherche ensuite à traiter de la répartition des bénéfices entée les revenus' dû sol,’ les salaires du travail et les profits du capital.
- Buckle et après lui bien d’autres se sont perdus dans cette cdnlüsiûn de termes. .....
- John Stuart Mill lui-même est tombé dans ces embûches et Adam Smith avait un des premiers ouvert la voie.
- La source de ces malentendus est dans la théorie erronnée que les salaires dépendent de la proportion qui existe entre le nombre des travailleurs et le capital consacré à la production.
- Aussi n’y a-t-il aucune relation entre les lois de répartition dans les ouvrages prétendus modèles jusqu’ici. Selon eux :
- Les salaires sont déterminés par la proportion des capitaux consacrés au paiement et à l’entretien du travail et par celle des travailleurs en quête d’emploi.
- Le revenu fronder est déterminé par la latitude d’accès au sol ; il est la part de produit qui excède ce qu’une égale application de travail et de capital tirerait des plus pauvres terres en usage.
- L'intérêt est déterminé par l’équation entre les demandes des emprunteurs et les ofïres des préteurs ; ou (pour parler comme Mill) l’intérêt est déterminé par le coût du travail au capitaliste, baissant si le salaire s élève , s’élevant si le salaire baisse#
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- Le seul exposé de ces constatations montre que les lois de répartition manquent entre elles de cette coordination, de cette corrélation qu’elles devraient avoir.
- Fécapitulons :
- La terre, le travail et le capital sont les trois facteurs de la production.
- Le mot tet re comprend toutes les ressources et forces naturelles ;
- Le mot travail, tout exercice humaine ;
- Le mot capital, toute richesse emp oyée à produire de nouvelles richesses.
- Entre ces trois facteurs de la production tous les profits sont répartis.
- Ce qui revient aux propriétaires fonciers pour l’usage des ressources et forces naturelles est appelé revenu foncier ;
- Ce qui va aux travailleurs est appelé salaires ;
- Ce qui revient au capital pour son usage est appelé intérêt.
- L’un de ces termes peut, clans les faits actuels, accaparer la part des deux autres. Mais nous devons les bien distinguer dans notre étude des lois de la répartition.
- Dans la genèse des choses c’est le travail qui produit le capital.
- Chapitre II
- Le revenu foncier et sa loi
- La valeur foncière ne tient pas essentiellement à la production du sol.
- Quelle que soit sa fécondité, une terre n’aura aucune valeur foncière tant que quelqu’un ne sera disposé à donner une part de travail ou de capital pour avoir le privilège de se servir du fonds ; et la valeur qui lui sera attribuée ainsi ne dépendra pas de la seule fertilité du sol, mais de cette fertilité comparée à celle du sol qu’on peut avoir pour rien.
- La terre la plus riche n’aura aucune valeur si d’autres terres aussi bonnes peuvent être obtenues gratuitement. C'est seulement lorsqu’elle offre des avantages sociaux que la terre commence à avoir une valeur foncière et à livrer un revenu.
- La valeur foncière, enfin, est le prix du monopole, le prix de l’appropriation individuelle des éléments naturels que les efforts humains ne peuvent ni produire, ni augmenter..............................
- Peut-être comprendrait-on mieux encore la loi
- du revenu foncier en l’exprimant sous cette forme i
- « La propriété d’un agent naturel de production donne le pouvoir de s’approprier telle part de la richesse produite par l’action du travail et du capital sur l’agent naturel en question, qui dépasse ce que la même action du travail et du capital tirerait de l’emploi le moins productif auquel ils pourraient librement se livrer. »
- La loi du revenu foncier n’est en fait qu’une déduction de la loi de compétition. Toute la part de produit qui excède ce que le travail et le capital ont pu s’assurer comme salaires et intérêt, va aux propriétaires terriens en qualité de valeur foncière.
- Les taux des salaires et de l’intérêt ne dépendent pas du produit du travail, ni du produit du capital mais de ce qui reste une fois enlevé ce qui est pris par le .propriétaire foncier. Donc, quelle que soit l’augmentation du pouvoir producteur, si la valeur de la terre monte propor-tionnellemeut, les salaires ni l’intérêt n’en sont pas accrus. C'est seulement quand la valeur du sol ne s’élève pas aussi rapidement que la puissance productive du travail et du capital que les salaires et l’intérêt s’augmentent avec la production. C’est là ce dont témoignent les faits actuels.
- Chapitre III
- L'intérêt et les causes de l'intérêt
- Pour la clarté des démonstrations à intervenir, il est bon d’établir en quoi le mot intérêt diffère du sens qui lui est communément attaché : Le mot intérêt comprend tout ce qui revient au capital pour son usage et non simplement ce que l’emprunteur donne au prêteur. Mais le mot intérêt exclue les compensations pour risques qui forment si grande part de ce qu’on appelle communément intérêt. Les compensations pour risques sont évidemment une équation de rapport entre les différents modes d’utiliser le capital...................................
- La production a lieu sous trois modes :
- Adapter ou transformer les produits naturels de façon à les rendre propres aux satisfactions des désirs humains ;
- Faire croître ou utiliser les forces vives de la nature par l’elevage des végétaux et des animaux ;
- Transporter, échanger ou utiliser (de façon à accroître la richesse générale) les forces naturelles qui varient selon les lieux ; ou les forces humaines qui varient avec la situation, l’occupation ou le caractère.
- Dans chacun de cm trois modes de production l©
- capital peut aider le travail ; dam$ le premier mode
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- le capital n’est pas absolument nécessaire ; dans les deux autres il est nécessaire.
- Quaud le capital est employé à augmenter la force productive du travail.... par exemple, quand le fer, le charbon, l’eau et l’huile sont transformés en machine à vapeur, le bénéfice procuré par le capital est dans l’usage-même ;
- Quand nous faisons croître les végétaux ou les animaux à l’aide du capital, le bénéfice procuré par celui-ci est dans l’augmentation des biens ;
- Enfin quand le capital est employé sous le troisième mode, c’est-à-dire à l’échange, le bénéfice procuré par lui est dans la plus grande valeur acquise par les choses elles mêmes........................
- Ceux qui parlent d'abolir l’intérêt du capital ne comprennent pas le réel fondement des choses. Ils ne voient que ce fait partiel : le paiement de l’intérêt par l’emprunteur au capitaliste. Mais quiconque met en usage le capital en obtient un profit. Si je plante et cultive un arbre, les fruits que j’en reçois à sa maturité, me donnent un intérêt du capital que j’ai accumulé dans cet arbre, c’est-à-dire du travail que j’y ai dépensé.,... et ainsi de bien d’autres opérations.
- Chapitre IV
- Lu capital fictif et des bénéfices pris à tort pour de V intérêt.
- La croyance que l’intérêt est le brigandage de l’industrie vient, j’en suis convaincu, d’une confusion entre ce qui réellement est ou n’est pas du capital, entre ce qui réellement est de l’intérêt et ce qui est profits venant d’une autre source que de l’u-jsage du capital................................ .
- Rien n’est capital (qu’on ne perde jamais cela de vue) si cela ne consiste en choses actuelles, tangibles, (je ne parle pas des offres spontanées de la nature), en choses propres à servir par elles-mêmes directement ou indirectement aux satisfactions humaines.
- Ainsi une obligation d’Etat n’est pas toujours un capital, ni une représentation du capital. Si le capital qui fut autrefois reçu par le gouvernement a été j consommé en frais improductifs : armements, guerres, destructions, etc., l’obligation d’Etat ne peut représenter ce qui est détruit, Elle est simplement alors un gage de la volonté du gouvernement de réprendre, à un moment donné, sur la richesse nationale, de quoi rendre au propriétaire de l’obligation ce qu’il a autrefois donné, et de lui servir entre temps des avantages analogues à ceux que lui vaudrait son capital s’il le détenait encore et l’utilisait à lit production, Los sommes immenses prélevées
- ainsi en tous pays pour solder les arrérages des dettes publiques ne sont donc pas du tout produites par le capital ; elles ne sont pas des intérêts dans le sens vrai du mot ; elles sont des taxes levées sur le produit du travail et du capital et diminuant d’autant le taux des salaires et des intérêts.
- Si nous supposons, au contraire, que les fonds d’Etat ont été employés à creuser des canaux ou à toute entreprise utile, alors ils représentent un capital existant,appliqué à des opérations productives, et sont un témoignage de propriété d’un capital réel.
- Mais cela bien entendu à condition que ces obligations représentent le capital vrai et ne soient pas émises en excès des capitaux employés dans l’entreprise. Or, ce dernier cas est général, . . » ,
- L’analyse montrera que la plus grande somme des bénéfices communément confondus avec l’intérêt sont dûs non à l’action du capital, mais à la puissance du capital concentré, appuyé sur de mauvais arrangements sociaux. Il en est ainsi de la constitution des fortunes du Duc de Westminster, de Rothschild, Vanderbilts et autres....
- Chapitre V La loi de l’intérêt
- 1° Ce n’est pas le capital qui utilise le travail, c’est le travail qui utilise le capital.
- 2° Le capital n’est pas fixe, il peut être augmenté ou diminué par la plus ou moins grande application du travail à la production du capital, et par la conversion de la richesse en capital ou du capital en richesse, puisque le capital n’est que la richesse utilisée sous un certain mode....
- En résumé la loi de l’intérêt peut se former ainsi ;
- La relation entre les salaires et l’intérêt est déterminé par la moyenne du pouvoir d’augmentation attaché au capital selon l’usage qui en est fait.
- Selon que la valeur foncière s’élève, l’intérêt et | les salaires baissent ; en d’autres termes les salaires et l’intérêt sont déterminés par la latitude d’accès au sol....
- En fait la division primitive de la richesse se fait entre deux facteurs et non trois. Le capital n'est qu'une forme de travail, qu'une subdivision de celui-et. Dans notre examen nous sommes arrivés au même point que si nous avions simplement considéré le capital comme un mode du travail,, et cherché la loi do répartition des produits entre la valeur foncière et les salaires, c'est-à-dire entre les
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- possesseurs de ces deux facteurs ; 1° les matières et forces naturelles ; 2° les capacités et forces humaines qui par leur union produisent la richesse.
- Chapitbb VII
- Corrélation et coordination des lois de répartition (mire la valeur foncière, le salaire et Vintérêt).
- Chapitre VI
- L'Opinion courante
- La vaVur foncière dépend de la latitude d’accès au sol s’élevant si celle-ci tombe et tombant si elle s’élève.
- L'Idée Vraie
- La valeur foncière dépend de la latitude d’accès au sol, tombant si celle-ci tombe et s'élevant si elle s’élève.
- Les salaires et la loi des salaires
- Le salaire dépend du rapport entie le nombre »les travailleurs et la somme de capitaux consacrés à employer les travailleurs.
- Le salaire dépend de la latitude d’accès au sol, tombant si celle-ci tombe, s’élevant si elle s’élève.
- Les salaires dépendent de la latitude d’accès au sol, ou du produit que le travail peut obtenir de la terre la plus fertile sans payer de droit d’occupation du sol....
- Où la terre est libre et le travail assisté du capital, les salaires sont composés de tout le produit, moins la part nécessaire pour pousser à l’accumulation du travail en capital.
- Où la terre est monopolisée à titre de propriété, les salaires sont déterminés par ce que le travail peut se procurer gratuitement sur le fonds naturel.
- Où toutes les forces naturelles sont monopolisées, les salaires sont amenés par la compétition entre travailleurs, au minimum nécessaire à la reproduction de l’espèce.
- Quand je dis que le salaire tombe si la part qui va au propriétaire foncier s’élève, je n’entends pas que la part reçue par le travailleur soit toujours moindre ; ce qui est moindre, c’est la part proportionnelle que le salaire lui donne sur le * produit général. Si la latitude d’accès au sol descend d’un point que nous fixerons, par exemple, à 25, à un point que nous appellerons 20, la valeur de toutes les terres augmentera de cette différence et la proportion du produit général qui va aux ouvriers comme salaires diminuera dans la même proportion ; mais si, en même temps, le progrès des arts et l’économie des procédés ont augmenté la puissance du travail, de sorte qu’au point 20 de la valeur foncière, il produise autant qu’au point 25, les ouvriers auront alors eh salaires une aussi grande quantité qu’avant,et l’abaissement relatif de leur part dans la production ne se fera sentir par aucune diminution du confort de l’ouvrier. Il sera visible seulement dans l’augmentation de valeur du sol, dans l’accroissement du revenu foncier, dans les plus grandes dépenses que pourront se permettre les classes monopolisant la valeur foftdèrei
- L’intérêt dépend de l’équilibre entre l’offre et la demande des capitaux, ou, comme cela est constaté,des profits sur le salaire ou sur îe coût du travail, s’élevant si le salaire baisse, baissant si le salaire s'élève.
- L’intérêt (son rapport avec le salaire étant fixé parla puissance nette d’augmentation attachée au capital) dépend de la latitude d’accès au sol, tombant si celle-ci tombe, s’élevant si elle s’élève.
- Chapitre VIII
- Les équilibres du problème expliqués.
- Trois choses s’unissent dans la production : travail, capital, terre.
- Trois parties se répartissent le produit : ouvrier, capitaliste, propriétaire terrien.
- Si, avec l’augmentation de la production,l’ouvrier ni le capitaliste ne touche davantage, il est clair que tout le bénéfice est accaparé par le propriétaire foncier.
- Et il en est ainsi. Le taux des salaires et celui de l’intérêt n’augmentent pas en proportion du progrès matériel ; ce qui s’élève c’est la valeur du terrain, le fermage du sol.
- Si les salaires et l’intérêt sont plus élevés dans les pays neufs que dans les sociétés anciennes, ce n’est pas, comme le disent les économistes, parce que la nature rend davantage aux efforts du travail et du capital, c’est parce que le sol y est bon marché, que la monopolisation du sol coûte peu de chose et que le salaire et l’intérêt ont ainsi une plus grande part sur ce que produit la nature. Ce n'est pas le produit total, mais le produit net après prélèvement de la valeur foncière, qui détermine ce qui sera réparti comme salaires et comme intérêt.
- Si la production n'avait pas franchi la phase sociale où elle est directement reliée au sol, le fait serait plus évident ; il ne pourrait être perdu de vue comme il l’est. Mais la question est complexe dans le monde civilisé ; une grande part de production naît de l’échange, beaucoup de travaux s’opèrent sur des matériaux séparés du sol ; néanmoins cela h’altèrô en rien ce fait que la pWdUction est due ^
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- l’union de deux facteurs : la terre et le travail, et que le revenu du sol, la part du propriétaire foncier ne peut être augmentée qu’aux dépens des salaires (part de l’ouvrier) et des intérêts (part du capitaliste).
- Enfin la valeur de la terre dépendant entièrement de la puissance que le propriétaire acquiert de s’approprier la richesse créée par le travail, l’augmentation de la valeur foncière se fait toujours au préjudice de la valeur du travail. D’où il suit que l’augmentation du pouvoir productif, par le fait même qu’elle accroît la valeur foncière, n’entraîne pas l’élévation des salaires. La rente du fonds avale tous les bénéfices, et le paupérisme accompagne le progrès.
- C’est un fait universel qu’où la valeur de la terre est le plus élevée, la civilisation étale son plus grand luxe côte à côte avec la plus hideuse misère. Pour voir des êtres humains dans la condition la plus abjecte, la plus dénuée, la plus désespérée, ce n’est point dans les huttes et cabanes des pionniers des bois ou des prairies qu’il faut aller, mais dans nos grandes citées où la seule propriété d’une parcelle de terrain constitue une fortune.
- (A suivre.)
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- Déclaration de M. Clémencean. — La
- dernière séance de la session de la Chambre a été marquée par une importante déclaration de M. Glémenceau, à l’occasion de l’interpellation sur l'envoi des troupes à Anzin, a fait un pas de plus vers le socialisme en insistant auprès de ses collègues sur la nécessité de vaincre les partis réactionnaires en portant la lutte sur le terrain économique. Ce sont bien les paroles qui convenaient, à la fin d’une se sion, pendant laquelle il avait été dit que la question sociale eutrée à ia Chambré n’en devait plus sortir. M. Glémenceau a frit adopter par la Commission d’euquôte un questionnaire rédigé par ses soins et destiné a préciser les investigations de la commission ; ce questionnaire, il est vrai, ne contient rien qui puisse engager son auteur ; mais il serait une grave inconséquence, si M. Glémenceau, après qu’il aura ausculté la crise, ne consentait pas résolument à faire l’application des remèdes nécessaires.
- M. Glémenceau est trop intelligent pour avoir donné des conseils au gouvernement avec la pensée qu’ils se-raient suivis par le ministère. M. Glémenceau s'adressait en réalité à ses collègues de l’Extrême-Gauche. Après les paroles, il leur donnera, nous l'espérons, l’exemple de l’action.
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- La «tatue d<* Gambetta. — Le clergé, la magistrature, l’armée, les délégations des classes dirigeantes, les représentants du gouvernement, du Parlement se sont réunis en grandes pompes autour de la statue de Gambetta, comme s’ils s’étalent préposés d’en-
- tourer de toutes les solennités possibles une outrageante palinodie. feM-ceun défi, est-ce un sarcasme, est-ce un oubli de toute dignité qui a fait < hoisir au représentant le plus autorisé du gouvernement le socle de la statue de Gambetta, de l’auteur du programme de Belleville, pour y venir affirmer un pacte d’alliauce avec le clergé, auquel M. Ferry a promis dans son discours le maintien du Goncordat ?
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- La liberté des salarié*. — Le journal le Mont-Atlas, dans un article sur les abus d une compagnie iniuière de l’Algérie, montre un des côtes hideux du salariat. Voici quelques ligoes extraites de ce journal rédigé par des écrivains qui ne sont pas socialistes :
- « Beui-Saf fourmille d'indigènes et surtout de marocains inoccupés, que la compagnie minière a chassés de son domaine, du jour où elle ne les salariait plus. Ils vont a»ors envahir des propriétés limitrophes, y commettant maintes dèprôiation*, bouleversant le sol et y creusant des grottes dont le grand nombre finit par former un véritable foyer pestilentiel. »
- Le rédacteur ajoute que cette liberté n’est laissée aux ouvriers en chômage que parce que la commune de Beni-Saf manque de police !
- Les naïfs et les économistes se récrieront peut-être, en disant que ces travailleurs auraient pu faire des économes, pendant les périodes de tra a i. Mais le Mont-Atlas leur apprendra que, dans ces ouvrages intermittents, les travailleurs a ia tâche ne peuvent gagner plus de 10 à 15 centimes par heure de travail.
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- 3?ln» de grève*. — Les mineurs d’Anzin ont capitulé, cette lutte de désespérés ne pouvait avoir une autre issue. Convaincue de la légitimité oes réclamations des grévistes, l’association du Familistère a aidé les salariés d’Anzin dans une proportion plus élevée que la participation d’aucun autre groupe d'un môme nombre de travailleurs. Aussi, croyons-nous avoir acpuis le droir de donner des conseils aux mineurs, et de leur dire ce que nous devions taire pendant leur héroïque résistance. Plus de grèves, Mineurs d’Anzin.
- IL faut en finir avec la suspension du travail et ses misères; il faut en finir avec la grève qui laisse toujours l’ouvrier, même vainqueur, un salarie. Surtout, il ne faut pas recommencer cette grève perpétuelle du prolétariat qui, lorsqu’il rencontre un salaire rémunérateur, déserte l’action publique et cesse de réclamer la réforme des institutions mauvaises, dont il sent tout le poids aux moindres variations de la consommation générale. La grève d’Anzin équivaudra à un véritable triomphe pour la cause du travail, si les mineurs savent maintenir dans l’opinion publique les questions de participation, de mutualité, des droits de i’£hat si courageusement imposées a l’attention des hommes politiques par les mineurs d’Anzin. Nous reviendrons un auti e jour sur ces considérations. Nous promettons une prompte revanche et une véritable victoire aux mineurs, s’ils veulent suivre les conseils que nous résumons maintenant en ces quelques mots : Jt\us d’arrêt dans le travail, aussi dures que deviennent les conditions des capitalistes ; plus de grèves de salariés, surtout plus de grèves en politique !
- Xonlcin — Les groupes commandées par le général Mitloi se sont emparées de Hong-Hoa, dernier refuge des Pavillons-Noirs et des Chinois du Yunnam.
- La citadelle est tombée sous faction combinée de la lr» brigade, tournant les positions ennemies, pendant que la deuxième brigade bombardait le pont avec ia grosse artillerie.
- Le tir des pièces de 80 et de 95 a produit des effets ierrifiauts.
- La baisse des eaux a empêché le concours de la plus granoe partie de 1» fiotilie. Seuls, l'Eclair, la Trombe et trois canots armés ont pris part à l’attaque, malgré de
- graves difficultés.
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- Lfî DEVOIR
- L’ênefpique entrata des soldats de marine ne s’est pas ilü Béül instant.
- Nos pertes sont d’tffi homme tué et de quatre noyés.
- ANGLETERRE
- En Egypte, là situation devient chaque jour plus grave. Les communications avec Berber sont interrompues aussi bien par le fleuve que par la voie de terre. Les forces des rebelles augmenteut dans dis proportions considérables. Les insurgés font des excursions jusque dans le voisinage delà ville. Le gouverneur de Berber fait appel à l'aide des troupes Anglaises.
- Le gouverneur Anglais a soumis aux grandes puissances des propositions pour la solution des difficultés financières égyptiennes.
- A l’interieur. depuis l’arrestation de Daly un des chefs de la Confrérie les Irlandais-Américains, la police anglaise est sur les dents, sans pouvoir pénétrer les projets des conspirateurs. Dily avait été trouvé porteur d’une machine infernale et de matières explolsi-blés. Dtly avait déjà été signalé à la police en 1867 à la suite de l’exécution de sergent BreU» Oa dit qu’il était déjà à cette époque affilié aux fenians.
- ALLEMAGNE
- Le chef de la police de Berlin vient d’exprimer, dans une note adressée au département de là police politique, ses vifs regrets de ne pouvoir diriger des poursuites contre les députés qui ont attaqué la police de Berlin d us leurs discours. Cotte note a provoqué une grande irritation chez les députés qu’elle vise, et l’on s’attend à une interpellation à ce sujet, dès ta rentrée des Chambres.
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- La ÜdnièfMtivè Corrispondem dit que le projet de loi tendàot â introduire des comité* ouvriers dans l’organisation de l’assurance contre les accident a provoqué une très grande irritation dans 1 Union central des industriels allemands, et que ce mécontentement ne manquera pas d'in fluor sur m résultat des prochaines élections du Reichstag.
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- Une manifestation socialiste à eu lieu à Berlin. De grandes affi he* rouges avaient annoncé Une réunion publique dans laquelle le conseiller municipal EiVald devait parler de i* réforme sociale en Allemagne et en Autriche | mais on savait dans les sphères ouvrières que le député socialiste Hasenciever prononcerait un discours. La léuniou a été défendue pàr la police le jour même où elle devait avoir lies* ; mais les ouvriers se portèrent cependant en très grand nombre’ à la brasserie dite Eiskeller, où Hasenciever et son collègue Bios parurent également. Oa n’a pas prononcé de discours,mais les deux députés socialistes se sont entretenus pendant quelque temps avec les chefs du parti ouvrier; après quoi la foule s’est dispersée sans que la police ait pu intervenir.
- ESPAGNE
- M. Castelar a adressé a M. Renan un télégramme par lequel il s’associe, au nom des libres penseurs et des républicains espagnols, à 1 hommage rendu par le Gul-lège de France a MM. Edgard Quint, Michelet, et Mi-chievvicz II considère les rôtes de Gahors comme l’annonce d’une future confédération latine.
- Le gouvernement espagnol a perdu les traGes de M. Zorella, qu’il faisait surveiller en Suisse.
- Cuba est toujours sous le coup des attaques des révolutionnaires espagnols qui ne semblent pas être découragés par leurs premiers insuccès.
- CHILI, PÉROU et BOLIVIE
- Une des clauses du traité de paix conclu entre le Pé-
- rou et le Chili indique que le Pérou Cède au Chili la province de Tarafacala, de Tacna et d’Arica à condition qu’un plébiscite aura lieu dans dix ans.
- Le Chili Vient en outre dé traiter avec la Bolivie, cause première de la guerre entre le Gbili et le Pérou. La Bolivie bénéficie pour son compte d’une trêve indéfinie assez semblable à celle qui existe depuis 20 à 26 ans entre le Chili et l’Espagne ; les deux nations, espagnole et chilienne, ne peuvent ouvrir les hostilités qu’après s’être prévenues dix ans auparavant. Ce sont lâ dès procédés qui conduiront à l’arbitrage international par la modération.
- s ’X* jAl. rr ilj rr si
- DE LA
- Ligua des Travailleurs pour la Paix Internationale
- \. — Les principes qui dirigent la Ligue sont exposés dans son manifeste.
- 2 — La Ligue continuera d’être administrée,jusqu’au 1»’ juillet 1884, par la Commission d’initiative.
- 3. — A cette époque, ladite Commission sera transformée en Comité national, et les membres qui devront ie composer seront soumis à l’élection par le suffrage de tous les adhérents à la Ligue.
- 4. — Des Statuts définitifs pourront être alors proposés et votés.
- h. —- Le minimum de cotisation annuelle est fixé pour chaque adhérent à un franc, payable facultativement dans le courant de l’annéê de son adhésion.
- ê. — La Ligue agira sur les comités électoraux républicains pour qu’ils insèrent dans leurs programmes un article visant la République européenne et l’arbitrage international. Chacun des électeurs qui la composent, tout en demeurant libre de choisir ses candidats, est engagé à ne voter que pour ceux qui professeront les principes du manifeste.
- 7. — La Ligue sera composée de groupes dont chacun devra compter au moins cinq membres.
- 8 — Chaque groupe est maître de son organisation intérieure.
- 9. — Il sera délivré à chaque adhérent une carte portant un numéro d’ordre, la date dé son adhésion, ses nom, prénoms, profession, domicile, et le montant de sa cotisation, ceitifié par les signatures du secrétaire et du trésorier.
- Le citoyen DELAPORTE, trésorier, 1Ô8, rue Mouffetard, reçoit les cotisations et délivre les ca tes d’adhérents.
- Pour tous » enseignements, écrire du citoyen Henri Brïssac, secret aie de la Ligue, 7, boulevard Amgo. — Communications verbales, le dimanche, de 9 à 10 heures du matin.
- Banquet de la Libre-Pensée de Guise
- La Société de la Libre-Pensée de G-uise, fidèle à sa mission civilisatrice, réunissait vendredi 11 courant la plus grande partie de ses membres dans un banquet de 50 couveits. A huit heures du soir, les citoyennes et les citoyens qui avaient répondu à l’appel de la société faisaient leur entrée dans la salle du banquet coquettement décorée pour la circonstance de trophées, de drapeaux tricolores ; un magnifique buste de la République, œuvre d’un sculpteur de l’association, M. Bossu, attirait surtout les regards par le fini de son exécution ; sur des cartouches désinés par le même artiste se lisaient oes mots : Libre-Pensée de Guise, solidarité, tolérance ; des fleurs et de la verdure complétaient l’ornementation du 1* salle. Les dames qui assistaient au ban»
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- LË DBYÔm
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- quet étaient placées à droite et à gauche du président.
- Au désert, le citoyen Serre, président, se lève et dans une allocution improvisée remercie les citoyens et surtout les citoyennes qui, bravant les critiques et quelquefois les injures n'ont pas cfaiht de venir s'asseoir parmi nous ; il rappelle que la tolérance la plus large doit être la devise de la société; il cite quelques uns des faits d’intolérances cléricale dont ThistOire a feonâëihré le souvenir, spécialement la Saint-Barthélemy, les dragonades, Dalias et le chevalier de là Barré, ce derniér martyrisé pour avoir commis le crime énorme de ne pas se découvrir devant ünô prossèsëioh. Oh peut, dit-il, médire de son prochain, le voler, l’exploiter, le tuer mèmè, fci l’on a la ConsCiéhcè d’üh càéüiete ; ce sont là des pécatilles qui, la confession aidant, soht vite effacées > maïs manger dà la viande le ven* dredi dit saint, c’est un crime abominable. Notre présence iéi h pour but, citoyens, de réagir contre ce préjugé né du fanatisme et de l’ignorance et qui ne repose sur aucun fondement* Les dames qui houe ont honoré de leur présence ont prouvé par cet àcte qu’elles étaient mûres pour l’indépendance ; je leur adresse de nouveau toutes mes félicitations, convaincu que le jour où ta femme sera débarraséè de l'influence du prêtre, le cléricalisme aura vécu; Je porte un toast à l’émancipation de la femmè, à la libre-penséê, à là tolérance. Des bravos accueillent ce toast*
- La parole est ensuite donnée au citoyen Philip, l’an des membres les plus zélés de la libre-pensée-.
- Il profité, dit-il, dè Cettè réunion pour adresser ses félicitations à tous ceux qui n’ont pas cessé de poursuivre âVèê persévérance rteuvre d’assainisée-ment intellectuel et moral entrepris par la libre-pensée. ïi les félicite parce qu’ils ont montré que leur courage était à la hauteur de leurs convictions et qu’ils hé sont pas de ceux qui s’abritent devant ûhe indifférence égoïste, laissant à d’autres le soin de conquérir à leurs risques et périls ïes libertés dont ils seraient pourtant bien aises de profiter pour eux-mêmes. (Applaudissements).
- La lutte contre les préjugés et surtout contre les préjagés religieux est difficile et pénible ; il sait que bon nombre d’esprits convaincus-, mais timorés, n’osent pas encore afirmeV leur opiûion et s’associer aux manifestations de la libre-pensée; c’est ûhè faiblesse regrettable mais que ï’ôh vaincra par la raison, par la persévérance, par l’exemple, et 'surtout par la pratique de cette large tolérance dont vient de nous parler le citoyen Serre.
- La librc-penuée, àjoûte-t4l, n’est pas un dogme,
- ce n’est pas une religion, ce n’est ni une affirmation, ni une négation, C’est purement et simplement l’exercice d’un droit imprescriptible,que la conscience humaine ne peut abandonner sans déchoir.
- Ainsi définie, la libre-pensée est un terrain neutre, une sorte de trait d’union entre toutes les conceptions philosophiques. Ni les différences de vue, ni les divergences d’opinion, ni même les rivalités politiques ne peuvent et ne doivent être un sérieux obstacle à son développement. Il fait ensuite appel à tous ceux qui veulent le triomphe de la raison et de la vérité, et les invité à se joindre au groupe formé ; car, dit il, né pas réagir contre les supperstitions, c’est aider â les maintenir, c’est perpétuer cet esclavage de la pensée qui permet â nos ennemis de nouâ exploiter si habilement. (Bravos). Rappelant ensuite le rôle des prêtres dans toutes les sociétés, il dit comment ils ont toujours sanctionné les conquêtes de la force brutale, leufr alliance avec les rois pour conquérir èt dominer les peuples, et par une cruelle ironie, comment ces exploiteurs ont pu se faire conserver leurs privilèges par ceux-là même qu’ils avaient dépouillés, formant ainsi une trilogie redoutable, le sceptre, la trlare èt l’épéë. La République nous à débarrassé des rois, la Libre-Pensée nous débarrassera du prêtre ; Ces deux points acquis nous conduiront infailliblement à l’association qui,en assurant notre indépendance économique rendra le soldat inutile ; Ce n’est qu’alèrs que là liberté et la paix régneront dans te monde. Il porte un toast à la persévérance qui peut seule nôus conduire au succès. (Applaudissements prolongés.)
- Le citoyen Deynaud, rédacteur en chef du bevoir a ensuite la parole. Dans une brillante improvisation, avec cette parole énergique, cette éloquence entraînante que nous avons déjà eu l’occasion d’applaudir plusieurs fois 11 dit : que s’inspirant des idées qui sont le fond de la libfe-pensée, il invite les membres de la Société à bien se pénétrer des conditions de l’émancipation humaine entravée par la religion, 1 éducation, la finance et la propriété. 11 ne veut pas discuter sérieusement unereligion qui ordonne toutes les pratiques ridicules du culte catholique, qu’il trouve moins sensé que les religions passées, dont les fervents adoraient les animaux et pouvaient com-munier avec leurs 'divinités sous les espèces et réalités d’un bota festin comme celui que M*1’ Buéhateau à servi aux libres-penseurs de Guise. Mais le libre-penseur n’a pas seulement i combattre une religion usée, il doit se débarrasser de toute* les idées fausses qu’on lui à inculquées. Lorsqu’il saura lire l’histoire,il verra que la plupart des hommes qu’elle honore méritent le mépris des honnêtes gens. A me-
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- LK DEVOIR
- sure que l’homme deviendra plus libre, il apprendra A considérer la femme comme son égale; il sera véritablement un libre-penseur, lorsqu’il verra dans les lois qui régissent le capital et la propriété des conventions faites par les hommes ; lois que ceux-ci ont le droit et le devoir de réviser chaque fois qa’elles sont en contradiction avec les besoins de la vie hu-maine. Le libre-penseur doit apporter l’examen partout, en ayant pour critérium les nécessités de la vie. L’orateur boit à l’émancipation de l'humanité par le développement intellectuel de chacun de ses membres sans distinction de sexes. Après ce discours plusieurs fois applaudi, notre sympathique et dévoué président se lève et dit : citoyennes citoyens pendant que nous sommes réunis ici joyeux, et, grâce aux bienfaits de l’association, exempts des souffrances qui assaillent nos frères les mineurs d’Anzin, la solidarité nous fait un devoir de penser à ces malheureuses victimes de l’égoïsme, à ces esclaves du capital. Je propose donc de faire ce soir une quête à leur profit. La j roposition du citoyen Serre est accueillie à l’unanimité. Celui-ci donnant le bras à une charmante demoiselle libre-penseuse fait le tour des tables; la quête s’élève à la Somme de 12 fr.; il est décidé que cette somme sera directement et le plus vite possible envoyée au citoyen Basly l’énergique et intelligent secrétaire de la Chambre syndicale des mineurs d’Anzin.
- La soirée continue ensuite par des chansons. Les citoyens faisant partis de toutes les classes de la société depuis l’ingénieur jusqu’à l’ouvrier fraternisent dans un sentiment de bienveillance mutuelle.
- A minuit tout le monde se sépare content de la soirée et se promettant bien de revenir l’année prochaine.
- Ces réunions fraternelles font le plus grand bien à la cause du progrès; elles aident à la fusion des différentes classes de la Société et préparent l’extinction des haines sociales si préjudiciables aux intérêts de tous. Propager ces réunions amicales,c’est travailler au bonheur de l’humanité.
- A. Doyen.
- ADHÉSIONS
- Aux principes de la Ligue fédérale de la paix et darb.trage international.
- Messieurs ;
- Bitaube A., quincailler à Blaye. Gironde. Soulier Auguste, entrepreneur A Allègre. Vaucanson Alexandre, à Varenne-St-Honorat. Coudert Pierre, maçon a Chambérac.
- Latrix Paul entrepreneur à Allègre.
- Coudert Clément, négociant à Allègre.
- Leydet Jean-Pierre, propriétaire à Menteyre. Ampiihac Jean-Jacques, propriétaire à Menteyre.
- Aron François, propriétaire & Pouzols de Monlet. Poble François, propriétaire à Pouzols de Monlet. Dechelle Eugène, négocient â Monlet,
- Defilles Claude; propriétaire à Monlet.
- Gay Vital, négociant h l’Etang par Monlet.
- Gathaud Jean-Pierre, charpentier â Varenne de Monlet. Prod’homme Jules-Eugène, médecin à Le Sel, Ile-et-Viiaine.
- Donneaud Camille, Familistère de Guise.
- Dumay Vital, employé * Guise.
- Bouquet Raphaël, employé a Audigny près Guise. Philip Numa, employé, Familistère de Guise.
- Bonnet Arthur, employé à Guise.
- Migrenne Gabriel-Alfred, employé à Guise.
- Baridant Henri, employé * Noyai.
- Henry Aristide, instituteur à Petit Verly.
- Blanche Léon, employé au Familistère de Guise. Bouleau Léon, cafetier à Guise
- Perion Louis-Gonstant, capitaine de frégate en retraite.
- à Fabregoul par Septêmes Bouches-du-Rhône.
- Garin Moroy, constructeur-mécanicien à la Vallée-aux-Bleds, Aisne.
- Mancel Joseph-Auguste, homme de lettres, rue Robespierre, a Nice.
- Garette Joseph-Hector, cordier à Guise.
- Glergeat André, propriétaire à Fronteix, par Monlet. Laurent Antoine, propriétaire à Allègre.
- Maurisse Pierre, cordonnier à Allègre.
- Couquet François, négociant àBesse, par Allègre. Pergier Paul, boulanger ? Allègre.
- Laurent Auguste, tourneur à Allègre.
- Viallet Joseph, cultivateur aux Astiers par Allègre. Garnier Joseph, charcutier à Allègre.
- Meysonnier Noël, charcutier à Allègre.
- Boyer Florimond, bourrelier à Allègre.
- Buron, négociant a Tarbes, Hautes-Pyrénées.
- Stumph Jean-Albert, petit bazar Parisien, Avenue de Clichy, 117, Paris.
- Brui lé, rue du Lac, 4, à Saint-Mandé, Seine.
- Mesdames :
- Vincent, rentière, rue Valentin, 2, à Lausanne, canton de Vaud, Suisse.
- Brullé, rue du Lac, 4. à Saint-Mandé,Seine.
- L’administration du Devoir envoie gratuitement des bulletins d’adhésions aux amis de la paix désireux de s’associer à la propagande.
- Le comité de souscription en faveur des femmes et des enfants des Mineurs du Nord, a l’honneur d’informer les souscripteurs, qu’il a fait parvenir aujourd’hui au syndicat des mineurs, à Denain, un Quatrième versement de cent-cinquante francs, ce qui porte à 90c fr. les versements envoyés jusqu à ce jour, par ce comité.
- Le comité de souscription profite de cette occasion pour faire appel aux personnes sans distinction de partis, qui voudront bien apporter leur obole aux femmes et aux enfants de ces vaillants défenseurs du droit.
- Le Secrétaire-Trésorier, Lefebvre-Mézand
- 15, Place de l’Hôtel-de-Ville, Saint-Quentin.
- OFFRE D’EMPLOI
- La Société du Farailis'ère demande un bon Comptable teneur de Livres. Ne pas être âgé plus de 25 à 30 ans.
- Elle demande également un Épicier caviste, pour le soin des boissons et le coupage des alcools.
- Le Directeur-Gérant: GODIN
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- "Le numéro hebdomadaire 20 c.
- BUREAU
- A GtJISE (Aisne)
- «ATM'
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur*Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France Union postale
- Unau. . . . 10 fr. »» Un an. . . . 11 fr. »»
- Six mois ... 6 »» Autres pays
- Trois mois . . 3 »» Un an ... 13 ir. 63
- ON S’ABONNE A PARIS 5,r.Neuve-des-petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psycho’ogiqxies.
- SOMMAIRE
- Rétribution des Fonctions électives. —* Correspondance. — Progrès et Pauvreté. — Faits politiques et sociaux. — La Nouvelle Loi municipale.
- La rétribution des fonctions électives
- D’après la loi, tout électeur est éligible, à l’exception de quelques citoyens occupant des fonctions incompatibles avec les charges électives. En fait le « silence aux pauvres » se perpétue comme dans les beaux jours de la réaction. Les classes dirigeantes ne veulent pas que le pauvre, que le salarié puisse s’initier à la vie municipale ; on a peur d’entendre les travailleurs dire catégoriquement, dans leur langage, parfois brutal, mais exprimant nettement des sentiments nés de l’observation des faits, quels sont les besoins de la majorité de la population et comment il est possible de trouver des ressources budgétaires supportées par la richesse.
- Il a été une époque pendant laquelle les membres des grands corps politiques ne recevaient aucune rétribution, alors les affaires du pays étaient conduites par les possesseurs de grosses fortunes qui administraient D richesse publique suivant leurs besoins particuliers. Les classes moins riches mécontentes de cette situation, où leurs intérêts étaient
- trop souvent sacrifiés, ont obtenu des gouvernements des appointements pour les fonctions, dont les frais dépassaient leurs moyens ; mais elles n’ont pas voulu faire adopter le principe de la rémunération de toutes les fonctions électives, parce qu’elles voulaient se réserver le monopole des mandats électifs entraînant des pertes de temps ou bien des dépenses que ne peuvent supporter les classes laborieuses.
- Les fonctions des sénateurs et des députés sont rétribuées, parce que l’on ne craint pas encore l’envahissement de ces situations par les délégations ouvrières ; on se sent suffisamment protégé contre cette invasion par le défaut de développement scientifique de la masse. Mais les questions locales, par leur moindre importance et par la connaissance pratique qu’en a chaque électeur, peuvent êtré convenablement comprises par chaque citoyen vivant au milieu d’elles ; dans la gestion des affaires municipales, le bon sens et la bonne foi peuvent généralement suppléer à l’insuffisance d’instruction. Les classes laborieuses ont un développement intellectuel et moral assez élevé pour pouvoir prendre dans les conseils communaux une place selon leur importance numérique. Mais cela ne sera possible que d’autant que les fonctions municipalas seront rétribuées.
- Cette initiation des meilleurs de la classe ouvrière à la vie publique est urgente, même dans l’intérêt des classes aisées.
- Refuser plus longtemps les conditions pratiques du fonctionnement du suffrage universel, c’est vouloir en fausser les manifestations au profit d’intérêts privilégiés.
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- LE DEVOIR
- Pourquoi exiger des classes laborieuses une renonciation à la vie publique ; pourquoi leur demander de confier le soin de leurs intérêts à d’autres que ceux qui vivent de leur vie ? En prolongeant cette tutelle que rien ne justifie, n’est-ce pas s’exposer à une rupture malheureuse entre des éléments sociaux qui ne trouveront jamais la satisfaction de leurs intérêts, s’ils ne savent évoluer dans une parfaite concorde ?
- Lorsque les travailleurs se décident à s’organiser en parti de classes, lorsqu’ils émettent la prétention de monopoler les délégations du suffrage universel, on proteste de toute part dans les milieux conservateurs contre cette tactique, que l’on qualifie d’abusive et de despotique ; on ne réfléchit pas que cet excès de précaution a été provoqué par l’exclusivisme des classes aisées qui n’ont jamais voulu partager l’exercice du pouvoir.
- On a imaginé la théorie des intérêts pour justifier cette perpétuelle tutelle ; mais les socialistes ont opposé à ce sophisme la doctrine véritable des besoins de la vie humaine.
- Il y a danger public à ne pas tenir compte des symptômes de mécontentement que l’on constate dans tous les grands centres, où ordinairement les réclamations ouvrières précèdent de quelques années les revendications générales du prolétariat tout entier. Il y a à peine quelques jours, les travailleurs militants de Paris tenaient un Congrès ayant à son ordre du jour une question significative « Des élections municipales ». Plus de cent délégués ont été unanimes à déclarer que les travailleurs de Paris devaient aller aux urnes en parti de classe,repoussant d’avance tout projet de transaction avec ceux qu’ils ont été amené à considérer comme des ennemis. Voilà où en arrivent les réactions et les résistances, à accentuer les antagonismes des classes, lorsque la raison démontre la nécessité de leur fusion.Cette situation n’a encore un caractère précis, nulle autre part qu’à Paris. Il faut éviter qu’elle se généralise. Mais tous les efforts seront stériles, s’ils ne s’inspirent pas des causes de ce mouvement populaire.
- Le plus grand obstacle à l’avénement à la vie politique de l’ouvrier provient de la gratuité des fonctions municipales. Exclu par raison de pain quoti- ' dien de prendre part à la discussion des intérêts : communaux qui le touchent de si près, l’électeur ! pauvre ne peut acquérir aucune expérience admi- ' nistrative. !
- C’est par l’étude et la gestion des intérêts commu- ' naux que le citoyen s’initie aux premières notions ; pratiques de la vie publique. Le priver de cette par- j tie de ses droits équivaut à le rejeter systématique- !
- ment en dehors de toute action politique véritablement sérieuse.
- Il se trouve, parfois, quelques ouvriers assez dévoués à l’intérêt public pour accepter gratuitement d’être délégués au conseil municipal ; mais leur participation, si elle leur permet d’assister régulièrement aux séances, ne les autorise jamais à accepter de faire partie des commissions ; c’est pourtant là que leur présence serait la plus nécessaire.
- Il n’y a pas que des motifs politiques qui militent en faveur de la rétribution des fonctions électives. Matériellement, les citoyens ont intérêt à faire cesser cette gratuité ; car il faut se méfier en général des services que l’on semble ne pas payer. Jamais cette vérité n’a été plus de circonstance que dans les affaires municipales. Si l’on voulait se donner la peine de faire l’inventaire des cas dans lesquels, soit à l’occasion d’une route, d’un chemin de fer, soit à l’occasion d’un embellissement, l’intérêt public a été sacrifié à l’intérêt privé de tel ou tel conseiller municipal, on trouverait certainement que ces fonctions, prétendues gratuites, ont été chèrement payées par les administrés. La gratuité des fonctions conduit à la vénalité et à la corruption.
- Théoriquement, la gratuité des fonctions municipales n’est pas défendable, surtout dans le milieu des économistes ; et l’on sait que tous nos gouvernants se piquent d’être plus ou moins de la docte confrérie, dont ils opposent les oracles aux utopies des socialistes, de ces ignorants qui vivent les yeux fermés, toujours absorbés par des abstractions. Les économistes et leurs clients ont écrit un peu partout que « tout service mérite salaire » que « le temps est de l’argent » etc., etc. Néanmoins, dans la pratique, ils estiment que les services rendus par les administrateurs des intérêts communaux ne doivent pas être payés, que le temps consacré à la commune n’est pas de l’argent... Si l’on avait écrit dans quelque recoin du code qu’il fallait être économiste pour devenir conseiller municipal, il y a déjà longtemps que nous saurions que le temps d’un conseiller municipal serait d’or.
- Les électeurs ont intérêt à ne plus supporter ces privilèges d’origine monarchique. Ils ont le devoir d’inscrire dans les programmes municipaux une clause réclamant la rétribution des fonctions municipales, fixée par les municipalités elles-mêmes, qui sauront s’inspirer des circonstances locales pour faire une juste appréciation des indemnités à accorder à leurs membres.
- Mais le vote d’un crédit municipal ayant cette destination est toujours annulé par l’autorité préfectorale, même à Paris, où le mandat de conseiller
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- donne lieu à plus de trois cents séances en tenant j compte des réunions des commissions. Ce parti pris des classes dirigeantes de ne pas vouloir la modification d’une loi mauvaise, anti-républicaine, trace nettement qu’elle doit être la conduite des hommes de progrès.
- Si les municipalités voulaient voter quand même ces crédits et des vœux en faveur de la modification de la loi dirigée contre les pauvres ; certainement on annulerait les crédits, sous prétexte que les conseils municipaux auraient dépassé leurs pouvoirs ; on casserait les vœux, par la raison que les municipalités ne sont pas des corps politiques ; mais, si celles-ci savaient persister, on verrait bientôt que les vœux cassés peuvent paver le code de bonnes lois à la place des mauvaises intentions des gouvernements.
- La gratuité des fonctions municipales a été instituée pour constituer et conserver les privilèges des classes riches ; elle est un obstacle aux fonctionnement du suffrage universel ; elle rend illusoires les droits politiques des citoyens pauvres ; en imposant la rétribution des fonctions électives, les électeurs feront un pas de plus vers la vérité républicaine,
- Nous recevons de Londres la lettre suivante, que nous publions pour montrer à nos lecteurs avec quel soin l’étranger suit le développonsent de la propagande pacifique en France. Nous remercions nos amis de Londres de ce témoignage de sympathie, qui a été mérité aussi par les vaillants abonnés du Devoir.
- Monsieur Godin, directeur-gérant, du Devoir,
- A une réunion du comité exécutif de l’association pour l’arbitrage international et la paix, réunion tenue le 3 avril, la résolution suivante a été prise à runanimité et je vous la communique avee le plus grand plaisir :
- € Une lettre sera adressée à M. Godin, à Guise, le remerciant des nombreux articles publiés dans son journal « Le Devoir » pour soutenir la cause de l’as&oeiation d’arbitrage international et ae paix.
- Je saisis, Monsieur, cette occasion de vous exprimer combien nous vous sommes redevables pour l’envoi régulier de votre journal, dette feuiile est lue avec intérêt et collectionnée pour consultation future.
- Sincèrement à vous,
- Lewis Appleton, Secrétaire.
- OFFRE D’EMPLOI
- La société du Familistère, Godin et Gia, demande un un homme jeune, intelligent, capable de seconder le Gérant dans la direction industrielle, commerciale et coopérative de l’association.
- Llndustrie de la société consiste dans la fonderie et la fabrication d’appareils de chauffage et choses diverses d’ameublement, en fonte de fer.
- Belle position après preuves de capacité et de mérites suffisants.
- Adresser les demandes à l’Administrateur-Gérant à Guise (Aisne).
- PROGRÈS ET PAUVRETÉ1,1
- par M. Henry George •IV
- Livre IV.
- EFFET DU PROGRÈS MATÉRIEL SUR LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.
- Chapitre 1er
- Les aspects du problème qui restent à examiner.
- D’autres causes que celles vues par nous jusqu’ici concourent à l’élévation de la valeur terrienne. Pour bien définir ces causes et leurs effets examinons l’influence du progrès matériel sur la répartition des richesses.
- Les changements qui concourent au progrès matériel sont : 1° augmentation de la population ; 2° amélioration dans les arts et dans les échanges ; 3° amélioration des connaissances, de l’éducation, du gouvernement, de la politique, des mœurs en ce qui touche à l’augmentation delà puissance productive. Examinons maintenant chacun de ces trois points....
- Chapitre II
- Effets de Vaugmentation de population sur la distribution des richesses.
- Imaginons une savane illimitée et l’arrivée en ce lieu d’un premier immigrant. A un point quelconque plus ou moins choisi par lui ou pris au hasard, il décide d’élever sa maison. Le sol est vierge et riche, le gibier abondant, les ruisseaux sont remplis des plus belles truites.
- Cet immigrant possède ce qui dans un district populeux le ferait riche, mais il est très pauvre. Son isolement moral lui ferait accueillir avec bonheur le plus triste étranger ; il travaille avec tous les désavantages de la solitude. Nulle assistance ne lui est prêtée dans les opérations qui requerraient l’union des forces.. . Bien qu’il ait du bétail, il n’a pas souvent de viande fraîche, car pour obtenir un beef-steack, il lui faut tuer un bœuf. Il est son propre serrurier , voiturier, charpentier, etc. - .; s’il a des enfants, ceux-ci ne peuvent être instruits à l’école, il faut que le père lui-même se fasse professeur.
- S’il est des choses dont il ne peut se passer, il faut qu’il lasse un long voyage pour se les procurer, et alors il doit les prendre en quantités embarrassantes ....
- (Lire le « Devoir » depuis le numéro du 0 avril 1884.
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- LE DEVOIE
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- En cet état, l’homme se procure aisément la nourriture, mais en dehors de cela son travail suffît tout juste à satisfaire à ses plus simples besoins.
- Bientôt un second immigrant arrive, tout naturellement il se rapproche du premier pour être moins isolé ; leur situation mutuelle en est fortifiée et améliorée..... Et ainsi de suite jusqu’à la formation d’une commune où les métiers sont exercés par des travailleurs spéciaux, où des magasins sont ouverts, des écoles instituées, où tous les moyens de délassement et de progrès se font jour, etc., etc -..
- Allez maintenant près du premier immigrant et dites lui : « Tu as planté tant d’arbres à fruits, tu as élevé telles fermes, accompli telles choses, ajouté telle valeur au fonds. Ta terre maintenant a perdu un peu de ses forces premières, elle aurait besoin de fumure. Je vais te payer la valeur de toutes les améliorations que tu as réalisées et tu t’en iras avec ta famille défricher un nouveau point du sol. »
- L’ex-pionnier vous rirait au nez. Sa terre ne lui rapporte pas, il est vrai, plus de froment ni de pommes de terre qu’auparavant, mais il y trouve maintenant toutes les ressources, tous les conforts de la vie....
- La valeur de la terre de notre immigrant dépend donc surtout des avantages que lui procure le rassemblement de la population.
- Enfin, la commune en question est devenue une grande cité,au coeur d’un vaste pays peuplé de toutes les ressources de la civilisation, de tous les arts, de tous les luxes.... Tous ces avantages adhèrent à la terre, c’est là sur le sol même et non ailleurs qu’on on jouit. La parcelle de terrain à bâtir y acquiert un prix excessif. Notre premier immigrant, ou son successeur, est devenu millionnaire...., non de ce qu’il a fait lui-même, mais des conséquences du développement de la société....
- Reconnaissons donc que les terrains qui livrent les plus forts revenus ne sont pas ceux dont la fertilité est extraordinaire, mais ceux auxquels l'augmentation de population a donné une utilité surpassant tout.
- En résumé : Dans l’état social actuel l’augmentation de population influe sur la répartition des richesses de façon à augmenter la valeur du sol, au détriment de la proportion de biens qui va au capital et au travail ; cela de deux manières : 1° En abaissant la latitude d’accès au sol ; 2° En développant des capacités spéciales latentes, et en donnant une valeur spéciale à des terres particulières (mines de fer, charbon, etc.)
- !
- Effets clés progrès industriels sur la répartition des richesses.
- Nous avons examiné l’effet de l’augmentation de population sur la répartition des richesses, indépendamment des conséquences du progrès industriel ; examinons maintenant les conséquences du progrès industriel sur la répartition des biens, indépendant ment de la question de population.
- L’effet des inventions ou perfectionnements dans les arts industriels est de diminuer le travail, c’est-à-dire de permettre d’obtenir à moins de frais un même produit, ou un plus grand résultat avec une même somme de travail.
- Les désirs de l’homme étant insatiables..., les améliorations, les économies de travail tendent à l’augmentation de la production. Or, la production exigeant le concours de ces deux facteurs : travail et terre, le progrès industriel rend de plus en plus active l’occupation du sol, pousse à l’appropriation de terres nouvelles, ou concentre et développe les efforts sociaux sur certains points.
- Ainsi, tandis que le premier effet du progrès industriel est d’augmenter la puissance du travail, le deuxième est d’étendre l’appropriation foncière, et, sur les points où s’abaisse la latitude d’accès au sol, d’augmenter la valeur terrienne.
- En termes concis :
- La richesse sous toutes ses formes étant le produit du travail appliqué au sol ou aux produits du sol, toute augmentation de la puissance du travail, (tant que le besoin de confort n’est pas satisfait), est utilisée à produire toujours plus de richesses, et augmente ainsi la compétition entre citoyens pour disposer du sol.
- Le libre échange a augmenté énormément la richesse de la Grande-Bretagne sans diminuer le paupérisme. Il a simplement élevé la valeur foncière ....
- Chapitre IV
- Effets des perspectives de progrès matériel.
- L'espoir d’une plus-value du sol dans les contrées en progrès engendre la spéculation sur le prix même des terrains....
- Chapitre III
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- Livre V. - LE PROBLÈME RÉSOLU.
- Chapitre Ier
- La principale cause des crises industrielles.
- Une spéculation active sur le prix du sol ou sur son revenu précède invariablement chacune des crises industrielles....
- Que la crise actuelle court à sa fin et qu’un nouvel équilibre s’établisse prochainement pour être suivi d’une nouvelle phase d’activité, c'est ce qui peut déjà être constaté aux Etats-Unis. (Le mouvement annoncé se produisait en juillet 1879 à New-York et Chicago.)-
- La valeur foncière normale et la valeur foncière spéculative vont se rencontrer :
- 1° Par l’abaissement des valeurs foncières spéculatives, chose évidente déjà par la réduction des fermages et la diminution du prix du sol dans les grandes cités ;
- 2° Par l’efficacité croissante du travail due à l’augmentation de population, à l’utilisation des nouvelles découvertes, etc.;
- 3° Par la diminution du taux des salaires et de l’intérêt. Concernant les salaires, le fait est généralement évident ; concernant l’intérêt, il est visible dans les emprunts d’Etat consentis à 4 0/0.
- Une fois l’équilibre rétabli, l’activité se renouvellera ; la spéculation sur la valeur des terres s’exercera de nouveau. Mais les salaires et l’intérêt ne recouvreront pas le terrain perdu....
- Chapitre II
- Persistance de la pauvreté au sein de la richesse croissante.
- La terre étant nécessaire au travail dans la production de la richesse, monopoliser la terre c’est monopoliser les fruits du travail, sauf l’indispensable pour faire vivre le travailleur....
- Ce n’est pas dans les relations entre le capital et le travail, dans la pression de la population sur les moyens de subsistance qu’on peut trouver l’explication du développement proportionnel de la richesse des uns et de la misère des autres dans notre civilisation.
- Le progrès matériel ne peut pas nous rendre indépendant du sol, il ne peut qu’ajouter au pouvoir de produire la richesse tirée du sol; en conséquence, où la terre est monopolisée, le progrès matériel suit son cours indéfini sans augmenter les salaires, sans améliorer le sort de ceux qui n’ont d’autres res-
- sources que le travail. Il ajoute simplement à la valeur du sol et au pouvoir qui dérive de la possession fonçière.
- En tous temps, en tous pays, la possession de la terre a été base de l’aristocratie, le fondement des grandes fortunes, la source du pouvoir....
- [A suivre).
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- JL.a République des Paysan**. — L’empire, lorsqu’il se proclamait le gouvernement des campagnes, avait soin de choisir un moment de prospérité exceptionnelle pour l’Agriculture;alors son affirmation, auprès de ceux qui jugent d’après les faits sans s’inquiéter des causes véritables, ne manquait pas de vraisemblance. M. Ferry, mauvais plagiaire des Rouher, n’a pas même cherché la justification de ses déclarations dans 1 apparence des faits. Il a promis la République des paysans, au moment où notre agriculture se débat sous les étreintes d’un ordre social qui devr dt avoir fait son temps. Si l’audace est encore la privilégiée des Dieux, M. Ferry peut défier les colères des humains ; il était difficile de faire plus fort ; on sait ue le président du conseil en même temps qu’il parlait e la République des paysans a réussi à se faire congratuler par les instituteurs auxquels il avait refusé récemment une augmentation d’appointements absolument nécessaire. A Cahors, le représentant du gouvernement avait parlé de l’Union des Républicains, les sentimen-listes, les naïfs et les gobeurs étaient satisfaits ; à Pé-rigueux, avec la République des paysans, on espérait duper les égoïstes ; tout cela pour perpétuer la domination des faiseurs.
- JLes Conseils généraux. — Les Conseils généraux viennent de se réunir au milieu de l’indifférence générale II ne reste plus que 9 de ces assemblées ayant encore des bureaux opposés à la République.
- Il est à craindre qu’il ne soit voté dans un grand nombre de départements des résolutions invitant le gouvernement à protéger l’agriculture nationale. Les paroles coupables du discours de Périgueux auraient été prises au sérieux par un grand nombre de -représentants cantonaux disposés a mettre le gouvernement en demeure de conformer ses actes aux promesses de M. Ferry, en ce qui concerne la République des paysans.
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- Le» élection» municipale». — Un grand nombre de candidats ont inscrit dans leurs programmes des articles demandant que les communes soient autorisées à trouver des ressources dans un impôt progressif sur les successions. Dans tous les grands centres, les programmes sont divisés en deux parties : La première contient les déclarations politiques des candidats, et la deuxième est réservée aux clauses d’ordre économique. La rétribution des fonctions électives est réclamée dans un grand nombre de circonscriptions.
- * *
- Progrès social. — On signale dans quelques communes de Loir-et-Cher et de la Creuse la formation de syndicats de petits propriétaires, en vue de faire l’achat en commun des semences choisies et des engrais. Les initiateurs de ce* mouvement ne s’arrête-
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- LE DEVOIR
- ront pas en si bon chemin, il faut l’espérer ; ils apprécieront qu ils auraient avantage à procéder de la sorte pour leurs achats, pour leurs ventes, puis pour leurs cultures. Il est curieux de constater que ce premier pas vers l’association est sorti de l'excès des fraudes des intermédiaires et des fabricants d'engrais.
- ¥ ¥
- Grève zis*. — Nous recevons d'Anzin la communication suivante :
- CITOYEN
- Après 55 jours de luttes, d’angoisses et de souffrances sans nom, les Mineurs Grévistes du Nord, debout pour la défense de revendications légitimes, ont été vaincus par la faim et forcés de reprendre le collier de misère et de servitude.
- Loin d’être affaiblis par cette effroyable grève, les Mineurs duNord, convaincus que leur force réside dans l’union, retrempés par cette expérience et résolus plus que jamais à. revendiquer leurs droits, consentent à déposer momentanément les armes.
- Les préoccupations générales de cette lutte de classes, dont cette grève n’est pour ainsi dire que le prélude, ne doivent pas nous faire oublier les plaies qui restent encore ouvertes et que nous avons le devoir de guérir au nom de la solidarité du travail.
- Les cent quarante-quatre ouvriers congédiés par la Compagnie et désignés par la vindicte patronale à tous les exploiteurs miniers, sont dans l’impossibilité de retrouver nulle part du travail.
- C’est pourquoi nous faisons un pressant appel à cette solidarité prolétarienne, qui ne nous fit pas défaut, et sur laquelle nous comptons encore pour secourir ces cent quarante-quatre familles que nous avons promis de ne pas abandonner ; pour secourir en même temps les familles de ceux qui expient dans les prisons le crime d’avoir été les plus ardents à défendre la cause de leurs frères.
- Et maintenant, à tous les travailleurs de France qui nous ont envoyé leurs gros sous pendant que le
- ouvernement se disposait â nous envoyer du plomb ;
- vous tous, enfin, qui vous êtes émus de nos souffrances, qui nous avez aidés et secourus de votre bourse, de votre plume et de vos paroles, MERCI !
- Merci au nom de tout le Prolétariat minier d’Anzin.
- Pour le Syndicat des Mineurs du Nord
- Basly.
- * ¥
- Tonlcio. — Le ministre de là marine, au nom du gouvernement, vient d’adresser au général Millot, ainsi qu’à nos braves marins, ses félicitations pour leur nouveau succès.
- Toutes les places fortes du Delta sont aujourd’hui en notre pouvoir ; notre positisn est moralement assez forte pour défier les tentatives, soit des Chinois, soit Pavillons-Noirs, qui du reste, à en juger par l’empressement qu’ils ont mis à fuir de partout, dès que nos soldats ont montré leurs casques de toiles à l'horizon, n’auront guère envie de revenir.
- Il serait donc sage, de ne pas pousser plus loin l’expédition et de |ne pas franchir la frontière de Chine, ce qui pourrait singulièrement compliquer les affaires.
- Le programme de M. Jules Ferry, exposé en octobre et décembre et adopté à une grande majorité par la Chambre, ne parlait que de l’occupation du Tonkin. •
- Ce programme est rempli et bien rempli. Contentons-nous de ces succès, sans nous lancer dans des aventures, et tous ceux qui ont leurs fils ou parents sous les armes au Tonkin seront certainement de notre avis — et ils sont légion.
- ANGLETERRE
- Les communications du gouvernement de l’Angleterre auprès du gouvernement ^Français, visant les remontrances des colonies australiennes au sujet du transport des récidivistes en Nouvelle-Calédonie, ont été terminées par une déclaration du ministère français réservant sa liberté d’action et écartant l’immixtion de F Angleterre.
- Les affaires d’Egypte se compliquent chaque jour davantage. Les Anglais impuissants à se défendre contre les révoltes du Soudan redoutent des troubles dirigés contre leurs résidents au Caire même. On parle de l'intention de la Russie et de la France d’intervenir dans le règlement de la dette égyptienne.
- Toutes ces difficultés politiques n’empêchent pas les démonstrations sympathiques entre le peuple anglais et le peuple Français. Une délégation française aux fêtes de l’Université d’Edimbourg a reçu le meilleur accueil de la part de la population entière,
- ALLEMAGNE
- Le gournement allemand vient de déléguer au Congo le docteur Nachtigall,avec la mission de recueillir des informations en vue de l’organisation de consulats allemands sur la côte d’Afrique. L’Allemagne à l’intention d’établir, d’une manière permanente, une station navale dans ces parages, afin de protéger ses nationaux.
- L’agitation socialiste est toujours active à Berlin. Le Reichstag va se prononcer sur la loi d’exception contre les socialistes. Les ouvriers charpentiers de Berlin, au nombre de 5,000, continuent à faire grève.
- ESPAGNE
- Le conseil des ministres, s'est occupé dans une de ses dernières séances des menées françaises au Maroc.
- Les insurgés de Cuba contiennent à tenir en éGhec les forces régulières espagnoles.
- --------- U_u Iigan^.tu -------
- SOMMAIRE du dernier numéro de la Revue du Mou-vement social :
- Cliarles-M.-Eimousin : La question des mines.
- — Jules Girautl : La mythologie de l’avenir.
- — S. Deynaud : Toujours tous fonctionnaires.
- — Rouxel : M. Satisfait et M. Mécontent. — Wl. Gagneur : Ce que coûte la paix armée à la France.
- — La question de la paix et du désarmemement.
- — La question de la coopération (la coopération en Suisse.) — La question de la recherche de la paternité. — Les Sociétés de secours mutuels en France.
- O. P.: Le mouvement économique dans l’Inde.
- — Les employeurs philantropes. —- Les politiciens chinois. — Les bacchanales dans l’ancienne Rome.
- — Mathieu Vial î L'ivrognerie en Angleterre.
- — Notre voisin Mars. p. 92. — Chronique.
- VENTE ET ABONNEMENTS : chez MM. WATTIER
- et Cie, 4, rue des Dechargeurs, à Paris.
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- LE DEVOIR
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- LA NOUVELLE LOI MUNICIPALE
- [Suite)
- Chapitre II
- Fonctionnement des conseils municipaux.
- Art. 46.—Les conseils municipaux se réunissent eu session ordinaire quatre fois l’année : en février, mai, août et novembre.
- La durée de chaque session est de quinze jours ; elle peut être prolongée avec l’autorisation du sous-préfet.
- La session pendant laquelle le budget est discuté peut durer six semaines.
- Pendant les sessions ordinaires, le conseil municipal peut s’occuper de toutes les matières qui rentrent dans ses attributions;
- Art. 47. — Le préfet ou le sous-piéfet peut prescrire la convocation extraordinaire du conseil municipal.
- Le maire peut également réunir le conseil municipal chaque fois qu’il le juge utile. Il est tenu de le convoquer quand une demande motivée lui en est faite par la majorité en exercice du conseil municipal.
- Dans l’un et l’autre cas, en même temps qu’il convoque le conseil, il donne avis au préfet ou au sous-préfet de cette réunion et des motifs qui la rendent nécessaire.
- La convocation contient alors l’indication des objets spéciaux et déterminés pour lesquels le conseil doit s’assembler, et le conseil ne peut s’occuper que de ces objets.
- Art. 48. — Toute convocation est faite par le maire. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée à la porte de la mairie et adressée par écrit et à domicile, trois jours francs au moins avant celui de la réunion.
- En cas d’urgence, le délai peut être abrégé par le préfet ou le sous-préfet.
- Art. 49. — Les conseillers municipaux prennent rang dans l’ordre du tableau.
- L’ordre du tableau est déterminé, même quand il y a des sections électorales :
- 1. Par la date la plus ancienne des nominations ;
- 2. Entre conseillers élus le même jour, par le plus grand nombre de suffrages obtenus.
- 3. Et, à égalité de voix, par la priorité d’âge.
- Un double du tableau reste déposé dans les bureaux de la mairie, de la sous-préfecture et de la préfecture, où chacun peut en prendre communication ou copie.
- Art. 80. — Le conseil municipal ne peut délibérer que lorsque la majorité de ses membres en exercice assiste à la séance.
- Quand, après deux convocations successives, à trois jours au moins d’intervalle et dûment constatées, le conseil municipal ne s’est pas réuni en nombre suffisant, la délibération prise après la troisième convocation est valable, quelque soit le nombre des membres présents.
- Art. 51. — Les délibérations sont prises à la majorité absolue des votants. En cas de partage, sauf le cas de scrutin secret, la voix du président est prépondérante.
- Le vote a lieu au scrutin public sur la demande du quart des membres présents. Les noms des votants, avec la désignation de leurs votes, sont insérés au procès-verbal.
- Il est voté au scrutin secret toutes les fois que le tiers des membres présents le réclame, ou qu’il s’agit de procéder à une nomination ou présentation.
- Dans ces derniers cas, après deux tours de scrutin secret, si aucun des candidats n’a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour de scrutin et /élection a lieu à la majorité relative ; à égalité de voix l’élection est acquise au plus âgé.
- Art. 82. — Le maire, et à défaut celui qui le remplace, préside le conseil municipal.
- Dans les séances où les comptes d’administration du maire sont débattus, le conseil municipal élit son président.
- Dans ce cas, le maire peut même quand il ne serait plus en fonction, assister a 3a discussion ; mais il doit se retirer au moment du vote.
- Le président adresse directement la délibération au sous-préfet.
- Art. 53. — Au début de chaque session et pour sa durée, le conseil municipal nomme un ou plusieurs de ses membres pour remplir les fonctions de secrétaire.
- Il peut leur adjoindre des auxiliaires pris en dehors de ses membres qui assisteront aux séances, mais sans participer aux délibérations.
- Art. 54. — Les séances des conseils municipaux sont publiques.
- Néanmoins, sur la demande de trois membres ou du maire, le conseil municipal, par assis et levé, sans débats, décide s’il se formera en comité secret.
- Art. 55. — Le maire a seul la police de l’assemblée. Il peut faire expulser de l’auditojre ou arrêter tout individu qui trouble l’ordre.
- En cas de crime ou de délit, il en dresse un procès-verbal et le procureur de la République en est immédiatement saisi.
- Art. 56. — Le compte-rendu de la séance est dans la huitaine affiché par extrait à la porte de la mairie.
- Art. 57. — Les délibérations sont inscrites par ordre de date sur un registre coté et paraphé par le préfet ou le sous préfet.
- Elles sont signées par tous les membres présents à la séance, ou mention est faite de la cause qui les a empêchés de signer.
- Art. 58. —Tout habitant ou contribuable a le droit de demander communication sans déplacement, de prendre copie totale ou partielle des procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune, des arrêtés municipaux.
- Chacun peut les publier sous sa responsabilité.
- Art. 59. — Le conseil municipal peut former, au cours de chaque session, des commissions chargées d’étudier les questions soumises au conseil soit par l’administration, soit par l’initiative d’un de ses membres.
- Les commissions peuvent tenir leurs séances dans l’intervalle des sessions.
- Elles sont convoquées par le maire qui en est le président de droit, dans les huit jours qui suivront leur nomination, où à bref délai sur la demande de la majorité des membres qui les composent. Dans cette première réunion, les commissions désignent un vice-président qui peut les convoquer et les présider, si le maire est absent, ou empêché.
- Art. 60. — Tout membre du conseil municipal qui, sans motifs reconnus légitimes par le conseil, a manqué à trois convocations successives, peut être, après avoir été admis à fournir ses explications, déclaré démissionnaire par le préfet, sauf recours, dans les dix jours de la notification, devant le conseil de préfecture.
- Les démissions sont adressées au sous-préfet ; elles soDt définitives à partir de l’accusé de réception par le préfet, et, à défaut de cet accusé de réception, un mois après un nonvel envoi de la démission constatée par lettre recommandée.
- CHAPITRE III
- Attributions des conseils municipsAice
- Art. 61. — Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune.
- Il donne son avis toutes les fois que cet avis est requis par les lois et règlements, ou qu’il est demandé par l'administration supérieure.
- Il réclame, s’il y a lieu, contre le contingent assigné à la commune dans l’établissement des impôts de répartition. .
- v II émet des vœux sur tous les objets d’intérêt local.
- “* xi dresse chaque année une liste contenant un nombre double de celui des répartiteurs et répartiteurs suppléants à nommer ; et, sur cette liste, le sous-préfet nomme les cinq répartiteurs visés dans l’article 9 de la loi du 3 frimaire an VII et les cinq répartiteurs suppléants.
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- 204
- LE DEVOIR
- Art. 02. — Expédition de toute délibération est adressée, dans la huitaine, par le maire ou le sous-préfet, qui en constate la réception sur un registre et en délivre immédiatement récépissé.
- Art. 63. — Sont nulles de plein droit :
- 1. Les délibérations d’un conseil municipal portant sur un objet étranger à ses attributions ou prises hors de sa réunion légale ;
- 2. Les délibérations prises en violation de la loi ou d’un règlement d’administration publique.
- Art. 64. — Sont annulables, les délibérations auxquelles auraient pris part des membres du conseil intéressés, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires, à l’affaire qui en a fait l’objet.
- Art. 65. — La nullité de droit est déclarée par le préfet, en conseil de préfecture. Elle peut être prononcée par le préfet, et proposée ou opposée par les parties intéressées à toute époque.
- Art. 66. — L’annulation est prononcée par le préfet en conseil de préfecture.
- Elle peut être provoquée d’office parle préfet dans un délai de trente jours, à partir du dépôt du procès-nerbal de la délibération à la préfecture ou à la sous-préfecture.
- Elle peut aussi être demandée par tout contribuable de la commune.
- Dans ce dernier cas, la demande en annulation doit être déposée,sous peine de déchéance à la préfecture ou à la sous-prélecture, dans un délai de quinze jours à partir de l’affichage à la porte de la mairie.
- Il en est donné récipissé.
- Le préfet statuera dans le délai d’un mois.
- Passé le délaide quinze jours sans qu’aucune demande ait été produite, le préfet peut déclarer qu’il ne s’oppose pas à la déclaration.
- Art. 67. — Le conseil municipal est en dehors du conseil, toute partie intéressée peut se pourvoir contre l’arrêté du préfet devant le conseil d’Etat. Le pourvoi est introduit et jugé dans les formes du recour pour excès de pouvoir.
- Art. 68. — Ne sont exécutoires qu'après avoir été approuvées par l’autorité supérieure les délibérations portant sur les objets suivants :
- 1. Les conditions des baux dont la durée dépasse dix-huit ans.
- 2. Les aliénations et échanges de propriété communale ;
- 3. Les acquisitions d’immeubles, les constructions nouvelles, les constructions entières ou partielles, les projets, plans et devis de grosses réparations et d’entretien, quand la dépense totalisée avec les dépenses de même nature pendant l’execice courant dépasse les limites des ressources ordinaires et extraordinaires que les communes peuvent se créer sans autorité spéciale ;
- 4. Les transactions ;
- 5. Le changement d'affectation d’une propriété communale déjà affectée à un service public ;
- 6. La veine pâture ;
- 7. Le classement, le déclassement, le redressement ou le prolongement, l’élargissement, la suppression, la dénomination des rues et des places publiques, la création et la suppression des promenades, squares ou jardins publics, champs de foire, de tir ou de course, l’établissement des plans d'alignement et de nivellement des voies publiques municipales, les modifications à des plans d’alignement adoptés, le tarif des droits de voirie, le tarif des droits de stationnement et de location sur les dépendances de la grande voirie et, généralement, les tarifs des droits divers à percevoir au profit des communes en vertu de l’article 133 de la présente loi.
- 8. L’acceptation des dons et legs faits à la commune lorsqu’il y a des eharges ou conditions ou lorsqu’ils donnent lieu à des réclamations de familles ;
- 9. Le budget communal ;
- 10. Les crédits supplémentaires ;
- 11. Les contributions extraordinaires et les emprunts, sauf dans le cas prévu par l’article 141 de la présente loi ;
- 12. Les octrois dans les cas prévus aux articles 137 et 138 de la présente loi ;
- 13. L’établissement, la suppression ou les changements des foires et marchés autres que les simples marchés d’approvisionnement.
- Les délibérations qui ne sont pas soumises à l’approbation préfectorale ne deviendront néanmoins exécutoires qu’un mois après le dépôt qui aura été fait à la préfecture ou à la sous-préfecture.
- Le préfet pourra, par un arrêté, abréger ce délai.
- Art. 69. — Les délibérations des conseils municipaux sur les objets énoncés à l’article précédent sont exécutoires sur l’approbation du préfet, sauf le cas où l’approbation par le ministre compétent, par le conseil général, par la commission départementale, par un décret ou par une loi, est prescrit par les lois et réglements.
- Le préfet statue eu conseil de préfecture dans les cas prévus aux nos 1, 2, 4 et 6 de l’article précédent.
- Lorsque le préfet refuse son approbation ou qu’il n’a pas fait connaître sa décision dans un délai d’un mois à partir de la date du récépissé, le conseil municipal peut se pourvoir devant le ministre de l’intérieur.
- Art. 70. — Le conseil municipal est toujours appelé à donner son avis sur les objets suivants :
- 1. Les circonscriptions relatives aux cultes ;
- 2. Les circonscriptions relatives à la distribution des secours publics ;
- 3. Les projets d’alignement et de nivellement de grande voirie dans l’intérieur des villes, bourgs et villages.
- 4. La création des bureaux de bienfaisance;
- 5. Les budgets et les comptes des hospices, hôpitaux et autres établissements de charité et de bieufaisance, des fabriques et autres administrations préposées aux cultes dont les ministres sont salariés par l’Etat ; les autorisations d’acquérir, d’aliéner, d’emprunter, d’échanger, de pîaiier ou de transiger, demandées par les mêmes établissements ; l’acceptation des dons et legs qui leur sont faits ;
- 6. Enfin, t^us les objets sur lesquels les conseils municipaux sont appelés par les lois et règlements à donner leur avis et ceux pour lesquels ils seront consultés par le préfet.
- Lorsque le conseil municipal, à ce régulièrement requis et convoqué, refuse ou néglige de donner son avis, il peut être passé outre.
- Art. 71. — Le conseil municipal délibère sur les comptes d’administration qui lui sont annuellement présentés par le maire, conformément à l’article 151 de la présente loi.
- Il entend, débat et arrête les comptes de deniers des receveurs, sauf règlement définitif, conformément à l’article 157 de la présente loi.
- Art. 72. — Il est interdit à tout conseil municipal soit de publier des proclamations et adresses, soit d’émettre des vœux politiques, soit, hors les cas prévus par la loi, de se mettre en communication avec un ou plusieurs conseils municipaux.
- La nullité des actes et délibérations prises en violation de cet article est prononcée dans les formes indiquées aux arîicles 63 et 65 de la présente loi.
- Titre III. — Des maires et des adjoints.
- Art. 73. — Il y a dans chaque commune un maire et uu ou plusieurs adjoints élus parmi les membres du conseil municipal.
- Le nombre des adjoints est d’un dans les communes de 2.500 habitants et au-dessous, de deux dans celles de 2,501 à 10.000. Dans les communes d’une population supérieure, il y aura un adjoint de plus par chaque excédent de 25,000 habitants, sans que le nombre des adjoints puisse dépasser douze, sauf en ce qui concerne la ville de Lyon, où le nombre des adjoints sera porté à dix-sept.
- La ville de Lycn continue à être divisée en six arrondissements municipaux. Le maire délégué spécialement deux de ses adjoints dans chacun de ces arrondissements. Ils sont chargés de la tenue des registres de
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- l’état civil et des autres attributions déterminées par Ie règlement d’administration publique du 11 juin 1881, rendu en exécution de la loi du 21 avril 1881.
- Art. 74. — Les fonctions de maires, adjoints, conseillers municipaux sont gratuites. Elles donnent seulement droit aux remboursements des frais que nécessite l’exécution des mandats spéciaux. Les conseils municipaux peuvent voter sur les ressources ordinaires de la communes, des indemnités aux maires pour frais de représentation.
- Art. 75. — Lorsqu’un obstable quelconque ou l'éloignement rend difficiles, dangereuses ou momentanément impossibles les communications entre le chef lieu et une fraction de commune, un poste d’adjoint spécial peut être institué, sur la demande du conseil municipal, par un décret rendu en conseil d’Etat.
- Cet adjoint, élu par le conseil, est pris parmi les conseillers et, â défaut d’un cou eiller résidant dans cette fraction de commune, ou, s’il est empêciié, parmi les habitants de la fractions. Il remplit les fonctions d’officier de l’état civil, et il peut être chargé de l’exécution des lois et des règlements de police dans cette partie de la commune. Il n'a pas d’autres attributions.
- Art. 76. — Le conseil mu ûcipal élit le maire et les adjoints parmi ses membres au scrutin secret et à la majorité absolue.
- Si, après deux tours de scrutin, aucun candidat n’a obtenu la majorité relative. Eu cas d’égalité de suffrages, le plus âgé est déclaré élu.
- Art. 77. — La séance dans laquelle il est procédé à l’élection du maire est présidée par le plus âgé des membres du conseil municipal.
- Pour toute élection du mûre ou des adjoints, les membres du conseil municipal sont convoqués dans les formes et délais prévus par i’article 48 ; la convocation contiendra la mention spéciale de l’élection et à laquelle il devra être procédé.
- Avant cette convocation, il sera procédé aux élections qui pourraient être nécessaires pour compléter le conseil municipal. Si après les élections complémentaires, de nouvelles vacances se produisent, le conseil munici-, pal procédera néanmoins à i’éiection du maire et des adjoints, à moins qu’il ne soit réduit aux trois quarts de ses membres. Eu ce cas, il y aurait lieu de recourir à de nouvelles élections complémentaires. Il y sera procédé dans le délai d’ua mois, à dater de la dernière vacance.
- Art. 78. — Les nominations sont rendues publiques dans les vingt-quatre heures de leur date par voie d’affiche à la porte de la mairie. Elles sont dans le même délai, notifiées au sous-préfet.
- Art. 79. — L’élection du maire et des adjoints peut être arguée de nullité dans les conditions, formes et délais prescrits pour les réclamations contre les élections du conseil municipal. Le délai de cinq; jours court à partir de vingt-quatre heures après l’élection.
- Lorsque f élection est annulée ou que, pour tout autre cause, le maire ou les adjoints ont cessé leurs fonctions, le conseil, s'il est complet, est convoqué pour procéder au remplacement dans la délai de quinzaine.
- S’il y a lieu de compléter le conseil, il sera procédé aux élections complémentaires dans la ^quinzaine de la vacance, et le nouveau maire sera élu dans la quinzaine qui suivra. Si, après les élections complémentaires, de nouvelles vacances se produisent, l’article 77 sera applicable.
- Art. 80. — Ne peuvent être maires ou adjoints ni en exercer môme temporairement les fonctions :
- Les agents et employés des administrations financières, les trésoriers-payeurs généraux, les receveurs particuliers et les percepteurs ; les agents des forêts, ceux des postes et de télégraphes, ainsi que les gardiens des établissements publics et des particuliers.
- Les agents salariés du maire ne peuvent être adjoints.
- Art. 81. — Les maires et adjoints sont nommés pour la môme durée que le conseii municipal.
- Iis continuent l’exercice de leurs fonctions, sauf les dispositions des articles 80, 86, 87 de la présente loi, jusqu’à l’installation de leurs successeurs.
- Toutefois, eu cas de renouvellement iutégrû, les fonctions de maire et d’adjoints sout, a partir de l'installation du nouveau conseil jusqu’à l’élection du mûre, exercées par jes conseillers municipaux dans l’ordre du tableau.
- Art. 82. — Le maire est seul chargé do l’administration ; mais il peut sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints, et, en l’absence ou en cas d’empêchement des adjoints, à des membres du conseil muuicipal.
- Ces délégations subsistent tant qu’elles ne sont pas rapportées.
- Art. 83. — Dans les cas ou les intérêts du maire se trouvent en opposition avec ceux de la commune, le conseil municipal désigne un autre de ses membres j pour représenter ia commune soit en justice, soit dans j les contrats,
- | Art. 84. —- En cas d’absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions par un adjoint, dans l’ordre des nominations, et, à défaut d’adjoints, par un conseiller municipal désigné par le conseil, sinon pris dans l’ordre du tableau.
- Art. 8b. — Dans les cas où le maire refuserait ou négligeiait de faire un de3 actes qui lui sont prescrits par la loi, le préfet peut, après L’en avoir requis, y procéder d’office par lui-même ou par un délégué spécial.
- Art. 86. — Les maires et adjoints peuvent être suspendus par arrêté du préfet pour un temps qui n’exeè-dera pas un mois et qui peut être porté à trois mois par le ministre de i intérieur.
- Ils ne peuvent être révoqués que par décret du Président de la République.
- La révocation emporte de plein droit l’inégibilnô aux fonctions de maire et à celles d’adjoint pendant une année à dater du décret de révocation, à moins qu’il ne soit procédé auparavant au renouvellement général des conseils municipaux.
- Dans les colonies régies par la présente loi, la suspension peut êue prononcée par arrêté du gouverneur pour une durée de trois mois. Cette durée ne peut être prolongé par le ministre.
- Le gouvernement rend compte immédiatement de sa décision au ministre de la marine et des colonies.
- Art. 87. — Au cas prévu et réglé par l’article 44, le prêûdeni et, à son défaut, le vice président de la délégation spéciale remplit les fonctions de maire.
- Ses pouvoirs prennent fin dès Tiutallation du nouveau conseil.
- Art. 88. — Le maire nomme à tous les emplois communaux pour lesquels les lois, les décrets et ordonnances actuellement en vigueur ne fixent pas un droit spécial de nomination.
- Ii suspend et révoque les titulaires de ces emplois.
- Il peut faire assermenter et commissionner les agents nommés par lui, mais à la condition qu’ils soient agréés par le préfet ou le sous-préfet.
- Art. 89. — Lorsque le maire procède à une adjudication publique pour le compte de la commune, il est assisté de deux membres du conseil municipal désignés d’avance par le conseil ou, à défaut de cette désignation, appelés dans l’ordre du tableau.
- Le receveur municipal est appelé à toutes les adjudications. Toutes les difficultés qui peuvent s’élever sur les opérations préparatoires de l’adjudication sont résolues, séance tenante, par le maire et les deux assistants, à la majorité des voix, sauf le recours de droit.
- Il n’est pas dérogé aux prescriptions du décret du 17 mai 1809 relatives à la mise en ferme des octrois.
- Art. 90. — Le maire est chargé, sous le contrôle du conseil municipal et la surveillance de l’administration supérieure :
- 1° Do conserver et d’administrer les propriétés de ia commune et de faire, en conséquence, tous cas conservatoires de ses droits ;
- 2° De gérer les revenus, de surveiller les établissements communaux et la comptabilité communale ;
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- 3° De préparer et proposer le budget et ordonnancer le£ dépenses ;
- 4° De diriger les travaux communaux ;
- 5° De pourvoir aux mesures relatives à la voirie municipale ;
- 6° De souscrire les marchés, de passer les baux des biens et les adjudications des travaux communaux dans les formes établies par les lois et règlements et par les articles 68 et 69 de la prrésente loi ;
- 7° De passer dans les mêmes formes les acte^ de vente, échange, partage, acceptation de dons ou legs, acquisition, transaction, lorsque ces actes ont été autorisés conformément à la présente loi ;
- 8° De représenter la commune en justice, soit en demandant, soit en défendant ;
- 9° De prendre, de concert avec les propriétaires ou les détenteurs du droit de chasse dans les buissons, bois et forêts, toutes les mesures nécessaires à la destruction des animaux nuisibles désignés dans l’arrêté du préfet pris en vertu de l’article 9 de la loi du 3 mai 1844 ;
- De faire, pendant le temps de neige, à défaut des détenteurs du droit de chasse, à ce dûment invités, détourner les loups et sangliers remis sur le territoire ; de requérir, à l’effet de les détruire, les habitants avec armes et chiens propres à la chasse de ces animaux ;
- De surveiller et d’assurer l’exécution des mesures ci-dessus et d’en dresser procès-verbal ;
- 10° Et, d’une manière générale, d’exécuter les déci-cisions du conseil municipal.
- Art. 91. — Le maire est chargé, sous la surveillance de l’administration supérieure, de la police rurale et de l’exécution des actes de l’autorité supérieure qui y sont relatifs.
- Art. 92. — Le maire est chargé, sous la surveillance de l’adminiatration supérieure de la police municipale, delà police rurale et de l'exécution des actes de l’autorité de l’administration supérieure :
- 1° De la publication et de l’exécution des lois et réglements ;
- 2° De l’exécution des mesures de sûreté générale ;
- 3° Des fonctions spéciales qui lui sont attribuées par les lois.
- Art. 93. — Le maire ou, à son défaut, le sous-préfet, pourvoit d’urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment, sans distinction de culte ni de croyance.
- Art. 94. — Le maire prend des arrêtés à l’effet :
- 1° D’ordonner les mesures locales sur les objets confiés par les lois à sa vigilance et à son autorité ;
- 2° De publier de nouveau les lois et les réglements de police et de rappeler les citoyens à leur observation.
- Art. 95. — Les arrêtés pris par le maire sont immédiatement adressés au sons-préfet ou, dans l’arrondissement du chef-lieu du département au préfet.
- Le préfet peut les annuler ou en suspendre l’exécution.
- Ceux de ces arrêtés qui portent règlement permanent ne sont exécutoires qu'un mois après la remise de l’ampliation constatée par les récépissés délivrés par le sous-préfet ou le préfet.
- Néanmoins, en cas d’urgence, le préfet peut en autoriser l’exécution immédiate.
- Art. 96. — Les arrêtés du maire ne sont obligatoires qu’après avoir été portés à la connaissance des intéressés, par voies de publications et d’affiches, toutes les fois qu’ils contiennent des dispositions générales, et, dans les autres cas, par voie de notification individuelle.
- La publication est constatée par une délaration certifiée par le maire.
- La notification est établie par le récépissé de la partie intéressée, ou,à son défaut, par l’original de la notification conservé dans les archives de la mairie.
- Les arrêtés, actes de publication et de notification sont inscrit à leur date sur le registre de la mairie.
- Art. 97. — La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté et la salubrité publiques.
- Elle comprend notamment :
- i° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l’éclairage, l’enlèvement des encombrements, ia démolition ou la réparation des édifices menaçant ruine, l’interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ;
- 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, telles que les rixes et disputes accompagnées d’ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d’assemblée publique, les attroupements, les bruits et rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants, et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ;
- 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics;
- 4® Le mode de transport des personnes décédées, les inhumations et exhumations, le maintien du bon ordre et de la décence dans les cimetières, sans qu’il soit permis d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort ;
- 5° L’Inspection sur la fidélité du débit des denrées qui se vendent au poids ou à la mesure, et sur la salubrité des comestibles exposés en vente ;
- 6° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et celui de faire cesser, par la* distribution des secours nécessaires, les accidents elles fléaux calamiteux, tels que les incendies, les inondations, les maladies épidémiques ou contagieuses/ les épizooties, en provoquant, s’il y a lieu, l’intervention de l’administration supérieure;
- 7° Le soin de prendre provisoirement les mesures nécessaires contre les aliénés dont l’état pourrait compromettre la morale publique, la sécurité des personnes ou la conservation des propriétés ;
- 8° Le soin d’obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces.
- Art. 98. — Le maire a la police des routes nationales et départementales, et des voies de communication dans l’intérieur des agglomérations, mais seulement en ce qui touche à la circulation sur lesdites voies.
- Il peut, moyennant le payement de droits fixés par un tarif dûment établi, sous les réserves imposées par l’article 7 de la loi du tl frimaire an VII, donner des permis de stationnement ou de dépôt temporaire sur la voie publique, sur les rivières, ports et quais fluviaux et autres lieux publics.
- Les alignements individuels, les autorisations de bâtir, les autres permissions de voirie sont délivrés par l’autorité compétente, après que le maire aura donné son avis dans le cas où il ne lui appartient pas de les délivrer lui-même.
- Les permissions de voirie à titre précaire ou essentiellement révocable sur les voies publiques qui sont placées dans les attributions du maire et ayant pour objet, notamment, l'établissement dans le sol de la voie publique des canalisations destinées au passage où à la conduite soit de l’eau, soit du gaz, peuvent, en cas de refus du maire non justifié par fintérêt général, être accordées par le préfet.
- Art. 99. — Les pouvoirs qui appartiennent au maire, en vertu de l’article 91, ne font pas obstacle au droit du préfet de prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d’entre elles, et dans tous les cas où il n’y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques.
- Ce droit ne pourra être exercé par le préfet à l’égard d’une seule commune qu’après une mise en demeure au maire restée sans résultats.
- Art. 100. — Les cloches des églises sont spéciale-, ment affectées aux cérémonies du culte.
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- Néanmoins, elles peuvent être employées dans les cas de péril commun qui exigent un prompt secours et dans les circonstances où cet emploi est prescrit par des dispositions de lois ou règlements, ou autorisé par les usages locaux.
- Les sonneries religieuses, comme les sonneries civiles, feront l’objet d’un règlement concerté entre l’évêque et le préfet, ou entre le préfet et les consistoires, et arrêté, en cas de désaccord, par ie ministre des cultes.
- Art. 101. —• Une clef du clocher sera déposée entre les mains des titulaires ecclésiastiques, une autre entre les mains du maire, qui ne pourra en faire usage que dans les circonstances prévues par les lois ou règlements.
- Si l’entrée du clocher n’est pas indépendante de celle de l’église, une clef de la porte de l’église sera déposée entre les mains du maire.
- fe Art. 102. — Toute commune peut avoir un ou plusieurs gardes-champêtres. Les gardes-champêtres sont nommés par le maire ; ils doivent être agréés et commissionnés par le sous-préfet ou par le préfet dans l’arrondissement du chef-lieu. Le préfet ou le sous-préfet devra faire connaître son agrément on son refus d’agréer dans le délai d’un mois. Ils doivent être assermentés Us peuvent être suspendus par le maire. La suspension ne pourra durer plus d’un mois : le préfet seul peut les révoquer.
- En dehors de leurs fonctions relatives à la police rurale, les gardes-champêtres sont chargés de rechercher, chacun dans le territoire pour lequel il est assermenté, les contraventions aux règlements et arrêtés de police municipale. Ils dressent des procès-verbaux pour constater ces contraventions.
- Art 103. — Dans les villes ayant pins de 40,000 habitants, l’organisation du personnel chargé du service, de la police est réglée, sur l’avis du conseil municipal, par décret du Président de la République.
- Si un conseil municipal n’allouait pas les fonds exigés pour la dépense, on n’allouait qu’une somme insuffisante, l’allocation nécessaire serait inscrite au budget par décret du Président de la République, le conseil d’Etat entendu.
- Dans toutes les communes, les inspecteurs de police, les brigadiers et sous brigadiers et les agents de police nommés par le maire doivent être agréés par le sous-préfet ou par le préfet. Ils peuvent être suspendus par le maire, mais le préfet seul peut les révoquer.
- Art. 104. — Le préfet du Rhône exerce dans les communes de Lyon, Galuire et Cuire,— Oullins, Sainte-Foy, — Saint-Ramberl, Villeurbanne, — Vaux-en-Velin. — Bron, — Venissieux et Pierre-Bénite, du département du Rhône, et dans celle de Sathonay, du département de l’Ain, les mêmes attributions que celles qu’exerce le réfet de police dans les communes suburbaines de la eine.
- Art. 10b, —Dans les communes dénommées à l’article 104, les maires restent investis de tous les pouvoirs de police conférés aux administrations municipales par les paragraphes 1, 4, b, 6, 7 et 8 de l’article 97.
- Ils sont en outre, chargés du maintien du bon ordre dans les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics.
- Art. 106. —Les communes sont civilement responsables des dégâts et dommages résultant des crimes ou délits commis à force ouverte ou par violence sur leur territoire par des attroupements ou rassemblements armés, ou non armés, soit envers les personnes, soit contre les propriétés publiques ou privées.
- Les dommages-intérêts dont la commune est responsable sont répartis entre tous les habitants domiciliés dans ladite commune, en vertu d’un rôle spécial comprenant les quatre contributions directes.
- Art. 107.—Si les attroupements ou rassemblements ont été formés d’habitants de plusieurs communes, chacune d’elles est responsable des dégâts et des dommages causés, dans la proportion qui sera axée par les tribunaux.
- Art. 108. — Les dispositions des articles 106 et 107 ne sont pas applicables :
- 1° Lorsque la commune peut prouver que toutes les mesures qui étaient en son pouvoir ont été prises à l’effet de prévenir les attroupements, et d’en faire connaître les auteurs ;
- 2° Dans les communes où la municipalité n’a pas la disposition de la police locale ni de la force armée ;
- 3° Lorsque 1 s dommages causés sont le résultat d’un fait de guerre.
- Art. 109. — La commune déclarée responsable peut exercer son recours contre les auteurs et complices du désordre.
- Titre IV. — De l'administration des communes.
- CHAPITRE PREMIER
- Des biens, travaux et établissements communaux
- Art. 110. — La vente des biens mobiliers et immobiliers des communes, autres que ceux servant à un usage public peut être autorisée, sur la demande de tout créancier porteur de titre exécutoire, par un décret du Président de la République qui détermine les formes de la vente.
- Art. 111. — Les délibérations du conseil municipal ayant pour objet l’acceptation de dons et legs, lorsqu’il y a des charges ou conditions, sont exécutoires sur arrêtés du préfet, pris en conseil de préfecture.
- S’il y a réclamation des prétendants droit à la succession, quelles que soient la quotité et la nature de la donation ou du legs, l’autorisation ne peut être accordée que par décret rendu en conseil d’Etat.
- Si la donation ou le legs ont été faits à un hameau ou quartier d’une commune qui n’est pas encore a l’état de section ayant la personnalité civile, les habitants du hameau ou quartier seront appelés à élire une commission syndicale, conformément à l’article 129 ci-dessous. La commission syndicale délibérera sur l’acceptation de la libéralité, et, dans aucun cas, l’autorisation d’accepter ne pourra être accordée que par un décret rendu dans la forme des règlements d’administration publique.
- Art. 112. — Lorsque la délibération porte refus de dons ou legs, le préfet peut, par un arrêté motivé, inviter le conseil municipal à revenir sur sa première délibération. Le refus n’est définitif que si, par une seconde délibération, le conseil municipal déclare y persister.
- Si le don ou le legs a été fait à une section de commune et que le conseil municipal soit d’avis de refuser la libéralisé, il sera procédé comme il est dit au paragraphe 3 de l’art. 111.
- Art. 113. — Le maire peut toujours, à titre conservatoire, accepter les dons ou legs et former avant l’autorisation toute demande en délivrance.
- Le décret du Président de la République, l’arrêté du préfet ou la délibération du conseil municipal, qui interviennent ultérieurement, ont effet du jour de cette acceotation.
- Art. 114. — Aucune construction nouvelle ou reconstruction ne peut être faite que sur la production des plans et devis approuvés par le conseil municipal, sauf les exceptions prévues par des lois spéciales.
- Les plans et devis sont, en outre, approuvés par le préfet dans le cas prévus par l’article 68, paragraphe 3.
- Art. 115. — Les traités de gré à gré à passer dans les conditions prévues par l’ordonnance du 14 novembre 1837, et qui ont pour objet 1 exécution par entreprise des travaux d’ouverture des nouvelles voies publiques et de tous autres travaux communaux, sont approuvés par le préfet, ou par décret, dans le cas prévu par l’article 145, paragraphe 3. , , , .
- II en est de même des traités portant concession à titre exclusif, ou pour une durée de plus de trente années, des grands services municipaux, ainsi que des tarifs et traités relatifs aux pompes funèbres.
- Art. 116. — Deux ou plusieurs conseils municipaux peuvent provoquer entre eux, par l'entremise do leurs présidents, et après en avoir averti les préfets, une entente sur les objets d’utilité communale compris dans
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- leurs attributions et qui intéressent à la fois leurs communes respectives.
- Ils peuvent faire ces conventions à l’effet d’entreprendre ou de conserver à frais communs des ouvrages ou des institutions d’utilité commune.
- Art. 117. — Les questions d’intérêt commun seront débattues dans des conférences où chaque conseil municipal sera Drésenté par une commission spéciale nommée à cet effet et composée de trois membres nommés au scrutin secret.
- Les préfets et les sous-préfets des départements et arrondissements comprenant les communes intéressées pourront toujours assister à ces conférences.
- Les décisions qui y seront prises ne seront exécutoires qu’après avoir été ratifiées par tous les conseils municipaux intéressés et sous les réserves énoncées au chapitre 3 du titre IV de la présente loi.
- Art. 118. — Si des questions autres que celles que prévoit l’article 116 étaient mises en discussion, le préfet du département où la conférence a lieu déclarerait la réunion dissoute.
- Toute délibération prise après cette déclaration donnerait lieu à l’application des dispositions et pénalités énoncées à l’article 34 de la loi du 10 août 1871.
- Art. 119. — Les délibérations des commissions administratives des hospices ; hôpitaux et autres établissements charitables communaux concernant un emprunt sont exécutoires en vertu d’un arrêté du préfet, sur avis conforme du conseil municipal, lorsque la somme à emprunter ne dépasse pas le chiffre des revenus ordinaires de rétablissement et que le remboursement doit être effectué dans un délai de douze années.
- Si la somme à emprunter dépasse ledit chiffre ou si le délai de remboursement excède douze années, l’emprunt ne peut être autorisé par un décret du Président do la République.
- Le décret est rendu en conseil d’Etat si l'avis du conseil municipal est contraire, ou s’il s’agit d’un établissement ayant plus de 100,000 fr. de revenu.
- L’emprunt ne peut être autorisé que par une loi, lorsque la somme à emprunter dépasse 500,000 fr. ou lorsque ladite somme, réunie aux chiffres d’autres emprunts non encore remboursés, dépasse 800,000 fr.
- Art. 120. —- Les délibérations par lesquelles les commissions administratives chargées de la gestion des établissements publics commurraux changeraient en totalité ou eu partie l’affectation des locaux ou objets immobiliers ou mobiliers appartenant à ces établissements, dans l’intérêt d’un service public ou privé quelconque, ou mettraient à la disposition, soit d’un autre établissement public ou privé, soit d’un particulier, lesdit3 locaux ou objets, ne sont exécutoires qu’après avis du conseil municipal, et en vertu d’un décret rendu sur la proposition du ministre de l’intérieur.
- Chapitre II Des actions judiciaires
- Art. 121. — Nulle commune ou section de commune ne peut rester eu justice sans y être autorisée par le conseil de préfecture, sauf les cas prévus aux articles 122 et 154 de la présente loi.
- Après tout jugement intervenu, la commune ne peut se pourvoir devant un autre degré de juridiction qu’en vertu d’une nouvelle autorisation du conseil de préfecture.
- Dans les cas prévus par les deux paragraphes précédents, la décision dn conseil de préfecture doit être rendue dans les deux mois, à compter du jour de la demande en autorisation. A défaut de décision rendue dans ledit délai, la commune est autorisée à plaider.
- Art. 122. — Le maire peut toujonrs, sans autorisation préalable, Intenter toute action possessoire ouy défendre et faire tous actes conservatoires ou interruptifs des déchéances.
- Il peut, sans autre autorisation, interjeter appel de tout jugement et se pourvoir en cassation; mais il ne peut ni suivre sur son appel, ni suivre sur le pourvoi qu’en vertu d’une nouvelle autorisation.
- Art. 123. — Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d’exercer, à ses frais et risques, avec l’autorisation du conseil de préfecture, les actions qu’il croit appartenir à la commune ou section, et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d’exercer.
- La commune ou section est mise en cause et la décision qui intervient a effet à son égard.
- Art. 124. — Aucune action judiciaire autre que les actions possessoires ne peut, sous peine de nullité, être intentée contre une commune qu’autant que le demandeur a préalablement adressé au préfet ou au sous-préfet un mémoire exposant l’objet et les motifs de sa réclamation. IL lui en est donné récépissé.
- L’action ne peut être portée devant les tribunaux que deux mois après la date du récépissé, sans préjudice des actes conservatoires.
- La présentation du mémoire interrompt toute prescription ou déchéance, et si elle est suivie d’une demande en justice dans le délai de trois mois.
- Art. 125. — Le préfet ou sous-préfet adresse immédiatement le mémoire au maire, avec l’invitation de convoquer le conseil municipal dans le plus bref délai, pour en délibérer.
- La délibération du conseil municipal est transmise au conseil de préfecture, qui décide si la commune doit être autorisée à ester eu justice.
- La décision du conseil de préfecture doit être rendue dans le délai de deux mois, à dater du dépôt du mémoire.
- Art. 126. — Toute décision du conseil de préfecture portant refus d’autorisation doit être motivée.
- La commune, la section de commune ou le contribuable auquel l’autorisation a été refusée peut se pourvoir devant le conseil d’Etat.
- Le pourvoi est introduit et jugé en la forme administrative. 11 doit, sous peine de déchéance,être formé dans le délai de deux mois à dater de la notification de l’arrêté du conseil de préfecture.
- Il doit être statué sur le pourvoi dans le délai de deux mois à partir du jour de sou enregistrement au secrétariat général du conseil d’Etat.
- Art. 127. — En cas de pourvoi de la commune ou section contre la décision du conseil de préfecture, le demandeur peut néanmoins introduire l’action ; mais l’instance est suspendue jusqu’à ce qu’il ait été statué par le conseil d’Etat ou jusqu’à l’expiration du délai dans lequel le conseil d’Etat doit statuer. A défaut de décision rendue dans les délais ci-dessus impartis, la commune est autorisée à e3ter eu justice. Mais, en cas d’appel ou de pourvoi en cassation, il doit être procédé comme il est dit à l’article 121.
- Art. 128. — Lorsqu’une section se propose d’intenter ou de soutenir une action judiciaire soit contre la commune dont elle dépend, soit contre une autre section de la môme commune, il est formé, pour la section et pour chacune des sections intéressées, une commission syndicale distincte.
- Art. 129. — Les membres de la commission syndicale sont choisis parmi les éligibles de la commune ei nommés par les électeurs de la section qui l’habitent et par les personnes qui, sans être portées sur la liste électorale, y sont propriétaires fonciers.
- Le préfet est tenu de convoquer les électeurs dans le délai d’un mois pour nommer une commission syndicale, toutes les fois qu’un tiers des habitants ou propriétaires de la section lui adresse à cet effet une demande motivée sur l’existence d’un droit litigieux à exercer au profit de la section de la commune ou d’une autre section de la commune.
- Le nombre des membres de la commission est fixé par l’arrêté qui convoque les électeurs.
- Ils élisent parmi eux un président chargé de suivre l’action.
- Art. 130. — Lorsque le conseil municipal se trouve réduit à moins du tiers de ses membres, par suite de l’abstentioD, prescrite par l’article 64, des conseillers î municipaux qui sont intéressés à la jouisance des biens
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- et droits revendiqués par une section, le préfet convoque les êlecteuis de la commune, déduction faite de ceux qui habitent ou sont propriétaires sur le territoire de la section, à l'effet d’élire ceux d’entre eux qui doivent prendre part aux délibérations aux lieu et place des conseillers municipaux obligés de s’abstenir.
- Art. 131. — La section qui a obtenu une condamnation contre la commune ou une autre section n’eei point passible des charges ou contributions imposées pour l’acquittement des frais et dommages-intérêts qui résultent du procès.
- Il en est de même à l'égard de toute partie qui plaide contre une commune ou section de commune.
- Chapitre III. — Du budget communal.
- Section lr« — Recettes et Dépenses
- Art. 132. — Le budget communal se divise en budget ordinaire et en budget extraordinaire.
- Art. 133. — Les recette du budget ordinaire se composent :
- 1. Des revenus de tous les biens dont les habitants n’ont pas la jouissance en nature ;
- 2. Des cotisations imposées annuellement sur les ayants droits aux fruits qui se perçoivent en nature ;
- 3. Du produit des centimes ordinaires spéciaux affectés aux communes par les lois de finances ;
- 4. Du produit de la portion accordée aux communes dans certains des impôts et droiis perçus pour le compte de l’Etat;
- 5. Du produit des octrois municipaux affecté aux dépenses ordinaires ;
- 6. Du produit des droits de place perçus dans les halles, foires, marchés, abattoirs, d’après les tarifs dûment établis ;
- 7. Du produit des permis de stationnement et de location sur la voie publique, sur les rivières, ports et quais fluviaux et autres lieux publics ;
- 8. Du produit des péages communaux, des droits de pesage, mesurage et jaugeage, des droits de voirie et autres droits légalement établis ;
- 9. Du produit des terrains communaux affectés aux inhumations et de la part revenant aux communes dans le prix des concessions dans les cimetières ;
- 10 Du produitdes concessions d’eau et de l’enlèvement des boues et immondices de la voie publique et autres concessions autorisés pour les services communaux ;
- 11. Du produit des expéditions des actes administratifs et des actes de l’état civil ;
- 12. De la portion que les lois accordent aux communes dans les produits des amendes prononcées par les tribunaux de police correctionnelle et de simple police ;
- 13. Du produit de la taxe de balayage dans les communes de France et d Algérie où elle sera établie, sur leur demande, conformément aux dispositions de la loi 26 mars 1873, en vertu d’un décret rendu dans la forme des règlements d'administration publique ;
- 14. Et généralement du produit des contributions, taxes et droits dont la perception est autorisée par les lois dans l’intérêt des communes, et de toutes les ressources annuelles et permanentes ; en Algérie et dans les colonies, des ressources dont la perception est autorisée par les lois et décrets.
- L’établissement des centimes pour insuffisance de revenus est autorisé par arrêté du préfet lorsqu’il s’agit de dépenses obligatoires.
- 11 est approuvé par décret dans les autres cas.
- Art. 134. — Les recettes du budget extraordinaire se composent :
- 1. Des contributions extraordinaires dûment autorisées ;
- 2. Du prix des biens aliénés.
- 3. Des dons et legs ;
- 4. Du remboursement des capitaux exigibles et des rentes rachetées ;
- 5. Du produit des coupes extraordinaires de bois ;
- 6. Du produit des emprunts ;
- 7. Du produit des taxes ou des surtaxes d’octroi spé-
- cialement affectées à des dépenses extraordinaires et à des remboursements d’emprunt;
- 8. Et de toutes autres recettes accidentelles.
- Art. 13o. — Les dépenses du budget ordinaire comprennent les dépenses annuelles et permanentes d’utilité communale.
- Les dépenses du budget extraordinaire comprennent les dépenses accidentelles ou temporaires qui sont imputées sur des recettes énumérées à l’article 134 ou sur l'excédent des recettes ordinaires.
- Art. 136. ~ Sont obligatoires pour les communes les dépem-es suivantes :
- 1. L’entretien de l’hôlel-de-ville, ou si la commune n’en possède pas la location d’uue maison ou d’une salle pour en tenir lieu ;
- 2. Les frais de bureau et d’impression pour le service de la commune, de conservation des archives communales et du recueil des actes administratifs du département ; les frais d’abonnement du Bulletin des Communes et, pour les communes chefs-lieux de canton, les frais d’abonnement et de conservation du Bulletin des Lois ;
- 3. Les frais de recensement de la population ; ceux des assemblées électorales qui se tiennent dans les communes et ceux des cartes électorales ;
- 4. Les frais des registres de l’état civil et des livrets de famille et la portion de la table décennale des actes de l’état civil à la charge des communes ;
- 6. Le traitement du receveur municipal, du préposé en chef de l’octroi et les frais de perception ;
- 6. Les traitements et autres frais du personnel de la police municipale et rurale et des gardes des bois de la commune ;
- 7. Les pensions à la charge de la commune, lorsqu’elles ont été régulièrement liquidées et approuvées;
- 8. Les frais de loyer et de réparation du local de la justice de paix, ainsi que ceux d’achat et d’entretien de son mobilier dans les communes chefs-lieux d@ canton ;
- 9. Les dépenses relatives à l’instruction publique, conformément aux lois ;
- 10. Le contingent assigné à la commune, conformément aux lois, dans la dépense des enfants assistés et des aliénés ;
- 11. L’indemnité de logement aux curés et desservants et ministres des autres cultes salariés par lEtat, lorsqu'il n’existe pas de bâtiment affecté à leur logement et lorsque les fabriques ou autres administrations préposées aux cultes ne pourront pourvoir elles-mêmes au payement de cette indemnité ;
- 12. Les grosses réparations aux édifices communaux, sauf, lorsqu'ils sont consacrés aux cultes, l’application préalable des revenus et ressources disponibles des fabriques à ces réparations, et sauf l’exécution des lois spéciales concernant les bâtiments affectés â un service militaire.
- S’il y a désaccord entre la fabrique et la commune, quand le concours financier de cette dernière est réclamé par la fabrique dans les cas prévus aux paragraphes 11 et 12, il est statué par décret sur les propositions des ministres de l’intérieur et des cultes ;
- 13. La clôture des cimetières, leur entretien et leur translation dans les cas déterminés par les lois et règlements d’administration publique ;
- 14. Les frais d’établissement et de conservation des plans d’alignement et de nivellement ;
- 15. Les frais et dépenses des conseils de prud'hommes pour les communes comprises dans le territoire de leur
- i juridiction et proportionnellement au nombre des êlec-I teurs inscrits sur les listes électorales spéciales à l’élection et les menus frais des chambres consultatives des arts et manufactures pour les communes où elles existent;
- 16. Les prélèvements et contributions établis par les lois sur les biens et revenus communaux ;
- 17. L’acquittement des dettes exigibles;
- 18. Les dépenses des chemins vicinaux dans les limites fixées par la loi ;
- 19. Dans les colonies régies par par la présente loi, le traitement du secrétaire et des employés de la mairie ; les contributions assises sur les biens communaux ; les
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- dépenses pour le service de la milice qui ne sont pas a la charge du Trésor ;
- 20. Les dépenses occasionnées par l’application de l’article 8b de la présente loi, et généralement toutes les dépenses mises à la charge des communes par une disposition de loi.
- Art. 137. — L’établissement des taxes d’octroi votées par les conseils municipaux ainsi que les règlements relatifs à leur perception sont autorisés par des décrets du Président de la République rendus en conseil d’Etat, après avis du conseil général ou de ïa commission départementale dans l'intervalle des sessions.
- Il en sera de même de toute délibération portant augmentation ou prorogation de taxe pour une période de plus de cinq ans.
- Les délibérations concernant :
- 1. Les modifications aux règlements et aux périmètres existants ;
- 2. L’assujettissement à la taxe d’objets non encore imposés au tarif local ;
- 3. L’établissement ou le renouvelle ment d’une taxe non comprise dans le tarif général ;
- 4. L’établissement ou le renouvellement d’une taxe excédant le minimum fixé par ledit tarif général;
- Doivent être pareillement approuvées par décret du Président de la République rendu en conseil d’Etat, après avis du conseil général ou de la commission départementale dans l’intervalle des sessions:
- Les surtaxes d’octroi sur les vins, eidres, poirés, hydromels et alcools, au-delà des proportions déterminées par les lois spéciales concernant les droits d’entrée du Trésor, ne peuvent être autorisées que par une loi.
- Art. 138. — Sont exécutoires sur l’approbation du préfet, conformément aux dispositions de l’article 69 de la présente loi, mais toutefois après avis du conseil général ou de la commission départementale dans l’intervalle des sessions, les délibérations prises par les conseils municipaux concernant la suppression ou la diminution des taxes d’octroi.
- Art. 139. — Sont exécutoires par elles-mêmes les délibérations prises par les conseils municipaux prononçant la prorogation ou l’augmentation des taxes d’octroi pour une période de cinq ans au plus, sous la réserve toutefois qu’aucune des taxes ainsi maintenues ou modifiées n’excédera le maximum déterminé par le tarif générai et ne portera que sur des objets compris dans ce tarif.
- Art. 140. — Les taxes particulières dues par les habitants ©u propriétaires en vertu des lois et des usages locaux sont réparties par une délibération du conseil municipal approuvée par le préfet.
- Ces taxes sont perçues suivant les formes établies pour le recouvrement des contributions publiques.
- Art. 141. — Les conseils municipaux peuvent voter, dans la limite du maximum fixé chaque année par le conseil général, des contributions extraordinaires n’excédant pas cinq centimes pendant cinq années pour en affecter le produit à des dépenses extraordinaires d'utilité communale.
- Ils peuvent aussi voter 3 centimes extraordinaires exclusivement affectés aux chemins vicinaux ordinaires, et 3 centimes extraordinaires exclusivement affectés aux chemins ruraux reconnus.
- Ils votent et règlent les emprunts communaux rem-lioursables sur les centimes extraordinaires votés comme il vient d’être dit au premier paragraphe du présent article, ou sur les ressources ordinaires, quand l'amortissement,en ce dernier cas, ne dépasse pas trente ans.
- Art. 142. — Les conseillers municipaux votent, sauf approbation du préfet :
- 1. Les contributions extraordinaires qui dépasseraient cinq centimes, sans excéder le maximum fixé par le conseil général, et dont la durée excédant cinq années ne serait pas supérieure à trente ans ;
- 2. Les emprunts remboursables sur les mêmes contributions extraordinaires ou sur les revenus ordinaires dans un délai excédant, pour ce dernier cas, trente ans;
- Art. 143. — Toute contribution extraordinaire dépas-
- sant le maximum fixé par le conseil général, et tout emprunt remboursable sur cette contribution sont autorisé? par décret du président de la République.
- Si la contribution est établie pour une durée de plus do trente ans, ou si l’emprunt remboursable, sur ressources extraordinaires, doit excéder cette durée, le décret est rendu en conseil d’Etat.
- Il est statué par une loi si la somme à emprunter dépasse un million, ou si, réunie aux chiffres d’autres emprunts non encore remboursés, elle dépasse un million.
- Art. 144. — Les forêts et les bois de l’Etat acquittent les centimes additionnels ordinaires et extroardinaires affectés aux dépenses des communes dans la même proportion que les propriétés privées.
- Section II. — Vote et Règlement du Budget
- Art. 145. — Le budget de chaque commune est proposé par ie maire, voté par le conseil municipal et réglé par le préfet.
- Lorsqu’il pourvoit à toutes les dépenses obligatoires et qu’il n’applique aucune recette extraordinaire aux dépenses soit obligatoires, soit facultatives, ordinaires ou extraordinaires, les allocations portées au dit budget pour les dépenses facultatives ne peuveut être modifiées par l’autorité supérieure.
- Le budget des vilies dont le revenu est de 3 millions de francs au moins est toujours soumis à l’approbation du président de la République, sur la proposition du ministre de l’intérieur.
- Le revenu d’une ville est réputé atteindre 3 millions de francs lorsque les recettes ordinaires constatées dans les comptes se sont élevées à cette somme pendant les trois dernières années.
- Il n’est réputé être descendu au-dessous de 3 millions de francs que lorsque, pendant les trois dernières années, les recettes ordinaires sont restées inférieures à cette somme.
- Art. 146. — Les crédits qui seront reconnus nécessaires après le règlement du budget seront votés et autorisés conformément à l’article précédent.
- Art. 147. — Les conseils municipaux peuvent porter au budget un crédit pour les dépenses imprévues.
- La somme inscrite pour ce crédit ne peut être réduite ou rejetée qu’autant que les revenus ordinaires, après avoir satisfait à toutes les dépenses obligatoires, ne permettraient pas d’y faire fac8.
- Le crédit pour dépenses imprévues est employé par le maire.
- Dans la première session qui suivra l’ordonnancement de chaque dépense, le maire*rendra compte au conseil municipal, avec pièces justificatives à l’appui de l’emploi de ce crédit. Ges pièces demeureront annexées à la délibération.
- Art. 148. —Les décrets du Président de la République ou l'arrêté du préfet qui règle le budget d’une commune peut rejeter ou réduire les dépenses qui y sont portées, sauf dans les cas prévus nar le paragraphe 2 de l’article 145 et par le paragraphe % de l’article 147 ; mais il ne peut les augmenter ni en introduire de nouvelles qu’autant qu’elles sont obligatoires.
- Art. 149. — Si un conseil municipal n’allouait pas les fonds exigés par unefdépense obligatoire, ou n’allouait qu’une somme insuffisante, l’allocation serait inscrite au budget par décret du Président de la République, pour les communes dont le revenu est de 3 millions et au-dessus, et par arrêté du préfet en conseil de préfecture pour celles dont le revenu est intérieur.
- Aucune inscription d’office ne peut être opérée sans que le conseil municipal ait été, au préalable, appelé à prendre une délibération spéciale à ce sujet.
- S’il s’agit d’une dépense annuelle et variable,le chiffre en est fixé sur sa quotité moyenne pendant les trois dernières années.
- S’il s’agit d’une dépense annuelle et fixe de sa nature ou d’une dépense extraordinaire, elle est inscrite pour sa quotité réelle.
- Si les ressources de la commune sont insuffisantes
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- pour subvenir aux dépenses obligatoires inscrites d’office, en vertu du présent article, ii est pourvu par le conseil municipal, ou, en cas de refus de sa part, au moyen d’une contribution extraordinaire établie d’office par un décret, si la contribution extraordinaire n’excède pas le maximum à fixer annuellement par la loi de finances, et par une loi spéciale, si la contribution doit excéder ce maximum.
- Art. 150. — Dans le cas, ou pour une cause quelconque le budget d’une commune n’aurait pas été définitivement réglé avant le commencement de l’exercice, les recettes et les dépenses ordinaires continuentjusqu’à l’approbation de ce budget, à être faites conformément à celui de l’année précédente. — Dans le cas où il n’y aurait eu aucun budget voté antérieurement, le budget serait établi par le préfet en conseil de préfecture.
- CHAPITRE IV
- De la comptabilité des communes
- Art. 151. — Les comptes du maire, pour l’exercice clos, sont présentés au conseil municipal avant la délibération du budget.
- Ils sont définitivement approuvés par le préfet.
- Art. 152. — Le maire peut seul délivrer des mandats.
- S il refusait d’ordonner une dépense régulièrement autorisée et liquide, il serait prononcé par le préfet en conseil de préfecture, et l’arrêté du préfet tiendrait lieu du mandat du maire.
- Art. 153. — Les recettes et dépenses communales s’effectuent par un comptable, chargé seul et sous sa responsabilité de poursuivre la rentrée de tous revenus de la commune et de toutes sommes qui seraient dues, ainsi que d’acquitter les dépenses ordonnancées par le maire, jusqu’à concurrence des crédits régulièrement accordés.
- Tous les rôles de taxe, de sous-répartitions et de prestations locales doivent être remis à ce comptable.
- Art. 154. — Toutes les recettes municipales pour lesquelles les lois et règlements n’ont pas prescrit un mode spécial de recouvrement s’effectuent sur les états dressés par le maire. Ces états sont exécutoires après qu’ils ont été visés par le préfet ou le sous-préfet.
- Les oppositions, lorsque la matière est de la compétence des tribunaux ordinaires, sont jugées comme affaires sommaires, et la commune peut y défendre sans autorisation du conseil de préfecture.
- Art. 155. — Toute personne autre que le receveur municipal qui, sans autorisation légale, se serait ingérée dans le maniement des deniers de la commune, sera par ce seul fait constituée comptable et pourra, en o utre, être poursuivie, en vertu du eode pénal, comme s’étant immiscée sans titre dans les fonctions publiques.
- Art. 156. — Le percepteur remplit les fonctions de receveur municipal.
- Néanmoins, dans les communes dont les revenus ordinaires excèdent 30,000 fr., ces fonctions peuvent être confiées, sur ln demande du conseil municipal, à un receveur municipal spécial.
- Ce receveur spécial est nommé sur une liste de trois noms présentée par le conseiL municipal.
- Il est nommé par le préfet daus les communes dont le revenu ne dépassé pas 300,000 fr. et par le Président de la République, sur la proposition du ministre des finances, dans les communes dont le revenu est supérieur.
- En cas de refus, le conseil municipal doit faire de nouvelles présentations.
- Art. 157. — Les comptes du receveur municipal sont apurés par le conseil de préfecture, sauf recours à la cour des comptes pour les communes dont les revenus ordinaires dans les trois dernières années n’excèdent pas 30.000 fr.
- Ils sonr apurés et définitivement réglés par la cour des comptes pour les communes dont le revenu est supérieur.
- Ces distinctions sont applicables aux comptes des tré-
- soriers des hôpitaux et autres établissements de bienfaisance.
- Art. 158. — La responsabilité des receveurs municipaux et les formes de la comptabilité des communes sonr déterminées par des règlements d’administration publique.
- Les receveurs municipaux sont assujettis, pour l’exécution de ces règlements,à la surveillance des receveurs des finances.
- Dans les communes où les fonctions de receveur municipal et de percepteur sont réunies, la gestion du comptable est placée sous la responsabilité du receveur des finances, d'après les conditions déterminées par un règlement d’administration publique.
- Art. 159. — Les comptables qui n’ont pas présentés leurs comptes dans les délais prescrits par les règlements peuvent être condamnés, par l’autorité chargée de juger lesdits comptes, à une amende de 10 à 100 fr. par chaque mois de retard pour les receveurs et trésoriers justiciables des conseils de préfecture, et de 50 à 500 francs, également par mois de retard, pour ceux qui sont justiciables de la cour des comptes.
- Ces amendes sont attribuées aux communes ou établissements que concernent les comptes en retard.
- Elles sont assimilées, quant au mode de recouvrement et de poursuites, aux débats de comptables des deniers de l’Etat et la remise n’en peut être accordée que d’après les mêmes règles.
- Art. 160. — Les budgets et les comptes des communes restent déposés à la mairie; ils sont rendus publics dans les communes dont le revenu est de 100,000 fr. et au-dessus et dans les autres quand le conseil municipal a voté la dépense de l’impression.
- Titre V. — Des biens et droits indivis entre plusieurs communes.
- Art. 161. — Lorsque plusieurs communes possèdent des biens ou des droits indivis, un décret du Président de la République instituera, si l’une d’elles le réclame, une commission syndicale composée de délégués des conseils municipaux des communes intéressées.
- Chacun des conseils élira dans son sein, au scrutin, secret, le nombre de délégués qui aura été déterminé par le décret du Président de la République.
- La commission syndicale sera présidée par un syndic élu par les délégués et pris parmi eux. Elle sera renouvelée après chaque renouvellement des conseils municipaux.
- Les délibérations sont soumises à toutes les règles établies pour les délibérations des conseils municipaux.
- Art. 162.— Les attributions delà commission syndicale et de son président comprennent l’administration des biens et droits indivis et l’exécution des travaux qui s’y rattachent.
- Ces attributions sont les mômes que celles des conseils municipaux et des maires en pareille matière.
- Mais les ventes, échanges, partages, acquisitions, transactions demeurent réservés aux conseils municipaux, qui pourront autoriser le président de la commission à passer les actes qui y sont relatifs.
- Art. 163. — La répartition des dépenses votées par la commission syndicale est faite entre les communes intéressées par les conseils municipaux.
- Leurs délibérations seront soumises à l’approbation du préfet.
- Eu cas de désaccord entre les conseils municipaux, le préfet prononcera, sur l’avis du conseil général ou, dans l'intervalle des sessions, de la commission départementale. Si les conseils municipaux appartiennent à des départements différents, il sera statué par décret
- La part de la dépense définitivement assignée à chaque commune sera portée d’office aux budgets respectifs, conformément à l’article 149 de la présente loi.
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- Titre VI. — Dispositions relatives à l’Algérie et aux colonies
- Art. 164. — La présente loi est applicable aux communes de plein exercice de l’Algérie sous réserve des dispositions actuellement en vigueur concernant la constitution de la propriété communale, les formes et conditions des acquisitions, échanges, aliénations et partages, et sous réserve des dispositions concernant la représentation des musulmans indigènes.
- Par dérogation aux articles 5 et 6 de la présente loi, les érections des communes, les changements projetés à la circonscription territoriale des communes, quand ils devront avoir pour effet de modifier les limites d’un arrondissement, seront décidés par décret pris après avis du conseil général.
- Par dérogation à l’article 74, les conseils municipaux peuvent allouer aux maires des indemnités des fonctions; sauf approbation du gouverneur général.
- Art. 165. — La présente ioi est également applicable aux colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion, sous les réserves suivantes :
- Un arrêté du gouverneur en conseil privé tiendra iieu du décret du Président de la République, dans les cas prévus aux articles 110, 145, 148 et 149.
- Les attributions dévolues au ministre de l’intérieur par les articles 40, 69 et 120 ; au ministre des cultes par l’article 100, et au ministre des finances par l’article 156 de la présente loi, sont conférées au ministre de la marine et des colonies.
- Les attributions conférées au ministre de l’intérieur et aux préfets nar les articles 4,13, 15, 36, 40, paragraphe 4 ; 46 paragraphe 2 ; 47, 48, 60, paragraphe 1 ; 65, 66. 67, 69, 70, 85, 95, paragraphes 2 et 4 ; 98, paragraphe 4 ; 100, 111, 112, 113, 114, 115, 1*6, 117, 118, 1J9, 124, 129, 130, 133, paragraphe 15 ; 140, 142, 145, paragraphe 1er ; 146, 148, 149, 150. 151, 152 et 156 de la présente ioi sont dévolues au gouverneur.
- Les attributions dévolues aux préfets et aux sous-préfets par les articles 12, 29. 37, 38, 40 paragraphe*, 1, 2 et 3 ; 49, paragraphes ; 52, 57, 60, paragraphe 2; 61. 62, 78, 88, 93, 9o, paragraphes 1 et 3 ; 102. 103, 125 et 154 sont remplies par le directeur de l intérieur.
- Les attributions conférées aux conseils de préfecture par les articles 36, 37, 38, 39, 40 et 60 sont dévolues au conseil du contentieux administratif.
- Les attributions dévolues aux conseils de préfecture par le* aiticles 65, 66, 111, 121, 123, 425, 126, 127, 152, 154, 157 et 159 sont conférées au conseil privé.
- Les attributions dévolues à la cour des comptes parles articles 157, paragraphe 2, et 159 sont conférées au conseil privé, sauf recours à la cour des comptes.
- Les recours au conseil d’Etat formés par 1 administration contre les décisions du conseil du contentieux administratif so t transmis par le gouverneur au ministre de la marine et des colonies, qui en saisit le conseil d’Etat.
- Les dispositions du décret du 12 décembre 1882 sur le régime financier des colonies restent applicables à la comptabilité communale en tout ce qui n’est pas contraire à la présente loi.
- Art. 166. — Les dispositions de la présente loi relatives aux octrois municipaux ue sont pas applicables à l’octroi de mer, qui reste assujetti aux règlements en vigueur en Algérie et dans les colonies.
- Titre VII. — Dispositions générales
- Art. 167. — Les conseils municipaux pourront prononcer la désaffectation totale ou partielle d’immeubles consacrés, en dehors des prescriptions de la loi organique des cultes du 18 germiDal aD X, et des dispositions relatives au culte israélite, soit aux cultes, soit à des services religieux ou à des établissements quelconques ecclésiastiques et civils.
- Ces désaffectations seront prononcées dans la même forme que les affectations.
- Art. 168. — Sont abrogés :
- 1. Le titre XI, article 3, de la loi des 16-24 août 1790 ;
- 2. Les articles 1, 2, 3 et 5 de la loi du 20 messidor an III ;
- 3. Les titres I, IV et V de la loi du 10 vendémiaire an IV ;
- 4. La loi du 29 vendémiaire an V, la loi du 17 vendémiaire an X, l’arrêté du 21 frimaire an XII ;
- 5. Les articles 36, n”s 4, 39, 49, 92 à 103, décret du 30 décembre 1809 ; la loi du 14 février 1810 ; '
- 6. La loi dn 18 juillet 1837 ;
- 7. L’ordonnance du 18 décembre 1838 ;
- 8. L’ordonnance du 15 juillet 1840 ;
- 9. L’ordonnance du 7 août 1842 ;
- 10. La loi du 19 juin 1851, à l’exception de l’article 5 ;
- 11. Le décret des 4-11 septembre 1851 ;
- 12. L'article 5, nos 13 et 21, du décret du 25 mars 1852 ;
- 13. La loi du 5 1855 ;
- 14. Le décret du 43 avril 1861, tableau A, nos 42, 48, 50, 51, 56, 59 ;
- 15. La loi du 24 juillet 1867, à l’exception de la dispositon de l’article 9 relative à l’établissement du tarif général et de l’article 17, lequel reste en vigueur provisoirement, mais seulement en ce qui concerne la ville de Paris ;
- 16. La loi du 22 juillet 1870 ;
- 17. Les articles 1,2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 18, 19, 20 de la loi du 14 avril 1871, le paragraphe 25 de l’article 46 et le paragraphe 4 de l’article 48 de la loi du 10 août 1871 ;
- 18. La loi du 4 avril 1873 ;
- 19. La loi du 20 janvier 1874 ;
- 20. La loi du 12 août 1876 ;
- 21. La loi du 21 avril 1881 ;
- 22. La loi du 28 mars 1882.
- Sont abrogés également pour les colonies, en ce qu’ils ont de contraire à la présente loi :
- 23. Le décret colonial du 12 juin 1827 (Martinique) ;
- 24. Le décret colonial du 20 septembre 1837. (Guadeloupe) ;
- 25. L’arrêté du 12 novembre 1848. (Réunion) ;
- 26. Le décret du 28 juin 1882. (Saint-Barthélemy) ;
- 27. L’article 116 du décret du 20 novembre 1882 sur le régime financier des colonies ; pour les soumises à la présente loi ;
- 28. Et, en outre, toutes dispositions contraires à la présente loi, sauf celles qui concernent la ville de Paris.
- Disposition transitoire.
- Les sectionnements votés par les conseils généraux, dans leur session du mois d’août 1883, recevront leur application dans toutes les communes qui en ont été l’objet à l’occasion des élections municipales du 4 mai 1884.
- La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l’Elat.
- Fait à Paris, le 5 avril 1884.
- Jules Grévy.
- Pour le Président de la République,
- Le Ministre de VIntérieur, Waldeck Rousseau.
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- S^Quentin, —« lmp. du Glaneur*
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- Dimanche 4 Mai 1884
- 8e Année, Tome 8. - n° 295 dLt numéro hebdomadaire 20 t.
- SOCIALES
- BUREAU
- A GÜISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODÏN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par l'envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont ? *n, le talon sert de quittance.
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- ON S’ABONNE A PARIS
- 5,r.Neuve-des-p0tits-Champs Passaqe des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- A NOS LECTEURS
- SOMMAIRE
- A nos lecteurs. — Seigneur-propriétaire. — Paix et arbitrage. Paix armée. — Caisse de dotation. — Aphorismes et préceptes. — Faits politiques. — Progrès et pauvretéNeutralisation. — Adhésions. — Nouvelles du Familistère. — Fête du travail. r
- NUMÉRO EXCEPTIONNEL
- î
- “ La Librairie du Familistère a mis en vente un numéro exceptionnel du Devoir, donnant l’analyse des institutions du Familistère, de leur situation et des services rendus par elle, avec les vues du Familistère et de ses dépendances : Vue générale du Familistère. (Palais social, Usine et annexes), Vue extérieure de laNourricerie et du Pouponnât ; Vue intérieure de la Nourriceriè ; les Ecoles et le Théâtre ; l'aspect d'une cour du Familistère un jour de fête.
- Prix franco :
- Un exemplaire 40 centimes.
- Dix exemplaires 2 fr. 50. o
- mOQQOQOTW11
- Le besoin d’étudier les problèmes sociaux devient chaque jour plus urgent. Le public, ordinairement si indifférent aux préoccupations de cet ordre, semble favorablement disposé à examiner les moyens pratiques d’améliorer la situation sociale des classes laborieuses.
- Ces dispositions de l’esprit public imposent de nouvelles obligations aux militants du progrès social.
- Il ne suffît pas d’avoir fait naître ce besoin d’étude ; il faut l’entretenir par des lectures appropriées aux circonstances.
- Vouloir profiter de ces symptômes pour amener brusquement l’opinion à un examen réfléchi des ouvrages théoriques aurait probablement pour résultat d’enrayer ce mouvement de l’esprit public. Il est préférable, il nous semble, de stimuler ce premier effort par des publications contenant des considérations élémentaires ou les récits de faits positifs.
- Le numéro exceptionnel du Devoir a été publié en vue de répondre à cette préoccupation.
- Connaissant l’indifférence du public pour les études sérieuses, nous avons d’abord fait une première édition d’un petit nombre d’exemplaires, puis une deuxième dans les mêmes conditions; maintenant la troisième édition paraîtra en même temps que ce numéro.
- La librairie, en général, s’est montrée peu
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- disposée à nous faciliter notre propagande ; les commerçants de cette profession ne s’attachent qu’aux choses qu’ils savent recherchées par le public. Nos deux premières éditions ont été écoulées par l’intermédiaire seul de nos lecteurs.
- Dans les cas exceptionnels où nous avons pu obtenir la mise en vente chez des libraires, les exemplaires mis en dépôt ont été rapidement achetés.
- Nous demandons aujourd’hui à nos lecteurs, aux collaborateurs de notre œuvre de propagande, de nous donner un concours plus effi-cace. Un grand nombre d’entre eux ont acheté plusieurs exemplaires pour les distribuer parmi leurs amis ; ils ont fait beaucoup. Mais leur participation aurait plus d’effet, si, au lieu des distributions gratuites, ils pouvaient se donner la peine de mettre en vente chez leurs fournisseurs ordinaires, les libraires et les colporteurs des localités qu’ils habitent, les exemplaires qu’ilë nous auraient payés d’avance,afin d’éviter des complications de comptabilité sans proportion avec la valeur minime de notre brochure.
- En ayant soin de rentrer dans leurs débours, après la vente, et de renouveler le dépôt des libraires, ils contribueraient sans supporter aucune dépense à activer une vulgarisation urgente.
- A la longue, il s’établirait entre ces libraires et la librairie du Familistère des relations directes qui nous permettraient de répandre des opuscules spéciaux de propagande populaire, destinés à guider les masses vers les réformes pratiques. De cette manière, ceux qui ne sont pas favorisés par la fortune pourraient prendre comme les plus riches une part aussi active à la propagande ; et ces derniers, en s’écartant de quelques instants de leurs préoccupations ordinaires, donneraient à leur concours une valeur morale dont l’utilité se fait grandement sentir.
- Les sacrifices de temps et d’argent que l’administration du Devoir est heureuse d’avoir supportés et de pouvoir continuer seraient ainsi multipliés dans leurs effets salutaires.
- Nous adressons cet appel à nos lecteurs, sans ménagement ret sans hésitation, parce que nous :
- connaissons leur dévouement au progrès social, et parce que nous les savons tous suffisamment convaincus de principes humanitaires pour s’élever au-dessus des mesquines interprétations et des vulgaires considérations,
- SEIGNEUR PROPRIÉTAIRE
- Les cultivateurs, comme les autres producteurs, commencent à sentir lourdement les effets de la mauvaise organisation sociale. Ignorant, eux aussi, les véritables conditions d’un régime social harmonique,ils s’isolent,dans leurs réclamations,des autres catégories de producteurs, sans réfléchir que leur cause, ainsi limitée, n’a plus aucun caractère national. Ils ne s'aperçoivent pas qu’en réclamant ainsi l’intervention du gouvernement en faveur de l’agriculture ils plaident simplement au profit de seigneur propriétaire.
- Dans le département de l’Aisne, la situation de ragriculture est véritablement désastreuse; mais il nu s’en suif pas que l’on puisse confondre avec un péril national les souffrances des fermiers et des propriétaires de ce département. Nous trouverons la preuve dans l’examen d’un document publié par un homme très compétent.
- M. A. Lhote, cultivateur, secrétaire du comice agricole de Laon, vient de publier dans le Courrier de l’Aisne un intéressant travail, dans lequel il est démontré que le cultivateur ne peuttroaver un profit convenable, même en réduisant le fermage de 80 OjO.
- M. Lhote suppose un fermier cultivant une terre de 200 hectares, parfaitement agencée ; il établit d’une manière très-compétente que les dépenses s’élèveront annuellement à 92,470 et que les recettes seront inférieures à ce chiffre de 12,000 fr. environ ; le fermage compte pour 16,000 te. dans le total des dépenses ; il conclut que", ayant choisi une ferme en parfait état, donnant des rendements moyens très élevés, il n’y a pas possibilité de rétablir l’équilibré sans relever le prix des produits par des tarifs protecteurs contre la concurrence étrangère.
- Nous ne Vouions pas contester les ehiffires des détails qui donnent les totaux que nous venons fi# relever; nous ne pensons pas que les rendements moyens admis par M. Lhote soient exagérés ; il est certain qu'ils paraissent élevés relativement à la culture ordinaire dans le département de l’Aisne, mais ils ne le sont pas relativement au mode de culture faisant tous les frais indiqués par M. Lhote; il est même probable qu’un sol aussi bien amendé
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- acquerra, une plus-value qui diminuera d’autant le déficit.
- Mais, des chiffres produits par M. Lhote, il résulte que le travail est rémunéré puisque le déficit ne dépasse pas les 3/4 du fermage. Donc la même propriété exploitée par son possesseur lui procurerait une somme de 4,000 fr. en plus de la rémunération de son travail. Dans ces conditions, le propriétaire aurait moins de revenus, mais il serait encore un privilégié relativement à la partie la plus nombreuse de la population, qui n’a que son salaire comme moyen d’existence.
- On objectera que le capital engagé doit recevoir son intérêt; mais M. Lhote, pour constituer cette perte de 12,000 fr., a porté aux frais généraux 5 0/0 du capital mobilier; les 4,000 fr. dont nous venons de parler plus haut peuvent être considérés comme l’intérêt et le bénéfice du capital foncier ; et, à ce titre, ils sont plus que suffisants.
- Nous ne sommes pas assez éloignés de la Révolution française pour avoir oublié comment s'est opérée la transformation de la propriété foncière ; nous nous rappelons qu’après 1789 on achetait des centaines d’hectares avec quelques poignées d'assignats, que l’on s’était souvent procurés avec quelques centaines de francs de pièces d’or. Et,nous le demandons à M. Lhote, qaelles justes prétentions peut invoquer un propriétaire pour exiger de l’Etat qu’il lui garantisse un fermage de 83 fr. par hectare de terre payé souvent un prix moindre.
- On ne peut soutenir que le propriétaire, qui n’a cessé depuis un siècle d’exploiter ses terres en les louant, ait ajouté la moindre épargne à leur valeur d’alors. Dans ce cas la plus-value attribuée aux propriétés foncières résulte uniquement, pour une faible partie, des améliorations faites par le fermier, et pour la plus grande partie, du concours général de la population, deux faits dont on ne peut justement réclamer le bénéfice en faveur des propriétaires.
- M. Lhote se défend hautement d’être socialiste ; mais il fait preuve dans son travail de trop de capacité et de savoir trop bien se servir des mathématiques pour nous permettre de supposer que, si les sophismes des économistes ont faussé ses conelu-sioons, sa raison saura mieux apprécier en lui soumettant les réflexions suivantes.
- Attribuer aux propriétaires les avantages d’une plus-value,qui ne provient pas de son concours, équivaut à lui reconnaître le privilège de jouir du.travail des autres ; et le secrétaire du comice agricole de Laon est trop bon républicain pour souhaiter une pareille solution, et trop économiste, pour soutenir que chacun doit avoir plus que l’équivalent de sa
- production. Au reste, nous pouvons invoquer l’autorité de Bastiat, qui a dit que « le Capital était le résultat du travail, et qu’il ne devait pas appartenir à un autre que celui qui avait fait le travail » ; cela nous permet de conclure que la plus-value des propriétés foncières, lorsqu’elle provient de facteurs autres que le propriétaire, ne peut être réclamée par ce dernier.
- Demander à l’Etat d’intervenir pour conserver à quelques-uns les bénéfices de ces plus-values c’est vouloir mettre la force gouvernementale au service d’un privilège. Les tarifs protecteurs demandés par M. Lhote profiteraient surtout aux grands propriétaires et nuiraient à toute la classe des salariés. Si ces tarifs permettent aux revenus agricoles de conserver le niveau des années précédentes, le fermage restera le même ; la situation du fermier ne sera pas changée, et le reste de la population sera obligé de payer plus cher les denrées de première nécessité, pour le plus grand bonheur de seigneur propriétaire; si ces droits sont assez élevés pour amener une hausse des revenus, on sait avec quelle vigilante attention seigneur propriétaire surveille la dot que le fermier donne à sa fille, les dépenses que celui-ci fait pour l’éducation de ses enfants, l’argent qu’il place et toutes ses autres dépenses. Aussi, dès que l’équilibre sera rompu en faveur du fermier, seigneur propriétaire attendra impatiemment la fin du bail pour faire de nouvelles conditions devant lui assurer tous les avantages de la protection. Voilà exactement à quoi se réduisent toutes les jérémiades sur les souffrances de l’agriculture nationale, qui n’a de national que le tribu que quelques privilégiés prélèvent sur toute la nation.
- Dans l’ordre social présent, la question agricole, comme tous les autres problèmes sociaux, n’a pas de solution rationnelle. Si l’on ne protège pas l’agriculture, les propriétaires, un petit nombre de citoyens, seront ruinés; si on la protégera masse sera opprimée au profit de quelques-uns. En faisant hausser le prix des produits agricoles, on amènera l’augmeniation du prix de la main-d’œuvre en général, soit la hausse des objets industriels, qui déjà ne peuvent soutenir la concurrence étrangère !
- Que faire ?
- Simplement, ce que conseille la froide raison : rendre sociale dans sa destination la richesse qui est sociale dans ses origines ; et le sol rentre évidemment dans cette catégorie.
- Si, après la juste nationalisation des propriétés du clergé et de la noblesse, on n’eût pas fait banqueroute à la Révolution en vendant le domaine national à peine reconstitué ; si l’Etat, faisant pour les
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- travailleurs agricoles ce que M. Godin a fait pour les ouvriers du Familistère, était devenu commanditaire des entreprises foncières, la rémunération et la participation aux bénéfices du capital d i commandite procureraient depuis longtemps à la Société des ressources budgétaires solides, et l’agriculture, véritablement nationale alors, outillée et agencée proportionnellement aux immenses ressources de son puis- j sant bailleur de fonds, défierait la concurrence j étrangère; même, la mutualité nationale,qui n’aurait pas manqué de naître de la nationalisation du sol assurerait à chacun un droit effectif au bien-être suffisant à faire consommer chez nous toute notre production «
- Depuis longtemps nous préconisons un moyen facile de réparer cette erreur de la Révolution, en reconstituant progressivement la propriété sociale par l’hérédité de l’Etat et par la participation des travailleurs aux bénéfices. Mais mieux vaudrait parler à des sourds qu’à des économistes.
- Cependant, le moment serait mal choisi pour nous taire ? Il faudra bien qu’on se décide à faire quelque chose. On sera bientôt au bout du pire ; lorsqu’il ne restera plus aucune faute à commettre on s’apercevra qu’on aurait pu faire autrement.
- Ceux qui ne comptent pas sur le triomphe de la raison, qui attendent le bien de l’excès du mal, peuvent se réjouir. Crise agricole, crise financière, crise ' industrielle, crise minière, crise politique, crise militaire, crise religieuse, crise morale, tout est en question à cette heure ; et le plus grave dans ce gâchis est que l’on veut traiter chacun, de ces cas comme s’il était isolé et pouvait être apaisé indépendamment des autres ; on ne comprend pas qu’ils ne sont que les symptômes d’un mal unique, on ne voit pas que la Société est tourmentée par les douleurs de l’enfantement d’un monde nouveau.
- Ce n’est pas en augmentant les privilèges de seigneur propriétaire que l’on atteindra le but ; il faut au contraire aplanir les difficultés, en se pénétrant de cette vérité sociologique que la richesse, qui est le fruit du travail, doit échoir à celui-là même qui a fait le travail.
- PAIX ET ARBITRAGE INTERNATIONAL
- Nous donnons ci-dessous le texte de la lettre adressée par le Chancelier de la confédération suisse à M. Hodgson Pratt, président du comité exécutif de l’Association de Paix et d’Arbitrage international, lettre dont il a été question dans notre dernier numéro :
- « Berne, 17 avril 1884.
- « Monsieur,
- « Le conseil fédéral a été vivement intéressé par votre communication du 14 courant, relative à la prochaine conférence de votre association.
- « Le conseil fédéral a été heureux que vous ayez choisi notre pays et la cité de Berne pour y tenir votre conférence.
- « Votre agitation en faveur de la paix trouvera de nombreuses sympathies chez notre peuple, et le conseil fédéral s’empressera de vous donner la plus cordiale bienvenue.
- « L’initiative et l’organisation de la conférence sont laissées complètement à vos soins.
- « Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de ma considération distinguée.
- « Au nom du conseil fédéral,
- « Le chancelier de la confédération,
- « G. Ringier. »
- Notre ami M. Vladimir Gagneur, député du Jura, nous adresse la lettre suivante :
- Mon Cher Godin,
- Je termine actuellement et je vous adresserai un travail, dans lequel j’établis, sur des renseignements authentiques, les grands avantages que trouveraient les Nations européennes, surtout la France et l’Allemagne, sans en excepter l’Alsace-Lorraine, dans la neutralisation de cette province annexée — neutralisation qui me paraît, ainsi qu’à vous, le véritable nœud du désarmement progressif général.
- En attendant, je vous prie de publier, comme étude préparatoire, le tableau complet et inédit des dépenses et charges, directes et indirectes, que la Paix armée coûte à la France.
- Agréez, etc..
- V. Gagneur.
- LA PAIX ARMÉE
- Il est bon de mettre sous les yeux des lecteurs un tableau des effroyables dépenses qu’entraîne, directement ou indirectement pour la France, l’état de paix armée.
- Voici d’abord les dépenses directes annuelles dont mon collègue et ami Margaine m’a fourni les chiffres officiels :
- i- Budget ordinaire de la Guerre. . . 596.318.580
- 2’ Pensions militaires (rentes viagères) 84.500.000
- 3- Budget ordinaire de' la marine proprement dite, sans compter le budget colonial dont, pourtant, plusieurs chapitres ont des affectations militaires. . . . 204.570.377
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- 4* Caisse des invalides de la marine. .
- Il faut y ajouter le compte de liquidation s’élevant à 2,293,971,451 fr. ; plus les fonds de concours 112,896,530 ; plus la valeur de ce qui a été inventorié en 1872. comme matériel restant après la guerre. Pour mémoire .................................... 32.9Ô4.C00
- 5* Effectif général de la guerre :
- Officiers, sous-officiers et
- soldats.........................518.566
- Effectif de la marine proprement dite :
- Officiers, sous-officiers et soldats ........................ 48.418
- Pour le service colonial. . 27.472
- Employés et fonctionnaires 5.613
- Journées des. . . . 600.065 h. 918.352.957
- Perdues pour la production, comptées à 2 fr., taux légal de la prestation, d’autant plus inférieur à sa moyenne des salaires qu’il s’agit ici de l’élite des travailleurs.
- 600,065 x 2 + 365......................... 438.017.450
- 6‘ Journées de la réserve et de la territoriale. Le contingent des réservistes et des territoriaux est de 300,000. Pour établir avec une exactitude approximative le chiffre total annuel de ces journées, il eut fallu consulter, année par année d’âge, le calcul des probabilités. Pour mémoire.
- Dépenses et charges accessoires :
- — Subsides envoyés aux jeunes soldats
- parleurs familles. . . Pour mémoire.
- — Frais d’habillement et de remonte supportés en partie par les officiers, id.,id.
- — Indemnités des communes à leurs
- réservistes et territoriaux. . . id.,id.
- — Construction et entretien des caser-
- nes, dont partie à la charge des communes, comme dépenses de premier établissement...........................idid.
- — Société de tir et d’instruction civique et militaire. Frais à la charge des communes et des particuliers. . . id.,id.
- — Dépenses considérables et très -
- gênantes des habitants lors du passage des troupes........................id.,id.
- — Saccage des récoltes pendant les
- grandes manœuvres................idid.
- — Valeur des terrains occupés par les bâtiments militaires et soustraits à la production..........................id., id.
- — Préjudice très-onéreux apporté aux habitations et à la production par les servitudes des zônes militaires. . id.,id.
- — Enfin, tort très-grave causé par l’absence du jeune soldat, à sa famille et à l’entreprise dont il était l’àme, ainsi que l'attestent les si nombreux et si navrantes demandes de congés comme soutiens de familles, que les pères ou les mères délaissés adressent au ministre de la guerre, id.
- Total...................... 1.356.400.407
- Malgré l’impossibilité où nous sommes d’évaluer, même approximativement, toutes ces charges et dépenses indirectes, nous pouvons affirmer que le budget de la guerre s’élève au minimum à 2 milliards. Comparons maintenant les budgets pour 1885 de
- l’Agriculture.............................. 42.976.328
- les Travaux publics....................... 133.810.340
- et l’instruction publique et beaux-arts. . 155.251.396
- Total.............. 332.038.064
- Ainsi le budget destructeur est au moins 6 fois plus élevé que le budget prbducthur.
- Concluez! Gagneur.
- Les numéros contenant des articles sur la Caisse de Dotations seront servis à tous les Députés dès la rentrée des Chambres.
- Caisse de Dotation pour les Enfants Abandonnés, Délaissés on Maltraités.
- Les difficultés financières de l’heure présente auront probablement une influence favorable au développement du progrès social, contrairement aux prévisions des hommes à courte vue placés à la tête du gouvernement. A l'occasion de la discussion du projet de loi sur l’instruction publique, le président du conseil avait déclaré que les embarras financiers rendaient impossibles les réformes nécessitant de nouvelles dépenses. Au lieu d’examiner si, le mécanisme financier en usage ayant rendu tout ce qu'il pouvait rendre,il n’y avait pas lieu de lui adjoindre un nouveau rouage, même de lui substituer des procédés entièrement nouveaux, on avait préféré décréter un temps d’arrêt dans la marche du progrès, comme s’il était possible d’enrayer l’évolution sans provoquer la révolution.
- Heureusement, il existe en France des députés qui ne sont pas ministres, et surtout quelques penseurs qui ne sont pas députés.
- Ces derniers depuis longtemps annonçaient les complications financières insolubles pour nos ministres ; et ils se préoccupaient de vulgariser des projets de réformes budgétaires. Alors les députés ne les entendaient pas, les ministres employaient tous les moyens officiels propres à diminuer ce-s nouvelles données dans l’opinion publique.
- Mais lorsque les ministres déclaraient être à bout des expédients à leur portée, lorsqu’ils mettaient aux arrêts le progrès, les députés libres de l’étei-gnoir ministériel ont compris l'inconséquence et la gravité des déclarations gouvernementales ; ils ont pensé avec raison qu’il fallait adopter des mesures budgétaires en rapport avec la situation nouvelle.
- Mais ils n’ont pu avancer dans cette voie, sans recourir à certains procédés préconisés par le Devoir. Depuis longtemps nous ne cessions de répéter qu’il était urgent de se préoccuper de trouver de nouvelles ressources, et qu’il serait impossible de les constituer sans les demander aux successions des gens riches. Enfin, 80 députes, dont nous donnons les noms, tant nous attachons d’importance à ce commencement de réalisation de nos doctrines, ont proposé d’alimenter la caisse de dotation pour les
- ENFANTS ABANDONNÉS, DÉLAISSÉS OU MALTRAITÉS, par
- une première application du droit d’Hérédité de I l’Etat.
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- Ce projet de loi a été présente par Messieurs :
- Coutarier, Buyat, Antonio Dabost, Louis Guilîot (Isère), Chevandier, Liouville, Bovier-Lapierre, Marion, Rivet. Sâliit~RbÉdinéj Diitkiis, Be'llüt, Bernard (Doubs) ; Pierre Blanc, Chavanne (Rhône) ; Etienne, Lëtelliér, Mâttgiiliï, TfAilfè, Arifiez, Achàrtf, Bis's'ètül, Ordinaire, Journault, Berthollon, Duchasseint, De-royer, Dutâilly, Bontoux, Forné, De Lacreielle, Chantemiüe, Fréry, Ballue, Donnet, Gilîiot, Beau-guier, Pelisse, De Heredia, comte de Doudville-Maiî-lefeu, Roudier, Bouteille, Gassier, Maurel (Var); Ës-cânde, Pierre Alype, Ferrary, Maillé (d’Angers) ; Philippe, Folliet, Martin Nadaud, Tony Revillon, Corneau, Brugère, Leydet, Michon, Leconte (Indre) ; Vernhes, Jullien, Joseph Fabre, Remoiville, Roques (de Fillol), Girault (Cher) ; Richard, Cavalié, Lefebvre (de Fontainebleau), Cayrade, Deniau, Soustre, Joubert, Cantagrel, Pradon, Lacote, Gagneur, Lagrange, Bury, Bizarelli, Mathé, Ménard-Dorian, De La Porte (Deux-Sèvres).
- On remarquera que plusieurs députés de l’Ex-trême-Gaüche favorables au principe de l’Héridité de l’Etat ne figurent pas parmi les signataires de ce projet de loi, parce qu’ils so proposent de présenter certaines modifications tendant à une plus large application de ce droit.
- Nous aussi, nous trouvons que les auteurs de ce projet de loi ont été un peu timides ou trop prudents; néanmoins nous les félicitons sincèrement de ce premier mouvement, et nous les engageons surtout à persévérer, même à avancer dans une voie si féconde en applications pratiques.
- *
- * *
- Voici le texte des articles de la proposition de loi.
- Art. Ier. — Il est créé par la présente loi une caisse de dotation destinée à assurer le service public de protection s’appliquant aux enfants abandonnés, d’une manière générale, tous ceux que la législation antérieure a classés sous la dénomination d’enfants assistés.
- Art. 2. — Cette dotation s’alimentera :
- 1° Par le produit de toutes les successions ab intestat, à partir du 7® degré ;
- 2° Par toutes ies libéralités, dons et legs dont elle sera l’objet;
- 3° Par la partie des amendes de police correctionnelle affectées, à ce jour, au service des enfants assistés, et par la totalité de celles des condamnations pour l’exercice illégal de la médecine.
- Art. 3. ~ Là réserve en capital résultant des dons I et legs fait précédemment aux enfants assistés entrera dans la dotation constituée par la présente loi, j pour en faire désormais partie intégrante, I
- Art. 4. — Cette caisse de dotation sera chargée de la totalité des dépenses auxquelles donnera lieu ^exécution, tant de la loi du 5 mai 1869 quë de celles qui seront ultériëuremiërit édictées.
- Art. 5. — Cette caisse sera administrée par un conseil de douze membres, dont six seront noihfnés au scrutin dans lé sein de la Chambré dés députés et du Sénat, et les six autres choisis par le ministre qui aura, pour lui ou son délégué, la présidence dë droit de ce conseil.
- Art. 6. — Si lé total des produits rêàlisés n’ëSt pas épuisé par* les emplois annuels du service, l’excédent sera réservé pour constituer à la dotation un capital dont les revends seuls Seront appliqés aux besoins des exercices suivants.
- Art. 7. — Les droits auxquels IëS silccesâiofië déterminées à l’art 2 ont jusqu’ici donné ouverture continueront à être pefçiiS àü profit du Trésor.
- Art. 8. —Les libéralités destinées à cette dotation seront exemptes de tons droits.
- Art. 9. — L’article 755 du code civil est modifié ainsi qu’il suit dans son premier paragraphe seulement.
- Les parents au delà du sixième degré ne succèdent pas.
- L’article 768 est abrogé.
- Art. 10.— Lës ënfants naturels feconrius et l’ôpoüx survivant prendront rang désormais, pour l’exercice de leurs droits successifs, après le sixiènië degré, dans les mêmes conditions où ils héritaient précédemment après le douzièmë,
- Art. 11. — Un règlement d’administration publique déterminera lês conditions dans lesquelles fonctionnera la caisse de dotation.
- Art. 12. — Il sôVà fait chaquë antiéë par lë ëdùSëïl d’administration de la caisse de dotation un rapport sur la situation flriàncière dè cette caisse et l’ètü-ploi de ses ressources ; ce rapport sera communiqué aux Chambres.
- Art. 13. — La présente loi recevra son application à partir du 1er janvier 1889.
- ARTICLE TRANSITOIRE
- Jusqu’à ce que la caisse de dotation puisse pour-
- i
- voir à toutes les exigences des services institués aux terines de l’article premier de la présente loi, les concours des dépârtaments, des communes et de l’Etat, tels que les spécifie la loi du 5 mars 1869, continueront d’être appliqués dans la mesuré dû iis seront nécessaires.
- ♦ *
- Dans l’exposé des motifs les 80 signataires constatent que l’idée de l’hérédité dè l’Etat êst prisé en sérieuse considération dans l’opinion pufelique, Ils
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- LË ilËVdîR
- â’éx priment ainsi à cët égard : « On peut reconnaître, « disent-ils* qu'il se fait sur ce sujet un courant d’o-“ pinion qui prend tous les jours plus d'importance, « et auquel il ne sera bientôt plus possible de résis-« ter. Nôtre régime successoral, chacun le sent, ne « pourra rester longtemps débout tel qu’il est. *
- Ils mefitionnent ensuite les appréciations dés légistes Treilhard et Chabot, qui ont reconnu depuis longtemps la légitimité de ces réformes. Puis, ils pHënt du projet dé M. Grimàud, qdè hohà avons pu-bliéi il y a quelques semaines ; et ils n’oublient pas de rappeler la propagande faite par M. Godin, doht ils attestent la remarquable compétence en sociologie.
- Les promoteurs de ce projet n’arrivent pas à dës conclusions aussi opposées aux préjugés publics sans démontrer qu’ils ont respecté les considérations fondamentales èh faveur de notre droit successoral. Mais les motifs invoqués à l’appui de leurs réserves* vont à l'encontre du but poursuivi par eux* car nous pensons que rien n’est préférable à cet exposé pour faire ressortir la fragilité des argutneiits que l’on peut employer pour s’arrêter au point indiqué dans le projet de loi.
- L’exposé des motifs justifie l’origine des ressources préposées par cette 'côflsidéPàtidn : * qu’eilês « sont trouvées dans une catégorie de successions « Oti lâtransmission dés biefis pâr hérédité né sé jué-« tifie ni par des motifs tirés des liens affectueux qui à unissent les familles, ni par aticuh intérêt sb-« eial. »
- Cet aveu, et oh rPâ mis en avant aucune autre raison pour ia défense de ce que l’on conservait da droit àctael, n’est-il pâè une preuve que là déshérence devrait être réclamée par l’Etat chaque fois qu’il y a rupture évidentê des liens affectueux et que l’intérêt sbclâl n’â pas â sotilïrif dé Pàppfbpriâtion publique d’une succession.
- Ëfi principe, ftntërèt sbciàl â toujours à gagner dans l’augmentation de la richesse du fonds commun. Ëour baser sur l’intérêt social lés lois conservatrices du droit d’hérédité en ligne directe ou collatérale, il faudrait qu’il soit prbüvè qüe fiMividü, qui laisse sa fortune à des héritiers selon les lois dites dHntérêt soëiàl, produit dàvantâgé qué lè Citoyen guidé par ses affections. Les faits ne permettent pas d’établir une pareille distinction. Donc le législateur se trompe en défendant des lois destinées à dimiîiüer les rëésôutCès communes par là limitation des effets de la déshérence, puisqu^ü amoindrit lës ressources sbciàieS Sans produire tlttë excitation exceptionnelle à la production.
- QÜâht àhx fifijiifé tirés des lienë âfiectueux, il est
- m
- | ridicule de voir des hôminês, légistes ou politiciens, oser Sô constituer les juges dôS affections des autres et leur traCer, au nom de la ioi, Une manière quelconque de disposer de leur fortuné.
- S’il est reconnu que la prospérité publique peut Sé développer exceptionnellement à la faveur de pratiques laissant aux individus ia. faculté de tester suivant leurs affections, chaque citoyen est seul capable d’âppbéeiêr éèè sentiments altruistëi, et la loi ne devrait autoriser les héritages particuliers que d’autant qu’ils auraient été dictés par leur précédent possesseur.
- Même, en concédant aux affections les droits dont rioüS venons de parler, l’homme publie véritablement pénétré du sentiment de justice ne pëut laisser & l’âffection le privilège de disposer en faveur d’autrui dé ia part que toiite fdrtdfie acquise doit au concours des services publics, dë l’Etàt, et dé là population. Üa-tionneliementj l’individu autorisé à tester ne devrait pouvoir cédëf â à titrai qu’uüë part de sa fortune strictement proportionnelle à Sès éffortà iiidividüelé.
- On ne manquera pas d’objecter que cette évaluation est difficile* qu’il serait impossible de la faire exactement. Mais qu’on proclame d’abord la justice dé SOh principe ; qué l’ofi éh fasse empiriquement les premières applications, en ne réclamant rien aux possesseurs de petites fortunes ; et l’on arrivera bien vite à un mode d évaluation méthodique.
- Mais ce projet de loi dénote tin ordre de préoccupations nouvelles dans notre représentation nationale. Oh semblé enfin S’apercevoir qu’il existe dans notre société autre chose que des droits abstraits à définir et à limiter, que des propriétés et des spéculations à protéger et à réglementer. On commence à Comprendre qù’il existe àu-dessus de ces intérêts un droit primodial, la vie* dont la société doit garantir â chacun de séé membres lëS Conditions nécessaires, et que la sanction de ce droit se trouve dans lès ressources accuiütiléës pâr lés géüéràtidhs ëtëinteë, de manière à laisser à chaque être vivàni la plus grande liberté pdSsible dans ia jdüiëëancé dës produits de son travail.
- NoUs n’àiiofis pas jusqu’à pfëtënürè qtiè cës vérités se dégagent nettement de l’exposé dës motifs èt deé articles du projet de ldi ; ïhâis elles sont lés conclusions qui découleront logiquement de leur ahalyse ét de leur discussion.
- Nous étudierons dans un prochain article lès détails dU projet dé loi, et nous dirons Comment nous aurions compris la position de là question conformément aux doctrines prônées par le Bevoît.
- Les auteurs de là proposition, dont iiôus venons d’examiner les grandes lignes* né sauraient éprouver
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- LE DEVOIR
- un mécontentement de nous voir en dégager le principe, lorsqu’ils ont pris spontanément l’initiative d’une application ayant son inspiration dans le respect dû à la vie humaine, et ses moyens dans l’Hérédité de l’Etat, un droit et une réforme qui ont été et
- qui restent la raison d’être du Devoir.
- (A suivre).
- APHORISMES ET PRECEPTES SOCIAUX
- XXXVII
- Les fonctions publiques rétribuée».
- La gratuité des fonctions publiques doit disparaître des conseils élus ; c’est un procédé aristocratique, un legs du passé ; elle est contraire à la justice et à Véquité, chacun devant être rémunéré en raison des services qu'il rend ; elle est contraire à l égalité civile des citoyens puisqu'elle rend les fondions publiques impossibles à la grande majorité de ceux qui y ont droit. La République doit faire que des jetons de présence soient accordés dans tous les conseils aux membres assistant aux séances et qu'une indemnité soit donnée à toute délégation particulière des conseillers, en raison du travail et des dépenses causées par cette délégation.
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- EL ctiong nmnicîipule». — Voici le nombre exact des conseillers municipaux qui seront élus dimanche prochain 4 mai, dans toute' ia France :
- 16,870 communes ayant 500 habitants et au-dessous éliront chacune 10 conseillers municipaux, soit en tout 168, 700 conseillers.
- 14,615 communes ayant de 501 à 1,500 habitants éliront chacune 12 conseillers municipaux, soit en tout 175,380 conseillers.
- 2,751 communes ayant de 1,501 à 2,000 habitants éliront chacune 16 conseillers municipaux, soit en tout 44,016 conseillers.
- 880 ..communes ayant de 2,501 à 3,500 habitants éliront chacune 21 conseillers municipaux, soit en tout 17,580 conseillers municipaux.
- 758 communes ayant de 3.501 à 10,000 habitants éliront chacune 23 conseillers municipaux, soit en tout 17.434 conseillers.
- 176 communes ayant de 10,001 à 30,001 habitants éliront chacune 27 conseillers municipaux, soit en tout 4,752 conseillers.
- 9 communes ayant de 30,001 à 40,000 habitants éliront chacune 30 conseillers municipaux, soit en tout 270 conseillers.
- 9 communes ayant de 40,001 à 50,000 habitants éliront chacune 33 conseillers municipaux, soit en tout 297 conseillers.
- 8 communes ayant de 50,000 à 60,000 habitants éliront chacune 34 conseillers municipaux, soit en tout 272 conseillers.
- 20 communes ayant plus de 60,000 habitants éliront chacune 36 conseillers, soit en tout 720 conseillers.
- Paris enfin élira 80 conseillers.
- De sorte que les 36,097 communes de France éliront au total 429.551 conseillers municipaux.
- On remarquera que les communes ayant moins de §00 habitants forment près de la moitié du nombre total des communes de France.
- Au point de vue du nombre des communes, voici les dix départements où il y en a la plus grande quantité :
- Pas-de-Calais 904 communes, Aisne 838, Calvados 763, Seine-Iaférieure 759, Côte-d’Or 717, OLe 701. Eure 700, Oise 701, Eure 700, Seine-el-Oise 686, Marne 634 et Nord 663.
- Voici maintenant les dix départements qui ont le plus petit nombre de communes :
- Seine 72, Belfort 106, Bouches-du-Rhône 109, Varl45, Vaucluse 150, Alpes-Maritimes 152, Hautes-Alpes 189, Tarn-et-Garonne 194, Lozère'197.
- Le rendement de» impôt». — Le Journal officiel publie l’état du rendement des impôts pour le premier trimestre de 1884 (exactement du 1er janvier au 25 mars).
- Pour les contributions directes et les taxes assimilées; les recouvrements sont inférieurs de 22,227,700 fr. aux trois douzièmes échus ; mais il faut tenir compte du relard qui a été apporté, par suite de circonstances que nous ne nous expliquons pas, à la distribution des rôles, de sorte que sur beaucoup de points les cotes n’ont été exécutoires que dans les premiers jours d’avril.
- L’impôt sur le revenu des valeurs mobilières en France et en Algérie accuse une différence de 675,000 fr. en moins sur l’exercice 1883. C’est un résultat prévu et qui tient à l’état général des affaires financières.
- Sur les produits de l’enregistrement, il y a une différence en moins de 8,413,400 fr. sur les évaluations bud-gétairesyde 4,141,000 fr. sur l’exercice 1883 ; — sur le timbre, 147,800 fr. en moins sur les évaluations budgétaires et 384,500 fr. en plus sur l’exercice 1883 ; sur les douanes, 8,299,500 fr. en moins sur les évaluations budgétaires, et 7,439.000 en moins sur l’exercice 1883 ; sur les contributions indirectes, 2,899,400 fr. en plus sur les évaluations budgétaires et 5,015 en plus sur l’exercice 1883 ; sur les sucres, 8,498,000 en moins sur les évaluations budgétaires et 4,332,000 fr. en moins sur l’exercice 1883; sur les vins, 1,633,000 en plus sur les évaluations budgétaires et 2,551000 en . plus sur l’exercice 1883; sur les postes, 805,000 fr. en moins sur les évaluations budgétaires et 321,000 en plus sur l’exercice 1883; sur les télégraphes, 626,400 fr. en moins sur les évaluations budgétaires et 50,400 en moins sur l’exercice 1883.
- Eu résumé sur les contributions indirectes, en France, la différence en moins est de 22,227,700 fr. sur les évaluations budgétaires et de 7,690,000 fr. sur l’exercice 1883.
- Pour l’Algérie, la différence en moins sur le produit des impôts indirects est de 23,000 fr. sur les évaluations budgétaires et de 124,600 sur l’exercice 1883.
- *
- * *
- Le commerce de la, France pendant: les trois premiers mois de l’année 1884. — Les importations se sont élevées, du 1er janvier au 31 mars 1884, à 1,143,005,000 francs, et les ex-por-tationsà 702,307,000 francs.
- Importations 1884 1883
- Objets d’alimentation.... Matières nécessaires à l’in- 350.128.000 424.638.000
- dustrie.... 590.933.000 575.635.000
- Objets fabriqués 160.494.000 18t.365.000
- Autres marchandises.... 41.430.000 39.222.000
- Total...., 1.143.005.000 1.220.860.000
- Exportations
- Objets d’alimentation.... Matières nécessairés à l’in- 177.305.000 196.077.000
- dustrie 139.637.000 169.871.000
- Objets fabriqués 350.446.000 425.197.000
- Autres marchandises.... 34.919.000 39.914.000
- Total 702.307.000 831.059.000
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- LB DEVOIR
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- Affaire du Tonkln. — De nombreux changements dans le haut personnel du gouvernement chinois sont interprétés, par les uns, comme des sy mptômes des intentions belliqueuses de la Chine, par les autres, comme les preuves d’un courant pacifique. Nous ne chercherons pas à nous reconnaître au milieu de ces documents contradictoires. Nos opérations au Tonkin sont momentanément arrêtées ; cela se conçoit, on ne peut penser à étendre indéfiniment l'occupation sans sepréoc-cuperde garnir les contrées soumises. Il est même probable que la force des choses ne permet pas de porter plus avant les troupes d’attaque sans augmenter l'effectif du corps expéditionnaire. Comprendra-t-on les illusions de la politique coloniale? Saura-t-on s’arrêter â temps dans ces aventures ruineuses?
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- * *
- La participation aux béuéfioe@. — La
- plupart des journaux parisiens viennent de publier les résultats de la participation des travailleurs aux bénéfices de l’imprimerie Ghaix.Ces résultats, minimes, obtenus par une participation insuffisante, méritent néanmoins d’être connus, parce qu’ils sont la consécration d’un principe nouveau et un acheminement vers la réforme sociale si largement inaugurée par l’association du Familistère.
- Le jour de Pâques a eu lieu dans la salle du Grand-Orient de France, rue Cadet, l’assemblée générale des participants aux bénéfices de l’Imprimerie. Chaix.
- M. Chaix, entouré des chefs de service et des contremaîtres de l’établissement, présidait l’assemblée. Trois cent quarante ouvriers, ouvrières et employés étaient présents.
- Un délégué du Comité consultatif et de surveillance a fait connaître les résultats obtenus dans l’année ; les comptes liquidés ; des détails statistiques sur la marche de l’institution.
- Pour l’exercice 1883, 26,000 francs ont été attribués à la Participation, ce qui a donné, à chaque participant, 0 fr. 03 par franc d’appointements ou de salaires ; 9,479 fr. 18 provenant de déchéances ont produit 3 fr. 46 par chaque somme de cent francs inscrite au compte des partipants présents.
- Au 31 décembre 1883, le total des sommes prélevées sur les bénéfices de la maison au profit de la Caisse de la Participation s’élevait à 703,234 fr. 13. Un tiers de cette somme a été payée comptant aux intéressés, à la fin de chaque exercice, au prorata de leurs appointements ou de leurs salaires ; deux autres tiers ont été portés au livret de chacun d’eux pour constituer son épargne. Le titulaire ne jouit que de l’intérêt, et le capital revient à la famille.
- M. Chaix a prononcé ensuite une allocution, dans laquelle il a fait ressortir que l’union dans la famille industrielle est la condition vitale de la participation aux bénéfices.
- ANGLETERRE
- Le gouvernement anglais est bien embarrassé. Ce n’est pas qu'il s’inquiète beaucoup des massacres des troupes égyptiennes et des officiers anglais qui les commandent. Peu lui importent Berber, Karthoum, et le général Gordon, pourvu qu’il conserve la possession de la Basse-Egypte. Mais les financiers des puissances européennes ont des intérêts divers en Egypte ; aussi ont-ils influencé leurs gouvernements pour préparer une conférence internationale qui, sous prétexte de sauvegarde des nationaux, devra trouver une solution que l’on proclamera d’autant plus humanitaire qu’elle favorisera davantage les appétits de la spéculation.
- A la suite d’une agitation créée à propos de la loi des récidivistes en France, les Trades Unions de Victoria, des Nouvelles-Galles du Sud, et de l’Australie Méridionale ont résolu d’envoyer un ouvrier comme délégué auprès des ouvriers d’Angleterre pour leur demander
- assistance pour empêcher une invasion possible de ces récidivistes.
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- * *
- Egan et Daly, les deux fenians arrêtés à la suite des explosions de dynamite,ont comparu devant le tribunal de police de Birmingham. L’accusation sera transformée en une haute trahison et félonie.
- En fouillant le jardin d’Egan, on a trouvé une boîte contenant le texte imprimé de la constitution de la République irlandaise. La boîte contenait un autre document exhortant les irlandais à se tenir prêts, mais à ne point se révolter avant le moment opportun. Il est dit en outre que les républicains irlandais sont chaleureusement soutenus par leurs frères d’Amérique.
- * *
- Pendant qu’en France on passe pour à moitié fou lorsqu’on parle d’accorder des droits politiques aux femmes, l’idée gagne tous les jours du terrain en Angleterre.
- Dans la discussion de la réforme électorale qui va venir prochainement à la Chambre des communes, M. Woodall présentera son amendement tendant à donner aux femmes honseholders le même droit de suffrage qu’aux hommes.
- Un pointage récent fait espérer que l’amendement sera voté.
- 249 députés sont pour l’émancipation politique des femmes et 236 contre. Restent 170 dont les dispositions sont inconnues.
- On agit en ce moment sur ces 170 par les journaux, par les meetings, par tous les moyens que le progrès peut avoir d’exercer une pression sur les hésitants. Ii semble plus que probable qu’on réussira.
- Il serait curieux, d’ailleurs, que les droits politiques fussent refusés aux femmes dans un pays où une femme et reine.
- ESPAGNE
- On vote en Espagne ; c’est-à-dire que les quinze cent mille électeurs privilégiés, tous recrutés parmi la fine fleur des classes dirigeantes, s’empressent de déposer dans les urnes les noms des candidats désignés par le gouvernement. Cette touchante unanimité est légèrement assombrie par des soulèvements partiels de citoyens qui, privés du droit électoral, emploient leur papier à bourrer des fusils.
- De nombreuses arrestations ont été faites à Barcelone, Lérida, Cordoue, Cadix et Carthagène, à propos d’un mouvement révolutionnaire qui se prépare, et qui aurait pour but de lancer les insurgés en Catalogne.
- SUISSE
- Le rapport du Conseil Fédéral suisse sur sa gestion de 1883 donne le texte du projet de traité d’arbitrage permanent soumis par la Suisse aux Etats-Unis de l’Amérique du Nord. Eu voici le texte :
- Entre les Btats Unis de VAmérique du Nord et la Confédération, suisse,
- il a été conclu un traité permanent d’arbitrage comme suit :
- . I
- Les deux Etats contractants s’engagent à soumettre à un tribunal arbitral toutes les difficultés qui pourraient naître entre eux pendant la durée du présent traité, quels que puissent être la cause, la nature ou l’objet de ces difficultés.
- II
- Le tribunal arbitral sera composé de trois personnes. Chacun des Etats désignera l'un des arbitres. IL le choisira parmi les personnes qui ne sont ni les ressortissants de l'Etat ni les habitants de son territoire.
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- 282 Ltf DEVOIR
- Les deux arbitres choisiront leur Sur-arbitre. S'ils nè peuvent s’entendre sur ce choix, le sur-arbitre sera nommé par un gouvernement neutre. Ce gouvernement sera lui-même désigné par les deux arbitres, ou à défaut d’entente par le sort.
- III
- Le tribunal arbitral, réuDi par les Sôiti.s du sur-arbitre, fera rédiger un compromis qui fixera l'objet du litige, la composition dü tribunal et la durée dès poüvdirs de ce dernier. Ce compromis sera signé pâr les représentants des parties et par les arbitres.
- IV
- Les arbitres détermineront leitr procédure. Ils useront pour éclairer leur justice de tous les moyens d’informations qu’ils jugeront nécessaires, les parties s’engageant à les tüéttre à leur diSpoèiiion. Leur sentence sera ëié-eutoire de plein droit, un mois après cette communication .
- V
- Chacun des Etals contractants s’engage à observer et à exécuter loyalement la sentence arbitrale.
- Vï
- Le présent traité est fait pour la durée de 30 années à partir de l’échange des ratifications. S’il b’est pas dénoncé avant le commencement de la trentième année, il sera renouvelé pour une nouvelle période de 30 àns et ainsi de suite.
- 4 4
- Le tribunal correctionnel de Neuville a condamné dix membres de l’armée du salut à des peinés variant de ün à denx jours de prison, et quinze particuliers qüi ont provoqué des désordres à l'occasion dès prédications de l’armée du salut à quinze jours de piison et aux frais. Dieu sera bien embarrassé pour reconnaître les siens.
- ALLEMAGNE
- La cour de Berlin sera bientôt transformée en un hôpital. L’empereur et l’impératrice sont malades; la princesse de Bismarck et M. de Bismarck ne vont guère mieux. L'empereur a été horriblement contrarié par ia mort d’un de ses anciens serviteurs, dont les Parques ont tranché le fil sans avoir pris l’avis du grand chancelier. Gomprend-on pareille irrévérence ?
- La Commission parlementaire chargée d’examiner la loi contre les socialistes s’avise aussi de mettre M. de Bismarck en échec. Sans se laisser ëmouvoir par le refroidisSeméni.du chancelier, là commis-ion a adopté, par 13 voix contre 7, la motion de M. Wibdshorst tendant à supprimer l’article 9, en vertu duquel les réunions de socialistes peüveht être interdites à l’avance; et cela, après que le ministre de l'intérieur avait insisté sur la nécessité de ne pas inddifier le projet de gouvernement.
- Les journaux officieux, attribuent à M. de Bismarck la volonté de demander le létabîissement d’un conseil d’Etal, rèdbütê t>àrbài leé hauts fonctiddnàirëè, dont les pouvoirs supérieuis ifaâihtiendràièiit le parlement. Getts institution a déjà existé en Prusse fen 1817. Par ce temps d’antiquaires, cette proposition ne manque pas d’actualité.
- •
- Eh Allemagne, le gâchis économique n’eét pas moindre que l’imbrogliopolilique. La situation industrielle S’aggrave chaque jour. De toutes parts des grèves. A Dresdè, ce sont les tailleurs dé pierre; à Leipzig, les maçons; à Goerlistz, les menuisiers; à Balberstéàt, les cigarriers et les menuisiers* A Berlin, la police a dissous une réunion d'ébénistes en grève.
- AUTRICHE
- Une enquête analogde a celle qui a eu lieu réeethinent à Paris a été faite en Autriche au mois de mai 1883,
- Le résultat de cettëénq ête è*t navrant. Il a dérbontré que, dans beaucoup de centrés manufacturiers, la situation matérielle dès ouvriers est épouvantable  Bruenn, par exemple, ville importante par ses fabriques do drap, la moyenne des heures de travail des ouvriers est fie dix-huit heures par jour. Beaucoup d’ouvriers né Sortent pas de la fabriqué du 1er jàntier àu 31 décembre et passent les quelques heures de repos qu’dn leur accorde couchés sur des sacs de laine. Et encore, plusieurs fabricants leur interdisent-ils de coucher sur ces sacs, prétendant qti’ils en abîment le cdiitenu. La moyenne du Sâlaife de ces ouvriers est de 2 à 3 florins par semaine (la valeur du florin est d’un peu plus de 2 fràncs.) On emploie aussi des enfants, que l’on paie encore plus mal, et que l’on fait égàlèrherit travaillée 18 heures siur24. Lorsque ces pauvres petits tombent de sommeil, on leur verse de l'eau froide dans le cou pour les réveiller. Dans uhe fabriqué de Bruenn, appartenant à un nomtné Abraham Sr.hnetletq dh travaille de cinq heures à minuit. Les ouvriers gagnent un maximum de 5 florins par semaine. Il y a parmi eux dés enfants de 7 ans.
- Dans uhe autre fabriqué de drap, appartenant à M. Grompers, député au Reischrath» les ouvriers sont payés a raison de 76 kreutyers (1 fr. 90) par jour pouf 11 heures de travail. Dans la fabrique de M. Adolphe Lœv, à Bruenn également, il y a des jeunes garçons de 14 ans auquels on paie 53 kreutzers (1 fr. 35) pour 18 heures de travail. A Reiehenberg, en Bohême, ville manufacturière, les ouvriers travaillant à la fabrication du drap gagnent de 1 à 3 florins par semaine. Dans toutes ces fabriques, on emploie des femmes qui travaillent le même temps et sont encore moins payées. Lorsqu’elles accouchent, lés fabricants chez lesquels elles travaillant ne leur accordent que 1 ou 5 jours de repos. Aussi est-il fort rare qu’elles puissent élever leurs enfants et il meurt 19 de ces pauvres petits êtres sur 20 au bout de quelques semaines.
- L’état sanitaire des fabriques est déplorable : sur 100 ouvriers, 90 sont atteints de maladies résultant des misérables conditions de leur existence. Lèur mortalité est naturellement fort grande Quant aux ouvriers en chambre, leur sort ü’est guère meilleur que celui des ouvriers des fabriques Aux environs de la ville de Prossnilz, plus de 3,000 familles travaillent pour une maison de confection. Pour gagner 4 florins par semaine* il faut que l’ouvrier travaille 13 heures par jour, et que sa femme et ses enfants travaillent avec lui. La maison lès paie à raison de 75 kreutzers (à fr. 90) par paletot ou pardessus, et ençore faut il qu’ils achètent eux-mêmes les fournitures. Tous ces malheureux vivent de pain et de soupe maigre. Les jours de fêle, ils achètent aux tanneurs les lambeaux de chair restés aqpiès les peaux dé bœuf ou de mouton. Us n’ont pas de chemise et sont couverts de haillons indescriptibles. A Gablour, où d’innombrables ouvriers en chambre fabriquent des verrë-ries, ces travailleurs gagnent environ 200 florins (245 fr,) par an. Dans les grands centres, où le sort dès travailleurs est un peu meilleur, un bon ouvrier a beaucoup de peine à gagnef 8 florins pab seihaine en travaillant de 14 a 16 heures par jour.
- La situation des ouvriers est éneorè plus misérâbîè en Àütriche qu’ën Allemagne, où la moyenne dù gain annuel d’ün ouvrier est. dë 650 marcs. Gette situation explique l'agitation révolutionnaire et les grèves qui sè produisent journellement dans les grands centres industriels de l’Autriche.
- tl ëst bon de faire connaître aux Ôuvriérs français là situation des ouvriers autrichiens. Ces derniers sont aussi malheureux que les esclaves dé l’antiquité, avec cëttè,différence qu’on ne lès frappe pas. Mais en rétàn-che, iis meurent de faim.
- RUSSIE
- « Avant!! » journal de Rome, publie un article sur le mouvement, socialiste en Russie, montrant qu’une évolution s’est .opérée dans je parti révolutionnaire.
- Les héros même, de Division noire échappés j miracle au gibet et connus par leurs talents et leur dé-
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- LÉ DgVGlR
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- vouement, tels que Vera SissulU, Plechanoff Deutch, Àxëlfcd et autre'p, sont à la tête d’un pa'rti nouveau intitulé :« Rédemption du travail. »
- Ce nouveau parti fit paraître en septembre dernier une circulaire annonçant l’ouverture d’une bibliothèque du socialisme niodérne, destinée ^ propager le socialisme scientifique en offrant les traductions des travaux lès pliis iinportantS de LaSsalle* Marx, Engéls, ètfc;; cette bibliothèque offre, en outre, des travaux critiques sur les diverses écoles socialistes, et sûr les questions lès plus impbrtantes de là vie sociale ën Russie.
- Le parti de « Rédemption, du travail » proclame rompre définitivement avec les anciennes tendances anar-chicfües. Son bbjèt est dé préparer des homthéë âplës à accomplir le travail d’organisation sociale h réaliser en Russie,le jour où les conditions politiques s’y prêteront.
- ETATS-UNIS
- A là suitô des troubles de Cincinnati. suscités par la vénalité de la magistrature* le Comité central du € Socialiste Laborj Party », .parti ouvrier socialiste américaiii, a organisé un meeting ayant à son ordré du jour : « L’émeute de Cincinnati ; ses causes et' ses effets. » Plus de trois mille auditeurs avaient répondu à cet appel. La réunion a etl lieu souâ ia présideiicë de P.-J. Maguire, ouvrier charpentier* en face d’un déploiement considérable de police. La salle était décorée avec des bannières rongés portant des inscriptions comme celles-ci : « Nationalisation du soi. » « Les produits non consomniès du passé appartiennent << én coriimüh à ià présente génération. » Le foiid des discours a été le hiême que celui qui sert de thème ordinaire aux orateurs du parti ouvrier possibiliste. Le correspondant du journal Le Temps, auquel nous empruntons ces renseignements, fait les réflexions suivantes: « Cet épisode peut donner une idée très-« exacte du point où ën ëst atrivô 1 esprit révolution-« naire en Amérique. Il est peut-être moins violent « que dans certains foyers, anarchiques de l'Europe ; « mais il- est certainement plus réfléchi, plus systéma-« tique et il sera plus redoutable, parce qu’il sera plus « organisé, lorsqu’il éclatera. Ce jour-là, il y aura dans « cë pays des bouleversements plus iri-éjffëssibies et t en même temps plus farouches qu’dn h’en à jamais « vu dans aucun pays du monde. »
- On ne peut s attendre à trouver d’autre^ réflexions dans un organe autoritaire* considérant comme une qualité gouvernementale la résistance au progrès social. Nous préférons avoir confiance en l’esprit pratique des Américains, qui, dirigeants et dirigés, au lieu de s’engager a fond dans une voie sans issue, sauront âdoptèr â temps dés mbÿeris tfarisitoirès tenant compte de tous les iïltérêts. Nous n’en voulons d’autre preuve que l'empressement de la grande presse américaine à publier impartiaiemëht tous les projets dô transition défendables. Les explosions sont à redoilter dans les pays où 1 on comprime l’examen, soit en imposant brutalement silence âilx novateurs, soit en dénaturant hypocritement les moyens progressistes ; et ce n’est pas le cas en Amérique. Pour notre part, nous n avons eu qu’à nous louer de l'impartialité de la presse Américaine. Le Hèrald de New-York n’a pas hésité à bous consacrer trois numéros contenant l’exposé des procédés socialistes du Familistère et lés pians des bâtiments de l’association.
- 'èi -----
- ETAT GÏVIL DD FAMILISTÈRE
- Semaine du 21 au 27 Avril 1884
- NAISSANCE
- de Le-
- PROGRÈS ET PAUVRETÉl,)
- par M. Henry George.
- Y.
- Livre VI. — LE REMÈDE.
- Chapitre 1er
- Inefficacité des remèdes couramment prénés:
- Ces remèdes sont au nombre de six principaux :
- 1° Plus grande ëeoühjniè dë gouvernement.
- La chose peut être déâiràble, mais ce n’est pas elle qui extirpera la pauvreté ni augmentera les salaires tant qtië là tërrë Sera mdfidjkilisée...;
- 2° Diffusion de L’éducation, des mœurs sobres et industrieuses.
- Pour rendre le peuple industrieux, prudent, habile, intelligent, vertueux, commencez par le relever du dénuement. Si vous voulez que l’esclave ait les vertus dé l’homme libre* donnez-lui d’abord la liberté.
- 3° Union des travailleurs* grèves ;
- La grève est une sorte de guerre et* comme la guerre* ëlle diminue la richesse ; comme la guerre, elle est tyrannique.
- Une superstition hindoue porté le créancier à s’asseoir à la porte de son débiteur et à y rester* sans boire hi mahger, jusqu’à paiement de la dettes Lés grèves sont uri moyen analogue, avec ce désavantage que la superstition n’est pas là pour forcer la main à ceux à qui s’adressent lés grévistes.
- 4° Coopération.
- Là coopération est de deux sortes :
- Coopération distributive,
- Coopération productive.
- La coopération distributive réduit simplemént le coût des échanges, et ses conséquences finalës ne peuvent être autres que celles de tous les progrès : augmente!* la valeur foncière.
- La coopération productive a tout simplement pour effet de substituer des salaires proportionnels àux salaires fixes;... Elle rend le travailleur plus actif, plus vigilant ; cdmme tous les aûtres progrès sociaux, elle a pour conséquence finale l’augmentation de la valeur du sob
- 5° Intervention et direction de VEtatr
- Leë règles et les restrictions sont mauvaises en elles-mêmes ; les moyens qui impliquent l’inquisition des fonctionnaires et par conséquent la démoralisation, la fraude, etc.* sont à éviter.;..
- Ce qui est nécessaire à l’émahcipatioii sociale est
- (Lire le * Devoir » depuis le numéro du $ avril l#èl.
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- LE DEVOIR
- compris dans la devise des patriotes russes, appelés parfois Nihilistes : « Terre et liberté. »
- 6° Fractionnement plus général du sol.
- Une égale répartition du sol est impossible, ce serait du reste une atténuation du mal, non une guérison, et cette atténuation pourrait empêcher l’application du vrai remède.
- Le progrès social pousse à la concentration dans toutes les voies, c’est un courant contre lequel il serait vain et nuisible de marcher.
- Chapitre II Le vrai remède.
- Il faut rendre la propriété commune,,..
- Livre VII. - JUSTICE DU REMÈDE
- Chapitre 1er
- Injustice de l'appropriation individuelle du sol.
- Il n’y a nul titre équitable à la propriété de quoi que ce soit que celui qui dérive de la qualité de producteur et qui repose sur le droit humain naturel.
- De quel pouvoir l’homme est-il doué par la nature, si ce n’est de celui d’exercer ses facultés ?
- En dehors de cela d’où pourrait lui venir le droit de posséder et de contrôler les choses ?
- La nature ne cède ses trésors qu’au labeur de l’homme, sans distinction entre les travailleurs ; l’exercice du travail est donc le seul titre à la possession exclusive.
- Ce droit de propriété qui dérive du travail exclut tout autre droit de propriété, puisque nul individu ne peut posséder ce qui n’est point le produit de ses œuvres ou des œuvres d’un tiers qui lui ait cédé ses droits... En conséquence, l’aliénation du sol au profit d’un individu est une iniquité. Car le droit au produit du travail, ne peut-être exercé sans le libre accès aux fonds naturel. Admettre que l’individu ait le droit de s’approprier absolument le sol, c’est donc dénier le droit de propriété sur le produit du travail.
- La proclamation du droit de propriété foncière, individuelle, indéfinie et exclusive est la négation des droits naturels de la majorité des citoyens :
- Les uns reçoivent sans produire ; les autres produisent sans recevoir et sont déshérités de la nature. ...
- Les hommes d’une génération ont-ils plus de droit d’user de la terre que ceux qui les suivront ? Nous sommes en ce monde des hôtes de passage....; nos droits d’user et de posséder ne peuvent être exclusifs, ils sont limités par le droit des autres hommes.... —— - . *-—
- Chapitre II
- L'esclavage du travailleur est le résultat final du droit à la propriété foncière individuelle.
- Placez cent hommes sur une île dont on ne peut s’échapper et donnez à l’un d’eux la propriété exclusive du sol de l'île, ne sera-ce point exactement la même chose que si vous faisiez des 99 autres les esclaves du premier ; car le possesseur du sol sera le maître absolu des moyens de subsistance, de la vie et de la mort de ses semblables.
- Si l’esclavage est une iniquité, la propriété individuelle du sol est une iniquité égale.
- Les déclarations d’indépendance et les actes d’émancipation sont vains ; aussi longtemps qu'un homme peut prétendre à la propriété exclusive du sol, sur lequel les autres hommes doivent vivre, l’esclavage demeure en fait, et les progrès matériels ne font que le rendre plus profond.
- La propriété individuelle du sol est la pierre inférieure du moulin, le progrès matériel en est la pierre supérieure; entre les deux, avec une pression croissante, les classes laborieuses sont écrasées.
- Chapitre III
- Réclamation d'une compensation par les propriétaires terriens
- Quand l’intérêt est d’accord avec la justice pour demander l’abolition d’une institution, quelle raison y a-t-il d’hésiter ?
- Cette raison, de la part même de ceux qui voient clairement qu’en droit la terre est propriété commune, semble la suivante :
- Ayant permis que la terre fût traitée en propriété privée depuis si longtemps, on commettrait, en abolissant cette propriété, un préjudice à l’égard de ceux qui ont basé leurs calculs sur la permanence de l’institution. Donc, si nous abolissons la propriété foncière, la justice requiert pleine compensation pour les détenteurs actuels.
- Herbert Spencer lui même qui dans ses « Statistiques sociales ’> a si clairement démontré la nullité de tout titre de possession exclusive du sol, soutient l’idée d’une compensation due, et déclare que l’estimation juste et la liquidation des droits actuels des propriétaires fonciers, (que ceux-ci aient acquis la terre par leurs propres efforts ou qu’ils la tiennent de leurs ancêtres), » est un des problèmes les plus » compliqués que la société aura à résoudre un jour. »
- Cette même idée a suggéré la proposition, préconisée en Angleterre, de faire racheter par le gouver-
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- Lfl DEVOIR
- nement, au prix du marché, les propriétés foncières individuelles; et c’est elle aussi qui a conduit John Stuart Mill, lequel pourtant voyait si clairement l’iniquité essentielle de cette sorte de propriété, à se faire l’avocat non d’une pleine reprise de possession de la terre par l’Etat, mais seulement de la reprise de possession des plus-values que l’avenir pouvait amener. Son plan consistait à faire l’estimation large et même libérale de la valeur actuelle de toutes les terres du royaume, afin que les plus-values survenantes, non dues aux améliorations du propriétaire, fussent prises par l’Etat.
- Le plan de M. Mill pour nationaliser la « future augmentation de valeur du sol » n’ajouterait pas à l’injustice de la répartition actuelle des richesses, mais n’y remédierait pas.
- Qu’un homme tel que Stuart Mill ait attaché tant d’importance à donner une compensation aux propriétaires terriens, cela n’est explicable que par son acquiescement aux doctrines qui font dériver le salaire du capital, et qui prétendent établir que l’abondance de population constitue la rareté des moyens de subsistance. Ces doctrines l’aveuglèrent sur les pleins effets de l’appropriation individuelle du sol. Il reconnut que la prétention du propriétaire foncier, est subordonné à la politique générale !de l’Etat « et que la propriété privée quand elle iïest pas utile est injuste », mais, enchevêtré dans les fils de la théorie de Malthus, il attribuait le dénuement et les souffrances dont il était témoin à « l’avarice delà nature, non à l’injustice de l’homme »; donc, la nationalisation du sol lui apparaissait comme peu de chose dans l’extirpation du paupérisme et l’abolition de la misère, buts qui, selon lui, ne pouvaient être atteints que par la répression de l’instinct naturel. Tout grand et pur qu’il était, cœur chaud et noble esprit, il ne vit pas la véritable harmonie des lois économiques, ni comment de cette grande iniquité fondamentale : Vappropriation individuelle du sol, surgissaient sans cesse la misère, le vice et la dégradation. S’il en eut été autrement, il n’eut jamais écrit ces paroles contradictoires : <
- « La terre d’Irlande, la terre de toute contrée appartient au peuple même qui vit à sa surface. Les individus qualifiés de propriétaires fonciers n’ont, devant la morale et la justice, droit à rien autre chose qu’au fermage ou à une compensation pour la valeur foncière marchande. »
- Fi ! Si la terre de toute contrée appartient au peuple même de cette contrée, quel droit, devant la morale et la justice, peuvent avoir sur le fermage des individus appelés propriétaires fonciers ? Si la terre appartient au peuple, comment, au nom de la
- morale et de la justice, le peuple aurait-il à payer pour rentrer en possession de son bien ?
- Herbert Spencer dit à ce sujet : « Si nous avions affaire à ceux qui, primitivement, ont dérobé à l’espèce humaine son héritage, nous en finirions au plus court. »
- Mais en quoi la permanence, la continuité du viol fait au droit naturel change-t-il la question ?
- Comment hésiterions-nous à mettre fin à un tel état de choses ? Parce que j’ai été volé hier, faut-il que je me laisse voler aujourd’hui et demain, et que mon voleur acquiert par la durée même de ses méfaits le droit de les commettre ?....
- Si la terre appartient à l’ensemble des citoyens, pourquoi permettre à quelques-uns d’entre eux de lever des fermages sur le fonds commun, ou leur donner des compensations pour la perte de ces fermages ? La valeur foncière ne sort pas spontanément du sol, elle est créée par toute une collectivité d'individus, elle appartient donc à cette collectivité. .
- Si nous appliquions aux propriétaires fonciers les mêmes règles juridiques qui sont constamment appliquées en Angleterre entre les citoyens enjfait d’attribution de propriétés, nous réclamerions d’eux non seulement le fonds mais tout ce qu’ils en ont tiré.
- Je ne propose point d’aller aussi loin et nul sans doute ne le fera. Il suffît que le peuple recouvre comme propriété sociale la valeur du sol nu.
- Que les détenteurs terriens gardent en pleine sécurité leurs autres biens personnels.
- Cette mesure de justice ne serait oppressive ni in* jurieuse pour qui que ce soit. Les anciens propriétaires eux-mêmes participeraient au gain général.
- .... Car avec la justice s’inaugurerait l’amour universel. La paix et l’abondance verseraient leurs biens non sur quelques-uns, mais sur tous.
- Chapitre IV
- Historique de la propriété foncière individuelle
- La violence, l’arbitraire... en sont les sources.
- Chapitre II
- Propriété foncière aux Etats-Unis
- La propriété individuelle, à mesure qu’elle s’y constitue, fait apparaître tous les maux qu’elle engendre ailleurs. {A suivre).
- M. Gay, Ferdinand, ouvrier charpentier à Loire par Rochefort, abonné au Devoir depuis sa fondation nous écrit une lettre fort intéressante ; nous en reproduisons une partie dans laquelle M. Gay nous fait part de son idéal*
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- LE DEVOIE
- « Jti crois et suis bien aise de le croire qu’il 3e pourrait fort bien qu’un jour, soit dans un,deux peut-être trois siècles, ou davantage, les peuples se rapprochant de plus en plus, se fédérant, sè groupant comme ils le font et tendent à Ip faire de plus en plus, les petites fédérations en formeront, de grandes, et les grandes s’uniront entre elles par la force des choses ; tout cela, avec le temps, se fera, comme dans le passé tant de choses sa sont faites...., je vois au-dessus de toutes ces transformations la paix défi nitivement s’établir sur la terre, les armées de terre et de mer ne plus être employées qu’à édifier partout à travers les continents et les océans de grandioses travaux, puis enfin le globe tout entier venant plus tard à former 12 fédérations, 2 en Amérique, 2 en Afrique, 1 en Australie, 3 en Europe, comprise une partie de l’Asie, et 4 dans cette dernière partie du monde. Ces fédérations se subdiviseront en, provinces toutes solidaires, mais se gouvernant selon leur mœurs et coutumes.
- Jp sais que fpoa f/iïéal est un rêve qui qe me fait pas négliger ce qui est d’a plication immédiate; 'bien au contraire, j'aime â concilier tout ce qui me paraît conciliable, j’aime passionnément le tqoqde avec tous ses défauts; je sais que tous portent en eux la perfection en germe et que tôt ou tard ce germe se deveioppéra et grandira 1 être quel qu’il soit indéfiniment.
- Neutralisation de l’Egypte, du canal de Suez et de la mer Ronge.
- On lit dans .« YArbitrqtor », Londres,
- Plus se développe le drame égyptien, plus il devient évident que l’équité est la véritable politique. Si l’Angleterre avait dès le début respecté les droits du peuple égyptien, elle n’aurait pas ruiné Alexandrie par le bombardement et le feu, condamné Arabi. soutenu la déplorable bataille de Tel-el-Kébîr, écrasé le fellah sous le poids des dettes personnelles d-’Isr maïl-Pacha, révolutionné les tribus du Soudan, envoyé Gordon à Khurtoum, tué 4,000 arabes à Tel et Tamanich, et présenté au monde le spectacle d’une administration dont les fruits au bout de 18 mois sont l’anarchie, la ruine, la misère et la haine.
- Nous rendons justice à M, Gladstone et à ses amis dans leurs efforts pour rendre l’Egvpte aux Egyptiens et le Soudan à ses habitants ; mais Gladstone et ses amis ont échoué.
- Pour arrêter le gouvernement sur la pente fatale, il eût fallu conserver une majorité dans le Parlement ; or, la base de la politique anglaise a toujours été de garder, si possible, l’exclusive possession du canal de Suez; et de la mer Rouge, grande voie des Indes, et celle de l’Egypte, grande route vers l’Afrique équatoriale. Les droits du peuple égyptien ont été sacrifiés à ces vues. Un congres international lui-même échouerait dans sa pacifique mission, s’il ne commençait par rendre justice au peuple égyptien.
- Dans la vie des nations comme dans celle des individus, une accumulation d’erreurs crée souvent des situations difficiles et inextricables au point
- u’elles rendent impossible le retour à la voie du
- roit et de la justice.
- L’état actuel des choses en Egypte en est un frap-
- pant exemple : Evacuer le Soudan conquis par Is-maïl-Pacha ; sauver d’une mort imminente 20,000 hommes dispersés dans les garnisons parmi les tribus du Soudan ; c’étaient la des sages résolutions et pour les exécuter Gordon n’hésita pas à risquer sa réputation et sa vie. Il apparaîtrait cependant que la tâche est impossible.
- It a été ordonné à Graham de remporter une nom velle victoire sur Osman-Digma. Cet ordre fut rér solument exécuté. A Tamanich tombèrent 4,000 Arabes, la plupart si vaillants, si ardents au combat, si désespérés dans la rencontre, qu’ils se précipitaient sur les pointes des baïonnettes préférant une mort immédiate à la défaite. Mais cet effroyable egorge-ment est demeuré sans résultat. Gordon est toujours à Khartoum, intrépide, seul contrepoids au pouvoir du Malidi, mais sans forqe pour eapéquter sa mission.
- Nous voici arrivés au point où l’action pacifique et délibérée excède les pouvoirs d’un seul État, ou il faut en appeler à l’action combinée de plusieurs Puissances.
- Le programme : « L'Egypte auûd Egyptiens » ne peut être réalisé que par la neutralisation de l’Egypte, du cqnal de Suez et de la mer Rouge, et l’ac-s tion de l’Europe seule peut donner un tel résultat.
- La fédération des peuples libres ; la création d’une juridiction internationale permanente; la neutralisation des grands cours d’eau, des détroits nature}# ou artificiels, de certains Etats et territoires, telles sont les idées qui, graduellement, s’imposent à l’esprit de tous ceux qui veulent voir la liberté, la jus-t tice et la paix remplacer l’oppreqsion, l’absolutisnie et la guerre.
- G. de W.
- ADHÉSIONS
- Aux principes de Désarmement européen et d’arbitrage international.
- Mesdames,
- Gailhabet Anna, 17, petite rueVolney « Angers.
- Monico Antoinette, comptable à Guelma Algérie. Bardou Zé.loide, impasse du Temple a Angers.
- Serens, née Monico, rentière a Guelma.
- Messieurs,
- Monico Jules, receveur à Guelma, Algérie.
- Monico Eugène, commis d’entreprise à Guelma.
- Monico Jean, employé aux Ponts-et Chaussées,à Guelma Buffet Victor, porteur de contraintes à Guelma. Schardt, père. propriétaire à Guelma.
- Schardt Frédéric, limonadier à Guelma.
- Puaud Pierre cuisinier a Guelma,
- Denz Félix, St-Jean-des-Vighes-les-Chalons-sur-Saône, Saône-et-Loire. ;
- Gailhabet Pierre, 17, petite rue Volney à Angers. Movat Louis a Guise.
- Bardoux 10 impasse du Temple à Angers,
- Çarette Raphaël, cordier, à Guise.
- Carpentier, propriétaire à Guise.
- Garric Etienne-Marcel, rue du Goq. 1-, Béziers. Guichard Pierre-Auguste-Louis, ingénieur, 31, rue de Flandre, Paris.
- Aoust Eugène maçpn à Vinon, Var.
- Seisson Honoré, employé à Vinon, Var.
- Grené Maxime, ouvrier bonnetier, rue de Marcelcave, 15, Villers Bretonneux, Somme-. Guillerault, Paul-François, ex-contrôleur des contri-
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- Châles, commune au Mazel, com-
- butions directes, conseiller municipal, rue de la Bouri-Blanche a Orléans.
- Coutadeur Alphonse, manufacturier, conseiller municipal, rue des Murlins, 2t a Orléans.
- Morgaut Edmond, 21, rue des Muri|ns à Orléans.
- Smyth James a Ivry-sur-Marne Seine-et-Marne. Galateaux Iledefonse, receveur en retraite, 36, rue Yincingétorix, Paris.
- Collenot Jean-Jacques, ancien notaire à Semur, Côte-d’Or.
- Granday Louis, propriétaire à, la Boussée d’Ayailh, par Anti-an, Vienne. •
- Malhomme Pierre, propriétaire à Bonh^rme?, Commune de Monlefc.
- Malhomme Charles, id. id. id.
- Malhomme François, id. id. id.
- Borie Antoine, id. id. id.
- Monatte Claude, id. id. id.
- Tissandier Jacques, id. id. id.
- Tissandier Pierre, id. id. id.
- Monatte François, id. id. id.
- Fouiilit Eugène, id. à Fronteix, id.
- Dioudonnat François, id. Id. id.
- Borie Raymond, id. aux Ignés, id,
- Valentin Alexis, charpentier à Pouzols, -id.
- Laurent Jean, coiffeur à Allègre.
- Boyer Louis, tonnelier id.
- Duffaut Hippolyte, ferblantier id.
- Monatte Jean, !v. id. id,
- Juliard André, proprétaire h Besse, commune d’Allègre. Dufour Pierré, id, . id, id.
- Dufour Jean, id. à Menteyre, id.
- Borie Jacques, id, id. id,
- Beaud Baptiste, id. id. id.
- Pontés Victoriq, id. id. id.
- Journet Félix, marchand, au Puy.
- Ranchoux Clément, propriétaire à de St Just. '
- Thomas Jean-Baptiste, cultivateur mune de St-Just.
- Dessimond Jean-Jouve, propriétaire à Leigousac, commune de St-Just.
- Déehaud Claude, propriétaire au Mouteil, commune de Chomelix.
- Blanc Ferdinand, propriétaire h IPeugnet, commune de St-Just.
- Agrain Pierre, cultivateur à Ghateauneuf d’Allègre. Johanny Jules, cordonnier à Allègre,
- Dans plusieurs localités les adhérents sont suffisamment nombreux pour pouvoir fonder des groupes locaux, car pour mener à bonne fin une entreprise aussi difficile, il ne suffit pas d’une adhésion platonique' les apiis de la paix doivent à la cause une action énergique et persévérante. Nous attendons impatiemment l’annonce de la formation de groupes décidés à persévérer et à appeler à eux les indifférents par des manifestations répétées. Notre journal publiera avec empressement les avis de formation et toutes choses intéressant la vie des groupes et de la Fédération française.
- Nous pouvons signaler à nos lecteurs d’heureux symptômes ; plusieurs journaux hebdomadaires, tous peux de la série dite dü parti ouvrier, le Citoyen d’Amiens, le travailleur de Marseille, le Pi olétariat dé Paris, etc.?publient régulièrementeri bonne place les manifestes et les appels des diverses sociétés parisiennes crées en yqe de la propagande de la paix. Ce mouvement ne peut que grandir, et certainement, avec le concours de la presse hebdomadaire, nous parviendrons à donner à notre propagande assez de vitalité pour qu elle prenne rang parmi les paéoccupations les plus sérieuses de l’opmian publique.
- Ladministration du DEVOIR envoie gratuitement des BuUetms d'adhésions aux amis de la paix désireux de s’associer à la propagande.
- NOUVELLES DU FAMILISTÈRE
- Le Conseil de gérance de l’association du Familistère a conféré le titre de sociétaire aux personnes dont la liste suit :
- Mme veuve Aliiot.
- MM. Régnier Jeau-Baptiste-Edouard. — Gervais, Louis-Napoléon. — Nicolas, Jules. — Louis, Edmond Ernest, — Bai!Iot, Virgile. — Lambert, Edmond.— Malderez, Eugène. • Hannequm, Auguste. — Flamant, Léonard. — Blanquin, Jules, r— Ma-caigne, Emile-Auguste. Leroy, Charles. — Venet, Isidore-Joseph. — Duchange, Victor-Adonis. — Ma-gnier, Eugène. — Duplaquet, Jules. — Vinchon, Am-bro’se. — Teliier, Griviler-Gabriel. —- Tùoret, Emile. —- Ribeaux, Jules. — Mériaux, Alphonse. — Holot, Claude-Charles, Grançon, Alexis-Louis dit Léopold. — Andrieux, Edouard. — Philip Numa.
- Le conseil a conféré le titre de participant aux personnes suivantes :
- Mme LemairerRabelle.
- MM. Berlemqnt, pepis-VLç,ior rr- Bugnicourt, Edmond. — DassonviUe, Jean-Baptiste. — Gardet, Jules-Victor — Maillet, Çlovis-Désîré. — Wartel, Joseph, rss Dorge, Joseph. — Dairnez, Cûpstant. — Degagny, Ffançois-Edouard. *=? Vachée, Joseph. — Dutois, A exandre. — Mabilotte, Alexis. —Wille-main, Désiré-Octave. — Vitasse Gilet. — Maire, Emile. — Drocourt, Léon. — Gaspard, Eugène. — Gamaehe, Adolphe. — Garbe, Julien. — Langlet, Adolphe. — Lebègue, Isidore Mareellin.—- Léguiller, Léon. — Warin, Louis-Armand. ,s- Locqueneux, Georges.
- M. Godin,usant de ses droits de fondateur a abrégé les délais d admission dans l’association peur les personnes suivan es :
- M.Bernardot François nommé associé et conseiller de gérance ; MM. Gabry Gustave et Donneaud Henri, nommés sociétaires ; M\f ^Sabathier Henri et Morisseau Auguste nommés participants.
- OFFîîil IP'ESMPXjOI
- La société du Familistère, Godin et Ç>i6, demande un homme jeune, intelligent, capable de seconder le Gérant dans ta direction industrielle, commerciale et coopérative de l’asspciatipn.
- L’industrie de la société consiste dans la fonderie et la fabrication d’appareih de chauffage et choses diverses d’amaublement eu fonte de fer.
- Belle position après preuves de capacité et de mérites suffisants.
- Adresser les demandes à 1-Administrateur-Gérant à Guise (Aisne).
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- SAINT-QUENTIN
- Société anonyme du Glaneur, Grand’Place, 33
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- SOCIÉTÉ DU FAMILISTÈRE DE GUISE
- DU TRAVAIL
- Dix 4 lÆsui 1SS4
- a o-~n3 -«asj&g
- SAMEDI 3 MAI à 8 heures 1 /2 du soir
- RETRAITE AUX FLAMBEAUX PAR LA SOCIÉTÉ PHILHARMONIQUE
- DIMANCHE 4 MAI à 3 h. du soir
- CÉRÉMONIE AU THÉÂTRE. — A 8 heures, RAL PURLIC, à grand Orchestre
- LUNDI 5 MAI à 9 heures du matin
- OUVERTURE DES JEUX. — A 8 heures du soir, BAL PUBLIC à grand Orchestre
- TIR A LA CARABINE
- A 9 heures du matin
- Commissaire, M. Lefèvre-Nouvellon
- Tl R A L'ARC
- A 9 heures du matin
- Commissaires, MM. Beauchène N. et Lamy.
- JETJ IDE BOULES
- A 9 heures 1/2 du matin
- , Commissaires, M. Légtjiller-Blondel
- JEXJ DE CARTES
- A 10 heures du matin
- Commissaire. M. Moyat
- JEU DE BILLARD
- A 11 heures du matin .
- Les Joueurs nommeront leur commissaire
- Jein. de Cairousel
- A 3 h. 1/2 du soir
- Commissaires, MM. Rousselle et Dirson A. ^
- JEU DE CAS SE-POTS
- A 4 h. 1/2 du soir i
- ‘-Commissaire, .‘. i..... . M. Doyen
- «TETT de CISEAUX
- A 5 heures du soir
- Commissaires, Mmes Liénard,Roger, Nicolas, Legrand D.
- ipîi rp n nniPTTPQ A 6 heui,es dn
- UliU l/Li tlLUllilu 1 llJU Commissaires, Mmes Liénard, Roger, Nicolas, Legrand D.
- UB AJL 3E®SJJES1LSCI à Grand Orchestre, à 8 heures du soir.
- JOURNÉE DU DIMANCHE. — ORGANISATION DE LA CÉRÉMONIE
- Réunion générale à 2 heures 1/4 dans la cour de l’aile gauche pour les Conseils d’administration, de l’Usine et du Familistère,, les bureaux des Comités, des Caisses, et les Associés .
- Les enfants des Ecoles,au Pouponnât ; la musique, au Casino, avec sa bannière ; les pompiers et les archers.
- A 2 heures 1/2, marche des groupes vers la cour centrale pour former le cortège ; lës pompiers prennent place au fond de la cour derrière les enfants, les Conseils au centre de la cour avec les Comités ; les Associés et les Employés et la musique devant le passage du Pouponnât.
- A 2 heures 3/4, défilé. Les sapeurs, les tambours et clairons, les pompiers, les enfants des Ecoles,,la musique, Monsieur Godin, les Conseils d’administration, les Comités et les Associés ; les pompiers et les archers feront la haie à la porte du théâtre pendant l’entrée du cortège et entreront au parterre, les pompiers par la porte de droite, les archers par la porte de gauche.
- Les Conseils d’administration du Familistère et de l’Usine, le bureau des Caisses de retraite, de prévoyance et de pharmacie et les associés prendront place sur l’estrade, la musique se placera au parterre derrière les enfants.
- Les habitants du Familistère, les employés et ouvriers de l’Usine prendront place aux galeries, les loges resteront réservées aux invités de M. Godin.
- CÉRÉMONIE AU THÉÂTRE A 3 HEURES DU SOIR
- Grande ouverture par la Société philharmonique. — Chœur des Enfants. —- Discours de M. Godin. — Morceau d’harmonie. — Petite distribution de récompenses aux enfants les plus méritants, morceau d’harmonie. — Proclama* tion des noms des travailleurs de l’Association à récompenser.
- Lorsque la cérémonie sera terminée, le cortège se reformera comme à l’arrivée, passera par le pavillon central et viendra se séparer dans la cour de l’aile droite.
- Tous leshahitants du Familistère ainsi que les employés et ouvriers de l’Usine sont invités à assister à la cérémonie.
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- 8e Année, Tome 8. ••• n° 296 "Le numéro hebdomadaire 20 e.
- Dimanche 11 lai 1884
- LE iMWCMü
- BUREAU
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- A GÜISE (Aisne)
- dtTSL
- Toutes les communications
- et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du FamiUsî.èrs
- par l’envoi, soit au'bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
- Union postale
- Un an. . . . 10 fr. &»
- Un an. . . . il fr. »»
- Six mois . Trois mois
- 6 !•» Autres pays
- 3 »» Un an ... 43 tr. 63
- ON S’ ABONNE A PARIS 5,r.Neuve-des-petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la
- Librairie dss sciences pr-ch r'^r q^ues.
- Stf»]MÜ*«AA.ïS:WLæ2
- Discours de M. Godin. — Fête du travail. — Projet de conférence. — Ecoles industrielles. —Préceptes et aphorismes. — Faits politiques et sociaux. — Etats-Unis d’Europe. — Progrès et pauvreté. — Loi sur les syndicats. — Correspondance d’Angleterre. — Santé publique. — Propagande de la paix et adhésions. — Rose Girard. — Petite correspondance. — Offre d’emploi. — Astronomie de Flammarion. — La Philosophie de l’avenir.
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, Vadministration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir livrera franco aux abonnés des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la librairie du Familistère.
- NUMÉRO EXCEPTIONNEL
- La Librairie du Familistère a mis en vente un numéro exceptionnel du Devoir, donnant l’analyse des institutions du Familistère, de leur situation et des services rendus par elle, avec les vues du Familistère et de ses dépendances ; Vue générale du Familistère. (Palais social, Usine et annexes), Vue extérieure de la-Nourricerie et du Pouponnât ; Vue intérieure de la Nourricerie ; les Ecoles et le Théâtre ; l'aspect d’une cour du Familistère un jour de fête.
- Prix franco :
- Un exemplaire 40 centimes.
- Dix exemplaires 2 fr. 50.
- DISCOURS DE M. GODIN
- à la fête du travail, le 4 mai 1884.
- Amis et chers collaborateurs,
- La fête du travail tombe cette année le jour d’élection générale des conseils municipaux en France, je crois devoir profiter de cette circonstance pour vous signaler les rapports qui existent entre ces deux choses si différentes en apparence.
- • Elles sont toutes deux un signe du progrès des temps où nous vivons, et de ce que la République fait insensiblement en faveur des travailleurs.
- En effet, si l’on se reporte au temps passé, bien loin de voir le travail fêté et glorifié, on voit qu’il était avili, méprisé, relégué au rang des fonctions serviles.
- Et bien loin de voir les travailleurs désigner, comme aujourd’hui, par le vote, les citoyens qu’ils jugent dignes de gouverner la chose publique, on voit qu’ils étaient esclaves, qu’ils étaient la chose, la propriété de maîtres absolus ayant sur eux droit de vie et de mort.
- Les temps sont donc bien changés ; malgré cela, l’avenir nous réserve encore bien des changements à faire. Car si le travail libre et les élections ont ouvert, dans l’humanité, une nouvelle période, les nations sont encore loin d’avoir réalisé tous les bienfaits que cette évolution comporte.
- Des progrès sont à réaliser, même là où le devoir les imposait le plus rigoureusement. La grève d’Anzin vient une nouvelle fois de le mettre en évidence.
- Ne voyons-nous pas la plus riche et la plus consi-
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- dérable des Compagnies houillères de France abandonner ses ouvriers sans ressources, dès qu’ils sont trop vieux pour qu’elle puisse exploiter leur travail.
- Le travail est libre, mais le travailleur manque de garanties ; la richesse créée par le travail n’assure pas encore le lendemain de ' la famille du travailleur.
- L’employeur ne peut plus disposer de la personne même des gens qu’il emploie, mais il dispose de la terre et des outils sans lesquels l’ouvrier ne peut travailler. I
- Il n’a donc pas suffi de faire l’homme libre, il faut maintenant organiser le travail, de façon à associer l’ouvrier aux bénéfices et à faire que la production donne les garanties nécessaires à l’existence humaine.
- Dans cette voie, mes amis, nous offrons un salutaire exemple : l’Association du Familistère laisse à l’ouvrier le produit intégral de son travail, et elle organise les travaux de façofi â ce que tous les services soient constatés, reconnus et appelés, proportionnellement à leur importance, à prendre part aux bénéfices,
- Nous avons fait plus, nous avons mis la famille à l’abri du besoin, en lui assurant le nécessaire à la subsistance et en donnant à la vieillesse toutes les sécurités qui lui sont dues.
- Malheureusement, il n’en est pas encore ainsi partout le monde civilisé. Les grèves qui surgissent de toutes parts en sont la preuve. Si l’esclavage et la servitude ont cessé entre les individus, ils n’ont, point cessé entre les intérêts. Il est indubitable que les intérêts du travail ou de l’ouvrier sont sous la domination des intérêts du capital et de la richessè immobilière ;
- L’antagonisme des intérêts existe partout. La lutte est permanente en industrie entre les travailleurs et les exploitants ; et jusqu’ici, le sentiment de la solidarité n’a guère eu d’accès dans la production industrielle ni agricole.
- ,r II n’en est plus ainsi parmi nous : L’association du capital et du travail a réalisé, ici, avant toute autre chose, la mutualité pour l’existence et, ensuite, la participation de l’ouvrier aux bénéfices supplémentaires, en proportion de son travail. Aussi plus de grèves possibles entre le travailleur et le patron, puisque vous êtes vos patrons à vous-mêmes, et que les bénéfices de la Société sont vos bénéfices, dans la proportion des concours de chacun de vous.
- L’avenir vous est assuré et garanti, autant comme il est possible dans une nation qui aurait besoin de
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- généraliser ce qui existe parmi vous, afin de mettre tous les citoyens à l’abri de ces crises redoutables qui, malgré la situation prospère et heureuse où nous sommes, peuvent nous atteindre, nous comme tous les autres.
- Quel heureux évènement pourra faire entrer la société moderne dans une voie telle que ces crises soient évitées ?
- Ce sera le bon exercice du droit et des devoirs politiques des citoyens. C’èst pourquoi j’ai eu raison de vous dire qu’il y a un lien très-intime entre la la fête de l’organisation du travail que nous célébrons et l’exercice du suffrage auquel la France se livre aujourd’hui. Le suffrage est, en effet, un commencement d’émancipation politique des classes ouvrières, mais dans l’ordre politique cette émancipation n’est pas plus complète que la liberté du travail n’est réelle dans l’ordre social ; à l’une comme à l’autre des compléments nécessaires sont à apporter.
- Le droit de vote ne suffît pas, en effet, pour donner l’égalité des droits politiques à tous les citoyens. Le travailleur, l’ouvrier qui a besoin de son salaire pour nourrir sa famille, peut-il raisonnablement songer à se porter candidat aux fonctions publiques qu’on a eu soin, jusqu’ici, de laisser gratuites, afin que la classe aisée, seule, pùt y avoir accès ?
- Il n’y a pourtant rien d’aussi mal rempli que les fonctions gratuites ; mais telle est la puissance de la tradition que nous avons conservé les habitudes aristocratiques de la féodalité. Les seigneurs d autrefois se réservaient toute Fautoritë publique; le paysan attaché à la glèbe ne pouvait songer à aucune autre fonction. Eh bien, si aujourd’huiona rendu le droit de vote aux classes laborieuses, on s’est bien donné de garde de leur faciliter l’accès aux fonctions publiques. Non-seulement, il faut, pour occuper ces fonctions, que l’ouvrier y consacre, au prix de grands sacrifices, un temps destiné au travail ; mais encore il y a ce côté plus dangereux que, dans beaucoup de communes et d’industries, il risque de perdre sa clientèle aristocratique s’il est artisan, ou son emploi s’il travaillé pour quelque chef d’industrie ne tolérant pas que son personnel prenne part aux fonctions publiques républicaines. Car il ne faut pas se dissimuler que, généralement, les artisans et ouvriers qui aspirent aux fonctions de conseilers municipaux, par exemple, sont presque toujours des républicains auxquels on ne pardonne pas, ensuite, d’avoir pris les places ambitionnées par les détenteurs de la richesse.
- On le voit, un progrès considérable est encore à accomplir dans nos mœurs, avant que l’émancipa-
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- tion poliiique des masses laborieuses soit effective. La prudence autant que le devoir conseillent aux classes dirigeantes de hâter ce progrès, car le droit et la justice sont du côté du grand nombre, de ceux qui attendent avec longanimité de la part des clas ses dirigeantes ce qu’ils pourraient un jour exiger d'elles •
- Au point de vue social, le travail n’est pas libre.
- Au point de vue politique, les élections ne sont pas libres.
- D’un côté comme de l’autre, aucune disposition équitable et rationnelle n’a été prise pour donner aux masses laborieuses les garanties nécessaires.
- Comment, par exemple, se fait l’élection des sénateurs ? A-t-on organisé les choses de façon à ce qu’il soit possible à un digne ouvrier d’aller au Sénat ? Non ! tant s’en faut ! Les mesures sont prises pour rendre l’accès aux fonctions de sénateur à peu près impossible aux hommes du peuple.
- D’abord, il faut être membre du Conseil municipal pour avoir droit d’élire, non pas les sénateurs, mais l’électeur qui devra se rendre au chef-lieu du département pour élire à son tour les sénateurs.
- Nous venons de voir combien il est déjà difficile à l’artisan et à l’ouvrier d’aborder le conseil municipal ; le travailleur est donc compté à peu près pour rien dans l’élection du Sénat. On a ressuscité pour cette élection les coutumes qui remontent aux temps féodaux, bien avant la Révolution française. On peut voir par ce seul fait, se rattachant à l’un des grands corps de l’Etat, combien nous sommes encore loin de l’esprit démocratique qui devrait animer la République.
- Pourquoi en est-il encore ainsi ?
- C’est un peu la faute à tout le monde ; aux classes dirigeantes d’abord, parce qu’elles se laissent guider par l’égoïsme d’une cupidité et d’une ambition outrées ;
- Aux classes laborieuses, ensuite, parce qu’elles ne cherchent pas assez de leur côté à bien connaître les véritables conditions de leur émancipation, les mesures réellement pratiques et les moyens efficaces pur lesquels tous les intérêts pourraient être sauvegardés, sans spoliation ni violence. .
- Ces moyens, mes amis, en ce qui est des réformes sociales, nous les prêchons d’exemple ici. Propager | idée d’association du capital et du travail, organiser a mutualité contre la misère, comme nous l’avons ai_A mais en lui donnant un caractère national, ^ oilà ce qu’il faut faire en première ligne. Pour cela, | faut appeler la richesse à restituer à l’Etat, après e décès de chacun de nous, la part des biens dus au
- travail même de tous ceux qui nous ont aidés durant notre vie.
- En ce qui est des réformes polftiques, il faut nous attacher à réclamer la réforme électorale qui donnera à chaque citoyen la liberté de vote pour l’élection des députés, des sénateurs, des conseillers généraux, comme nous l’avons pour l’élection des conseillers municipaux.
- Il faut que l’électeur, pour nommer les sénateurs et les députés, choisissent librement ses candidats où bon lui semble, qu’aucun candidat ne puisse s’imposer à lui, que son vote soit reeencé et compté au bénéfice de celui pour qui il a été émis.
- On arrivera à ce résultat en votant p>ar bulletin de liste nationale pour l’éleclion des députés et des sénateurs. La liberté électorale ne sera réelle que le jour où l’on établira et généralisera le scrutin de liste, le plus large possible, pour tous les corps élus.
- Je suis tellement convaincu que ce point spécial doit être la base de la révision de la constitution française actuelle, que je vais publier à ce propos, une brochure sous la forme d’un numéro exceptionnel du « Devoir ». Oette brochure sera envoyée à tous les sénateurs et à tous les députés, pour leur exposer la valeur des conséquences politiques et sociales qui résulteraient d’une modification dans le système d’élection des corps législatifs.
- Tout cela nous démontre, mes amis, comment l’action des petits agit sur les grands, et comment, si les ouvriers étaient plus soucieux des études sociales et politiques, ils seraient vite en mesure d’agir sur les grands corps de l’Etat, non par la violence, mais par des raisons convaincantes, afin d’obliger ceux-ci à décider les réformes nécessaires à la sécurité du travail et des travailleurs.
- En attendant qu’il en soit ainsi, célébrons et glorifions le travail.
- FÊTE DU TRAVAIL
- Les fêtes du Familistère, comme tout ce qui se rattache à la vie de cette association de travailleurs, impressionnent profondément par la bonne harmonie de ceux qui y participent et surtout par d’heureuses dispositions laissant une large part aux plaisirs du cœur et de l’esprit en même temps qu’elles procurent des plaisirs matériels nombreux, dépassant souventendiversité que ceux descommur es,ayant cinq ou six fois plus de population peuvent, à peine mettre une fois par an, à la portée de leurs habitants.
- Au Familistère, ce n’est pas comme dans les corn-
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- mimes ordinaires un plus ou moins grand nombre de familles se réjouissant isolément, c’est une grande famille assez puissamment organisée pour ajouter aux joies du foyer les grandeurs des manifestations collectives.
- En même temps, ces fêtes étonnent par leur caractère de réorganisation sociale. Elles sont véritablement le prélude des magnifiques démonstrations populaires entrevues par le grand Fourrier.
- La fête du travail, celle que l’on célébré chaque premier dimanche du mois de mai, son nom l’indique, est une glorification de ce fécond créateur d’où sort la richesse qui permet la liberté.
- Quelle rupture, elle marque, avec le passé et le présent, où les plus avancés ont remplacé les fêtes inspirées de la vie des saints par d’autres célébrant le souvenir de certains grands hommes dont l’histoire impartiale enregistrera de nombreux méfaits.
- N’est il pas rationnel, n’est-il pas humain d’habituer les hommes au cuite du travail ? N’est-ce pas là un Dieu, dont personne ne peut contester la puissance ? Un Dieu qui, sur un signe de l’homme, va tirer des entrailles de la terre les minerais, les charbons, qui, sur un autre signe, les triture, les manipule, les conforme selon les besoins de la vie humaine ! Un Dieu qui vaincra la misère, et nous donnera bientôt une abondance dépassant les prévisions les plus audacieuses, pourvu que les hommes le débarrassent des chaînes de leur ignorance, dont ils l’accablent depuis si longtemps.
- Pendant combien de siècles l’ignorance des masses a-t-elle permis aux rois et aux prêtres de condamner le travail à transformer en agents meutriers les matières qu'il voulait brasser pour en faire des objets, destinés à développer l’essor de la vie humaine 1 Aujourd’hui, dès que l’on a franchi les limites du Familistère, partout on trouve le travail encore asservi au capital. Ce dernier tyran, dont le prestige diminue, est encore assez puissant pour limiter les effet du travail et pour continuer à lui imposer la production des engins meurtriers.
- Mais la Fête du Travail indique le commencement de l’émancipation réelle de cet auxiliaire de la vie. Lorsqu'on en aura généralisé la pratique, lorsque chaque année, les classes laborieuses se donneront la peine de consacrer, à la même époque, quelques heures do recueillement en l’honneur du travail, il il s’établira tout à coup un de ces grands courants d’opinion qui font date dans la vie de l’humanité, et le travail sera devenu libre, parce que chacun aura compris la nécessité de le soustraire à l’oppression capitaliste.
- Point de liberté pour l’homme sans la liberté du travail.
- Le travail soumis aux prêtres, aux rois, aux capitalistes fait l’homme esclave des uns et des autres. Lorsque les trois se partagent cette souverai-neté, l’homme subit trois despotismes.
- Le travail sera libéré des servitudes royales, lorsque chaque homme aura déclaré voaloir être son propre roi, en proclamant la République ; il sera hors des atteintes des corruptions religieuses, lorsque chaque citoyen,devenu son propre prêtre,n’aura d’autre religion que le culte de la vie ; enfin il jouira de la plénitude de sa liberté, si les travailleurs savent être eux-mêmes leurs capitalistes, en substituant au salariat le régime de l’association.
- Les sociétés civilisées ont plus ou moins avancé dans l’une ou l’autre de ces étapes ; mais aucune n’en a poursuivi une seule aussi loin que la moins avancée dans l’association da Familistère: L’idée républicaine y est unanimement proclamée; il n’y a pas d’Eglise ; chacun y jouit des bienfaits de l’association.
- La Fête du Travail, telle qu’elle est comprise et pratiquée dans notre association, a une grande portée philosophique. Cette seule institution, dans un milieu moins corrompu, aurait dû suffire pour imposer son fondateur à l’attention publique ; mais lorsqu’elle est une partie d’un tout aussi puissamment organisé que le Familistère, on ne peut s’expliquer l’indifférence générale à l’égard de cette magnifique fondation, sans supposer que le niveau intellectuel n’est pas suffisamment développé pour saisir un tout aussi grand, aussi magnifique.
- Mais cette unité sociale existe ; elle s’affirme davantage à chacune de ses nouvelles manifestations. Celle du 4 mai a été imposante, et l’impression générale do la population du Familistère peut se résumer en ces quelques mots.
- Gloire au Travail ! Honneur à son vaillant serviteur, au novateur qui a créé l’association du Familistère !
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- Dès samedi les fenêtres du Familistère étaient garnies de drapeaux aux couleurs nationales; de hauts poteaux,disposés sur la grande place, supportaient des trophées au-dessus des tentes des nombreuses baraques des industriels ordinaires des fêtes publiques.
- Des guirlandes en papier de couleur, mêlées de verdure, couraient le long des balcons de la grande cour, encadrant des trophées de drapeaux, dresses autour d’écussons et de devises en l’honneur du travail ; à l’une des extrémités de la cour, était placée»
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- à la hauteur du premier balcon, une allégorie représentant l’Industrie, au-dessous s’élevait une vaste estrade enguirlandée de verdure.
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- La retraite aux flambeaux organisée par la société musicale de l’association est bravement sortie des cours du Familistère, malgré une pluie battante, pour aller exécuter la Marseillaise et le Chant du Départ devant la statue de Camille Desmoulins, placée depuis quelques jours sur la principale avenue de Guise.
- Cette démonstration spontanée, qui aura précédé l’inauguration officielle, aura donné à ce monument son véritable caractère.
- La statue de Camille Desmôulins est main'enant inaugurée ; elle a été sacrée par des travailleurs prêts à fêter le Travail. Celui qui sentit si vivement les inspirations de la Liberté, pendant la grande épopée sociale, ne pouvait attendre de la postérité un hommage plus digne de sa mémoire.
- Le grand citoyen qui, communiqua aa peuple le souille de 89 qui effaça la Bastille, méritait-d’être salué d’abord par l’association, naissant après un siècle de gestation, du choc formidable de la Révolution française.
- Maintenant les fonctionnaires chamarrés, les envoyés ministériels peuvent entreprendre la cérémonie officielle, le monde nouveau, l’association, a
- salué la statue de Camille Desmoulin.
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- Dimanche, après deux heures, commençait le défilé vers le théâtre où devait avoir lieu la cérémonie en l'honneur du Travail.
- Les pompiers, bannière déployée, ouvraient le cortège ; ils étaient suivis par les enfants des écoles ; la musique précédait les conseils et les comités du Familistère, puis venaient les employés et les autres membres de l’association.
- Au théâtre, les conseils et les comités occupaient la scène toute entière ; au parterre, les musiciens sur deux rangs, formaient un fer à cheval autour des écoliers groupés par classes; les galeries avaient peine à contenir le nombreux public.
- Comme nous aurions voulu savoir ce spectacle contemplé par les détracteurs des socialistes, ceux-là qui ne cessent de nous jeter à la face les sots arguments imaginés pour combattre un communisme msensé.qui n’a jamais existé ailleurs que dans leurs cervelles trop étroites pour apprécier les bienfaits du socialisme.
- Que pourraient-ils dire s’ils avaient vu nos enfants joyenx, et leur joie relevée par la variété du costume et les apparences d'un bien être réel et géné-
- ral? Chez les socialistes on ne se laisse pas aller à ces sottes pratiques du communisme communautaire, qui envahissent nos classes dirigeantes. Les socialistes ont trop le sentiment des conditions de la vie, pour ne pas laisser aux parents le soin de comprendre et de chercher la manière d’assortir le costume de leurs enfants suivant la constitution et la physionomie ; ils ont trop le respect de la créature humaine, pour l’atrophier et la dégrader pendant l’enfance par l’uniformité du vêtement; ils savent parer l’enfant suivant les lois de l’harmonie.
- Ce n’est pas eux qui imposeront un costume qui enlaidit les uns, fausse la constitution des autres.
- Il faut avoir perdu toute notion rationnelle, en ce qui concerne l’enfance, pour affubler d’un même costume ces mignonnes fillettes brunes ou blondes, au teint mat ou bien aux joues rosées.
- La famille en cela est le juge naturel.
- Au Familistère, en socialisme, la spéculation et la bêtise n’usurpent jamais des fonctions sacrées.
- A côté de ces enfants qui font la même niche avec mille nuances, qui rient, pour un même rien, chacun à leur façon, auxquels la vie a donné tant de particularités distinctes, nous aurions voulu voir les pensionnaires d’une caserne scolaire des classes dirigeantes, où tous les enfants sont bridés, guindés, sous l’uniforme blanc, jaune ou rouge, suivant que les parents professent le culte de la Vierge mère de sept enfants, de St-Joseph ou du Jacobinisme poli-
- que.
- Les mignonnes tètes, qui émergeaient au milieu de ces petites toilettes aux couleurs variées, étaient certainement le plus bel ornement de fêle.
- Le discours de M. G-odin, que nous avons donné en tète de ce numéro, a été fréquemment interrompus par d’unanimes applaudissements.
- Les récompenses accordées aux travailleurs de l’usine, la remise des prix aux écoliers ont été sanctionnées par les bravos de tous.
- Voici la liste des lauréats de la Fête du Travail:
- Pour l’initiative, les propositions et innovations utiles dans le travail :
- Poulet-Mortier 700 fr.
- Maréchal Florent 500
- Duval Alfred 500
- Hennequin Joseph 500
- Gras Prosper 500
- Quent Léon 300
- Bourdanchon Félix 50
- Basse François 50
- Beaurain Edmond . . . . . 20
- Albert Louis 20
- Gauchet Ernest. ...... 20
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- Léguiller Blondel 20
- Chanoine Jules, fils 20
- Fleury Paul 10
- Laporte Louis . 10
- Jumeau Eugène 10
- Aux apprentis pour leur bonne conduite, progrès et la bonne exécution dans le travail leurs
- Ténière Ernest 25
- Laporte Emile . 25
- Hennequin Hippolyte 25
- Varlet Emile 25
- Sarrazin Ernest. . . . . 20
- Delzard Camille 20
- Bredouillard Uriale 15
- Hennequin Victor 15
- Zéphir Proix a été récompensé de son assiduité aux cours d’adultes par un beau volume offert par M. Barbary, professeur de physique.
- Les chœurs des écoliers, les morceaux de musique entendus à divers moments de la cérémonie ont témoigné des heureuses aptitudes des exécutants et des capacités des directeurs, Messieurs Bailly et Poulain.
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- Au sortir du Théâtre, le cortège s’est reformé et l’on est venu se masser dans la cour de l’aile gauche où la musique à joué le Chant du Départ.
- Pendant cette partie de la fête, mieux qu’à aucun autre moment, on pouvait apprécier les avantages de l’habitation unitaire en ces circonstances.
- Tandis que les conseils, les comités et les sociétés diverses occupaient la cour, les curieux, Familisté-riens, Guisards et Etrangers, au nombre de 2.000, se trouvaient dans les larges balcons entourant chaque étage comme des galeries que l’on aurait supposé placées exprès pour recevoir des spectateurs.
- Ces mêmes avantages ont permis aux parents et aux visiteurs de suivre à l’aise les amusements de la jeunesse dans les bals des soirées de dimanche et de lundi ; il n’y avait pas moins de 1200 danseurs. Encore, comme il était agréable d’assister aux jeux dont nous avons donné le programme dans notre précédent numéro ; chacun pouvait en saisir les moindres détails ; et le plaisir était augmenté par la joie de voir rire toute une population étagée dans les
- quatre cents mètres de galeries de la cour centrale.
- Tout cela était complété par une fête foraine, où l’on trouvait la magicienne promettant aux jeunes de délicieuses amours; aux autres de longues années, puis venaient les montreurs d’ours, la femme sauvage, le lapin courageux, les tirs, les loteries, le
- cirque et la grande attraction, deux manèges de chevaux «le bois ; ils n’ont pas chômé un instant ces infatigables et économiques coursiers que les picards appellent des gayots. Pourquoi? Une récompense honnête est promise à l’étymologiste qui trouvera ?
- ♦ ♦
- Nous devons une mention particulière à la visite des écoliers de la commune de Lesquelles. Ils ont voulu, sous la conduite de leur excellent maître, rendre une visite fraternelle à leurs jeunes camarades du Familistère.
- Avant leur départ, nos jeunes visiteurs, armés de fusils scolaires, se sont rangés en compagnie ; ils ont exécutés quelques mouvements avec une parfaite précision au milieu des acclamations par des jeunes Familistériens,nés dans la nouvelle commune où l’on enseigne que la science de la vie.
- Neutralisation de l’ÂIsace-Lorraine
- Nous apprenons par divers journaux que le comité central de la JLHg'ix© de la Paix vient de voter la mise à l’ordre du jour du congrès de Berne, la 1%’eutralisation de l’Al^ace-l^orraine.
- Parmi les 25 membres présents, 12 se sont prononcés pour, 6 contre, les autres se sont abstenus.
- Nous pensons qu’il serait opportun d’envoyer à tous les journaux amis de la paix, les procès-verbaux de séances du comi é central. Il serait aussi rationnel de voter les résolutions importantes au scrutin public, car les groupes de la province, désireux de se faire représenter au sein du comité central, pourraient alors choisir avec discernement leurs mandataires.
- Projet de conférence internationale à Berne
- POUR LA SUBSTITUTION DE L’ARBITRAGE A LA GUERRE
- Monsieur le Rédacteur du « Devoir ».
- A la conférence internationale tenue à Bruxelles en octobre 1882, une commission internationale fut instituée en vue d’arrêter les mesures à prendre pour une nouvelle conférence ; le comité anglais fut spécialement chargé de convoquer au besoin cette commission.
- Celle-ci s’est réunie dernièrement à Paris, et, d’accord avec le comité anglais, elle a pris la résolution suivante : La prochaine conférence internationale sera tenue à Berne dans la seconde semaine d’août prochain ; elle ouvrira le lundi 4 du dit mois. Les cinq jours suivants seront consacrés à la discussion des questions indiquées ci-dessous.
- L’avant-midi de chaque jour sera consacrée aux travaux des Comités spéciaux ; et l'après-midi, à la
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- discussion publique. Voici les questions à examiner : j
- 1. Arbitrage international.
- 2. Neutralisation des canaux océaniques.
- 3. Tribunaux internationaux.
- 4. Désarmement international.
- Une circulaire sera envoyée aux hommes éminents d’Europe et d'Amérique, les invitant à proposer des discours et a prendre part à la conférence.
- Le grand intérêt manifesté pour ces questions à la conférence de Bruxelles et la correspondance engagée depuis dans toutes les parties de l’Europe nous font espérer un grand succès pour la conférence projetée.
- Nous avons reçu l’assurance d’un cordial accueil de la part du conseil fédéral de la République Helvétique, en réponse à la lettre adressée par nous au président Welti.
- En conséquence, nous invitons toutes les personnes désireuses de participer 4 la conférences ou de prononcer des discours, à bien vouloir se mettre en relation avec nous.
- Les souscriptions pour le fonds spécial des frais de la conférence seront accueillies avec reconnaissance.
- Tout à vous
- Hodgsop Pratt, président,
- C. G. Macrac, vice-président,
- Georges Buchanan, secrétaire,
- William Phillips, secrétaire honoraire,
- Lewis Appleton, sectétaire,
- Le siège de l’International arbitration and peaee association est : 38 Parliament Street.
- 5. W. London, Angleterre.
- LES ÉCOLES INDUSTRIELLES
- Nous lisons dans « II Tempo » de Venise.
- « Il y a quelq ues années l’industrie de la soie baissait en Prusse d’une façon si régulière que sa ruine semblait certaine.
- La ville de Crefeld, centre delà fabrication des soieries allemandes, souffrait particulier- ment de cet état de choses. Les causes de la crise tenaient à la plus grande perfection, teqhqiqqe des soies étrangères, fabriquées plus économiquement et brodées de dessins de meilleur goût.
- Pour vaincre la concurrence dans les étoffes ouvrées, les satins et les velours, il fallait substituer à l’empirisme des vielles fabriques allemandes, tout l’art dont brillaient les fabriques rivales de France, d Angleterre et de Suisse.
- Dqps ce but, quelques industriels de Crefeld fondèrent dans leur ville une école de tissus modèles. Cette école atteignit en peu d’années des proportions considérable et se? résultats furent tels qu’efl^ transforma complètement le sort de riridustrie de la sole dans le pays. ’
- Aujourd’hui, Crefeld bat Lyon même sur les marchés de New-York.
- Les chefs d’industrie, toujours plus convaincus des mérites de l’école de Crefeld, viennent de l’amener à un tel point de perfection qu’elle constitue la plus importante école professionnelle de Prusse.
- L’inauguration en a été faite par le Ministre du commerce avec toute la solennité digne de la circonstance.
- Cette nouvelle école possède de vastes locaux éclairés au gaz et à l’électricité, de grandes machines à vapeur, des chaudières, des moteurs à gaz de la force de 15 chevaux Elle a un musée pourvu de magnifiques collections de dessins, de modèles en plâtre et des matières premières textiles.
- Dans ses laboratoires sont des métiers et des machines pour toutes les espèces de soies oude mélanges de soies....
- L'enseignement industriel porte ^péeiqleipqpt sqr le dessin, la fabrication des tissus, la physique, la chimie organique et inorganique, la teinture et la mécanique dans toutes $£3 applications aux arts et à l’industrie,
- Le personnel enseignant est recruté parmi les personnes qui, à U culture scientifique, joignent la parfaite connaissance du travail pratique des grandes opérations industrielles.
- Les frais d établissement de la nquvelle éoole professionnelle de Crefeld ont été couverts par des allocations du gouvernement et de la ville et par les industriels les plus intéressés.
- Les dépenses annuelles sont moitié à la charge du gouvernement, moitié à celle de la ville et de la chambre de commerce.
- Cette école qui, à l’origine, comptait seulement 7 élèves en a 170 aujourd’hui.
- Elle sera prochainement élevée par le gouvernement au rang d’Ecole d’Etat et deviendra école nationale par excellence comme l’a U£ppiméi§ jniffistrf du commerce, le jour de l’inauguration.
- Ainsi est apprécié par le gouvernement allemand l’enseignement technique.
- En est-il de même en Italie ?
- Un généreux et illustre citoyen de Yieence, le sénateur Alexandre Rossi, a doté la ville d’une école industrielle modèle qui n’a rien à envier aux plus célèbres institutions étrangères analogues. Lqs é|è* ves y affluent dé tous les points de l’Italie, y compris la Sicile et la Sardaigne.
- Une telle école qui coûte au fondateur environ un demi-million, arrive à sa septième année d’existence et à donné de tels résultats qu’on la peut hautement, proclamer comme ayant bien mérité de l’industrie nationale.
- Son avenir est assuré par la générosité des industriels prévoyants, les contributions annuelles de 1$ province, des communes et du gouvernement ; il ?}{£ rait néanmoins urgent d’en agir envers elle au nom de l’intérêt du pays comme le gouvernement aile-* mand le fait envers l’école de Crefeld.
- L’école de Vicence qui réunit dans pe§ magnifique? locaux ce qu’pnt de mieux les épolps dp Cbâlops, Aix, Angers, les Meehanic Instituas de l'Angleterre, l’école de Bradfayd et autres institutions analogues de Belgique et de Suisse, cette éoole de Yicenoe qui n’a point de pareille en Italie, devrait être considérée corame type par excellence de l’école professiou-.. pelle, et passer comme telle squs {U
- i qu’il en a fte d» def éopifs a*
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- LE DEVOIR
- métiers, et qu’il en va être en Allemagne de l’Ecole de Crefeld. .
- Eu agissant de cette façon, le gouvernement italien rendrait un grand service au pays et à , l’industrie nationale. Dans ces sortes d’écoles se préparent les plus précieux capitaines du travail, les milices ouvrières fortes et bien dressées qui rendront à l’Italie sa suprématie économique et industrielle, multiplieront sa prodution, étendront son commerce, lui donneront enfin cette régénération économique, dans laquelle seule notre pays peut trouver une prospérité et une grandeur réelles et durables. »
- Ces tendances étrangères nous montrent ce que la France a besoin de faire, de son côté, pour ne point se laisser dépasser.
- APHORISMES & PRECEPTES SOCIAUX
- XXXVIII
- Les fonctions publique» rétribuée»
- la moralité publique, la justice et le droit exigent que toutes les fonctions délivrées par Vêlection soient rénumérées. Il est contraire aux principes de l’honnêteté républicaine que les plus dignes et les plus capables parmi les citoyens appelés par Célection a servir hntérêt public, soient obligés pour remplir le devoir que le pays leur a confié de dépenser leur temps et leur argent sans compensation. Cette iniquité sociale est effacée pour les Chambres, il faut que le législateur la fasse disparaître dans tous les conseils de la République.
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- Elections Municipales «lu 4 mai. —
- Les élections ont eu un caractère nettement républicain. Elles prouvent un grand progrès accompli dans l’éducation politique du pays. Faites à une époque de véritable embarras économique, aucun centre électoral n’a commis la faute, comme cela arrivait toujours dans le passé, de les considérer comme une occasion de mettre en accusation le régime politique, en le rendant responsable de perturbations indépenaantes de son action. C’est beaucoup que le peuple ait renoncé à une erreur grossière, en dégageant le système gouvernemental des fautes qui ne sont pas les siennes.
- Maintenant que sera disparue cette tendance à toujours accuser le système politique des difficultés de la vie nationale, on cherchera à trouver un autre respon-sable ; et, dans cette voie, on arrivera bien vite à j reconnaître le véritable coupable, Ja nation entière, j souffrant dans son ensemble de l'ignorance, en matière économique, de chacun de ses membres; puis, nous verrons mettre au compte de l’ordre social, lui-même, j ce que l’on était habitué à considérer comme l’effet d’une mauvaise organisation politique.
- Les résultats précis, connus jusqu’à présent, ne sont pas assez généraux pour pouvoir aonner une statistique convenable du mouvement électoral. Nous signalerons seulement que les votes parisiens dénotent une forte poussée socialiste.
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- * *
- Hmaneipation de» femmes. — Le journal la Citoyenne proteste avec raison, à l’occasion des élec-
- tions municipales, contre le despotisme des hommes qui refusent aux femmes le droit de vote. Nous enregistrons à titré de document la protestation de notre confrère, dont nous approuvons le fond, sans enaccepter les termes :
- « L’attentat au principe d’égalité est, sur tout le territoire de la République, encore une fois consommé !
- « Dans les trente-six mille communes de France, tout ce qu’il y a de clique et de bêtise masculine a pu élire les conseillers municipaux, alors que les femmes intelligentes, vertueuses, instruites ont été trouvées indignes de participer à l’élection de ces fonctionnaires.
- « L’apprenti menuisier qui s’est arrêté six mois dans une commune, en faisant son tour de France, a pu voter dans cette commune, alors que la grande commerçante établie depuis trente ans dans le pays a été repoussée de la salle de vote.
- « Le garçon d’écurie et le valet de pied ont pu voter, alors que la propriétaire qui a ces gens à son service n’a pas été trouvée digne de déposer un bulletin dans l’urne.
- « Le souteneur et le débauché ont pu voter, alors que la femme chef de famille n’a pas été admise à cet honneur.
- « Il est au moins bizarre que la femme, qui a tant d’intérêts à sauvegarder dans la commune, ne puisse nommer les fonctionnaires de la commmune. »
- L’apprenti menuisier et le garçon d’écurie n*ont pas à s’humilier devant la grande propriétaire ; certainement ils ne sont pas les causes dominantes de l'infériorisation politique de la femme ; les femmes, elles-mêmes sont peut-être les plus coupables. L’ouvrier menuisier et le valet d’écurie n’ont pas moins besoin que la plupart des femmes d’être émancipés des servitudes de l’ignorance, de la misère, et de la spéculation. Quant aux grandes commerçantes, leur fortune leur procure une liberté plus grande que celle permise aux manœuvres du sexe fort ; et plus d’une ne vaut pas mieux que l'homme le plus misérable. Les opprimées, qui cherchent la liberté en dehors de l’union des honnêtes gens et de tous ceux qui souffrent, font fausse route.
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- La conférence «le» électriciens. — Celte
- réunion de spécialistes de divers pays a une grande importance au point de vue scientifique et international. Les résolutions adoptées ont toutes été votées à l’unanimité ; nous les enregistrons comme une preuve de la possibilité de l’accord unanime des hommes, accord dans les sciences vulgarisées, que nous trouverons bientôt en sociologie, nous en avons la certitude.
- Voici les conclusions de ce Congrès :
- 1° UNITÉS ÉLECTRIQUES PROPREMENT DITES
- lre Résolution. — L’ohm légal est la résistance d’une colonne de mercure de i millimètre carré de section et de 106 centimètres de longueur, à la température de la glace fondante.
- 2e Résolution. — La conférence émet le vœu que le gouvernement français veuille bien transmettre cette résolution aux divers Etats et en recommande l’adoption internationale.
- 3e Résolution. — La conférence recommande la construction d étalons primaires en mercure conformes à la résolution précédemment adoptée et, concurremment, l’emploi d’échelles de résistances secondaires en alliages solides, qui seront fréquemment comparées entre elles et avec l’étalon primaire.
- 4e Résolution — L’ampère est le courant dont la mesure absolue est de 1(M en unités électromagnétiques G G S.
- 59 Résolution.—Le volt est la force électromotrice qui soutient le courant d’un ampère dans un conducteur dont la résistance est l’ohm légal.
- 2° COURANTS ÉLECTRIQUES ET PARATONNERRES
- l^e Résolution. — 11 est à désirer que les résultats des observations recueillies par les diverses administrations
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- soient envoyés chaque année au bureau international des administrations télégraphiques à Berne, qui en fera un relevé et le communiquera aux gouvernements.
- 2° Résolution. — La conférence émet le vœu que les observations des courants terrestres soient poursuivies dans tous les pays.
- 3° ÉTALON DE LUMIÈRE
- Résolution. — L'unité de chaque lumière simple est la quantité de lumière de môme espèce émise en direction normale par un centimètre carré de surface de platine fondu, à la température de solidification.
- L’unité pratique de lumière blanche est la quantité de lumière émise normalement par la même source.
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- Les frai» <le transportation. — Le budget de la transportation s’est élevé, en 1883, à la Guyane, à 2,076,346 francs.
- Ou peut estimer à 250 francs en moyenne le prix de transport d’un condamné et à 830 francs son entretien annuel, non compris les frais d’entretien de la garnison.
- Pour la Nouvelle-Calédonie, le budget de la transportation a été, en 1883, de 6,183,534 francs, sans compter les frais de transport de la garnison supplémentaire.
- Le transport d’un homme de France en Nouvelle-Calédonie revient à 1,000 fr. environ, l'entretien dans la colonie à 760 francs par homme et par an.
- Si l'on consentait à faire une égale dépense en faveur des honnêtes gen& malheureux, on aurait bientôt réduit le budget de la déportation.
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- IL© matériel de la guerre. — Les prévisions de dépenses pour la reconstruction de notre matériel de guerre ont été définitivement fixées p»r des lois successives à la somme énorme de 2,293,971,451 fr., soit, en chiffres ronds, 2 milliards 300 millions.
- Les crédits ouverts jusqu’à la date du 31 décembre 1884 s’élèvent à 2,017,571,485 francs. Il reste donc à dépenser 276,399,969 francs. Pour 1885, le ministre de la Guerre demande 85 millions ; par suite, il y aurait à répartir sur les années suivantes 191,399,969 francs.
- Il est intéressant de connaître comment les 2 milliards 17 millions déjà dépensés ont été divisés entre les divers services de la guerre ; voici cette répartition :
- f Approvisionnement et armement
- Fortifications.................
- Subsistances...................
- Hôpitaux et ambulances. . .
- Remonte et harnachement. . .
- Habillement....................
- Transports généraux............
- Le reste, soit 5 millions et demi, vers services.
- i
- est
- 089.130.337 fr. 569.865.125 70.526.901 18.791.583 25.437.718 213.599.022 24.560.692 réparti sur di-
- A.vri» commerciaux. — Le n° 13 des Avis commerciaux du ministère du commerce contient les renseignements suivants :
- Grèce. — Importation des viandes salées d’Amérique. — Le gouvernement hellénique vient d'autoriser l’importation de la viande de porc provenant d’Amérique.
- Allemagne, — Nouvelles fabriques de sucre. — Une revue de Hambourg signale comme devant entrer en activité pendant la prochaine campagne 38 nouvelles fabriques de sucre de betterave. Elles seraient outillée* pour une manipulation journalière de 29.900 quintaux.
- Actuellement, les divers pays de l’Europe seraient en mesure de travailler une masse totale de 210 millions de quintaux de jus.
- En Allemagne même on considère cette production comme exagérée.
- Belgique. — Exagération de la production. — On entend des plaintes de tous côtés. L'industrie linière étant obligée de travailler à très-bas prix, a cherché partout à produire à meilleur marché en produisant davantage. Jusqu’à présent, la marchandise fabriquée s’est assez
- bien écoulée, mais on n’est sans doute pas loin du moment où l’équilibre entre l’offre et la demande ne pourra être maintenu que par une nouvelle baisse.
- Quant aux filés, le dernier trimestre de 1883 a été de beaucoup le plus mauvais pour les filatures de cardés. Les ordres de l’étranger ont été si rares que plusieurs filatures se sont vues dans l’obligation de suspendre le travail de nuit et de réduire les heures de la journée ordinaire. Sous l’influence de cette situation difficile, les prix ont subi une dépréciation constante qui a amené des cotations ignorées depuis longtemps : 4 fr. 70 par kilog, pour le fil de trame n° 18 anglais, 4 fr. 30 pour la trame n° 20 saxon. Rien ne fait prévoir une prochaine reprise.
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- Photographie de» couleurs. — Le Rappel annonce une bien grosse nouvelle, mais elle demande confirmation.
- La photographie des couleurs serait aujourd’hui chose acquise.
- C’est un graveur de Versailles qui l’aurait définitivement trouvée. Il y a quelques jours, il fit part de sa découverte au ministère des Beaux-Arts, qui le chargea de la reproduction d’un tableau. Trois épreuves furent successivement tirées — et toutes trois sont, parait-il, admirablement réussies.
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- Tonkin. — Un journal génénéralement bien informé nous fournit des indications complémentaires sur l’emploi des 40 millions que le gouvernement se propose de demander aux Chambres, dès leur rentrée, pour l’expédition du Tronkin : 25 millions seraient destinés à couvrir des dépenses déjà faites et 15 millions seulement seraient disponibles « pour l’avenir ».
- Cette dernière expression est un peu élastique, comme le fait très bien remarquer le Télégraphe. Doit-on l’interpréter en ce sens qu'on ne réclamerait plus de crédits pour le Tonkin avant le 1er janvier 1885? Il faudrait pour cela que l’effectif de notre corps expéditionnaire pût être à très bref délai réduit de plus de moitié. Eu effet, s’il ôtait maintenu dans les propositions actuelles, les frais dépasseraient de beaucoup les 15 millions dont on parle.
- Le Télégraphe constate que, pour les cinq premiers mois de l’exercice budgétaire de 1884, on avoue avoir dépensé 42 millions (17 millions déjà votés et 25 millions à imputer sur les 40 millions des nouveaux crédits projetés). C’est donc une dépense de 8 millions par mois. On dit, il est vrai, que de cette somme il convient de défalquer un certain chiffre représentant l’accroissement de notre matériel naval. Mais ce n’est point calculer exactement : si notre flotte a été augmentée d’une dizaine de bateaux de rivière, dont la valeur peut s’élever à 3 millions environ, en revanche nos canonnières, nos avisos, nos bâtiments légers, ruinés par un service de guerre excessif, auront besoin, à la fin de la campagne, d’être refondus ou remplacés; c’est une dépense de 10 millions au minimum qui s’imposera, d’ici une ou deux années, et qui doit s’ajouter aux frais d’entretien du corps expéditonnaire.
- Il résulte, dit le Télégraphe, qui a fait une très sérieuse et très exacte étude de la question, qu’en conservant l’effectif actuel de nos troupes, ce n’est pas 17 millions qu’il faudrait pour parer aux dépenses des sept derniers mois de l’exercice budgétaire de 1884, mais bien 8 millions par mois, soit 56 millions. Ainsi, il serait nécessaire de demander en fin d’exercice budgétaire un autre crédit supplémentaire de 40 nouveaux millions, portant la dépense totale de l’année à 97 millions (17 millions déjà votés — 40 millions qui seront démandés à la rentrée — encore 40 millions pour parfaire la dépense des sept derniers mois de 1884.)
- MAROC
- Des bruits contradictoires circulent sur la situation intérieure du Maroc. Plusieurs dépêches récentes ont annoncé des difficultés entre le gouvernement marocain
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- et les représentants de la France et de l’Espagne ; môme, elles laisseraient supposer qae les agents de ces deux gouvernements seraient loin d être en parfait accord. Voilà déjà longtemps que nous signalons de la fumée du côté du Maroc.
- ANGLETERRE
- Le gouvernement anglais continue les négociations relatives à l’organbation de la conférence internationale destinée à régler les affaires d’Egypte.
- Le Higland Land Law Association a décidé de prendre la défeuse des petits fermiers, menacés d’expulsion sommaire. La commission royale chargée d’étudier cette question a publié hier son rapport, qui est l’objet de nombreux commentaires, et que le Pall Mail Gazette qualifie même de manifeste socialiste. En voici la conclusion :
- « La non-participation des classes laborieuses aux bénéfices et à, la jouissance de la propriété (et cette classe est certainement un des éléments de la civilisation, oe la moralité et de l’ordre public), et sa condition précaire et dangereuse, absolument dépendante des capitalistes, qui lui payent seulement un salaire, ce sont des questions qui s’imposent aux réflexions de ceux qui raisonnent, de ceux qui gouvernent.»
- Uûe commission royale décidée à réfléchir à la participation aux bénéfices et à la jouissance de la propriété l N est-ce pas là un indice éviuent de l'urgence, pour les commissions républicaines, de penser aux propositions précises sur les mêmes sujets ?
- ALLEMAGNE
- La Gazette de VAllemagne du Nord constate que le nombre des Allemands qui ont émigré dans le cours du premier trimestre de eetie année a été de 29,782, tandis que, dans le premier trimestre de 1883, le nombre des émigrants n'a été que de 28,3^0.
- Depuis quelques années, nos voisins font de grands sacrifices pour organiser leur marine. Le matériel dont ils peuvent disposer est vraiment considérable ; ils ont même beaucoup plus de navires qu’ils n’en pourraient équiper. Pour entrer en action, leurs flottes auraient besoin de 900 officiers et de 17.000 hommes, auxquels il faudrait ajuuter 150 officiers et 3.01)0 hommes indispensables pour le service des chantiers èi arsenaux; on arrive ainsi à un total de 1.050 officiers et 20.000 hommes.
- D’après un écrivain militaire allemand, fort au courant de la quesliou, ces forces devraient se répartir ainsi: 6.U00 h mmes sur les cuirassés et vaisseaux d’escadre,— 7.600 sur les croiseurs, - 900 sur les transports, 1.100 puur la défense des côtes, — le surplus I sur les navires ën réserve dont i’armement n’est point 1 achevé.
- ESPAGNE
- J Voici le résultat définitif des élections: 45 libéraux fusionnistes ; 26 de la gauche dy s', a tique; 3 républicains possibilités, dont M. Gastelar ; 4 républicains indépendants ; 3 autonomistes cubaius; li ultramontains; 4 indépendants; soit 98 membres de l’opposition et 329 députés ministériels.
- LES ETATS-UNIS D’EUROPE
- Journgl hebdomadaire, paraissant à Genève, tacts les samedis. Directeur, ch. Lemonier,
- Abonnement: 8 fr. pour la Suisse; 10 fr. 60 poulies pays de l’uBion postale.
- S adresse* à Genève, chez Marie Gcegg quai dès Bergues; à Paris chez G. Fisçhbacher, SS, rue de
- PROGRÈS ET PAUVRETÉ1,1
- par M- Henry George.
- VI
- Livre VIII. - APPLICATION DU REMÈDE.
- Chapitre Ier
- La propriété foncière individuelle est contradictoire avec le meilleur usage du sol.
- Ce qui est nécessaire à la bonne utilisation du sol n’est pas d’en faire une propriété privée, mais de donner au cultivateur toute sécurité de recueillir le fruit des améliorations qu’il y réalisera par son travail ou son capital. Donnez à un homme la sécurité de la récolte, il sèmera ; donnez-lqi la sécurité de posséder la maison qu’il veut bâtir, il bâtira. C’est la récompense naturelle du travail. La propriété foncière n'a rien à faire avec cela....
- Bien loin que l’institution de la propriété privée soit nécessaire au meilleur emploi du sol, c’est le contraire qui est vrai....
- Chapitre II
- Comment assurer et garantir les droits égaux au sol.
- On atteindrait ce but en abolissant les titres de propriétés privées, en déclarant toute terre propriété publique et en la louant en lots convenables, aux plus offrants, à des conditions qui préservent les droits sacrés du travailleur au fruit de ses œuvres ....
- Ce plan, (sous la seule réserve de compensation aux propriétaires actuels du sol, réserve qu’il eût écartée sans doute après réflexion) était accepté par l’éminent penseur Herbert Spencer qui dit à ce sujet :
- « Un tel système est en rapport avec l’état le plus « élevé de civilisation ; il peut être appliqué sans « entraîner de communeauté de biens, sans néces-« siter aucune révolution sérieuse dans les arrangeai ments actuels. La propriété individuelle se fon^ « drait dans la propriété nationale par actions. Le ! « sol, au lieu d'être aux mains des individus, serait j « détenu par le grand corps social. Le cultivateur,
- | « au lieu de payer son fermage à Pierre ou à Paul,
- ! « le paierait à un agent ou fonctionnaire de la col-« lectivité. Les intendants seraient des officiers pur « blics au lieu d’être des officiers privés, et; le bail » deviendrait la seule forme de détenir le sol. Un « état de choses ainsi ordonné serait en parfaite
- I (Lire le « Dînai** » depuis le uutuéra du Q
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- DR DEVOIR
- « harmonie avec la loi morale. Sous son influence, « les hommes auraient des droits égaux d’accès au « sol, tous seraient libres de devenir fermiers....»
- Je propose d’atteindre le même but par une voie plus simple et plus pacifique que celle de confisquer formellement toute les propriétés individuelles et de les louer aux plus forts enchérisseurs....
- Je ne propose ni de racheter, ni de confisquer ces propriétés :
- Le premier moyen serait injuste ;
- Le second est inutile.
- Laissez les individus garder, s’il leur plaît, ce que jusqu’ici ils appellent leurs terres. Laissez-les continuer à désigner ainsi ce qu’ils détiennent. Qu’ils achètent vendent, lèguent leurs propriétés. Nous pouvons en toute sécurité leur laisser la coquille si nous prenons le noyau. Il n'est pas nécessaire de confisquer la terre, il faut seulement en confisquer le revenu.
- Nous prenons déjà par l’impôt une partie de la nu-valeur foncière. Faisons les changements voulus pour prendre tout.
- Ce que je propose donc, comme le simple et souverain remède qui élèvera les salaires, augmentera les gains du capital, extirpera le paupérisme, abolira la pauvreté, donnera emploi rémunérateur à quiconque en désire, offrira libre essor aux capa-cités humaines, diminuera le crime, élèvera la moralité, le goût, l’intelligence, purifiera le gouvernement et guidera la civilisation vers les buts les plus nobles, c’est de s'approprier par l'impôt toute la nu-valeur joncière.
- Ou, pour mettre la proposition sous une forme pratique : Abolir tout impôt, sauf celui de la nu-valeur du sol.
- Mais ce ne serait pas assez de prélever tous les impôts sur la valeur du sol. Il sera nécessaire, quand cette valeur excédera les frais gouvernementaux actuels, d’augmenter proportionnellement le taux du fermage de la terre, et de continuer ainsi à mesure du développement de la société et de l’élévation de la valeur foncière.
- C’est là le premier pas pratique....
- Chapitre III
- jLe projet contrôlé par les lois sur l'impôt.
- ^a meilleure des taxes pour fournir les revenus publics sera évidemment celle qui répondra le mieux aux conditions suivantes r ’ 1® Porter aussi légèrement que possible sur la
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- production, de façon à ne point entraver l’exploitation du fonds commun qui doit répondre aux taxes et soutenir la collectivité ;
- 2° Etre perçue facilement, à bon marché et tomber le plus directement sur les payeurs définitifs, de façon à prendre au peuple le moins possible en addition à ce que le revenu du sol livre au gouvernement ;
- 3° Etre d’un rapport certain, afin de donner la moindre prise possible à la tyrannie ou à la corruption des fonctionnaires, et la moindre tentation de fraude de la part des contribuables ;
- 4° Porter également sur tous les citoyens, afin de ne conférer à aucun d’eux d’avantages ni de désavantages particuliers.
- Examinons quelle forme d’impôts s’accorde le mieux avec chacune de ces conditions : . . .
- 1° L'effet des impôts sur la production.
- Tous les impôts doivent évidemment venir du produit du sol et du travail, puisqu’il n’y a point d'autre source de la richesse que l’union des forces humaines à celles de la nature. L’impôt qui amoindrit la part du producteur amoindrit nécessairement la tendance à la production.
- L’impôt attaché à l’acte même de la production ou à l’usage de l’un des trois facteurs décourage forcément la production. Ainsi, l’impôt qui diminue les gains de l’ouvrier ou l’intérêt du capitaliste tend à rendre le premier moins intelligent, moins industrieux, le second moins disposé à l’épargne et au placement.
- Les taxes qui tombent sur les procédés de la production posent un obstacle artificiel à la création de la richesse.
- L’impôt qui frappe un mocje d’exercice du travail, un mode d'employer le capital, un mode de cultiver le sol, tend manifestement à décourager la production encore plus puissamment qu’un impôt de meme valeur prélevé soit sur le peuple qu’il travaille ou s’amuse, soit sur la richesse utilisée ou laissée sans emploi, soit sur la terre cultivée ou inculte.
- Le mode d’impôt est, en réalité, aussi important que le taux même de l’impôt... Une taxe mise par Mohammed-Ali sur les arbres d’un certain âge porta les Fellahs égyptiens à abattre tous les arbres en-dessous de l’âge fixé. Une taxe deux fois plus forte mise sur le sol n eût point produit un tel résultat...
- Tous les impôts sur les manufactures, sur le commerce, sur le capital, sur les perfectionnements industriels ont des effets analogues à ceux de la taxe il«j Mohamcd*Ali, bien que ces effets soient moins apparents. . , . . . . . . . . . . .
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- LES DEVOIR
- Aucun monopole ne peut être comparé, dans ses conséquences sociales, au monopole du sol. Or, la valeur du sol étant l’expression pure et simple de ce monopole, c’est cette valeur qui, sous tous les rapports, est propre à être atteinte par l’impôt. La valeur d’un chemin de fer, d’une ligne télégraphique, le prix du gaz, la patente de médecin, peuvent exprimer un monopole, mais ils expriment aussi l’exercice du travail et du capital ; au contraire, la nu-valeur foncière n’exprime rien autre que la valeur de l’appropriation du fonds. L'impôt levé sur la valeur du fonds n’atteint pas le moins du monde la production, tant qu’il n’excède pas le revenu tiré annuellement du sol... La valeur foncière est autre que la récompense due à la production, autre que la valeur des moissons, des bestiaux, des bâtiments, de toutes les choses enfin qui constituent les améliorations et la propriété personnelles.
- La valeur foncière exprime, nous le répétons, la valeur du monopole. Elle n’est en aucun cas le fait de l’individu qui occupe le sol ; elle est due à la constitution même d’une société sur cet emplacement.
- En conséquence, la société peut prendre toute cette valeur foncière sans porter le moindre préjudice au progrès, sans affaiblir en quoi que ce soit la production de la richesse.
- L’impôt sur la nu-valeur de la terre, loin d’attenter à la production comme les autres taxes, tend au contraire à augmenter la production en détruisant les spéculations foncières.
- 2° Aisance et bon marché de la perception
- Le sol ne peut être ni dissimulé ni emporté ; sa nu-valeur est facilement constatée ; donc, l’impôt à prélever sur cette valeur ne nécessite qu’une simple perception.
- En amenant les détenteurs actuels du sol à vendre ou à louer leurs domaines pour le prix qu’ils en peuvent obtenir, l’impôt sur la valeur foncière tend à augmenter la concurrence entre les propriétaires et ainsi à réduire le prix des terrains.
- 3° Certitude
- Si toutes les taxes étaient résumées en un seul impôt sur la valeur foncière, indépendamment des améliorations réalisées sur le sol, la fixation de la valeur terrienne serait si simple et l’attention publique y serait si directement portée, que cette fixation serait faite par les agents de T Etat avec la même aisance et la même certitude que s’établissent aujourd’hui, entre vendeurs et acheteurs, le prix des terrains.
- 4° Egalité
- Adam Smith a dit : « Les citoyens de tout Etat « doivent contribuer aux charges gouvernementa-« les autant que possible proportionnellement à « leurs capacités respectives ; c’est-à-dire propor-« tionnellement aux revenus dont chacun d'eux » jouit sous la protection de l’Etat. » Toute taxe, continue-t-il, qui tombe exclusivement soit sur le fermage, soit sur le salaire, soit sur l’intérêt des capitaux est nécessairement inégale.
- C’est cette idée que notre système de taxes multiples sur toutes choses essaient de réaliser. Mais outre les difficultés pratiques inhérentes à ce système, il est évident que le but ne peut être atteint par lui.
- L’impôt unique sur la valeur du sol est le plus juste et le plus égalitaire de tous les impôts. Il tombe sur ceux qui reçoivent de la société un avantage spécial, et il y tombe proportionnellement à cet avantage même.
- Il est la prise par la société et pour l’usage de la société d’une valeur créée par la société même ; c’est l’application de la propriété commune à des usages communs.
- Quand toute la nu-valeur foncière est prise pour répondre aux besoins sociaux, alors l’égalité voulue par la nature est atteinte. Nul citoyen n’est avantagé aux dépens d’un autre, si ce n’est de ce qu’il tire de son industrie personnelle, de sa propre habileté, de sa propre intelligence ; et chacun reçoit la plénitude de ce qu’il gagne. Alors seulement le travail et le capital ont leurs justes récompenses .
- Chapitre IV
- Confirmations et objections
- Les raisons qui nous ont amené à voir dans l’impôt sur la valeur foncière le meilleur mode de se procurer les ressources publiques, ont été admises expressément ou tacitement par de notables économistes .
- Ricardo dit : L’impôt sur la nu-valeur du sol tomberait entièrement sur les propriétaires fonciers et ne pourrait être reportée sur aucune classe de consommateurs, car il n’altèrerait en rien la différence entre les produits des sols de qualités diverses ; il ne découragerait pas la mise en rapport des terrains neufs, puisque ceux-ci seraient à peu près libérées de toute taxe tant qu’ils n’auraient pas de valeur sociale.
- M. Culloch déclare qu’ « au point de vue pratique, 1 l’impôt sur la valeur foncière est le plus injuste et le
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- plus impolitique qu’on puisse imaginer ; mais il base cette assertion sur l’impossibilité selon lui de distinguer, pour appliquer l’impôt, entre la somme payée pour l’usage du sol et celle dépensée à l’exécution du travail. En supposant que cette distinction put être effectuée, M. Culloch admet que la somme actuellement versée aux propriétaires fonciers par les fermiers comme droit d’user du fonds naturel, pourrait leur être entièrement reprise par l’impôt, et cela sans qu’il leur fût possible de rejeter la charge sur d’autres citoyens et sans affecter le prix des produits.
- John Stuart Mill non-seulement admet tout cela, mais déclare expressément la rectitude et la justice de l’impôt sur la nu-valeur foncière, demandant quel droit peuvent avoir les propriétaires fonciers à une valeur qui, due au progrès général de la société, leur arrive sans efforts de leur part, sans risques, sans épargne. Aussi, tout en désapprouvant de porter atteinte aux prétendus droits actuels de propriété du fonds, propose-t-il de décider qu’à l’avenir toutes les plus-values foncières reviendront de droit à la société.
- En l’ait, (pour répondre à l’objection deM. Culloch) la nu-valeur du sol peut toujours être facilement distinguée de la valeur des améliorations apportées à la surface. — Dans les Etats-Unis, par exemple, la nu-valeur du sol et celle des améliorations réalisées à la surface sont habituellement estimées d’une façon distincte, bien que réunies ensuite sous le le terme de « Etat réel «. Où le sol est occupé depuis un temps immémorial, il n’y a aucune difficulté à fixer la nu-valeur foncière, car fréquemment le fonds est possédé par une personne et les bâtiments par une autre. Quand un incendie arrive et que les matériaux de travail sont détruits, on sait bien alors établir la valeur claire et définitive du sol. Faire une distinction aussi exacte que possible sans rien entraver est tout ce qu’on peut demander.
- (A suivre.)
- Loi sur les Syndicats professionnels
- Le président de la République a promulgué la loi relative à la création des syndicats professionnels : En voici le texte officiel :
- Article 1er. — Sont abrogés la loi des 14, 27 juin 1791 et l'article 416 du code pénal.
- Les art. 291, 292, 293, 294 da code pénal et la loi du 18 avril 1834 ne sont pas applicables aux syndicats professionnels.
- Art. 2. — Les syndicats ou associations professionnelles,même de plus de vingt personnes exerçant la même profession, des métiers similaires, ou des professions connexes concourant à l’établissement
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- de produits déterminés, pourront se constituer librement sans l’autorisation du Gouvernement.
- Art. 3. — Les syndicats professionnels ont exclu-vement pour objet l’étude et la défense des intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles.
- Art. 4. — Les fondateurs de tout syndicat professionnel devront déposer les statuts et les noms de ceux qui, à titre quelconque, seront chargés de l’administration ou de la direction.
- Ce dépôt aura lieu à la mairie de la localité où le syndicat est établi, et à P?ris, à la préfecture de la Seine.
- Ce dépôt sera renouvelé à chaque changement de la direction ou des statuts.
- Communication des statuts devra être donnée par le maire ou par le préfet de la Seine au procureur de la République.
- Les membres de tout syndicat professionnel chargés de l’administration ou de la direction de ce syndicat devront être Français et jouir de leurs droits civils.
- Art. 5. — Les syndicats professionnels régulièrement constitués, d’après les prescriptions de la présente loi, pourront librement se concerter pour l’étude et la défense de leurs intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles.
- Ces unions devront faire connaître, conformément au deuxième paragraphe de l’article 4, les noms des syndicats qui les composent.
- Elles ne pourront posséder aucun immeuble ni ester en justice.
- Art. 6. — Les syndicats professionnels de patrons ou d’ouvriers auront le droit d’ester en justice.
- Us pourront employer les sommes provenant des cotisations.
- Toutefois, ils ne pourront acquérir d’autres immeubles que ceux qui sont nécessaires à leurs réunions, à leurs bibliothèques et à des cours d’instruction professionnelle.
- Ils pourront, sans autorisation mais en se conformant aux autres dispositions de la loi, constituer entre leurs membres des caisses spéciales de secours mutuels et de retraites.
- Ils pourront librement créer et administrer des offices de renseignements pour les offres et les demandes de travail.
- Ils pourront être consultés sur tous les différents et toutes les questions se rattachant à leur spécialité.
- Dans les affaires contentieuses, les avis du syndicat seront tenus à la disposition des parties, qui pourront en prendre communication et copie.
- Art. 7. — Tout membre d’un syndicat professionnel peut se retirer à tout instant de l’association, nonobstant toute clause contraire, mais sans préjudice du droit pour le syndicat de réclamer la cotisation de l’année courante.
- Toute personne qui se retire d’un syndicat conserve 16 droit d’être membre des sociétés de secours mutuels et de pensions de retraite pour la vieillesse à l’actif desquelles elle a contribué par des cotisations ou versements de fonds.
- Art. 8. — Lorsque les biens auront été acquis contrairement aux dispositions de l’article 6, la nullité de l’acquisition ou de la libéralité pourra être demandée par le procureur de la République ou par les intéressés. Dans le cas d’acquisition à titre onéreux, les immeubles seront vendus, et le prix en sera déposé à la caisse de l’association. Dans le cas de li-
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- LS DEVOIR
- béruiite, les biens feront retour aux disposants ou à leurs héritiers ou ayants cause.
- Art. 9. — Les infractions aux dispositions des articles 2, 3, 4, 5, 6 de la présente loi seront poursuivis contre les directeurs ou administrateurs des syndicats et punies d’une amende de 16 à 20') fr. Les tribunaux pourront, en outre, à la diligence du procureur de la République, prononcer la dissolution du syndicat et la nullité des acquisitions d’immeubles faites eu violation des dispositions de l’article 6.
- Au cas de fausse déclaration relative aux statuts et aux noms et qualitésdes administrateurs ou directeurs, l'amende pourra être portée à 500 fr.
- Art. 10 — La présente loi est applicable à l’Algérie.
- Elle est également applicable aux colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et dé la Réunion. Toutefois les travailleurs étrangers et engagés sous le nom d’émigrants ne pourront faire partie des syndicats.
- La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l’Etat.
- Frit à Paris, le 21 mars 1884. Jules Grévy.
- CORRESPONDANCE “D’ANGLETERRE
- JL.e îiimanche à Londres.
- Avez-vous jamais passé un dimanche à Loadres, lecteurs?
- Non 1 Eh bien, tant mieux pour vous, car je ne sache rien de plus triste et de plus abêtissant 1
- Tout est fermé ici, le jour du « Sablath », tout, excepté les pubhc-houses et les églises qui ouvrent alternativement leurs portes à leurs habitués respectifs.
- Les églises et les chapelles commencent le feu, le matin, de onze heures et demie à une heure : alors, on voit s’acheminer au temple, d’un pas mesuré, les fi Sèles tout habillés de noir, l'air gourmé, le nouveau testament, le paroissien et le livre d’hymnes sous le bras.
- A une heure, c’est le tour des débits de bière à la porte desquels l’on a pu observer, toute la matinée, une vingtaine d’individus qui ont passé le temps à fumer, à chiquer, à jurer et à se chamailler s’ils sont d’hummr querelleuse, ou à compter les pavés de la rue dans le cas contraire.
- Tous ces gaillards une fois dans le « Pub » (un affectueux diminutif pour Public-House). n’en ressortiront qu’à trois heures, lorsque le potlceman vulgo Bobby, viendra signifier au patron qu’il est temps de fermer boutique.
- De 3 à 5 heures, c’est de nouveau le tour des églises ; après quoi les gin-palaces se rouvriront encore pour ne so refermer qu’à onze heures, quand le barman expulsera souvent à grand renfort de coups de poing — les ivrognes des deux sexes qui boivent dans une soirée le gain de la semaine 1 . De 6 à 8 heures a eu lieu un troisième service religieux : à ce moment de la soirée les débits de boissons et les temples sont aussi bondés les uns que les autres : c’est la libre concurrence, et ni l’autel ni le comptoir n’en souffrent.
- C’est en effet une chose digne de remarque que la grande ville offre ce jour-là deux ou plutôt trois populations biens distiu tes, bien tranchées : les croyants, et ceux qui se donnent pour tels, qui vont de la table à l’église et de l’église à la table ; les
- ivrognes, qui passent six ou sept heures à la porte des débits de bière et huit à l’intérieur; enfin, les indifférents, qui ne patronnent ni l’église ni le gin-palace, et dont une longue promenade en famille, eu avec des amis, en cas de beau temps, est la seule distraction possible.
- De ces trois classes de Londonniens que nous avons eu tout le loisir d’étudier pendant quelques dix années, la première se recrute parmi la haute et la petite bourgeoisie, tandis que la classe ouvrière fournit presque exclusivement les éléments des deux autres. Hâtons-nous d'ajouter, ou plutôt de répéter ici, que l’immense majorité des ouvriers anglais se compose d’indifférents.
- Est-il besoin d’expliquer au lecteur comment l‘ou*. vrier anglais,se trouvant privé par la législation actuelle de toute distraction honnête le dimanche, se voit nsensiblement et presque malgré lui poussé à boire pour tuer le temps.
- N’est-ce pas, en ce qui nous concerne, enfoncer une porte ouverte et tomber dans les redites et les banalités que nous appliquer à démontrer dans ces colonnes que le moral de la classe ouvrière doit nécessairement se ressentir de cette oisiveté forcée du corps et de l’esprit auquel la condamne le législateur anglais.
- Cela est si vrai, qu’iei même bon nombre d’esprits éclairés ont fondé nne association qui s’est donné pour but de faire ouvrir les dimanches les Musées et les Bibliothèques publiques à Londres.
- Pas plus tard que le 21 de ce mois, la question a été de nouveau posée par lord Turlow à la Chambre haute qui a repoussé, à huit voix de majorité seulement, la proposition du noble lord.
- En présence de ce résultat, il est permis d’espérer que l’année prochaine ou la suivante, cette faible majorité sera renversée et acquise à la cause que défend lord Thurlow, en faveur de laquelle, outre 400 ecclésiastiques de Londres, 163 clubs d'ouvriers, (work'ng men's clubs), représentant 153.000 membres, se sont prononcés tout récemment, et pour laquelle ont voté le prince deGalles, les ducs de Westminster et de Somerset, ainsi que lord Carlingford et le comte de Hardwicke.
- Ajoutons que si l’archevêque de Canterbury et l'évêque d’Oxford ne veulent pas entendre parler de l’ouverture des musées et des bibliothèques publiques à Londres, le dimanche, c’est qu’ils savent tien qu'une fois le premier pas fait dans cette direction, une concession en amènera forcément une autre, et que le peuple ne sera bientôt plus satisfait qu’il n’ait, comme sur le continent, liberté pleine et entière de passer le dimanche à sa guise et de jouir, si bon lui semble, des trésors artistiques et littéraires pour l’acquisition desquels il a donné plus que son obole.
- Mais ils auront beau faire, nos prélats, ils pourront enrayer le progrès des idées libérales mais non l’arrêter, car, ainsi que le disait fort bien lord Houghton dans soudiscoursd’ouverture du troisième Congrès des professeur! de français à Loadres : « Il y a un tunnel qui se fait sans l’assentiment des gouvernements, et sans le concours des spéculateurs » entre la France et l’Angleterre ; ce tunnel, c’est « la culture de nos langues réciproques » et nos rapports de plus en plus fréquents, aurait pu ajouter le noble lord.
- De là à reconnaître nos erreurs et nos préjugés, il n’y a qu’un pas, car les peuples gagneront toujours réciproquement à se connaître.
- Londres, le 1er avril 1884. P. L. Maistre.
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- LE DEVOIR
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- PROPAGANDE DE LA PAIX
- Des renseignements divers nous permettent de faire espérer à nos amis de la paix un prochain développement de la propagande en faveur de l’arbitrage et du désarmement européen.
- Nous avons reçu des demandes nombreuses de bulletins d’adhésions ; plusieurs de nos abonnés nous ont informé qu’ils se préparaient à se mettre énergiquement à l œuvre. Nous savons aussi que les populations d’Alsace Lorraine ne tarderont pas à se mêler à l’agitation ; on nous annonce même que des députés se proposent de porter la question devant le Reichsiag allemand.
- Les excès des armements ont contribué à mûrir la question. Le peuple, pris dans sa masse, n'attend pour se prononcer que d’y être invité par les hommes auxquels il accorde ordinairement sa confiance. Oux-ci auraient vraiment grand tort de ne pas hâter cette consultation ; jamais ils n’auront rencontré autant d’emuressement dans l’acceptation de leurs propositions ; jama s œuvre plus humanitaire n’a été entreprise; des hommes éminents la patronnent ouvertement ; M de Lesseps compte parmi les propagandistes les plus zélés; M. Camille Flammarion vient de nous envoyer une adhésion ainsi motivée : J adhère avec enthousiasme^’est le plus grand 'progrès à réaliser. Qui refuserait de suivie ces vaillants éclaireurs ?
- Nouvelles Adhésions aux principes d’arbitrage international et du désarmement Européen
- Messieurs,
- Casai Jean-Jacques, docteur en médecine, officier de la Légion d’honneur, 8, avenue Vauban, à Toulon. Flammarion Camille, à Paris.
- Delattre Charles, 14, rue deNvs, à Paris.
- Delanne Ernest, 39 et 41, pa sage Choiseul, à Paris. Delanne Gabriel, igénieur électricien, même adresse. Algier Emile-François. 17, rue du Grand Prieuré, à Paris. Algier Albert, même adresse.
- Douctay Léonce, 41, rue Rochechouart, à Paris.
- Douchy Henri, employé, 5, rue Hermel a Paris.
- Biacourt Alexandre, employé, 30, rue de l’Entrepôt, à Paris.
- Viret Bernard, 62, rue Rébeval, à Paris.
- D»;pré, 31, rue des Récoüets, à Paris.
- Saisset Louis-Achille, 8, rue Bailleul, à Paris.
- Quinard Auguste, 57, avenue Lamothe-Piquet, à Paris. Barnout Hippolyte, architecte, 36, rue Nulre-Dame-de-Lorette, à Paris.
- Prieu Louis, commis-greffiter, à Mirande (Gers).
- Dauchy E iouard, 25, avenue du Chemin de fer, au Raiucy (Seine).
- Dauchy Louis même adresse.
- Petitjean Prosper, inspecteur d’assurances, à Joinville (Haute-Marne).
- Séjournaud, négociant, même adresse.
- Kuntzmann, négociant, à Langres.
- Garnier, instituteur, à Jozquemay.
- Rovelle de Fernez, 186, rue Léon Gambetta, à Lille. Puvis Paul-Gilbert-Etienne, Saint-Maurice (Seine).
- Piche Albert, avocat, 8 rue Montpensier, â Pau. Priqueter Barthé.emy Irénêe, à Plancher-Bas (Haute-Saône).
- Maeûin, brasseur, à Vadencourt (Aisne).
- Prudhomme A., empl *yé, au Familistère de Guise.
- Heu lin Aristide, employé, même adresse. Giraud-Dufour, propriétaire, a Allègre.
- Giscdon Marius, cuisinier, id.
- Avinin Grespin, chaudronnier, id.
- Fayard Antoine, menuisier, id.
- Guérin, à Villéuave-de Rtoins (Giron ie)
- Gassiot Léonce, id. id.
- Gassiot Pierre, id. id.
- Dumas, id. id.
- Collas, id. id.
- Nicou, id. id.
- Ardouin Jean, id. id.
- Ardouin Théophile, id.
- Méric, id. id.
- Be let, id. id.
- Lirroque, il. id.
- VARIÉTÉ
- ROSE GIRARD
- Aujourd’hui, c’est le sourcil froncé, la poitrine serrée qu’ii s’assied à la place du chef, à la table de famille ; sa compagne s’efforce de paraître sereine et lui fait accueil, lui parle d'une chose, d’une autre, comme d habitude, mais il ne répond pas, l’œil fixé sur Rose; la soupe brûlante fume dans les assiettes, une montagne de choux et de pommes de terre, couronnée d’un quartier de lard se dresse dans le plat, sur la table, embaumant, excitant l’appétit ; et il laisse son souper se refroidir; cependant il a dépensé ses forces dans un rude labeur, tout le jour équarris-sant le bois dur, maniant, martelant, pendant d8s heures, les lourds cerclés de fer rougis au feu; cependant il gele dehors, la terre est couverte d’une épaisse eouche de neige et la bise tourbillonne et gémit sinistrement.
- Marie et sa mère ont vidé leur assiette, font bonne contenance, mais la sœur aînée, pâle et languissante, s’appuie au dos de la chaise, la bouche serrée, les paupières demi-closes.
- Tu ne manges pas, Pierre, fait la maman ; à quoi rêves-tu donc ?
- Je regarde ta fille ; pourquoi ne soupe-t-elle pas ? q l’a t-elle ? — Moi ? rien, mon père, rien ? — Serait-ce vrai ce que l’on dit, s’écrie t-il, d’une voix tremblante d’emotion ? - Quoi donc, papa ? — Et le front humide, les entrailles tordues par d’affreuses douleurs, la malheureuse sourit, fait un effort héroïque et mange.
- Pourquoi i’affliges-tu,dit la mère; toutes les jeunes filles, à son âge, ont des crises, sont troublées par moments? Vois, tu la rends malade pour de bon.
- L’enfant se redresse et, d’un pas ferme, gagne la chambre voisine ; sa taille, grâce aux habiles précautions qu’elle prend, ne semble pas plus forte que d habitude ; Marie suit sa sœur. Restés seuls, les parents s’expliquent : avec sang-froid, avec prudence, l’excellente femme rassure, non sans peine, son mari, engourdit l’horrible soupçon qui le ronge, fait tomber enfin sa fureur si longtemps contenue et toute prête à éclater; il quitte la table à son tour, calmé, et va dans le lit étendre ses membres épuisés, oublier dans le sommeil son cuisant souci.
- Et la mère rejoint ses filles. Elle n’était point dupe, elle, et sans qu’on la lui ait avouée, sait la vérité ; mais il faut que Rose la lui révèle enfin. Lui prenant les mains, plongeant ses regards dans ceux de son enfant avec bonté, avec compassion, elle l’interroge, sachant bien que, si elle se montre sévère, la bouche de la pauvrette restera close; elle la presse, la supplie, la force enfin de dire tout. La jeune fille n’a point le temps d’achever son récit, les
- (1) Voir le numéro du i3 Avril.
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- LE BBVûï!
- ni ii i im,y i éi i
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- L^ppup—wpjupir.iM i mw. irwwrirn n.iw^.—inrrnnoi imiurwo—rrmiwritn -Minitr-
- douleurs la saisissent, des cris étouffés lui échappent, l’instant approche où elle aussi sera mère !
- S’il t’entend, il te tue 1 lui soufla tout bas la femme du rude charron, les yeux dirigés avec terreur vers la porte si mince qui les sépare de son mari à peine entré dans le premier sommeil.
- Alors l’imminence, la grandeur du danger l’inspire, elle ouvra la croisée et, se penchant, répond, comme à une voix du dehors : Nous y allons.
- Toutes trois s’enveloppent de leurs pelisses et s’apprêtent à sortir. Le dormeur, au bruit, s’éveille, se met sur son séant, appelle, questionne ; sans lui donner le temps de se reconnaître, de se lever, de s’habiller, les trois femmes passent rapides près de son lit, lui jetant quelques mots au vol: C’est le fils de Jeanne qui nous demande, sa mère est au plus mal et nous conjure de lui venir en aide ; repose tranquille, nous reviendrons bientôt. — Elles disparaissent.
- Par la nuit noire, enfonçant jusqu’à mi-jambes dans la neige muette et glacée, violemment secouées par l’âpre vent du nord, l’âme cruellement contristée, lentement elles s’avancent comme trois ombres douloureuses, Rose entre sa mère et sa sœur qui la soutiennent. La sage-femme demeure à l’autre extrémité de la ville, auront-elles le temps d’arriver jusqu’à elle? Chemin de Croix 1 effroyable agonie ! Cependant la volonté, le courage n’abandonnent pas un instant la délicate jeune fille : si l’héroïsme de l’action est le propre de l’homme, celui de la souffrance appartient mieux à la femme.
- Par moments, quand elle s’arrête, contrainte par d’intolérables tortures, elle tourne la tête avec terreur, croyant entendre, mêlée au bruit du vent furieux, la voix menaçante de son père, vengeresse de l’honneur. Mais non, tout lepose dans la paisible cité, et, s’il y a d’autres douleurs, d’autres agonies, elles sont étouffées derrière les murailles, comme ensevelies sous le lourd manteau de neige qui revêt les toitures
- Pas un reproche n’est échappé à la mère, de son cœur déchiré il ne surgit que des élans de tendresse, de pitié, et Marie, non moins énergique que sa sœur, contient ses larmes, donne à son bras une force virile pour lui épargner de se soutenir elle-même.
- Les crises se rapprochent, les cris de la malheureuse deviennent plus intenses ; il semblerait que ce sont les hurlements de quelque bête fauve qu’une autre bête dévore. Mais le vent les emporte et nul n’en a souci ; si quelque être né de la femme les perçoit, il n’a garde de quitter les chaudes enveloppes qui protègent son sommeil, s’enfonçant avec volupté sous les draps, il se retourne sur l’oreiller et se replonge dans ses rêves heureux ou dans l’oubli momentané de ses maux.
- La mère, cependant, voyant venir l’instant suprême, regarde toutes ces murailles impitoyables comme pour leur demander secours et laisse échapper de vains appels, mais Rose l’arrête, la supplie, lui ordonne de se taire ; — Nous sommes arrivées, d’ailleurs... voici la maison... là tout près... vois! — Elle chancelle. Marie se dépouille de sa pelisse, la jette à terre ; la victime s’y étend, sa mère s’agenouille près d'elle, l’enlace dans ses bras protecteurs, toutes deux enfonçant dans la neige, couche glacée ; la jeune sœur vole et heurte violemment la porte de la sage-femme à coups précipités, impatients. Une fenêtre s’ouvre, une voix parlemente.
- — Au nom de Dieu, descendez, c’est ma sœur qui se tord là dehors, elle va mettre au monde un enfant,
- sur la neige même, si vous ne la recevez pas.
- — Qui êtes-vous ?
- — D’honnêtes ouvrières.
- — Qui me paiera ?
- — Notre travail. Mais hâtez-vous, ou l’enfant et la mère mourront de froid et vous en serez responsable.
- [A suivre) Ernest Allard.
- PETITE-GORRÜsPONDANCE
- Madame V° G., rue de Grenelle, Paris. Nous avons reçu votre envoi pour les mineurs d’Anzin ; il a été remis à M. Basly, secrétaire de la Chambre syndicale.
- OFFRE D'EüMIIPILjOI
- La société du Familistère, Godin et C1*, demande un homme jeune, intelligent, capable de seconder le Gérant dans la direction industrielle, commerciale et coopérative de l’association.
- L’industrie de la société consiste dans la fonderie et la fabrication d’appareils de chauffage et choses diverses d’ameublement en fonte de fer.
- Belle position après preuves de capacité et de mérites suffisants.
- Adresser les demandes à l'Administrateur-Gérant, à Guise (Aisne).
- L’ A stronomie, Revue mensuelle dAstronomie populaire, de Météorologie et de Physique du globe, par M. Camille Flammarion. — Sommaire du N° de Mai 1884 : La formation du système solaire, par M. Faye, de l lnstitut. — Les fluctuations de l'activité solaire, par M. Camille Flammarion. — Déclinaison de l'aiguille aimantée à Paris. — L'étoile double 85 Pégase. — Statistique des tremblements de terre, par M. C. Détaillé. — Académie des sciences : Variation singulière du noyau de la comète de Pons, par M. Ch. Trépied. — Is/ouvelles de la science. Variétés : L’oscillation atmosphérique produite par l’éruption de Krakatoa. Découvertes nouvelles sur Saturne, sur Uranus, sur Neptune. Vénus visible en plein jour. Congrès des sociétés savantes à la Sorbonne. Observatoire d’ischia. Lanouvelle étoile variable U Ophiucus. — Observations astronomiques et Etudes sélénographiques, par M. Gérigny. — Ce numéro contient 17 figures — (Librairie Gauthier-Villars, 55, quai des Augus-tins, Paris.)
- .,mvAAA/V>..
- LA PHILOSOPHIE DE L’AVENIR
- Revue du socialisme rationnel, paraissant chaque mois.
- Prix du numéro, 1 franc.
- Abonnement postal : Un an, 12 fr. — Six mois, 6 fr. — Trois mois, 3 fr.
- S’adressera M. Jules Delaporte, rue Mouffetard, 108, à Paris.
- Le Directeur-Gérant : GODIN SAINT-QUENTIN
- Société anonyme du Glaneur, Grand’Place, 33
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- 8e Année, Tome 8. - n° 297 & m*»*** zo t. Diiaanche 18 Mai 1884
- LE@E¥ÔmT
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications
- et réclamations doivent être adressées à M- GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
- Un an. . . . 40 îr. »»
- Six mois . , . 6 »»
- Trois mois . . 3
- Union postale Un an. ... il fr. »» Autres pays Un an ... 13 tr. 60
- ON S’ABONNE
- A PARIS
- 5,r.N euva-des-patits-Charaps Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la librairie des sciences psycîi logiques.
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIÀLES ET POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1. — Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- 4. — Organisation du suffrage universel par Vunité de collège national pour Vélection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement général à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile ;
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens ;
- La possibilité pour tes minor ités de se faire représenter ;
- La représentation par les supériorités.
- 5. Renouvellement annuel de moitié de la Chambre des députés et de tous les corps élus. La volonté du peuple souverain toujours ainsi mise en évidence.
- 6. Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues par le suffrage universel.
- 7. — Egalité civile et politique de l’homme et de la femme.
- 8. — Le mariage, lien d’affection.
- Faculté du divorce.
- 9. — Education et instruction primaires, gratuites et obligatoires pour tous les enfants.
- Les examens et concours généralisés avec élection des élèves par leurs pairs dans toutes les écoles. Diplôme constatant la série des mérites intellectuels et moraux de chaque élève.
- 10. — Ecoles spéciales, nationales, correspondantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- 11. — Suppression du budget des cultes. Séparation de l’Eglise et de l’Etat.
- 12. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 13. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- 14. — Hérédité progressive de VEtat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatérale à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dans une juste mesure, retour à la société qui a aidé à les produire.
- 15. — Remboursement des dettes publiques avec les ressources de l’hérédité.
- 10. _ Organisation nationale des garanties et de l’assurance mutuelles contre la misère.
- 17. — Suppression des emprunts d'Etat.
- 18. —- Lois protectrices du travail et de la participa* tion des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 19. — Liberté d’association.
- 20. —- Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21. — Libre échange entre les nations.
- 22. — Abolition de la guerre offensive.
- 23. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 24. — Désarmement européen.
- 25. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire.
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- LE DEVOIR
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- J ' 1 .. ,1 !
- j*l* ” 11
- SOMMAIRE
- Propagande de la Paix. — Association de la Paix. — Elections de: Guise. — Caisse de dotation. — Préceptes et aphorismes. — Faits politiques et sociaux. — Progrès et pauvreté. — Fédération internationale. — La santé publique. —? Soçiété de se cour -r* en Allemagne. — Adhé-
- > à ta •— Ro&e Girard (Suite).
- Lé joum&l « Lé Devoir » est envoyé gratuitement'& titre d’essai.
- ' Si te journal n’ôst pas renvoyé après le quabnèrrie numéro, Vadministration fait présenter une quittance d’abonnement.
- ;r^ L!aâmmistratioi\. clü Devoir livrer^' franco aux abonne^ des numéros de propagande dé çhacjue tirage hebdomadaire au prix.de 75 çen-timès tes' dix exempià'irëë. v Adresser les demandes à la librairie du Familistère. ^ 1
- %
- . .v/-——
- PROPAGANDE DE LA PAIX
- Xi V.. __1 ’ .A v;, J".
- Dès le.mqis dp janvier, le Devoir publiait quelques Artmlea,snr4e désarmement'et la neutralisation de T Alsace-Lorraine. Ces articles-furent suivis de deux manifestes émanés, l’un dê la Ligue des travailleurs, l’autre de la Ligue fédérale de paix et d’arbitrage.
- '"''De nombreuses âdhésiQps ont été recueillies par ^qs groupes parisiens 4 la suite d$-notre publicité ; nous-mêmes nous avons reçu directement un certain nombre d’adhésions aux principes de paix èt d’arbitrage. Les adhésions envoyées àu Devoir, en février, mars et avril, sont ainsi reparties en France :
- 'Haute*Loire. Allègre 57. — Monfet 23.
- Mentèyre-d’Allègre 7. — St-Just 5. — Vapenne-St-Honorpt 2. — Fix-St-Genes 2. — Chomelin 2. — Vernaè'sal 2. — Le Puy 1.— Chamberaç 1. — La Chaise-Dieu 1. — Paulhaguet 1.
- Aisne, -r- Guise 38. Hénnapes 2. — Saint-Quentin 1. — Noyai 1. — Petit-Verdy I. — Vallée-aux-Bleds 1. — Vadencourt 1.
- Seine. — Paris 22. — Le Raincy 2. — St-Mandé 1. — Auteuil 1. — St-Maurice L
- Doubs. — Beure 18. —Besançon 2.
- Algérie. —. Guelma 9. — Djijêli 3. — Oran 2. — Sétifl.
- Hautes-Pyrénées. — Ossuri 2. — Tarbes 1. — MontréJ au 1. 1
- Gironde. Villenave-de-Rions 12.— Blaye 1.
- Haute-Marne. — Joinville 2. — Langres 1.
- Haute-Saône. — Jean-les-Vignes de Chaions 1. — Plancher-Bas 1.
- Hérault. — Cazoult-les-Béziers 5. — Béziers 2.
- Marne-et-Loire. —Angers 3.
- Somme. — Ham 1. -r- Picquigny 1.
- Nièvre* — Nevers 3.
- Sarthe. — Le Mans 2.
- Var. — Vinon 2. — Toulon 2.
- Basses-Pyrénées. — Pau 1.
- Seine-Inférieure. — Ry 1.
- Nord. —. Anzin 1. — Lille 1.
- Oise. — Marigny-les Compiègoe 1.
- Haute-Garonne. — Toulouse 1.
- Ile-et-Vilaine. — Le Sel 1.
- Lot-et-Garonne. — Saumars 1.
- Bouches-du-Rhône. — Septèmes 1. -
- Alpes-Maritimes. — Nice 1.
- Somme. — Villers-Bretonneux 1.
- Loiret.—Orléans 1,
- Seine-et-Marne. — Ivry sur-Seine 1.
- Côte dOr. — Semur 1.
- Vienne. — Autran 1.
- Corse. — Ile-Rousse 1.
- Puy-de-Dôme. — Clermont 1.
- Drôme. — Vaierice 1.
- Meuse. — Bar-le-Duc 1.
- Pas-de-Calais. — St-Pierre-lès-Calais I.
- Gers,.-.-r* Miranda 1.
- : Etranger. -r- Angleterre 1. ^ Italie 2. ^ Suisse 3. — Roumanie 1.
- En résumé, 277 adhésions réparties dans J69 communes de 35 départements. Dans 10 localités, seulement, le nombre des adhérents est supérieur à 5. On remarquera que le département de la Haute-Loire occupe dans ce relevé un rang exceptionnel ; la petite ville d’Allègre; avec sa population de 1,700 habitants, a produit 57 adhésions. C’est qu’il s’est
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- rencontré i l un généreux initiateur qui s’est mis résolmnent. à l’œuvre avec la ferme volonté de-ne pas se laisser arrêter pur l’indifférence et les résistances de la masse.
- Ces adhésions viennent de gens sérieux ; elles sont toutes motivées et signées, même plusieurs ont leurs signatures légalisées par les maires. On compte 25 dames parmi les signataires.
- Les enthousiastes trouveront probablement ces résultats bien minimes. Nous les jugeons satisfaisants. Nous savons que notre œuvre sera longue et laborieuse. S’il devait en être autrement, si les peuples avaient assez de raison pour saisir du premier coup toutes les charges du militarisme, ce n’est pas seulement la pacification générale de l’Europe que nous aurions à brève échéance, mais nous verrions tous les progrès se réaliser rapidement sans heurt et sans effort. L’état présent de l’humanité et l’histoire de son passé ne permettent pas de se laisser aller à dq pareilles illusions,
- La propagande en faveur da désarmement et de l’arbitrage international est une entreprise immense ;
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- immense par ses résultats et par les efforts qu’elle nécessitera. On ne saurait donc la commencer sur des bases trop solides. Nous savons que nos premier s adhérents réunissent toutes les qualités requises pour persévérer dans une voie aussi difficile. Aussi sommes nous satisfaits des résultats acquis pendant ces trois premiers mois de propagande suivie.
- Lorsqu’on s’adresse au public avec l’intention de modifier l’opinion, le plus difficile est de parvenir à donner à l’idée nouvelle assez de consistance pour qu’elle tienne sa place dans la pensée publique sans effort exceptionnel de la part de ses promoteurs.
- En France on peut dire qu’une idée a pris rang dans l’opinion publique, lorsqu’elle est maintenue à l’ordre du jour par quelques dizaines de mille de citoyens convaincus de son utilité et décidés à l’affirmer dans les circonstances favorables. Alors, si l’idée est juste, si elle répond à un besoin humain, elle fait peu à peu son chemin et parvient plus ou moins rapidement, suivant les circonstances à peser sur les décisions du gouvernement et à devenir la loi de la majorité.
- L’œuvre de l’heure présente consiste à chercher un à un les vingt ou trente mille premiers colporteurs de l’idée de paix, de leur apprendre à se connaître, et de les lier par d’s relations nouvelles. Alors, après ce premier résultat, on pourra dire que la cause de la paix est moitié gagnée, parce qu’elle aura acquis assez de force pour se maintenir en évidence par sa propre puissance.
- Dans la première partie de notre œuvre, la plus pénible, celle qui ne peut pas être si elle n’est pas soutenue par le concours des natures militantes, il faut une action incessante visant les individus plutôt que les foules. Nous ne sommes pas à la période des grandes manifestations en faveur de la paix. Nous cherchons, à cette heure, les hommes qui se sentent assez forts pour provoquer ces manifestations à un moment déterminé ; mais ce que nous leur demandons actuellement c’est de distinguer dans la masse les caractères suffisamment trempé, d’aller modestement vers eux, de les gagner par une propa-
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- gande prudente, enfin, lorsqu’ils les auront suffisam* j ment convaincus, de les enrôler, mais pas avant de j leur avoir expliquer ce qu’on attend d’eux, un con- j cours patient de chaque instant, jusqu’à ce que l’on \ ait constitué par toute la France les cadres de la Ligue de la paix. A mesure que les cadres s’étendront, les groupes les plus anciens prépareront des publications spéciales destinées à faciliter la propagande. Nous-mêmes, nous nous proposons de donner 1 exemple en publiant dans le c.ourant de juin un Numéro exceptionnel entièrement consacré à la
- propagande de la Pqix, sous le titre : L’Arbitrage international et Le Désarmement européen.
- Aujourd’hui, nous avons voulu constater que depuis quelques mois 277 citoyens s'étaient révélés à nous comme ayant la volonté d’augmenter le nombre des chercheurs des militants de la propagande de la paix. Dans quelques localités le nombre de nos amis est assez élevé pour qu’ils puissent déjà commencer l’action collective. Dans les 10 centres, où l’on compte plus de cinq adhésions, nous engageons les adhérents à former des groupes spéciaux, sous une dénomination de leur choix, et de nous faire savoir l’adresse sociale du groupe, afin que nous puissions la faire connaître aux sociétés déjà constituées. Cette communication est indispensable à plusieurs points de vue; il est des centres où la propagande est plus difficile que dans certains autres; souvent les militants, les moins favorisés par le milieu, se laisseraient aller au découragement, s’ils n’étaient fortifiés dans leurs premières résolutions par de fréquentes nouvelles dès contrées où le développement de l’œuvre se poursuit d'une manière moins laborieuse ; en outre, il est nécessaire de centraliser les adresses des groupes pour faciliter la distribution des imprimés, journaux et brochures.
- La formation des groupes rencontre souvent de grandes difficultés à cause de la différence de position sociale des adhérents d’une même localité. Les plus humbles redoutent de paraître vouloir s’imposer auprès des hommes des classes élevées. Cette crainte peut paralyser l’action générale ; elle ne sera apaisée autrement que par l’initiative des citoyens que leur situation personnelle semble classer au-dessus des autres hommes. Beaucoup d’hommes riches, trop humanitaires-pour se croire au-dessus des moins favorisés de la fortune, oublient souvent "existence de ces timidités et de ces craintes ayant pour conséquence l’isolement d’individualités, dont l’action concertée aurait une véritable influence.
- Nous demandons à tous nos amis véritables de la paix de continuer avec persévérance la propagande commencée. Nous promettons à tous un concours empressé. Nous ne cherchons pas à monopoier le mouvement pacifique, à mesure qu’il se développe. Chaque adhésion, qui nous est envoyée, est publiée avec tous les détails de l’adresse, afin qu’elle puisse être notée par tous les ligueurs désireux d’étendre la propagande et de se mettre en relation avec les recrues de chaque semaine. Le Devoir est ouvert à toutes les communications intéressant cette œuvre qu’il considère comme la plus urgente et la p us favorable au développement de la vie humaine.
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- LE D8V0IE
- Association de la paix et de l’arbitrage international
- Egypte et Soudan.
- L’association anglaise et irlandaise de paix et d’arbitrage international vient de se réunir à Londres, hôtel du Palais de Westminster, en vue d’examiner 1 état critique des affaires de l’Egypte et du Soudan.
- M. Viliiers Stuart, membre du Parlement, et M. Hodgson Pratt ont, tour à tour, présidé la, séance. Après une discussion approfondie et animée, les résolutions suivantes furent mises aux voix et adoptées à la majorité :
- 1° L’interventwn anglaise dans les affaires intérieures d'Egypte est inutile, maladroite et injuste ; rassemblée s'en rapporte au Gouvernement pour prendre les mesures propres à faire cesser cette intervention ;
- 2° « l e moment est venu d’inviter toutes les Puissances européennes, grandes et petites, et les représentants du peuple égyptien, à se réunir en congrès pour déterminer comment l'Egypte se gouvernera el e-même au mieux de ses intérêts, en prenant pour base les principes fondamentaux suivants :
- A. — Nul puissance ni groupe de puissances européennes n'aura de prépondérance ni de privilèges en Egypte;
- B. — Le bien-être du peuple égyptien sera le principal objet des arrangements proposés ;
- C. - te libre usage du canal de Suez sera garanti par la neutralisation du canal, neutralisation placée sous la sauvegarde de toutes les Puissances, dans leur inlét êt commun.
- La séance ayant été interrompue, à la reprise des travaux, M. Hodgson Pratt proposa la résolution suivante qui fut votée à la majorité :
- « U Assemblée est d'avis qu’aucune force britannique ne devrait être envoyée dans le Soudan, ni pour aider les garnisons égyptiennes à se retirer, ni pour aider le général Gordon à faire de même en ce qui a trad à l objet pour lequel il a été envoyé dans le Soudan. »
- Les résolutions précédentes copiées en nombre voulu ont été envoyées au Premier Ministre et au Secrétaire d’Etat pour les affaires étrangères.
- ---------------—
- ÉLECTIONS DE GUISE
- Dans le scrutin du 4 Mai, 19 conseillers municipaux de la liste républicaine ont été élus, Messieurs Godin, Barè père, Chanoine Ernest; Delorme, Devillers, De z eaux Louis, Dourlet, Féylin, Gronnier, Grebel Armand, Laisnè, Labbè, Marchand, Maréchal, Pernin, Pouillart, Pruvost-Jourdain, Richard.
- Un seul membre de la liste opposée, M. Schenest, a été nommé à une faible majorité.
- Au scrutin de ballottage, la liste républicaine représentait ses trois candidats, Messieurs Pipon-nier, Berthobet, Bernardot.
- L’opposition maintenait aussi trois candidatures, Messieurs Miau, Roussel et FJament.
- Jusqu’au samedi soir, la lutte électorale n’étaifc
- pas sortie des procédés honnêtes, en apparence; mettant hors de compte les colportages à domicile d’insinuations malveillantes et un tas d’autres manœuvres inséparables de la tactique de certains partis.
- Mais, le samedi soir, les meneurs, reconnaissant l'insuffisance des moyens ordinaires, qui avaient assez mal réussi le 4 Mai, se décidèrent à frapper un grand coup. A six heures on couvrait les murs de Guise des trois placards suivants :
- Chers Concitoyens,
- Par votre vote du 4 Mai dernier vous avez affirmé le maintien du gouvernement républicain.
- Dimanche prochain, vous êtes appelés à compléter le Conseil municipal.
- Nous présentons à vos suffrages Messieurs : Flament, Miau, Roussel.
- Si vous voulez bien les honorer de votre confiance, soyez persuadés que tous leurs efforts n auront qu’un but, Vamélioration de la ville de Guise et la gestion économique de ses affaires.
- Les intérêts de Vassociation du Familistère sont suffisamment représentés au conseil.
- Repoussez donc. toute liste qui pourrait donner à cette liste un nouvel appoint.
- Unissez-vous, pas d’abstention et tous aux urnes.
- Pour le comité :
- Louis Dezeaux, Pruvost-Jourdin, Labbé, Richard, Grebel Armand, Schenest père, Lefèvre Victor, Prieu.
- X>©tixiènn.o affiche
- Par votre vote du 4 Mai vous avez donné à M. Godin un nombre suffisant de conseillers pour représenter ses intérêts au conseil
- Aujourd’hui, U ne se trouve pas satisfait ; il lui faut encore la nomination de trois des siens pour dominer le conseil et faire prévaloir ses idées.
- Si vous ne voulez pas que la ville soit à sa discrétion votez en masse pour Messieurs Flament, Miau et Roussel, qui ont déjà obtenu vos suffrages au scrutin de dimanche dernier.
- Electeurs, ne rayez surtout pas les noms que nous vous présentons et repoussez toute autre liste qui ne serait qu’une manœuvre de la dernière heure et qui n’aurait qu’un but : vous diviser pour vous battre.
- Electeurs, aux urnes,pas d'abstention, pas de division !
- Un groupe d’électeurs.
- Bernier, Chevalier, Dollez, Dufour, Gigon, Minard, Parent, Pelé, Prévost, Prieu, Tanneur.
- Troiftièmo affiche
- Les soussignés ont l’honneur d’informer Messieurs les électeurs qu’ils déclinent toute candidature au conseil municipal et les prient de reporter les suffrages qui leur ont été donnés sur Messieurs Miau, Flament, Roussel.
- Bernier, Chevallier, Dufour, Gigon, Minard, Parent, Pelé, Prévost, Prieu, Tanneur.
- La liste monarchique a passé à une majorité de cent voix environ.
- Voici la vérité : dans le scrutin du 4 Mai, l’association comptait trois de ses membres parmi les élus.
- Or, à Guise, le produit des quatre contributions s’élève à 56,000 francs ; sur cette somma l’association du Familistère paie près de 16,000 francs, soit plus du quart. Une représentation proportionnée à ses intérêts lui aurait donné droit à 7 conseillers muni-
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- LE DEVOIR
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- eipaux ; en cherchant à en avoir 6, elle réduisait au minimum ses prétentions.
- En outre, l’association entretient ses routes, ses trottoirs; elle tolère, sans compensation, le passage public sur ses rues et sur un pont qui lui appartient ; elle s’éclaire à ses frais , et supporte toutes les dépenses de l’enseignement en faveur de ses enfants. Elle paie beaucoup à la ville de Guise et ne lui demande rien.
- Mais la nomination des trois candidats ballottés donnait la majorité au groupe, dont le programme était la laïcisation et la construction d’écoles, afin de mettre l’instruction à la portée de nombreux enfants voués au vagabondage par l'insuffisance des bâtiments scolaires de la ville de Guise.
- On comprend que la réaction ne devais reculer devant aucune audace; elle a même fait plus, puisque nous recevons de M. Gigon, pharmacien, la protestation suivante :
- Monsieur,
- Veuillez insérer,dans votre journal, que je n’ai autorisé personne à faire figurer mon nom sur une affiche parmi ceux qui engagent les électeurs à voter pour Messieurs Marnent, Miau et Roussel.
- Recevez, etc.
- Gigon, pharmacien.
- Or, en bon français, se servir de la signature d’un citoyen sans en avoir obtenu l’autorisation, cela s’appelle faire un faux.
- Eh bien ! braves électeurs, jugez ce qu8 vous pouvez attendre d'une pareille moralité ?
- Il nous revient que le cas de M. Gigon n’est pas un fait isolé. Nous persisterons à considérer comme complices de cette vilenie tous ceux qui hésiteront à donner à leurs protestations une publicité réelle.
- Les numéros contenant des articles sur la Caisse de Dotation seront envoyés gratuitement aux Députés, dès la rentrée des Chambres.
- CAISSE DE DOTATION10
- Pour les Enfants abandonnés, délaissés ou maltraités
- II
- Dans l’exposé des motifs on ne trouve aucun chiffre permettant d’apprécier les dépenses probables du service public des enfants abandonnés pas plus Que le produit de la principale ressource destinée à alimenter cette dotation.
- Les moyens de dodation sont énumérés par l’art. 2, ainsi conçu :
- Cette dotation s’alimentera :
- 1° Par le produit de toutes les successions ab infestât, à partir du septième degré.
- 2° Par toutes les libéralités, dons et legs dont elle sera l’objet ;
- 3° Par la partie des amendes de police correctionnelle affectée, à ce jour, au service des enfauts assistés, et par la totalité de celles résultant des condamnations po ir l’exercice illégal de la médecine.
- Les ressources indiquées par le paragraphe 2 et 3, sont aléatoires ou peu importantes ; la dotation devra retirer ses revenus les plus sérieux des moyens proposés par le paragraphe premier.
- Cependant les recettes, à provenir des successions ab intestat à partir du septième degré, ne peuvent donner lieu à aucune évaluation approximative digne d’êtro prise en considération.
- Les auteurs du projet n’ont pu obtenir du ministère des finances de renseignements plus précis que les suivants : du cinquième au douzième degré l’ensemble des successions ab intestat et des successions testamentaires donne en capitaux :
- En 1878 . . . . 65.770.000
- 1879 .... 102.681.850
- 1880 .... 105.996.650
- 1881 .... 73.266.325
- Soit un produit annuel de 87.000.000 environ.
- D’après le projet de dotation, il faudrait défalquer le produit des cinquième et sixième degrés, qui resterait aux héritiers ordinaires; il faudrait encore retrancher les héritages testamentaires, et faire la déduction des dettes. Après ces défalcations, les sommes disponibles seraient certainement minimes.
- Pour donner à cette dotation des bases solides, il y aurait lieu de partir de données positives permettant de créer une institution disposant de ressources en rapport avec l’importance de l’œuvre. Ce ne serait pas trop d’atteindre les héritages ab intestat au-dessus du quatrième degré, et d’établir un droit progressif sur toutes les dispositions testamentaires des mêmes degrés. Ce droit, conformément à ce que nous avons dit dans de précédents articles, aurait pour résultat de faire rentrer à l’Etat les parts de richesses provenant du concours des services publics et de la population en général.
- L’art. 2 devrait être ainsi amendé en tenant compte des observations précédentes :
- Cette dotation s’alimentera :
- 1° Par le produit de toutes les successions ab intestat, au delà du quatrième degré.
- 2° Par le produit d’un droit progressif d’hérédité de l’Etat prélevé dans les successions testamentaires au-delà du quatrième degré, d’après les règles suivantes : les legs de 2.000 francs et au-dessous ne paient aucun droit ;
- au-dessus de 2.000 jusqu’à 100.000, 50 0/0 ;
- les sommes
- au-dessus de 100.000 jüsQu’à 200.000, 55 0/0;
- (1) Voir le numéro du k Mai.
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- 3 JO
- LE DEVOIR
- au-dessus de 200.OCO jusqu’à 300.000, 60 0/0 ;
- au-dessus de 300.000 jusqu’à 500.000, 65 0/0 ;
- au'dessus de 400.000 jusqu’à 500.000, 700/0;
- au-dessus de 500.000 francs, 80 0/0.
- Les paragraphes 2 et 3 du projet deviendront les paragraphes 3 et 4 du nouvel article que nous proposons.
- En procédant ainsi on sort de l’inconnu et l’on dispose d’une dotation réelle.
- Nous avons démontré précédemment combien étaient fragiles les motifs invoqués en faveur de l’héritage, autres que ceux tirés des liens affectueux, dont le testament établit l’évidence. Nous n’insistons pas davantage sur la nécessité de prendre pour point de départ le cinquième degré.
- Nons sommes alors eq présence d’un produit total annuel de 87,000,000 ; et l’on nous accordera que les divers prélèvements indiqués dans notre amendement donneront au moins à la dotation la moitié de ce total, soit 43,500,000.
- Qui donc pourrait s’élever contre cet amendement?
- Les monarchistes ? On leur répondrait que les régimes d’où ils sont nés limitaient Je droit d’héritage au fils aîné.
- Les légistes conservateurs, les républicains modérés ? Mais la plupart des lois qu’ils défendent sont basées sur des interprétations du droit romain, et ce droit était loin d’exclure le principe des lois somptuaires.
- Les économistes ? Il faudrait qu’ils nous démontrent que le concours de l’Etat et de la population générale compte pour moins de moitié dans l’édification des fortunes privées, puisqu’ils prétendent que la propriété de chacun doit être limitée à l’équivalent des résultats de son travail. Nous les défions de faire cette démonstration.
- Les radicaux, les japobins? Nous les renverrions aux méditations des discussions ,de la Convention. Nous leur rappellerions, à eux et à tous les autres, que le droit, qui a légitimé l’ordre public actuel, tire son principe de l'utilité publique. Aucun d’eux, au reste, mis en demeure de se prononcer catégoriquement,n’oserait soutenir que notre proposition dépasse les besoins de l’enfance.
- *
- ♦ 4
- Le projet de loi et l’exposé des motifs sont muets sur la manière de liquider ces successions. Dans l’esprit des auteurs, cette partie est probablement réservée au règlement d'administration publique, conséquence de l’adoption du projet.
- Les articles 2, 3, 4, visent fies dispositions d’intérêt secondaire.
- *
- 4 4
- L’article 5 stipule que cette caisse sera administrée par un conseil de douze membres, dont six seront nommés au scrutin dans le sein de la Chambre des députés et du Sénat, et les six autres choisis par le ministre qui aura, pour lui ou son délégué, la présidence de droit de ce conseil.
- Pourquoi ce choix d’une partie du conseil dans le sein de la Chambre et du Sénat. Pourquoi étendre ainsi les attributions des parlementaires, gens qui se plaignent tous de n’avoir jamais assez de temps pour faire les lois qu’ils ont promises ? L8S députés ont pour mission de légiférer, de contrôler l’administration du pays ; mais leur rôle n’est pas d’exercer eux-méiqes les fonctions administratives.
- Et le ministre, que vient-il faire dans ce conseil ? Que le ministre et les députés aient le droit d’assister aux réunions du conseil d’administration, cela est très-juste. Mais aucun d’eux ne peut en être iqembre titulaire ?
- Quelle manie de mettre les ministres à toute sauce. fJn joqr, au congrès de l’electricité, des hommes qui n'ont jamais su donner la moindre stabilité à la boussole politique ; le lendemain, on les trouve dans les réunions des agents des ponts-et-chaussées, et, souvent, on dirait qu’ils ignorent ce qu’est la ligne droite. Les ministres seront bientôt comme les bonnes vierges que l’on mettait autrefois un peu partout. Si la récolte de pommes de terre menace d’être mauvaise dans une contrée, vite un voyage ministériel ; le philoxera ravage le midi, le ministre part pour Montpellier ; la betterave joue de mauvais tours aux propriétaires du Nord, aussitôt M. Mélinp arrive à Lille. Il çopvjent de laisser les ministres dans le recueillement ; ils comprendront peut-être l’utilité de se rendre compte des abus innombrables de leurs bureaux.
- Pourquoi ne pas confier l’administration à des hommes ayant acquis ^expérience dans les fonctions publiques déjà créées en faveur de l’enfance : les professeurs les instituteurs, les médecins des hôpitaux, etc., etc. ?
- *
- 4 4
- L’article 6 établit que les excédants des recettes annuelles seront réservés pour constituer à la dotation un capital dont les revenus seuls seront appliqués aux besoins des exercices suivants.
- N’y aurait-il pas lieu de préciser que ce capital consisterait en titres de rentes françaises ? On commencerait ainsi le rachat de la dette publique au profit d’institutions sociales.
- Les articles 7 et 8 indiquent les droits à percevoir par le trésor dans les successions faisant ainsi retour à l’Etat,
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- LE DEVOIR
- 3ii
- L’article 9, d’après les modifications de l’article 2 que nous avons proposées, serait ainsi rédigé : Les parents au-delà du quatrième degré ne succèdent pas, à moins de testament.
- Les autres articles du projet de loi ont trait à des questions d’ordte administratif, sans influence sur
- l’économie générale de la dotation.
- * *
- Le projet de dotation amendé suivant nos observations constituerait une excellente institution selon l’esprit républicain. Cependant il serait encore loin de répondre aux besoins urgents du moment.
- Ce n’est pas seulement la question des enfants abandonnés qu’il fallait poser, c’est la question de d’enfance en général qu’il convenait d’envisager. Cela est tellement vrai que la solution proposée en faveur des enfants abandonnés aura pour résultat de saisir les législateurs de la question de l’enfance toute entière.
- Dès que l’on aura établi dans diverses parties du territoire des fondations destinées à recevoir les enfants abandonnés, il ne manquera pas d’arriver que les enfants reçus dans ces asiles seront mieux nourris, plus proprement vêtus, mieux développés au point de vue intellectuel et professionnel que la généralité des enfants des travailleurs pauvres. Ceux-ci ne manqueront pas de réclamer alors des institutions analogues combinées avec les nécessités de la famille. Et l’Etat, bon gré mal gré, devra se préoccuper d’organiser des institutions destinées à pourvoir à toutes les choses nécessaires au développement physique, intellectuel et professionnel de l’enfance.
- Mais dans la question sociale tout se tient, on ne peut la diviser fructueusement sans être résolu à suivre rapidement toutes les étapes au bout desquelles se trouve la mutualité nationale, base d’une nouvelle évolution humaine.
- Dès que l’Etat, par l’entretien des enfants assistés, abandonnés ou maltraités, aura sous sa direction un nombre d’enfants considérable, les travaux d’apprentissage convenablement dirigés produiront, chaque année, un stock important de marchandises; encore, à la fin de chaque exercice, le nombre des apprentis parvenus à la limite d’âge sera suffisamment grand pour apaener dp graves perturbations dans le travail, en jetant tout d’un coup sur le marché des travailleurs des bras exceptionnellement doués et qui seront certainement préférés aux travailleurs affaiblis ou bien sur le déclin de l’âge. ; ;
- On le volt, le problème dé l’enfance soulève immé-diatiment çeu$ du^hômagu* de la maladif et de la f
- vieillesse, trois plaies sociales que guérira la mutualité nationale.
- Nul ne contestera la vérité de cet exposé sommaire des répercussions économiques *
- Puisque la sociologie est assez avancée pour nous permettre d’arriver de déduction en déouotion à là prévision de complications inévitables, n’y aiirâit-il pas culpabilité d’agir comme aux époques où le raisonnement était incapable Je devancer la manifestation des faits ?
- Nous ne vouions pas dire que nos législateurs doivent tout réaliser en même temps, Mais: ils ont le devoir de poser nettement la question, et d’établir les problèmes connexes.
- ;: ;
- Pour nous résumer, nous “aurions voulu voir les
- imitateurs du projet de ldi faire de l’exposé des motifs un programme énumérant lofe problèmes sociaux dont l’ensemble trouvé sâ solution dans la mutualité nationale, démontrer, que la (^u.e.stip^ de i’er|faneê est la plps urgente, et que, dans l’imppssihUïié de l’aborder toute entière à caüse d’ùfie préparation jnsuffisamtè dé, resprij; |$bîic, ils^ s’étaiôqt attachés à diviser cette derrière en proposant .îïftf médiatement de l’attaquôr dans sa partie la plttk aigue par l’établissement complet des institutions propres à procurer une sécurité rationnelle aux plujji injustement déshérite^ les enfants àMhdonnés.
- Après avoir ainsi considéré cette réfome dans ces grandes lignes, nos législateurs ne pouvaient manquer de s’inquiéter da rechercher <le& conditions pratiques d’un fonctionnement susceptible de se prêter facilement aux additions rendues ultérieurement nécessaires par les développements prévus du progrès social. •
- Le projet de loi est iqpet sur les conditions d’applications des nouveaux services publics ; ses proi? motéuré ont négligé cèttê pârtiè de la quèstion.BfJe a cependant son importance, eUeles aurait amenés à proposer quelques articles réglant la répétition dans tout le territoire des riouvaUes fondations, afin d’éviter les efièts d’uné centralisation dâbgèreuse: Nous appelons d une manière particulière l’attentipn des législateurs sur 1^ nppessit'ê^ rdë; combler c®tte lacune, aussi réduites que soient les premières âlH plicàtions de cette déformé. Si leurs premières résolutions n’aboutissent pas 4 des réalisations assez générales pour pouvoir être établiès dans chàque commune, qu’ils s’arrêtent à des fondations par canton pu par arrondissement; mais ils commettraient^ une Fai^te grave, s’ils ne prévoyaient, dès le début, les erreurs que permettent de supposer léâ tendances ordinaire?
- de notre régi ",
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- LE DEVOIR
- Les réformes contenues en germe dans le projet de dotation de la caisse des enfants abandonnés seront le point de départ de l’organisation de la mutualité nationale. Les auteurs de ce projet ne peuvent donner trop d’attention à une partie destinée â être encadrée dans un tout aussi grand, aussi humain. Ils comprendront que nos critiques ne sont pas l’œuvre d’un négateur, qu’elles nous sont inspirées par le désir du mieux, désir qui n’exclut pas l’ap-prabation des moindres efforts et qui nous commande d’enregistrer et de louer une tentative aussi caractérisée dans la voie de la solidarité sociale.
- APHORISMES ET PRECEPTES SOCIAUX
- XXXIX
- La guerre
- Les armées permanentes absorbent les plus purs produits du travail des nations et engloutissent en dépenses infructueuses, nuisibles et destruct ives les ressources qui devraient servir au bonheur des peuples, ne laissant à ceux-ci en lieu et place des richesses per dues, quinquiétude, chômage, douleur et misère. Gouvernants, jugez d'après ces résultats le mérite de vos œuvres, ca 'il dépend de vous de faire cesser de telles aberrations.
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- Faits politiques et socianx de la semaine
- FRANCE
- Le rendement des impôts. — Le déficit croît à la fin de chaque mois suivant une progression régulière. Nous donnons les résultats du relevé du mois d’avril :
- Voici d’abord les impôts qui ont donné les moins-valuespar rapport aux prévisions budgétaires :
- L’enregistrement a donné 48,156,500 fr.; moins value de 4,986,300 fr.
- Les douanes ont donné 23,845,500 fr.; moins-value de 2,024,200 fr.
- Les sucres ont donné 11,208,000 fr.; moins-value de 549,000 fr.
- Les télégraphes ont donné 2,204,500 fr.; moins-value de 37,000 fr.
- Voici maintenant les impôts qui ont donné les plus-values par rapport aux prévisions budgétaires :
- Le timbre a produit 14,897,000 fr.; plus-value de 436 400 fr.
- Les contributions indirectes ont produit 66,720,400 fr.; plus-value de 393,700 fr.
- Les vins ont produit 11,321,000 fr.; plus-value de 127,000 fr.
- Les postes ont produit 10,587,500 fr.; plus-value de 312,000 fr.
- Si l’on compense les insuffisances et les excédents, on constate que finalement ^ensemble des impôts et revenus indirects donne, pour le mois d’avril dernier, une moins-value de 6,327,000 fr. par rapport aux prévisions budgétaires.
- L’ensemble des quatre premiers mois de 1884 donne une moins-value totale de28,555,000 fr.
- Si l’on compare les rendements non plus aux prévisions budgétaires, mais aux produits de l’exercice 1883, on constate des résultats non moins regrettables*
- Le mois d’avril 1884 est en déficit de 2,393,100 fr. sur le mois d’avril 1884.
- Traité de Tgen-Tsin. —Voici en quels termes l'Officiel annonce le Traité avec la Chine.
- C’est hier, 11 mai, a cinq heures du soir, que le vice-roi de Petchili, muni des pleins pouvoirs de la cour de Pékin, et le commandant Fournier, qui avait reçu, trois jours ayant, les pleins pouvoirs du gouvernement de la République, ont signé à Tien-Tsin une convention en quatre articles, qui met fin au différend existant entre la France et la Chine.
- Par l’arilcle 1er, la France s’engage à respecter et à protéger, s’il en est besoin, les frontières Sud de la Chine, limitrophes du Tonkin.
- De son côté, la Chine, rassurée sur l’intégrité et la sécurité de ses frontières Sud, s’engage à retirer immédiatement à l’intérieur des dites frontières, toutes les garnisons chinoises du Tonkin. Elle s’engage en outre « à « respecter dans le présent et dans l’avenir les traités « directement faits ou à faire entre la France et la cour « d’Annam. » (Article 2.)
- L’article 3 porte « qu’en reconnaissance de l’attitude « conciliante de la Chine et pour rendre hommage à la « sagesse patriotique de Son Exc. Li dans la négociation € de cette convention, la France renonce à demander « une indemnité à la Chine. »
- Celle ci s’oblige, en retour, à admettre sur toute l'étendue de la frontière Sud, limitrophe du Tonkin, la liberté du trafic des marchandises « entre l’Annam et la « France, d’une part, et la Chine, ne l’autre; » il sera conclu â cet effet un traité de commerce et de tarifs « dans l’esprit le plus conciliant de la part des négocia-« teurs chinois, et dans des conditions aussi avantage geuses que possible pour le commerce français »
- Enfin, aussitôt la convention signée, les "deux gouvernements nommeront leurs plénipotentiaires, qui se réuniront dans le délai de trois mois pour traiter définitivement sur les bases ainsi arrêtées.
- La signature a été suivie d’un grand dîner offert par Li-Hong-Chang à M. Fournier et au consul de France.
- Ce soir, Li-Hong-Chang dînera au consulat de France, qui sera pavoisé aux couleurs nationales françaises et chinoises, et magnifiquement illuminé.
- + *
- Une bonne patriote. — On a annoncé le décès, à Pavilly, près de Rouen, d'une brave femme, nommée Duval, qui, depuis l’âge de dix-septans jusqu’à sa mort, arrivée à soixante-sept ans, avait élevé cent quarante-huit enfants sur lesquels trois seulement sont morts pendant qu’ils ôtaient chez elle en nourrice.
- La Société d’encouragement à l’agriculture avait décerné à cette nourrice mo èle, il y a quelques aimées, une médaille et donné cent francs de récompense, alors qu’elle en était seulement au chiffre de cent sept nourrissons.
- Ou dit communément que l’agriculture manque de bras ; tout ce qui tend à lui en fournir doit donc être encouragé. C’est évidemment là la pensée qui a dicté l’initiative de la Société d’encouragement. Il n’en est pas moins vrai que pour réaliser ses intentions excellentes, elle a dû franchir un peu les limites de son programme, et cela se voit de reste à la modicité du sacrifice qu’elle s’est imposé.
- Une médaille et cent francs, en vérité ce n’est pas assez pour une femme qui a conservé cent quarante-cinq citoyens à la patrie...
- La Grèce antique lui eût dressé des autels. Je n’en demande pas autant. Mais je ne puis m’empêcher de le dire: la mère Duval méritait mieux Les exemples comme celui qu’elle a donné sont si rares aujourd’hui que rien ne devrait être ménagé pour récompenser ceux qui les donnent et pour en propager le fécond enseignement.
- Leu CRawilt» re« de commerce et 1© Re-
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- ÎÆ DEVOIR
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- orntement de l’arniéa. — Dans sadernière séance, la chambre de commerce de Paris a adhéré aux propositions des chambres de Bordeaux et de Lyon, en vue de réunir à Paris une délégation des chambres de commerce, pour présenter aux pouvoirs publics des observations, motivées et collectives, sur le projet de loi du recutement militaire considéré au point de vue des intérêts commerciaux.
- ANGLETERRE
- La Conférence interuntionale. — La
- conférence internationale est toujours k l’ordre du jour de la diplomatie européenne.
- De quelque m inière que l’on s’y prenne, la carte à payer par les Egyptiens atteindra des proportions con-sidétables. Les bienfaits de la civilisation ne sont pas gratuits à notre époque, les sujets Egyptiens en savent déjà quelque cho^e.
- La dette totale de l’Egypte s’élevait, avant la révolte d’Aiabi, à 1,950 millions. On propose d’y ajouter pour compenser les déficits des années 1882, 1883, 1884, 73.000.000
- Indemnités aux bombardés et incendiés d’Alexandrie, 97.000.000
- Provision pour l’évacuation du Soudan, 12 000.000
- 184.000.000
- Les dettes de l’Egypte, intérêts et amortissement compris, imposent au peuple égyptien des charges annuelles représentant 8 (^0 du capital emprunté, suit 170.720.000 francs.
- En ré arlissant les charges de la dette publique entre les2,70ü,000 habitants de l'Egypte on trouve que chacun d’eux dt il payer annuellement pour le service de la dette publique une somme de 63 francs.
- Il faut considérer que la presque totalité de cette somme va à l’étranger, qu’elle ne cuutribue pas au développement des industries du pays, et que m million et demi d’habitants des campagnes travaille souvent pour un salaire quotidien inférieur à 50 centimes.
- La conférence est appelée à donner une consécration internationale à celte situation. On fera le tout au nom du progrès, de la civilisation et de l'humanité. Reste k savoir a quel gouvernement sera confié l’honneur de veiller à l’exécution des décisions de la conférence. L'Angleterre voudrait bien être seule à faire les manipulations administratives qui en résulteront. Etant connu le désintéressement de John-Bull, on peut conclure que l’affaire sera lucrative. La France n'a pasl’.dr de vouloir renoncer à une part du gâteau égyptien ; que dirait la haute banque, si on ne lui permettait d’avoir en bonne place quelques agents cha-gés de la tenir au courant des occasions de spéculation.
- Yoilà une plaie que le bon Joseph n’avait pas prévue ! * *
- Emancipation <1© la Femme. — Le principe de Légalité des sexes vient de remporter une nouvelle victoire à Oxford.
- L Universiié de cette ville donne depuis longtemps l’enseignement supérieur aux femmes, mais elle avait constamment refusé jusqu’ici de les admettre aux examens du baccalauréat Or, après une lutte ar lente, entre les partions et les adversaires des droits de la femme, les autorités universitaires, abjurant leurs préjugés, ont décidé par 464 voix contre 321 que le beau sexe serait désormais admis à concourir pour les honneurs académiques et pour tous les avantages que tes diplômes assurent dans la « lutte pour l’existence ».
- ESPAGNE
- Les élections sénatoriales ont donné le résultat suivant : 154 ministériels, 15 libéraux partisans de M. Sa-gasta, 7 de la gauche dynastique, 2 républicains, 2 indépendants et 2 autonomistes cubains. Les provinces
- basques, le Guipuzcoa, la Biscaye, et la plupart des Universités et des Sociétés savantes et littéraires ont élu des candidats de l’opposition. Le gouvernement aura au Sénat, en comptant les sénateurs à vie, une majorité de 270 conservateurs ; l'opposition ne comprend que 90 membres. La presse libérale se plaint vivement de la pression des autorités sur les électeurs et constate que les amis de M. Sagasta ont obtenu d’imposantes minorités dans plus de trente provinces.
- ALLEMAGNE
- Le grand fait du jour est la promulgation pour dix ans des iois d\ xception contre les socialistes. Le projet de M. de Bismarck a été adopté par 189 voix contre 157.
- Les nationaux libéraux et tous les conservateurs ont volé pour, ainsi que 25 membîes des libéraux allemands et 39 membres du centre, tandis que 53 membres du même groupe votaient c mire.
- Dans le cours de la discussion, M. de Bismarck apiistroisfoislaparole.il a attaqué le parti libéral allemand avec tant de violence que les membres de cetie importante fraction du Parlement se sont réunis après la séance pour décider qu’ils n’assisteraient pas à une soirée parlementaire donnée par le chancelier.
- D’après le dépêches ou peut résumer ainsi le discours de M. de Bismarck.
- « Le temps de la loi d’exception ne sera passé et cette « loi ne pourra êire abolie que le jour où l'ouvrier sera « toujours sûr d’avoir du travail taut qu'il sera en « bourre santé, des soins quand il sera malade, et de « l'assi.-tance quand il sera infirme. » Puis M. de Bismarck a exposé d’une façon détaillée ia nécessité de prendre promptement des mesures pour arriver à ce but.
- On peut interpréter cette affirmation de M. de Bismarck comme une grande victoire du socialisme, qui a contraint son adversaire le plus acharné à reconnaître comme juste le principe des revendications socialistes.
- Ces paroles, dans la bouche d'un ministre aussi puissant, équivalent à des promesses, et les grands polili-oues ne font pas des promesses à ceux qu'ils ne redoutent ou bien dont ils n’ont be-oin.
- Ces promesses auront peut être pour résultat de paralyser pendant quelques temps les efforts des socialistes et les effets de leur propagande ; comme elles ne peuvent pas être tenues sans détruire l’ordre social que M. de Bismarck veut conserver, l’impuissance du ministre, a satisfaire les espérances qu'il aura créés, lui-même refoulera dans le camp des mécontents tous ceux qui auront eu confiance en sa parole.
- Mais les déclarations de M de Bismarck équivalent à la proclamation du droit au travail et à l’a.ssistance. Gomment un homme ordinairement aussi clairvoyant peut-il avoir l’iilusion de pouvoir donner du travail aux ouvriers disponibles à la suite des crises, sans organiser à côté de l’industrie privée une industrie dEtat ayant pour conséquence le bouleversement de la première et l’absorblion de celle-ci par 1 autre.
- Les divers projets d’assurances en faveur des ouvriers présentés jusqu’à ce jour par le chancelier, n’atteindront pas le résultat p-omis.
- M. de Bismarck n’est pas le premier gouvernant qui a essayé de faire diversion aux revendications d’une classe par des demi-mesures impuissantes à rétarder son avènement.
- Les projets d’assurances de M. de Bismarck sont comparables à ces chartes que les grands seigneurs faisaient octroyer autrefois aux bourgeois, lorsqu’ils ne pouvaient les contenir autrement. Mais ceux-ci, jusqu’à leur complète émancipation, acceptaientchaqoe nouvel avantage comme un moyen devant les faciliter dans la poursuite du but final.
- Il en sera de même des promesses et des réformes rudimentaires de M. de Bismarck.
- Dès que le vote a été connu à Munich, les socialistes ont organisé une manifestation pour protester contre ia loi de rigueur votée à leur sujet au parlement allemand*
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- LE DEVOIR
- Dans une des rues les plus fréquentées, on a enlevé deux drapeaux nationaux qui se trouvaient sur un arc-de-triomphe et on les a remplacés par deux drapeaux rouges portant l’inscription : « Vive la démocratie so-ci&lo 1 ^
- La police ne parvint à enlever ces drapeaux qu'après deux heures de travail.
- Une foule énorme avait pris part à la manifestation. !
- Samedi soir, dans une assemblée populaire, un ouvrier j républicain, M. Bollemar, a été proclamé candidat du j parti socialiste ; la réunion a été dissoute par la force ( armée. j
- Tous ces incidents se produisent au milieu des Fêtes j des Vétérans qui ont amené beaucoup de monde à Mu- i nich.
- C’est la première manifestation de ce genre que l’on signale dans cette ville.
- Les députés socialistes et démocrates ont déposé au j Reichstag une motion qui invite le Conseil Fédéral a élaborer une loi qui permette de mettre en pratique le droit au travail proclamé par M. de Bismarck.
- RUSSIE
- On annonce de Saint-Pétersbourg, qu’un terrible incident s’est produit daüs le dernier procès de nihilistes. Plusieurs membres de la « Bande-Noire » étaient devant la cour, quand deux d’entre eux, Dubetzki et sa fille, tentèrent de se suicider. Dubetzki se blessa mortellement, mais sa fille ne put s’infliger que des blessures peu graves. L’audience fut immédiatement suspendue.
- Le bruit court que le romancier russe Tchédrine, dont le véritable nom est Saltykofï, a été arrêté ; on croit que son arrestation a rapport avec la suppression des journaux Djels et Annales de la Patrie, auxquels il collaborait.
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- Le Conseil de l’Université de Saint-Pétersbourg, s’est plaint dans un rapport au gouvernement que la « police ne se montrait ni bonne, ni circonspecte, ni raisonnable vis-à-vis des étudiants. » Voici les termes dont se servait le Conseil de l’Üniversité.
- « La réunion de plusieurs étudiants dans la chambre de l’un d’eux, attire immédiatement l'attention et soulève des craintes exagérées. Les portiers et môme les propriétaires des chambres oqt tout à craindre s’ils ne donnent prompte information du fait à la police, et de telles réunions sont souvent dispersées par la force. En outre de cette défense de frayer ensemble, les étudiants, même dans lp secret de leur propre chambré, ne peuvent vivre libres d’ennuis. Quelque studieuse que soit la vie qu’ils mènent, ne se mêlant â personne, ne recevant et ne faisant qpe peu de visites, iis n’en sont pas moins soumis à une rigoureuse inspection. — « Gomment passe-t-il son temps? — Qui fréquente-t-il? — Quel temps passe-t-ii généralement chez Iqi ? — Qqe lit-il ? — Qu écrit-ii? » — Voilà les questions posées par la police aux portiers et aux logeurs.
- Dans l’intérieur des Universités les étudiants sont sujets, de la part d’une police spéciale déclinée à lés surveiller, à de véritables persécutions.
- Mais le nombre des étudiants, persistant à se maintenir dans des proportions que le gouvernement trouve excessives, vient d’être réduit à un maximum qui éloigne de nombreux jeunes gens des centres universitaires. En plus, nul ne pourra avoir la qualité d’étudiant s’il p’a subi un examen, dont la portée est ainsi définie par l’administration : * Lçs étudiants qui seront acceptés « subiront d’abord l’examen d’une commission du gour-« vernement dont le corps enseigaant sera entièrement « exclu, et cet examen devra pousser jusqu’aux croyau-« ces iptimes et aux principes politiques du candidat. »
- PROGRÈS ET PADVRETÉ(I)
- p$r M. Henry George.
- VII
- Livre IX. — EFFETS DU REMÈDE.
- Chapitre 1er
- Effets sur la production de la richesse.
- Abolir les taxes qui agissent et réagissent sur toutes les industries, entravent et encombrent les échanges, serait enlever un poids immense à une puissance collossale. Imbue d’une énergie nouvelle, la production prendrait un essor dépassant toutes les prévisions.
- Le système actuel d’impôts agit sur la production comme le feraient des montagnes ou des déserts artificiels. Il en coûte plus pour transporter les marchandises à travers les douanes que pour les transporter autour du monde. Notre système fiscal contrecarre l’énergie, l’industrie, le talent, l’épargne, en prélevant des droits sur toutes ces qualités. Si j’ai travaillé assidûment et bâti pour moi une bonne maison, tandis que tel autre s’est contenté de vivre dans un taudis, le percepteur vient annuellement prendre pour mon habileté et mon énergie un droit dont l’autre sera exempté en partie. Si j’ai constitué une épargne tandis que mon voisin gaspillait ses ressources,je dois payer, lui est exempt de charges... et ainsi pour tout exercice du travail.
- Abolir toutes ces taxes serait rendre chacun libre de produire et d’épargner, d’acheter et de vendre, sans être amendé par le fisc, contre carré par les perceptions.
- Au lieu de dire au producteur : « Plus vous ajouterez à la richesse générale, plus vous serez taxé, » l’Etat lui dirait : « Soyez aussi industrieux, aussi économe, aussi entreprenant que possible, vous aurez la pleine jouissance du fruit de vos œuvres....»
- Et la société toute entière gagnerait à cet état de choses....
- Plus le travail et le capital produisent de biens, plus croît la richesse commune à laquelle tous les citoyens participent.
- L’impôt porté uniquement sur la nu-valeur foncière empêcherait qu’aucune terre restât sans emploi ; le prix de vente du fonds baisserait, la spéculation foncière serait anéantie.
- Lejfimple fait de porter tous les impôts pur'la
- (LifÉj lè « Qèvoif » depuis lé nqq$rg*Ûà 6 avfU .
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- valeur de la terre nue aurait pour conséquence de livrer le sol, par la voie de l'enchère, à qui offrirait à l’Etat le fermage le plus élevé. Les demandes établissant ainsi la nu-valeur foncière, et la taxe prélevant autant que possible toute cette valeur, l’homme qui voudrait détenir le sol sans l’utiliser aurait à payer au corps social la valeur utilisable de ce sol.
- Et il en serait ainsi pour toute terre, non-seulement pour les terrains agricoles, mais pour les ruines, etc..., et pour le soi de nos grandes cités. Ce qui serait payé annuellement à l’Etat remplacerait toutes les taxes actuellement levées sur les marchandises, sur les machines, sur les améliorations de toutes sortes.
- Quels seraient les effets d’une telle modification sur le marché du travail ?
- Les ouvriers, au lieu d’établir par la concurrence des bras la baisse des salaires jusqu’au point strictement nécessaire pour ne pas mourir, seraient recherchés par la concurrence des patrons, et les salaires s’élèveraient jusqu’à la plénitude des bénéfices dus au travail. Car sur le marché entrerait le plus grand de tous les consommateurs, celui dont les besoins ne sont jamais rassasiés parce qu’ils se renouvellent sans cesse, le peuple lui-même. Les patrons n’auraient point seulement à lutter entre eux de concurrence, sous le stimulant de l'activité industrielle et des profits croissants, mais aussi pour contrebalancer les facilités ouvertes aux travailleurs de devenir patrons eux-mêmes en s’établissant sur le sol rendu accessible à tous par la taxe nationale qui en empêcherait la monopolisation.
- Avec cès ressources naturelles librement offertes au travail, avec l’exemption d’impôts sur le travail et le capital, avec les échanges débarrassés de toutes restrictions, le spectacle d’une société incapable de remédier aux maux dont elle souffre serait impossible ; les crises industrielles cesseraient de se produire ; tous les moyens de production seraient mis en exercice ; l’offre et la demande, la consommation et la production marcheraient d’un pas égal ; les affaires se développeraient dans toutes les directions, et la richesse augmenterait dans toutes les mains.
- Chapitre II
- Effets sur la répartition et de là sur la production•
- Nous avons vu qu’à mesure du progrès de la civilisation, la propriété individuelle du sol donne à une minorité d’ifwlividus un pouvoir de plus en plus grand de s’approprier la richesse créée par le travail et le capital.
- Donc, délivrer le travail et le capital de tout impôt direct ou indirect et en rejeter le fardeau sur la nu-valeur du sol serait combattre cette tendance à l’inégalité et la détruire même totalement, si l’on prend par l’impôt l’intégralité des avantages inhérents à la détention du fonds commun. Cette détention, au lieu d’engendrer comme aujourd’hui i’iné^ galité, développerait l’égalité.
- Le capital et le travail se partageraient tous les bénéfices, moins la portion prise par l’Etat pour la nu-valeur foncière, mais cette portion étant appliquée aux institutions publiques reviendrait à tous les citoyens en général, sous forme d’avantages sociaux.
- C’est-à-dire que la richesse produite serait divisée en deux parts : Une constituant les salaires et intérêts dus aux producteurs individuels suivant leur concours spécial dans la production ; l’autre revenant à la société pour être distribué en avantages publics à tous ses membres. De cette dernière bénéficieraient également le faible et le fort, l’enfant et le vieillard invalide, le mutilé, le boiteux, l’aveugle aussi bien que l’homme fort et vigoureux. Et ce serait justice, car tandis que la première part représente le résultat de l’effort productif individuel, la seconde représente la force croissante avec laquelle la société, dans son ensemble, vient en aide à l’individu....................................... .
- Par l’établissement de ce nouvel équilibre, plus se développerait la puissance productive (et son progrès serait grandement accéléré) plus augmenterait la nu-valeur du sol, non aux dépens comme aujourd’hui du travail et du capital, mais pour le plus grand bien de tous les membres du corps social, puisque toute la nu-valeur foncière serait levée au bénéfice commun. Ainsi la condition des masses s’améliorerait proportionnellement au progrès matériel. Ce ne serait pas une classe qui s’enrichirait, ce seraient toutes les classes qui s’élèveraient de plus en plus, au bien-être, au confort, au luxe, etc.,
- Exprimons en chiffres, si possible, les pertes pécuniaires actuelles subies par les sociétés en raison des vices d’organisation qui condamnent des classes nombreuses à la misère et au vice. L’Angleterre entretient annuellement plus d’un million de pauvres officiels. Aux Etats-Unis, la seule cité de New-York dépense dans le même but plus de sept millions de dollars (35,000,000 de fr.) par an. Mais ce qui est pris sur les fonds publics, dépensé par les sociétés de bienfaisance ou par la charité individuelle ne serait, si l’on en faisait le total, que la minime partie à
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- LE DEVOIR
- mettre en compte. Les puissances du travail laissées sans emploi ; la généralisation des habitudes d’insouciance, d’imprévoyance, de paresse ; les pertes pécuniaires (sans compter les autres) indiquées par les effrayantes statistiques de mortalité ; le gaspillage dont témoignent les cafés et débits de boissons; les dommages sociaux causés par les misérables livrés au dénument : voleurs, prostitués, mendiants, vagabonds ; le coût de la police pour garder la Société contre ces misérables ; ce sont là autant de chapitres de dépenses à ajouter à la somme dont la jouissance est enlevée à la Société actuelle par suite de l’injuste répartition de la richesse. Et nous n’avons point complété la liste des pertes. L’ignoranc.e et le vice, l’insouciance et l'immoralité engendrés par l’iniquité de répartition se montrent aussi dans l’incapacité et la corruption du gouvernement : la dilapidation des revenus sociaux et les pertes plus grandes encore résultant des abus de fonctions et de pouvoirs publics en sont les conséquences logiques.
- L’augmentation des salaires et les voies nouvelles d’exercice du travail qui résulteraient cle l’appropriation des revenus de la valeur du sol à des institutions publiques, ne mettraient pas seulement un terme à ces dilapidations et pertes énormes ; une puissance nouvelle serait ajoutée au travail même. C’est une vérité de La Palisse qu’où les salaires sont le plus élevés, le travail est le plus productif. Le travail pauvrement rétribué est partout le monde un travail inefficace. ...........................
- Les hauts salaires sous-entendent développement du respect de soi-même, intelligence, confiance, énergie. L’homme n’est pas une machine qui accomplit telle chose et rien au-delà ; il n’est pas un animal dont les facultés vont jusquà tel point et s’arrêtent. C’est l’esprit, non la chair, qui est le grand agent de la production. La puissance physique de l’être humain est une des plus faibles parmi les forces naturelles, mais devant l’intelligence humaine les courants de la nature cèdent sans résistance et la matière est une cire molle que l’homme pétrit à son gré. Augmenter le confort, le loisir et l’indépendance des masses, c’est augmenter leur intelligence; c’est permettre au cerveau d’aider la main ; c’est faire concourir au travail journalier de la vie la faculté qui a pu saisir l’animalcule et mesurer l’orbite des étoiles !
- Qui peut dire à quelle incommensurable puissance la capacité du travail s’élèverait par des arrangements sociaux qui donneraient aux producteurs de la richesse leur juste part dans cette richesse même?
- L’aptitude américaine pour les inventions mécaniques et les procédés abrégeant le travail est le ré-
- sultat des salaires comparativement élevés qui ont prévalu aux Etats-Unis. Si les Américains eussent été condamnés à la portion congrue du fellah égyptien ou du coolie chinois, la généi’ation actuelle tirerait encore l’eau à la main et ferait ses transports à dos d’hommes..................................
- Avec l’évolution sociale qui résulterait de l’adoption de notre système, les machines-outils préjudiciables aujourd’hui à la masse ouvrière se montreraient alors pour ce qu’elles sont: un des plus grands moyens d’émancipation du travailleur. Dans un tel état social, la pauvreté ne serait à craindre pour personne.... et l’on serait poussé quand même au développement infini de la production, parce que la moralité s’élèverait et qu’on placerait au-dessus de tout l’utilité générale.
- {A suivre.)
- --—Ksswcfâoocyjooo»—-
- Fédération internationale de l'arbitrage .et de la paix
- COMITE DE PARIS
- Extrait <iu procès-verbal de la séance du 16 mai.
- M. le président Efppolyte Destrem rappelle que l’ordre du jour de la réunion porte: « Organisation du Congrès de Berne. » Ii dit que tous les membres de la Fédération ont reçu du comité anglais, dont M. Hodyson Pratt est le président, le programme de quatre questions soumises au Congrès de Berne par Y International aibüration and peace association. Il importe que la brache française de la fédération soit représentée au congrès qui va se réunir à Berne, dans les premiers jours d’août prochain. L’objet de la présente réunion est de réunir les fonds et de provoquer les concours nécessaires.
- M. L. Guébin : Au sujet du Congrès de Berne des confusions regrettables se produisent dans la presse. C’est ainsi que des journaux présentent comme ayant eu lieu au sein de notre fédération, un fait qui 's’est produit récemment non pas à Londres, mais à Genève parmi les membres de la Ligue internationale de la paix et de la liberté, dont le président est M. Charles Lemonnier. Cette Ligue ayant à préparer l’ordre du jour de la réunion de son comité central — reunion qui doit se tenir à Genève en septembre prochain — a adressé par lettre ù chacun dés membres de ce comité, lesquels sont répandus dans toutes les capitales d’Europe, cette demande : « l’ordre du jour portera-t-il, oui ou non, cette question : neutralisation de l’Alsace-Lorraine ? Or, douze de ces membres ont répondu : oui ; six ont voté : non ;
- • les autres se sont abstenus. J'ai cru nécessaire de rappeler ces faits, pour que nos collègues ici présents puissent nous aider à dissiper, dans la presse et dans ie public, cette confusion.
- M. Desmoulins : Il est d’autant plus utile de faire connaître la vérité sur les programmes des différentes sociétés, que nous, membres du Comité de Paris de la fédération internationale, nous nous pioposons également de mettre à l’ordre du jour du
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- LB DEVOIE
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- Congrès que cous voulons tenir à Berne à partir du lundi 4 août, cette question de la neutralisation de l’Alsace et de la Lorraine. Je viens d’adresser à M. Hodgson Pratt une inscription précise à cet égard, afin qu’un tour de parole me soit réservé sur la quatrième question : « Désarmement international. » Toute idée de désarmement sera, en effet, chimérique tant qu’on laissera vivra dans un voisinage immédiat ces deux adversaires, dont les rivalités ensanglantent l’Europe depuis plus de mille ans, le Germain et le Français Qu’y a-t-il à faire ? Placer entre les deux une muraille d états neutres.
- Mme Griess Frant : J'ai continué la correspondance commencée avec un Alsacien, député au Reichstag. J’ai le plaisir d’annoncer que cette idée de la neutralisation de l’Alsace-Lorraine trouve faveur dans des groupes de députés allemands et français. Le congrès de Berne va fournir prochainement à ces amis de la paix l’occasion d’exposer leurs vues sur ce sujet important.
- M. Destrems : Ii importe de tenir le public au courant de tout ce que fait le Comité de Paris en vue du Congrès de Berne. Notre secrétaire voudra bien adresser au journal le Devoir, un extrait du procès-verbal de notre séance, avec prière de l’insérer.
- Nous prions nos amis et adhérents de Paris et de la Province de redoubler d’efforts pour réunir des fonds, qui devront être adressés à Mme Desmoulins, trèsorière.
- Toutes les communications et demandes de renseignements touchant le Congrès de Berne devront être adressées à notre secrétaire, M. Auguste Desmoulins, 37, rue Brohant, Paris.
- La réunion décide, en outre, que toutes les convocations, portant l’ordre du jour, aux prochaines réunions du Comité de Paris seront adressés à tous les adhérents, même en province, afin de les intéresser à nos travaux.
- Pour extrait : Le secrétaire :
- A. Desmoulins.
- SANTÉ PUBLIQUE
- On lit dans le « Secolo » de Milan.
- Une intervention collective des puissances pour régler la question égyptienne dans l’intérêt européen et non dans l’intérêt exclusif et égoïste de l’Au-gleterre, serait actuellement désirable.
- Et cela en dehors de toute politique internationale, et au seul point de vue de l’humanité et de la santé publique en Europe.
- Ce qui devrait déterminer les gouvernements à agir est la nécessité d’exercer sur les provenances d’Orieut, et surtout sur celles de 1 Iode, une surveillance sanitaire que les Anglais depuis leur intervention autoritaire (bien que si provisoire) en Egypte ont résolument désorganisée.
- Evidemment, l’Angleterre est une nation libérale, un grand pays ; mais chez elle la livre sterling et le coton priment tout;, nous, au contraire, plaçons la vie humaine au-dessus de tous les trafics, au-dessus de l’industrie cotonnière, au dessus de la livre sterling elle-même.
- Pour cette raison, nous croyons que les gouvernements européens devraient rappeler l’Angleterre au respect de leurs propres intérêts.
- Les commissions soi-disant internationales du
- Caire, de Suez et d’Alexandrie sont composées presque entièrement de médecins, et de fonctionnaires à la discrétion du gouvernement anglais, et qui, par conséquent, font passer scandaleusement les intérêts du commerce avant ceux de la santé publique. Leur délictueuse complicité fut cause, l’an dernier, de l’invasion contagieuse qui dévasta l’Egypte, moissonnant au moins soixante mille existences.
- Ce fut alors un vrai miracle que le fléau n’atteignît pas l’Europe; et si nous voulons échapper cette année-ci aux cadeaux de la civilisation anglaise, ii n’y a qu’un seul moyen : Les gouvernements d’Europe doivent prendre ensemble, d’accord avec l'Angleterre ou malgré elle, des mesures rigoureuses.
- Cette ligne de conduite nous apparaît comme une obligation pour les gouvernements européens, obligation qui n’admet pas d’échappatoire ; néanmoins ii reste à voir (et une solation contraire à nos vues ne nous surprendrait en rien) si les intérêts du commerce doivent prévaloir sur la cause de la santé publique.
- 230* Société de Secours à la Vieillesse
- DES
- Agents et Ouvriers de la Gie P. L. M.
- Nous recevons le rapport du Conseil d’administration de la 2300 Société de secours à la vieillesse pour les deux sexes en faveur des agents et ouvriers des Compagnie des chemins de fer de P. L. M., fondée le 1er avril 1875. Ce document, à plus d’un titre, mérite l’attention des personnes que préoccupent les questions de prévoyance mutuelle ; il contient un exposé général de la situation financière de cette société, les règlements administratifs, le mode de paiement des pensions, les tarifs appliqués aux règlements des retraites, l’état du personnel et une énumération des valeurs appartenant à l’association. Nous en détachons la partie préliminaire :
- Lyon, le Ier Janvier 1884.
- Mesdames, Messieurs,
- Conformément à l’art 15 de nos statuts, le conseil d’administration a l'honneur de vous soumaitre la situation financière de la société au 31 décembre 1883.
- Au 30 juin 1883, l’actif était de 1.122.120 57
- Il était au 31 décembre de 1.226.809 39
- En augmentation de 104.588 82
- Ces chiffres disent combien est prospère l’état de la 230* et prouvent une fois de plus que les^ prévisions du Conseil se sont réalisées au-delà même de toutes ses espérances.
- Le Conseil prend les plus grandes précautions pour assurer Ja sécurité des intérêts communs pour le présent et pour l’avenir, et chaque sociétaire peut s’assurer, à la Banque de France, que notre capital y est entièrement représenté par des valeurs de tout repos.
- Les fondateurs de la 230e, qui ont montré quelles ressources on peut tirer de l’épargne par l’association, n’en jouiront cependant que dans une faible mesure, puisque la plupart d entre eux ne possèdent qu’un livret.
- Les nouveaux venus profiteront donc de l'expé*
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- LE DEVOIR
- rience acquise, en prenant autant de livrets qu’ils le pourront, afin de s’assurer une retraite qui les mette eux et leur famille à l’abri du besoin.
- L’hésitation et l’indifférence qui, dès le début, se manifestaient parmi quelques-uns d’entre vous, ont disparu pour faire place au désir de contribuer à la prospérité de l'œuvre ; les adhésions nous arrivent en masse, mais ce n’est pas encore assez.
- Le renouvellement du personnel, l’annexion du réseau Dombes-Sud-Est, nous font un devoir de faire une propagande sérieuse, et, tous, nous devons nous efforcer de démontrer, à ceux qui ne sont pas encore des nôtres, les avantages de notre association et les résultats admirables que nous pourrions atteindre, si tous les employés et ouvriers du P.-L.-M. prenaient un ou plusieurs livrets.
- Le Conseil constate avec une vive satisfaction le zèle et le dévouement dont font preuve nos Délégués dans la mission qu’ils remplissent avec tant de désintéressement ; il les en remercie, les en félicite sincèrement et prie les sociétaires de leur rendre leur tâche facile.
- D’autre part, il ne saurait passer sous silence l’in-différençe que montrent certains Sociétaires à remplir leurs devoirs d’électeurs chaque fois que l’intérêt social l’exige, et il appelle à ce sujet l’attention de MM- les Délégués, qui . feraient bien de leur expliquer que toute élection renvoyée faute d’un nombre d’électeurs suffisant, est préjudiciable à la Société par les nouveaux frais qu’elle impose.
- Avant de terminer ce compte-rendu il nous reste à vous entretenir de M. Auguste Limousin, cet homme de bien qui, inscrit un des premiers parmi nos membres honoraires, suivait avec intérêt les progrès de notre association, et qui, en mourant, a voulu, par un don de cinq mille francs, nous donner un dernier témoignage d’estime et d’affection.
- Qu’avec nos remerciements, sa famille et ceux qui lui étaient chers reçoivent l’expression de nos regrets et de notre vive sympathie.
- Nous conserverons le souvenir de ce bienfaiteur, et son nom figurera toujours sur la liste de nos membres honoraires comme témoignage de reconnaissance.
- Le Conseil d’administration :
- Le Président du Conseil, Le Trésorier,
- G. Billette. ' 1 Dessepprix.
- Le Président honoraire,
- Jullien Alexandre #, ingénieur, ancien député.
- Les Vice-Présidents, Les Secrétaires,
- Vandel, Paquet, Duport, Coste.
- Les Administrateurs :
- Chasson, Jacquier, Colomb, Leger, Bouvier, Saletes, Féry, Seruliaz, Meynier, Eyraud, ^purdin, Cibert, Lenoir, Monteil, Dufernoy, Martin, Ga-chon, Morenas, Keiser, Rabet, Voix, Pouchot, Perrin, Montupet, Perciot, Pons, Mercier.
- Nous prendrons texte des résultats obtenus par cette société pour attirer l’attention des administrateurs et des sociétaires sur les projets de loi déposés à la Chambre, visant les sociétés de secours mutuels..
- Les projets les plus favorables n’aecordent pas à ces sociétés le droit de posséder d’autres immeubles que ceux servant de lieux de réunion. On leur refuse la possibilité de conserver pour leurs membres les bénéfices du logement, en leur défendant le
- droit de propriété. Pourquoi ne pas accorder aux sociétés de travailleurs, à l’épargne suée, tout ce que l’on permet aux sociétés anonymes de spéculation.
- Mais les employés des chemins de fer sont électeurs, ils peuvent, s’ils savent s’entendre, exercer une grande influence dans le gouvernement du pays.
- Si les 15.000 sociétaires de la 130e voulaient dès maintenant faire circuler le mot d'ordre dans les sociétés semblables à la leur, de rejeter systématiquement tout candidat qui refuserait de voter une loi sur les associations donnant aux sociétés ouvrières une liberté au moins égale à celle reconnue aux compagnies anonymes, la question serait certainement résolue dans le sens de la justice.
- Eo agissant ainsi les sociétaires de la 130e obtiendraient des avantages nouveaux et feraient œuvre profitable en faveur de la classe toute entière des exploités.
- Le siège social est à Lyon, 5, rue de Caslries.
- LA POSTE EN ALLEMAGNE
- Nous reproduisons d’après le Temps quelques comparaisons entre les services postaux de la France et de l’Allemagne, qui sont loin d’être à l’avantage de notre pays.
- « Des différences de prix notables existent dans le transport des échantillons, des prospectus, circulaires et papiers d’affaires. Un paquet d’imprimés de 500 grammes, par exemple, coûte chez nous 50 cent., et chez les Allemands 25 cent. ; un lot d’échantillons de 250 grammes paie en France 25 cent,; et en Allemagne 0 fr. 125.
- « Pour les envois d’argent par mandat-carte les prix sont les suivants :
- En Allemagne
- 0 fr. 25 pour 125 fr. compris affranchissement. 0 — 375 — 250 — —
- 0 — 50 — 400 — —
- En France
- 1 fr. 25 pour 125 fr. compris affranchissement.
- 2 — 50 — 250 — —
- 4 — 00 — 400 — —
- « Cette différence n’est pas tout : en Allemagne,le mandat-carte est payé à domicile par la poste, moyennant un simple droit supplémentaire de 0 fr. 0625 quelle que soit la moyenne à payer. Cet avantage existe de même pour l’expédition des articles d’argent. Le facteur reçoit à domicile, à la campagne, par exemple, les sommes à envoyer, en donne reçu et le chef du bureau de poste expédie le mandat-carte.
- « On conçoit quel avantage présente ce régime dans l’industrie agricole, par exemple, où les habitants auraient souvent à faire de grandes courses pour aller aux bureaux de poste.
- « Le service des colis postaux est un des points par où l’organisation allemande est bien supérieure à l’organisation française.
- « En premier lieu, c’est un service de la poste et non des chemins de fer ; par suite, le colis postal va dans la plus petite commune, tandis que chez nous il s éloigne peu des lignes de chemins de fer.
- « En second lieu, le colis postal est en Allemagne de 5 kilos, et en France de 3 ; de plus, il coûte chez nous, quelle que soit la distance de 0 fr. 85 c.; tandis
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- LE DEVOIR
- lit
- qu’audelà dçs Vosges il n’est que de 0 fr. 3125 si le parcours est inférieur à 75 kilomètres et 0 fr. 625 s’il est supérieur.
- « En Allemagne, la lettre de 15 grammes coûte 12 centimes et demi, et celle de 30 grammes 25 centimes ; en France, les. prix correspondants sont de 15 et de 30 centimes ; cî’où il résulte une première réduction de 17 0/0 environ au profit des Allemands. Au-delà de 30 grammes, le prix de la lettre allemande reste le même, quel que soit son poids, jusqu’à 250 grammes ; tandis que la lettre française augmente régulièrement de prix jusqu’à 2 fr. 50 c.
- « Un négociant allemand enverra donc par la poste une lettre très volumineuse, contenant des échantillons de valeur, des plans, des papiers importants, sans payer plus de vingt-cinq centimes, tandis qu’en France nous dépenserons beaucoup plus, et surtout, chose plus regrettable, nous éviterons par économie de faire cet envoi, et qui, dans un grand nombre de cas, pourra être très préjudiciable à nos affaires.
- « En conséquence, on enverrait en Allemagne 15 kilos de marchandises en trois colis, à une dis tance de 75 kilom., pour 0 fr 9375 ou pour l'fr. 875 si la distance est plus forte, lorsque cette expédition ne se ferait pas à moins de 4 fr. en France ; différence, au profit de l’expéditeur allemand, de 78 0/0 dans le premier cas et de 56 0/0 dans le.;,second.
- « Il est certaines industries, comme les poissons fumés d’Ellerbeck ou d’Eekenfœrde, ert Sleswig-Holstein, la fabrication du beurre, qui ont pris une extension extraordinaire par suite de cette facilité et de ce bas prix des transports par colis postaux?
- « Il existe en Allemagne la lettre « express. » Moyennant une surtaxe de 0 fr. 3125, la lettre est portée à domicile à l’arrivée du train poste, quelle que soit l’heure de jour ou de nuit.
- « La lettre ne va pas au bureau de poste'. Elle est prise dsns le train par le facteur.
- « Les bcîtefe aux lettres situées à la porte des gares sont levées une minute avant le départ du train ; de plus, l’entrée des gares en Allemagne étant absolument ouverte là toute personne et à toute heure, l’expéditeur d’une lettre peut encore, si la boîte extérieure est déjà levée, pénétrer sur le quai et jeter sa lettre dans la boîte du train, au moment où ce dernier se met en marche.
- « On voit par ces différents exemples quelle est la série d’avantages offerts au commerce et à l’industrie d’Allemagne par le service des postes.
- Adhésions à la Ligue de la Paix
- Messieurs,
- Fleuret, propriétaire Guyonvernier, rentier Perret, Pierre, rentier Péry L., propriétaire Lagoumère André, rentier Guyonvernier Eugène, propriétaire Roy Jean-Baptiste Roy Auguste, propriétaire Roy Pierre, propriétaire Hudelot Jules, propriétaire Roy Hippolyte, menuissier
- Gervais Etienne-Francis, prop.-oulliv. —
- Tiercey Jean-Antoine, prop.-cultivateur —
- Euvrard Abel, propriétaire —
- Rouault, Jean-Pavin —
- Morel Louis, propriétaire —
- Dumont, médecin —
- Ledoux Claude-Mathias, propriétaire —
- Rumean Eugène, entrepreneur et propriétaire à Besançon Yordot Victor-Auguste, 5, rue de Château —
- VARIÉTÉ
- ROSE GIRARD
- (Suite.)
- La sage-femme, à peine vêtue, accourt et arrive juste à temps pour recevoir le nouveau-né qu’une servante, derrière elle, enveloppe prestement et emporte dans la tiède atmosphère du logis.
- Après quelques soins rapides, sommaires, indomptable dans sa volonté, ayant toujours devant les yeux l’image terrible de son pèie, Rose refuse l’asile qui lui est offert et, portée plutôt que soutenue par sa mère et sa sœur, reprend, pour le retour, le même chemin de croix. Elles regagnent la maison, prévenant, au passage, l’amie malade, Jeanne, sous un prétexte ingénieux pour ne pas être involontairement trahies par elle, si Pierre, toujours en proie aux soupçons, l’interroge, au matin.
- Elles rentrent sans bruit, tels des malfaiteurs. Léger est le sommeil d8 l’homme que ronge un cuisant souci : Pierre Girard ouvre les yeux, parle; on lui répond tout bas évasivement comme pour n’interrompre pas le réparateur repos du travailleur ; elles glissent furtivement devant lui et disparaissent derrière la porte de l’autre chambre, éproavaut toutes trois cette sensation du naufragé que la tempête relâche à demi-mort, qui, après de longs jours d’effroyable agonie, touche enfin le sol ferme.
- Le lendemain, à l’heure habituelle, le charron partant à la besogne, vit ses deux filles installées devant la table à ouvrage et maniant l'aiguille. Rose avait la pâleur de la mort, il la contempla longuement, palpant son visage d’un œil ardent.
- Comme tu es pâle, fit-il, en la baisant au front. Elle eut la force de se lever et de lui rendre sa caresse : — Oui, je suis un peu souffrante, répondit-elle d’une voix douce mais ferme, ne t’inquiète pas.— Et la mère ajoute : Il y a aussi ce blanc reflet de la neige au travers les vitres qui nous fait paraître tous livides.
- Marie, plus habile encore plaisante son père sur son air farouche, le gronde en riant, lui rend un peu de ga té. Il s’éloigne et, tandis que son pas résonne dans l’escalier, elle, de sa voix la plus claire, entonne le refrain d’une des chansons qu’il aime ; Rose voudrait bien l'accompagner, mais, cet effort là, chanter, elle ne saurait l’accomplir, son cœur si vaillant s’y refuse, tout ce qu’elle peut c’est de re-tenir le flot de larmes que cette joie, cette insoa* ciance mensongère soulève en elle et précipite à ses paupières. Elle songe a la frêle créature sortie de son sein, qu’elle n’a point vue, point caressée et qu’une étrangère sordide soigne sans amour; elle songe au misérable qui 1 a rendue mère et si lâchement abandonnée, lui laissant toute la charge de nourrir, d’élever un enfant qui n’aura point de père.
- à Beure (Doubs).
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- Lentement elle se remit ; le printemps, la belle saison favorisa la reprise de ses forces ; mais elle resta sans couleurs, son doux sourire de vierge heureuse ne revint pas et jamais plus elle ne chantait ; seule, Marie était l’oiseau de la maison, parfois elle se taisait aussi ; ia mère, eila-même,devint taciturne, songeuse, et quand le brave homme, ayant bien travaillé, rentrait au logis où planait la tristesse, il se sentait pris d’un malaise inexprimable, d un invincible pressentiment de malheur. On lui cachait quelque chose, comment le savoir? Il comprenait trop bien que les trois femmes s’entendaient pour lui en dérober le secret ; l’esprit péniblement tendu, tou* le jour H pensait au moyen de percer ce mystère, épiant, commentant tous les faits et gestes de sa compagne et de ses fiiies.
- Mais quand leurs intérêts de cœur sont enjeu, les femmes ont une prudence, une habileté admirables: le secret fut bien sauvegarde. A la dérobée, avec des précautions infinies et, à longs intervalles, Rose se donnait la joie amère de voir son enfant qui, placé à la campagne, chez une bonne nourrice, prospérait à merveille.
- Pour le bien comme pour le mal, souvent le hasard déjoue les meilleurs calculs : Une circonstance fortuite vient dévoiler d’elle-même à l’ouvrier charron la vérité. Un pay.-an amena chez son patron une charrette à réparer ; on se mit à jaser tout en buvant chopine, et l’homme de la campagne, le mari de ia nourrice, raconta l’histoire de l’accouchement dans la neige que ia sage-femme, qui, d’ailleurs, ignorait le nom de la jeune fille-mère, avait pourtant bien recommandé de taire: Elle aurait dû commencer par n’en point parler. La date et les circonstances se rapportaient exactement à cette affreuse nuit d’hiver où, malgré la neige et la tempête, sa femme et ses filles étaient sorties ; il se rappela qu’au matin Rose était d’une pâleur livide et qu’elle resta bien des jours à sortir d'une langueur inexplicable. En une seconde il vit, comprit tout, et sa conviction fut faite; le sang lui monta si fortement qu’il en eut un éblouissement et se sentit défailiiir, il s’appuya au mur et attendit immobile le retour de ses esprits. Revenu à lui, il saisit un lourd marteau de fer,sortit sans souffler mot, en proie au délire et se dirigea vers sa demeure.
- Les trois femmes, sans défiance de lui, le sachant à l’ouvrage à cette heure, préparaient en hâte des vêtements neufs pour le bébé. L’irruption de Pierre Girard fut si subite qu’elles n’eurent point le temps de cacher ces pièces à conviction ; il entre, les voit et l’œil flamboyant, la figure contractée, s’écrie d un ton terrible : C’est pour ton enfant. Et son bras nu, noueux, musclé, de fer lui-même, brandit la masse de fer. La mère, sans soufle, les genoux fléchissants, retombe sur sa chaise, les bras instinctivement étendus vers son mari. Dans une attitude suppliante, frappée de terreur également, Marie s’affaisse à terre à ses pieds Rose, qui n’a quitté ni son siège ni son ouvrage, lève la tête et avec son plus doux regard, d’un accent suave et mélancolique répond : Oui, papa ! — Et penchant le front, elle se remet à coudre, deux grosses larmes glissant sur son angélique figure. La fureur, la tendresse se livrent un affreux combat dans le cœur du père ; la candeur, la beauté, la faiblesse, l'héroïque résignation de sa fille le remuent étrangement, le désarment. Il lance dans la porte son marteau, si violemment qu’il l’enfonce, la brise, se précipite lui-même dehors comme fou et disparaît: le soir, il ne revint !
- pas du travail. Le lendemain, la mère dit simplement à ses filles profondément inquiètes : votre père est I violent mais juste, il est à la recherche du vrai coupable. Dieu veuille, ajouta-elle, levant ses yeux au ciel, qu’il no le rencontre pas.
- Pierre Girard, en effet, revenu à la raison, après une longue course à travers champs, s’était assis sur le bord d’un talus, le visage tourné vers la ville où il avait laissé dans le plus cruel bouleversement tout ce qu’il aimait au monde, les trois bonnes créatures qui lui rendaient la vie si douce. Au déclin d’un beau jour d’automne, dans le ciel pur, le soleil se couchait majestueusement à l’horizon sur un lit de nuages pourpre et or; les cloches des églises tintaient l’angeius par volees mélancoliques, la nature était calme et sereine
- Il se mit à réfléchir ; un moment vint où les larmes jaillirent de ses yeux ; quand il eut bien pleuré, son cœur attendri lui donna de meilleures pensées. Il se dit que sa Rose n’était que malheureuse , qu’un misérable avait profité de son innocence pour abuser de sa faiblesse, mais que le vice n’entrait pour rien dans sachuteetqu’elleméritaitencoretout son amour. Alors il tomba dans une méditation profonde : qu’allait-il faire ? Retourner au logis, pordonner et couvrir la faute de sa protection ? Mais l’honneur de sa fille resterait-il donc à jamais perdu et son avenir aussi ? Quel bonheur pour elle maintenant ? plus de mari ge possible : tôt ou tard son bis oire se saurait dans la ville, et la pauvrette serait honteusement reléguée dans la catégorie des filles-mères, de ces femmes faciles que l’on courtise uniquement et qu’on n’épouse pas.
- (A suivre.) Ernest Allart,
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- ETAT-CIVIL DD FAMILISTÈRE
- Semaine du 28 Avril au il Mai ISM TV A ISS .%rvo B
- Le 4 Mai, de Maldéré,Henri,fils de Maldéré Eugène et de Legrand Alice.
- D3ÊCÈS
- Le 29 Avril, de Lécuyer Léonie, épouse de Bléron Charles, âgée de 32 ans.
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- OFFRE D’EMPLOI
- La société du Familistère, Godin et C,<5} demande un homme jeune, intelligent, capable de seconder le Gérant dans la direction industrielle, commerciale et coopérative de l’association.
- L’industrie de la société consiste dans la fcfnderiô et la fabrication d'appareil* de chauffage et choses diverses d’ameubtemant eu fonte de fer.
- Belle position après preuves de capacité et de mérites suffisants.
- Adresser les demandes à FAdministrateur-Gérant, à Guise (Aisne).
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- SAINT-QUENTIN
- Société anonyme du Glaneur, Grand’Place, 33
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- g* Année, Tome 8, - n° 298 i>t numéro hebdomadaire 20 e.
- Dimanche 25 lai 1884
- le Dwmm,
- BEVUE DES OUESTKINS SOCIALES
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M GODIN, Directeur Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par i’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
- Un an. . Six mois . Trois mois
- 10 fr. »» 6 »» 3 »»
- Union postale
- Un an. . . . 41 îr. »»
- Autres pays
- Un an
- 13 îr. 80
- ON S’ABONNE
- A PARIS
- 5,r.Neuve-des-petits-Cliamps Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la
- Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Réforme électorale et la Révision constitutionnelle. — Numéros de propagande. — Un grand Exemple. ~~ Nécrologie. — Guillaume Liebhnech. •— Les Lois d’exception contre les socialistes allemands. — Préceptes et aphorismes. — Faits politiques et sociaux. — Progrès et pauvreté. — Mandats muni cipaux. — Ecoles du Familistère. —* Adhésions aux Principes de désarmement européen et d'arbitrage. — Bibliographie. — Congrès d Hygiène à Rouen. — Etat-civil du Familistère. — Rose Girard.
- LA RÉFORME ÉLECTORALE
- et la révision constitutionnelle
- Ce travail, dû à la plume de M. Godin, formera un numéro exceptionnel du Devoir. Il contiendra les chapitres suivants : A nos Assemblées législatives — L La Réforme électorale et la Révision de la Constitution. — II. Le droit de suffrage dans le passé . — III. Critique du Scrutin de circonscription
- ET DU SCRUTIN DE LISTE DÉPARTEMENTALE. — IV.
- Collège électoral national pour l’élection des députés et renouvellement annuel au scrutin de eistk de la moitié des corps élus. — V. Les moyens D exécution. — VI. Objections et réponses. — VIL Election directe du Sénat, au scrutin de Liste départementale. — VIII. Urgence de la réforme électorale . — IX. Rémunération des foncions électives. — X. Résumé et conclusion.
- Vows engageons vivement nos lecteurs à accorder toute hur attention à ce numéro. Nous en ferons un tirage
- spécial, avec couverture ; la vente aura lieu vers la fin du mois courant.
- PRIX FRANCO:
- 1 Exemplaire 25 centimes.
- JO Exemplaires 2 francs.
- 100 Exemplaires 15 francs.
- -- uy » ---
- NUMÉROS DÉ PROPAGANDE
- L’administration du Devoir livrera franco aux abonnés des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la librairie du Familistère.
- UN GRAND EXEMPLE
- La République des paysans, celle dont on prend prétexte pour contenir les impatiences républicaines, vient de montrer dans deux communes rurales de la Seine-Inférieure que les paysans ne repoussent aucune réforme et qu’ils veulent la République du Droit et de la Paix.
- Dans la commune de Houquetot, à l’occasion des élections municipales, les électeurs ont donné la majorité à une femme ; à Ry, tous les électeurs et toutes les femmes majeures on t adhéré en masse aux principes de l’arbitrage international et du désarmement européen.
- Comme les habitants de Houquetôt et de Ry nous voulons la République des paysans, celle où l’on annulera les lois injustes basées sur la différence des sexes, pour donner à tous les êtres humains majeurs
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- les mêmes droits civils et politiques, celle où l’on se prépare à régler par la raison et la loi les différends entre les peuples.
- Les électeurs de Houquetot et de Ry viennent de donner un grand exemple, que devraient imiter les électeurs des grand centres. Houquetot et Ry ont devancé Belleville.
- Nous voulons nous arrêter surtout aujourd'hui aux adhésions unanimes de la population de Ry aux principes de paix et d’arbitrage.
- Cette unanimité contient un remarquable ensei gnement ; elle indique la certitude du succès à ceux qui voudront, comme noire correspondant de cette localité, faire le nécessaire pour provoquer l’expression des sentiments pacifiques des électeurs.
- Ce qui donne un caractère particulier aux adhésions recueillies à Ry, c’est qu’elles expriment l’opinion d’une commune toute entière, c’est-à-dire d’une unité sociale* d’un groupement naturel et légal. Maintenant à Ry, il ne s’agit plus de former un groupe de propagande ; la commune elle-même constitue ce groupe ; et cette manifestation en pleine période électorale municipale augmente encore la signification des adhésions. On peut donc considérer la municipalité de Ry commeayant le double mandat d’administrer les intérêts matériels de la commune et de faire valoir lés intentions pacifiques de ses habitants. Nous espérons que les conseillers de cette commune, dans leurs sessions et dans tous les actes qui les mettent en rapport avec leurs administrés, sauront faire ce qu’il convient pour mettre en évidence les aspirations si humanitaires de leurs électeurs.
- Quelqefois des impatients, souvent, des hommes incapables de s’élever au-dessus des difficultés pour voir les moyens de les tourner et de les vaincre, nous parlent de la lenteur du mouvement pacifique et nous demandent comment nous pouvons nous vouer à une propagande qui, disent-ils, exigera plusieurs siècles avant d’avoir fait mûrir la question.
- Le grand exemple donné par la commune de Ry contient une excellente réponse à C8S objections.
- La question sera mûre, le désarmement européen et l’arbitrage international seront un fait accompli, lorsque les trois quarts des communes françaises auront eu la sagesse d’imiter la population de Ry.
- Nous ne savons pas quel temps nous mettrons à obtenir de pareilles consultations dans les cinq ou six cents premières communes. Mais lorsque nous aurons atteint ce nombre, il ne se passera pas deux ou trois ans avant que nous soyons à mille ; et lorsque nous serons 1.000, certainement il ne faudra pas cinq ans pour atteindre 10.000 ; alors nous serons
- bien près d’obtenir l’unanimité des communes françaises. Et qu’on ne l’oublie pas, lorsque les autres peuples, .les allemands et leurs voisins, entendront répéter par la presse de leur pays que les Citoyens français manifestent en masse en faveur de la paix, un courant analogue de l’opinion publique se créera dans tous les pays, et nous verrons en même temps tous les gouvernements vaincus par les peuples se préoccupera des moyens pratiques de coordonner le nouvel ordre social.
- Dans l’exposé qui précède, nous n'avons qu’une inconnue : combien faudra-t-il de temps pour obtenir les cinq ou six cents premières consultations ?
- Nous avons néanmoins des éléments qui nous permettent de simplifier encore cette inconnue: la population d’une commune est incapable de résister à l’action d’un grouqe composé de citoyens méritant l’estime publique et militant en faveur d’une cause humanitaire. Toute la difficulté consiste à recruter dans chaque commune le citoyen convaincu, sans préjugés, énergique, entraînant, persévérant, qui voudra employer toutes ses qualités à la formation du groupe d’initiative. On le voit, le problème réduit à ses dernières simplifications, exige le concours de quelques centaines d’hommes résolus et capables de puiser dans la sainteté de la cause l’ardente volonté de vaincre l’indifférence de la masse.
- Peut-on désespérer du succès, lorsqu’au fond de cette indifférence, il n’y a pas la moindre hostilité à rencontrer, au contraire ? Mais tant de causes ont
- l
- triomphé, avant celle que nous défendons ; et leurs premiers prosélytes soulevaient la haine, la vengeance, les persécutions.
- La guerre, la mort, trouve des sectaires ; et la paix, là vie, n’aurait pas sès ehthousiastes ?
- Mais déjà, en quelques mois, à Beure, dans le Doubs, à Affaire, dans la Haute-Loire, à Glaise, dans l’Aisne, à Guelma, en Algérie, nous avons des militants, — nous ne parlons que des centres où se trouvent des hommes d’action — capables de nous donner à brève échéance dés résultats comparables à ceux de Ry.
- Mais nous attendons beaucoup des citoyens de cette dernière commune ; ils ont des relations fréquentes avec les habitants dès communes circonvoi-sines ; ils sauront s’appliquer à les conquérir une à une ; et, fei dans quelques mois ils avaient rallié à là cause de la paix lés localités riveraines, ils donne* raient la preuve évidente de la possibilité de mener à bonne fin, en quelques années, les projets de désarmement européen et d’arbitrage international.-Nous publions l’intéressante lettre suivante de notre correspondant de Ry ;
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- Monsieur,
- « Ce n’est plus sur le champ de bataille que » « l’homme doit aller chercher ses conquêtes, » « c’est dans le domaine de la nature, de la » « science et de la production, parce que c’est » « là seulement que ses conquêtes sont utiles, » « durables et glorieuses. » Godin.
- Vous trouverez sous ce pli les deux listes des adhésions aux principes de paix et d’arbitrage, que j’ai obtenues dans la commune de Ry ; j’y joins une troisième liste où j’ai transcrit les signatures pour en faciliter la lecture.
- Le total des adhésions est de 242, dont 125 hommes
- et 117 femmes.
- Je vous ferai remarquer qu’aux dernières élections municipales le nombre des votants était de 117, qui correspondait à peu près â celui des électeurs présents dans la commune ; d’après cela vous voyez que tous ont répondu à notre appel. Quant aux femmes, aux épouses et au* mères comment ne pas reconnaître ici leur conduite digne, leur si louable empressement à nous aider dans le généreux et noble but qùé nous poursuivons et dont la réalisation assurera la « Paix constante », garantie précieuse de l’existence des êtres qui font l’objet de leur plus vive tendresse. Puissions-nous donc au plutôt, avec leur concours, délivrer la terre du plus terrible des fléaux, la guerre* Dès ce jour, l’humanité ne tardera pas à retrouver la véritable voie de sa destinée, et cette ère heureuse de l’harmonie universelle ne tardera pas à retrouver la véritable voie de sa destinée, et cette ère de l’harmonie universelle, aujourd’hui encore un rêve, deviendra les plus splendides réalités et l'astre qui nous éclaire ne sera que plus vivifiant et plus radieux.
- Le bourg de Ry qui n’a que moins de 500 habitants est cependant un petit centre qui, par son marché hebdomadaire, attire les produits des communes circonvoisines, de même qu’un certain nombre de facteurs et de marchands du canton et des cantons voisins ; lui- même réunit les diverses branches d’activité que l’on rencontre ordinairement dans une petite ville ; on peut aussi admettre que les opinions y sont nuancées comme partout ailleurs : Or donc, et c’est ici qu’il y a lieu, à mon avis, de faire ressortir le caractère significatif de notre résultat — qu’il convient d’attribuer exclusivement au désir qu'ont tous les hommes de bon sens d’assurer la paix et d’y participer — puisque ce que nous proposons répond si directement au sentiment intime de toute la partie majeure de la population d’une commune de France; eh bien 1 alors que manque-t-il pour obtenir
- l’adhésion unanime des antres communes ? Il me semble,une seule chose, les moyens de propagande ; mais la question de la Paix internationale restant toujours debout et aussi urgente, les résultats partiels obtenus ne peuvent être détruits, on peut sans se faire illusion, espérer atteindre le but dans un temps plus ou moins rapproché. Remarquons encore que le règne de la paix eBt tellement attendu de tous qu’il suffit d’en présenter la possibilité pour écarter momentanément toute autre préoccupation; et il faut que cejfdésir soitbien vif car partout oùje me suis pré-» sente dans le salon .dans la chaumière,dans l’atelier» partout j'ai rencontré la même attention bienveillante à écouter les explications ou développements que j’ai pu donner à tous, sans exception* et le même empressement à y adhérer, les mêmes vœux pour la prompte réalisation. En résumé, la population deRy a compris que c’est en se ralliant avec ensemble sous le drapeau de la Paix universelle, que nous accélérons notre marche vers ce nouvel état social, cette terre promise où convergeront tous les intérêts, toutes les aspirations. Oui, le peuple pris dans sa masse n’attend pour se prononcer que d'y être invité.
- Il y a en France 36,000,000 d’habitants et 36,000 communes, s’il se trouvait seulement un homme sur 1,000 habitants pouvant prendre à cœur la vulgarisation de « la Ligue de la Paix internationale : » on pourrait espérer que dans notre pays, dans un temps prochain et à peu de frais, son triomphe ne tarderait pas être un fait accompli. Enfin par des conférences, des bulletins, des publications spéciales à bon marché et répandues à profusion, en excitant les journaux de Paris et de la province à attirer souvent l'attention des lecteurs sur l’arbitrage international, etc., etc., seraient autant de moyens d’action.
- Plusieurs personnes m’ont exprimé le désir de posséder des détails écrits, tels que ceux que j’ai distrait du devoir, et que je leur faisais parcourir à l’appui de ce que je leur disais. Ne pourrez-vous pas, comme pour le Familistère, faire un numéro spécial qui traiterait exclusivement la question de Paix et d’Arbitrage : ce numéro résumerait ce que vous ne cessez d’écrire dans le Devoir, d’une manière si franche et si persuasive....
- Vous devez penser combien cela m’aiderait moi et d’autres membres actifs, pour poursuivre ma tâche dans les communes rurales voisines, où je ne pourrai aller, comme je l’ai fait à Ry, prêcher la paix de porte en porte ; mais j’essaierai d’autres moyens pour arriver à peu près au même résultat. Ici, tous ont été suffisamment instruits sur la question et tout adhérent n’a donné sa signature qu’en connaissance de cause.
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- J’ai remis des bulletins à la plupart des adhérents en les priant de les faire lire le plus possible, et de s’imposer la tâche d’obtenir ne fut-ce qu’une adhésion. J’espère qu’il m’en reviendra quelques-uns avec des signatures.
- Que de réflexions j’ai déjà recueillies, indépendamment des remarques que j’ai faites ; en voici quelques-unes.
- Une mère. — Savez-vous, Monsieur, que j’é-
- prouve parfois un serrement de cœur en caressant mon enfant ; je pense qu’un jour on me le ravira pour l’envoyer peut-être risquer sa vie sur un champ de bataille 1
- Des octogénaires. — Puissent nos petits enfants ne pas voir comme nous les douleurs, les désastres, que cause la guerre ; nous vous donnons notre adhésion et de grand cœur.
- En général. — Puisque nous réglons nos différends à l’amiable, devant des arbitres ou des juges, pourquoi les gouvernements, qui nous le commandent, ne feraient-ils pas tous de même... Ah, la Guerre !
- Une personne me disait : je lis plusieurs journaux: Les Débats, le Temps, La Revue des Deux Mondes, etc., j’ai dô grands enfants qui font de même, et je vous avouerai que, jusqu’à présent, je n’ai pas eu connaissance de la question dont vous m'entretenez, et à laquelle je m’empresse néanmoins d’adhérer... Ah, le journalisme !
- Je vous prie, de tout ce qui précède, de n’y voir tout simplement que mon désir de bien faire, et soyez persuadé que je m’emploierai à répondre de mon mieux aux avis et renseignements que vous voudrez bien me donner pour m’aider à poursuivre ma tâche et apporter ma pierre à la fondation du grand édifice « du Temple de la Paix. »
- Veuillez, etc.
- Templier.
- Pouvions-nous mieux faire que reproduire cette lettre pour faire comprendre à nos amis quelles qualités doit réunir un militant de la Paix. N’y a-t-il pas une véritable satisfaction à marcher avec dss citoyens tels que M. Templier ?
- Tous les caractères élevés ont un rendez-vous marqué dans la Ligue de la Paix ; il faut bientôt qu'ils forment une nouvelle maçonnerie agissant au grand jour pour le plus grand bonheur de l’humanité.
- Nous AVONS ANNONCÉ DANS NOTRE PRÉCÉDENT NUMÉRO LA PUBLICATION, DANS LE COURANT DE JUIN, d’üN
- NUMÉRO EXCEPTIONNEL sur l’ARBITRAGE INTERNATIONAL ET LE DÉSARMEMENT EUROPÉEN Ce travail contiendt a les chapitres suivants :
- La paix armée. - La prochaine guerre. —- Diplomatie CONSERVATRICE ET DIPLOMATIE PACIFIQUE — Neutralisation de l’Alsace-Lorraine. — Arbitrage INTERNATIONAL. ETAT DE LA QUESTION. — La véritable patrie.
- L’Administration du Devoir envoie gratuitement des bulletins d’adhésion aux principes de l’arbitrage et du désarmement européen aux amis de la prix désireux de s’associer à sa propagande.
- NÉCROLOGIE
- Auguste*Louiiti OYON
- Nous apprenons la mort de Auguste-Louis Oyon, ancien rédacteur et propriétaire de YObservateur de l'Aisne, le vaillant républicain qui dès le coup d’Etat entreprit la lutte contre le gouvernement impérial. Propriétaire et fondateur de l'Observateur de l'Aisne, sous le coup des incessantes persécutions des préfets de l’empire, il dut à un moment renoncer à la politique militante qu’il n’abandonna jamais entièrement; car, dans le monde des affaires, il sut toujours conserver assez d’indépendance pour ne laisser échapper aucune occasion de susciter dans le département de l’Aisne un courant d’opposition républi* caine. Et c’est à sa persévérante propagande que ce département était redevable de compter, avant la déchéance de l’empereur, une importante minorité républicaine.
- Mais le nom de Louis Oyon se rattache d’une manière toute particulière à l’histoire du Familistère En 1864, attiré à Guise par le règlement d’une affaire, M. Oyon fut frappé de l’importance du Familistère, il voulut témoigner à M. Godin son regret de n’avoir pas connu cette oeuvre pendant qu’il aurait pu la vulgariser par son journal, mais il quitta Guise avec la volonté d’employer ses relations dans le journalisme parisien à attirer l’attention publique sur le Familistère.
- Un an après, M. Oyon revenait à Guise avec de nombreux articles manuscrits qu’il avait vainement présentés aux prétendus journaux libéraux, et que l’on n’avait voulu examiner nulle part ; leur caractère socialiste avait suffi pour les faire écarter à première vue. Cela avait été une véritable déception pour notre ami, et aussi une grande peine ; car, Oyon, publiciste, avait considéré sa profession comme un sacerdoce ayant la mission de rechercher la vérité ; il sentit douloureusement des illusions qui lui attirèrent ses sympathies pour le Familistère.
- Mais Oyon était un persévérant, et il publia lui^ même, en 1865, une brochure « Une véritable cité ouvrière — Le Familistère de Guise » contenant la description du Familistère et une analyse des principes philosophiques qui avaient inspiré à M. Godin l’idée de cette fondation.
- Le travail de notre ami a été la première tentative faite pour signaler à l’attention publique l’œuvre du
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- Familistère. Cette publication, en France, eut le sort des choses sérieuses. Mais, traduit en anglais par notre ami Tche Pagliardini, ce travail fît grande impression en Angleterre et en Amérique, où, à dater de ce jour, l’on a jamais cessé de s’occuper du Familistère de Guise.
- Notre ami Oyon emporte nos regrets. Que sa famille, si digne de lui, reçoive nos sentiments de condoléance.
- GUILLAUME LIEBKNECHT
- Liebknecht, l’homme le plus éminent du parti socialiste allemande est à Paris. Il n’est pas inutile de rappeler à no3 lecteurs quelques détails de la rie du militant organisateur d’un parti qui donne tant d’embarras au gouvernement allemand.
- Il est descendu chez un de ses anciens électeurs,ouvrier expulsé d’Allemagne à cause de ses opinions. Liebknecht est simple de manières, austère de mœurs. Il vit pauvrement du produit de sa plume, ayant dépensé toute la fortune qui lui venait de son père au service de ses idées politiques.
- Né en 1825, il achevait ses études pour embrasser le professorat, lorsqu’éclata la Révolution de 1849. On le vit aussitôt à Bade, combattre pour la liberté à côté de Hecker et de Struve et, depuis, la vie de Liebknecht n’a été qu’une suite de luttes journalières où, par la parole, le livre, le journal, il a puissamment contribué à l’organisation du socialisme allemand.
- En 1862, il collabora à la Gazttte de VAllemagne du Nord, mais il s'aperçut bientôt que cette feuille, stipendiée par M. de Bismarck, voulait exploiter, au profit du césarisme, le mouvement socialiste, et c’est un de ses plus grands mérites que d’avoir fait avorter ce plan.
- Il fut persécuté, emprisonné, obligé de quitter la Prusse, il vint s’établir à Leipzig et fonda avec Bebel et Hepner le Walgstaat, organe des socialistes. Il y a huit ans'que ce journal a dû disparaître, mais son succès fut si grand que de nos jours encore ses vieux numéros sont recherchés et payés fort cher.
- Bebel, le tourneur de Leipzig, est un disciple de Liebknecht et un disciple qui fait honneur au maître.
- Gomme orateur, Bebel est plus chaleureux, plus empoignant; il inspire une certaine sympathie même à ses adversaires. Ils l’écoutent toujours avec plaisir : — Voyez, disent-ils, cet enfant du peuple parle comme un savant diplomate. » Ils sont fiers de Bebel, car c’est un phénomème.
- Liebknecht, au contraire, est craint, détesté, haï. Ils le regardent comme un traître, enseignant au peuple des vérités qui devraient rester hors de sa portée, enfouies dans les profondeurs obscures des œuvres politico-scientifiques des esprits transcendents.
- Un bourgeois, qui se fait homme du peuple, déchoit, déserte, trahit. On ne le lui pardonne jamais.
- Qu’importe à Liebknecht I sa parole froide, flexible et
- tranchante comme l’acier d’un glaive, frappe sûrement l’adversâire, à la place choisie. Il n’est point de ceux qu’on intimide et qui se déconcertent. Son argumentation est serrée, sa logique inexorable. Son regard fixé, droit devant lui, voit clairement le but poursuivi. Sur sa figure osseuse, de nombreuses années de prison ont creusé de larges rides, glorieux stigmates, et donné au teint la couleur verdâtre presque livide. Tenace jusqu’à la mort, tel est, en un mot, le caractère de cette personnalité.
- Au Reischtag, se dirigeant vers la tribune, plein du sujet qu’il va développer, il lui est souvent arrivé de commettre, par distraction, bien des gaucheries. On n’en rit pas. Sa présence est une menace et jette un froid dans l’assemblée. On sait que l’homme ne parle jamais en vain : que ce qu’il dit, il le fait.
- En 1870, Liebknecht, Bebel, Jacobi, Bonhorst et Bra-che protestèrent contre la guerre. En 1871, les mêmes flétrirent l’annexion de l’Alsace-Lorraine,et Leibknecht, au Parlement, demanda qu’il fût permis aux Alsaciens-Lorrains de décider librement de leur sort.
- Dans la presse et les réunions publiques, il rappela au roi Guillaume ses déclarations solennelles, sa promesse de faire la guerre à l’armée et non pas au peuple français; il flétrit les cruautés commises contre les francs-tireurs. « Lorsqu’en 1844 — s’écria-t-il — vous faisiez la guerre à la France dans l’intérêt de vos dynasties, vous aviez aussi des francs-tireurs, et les Français ne fusillèrent pas ceux d’entre eux qu’ils firent prisonniers. »
- . Il fallait du courage pour faire entendre de telles paroles sous le régime de l’état de siège. Liebknecht fut arrêté et conduit en prison, à pied, les mains chargées de chaînes.
- Il fut traduit en 1872 devant la cour dô Leipzig; il était accusé d’avoir eu « l’intention », par ses doctrines, de provoquer un mouvement révolutionnaire.
- Comme on lui reprochait son manque de patriotisme, il répondit :
- — « Patriote, je le suis, mais pas comme vous. Votre « patriotisme, c’est la servilité. A plat ventre, vous vous « traînez devant vos rois et vos princes. Mon patrio-« tisme à moi, c’est l’amour du peuple allemand et ce « sentiment sublime ne s’accorde guère avec la haine « stupide que vous nourrissez contre les autres peu-« pies. »
- Voilà de grandes et nobles paroles : la France républicaine salue celui qui les a prononcées.
- (Echo de Paris.) A. Saissy.
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- Les Lois d’exception contre les Socialistes Allemands
- Le Parlement allemand a voté à une faible majorité la prolongation des lois d’exception dirigées contre le socialistes. Les députés alsaciens, polonais
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- et quelques libéraux ont voté avec les socialistes.
- Dans ses deux discours le chancelier a surtout fulminé contre les libéraux allemands. S’il n’a pas demandé une loi d’exception contre ces derniers, on peut conclure que, s’il osait, il ne les traiterait pas avec moins de ménagements. Voici comment s’est exprimé le chancelier à leur égard;
- « Le libéralisme est une illusion qui, selon ma conviction n’a aucun avenir, et je considère comme le plus grave devoir de ma vie de le combattre. Il y a 22 ans que je combats cette fantasmagorie. C'est simplement mon devoir et ma mission. »
- « Je considère le parti progressiste comme moins dangereux que la démocratie sociale, mais le poison du parti progressiste est beaucoup plus à redouter parce qu’il peut empoisonner le sang et la moelle de la majorité du peuple. »
- M. de Bismark le comprend, la monarchie autoritaire prussienne est menacée par le libéralisme, qui constituera à brève échéance une majorité dans le parlement ; il veut à tout prix arrêter le mouvement libéral, en créant des institutions capables de retenir les masses ouvrières du côté du gouvernement, dont une coalition des progressistes et des socialistes pourrait précipiter la chute.
- La partie des discours de M. de Bismark visant les réformes sociales feraient grand honneur, dans notre République, à un orateur de l’opposition, dont on ne pourrait soupçonner les bonnes intentions. Nous citons quelques passages :
- « Je reconnais sans restriction le droit au travail; j’appuierai cette idée tant que je serai au pouvoir. En agissant ainsi je ne me jette pas sur le terrain du socialisme qui a commencé, comme on l’a dit, avec le ministère Bismark et se développe à son ombre, mais je me place sur le terrain du droit allemand, oh je devrai rencontrer M. Richter s’il était aussi bon juge que l’indique son nom.» - En allemand Richter signifie juge.
- « Au paragraphe Ier du dixième titre, il est dit que, si les moyens et l’occasion de pourvoir à son existence manquent à un citoyen, on doit lui procurer des travaux appropriés à ses forces et à ses aptitudes. Messieurs, n’est-ce pas le droit au travail, tel qu’il a été proclamé autrefois à l’origine du droit prussien ? Et le droit au travail, n’a-t-il pas son fondement dans toute notre philosophie morale et chrétienne : que, si quelqu'un s’avance devant ses concitoyens et dit : « Je suis bien portant et désireux de travailler, mais je ne trouve pas à m’occuper » il puisse dire donnez moi du travail ; l’Etat est obligé d’intervenir. »
- » Le précédent orateur déclare que cela obligera
- l’Etat à faire de grandes entreprises.Mais c’est ea qui a été fait autrefois dans des o rconstances difficiles, « En 1848,sous l’influence du mouvement progressiste, du manque de travail et d’argenM’Etat n’a pas hésité à procurer du travail aux pauvres gens. Lorsque les travailleurs des campagnes se présentaient en masse à la ville, avec des cocardes rouges, l’Etat s’est inquiété de donner du travail. Si de pareilles nécessités se reproduisaient, l’Etat serait encore obligé de recourir aux mêmes moyeps. »
- « Si je trouve une bonne idée dans n’importe quel parti je la prends pour ce qu’elle vaut, sans m’inquiéter de son origine. »
- « On me reproche à tort de pactiser avec les socialistes ; s’il en était ainsi, ils s’estimeraient trop heureux d’avoir un des leurs chancelier de l’empice. On me reproche mes relations avec Lassale ; c’était un homme charmant, mais je n’en puis dire autant des autres socialistes. On me reproche les expulsions des locataires ; il y en a toujours assez pour satisfaire ceux qui veulent les perpétuer ; maintenant, oa m'attaque lorsque je m'efforce de les diminuer. »
- « Je vous ai dit qu’il fallait affaiblir le recrutement du parti socialiste par des réformes que le pouvoir peut réaliser. Donnez au travailleur du travail, s’il est en bonne santé ; des soins, lorsqu'il est malade ; ne vous inquiétez pas des sacrifices, s’il est question d’avoir soin de la vieillesse.
- « Si l’Etat fait des réformes socialistes, c’est-à-dire s’il fait quelque chose en ce sens par suite de sollicitude chrétienne, je crois que les appels des députés socialistes seront vains et qu’alors l’élan vers ce parti diminuera,dès que le peuple verra que, dans les corps délibérants, on prend ses intérêts au sérieux. »
- Après cet exposé du programme de l’avenir, le chancelier a montré à la Chambre de quelle manière il lui ferait son procès si elle refusait de voter les lois d’exception.
- « Le travail le plus urgent de M. de Bismarck, celui pour lequel nous avions réservé notre temps, n’avance pas. Depuis 9 semaines, la commission des assurances en cas d’accident n’est encore qu’au paragraphe 44 de la loi, qui en contient 170. Il est à craindre que, si ces lenteurs se continuent, elle n’aboutira pas. Je suis persuadé que la commission travaille ; mais, comme elle manque d’une volonté sérieuse, de foi en son œuvre, je suis persuadé que le travail souffre ; s’il n'y avait pas d’autres buts politiques en vue, le travail se ferait encore avec plus de lenteurs. En tout cas, c’est la faute du Parlement si nous n’avançons pas. *
- « On a fait des promesses, il y a six ans ; elles
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- n’ont pas été suivies d’effets. Je n’en fait reproche à personne, mais je dirai pour mon excuse que, si j’avais dix ans de moins, je suivrai mes projets avec plus de vigueur.
- « Pouvez-vous honorablement dire que vous nous avez soutenu dans la voix des réformes sociales en répondant à nos bonnes intentions. La majorité ne s’occupe de ces choses que dans un but électoral, mais non pour la réforme elle-même. C’est une chose pour vous pénible, que vous voudriez tourner, pour en jeter ensuite la faute sur le gouvernement.
- «La compagne n’a pas su avoir une majorité à elle; elle a laissé cela aux avocats,aux journalistes en un mot à tous les chevaliers de la table verte.il faut connaître ce que veut le pays et non ce que demandent les partis. Les tables vertes, déjà le gouvernement par ses fonctionnaires en fournit un nombre suffisant ils ne sont utiles que si ils représentent une minorité ; c’est pourquoi je cherche, et le pays devrait m’en être reconnaissant, à l’affranchir des représentants étrangers au travail ; le pays devrait nous envoyer des représentants qui sentent et vivent de sa vie. »
- « Chaque parti, au lieu d’examiner si une réforme est utile à la généralité, se fait l’unique question de savoir quel avantage en résultera pour lui-même. »
- Enfin, M* de Bismarck n'a pas dédaigné évoquer le spectre révolutionnaire, puis, au nom de l’unité allemande, il a réclamé l’union de tous les partis.
- A peine si, dans ses deux discours, M. de Bismarck a parlé du projet de loi en discussion. C’est le cas ou jamais de distinguer entre les paroles et les actes. Le chancelier a uniquement parlé du droit au travail et des réformes sociales en faveur des classes laborieuses, et ce qu’il voulait, c’était le droit de mettre hors la loi les travailleurs décidés à revendiquer sérieusement ces améliorations ; droit qui lui a été libéralement accordé par la plupart des représentants des classes privilégiées. Parmi ceux-ci, ceux qui ont combattu le projet du gouvernement se sont placés sur le terrain purement politique sans sortir des abstrations ordinaires de la liberté théorique ; il ne s’en est pas trouvé un seul, dans le camp des libéraux allemands, pour opposer aux projets autoritaires de M. de Bismark la théorie du droit au travail et à la liberté.
- Les lois d’exception n’arrêteront pas le développement du socialisme allemand ; les nécessités de la lutte imposeront la cohésion à ses membres, et ils trouveront une éclatante revanche dans l’impuis-sance du gouvernement à tenir les promesse de M.de Bismark. Les députés socialistes l’ont si bien compris que dès le vote de la loi, ils ont déposé une pro- I
- position demandant l’exécution des projets du chancelier.
- Pour nous, nous enregistrons avec satisfaction les aveux de M. de Bismarck relatifs au développement du parti socialiste et à l’élan qui porte les classes laborieuses vers le mouvement socialiste.
- APHORISMES ET PRÉCEPTES SOCIAUX
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- Le suffrage universel.
- Le scrutin de liste nationale appliqué au renouvellement annuel de la moitié des corps élus est le seul moyen de rendre les électeurs libres dans leurs choix et souverains.
- Placés sous le contrôle annuel de leurs électeurs, les députés et les sénateurs seront respectueux de leurs promesses, honnêtes dans Vaccomplissement de leur mandat.
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- Révision cle la Constitution. — On annonce que le président du conseil remettra, samedi, le projet de révision élaboré par le conseil dps ministres. De notre côté, nous ferons remettre directement à chaque sénateur et député le travail de M. Godin, annoncé en tête de ce numéro.
- •k
- * *
- Le recrutement militaire. — Avant la séparation des Chambres on faisait grand bruit des projets égalitaires du gouvernement en ce qui concerne la nouvelle loi sur le recrutement. On paraissait vouloir s’arrêter à l'idée la plus rationnelle dé réduire la durée du service militaire à trois ans et de d’accorder d’autres dispenses pue celles basées sur la connaissance, du métier militaire après un temps minimum de présence à l’armée. Si l’on en croit eertains indices, on serait décidé à maintenir tous les privilèges des classes riches, sous prétexte de ne pas entraver le recrutement des carrières libérales et du clergé; puis, afin de favoriser le commerce, on dispenserait du service militaire les jeunes gens décidés à aller aux colonies aux frais des maisons d’exportation.
- Plusieurs chambres de commerce ont envoyé à la Chambre des pétitions en ce sens ; même, un député, M. Blancsubé serait disposé à demander à la tribune l’inscription dans la loi de cette exception, de ce nouveau privilège.
- Le vote de ce projet, dans une République où les dirigeants se donnent des allures de penser à une revanche, est une violation du principe républicain et une véritable défection.
- Si les négociants veulent payer convenablement les jeunes hommes de 23 ans, après leur service militaire, ils trouveront un nombre suffisant d’employés disposés a entreprendre de lointains voyages. Mais dans le commerce, il n’y a pas de sots bénéfices, et l’on ne serait pas fâché d’escompter la légitime répugnance que chacun éprouve a la pensée de passer trois années dans une caserne.
- Les classes privilégiées de l’ancien régime n’ont jamais demandé l’exonératfoh de l’impôt du sang ; au contraire, on les trouvait toujours disposées a combattre pour le roy et pour la patrie.
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- LE DEVOIR
- Nos dirigeants n’ont plus de ces dévouements; ils veulent une armée coloniale de peur qu’il se trouve un de leur fils dans les rangs des sol iats qui iront leur conquérir des colonies, puis, lorsque la conquête sera faite par des mercenaires, alors que la période des dangers sera passée, ils enverront les beaux-fils de la bourgeoisie dans de lointaines excursions, tandis que les enfants des travailleurs subiront tous les dégoûts de la vie militaire.
- Eufin, on voudrait que le conserit puisse désormais, choisir entre le service du pays et le service des barons de la canelle, de l’indigo et de l’opium !
- On ne pouvait donner un meilleur argument aux amis de la paix, à éeux qui veulent le désarmement.
- On comprend que l’on demandât aux peuples des milliards pour l’entretien de l'armée et du matériel militaire, lorsque la patrie était présentée comme un principe sacré, supérieur. Mais on en fait une chose à laquelle le jeune citoyen peut légalement préférer un voyage aux colonies, l’organisation d’un comptoir de mélasse, de jouets chinois. Et l’on continuerait à payer des milliards !
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- La révision de la constitution et les francs-maçons. — Le secrétaire de la Ligue révisionniste vient de porter la question de la révision au sein d’une importante réunion maçonnique. Voici la résolution votée par celte assemblée.
- « Les francs-maçons, réunis en tenue plénière, le 14 mai 1884, en rhôtel du Grand-Orient de France, déclarent :
- 1° Que l’élaboration d’une Constitution démocratique doit être précédée d'une déclaration des droits ;
- 2° Que la déclaration des droits et l’acte constitutionnel doivent être soumis successivement a la ratification du peuple.
- Les Francs-Maçons auraient bien mérité de la République s’ils avaient ajouté un troisième paragraphe spécifiant les droits à inscrire dans la déclaration consti-tutioonelle. Cette association, si brillante autrefois, perd son prestige depuis quelle a peuplé le parlement d’une majorité maçonnique impuissante à faire oeuvre républicaine.
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- Les Francs-Maçons, pour relever leur association dans l’opinion publique, devraient agir disciplinairement sur leurs frères que dans les assemblées délibérantes abandonnent la défense des principes adoptés dans les Loges.
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- A®sociatlon des étudiants de Parla. —
- L’as&ociation générale des étudiants des facultés et écoles supérieures de Paris vieat de se constituer.
- Cette association a pour but :
- 1° D’établir entre les étudiants des différentes écoles un lien de parfaite solidarité et un centre de relations amicales et fraternelles ;
- 2° De leur permettre de s’entr’aider dans les difficultés matérielles de la vie ;
- 3° De réunir et de défendre les intérêts communs à tous les étudiants ;
- 4° D’unir les étudiants dans l’intérêt de leurs études et dans la recherche des moyens de les perfectionner ;
- 5e D’élaborer les questions relatives à l’enseignement des écoles dont les membres de l’association funt partie : améliorations,' créations nouvelles, matières à réformer, etc.; enfin tout ce qui a rapport avec l’enseignement pratique et théorique des différentes écoles.
- Le comité a décidé de convoquer les étudiants en assemblée générale, mercredi prochain, 21 mai, dans le grand amphithéâtre de l’Ecole de Médecine, à 8 heures du soir, pour leur donner lecture du rapport du comité, des statuts élaborés par lui, et recevoir leur adhésion.
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- La «olence et le Cléricalisme. — Un incident appelé à faire un grand bruit préoccupe très virement, en ce moment, le monde des savants «
- On connaît, au moins de nom, le dictionnaire de médecine et de chirurgie, longtemps désigné sous le nom de Dictionnaire de Nysten, aujourd’hui communément appelé le Dictionnaire de Littré et de Robin.
- La quinzième édition de ce Dictionnaire vient de paraître ; mais les articles Ame, Conscience, Homme, Instinct, Intelligence, pour en citer quelques-uns seulement, ont subi les plus étranges modifications dans le sens du cléricalisme.
- Le nom de M. Robin a été supprimé sur la couverture et on n’a demandé au savant ni ses corrections'(la dernière édition a été publiée en 1879), ni son avis.
- Voici ce que l’on croit savoir :
- Mme Littré, héritière des droits de son mari, mais ayant des opinions religieuses très différentes de celles que son illustre époux avait toujours défendues, n’aurait donné son consentement à une réédition du Dictionnaire qu'à la condition que des modifications fussent faites à certains passages de l’ouvrage,
- Celui-ci aurait été, dans ce but, soumis à la révision d’un médecin mieux vu dans le monde bien pensant que dans le monde enseignant.
- C’est de la sorte que les idées philosophiques de Littré ont complètement été modifiées, et que les affirmations de libre-pensée du grand savant ont été transformées sous la plume d’un clérical quelconque.
- N’est-ce point là un des monstrueux attentats à la raison humaine, à la science ?
- Voilà, pourtant, où. peut conduire la foi aveugle, le fanatisme clérical !
- Comment Mme Littré ne s’est-elle point dit qu’héri-tière de la gloire de son mari, elle devait la respecter, et comment n’a-t-elle point reculé devant l’acte barbare qui consiste à mutiler l’œuvre scientifique de Littré ?
- Déjà, les prêtres avaient eu l’audace de s’introduire dans la chambre de l’illustre savant au moment où il venait d’expirer, avec l’intention de faire croire qu’à la dernière heure il avait eu une défaillance ; aujourd’hui, ils poussent la veuve du savant — car c’est sûrement à leur instigation que Mme Littré a agi — à dénaturer, au prufit de l'Eglise, le sens des écrits de son mtri.
- C’est un v ritable crime.
- La conscience publique proteste contre l’attentat qui vient d’être commis sur l’œuvre de Littré.
- Les Lycées de jeunes filles. — Les Lycées de jeunes fines se multiplient depuis quelques années. Il est vraiment regrettable de constater avec quel empressement les familles ont accepté ce mode d’éducation si opposé aux véritables conditions du dêveloppemênt physique et moral de l'enfance. Voici quelle est la situation, trois ans ap ès le vote de la loi.
- Des lycées ont éta créés à Montpellier, Rouen, Besançon, Montauban, Lyon, Le Havre, Amiens, Guéret Nantes, Nice, Roanne, Gharleville, Bourg, Moulins, Saint-Etienne, Paris, Bordeaux, Toulouse.
- Des collèges sont créés à Auxerre, Lons-le-Saulnier, Grenoble, Saumur, Louhans, La Fère, Lille, Abbeville, Armentlères, Cambrai, Vitry-le-François.
- Un collège est ouvert, à titre provisoire, à Vie-en-Bigorre.
- On est à la veille de créer des lycées à Reims, à Tour-non, des collèges à Sedan et à Oran.
- Le ministre de l’ini-truction publique se.propose d’ouvrir un second lycée à Paris.
- Le conseil général de Constantine offre 300,000 fr. pour la création d’un lycée.
- Les villes d’Aix et de Dijon demandent également des lycées ; elles ont dans ce but voté, Tune 400,000 francs, l’autre l’acquisition d’un immeuble de 250,000 fr.
- Des immeubles sont offerts dans le môme but par les villes de Chambéry, Clermont, Mâcon, Tours et Bourges.
- Bar-le-Duc offre un immeuble et s’engage, de plus, à contribuer à la dépense du lycée ou du collège.
- Roubaix, Chalon-sur-Saône, Béziers, offrent des subventions, Alais, un immeuble pour la création de collèges.
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- Marseille, Gray, Agen, Limoges, Niort, B^est, Annecy, Carpentra@,Troye», Versailles, Pêrigueux, Nimes, Nancy, Avignon, Digne, Valence, Chartres, Evreux, Cherbourg, Montbéliard, Gastelsarrasin, Tarbes, Le Mans, Calais, Gap, Brive, Montluçon, Boulogne-sur-Mer, Laon, Saint-Quentin, Autun, Bergerac, Pamiers, ont engagé des pourparlers ou étudient la création de lycées ou de collèges de jeunes filles.
- * ¥
- Emancipation do la femme. — Le Nouvel• liste de Routn raconte qu’aux élections municipales de Houquetot, canton de Goierville (Seine Inférieure), < il la population s élève à 300 habitants, une femme aurait obtenu huit voix de plus que la majorité des suffrages. Un second tour de scrutin sera donc nécessaire. Mais les électeurs de Houquetot devraient avoir la sagesse de persister dans leur résolution en continuant à voter pour leur candidat féminin, jusqu’à ce qu’il» aient fait renoncer l'administration a réclamer un nouveau scrutin C’est ainsi que l’on obtient l’abrogation des nouvelles lois. La République des paysans doit être tenace.
- MAROC
- On télégraphie de Tanger que le gouverneur d’Ouaz-zan, dont M. Ordéga avait demandé la révocation, a reçu l’ordre de quitter Ouazzan et de se retirer à Lazza, dans le voisinage de Méquinez.
- Son frère et le sous-gouverneur d’Ouazzan ont été également exilés.
- L Angleterre, que n’a pas dégoûtée l’expédition d’Egypte, aurait fait off rir son concours dans le cas d’intervention de la part de la France et de l’Espagn*. Oh, le désintéressement des peuples civilisateurs !
- LE CONGO
- Aux dernières nouvelles, M de Brazza était en bonne santé et se trouvait à Brazzaville.
- Il a conclut de nombreux traités avec des chefs indigènes sur la route du Gabon au Congo et a cherché une route plus directe que celle de l’Aiima et de l’Ogooué pour aller du Congo aux possessions françaises du littoral.
- M. de Brazza a créé vingt-deux stations entre le cap Lopez et Brazzaville ; son intention est d’en créer dix autres. Le levé de 1 Ogoouô est termiué, ainsi que celui de la partie du pays qui s’étend entre ce fleuve et l’Aiima.
- ANGLETERRE
- Le bill relatif au percement du tunnel sous la Manche a été repoussé par 222 voix contre 84.
- Les adversaires du projet du tunnel ont basé leur argumentation sur des considération d’ordre militaire. Il faut avouer qu’en cela ils ont ôté logiques avec les obligations de la paix armée : s’il est avantageux d’avoir des fi ontièresnaturelles, il est illogique d’en atténuer les avantages par des tunnels, des ponts, des canaux. Les partisans du tunnel sous la Manche comprondront-iis que cette question est liée à celle du désarmement européen ?
- Voici un résumé des débats à la Chambre des Communes. — M. Watkins demande qu’ils soit procédé à la seconde lecture du bill relatif au percement d’un tunnel sous la Manche. « Ce projet, dit-il, est d’un intérêt national et implique une grande question politique. Je désirerais savoir si le gouvernement a une politique favorable à la vraie cordialité qui doit régner entre les nations, ou s’il désire l’isolement de l’Angleterre et sa séparation perpétuelle de la France, car les résultats logiques de cette politique seraient la tension des relations et la possibilité d’une guerre. »
- M. Chamberlain, président du ministère du commerce, demande le rejet du bill. La politique du guuvernement est très claire, ajoute-t-il. Il est vrai que M. Gladstone et d’autres hommes distingués avaient d’abord approuvé
- en principe le projet d’un tunnel ; mais, depuis, il a été reconnu qu'il existe de puissantes raison* de politique générale contre un projet dont l’exécution affecterait sérieusement la sécurité du pays.
- Le côté militaire de la question a été soigneusement examiné par un comité composé d’bommes habiles dans les sciences et dans l’art militaire. Le rapport de ce comité a tué le projet de tuunel et rendu sa construction impossible.
- La majorité de la commission mixte des deux Chambres s’est déclarée, de son côté, contre ce tunnel
- Dans ces circonstances, le gouvernement ne peut donner son assentiment à ce projet.
- M. Labouchère se montre favorable à la construction d’un tunnel ; il combat toutefois le b 11, parce que son adoption entraînerait la ruine du railway du Sud-Est.
- M. Willis appuie le bill ; il tourne en ridicule l’idée que la France puisse jamais songer à la tentative d’un débarquement de troupes en Angleterre.
- M. Hay insiste sur ce point qu’avec l’existence d’un tunnel la flotte ne suffirait plus pour assurer la défense de l’Angleterre et que l’on ne saurait s étonner que la France s’emparât du tunnel si l’occasion s’en présentait.
- M. Hopvood se déclare partisan du bill et se montre surpris du langage de M Hay. Il ne c oit pas qu’aucune nation puisse s’abaisser à agir de la façon que fait pressentir M. Hay.
- On annonce que les Invincibles viennent d’attaquer l’arsenal de Wolwich avec des détonateurs encore plus difficile à trouver que la dynamite.
- ALLEMAGNE
- Le procès Kraszewski intenté à deux publicistes accusés par le gouvernement allemand d’avoir dévoilé à l’étranger les projets de mobilisation met en lumière les procédés im noraux de la politique. La prince de Bismarck a produit des documents établissant que les accusés étaient des agents du gouvernement français ; nos ministres et tous les personnages désignés parla lettre de M. de Bismarck déclarent que cette pièce est l’œuvre d’un faussaire ; les feuilles officieuses, en France, ne se bornent pas à nier l'authenticité de cette lettre, elles vont jusqu'à prétendre que le gouvernement n’entretient en Allemagne aucune organisation secrète tendant à l’informer de la situation militaire de nos voisins. S’il en était ainsi, notre gouvernement manquerait à la plus urgente nécessité de la politique, sous le régime de la paix armée, de connaître exactement quelles modifications nos voisins introduisent dans leur situation militaire.
- La politique coloniale prend une grande place dans les préoccupations du chancelier. Le gouvernement parait décidé à encourager des établissements de colonies commerciales sur les côtes d’Afrique entre Zanzibar et Mozambique.
- Le chancelier a été autorisé à conclure avec des sociétés privées des traités d’une durée de quinze ans pour l’établissement de lignes postales entre l’Allemagne et l’Extrême-Orient d’une part, et l’Allemagne et l’Australie d’autre part.
- Les représentants des maisons de banque intéressées dans l’exportation allemande ont décidé d’établir une banque coloniale allemande, dont le siège serait à Hambourg et les succursales dans les principaux ports de l’Extrême-Orient et de l’Océanie.
- Deux députés socialistes, MM. Kayser et de Yollmar, ont déposé un vœux tendant à ce que le chancelier préparât une loi autorisant l’institution de chambres syndicales ouvrières.
- AUTRICHE
- On signale dans la Croatie des émentes agraires motivées par des questions de délimitation de terrains.
- Aux élections d’Uima, quatre Serbes ont été tués par
- les hussards et gendarmes hongrois* au nom de l’ordre ;
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- LE DEVOIR
- les Serbes, au nombre de trois mille voulant voter contre le candidat du gouvernement et pour leur candidat national.
- ITALIE
- Dans le discours que M. Tecchio, président du sénat, a prononcé devant la haute assemblée,en hommage à la mémoire du poète sénateur Giovani Prati, né à Dasindo (Trentin) et décédé récemment à Rome, M. Tecchio a très clairement exposé, aux applaudissements des assistants, les aspirations du peuple italien.
- Voici quelques passages de ce discours :
- « La cruelle pensée de la servitude de son pays natal torturait l'âme de Prati. Il en était parti à la fleur de sa jeunesse et n’avait jamais cessé d’espérer y retourner dès que le Trentin aurait été enlevé aux étrangers et rendu à la mère-patrie.
- « Mais ses vœux avaient toujours ôté déçus. Les soldats italiens, après être venus une ou deux fois aux portes de sa ville natale, avaient dû. retourner en arrière, parce que la paix avait été souscrite entre le royaume d’Italie et les Labsbourgs.
- Après avoir rappelé les honneurs accordés à Prati par le gouvernement italien, le président du Sénat a poursuivi en ces termes :
- «Mais ces honneurs, quoiqu’ils adoucissaient ses douleurs de patriote, ne permettaient pas qu’il oubliât la tant désirée Dasindo et la bienfaisante vallée où reposent ses père et mère qu’il avait tant aimés.
- « Dors en paix, ô Giovanni Prati, notre très regretté collègue 1 Dors du sommeil du juste et que ta confiance que l’Italie, comme tu le souhaitais, doit être toute à nous, dévouée aux institutions patriotiques, sage et toujours heureuse et glorieuse, te survivra ! »
- Des applaudissements et des hourrahs ont accueilli ces dernières et caractéristiques paroles.
- Dans les cercles politiques de Rome, on commente vivement le discours du président du Sénat. D’après les télégrammes qui nous arrivent, les ministériels et les modérés en sont indignés. Ils disent que M Tecchio a provoqué une démonstration irrédentiste en plein Sénat et qu’il a compromis le gouvernement et les bons rapports de l’Italie avec les puissances étrangères.
- Quelques-uns vont même jusqu’à dire que le gouvernement devrait clore la session pour nommer un autre président du Sénat, ou bien inviter M. Tecchio à donner sa démission.
- RUSSIE
- L’armée russe.
- Son effectif de paix atteint 836,000 hommes, répartis de la façon suivante entre les circonscriptions militaires de l’empire ;
- Saint-Pétersbourg, 82,300 ; Finlande, 13,400 ; Vilna, 140,000 ; Varsovie, 110,000 ; Kiew, 56 OuO ; Odessa, 63,400; Kharkof, 63,000; Moscou, 81,600, Kagan, 39.800; Caucase, 99,500 ; Omsk, 20,800 ; Sibérie orientale, 17,000, et Turkestan, 16,000.
- Pour entretenir cette armée, le budget de la guerre est de 196,551,571 roubles.
- SUISSE
- Il est arrivé ces jours-ci une nouvelle de l’étranger à laquelle on a fait peu d’attention, comme à toutes les nouvelles de l’étranger qui n’intéressent pas directement les petites affaires et les tripotages des partis.
- On a appris que, l’un de ces dimanches, le peuple suisse vient de prouver qu’une démocratie peut exercer le pouvoir législatif d’unë façon absolument directe. C’est la un fait qu’il n’est pas inutile cependantde placer en pleine lumière, à l’heure où le problème de la Révision est mis en mouvement.
- Le vote du peuple suisse est d’autant plus remarquable qu’il porte sur des matières que nos politiciens ont coutume de considérer comme interdites à de simples
- plébéiens, à de vulgaires ouvriers, à de misérables bourgeois, qui ne doivent être réservées suivant eux qu’â des bacheliers.
- Le peuple suisse était saisi de quatre projets, relatifs]: le premier à la réorganisation du département fédérait de la justice et de la police, le second à la compétence pénale de la confédération, le troisième à l’augmentation des frais de légation suisse à Washington, le troisième enfin à l'exemption des taxes cantonales et communales en faveur des commis voyageurs suisses.
- Une question d’orgaoisation administrative, une question de droit pénal, une question diplomatique, une question d’impôt, que peut-on rêver de plus technique? et n’est-ce pas dans ces sortes de lois que s’abrite particulièrement l’orgueil de nos parlementaires ?
- Le peuple suisse n’a pas trouvé selon son goût le travail de ses législateurs, et il leur a signifié par un vote imposant d’avoir à recommencer leurs projets et à mieux employer leur temps à l’avenir.
- PROGRÈS ET PAUVRETÉ(t)
- par M. Henry George.
- VIII
- Livre IX. — EFFETS DU REMÈDE.
- [Suite)
- Chapitre III
- Effet sur les individus et les classes.
- Les détenteurs actuels du sol, lorsqu’ils entendent pour la première fois parler de mettre tous les impôts sur la valeur foncière et de confisquer ainsi la nu-propriété du fonds, prennent généralement l’alarme,et ne manquentpas de faire appel aux craintes des petits propriétaires ou cultivateurs, en leur disant qu’une telle proposition a pour but de les déposséder des biens acquis par eux au prix de grands efforts.
- Mais un instant de réflexion fait voir que la proposition se recommande d’elle-même à tous ceux dont les intérêts comme détenteurs du sol n'excèdent pas largement les intérêts comme travailleurs ou capitalistes ou sous les deux rapports à la fois. Et un examen plus étendu montre que bien que les grands propriétaires terriens puissent perdre relativement, cependant pour eux-mêmes il y aura un gain absolu ; car l’augmentation de la production sera telle qu’ils recouvreront en avantages sociaux beaucoup plus qu’ils n’auront perdu par leur expropriation de la nu-valeur du sol.
- Dans un précédent chapitre, j’ai abordé la question de compensation aux propriétaires fonciers et fait voir qu’ils n’en avaient aucune à réclamer. Mais il y a encore un autre motif pour écarter toute idée de compensation, c’est qu’en réalité, ils ne subiront aucun tort.
- (Lire le « Devoir » depuis le numéro du 6 avril 1884.
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- Il est manifeste que le système proposé avantagera grandement tous les hommes qui vivent du salaire, par le travail soit de la main, soit de la pensée i ouvriers, employés, ingénieurs, comptables, hommes professionnels de toutes sortes. Il est manifeste aussi que ce système fera bénéficier ceux qui vivent partie des salaires et partie des intérêts de leurs capitaux : négociants, manufacturiers et ceux qui font en grand à la fois la production et l'échange.
- Prenons maintenant le cas d’un propriétaire ou travailleur quelconque, qui s’est assuré une maison et un lot de terre, où il vit et qu’il contemple avec satisfaction comme une place dont sa famille ne peut-être évincée, viendrait-il à mourir. Cet homme ne subira aucun préjudice, au contraire, il bénéficiera du système projeté.
- La valeur vénale de son lot de terre diminuera, théoriquement elle disparaîtra.
- Mais l’utilité de cette propriété pour celui qui l’occupe ne disparaîtra pas ; elle demeurera la même; cet homme sera dans le cas de celui qui aurait acheté des bottes et qui croirait perdre, parce que la valeur des bottes en général basserait. En fait, ses chaussures lui rendraient toujours les mêmes services, et s’il avait besoin d’une nouvelle paire de bottes, il la paierait moins cher...
- Sous quelque aspect qu’on prenne la question l’individu gagnerait à l’adoption du système proposé. Il aurait un impôt élevé à payer pour occuper le sol, mais fi serait relaxe de toutes taxes sur sa maison, ses produits et perfectionnements quelconques, son mobilier, sa propriété réellement personnelle, enfin sur tout ce que lui et sa famille consommeraient pour se nourrir et se vêtir ; tandis que d’autre part ses gains seraient largement accrus par l’élévation des salaires, la permanence du travail et l’activité croissante des transactions. Cet homme n’éprouverait une perte que dans le seul cas où il voudrait abandonner son lot de terre sans en reprendre un autre, et cela serait bien peu de chose comparé au gain considérable qu’il aurait d’autre part.
- Et il en serait de même pour le cultivateur. Je ne Parle pas de ces cultivateurs qui jamais n’ont touché 1© manche d’une charrue et qui détiennent d’im-nienses domaines comme les planteurs du Sud avant la guerre, mais de ces petits cultivateurs en si grand nombre aux Etats-Unis. Ils possèdent de petites fermes qu’ils cultivent aidés de leurs seuls enfants ntt de quelques rares ouvriers salariés ; on les appellerait en Europe paysans-propriétaires. Quel-
- que paradoxale que cela apparaisse à ces hommes, tant qu’ils n’ont point compris toute la portée du système, ce sont eux qui, après les simples ouvriers, ont le plus à gagner à l’impôt unique sur la nu-valeur foncière. Ils reconnaissent, sans en démêler la cause, qu’ils sont loin actuellement de jouir des ressources proportionnées aux durs labeurs qu’ils accomplissent. En fait, les impôts tombent sur eux avec une rigueur spéciale. Ils sont taxés sur tous leurs produits ; maisons, granges, palissades, moissons, bétail. Leurs biens personnels ne peuvent être aussi facilement dissimulés que les valeurs conceti^ trées dans les grandes villes. Les cultivateurs ne sont pas seulement frappés, sur leurs biens et leurs améliorations personnelles, de taxes qui n’atteignent pas le possesseur de terres sans emploi, mais ces taxes généralement sont d’autant plus élevées que les terres auxquelles elles s’appliquent sont plus améliorées. Ces cultivateurs doivent payer, en outre, tous les impôts mis sur les choses d’un usage commun.
- Il y a quelques années la ligue du « Libre échange » de New-York publiait ce qui suit .*
- « Le cultivateur en se levant le matin passe son « pantalon taxé à 40 0/0, ses bottes taxées à 30 0/0 ; a il frotte une allumette taxée à 200 0/0..., » et ainsi de suite, à travers tous les actes de l’existence jusqu’à ce que, tué par l’impôt, l’homme soit descendu dans la tombe « avec une « corde s taxée à 45 0/0 ! » Ce n’est là qu’une image de la façon dont les taxes frappent le citoyen.
- Le cultivateur aurait le plus grand avantage à l’impôt unique sur la nu-valeur foncière, car cet impôt tomberait de son plus grand poids non sur les districts agricoles où les terres sont d’un prix relativement moins élevé, mais sur les villes et les cités où la valeur terrienne est très haute. . . .
- Dans les districts à peine contitués, le cultivateur n’aurait pour ainsi dire aucune taxe à payer. L’impôt étant fixé sur la valeur du sol nu il pèserait d’un poids égal sur les terres améliorées et sur celles en mauvais état. Are pour are, la ferme cultivée et améliorée, avec ses bâtiments, appentis, verges^ moissons et bétail, ne serait pas plus taxée que la terre, voisine laissée sans emploi. Le résultat serait de mettre fin aux valeurs foncières spéculatives et de ne faire payer d’impôts aux fermes que le f jour [où le pays autour d'elles serait bien aménagé. En fait, etsi paradoxal que cela apparaisse à première vue, l’impôt unique sur le sol exempterait de l’impôt même les cultivateurs-pionniers livrés aux plus rudes travaux.
- d’abolition des valeur# foncières spéculatives ten-
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- drait à débarrasser les grands centres de leur population 'trop dense, et à reporter les bras où ils sont trop rares ; elle pousserait à l’organisation de districts agricoles avant que les paysans songeassent à quitter leur pays. Les gens des villes y gagneraient plus de soleil et d’air pur ; les gens des campagnes, une plus grande part des ressources et avantages de la vie sociale.......................................
- En dernier mot, le propriétaire-cultivateur est à la fois travailleur et capitaliste, aussi bien que propriétaire-foncier ; c’est de son travail et de son capital qu’il tire ses moyens de subsistance ; sa perte avec le système que je propose serait nominale ; ses grains seraient réels et considérables.
- A des degrés variables, on peut en dire autant de tous les détenteurs du sol...........................
- La règle générale est que les plus grands propriétaires fonciers sont aussi les plus grands capitalistes .... Donc, mettre toutes les taxes sur la nu-valeur foncière, réduirait largement les grandes fortunes terriennes, mais ne laisserait en aucun cas l’homme riche d’hier sans lun sou demain. Le duc de Westminster qui possède une partie considérable de Londres, est probablement le plus riche propriétaire foncier du monde. Lui prendre par l’impôt tous ses revenus fonciers réduirait de beaucoup ses énormes rentes, mais cette mesure lui laisserait cependant tous ses bâtiments et leurs loyers, et sans doute aussi d’autres biens considérables de diverses natures II aurait encore assez de richesses pour épuiser les jouissances de ce monde, et c’est dans un meilleur état social qu’il en bénéficierait. . . .
- Outre l’énorme augmentation de puissance productive qui résulterait d’une meilleure répartition de la population, il y aurait économie similaire dans le pouvoir productif du sol. La concentration des populations dans les grandes villes a pour conséquence d’une part l’épuisement de terrains presque dépourvus de population et à peu près privés d’engrais, tandis que d’autre part s’opère un vérita ble drainage d’éléments de fertilité qu’on jette à la mer.
- Avec la mesure proposée la richesse ne serait pas seulement énormément accrue, elle serait équitablement repartie. Je ne veux pas dire que chaque individu aurait une même somme de biens, la distribution égalitaire ne peut exister tant que les individus auront des puissances diverses et différents désirs, mais je veux dire que la richesse serait répartie proportionnellement au concours apporté par chacun à la constitution de la richesse commune,
- suivant son industrie, son habileté, son savoir, sa prévoyance, etc.
- La grande cause qui concentre la richesse aux mains des non-producteurs et qui l’enlève des mains de ceux qui produisent aurait disparu. Les inégalités qui se manifesteraient encore seraient naturelles et non artificielles. L’oisif cesserait de rouler sur l’or, tandis que le producteur ne peut répondre qu’aux strictes nécessités de la vie physique.
- Le monopol du sol disparu, il n’y aurait plus à redouter les grandes fortunés. Car les richessses de tout individu consisteraient alors en ce qui serait
- réellement le produit du travail..©r, combien
- y a-t-il d’hommes qui, réellement, gagnent un million de dollars ? J .
- « u-- (A suivre).
- LES MANDATS MUNICIPAUX
- Nous recevons d’un électeur de Guise une lettre contenant quelques réflexions pratiqoes au sujet de nos précédents articles sur les élections municipales. Nous en publions les passages principaux :
- Monsieur,
- Dans un numéro du Devoir et dans le discours que vous avez prononcé à l’occasion de la Fête du travail, vous avez traité de la rémunération des fonctions municipales comme pouvant plus facilement faire arriver l’ouvrier à occuper ces fonctions. Per-me*tez*moi, Monsieur, de vous soumettre mes réflexions à ce sujet. Moi, ouvrier républicain de la veille et du lendemain, partisan sincère et dévoué de toutes les réformes qui peuvent améliorer le sort du peuple et du travailleur en particulier, je pense que la rémunération des conseillers municipaux n’amènerait pas le résultat que vous espérez La grande difficulté n’est pas le temps perdu, c’est au contraire la possibilité que l’ouvrier puisse quitter son travail sans porter préjudice à son patron, afin que celui-ci lui permette d’accomplir son mandat en toute liberté. Parmi les ouvriers, quels sont ceux qui sont appelés à solliciter un mandat quelconque ? Ce sont naturellement les plus intelligents. Eb bien, ces ouvriers intelligents où sont-ils? Ce sont les contre-maîtres des usines, les chefs d’atelier et les premiers ouvriers de toute l’industrie en général. Croyez-vous, par exemple, que M. S. et tant d’autres comme lui permettront jamais à un ouvrier capable de quitter son travail pour aller assister aux séances du conseil municipal ; je ne le pense pas ; c'est pourquoi je ne suis pas partisan de la rémunération des fonctions municipales ; cela ne servirait qu’à augmenter le budget des communes sans y ajouter aucun avantage pour l’ouvrier, et à faire jeter les hauts cris à la réaction Les séances des conseils municipaux peuvent avoir lieu le soir sans gêner aucun travailleur. Il n’y a donc que pour faire partie de certaines commissions, dont les attributions ont besoin d’être exercées le jour, qu’il y aurait de la difficulté pour l’ouvrier conseiller municipal à pou-
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- voir en faire partie. Mais en cela ce sont les patrons qui en tiennent la clef.
- Quant à être délégué par le conseil municipal pour remplir les fonctions d’électeur sénatorial, la loi leur accorde des indemnités en raison de la distance à parcourir. Mais ici les mêmes raisons existent encore.
- Ma.uroy, ouvrier jardinier à Guise.
- La lettre de M. Mauroy contient des observations très judicieuses, en ce qui concerne la proposition de tenir le soir les séances des municipalités ; on éviterait de cette manière une partie des inconvénients présents ; mais la rémunération de toutes les fonctions publiques électives n’est pas moins nécessaire ; tout service mérite salaire et la rétribution augmente la responsabilité de celui qui la reçoit.
- Le travail de M. Godin, que nous annonçons au commencement de ce numéro, répondra aux diverses objections soulevées par notre honorable correspondant.
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- ÉCOLES DU FAMILISTÈRE
- DEVOIR DE MORALE
- La Dignité au Familistère
- La dignité est un vif sentiment d’estime que l’on a pour soi-même et qui nous porte à ne rien faire qui y soit contraire. Cette dignité s’impose à nous lors-qu’après avoir examiné toutes nos facultés nous voyons notre supériorité sur tous les êtres de la nature et l’empire que nous ayons sur toutes ses forces. Tout homme doit avoir le sentiment de sa dignité personnelle, sans quoi il ne mérite pas l’espèce de royauté qu’il doit exercer sur notre planète. C’est dans toute chose que l’homme peut marquer le respect qu’il a de lui-même: dans sa tenue,dans sa démarche, dans ses vêtements. Pour cela, on doit toujours se tenir bien propre et ne rien faire qui puisse blesser la morale,
- Nous avons un jour dans la semaine pendant lequel il nous est accordé un repos, ou plutôt un changement dans notre activité. Nous devons employer ce jour à nous laver tout le corps, à mettre des vêtements plus propres que ceux de la semaine ; mais nous devons surtout par des lectures propres à nous élever l’esprit, par l assiduité aux conférences, travailler à notre amélioration morale. Toute personne qui n’agit pas ainsi est indigne de faire partie de la société. Nous devons tous prendre l’habitude de nous parler d'une manière affectueuse et courtoise, surtout au Familistère où l’on ne forme qu’une grande famille. En un mot, pratiquer la Fraternité dont notre fondateur a commencé le règne et dont il a dit : « C est l’élévation de l’esprit humain à l'amour
- * des autres et au désir d’utiliser toutes les œuvres
- * de la création au progrès de la vie générale, c’est “ la charité universelle,c’est la régénération de 1 âme “ primitive, c’est son avènement à la vie véritable-« ment humaine.
- Marguerite Philip.
- Agée de 15 ans.
- La dignité au Familistère
- « L’amour dû à la vie humaine est l’une des lois fondamentales de la morale universelle » cet amour doit être surtout le principe des actions de tous les Familistériens.
- L’individu et la société ont pour devoir essentiel d’en faire le constant objet de toutes leurs pensées, de toutes leurs paroles et de toutes leurs actions. M. Godin dicte à chacun de nous son devoir. Le devoir est chez nous une obligation personnelle qui correspond à l’un des droits d autrui, nous faisons aussi notre devoir en nous occupant de nous mêmes car nous pouvons être très utile aux autres en nous perfectionnant.
- Nous avons sur les êtres qui nous sont inférieurs un droit de supériorité qui nous crée des devoirs envers eux, envers nous-mêmes, puis envers autrui. Cette supériorité est un don que nous a fait la nature; nous avons donc contracté une dette envers elle. Nous avons aussi contracté une dette envers l’h imanité, car c’est à elle que nous devons notre perfectionnement dans la vie. C’est aux générations passées que nous devons toutes ces belles choses que l’on rencontre maintenant ; c’est aux générations présentes que nous devons de pouvoir apprécier ces belles choses ; et nous devons continuer l’œuvre de nos ancêtres pour les générations futures.
- Il ne faut pas nous enorgueillir : ni des richesses que nous possédons, ni de la science que nous acquérons chaque jour, car tous ces bienfaits nous les devons au travail de nos ancêtres. M Godin a dit avec juste raison : « C’est sans droit de privilège pour personne que les générations se transmettent les unes aux autres les connaissances acquises. »
- M. Godin le premier, dans le monde, a fait entrer dans la pratique de si beaux principes, en donnant au travailleur non pas la richesse mais l’équivalent de la richesse.
- Les régies de conduite, au Familistère, nous tracent celles que nous devons observer individuellement et celles que tous les membres de l’association doivent observer les uns envers les autres.
- Nous pouvons conclure de là qu’il faut faire tout notre possible pour étendre la grande œuvre commencée par M Godin afin que l’ouvrier puisse vivre heureux sans toujours être menacé de la misère.
- Point Héloïse.
- Agée de 13 ans.
- ADHÉSIONS
- Aux principes de Désarmement européen et darbdrage international.
- Messieurs,
- Lesne François-Alexandre, professeur de gymnastique, pl. de Chartres, 6, Algérie.
- Lesne Victor-Auguste-César, militaire en retraite, 6, pl. de Chartres, Algérie.
- Sommaire Emile, 4, rue Soegémah, Algérie.
- Miron, Compagnie Boniffay, Algérie.
- Dubaur, Algérie.
- Biaucoto Pierre, mineur à Gréasque, Bouches-du-Rhône.
- Çranstoun J.-Alex, à, Meaggen-Lucerne, Suisse.
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- Poinot, iiilituteur à Saint-Jean-d’Angely, Charente-Inférieure.
- Rogé, instituteur à Saint-Jean-d’Angely, Charente-Inférieure.
- Guyonnet, instituteur à Saint-Jean-d’Angely, Charente-Inférieure.
- Saisy, instituteur à Saint-Jean-d'Angely, Charente-Inférieure.
- Mâchefer, instituteur à Saint Jean-d’Angely, Charente Inférieure.
- Riveau Charles, maire, délégué cantonal pour la surveillance des écoles à Genouille, Charente-Inférieure
- Laforgue fils, négociant, 65, faubourg Bonnefoy, Toulouse.
- Suran B., représentant de commerce, 29, rue des Filatiers, Toulouse.
- Cadaux Lucien, comptable, 2, rue Lascrùsse, Toulouse.
- Delprat Pierre, propriétaire, 8, rue de Rüspe, Tou-iousë.
- Delsol Marie, 20, rue de la Gloire, Toulouse.
- Delsol Jean Pierre, tourneur, 20, rue de là Gloire, Toulouse.
- Moulinié Jules-Paul, ébéniste, 72, quai dé Tounis, Toulouse.
- Laforgue Cécile, 65, faubourg Bonnefoy, Toulouse. Laforgue Marie, 65, faubourg Bonnefoy, Toulouse. Laforgue Jules, 11, rue Saint-Louis, Toulouse.
- Chas A. Raymond, Lockpont New-York, U. S. A.
- Liste des adhérents de la commune de Ry, Seine-Inférieure.
- Messieurs Thibault, docteur-médecin ; Déquinn'? marre, propriétaire ; Paris, id. ; Gursel, id. ; Grivet, commerçant ;Jouanne ; Bourgeois, notaire ; A» Fongueuse père, commerçant ; A. Fongueuse fils, id ; Bouisson Justin, id. ; Bouisson Pierre, id.; Lafosse, pharmacien; Biottière, commerçant; Perdoux fils; Mercier, id.; Perdoux père ; Dufayel, commerçant, Gilles, id.; Dupressoir, clerc de notaire ; Fongueuse Louis, propriétaire ; Délépine, employé ; Ricœur, ids; Roussel percepteur; Leclère, mécanicien; Yard, commerçant; Rochette ; Feuquier ; Tantio, boucher ; Leroux, cordier ; Guédon, propriétaire ; Berthe, huissier; Delorme, propriétaire ; Hue Eugène, boucher ; Pessy, charron; Morisse Ernest, id.; Goudemare, graine* tier ; Quevauviller, maréchal ferrant ; Boinet, forgeron ; Prévost, bottier; Gouellain Albert, cultivateur; Audenet père, id.; Plet Dominique, journalier; Lécuyer, propriétaire ; Samson L. commerçant ; De-meiliiers, maître d’hôtel ; Tabouret, instituteur ; Blondel, propriétaire; Morel, menuisier; Isaac, bourrelier; Dubreucq comptable; Leclerc, instituteur ; Griffon, peintre ; Ducrocq, commerçant ; Gouillaih Eugène, cultivateur ; Lemoigne, boucher ; Gobin, propriétaire ; Courtillet, commerçaut; Sanson J.grainetier ; Lamy, coiffeur ; Lyon, garçon coiffeur; Feruge, maître d’hôtel ; Bourel Magloire, cafetier ; Prével Frédéric, journalier (à Saint - Denis) ; Turqoet Eugène, épicier ; Barcq, bourrelier ; Duquesne G.; Guilmar, bourrelier; Panvier, voiturier; Ducrocq A., propriétaire ; Lelleire, journalier ; Ar-sonnetA., menuisier; Mainot ; Hardy, messager; Vente, comptable; Huet, rentier ; Roberge A., propriétaire; Lemoine, chez cantonnier; Sauvage, facteur; Foliot père, cantonnier; Foliot fils, journalier; Bigot Eugène, bourrelier; Quibel Eugène, garçon boulanger; Debure, cultivateur; Thuillier, commerçant.; Lemaître, boulanger ; Hocha, maréchal-
- ferrant; Vaussier, cordonnier; Maubert fils; Foucoar père, maçon ; Foucour A., cantonnier ; Foucour H. journalier; Fortemont, jardinier; Hue E., charpentier*. Fortier, journalier; Roberge Léopold, garde particulier; Rance, cultivateur ; Valot, charron ; Tbé-rain, propriétaire ; Dumont, journalier; Prével, hiL Rager, id.; Gehet, propriétaire ; Jarry Alexandre, garde-moulin; Yard aîné, rentier; Delande, journalier ; Leclère, id.; Blainville, id.; Daudet, peintre ; Dupuis E., journalier ; Renard, id .; Tassu, cultivateur; Anquetin, journalier ; Dupuis, id.; Foucourt, garçon de ferme ; Audenet fils, cultivateur; Jarry Ollivier, garde-moulin ; Moïse, journalier ; Arson-net Clotaire, garde ; Mézières, garde-moulin ; Bourguignon, id.; Fournaut, jardinier ; Hue Irénée, propriétaire ; Thiout, journalier; Bossier A.; Rignault J.;
- Mesdames veuve Langignard ; Templier L. ; Thibault ; Déquinnemarre ; H. Turquet ; Grivet ; Paris ;
- A. Bourgeois ; Fongueuse Alex. ; veuVe Blancard ; Boisson Just ; Bouisson Pierre \ Biottière ; Perdoux ; Dufayel ; veuve Ducrocq ; Mézière ; Gilles ; Fongueuse Louise; Dallery Eugénie ; Delépine; H. Roussel; Leclère ; Démelliehs ; Dubois ; Feuquier ; Tântlü J Leroux ; Guédon ; Henriette Berthe ; Delorme, Hue Eugène ; J. Mercier ; Pessy ; Goudemare ; Quevauviller; Prévost; Helgoualt veuve; veuve Cousin ; Le Plet ; Léôuyer ; veuve Hue ; Sanson L.; Morel ; tsaâc ; Griffon ; veUVe Farm ; veuve Dumont ; veuve Lesueur; Tabouret; Leclerc ; R. Du-crocq ; J. E. Gouellain ; Lemoine ; GobihCourtillet ; J. Sanson ; Lamy; Féruge; Bourel ;Cellaire; Turquet E.; Barcy ; Hardy ; Vente ; Huet ; Lemoine ; Foliot; Bigot; veuve Délânde ; Debure; Hue Irénée ; veuve Lemoine ; Arsonnet ; Bande ; Jarry, Alex.; veuve Damours ; L. Bosser; veuve Hue-Doval;
- B. Doval ; Daudet ; Thuillier ; Lemaître ; Vaussier ; Foucour ; Caron M.; veuve Fortement ; L. Julien ; Hue, Edouard ; Fortier ; Valot ; Thérain ; Dumont; Prével ; Rager ; veuve Péret ; Yard aîné ; veuve Délande ; veuve Duponchel; veuve Leroy; veuve Lesur; Moïse, Leclère ; Blainville ; Dupuis E ; Renard ; Tassa ; Anquetin ; F. Dupuis ; Audenet E. fils ; O. Jârry ; For-naut ; Panvier ; Antime * Thiout ; Sauvage.
- BIBLIOGRAPHIE
- Un groupe de spirites de Besançon vient de faire publier, à la librairie spirite, 5, rue des Petits-Champs, sous le titre Etudes spirites une série de communications d’un haut intérêt philosophique. On a souvent accusé les spirites de Vouloir substituer aux religions actuelles un nouveau culte aussi intolérant et pas pins explicable ; voici quelques lignes, tirées des études spirites, elles contiennent une réponse précise à ces méfiances.
- « Le spiritisme n’est point à proprement parler une croyance. Il est avant tout une science. Il est venu apporter aux hommes la révélation de certaines vérités qui étaient voilées à leurs yeux, parce qu’ils n’étaient pas mûrs jusqu’ici pour les comprendre. Les spirites ne forment pas une caste particulière. Ce sont tous des hommes, à quelque situation sociale qu’ils appartiennent, qui sont aptes à comprendre | les nouvelles vérités et qui les adoptent. Ce nouveau i bagage intellectuel et moral ne leur donne pas de I nouvelles facultés, mais il est incontestable qu’il les
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- rend plus propre à faire leur devoir, quelles que soient leur position sociale et leur condition.
- « Evidemment, un tel mouvement (la vulgarisation des problèmes spirites) ne pourra s’effectuer sans exercer une influence toute puissante sur les idées religieuses, puisqu’il leur fournira des bases nouvelles ayant une assise autrement large que les anciennes. Mais si le spiritisme devient le fondement de toute religion, il ne sera pas une religion lui-même. Chacun sera son prêtre et son roi. Cela veut dire que chacun se fera lui-même une religion conforme a ses tendances et à son avancement. Il n’aura plus besoin qu’un prêtre vienne lui présenter une formule toute faite. Il n’y aura plus d’intermédiaire entre Dieu et l’homme. Ce dernier connaîtra les vérités scientifiques nouvelles. Il connaîtra son immortalité et sa responsabilité* Il connaîtra la loi du progrès moral, intellectuel et matériel. Il saura qu’il y a au-dessus de lui bien des degrés d’intelligence et de force, qu’il atteindra un jour par ses efforts. Muni de ces connaissances, dont sont privés la plupart des hommes de ce temps, il pourra, sans inconvénient, choisir sa croyance, se faire 'à lui-même une religion et se grouper avec ceux qui penseront comme lui. Ces croyances, ces religions, se modifieront peu à peu, à mesure que les hommes acquerront des connaissances nouvelles, et l’on arrivera ainsi au moment bien éloigné de nous encore, où toutes les croyances se réuniront en une seule, parce que la vérité sera connue de tous.
- CONGRÈS D’HYGIÈNE INDUSTRIELLE
- A ROUEN
- A l’occasion de l’Exposition industrielle qui ouvrira à Rouen le 1er juin 1884 jusqu’au 30 septembre suivant, un congrès d’hygiène industrielle aura lieu dans cette ville les samedi 26 et dimanche 2? juillet, Sous le patronage de la Société Industrielle, avec le concours du conseil central d’hygiène publique et de salubrité de la Seine-Inférieure et de la Société de Médecine de Rouen.
- Le programme comprend :
- g I. — Hygiène de l ouvrier dans l'atelier Amélioration de l’atmosphère des ateliers. — Précautions à prendre contre les variations de température, d’humidité. —Moyens nouveaux pour empêcher les accidents résultant des machines industrielles ou des substances employées dans l’industrie. — Modifications apportées, dans un but hygiénique, à certains procédés de fabrication. — Précautions contre la propagation de certaines maladies Contagieuses dues aux modes d’opération. — Insalubrité de certaines industries nouvelles. — Travail de jour et de nuit. — Vêtement pendant le travail. —• Eclairage, hygiène de la vue.
- § IL — Hygiène de l'ouvrier hors de l'atelier Habitations ouvrières. — Education, instruction, enseignement. — Alimentation.
- MEMBRES DU COMITÉ D’ORGANISATION
- Présidents d’honneur : M. Hendlé, préfet de la Seine Inférieure ; M. Richard Waddington, manufacturier, député.
- Président : M Leudet, docteur-médecin, directeur de l’école de médecine et de pharmacie ;
- Vice président : M. Cloüet, professeur de chimie à l’école de médecine et de pharmacie ;
- Secrétaire général : M. Laurent, docteur-médecin, médecin en chef à l’Hôtel-Dieu ;
- Secrétaire-adjoint : M. Alphonse Hüe , docteur-médecin, chirurgien-adjoint des hôpitaux ;
- MM.
- Lambard, manufacturier, adjoint au maire de Rooen ; Besselièvre, manufacturier, président de la Société Industrielle ;
- Jude Hüe, docteur-médecin, président de la Société de Médecine;
- Benner, ancien manufacturier ;
- Biaise, ingénieur civil, inspecteur divisionnaire du travail des enfants et des fillës mineures dans l’industrie;
- Bauchois, docteur-médecin, chirurgien en chef à l’Hôtel-Dieu ;
- Gauran, do* teür-médecin, chirurgien en chef de rhô* pital opthaixhique départemental ;
- Knieder, directeur des établissements Maletra ::
- Le Marchand, ingénieur-mécanicien ;
- Tourneux, docteur-médecin, médecin du bureau ceh“ tral des hôpitaux ;
- "Weber, docteur-médecin, directeur du service de santé du 3e corps d’armée.
- Nota. — Prière aux personnes qui ont l’intention de coopérer au congrès, d’adresser franco avant le SOjuin, à M. ie secrétaire général du comité d’organisation du congrès d’hygiène industrielle, rue Jeanne-Darc, 7, Rouen, leur adhésion et le titre du travail qu’eiles désirent présenter au congrès.
- ETAT-CIVIL DU FAMILISTÈRE
- Semaine du 12 au 18 Mai 1884
- naissance
- Le 14 Mai de Drouin Florentin, fils de Drouin Francis et de Lesur Anna.
- ROSE GIRARD
- {Suite.)
- A ces images, la rougeur couvrait son front, la fureur se rallumait dans son âme, non plus contre la victime, mais contre le séducteur. — Cela ne se passera pas ainsi, s’écria-t-il tout à coup, en se redressant comme mu par un ressort, non ! non ! — Et saluant d’un long regard d’adieu sa chère ville natale, poétiquement drapée dans les splendeurs du couchant, il se mit en marche, d'un pa3 résolu, vers la route de Bordeaux.
- C’était un bien joli compagnon que ce Raoul dont
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- s’était énamourée imprudemment la Daïve Rose Girard : profil fin, correct, beaux yeux de jais veloutés, chevelure noire bouclée, sourire spirituel, tournure élégante ; en toilette, un Monsieur ; parole abondante, agréable, habile surtout à plaire, un don Juan d’atelier.
- A tant de séductions il joignait le charme d’une voix juste et gracieuse et savait, dans la perfection, nombre de romances et d’airs d’opéra môme dont il régalait galamment ses bonnes amies. Constamment épris, pas trop longtemps de la même, presque toujours il menait simul anément de front deux amours, l’un qui s’en allait mourant et l’autre qui s’allumait. Ce gaillard, en réalité, savait vivre fort agréablement à l’orientale en pleine Europe ; la France était son harem, quand il voulait changer d’odalisque, il se déplaçait simplement ; fort délicat d’ailleurs, il n’adressait ses hommages qu’aux jeunes filles honnêtes, ne trouvant aucune saveur aux fruits tombés ou attaqués.
- Dans le moment, où le redoutable charron partait à sa recherche, il flirtait avec la fille unique de boutiquiers fort à leur aise, paysans établis coquetiers dans le chef-lieu de la Gironde et possédant terres aux champs, maison, marchandises et nombreuses pièces d’or à la ville. Cette fois, don Juan spéculait sur l’amour et voulait faire un mariage d’argent. Comme les parents n’auraient jamais consenti de bon gré à lui donner leur héritière, il commençait par la séduire, comptant bien que, quand il l’aurait rendue mère, on ne pourrait plus la lui refuser.
- C’était assez adroitement imaginé et l’entreprise allait à merveille : la place, battue en brèche, avec un art consommé, par un assiégeant si expert, ne tenait plus guère ; sentiments religieux, sentiments de 1 honneur, orgueil de la position, respect des père rt mère, pressentiment des malheurs qui peuvent résulter d’une faute, tous bastions démantelés par les bombes de l’amour ; la belle était bien prête à amener le drapeau blanc, et le sieur Raoul, déjà, se voyait assis au comptoir, glorieux époux de la fille de la maison, remuant 1 or et l’argent à pleines mains, non plus monsieur d’apparence seulement, mais vrai bourgeo!s. Aussi, comme il chantait tout le jour en travaillant, l’heureux mortel, c’était plaisir de l’entendre. Malheureusement Pierre Girard passant un jour non loin de la boutique où s’égosillait ce rossignol, reconnut sa voix ; il s’avance d’un pas rapide : C’est lui !
- Ayant, auparavant, calculé le parti qu'il voulait tirt-r de la rencontre, le rude charron contint les mouvements tumultueux de son cœur et, couvant de l’œil sa proie, mais dissimulant ses traits, il s’assit tranquillement sur une borne dans la rue, comme un homme qui se repose, attendant l’heure où le traître irait prendre son repas. Cette station lui permit d’observer le manège de Raoul ; il surprit des œillades brûlantes échangées entre la boutique et le magasin ; rôdant avec circonspection, il vit, derr ière ses vitrines, la jeune marchande aux formes un peu rustiques, en blanc tablier de fine toile, qui, comme l’oiseau fasciné par le serpent, ne quittait pas du regard le gentil compagnon déroulant à pleine gorge de scintillants chapelets de notes amoureuses.
- Une expression d ironie féroce crispa la physionomie du père de Rose, s’apprêtant à se ruer en sanglier dans cette intrigue nouvelle dont il pressentait toute la vilénie.
- Au coup de midi, le beau Raoul endossa un élégant veston; passa négligemment ses doigts dans les
- 1 " *' 1 . .U ri-' l 'U ....., T.... ,;3,
- boucles de sa brune chevelure en la secouant d’un geste olympien, posa coquettement sur sa tête un pittoresque feutre, retroussa fièrement ses moustaches ondulées et, le plus vai .queur des sourires épanoui sur son gracieux visage, s'arrêta sur le seuil de la boutique de son patron avec lenteur, allumant à plusieurs reprises, une cigarette, tout en bombardant la fille des coquetiers d’œillades incendiaires.
- Enfin, ayant produit tout son effet, content de lui et de sa belle.... sans doute, il se décide et met le pied dans la rue. Une main noire, velue, dure comme l’acier s’abat sur son épaule, le cloue au sol ; une voix farouche, brutale, éclatante, lui crie : Je te retrouve donc mon beau suborneur de filles, tu pensais que nous ne nous reverrions jamais et que ta fuite assurerait à ton crime l'impunité. Ah 1 tu mets à mal les filles honnêtes, abusant de leur naïve confiance, de la bonhomie de leurs parents et tu croyais qu’il ne se trouverait pas à la longue quelqu'un pour t’arrêter? Détrompe toi : Tu vas me suivre, tu vas rendre à ma fi'le ce que tu lui as pris, l’honneur, donner à son fils un nom, un père, ou, sur mon honneur à moi, je te tuerai comme un chien, où qae tu sois, où que tu ailles, où que tu te sauves encore, fùt-ce au bout du monde, je te retrouverai toujours, et cette main (il écarta d'un geste effrayant ses doigts cailleux), cette main, t’écrasera sans pitié.
- Le chapeau du beau Raoul, sa cigarette roulèrent sur le sol, sa chevelure se hérissa d’effroi, il balbutia d’informes protestations; mais, en vérité, la sur prise, l’humiliation, la crainte le plongeaient dans une confusion ’ndicible. Au bruit, tous les magasins se vidaient, les passants accouraient, un épais cercle de spectateurs suivaient cette scène très amusante pour eux; aux premiers rang, pâle, bouche béante, frappée de stupeur, se tenait la sensible héritière des coquetiers. Al!ons-nous-en, fit le malheureux, nous nous expliquerons plus loin.
- — Non, je ne te quitterai point que ta ne m’aies donné la parole d’épouser Rose.
- — Mais, vous vous trompez, elle ment, ça n’est pas moi.
- — Tu préfères donc mourir à te conduire en honnête homme. Va, tu es démasqué, si dans cette foule il y a quelque infortunée dont tu veuilles aussi abuser, n’espère plus rien d’elle, la voilà prévenue, tu peux y renoncer.
- D’instinct, Raoul chercha les yeux de la jeune marchande, et il les vit si chargés de mépris, de dédain qu’ 1 se sentit perdu dans son esprit et abandonna la lutt-3.
- Je suis honnête homme, répondit-il enfin, en agitant superbement la tête, il y a méprise.
- — Prouve-le ?
- — Je le prouverai.
- Suis moi donc.
- *— A l’instant.
- — Chez moi 1
- — Chez vous 1
- — Tu ne me quitteras que quand nous nous serons expliqués devant Rose.
- — Je l’entends bien ainsi.
- {A suivre).
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- SAINT-QUENTIN
- Société anonyme du Glaneur, Grand’Place* 33
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- Dimanche T Juin 1884
- 8' Année, Tome 8. — N° 299 Le numéro hebdomadaire 20 c.
- LE DEVOIR
- BUREAU a GUISE (Aisne) ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE ON S’ABONNE A PARIS 5, rue Neuve-des-Petits-Champs
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont
- Toutes les communications le talon sert de quittance. Passage des Deux-Pavillons
- et réclamations France Union postale
- doivent être adressées à Un an ... 10 fr. »» Un an. . . . 11 fr.»» S’adresser à M. LEYMARIE
- M. GODIN, Directeur-Gérant Six mois. . . 6 »» Autres pays administrateur de la Librairie des sciences
- Fondateur du Familistère Trois mois. . 3 »» Uq an. . . . 13 fr. 60 i psychologiques.
- La Réforma électorale et la Révision constitutionnelle
- A nos Assemblées législatives
- Messieurs les Députés, Messieurs les Sénateurs,
- En présence du mouvement considérable des idées de notre temps, de l’état de l’esprit public et des besoins impérieux de réformes qui se font jour, il est bien naturel que les penseurs et les peuples tournent leurs regards vers les hommes chargés de faire les lois. Cela se conçoit surtout dans les nations où le peuple élit ses représentants. Ce sont ces motifs qui m’engagent à vous adresser le présent travail.
- 11 est de toute évidence, aujourd’hui, que quelque chose est à faire pour mettre les deux Chambres législatives en plus complète harmonie entre elles et en plus parfait accord avec nos institutions républicaines.
- C’est à vous, Messieurs les Députés et Messieurs les Sénateurs, que les lois organiques de l’ordre politique ont remis le pouvoir de modifier et d’améliorer les conditions de votre existence ; n’est-il pas sage en pareille situation de rechercher la cause de vos conflits parlementaires et de voir si ce n’est pas au principe môme de votre origine, à l’imperfection du régime électoral dont vous sortez, que sont dus les embarras auxquels il est utile d’apporter remède.
- Tel est le fond des réflextions et des projets que je viens soumettre à votre attention : la réforme électorale comme moyen d’opérer la révision constitutionnelle ou plutôt comme moyen d’établir la constitution naturelle et légitime de la République, sans secousse, sans violence, en la laissant résulter du temps, de l’expérience et des suffrages réitérés de la nation.
- Si l’on n’admet pas maintenant qu’il est nécessaire de donner au suffrage universel la liberté de ses mouvements par des dispositions vraiment démocratiques, que c'est là le premier
- pas à faire pour la consolidation des institutions républicaines, on sera bientôt obligé de reconnaître que sans la réforme du système électoral qui sert aujourd’hui à la composition des deux grands corps de l’État, l’impuissance législative ne fera que s’accentuer ; aucune mesure fondamentale, si nécessaire qu’elle soit, ne pourra aboutir ; et il faudra attendre la réforme du régime parlementaire de nos deux Chambres d’événements plus forts que la volonté des hommes.
- A vous d'apprécier, Messieurs, combien il serait heureux que votre prudence conjurât de pareils événements. Tel est votre désir, j’en suis convaincu, et c’est dans cette pensée que j’ai l’honneur de vous soumettre les observations suivantes.
- Avec dévouement,
- Guise, le 30 mai i88i. GODIN,
- Ancien député à l’Assemblée nationale.
- 1. La Réforme électorale et la Révison de la Constitution
- Il est notoire que les lois françaises actuelles, dites constitutionnelles, ont été élaborées au sein d’une Chambre en proie aux idées politiques les plus disparates et les plus contradictoires.
- Loin d'avoir été une œuvre réfléchie et méditée, ces lois ont été le résultat de tiraillements entre les partisans de la monarchie, de l’empire et les républicains trop faibles en nombre pour empêcher qu’on donnât à ces lois le caractère anti-républicain dont elles sont entachées.
- Dans ces conditions, rien de bien, rien de bon ne pouvait être fait. Aussi ces lois organiques ne sont-elles qu’un assemblage incohérent, empreint partout de l’esprit antidémocratique qui animait la majorité de ses auteurs.
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- Ce n’est pas à vrai dire une révision de la constitution qui est à faire, car nous n’avons pas de constitution ; nous n’avons qu’un ensemble de lois établissant les pouvoirs publics ; les principes de droit social, les règles constitutionnelles que les mandataires du peuple devraient prendre pour guides ne sont ni inscrits, ni définis au frontispice de nos lois.
- 11 n’est donc pas étonnant que le gouvernement marche à l’aventure, que nos assemblées législatives errent sans but et s; ns direction, abordant toutes sortes de lois, n’en finissant aucune, ou, si elles en terminent, ne sachant pas ensuite en assurer l’exécution, comme cela a eu lieu pour la loi sur l’ius-t action publique, cet acte le plus important de la législature i . Melle. Gouvernement et députés ont poussé d’abord à son ution, puis, par un revirement subit, les mêmes hommes / ?ant du pouvoir et les mêmes députés n’ont pas su garantir •oyens d’application de cette loi. jurquoi en est-il ainsi ? Pourquoi un tel désordre dans la
- g'siation du pays ? Pourquoi, chez nos mandataires, un tel : : .ndon de leurs propres lois, de leurs propres œuvres ? Ctla ient à l’absence de plan, à l’absence de principes, à l’absence de constitution dans l’État.
- Rien aujourd’hui qui serve de règle, de guide aux repré-? niants du peuple, sauf les intérêts maternels de leur circons-
- ; don ; rien qui leur impose le sentiment d’un ordre supérieur, rien qui serve de base à leurs travaux. Nos gouvernants n ont aucune ligne de conduite constitutionnelle, rien qui soit pour l’Europe un manifeste des intentions de la France.
- Peut-on s’étonner que le gouvernement d’une République ainsi constituée n’ait pas donné jusqu’ici tous les résultats attendus par le pays ? Le contraire eut été plus surprenant.
- Les lois organiques des pouvoirs publics sont trop défectueuses, elles sont inspirées d’un trop mauvais esprit pour permettre un bon fonctionnement des assemblées législatives.
- Les règles du passé qui ont inspiré nos lois constitutionnelles sont usées, impuissantes à servir encore, tandis que les principes et les règles de l’avenir sont insuffisamment connues.
- Le respect et la protection de la vie humaine, les droits de l’être humain qui doivent être les pierres angulaires de la République ne consolident pas encore son édifice.
- Pourtant, il n’est aucun ordre social méritant ce nom, si le espect et la vénération de la vie humaine n’en sont le point d’appui : hors de là c’est l’abus, c’est la tyrannie, c’est l’oppression, c’est la lutte, c’est le meurtre, c’est la guerre sous les formes les plus diverses.
- On dira peut-être qu’avec une bonne constitution il peut aussi se faire que les détenteurs du pouvoir fassent de mauvaises lois et gouvernent mal, s’ils sont mal intentionnés ; cela est vrai; mais il n’est pas moins incontestable que les pouvoirs publics ont d’autant plus de difficultés à bien faire qu’ils sont placés par les lois organiques dans une situation fausse et in -compatible avee la dignité de leur mandat.
- Telle est la situation faite actuellement aux Chambres.
- Les Députés et les Sénateurs désignés par des modes de suffrage pleins de restrictions combinées, empruntées au passé monarchique et à l’empire, sont placés, autant qu’il a été possible, dans des conditions anti-républicaines , analogues à celles qui leur étaient faites sous le despotisme impérial.
- En imaginant la circonscription électorale d’arrondissement pour l’élection des députés, le but visé, et atteint du reste, par l’empire, était d’entraver, chez le peuple, l’éveil des grands intérêts moraux et politiques de la vie nationale.
- L’empire surexcita les intérêts matériels, leur donna une influence prépondérante. Le député d’arrondissement ne fut que le représentant de ces intérêts et reporta ainsi, à la Chambre même, l’esprit étroit dont son origine était empreinte.
- La constitution actuelle a maintenu, en l’aggravant, ce que l’empire avait fait pour l’organisation de la Chambre des députés ; aussi voyons-nous et verrons-nous de plus en plus, si l’on n’y met un terme par la réforme électorale, l’administration et le gouvernement descendre aux moyens employés sous l’empiie pour faire les élections. La candidature officielle renaît et se fera bientôt ouvertement sous l’intervention des préfets. Les hommes sincères seront le plus souvent écartés des pouvoirs publics pour faire place aux caractères rampants, jusqu’à ce que l’imperfection de l’édifice entraîne sa chûtet
- L’empereur nommait le Sénat ; il en choisissait les membres parmi les intérêts satisfaits. L’assemblce monarchique qui nous a bâclé la constitution actuelle a commencé, à l’imitation de l’Empire, par créer et par nommer les inamovibles ; puis, faisant un autre emprunt au passé, elle a établi, pour la seconde partie du Sénat, l’élection à plusieurs degrés, nous ramenant ainsi vers les ordres des temps féodaux et ne doutant pas de créer, par ces moyens, un Sénat « conservateur » c’est-à-dire opposé à tout progrès et à toute amélioration du sort du peuple. Par ces mesures, le Sénat est bien plus encore que la Chambre des députés un pouvoir soumis au gouvernement. La candidature officielle des Sénateurs est absolue ; ce sont les préfets qui de plus en plus feront nommer les Sénateurs, et toutes les chances seront pour les candidats complaisants.
- L’applatissement partout, la corruption à tous les degrés : tel est l’héritage des régimes anciens que la constitution nous a transmis.
- Il appartient aux hommes d’intelligence et de cœur, appelés par les circonstances dans ce gâchis, de nous en faire sortir.
- 11 n’y a donc pas, à vrai dire, de révision possible delà constitution puisque nous n’avons pas de constitution. Toute action en ce sens obligerait à faire une constitution entière ; cette œuvre est au-dessus des forces d’une législature à peu près finie. S’en suit-il que les Chambres n’aient rien à faire dans le sens constitutionnel ? Bien au contraire. Un devoir impérieux leur incombe, celui de refondre les bases de leur élection, celui de réformer la loi électorale, en donnant au suffrage universel les libertés et les droits qui lui sont essentiels.
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- Dans cette voie seule, les Députés et les Sénateurs peuvent faire œuvre utile, tandis qu'une révision dite de la constitution ne sera qu’un avortement.
- C’est seulement par la réforme électorale que nous pouvons effacer nos imperfections républicaines et arriver à une saine constitution du droit public des Français.
- Nous demandons à tous les hommes politiques de bonne foi si, réellement, on pourrait concevoir un mode de votation plus opposé au véritable exercice des droits politiques du citoyen, que le vote par circonscription inventé pour permettre au despotisme de dominer les populations.
- Le vote uninominal de circonscription ne laisse aux citoyens que l’apparence du suffrage universel et les met, en réalité, dans l’impuissance de nommer d’autres candidats que ceux choisis par le pouvoir ou par les meneurs d’élection. Une telle hypocrisie, une telle dénégation des droits souverains du peuple sont incompatibles avec le droit démocratique.
- La réforme de ce système électoral, créé pour les besoins d’un gouvernement parjure, est indispensable àlaFrancepour sortir de l’impasse où elle est entrée. Une République vraiment démocratique ne peut demeurer dans une pareille situation.
- On a beaucoup parlé de révision delà constitution, mais la révision du système électoral est bien plus pressante et aurait une bien autre influence sur le fonctionnement de nos assemblées législatives.
- Si l’on révise la constitution sans changer le régime du suffrage, les mêmes errements rétabliront les mêmes ambitions, les mêmes compétitions, les mêmes convoitises, les mêmes cupidités, les mêmes corruptions, les mêmes influences des comités conservateurs. Ces comités, plus ou moins préfectoraux, reparaîtront sous l’action des empiétements du pouvoir.
- Députés et Sénateurs, faites un retour sur les mobiles qui ont engendré les systèmes de vote dont vous êtes sortis, et vous verrez qu’une pensée anti-républicaine, antidémocratique y a présidé ; vous vous direz alors qu’une mauvaise semence ne peut donner de bons fruits, et vous comprendrez pourquoi vous êtes impuissants à guider sagement les affaires du pays.
- Cela compris, votre amour du vrai et du juste, vos sentiments républicains, votre dévouement aux intérêts du peuple, vous feront juger qu’il ne suffit pas de modifier la rédaction de nos lois constitutionnelles et que rien n’est accompli si on laisse aux Chambres les défauts d’origine qui font leur impuissance.
- Les pouvoirs publics doivent sortir d’une source nouvelle; il faut élire la Chambre des députés et le Sénat sur de nouvelles bases. 11 faut ouvrir au suffrage un mode d’exercice libre et véridique, à l’abri des influences occultes du pouvoir et des partis; il faut que tout se fasse au grand jour, que les Gouvernants, les Députés et les Sénateurs ne puissent plus compter ; sur des menées ténébreuses pour asseoir leur influence et se j perpétuer au pouvoir, mais que ce soit par les bons et loyaux j services rendus à l’État et à la nation, que chacun des hommes <
- publics soit appelé à ses fonctions, sous l’influence du contrôle efficace du corps électoral.
- II. Le Droit à suffrage dans le passé
- Le droit de suffrage est aussi ancien que les sociétés humaines. Il remonte à l’origine des hordes primitives. Élire ses chefs, ses directeurs, se prononcer par le vote sur toutes les questions importantes, est un droit primitif de la nature humaine.
- Aucune assemblée, aucune réunion d’hommes ne peut se constituer ni fonctionner d’une façon régulière sans une élection quelconque de personnes chargées des pouvoirs dirigeants. Cette élection doit être en concordance avec le sentiment de la majorité, autrement il faut un pouvoir qui s’impose par la force. Sans élection, on tombe dans le despotisme.
- Le mode de votation a subi toutes sortes de formes et les combinaisons qui lui ont été appliquées ont eu, généralement, pour but de favoriser les vues des pouvoirs qui les imaginaient.
- Les républiques anciennes ont pratiqué le suffrage sur une large échelle. A Rome, par exemple, il fut une des bases de la République. Pendant plusieurs siècles, tous les citoyens eurent le droit de suffrage, non-seulement dans l’ordre politique, mais aussi dans l’ordre législatif et judiciaire et ce fut l’époque de la prospérité et de la grandeur de la République romaine.
- Mais peu à peu la puissance aristocratique acquit une prépondérance considérable par l’accumulation de la richesse à son profit. Dès lors, le suffrage perdit de son autorité ; il finit par disparaître avec le despotisme des empereurs et des patriciens.
- Pourquoi en a-t-il été ainsi ? C’est qu’alors un petit nombre d’hommes libres faisaient seuls la loi, tandis que la multitude des esclaves travaillait pour assurer les jouissances de la minorité.
- A travers les époques qui suivirent la décadence de Rome, Je droit de suffrage fut retenu par les grands feudataires, la noblesse et les évêques. Une obscurité profonde règne sur ces âges de décadence. Néanmoins, les puissants retenant le droit de suffrage à leur profit, on conçoit que, lorsqu’ils crurent avoir intérêt à faire exercer ce droit par le peuple, ils y apportèrent toutes les restrictions nécessaires pour en diriger l’action; le suffrage ne fut donc restitué que daus des proportions restreintes. Aussi l’élection se pratiquait-elle à plusieurs degrés, afin d’écarter du pouvoir les classes inférieures,
- Ce fut d’après ces usages que se fit la convocation des États-généraux en 1789. Les élections se firent à deux degrés; il y eut dans les villes et les bourgs des assemblées primaires appelées à rédiger les cahiers des griefs du peuple, et à nommer des électeurs qui, eux, étaient chargés de procéder à la mise en ordre de ces cahiers et cà l’élection des députés de la circonscription. En 1789, le pays était à bout de ressources et de patience, et la monarchie aux abois. On conçoit que dans
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- cette situation extrême la royauté ait eu recours à la nomination de députés de circonscription pour se renseigner sur les causes du mal et sur les moyens de sortir d’embarras.
- Les constituants de 1791 ne surent guère innover en matière d’élection. Restant sur le terrain delà tradition et des faits, ils maintinrent l’élection à deux degrés et laissèrent exclus du droit de suffrage, sous le nom de citoyens passifs, un certain nombre des serfs du passé ; l’autre partie, composée de citoyens actifs, était appelée à prendre seulement part à l’élection primaire et à émettre des vœux. C’était déjà faire un grand pas que d’appeler la plèbe, dans de larges proportions, à nommer ses vrais électeurs et à formuler ses condoléances ; mais c’était loin encore d’ê'.re le suffrage universel.
- La constitution de 1793 fut plus libérale et plus large. Elle proclama l’élection par le suffrage direct et fit disparaître la catégorie des citoyens passifs ; ce fut une lueur de suffrage universel, mais elle resta sans effet, car cette constitution fut remplacée par celle de l’an III avant qu’on ait appliqué la loi électorale de 1793.
- Ensuite le droit de suffrage fut limité par des conditions d’âge, de cens, de domicile, etc. qui en altérèrent complètement le caractère.
- Sous la restauration, la richesse et surtout la richesse terrienne, avait pris une telle prépondérance que certains électeurs avaient le droit de voter deux fois ; il y avait alors moins de mille électeurs par département.
- Le droit de vote s’élargit un peu sous le règne de Louis-Philippe. Enfin, la révolution de 1848 laite aux cris de : Vive la Réforme! mit un terme à la longue éclipse du droit de suffrage. Le décret du 5 mars proclama le suffrage universel, par scru tin de liste départementale et la constitution de 1848 ratifia cette proclamation.
- Un certain nombre de députés fut assigné à chaque département et les citoyens majeurs, jouissant de leurs droits civils, furent appelés, le jour de l’élection, à déposer dans l’urne de la commune chacun un bulletin contenant autant de noms que le département avait de députés à élire. Dès lors, le suffrage universel fut fondé et les efforts des partis monarchiques tendantà le supprimer n’ont pu qu’en paralyser l’exercice.
- III. Critique du scrutin de circonscription et du Scrutin de liste départementale
- Un coup d’œil jeté sur le droit de suffrage nous a montré que le plus large exercice de ce droit a toujours correspondu aux plus grandes époques de liberté, et que les phases de despotisme et d’oppression ont toujours eu pour conséquence de limiter ce droit, de le restreindre et d’en enlever même totalement l’exercice au peuple. Cela peut, dans une certaine mesure, nous permettre d’apprécier à leur juste valeur les modes de suffrage appliqués à l’élection de nos députés et de
- nos sénateurs, modes qui, pour l’élection des députés, limitent à la circonscription l’action de l’électeur, et lui enlèvent toute liberté de choix.
- En effet, où est la liberté pour l’électeur quand il se trouve en face d’un ou deux candidats ne lui convenant ni l’un ni l’autre et que, cependant, s’il ne vote pour l’un d’eux, son droit comme membre du souverain est sans effet ? L’électeur se trouve donc placé devant cette alternative : ou vater contre les inspirations de sa conscience, ou s’abstenir.
- Ce mode de suffrage limite, en outre, à sa plus simple expression l’action du suffrage universel sur l’organisation des pouvoirs, puisque chaque électeur ne peut voter que pour un seul nom, quelle que soit son aptitude à distinguer les capacités correspondantes aux divers départements de l’administration générale du pays. Mais le scrutin uninominal de circonscription a bien d’autres défauts. Il élève au plus haut degré la rivalité électorale et les compétitions de personnes. Il est exclusif des classes laborieuses. Le candidat pauvre n’a guère de chance d’arriver à la députation lorsqu’il a pour concurrent un can . didat dont l’influence, basée sur la fortune, se fait sentir dans la contrée sous toutes sortes de formes, souvent même sous celles de la corruption, car il est facile de capter les suffrages d’un petit nombre d’électeurs, lorsque des influences trompeuses s’exercent sans contrepoids.
- Avec le scrutin uninominal de circonscription, le député, de son côté, perd son indépendance ; il est subordonné à des intérêts privés au détriment de l’intérêt général ; il est assujetti à des sollicitations perpétuelles ; il devient solliciteur à son tour auprès des administrations publiques ; le caractère du mandat de député est amoindri ; le député lui-même est abaissé au rôle de défenseur de simples intérêts locaux et individuels.
- Ce sont là des faits qu’il faut éviter.
- Il ne faut pas que les députés soient nommés par des intérêts qui vicient la représentation nationale. Les députés doivent veiller aux intérêts sociaux et non aux intérêts matériels de telle ou telle localité.
- Les élus du suffrage universel doivent être les députés de la nation et non les députés de tels arrondissements.
- Tant que l’on subordonnera la question d’intérêt social à celle de l’intérêt local, l’esprit public ne sera pas à la hauteur de sa mission, et l’on recueillera les fruits de ce qu’on aura semé, c’est-à-dire des ambitions et des vues d’intérêt privé au lieu de l’émulation pour le bien général.
- Le scrutin de liste départementale proportionné à la population résout-il mieux que le scrutin uninominal de localité le problème de l’organisation du suffrage universel ?
- On reproche au scrutin de liste départementale de n’être lui-même qu’une circonscription plus étendue.
- On prétend que si le scrutin de liste départementale laisse un peu plus de place à l’initiative de l’électeur, il l’oblige à compter avec la puissance des listes préparatoires. L’électeur dissident se trouve exposé à perdre son vote s’il ne se renferme
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- dans les noms portés sur les listes. Néanmoins, il faut reconnaître que l’électeur n’est plus placé devant l’alternative d’un seul nom, qu’il a certainement plus de liberté de choix qu’avec le scrutin uninominal et plus de chances de voir passer l’un des candidats de son choix.
- Mais cette liberté n’est pas effective, puisque, si l’électeur votait selon son désir, souvent il choisirait d’autres noms que ceux qu’on lui présente.
- Si le scrutin de liste départementale offre à l’électeur la satisfaction de porter sur sa liste un nombre d’hommes choisis parmi ceux qu’il reconnaît les plus capables d’exercer une influence salutaire sur les grands intérêts du pays, comme sont ceux de l’instruction publique, de l’agriculture, des travaux publics, de l'industrie et du commerce, des finances, de la marine, de la défense nationale, des affaires étrangères, etc., etc., le vote, dit-on, n’en est pas moins subordonné ^ l’influence de listes arrêtées dans les comités ; il risque de s’égarer comme dans le scrutin uninominal ; en outre, ajoute-t-on, le scrutin de liste par département a le grave défaut d’ouvrir la porte à de nouveaux despotes qui s’imposent à la nation à l’aide des nominations obtenues sous l’influence de leur notoriété politique, dans un grand nombre de départements. Cette crainte fait voir où en est encore l’état des mœurs publiques.
- C’est assurément là un grief fort grave, mais le danger, s’il existe, doit-il être attribué au scrutin de liste? S’il est possible qu’il y ait encore, en France, des volontés pouvant employer la force armée pour imposer au peuple un régime liberticide, capable d’étouffer la souveraineté nationale, le mal ne peut trouver de remède que dans la puissance de l’opinion publique soulevée contre de tels agissements.
- D’autres personnes prétendent que le scrutin de liste est une cause de centralisation à outrance ; que la nécessité de résister aux abus de pouvoir de cette centralisation doit faire rejeter ce mode de scrutin.
- Y a-t-il rien de plus fort pour activer la centralisation que les solliciteurs, et y eut-il jamais de régime plus fait pour la sollicitation que celui des députés de localité ?
- D’autres disent, au contraire, que le scrutin de liste asservit le gouvernement aux députations départementales toutes puissantes par leur unité.
- Toutes ces opinions sont des points de vue de l’esprit de parti et laissent dans l’ombre le point le plus important. Le plus grand défaut du scrutin de liste départementale c’est qu’il établit l’inégalité des citoyens devant l’urne, tous les électeurs lle votant pas pour un même nombre de députés.
- Â quel parti faut-il donc s’arrêter pour consacrer la liberté du suffrage en même temps que l’égalité ? Car la liberté et 1 égalité sont la conséquence de la souveraineté du peuple : 011 le suffrage n’est pas libre, la souveraineté n’existe pas.
- La liberté et l’égalité du suffrage n’existent qu’à la condition bue chaque électeur puisse, sans restriction, porter ses voix
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- d’une manière utile sur les citoyens qu’il lui convient de choisir pour représentants, et que chaque électeur, en outre, vote pour un même nombre de députés.
- A notre époque, ce qu’il faut représenter avant tout, même au point de vue des intérêts locaux, c’est la paix, la mutualité, le travail, l’industrie, l'agriculture, le commerce, l’éducation et l’instruction. Or, ces grands intérêts ne peuvent être efficacement servis que par des élus qui soient véritablement les représentants de la nation.
- IV. Collège électoral national pour l’élection des députés et renouvellement annuel au scrutin de liste de la moitié des corps élus
- J’ai vu, sous l’Assemblée nationale de 1871 qui n’en devait rien faire, beaucoup de projets formés pour assurer au suffrage universel une plus saine pratique et une meilleure application. Généralement, ces projets avaient le tort d’être trop compliqués.
- Je ne m’arrêterai pas à discuter ces projets ; je dois me hâter de démontrer que l’unité de collège électoral national avec scrutin de liste donne satisfaction au droit souverain et à la liberté des citoyens.
- Bien que j’aie dit que je ne puis discuter ici faute d’espace les idées émises sur les divers systèmes de votation, je dois, afin de ne pas être accusé de plagiat, rendre hommage à l’un des publicistes qui se sont le plus occupés des modes d’exercice du suffrage universel : je veux parler d’Émile de Girardin.
- E. de Girardin a proposé un système dont l’idée fondamentale, l'unité de collège, me paraît être un des éléments de la solution du problème qui nous occupe.
- Ce système se résume ainsi : un seul collège électoral pour toute la France. Chacun dispose d’une voix. Chaque électeur dépose son vote dans l’urne. Le scrutin est dépouillé le jour même à la commune, puis transmis à Paris.
- Le lendemain, la chambre des députés de la législature qui prend fin dresse le tableau général des candidats, inscrits par ordre d’après le nombre de suffrages obtenus. Sont déclarés élus les candidats qui ont le plus de voix, jusqu’à concurrence du nombre des députés à élire. L’élection est faite d’après la majorité relative, afin d’éviter les ballotages.
- Ce système est simple ; avec lui, la nation nomme ses députés en toute liberté.
- Mais si l’unité de collège avec vote à une seule voix respecte la liberté de l’électeur et établit l’égalité, on peut dire aussi quelle restreint cette liberté et cette égalité à leur dernière limiie ; c’est le défaut du scrutin uninominal. N’avoir qu’une seule voix à émettre quand il s’agit de constituer le premier pouvoir de l’État est, en effet, complètement insuffisant. 11
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- faut que l’électeur puisse exercer son action sur l’ensemble des intérêts politiques et sociaux, en votant pour un nombre de capacités et de talents capables de représenter tous ces intérêts.
- Il faut, en outre, que l’organisation du suffrage soit autant que possible exempte de chances de suprises et d’erreurs. Or, il y en aurait de bien des sortes sous le régime de l’unité de collège à un seul vote.
- Longtemps avant l’élection, les personnalités bruyantes auraient, afin de se mettre en évidence, travaillé à jeter le discrédit sur leurs concurrents. Pour peu que des événements favorables s’y prêtâssent, les élections se feraient sous l’impression d’entraînements dont les conséquences pourraient avoir un caractère plébiscitaire. Ce danger éveille encore dans nos esprits de si amers souvenirs qu’on ne saurait trop se mettre en garde contre lui.
- Mais le système de l’unité de collège acquiert toute sa valeur en lui adjoignant le scrutin de liste et le renouvellement annuel de la moitié des corps élus.
- L’acte politique que l’électeur est appelé à remplir a pour objet la bonne direction des intérêts matériels et moraux du pays. En principe, le droit électoral doit donc s’exercer de façon à permettre à l’électeur d’agir sur tous les pouvoirs de la nation, d’exercer son influence sur chacune des grandes disivions administratives de la République, c’est-à-dire qu’il faut que l’électeur vote pour autant de représentants que le gouvernement de la nation comporte de grandes divisions administratives ou de ministères.
- Ces divisions principales peuvent être, dès maintenant, envisagées comme suit :
- Le ministère de l’Intérieur,
- — des Finances,
- — de l’Instruction publique,
- — des Travaux publics,
- — de la Défense nationale,
- — de la Marine,
- — des Affaires étrangères,
- — des Postes et Télégraphes,
- — de la Justice,
- — du Commerce.
- On pourrait ajouter :
- Le ministère de l’Industrie et du Travail,
- — de la Mutualité nationale.
- C’est donc douze noms qu’il y aurait lieu de porter sur le bulletin de vote.
- Le système que je propose, dont je donnerai les détails de fonctionnement au chapitre Y, se résume ainsi. Chaque électeur vote à la commune pour douze candidats qu’il choisit à sa guise parmi les hommes ayant à ses yeux le mérite d’une notoriété nationale suffisante ; le dépouillement du scrutin a lieu à la Commune; la proclamation des députés élus est faite par le Parlement d’après le tableau des candidats ayant obtenu le plus de voix ; le tableau contient autant de noms qu’il y a de députés
- à nommer. L’élection a lieu ainsi à la majorité relative. Le mandat a une durée de deux ans ; la Chambre est renouvelable par moitié, chaque année.
- Pourquoi ce plan si simple n’a-t-il pas été conçu et appliqué plus tôt? C’est que l’égoïsme aveugle les hommes et que les classes dirigeantes veulent faire tourner à leur seul profit l’usage du suffrage universel. Tout a donc été dirigé en vue de la représentation de la. propriété ou de la richesse, et non en vue de la représentation des droits sacrés de la personne humaine.
- Ce sont pourtant ces droits qu’il faut avant tout représenter aujourd’hui ; car ils, embrassent tous les autres. La propriété n’est qu’un droit secondaire de l’individu ; les droits naturels de la personne et les droits du travail la précèdent.
- Chaque Français, votant pour douze candidats, aurait la faculté de choisir des mandataires aptes à la représentation de tous ses droits politiques et sociaux, et il y aurait avec la liberté l’égalité de droit devant l’urne pour tous les citoyens.
- Au contraire, avec le scrutin de liste tel qu’il a été pratiqué jusqui’ci, c’est-à-dire par département, il se produisait ce fait anormal que, sur tel point de la France, les électeurs ne pouvaient voter que pour deux ou trois députés, tandis que sur tel autre ils en élisaient jusqu’à quarante-trois ! Certes, il n’y avait, dans ce cas, aucun respect de l’égalité de droit entre les électeurs.
- Il est véritablement étrange que le législateur laisse passer de semblables énormités, que le peuple souverain s’y soumette, et qu’il faille si longtemps pour les réformer.
- Mais quelque logique et rationnel que soit le système du collège national avec le renouvellement annuel au scrutin de liste de la moitié des corps élus, les innovations n’étant jamais admises sans opposition, il me paraît inévitable que ma proposition soit combattue, à moins qu’on ne fasse contre elle la conspiration du silence.
- Le renouvellement annuel au scrutin de liste de la moitié des corps élus ferait pourtant plus, à lui seul, que toutes les révisions possibles de la constitution.
- En étudiant avec maturité les conditions dans lesquelles peut se réaliser le bon gouvernement des peuples , cet adage populaire : « Tant valent les hommes, tant valent les choses » se présente à l’esprit comme une vérité de premier ordre.
- On est obligé de reconnaître que c’est en organisant de meilleurs modes de recrutement et de choix des fonctionnaires et représentants que la démocratie parviendra à constituer un gouvernement plus parfait.
- Il est élémentaire que le dévouement à la chose publique, l’intelligence ou la science des besoins sociaux, la volonté de réaliser le bien social, sont les qualités essentielles à l’homme de bon gouvernement.
- Mais il est non moins évident que, dans l’état actuel de notre
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- organisation sociale et politique, rien n'est fait, rien n’est constitué, ni pour développer ces qualités chez les hommes, ni pour les reconnaître chez ceux qui les possèdent.
- Notre mode d’élection des députés du peuple est à l’état confus ; rien n’a été organisé pour favoriser l’exercice du suffrage universel ; au contraire, tout a été fait jusqu’ici pour en paralyser les effets.
- Au lieu de recevoir, d’institutions spéciales, les moyens de s’éclairer sur la bonté de ses choix, le suffrage universel est condamné à se morfondre dans le cercle des intérêts purement matériels de la circonscription électorale et du vote à plusieurs degrés.
- L’organisation rationnelle du suffrage universel n’étant pas encore faite, les conditions dans lesquelles il s’exerce ne lui ont pas permis jusqu’ici de relever la conscience publique, ni de redresser les excès de pouvoir des gouvernants.
- Dans l’état de confusion où se font actuellement les élections, nous avons vu combien il est difficile d’apprécier le dévouement et le caractère de l’homme qui s’offre inopinément au suffrage des électeurs. On comprend même combien il est impossible dé juger l'homme de capacité, de science, de talent, et surtout de bonne intention si, par un. procédé rationnel, les électeurs ne sent pas éclairés à l’avance sur ce sujet. À défaut de la vraie lumière faite sur la valeur des citoyens, la masse est souvent séduite par des apparences trompeuses, au détriment des réalités modestes du savoir et du vrai mérite. Ce n’est que sur la notoriété que l’opinion des masses peut se faire. Mais, dans l’état actuel de nos sociétés, la notoriété repose le plus souvent sur un simulacre de vertu, sur l’hypocrisie et le faux savoir. Que resterait-il de la plupart des hommes politiques, si l’on faisait tomber les masques sous lesquels ils se présentent au public?
- Si l’on est jusqu’à ce jour aussi peu rassuré sur la valeur des choix que peut faire le suffrage universel, n’est-ce pas parce que chacun a le sentiment intime que les citoyens peuvent être abusés d’autant plus facilement, qu’au lieu de faire la lumière sur les candidats, on a jusqu’ici fait l’obscurité et cherché à corrompre l’exercice du suffrage.
- Il faut mettre fin à cet état de choses en entourant le suffrage universel de tous les éléments d’informations vrais et sincères, d’après lesquels il pourra sainement apprécier les hommes et les choses. Il faut maintenant travailler au relèvement du suffrage; il faut lui rendre la liberté par le scrutin de liste nationale et lui permettre d’apprécier la direction imprimée aux affaires du pays, en faisant la lumière aussi complète que possible sur la conduite des mandataires du peuple.
- La comparution annuelle devant le corps électoral est certainement l’épreuve la plus concluante et la plus sure à faire subir aux élus du suffrage universel,-pour les tenir à la hauteur de leur mandat.
- Comment, en effet, apprécier sainement les hommes nommés
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- aux fonctions législatives, si ce n’est par leurs travaux et par leurs actes.
- Les électeurs peuvent faire un premier choix, fondé sur la notoriété des citoyens, mais c’est certainement après avoir vu leurs mandataires siéger pendant une ou deux législatures qu’ils pourront avoir le sentiment exact de la valeur des députés qu’ils auront élus.
- Peut-être, dira-t-on, il en est ainsi maintenant, les électeurs voient la conduite de leurs députés ; et s’ils les réélisent, c’est qu’ils sont satisfaits d’eux. Cette conclusion serait erronée , les situations sont différentes. Aujourd’hui, le député se maintient surtout par l’intrigue. S’il manœuvre avec art, il s’attache par des promesses éventuelles les principaux groupes d’électeurs. Ceux-ci se trouvent liés au député par les espérances qu’ils conçoivent. Lâcher le député, ce serait perdre les avantages qu’on attend de lui ; on le conserve donc, non pour ses qualités mais pour les promesses qu’il a faiies.
- Le scrutin de liste nationale ne permettrait plus ces honter.œs compromissions.
- Au lieu d’être assailli par les préoccupations étroites qui président au choix des représentants, le suffrage serait place dans des conditions telles que les réelles capacités et les vrais mérites seraient mis en évidence. Le député nommé au scruti de liste nationale ne pourrait se faire avantageuses.: remarquer que par des actes méritant la considération g* ; raie.
- Les promesses ou les protections individuelles seraient s. effet. Nul doute que, dans ces conditions, les électeurs fasse; immanquablement les meilleurs choix.
- Je vois les résistances qu’éprouvera cette manière de jeter le grand jour sur la valeur et les services réels des représentants du peuple, car il s’agit de briser avec des habitudes qui ont jusqu’ici entretenu systématiquement l’obscurité sur les hommes et les choses. L’élection du Sénat, surtout, sera la plus grosse difficulté. Être nommé pour neuf ans, quelle sécurité pour le Sénateur qui n’a cherché dans la fonction qu’un moyen d’augmenter ses revenus et de servir ses propres intérêts ! En serait-il ainsi si la surveillance et le contrôle du suffrage universel s’exercaient annuellement ? Non. 11 importe donc aux droits du peuple, aux libertés et à la prospérité publiques que ce contrôle et cette surveillance viennent régulièrement rappeler tous les fonctionnaires au sentiment de leurs devoirs.
- Quand et comment le peuple souverain devra-t-il rendre ce jugement ? Y a-t-il pour cela des règles à suivre dont il puisse s’inspirer ? Ce sont là des questions qu’il est important de poser et de résoudre.
- Constatons d’abord qu’un peuple est un de ces grands faits de l’ordre universel, soumis, comme les individus, à l’influence des lois naturelles, qu’il doit par conséquent prendre pour guide. Parmi les phénomènes les plus influents sur la vie politique et sociale des peuple aussi bien que sur la vie générale à 1^
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- surface de la terre, nous remarquons la périodicité annale et le retour des saisons.
- Chaque année, après avoir repris dans le repos des forces nouvelles, la nature recommence son travail de vie; l’homme est soumis à cette loi d’alternat : l’année et les saisons s’imposent à l’individu et à l’humanité comme règle de leur activité.
- Toutes les choses humaines ont à compter avec la période annuelle. Les peuples et les gouvernements des nations sont soumis à son influence.
- Aussi plus se développe l’intelligence des peuples, plus les hommes deviennent soucieux des mesures annuelles propres à sauvegarder leur bien-être et leur sécurité. Les pouvoirs publics surtout doivent observer fidèlement cette règle, puisque ce sont eux qui président aux biens et aux maux des nations. C’est dans les États ouïes pouvoirs publics ordonnent le mieux les affaires du pays qu’on fait entrer le plus rigoureusement les mesures annuelles dans toutes les directions administratives et gouvernementales. Les nations les plus riches sont celles où ces habitudes ont le plus pénétré : les budgets des recettes et des dépenses annuelles y sont régulièrement établis et les Chambres en discutent les motifs et en vérifient l’exactitude.
- Toutes les directions humaines étant subordonnées aux influences de la période annale, le souverain doit y puiser la règle de son action sur les pouvoirs publics en appréciant, annuellement à son tour, la conduite de ses mandataires et la direction générale des affaires.
- C’est donc, chaque année, avant le renouvellement du budget, que les élections doivent avoir lieu, afin que la nation prononce par la voie du suffrage universel son jugement sur l’exercice écoulé et sur la conduite des hommes qui ont eu mandat de gérer les affaires du pays.
- J’appelle l’attention de tous les hommes politiques sur les conséquences heureuses et républicaines d’une telle mesure.
- Mais si ce jugement et cette appréciation de la part du peuple doivent rigoureusement s’exercer chaque année, la prudence et l’intérêt bien compris de l’État conseillent d’y procéder avec ordre et mesure. Car notre civilisation avec ses besoins d’activité, de travail, de prospérité, de paix intérieure et extérieure, exige que rien ne vienne jamais interrompre le cours des affaires publiques, non plus que celui des affaires privées.
- Il faut donc que la constitution renferme des dispositions telles qu’elles permettent au souverain de prononcer ouvertement son verdict sur les hommes et les choses, sans entraver en quoi que ce soit la bonne direction des affaires du pays.
- Que faut-il pour cela ? Que les corps constitués dans l’État soient perpétuels, que le peuple souverain procède au renouvellement de tous les pouvoirs émanant de sa volonté, sans que l'action de ces pouvoirs soit jamais suspendue, sans que ces corps cessent d’exister.
- Üa procédé bien simple, propre à atteindre ce résultat, tend
- à s’incarner dans le sentiment public : c’est celui du renouvellement partiel et annuel de tous les pouvoirs élus.
- Que les conseils et assemblées, depuis les Conseils municipaux jusqu’aux Chambres, soient renouvelés chaque année par le suffrage universel dans la moitié du nombre de leurs membres, le but sera atteint. Les membres restants conserveront la tradition et l’expérience des affaires ; les nouveaux élus entretiendront la vie, l’activité et l’émulation au sein des corps constitués, en y apportant chaque année l’expression de la pensée du pays.
- Les mandataires du peuple souverain revenant par moitié devant les électeurs, la réélection ne se fera pas sans que les titres des candidats soient examinés, sans que la manière dont leur mandat aura été rempli soit discutée ; les électeurs auront du reste, au cours de la législature, vu et contrôlé la conduite politique des députés nommés par eux, et, au jour de l’élection, leur jugement sera formé sur des faits indiscutables.
- La vie publique apparaîtra alors dans toute sa puissance, l’action rétrograde des forces du passé aura vécu, l’ére de la paix et du bonheur tdu peuple inaugurera parmi nous son avènement.
- Sous l’influence de ces élections annuelles, bientôt la représentation et tous les pouvoirs se mettront à l’unisson du souverain, et la volonté du peuple deviendra celle des assemblées.
- Y. Les moyens d'exécution
- Quelle que soit la simplicité d’une idée nouvelle, il est toujours bon de la dégager des obscurités dont on peut l’entourer, faute de l’avoir comprise dans sa réalité.
- Ayant vu, par exemple, dans le vote par bulletin de liste départementale, porter sur la liste le nombre de députés à nommer dans le département, certaines personnes s’imaginent que le bulletin de liste nationale devrait, lui aussi, comprendre le nombre des députés à nommer dans la nation et cette erreur leur fait aussitôt crier à l’impossible.
- Mais il est clair que le citoyen a satisfaction dans ses intérêts en votant pour autant de noms qu’il y a de ministères dans le gouvernement, puisque les ministères embrassent ou sont censés embrasser tous les intérêts du pays.
- Quoiqu’il en soit, il peut n’être pas inutile de préciser que le vote par bulletin de liste nationale de douze noms ou de tel autre chiffre adopté n’apporte aucune nouveauté dans la manière actuelle de procéder au vote. Les élections se font à la commune sans rien changer aux pratiques existantes les plus commodes pour tous les citoyens.
- Le jour du vote, l’électeur se présente à l’urne avec un bulletin portant les noms de douze candidats de son choix. Après le vote, il est procédé au dépouillement et à la récapitulation des suffrages dans les formes habituelles.
- Chaque commune adresse le résultat de son scrutin à la préfecture. Celle-ci l’enregistre et envoie aussitôt les pièces
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- à la Chambre des députés.
- Cette assemblée nomme un comité chargé de la distribution des dosiers départementaux et de la récapitulation générale des votes ; puis l’assemblée se divise en bureaux de recensement électoral auxquels le comité répartit les dosiers.
- Les résultats des dépouillements des communes arrivant tout préparés sur des feuilles spéciales par dossiers départementaux, les bureaux de recensement n’ont qu’à porter au nom des candidats les suffrages obtenus dans chacune des communes du département. Les bureaux remettent ensuite le recensement de chaque département au comité de récapitulation générale qui établit la liste des candidats et des voix obtenues par chacun d’eux dans toute la France. Sont proclamés élus les candidats ayant obtenu le plus de voix, en nombre égal au nombre des députés sortants.
- Comme moyen transitoire, la proposition suivante me paraîtrait réunir les conditions nécessaires à la première application du nouveau système électoral.
- La Chambre et le Sénat décideraient dans le prochain congrès qu’il y a lieu de diviser par un tirage au sort leurs membres en deux catégories, comprenant chacune la moitié des sénateurs et des députés. La première moitié serait à expiration de mandat après le vote du plus prochain budget ; la deuxième moitié serait renouvelable un an après la première. Les élections se feraient désormais au scrutin de liste nationale pour les députés, au scrutin de liste départementale pour les sénateurs, eomme cela est expliqué au chapitre VIL De cette manière on serait rentré après une période de dix-huit mois dans la plénitude du nouveau système électoral.
- Aucune difficulté matérielle ne se présente pour le renouvellement annuel de la moitié des Chambres.
- Les procédés d’élection par scrutin de liste nationale sont simples ; ils ne diffèrent presque pas de ceux employés pour l’élection par scrutin de liste départementale. La différence du nouveau système électoral réside dans l’influence morale que le renouvellement annuel exercera sur la masse entière de la population en même temps que sur les pouvoirs publics. Avec le scrutin de liste nationale pour l’élection des députés et la réélection annuelle de la moitié des Chambres, le règne de la corruption et des compromissions sera atteint au cœur. Une phase d’honnêteté et de loyauté politiques s’ouvrira pour la France.
- Ne perdons surtout pas de vue que les élections annuelles auront pour résultat de faire la lumière sur la valeur des candidats. Chaque électeur comparera naturellement les faits et la conduite de ses représentants, aux espérances qu’il avait conçues d’eux. Il n’y aura plus dans les élections de considérations de clochers capables de faire passer sur les fautes et les défauts des élus pour obtenir d’eux des compensations locales ou des protections individuelles. L’électeur ne recherchera pour mandataires que des hommes
- intègres, intelligents et dignes de la mission de représentant du peuple. Si au cours d’une législature, le député ou le sénateur se montre trop préoccupé de ses intérêts personnels, peu soucieux des intérêts publics ou incapable du mandat qui lui avait été confié, l’électeur n’hésitera pas à le changer et à porter ses voix sur les hommes qu’il jugera plus dignes de ses suffrages. Bien vite, avec la réélection annuelle de la moitié des Chambres et le scrutin par bulletin de liste nationale pour l’élection des députés, on arrivera à la moralisation de d’électeur, de l’élu et par conséquent des Chambres.
- Cédant à une première impression, on peut se faire une très fausse idée des conséquences de l’unité de collège électoral avec scrutin de liste nationale; on peut croire par exemple, que ce mode de votation livreraitle sort des élections aux populations concentrées ; il n’en serait pas ainsi. Pour peu qu’on y réfléchisse, on voit que l’unité de vues, dans les grands centres, aurait, au contraire, pour effet de n’assurer que l’élection d’un petit nombre de représentants ; seulement ces représentants seraient élus à un plus grand nombre de voix. Si l’on suppose, par exemple, la ville de Paris votant unanimement pour douze candidats, elle ne nommerait que douze députés. C’est, au contraire, par la manifestation de la diversité des opinions et des intérêts que les électeurs éliront le plus grand nombre de représentants.
- Ainsi, les intérêts locaux, unissant leur vote, pourront se faire représenter par des députés pris chez eux. Là où ils ne le feront pas, c’est qu’il n’y aura pas de candidats dignes de leur choix.
- Sous le régime du scrutin uninominal par circonscription, des étrangers viennent s’imposer aux électeurs ; il est bien naturel que l’électeur, quand il aura la liberté de son choix > puisse porter ses voix sur des candidats du dehors. Les services rendus, la notoriété concentreront les voix; le talent, la science» l’industrie auront leurs groupes de partisans ; enfin il n’est pas de minorité de quelque importance qui ne soit en état de faire passer ses candidats.
- Donc, avec l’unité de collège électoral et le scrutin de liste national, il n’y a plus de minorité écrasée par les majorités ; il y a des élections auxquelles tous les citoyens participent.
- Voyons maintenant ce que fera la presse. Assurément, il y aura grande divergence entre les journaux lorsqu’il s’agira des listes de députés. Au milieu de ces listes les électeurs se sentiront fort indépendants ; ils voteront pour les douze représentants de leur choix avec la certitude que leur bulletin sera recensé et que leurs voix serviront les intérêts du pays.
- Qu’on suppose, si l’on veut, l’accord entre un grand nombre de journaux pour produire une même liste de députés ; les électeurs auront donc sous les yeux une liste unique mais comprenant des centaines de noms ; leur liberté
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- restera entière ; ils pourront comparer avec les personnalités connues de leur département ; ils ne seront plus obligés de donner leur voix à l’un des deux ou trois candidats qui se les disputent aujourd’hui et pour qui, souvent, ils n’ont qu-’une médiocre estime ; ils ne Seront plus placés devant une liste de circonscription qui s’impose aux électeurs, s’ils veulent que leurs voix servent à quelque chose.
- Le collège national avec scrutin de liste a le mérite de consacrer les principes essentiels de la souveraineté du peuple, en laissant au citoyen sa complète liberté de choix et de suffrage.
- 11 place le candidat et le député en dehors de toute suggestion et de toute influence ; le député est l’élu de la France; chacun attend sa nomination des sympathies réelles qui se portent vers lui. Le candidat relève des électeurs qui partagent ses vues ; il n’a plus à accommoder ses opinions à celles d’une localité spéciale. L’hypocrisie politique est atteinte dans son germe et l’école du mensonge politique perd ses premières causes de contagion.
- Le député sorti du collège national est débarrassé de cette subordination locale qui paralyse toute son action ; il est tout entier aux intérêts politiques et sociaux du pays.
- Les choses vraies étant bonnes par essence, l’unité de collège a aussi le mérite d’enlever à la presse tout motif d’intervention acerbe, acrimonieuse, propre à jeter la déconsidération sur les personnes et sur les intentions.
- Ce n’est pas impunément que le journalisme pratique de telles manœuvres; les consciences s’habituent à ne tenir aucun compte de la critique. On arrive ainsi facilement à mettre l’honnête homme sur le même pied que le fripon, à confondre dans une même indifférence les actions les plus justes, les plus utiles, avec les actions les plus mauvaises. L’idée du juste et du bien, le respect des bonnes intentions disparaissent, et cela parce que le vote, ce point de départ du régime parlementaire, est mensonger, corrupteur et démoralisateur.
- En présence d’élections qui ne seraient plus circonscrites ni aux localités ni aux départements, mais qui embrasseraient toute la France, les journaux n’auraient plus à s’occuper des questions stériles que les circonstances enfantent sous le régime des compétitions individuelles ; ils n’auraient plus le même intérêt à se faire l’organe de la délation et du dénigrement. Au lieu de fomenter les compétitions et les haines politiques, de s’occuper sans cesse des questions, de personnes, la presse serait conduite à envisager les intérêts du pays sous leurs aspects généraux et à en faire la base de ses discussions. Bientôt l’esprit public se relèverait et tout se mettrait à l’unisson du progrès.
- Cette modification dans l’exercice du suffrage universel aurait pour résultat de faire disparaître la plupart des causes d’antagonisme politique et d’ouvrir aux pouvoirs publics la voie de l’entente et de l’accord.
- Une des premières préoccupations des gens qui, par égoïsme,
- sont partisans du député de clocher sera de savoir comment, avec le scrutin national, la localité sera représentée. À ceux-là nous répondons : La localité sera représentée mieux qu’elle ne l’est aujourd’hui ; car actuellement les électeurs sont obligés d’accepter l’un des premiers venus qui s’offrent à leurs suffrages, tandis qu’avec le scrutin national ils pourront appuyer le candidat de leur choix du vote de tous les électeurs indistinctement avec lesquels ils auront su se mettre d’accord ; de sorte qu’il y aura toute chance pour l’élection d’un candidat de leur opinion.
- Mais c’est là le petit côté de la réforme ; le point important, le principal, c’est de donner à l’administration des intérêts du pays cette belle et grande impulsion par laquelle toutes choses prennent la meilleure direction possible, par laquelle la prospérité s’universalise ; cela est infiniment supérieur à l’espérance de quelques faveurs particulières, à côté desquelles se trouvent la démoralisation, les crises industrielles et la misère publiques.
- Certes, l’unité de collège national avec scrutin de liste ne ferait par disparaître l’esprit de parti; mais, en consolidant les institutions républicaines, il transformerait les partis politiques en partis de progrès et d’affaires.
- Monarchistes du droit divin, monarchistes constitutionnels, partisans des régimes despotiques et autoritaires, libéraux, républicains formalistes, républicains démocrates, socialistes, chacun de ces partis mettrait ses candidats en évidence par la voie de la presse, des conférences, des réunions publiques et des professions de foi. Partout les capacités se. produiraient les unes à côté des autres. En outre, chaque contrée ferait porter les noms mis en évidence par les services rendus ou par les talents connus.
- Les voix se répartiraient donc et sur les notabilités locales et sur des personnages connus de toute la France en raison de leurs travaux scientifiques ou industriels ou pour des. faits ayant mérité l’attention publique.
- Le scrutin de liste nationale, en consacrant la liberté de choix et de vote de l’électeur, en consacrant l’égalité politique des citoyens devant le suffrage et l’élection, en favorisant la représentation des minorités, serait la cause moralisatrice de la vie politique et sociale, si nécessaire à introduire dans nos mœurs. Sous le régime du collège national avec scrutin de liste, l’éducation politique se ferait promptement, et l’on verrait bientôt substituer aux candidats des partis politiques les candidats du progrès social, c’est-à-dire les candidats du travail, de h science, de l’industrie, de l’agriculture, du commerce, des arts, de l’enseignement, de l’éducation, de l’instruction ; les candidats de l’association du travail et du capital, de l’union de toutes les forces humaines.
- Alors les élus de la nation abandonneraient les spéculations stériles de la politique pour s’occuper exclusivement du bonheur du peuple, du bonheur social.
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- D’autres objections seront faites par les adversaires des idées de progrès.
- La liberté du suffrage, diront-ils, en laissant à l’électeur le libre choix parmi les candidats inscrits sur les listes générales de la France, ne donnera aucune garantie contre la possibilité, pour telle contrée ou tel département, de se trouver dépourvus de représentants.
- Cette objection naîtra, on le conçoit, dans l’esprit des individus qui placent les intérêts matériels au-dessus des intérêts humains, qui veulent toujours voir la représentation de la richesse et du terroir, et non la représentation des personnes et des existences humaines. Mais il ne faut pas s’y tromper plus longtemps, la richesse, par ces résistances, marche à un cataclysme qu’une évolution bien comprise pourrait seule éviter. Le suffrage universel c’est l’émancipation politique des masses laborieuses, en attendant que ce soit leur émancipation sociale.
- Il ne s’agit plus de représenter les terres et les châteaux de M. le Duc ou de M. le Marquis ; il ne s’agit plus seulement de prendre les mesures propres à assurer des privilèges nouveaux à ces grands personnages ou à la bourgeoisie qui leur succède; il s’agit de représenter la vie et l’existence de tous les citoyens, de protéger et de garantir les droits de tous aux dons de la nature et aux avantages sociaux.
- Pour cela, il n’est pas besoin de représentants sur tel ou tel domaine, mais il faut au peuple des mandataires qui s’occupent de donner les garanties de l’existence aux familles et l’instruction aux enfants ; il faut au peuple des mandataires qui lui assurent la juste part due à son travail dans la richesse créée. Pour cela il n’est pas besoin d’assigner une circonscription au vote, il n’y a qu’à laisser l’électeur libre de son choix.
- Pourquoi refuserait-on la liberté du vote sinon dans cette arrière-pensée qu’il faut se rendre maître du suffrage, qu’il faut le guider ?
- Oui, c’est bien la représentation des intérêts matériels qu’a voulu faire le législateur réactionnaire de la loi actuelle ; il a voulu la représentation de ceux qui possèdent la richesse, à l’exclusion de ceux qui n’ont en partage que la pauvreté. Plus l’on possède plus l’on a droit à être représenté : telle est la tendance du système, de façon que le peuple qui ne possède rien ne devrait pas être représenté du tout.
- Mais le peuple du suffrage universel qui a besoin de vivre, de voir consacrer son droit à la vie, ce droit le plus grand et le premier des droits de l’homme, pourra-t-il toujours supporter ces prétentions égoïstes et oppressives, sans réclamer la liberté qui lui est due dans l’exercice de la souveraineté ?
- Sous le régime de la souveraineté du peuple ou du suffrage Universel, tous les hommes sont citoyens, membres du souve-
- rain ; tous ont leur part naturelle de droits sociaux et politiques, part qui ne peut être enlevée à aucun d’eux sans iniquité sociale.
- Les avantages sociaux, les ressources publiques accumulées sont les fruits des efforts de nos pères, il est donc juste que chacun de nous soit appelé à jouir des droits politiques et des avantages publics qui sont la conséquence du travail de ses ancêtres.
- Ne voit-on pas déjà dans quelle proportion le peuple exerce la critique de ce qu’il appelle la représentation bourgeoise ?
- Quelle est la cause de cette appréciation si ce n’est le mode même de votation qui fait réellement des députés, et bien plus encore des sénateurs, une représentation bourgeoise, c’est-à-dire n’ayant d’attache sérieuse qu’aux intérêts de la richesse et aucune aux intérêts de la pauvreté. Cela n’est pas contestable en principe.
- Je conçois pourtant que des députés puissent croire de bonne foi à l’efficacité du suffrage restreint, si celui-ci les a nommés sur l’affirmation d’un programme avancé et démocratique, mais ce n’est pas sur quelques exceptions qu’il faut juger les institutions, c’estsur leurs tendances générales et sur leurs effets. Or, ces tendances et ces effets'sont manifestes; il est incontestable que les élections à la cirons-cription se font et se feront généralement dans les vues étroites de l’intrigue, de la cabale, de la médisance, du mensonge et de la calomnie; qu’on ne recule devant aucun moyen et que l’art de faire une élection descend aux plus bas degrés de la corruption. La vérification des pouvoirs en donne trop souvent de tristes exemples.
- Le suffrage ne peut être conduit à un plus complet avilissement et c’est au mode même de votation que cela est dû. Un tel état de choses ne peut durer sans nous conduire à l’abîme: il faut réformer ce mode de suffrage.
- Peut-être dans le vote de la loi des circonscriptions électorales un certain nombre de députés qui n’avaient pas suffisamment étudié la question, ont-ils adopté de bonne foi ce système comme établissant l’égalité de tous les électeurs français devant l’urne, le scrutin de liste départementale produisant, en effet, cette anomalie qu’à Paris les électeurs votaient pour 44 députés, tandis que dans certains départements français les électeurs avaient leur liste limitée à trois ou quatre noms.
- Une bonne loi électorale ne doit pas, évidemment, offrir de semblables anomalies ; la loi doit être égaie pour tous. On comprend donc que pour remédier à cet abus quelques députés aient pu accepter la circonscription électorale comme pis-aller.
- Ce mode étant doublement condamné par l’usage que l’empire en a fait et par l’expérience que la République en a renouvelée, il faut le remplacer au plus vite. Le scrutin de liste départementale ne pouvant lui être substitué à cause de l’inégalité qu’il crée pour les électeurs, c’est donc fort à
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- propos que je soumets à l’attention de nos législateurs le scrutin de liste nationale, par bulletin de douze noms, pour l’élection des députés, et le renouvellement des Chambres par moitié chaque année.
- L’élection annuelle est une nécessité de l’extension du droit souverain du peuple, elle est dans la logique du contrôle et de l’influence qu’il doit exercer par l’élection sur la conduite de ses représentants. Je sais bien qu’on opposera à cette proposition toutes sortes d’objections, telles que celles-ci : ce serait déranger le peuple trop souvent; ce serait renouveler tous les ans une grande agitation dans le pays.
- Cette tendance de certaines personnes à se montrer soucieuses de ne point déranger le peuple, lorsqu’il s’agit de lui permettre de s’occuper de ses intérêts, est-elle bien sincère ? Pourquoi n’éprouvent-elles pas le môme sentiment en voyant le peuple consacrer son temps à des pratiques superstitieuses ou traditionnelles ne profitant à personne ? Le recueillement avec lequel les élections s’accomplissent déjà dans presque toutes les communes de France ne témoigne-t-il pas que le pays n’aurait rien à perdre en consacrant quatre ou cinq dimanches, chaque année, au grand acte national de l’élection des assemblées législatives, des conseils généraux, d’arrondis-ement et municipaux ?
- Les objections qu’on fait à ce sujet sont donc plutôt inspirées par des craintes égoïstes ou chimériques que par un réel amour du peuple.
- Je dis à ceux qui pensent ainsi : Vous êtes sur la voie de la résistance qui conduit aux abîmes ; prenez-y garde. La voie que je vous indique est au contraire l’exutoire pacifique des revendications populaires ; c’est le moyen d’opérer toutes les réformes nécessaires sans trouble et sans bruit. Donnez au suffrage universel la liberté d’exprimer largement la pensée et la volonté nationales et de choisir des députés capables de traduire dans les faits cette pensée et cette volonté; la question sociale perdra son acuité et la France entrera paisiblement et sans trouble dans la voie des institutions utiles à tous.
- Députés et sénateurs, préoccupez-vous du salut du pays, il en est temps. Au lieu de batailler entre vous sur la question de révision de la Constitution, au lieu même de remplacer une Constitution mauvaise par une qui ne vaudra pas mieux, commencez par placer le peuple souverain dans les conditions de liberté nécessaires à la vérité de sa haute fonction, donnez-lui la liberté du suffrage national.
- Le collège électoral national par scrutin de liste avec bulletin de vote de douze noms et le renouvellement des Chambres parmoitié chaque année correspondent aux besoins de réforme parlementaire que la République éprouve;
- Ce système esten accordavecle principe républicain moderne;
- Il satisfait aux besoins réels de la démocratie;
- Il est moralisateur du suffrage et des assemblées;
- Il supprime les rivalités, les jalousies et les haines résultant du vote par circonscription;
- Il rend les citoyens égaux devant l’urne;
- Il donne à l’électeur une complète liberté de choix;
- Il fait la lumière sur la valeur et le mérite des candidats;
- Il élit à la représentation toutes les supériorités;
- Il appelle à brève échéance le mandataire à passer par le jugement de ses électeurs ;
- Avec lui, le député jugé par les électeurs de la France en tière ne sera pas réélu s’il a failli à ses promesses, s’il n’a pas bien rempli son mandat.
- Un tel système étant adopté, la révision de la constitution se fera d’elle-même sans difficulté et au mieux des intérêts du pays tout entier.
- VII. Élection directe dn Sénat an Scrutin de liste départementale
- Visant dans cette étude de réforme électorale ce qui peut se réaliser dans l’état actuel de l’opinion publique, je ne chercherai pas, comme je l’ai fait dans mon volume: « Le Gouvernement », à déterminer quelle place les droits politiques de la femme, évoqués aujourd’hui dans toutes les nations civilisées, devraient être appelés à prendre dans la formation du Sénat ; cette question est encore trop avancée pour nos mœurs politiques.
- Signalons, cependant, que le suffrage pour être réellement universel, pour porter une dénomination qui ne soit point un mensonge légal, attend une extension indispensable. Cette extension,les femmes la revendiquent dans les deux mondes, et bientôt elle sera dans nos mœurs, dans la loi et dans les faits.
- Cette réserve faite, je dirai simplement ici aux esprits imbus des idées politiques ayant généralement cours, et qui croient à la nécessité des deux Chambres, que l’adoption du scrutin de liste nationale pour l’élection de la Chambre des députés serait une occasion bien opportune de réaliser un progrès réel dans l’élection du Sénat, en faisant élire celui-ci par le suffrage universel au scrutin de liste départementale.
- De cette façon, les deux Chambres deviendraient populaires ; la Chambre des députés serait la représentation des intérêts nationaux, le Sénat représenterait plus particulièrement les intérêts départementaux; les compétitions locales disparaîtraient pour faire place à la discussion publique des candidats et le scrutin annuel rappellerait chacune des Chambres à l’attention des vrais intérêts du pays.
- Mais, dira-t-on, les critiques portées contre l’élection de députés par la voie du scrutin de liste départementale seront tout aussi applicables à l’élection des sénateurs par la même voie. Nous ne le contestons pas, aussi n’offrons-nous cette idée que comme moyen de différencier l’élection du Sénat de celle de la Chambre des députés, jusqu’à l’établissement du ! suffrage vraiment universel.
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- Je ferai pourtant remarquer que le scrutin de liste départementale, combiné avec le renouvellement annuel, serait un grand progrès dans l’élection des sénateurs ; ce serait certainement un moyen de constituer le Sénat d’une façon plus en harmonie avec les principes démocratiques et avec le nouveau mode d’élection de la Chambre des députés.
- Grâce à l’évolution sociale qui résulterait du renouvellement annuel, le Sénat lui-même ne tarderait pas à être constitué sur les .bases pouvant donner satisfaction aux besoins du pays.
- Nous attachons une importance considérable à la réforme du mode d’exercice du suffrage universel, parce que l’exercice véridique du suffrage ne sera pas seulement une réforme politique, mais aussi le dénouement de la question sociale.
- Le suffrage universel étant l’exercice du droit souverain du peuple, c’est l’instrument par lequel celui-ci peut légalement obtenir toutes les réformes capables d’améliorer son sort, mais à la condition que l’exercice du vote soit affranchi de toutes les restrictions dont on l’a entouré et que le droit de suffrage soit pratiqué dans toute sa vérité.
- Or, nous l’avons vu, les'classes dirigeantes ont fait du suffrage, aussitôt son avènement, le point capital de leur tactique conservatrice ; ne consultant que les avantages qu’elles peuvent tirer de la chose publique, elles ont manœuvré de manière à diriger les élections et à les faire servir à leurs intérêts.
- Le suffrage universel est donc en tutelle ; chose étrange, il est à la merci de ceux-mêmes qu’il choisit comme mandataires et qui deviennent aussitôt ses maîtres. C’est ce renversement des rôles qui rend les assemblées parlementaires impuissantes à faire quoi que ce soit dans le sens du progrès.
- Oubliant les intérêts du peuple qu’elles ont mission de défendre, les Assemblées législatives font du gouvernement et de la législature un champ de compétitions et de rivalités individuelles, où chacun se livre à la curée des pouvoirs et à l’organisation des privilèges au profit des meneurs.
- Il en serait tout autrement si le suffrage universel était rendu à sa libre expression, s’il avait la liberté de choisir ses députés et ses sénateurs, et si les Chambres, par moitié, étaient tenues de rendre compte tous les ans de l’exercice de leur mandat et soumises à une élection nouvelle.
- Mais les classes dirigeantes qui tiennent entre leurs mains l’organisation du suffrage se refuseront sans doute à émanciper le vote de l’oppression qu’il subit, jusqu’à ce que les événements imposent cette émancipation.
- Depuis bientôt un siècle le peuple lutte en France pour sa liberté ; et cette liberté qui miroite sans cesse devant ses yeux, il ne peut l’atteindre ; la tyrannie, le despotisme, l’oligarchie, les privilèges sont toujours là pour lui barrer le chemin. Le moment est pourtant solennel; plus que jamais l’état de décom-_ position politique dans lequel les pouvoirs versent chaque jour
- exigent l’action purifiante et rénovatrice du suffrage universel.
- Qui ne voit comme les classes ouvrières s’éclairent sur leurs droits et comme la diffusion des idées'sociales fait des progrès rapides. La solution de toutes les questions qui s’accumulent peut-elle se concevoir sans l’interventions des parties les plus intéressées? Non, sans l’intervention des masses dont les droits sont lésés, jamais justice ne se fera.
- Or, il n’y a que deux moyens pour le peuple de faire triompher ses droits : ou en obtenir l’exercice par la voie mesurée des pouvoirs publics librement élus, ou le faire surgir de la révolution. La prudence du législateur pourrait ménager le premier moyen ; son incurie précipitera le second.
- Les classes dirigeantes se retranchent derrière ce dilemme : Avec le suffrage universel toute action par la force est condamnable, puisque le peuple choisit ses mandataires et que ses affaires sont faites par ceux qu’il nomme à cet effet.
- Ceci manque de vérité ; jusqu’ici les affaires du peuple ont été faites par des mandataires dont la nomination est obligée, ce qui est bien différent ; jusqu’ici les lois électorales ont été faites de façon à forcer la main à l’électeur ; jamais on n’a organisé de scrutin qui laisse au peuple la complète liberté de son choix. Une intention machiavélique a toujours présidé à la confection des lois électorales.
- Jamais le législateur ne s’est débarrassé de vues intéressées, contraires aux intérêts de la grande majorité des électeurs.
- Les classes dirigeantes ont voulu diriger à l’insu du pouvoir souverain ; elles ont écarté et elles écartent, autant qu’elles le peuvent, les classes ouvrières de toute action sur les pouvoirs. Sans se l’avouer à elles-mêmes, elles n’ont jamais agi de manière à ce que le pouvoir fût partagé par le peuple. Le suffrage universel n'est qu’un simulacre de souveraineté ; il faut changer ce simulacre en une souveraineté effective.
- Mais combien de républicains formalistes, combien de prétendus amis du peuple se récrieront à la pensée qu’on pourrait débarrasser le suffrage universel de toutes les lisières dont on l’a entouré ?
- Donner à tous les citoyens la liberté de voter par bulletin de liste nationale de douze noms, renouveler le vote pour la moitié du nombre des députés et des sénateurs chaque année. Mais cela ne s’est jamais vu ! mais c’est'impossible ! Voilà l’accueil que les prétendus amis de la liberté feront à cette proposition, se refusant meme à examiner si ce projet si simple, si modeste, n’entraîne pas à lui seul la réforme complète de notre régime parlementaire et la solution de difficultés sociales que les Chambres sorties du vote par circonscription sont incapables d’aborder.
- Oui, la réforme du régime parlementaire par la réforme électorale, voilà ce qui est à foire, si l’on veut se soustraire aux difficultés inextricables qu’amoncelleront les Chambres élues par le suffrage restreint.
- On s’en prend au gouvernement, on s’en prend aux ministres de 1 incapacité politique de notre temps, mais le gouver-
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- nement et les ministres sont ce que les font les Chambres, et les Chambres à leur tour sont ce que les fait le mode de votation appliqué à leur élection.
- Pour sortir de l’impuissance électorale et de l’incompétence législative, il faut rendre la liberté de suffrage au peuple souverain, et placer les assemblées sous le contrôle d’élections libres. Il faut réformer le vote par circonscription et organiser le vote national par bulletin de liste, avec élection tous les ans de la moitié de tous les corps élus ; de cette façon on donnera à la France d’autres députés parce qu’on donnera d’autres intérêts aux représentants du peuple.
- La France serait bien vite la reine du monde si elle organisait la République de manière à donner à ses enfants autre chose qu’un replâtrage oligarchique, sous un autre nom que celui de monarchie, replâtrage dont la conséquence est d’aggraver le paupérisme et la misère.
- Si la République française se faisait vraiment démocratique, si par le bulletin de liste nationale elle appelait le peuple à exprimer librement sa volonté, à prononcer son jugement chaque année sur la ligne de conduite du parlement, les réformes nécessaires s’opéreraient'rapidement, la prospérité et. l’abondance seraient des garanties nouvelles de paix et de sécurité publique'.
- Que la France démontre ce que peut une nation sous la puissante influence du suffrage universel agissant dans la plénitude de la liberté, et bientôt on verra l’Europe monarchique s’écrouler pour faire place à la fédération des nations républicaines, inaugurant le règne de la paix et de la liberté.
- Les monarchies voisines cesseraient de marchander aux peuples un élargissement du cens électoral ; ces peuples eux-mêmes s’investiraient, à l’imitation de la France, du droit de suffrage dans les affaires publiques.
- Jusqu’ici le suffrage universel, livré aux mains du despotisme et de l’égoïsme, ou de républicains incapables, n’a pu produire que des fruits incomplets; rien n’en est sorti de nature à attirer l’attention des peuples voisins. Mais le jour où véritablement organisé, le suffrage universel, se montrera comme une puissance pour le progrès politique et social, le jour où il sera prouvé qu’il a capacité pour effacer les souffrances du peuple, le despotisme sera vaincu pour jamais.
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- Il est difficile d’entrevoir comment nos députés consentiront à réformer le régime qui les a fait naître. Combien parmi eux craindront qu’une forme de votation rationnelle et démocratique leur ferme les portes de la députation ?
- Il est, du reste, bien difficile de ne pas aimer son père et sa mère ; le député est l’enfant de la circonscription et du suffrage restreint. Quelles que soient les taches originelles et. humiliantes de son lieu de naissance, il conservera du penchant pour lui. Il est donc à craindre que les députés maintiennent le suffrage restreint qui conduit la France aux abîmes.
- Cependant où trouver l’issue et la fin de la politique impuissante d’une Chambre sortie du suffrage restreint, si ce n’est dans l’organisation d’un mode tout opposé de suffrage.
- Admettons pour un instant que nos députés actuels, bien qu’élus par le suffrage restreint, soient tous réélus, sous le nouveau mode de suffrage que je propose, comme étant les hommes les plus capables, les plus instruits, les meilleurs de la nation et les plus dévoués aux intérêts publics, eh bien ! ces mêmes députés, sortis du suffrage national et soumis par moitié à la réélection annuelle, ne seraient plus eh réalité les mêmes législateurs ; ce seraient des serviteurs relevant d’un autre maître ; chacun d’eux ne serait plus le député d’une circonscription et d’une coterie, il serait le député de la France et de la République.
- Le renouvellement annuel d’une partie de la Chambre des députés préciserait la pensée et la volonté du pays, l’esprit public sortirait de son atonie et les députés suivraient les impulsions et la volonté du souverain.
- Evidemment, le suffrage national serait inspiré d’autres sentiments que le suffrage restreint de circonscription. Les candidats ne se présenteraient plus pour se mettre au service des intérêts égoïstes d’un canton, mais pour se mettre au service et à la disposition du pays tout entier. La pourriture locale s’effacerait sous la circulation de la sève nationale et la France retrouverait la noblesse de son rôle dans le monde.
- Le régime de la députation servile, organe des intérêts individuels, ferait place au régime de la députation libre, organe des intérêts nationaux et des vrais principes sociaux ; les fonctions publiques se relèveraient vite de l’état d’avilissement dans lequel elles sont tombées.
- Députés, restituez la liberté du vote, l’égalité devant l’urne. Que tout citoyen français vote pour un même nombre de candidats; que chacun puisse donner sa voix à ceux qu’il croit dignes de sa confiance avec la certitude de voir ses votes utilement recensés.
- Supprimez les élections partielles et remplacez-les par des élections générales annuelles, portant sur la moitié du nombre des sénateurs, des députés, des conseillers généraux et des conseillers municipaux ; vous ramènerez ainsi la vie publique dans le corps électoral et la vie nationale se réveillera dans tous les pouvoirs publics ; les Chambres cesseront de piétiner sur place, et feront des lois utiles ; les ambitions désordonnées seront soumises à la censure de l’élection ; les compétitions et les convoitises cesseront devant le jugement des électeurs ; le suffrage national votera sur des programmes définis et arrêtés par les candidats; les députés qui failliront à leur mandat seront, après deux ans d’exercice, jugés d’après leurs engagements mômes par le suffrage de la nation entière ; chaque année, enfin, les Chambres, recevant les impressions nouvelles des élections générales , seront, tenues de s’y conformer. Ce sera le véritable gouvernement du pays par le pays même.
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- IX. Rémunération des fonctions électives
- J’aborde un sujet qui touche intimement à l’organisation démocratique du suffrage, car il ne faut pas seulement avoir le droit d’élire et d’être élu, il faut, lorsque le citoyen est appelé à rendre des services publics, que cette mission ne constitue jamais pour lui une charge tellement onéreuse qu’il ne puisse la remplir quel que soit son dévouement.
- Le seul moyen d’éviter cet écueil est d’attacher aux fonctions électives une rémunération qui dédommage les élus du suffrage universel des sacrifices qu’ils font pour remplir leur mandat; les conseils généraux sont dans ce cas. Un seul des degrés de notre représentation nationale, celui des assemblées législatives, a réalisé le progrès démocratique qui donne aux citoyens de toutes conditions accès à ces assemblées.
- Chose étrange, ce sont les hommes mêmes qui jouissent de cette immunité libérale qui maintiennent la loi de gratuité pour les assemblées des communes et des départements.
- Quelle étrange anomalie : reconnaître la nécessité d’accorder une indemnité aux sénateurs et députés, à raison de leurs fonctions, et trouver cette indemnité contraire aux principes lorsqu’il s’agit des autres assemblées issues du suffrage universel ! Pourquoi la raison est-elle toujours la dernière des choses qu’on mette au service de la politique et de l’organisation des droits du peuple ?
- Plus que jamais les fonctions dans le gouvernement ont besoin d’être mises en harmonie avec les principes démocratiques. Il est bien singulier que, sur ce point, l’opinion des masses soit restée aussi arriérée que celle des classes dirigeantes, et que l’idée de la gratuité ait été préconisée de tous côtés, comme nécessaire à la représentation. Les intérêts monarchiques, s’aidant de l’ignorance du peuple sur ses véritables intérêts, expliquent pourtant la chose. Mais rien n’est plus contraire aux vrais principes de la démocratie ; rien n’.est plus contraire aux idées républicaines qui supposent les fonctions librement accessibles à tous les citoyens; rien n’est plus contraire, surtout, à ce principe fondamental d’une bonne organisation que les fonctions de gouvernement et de direction doivent, avant tout, être confiées aux hommes distingués par les qualités du cœur et de l’esprit.
- La gratuité des fonctions est entièrement l’opposé de ce système ; elle exige avant tout de la fortune chez les élus du peuple. Quels que soient le mérite et l’intelligence d’un homme sans fortune, il doit se tenir a 1 écart ; il ne peut se présenter au suffrage de ses concitoyens, faute de ressources suffisantes pour consacrer aux fonctions publiques le temps que celles-ci réclament.
- La gratuité des fonctions n’a sa raison d’être que dans les gouvernements monarchiques, despotiques et aristocratiques, parce que sous ces régimes les fonctions sont un moyen d entourer le pouvoir de fonctionnaires qui lui soient favorables. L’aristocratie de la fortune ayant seule la possibilité de I
- consacrer son temps aux affaires publiques, elle compte en échange et à titre de dédommagement sur les laveurs du prince et sur les privilèges de classes.
- Ilien ne coûte plus cher, en fait de fonctions publiques, que ce qui est gratuit ou mal rémunéré. Car ce système accumule de nombreux inconvénients autour des pouvoirs ; il y amène d’abord, par droit de naissance, des incapacités; en même temps, il en écarte les hommes qui n’ont d’autres ressources que leur intelligence et leurs talents.
- Dans ces conditions, les fonctions gratuites sont un moyen déguisé d’arriver à la curée du pouvoir ; c’est le gaspillage de la fortune publique opéré par ceux-là mêmes qui sont chargés de la défendre.
- Malgré les récriminations de l’ignorance et les clameurs de l’aristocratie, la Chambre des députés et le Sénat ont consacré le fait démocratique de l’indemnité.
- Mais pourquoi ce principe conforme à l’équité : tout travail mérite lalaire, n’a-t-il été appliqué qu’au Sénat et à la Chambre des députés ? Pourpuoi ce qu’on trouve juste et bon pour les grands corps de l’Etat n’est-il pas généralisé ? Pourquoi la même mesure ne s’étend-elle pas aux autres corps élus du suffrage universel, aux Conseils généraux, aux Conseils d’arrondissements, aux Conseils municipaux?
- Pourquoi maintient-on, pour ces corps élus par le suffrage, un état de choses qui fait de l’élection le privilège de la fortune?
- La faute en est un peu à tout le monde, mais surtout aux classes dirigeantes qui, n’écoutant que la passion insatiable des honneurs et des richesses, n’ont jusqu’ici fait usage du pouvoir que pour laisser aux classes laborieuses à peu près toutes les charges en se réservant à elles-mêmes les moyens de monopoliser les avantages sociaux et la richesse créée par les travailleurs.
- C’est par cette tendance mal définie, mais consciente, que les classes dirigeantes sont entraînées à rendre les fonctions publiques peu accessibles aux masses travailleuses.
- Au point de vue des idées et des principes démocratiques, rien ne justifie la gratuité des fonctions électives. Elle existe et se maintient parce que l’esprit aristocratique n’est pas encore extirpé de nos mœurs. Mais la raison et la logique condamnent cet état de choses et l’économie sociale en réclame la réforme.
- Après avoir rendu les maires électifs, il faut leur allouer une indemnité. Il faut allouer des jetons de présence aux conseillers municipaux, aux conseillers d’arrondissement, aux conseillers généraux. Il faut enfin que tout service public soit payé en raison de son importance.
- Dès que les qualités personnelles et la capacité seront considérées sérieusement comme devant conduire les citoyens aux pouvoirs publics et au rôle de gouvernants, on comprendra que la première condition pour atteindre ce but est d’assurer aux sujets distingués, l’équivalence au moins des avantages qu’il * pourraient se créer par eux-mêmes à l’aide de leurs talents.
- Au milieu de 1 activité fécondé de l’industrie et du travail
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- modernes, l’intérét général de la société réclame que chacun puisse se placer suivant son mérite et sa capacité ; la répartition des forces ou des hommes doit se faire avec justice et sagesse, de façon à ce que chacun soit où il a besoin d’être.
- Mais si de telles conditions sont nécessaires dans la société en général, c’est surtout dans les fonctions de l’État qu’il importe de voir d’abord cet ordre s’établir. Il ne faut pas moins de mérite, de connaissances et d’aptitudes pour bien conduire les affaires publiques que pour bien gérer les affaires privées.
- Qui pourrait aujourd’hui prétendre faire bien administrer et bien diriger une entreprise particulière gratuitement ? Nul doute que si des fonctionnaires venaient à le faire, le sentiment générai serait qu’ils y chercheraient des dédommagements quelconques.
- Il faut éviter qu’il en soit ainsi des fonctions publiques dévolues par le suffrage universel. Les fonctions données par le peuple doivent être rétribuées aussi bien que celles données par le gouvernement. La République ne sera définitivement démocratique qu’à cette condition.
- Je sais bien que la puissance des préjugés et de l’habitude est contre moi ; je sais bien qu’on dira : « Mais vous voulez obérer le budget des départements et celui des communes déjà si pauvre souvent . » Je réponds :
- Le gaspillage, l’ignorance et l’insouciance apportées à l’emploi des ressources publiques pour n’arriver qu’à des résultats insignifiants coûtent bien plus que ne coûteraient des fonctionnaires raisonablement rémunérés et qui, eux, administreraient la chose publique d’une façon profitable à tout le monde.
- Des jetons de présence aux séances des conseils départementaux et communaux, des frais de déplacements quand il y aurait lieu, rendraient toutes les fonctions électives accessibles à tous les citoyens. La République aurait à son service toutes les intelligences et toutes les capacités du peuple actuellement condamnées à l’inaction et à l’oubli par le régime oligarchique de la République.
- Dans une véritable démocratie, les fonctions électives doivent être les mieux rétribuées, les plus honorées et dévolues aux grandes capacités, aux réels dévouements, aux vrais mérites.
- Nous entrerons ainsi à pleines voiles dans le régime démocratique qui, seul, travaillera à inaugurer le bonheur et la prospérité réelle de la France.
- X. Résumé et conclusion
- Si l’on a suivi avec attention l’ensemble des propositions contenues dans ce travail, on peut tirer cette conclusion que reviser la constitution sans chercher à organiser rationnellement ce qui sert de base à la République, ce serait faire une œuvre illusoire.
- Or, la République repose aujourd’hui essentiellement sur le suffrage universel ; si le suffrage universel est entravé dans
- son fonctionnement, les institutions républicaines sont faussées et paralysées dans leur essor; si, au contraire, on assure la liberté du suflrage et si l’on en perfectionne l’exercice, on garantit en même temps le développement et le perfectionnement des institutions démocratiques du pays.
- Les moyens proposés pour atteindre ce résultat sont :
- Les élections annuelles portant sur la moitié de tous les corps élus : Chambre des députés, Sénat, Conseils généraux, Conseils d’arrondissement et Conseils municipaux ; le vote au scrutin de liste nationale de douze noms pour la Chambre des députés ; le vote au scrutin de liste départementale pour le Sénat, si l’on veut une représentation des intérêts départementaux en parallèle avec la représentation des intérêts nationaux ; le vote au scrutin de liste départementale pour l’élection des conseils généraux ; le vote au scrutin de liste d’arrondissement pour les conseils d’arrondissement; le vote au scrutin de liste communale pour l’élection des conseils communaux ; le vote et le dépouillement à la commune pour toutes les élections ; le recensement général à Paris pour l’élection des députés nommés au scrutin de liste nationale ; le recensement au chef-lieu du département pour l’élection des sénateurs nommés au scrutin de liste départementale : le recensement au chef-lieu du département pour l’élection des conseils généraux ; le recensement à la sous-préfecture pour l’élection des conseils d’arrondissement.
- Ce système ramène la loyauté et la bonne foi dans les élections ; il établit la liberté de vote et l’égalité devant l’urne pour tous les citoyens ;
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter ;
- La représentation par les supériorités.
- Avec le renouvellement annnuel de la moitié des corps élus, la volonté du peuple souverain est constamment tenue en évidence.
- La réforme démocratique du suffrage comporte, en outre, comme complément, la rémunération de toutes les fonctions électives.
- Ainsi organisé, le suffrage universel s’éclairera promptement ; il remplira bien vite les conditions nécessaires de contrôle, de censuie et de juste redressement des erreurs commises dans l’élection de ses représentants. Le droit de suffrage sera débarrassé des liens qui l'enserrent, liens dans lesquels l’ont maintenu jusqu à ce jour tous les modes d’élection : soit le vote a diveis degrés, soit le vote censitaire, soit celui par scrutin de liste départementale, soit enfin la plus mauvaise des applications du suffrage, le vote uninominal de circonscription, en usage aujourd’hui.
- L œuvre du prochain congrès n’est pas de réviser la constitution. Il doit organiser la libre et permanente manifestation du suffrage universel. Lorsqu’il aura accompli cette mission urgente, les îenouvellements annuels des corps élus indiqueront quelles modifications il convient d’apporter à la constitu-tion politique et sociale du pays.
- Le üiiectcur-Gerant : Godin.— guise. — imp. baré.
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- 8* Année, Tome 8. — N” 300 Le numéro hebdomadaire 20 c.
- Dimanche 8 Juin 1884
- BUREAU a GUISE (Aisne) ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE ON S’ABONNE A PARIS 5, rue Neuve-des-Petits-Champs
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- SOMMAIRE
- Unanimité socialiste. — Propagande de la paix. — Un grand pas en avant. — Aphorismes et préceptes sociaux. — Faits politiques et sociaux. — Progrès et pauvreté. — Remède contre le croup. — Correspondance d’Angleterre. — Adhésion aux principes d’arbitrage et de désarmement européen. — Rose Girard.
- AVIS
- Lejoural « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- L’UNANIMITE SOCIALISTE
- Il y a peut-être témérité à parler d’unanimité socialiste, lorsque les coopérateurs, les mutualistes sont excommuniés par les possibilistes, ceux-ci par los marxistes, et ces derniers par les anarchistes Çni sont à leur tour honnis par les autres. Il n’existe Pas moins dans les faits une unanimité,dont il importe de chercher la limite.
- Si cette unanimité existe, comme il convient de Ie démontrer, nous pourrons en tirer la preuve de a nécessité et de l’inéluctabilité des réformes so-
- Clales ayant ce caractère d’unanimité.
- Le* querelles de mots nuisent trop à la pro-
- pagande socialiste ; elles disparaîtront en dégageant les faits des confusions qu’elles entraînent.
- Les fouriéristes, les colinsiens, les possibilistes et tous les groupements placés à la gauche de ces derniers sont unanimes à proclamer que la possession des moyens de production par les travailleurs est une condition nécessaire d’émancipation sociale. Les uns et les autres expriment cette vérité en des termes différents, mais, au fond, aucun d’eux ne repoussera cette interprétation. Voilà donc une première unanimité constatée dans les camps les plus militants du socialisme.
- Les mêmes écoles,les mêmes groupes, les mêmes partis admettent tous qu’il y a lieu de supprimer les intermédiaires afin de réduire au minimum les frais de manipulation des marchandises fabriquées ; ils veulent payer le travail des citoyens occupés à l’écoulement des marchandises, mais ils veulent éviter que l’on ajoute au prix de ce travail un prélèvement désigné aujourd’hui sous le nom de bénéfice. En un mot, ils veulent remplacer le commerce par l’organisation de l’échange. Comme dans l’exemple précédent, chaque groupe a une manière à lui d’exprimer ce même progrès ; mais il n’existe aucune divergence véritable. Nous constatons donc une deuxième unanimité.
- Nous n’en chercherons pas d’autres, momentanément; celles-ci suffiront à notre démonstration.
- A côté des groupes que nous venons de nommer, avouant tous sans restriction la nécessité d’organiser l’échange et de rendre les travailleurs propriétaires des moyens de production, il existe d’autres groupements, dont les tendances, les théo-
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- ries et les actes conduisent absolument au même résultat ; cependant les citoyens qui composent ces groupes se défendent de vouloir supprimer le commerce et ils soutiennent que la possession des instruments de travail par d’autres que par les trayailleurs n’est pas la cause véritable de l’asservissement des classes laborieuses. Il n’y a pas seulement différence de langage, comme dans notre premier exemple ; ceux-ci nient ce que les autres affirment.
- Oes négations ont l’inconvénient de maintenir en état de lutte des forces humaines qui s’épuisent en efforts stériles, car ceux qui résistent marchent sans s’en apercevoir vers le même but que poursuivent les plus avancés.
- Prenons les économistes, les adversaires résolus des socialistes, toutes leurs protestations ne feront pas que l’application de leurs théories ne conduisent les sociétés aux fins marquées par les socialistes.
- Raisonnons sur une hypothèse conforme aux théories des économistes.Ceux-ci prônent hautement l’épargne. Les économistes prétendent que, par le simple jeu de la liberté du travail, les classes laborieuses peuvent parvenir à gagner un salaire permettant un entretien rationnel et laissant la possibilité d’une épargne capable d’assurer le travailleur contre les risques de la maladie et de la vieillesse. Nous ne pensons pas nous placer dans des conditions trop idéales en évaluant à 100 francs l’épargne individuelle et annuelle nécessaire pour garantir aux travailleurs les assurances admises par les économistes. Ces derniers avouent encore que les travailleurs ont intérêt à réunir leurs épargnes et à les faire fructifier collectivement.
- Admettons que la société soit arrivée à la maturité désirée par les économistes : les citoyens les moins favorisés ont la possibilité d’épargner cent francs annuellement et la volonté de réunir cette épargne dans une caisse populaire quelconque. Que se passera-t-il ? Lorsque 38,000,000 de Français verseront annuellement 100 francs à une caisse d’épargne, l’épargne totale annuelle s’élèvera à 3,800,000,000 soit à près de 4,000,000,000.
- Il faudra moins de sept ans pour que cette caisse populaire puisse devenir propriétaire de la totalité des rentes françaises; en quelques années, elle aura acheté tous les titres des sociétés de chemins de fer, des usines à gaz, de toutes les valeurs cotées à la Bourse ; elle devra alors, pour placer ses épargnes annuelles, acquérir les propriétés foncières et immobilières, et, en moins de deux générations, elle sera devenue une caisse sociale propriétaire de
- la totalité de la richesse française.
- Cet exemple ne démontre-t-il pas, d’une manière évidente, que les économistes soutiennent des principes conduisant fatalement à la propriété sociale,et qu’ils ont le plus grand tortd’anathématiser les socialistes conscients du but à atteindre ?
- Après avoir établi qu’il y a unanimité dans les faits, entre les deux extrêmes, les économistes et les socialistes, on pourrait conclure a fortiori que cette unanimité subsiste dans tous les groupes,coopérateurs, mutualistes, etc., placés entre ces deux extrêmes. Mais les résultats acquis par les coopérateurs méritent d’être cités à l’appui de notre thèse. En Angleterre, les sociétés coopératives sont nombreuses ; un grand nombre sont fédérées ; elles tendent à le devenir toutes. La fédération possède des capitaux considérables, des usines, même des propriétés foncières. Dans certains comtés, un cinquième de la population fait partie des sociétés coopératives. Cela signifie simplement que, dans ces contrées, l’échange est organisé pour un cinquième; lorsque les autres cinquièmes auront adhéré à la coopération, le commerce aura disparu en totalité, et la puissance de capitalisation de la fédération sera devenue tellement active qu’on pourra prévoir à brève échéance l’accaparement par elle de toutes les richesses de l’Angleterre.Alors les coopérateurs anglais, dont la presque totalité se défend d’avoir des tendances socialistes, aura résolu sans s’en douter le problème social en faisant les travailleurs propriétaires des moyens de production et en ayant substitué au commerce des services publics d’échange.
- On le voit, toutes les écoles, malgré les haines, les rivalités, les dénégations marchent conscientes ou inconscientes vers un même but.
- Il faut les amener toutes à avouer ce but, sans vouloir les contraindre à renoncer aux moyens qu’elles préfèrent.
- Économistes, cessez de combattre les socialistes, puisque vos théories conduisent au même résultat; répétez sur tous les tons que vos moyens sont les meilleurs, c’est une affaire de tempérament.
- Mutualistes, coopérateurs, affirmez en toutes circonstances que vous voulez la suppression du commerce et la possession sociale des moyens de production, puisque tous les systèmes basés sur la-capitalisation généralisée aboutissent à ce résultat; cela ne vous empêche pas de soutenir qu’il est préférable de commencer par les secours mutuels ou par la coopération de consommation et de production.
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- Socialistes ouvriers, continuez à maintenir la netteté de vos déclarations ; puisque vous préférez conquérir le pouvoir politique pour arriver à faire passer dans les faits les conditions pratiques de l’émancipation du travail ; mais respectez tous ceux qui avouent sincèrement poursuivre le même but; respectez la liberté de chacun ; faites tous vos efforts pour faire prévaloir votre tactique, sans user la plus grande partie de vos forces à paralyser les manœuvres de vos camarades groupés avec une discipline différente de la vôtre.
- Quant à nous, émancipés des servitudes des écoles, nous continuerons à enregistrer les faits de tous les groupements pourvu qu’ils concourent au but final, sans nous inquiéter des querelles et des exagérations des uns et des autres. En même temps nous travaillerons a vulgariser et à consolider l’œuvre du Familistère, où sont poursuivies et unifiées les applications des théories qui contribuent, à entretenir les rivalités et les inimitiés de tant d’écoles socialistes.
- Chez nous, la participation aux bénéfices complète la mutualité et la coopération, et toutes ces institutions concourent à la disparition du commerce et à l’expropriation du capitaliste au profit des travailleurs.
- Au moment où l’opposition et.le Gouvernement se disposent à accentuer leur politique économique, il est opportun de préciser quelle partie du programme socialiste présente un caractère de vérité assez évidente pour en faire le critérium de la sincérité des hommes nouveaux qui vont évoluer vers le parti des réformes sociales.
- On le voit,la. substitution de l’échange et la mise en possession des travailleurs des moyens de production présentent un caractère d’unanimité suffisamment précis, pour que ces- deux points deviennent obligatoires dans les programmes de ceux qui déclarent vouloir servir de toutes leurs forces là cause de l’émancipation sociale des classes laborieuses.
- En présence de cette unanimité, l’homme politique n’a plus le droit de proclamer qu’il n’a pas une formule de régénération humaine. Cette formule existe, elle est indéniable, ses effets sont efficaces..Autant cette formule est précise, déterminée, autant les moyens peuvent différer ; plus ils seront nombreux
- variés, plus on aura de chances de hâter la période de réalisation.
- Non-seulement l’homme politique doit accepter ^ proclamer cette formule en toutes circonstances, mais il doit impartialement préconiser l’emploi de
- tous les moyens avouables en mettant en garde les divers groupes contre les rivalités que peut susciter la multiplicité des moyens pratiques.
- Propagande de la Paix
- La question de la paix s’imposera bientôt à l’attention publique, si les premiers adhérents aux principes de l’arbitrage international persévèrent dans la voie qu’ils suivent depuis quelque temps avec tant d’énergie.
- Quelques grands journaux parisiens ont déjà enregistré lès effets de la propagande de la paix ; encore quelques efforts et la question de la paix prendra rang parmi les préoccupations quotidiennes de la presse politique.
- M. Clémenceau, dans son discours du cirque Fernando, a nettement exprimé son opinion à cet égard ; nous reproduisons plus loin, dans l’article « Un pas en avant » l’opinion de M. Clémenceau.
- A Clermont-Ferrand, à la suite d’un banquet réunissant plus de cent délégués des divers comités de l’Union Républicaine du Puy-de-Dôme, M. Pardoux a porté un toast qui a été accueilli par les applaudissements de l’assemblée. Voici les paroles de M. Pardoux :
- Messieurs,
- Vous me trouverez peut-être présomptueux de vouloir ajouter quelque chose aux paroles éloquentes que^vous venez d’entendre. Permettez-moi cependant de vous faire rem arquer qu’en vous parlant du développement qu’esti appellée à prendre l'Union Républicaine les personnes, qui ont pris la parole avant moi, ont oublié dans cette progression le dernier terme, sans lequel tous les progrès accomplis seront constamment remis en question ; c’est comme une maison à laquelle on n’aurait point prévu de toiture.
- Oui, pour que les principes sur lesquels repose l’Union Républicaine portent tous leurs fruits, et que lés institutions qui en découlent soient stables là où elles seront parvenues à s’établir, il faut que l’union se fasse, non seulement entre les républicains d’une commune, d’un canton, d’un département, ou même d’une nation, mais encore entre tous les républicains du monde entier.
- Je bois donc à la République Universelle, et, en attendant son avènement, et faute de mieux : à l’extension de la politique d’arbitrage substituée à la guerre pour le règlement des difficultés internationales.
- En même temps que nous apprenions les bonnes paroles de M. Pardoux, nous recevions de M; de Montaut une excellente lettre, dont nous reproduisons le passage suivant comme le développement de la pensée de M. Pardoux :
- « Toute l’évolution rationnelle de l’individu est enrayée
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- « par la guerre : les jeunes gens, qui ne demanderaient « qu’à développer en eux les pensées généreuses, sont brute talement poussés contre leurs semblables ; les plus mau-« vais instincts sont excités et ne tardent pas à étouffer tous « les bons sentiments ; l’homme descend au niveau de la « brute ; il n’aspire qu’à se baigner dans le sang de mal-« heureux égarés comme lui et à s’approprier leurs « dépouilles. »
- Les nouvelles de la Seine-Inférieure sont satisfaisantes, M. Templier nous promet prochainement de nombreuses adhésions.
- A Lille, à Paris, à Turin, dans la Somme, la Charente-Inférieure, la Haute-Saône, on nous réclame des bulletins d’adhésion, et nous avons droit d’attendre beaucoup de l’activité des honorables citoyens qui ont pris l’initiative dans ces diverses localités.
- ÜN GRAND PAS EN AVANT
- Dans le numéro 286 du Devoir, page 132, nous avions pris acte d’une déclaration socialiste de M. Clémenceau à l’occasion de la nomination de la commission d’enquête. Nous demandions alors au député de Montmartre de conformer ses actes à l’esprit de ses paroles. Nous n’avons pas eu encore la satisfaction d’enregistrer un fait de l’initiative parlementaire nous montrant M. Clémenceau agissant pratiquement dans la voie nouvelle, pour lui, du socialisme. Néanmoins, le discours du 25 mai, dans la réunion électorale du cirque Fernando, a une grande importance par les développements qu’il contient au sujet de la question sociale.
- Il est probable que M. Clémenceau, avant de se placer définitivement sur le terrain socialiste, à la Chambre, a voulu consulter ses électeurs. Si telles étaient ses intentions, il n’a plus maintenant le droit d’hésiter, après les applaudissements qui ont accueilli la partie socialiste de son discours.
- On ne peut dire que M. Clémenceau soit arrivé à une conception précise de ce qu’il convient de faire en faveur de la classe laborieuse, mais on constate qu’il a complètement renoncé aux sophismes de la lutte pour la vie. Cette évolution n’est pas le résultat d’un sentimentalisme irréfléchi ou d’un entraînement passager. Le discours du cirque Fernando a été travaillé, étudié ; c’est bien une déclaration de principes qu’a voulu faire le député de Montmartre.
- Le discours de M. Clémenceau mérite d’être lu tout entier ; dans la première partie, la politique du gouvernement y est critiquée avec une parfaite
- lucidité ; dans la deuxième, la plus longue, celle que nous voulons examiner, on remarque une grande clarté et une franchise poussée au point d’accuser nettement la connaissance imparfaite de certains côtés de la question sociale. Mais cette précision nous permet d’attendre beaucoup de M. Clémenceau, lorsqu’il aura complété ses études sociologiques.
- Le député de Montmartre est partisan de la paix, et voici ce qu’il pense de la revanche :
- Pour en avoir les moyens « d’organiser la démocratie » il nous faut la paix ! Oui, la France a besoin d’une revanche ; elle a besoin de la revanche de la liberté et de la justice contre la monarchie qui l'a précipitée dans la ruine. C’est une dure tâche qui fut commencée par la Révolution, il y a cent ans, qui a été souvent interrompue, mais qui n’est pas au-dessus des forces du parti républicain tout entier. Si nous l’accomplissons, nous aurons plus fait pour notre pays que tous les gagneurs de batailles, et, j’en ai la conviction profonde, la puissance de la paix fera le reste.
- En ce qui concerne* l’éducation de l’enfant, un électeur socialiste n’aurait rien à ajouter; un député du même parti aurait le devoir d’appuyer la théorie par un projet de loi. La déclaration de M. Clémenceau nous mène bien loin de la phraséologie ordinaire des radicaux, tendant à laisser croire que le législateur a tout fait, lorsqu’il a inscrit dans la loi l’obligation et la gratuité de l’enseignement. Cette insuffisance est ainsi dénoncée :
- En fait, l’enseignement primaire, en dépit de la loi, n’est ni obligatoire, ni gratuit, ni laïque. 11 n’est pas obligatoire; il suffirait pour s’en assurer de consulter les registres des commissions scolaires ; il n’est pas obligatoire, il ne peut pas l’être, parce qu’il n’est pas gratuit. Il y a une quinzaine de jours je demandais à un paysan que je rencontrai dans un champ avec son fils, pourquoi l’enfant n’était pas à l’école. Il me répondit textuellement : Voulez-vous lui faire des rentes ? Il est certain que si l’état économique est tel que le père de famille ait besoin du travail de son enfant pour nourrir la famille, celui qui, dans ce cas, ne reçoit pas une indemnité représentant le salaire de son enfant, paie l’écolage que les autres obtiennent gratuitement. La logique vous conduit fatalement à accorder une indemnité au père de famille qui a besoin du travail de son enfant, comme vous en accordez une à la femme dont le mari est appelé pendant 28 jours ou pendant 13 jours sous les drapeaux.
- Les paroles visant l’impôt progressif sur le revenu et les héritages ont été applaudies :
- Avant qu’il soit longtemps, nous serons placés entre la banqueroute et l’impôt progressif sur le revenu et les héritages. (Applaudissements.)
- Cette phrase traduit une confusion dans l’esprit de M. Clémenceau; autrement, il n’aurait pas considéré comme connexes deux choses si différentes, l’impôt sur le revenu et le droit d’hérédité de l’État.
- En effet, l’impôt sur le revenu est d’une percep-
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- tion plus simple en apparence que la multiplicité des pratiques fiscales usitées en France, mais ses conséquences sociales ne diffèrent pas de celles de tous les autres impôts : Les prélèvements annuels faits sur les particuliers riches, propriétaires, industriels, commerçants, sont passés aux frais généraux, et définitivement incorporés dans le prix des produits vendus au détail au consommateur. Dans la plupart des baux agricoles, l’impôt est mis à la charge du fermier ; dans les locations immobilières, le locataire n’est pas plus favorisé. Tandis que, par l’hérédité de l’État établie d’après une échelle convenablement progressive/le prélèvement national n’ayant lieu qu’une fois par génération sur les mêmes valeurs, les répercussions économiques, inséparables des impôts, ne peuvent plus se produire ; en outre, la liberté individuelle conserve son plein exercice, puisque le citoyen ne paie aucune charge pendant sa vie; c’est le seul moyen de le laisser jouir intégralement des résultats de son travail, et des avantages des services publics.
- M. Glémenceau a démontré ensuite avec une parfaite vérité que les salaires, plus élevés, en France, que dans certaines autres contrées, ne permettent pas à l’ouvrier français de se procurer un plus grand bien-être que celui possible pour un ouvrier étranger gagnant un salaire moindre, en apparence seulement.
- Les enquêtes ouvrières, permanentes en Angleterre et dans certains états de l’Amérique, ont été fortement prônées par M. Glémenceau ; il en résume ainsi les attributions :
- La fonction de ce bureau sera de réunir, de grouper, de systématiser et de présenter, dans des rapports annuels, à l’Assemblée générale de l’Etat, des détails statistiques relatifs à tous les départements du travail dans 1 Etat, spécialement dans ses rapports avec la condition commerciale, industrielle, sociale, éducationnelle et sanitaire des classes ouvrières, et avec les industries de l’État.
- Le bureau aura tous pouvoirs pour mander les personnes et rassembler les documents, pour entendre les témoins sous serment; ces témoins seront mandés dans la forme où ils le sont devant la justice et recevront la même indemnité.
- L’orateur a même préconisé l’établissement de traités internationaux relatifs aux garanties minima à accorder aux travailleurs. Il estime qu’il y a contradiction entre l’idée du peuple souverain et l’idée du peuple misérable.
- ® La question sociale, dit-il, est moins une question de production que de répartition. »
- Gela est vrai jusqu’à un certain point ; mais en améliorant la répartition, il est nécessaire de diri-8er cette amélioration vers l’augmentation de la
- production ; car notre production, actuellemen trop abondante dans une société livrée au mal du paupérisme, serait bien insuffisante pour un milieu économiquement émancipé.
- L’intervention de l’État est appréciée en des termes forts justes :
- L’intervention de l’Etat, pour protéger les groupes non émancipés, me paraît donc nécessaire jusqu’au jour où, arrivés à la pleine possession d’eux-mêmes, ils seront en mesure de s’organiser pour la protection commune.
- « Le mobile de l’initiative individuelle, dit l’orateur, est l’intérêt privé ; » cela n’est pas contestable.
- Mais pourquoi faire suivre cette affirmation de cette exclamation : « Voilà pourquoi je ne suis pas communiste. » Nous aussi nous repoussons de toutes nos forces les théories qui voudraient introduire dans nos sociétés des pratiques communautaires; néanmoins nous devons reconnaître que la formule communiste « de chacun selon ses forces, à chacun selon ses besoins » trouve sa pleine réalisation, même dans nos sociétés individualistes, par exemple pour la voierie, pour les monuments publics et pour toutes les institutions publiques et gratuites.
- N’est-il pas préférable de chercher les points communs des diverses écoles, au lieu de s’arrêter aux divergences, lorsqu’il y a suffisamment des premiers pour absorber toutes les bonnes volontés.
- Il ne faut pas non plus exiger des socialistes un état moral et intellectuel plus développé que celui des citoyens des autres partis. Si l’on attendait de la masse, de n’importe quel parti, une intelligence des situations, aussi complète que celle que M. Glémenceau semble demander de la part des socialistes, notre société serait la proie d’une effroyable confusion.
- Mon opinion, c’est que beaucoup d’écoles socialistes ne tiennent pas suffisamment compte de ce fait que 1 amélioration de la société suppose l’amélioration de l’individu.
- Une organisation ne vaut que par ceux qui la mettent en
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- Lorsque vous demandez à un homme politique de taire prévaloir votre volonté, il faut apparemment que votre volonté soit précise. Or, non-seulement les différentes écoles ne sont pas d’accord, mais quelques-unes d’entre elles sont en contradiction absolue.
- Les organisations, aujourd’hui, d’une manière presque générale, sont mises en œuvre par des dirigeants, et il suffirait momentanément pour produire un effet salutaire, en ménageant la période de transition, dedécider lapartie dirigeantede la nation à faire converger son action vers les reformes sociales. C’est surtout à ce point de vue que le concours des hommes puissamment doués a une va-
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- leur inappréciable. Certes, rien n’est plus concluant que la fondation du Familistère, conçue, organisée, dirigée par l’effet de la volonté d’un seul homme. L’exemple du Familistère est une réponse péremptoire à l’objection suivante de M. Clémenceau :
- Introduire, par exemple, dans l’industrie, un système d’exploitation collective suppose un degré de culture assez long à acquérir.
- La phrase précédente est néanmoins la partie la plus caractéristique de ce discours; car il faut bien retenir qu’elle émane d’un chef de parti, où, il y a deux ou trois ans, tous ceux qui le composaient étaient unanimes à rejeter comme utopique, absurde, attentatoire à lapersonnalité humaine,l’idée générale d’exploitation collective. Aujourd’hui on ne nie plus, on subordonne, avec raison, la possibilité de ce progrès au développement de l’individu. Nous venons de démontrer, en citant le Familistère, dans quelle limite cette observation conserve toute sa vérité.
- Monsieur Clémenceau déplore les tendances du parti socialiste à poursuivre une politique de séparation des classes. Nous aussi, nous voyons avec peine ces divisions; mais en aurait-il été ainsi, si les classes dirigeantes ne les avaient provoquées elles-mêmes par leur indifférence et leur abandon à l’égard des déshérités ?
- Ces dangers sont plus apparents que réels; ils s’évanouiront d’eux-mêmes, si les hommes éminents de la bourgeoisie veulent faire le nécessaire. Ce n’est pas par des considérations sentimentales ou théoriques que l’on obtiendra ce résultat; il faut simplement prendre et soutenir avec une constante énergique tout ce qu’il y a de juste, tout, dans les revendications de ce parti qui a basé sa politique sur la séparation des classes. Que l’on s’attaque à la misère avec autant de persistance que l’on en met ordinairement à vouloir renverser un ministère; que l’on écrive, chaque jour, dans les journaux autant de fois les mots « réformes sociales », « amélioration du sort des travailleurs », « développement intégral de l’enfant », « protection aux faibles », « mutualité nationale », comme l’on inscrit souvent cinquante fois le nom d’un ministre dans un seul numéro de journal; et l’on verra aussitôt disparaître l’idée de la séparation des classes, parceque seront disparues les raisons qui l’avaient suscitées.
- M. Clémenceau a dit d’excellentes choses, nous le félicitons bien sincèrement ; mais nous voulons lui dire toute la vérité. La lecture de son discours laisse une grande déception ; son langage est telle-
- ment clair et si bien soutenu, que l’on est impatient d’arriver aux conclusions, et ces dernières manquent complètement ; car on ne peut considérer comme telles les déclarations trop vagues qui le terminent; même, on dirait que M. Clémenceau n’a pas voulu conclure, avec l’intention évidente de faire constater ce parti pris par ses auditeurs. Il y a presque de la forfanterie dans sa manière d’avouer ses réserves.
- — Non, je n’ai pas de formule économique qui ait la vertu de régénérer le monde, et c’est ce qui fait la supériorité de ma politique sur la vôtre. Je ne m’isole pas dans un système, je cherche de toute mon énergie à préparer l’avènement du monde nouveau, mais je sais bien que je n’en verrai pas la réalisation.
- Quelques instants avant de prononcer ces paroles, M. Clémenceau se déclarait prêt à travailler de toutes ses forces à l’amélioration du sort des classes laborieuses. Comment M. Clémenceau pourra-t-il concourir à une œuvre dont-il ne connaît pas les conditions pratiques ? On ne peut que ce que l’on veut, et on ne veut que ce que l’on sait. Tout le dévouement à la cause sociale est sans effet lorsqu’il est séparé du savoir.
- Nous sommes moins modeste que le député de Montmartre, et nous n’avons aucune répugnance à déclarer que l’émancipation humaine est subordonnée au développement intégral de l’enfance, à la possession par les travailleurs des moyens de production, à l’établissement d’institutions de mutualité sociale. S’il y a plusieurs moyens d’arriver à la réalisation d’institutions sociales conformes à cette trilogie socialste, on ne peut repousser aucun de ses termes sans compromettre le résultat final.
- L’évolution de M. Clémenceau vers le socialisme est significative; elle peut avoir une influence considérable sur le progrès social, si elle devient plus précise et véritablement active dans le champ parlementaire. Nous l’avons déjà constaté à diverses reprises, il s’est manifesté parmi les membres de l’extrême-gauche des symptômes de dispositions socialistes ; le langage du député de Montmartre ne peur manquer de fortifier et de cohésionner ces bonnes volontés.
- En Allemagne, sous l’influence de la poussée du parti socialiste, M. de Bismark affecte des allures socialistes avec le but avoué de consolider l’existence des classes, de légaliser des antagonismes; projets utopiques conduisant fatalement à la Révolution.
- En France, M. Clémenceau, républicain dont on ne peut soupçonner l’ardeur et la sincérité, peut? sur le terrain préparé par le parti, ouvrier, faire du
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- socialisme véritable qui rapprochera les classes, associera les intérêts, effacera les antagonismes, rendra l’évolution possible.
- Mais ce rôle exige une grande décision, de la fermeté et toute l’assurance qui convient à un professeur convaincu de la vérité et de l’efficacité de son enseignement.
- Un dirigeant ne peut demander à la masse de la précision dans la volonté, lorsqu’il déclare lui-même en manquer complètement.
- APHORISMES ET PRÉCEPTES SOCIAUX
- XXXXI
- Du Gouvernement
- Dans le gouvernement des choses humaines, il faut en tout l’union de la volonté, de la connaissance et de l’action ; il faut vouloir, savoir et faire. Une entre-frise sera prospère si les hommes qui la dirigent sont unis d’intention, s’ils savent et font tout ce qui est utile au succès de l’œuvre. Au contraire, l’insuccès ou la ruine sera la conséquence de la divergence des volontés, des connaissances insuffisantes et du défaut d’activité; les gouvernements qui tombent dans ce dernier cas ont leur fin prochaine.
- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- Le Sénat. — Monsieur Naquet vient d’être récompensé de sa persévérante propagande en faveur du divorce. Le Sénat a adopté le principe du divorce, au grand désespoir de M. de Gavardie. M. Naquet a demandé à l'a Chambre, la première fois, le rétablissement du divorce, le 6 Juin 1876; cette proposition n’obtint pas même l’honneur d’être prise en considé-nation • deux ans après, le 21 Mai 1878, M. Naquet renouvelait sa demande, avec quelques atténuations; elle fut néanmoins repousséef après discussion, par 247 voix contre 216. Mais, le 29 Juin t’882, sur le rapport favorable de M. de Marcère, la Chambre se prononça pour le divorce par 331 voix contre 138. Le 4 Juillet 1882, le Sénat nomma une commission pour examiner le projet voté par la Chambre. La commission composée de 9 membres ne comptait que deux partisans du divorce. Après les décès de MM. Henri Martin et Michel, qui furent remplacés par deux sénateurs favorables au divorce, la commission adopta un contre-projet, dont le premier article admettait le principe du divorce, mais les alinéas suivants en limitaient tellement l’application, que le vote du Sénat, s’il n’élargit pas le projet de la commission, ne pourra être confirmé par la Chambre. Ainsi « Le divorce ne peut jamais avoir lieu quand >1 existe un ou plusieurs enfants nés du mariage » ; « le consentement mutuel ne peut-être une cause de divorce». Le v°te du Sénat n’a d’autre mérite que celui de trancher la
- question de principe ; il atteint l’indissolubilité du mariage et modifie le principe de la famille, telle que l’a constituée la civilisation catholique.
- La Chambre. — Tandis que le Sénat votait pour le divorce, la Chambre portait au cléricalisme un coup, dont il ne se relèvera pas, de l’avis même de l’évêque d’Angers. Les députés ont voté, à une forte majorité, l’obligation du service militaire pour tous les citoyens, sans aucune exception pour les séminaristes. Les privilèges réclamés par les Chambres de commerce, désireuses d’obtenir des dispenses pour les jeunes gens envoyés dans les comptoirs des colonies, n’ont aucune chance d’être acceptés. La prétention des commerçants de soustraire leurs employés au service militaire dépasse les limites du républicanisme le plus mitigé. Pourquoi les agriculteurs, les maçons, les charpentiers, les fondeurs n’imiteraient-ils l’exemple des commerçants ; ce serait un moyen d’arriver au désarmement, au désarmement lâche et insensé qui ne tient compte d’aucun intérêt général, qui procure la satisfaction d’intérêts personnels et immédiats, sans souci de remplacer le droit militaire par des institutions susceptibles de garantir la séeurité de l’avenir. La conduite des amis de la paix s'inspire de sentiments plus rationnels; elle poursuit une politique de paix véritable, elle ne veut pas affaiblir les armements d’une nation, à moins que les peuples voisins aient accepté le désarmement européen et garanti l’avenir par l’institution d’un tribunal d’arbitrage international. Tous ceux qui aspirent à se soustraire aux charges du service militaire ont intérêt à venir grossir les rangs des membres de la ligue de la paix. Les dispenses accordées aux soutiens de famille seront désormais limitées aux cas des familles pauvres, lorsqu’il aura été reconnu que le dispensé est véritablement utile à sa famille. Les fils naturels seront considérés comme des fils de veuves. L’exception accordée aux fils de veuves et aux soutiens de famille touche de près la question sociale; c’est la patrie qui renonce à ses droits sur l’enfant pour épargner à des parents faibles les souffrances de la misère;
- ‘ et cette même patrie n’aurait pas le devoir d’intervenir pour protéger les vieillards, les femmes seules et tous les autres malheureux qui n’ontpas eu le bonheur d’avoir une progéniture! Cette exemption est une reconnaissance du droit à la vie, que le législateur a placé audessus des droits de la patrie, ce droit à la vie n’est pas moins sacré chez tous les êtres que la misère repousse.
- * *
- La Révision de la Constitution. — La commission parlementaire de la révision de la Constitution est composée de 17 députés dévoués au gouvernement, et de cinq partisans d’une révision illimitée. On attribue le vote du Sénat sur le divorce au désir des sénateurs de ne pas mécontenter l’opinion publique à la veille de la mise en question du mode de leur élection. Il y a dans ce fait un excellent argument à l’appui de la réduction à deux ans de la durée des mandats électifs, comme M. Godin l’a expliqué dans notre dernier numéro exceptionnel, que nous avons fait distribuer aux députés sans distinction de parti. Le Rappel a publié une interprétation très judicieuse de la Constitution; nous la soumettons à nos lecteurs :
- La Constitution est fort courte ; c’est peut-être son seul mérite, et cependant il est évident qu’on la connaît peu, et même qu’on ne la connaît pas.
- Chose étrange, en effet, on discute, à propos de cette Constitution, et depuis longtemps déjà, sur un mot qui ne s’y trouve nulle part. On disserte à perte d’haleine sur les droits d’un Congrès dont la Constitution ne prononce pas même le nom. Les uns soutiennent que ce Congrès peut tout ; les autres soutiennent qu’il ne peut rien. La Constitution, là-dessus, n’a aucun avis, par la raison péremptoire quelle ignore ce que
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- c’est que le « Congrès ». On peut la parcourir du commencement à la fin, lire les lois organiques : à aucune page, dans aucun article, il n’est question de Congrès.
- La Constitution, dans divers articles, à propos de la révision, à propos de la nomination du président de la République, parle bien de la réunion des deux Chambres, mais de leur réunion en Assemblée nationale. C’est là la seule formule constitutionnelle ; l’expression de Congrès n’est écrite nulle part, et nous défions qu’on nous la montre. Et cela explique tout de suite pourquoi la Constitution n’a eu besoin de rien édicter sur les pouvoirs de cette Assemblée. Son nom seul en dit assez : c’est me Assemblée nationale, forcément audessus de l’une et de l’autre Chambre, comme le veut d’ailleurs le bon sens.
- Est-ce avec intention que nos adversaires, les adversaires de la révision loyale et sérieuse, substituent un terme équivoque à l’expression si claire et si française seule inscrite dans la Constitution? Nous ne savons, mais il est certain qu’il serait assez difficile à M. Jules Ferry de répéter, après M. Gambetta, et de faire dire par ses journaux qu’une Assemblée nationale doit n’être qu’une chambre d’enregistrement, sans initiative, sans autorité, sans existence réelle. C’est pourquoi, sans doute, on nous parle toujours du Congrès, auquel la Constitution a eu le tort de ne pas penser. En cela, nos adversaires font preuve d’une incontestable habileté. Ils savent quelle est partout, et en France au moins autant qu’ailleurs, la toute puissance des mots. Ils estiment, avec raison, qu’ils risquent moins de soulever la protestation publique en parlant d’imposer silence au Congrès qu’en adressant la même menace à l’Assemblée nationale. Mais encore une fois, la Constitution ne sait pas ce que c’est qu’un Congrès et elle s’explique, au contraire, sur les conditions dans lesquelles peut se réunir l’Assemblée nationale.
- Il convient donc, dans les discussions qui vont s’ouvrir, de s’en tenir étroitement au texte légal qui ne comporte aucune interprétation, qui ne prête à aucune subtilité. Il peut y avoir Congrès et Congrès, comme il y a fagots et fagots. Une Assemblée nationale est supérieure à tous les pouvoirs existants, ou elle n’est pas. Son nom en dit assez, car il dit tout.
- C’est justement pour cette raison que les ministériels ne prononcent pas ce nom. C’est pour cette raison aussi que nos amis doivent s’opposer à cette substitution de mots et ramener tout le monde au seul langage strictement constitutionnel. Ne parlons donc plus de Congrès et n’oublions plus que les pouvoirs des deux Chambres réunies sont ceux d’une Assemblée nationale.
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- * *
- Mandats télégraphiques internationaux.
- — Le gouvernement français a entamé des négociations pour l’établissement d'un service de mandats télégraphiques avec ceux des divers pays d’Europe qui possèdent déjà ce service. Les négociations ont abouti, en ce qui concerne le grand-duché du Luxembourg, à un arrangement qui a été signé le 14 mars dernier.
- Aux termes de cet arrangement, des mandats télégraphiques pourront être échangés entre les deux pays. Ils seront soumis à la double perception du droit de poste applicable aux mandats ordinaires et de la taxe afférente à l’emploi du télégraphe. Un droit de 50 centimes sera perçu pour l’avis notifiant l’arrivée dn télégramme-mandat qui sera porté au domicile du destinataire des fonds.
- Désirant également faciliter les relations entre la France et la Perse, le gouvernement français vient de conclure avec le gouvernement persan une convention qui permettra l’échange de mandats de poste entre les habitants des deux pays. La taxe à percevoir sera déterminée par l’administration du pays d’origine, à charge pour elle de tenir compte d’un droit de 1 0/0 du montant des mandats à l’administration du pays de destination. Les sommes envoyées ne pourront excéder 500 fr.
- Les deux actes internationaux ci-dessus seront prochainement soumis à l’approbation des Chambres.
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- Statistique des bâtiments. — Voici les curieux résultats du relevé qui vient d’être fait du nombre des maisons existant actuellement en France :
- Le nombre total des maisons est de 8,875,267 ; elles se classent ainsi quant au nombre des ouvertures : 253,018 maisons à une ouverture ; 1,841,517 à deux ; 1,624,477 à trois • 1,160,817 à quatre; 842,430 à cinq et 3,173,008 à six et au-dessus.
- Le nombre des constructions nouvelles effectuées en 1883 dans toute la France s’élève à 124,571, qui représentent une valeur locative de 47 millions et demi.
- Le nombre des démolitions effectuées en 1883, dans toute la France, s’élève à 88,497, correspondant à une valeur locative de 19 millions.
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- École d’horlogerie. — La France entretient dans la Haute-Savoie, à Cluses, une école nationale d’horlogerie où l’on forme des ouvriers habiles dans cette branche de l’industrie française. La concurrence étrangère, notamment celle de la Suisse et des Etats-Unis, a fait ressortir la nécessité d’améliorer et de perfectionner cette école.
- Tout d’abord, on a décidé de reconstruire le bâtiment en entier; les nouvelles constructions seront terminées cette année. Elles ont été aménagées en vue de recevoir un plus grand nombre d’élèves que par le passé.
- On va renouveler entièrement l’outillage de l’école, outillage qni a trente années d’existence et qui, soumis à d’incessantes réparations, est à la veille de devenir hors d’usage. Il s’agit en outre de le mettre en rapport avec les progrès réalisés dans ces derniers temps et notamment au point de vue de l’application de l’électricité à l’horlogerie.
- Le ministre du commerce a résolu de consacrer une somme de 40,000 francs à cette réorganisation devenue indispensable.
- •k
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- L’éducation congréganiste. — L’école congréganiste de Caussade vient d’être le théâtre d’incidents qui ont soulevé d’indignation et de dégoût toute la population honnête de cette petite ville.
- Une enquête judiciaire est d’ailleurs ouverte sur les méfaits du très chei frère de Caussade, qui a jugé prudent de prendre la fuite. Quatorze enfants, ses petites victimes, ont été appelés à déposer dans cette enquête.
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- Rectification — Monsieur Germer-Balliére, éditeur, nous adresse une rectification au sujet d’une insertion faite aux faits politiques et sociaux du numéro 268 du Devoir, sous le titre « La science et le cléricalisme » ; nous en reproduisons la partie essentielle :
- « Il est exact que le nom de Littré a été conservé sur le « titre, d’après le désir de sa veuve, et à la condition que les « six dernières lignes de l’article Ame seraient supprimées.
- « Pourquoi celles-ci plutôt que d’autres ? Je l’ignore absolu-« ment. En tout cas, voici les raisons qui m’ont fait accepter « cette suppression.
- « Les lignes retranchées sont celles-ci :
- « Cet ensemble de facultés (morales et intellectuelles) est « le résultat des fonctions encéphaliques, d’après le dogme « scientifique actuel, qui n’admet ni propriété ni force sans « matière, ni matière sans propriété ou force, tout en décla-« rant absolument ignorer ce qu’est en soi force et matière,
- « et pourquoi la sensibilité et la pensée se manifestent dans la « substance nerveuse.
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- « Or au mot Matière on peut lire, dans la nouvelle édition « comme dans l’ancienne :
- « Il n’y a pas plus de matière sans propriétés, que de pro-« priétés, de forces, sans matière.
- « Au mot Force :
- « Il est important de ne pas considérer une force comme « une substance qui anime les corps et qui soit distincte « d’eux.
- « Et plus loin :
- « Le mot force et le mot propriété n’ont un sens différent « que pour ceux qui pensent faussement que les forces sont « des êtres, des entités, les causes des propriétés.
- « Au mot Propriété :
- « Les corps se présentent à nous toujours doués de pro-« priétés, et nulle propriété ne se montre sans le corps simple « ou composé auquel elle est immanente.
- « Ne voit-on pas dans cette triple répétition de la doctrine « de l’immanence, que Littré appelait le dogme scientifique « actuel, la constante préoccupation de laisser intacte l’œuvre « positiviste?
- « Faut-il d’autres preuves? Lisez les articles Caractère, « Esprit, Expression, auxquels renvoie l’article Ame ! Lisez « également l’article Animisme, où il est dit que :
- « Les propriétés d’ordre vital propres aux corps organisés « sont subordonnées à l’exercice de toutes les propriétés phy-« siques et chimiques qui interviennent dans toutes les fonc-« tions des corps vivants !
- « Et l’article Vitalisme :
- « La force vitale est une pure entité quand on la considère « comme indépendante du corps vivant, de la matière orga-« nisée, et que, sous la forme de cette conception, on lui « attribue des propriétés, des qualités, des actions.
- « J’arrive à l’article Homme. Celui-ci avait manifestement « été écrit par une autre main que celle de Littré. Qu’on « veuille bien relire, par exemple, l’article Somnambulisme, « rédigé par lui, et on reconnaîtra que la clarté d’exposition, « les qualités de style de l’un n’ont pas présidé à la rédaction « de l’autre. Dans la nouvelle édition, l’article Homme a été « mis au courant des derniers progrès de la science exacte et « précise ; la définition, les caractères taxinomiques ont été « presque textuellement conservés ; pourquoi l’auteur se « serait-il abstenu de citer au nombre de ces caractères la « moralité et la religiosité, alors surtout que, les énumérant « par ordre d’importance, il leur assigne la dernière place ? « Quant au reproche de s’étendre sur la classification des « races humaines, anciennes et modernes, il est peu sérieux ; « on sait que là doit se trouver la solution du problème de « l’origine de l’homme et que l’Eglise n’a jamais manqué de « fulminer contre de pareilles recherches. Pourquoi donc « Littré n’aurait-il pas accueilli l’exposé méthodique et im-« partial des résultats obtenus ? »
- ANGLETERRE
- Les Irlandais, ne pouvant entrer en lutte ouverte avec h Angleterre pour recouvrer leur indépendance et le droit de vivre en travaillant, ont entrepris depuis quelques mois une campagne de destructions sauvages, dans laquelle les individus isolés aidés de la puissance des matières explosibles semblent avoir raison des gros bataillons de policiers et de soldats anglais. Une série d’explosions ont eu lieu à Londres à la même heure. La première était dirigée contre les bureaux du chef de la police à Scotland-Yard.
- L’un des angles du bâtiment a été complètement démoli ; une ouverture de 25 pieds de haut sur 30 pieds de large s’est produite dans l’un de ses murs. Une lourde grille en fer a été descellée et lancée de l’autre côté de la rue, à une distance a environ dix mètres.
- Un débit de liqueurs, situé dans le voisinage, a eu toutes ses vitres brisées et a été fortement endommagé. Les vitres ont aussi volé en éclats dans plusieurs^ maisons de la même rue.
- Une station de voitures de place se trouvant en face du bâtiment où s’est produite l’explosion a également beaucoup souffert. Quelques voitures ont été renversées et mises en pièces et plusieurs chevaux ont été tués. Parmi les cochers, quelques-uns ont été grièvement blessés.
- Presque immédiatement après cette première explosion une seconde, beaucoup plus forte, avait lieu dans Pall Mail, près de Carlton-Club. Toutes les fenêtres de ce club ont eu leurs carreaux brisés, ainsi que celles des autres clubs qui se trouvent dans le voisinage. Le pavage, à l’endroit de l’explosion, a été fortement endommagé sur une certaine distance.
- Quelques instants plus tard, deux nouvelles explosions se sont produites dans Saint-James-Square, se succédant à quelques minutes d’intervalle. La plus importante était celle qui avait eu pour but de faire sauter la maison de sir Watkin Wynn. Le bâtiment a beaucoup souffert ; deux domestiques ont été grièvement blessés. La façade de Winchester-Housse, édifice massif construit en pierre, a été sérieusement atteinte ; les bureaux du contrôle, situés à côté, ont été saccagés ; toutes les fenêtres du rez-de-chaussée de deux maisons ont été brisées.
- Indépendamment de ces explosions, l’on a trouvé près du monument de Nelson, dans Trafalgar-Square, dix-huit paquets de dynamite ; une fusée était attachée à l’un des paquets.
- Suivant une dépêche de New-York adressée au Daily News, M. O’Donovan Rossa a déclaré qu’il s’attendait à recevoir la nouvelle des explosions qui ont eu lieu vendredi soir à Londres, qu’il était au courant de tous les préparatifs à cet effet :
- Les explosions — a-t-il ajouté — devaient se produire simultanément. Ce n’est qu’un échantillon de ce que nous sommes en mesure de faire. Si ces explosions n’ont pas d’effet, nous irons au palais du Parlement et au château de Windsor. S’il est nécessaire, nous réduirons en cendres toute la ville de Londres. Nous avons attaqué les détectives dans leur quartier général et pas un de nos hommes n’a été pris.
- Cette menace doit profondément impressionner les classes dirigeantes, en Angleterre, à cette heure où l’on prétend qu’il existe une matière explosible, inventée par M. Turpin, beaucoup plus puissante que la dynamite. Les agents des sociétés secrètes d’Irlandais onttrop souvent prouvéqu’ils n’avaient aucune crainte delà mort, pour ne pas qu’on s’effraie justement à la pensée que la science peut d’un moment à l’autre les armer d’engins plus terribles que la dynamite. En continuant à opprimer l’Irlande, le gouvernement anglais expose ses sujets, et particulièrement les habitants de Londres à de cruelles représailles. Ne vaudrait-il pas mieux pour l’Angleterre renoncer à l’Irlande plutôt que persévérer dans une voie aussi dangereuse. En accordant justice à l’Irlande, avant d’y être contrainte par la force, l’Angleterre peut trouver une solution acceptable par les deux peuples et avantageuses à chacun d’eux, tandis qu’en laissant se prolonger et s’aggraver une situation aussi tendue, la conciliation des deux intérêts sera rendue beaucoup plus difficile.
- RUSSIE
- Depuis quelque temps la police russe s’efforçait de découvrir la cause des vols commis par les Finlandais à St-Pétersbourg. Les coupables étaient de nouveaux arrivants ; à l’expiration au court emprisonnement entraîné par leur délit, ils disparaissaient.
- Tout récemment un jeune Finlandais fut traduit pour vol devant une des cours.
- Le délit avait été commis publiquement et le coupable
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- LE DEVOIR
- n’avait en aucune façon cherché à s’enfuir ; aussi avait-il été arrêté immédiatement. Des informations obtenues de ce prisonnier, il résulte que les autorités militaires de la Finlande rejettent tout conscrit convaincu d’avoir volé.
- En conséquence, les jeunes Finlandais se hâtent, dès qu’ils atteignent l’âge du service militaire, de commettre quelque léger larcin, de se faire arrêter et d’accomplir allègrement un temps de prison variant généralement de un à trois mois. Le délit et la peine étant consignés sur leur passe-ports, ils retournent à leurs fermes ou domiciles ; leur réputation n’est en quoi que ce soit atteinte aux yeux de leurs amis par cette volontaire dégradation.
- Telle est la manière dont les Finlandais se débarrassent des charges militaires qui pendant plusieurs années les harasseraient eux et leurs parents ; ils sont consolés de leur action par la liberté de suivre à l’avenir et sans trouble leurs paisibles occupations.
- {The arhitrator.)
- PROGRÈS ET PAUVRETÉ”
- par M. Henry George.
- IX
- Livre IX.— EFFETS DU REMÈDE.
- [S boite)
- Chapitre IV
- Changements apportés dans l’organisation et la vie sociales.
- Nous ne nous arrêtons ici qu’aux principes généraux. Il y a quelques points de détail, tels que ceux de la division des ressources entre les administrations locales et l’administration générale, qui se résoudraient par l’application des principes, mais sur lesquels il est inutile de discuter présentement.
- Un des faits principaux serait la simplicité du gouvernement. Aujourd’hui, recueillir les impôts, prévenir et redresser les fraudes, encaisser et contrôler les revenus tirés de tant de sources diverses, constituent presque, avec l’entretien de l’ordre, du militarisme et l’administration de la justice, les 3/4 si ce n’est les 7/8 des opérations gouvernementales.
- Cette machine immense et compliquée serait rendue inutile.
- Concernant l’administration de la justice, il est notoire que la plupart des procès s’élèvent de discussions sur la propriété foncière. Ces procès n’auraient plus de raison d’être avec la nationalisation du fonds commun et la détention du sol par les citoyens seulement à titre de fermiers de l’État.
- Le développement de la moralité, conséquence de l’abolition de la misère, tendrait à une diminu-
- (!) Lire le « Devoir » depuis le numéro du 6 avril 1884, sauf le numéro du 1 Juin.
- tion analogue dans les autres affaires litigieuses ; cette évolution serait facilitée par l’adoption du projet de Bentham concernant l’abolition des poursuites contre les débiteurs et l’appui légal donné à l’exécution des contrats privés.
- L’augmentation des salaires, les facilités ouvertes à chacun de gagner aisément et confortablement sa vie, feraient bientôt disparaître des rangs de la société les voleurs, les escrocs et autres criminels engendrés par l’inique répartition des richesses.
- Ainsi l’administration de la loi criminelle, avec son cortège de gendarmes, de policiers, ses prisons, ses pénitentiers, cesserait comme l’administration de la loi civile d’opérer un drainage des forces vives de la société. Nous serions quittes, non-seulement des magistrats de tous ordres et des gêoliers, mais aussi de cette armée d’avoués et d’avocats qui vivent actuellement aux dépens du producteur ; les talens gaspillés dans les subtilités légales se dirigeraient vers de plus nobles buts.
- Lesfonctions législatives, judiciaires et exécutives du gouvernement seraient donc grandement simplifiées.
- Il est, en outre, à espérer que les dettes publiques et les armées permanentes ne pourraient se maintenir longtemps après le retour public à cette ancienne idée que la terre est, par droit commun, la propriété du peuple du pays même. La dette publique serait vite remboursée par une taxe qui ne diminuerait pas les salaires et n’attentrait pas à la production. Quant à l’armée permanente, le développement de l’intelligence et de l’esprit d’indépendance parmi les masses y mettrait bientôt fin.
- La société approcherait ainsi de la démocratie idéale de Jefferson, de la terre promise d’Herbert Spencer : l’abolition du gouvernement, mais seulement du gouvernement directeur et répressif. En même temps et proportionnellement, il deviendrait possible de réaliser le rêve du socialisme. Cette simplification et cette abrogation des fonctions actuelles du gouvernement rendraient possible l’inauguration de certains services publics qu’il devient urgent d’instituer.
- Les revenus tirés du fonds social pourraient, comme à Sparte, être appliqués au bénéfice commun. Nous n’aurions pas à établir de tables publiques, celles-ci seraient inutiles ; mais nous aurions à établir des bains, des musées, bibliothèques, jardins, salles de lecture, salles de danses et de concerts, universités, écoles techniques, tirs, gymnases, etc. La chaleur, la lumière et la force
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- motrice, aussi bien que l’eau, seraient transmises à travers nos rues aux frais publics; nos routes seraient garnies d’arbres à fruits; les inventeurs et les novateurs seraient récompensés; les enquêtes scientifiques, défrayées ; sous mille formes, les revenus publics fortifieraient chacun pour l’avantage de tous..................................
- Le gouvernement changeant de caractère deviendrait l’administrateur d’une grande société coopérative. Il serait l’agent administrant la propriété commune pour le bien commun ..................... . .
- D’où vient l’avidité au gain, le mépris des sentiments les plus nobles et les plus purs, l’hypocrite parodie de la religion?
- N’est-ce pas de l’existence de la misère ? Carlyle dit que la pauvreté est l’enfer dont les Anglais modernes sont le plus effrayés. Et c’est vrai. La misère est la bouche toujours ouverte qui menace chacun des membres des sociétés civilisées.
- La misère n’est pas seulement la privation, c’est la dégradation et la honte ; elle fouille comme avec des fers chauds les parties les plus sensibles de notre être intellectuel et moral ; elle contrecarre les impulsions généreuses et les affections les plus douces.
- La plus vive des passions de l’être est la conservation de la vie, mais l’existence est telle dans le monde civilisé que les hommes avalent du poison ou se font sauter la cervelle pour échapper à la misère ; et pour un qui agit ainsi que de centaines d’autres sont retenus d’en faire autant par un simple instinct naturel, par des considérations religieuses ou les liens familiaux..................
- Avec l’abolition de la misère, et de la crainte de la misère, l’admiration pour la richesse seule diminuerait; les hommes chercheraient le respect et l’approbation de leurs semblables par d’autres
- modes que l’accumulation des richesses..........
- C’est une philosophie de courte vue que celle qui compte sur l’amour-propre comme principal ressort
- des actions humaines............................
- L’intérêt personnel est une force mécanique puissante, il est vrai, capable de donner de grands résultats ; mais il y a dans la nature humaine ce qui peut être comparé à la force chimique, ce qui mélange et combine et domine, à qui rien ne semble impossible. L’intérêt personnel fera qu’un homme donnera tout ce qu’il possède, sauf sa vie. Mais poussé par une impulsion plus noble, l’homme donnera sa vie même . . ................
- Appelez cette force religion, patriotisme, sympathie, amour de l’humanité, ou amour de Dieu ; donnez-lui le nom qu’il vous plaira, c’est la puissance qui domine et vainc l’égoïsme, l’amour personnel ; c’est l’électricité de l’univers moral, la force devant laquelle toute autre force est faiblesse. Partout où l’homme a vécu, cette force s’est montrée et aujourd’hui comme toujours le monde en est plein. Pitié à qui ne l’a jamais vue ni sentie. Regardez parmi les hommes et femmes de votre entourage, à travers les soucis et les combats de la vie journalière, dans les rues étroites et les recoins humides où la misère se cache, partout, ici et là, les ténèbres sont éclairées de ses magiques étincelles. Celui qui marche les yeux fermés ne la verra pas. Mais celui qui regarde voit, comme le dit Plutarque, que c< l’âme a en elle-même un principe de bonté, qu’elle est née pour aimer comme pour percevoir, penser et se souvenir. >
- Et cette force des forces, qui se révèle sous tant d’aspects, même sous des aspects pervertis, nous pouvons en faire usage pour renouveler et ennoblir la société, de la même façon que nous pouvons utiliser des forces physiques qui jusque-là s’étaient montrées à nous comme des agents de destruction. — La seule chose que nous ayons à faire c’est de donner, àtouslesêtreshumains,lalibertéeti’espace. Le mal qui produit l’inégalité sociale, le mal qui, au sein de l’abondance, torture les hommes par la misère ou la crainte de la misère, est aussi celui qui les dégrade physiquement, intellectuellement, moralement et qui empêche l’harmonieux développement social. Tout ce qui est de Dieu est plein de prévoyance. Nous sommes faits pour coopérer ensemble comme les mâchoires supérieure et inférieure, les mains, les pieds, etc., le sont pour coopé rer entre eux......................................
- Je suis porté à croire que le résultat de la confiscation de la nu-valeur foncière, selon le mode que j’ai proposé, serait l’organisation du travail par l’emploi des grands capitaux sous la force coopérative ; car une plus égale répartition des richesses tendrait à faire de tout individu à la fois un capitaliste et un travailleur. Mais ce ne serait point là l’œuvre d’un jour.. On y arriverait peu à peu. Le rude labeur du travail routinier commencerait par disparaître. Les salaires seraient trop élevés et les ressources trop grandes pour que l’homme laissât ses facultés les plus hautes dans l’inaction et le dépérissement. En toute chose le cerveau viendrait en aide à la main.
- Le travail même le plus grossier deviendrait un
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- léger fardeau et la tendance moderne à la division du travail serait réalisée sans prêter à la monotonie et sans porter atteinte à l’habileté du travailleur ; les courtes factions, l’alternance des travaux intellectuels et manuels seraient mis en pratique.
- Ce mode de procéder non-seulement utiliserait des forces aujourd’hui gaspillées, mais en activant l’exercice mental, il ferait progresser la découverte de méthodes de production dans une mesure inimaginable pour nous.
- Car la plus considérable de toutes les pertes engendrées par la constitution actuelle des sociétés est celle de la puissance intellectuelle. Combien sont infinitésimales les forces qui concourent au progrès de la civilisation comparées à celles qui demeurent latentes. Que petit est le nombre des penseurs, des inventeurs, des novateurs, des organisateurs comparé à la masse du peuple. Cependant il naît à profusion des intelligences ; mais les conditions de leur développement font défaut.........
- La volonté est en nous l’essence même de la conscience’, pour quelle faible part cependant le meilleur d’entre nous peut-il être crédité de son acquis, de sa position, de son caractère même ; combien les influences extérieures ont pris de part à le faire ce qu’il est.
- Écarter la misère et la crainte de la misère, donner à tous les hommes des loisirs, du confort, l’indépendance, les ressources, les raffinements de la vie, tous les moyens de développement intellectuel et moral serait porter l’eau dans le désert. De même qu’on verrait alors la plaine stérile se couvrir de verdure, de fleurs, d'arbres et qu’on l’entendrait retentir du chant des oiseaux, ainsi surgiraient parmi nous les talents aujourd’hui cachés et les vertus inconnues. Toutes ces forces rendraient la vie humaine plus riche, plus complète, plus heureuse et plus noble . . . ..............
- Que l’on tienne compte de toutes ces choses et l’on verra que la nationalisation du sol serait avantageuse pour tous, même pour le plus grand propriétaire foncier actuel. Celui-ci ne serait-il point plus en sécurité sur l’avenir de ses enfants s’il les laissait, même sans un sou, dans la société dont nous venons de faire le tableau, qu’en les abandonnant, avec la plus grande fortune, dans la société présente..................................
- J’ai montré la source du mal social et indiqué le remède. — Mais le problème tout grand qu’il soit, conduit à une question plus haute encore, à la recherche de la loi du progrès humain. Je ne puis
- traiter ici une telle question, mais je veux du moins, pour terminer, y consacrer quelques indications sommaires.
- (A suivre).
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- Remède contre le Croup
- L’Académie de médecine vient de recevoir une communication fort intéressante.
- Il s’agit d’un remède contre la diphtérie, vulgairement appelée croup.
- La diphtérie, appelée croup, est caractérisée par une fausse membrane, qui traverse les voies respiratoires, la trachée, parfois les bronches elles-mêmes. On a remarqué que ces dépôts de membranes fondaient au contact de vapeurs de gou -dron et d’essence de térébenthine. Partant de ce principe, on a pu sauver des enfants considérés comme perdus, râlants et presque morts ; il suffit d’allumer prés du dit un mélange de térébenthine et de goudron ; la chambre s’emplit d’une fumée noire et épaisse, au point que les assistants ne peuvent se voir, mais sans aucun malaise.
- L’enfant aspire fortement et voluptueusement cette atmosphère de résine, y sentant la vie ; bientôt lesjfausses membranes se décollent et sont expectorées sous forme de crachats de rhume qui, recueillis dans un verre, continuent à se dissoudre visiblement.
- On fait en même temps laver la gorge de l’enfant avec du coaltar et de l’eau de chaux.
- L’enfant est radicalement guéri en deux ou trois jours. Ces fumigations sont en outre un excellent désinfectant comme parasiticides ; ceux qui ont approché ces malades, même des enfants, n’ont nullement contracté la terrible maladie.
- Ce traitement si simple et si merveilleux est donc à la fois un remède absolu et un précieux préventif.
- CORRESPONDANCE D’ANGLETERRE
- Les enfants des pauvres, à Londres : fondation de Marmites Économiques et de Crèches.
- « Feed my lambs ! »
- Dans un des précédents numéros du Devoir,nous avons attiré l’attention du lecteur sur un remarquable travail de statistique de M. T.M. Williams, travail publié en entier par le Times, et où il était démontré par de simples chiffres, que le plus grand obstacle que rencontre le School Board de Londres dans son œuvre éducatrice, est l’affreuse
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- misère dans laquelle grandit et végète l’immense majorité des élèves de nos écoles primaires.
- Quelle somme de travail peut-on, en effet, demander à de petits êtres chétifs, souffreteux, élevés dans des taudis où grouille une population ignorante, brutale et vicieuse ; qu’attendre de ces pauvres déshérités, qui, à peine vêtus, s’en vont la plupart du temps à l’école le ventre vide, ou peu s’en faut ?
- « Mens sana in corpore sano » a dit Juvénal, et le Satirique a\ait raison, or le corps ne saurait être sain s’il est mal vêtu et plus mal nourri !
- Certes, ce n’est pas d’aujourd’hui que le mal existe, mais ce n’est que tout récemment qu’on semble l’avoir remarqué ; et, quoique nous ne voudrions pas affirmer que le zèle humanitaire dont font preuve en ce moment nos classes dirigeantes doive couper le mal dans sa racine, il n’en est pas moins vrai que l’impulsion a été donnée, que le mouvement existe et qu’il aura tout au moins produit de ci delà quelques bons résultats.
- Comme première conséquence de ce réveil de la conscience publique, nous avons assisté à de nombreuses enquêtes dirigées, tantôt par de simples particuliers, tantôt par des personnages politiques à qui leur position officielle faisait un devoir de se montrer soucieux d’apporter remède à un aussi triste état de choses. Jusqu’ici, ces enquêtes n'ont pas servi à grand’chose, par la simple raison que la plupart des propriétaires qui louent à des prix relativement fort élevés les habitations malsaines que nous avons décrites précédemment dans ces colonnes sont en même temps Westrymen, c’est-à-dire, membres du Conseil municipal de leurs quartiers respectifs.Dans de telles conditions, seul, un Bill du Parlement pourra, en faisant intervenir directement l’Etat entre ces requins de terre (land-sharks) et leurs victimes, provoquer une réforme sérieuse dans l’aménagement et le système de location des logements ouvriers.
- En attendant que le Bill en question ait été élaboré, présenté, discuté, puis adopté tour à tour par nos Commoners et nos Lords, quelques âmes charitables se sont dit avec raison que s'il n’était pas en leur pouvoir de mieux loger les pauvres ménages dont les enfants sontforcés de suivre régulièrement les cours élémentaires du School Board, peut-être pourraient-elles, du moins, améliorer le sort de ces petits écoliers et les mettre à même de mieux travailler et de profiter un peu de leurs leçons en leur fournissant à un prix très modique un repas
- substantiel.
- Le Comité qui a pris cette affaire en main n’entend pas le moins du monde constituer une simple Société de Bienfaisance, ou, comme l’on dit ici, une œuvre de charité, (Charity) ; il veut fonder une sorte de marmite économique, qui, une fois lancée au moyen de souscriptions publiques,devra sur ses propres recettes payer ses employés et subvenir à toutes ses dépenses.
- Il paraîtrait, d’après des expériences faites récemment dans le comté de Dorset, que l’on peut pour 372 pence donner à dîner à 382 enfants,ce qui fait moins de deux sous par tête, chaque portion comprenant huit onces d’aliments solides.
- D’autres expériences du même genre ont été faites, il y a environ trois ans, à Farnell, dans le Forfarshire, par Sir Henry Park, qui est arrivé à fournir un repas à une personne pour un sou, ou à toute une famille pour le double.
- Il va sans dire qu’à Londres l’on ne saurait compter sur d’aussi beaux résultats à des prix aussi modiques; néanmoins, le Comité dont nous avons parlé plus haut, et dont font partie des phi-lantropes et des économistes bien connus, a décidé de fonder dans notre capitale une marmite économique destinée aux enfants des pauvres, et de faire sous peu un premier appel au public pour recueillir les fonds nécessaires à la mise en action de l’œuvre.
- Ce n’est pas là tout : une autre institution dont le besoin se faisait et se fait encore vivement sentir â Londres vient de voir le jour dans le quartier de Drury Lane, un des plus populeux et des plus popu-laciers de notre métropole ; je veux parler d’une Crèche, où, moyennant deux sous, un penny, par semaine, les mères de famille que leur travail appelle au dehors, peuvent laisser leurs bébés à la garde de femmes dévouées et sûres.
- Les avantages de ce système sont trop connus des lecteurs du Devoir pour qu’il soit nécessaire de les faire ressortir ici ; nous ajouterons seulement que l’établissement de crèches semblables sera proposé par notre Comité conjointement avec la fondation des marmites économiques, cette double institution devant, nous le répétons, être self-sup-porting.
- Londres, le 28 Mai 1884.
- P.-L. Maistre.
- Petite correspondance
- M. T. à Ry — Les adhésions de la Seine-Inférieure seront publiées dans le prochain numéro.
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- Adhésions aux principes d'arbitrage et de désarmement Européen
- Messieurs,
- Van Duyl, G. F., publiciste, à Amsterdam ;
- Augarde, Nicaise, Charron à Vinon, Yar.
- De Montant, Louis, propriétaire à Bourdalat par Monguil-hem, Landes.
- Morin, André-Saturnin, publiciste 35, rue de Lille, à Paris. Lucas, Paul, professeur à l’école Nationale Diderot, 194, rue Lafayette, Paris.
- Gallien, Louis Eloi, propriétaire à Dieudonné, Oise, président du conseil d’administration des mines de Liéres. Flamans, Ernest, architecte, 6 rue Allard, St-Mandé, Seine. Defernez, Léopold, peintre en portraits, 15 bis, quai du Hault, Lille.
- Pouliquen, Joseph-François-Marie, à Condé-sur-Vègres, Seine-et-Oise.
- Chasserant, Julien, admin. de la Colonie, p. Condé-s-Végres. Schmit, Nicolas, employé aux Forges-St-Bernard à Clairvaux, Aube.
- Vernet, chef de fabrication, a Clairvaux, Aube.
- Breton, empi, boul. du chemin-de-fer 10, au Mans, Sarthe. Comble, administrateur-Gérant du Franc-Parleur,St-Ouentin. Pénit, Iréné, instituteur, Guise.
- Locqueneux, Georges, instituteur, Guise.
- Bailly, Jean, instituteur, Guise.
- Brosseron, Valéry, instituteur, Guise.
- Gossé, Jean-Marie, jardinier, Guise.
- Lefèvre-Govin, employé, Guise.
- Bourgeot, Emile, voyageur de commerce, Saint-Dizier, Haute-Marne.
- Percherot, employé, Saint-Dizier, Haute-Marne.
- Morel, Pierre, conseiller municipal, Thomance-lez-Joinville, Haute-Marne.
- Cottenot, Henri, docteur en médecine à Eurville, Hte-Marne. Hauier-Thuillier négociant, â Joinville, Hte-Marne.
- Lemoine, Henri, bijoutier-horloger, à Joinville, Hte-Marne. Perchot, employé de commerce, à Joinville, Hte-Marne.
- Pozzi, Angelo, 3 rue Fabro, Turin.
- Mesdames.
- Grièss-Trault, à Paris.
- Vve de la Bivagerie, à Paris.
- Mlle de la Bivagerie, Jeanne.
- Pozzi Pauline, 3 rue Fabro, Turin.
- Bienfait, Marie-Julie, épouse Pénit, institutrice à Guise. Chembault, Antoinette, épouse Brosseron, inst. â Guise. Levallois, Louise, épouse Gossé, institutrice à Guise.
- Govin, Marie, épouse Lefèvre Iréné, institutrice à Guise. Lemaire, Irma, épouse Gras, institutrice, à Guise.
- VARIÉTÉ
- ROSE GIRARD
- (Suite.)
- — Viens alors.
- — Allons ! — Il ramassa son chapeau, reprit contenance et, se faisant jour au travers la foule railleuse, il s’éloigna d’un pas mesuré, calme d’apparence, intérieurement prêt à défaillir, tant la peur, la honte, la rage impuissante avaient troublé son sang.
- Il était vaincu, l’énergique vouloir du redoutable charron l’entraînait de force dans le chemin du devoir. C’est ainsi qu’y marchent les lâches ; les cœurs nobles savent s’y maintenir d’eux-mèmes et s’y plaisent.
- Dans le logis de Pierre Girard régnait une morne tristesse : l’âme remplie d’une mortelle inquiétude, sa femme et ses filles ne savaient que penser : s’était-il détruit, ou poursuivait-il le séducteur pour le tuer? Elles s’attendaient à apprendre à chaque minute une épouvantable nouvelle et, muettes, courbées sur leur ouvrage, toutes trois maniaient l’aiguille avec une ardeur fiévreuse, dès le jour jusque tard dans la nuit; le fort travailleur n’étaif plus là, apportant religieusement sa paie tous les samedis, il leur fallait gagner non-seulement pour elles, mais pour l’enfant. <
- Un matin de bonne heure, un beau rayon d’or du soleil de la Saint-Martin perçant le brouillard et égayait la chambre, elles étaient à la besogne.
- J’ai fait un rêve cette nuit, dit Marie, un rêve heure ux J’ai vu papa qui, dans une rue de grande ville, poursuivait un cheval noir emporté ; il l’atteignait, le saisissait à la bride et, après quelques instants de lutte, s’en rendait maître, lui montait sur le dos, puis revenait ainsi vers nous. Il avait l’air content.
- C’est bon ça, fit la mère; si l’on croyait aux rêves.
- Et toi, Rose, ajouta Marie en se tournant vers sa sœur.
- — Moi, j’ai vu, l’autre nuit, Raoul qui s’avançait un
- bouquet à la main, il me l’offrit, mais les fleurs en étaient fanées. '
- Ayant dit, l’abondonnée rentra dans le silence les yeux mouillés de larmes.
- Ça ne fait rien, nos rêves sont excellents répartit la cadette, dans un éclair de gaîté.
- Rose releva la tête et regardersa sœur tristement.
- Au moment même, des pas bien connus résonnèrent dans l’escalier.
- — Mon père ! Et Marie bondit. Elle enlace son père, le caresse, lui exprime une join bruyante qui émeut le digne homme; sa femme aussi s’empresse, l’embrasse
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- avec tendresse. Rose également s'est levée, a fait quelques pas en avant, mais elle reste immobile, timide et la tète baissée. — Et toi, Rose, fait-il, le cœur dilaté, allons viens!— Elle se jette dans ses bras et, le front caché sur sa robuste épaule, se met à sangloter; il a peine à ne pas l’imiter, mais il se contient: — Sèche tes pleurs, je te ramène ton fugitif, il est là ! dit-il avec un joyeux accent de triomphe.
- — Lui ! — Elle demeure atterrée.
- — Oui !... Viens Raoul. Et, ouvrant la porte du palier, il invite amicalement le beau séducteur à entrer.
- Les femmes, toutes de sentiment, en certains cas, au mépris des plus graves intérêts, laissent parler tout haut leur cœur, quand même.
- La compagne de Pierre et Marie, immobiles, comme pétrifiées, se ressouvenant de tant d’angoises, restaient froides, sans paroles, n'étant point préparées à une telle surprise.
- Le jeune homme espérait u n autre accueil, se croyait attendu, ardemment désiré et, ayant pris son parti, y allait résolument d’aussi bon cœur que possible ; d'ailleurs, Rose était jolie, bien charmante et, en lui-même, il l’estimait ; sauf l’argent qui lui faisait défaut, elle valait au moins n’importe quelle autre.
- Eh bien ? fit le charron, fronçant le sourcil, lançant à sa femme et à ses filles un regard d’étonnement.
- Rose, dit le coupable, saisissant les mains de la pauvre fille, pardonne-moi, je suis né avee un esprit voyageur, mais je viens réparer le mal que je t’ai causé et je ferai tous mes efforts pour te rendre heureuse, je le jure.
- Et la jeune fille, dégageant ses mains, se reculant d’un pas : — Je ne comprends point ! Comment peux-tu réparer le mal que tu m’as fait, me rendre le bonheur ?
- — En reconnaissant mon fils, en t’épousant.
- — Je ne désire point me marier, mon cœur est brisé, je n’ai plus confiance en toi, je ne t’aime plus.
- Le père eut un mouvement de colère, mais la figure de son enfant exprimait tant de douleur, son accent et son geste tant de dignité, qu’il eut respect et pitié.
- Es-tu folle, lui dit-il seulement, tu n’as pas le droit de. refuser un père à ton enfant, de rejeter l’honneur qui t’est rendu.
- — Mon enfant a un père qui vaut mieux que celui-là, c’est toi. Quant à l’honneur ! J’y ai réfléchi et je ne le vois plus comme avant : mon honneur sera d’élever mon fils toute seule, sans fauter plus jamais et, quand il sera grand, c’est lui qui sera mon honneur et mon soutien.
- Le jeune Raoul, doué d’un caractère égoïste et léger surtout, n’ayant jamais poursuivi que le plaisir, ne savait point ce qu’était une femme, une vraie femme : la hauteur des sentiments de celle-ci l’étonna, le remua, il pressentit uel trésor il avait rejeté, un sincère regret remplit son
- âme ; le désir de posséder Rose, l’amour enfin s’alluma en lui. 11 se jette à ses pieds et, tout en larmes, la supplie de lui pardonner, proteste qu’il l’aime, qu’il l’adore et parle cette fois en homme de cœur loyalement épris.
- — Reviens, toute ma vie sera consacrée àte faire oublier mon crime; je prendrai ton père pour modèle, ce qu’il est je le serai, ne sois pas inflexible et, par ressentiment, n’achève pas ton malheur, celui de ton fils. Au nom de Dieu, reviens à moi... Donne ta main.
- — Non ! Et elle recule encore, dérobant sa main, inflexible, laissant voir une irritation croissante.— Qu’il s’en aille. Et, jetant ses bras autour du cou de sa mère, elle est prise d’une crise de nerfs.
- — Va, fait Pierre avec douceur, va, Raoul ; j’aurais dû la prévenir, la préparer, tu reviendras plus tard.
- — Non, jamais ! Et s’arrachant de l’étreinte maternelle, elle s’écrie d’un accent passionné, implacable, frémissant au souvenir de l’horrible nuit : Tant qu’il neigera l’hiver, je n’aurai pour toi que de la haine.
- — Et moi, tant que ce cœur coupable et repentant battra dans ma poitrine, je n’aurai pour toi que de l’amour.
- Du geste, elle le chasse, à bout de forces et s’évanouit, tandis que le jeune homme, écrasé de honte et de regret, est précipitamment emmené par le père qui lui dit : Elle est bonne, aie patience, persévère et, si vraiment tu l’aimes, tu l’auras !
- - . Ernest Allard.
- FIN.
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- Offre d’emplois
- Emplois dans la direction et l’administration de deux grandes usines, chauffage en tous genres, meubles en fonte, quincaillerie, émaillerie, galvanoplastie. Position de premier ordre. Prouver intelligence, activité, bon caractère et passé irréprochable. Age, environ 30 ans.
- S’adresser à M. GODIN, fondateur du Familistère de Guise (Aisne).
- État-civil du Familistère
- Semaine du 26 Mai au 1er Juin 1884.
- Naissance
- Le 26 Mai, de Dorge Berthe-Louise fille de Dorge Albert et de Vaillant Julie.
- Le Directeur-Gérant : GODIN.
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- BROCHURES DE PROPAGANDE
- ÉTUDES SOCIALES
- La Réforme électorale et la Révision constitutionnelle
- Prix franco : 25 centimes
- Parmi les réformes pacifiques que le Devoir s’est donné pour mission de mettre en lumière afin d'en hâter l’avènement, figure au premier rang la constitution rationnelle des premiers pouvoirs de l’Etat.
- Or, le premier pouvoir dans une République démocratique, c’est le pouvoir du peuple se traduisant par le suffrage des citoyens. C’est donc dans le bon exercice du suffrage universel que se trouve les moyens de bien constituer les assemblées législatives et les pouvoirs publics.
- Le numéro du « Devoir » du 1 Juin 1884 est consacré à démontrer que les modes du suffrage pratiqués jusqu’à ce jour ont été le contraire de ce qu’il faut pour établir un réel exercice du droit souverain du suffrage universel. Ce numéro, en raison de son importance, a été converti en [brochure sous couverture spéciale ; il constitue ainsi le n° 2 de la série des Études sociales inaugurée par le numéro exceptionnel intitulé : Le Familistère de Guise, solution de la question ouvrière.
- L’administration du Devoir continuera à éditer cette série d’études, de façon à en faire une collection d’un grand mérite pour la propagande. Nous engageons nos lecteurs à ne pas perdre cela de vue et à conserver ces numéros.
- L’administration du Devoir, s’imposant les plus lourds sacrifices d’étude, de temps et d’argent pour mener à bonne fin cette propagande, nous comptons sur le dévouement de nos lecteurs. Ils peuvent nous aider dans notre tâche en propageant des numéros que nous leur enverrons franco contre le prix seulement du papier et du tirage.
- N° 1. -- Le Familistère de Guise. solution de la question ouvrière.
- Le numéro 40 centimes. — 10 numéros 2 fr. 50
- N° 2. - La Réforme électorale et la Révision constitutionnelle.
- Le numéro 25 centimes. — 10 numéros 2 francs
- pa^ad^a ip © <§ M & u sa s ü in t
- N° 3. -- L’Arbitrage international et le Désarmement européen.
- Un exemplaire 25 centimes. — 10 exemplaires 2 fr. — 100 exemplaires 15 fr.
- ---—i—*TTS-»—a-
- Nous avons actuellement en préparation l’Hérédité de l’État et la Mutualité nationale.
- Dans l’Hérédité de l’État nous établirons par des documents officiels quelles immenses ressourcera société doit attendre de cette réforme, combien elle est juste, et qu’elle procure aux classes laborieuses une sécurité certaine en augmentant les garanties sociales en faveur des possesseurs de grosses fortunes.
- Dans la Mutualité nationale, nous analyserons les institutions susceptibles de garantir le droit à la vie à chaque citoyen, nous ferons l’évaluation des charges probables de ces institutions, et nous démontrerons combien il serait facile de les doter suffisamment en y consacrant une partie des produits annuels de l’hérédité de l’État.
- PORTRAIT DE M. GODIN, FONDATEUR DU FAMILISTÈRE
- La librairie envoie franco au prix de 1 fr., le portrait de M. G0D1N, belle gravure imprimée par la
- Maison Goupil de Paris.
- Guise. — lmp. BARÉ.
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- 8' Année, Tome 8. — N* 301 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 15 Juin 1884
- LE DEVOIR
- REVUE MS QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- )
- 5,
- et réclamations
- France
- Union postale
- doivent être adressées à
- Un an ... 10 fr. »»
- Un an. . . . 11 fr.»»
- M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- Six mois. . . 6 »» Trois mois. . 3 »»
- Autres pays
- Un an. . . . 13 fr. 60
- ON S'ABONNE
- A PARIS
- , rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LETMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Désarroi des économistes. — Le Palais du travail. — Paix et arbitrage international. — Opinion d’hommes d’État sur l’arbitrage. — Chair à Canon. — Les hommes dangereux. — Préceptes et aphorismes sociaux. — Faits politiques et sociaux. — Progrès et pauvreté. — Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen. — Chemins de fer italiens.
- AVIS
- Le jour al « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéroj l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- LE DÉSARROI DES ÉCONOMISTES
- L’économie politique, cette prétendue science Çui n’a jamais été qu’une ingénieuse mystification, sera bientôt à la fin de son rouleau.
- Ses plus brillants champions sont tellement divisés dans leurs appréciations, que faction commune n’est plus possible dans cette école; les économistes vont à la débandade.
- Pendant qu’il a été de mode d’expliquer, de oommenter, de légitimer les faits acquis au profit des classes dirigeantes, les économistes éblouis-
- saient par l’abondance des arguments e„t par les artifices de leurs interprétations.
- Mal a réussi aux économistes de vouloir tirer de ces tours de force du casuisme des règles, des lois, devant être admises d’après eux comme l’expression immuable du mouvement social. •
- Malthusse trouve dans une société mal organisée dans laquelle, si l’on n’avait les guerres, la misère et la corruption pour arrêter le développement de la population pauvre, en verrait bientôt celle-ci devenir assez nombreuse pour menacer et détruire la sécurité des classes privilégiées; il fait une analyse parfaite de la situation ; mais, tenant l’organisation sociale pour naturelle, il conclut que la misère, la guerre, la maladie, l’immoralité sont choses providentielles, ayant leur origine dans la nature des choses et non dans les fausses combinaisons d’ordre social appliquées par la volonté des hommes.
- Ce raisonnement, qui est le fond de la théorie de Malthus, était trop simpliste pour résister à l’examen ; le sophiste imagine pour masquer cette insuffisance la théorie des progressions ; il établit avec beaucoup d’habileté que la population croîtrait suivant une progression géométrique, tandis que l’augmentation des moyens de production se ferait d’après une progression arithmétique. Après cela, on ne peut manquer d’admettre comme nécessaire l’existence de pondérateurs ayant mission de maintenir l’équilibre entre l’augmentation de la population et la fécondité de la terre.
- Restait à savoir si les régulateurs naturels étaient la guerre, la misère, la maladie; s’il était rationnel que cet équilibre fût sans cesse rétabli par la déci-
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- mation continue des classes pauvres fournissant la presque totalité des victimes de la guerre et de la misère. •->' a .
- Les choses se passant ainsi, pour la plus grande tranquillité des privilégiés, les économistes devaient les déclarer parfaites et trouver une justification ayant des allures scientifiques. Aussi, quel a été5 lé succès de là théorie de la lutte pour l’existence" :J le faible- disparaît devant leffpijt, c’est la nature qui le veut ainsi ; une plante chétive s’étiole à côté d’une autre plus robuste’; l’animal plus faible cède la- place au plus fort; par conséquent, l’homme le mbins doué doit s’incliner devant l’in-dividuTmîèuxTafmë par la nature. Les catholiques, pour faire mieux accepter la chose qu’ils se gardaient bien de vouloir approfondir d’une manière aussi complète, promettaient aux derniers de ce monde les premières places dans le paradis; les économistes se sont arrêtés au respect de,la loi, des gendarmes, et au prestige de leur science, l’économie politique.
- Dans leur raisonnement, les économistes ont commis une légère erreur, oh! bien insignifiante ; ils sont simplement partis de l’observation de la nature inculte pour tirer les règles de la civilisation ; ils bnt pris les faits de la brute dans les milieux sauvages pour en déduireles lois de l’homme civilisé, êir&'süp‘êrieur. r- . f .
- Il rî’y avait pas• d%utres moyens de légitimer le présent, et ceux-, dont hu mission est de prouver qdë' tout est po’ür le mieux,dans le .meilleur des , mbndes, ont exploité avec passion i Punique, argument susceptible <de se prêter aux sophismes de l’édonomie politique. < :- o; lt,:,.
- Et tout cela ann pendant long temps l’autorité de pârbies d’Évàngile. Les • dirigeants n’avaient, aucun intérêt à mettre en doute laxaliditédes théories justifiant la1 conservation de ses privilèges; la masse'était trop ignorante pour en deviner «les subtilités. Cependant1 l’observation*! des faits, dans la civilisation,montrait la lutte pour la vie s’exerçant” d’üne'üianière complètement opposée à ses manife'àtations dans le* domaine inculte’.A l’état inculte, la lutte pour féxistence remplace les céréales, les légumineuses, par îerehardon, les graminées,le chiendent, la ronce, la forêt ;> la sélection, -artificielle limite ^envahissement 'fies plantes les plus rustiques au profit de celles assimilables par les hommes et par les animaux domestiques; dans les pays sauvages, les troupeaux de ruminants».sont détruits par iés fauves ; dans la civilisation^ le loup, le chacal, la hyène, le lion disparaissent
- pour laisser la place au bœuf, au cheval, à la chèvre, au mouton, toujours suivant les besoins de l’hiomme et par l’effet de sa protection.Et l’on voudrait que l’être humain, qui modifie pour les plantes et les animaux les conditions de la lutte pour l’existence, soit impuissant à se soustraire lui-même à cette action destructive. D’ailleurs est-il démontré que lceux qui succombenDsous les coups du paupérisme sont réellement les moins armés pour la vie à l’état primitif; au contraire, la force musculaire, l’habitude des intempéries et des privations, sont autant de qualités qui donneraient la victoire aux déshérités. Les faibles d’aujourd’hui, les pauvres, succombent moins par l’insuffisance individuelle que par l’effet des coalitions sociales, économiques, religieuses dans une société maintenue par les économistes dans l’ignorance des véritables lois de la civilisation.
- L’histoire du progrès est marquée â chaque pas par le triomphe de la sélection raisonnée, dirigée par l’homme, sur l’influence de la lutte brutale pour l’existence, les économistes ont néanmoins fait assez de bruit et suffisamment obscurci les faits pour que l’on ait admis, pendant longtemps, sans constestation sérieuse, la fatalité de ce que l’on est convenu d’appeler le combat pour la vie.
- De même pour la concurrence, les économistes convaincus de l’immuabilité de notre organisation sociale, au lieu de voir une simple coïncidence dans l’existence simultanée de la concurrencé et du progrès, entassent les raisonnements les plus subtils pourprouver que la concurrence est une condition essentielle du progrès, que l’atténuer dans ses pires effets serait atteindre la source même du progrès.-Pendant qu’ils construisent de toutes pièces ces théories sorties de leur imagination, il se crée des monopoles qui détruisent l’action de la concurrence; mais les économistes acceptent ces monopoles et continuent à soutenir l’infaillibilité et l’éternité du principe de la concurrence. Ces monopoles, dans certains pays, atteignent bientôt une telle importance, que les peuples voisins, s’ils n’usent que de l’action individuelle, ne peuvent plus les concurrencer; alors les gouvernements se mettent de la partie et la concurrence, d’abord individuelle, après avoir eu la forme des monopoles, devient nationale : c’est ainsi que fa France arrive à subventionner sa marine marchande, qui, abandonnée à elle-même, ne peut lutter contre les monopoles anglais, tandis que l’Allemagne commandite son industrie sucrière pour la mettre en mesure de concurrencer l’industrie française ; alors les économistes, qui exal-
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- tent si fort la concurrence, tombent dans un gâchis d’où üs ne peuvent se tirer.
- Encore, d’après les économistes, la loi de l’offre et de la demande doit être le critérium de la production, parce que la demande, disent-ils, est la représentation des besoins ; ils oublient de dire des besoins des gens qui possèdent des capitaux.
- Mais vient une période oùlalutte pour l’existence, continuée dans la civilisation d’après les lois de la nature inculte, produit d’épouvantables désordres; en même temps la concurrence ne peut faire éluder la nécessité de recourir aux tarifs, les chemins de fer, les télégraphes, les téléphones, et le tarif est la négation catégorique de la concurrence ; enfin, l’écart entre les besoins pouvant se révéler sur le marché et ceux qui, privés de moyens d’achat, ne doivent pas compter, d’après les économistes, atteint desproportions inquiétantes pour la sécuritésociale.
- Alors la différence entre les faits et les interprétations des économistes devient si considérable, que leur prétendue scien ce ne peut plus tromper personne.
- Les plus malins essaient d’éviter la confusion en accentuant la tolérance qu’ils ont toujours accordée à l’intérêt public, chaque fois que, sous ce nom,les gouvernements ont trafiqué des monopoles au profit de quelques uns ; ceux-ci finissent même- par admettre dans cette classification des réformes vraiment sociales, rétablissant l’équilibre au profit des déshérités, au détriment des privilégiés; ilspréfèrent lâcher les classes dirigeantes, plutôt que tomber dans l'absurdité évidente ; car c’est dans cette voie que s’engagent, chaque jour, davantage, ceux qui persévèrent dans les errements de caduque économie politique.
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- Il est curieux de noter l’attitude des personnalités dans cette débandade.
- Ecoutons M. de Molinari, directeur du Journal de$ Economistes ; au lieu de battre en retraite de-vant l’évidence des faits, il continue à pousser de lavant dans les voies inexplorées de l’économie Politique.
- M- de Molinari nie que les chemins de fer forint un monopole inévitable, et que l’intervention l’État soit nécessaire pour empêcher le prix des transports de devenir un prix de monopole. Il va Jusqu’à prétendre qu’il n’existe pas de monopole
- ^pendant de la force des choses.
- Il serait curieux de savoir comment le savant économiste s’y prendrait pour démontrer que le che-
- min de fer de ceinture de Paris ne constitue pas un monopole inévitable, et pour indiquer comment on pourrait lui opposer une ligne concurrente. Lofsqu’on aura donné réponse à cette première objection, nous passerons à d’autres.
- M. de Molinari désire que les routes soient appropriées par les individus, comme pour les chemins de fer ; il prétend encore que la monnaie fabriquée par les particuliers, serait meilleure et à meilleur marché. Pour être logique jusqu’au bout, l’éminent économiste doit admettre l’appropriation individuelle des rues des villes.
- M. de Molinari va jusqu’à refuser à l’État le droit d’expropriation pour cause d’utilité publique moyennant indemnité. Parler de sacrifier les intérêts privés à l’intérêt public est dénoncer qu’il peut y avoir antagonisme entre les intérêts privés^t l’intérêt public. Or, si cet antagonisme existe le socialisme est justifié. Et comme, pour M. de Molinari, le socialisme est injustifiable, il préfère se retrancher dans les conclusions étranges que nous venons d’exposer ; tout cela, par peur du socialisme ; il ne s’en cache pas ; qu’on en juge par ses écrits: « Gon-« servateurs, qui avez établi cette loi (la loi d’ex-« propriation), auriez-vous bonne grâce à vous op-« poser à son application ? N’est-ce pas une ar-« me dangereuse que vous avez forgée à l’usage « de vos ennemis? En déclarant qu’une majorité « quelconques le droit de mettre la main sur la « propriété d’un individu, lorsque l’intérêt public « l’exige, n’avez vous pas fourni d’avance au socia-« lisme une justification et un moyen légal d’exé-« cution. »
- Rien ne prouve mieux la vérité du socialisme que le langage de M. de Molinari. En effet, il pose nettement le dilemme : ou l’économie politique a raison, et il n’y a pas actuellement d’intérêt public différent de l’intérêt privé, et les chemins de fer, les routes, les rues, les postes, les télégraphes, l’armée, l’instruction doivent être des industries privées; ou bien, le socialisme est rationnel, et l’intérêt public et l’intérêt privé sont deux choses distinctes, que la sagesse des gouvernements doit harmoniser et concilier, lorsque l’un ne doit pas absorber l’autre. L’énoncé du dilemme nous paraît le meilleur argument en faveur du socialisme.
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- Tous les économistes ne savent pas agir avec la même décision, en face du socialisme. M. de Molinari, pose le dilemme, puis il marche de l’avant
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- dans sa voie, sans s’arrêter à récriminer contre ses adversaires. Qu’il continue ! Il ira loin.
- Un de ses disciples, M. Rouxel, ne peut se résoudre à imiter un si noble exemple ; il est énervé par la participation, qui cependant n’est pas encore sortie du domaine de l’initiative privée; mais, par les résultats acquis dans ces conditions admises par les économistes orthodoxes, il est facile de prévoir que l’État sera bientôt contraint à organiser le régime de la participation dans les travaux publics. Cette perspective n’échappe pas à la clairvoyance de M. Rouxel ; aussi il traite, plutôt il maltraite, en conséquence la participation.
- Il trouve excellente une étude de M. Lavollée, dont il reproduit le passage suivan t à titre de preuve de la supériorité de ce travail : « Que la partici-« pation reste libre,absolument libre,rien demieux; « elle peut, dans un cercle limité parla nature des « choses, être utile et bienfaisante ; mais il n’est « pas admissible que l’on veuille en faire un article « de loi. Aucun intérêt ne conseille de l’introduire, « par privilège, dans la pratique administrative. »
- La maison Leclaire et Cie et les autres associations pratiquant la participation sont désignées par M. Rouxel sous le nom de « congrégations participatives », « c’est l’inquisition industrielle succédant à l’inquisition religieuse », « la participation, « cette vertueuse chimère, n’est que l’égoïsme. »
- Dans le même travail, « pvblication économique en langue française, journal des économistes, numéro de mai 1884, M. Rouxel termine ainsi l’appréciation de M. Lavollée :
- « M. Lavollée est très modéré, car il serait « facile de démontrer que laparticipationn’estpoint « une vertueuse chimère », mais un odieux égoisme, « et que, par conséquent, elle ne peut en aucune « façon être « utile et bienfaisante ». Il suivrait de « là qu’il serait stupide de l’imposer ; mais il ne « faudrait pas en conclure de l’interdire; il faut du « mal dans la société pour assaisonner le bien, a comme on emploie des dissonances dans la mu-« sique pour mieux faire savourer les consonnances. « Donc liberté de participation, de coopération. « Nous serions trop heureux, si nous n étions pas malheureux. « Quelle vie triste et monotone qu'me béatitude perpétuelle. »
- Nous avons souligné la dernière partie de la citation. Il serait vraiment regrettable de ne pas faire le possible pour mettre en évidence une argumentai on aussi caractéristique, au point de vue de l’état psychologique des économistes ; elle mérite d’être conservée, elle prouve l’audace des publicistes et la complaisance des lecteurs.
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- Dans le désarroi des économistes on trouve un troisième type, ni folâtre, ni grincheux ; c’est l’homme prudent, dont M. Leroy-Beaulieu est la personnification la plus éminente. Celui-ci a compris qu’elle ressource un esprit froid et souple pouvait tirer de la théorie de l’intérêt public coexistant parallèlement à l’intérêt privé. Il ne se déclarera pas socialiste, il conservera le titre d’économiste; mais, chaque fois que le socialisme aura élucidé une question,il enregistrera la solution en la commentant et en mettant tous ses soins à l’entourer du persil économiste. Ce qui ne l’empêchera pas de continuer à éreinter les socialistes, en prenant la précaution de baser ses attaques sur les exagérations des maladroits ou des trop pressés.
- Aujourd’hui nous avons le bonheur de constater que M. Leroy-Baulieu est d’accord avec nous sur un point, d’après un article de M. Limousin publié dans le Mouvement social.
- Dans le numéro du 4 mai 1884, un de nos articles « Seigneur propriétaire » attribuait la crise agricole aux majorations abusives de la valeur du sol, et nous indiquions comme remède la nécessité de constituer l’amortissement du prix du sol, afin de charger la culture seulement des frais du capital mobilier.
- D’après M. Limousin, M. Leroy-Beaulieu aurait timidement indiqué qu’il convenait de marcher vers la suppression de la rente foncière et de l’intérêt du capital placé en propriétés agricoles. M. Limousin ajoute que, «jsi l’amortissement du capital « de mise en valeur avait été fait, si nos terres n’a-« vaient plus à supporter que l’intérêt du capital « d’exploitation, nos agriculteurs seraient aujour-« d’hui en éiat de soutenir la concurrence contre « ceux du Far-West américain, de l’Inde et de l’A-« frique équatoriale. »
- Nous sommes heureux d’enregistrer cette confirmation indirecte de nos explications, puissions nous rencontrer la même unanimité sur les moyens pratiques de réaliser l’amortissement du capital foncier. Nous avons indiqué la participation ; dès que ceux qui pensent comme nous sur le fond de ia question auront fait connaître leurs procèdes pratiques, nous nous empresserons de les reproduire et de les adopter s’ils nous paraissent préférables à ceux que nous avons préconisés.
- On se serait bien gardé détenir ce langage, d y a quelques années, mais le temps et les socialistes sont de grands maîtres.
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- Nous ne voulons pasabondonner les économistes, ^ufl moment si critique. Au risque de ne pas être entendus, nous leur rappelons qu’il existe un intérêt au-dessus de tous les autres, celui de la vie humaine.
- L’erreur des écononistes a été de considérer la lutte pour l’existence, la concurrence, l’offre et la demande comme des vérités premières, tandis qu’elles sont subordonnées aux nécessités de la vie.
- La lutte pour l’existence doit être approuvée, lorsqu’elle s’exerce à l’avantage delà vie humaine ; de même, la concurrence, l’offre et la demande sont des pratiques salutaires, lorsqu’elles favorisent le développement de l’humanité en conservant et agrandissant la vie des individus. Dans les cas opposés, on ne saurait les proscrire avec trop de rigueur.
- LE PALAIS DU TRAVAIL
- Le Génie Civil, revue industrielle, à publié un article sur le Familistère, que nous ne pouvons laisser passer sans en rectifier certaines parties.
- Le reporter du Génie Civil dit avoir fait le voyage de Guise pour étudier le Familistère. Ce n’était vraiment pas la peine de s’imposer ce déplacement pour apprendre aux lecteurs de cette revue que chaque corps de bâtiment n’a qu’un escalier, lorsqu’il en existe quatre, aboutissant chacun à l’extérieur par de larges portes toujours ouvertes, à toute heure du jour et de la nuit. Ces communications sont nécessaires pour assurer l’indépendance des habitants ; et l’évacuation du Palais, dans le cas de sinistre, est possible dans des conditions de rapidité qu’on ne rencontre dans aucune raison de Paris.
- Après cette erreur, ou ne s’étonnera pas de la dénomination d’Habitation-caserne attribuée par le pleine écrivain au Palais du Travail. Une caserne dontles portes sont nombreuses, larges et toujours ouvertes et qui n’a de concierge ou de portier d'aulne espèce, voilà.une trouvaille qui ne manque Pas d un certain génie. A l’intérieur,les appartements ont leurs entrées sur de larges balcons disposés 11 hgnes droites de chaque côté de vastes cours yant plus de 20 mètres de largeur, de telle sorte jjuo chaque logement aboutit directement à tous les ^tages à de véritables rues suspendues et se trouve lui ^ mètres des logements situés en face de jde 1 autre côté de la cour.
- Wn-ous serions curieux de savoir comment cet in-Ln®ur appellerait le Grand-Hotel, l’Hôtel du ConJe> *e Continental Hôtel, avec leurs grands entréS'SOm-kres,kor(^s d’appartements ayant leurs jamh4ûS aiîe*ne séparées par la distance d’une en-ee- Nous ne demanderons pas à l’auteur de
- cette mauvaise plaisanterie, comment il apprécie ces belles maisons du quartier de l’Europe, à Paris, où, sur un palier ayant moins de 3 mètres carrés, il existe quatre ou cinq portes d’entrées dont les sonnettes se touchent? Et le portier d’en bas qui lit les lettres, flaire les provisions, marque les allées et venues,dévisage les visiteurs, et signale à la police les moindres allures que ne comprend pas son cerveau obtus.
- Si le Palais du Familistère mérite le nom d’Habitation-caserne, c’est habitation-prison qu’il conviendrait d’appeler la plupart des maisons parisiennes ; on pourrait faire une exception pour celle du Génie Civil que l’on appellerait un Hôpital d’aveugles.
- Paix et Arbitrage international.
- Nous empruntons à YArbitrator et au Hérali of peace, de Londres, les renseignements suivants :
- Le 68e anniversaire de la fondation de Peace society (Société de Paix), à Londres, a été. célébré le 20 mai dernier. Sir J. Pease, membre du Parlement, présidait la réunion.
- Les dépenses de la société pour l’exercice 1883-84 se sont élevées à 3,339 Livres 1 shilling, soit 83.976 francs 25 centimes.
- Les souscriptions et donations ont été inférieures à ce chiffre de 434 Livres, soit 11,330 francs.
- La société à perdu, au cours de l’année, plusieurs de ses plus dévoués apôtres et soutiens, mais l’idée de paix et d’arbitrage gagne tellement d’adhérents que les vides seront bientôt comblés.
- La Société de la Paix a un comité central à Londres et des comités locaux sur différents points de l’Angleterre. Elle opère la propagande par la discussion publique, les conférences, par la publication de journaux, brochures et imprimés divers à bon marché, ou même délivrés gratuitement en nombres considérables d’exemplaires.
- Durant l’année dernière,cette Société a tenu 421 meetings.
- Elle porte son action dans tous les rangs de la société, depuis les membres du Parlement jusqu’à la jeunesse des écoles.
- Ses articles de journaux, ont, été reproduits par la grande presse de Londres et des provinces anglaises, par l’Ecosse, l’Irlande, la France, l’Allemagne, le Danemarck, l’Espagne, le Sud Africain, l’Inde Anglaise, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis, etc.
- Au cours delà réunion, hommage a été rendu à M. Henri Richard, membre du Parlement, pour ses remarquables travaux concernant l’arbitrage. M. Henri Richard a fait l’historique de la question et établi que, depuis le commencement du siècle, on peut citer 40 exemples de différends internationaux résolus par la voie de l’arbitrage. Outre cela, nombre de traités internationaux portent maintenant une clause par
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- laquelle les nations signataires s engagent a recourir alar- j bitrage en cas de différends s’élevant entre elles. I
- L’assemblée a également rendu hommage à la Société française de Paix et, spécialement, à son président M. Frédéric Passy, ainsi qu’à M. Gaillard pour l’initiative prise par ces deux derniers au Parlement français, quand ils proposèrent 1 arbitrage comme moyen de résoudre la question du Tonkin.
- La Société a félicité aussi M. Lemonnier et ses amis de leurs efforts en faveur de l’organisation de la paix.
- Au rang des résultats obtenus sous l’influence de la Société anglaise de la paix, notons le suivant :
- Le rejet par le Parlement anglais des gratifications et pensions accordées jusqu’ici pourservices militaires.extraordinaires. Ainsi furent repoussées les propositions faites par le gouvernement en faveur de. l’Amiral qui a démantelé les forts d Alexandrie et du général qui a fait tuer des milliers d’É-gyptiens. :
- M. Henri Richard, dans son discours du 20 mai, exprima un vif regret de la politique belliqueuse suivie en Angleterre depuis ces dernières années, et émit l’espoir de voir bientôt t-cette politique d’agression servir elle même-d’antidote à la guerre en raison de ses l ésultats.ignominieux, puisqu’elle avait •'amené pour Iamation tant de préjudices et de déshonneur et si peu de la plus vaine de toutes les gloires, la gloire militaire. i « Il est donc a espérer, » continua M. Henry Richard, « que les résultats des opérations faites au Soudan et ailleurs con-1 vaincront nos hommes d’État et les peuples eux-mêmes du danger et de la fausseté des moyens belliqueux.
- - « Les hommes impénétrables au sentiment religieux de la justice et de l’humanité se; convaincront de la folie de leur po-•' litique, en constatant ses avortements et apprendront ainsi, avec le temps, que pour les nations comme pour les individus ' transgresser la loi du bien e’est courir aux plus 1 rudes épreuves. » i
- Ce discours fut accueilli parles plus chaleureux applaudissements. ‘
- ' L’assemblée vota diverses résolutions ; entre autres une faisant appel à la conscience des nations, pour réagir contre toute guerre, même contre celle provoquée au nom du prétendu intérêt d’un peuple ; et une autre blâmant les hostilités anglaises en Égypte et demandant au gouvernement britannique de cesser toute expédition ultérieure dans cette~région.
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- Opinion d'hommes d’État sur l’arbitrage
- ‘‘ ll- - i mi . m: ....
- Napoléon Bonaparte en parlant, à St-Hélène, de la paix d’Amiens, dit :
- « J’avais le projet d’arriver à la paix générale en « amenant toutes les Puissances à une immense
- ! « réduction de leurs armées permanentes. Alors « l’intelligence se répandant universellement S « peut-être eût-il été permis de songer à réaliser « dans la grande famille européenne une institu-« lion analogue à celle du congrès américain, ou « de l’Amphictryon dans la Grèce. Quelles pers-« pectives de grandeur, de bonheur, de prospérité « se fussent ouvertes devant nous! Quel grand et « magnifique spectacle! »
- « Tel est cependant ce que reserve l’avenir. « L’unification des peuples européens arrivera, tôt « ou tard, par la simple force des évènements. « L’impulsion est déjà donnée et je ne pense pas « qu’après ma chûte et la disparition de mon sys-« tème, aucun équilibre des Pouvoirs soit possible « en Europe, si ce n’est par l’uriion et la fédération « des grandes Puissances. »
- Comte Derby :
- « Malheureusement il n’y a aucun tribunal inter-« national auquel on puisse soumettre les diffé-« rends entre nations, ni aucune loi internationale « obligeant les parties à recourir à l’arbitrage ; si « un tel tribunal existait, ce serait un grand bien « pour le monde civilisé. »
- (Discours sur « The Mermaid », contestation avec l’Espagne en 1867).
- Comte Russell : i-
- « J’ai examiné les guerres du siècle dernier et « remonté à leurs causes. Toutes, sans exception, « sont provenues de différends qu’une intervention « tempérée eût certainement résolu, sans recourir « à la voie des armes. »
- Duc de Wellington : - '•>'
- « Le grand besoin des gouvernements c’est de « jouir d’une paix qui‘ leur permette de réduire « les armements militaires, de veiller aux affaires « intérieures des nations et d’aider au progrès « constant du sort du peuple. » * «km
- Comte de Beagonsfield (Disraeli)' :
- " € Mettons fin à ce désastreux système de sauce vages dépenses, en 'convenant mutuellement, « sans réserve aucune et'aVec la réduction des arec mements pour gage de notre bonne foi, que la « paix est réellement le but de notre politique. « Alors le chancelier de l’Echiquier dressera sans « appréhension aucune son . prochain budget et « l’Angleterre pourra voir la fin de l’Income-tacc. » (Discours du 2 Juillet 1859.)
- Président Hayes (Etats-Unis d’Amérique).
- (Discours d'inauguration en 1877.)
- « La politique inaugurée par mon honorablepfe'
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- « décesseur, le Président Grant, en soumettant à « l’arbitrage les graves questions discutées entre « les Etats-Unis et les Puissances étrangères, est « le nouveau et certainement le meilleur moyen « d’entretenir la paix; ce bienfaisant exemple sera « suivi, j’en suis convaincu, en cas similaires, par « les autres nations. »
- Président Garfield (Etats-Unis d’Amérique).
- En 1881, le président Garfield parla de l’arbitrage comme « d’une règle bienfaisante pour la « conduite future de tous les gouvernements ».
- L’Honorable W. M. Evarts, Secrétaire d’Etat.
- (Etats-Unis d’Amérique.) j
- Déclaration de 1879 : « La volonté délibérée « de notre administration est de soumettre jt l’ar-« bitrage toutes les difficultés et tous les différends « qui peuvent s’élever entre notre pays ét les « autres Puissances. » !
- CHAIR A CANON j
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- Qu’il est gentil, Madame, ce baby qui sourit dajns son berceau. j
- 11 vient de se’réveilier, il frotte ses petits ypux, regarde autour de lui d’un airétonné,et...vous apercevant... il sourit. . . j
- N’est-ce pas, ce fut bien là son doux réveil i Tenez, le voilà qui tend vers vous ses petites mains frétillantes d’impatience; il ne peut attendre le moment ou, solidement assis sur votre bras, il va passer les siens autour de votre cou frémissant de joie à leur moite contact.
- Ce petit manège se répète souvent. Alors dites moi, Madame, pourquoi vos yeux se mouillent-ils à ces marques de tendresse de votre enfant? — Vous devriez y être habituée... Vous l’aimez donc bien?...........
- Vingt ans se sont passés; l’enfant s’est fait homme. Êtes -vous moins fière de lui ? — L’aimez-vous moins ? — Le voilà! qu’avez-vous? — Il pose ses lèvres sur votre front; il vous dit de sa voix, forte maintenant, mais toute pleine de tendresse : « Bonjour, mère ! » Et vous tressaillez sous ce baiser filial, et vos yeux ont des éclairs Me bonheur...
- — Vous F aimez doiic bien?. . . . . . . . .
- Eh bien ! cet enfant] oh va vous le prendre ; on en fera de la chair à canon !
- Peut-être un jour, là-bas, dans la plaine, la tête sur hne pierre, les pieds dans la boue, rendra-t-il le dernier
- soupir en appelant, comme quand il était petit a Mère ! mère !... maman ! » Et vous ne l’entendrez pas ! Qu’ajouterais-je ?
- O femmes ! avec nous,ptws que nous, faites la guerre à la guerre. •
- P otonié-Pierre.
- LES HOMMES DANGEREUX
- Les récentes élections municipales de Guise m’ont inspiré quelques réflexions que je vous comnïunique.
- Pendant la période électorale, les habitants de Guise ont été mis en garde, par de nombreux placards, contre les hommes dangereux. Il parait que ces derniers sont surtout redoutables par l’autorité de leur chef, un homme tellement à- craindre que les bonapartistes, les légitimistes et les prussiens ont usé à son égard des moyens les plus rigoureux sans pouvoir le réduire.
- Cet incorrigible, sans souci des rentiers de Guise désireux de bien vivre à bon marché, a accordé à sèà collaborateurs, ouvriers et employés, un salaire assez rémunérateur pour qu’ils puissent enlever, au marché de la ville, à la barbe des gens aisés, les primeurs, les poulets, les pigeons et tant d’autres mets délicats réservés jusqu’à ce jour aux cuisines bourgeoises.
- Si on adoptait les idées personnelles de ce pertubateur, la position des travailleurs serait bientôt préférable à celle des gens qui ont assêz de moyens* pour vivre sans rien faire ; ses idées personnelles ne respectent rien, pas même les héritages des gens riches. Il est d’avis de trouver la plus grande partie des revenus de l’État et des Communes en faisant la nation héritière pour une part importante dans toutes les successions des gens riches.
- D’après lui, on ne devrait imposer aucune réduction aux petits héritages résultant uniquement du travail; mais, dans les autres cas, lorsque la fortune provient de la spéculation, de l’exploitation du travail des autres èt des services publics, il prétend qu’on doit fixer un droit d’hérédité moyen pour les fortunes moyennes, et s’élevant progressivement suivant l’importance des successions.
- Ainsi, si on l’écoutait, étant donné qu’il demande la suppression des héritages en ligne collatérale et un droit d’hérédité fortement progressif sur les successions en ligne directe et par testaments, on peut évaluer que les droits moyens d’hérédité dans les cas de grosses fortunes séraient prélevés d’après les chiffres suivants : 1er million, 50 0/0 ; 2rae‘million, 55 0/0 ; 3me million, 60 0/0; 4me million, 65 0/0 ; 5tae million, 70 0/0 ; au-dessus du 5me million, 80 0/0.
- Les cpnservateurs et tous les gens comme il faut de notre ville prétendent que l’adoption de pareilles utopies serait un
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- LE DEVOIR
- grand malheur pour la société. Moi, avant de me faire une opinion sur la question, j’ai fait un petit calcul afin de savoir à peu près quels résultats on pourrait espérer de l’application de ces théories dans la commune de Guise.
- Voici mon calcul :
- A Guise, nous avons un certain nombre de millionnaires, que je vais désigner par les premières lettres de l’alphabet ; chacun, à Guise, saura mettre le véritable nom en regard de chaque chiffre; voici, à quelque chose près, l’évaluationde leurs fortunes :
- MM. A. 8,000,000
- B. 3,000,000
- C. 3,000,000
- D. 2,000,000
- E. 1,000,000
- Tout cela donne un total de dix-sept millions dans les mains de cinq personnes.
- Supposons que l’on applique le droit d’hérédité au profit de la commune de Guise, et que les propriétaires de ces grosses fortunes vivront encore trente ans. Après ce délai, la commune de Guise aurait hérité de
- A. sur le premier million 50 % 500,000
- deuxième » 55 % 550,000
- troisième y> 60% 600,000
- quatrième » 65% 650,000
- cinquième » 75 % 750,000
- trois derniers » 80 % 2,400,000 ~
- B. premier » 50% 500,000
- deuxième » 85*/. 550,000
- troisième » 60% 600,000
- G. premier » 80 7. 500,000
- deuxième » 55% 550,000
- troisième » 60 % 600,000
- D. premier » 50 % 200,000
- deuxième » 55 % 550,000
- E. un million 50 % 500,000
- Total 10,000,000 fr.
- Avant d’aller plus loin, il est nécessaire de fermer la bouche à tous les héritiers que j’entends protester d’un ton lamentable. J’admets que ces cinq citoyens si riches ont chacun deux héritiers, cela fait dix. Sont-ils vraiment tant attendrissants, ces malheureux héritiers qui n’ont plus que 7,000,000 de fr. à se partager, soit 700,000 francs pour chacun d’eux !
- Il me semble que l’on ferait bien de les laisser pleurer seuls, à leur aise, devraient-ils faire déborder l’Oise. J’ai réfléchi que tous ces gens là n’auraient pas des millions, s’ils n’avaient eu 4 leur service, pendant toute une génération, des milliers de pauvres diables, qui n’ont pas cessé, pendant tout ce temps, de travailler, chaque jour, douze heures, en échange d’un salaire qui les laisse toujours misérables ; tel a été à peu près le lot des trois quarts des habitants de Guise.
- Comme les affaires seraient changées, lorsque la commune
- de Guise aurait 10,000,000 de capitaux lui produisant un revenu annuel de 500,000 fr.
- Alors j’irai dans les réunions publiques, et je dirai aux candidats au conseil municipal d’avoir à nous débarrasser bien vite de tous les impôts directs et indirects et de toutes les diableries fiscales inventées pour ruiner les travailleurs, puis je leur demanderai de nous établir un budget de dépenses dans le genre du sujvant :
- Entretien de la ville, au lieu de 75,000 fr., 100,000 fr.
- Embellissements 30,000
- Écoles, institutions en faveur de l'enfance 100,000 Trois médecins visitant gratuitement les malades 24,000 Un pharmacien et un aide 10,000
- Remèdes gratuits pour tous les habitants 20,000
- Secours aux malades, chômages 100,000
- Pensions aux vieillards et aux infirmes 100,000
- Total 484,000
- Je voudrais que l’excédant de 16,000 francs soit divisé en deux parts pour célébrer la fête de l’Enfance et celle du Travail. Ces fêtes devraient avoir un grand éclat. J’insisterais pour que l’on ajoute aux divertissements ordinaires tels que les tirs, les cirques, les gayots, etc., etc., une grande lanterne magique dans laquelle on verrait l’âme de l’héritier d’un millionnaire avant l’adoption de cette loi et après sa mise en pratique ; je parie quelle rirait encore dans le deuxième tableau.
- Eh bien, Guisards, que pensez vous des hommes dangereux?
- Il me semble qu’il n’y en a pas d’autres que les naïfs qui se laissent attendrir par les plaintes intéressées des héritiers.
- Vous me permettez, Monsieur, de signer.
- Un Électeur de Guise.
- Notre correspondant anonyme, qui a si bien compris l'idée générale de M. Godin sur l’hérédité de l’Etat, aura pleine satisfaction sur les détails d’application, lorsque nous aurons publié prochainement le numéro exceptionnel sur l’Hérédité de l’Etat.
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- APHORISMES ET PRÉCEPTES SOCIAUX
- XXXXII
- Abolition de la guerre
- Après la vie, la liberté est le premier des biens du citoyen. La guerre est donc le plus grand des fléaux dont les nations soient encore affligées, car l’obligation du service militaire est la plus grave des atteintes portées à la liberté humaine, puisqu’elle fait du citoyen un esclave en attendant qu’elle en fasse un instrument d’incendie, de dévastation, de meurtre et de car-nage.
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- LE DEVOIR
- m
- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- Le Sénat. — Après avoir voté que le Divorce sera rétabli en France, le Sénat a inscrit dans la loi des exceptions si générales qu’il ne resterait rien du principe, si l’on n’avait adopté un article permettant le divorce après une séparation des époux d’une durée de trois ans et précédée d’un jugement de séparation de corps. Le stage est un peu long, mais tant de ménages, jusqu’à présent, ont vécu séparés pendant trois ans sans être plus .libres après qu’avant, qui pourront désormais régulariser une situation sans issue avant la nouvelle loi. De cette manière tous les cas de séparation de corps deviennent des motifs de divorce. Pourquoi ces trois années d’intervalle? Les avocats et la chicane ne s’en plaindront pas.
- *
- * *
- La Chambre. — La Chambre continue le vote de la loi militaire en réduisant toujours les cas d’exemption, malgré la persistance du gouvernement à vouloir sauvegarder les privilèges des classes riches.
- Le monopole des allumettes sera désormais concédé à l’adjudication. Dans la discussion de celte question, on a entendu un sous-secrétaire d’Etat affirmer à la tribune que la compagnie actuellement concessionnaire, à laquelle le gouvernement voulait continuer le monopole, n’avait pas de concurrents et avait éprouvé des pertes sérieuses pendant l’exploitation de sa concession ; puis un député a lu à la même tribune une liste de cinq noms de personnes ayant fait des offres au gouvernement, et il a prouvé que la compagnie avait gagné plus de trois millions cinq cent mille francs pendant le dernier exercice. De pareilles fautes de la part des membres du gouvernement permettent trop d’hypothèses.
- * *
- La Révision de la Constitution. — La Révision de la Constitution devrait être un acte solennel ; les gouvernants, les hommes politiques de l’opposition et les dirigeants ne veulent pas qu’il en soit ainsi ; elle sera ramenée à la valeur d’nn acte ordinaire d’un parlementarisme sans principe. Nous nous expliquerons sur ce sujet dans un prochain article. Nous donnons aujourd’hui la partie du discours du rapporteur de la commission de la Révision, M. Dreyfus, qui résume les travaux des commissaires et contient un aperçu des divers projets soumis à leur examen. Après avoir expliqué les motifs ridicules du gouvernement contre une révision illimitée et développé quelques considérations incompréhensibles à l’appui de ces prétentions, le rapport continue :
- Tel est l’esprit dans lequel la commission a abordé l’examen des diverses propositions qui vous sont soumises.
- L’honorable M. Laroche-Joubert demande que le Congrès se réunisse uniquement pour décider que le pays sera consulté par un plébiscite, à l’effet de savoir • si, oui ou non, il veut que la Constitution de 1875 soit révisée.
- Votre commission, à l’unanimité, a rejeté cet amendement qui est la négation même des droits de l’Assemblée nationale, tels qu’ils sont reconnus par la loi constitutionnelle.
- La Chambre nous a renvoyé une proposition de l’honorable M. Barodet et de 112 de ses collègues, consistant à déclarer purement et simplement qu’il y a lieu à réviser les lois constitutionnelles.
- Votre commission a rejeté cette proposition par 17 voix contre 3. Pour les raisons qu’elle vous a déjà fait connaître, elle estime que la révision intégrale n’est ni désirable, ni dé-
- sirée et qu’elle nous éloigne du but vers lequel nous entendons marcher.
- L’honorable M. Goblet nous a proposé un projet de résolution qui, visant, dans un considérant, « les articles que la Chambre reconnaît la nécessité de réviser », se borne à déclarer, dans le dispositif, « qu’il y a lieu à réviser les lois constitutionnelles » .
- Votre Commission a repoussé cette proposition par 16 voix contre 5. Nous estimons que la révision indicative n’est qu’une forme déguisée de la révision intégrale, qu’elle laisse la porte ouverte à la discussion de la Constitution tout entière, et, qu’en fait, elle aboutit à l’ajournement indéfini de la question.
- L’honorable M. Allain-Targé nous a soumis un projet de résolution qui comprendrait :
- 1° Un dispositif visant les articles soumis à révision ;
- 2° Des considérants indiquant les solutions désirées par la Chambre, précédant chacun de ces articles et sur lesquels la Chambre serait appelée à se prononcer.
- Votre Commission n’a pas cru devoir entrer dans cette voie.
- On comprend que le gouvernement ait indiqué dans son exposé des motifs les solutions qu’il a l’intention de soutenir devant l’Assemblée nationale. Mais dans notre pensée, comme dans la sienne, aucune de ces solutions ne peut procéder de la délibération à laquelle la Chambre est conviée.
- Nous nous sommes trouvés alors en présence du projet du gouvernement.
- Ce projet porte sur quatre points :
- 1° L’article 8 de la loi consitutionnelle du 25 février 1875 , relative à l’organisation des pouvoirs publics (Révision) ;
- 2° Les articles 1 à 7 de la loi du 24 février 1875, relative à l’organisation du Sénat (Election des sénateurs) ;
- 3° L’article 8 de la même loi (présentation et vote des lois de finances) ;
- 4° Le paragraphe 3 de l’article premier de la loi constitutionnelle du 14 juillet 1875 (Prières publiques).
- La commission a accepté sur ces quatre points le projet de résolution présenté par le gouvernement. Sur uu seul point, le second, la question de fond ayant été soulevée, la commission a d’abord déclaré, par 10 voix contre 9, qu’elle ferait connaître son sentiment ; mais elle s’est trouvée divisée sur les rédactions en présence.
- Fallait-il, comme le demande le gouvernement, faire sortir de la Constitution les articles là 7 de la loi électorale du Sénat ?
- Après une vive discussion, la commission a successivement rejeté, par 9 voix contre 9, deux propositions qui demandaient l’une qu’on émît un avis formel en faveur du maintien de cette loi dans la Constitution, l’autre que la question fût résolue par voie d’entente avec le Sénat.
- En fait, la commission ne croit pas devoir, sur ce point plus que sur les autres, vous proposer de solution définitive. Dans sa pensée, la Chambre des députés et le Sénat n’ont d’autre mission que de préciser les articles et paragraphes sur lesquels devront porter les délibérations de l’Assemblée nationale. A celle-ci de décider dans la plénitude de sa souveraineté.
- L’honorable M. Floquet a proposé d’ajouter à la nomenclature des articles soumis à révision :
- 1° Les paragraphes 2 et 3 de l’article premier de la loi 25 février 1875 (Mode de nomination de la Chambre et du Sénat);
- 2° L’article 5 de la même loi (Droit de dissolution) ;
- 3° Les articles i, 2, 3, 4, 8, 11 et 14 delà loi constitutionnelle du 16 juillet 1875. (Durée des sessions des Chambres; négociation et ratification des traités).
- L’honorable M. de Roys voudrait soumettre également à révision le paragraphe 2 de l’article 2 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875. (Durée des pouvoirs du président de la République).
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- LE DEVOIR
- Votre commission, â la majorité, a rejeté ces divers amendements qui lui paraissent impliquer une refonte plus ou moins complète de la Constitution. Ce n’est point sur un terrain aussi vaste et d’une telle étendue que nous pourrons -arriver à une entente avec le Sénat, condition préliminaire de la révision.
- Nous vous proposons néanmoins, à l’unanimité, d’ajouter aux articles visés par le projet, le paragraphe 2 de l’article 5 de la loi du 25 février 1875 (Délai dans lequel doivent être convoqués les collèges électoraux en cas de dissolution de la Chambre des députés).
- Vous vous rappelez les conflits d’interprétation auxquels donna lieu cette disposition, lors des élections du 14 octobre 1877 : Le ministère du 17 mai, disait l’honorable M. Bris-son, au nom de la commission d’enquête électorale, a méconnu les prescriptions de l’article 5.
- Quand le paragraphe 2 dispose que les électeurs devront être convoqués pour de nouvelles élections dans le délai de trois mois, il signifie qu’entre la dissolution et le jour du scrutin, il ne pourra s’écouler pn plus long intervalle.
- A la même époque, on revendiqua pour le président de la République et pour le Sénat le droit de dissoudre une seconde fois la Chambre des députés à peine élue, et si cette prétention avorta, ce fut —vous vous en souvenez — grâce à l’attitude énergique du parti républicain uni tout entier sous la conduite de ses chefs sur le terrain de la résistance légale.
- Votre commission a pensé qu’il importait d’écarter des éventualités de ce genre en invitant l’Assemblé nationale à rédiger d’une façon plus nette le second paragraphe de l’article 5.
- Telle est la mesure dans laquelle votre commission juge la révision légitime, utile et possible.
- En ratifiant ses conclusions, vous montrerez au pays votre volonté arrêtée de répondre à son appel, au Sénat votre désir loyal d’arriver à cet accord sans lequel aucune révision légale n’est possible ni dans le présent ni dans l’avenir. *
- Nous avons la conviction que le Sénat, de son côté, saura faire son devoir et acquérir ainsi un nouveau titre à la confiance de la démocratie républicaine. (Rire à gauche).
- De cet accord préalable des deux pouvoirs sortira sans crise mi progrès réel et durable, un gage nouveau de stabilité et sur ce terrain pacifié les Chambres pourront consacrer toutes leurs forces et tout leur temps aux réformes que le pays attend et que nous lui devons encore.
- En conséquence, nous avons l’honneur de vous proposer l’adoption du projet de résolution suivant :
- Articie unique.
- Conformément à l’article 8 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 et sur la demande du président de la République, la Chambre des députés déclare qu’il y a lieu à réviser :
- 1° Le paragraphe 2 de l’article 5 de-la loi constitutionnelle du 25 février 1875 relative à l’organisation des pouvoirs publics ;
- 2° L’article 8 de la même loi constitutionnelle du 25 février 1875 ;
- 3° Les articles 1 à 7 de la loi constitutionnelle du 24 février 1875 relative à l’organisation du Sénat;
- 4° L’article 8 de la même loi constitutionnelle du 24 février 1875.
- 59 Le paragraphe 3 de l’article 1er de la loi constitutionnelle du,,16 juillet 1875 sur les rapports des pouvoirs publics (Approbation sur divers bancs).
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- Suite des conventions. — Lorsque l’on a voté les conventions avec les grandes Compagnies, nous avons soutenu que les chemins de fer ne pouvaient dépendre de l’industrie privée, que leur exploitation avait tous les caractères d’une
- industrie nationale devant être gérée par l’Etat,. que les conventions n’avaient d’autre but que de laisser les bénéfices aux financiers sans qu’on puisse permettre à leurs possesseurs de jouir de la liberté et de toutes les autres conditions des entreprises d’ordre privé. On ne peut trouver un meilleur argument à l’appui de notre thèse que l’exposé des attributions des commissaires des chemins de fer récemment institués par le gouvernement.
- Article 1er. Il est institué, sous l’autorité du ministère des travaux publics, des commissaires généraux chargés, dans l’intérêt de l’Etat, de surveiller tous Tes actes de la gestion financière des compagnies de chemins de fer.
- Art. 2. Les commissaires généraux sont chargés, notamment :
- De veiller à l’exécution des statuts des .compagnies ;
- De contrôler, tant à ce point de vue qu’en ce qui touche les intérêts du Trésor, les délibérations des conseils d’administration ;
- De surveiller les opérations d’émission et d’amortissement d’obligations, de placements de fonds, d’achats de valeurs, de reports ou escomptes de papiers ;
- Art. 3. Les compagnies communiquent aux commissaires généraux, â toute époque, mais sans déplacement, les registres de leurs délibérations, leurs livres et écritures de comptabilité, la correspondance, et tous documents nécessaires pour constater leur situation active et passive.
- Elles leur font ouvrir, tant au siège social qu’au dehors, les bureaux de comptabilité, les ateliers, les magasins, les dépôts de matières et de valeurs de toute nature, y comprisles deniers en caisse et les effets en portefeuille.
- Art. 4. Les commissaires généraux peuvent assister â toutes les séances des assemblées générales des actionnaires et requérir l’insertion de leurs observations au procès-verbal.
- Art. 5. Lorsqu’ils croiront reconnaître que des travaux, des traités, des marchés, et tous autres faits de gestion pouvant affecter, soit la recette, soit la dépense, sont inutiles ou nuisibles aux intérêts du Trésor, ils pourront requérir la réunion immédiate des conseils d’administration pour délibérer sur les observations qu’ils auraient à leur soumettre, auxquels cas ils assisteraient aux séances des conseils d’administration, et leurs observations seraient inscrites au procès-verbal.
- Art. 6. Lorsqu’ils auront à exercer à l’égard d’une compagnie de chemins de fer les pouvoirs qui leur sont conférés par l’article 3 du présent décret, ils pourront être assistés par l’inspecteur général des finances chargé du contrôle financier de cette compagnie..
- Art. 7. Les commissaires généraux peuvent être chargés de toutes missions concernant le service des chemins de fer.
- Art. 8. Les commissaires généraux sont nommés'par décret du président de la République, sur la proposition du ministre des travaux publics.
- Ils sont au nombre de quatre.
- Un arrêté ministériel détermine les réseaux dont chacun d’eux est chargé.
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- Grise ouvrière. — Le gouvernement sait que l’offre des liras dépasse la demande. Avant d’avoir pris aucune mesure pour atténuer la crise ouvrière, le gouvernement devient coupable, lorsqu’il jette lui-même à un pareil moment, sur le marché du travail, un certain nombre de bras, en diminuant le nombre des ouvriers des ateliers de l’État. Le ministre de la guerre vient d’informer les administrateurs des manufactures d’armes qu’ils auront à renvoyer, au premier janvier prochain, un certain nombre d’ouvriers, afin de ne pas dépasser les crédits alloués par les Chambres.
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- LE DEVOIR
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- Les Ouvriers catholiques. — Les cercles d’ouvriers catholiques viennent de tenir une assemblée générale. On cite parmi les orateurs particulièrement remarqués, les ouvriers de la Bouillerie, de Mun, de Marolles, et Lucien Brun ; le congrès a reçu des communications importantes des compagnons Guibert, cardinal, et Freppel, évêque et député.
- COCHINCHINE
- Une dépêche de M. Patenôtre annonce au ministre des affaires étrangères que le roi de l’Annam a signé le 6 juin, à Hué, le traité nouveau qui lui a été soumis et qui rectifie celui du 17 août 1883, que le gouvernement français s’était réservé de modifier avant de le soumettre à la ratification des Chambres.
- Voici l’analyse du nouveau traité :
- L’empire de l’Annam, y compris le Tonkin, est placé sous le protectorat de le France. Le gouvernement français sera le représentant du gouvernement annamite dans ses rapports avec les puissances étrangères.
- Un ministre résident de France sera installé à Hué. Le gouvernement annamite concède à la France, dans la citadelle de Hué, un grand emplacement qui sera choisi par l’autorité militaire et où sera installée une garnison française permanente.
- La France aura la faculté d’occuper militairement tous les points de l’Annam et du Tonkin quelle jugera nécessaires à son établissement.
- L’Annam et le Tonkin formeront avec la Cochinchine une union douanière.
- L’administration des travaux publics, des postes et des télégraphes, des régies financières et des douanes de l’Annam sera concentrée entre les mains du gouvernement français.
- Les provinces de Bluh-Thuan et de Thann-Hoa, que le traité du 17 août 1883 concédait à la France, continueront à appartenir à l’Annam, la France renonçant à les annexer à la Cochinchine. Par contre, l’Annam continuera à rester lié vis-à-vis de la Cochinchine par les obligations financières qu’il avait contractées vis-à-vis de notre colonie, et dont remise lui iavait été faite par le traité du 17 août comme compensation de la cession de la province de Binh-Thuan.
- Des indemnités seront payées par l’Annam aux familles des chrétiens annamites victimes des massacres qui ont eu lieu il y a quelques mois. Une commission spéciale sera chargée de veiller au payement de ces indemnités.
- Comme conséquence de la signature de ce traité, le gouvernement annamite a remis entre les mains de M. Patenôtre le sceau impérial chinois qui était la marque de la vassalité de l’Annam à l’égard de l’empire du Milieu.
- Dans sa dépêche, M. Patenôtre fait savoir qu’il sera reçu demain 8 juin, en audience solennelle par le roi d’Annam. Il annonce qu’il partira ensuite pour Haï-Phong, afin deconférei i .avec le général Millot, puis de là pour Hong-Kong, d’où il se rendra à son poste, à Pékin, pour remettre ses lettres de créance à l’empereur de Chine.
- M. Reinhardt restera provisoirement chargé dés fonctions de ministre résident de France à Hué, où il se trouve en ce moment.
- ALLEMAGNE.
- Les socialistes allemands préparent les élections prochaines en réclamant le droit au travail. En plus du désagrément pour M. Bismarck de se voir mis en demeure de tenir une promesse qu’il ne neut remplir, son prestige ne le met pas à l’abri des manifestations hostiles des travailleurs ; il y a quelques jours des ouvriers avaient organisé à proximité de son habitation un véritable charivari qui a été suivi de nombreuses arrestations.
- L’empereur Guillaume, entouré des grands dignitaires de l’empire, a célébré en grande pompe la pose de la première pierre du Palais du Parlement.
- Malgré les efforts faits dans les sphères ministérielles pour atténuer l’importance de certaines mesures prises par le gouvernement au sujet de la protection des intérêts allemands dans les pays étrangers, il est permis d’affirmer que l’Allemagne aspire à devenir une rivale des grandes puissances maritimes.
- L’exemple donné par M. Lüderitz est destiné à rencontrer des imitateurs. ,»
- Le Colonial Verein propose d’acheter un certain nombre de territoires dans différentes parties du monde.
- L’article de la Gazette de l'Allemagne du Nord, disant que les différentes explorations scientifiques faites par des savants allemands doivent tourner au bien de la patrie, est généralement commenté par les journaux allemands et a produit une excellente impression.
- On ajoute également que les traités conclus avec la Corée et leTranswaal contiennent des clauses secrètes.
- Il est indubitable que le Parlement allemand votera lés sommes demandées par le gouvernement, pour accorder des subventions aux steamers allemands naviguant entre Blême, Hambourg, l’Indo-Chine, le Japon et l’Australie, à l’effet d’émanciper l’Allemagne des Compagnies anglaises et françaises.
- Les steamers en question seront tous construits d’après les dessins fournis par l’amirauté et pourront, en cas de besoin, être transformés en navires de guerre.
- AUTRICHE
- En Hongrie les élections sont accompagnées de nombreuses manifestations suivies de l’intervention de la force armée.
- BELGIQUE
- Les élections belges sont un véritable désastre pour le parti libéral. La majorité libérale de la Chambre est évincée par une forte majorité cléricale. Même, dans les grands centres, les candidats libéraux ont été remplacés par leurs adversaires ; les principaux chefs du parti progressiste ont été battus. Le ministère est démissionnaire. On s’attend à de prochaines complications parlementaires, la majorité du Sénat appartenant au parti libéral. Le peuple, auquel la loi électorale interdit le droit de vote, témoigne un grand mécontentement.
- PROGRÈS ET PAUVRETÉ1'
- par M. Henry George.
- X
- Livre X — LOI DU PROGRÈS HUMAIN.
- Chapitre I
- La théorie courante du progrès humain, son insuffisance.
- Quelle est la loi du progrès humain?
- Les conclusions auxquelles je suis arrivé sont-elles ou non en concordance avec cette loi?'
- (I) Lire le « Devoir » depuis le numéro du 6 avril 4884, sauf le numéro du 1 Juin.
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- LE DEVOIR
- Il faut d’abord répondre à la question : quelle est la loi du progrès?
- L’opinion dominante est celle-ci : « Le progrès de la civilisation est une évolution des capacités et des qualités humaines, évolution provoquée par des causes analogues à celles de la genèse des espèces, savoir: la survivance des êtres les mieux doués etla transmission héréditaire des qualités acquises.
- Que la civilisation soit une évolution, comme le dit Herbert Spencer, cela n’est pas douteux. Mais, constater le fait, ce n’est pas définir les causes qui développent ou entravent le progrès.
- Chapitre II
- Différences entre les civilisations, à quoi elles sont dues.
- Les différences entre sociétés de divers temps et de divers lieux tiennent moins au caractère original des individus qu’à la portée des institutions sociales.
- Développons cette pensée. Chaque société,petite ou grande, porte en elle-même une somme de connaissances, croyances, coutumes, langages, goûts, institutions et lois. Au sein de cet acquis l’individu est reçu à sa naissance et il s’en imprègne jusqu’à la mort. C’est comme une matrice dans laquelle les citoyens sont moulés et dont ils prennent.l’em-preinte. C’est la voie par laquelle les coutumes, les préjugés, les religions, les goûts, les langues croissent et se perpétuent. C’est par cette voie que se transmettent les connaissances et les talents ; c’est par elle que les découvertes emmagasinées deviennent le fonds commun de la société et bientôt la pierre d’achoppement d’un progrès nouveau. Bien que ce fonds commun intellectuel soit souvent le plus sérieux obstacle au progrès, c’est lui qui rend le progrès possible. C’est lui qui permet à tout écolier de nosjoursd’en apprendre plus, en quelques heures, suri’Univers que n’en connaissait Ptolémée. C’est lui qui place, sous certains rapports, le plus lourd savant de nos jours bien au-dessus de l’esprit géant d’Aristote. Ce fonds est à la race ce que la mémoire est à l’individu. Nos arts merveilleux, nos prodigieuses sciences, nos stupéfiantes découvertes, tout vient de cet acquis social.
- Le progrès humain a lieu selon que les efforts accomplis par une génération sont plus ou moins complètement emmagasinés comme propriété sociale pour la génération qui suivra, afin de servir de point de départ à de nouveaux pas en avant.
- Chapitre III La loi du progrès humain.
- Qu’est-ce donc que cette loi du progrès humain par laquelle la civilisation avance ?
- La loi du progrès humain n’est pas autre chose que la loi morale elle-même. Selon que les institutions sociales développent la justice, selon qu’elles consacrent l’égalité de droits entre les hommes et qu’elles assurent à chacun une liberté parfaite, limitée seulement par la liberté égale des autres individus, la civilisation avance.
- Mais dans la mesure où la société faillit à ces devoirs la civilisation fait halte ou recule. .
- Chapitre IV
- Comment la civilisation moderne peut décliner.
- Les conditions du progrès social sont Vassociation et V égalité............................................
- La tendance générale du progrès moderne, depuis les premières lueurs saisissables dans l’obscurité qui suivit la chûte de l’empire d’Occident, a été l’organisation de l’égalité politique et légale.
- On en suit les jalons dans l’abolition de l’esclavage, l’abrogation des privilèges héréditaires, la substitution du régime parlementaire au régime aristocratique, la liberté dépensée en matière religieuse, la sécurité plus grande des individus et cêlle correspondante de leurs propriétés, la plus grande liberté de mouvement et de travail, de parole et de presse. L’histoire de la civilisation est l’histoire même de ces progrès, des luttes et du triomphe de la liberté individuelle politique, et religieuse. La civilisation avance, stationne ou recule selon que cette liberté même évolue..................
- Il y a actuellement des preuves évidentes de tendances au reflux de la civilisation. Un vague sentiment de désappointement se fait jour partout ; une amertume croissante existe chez les classes
- ouvrières...Si ces malaises étaient accompagnés
- de l’idée définie du remède, ce serait un excellent symptôme, mais il n’en est pas ainsi. Et l’on peut se demander si nous touchons à un moment de recul ou de progrès............................
- Chapitre V La vérité centrale.
- Tous les hommes sont créés égaux ; ils sont tous dotés par le Créateur de droits inaliénables au rang
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- desquels sont la vie, la liberté et la poursuite du bonheur.
- Ges droits sont déniés quand l’accès à la terre, seul moyen pour l’homme de vivre et de subsister, est enlevé à une partie des citoyens. L’égalité des droits politiques ne compense pas la négation de l’égalité du droit aux munificences de la nature. La liberté politique, quand l’égalité du droit au sol est niée, est uniquement la liberté de la concurrence pour l’abaissement des salaires jusqu’à la dernière limite du possible.
- C’est là une vérité trop ignorée jusqu’ici. De là surgissent les mendiants des rues et les vagabonds des routes; la misère entretient une ignorance,que nos écoles ne suffisent pas à dissiper ; la pauvreté asservit les hommes pompeusement déclarés membres du souverain ; les citoyens votent selon les désirs de leurs maîtres; les démagogues usurpent le rôle d’hommes d’Étatfi’or pèse de tout son poids dans les balances de la Justice ; en haut lieu siègent ceux qui ne rendent même pas aux vertus civiques un hommage apparent; et les piliers de la République jugés si solides ploient déjà sous ce croissant fardeau.
- Nous honorons la liberté dans le nom et dans la forme. Nous lui élevons des statues et lui adressons nos hommages. Mais nous ne nous confions pas
- pleinement à elle.La liberté n’est pas un vain
- bruit propre à amuser l’oreille. La libérté, c’est la justice; et la justice c’est la loi naturelle, la loi de la santé, de la symétrie, de la force, de la fraternité et de la coopération..........................
- Nous confierons-nous à la Liberté de façon à recueillir d’elle tout ce qui est dans son essence ? Si oui.... les dangers menaçants disparaîtront, et les forces dont on peut actuellement redouter l’action s’emploieront à notre évolution même..........
- Ce sera le point culminant de la vraie chrétienté, le règne de Dieu sur la terre.................
- CONCLUSION
- Le problème de la vie individuelle.
- Au delà du problème de la vie sociale est le problème de la vie individuelle.........................
- Martyrs du progrès ou voués à la recherche des satisfactions égoistes, les hommes vont-ils tous uniformément à une même fin : le néant ? Je ne puis
- le croire ...........................................
- La conception, l’espérance d’une autre vie est
- naturelle et profonde
- A quoi tient-il que cette espérance ait tendance à se détruire dans la société actuelle ? Si nous en cherchons les causes, nous les trouvons non dans les leçons de la science physique, mais dans certains enseignements économiques et politiques....
- dans les doctrines qui attribuent la misère au jeu des lois naturelles, à la trop grande multiplicité des êtres humains etc... De tels enseignements détruisent l’idée qu’une Intelligence universelle veille à l’ordre de la nature ; ils persuadent l’individu que rien dans l’univers n’a été prévu pour-son existence, et que les qualités morales ne sont que des mots.
- Il est difficile de concilier l’idée de l’immortalité humaine avec la prétendue constatation de ce fait que la nature n’a rien prévu pour l’homme, puisqu’elle lui donne la vie dans des conditions où la subsistance est impossible.
- Nous avons montré dans ce livre que les douleurs sociales ne viennent pas des lois naturelles, mais de l’ignorance et de l’égoïsme des hommes qui refusent de se conformer à ces lois..........
- Quelle est la signification de la vie ? La vie m’apparaît comme l’avenue et le vestibule d’une autre existence. C’est ce que les mythes et symboles de tous les temps ont cherché à exprimer dans la
- mesure du possible'.............Ormuzd n’a pas
- cessé de combattre contre Arihman; le prince de la Lumière, contre celui des Ténèbres. Celui qui a des oreilles entend les clairons de la bataille. Les appels retentissent sans trêve, afin de réunir et de fortifier les cœurs. Ames fortes et vaillants efforts n’ont cessé d’être nécessaires au monde. . . .
- Avant de nous prononcer sur les Causes de la vie, songeons que nous sommes loin de voir toute choses. Ce qui se passe même autour de nous nous échappe. Les vibrations de lamatière qui nous donnent les sensations de lumière et de couleur deviennent, à un certain point, imperceptibles pour nous. C’est seulement dans de certaines limites, de tels à tels degrés que nous avons la connaissance des sons. Les animaux eux-mêmes perçoivent des choses qui nous échappent.
- Enfin, notre terre comparée au système solaire n’est qu’un atome imperceptible, et le système solaire disparaît comme rien devant les profondeurs des espaces stellaires. Tout ce'qui échappe à notre vue doit-il être regardé comme n’existant pas? Non, assurément ; bien loin de notre portée les lois éternelles accomplissent leurs effets. , ,
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- L’espérance qui élève l’âme est le fond même de toutes les religions. Les poètes l’ont chantée, les voyants l’ont décrite ; aux plus profondes pulsations de l’espérance, les pulsations du cœur humain répondent et sont un gage de la vérité des aspirations vers l’immortalité. Ce que Plutarque disait est ce que tous les temps et toutes les langues ont répété aux cœurs forts, abimés dans la contemplation de l’infini de la vie :
- « Ames humaines, alourdies par les corps et « les passions, sans autre communication avec « Dieu que celle de la conception philosophique, « c’est-à-dire d’une sorte de rêve, quand vous « serez débarrassées de ces corps et élevées dans « la région pure, inconnue, invisible, incorruptible, « alors Dieu sera là commme votre guide et « votre chef, vous vivrez entièrement de lui, con-« templant sans fatigue et dans un amour infini « cette beauté, quine peut être conçue ni exprimée « par les langues des hommes.
- Fin.
- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement Européen
- Messieurs,
- Lefèvre, grainetier, à Elbeuf-sur-Andelle, Seine-Inférieure.
- Duforestes, cantonnier, id. id.
- Deroude, cultivateur, id. id.
- Delamare fds, journalier, id. id.
- Delamare père, cantonnier, id. id.
- Peltier père, maçon. id.. id.
- Cousin père, garde-champêtre, id. id.
- Monnier, journalier, id. id.
- Lesage, lattier. id. id.
- Duquesne, cantonnier, à Grainville-sur-Ry, id.
- Blondel, journalier, à Auzouville-sur-Ry. id.
- Barq, rentier, à Auzouville-sur-Ry. id.
- Caron Eusèbe, marchand, à Auzouville-s.-Ry. id.
- Picard, journalier, au Héron. id.
- Dufour, meunier, au Héron, id.
- Gauthier, terrassier, à Croisy-Laye. id.
- Leheurteur, briquetier, à Croisy-Laye. id.
- Derue, chef-cantonnier, à Bois-de-Neubourg. id.
- Letondeur, charretier, à Saint-Denis-Thiboult. id.
- Mottin, journalier, à Saint-Denis-Thiboult. id.
- Laquerrière, maçon, à Frêne-Splon. id.
- Mazurier, maçon, à Mesnil-Peruelle, Eure. Leheurteur, terrassier aux Hogues, Eure.
- Barca, Victor, à Charleville,
- Blancard Jules, président honoraire d’un grand nombre de sociétés littéraires, à St-Paul-Trois-Châteaux, Drôme. Viguier Casimir, à Guise, Aisne.
- Lefèvre, Jean-Dominique, Familistère de Guise.
- De Cottens, Victor, rédacteur en chef du Mont-Atlas, à Oran. Libois, Ch. rédacteur du Petit Colon à Oran.
- Pavy, dit Blin, employé au Familistère de Guise.
- Griffon Léon, peintre, à Ry Seine-Inférieure.
- Fruchart, Pierre-Antoine propriétaire à Mont-Saint-Aignan, 'f Seine-Inférieure.
- A. Rousselle, jardinier, aux ventes sur Saint-Dénis-le-Thiboult, Seine-Inférieure. .
- Lefébvre, cultivateur au Mesnil-Perruel, Eure.
- Noël, Ed. principal clerc d’avoué à Rouen.
- Ravely, jardinier, à Rouen.
- L. Aladane, négociant, 85, coursdu Jardin Public, Borderux. Mesdames.
- Chevalier, Charles, née Thomas.
- Duforestesl, couturière, à Elbeuf-sur-Andelle.
- Peltier, couturière, id.
- Blondel, journalière, id.
- Delamare, débitante, id.
- Vve Lécuyer, débitante, id.
- Caron, débitante, id.
- Philippe, débitante, à Martinville.
- Mottin, journalière, à Saint-Denis-le-Thibout.
- Letondeur, nourrice, id.
- Lecomte, commerçante, à Ry.
- Duquesne, journalière, à Grainville-sur-Ry.
- Coulombier, Mélanie, veuve Dubar, propriétaire 4 rue de Rivoli, à Fives-Lille.
- Rousselle, aux Ventes sur Saint-Denis-le-Thiboult.
- Noël, Emile, à Rouen.
- Ravely. id.
- Lefébvre, à Mesnil-Perruel.
- L’administration du Devoir envoie gratuitement des Bulletins d’Adhésions aux principes d’Arbitrage international et de désarmement européen.
- Nos correspondants dévoués à la Propagande de la Paix sont priés d’écrire lisiblement les noms et adresses des adhérents.
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- Chemins de fer italiens
- Les journaux français publient avec beaucoup de détails les tripotages financiers, dont les chemins de fer italiens sont actuellement le prétexte ; et plusieurs oublient de faire remarquer que les dernières conventions votées par notre parlement ne constituaient pas une opération beaucoup plus délicate.Pendant que les chemins de fer italiens ont été la propriété de l’Etat, l’action gouvernementale a fait tous ses efforts pour faire désirer par l’opinion publique la remise à l’industrie privée des transports par voie ferrée. Le désordre dans l’administration, l’irrégularité de la marche des trains, tout ce qui pouvait concourir à établir l’incompétence de l’État a été systématiquement organisé par l’État lui-même; pendant ce temps, les financiers et leurs courtiers politiques préparaient les tripotages ordinaires de ces sortes d’affaires. Nous empruntons à Y Opinion une correspondance italienne donnant un aperçu de ces honteuses manœuvres :
- La question des conventions de chemins de fer se complique et menace de se terminer par un de ces scandales qui font époque et donnent le degré de la moralité politique du pays où ils se produisent.
- Hier, à la Chambre des députés, des révélations graves ont été faites, qui ont provoqué des scènes scandaleuses.
- Un député a demandé aux ministres s’il était vrai, comme on l’affirmait, qu’en outre des banquiers étrangers il y eût, dans l’affaire des chemins de fer, des députés et des sénateurs du royaume qui participent à des contrats, comme concessionnaires, et qui se préparent à voter comme hommes politiques.
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- Les ministres ont catégoriquement refusé de répondre. Ce qui prouve que la question était embarrassante. Et elle l’était, en effet, car il est avéré aujourd’hui ^que bon nombre de sénateurs et de députés se trouvent dans lès conditions signalées par l’honorable interrogateur.
- Dans les couloirs de la Chambre, on cite à haute et intelligible voix plusieurs noms, parmi lesquels ceux de trois députés et de deux sénateurs de la province de Rome, qui sont compromis dans l’affaire des conventions.
- On dit eneore que plusieurs députés, lorsqu’il s’est agi de nommer la commission, ont voté pour les commissaires favorables aux conventions, parce qu’ils étaient et sont engagés dans des opérations de Bourse sur des valeurs en rapport étroit avec ces conventions mêmes.
- Dans la même séance, M. Seismit-Doda, ex-ministre des finances, après avoir combattu les conventions présentées par le gouvernement, comme étant illégales, a révélé que, parmi les maisons de banque contractantes, il en est qui ont souscrit pour une somme supérieure à leur capital, se mettant — contrairement aux dispositions de la loi — dans- l’obligation de distraire ce capital des opérations de-change et d’escompte, pour lesquelles ces maisons ont été fondées.
- Devant des accusations aussi précises, les ministres se sont tus.
- Ils ne pouvaient guère, d’ailleurs, faire autrement. Le matin même, les financiers anglais avaient fait distribuer à tous les députés une brochure, dans laquelle, après avoir exposé les propositions par eux faites au gouvernement, ils racontent les négociations qui ont eu lieu à ce propos.
- Il résulte des documents contenus dans cette brochure que, dès octobre 1883, M. Depretis, président du conseil, a déclaré qu’il était disposé à entrer en négociations avec le groupe financier anglais ; que le contrat préliminaire pour la constitution de la société a été souscrit à Londres le 13 février de cette année ; que le ministre Genala déclarait, dans une lettre en date du 9 avril dernier, que les propositions anglaises seraient prises en considération ; et que le 29 du même mois, c’est-à-dire vingt jours après, il écrivait aux financiers anglais que le gouvernement avait conclu un traité avec des banquiers italiens. - ' -1
- Il ressort, en outre, que les propositions anglaises sont beaucoup plus avantageuses pour l’État italien que celles qui ont été acceptées par le ministère.
- La brochure termine par une déclaration des financiers anglais affirmant qu’ils maintiennent leurs propositions et qu’ils sont prêts à verser le cautionnement que le gouvernement demandera.
- On s’imagine aisément l’impression que la lecture de cette brochure a faite sur les députés...Pour le ministère, cette publication a été un coup de foudre. Dans les couloirs de la Chambre, elle a fait l’objet de toutes les conversations et donné lieu à des discussions fort vives.
- Vers la fin dç la séance, il s’est produit dans la salle des Pas-perdus un incident grave et caractéristique.
- Le député Medoro Savini avait publié dans le Messagiero, contre les conventions, plusieurs articles qui avaient déplu au ministre des trayaux publics Genala, lequel, irrité, s’en allait disant partout : « Je m’étonne que M. Savini attaque les conventions avec tant de violence quand il vient chaque jour au ministère pour demander des faveurs. »
- M. Savini, à qui ces propos avaient été rapportés, ayant rencontré le ministre dans la salle des Pas-perdus, l’a brutalement interpellé en ces termes : « Rétractez immédiatement vos assertions ou je vous flanque mon pied au derrière, monsieur le ministre de mes savates. »
- Et M. Genala s’est rétracté, pour rendre hommage à la vérité, dit-il dans sa lettre.
- Sans l’intervention de plusieurs députés, les deux interlocuteurs en seraient venus aux mains.
- PÊCHE FLUVIALE
- Le Préfet de P Aisne croit devoir rappeler les dispositions d’une circulaire de M. le ministre des travaux publics du 25 septembre 1880, indiquant les époques pendant lesquelles la pêche est prohibée en vue de protéger la reproduction du poisson.
- Aux termes de Farticle 1er du décret du 10 Août 1875 la pêche est interdite du 15 avril au 15 juin.
- «Les prescriptions de l’article 1er de ce décret doivent re-« cevoir leur application dans les conditions suivantes . « l’interdiction a lieu du 15 avril exclusivement au 15 juin « inclusivement.
- Manuel d’hygiène générale et de Végétarisme
- par Édouard RAOUX
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- I
- Dégénérescence physique et morale. — Tableau synoptique de toutes les branches de l’hygiène générale. — Ministère de la santé publique. — Enseignement de l’hygiène dans toutes les écoles. — Moniteur officiel de la santé.
- II
- Hygiène alimentaire naturelle ou végétarisme.— Insalubrité et dangers de la nourriture animale. Nombreux motifs d’abstention. — Dangers des excitants qui accompagnent la zoo-phagie (condiments, boissons alcooliques, café, chimie culinaire, tabac, etc.). — Du faux végétarisme et de ses dangers. — Du véritable végétarisme et de ses avantages hygiéniques, thérapeutiques, moraux, intellectuels, économiques et sociaux. — Résultats religieux, conséquence des précédents. — Importance toute spéciale de ce régime pour l’enfance et la jeunesse. — Expériences remarquables dans les Orphelinats d’Albani, en Amérique, et de Speieher, en Suisse (1836-39, 1872-75). — Objections et réponses.
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- S’adresser à M. G0D1N, fondateur du Familistère de Guise (Aisne).
- État-civil du Familistère
- Semaine du 2 au 8 Juin 1884.
- Naissance
- Le 8 juin de Gravet Blanche Marguerite, fille de Gravet Léon et de Louis Eugénie.
- “ Le Directeur-Gérant ; GO DIM,
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- LIBRAIRIE DIT FAMILISTÈRE DE GUISE (Aisne)
- BROCHURES DE PROPAGANDE
- ÉTUDES SOCIALES
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- La Réforme électorale et la Révision constitutionnelle
- Prix franco : 25 centimes
- Parmi les réformes pacifiques que le Devoir s’est donné pour mission de mettre en lumière afin d’en hâter l’avènement, figure au premier rang la constitution rationnelle des premiers pouvoirs de l’État.
- Or, le premier pouvoir dans une République démocratique, c’est le pouvoir du peuple se traduisant par le suffrage des citoyens. C’est donc dans le bon exercice du suffrage universel que se trouve les moyens de bien constituer les assemblées législatives et les pouvoirs publics.
- Le numéro du « Devoir » du 1 Juin 1884 est consacré à démontrer que les modes du suffrage pratiqués jusqu’à ce jour ont été le contraire de ce qu’il faut pour établir un réel exercice du droit souverain du suffrage universel. Ce numéro, en raison de son importance, a été converti en [brochure sous couverture spéciale ; il constitue ainsi le n° 2 de la série des Études sociales inaugurée par le numéro exceptionnel intitulé : Le Familistère de Guise, solution de la question ouvrière.
- L’administration du Devoir continuera à éditer cette série d’études, de façon à en 'faire une collection d’un grand mérite pour la propagande. Nous engageons nos lecteurs à ne pas perdre cela de vue et à con* server ces numéros.
- L’administration du Devoir, s’imposant les plus lourds sacrifices d’étude, de temps et d’argent pour mener à bonne fin cette propagande, nous comptons sur le dévouement de nos lecteurs. Ils peuvent nous aider dans notre tâche en propageant des numéros que nous leur enverrons franco contre le prix seulement du papier et du tirage. ___________
- N” 1. -- Le Familistère de Guise, solution de la question ouvrière.
- Le numéro 40 centimes. — 40 numéros 2 fr. 50
- N’ 2. - La Réforme électorale et la Révision constitutionnelle.
- Le numéro 25 centimes. — 10 numéros 2 francs
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- N° 3. -- L’Arbitrage international et le Désarmement européen.
- Un exemplaire 25 centimes. — 40 exemplaires 2 fr. — 100 exemplaires 15 fr.
- Nous avons actuellement en préparation l’Hérédité de l’État et la Mutualité nationale.
- Dans l’Hérédité de l’État nous établirons par des documents officiels quelles immenses ressourcés la société doit attendre de cette réforme, combien elle est juste, et qu’elle procure aux classes laborieuses une sécurité certaine en augmentant les garanties sociales en faveur des possesseurs de grosses fortunes.
- Dans la Mutualité nationale, nous analyserons les institutions susceptibles de garantir le droit à la vie à chaque citoyen, nous ferons l’évaluation des charges probables de ces institutions, et nous démontrerons combien il serait facile de les doter suffisamment en y consacrant une parti© des produits annuels de l’hérédité de l’État. ___________
- PORTRAIT DE H. GODIN, FONDATEUR DU FA1ILÏSTÈRE
- La librairie envoie franco, au prix de 1 fr., le portrait de M. G0D1N, belle gravure imprimée par la
- Maison Goupil de Paris.
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- 8' Année, Tome 8. — N* 302 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 22 Juin 1884
- LE DEVOIR
- BEVUE DES 0UESTI0NS SOCIALES
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- et réclamations
- France
- Union postale
- doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- Un an ... 10 fr. »» Six mois. . . 6 »» Trois mois. . 3 »»
- Un an. . . . 11 fr.»» Autres pays
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- A PARIS
- S, rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- La Révision et les politiciens. — Suffrage des femmes.
- — L’opinion publique et le Familistère.—Propagande de la paix. — Le 16e congrès annuel des coopérateurs anglais. — Aphorismes et préceptes sociaux. — Faits politiques et sociaux. — Erreurs ministérielles.
- — Les deux médecins.
- AVIS
- Le joural « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- — —
- LA RÉVISION ET LES POLITICIENS
- L’esprit public, en France, est impuissant à se relever de l’affaissement. subi pendant la durée du troisième empire. La jeune génération a accepté t indifférence à laquelle on avait sévèrement plié ses ascendants.
- Une question vitale, la Révision de la Constitution, ne parvient pas à donner quelque vigueur à ta partie dirigeante de la nation.
- Les tentatives coupables des gouvernants, la Mollesse de l’opposition trouvent un public froid,
- lorsque la nation devrait se montrer furieuse des audaces anti-démocratiques des premiers et des petitesses des prétendus révisionnistes sincères.
- On s’étonnera ensuite des projets de séparation des classes, mis en avant par ceux que révoltent tant de complicités contre la souveraineté du peuple. Si les classes dirigeantes continuent, il deviendra inutile pour les partis avancés de chercher à les mettre hors la nation ; elles auront elles-mêmes préparé leur déchéance. Elles devraient réfléchir qu’un de ces revirements, si communs en politique, peut donner le pouvoir à des hommes qui profiteront des mauvaises lois pour déplacer les privilèges au lieu de les détruire, qui feront des heureux d’aujourd’hui les parias de demain. Ne vaudrait-il pas mieux écarter ces tristes éventualités en faisant une Révision suivant les lois de la justice et du droit populaire ?
- Mais la justice et la souveraineté du peuple sont systématiquement repoussées par ceux qui détiennent le pouvoir comme par ceux qui aspirent à les remplacer. On en trouve la preuve dans la manière dont ils envisagent et préparent la Révision constitutionnelle.
- Ce qu’il fallait faire était cependant chose bien évidente.
- Les nombreuses lettres que nous avons reçues relativement à cette question peuvent toutes se résumer dans cet extrait que nous tirons d’une correspondance de M. Baggio, de Carvin, datée du 5 Avril 1884. M. Baggio s’exprime ainsi :
- « 1° Puisqu’il faut réviser ;
- « 2° Puisqu’il est également indispensable
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- « de réviser en connaissance de cause ;
- « 3° Puisque les avis sur l’ensemble et sur « les détails de la révision sont si divers ;
- « 4° Puisque enfin nous sommes en régime a de suffrage universel et qu’au suffrage uni verse | « appartient seul de décider la révision qu’il veu « avoir.
- « Que tous les politiques et socialistes de « toute nuance exposent, chacun, comment dans « sa pensée doit se faire la révision, ce que la « nouvelle constitution devra contenir.
- « Et lorsque toutes les questions que la « révision comporte auront été suffisamment « débattues, lorsque de cette discussion sortira « clairement pour la masse ou au moins pour ses « chefs de file l’ensemble des institutions nouvelles à « établir, les cahiers des électeurs les formuleront ; * les constituants auront une règle pour diriger « leur œuvre, les électeurs en auront également « une pour déterminer leur contrôle. »
- Il est évident que s’il existait un seul parti voulant la révision pour remanier les lois organiques suivant la volonté du peuple souverain, il ne pourrait procéder autrement que cela vient d’être dit. Mais aucun des groupes ne paraît avoir demandé la révision avec l’intention d’améliorer la situation.
- On est tenté de penser que l’opposition s’est servie de la révision pour en faire une arme destinée dans son esprit à renverser le ministère.
- Après les résistances du gouvernement, on est en droit de se demander s’il veut sincèrement même la révision limitée; on est porté à croire qu’il a cherché simplement à arracher cette arme des mains de ses adversaires pour la retourner contre eux afin de mieux se perpétuer au pouvoir.
- Voilà comment nous sommes arrivés à la veille d’un Congrès, lorsqu’on aurait dû constituer une Assemblée nationale.
- Avant d’apprécier la conduite du ministère et de la majorité de la Chambre, il n’est pas inutile de lire les articles des lois organiques prévoyant les cas de réunion des deux Chambres et particulièrement ceux visant la Révision.
- Voici le texte de ces articles :
- Art. 2.— Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et parla Chambre des députés réunis en Assemblée Nationale.
- Art. 8.— Les Chambres auront le droit, par délibérations séparées, prises dans chacune à la majorité absolue des voix, soit spontanément, soit sur la demande du Président de la République, de
- déclarer qu’il y a lieu de réviser les lois constitutionnelles.
- Après que chacune des deux Chambres aura pris cette résolution, elles se réuniront en Assemblée Nationale pour procéder à la révision.
- Art. 11.— Lorsque les deux Chambres se réunissent en Assemblée nationale, leur bureau se compose des présidents, vice-présidents] et secrétaires du Sénat.
- Le mot Congrès n’existe même pas dans aucun article de la constitution. Chaque fois que la Constitution parle d’une réunion des deux Chambres, c’est toujours sous le nom* d'Assemblée Nationales.
- Il ne faut pas croire qu’il y ait simplement chicane de mots.
- Les idées d’Assemblée nationale et de limitation des pouvoirs de cette assemblée étaient absolument inconciliables. Cette limitation, dans une Assemblée nationale, serait une négation formelle de la liberté de la souveraineté d’une assemblée ayant pleins pouvoirs au nom de la nation.
- En comparant les art, 2 et 8, l’un s’appliquant à la révision, l’autre à la nomination du Président de la République, on voit que dans les deux cas il s’agit du même mode de réunion des deux Chambres. Comment pourrait-on admettre la possibilité de restreindre les droits d’une Assemblée nationale lors de la nomination du Président de la République? Comprendrait-on le ministère, à la veille du renouvellement du pouvoir présidentiel, venant proposer aux Chambres de les réunir en Assemblée nationale, souscondition qu’elles excluent d’avance des chances de l’élection des candidats désagréables ?
- Une pareille prétention ne serait jamais admise.
- On ne fait pourtant pas autre chose dans la question de la révision.
- Mais n’osant faire à la nation l’injure brutale de demander la limitation des pouvoirs d’une Assemblée nationale, on organise un Congrès, sorte de castration parlementaire de la constitution, malgré l’honnêteté, contre tout droit.
- Le gouvernement n’a pas le droit de faire un Congrès ; les députés n'ont pas le droit de le voter; l’opposition n’a pas le droit d’y assister, à moins que sa présence soit une incessante protestation.
- Le gouvernement, les Chambres, les députés ministériels ou opposants, n’on qu’un droit : ss réunir en Assemblée nationale. En agissant autrement ils violent la constitution ; ils font un acte révolutionnais, ils se mettent hors la loi.
- Allons nous avoir la honte d’une Assemblée na"
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- tionale qui ne sera pas maîtresse de son ordre du
- Jour?
- Les ministres et les députés acquis à cette politique devraient se rappeler que Louis XVI n’en demandait pas davantage aux États-généraux.
- L'homme public qui accepte cette situation perd toute raison de faire des remontrances aux partis extrêmes assoiffés de violences révolutionnaires.
- Néanmoins on ne peut douter de l’attitude soumise des politiciens des deux Chambres. On dirait même qu’ils ont renoncé à la lutte. En face des hommes au pouvoir, sentant leur faiblesse relative, sur le terrain de la ruse, de l’intrigue et des tripotages , ils paraissent ne plus s’inquiéter de renverser leurs maîtres, pourvu qu’on leur laisse une bribe de semblant d’autorité, dans une commission d’enquête quelconque.
- Notre sévérité n’est pas excessive. Pouf justifier l’opposition et n’importe qu’elle fraction de la Chambre, personne ne peut citer un groupe parlementaire, même un député, ayant pris à cœur la question de la Révision, s’étant préoccupé de faciliter les consul tatipns des électeurs en étudiant les divers projets de révision mis en avant par quelques hommes de bonne volonté et en intéressant la masse à cet ordre, d’idées. Les plus, dévoués n’ont pas fait davantage que défendre faiblement leurs idées personnelles.
- On ne peut tenir compte de quelques personnalités qui ont exploité bruyamment la révision, juste assez pour se mettre en évidence, sans se soucier de faire avancer la question.
- De nombreux publicistes, des penseurs; se sont donné la peine d’écrire d’excellentes propositions, de les appuyer d’arguments solides ; et Tonne peut citer un seul homme politique, un seul journal qui ait tenté de fixer l’opinion publique sur des sujets aussi républicains. Cela aurait diminu é la place réservée aux récits des exploits de Campi, des contorsions des horizontales en renom, dés folies du turf. ; ’ !
- L’administration du Devoir ' a édité un numéro exceptionnel rédigé par M.Godin,entièrëment consacré à l’étude de la révision; elle a pris la peine d’en faire distribuer, à. domicile, neuf cents exemplaires aux sénateurs et aux députés, d’en envoyer deux exemplaires à chaque journal quotidien de Paris, et au secrétariat de la ligue révisionniste, Uü silence général a accueilli l’acte patriotique de ^L Godin ; car il y a patriotisme, à l’heure où s’agite une question nationale, de délaisser ses occupations ordinaires, ses intérêts privés, pour dire ce
- que l’on croit avantageux àlaprospéritédesonpays.
- Cela dérangeait peut-être les combinaisons des politiciens qui veulent rester maîtres dans les choses politiques comme les curés entendent commander dans leurs églises. Ou bien craignent-ils que le peuple convaincu de la vérité de sa souveraineté, éclairé sur les moyens pratiques de la faire prévaloir, les réduise au rôle de serviteurs ? Soit crainte de la concurrence, soit volonté de perpétuer l’ignorance du peuple, le silence a été unanime dans le camp des politiciens.
- Nous ne dirons pas ici que le travail de M. Godin est au-dessus de toute critique ; mais, incontestablement, il mérite d’avoir les honneurs d’une discussion sérieuse et d’une étude approfondie; car, on ne peut nier qu’il attaque la question dans le vif, en démontrant, dès le début, que la constitution ne doit pas seulement contenir des lois organiques,mais qu’elle doit affirmer les principes destinés à servir de critérium au gouvernement.
- Pour combler cette lacune et réparer ces défauts d’origine, le véritable souverain, seul, le peuple, a le droit d’y introduire des modifications.
- Y a-t-il un républicain qui puisse nier la vérité de cette affirmation?
- Aussi, après l’avoir nettement établie, U. Godin se préoccupe surtout de chercher les conditions propres à mettre le suffrage en possession de lui-même, c’est-à-dire à le placer au-dessus des su -prises des politiciens, en garantissant à ses délégations une existence permanente et en leur donn&:::t la possibilité de réaliser les réformes constitutlèi-.-nelles et legislatives dès qu’elles sont désirées . le peuple.
- Ce deuxième point n’est pas plus contestable que le premier ; une souveraineté n’est réelle que d’autant qu’elle est permanente et puissante, que d’autant qu’elle dure et qu’elle peut.
- Comme moyen de rendre permanente la souveraineté nationale, M. Godin indique les Assemblées perpétuelles des corps élus : résultat qu’il est facile d’obtenir en divisant les membres des corps élus en deux catégories, renouvelables chacune à époque différente.
- Et pour donner au souverain la possibilité d’obtenir en tout temps les réformes souhaitées, M.Go-din propose de limiter la durée des mandats à deux ans, et|de renouveler chaque année la moitié des corps élus. Il n’est pas contestable encore que ce système assure les avantages cherchés.
- Tout le problème s’arrêterait là, si le souverain était une chose une, personnelle; mais il esf un
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- être collectif formé par la réunion d’un grand nombre d’unités égales, et son action générale ne peut s’exercer d’une manière régulière et juste, si chacune des unités qui le composent ne fonctionne au même titre que toutes les autres, avec une égale liberté.
- Le projet de M. Godin atteint ce but; il donne l’égalité de vote à chaque électeur en permettant à tous de voter pour un même nombre de candidats et de se prononcer sur tous les intérêts généraux du pays, en laissant aux conseils d’arrondissement et au conseils généraux les affaires d’intérêt local.
- Ges intérêts généraux sont classés actuellement en un certain nombre de catégories, correspondant chacune à un ministère. Il est facile de comprendre que si chaque électeur vote pour un nombre de candidats égal au nombre des ministères, il aura la facilité de se prononcer sur chaque catégorie d’intérêts nationaux, s’il choisit parmi les notoriétés celles qui sont connues, par leurs antécédents, comme les plus capables dans chaque spécialité. Et pour avoir la certitude que l’électeur ne se laissera pas égarer par les intérêts de clocher , on ne pouvait pas mieux proposer que le scrutin de liste national.
- En résumé le projet de M. Godin place, au sommet de la révision, la réforme électorale destinée à mettre le suffrage universel en possession de la souveraineté nationale ; il fonde la permanence de cette souveraineté par le renouvellement partiel des assemblées ; sa puissance effective, par la réduction de la durée du mandat à deux ans et par _les élections annuelles de la moitié de tous les corps élus; la prépondérance des intérêts généraux sur les intérêts de clocher, par le scrulin de liste national ; l’égalité des électeurs, parla faculté laissée à chacun de voter pour un même nombre de candidats ; la plénitude de chaque électeur à faire acte de souverain, en égalisant le nombre des candidats de chaque liste au nombre des intérêts généraux.
- Les conditions énumérées par >M. Godin, comme étant celles du suffrage universel, sont irréfutables; les moyens pratiques qu’il propose atteignent le but.
- Il incombait aux hommes publics et à la presse d’examiner si ces moyens étaient soit les seuls, soit les meilleurs.
- On ne veut faire ni l’un ni l’autre.
- Cette abstention, cette conspiration du silence sont une preuve attristante de la mauvaise volonté, de la déloyauté, de la corruption des mœurs politiques.
- lies hommes de cœur, les patriotes, ceux qui veulent désarmer la révolution parla réforme, doivent s’inspirer de ces faits pour comprendre combien il est urgent qu’ils s’organisent pour agir contre le monopole des politiciens.
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- Le Suffrage des Femmes
- La question du droit politique des femmes a été de nouveau discutée en Angleterre, à la Chambre des communes, à propos du projet de loi d’extension du droit de suffrage parmi les citoyens.
- Le premier amendement, présenté par M. Grantham, député conservateur, avait pour objet la définition de qualités spéciales entraînant dans les bourgs et départements le droit de vote aux élections parlementaires pour « toute personne » j ustifiant des qualités requises.
- Le deuxième amendement, présenté par M. Woodhall, était ainsi conçu :
- « Dans tous les cas ayant trait au droit de vote pour les « élections parlementaires, les mots qui dans les Actes de « représentation du peuple s’appliquent aux hommes « s’appliqueront aussi désormais aux femmes. »
- Le troisième amendement fut présenté par M. Biddell, député conservateur. Ce député demandait que l’amendement de M. Woodhall au lieu de se terminer par les mots : « s’appliqueront aussi désormais aux femmes » se terminât par ceux-ci : « s’appliqueront aussi désormais aux femmes seules ou célibataires. »
- Les partisans du droit politique des femmes espéraient fermement que le résultat final aurait été l’adoption de mesures pratiques étendant aux femmes, dûment qualifiées, le bénéfice de la nouvelle loi de franchise électorale.
- Malheureusement ,M. Gladstone n’était pas favorable au projet. Il l’exprima nettement et contribua pour une forte part sans doute à la décision du Parlement. Celui-ci, à la majorité de 271 voix contre 135 écarta, pour l’instant du moins, la reconnaissance du droit politique des femmes.
- Il est à noter que le droit politique des femmes trouve aujourd’hui des partisans jusque dans les rangs des conservateurs ; et il est bien triste de voir un homme comme M. Gladstone s’opposer aux mesures qu’en sa qualité de libéral il devrait être le premier à proposer.
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- Nous lisons dans le Petit Parisien :
- Parmi les élections municipales qui viennent d’être annulées par les Conseils de Préfecture, la plus originale est, sans contredit, l’élection d’Houquetot. Dans cette
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- petite commune, appartenant à la Seine-Inférieure et qui compte environ trois cents habitants, une femme avait obtenu, au premier tour de scrutin, un chiffre de voix dépassant la moitié des suffrages exprimés. Elles eût donc été valablement élue et eût pu siéger régulièrement, si la loi, très formelle sur ce point, n'eût positivement refusé aux femmes l’éligibilité aussi bien que l’électorat.
- Faut-il voir dans cette aventure une simple farce de gars normands en velléité de narguer le suffrage universel ?
- Nous ne le pensons pas, car, d’une part, il s’agit d’une commune républicaine, et, de l’autre, les farces de ce genrefont bien d’ordinaire, quand elles se produisent, lajoie de quelques amateurs de mystification, mais il est sans exemple quelles aient rallié la majorité d’un collège électoral. Les électeurs d’Houquetot auront voulu rendre un hommage spontané à une femme dont ils appréciaient tout particulièrement l’intelligence et le dévouement à la chose publique, — à moins qu’ils ne se soient tout simplement mis en tête de protester contre la loi qui interdit aux femmes l’accès des assemblées municipales.
- Dans l’une et l’autre hypothèse, la manifestation revêt une véritable importance.
- Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’il s’en produit de semblables: aux élections de janvier 1881, trois dames de la commnue de Thorry (département de Meurthe-et-Moselle) furent candidates et recueillirent un nombre très respectable de suffrages, — ce dont elles remercièrent publiquement les électeurs par une lettre fort bien tournée et qui fut, en ce temps-là, très sympathiquement commentée par la presse.
- Et puisque nous parlons de précédents, rappelons un fait bien curieux et qui, pour être assez généralement ignoré, n’en est pas moins d’une authenticité certaine: c’est qu’autrefois et pendant de longs siècles, dans toute une vaste région de notre pays, les femmes ont pu, en vertu du droit coutumier, faire partie des conseils municipaux.
- Cette extension aux femmes du droit de suffrage, que bien des gens combattent encore aujourd’hui comme entaché d’esprit révolutionnaire, apparaît ponr la première fois dans la «loy ou coutume de Beaumont », promulguée ^ y a un peu plus de sept cents ans et qui, de Beanmont-en-Argonne, se répandit bientôt dans tout l’Est, dans tout le Nord, passa jusque dans les pays basques. La « loy de Beaumont » prescrivait que les veuves, les filles ayant leur ménage et les femmes mariées, en l’absence de leurs roaris, pourraient prendre part aux délibérations et aux votes. Ce régime était encore en vigueur dans des centaines de villes et de communes à la fin du dix-huitième siècle.
- On sait que les législateurs modernes se sont montré SUr ce terrain beaucoup plus circonspects. Cependant, la question du' droit d’électorat et d’éligibilité des temmes
- n’est pas — tant s’en faut — irrévocablement tranchée par la négative.
- Sans doute on ne saurait encore dire qu’il existe en France un considérable mouvement d’opinion tendant à l’introduction des femmes dans les assemblées législatives. Bien qu’aucune objection de droit ne soit et ne puisse être théoriquement oposée à cette mesure radicale, il est assez généralement entendu que, brusquement introduite d ans la pratique, elle aurait des inconvénients assez graves; mais il est raisonnable de penser, et beaucoup d’excellents esprits pensent, en effet, qu’en limitant d’abord les essais à un certain nombre de fonctions spéciales et en procédant ensuite par extensions successsives, il sera possible de faire aux femmes, dans la vie publique, la part à laquelle elles ont droit.
- Déjà, en France, les femmes sont éligibles aux Comités scolaires qui nomment les instituteurs et les institutrices.
- La nécessité d’agir vite et de promulguer san s retard une loi impatiemment attendue, a seule fait ajourner — on s’en souvient — l’attribution auxfemmesdu droit de voter dans l’élection des juges de commerce. Mais une loi complémentaire est promise qui donnera aux intéressées cette satisfaction légitime. Voilà déjà un bon commencement.
- Pourquoi n’irait-on pas plus avant dans cette voie? Il * est certain que bien des intérêts publics rentrent dans la compétence des femmes. De toute façon, il n’en faut pas douter, plus nous irons, plus la démocratie s’affermira, plus disparaîtront les vieux préjugés, et plus s’étendra la part faite aux femmes dans notre vie sociale.
- L'Opinion publique et le Familistère.
- L’œuvre du Familistère prend chaque jour un peu plus de place dans les préoccupations publiques, grâce aux bons procédés de quelques publicistes assez indédendants pour se dégager des intérêts des coteries politiques.
- En Ang!eterre,commeonle verradans le compterendu du Congrès des coopérateurs, quatre orateurs ont successivement engagé les sociétés à organiser leurs industries d’après les données de M. Godin.
- Le Temps a reconnu en cette circonstance que la popularité du fondateur du Familistère était grande parmi les coopérateurs anglais.
- En France, nous avons eu la satisfaction de voir l’œuvre comprise et approuvée par l’un des plus brillants écrivains de la presse parisienne. M. Au-rélien Scholl a publié dans l'Evénement un chaleureux article inspiré par la lecture de notre numéro exceptionnel.
- Il y a quelques jours, YHôtel-de-'Villeudonnait, sous la signature de M. Destrem, un long article analysant les institutions du Familistère et leurs données théoriques.
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- Le Petit Parisien et le Radical de la Drôme ont aussi publié d’excellentes appréciations.
- Les hommes qui agissent ainsi deviennent les collaborateurs de cette fondation, parce qu’ils en ont compris la véritable portée. Le Familistère de Guise n’est pas une enrreprise^ privée ; il est un exemple de progrès social donné à l’humanité.
- Ceux qui ont acquis à juste titre par leurs talents et. les services rendus le privilège mérité d’être écouté du public ne peuvent mettre leur influence m service d’une cause plus humanitaire.
- PROPAGANDE DE LA PAIX.
- Dans sa dernière réunion, le Comité de Paris de la Fédération internationale de l’Arbitrage et de la Paix a reçu communication de la copie d’une lettre éloquente adressée àM. F. de Vasseps par le Comité anglais. Cette lettre rappelle les services si importants rendus à l’humanité par M. de Lesseps, et elle invite celui-ci à assister au Congrès de Berne et à présider une des séances publiques. Le Comité de Paris se joindra au Comité anglais pour inviter M. de Lesseps, au Congrès de Berne.
- Le Comité de Paris a reçu de M. Hodgson Pratt une lettre fort encourageante. La Fédération internationale a l’assurance de pouvoir recueillir des fonds suffisants pour tenir le Congrès. Elle s’occupe de l’impression d’une lettre d’invitation qui sera traduite en plusieurs langues et adressée à tous les membres des divers parlements, aux jurisconsultes, aux publicistes et en général à toutes les personnes connues comme disposées à appuyer le principe de la Paix et de l’Arbitrage.
- Les fonds recueillis par le Comité anglais sont absorbés par les premiers frais du congrès à Berne. Les autres comités des différentes nations ont à pourvoir aux frais de la propagande dans leurs pays respectifs. Le comité de Paris adresse donc un appel chaleureux à ses adhérents pour que ceux-ci fassent parvenir leurs cotisations à la trésoriére du Comité, 37, rue Brochant.
- 16e Congrès annuel des COOPÉRATEURS ANGLAIS
- Résumé des documents fournis par le « Coopérative, » de Manchester.
- I
- Bien que le congrès ait en lieu, à Derby, les 1, 2 et 3 juin, on pourrait dire qu’il a commencé le 30 mai à Leicester. En effet, les chefs du mouvement coopératif et un grand nombre de délégués se trouvaient réunis ce jour là, à Leicester,
- pour l’inauguration des agrandissements de la Société coopérative de fabrique de chaussures. D’importants discours furent prononcés à cette occasion.
- Les questions qui ont principalement occupé le congrès sont les suivantes :
- 1° La répartition des bénéfices entre le capital et le travail ;
- 2° Le reserrement du lien entre les Sociétés coopératives et les Trades-Unions ;
- 3° L’augmentation ou la constitution, dans chaque société, d’un fonds commun destiné à l'éducation des membres et à la propagande des principes;
- 4° La coopération agricole ;
- 5° L’emploi des capitaux surabondants ;
- 6° Le principe économique de la coopération.
- Voyons maintenant ce qui a trait à chacun de ces points principaux.
- 1° La répartition des bénéfices entre le capital et le travail.
- La question de répartition des bénéfices entre le capital et le travail a d’abord fait l’objet du discours d’ouverture prononcé le lct, à Derby, par M. Sedley Taylor, professeur à Trinity collège, Cambridge.
- Ne pouvant donner ce discours in extenso, nous en relèverons les points les plus saillants :
- « Bien que le système de répartition des bénéfices entre le capital et le travail soit repoussé à première vue par la généralité des patrons, petits ou grands, chacun d’eux, cependant, proclame que le régime industriel auquel tend invinciblement la société actuelle sera basé sur ce mode de répar-tion............................................
- « La répartition des bénéfices entre le capital et le travail ne change rien aux modes usuels de rétribution journalière de la main-d’œuvre. Le travail continue de s’accomplir pour un prix fixé soit à la journée, soit à l’heure ou à la pièce; seulement, à la fin de l’exercice industriel, si des bénéfices sont réalisés, une part de ces bénéfices est allouée aux travailleurs, en sus des salaires ou appointements reçus par eux pendant l’année. Généralement, la part revenant ainsi à chaque travailleur est proportionnelle au montant de ce qu’il a gagné pendant l’année, en travaillant à l’heure, à la journée, à la pièce ou au mois.
- « L’essence du système est de donner au travailleur un intérêt direct au résultat final de son travail.......................................•
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- « Aucun des modes de rétribuer le travail, en dehors de la participation aux bénéfices, n’attache sérieusement l’ouvrier au perfectionnement de la fabrication. Il se contente de soigner le produit dans la mesure nécessaire pour le faire accepter par les surveillants du travail.
- « La participation aux bénéfices élargit les perspectives de l’ouvrier. Elle relie d’une façon essentielle l’intérêt du travailleur et la prospérité ‘du chef d’industrie. Aussi pousse-t-elle au perfectionnement des procédés, à la recherche, à la divulgation des inventions utiles, des idées nouvelles, à l’installation de toutes les mesures propres à soutenir la concurrence, à entretenir l’activité de l’industrie. Sous le régime de la participation, les ouvriers s’empressent, chacun en ce qui concerne son office, de communiquer ses idées utiles aux chefs qui peuvent les mettre en application.
- « Outre ces sources considérables d’élévation de bénéfices, il y a les économies de détail réalisées sur les frais généraux par la cessation des négligences et des déperditions sans nombre dont souffrent, aujourd’hui, toutes les maisons d’industrie.
- « 8ous le régime de la participation du travail aux bénéfices, l’ouvrier s’exerce avec la même assiduité, le même soin, la même intelligence, la même économie, la même prévoyance que s’il travaillait directement pour son compte................... . .
- « Le patron gagne, en outre, la cessation des hostilités entre son personnel et lui. Il cesse d’être sous le coup de demandes d’élévation de salaires quand le travail est le plus pressant; il n’a plus à redouter les grèves, parce que le personnel sait qu’il aura sa part légitime des profits accumulés pendant l’année. »
- M. Taylor cite ensuite diverses maisons qui font participer le travail aux bénéfices :
- « La maison Billon et Isaac, Suisse, manufacture de boîtes à musique, compte d’abord 6 0/o d’intérêt au capital ; puis fait la part du fonds de réserve et celle des caisses de prévoyance ; après quoi, elle divise les bénéfices nets en deux parts égales : l’une pour les actionnaires, l’autre pour les travailleurs.
- « La part afférente aux travailleurs est allouée à chacun des ayants droit proportionnellement au montant de ses gains. Moitié de la somme revenant à chacun est payée en espèces ; l’autre moitié entre dans le fonds social pour l’achat graduel d’actions de cent francs chacune, achat qui donne au travailleur droit de vote dans les assemblées générales.
- « De 1871 à 1881, la somme totale prélevée
- chaque année sur les bénéfices en faveur du travail a été de 15 pour cent du montant des salaires ou appointements. Le nombre des participants était de 100.
- « Les actionnaires et les travailleurs proclament, chacun de leur côté, leur entière satisfaction de l’explication de ce système, élément de justice d’harmonie et de paix. »
- M. Taylor parle ensuite de l’enquête faite par le Gouvernement français sur la même question d’organisation du travail, et cite les dépositions des maisons: Marquot et*Cie, successeurs de Leclaire et Cie ; de Courcy ; Chaix ; de Lesseps ; Laroche-Joubert, etc. Il cite également la maison du Bon-Marché, de Paris. Puis revenant à ce qui se passe en Angleterre il signale à l’attention des coopérateurs le système de répartition des bénéfices entre le capital et le travail, pratiqué par l’association coopérative de décoration, de Londres, dont une femme Melle Hart est secrétaire, et qui compte, parmi ses directeurs, M. Acland, un des plus dévoués partisans de la coopération. Les maisons Cassell, de Londres, et Tangye, de Birmingham,offrent aussi,selon l’orateur,des systèmes de répartition de bénéfices dignes d’examen.
- Serrant de plus près la question d’application du principe, M. Taylor a vivement engagé les coopérateurs à prêcher d’exemple, en instituant eux-mêmes dans les industries fondées avec leurs propres capitaux, la répartition des bénéfices entre le capital et le travail.
- Après avoir démontré les dangers sociaux du système industriel en vigueur, où l’ouvrier n’est considéré que comme une machine de production, il ajouta : « Les classes laborieuses acquièrent rapidement une instruction suffisante pour juger elles-mêmes des questions industrielles; elles s’organisent en sociétés ; leurs voix auront de plus en plus d’influence sur les directions politiques. Pas un seul instant jusqu’ici elles n’ont admis et jamais elles n’admettront aucun arrangement social qui ne reconnaisse pleinement la dignité humaine inhérente au travailleur. »
- Au cours de la discussion qui suivit ce discours, M. Hines félicita M. Taylor « de s’être abstenu de l’informe expression « gratification » qui entraîne l’idée de don ou d’aumône, et d’avoir usé des termes « répartition des bénéfices entre le travail et le capital » qui entraînent, au contraire, l’idée de droit et d’équité. » -
- La même pensée fut exprimée par M. Holyoake qui,en félicitant M.Taylor, déclara » qu’abstraction
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- faite de son important discours, le Président eût bien mérité du congrès rien que pour avoir remplacé le misérable terme de gratification par celui de répartition des bénéfices entre le capital et le travail. »
- Sur la proposition de notre excellent ami,M.Ed. Vansittart Neale, la publication en brochure de propagande du discours de M.Taylor fut votée par le congrès.
- M. O. E. Greening, de Londres, traita également de la répartition des bénéfices entre le capital et le travail, dans plusieurs discours : l’un prononcé, l’avant-veille du congrès, à Leicester, à l’occasion de l’ouverture des nouveaux ateliers de la Société coopérative de production de chaussures ; les autres prononcés à Derby, au congrès même.
- Dans le premier de ces discours, M.Greening fit ressortir que la grande société de production, de Leicester, prenait vainement le titre de coopérative, qu’en réalité elle ne méritait pas plus que bien d’autres sociétés cette qualification, puisque le travail n’y avait aucun droit de participer aux bénéfices'.
- « Au Familistère de Guise, France,» dit M.Greening, « on peut voir une véritable société coopérative. L’établissement était autrefois possédé par un patron, M. Godin. Mais, depuis quatre ans, M. Godin a transformé en réel établissement coopératif de production ses usines qui occupent 1.200 ouvriers. Le capital fourni par le fondateur reçoit 5 pour cent d’intérêt. M. Godin touche, en outre, des appointements comme directeur, et il a, en sus, comme tous les autres travailleurs, une part de bénéfices proportionnelle à ses appointements.
- « Dans un numéro exceptionnel du journal « Le Devoir » qui est le « Coopérative News » français, j’ai vu qu’en l’espace de quatre années les travailleurs du Familistère étaient devenus, par leurs droits de participation aux bénéfices, possesseurs du fonds social pour une somme de 1,969,000 francs. Ils avaient, en outre, touché en espèces comme intérêts de leurs capitauxla somme de 185,000 francs. Mais ce n’est pas tout : ils avaient versé dans les çaisses d’assurance contre le besoin en cas de maladie ou autres accidents 312,000 francs ; et ils avaient dépensé pour les services d’éducation et d’enseignement 100,000 francs. La somme totale de leur part de bénéfices s’élevait donc à 2,566,000 francs !
- « Peut-être, dira-t-on,devant un tel résultat, que l’association ne payait pas les salaires au taux usuel. Eh bien, les salaires payés sont tellement
- | au-dessus du niveau commun que s’ils étaient éten-j dus à toute la France, ils augmenteraient la con-commation des choses de première nécessité par les travailleurs de
- 7,322,000,000, de francs !
- « La moyenne des bénéfices annuels après paiement de ces hauts salaires était de 1,000,000. Tels sont les fruits de la paix et de la concorde sociales dans un véritable établissement coopératif. Si un anglais est aussi bon que dix français et chacun sait qu’il en est ainsi », ajoute finement l’orateur au milieu des rires de l’auditoire, « nous ne pouvons donc faire mieux que d’appliquer le plan du français dans notre manufacture coopérative de Leicester et d’en tirer dix fois plus d’avantages encore. »
- Un second discours sur cette question de répartition des bénéfices entre le capital et le travail fut prononcé le lundi soir, à Derby, par M. Greening, et donna lieu à une longue discussion entièrement favorable au système de la production coopérative.
- Un comité fut alors constitué et des fonds furent votés. Le comité a charge de vulgariser les vrais principes de la participation du travail aux bénéfices de la production, afin d’arriver à en généraliser l’application.
- (à suivre.)
- APHORISMES ET PRÉCEPTES SOCIAUX
- XXXXIII
- Libre échange
- Les douanes à la frontière des nations sont une réminiscence de l’absurde régime des péages et des contributions qu’on exigeait en France entre les différentes provinces du pays sous la féodalité.
- Les douanes sont une perception d’impôts faite au détriment du peuple puisqu’ lies ont pour conséquence de lui faire payer plus cher ce qu’il a besoin de consommer. Les douanes comme les impôts indirects sont contraires aux intérêts du peuple.
- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- Sénat. — Monsieur Naquet, comprenant quelle influence exerce sur les sénateurs la perspective d’une discussion prochaine du mode de leur recrutement, a décidé le sénat à accepter la deuxième lecture de la loi sur le divorce avant la réunion du congrès. Les sénateurs n’oseront revenir sur leurs
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- LE DEVOIR
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- premiers votes par crainte de provoquer un mécontentement général peu favorable à la conservation du suffrage restreint.
- *
- * *
- La Chambre. — L’acharnement du ministère à faire adopter des exemptions en faveur des classes aisées a jeté la Chambre dans un désarroi général qui la met dans l’impossibilité d’aboutir. Jamais on a vu pareille confusion dans des débats parlementaires. La réduction de la durée du service militaire à trois ans a remis à l’ordre du jour la question des sous-officiers ; cette question si simple qui est l’objet de si longues controverses n’est pas prête à recevoir une solution. Civils et militaires continuent à réclamer de bons sous-officiers sans se préoccuper d’assurer à ces braves citoyens une bonne situation. Que l’on accorde aux sous-officiers une paie plus élevée que celle des capitaines, et l’on ne manquera pas de sujets.
- La Chambre vient de repousser des demandes en autorisation de poursuites contre deux de ses membres accusés de manœuvres financières peu délicates. Pourquoi ce refus. On ne saurait outrager avec plus de cynisme les lois, la magistrature et le parlementarisme. Que penser de législateurs qui montrent une pareille peur de la magistrature et des lois qu’ils votent ?
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- ¥ *
- La Conférence. — Tous les journaux annoncent l’entente définitive de la France et de l’Angleterre en vue de la conférence devant régler les affaires égyptiennes. Les deux gouvernements communiqueraient aux parlements les bases de cet accord au commencement de la semaine prochaine.
- *
- * *
- Le Conseil municipal de Paris. — À entendre parler les radicaux du conseil municipal de Paris on les croirait disposés à tout propos à compromettre les intérêts de la ville en faveur de la population ouvrière. Mais chaque fois qu’ils sont mis en présence d’une proposition nettement formulée, ils ont mille moyens pour éviter de prendre une décision, et ils pratiquent le renvoi aux commissions avec une supériorité à désespérer les opportunistes les plus madrés de la Chambre. C’est le sort qu’ils ont fait à la proposition de M. Vaillant les invitant à nommer une commission du travail, dont les attributions étaient ainsi définies :
- Vu qu’en une ville ouvrière comme Paris le premier devoir du Conseil municipal est de veiller au sort des travailleurs, de les aider dans leur lutte incessante pour l’existence, le bien-être et dans leurs efforts d’émancipation.
- Délibéré :
- Art. 1er.— Sous le nom de « Commission du travail », une nouvelle commision est instituée et vient s’ajouter aux huit commissions principales et permanentes actuelles.
- Art. 2.— Cette Commission a pour fonctions : l’étude et la solution de toutes les questions pratiques concernant plus particulièrement les intérêts du travail et de la classe ouvrière, telles que : défense et organisation des travailleurs contre la misère, les crises, le chômage, contre l’arbitraire patronal ; protection de l’ouvrier âgé, mineur, infirme, et de l’ouvrière ; concurrence et travail de l’étranger ; prix et durée de la journée de travail ; maintien et exécution de la série ; aide et crédit de la Ville aux ouvriers pour l’entreprise directe sans intermédiaire et sans prélèvement patronal des travaux et services communaux ; situation et statistique ouvrière; Bourse du travail, surveillance des ateliers, etc.
- Le Progrès de la misère. — Dans la déposition de M. Quentin, directeur de l’assistance publique, devant la
- commission d’enquête, il résulte que depuis trois ou quatre mois, les demandes de secours ont augmenté de 25 0/0 sur la période correspondante de 1883. Le chiffre des enfants abondonnés a crû dans des proportions effrayantes.
- Nous n’avons rien à ajouter à ces renseignements officiels si ce n’est de demander à messieurs les optimistes ce qu’ils en pensent.
- * *
- Les successions en France 4883. — L’administration de l’enregistrement vient de faire le relevé du montant des successions transmises durant l’année écoulée.
- Elle a constaté que la valeur totale de ces successions s’élevait à cinq milliards, — en chiffres exacts à 5,026,9ü5, 717 fr.
- Cette valeur se répartit ainsi par catégories :
- En ligne directe................... 3.351.870.501
- Entre époux.......................... 505.732.663
- En ligne collatérale................. 980.625.802
- Entre personnes non parentes. . 188.676.751
- Depuis vingt ans, il y a que l’année 1880 où l’on ait constaté une plus forte somme.
- Ce serait là une précieuse ressource pour la suppression des droits d’octroi, ou l’établissement d’une caisse de retraite pour les travailleurs, ou pour la suppression de tout budget.
- (Hôtel de ville.)
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- Un nouveau Tribunal arbitral. — Nous aprenons la formation d’un tribunal arbitral par le Syndicat de la Presse Républicaine Départementale. Ce bon exemple est préférable à tous les articles de journaux écrits sur la réforme de la magistrature. Si les autres syndicats de patrons ou d’ouvriers voulaient s’organiser de la même manière, on forcerait bientôt le gouvernement à modifier l’organisation judiciaire du pays suivant les aspirations libérales. La pratique de l’Arbitrage est statutairement obligatoire pour les membres de l’association du Familistère, et jamais elle n’a présenté aucun inconvénient; au reste, les bonnes relations des Familistériens en réclament fort rarement l’application. L’arbitrage pouvant s’appliquer à tous les différents entre particuliers, nous reproduisons les statuts adoptés par le syndicat de la Presse Républicaine ; les citoyens désireux de se soustraire aux lenteurs, aux complications de la procédure ordinaire ont intérêt à faire adopter, dans les sociétés dont ils sont membres, des résolutions analogues à celles formulées dans les statuts du syndicat de la Presse.
- TITRE PREMIER.
- Organisation, but et fonctionnement du Tribunal arbitral.
- Art. 1er.— Toutes les difficultés qui pourront surgir entre les propriétaires, directeurs et gérants, d’une part, et les rédacteurs, d’autre part, pourront être soumises à un Tribunal arbitral, composé de trois directeurs et de trois rédacteurs de journaux.
- Art. 2.— Tous les membres de la Presse Républicaine Départementale, régulièrement admis à l’Assemblée générale annuelle, participeront chaque.année à l’élection des arbitres, qui aura lieu dans cette Assemblée.
- Art. 3.— Les arbitres entreront immédiatement en fonctions, et leur mandat prendra fin à l’élection suivante.
- Art. ht.— Les arbitres sont indéfiniment rééligibles.
- Art. 5.— Si des décès ou démissions venaient à réduire le nombre des arbitres à moins de quatre, le Syndicat désignerait autant d’arbitres qu’il serait nécessaire pour assurer le fonctionnement du Tribunal jusqu’à la prochaine Assemblée annuelle.
- Art. 6.— Les arbitres choisissent parmi eux un Président, un Vice-Président et un Secrétaire.
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- Art. 7.— Le Vice-Président préside le Tribunal arbitral en l’absence du Président.
- En l’absence du Président et du Vice-Président, le Tribunal est présidé par l’arbitre que ses collègues désigneront pour la circonstance.
- Art. 8.— Les décisions sont prises à la majorité absolue des voix.
- Le Président, quel qu’il soit, n’a pas voix prépondérante.
- Art. 9.— En cas de partage, le Tribunal désignera un tiers-arbitre parmi les membres du Syndicat.
- Art. 10.— Le tribunal arbitral ne pourra se constituer, pour juger un différend, si le nombre des Membres présents est inférieur à quatre. Si les arbitres présents sont en nombre impair, ils élimineront, par voie de tirage au sort, l’un des directeurs ou rédacteurs présents, afin que le Tribunal arbitral soit toujours composé d’un nombre égal de directeurs et de rédacteurs de journaux.
- Art. 11.— Dans les causes qui n’intéresseront pas un directeur ou un rédacteur de journal, mais qui cependant touchent aux intérêts professionnels et industriels de la Presse, le Tribunal pourra désigner un ou plusieurs de ses Membres, qui jugeront avec les délégués des autres parties. Ces délégués statueront, autant que possible, comme l’aurait fait le Tribunal lui-même, d’après les mêmes règles et avec les mêmes pouvoirs.
- TITRE DEUXIÈME.
- Compromis et Procédure.
- Art. 12.— Quand un différend aura surgi, les deux parties, d’accord pour accepter la décision du Tribunal arbitral, devront en référer immédiatement au Président.
- Art. 13.— Le président leur adresseraun compromis conforme au modèle ci-dessous :
- « Nous, soussignés, déclarons accepter le Tribunal arbitral » du Syndicat Général de la Presse Républicaine Départemen-» taie, composé de MM.....................................
- » pour arbitres amiables compositeurs dans le différend qui » nous divise, et qui consiste dans............................
- » Nous déclarons dispenser les arbitres des autres formalités, » et accepter leur décision comme définitive et en dernier » ressort. »
- Art. 14.— Les parties litigantes devront signer le compromis et le retourner de suite au Président du Tribunal arbitral.
- Art, 13.— Dès qu’il sera en possession des compromis, le Président convoquera le Tribunal par lettres individuelles, recommandées à la poste.
- r Art. 16.— L’arbitre qui aura négligé d’assister à deux séances sera considéré comme démissionnaire, à moins qu’il ne fasse agréer une excuse valable par le Tribunal arbitral.
- Art. 17.— Les parties litigantes seront convoquées de la même manière que les arbitres, au moins quinze jours avant la date de la comparution.
- Dans l’intervalle, et au moins huit jours avant la séance, elles pourront déposer aux mains du Secrétaire du Tribunal arbitral toutes les pièces qu’elles jugeront utiles, et obtenir copie, à leurs frais, de toutes celles qui auront été déposées par leurs adversaires.
- Art. 18. - Les parties litigantes devront se prés inter en personne, ou par mandataires, devant le Tribunal.
- Art. 19.— Si le différend ne pouvait être vidé en une séance, le Tribunal renverrait à une séance ultérieure, qu’il fixerait avant de se séparer ; aucune convocation nouvelle ne serait alors nécessaire. Les arbitres absents à la première séance ne pourraient assister aux séances ultérieures.
- Tout différend devra être terminé par une sentence définitive six semaines au plus tard après la dernière comparution des parties devant le Tribunal.
- TITRE TROISIÈME.
- Sentences des arbitres. — Peines. — Exécutions.
- Art. 20.— Le Tribunal arbitral n’est astreint à aucune formalité de procédure ni à aucune forme de rédaction pour ses sentences.
- L’un des membres du Tribunal, désigné à cette effet, prend sommairement note des prétentions et conclusions des parties, des pièces produites, des remises prononcées, du délibéré, et rédige, en multiple original (suivant le nombre des parties litigantes), la sentence, qui devra contenir les noms des arbitres et des parties, l’objet de la contestation, les conclusions des parties, les motifs et le dispositif de la sentence arbitrale, la date et la signature des arbitres qui auront concouru au jugement.
- Art. 21.— Les sentences arbitrales seront transcrites à leur date sur un registre spécial, tenu par le Tribunal, qui délivrera aux parties, et à leurs frais, des copies des sentences qui les intéresseront.
- Art. 22.— Le Tribunal arbitral peut imposer telles réparations et telles mesures qu’il juge convenable, ordonner une rétractation par une lettre, une publication, des insertions, allouer des dommages-intérêts, condamner aux frais, prescrire en un mot toutes mesures et prononcer toutes condamnations définitives et en dernier ressort.
- Art. 23.— Si la partie condamnée refuse de satisfaire à la sentence qui lui aura été notifiée par lettre recommandée, envoyée par le Secrétaire, l’autre partie pourra se faire remettre par le Secrétaire, sur récépissé motivé, l’une des minutes originales sur timbre, datées et signées par les arbitres, afin de la déposer au greffe du Tribunal civil de la Seine et de procéder à l’exécution de la sentence arbitrale, conformément aux prescriptions du Code de Procédure civile.
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- Les projets d’union révolutionnaire. — Les
- grands journaux parisiens ont parlé des projets d’union des forces révolutionnaires. Nous publions à titre de document l’extrait suivant du Prolétariat, organe des possibilités, qui fait pressentir l’avortement de cette tentative et donne une idée assez nette des dispositions réciproques des divers groupes de l’armée révolutionnaire.
- L’union fédérative du centre ne s’est pas définitivement prononcée sur les divers projets d’union révolutionnaire puisque le résultat du vote dans les groupes ne sera connu que mardi 24 Juin. Mais de l’avis de ceux qui ont assisté à la magnifique assemblée générale du Parti tenue salle Horel, il ne saurait, paraît-il, y avoir de doute et la résolution du 19e arrondissement sera adoptée à la presque unanimité des suffrages.
- Nous pouvons donc comparer dès aujourd’hui les opinions diverses émises sur la question.
- Il y a dans Paris, quatre groupements socialistes ayant une importance politique:
- Les anarchistes, qui en s’abstenant du vote échappent à toute recherche statistique sur le nombre de leurs adhérents ;
- Les blanquistes, qui avec l’appui de toute la presse radicale et intransigeante ont réuni aux élections du 4 mai 3219 voix;
- Les guesdistes, qui en ont accroché 767;
- Enfin, le parti ouvrier qui a rallié autour de son programme de classe près de 34000 électeurs,
- A tous les projets de conciliation, les anarchistes répondaient avec la plus entière franchise: Nous ne voulons d’alliance d’aucune sorte avec les « votards ni avec les
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- possibilités, ni avec les impossibilités, ni avec ceux qui ont foit une alliance électorale avec les radicaux. C’est net. Pas môme la trêve des injures »
- Les guesdistes ont répondu parla plume de leur leader; M. Jules Guesde. Je cite:
- a L’idée seule de fondre une organisation unique des groupements aussi divergents que ceux qui encadrent actuellement la masse millitante dépasse les limites de l’illusion permise. »
- Cela est pour la fusion. Voici pour l’union:
- « Divisés comme nous le sommes sur la façon la meilleure et plus prompte de renverser l’ordre capitaliste, nous pouvons et nous devons nous rencontrer et nous heurter dans nos campagnes contradictoires; mais cette concurrence, même poussée jusqu’à l’antagonisme, est, en même temps qu’un signe, une cause de force, si nous savons nous élever au respect mutuel nécessaire.»
- Quant aux blanquistes, ils sont pour toutes les unions; et dans le choix des alliés et de leur programme, ils ne sont pas difficiles.
- Le Parti ouvrier, régulièrement saisi, a donné à son tour son opinion. Il reste sur son terrain propre et principal, la lutte des classes; il demeure fidèle aux décisions de ses Congrès. 11 ne veut ni de fusion, ni d’union; mais, dans les circonstances critiques, comme autour des questions déterminées, il est prêt aux coalitions. Il exige seulement, dans ce dernier cas, que le rapprochement soit loyal et que ses alliés soient d’honnétes gens, dans leur vie politique et dans leur vie privée.
- Donc, les blanquistes sont pour l’union quand même. Les anarchistes n’en veulent à aucun prix. Les guesdistes demandent que l’on « se heurte », que l’on pousse la concurrence «jusqu’à l’antagonisme » mais qu’une « trêve des injures » soit signée! Seule, l’Union Fédérative du Centre résout le problème en disant : Pas de fusion, point de fédération, des coalitions d’un jour.
- A propos de cette question , comme à propos des autres, la classe ouvrière formée en Parti politique distinct, a fait preuve de capacité. Elle a su déjouer les plans les mieux ourdis de ses ennemis avoués ou masqués, et elle a donné la seule solution actuellement possible au problème que les noms connus et les fortes têtes avaient si gauchement ou si jésuitiquement abordé.
- Voici la proposition du 19e arrondissement dont il est parlé au commencement de l’article du Prolétariat.
- Considérant,
- Que le classement actuel des socialistes en plusieurs organisations différentes, alliancistes, anarchistes, blanquistes, col-insiens, guesdistes, Parti ouvrier..., etc., etc., est un fait inévitable résultant de la nature même des choses ;
- Que la refonte de toutes ces organisations en un seul parti unitaire serait immédiatement suivie de la reprise de ce travail de spécialisation aujourd’hui accompli, et ferait renaître nécessairement avec leur ancienne violence les disputes de groupes et les querelles de personnes ;
- Que, pour ces raisons, tout projet de fusion générale est une ntopie ; que cette utopie ne trompe pas même ceux qui la proposent dans le but de désorganiser le parti qui, en réunissant 34,000 voix aux élections dernières, s’est montré plus puissant que tous les autres groupes réunis ;
- Considérant.
- Que dans les programmes des groupes en présence, il n’existe pas de point commun, ni de doctrine, ni de tactique, ayant un caractère permanent, puisque les uns ne veulent pas entendre parler de la lutte des classes (radicaux, alliancistes et blanquistes), d’autres, d’action révolutionnaire (alliancistes) tels de lutte électorale (les anarchistes), d’autres veulent imposer à tous leur doctrine autoritaire (guesdistes) ;
- Que, par suite, toute union d’un caractère permanent, ou fédération, est au moins irréalisable sinon dangereuse pour le Parti ;
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- Considérant,
- Que, cependant, il peut surgir certaines circonstances ou certaines questions dans lesquelles et autour desquelles une entente momentanée, une coalition passagère serait possible, entre tous les groupements socialistes ou du moins entre quelques-uns d’entre eux.
- L’Union Fédérative du Centçe, réunie en assemblée générale le mardi 10 juin 1884, salle Horel, soumet au vote des groupes de la région la proposition suivante :
- 4° L’Union Fédérative de la région du Centre déclare quelle demeure sur le terrain de la lutte des classes où elle est placée et qu’elle reste fidèle aux doctrines, tactique, organisation qu’elle tient de ses Congrès régionaux et nationaux ;
- 2° Elle repousse tous projets de fusion ou d’union permanente, mais acceptera, le cas échéant, des coalitions momen-tannées autour de revendications précises. Dans ce dernier cas, toute proposition doit passer par le Comité Fédéral, qui le soumettra à l’étude et au vote des groupes de la Région.
- MAROC
- Les agissements de la France au Maroc, dont nous avons signalé les tendances, il y a plusieurs mois, ont fixé l’attention des gouvernements étrangers. Les gouvernements de l’Italie, de l’Espagne, de l’Angleterre, même de l’Allemagne ont déjà déclaré qu’ils n’entendaient pas laisser la France occuper le Maroc.
- BELGIQUE
- Le nouveau ministère est composé d’éléments recrutés parmi les plus cléricaux de la nouvelle Chambre. Son premier acte a été la suppression du ministère c’e l’instruction publique.,
- Partout on s’étonne de ce revirement de l’opinion en Bel- ' gique, et l’on attribue généralement aux progrès du cléricalisme l’échec électoral des libéraux. Il faut chercher l’explication de ce changement dans des considérations d’ordre économique. Les libéraux avaient eu la prétention de voter des lois et de commencer des réformes populaires qui avaient nécessité des charges nouvelles ; les classes dirigeantes qui, par la loi électorale belge, disposent entièrement de l’action politique ont simplement remercié de mauvais administrateurs qui s’occupaient des affaires des classes laborieuses au lieu d’économiser les ressources des gens riches. En France même, si un gouvernement avait l’imprudence d’agir selon les intérêts des déshérités sans s’assurer un appui possible par le suffrage universel auprès du peuple, on verrait bientôt ce qu’il resterait autour de lui des privilégiés. Dans Ja civilisation ploutocrate, les couches supérieures dans leur ensemble ne sont ni républicaines, ni cléricales, ni monarchistes ; leurs préférences à cet égard ne vont pas jusqu’à refuser leur concours à un gouvernement qui exerce le pouvoir selon la théorie des intérêts pécuniaires. Les gens riches obéiront toujours à un gouvernement qui fait les affaires de la richesse. Les libéraux belges à leur honneur, n’ont pas tenu compte de ce fait ; ils supportent les conséquences de leur conduite.
- ANGLETERRE
- . Les poursuites intentées par le gouvernement anglais contre M. Charles Bradlaugh pour avoir participé aux votes delà Chambre des communes, malgré la résolution d’exclusion dont il avait été frappé par cette assemblée, ont commencé samedi devant la cour suprême de Londres. M Bradlaugh peut être frappé, pour chaque vote, d’une amende de 500 livres sterling, de sorte que la peine pécuniaire qu’il encourt pourrait se monter à 10,000 livres sterling.
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- LE DEVOIE
- ALLEMAGNE
- Le Reichstatg vote les articles du projet de loi sur les assurances ouvrières, dont nous avons publié le texte et apprécié la portée dans de précédents articles.
- Le gouvernement et les particuliers ne cessent de s’intéresser aux questions coloniales.
- La sécurité du chef du gouvernement paraît menacée. À l’occasion du voyage de l’empereur à Ems, les autorités des chemins de fer avaient reçu l’ordre d’examiner minutieusement les bagages de tous les voyageurs et de ne laisser de colis d’aucune sorte aux stations pendant le passage du train impérial. On craignait un attentat par la dynamite.
- AUTRICHE-HONGRIE
- Les élections Hongroises ont donné une forte majorité au gouvernement. La période électorale a occasionné des manifestations tumultueuses qui ont dégénéré en véritables émeutes. Dans plusieurs localités la troupe et les électeurs en sont venus aux mains ; de part et d’autre, les morts ont été souvent nombreux.
- ERREURS DES MINISTRES
- et des classes dirigeantes
- M. Méline, ministre de l’agriculture, s’est fait l’écho dans un récent discours, à Épernay, des erreurs des classes dirigeantes.
- Les projets et les conseils du ministre contiennent une aggravation du mal présent, on les dirait dictés avec la volonté de hâter la décomposition sociale-. Les bonnes intentions de M. Méline, sans qu’il s’en doute, aboutissent à des pratiques essentiellement désordonnées et perturbatrices.
- Gomment un homme sérieux peut-il accepter si facilement des théories fausses etleur prêter l’appui des paroles ministérielles et promettre d’employer la force gouvernementale pour les faire passer dans la législation.
- Monsieur Méline, au nom du gouvernement, a promis aux cultivateurs de protéger la production du bétail en élevant les tarifs de douanes.
- Le ministre a conseillé aux agriculteurs de remplacer les récoltes de blé, dans les terrains produisant moins de 25 à 30 hectolitres à l’hectare, par des pâturages et la culture arbustive.
- Cherchons ce qui adviendrait de l’exécution des projets et des conseils du gouvernement.
- Accorder la protection douanière à la production de la viande est une chose insensée.
- En voici les raisons accompagnées de quelques réflexions préjudicielles.
- Dans les centres industriels, sous l’influence du travail aux pièces, l’ouvrier a dû proportionner sa ration d’entretien à la multiplicité et à la rapidité des efforts introduites par l’adoption de ce mode d’organisation du travail. La consommation de la viande peut seule produire cet effet ; elle est devenue la partie la plus importante de la ration ouvrière.
- . Par l’intermittence du travail, les chômages,dans les métiers où le prix de la journée est le plus élevé, réduisent suffisamment le salaire général pour avoir amené une situation intolérable, dont la gravité est attestée par les dépositions devant la commission d’enquête sur le travail.
- Les travailleurs se plaignent à juste titre de l'abaissement du salaire.
- Malgré cela, les objets industriels d’origine française sont cotés sur les marchés intérieurs et extérieurs à des prix trop élevés pour soutenir avantageusement la concurrence étrangère.
- Donc, en élevant le prix de la viande, si le taux de la journée ne hausse pas proportionnellement, le salaire de l’ouvrier sera diminué, puisque le même salaire ne permettra plus l’achat de la même quantité de viande. D’un autre côté, le prix de la journée ne peut monter proportionnellement à l’augmentation de la valeur des objets de première nécessité, puisque la hausse des salaires, sans améliorer alors la situation du travailleur, porterait le prix de revient des objets industriels à un taux ne leur permettant pas d’affronter le marché. Il est évident qu’après l’établissement des droits protecteurs, les patrons n’accepteraient etnepourraient augmenter les salaires, et que les ouvriers mécontents et lésés dans leurs intérêts seraient portés à lutter de toutes leurs forces contre cet ordre de choses.
- Avons nous raison de dire que l’exécution des projets de M. Méline augmenterait le désordre? Elle équivaudrait à une véritable excitation des citoyens les uns contre les autres par l’exagéraiion des antagonismes qu’elle consolide et développe ?
- Mais que deviendrait notre payssi les agriculteurs, sous la protection des tarifs, mettaient en pratique les conseils du ministre; et ils le feront, faute de comprendre la véritable solution, parce que tous ceux qui ont leur confiance et les occasions de leur parler n’en savent et n’en comprennent pas.davantage.
- Les conseils de M. Méline aboutissent aux fins suivantes.
- Partout où l’on substituera des pâturages à la
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- culture arable, on verra s’établir les fruiteries et les compléments de l’industrie laitière ; et le nombre des bras attachés au sol diminuera au moins de la moitié, dès que l’établissement des pâturages aura été généralisé. En même temps disparaîtront, sans compensation, toute l’industrie des appareils agricoles et autres fabrications liées à la culture arable.
- Nous avons, en France, à peine quelques départements ayant des terres à céréales donnant un rendement minimum de 25 hectolitres à l’hectare.
- La pratique des conseils de M. Méline, soudée à l’exécution deses projets protectionnistes,ajouterait simplement à la baisse des salaires ouvriers, provenant de la hausse des denrées, la dépopulation des campagnes et l’affluence .des bras vers les grands centres, un autre motif de baisse des salaires industriels.
- Que pourraient faire en plus des agents avoués du gâchis, de l’anarchie ?
- Les cyniques et les imbéciles, les deux sont nombreux après les couvages de l’économie politique, conseilleront l’émigration.
- Gela ferait admirablement l’affaire des tripoteurs qui ont mis leur va-tout surlescouleursmalpropres de la politique coloniale.
- Mais le paysan français n’émigre pas, et n’émigrera pas dans l’avenir, quoique l’on fasse pour le chasser d’un sol auquel il a tant de raison de tenir; il préférera redevenir un Jacques ; il se fera lui aussi anarchiste, mais à la manière des pires nihilistes, puisque la dynamite remplace ia faux dans les mains des affolés par les iniquités sociales.
- Hommes politiques,qui êtes capables de quelques réflexions et qui avez le sentiment du bien public, hâtez-vous d’en acquérir la science ; puis, entreprenez vite une véritable croisade contre les prédications de l’ignorance qui nous conduisent aux abîmes.
- Le temps presse.
- Si les déductions du ministre de l’agriculture sont d’énormes erreurs, la vérité du mai d’où elles sont nées n’est pas altérée.
- Il est bien vrai que les agriculteurs ne peuvent .trouver la rémunération de leurs efforts dans la culture du blé, lorsqu’ils obtiennent des rendements moindres que 25 hectolitres à l’hectare. Mais il est non moins vrai que les neuf dixièmes des terres arables, qui ne produisent pas actuellement ce minimum, sont susceptibles de l’atteindre et de le dépasser de beaucoup par l’adoption générale d’une culture intensive raisonnée.
- Les agriculteurs se plaignent avec raison, si l’on tient compte de lenr ignorance; mais nos ministres ont tort d’aller pleurer comme eux.
- La mission des hommes de progrès, des véritables hommes de gouvernement, dans un pays que ronge l’indifférence, est de surveiller attentivement le mouvement de l’opinion, et lorsque la gravité d’un mal a secoué l’indifférence d’une fraction delà nation atteinte dans ses intérêts, il faut aller vers elle, non pour gémir et la fortifier dans son égoïsme, mais avec la connaissance du remède et la volonté de pousser à son application.
- Ce n’est pas de protection douanière qu' il convient de parler aux cultivateurs ; il faut leur montrer dans l’association la possibilité de réaliser en France toutes les conditions de grandes cultures des pays neufs qui prennent le monopole de la production du blé.
- Les petits et moyens propriétaires, par l’association, peuvent organiser leurs parcelles de manière à rendre pratique dans toutes les circonstances l’emploi des instruments perfectionnés, l’utilisation des engrais perdus, l’installation defabriques d’engrais, l’approvisionnement en gros des matières premières, l’économie des bâtiments ruraux suivant lesbesoins des individus, de l’outillage et du cheptel, l’achat direct des outils et des objets de consommation, la vente directe d’une partie des produits, et la transformation industrielle de l’autre partie.
- Actuellement, il peut y avoir danger à conseiller à notre agriculture de se spécialiser dans une culture unique, serait-elle la plus avantageuse par rapport à la nature du sol et au climat. La création des spécialités nationales ne peut être généralisée avant la pacification des pays civilisés et l’organisation du travail.
- Les agriculteurs, au nom de l’intérêt national, ont besoin d’équilibrer la production du bétail avec celle des céréales; dans cet équilibre fortifié par l’association, ils peuvent tenir tête à la concurrence étrangère ; ils arriveraient ainsi à multiplier la production et à pouvoir utiliser danslamanipulation des denrées les bras rendus disponibles par les perfectionnements des procédés de culture.
- L’idée d’employer, fructueusementpourlasociété, les méthodes perfectionnées de culture, en vue de diminuer le nombre des bras agricoles et de les déverser dans l’industrie, ne peut être pratiquée avant que l’on ait la certitude que cette diminution n’aura pas pour conséquence une moindre quantité de produits, et qu’elle peut s’accomplir sans jeter la perturbation dans l’industrie même. Une pareille
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- illusion est dangereuse à un moment si troublé.
- L’agriculture française doit arriver à doubler sa production, tout en conservant le même nombre de bras travaillant moins longtemps chaque jour. Alors les ouvriers du sol auront le temps et les moyens d’augmenter leur consommation d’objets industriels, et, de cette demande nouvelle, naîtra une activité procurant le bien-être aux travailleurs de l’industrie.
- On le voit, par l’association, le bien-être des uns engendrera la prospérité des autres ; par la protection douanière, le petit nombre de ceux qui vivent de la rente du sol profitera du malheur de la plus grande partie de la nation.
- Les gouvernants font de l’anarchie, lorsqu’ils parlent protection, soit en faveur des ouvriers soit au profit des propriétaires, sans avoir la certitude qu’elle sera réellement sociale, c’est-à-dire qu’elle s’étendra à tous, que chacun en tirera bénéfice.
- Protéger l’agriculture par les douanes, ce serait consolider les privilèges de quelques uns, au détriment de tous, parceque le maintien des rentes des propriétaires résulterait de la dépréciation des revenus des salariés.
- Protéger l’agriculture, en favorisant, même en commanditant l’association agricole, ce serait protéger la nation toute entière, parceque cette protection solidariserait les intérêts et généraliserait le bien-être.
- Voilà ce qu’il convient de faire et ce qu’il y a hâte d’enseigner aux travailleurs, en se gardant de séparer la partie professionnelle des considérations d’ordre social.
- Mais cela serait faire du socialisme, objecteront les esprits timides et les ignorants
- Lorsque le socialisme s’impose, les préventions se transforment en culpabilités. Les hésitations ne sontplus permises. Nous inspirant d’un motfameux, nous pourrions dire que l’heure est venue de choisir si nous voulons être socialistes ou cosaques.
- Napoléon n’avait pas prévu les économistes.
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- Les adhésions envoyées au Devoir seront insérées dans le prochain numéro. J
- LES DEUX MÉDECINS
- Le domaine de l’histoire est une source riche et féconde où chacun de nous peut puiser sans crainte de jamais la tarir. Or, amis lecteurs, le fait que je vais vous narrer est histerique, et prouve que l’homme tout imparfait qu’il soit, a toujours un fonds de vertu qui, une fois au moins dans sa vie, se fait jour. Le pape Sixte-Quint en est un exemple.
- Parvenu — tout le monde sait par quels moyens — au faîte des grandeurs et de la puissance, il semblait avoir complètement perdu le souvenir des Cordeliers, ses compagnons d’études et de privations.
- L’un de ces derniers, du nom de Montecaltiqui, lui, se souvenait et connaissait les sentiments intimes du pape, voulut essayer d’utiliser le bon côté de ces sentiments en faveur d’un ami malheureux. Cet ami, l’avocat Turinos, jadis célébré et dans l’aisance, en était arrivé, à la suite d’une longue série d’infortunes, dans un état d’indigence qu’une grave maladie venait de rendre à peu près désespéré.
- Montec<i connaissait intimement le médecin de Sixte-Quint, et il alla le trouver pour le supplier de vouloir bien donner ses soins à son pauvre et cher Turinos.
- — Montecalti, lui dit le docteur, je ne saurais rien refuser à l’amitié qui nous lie l’un à l’autre.
- — Mais les médicaments?
- — Ne vous en occupez pas. Rien ne manquera à votre cher orateur, et nous le guérirons promptement,
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- je l’espère.
- — Une chose qu’il vous sera difficile, sinon impossible de guérir, c’est son extrême pauvreté. Cette pensée de l’implacable misère le tue. Il se souvient de son passé de gloire et de fortune; il le compare avec ses souffrances actuelles ; et, songeant, effrayé, à l’avenir, il regrette et se désespère, car il n’est plus jeune, et tout espoir semble désormais perdu pour lui.
- — Il est certain, répondit le médecin, que ce pauvre homme est plus malade de l’esprit que du corps; et s’il nous était possible,je ne dis pas de le faire riche, mais de lui donner une modeste aisance, sa guérison serait aussi prompte que radicale.
- — Peut-être existerait-il un moyen de lui venir en aide.
- — Et lequel?
- — Je connais un homme riche et puissant qui passe pour être un avare et avoir le cœur sec ; mais qui, à ses heures, est d’une sensibilité exquise, capable de lui inspirer les actions les plus nobles.
- — Comment appelez-vous cet homme?
- — Sixte-Quint.
- — Vous croyez qu’il aura la pensée, le temps ou la volonté de s’intéresser à notre malade?
- — Je le crois. J’ai vécu longtemps auprès de lui et j’ai appris à le connaître. Vous êtes son médecin ; vous serez donc un précieux intermédiaire.
- — Votre idée est excellente et, dès demain, je me ferai l’avocat de ce bon Turinos.
- — L’avocat d’un avocat ! voilà qui sera nouveau ; mais j’ai confiance en votre talent de persuasion, parce que je sais que vous parlerez avec votre cœur.
- — Je souhaite vivement réussir.
- — Vous réussirez. Le pape vous aime : il vous écoutera et sera flatté de vous être agréable en quelque chose.
- Le lendemain, en effet, le bon docteur parla à Sixte-Quint de son protégé, en termes si persuasifs et avec tant de chaleur, que le pape en parut ému ; cependant, il ne promit rien, et se borna à dire en le quittant.
- — Je plains beaucoup ce malheureux, il nous faut prier pour lui.
- Le médecin avait perdu tout espoir quand, deux jours plus tard, Sixte-Quint lui dit:
- — Je vous fais concurrence, cher docteur; car moi aussi, j’ordonne des remèdes, et j’espère que celui que j’ai fait administrer hier aura produit un bon effet. Vous m’avez parlé de Turinos, cet avocat que le malheur accable, et que j’ai connu autrefois, alors qu’il était dans une situation brillante. Or, j’en ai gardé un fort bon souvenir, et je lui ai envoyé de quoi composer1
- une salade de ma façon, qui, certes, lui fera beaucoup de bien. Dites, je vous prie, à cet excellent homme, qu’à l’avenir j’entends qu’il n’ait pas d’autre médecin que moi. — Vous me permettrez, docteur, de vous enlever ce client? ajouta le pape en souriant malicieusement.
- Impatient de connaître l’efficacité du remède papal, le médecin se rend aussitôt chez son malade qu’il trouve en compagnie de Montecalti.
- — Eh bien ! comment allez-vous ! fit-il en entrant précipitamment.
- — A merveille, lui fut-il répondu.
- — Oui, à merveille, appuya Montecalti.
- — Montrez-moi donc le remède de Sa Sainteté.
- — Vous voulez dire la salade de Sixte-Quint?
- — Oui.
- — Elle est vraiment miraculeuse, cette salade, objecta Turinos.
- — Et toute votre pharmacopée, dit le cordelier, ne saurait produire un pareil miracle.
- — Mais montrez, montrez-moi donc ce fameux remède.
- — Fameux, est le mot, dit notre ci-devant malade l’air radieux.
- Et il alla chercher une grande corbeille dont le contenu n’offrait aux regards que des herbes et des fleurs grossières dont l’efficacité, en tant que médication était évidemment nulle.
- — Quoi ! s’écria le médecin au comble de la surprise, c’est là ce qui vous a guéri ?
- — Plongez votre main plus avant, et vous trouverez le véritable remède.
- Aussitôt, le docteur enfonce sa main jusqu’au fond de la corbeille, et il reste muet de surprise en constatant que celle-ci est remplie de pièces d’or; il en a littéralement jusqu’au coude.
- — Mon cher ami, s’écria-t-il tout joyeux, il est bien fâcheux que nous autres, médecins, nous ne puissions ordonner de semblables remèdes.
- — Je vous avais bien dit, fit Montecalti, que je connaissais mon pape 1
- Le docteur se rendit sur-le-champ auprès de Sixte-Quint.
- — Votre Sainteté, lui dit-il, est le premier et le plus grand médecin de toute la chrétienté.
- — D’accord, docteur; mais n’oubliez point que je ne traite pas ainsi tous mes malades.
- L’histoire n’en dit pas davantage sur ce sujet.
- Que d’infortunes, ici-bas, auraient besoin de la salade de Sixte-Quint !
- Alexandre Fourgeaub-Le Directeur-Gérant : GODIN.
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- La Réforme électorale et la Révision constitutionnelle
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- Parmi les réformes pacifiques que le Devoir s’est donné pour mission de mettre en lumière afin d’en hâter l’avénement, figure au premier rang la constitution rationnelle des premiers pouvoirs de l’État.
- Or, le premier pouvoir dans une République démocratique, c’est le pouvoir du peuple se traduisant par le suffrage des citoyens. C’est donc dans le bon exercice du suffrage universel que se trouve les moyens de bien constituer les assemblées législatives et les pouvoirs publics. ...
- Le numéro du « Devoir » du 1 Juin 1884 est consacré à démontrer que les modes du suffrage pratiqués jusqu’à ce jour ont été le contraire de ce qu’il faut pour établir un réel exercice du droit souverain du suffrage universel. Ce numéro, en raison de son importance, a été converti en [brochure sous couverture spéciale ; il constitue ainsi le n° 2 de la série des Études sociales inaugurée par le numéro exceptionnel intitulé : Le Familistère de Guise, solution de la question ouvrière.
- L’administration du Devoir continuera à éditer cette série d’études, de façon à en [faire une collection d’un grand mérite pour la propagande. Nous engageons nos lecteurs à ne pas perdre cela de vue et à conserver ces numéros.
- L’administration du Devoir, s’imposant les plus lourds sacrifices d’étude, de temps et d’argent pour mener à bonne fin cette propagande, nous comptons sur le dévouement de nos lecteurs. Ils peuvent nous aider dans notre tâche en propageant des numéros que nous leur enverrons franco contre le prix seulement du papier et du tirage.
- N° 1. - Le Familistère de Guise, solution de la question ouvrière.
- Le numéro 40 centimes. — 10 numéros 2 fr. 50
- N° 2.
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- Nous avons actuellement en préparation l’Hérédité de l’État et la Mutualité nationale.
- Dans l’Hérédité de l’État nous établirons par des documents officiels quelles immenses ressources la .société doit attendre de cette réforme, combien elle est juste, et qu’elle procure aux classes laborieuses une sécurité certaine en augmentant les garanties sociales en faveur des possesseurs de grosses fortunes.
- Dans la Mutualité nationale, nous analyserons les institutions susceptibles de garantirle droit à la vie à chaque citoyen, nous ferons l’évaluation des charges probables de ces institutions, et nous démontrerons combien il serait facile de les doter suffisamment en y consacrant une partie des produits annuels de l’hérédité de l’État.
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- 8- Année, Tome 8. — N° 303 Le numéro hebdomadaire W c. Dimanche, 29 Juin 1884
- LE DEVOIR
- REVUE DES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU A GUISE (Aisne) ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE ON S’ABONNE A PARIS 5, .rue Neuve-des-Petits-Champs
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont
- Toutes les communications le talon sert de quittance. Passage des Deux-Pavillons
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- doivent être adressées à Un an ... 10 fr. n Un an. ... 11 fr. »» S’adresser à M. LEYMARIE
- M. 60DIN, Directeur-Bérant Six mois. . . 6 )>» Autres pays administrateur de la Librairie des sciences
- Fondateur du Familistère Trois mois. . 3 »» Un an. ... 13 fr. 60 psychologiques.
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES ET P0UT1QDES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1. — Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de | la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le con-\ cours éclairant l’élection et par la liberté de tous les l moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- 1 4. — Organisation du suffrage universel par l’u-
- \ nitéde Collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile ;
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens ;
- La possibilité pour les minorités desefairerepré-senter ;
- La représentation par les supériorités.
- 5. — Renouvellement annuel de moitié de la Chambre des députés et de tous les corps élus. La volonté du peuple souverain toujours ainsi mise en évidence.
- f- — Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues par le suffrage universel. i ,7. — Égalité civile et politique de l’homme et de fe femme
- S' — Le mariage, lien d’affection.
- Faculté du divorce.
- F — Éducation et instruction primaires,gratuites et obligatoires pour tous les enfants.
- Le s examens et concours généralisés avec élection uf s élèves par leurs pairs dans toutes les écoles, diplôme constatant la série des mérites intellectuels et moraux de chaque 'élève.
- 10. — Écoles spéciales, nationales, correspondantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- 11. —Suppression durbudget des cultes. Séparation de l’tiglise et de l’État.
- 12. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 13. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit
- d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- lk. — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatérale à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dansune juste mesure, retour à la société qui a aidé à les produire.
- 15. — Remboursement des dettes publiques avec les ressources de l’hérédité.
- 16. — Organisation nationale des garanties et de l’assurance mutuelles contre la misère.
- ll. — Suppression des emprunts d’Etat.
- 19. — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 20. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21. — Libre échange entre les nations.
- 22. — Abolition de la guerre offensive.
- 23. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 24. — Désarmement européen.
- 25. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire.
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- SOMMAIRE
- La Femme à l’Atelier ou au Foyer ? — Propagande de la Paix. — La Prudence Économiste. — L’Arbitrage dan s les associations. — Le 16e Congrès des coopérateurs anglais. — Aphorismes et préceptes sociaux. — Faits politiques et sociaux. — Correspondance anglaise. — Ligue des travailleurs pour la paix internationale. — Adhésions aux principes d’arbitrage international et de désarmement européen. — Le Secret de Bernard.
- AVIS
- Lejoural-a Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- La FEMME au FOYER ou à l'ATELIER ?
- La société d'économie politique, dans sa séance du 5 juin, a discuté le sujet suivant: « Où la femme, au point de vue économique, est-elle mieux placée, au foyer de la famille ou dans l’atelier. »
- S’il nous avait été donné de prendre part aux travaux de la docte assemblée, nous aurions soutenu la thèse que la femme doit rester le plus possible au foyer, et que l’habitation unitaire, le Familistère, est le moyen pratique d’atteindre le but. Avant d’indiquer les motifs à l’appui de cette opinion, nous résumerons les discours des divers orateurs qui ont pris part à la discussion.
- M. Passy. — Envoyer la femme au dehors, sous prétexte de procurer à la famille plus de ressources, c’est faire une application fausse de la division du travail. Le travail de la femme c’est,sous ses formes diverses, le travail domestique. C’est le soin du ménage, la surveillance des enfants, l'entretien des vêtements, l’économie, la propreté, l’élégance, si modeste qu’elle soit, du logis, qui, à ce prix seul est un foyer. La femme non mariée, et qui fpour subsister n’a que son propre travail, la femme veuve, qui doit pourvoir au besoin de ses enfants, celle dontle mari malade,le père oulamère infirme, attendent les soins ou les secours, est bien contrainte d’aller, bon gré, malgré, chercher au dehors ce qu’elle ne trouve pas chez elle.On nepeut, quoiqu’on en ait dit supprimer l’ouvrière. Ce qu’il faut chercher donc pour être pratique,pour se tenir
- dans la limite de la réalité, c’est par quelles mesures, par quelles réformes des lois et des mœurs,on peut,soit réduire le nombre des femmes ainsi appelées au dehors par la nécessité de vivre et de faire vivre, soit diminuer ou améliorer leur situation, en modérant leur tâche, en accroissant leur gain, et en diminuant les inconvénients et les conséquences de cette existence. Le travail n’a pas de sexe, il vaut ce qu’il vaut, l’inégalité des sexes n'est pas un motif valable pour donner à la femme un salaire moindre.
- M. Jules Simon. — Est du même avis que le précédent orateur ; il termine son discours par une petite sortie contre l’instruction des femmes.
- M. Paul Leroy Beaulieu. — Il faut bien se résigner à ce que les femmes qui ont besoin de travailler, de gagner un salaire soit pour elles-mêmes, soit pour leurs parents, soit pour leurs enfants, aillent travailler dans des ateliers. Est-ce, après tout,’Un si grand mal et n’y a-t-il pas quelque exagération que le désordre et la misère entrent au logis quand la femme en est absente ; que ce que gagne celle-ci ne compense pas ce qu’elle fait perdre. Il ne faut pas non plus s’exagérer l’importance des soins du ménage et le temps qu’ils exigent ; beaucoup de femmes trouvent le temps, en rentrant de l’atelier, de préparer les repas, de raccommoder, de faire la lessive. Puis, bien souvent aussi, quand la femme s’en va travailler dehors, il reste à la maison une vieille mère qui s'occupe de ces soins. La valeur du travail dépend de celui ou de celle qui le fait, et le taux des salaires se détermine sous la loi de l’offre et delà demande. Or le'travail féminin est plus offert que le travail masculin. M. Leroy Beau-lieu croit qu’il faut accepter, tout en s’efforçant de les adoucir, de les améliorer, les conditions faites au travail des femmes par l’état actuel de la grande industrie, et il espère qu’un jour viendra où, par suite d’une nouvelle évolution, le travail à domicile pourra remplacer graduellement le travail à l’atelier.
- M. Cheyson. — L’orateur prend pour point de départ les paroles de M. Gladstone, que « le plus grand bienfaiteur de l’humanité serait l’inventeur d’une machine retenant la femme au foyer. » M. Cheyson, voit dans les petits moteurs, dans une bonne organisation de la petite industrie, la possibilité immédiate d’un grand progrès dans cette voie, si l’on voulait profiter sérieusement de ces circonstances. Dans la grande industrie la loi peut intervenir pour prévenir les abus.
- M. E. Fournier de Flaix. — Étant données
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- jeS formes du travail contemporain, il n’est pas . ûSSible que la femme n’entre pas dans l’atelier et cela n’est pas désirable. Dans l’atelier, le travail je la femme peut-être réglé de manière à ce que ie travail pourvoie aux besoins de sa famille et de c;od ménage. L’atelier et le travail constatent l’indépendance et l’afFranchissement de la femme.
- Voilà des débats dignes d’une académie, on y trouve un peu de tout, et beaucoup de confusion. M. Passy pour dire des choses sensées a été obligé je donner un vigoureux croc-en-jambe aux préten-juesloisde l’économie poli tique,en soutenant la nécessité de l’égalité des salaires pour les deux sexes, liais M. P. Leroy Beaulieu, pour ne pas être de l’avis de son collègue, n’admet pas que les façons de deux objets identiques faits par deux êtres humains soient payées le même prix ; pour rester fidèle aux enseignements de sainte économie politique et témoigner sa vénération à l’infaillible loi de l’offre et de la demande, M. Beaulieu a préféré soutenir une opinion absurde, négation de cette éternelle vérité que deux choses égales chacune à une troisième, sont égales entre elles !
- M. Cheyson a dit d’excellentes choses, mais il a fait du socialisme. Nous pensons comme lui que la société réprésentée par l’État doit intervenir contre les abus de l’industrie, et nous croyons aussi que la vulgarisation du petit moteur et la bonne direc-tion-de la petite industrie peuvent concilier la nécessité d’utiliser les efforts de la femme avec la faculté de ne pas quitter le foyer.
- M. Cheyson aurait pu donner une grande force à son argumentation, s’il avait eu connaissance d’une troisième condition pratique indispensable à l’exécution de ses vues. Le petit moteur est certainement une des conditions de la prospérité de la petite industrie, mais l’habitation aune importance pas moins grande.
- il n’y a aucune exagération à soutenir que la prospérité de la petite industrie ne sera complète et pratiquement accessible à la femme que d’autant que l’on aura fait la réforme de l’habitation et remplacé la maison isolée par l’habitation unitaire, par le Familistère.
- ûans le Familistère, les travaux d’intérieur ordi-nairement réservés à la femme sont réduits le plus possible.
- Les familles lesplus éloignées des services publics s°nt séparées par une distance moindre de soixante ^etres des services d’alimentation, des crèches
- ®tc. Le temps d’aller aux provisions ou de con-
- duire les poupons et les bambins aux nourriceries estàpeineappréciable ; dèsquelesenfanfs prennent quatre ans, ils peuvent, sans que les parents éprouvent aucune inquiétude, se rendre seuls aux écoles, organisées de façon à dispenser la famille d’aucune surveillance de l’enfant pendant la plus grande partie de la journée. Le commerce étant remplacé par un service d’échange, la ménagère n’ayant pas à redouter les surprises et les fraudes peut se faire remplacer par ses enfants dans les déplacements nécessités par les approvisionnements; il lui suffit de donner son carnet d’achat à son enfant, celui-ci le lui rapportera avec le détail des prix, du poids, des divers objets achetés.A chaque étage du Familistère, l’eau est à proximité des logements, et des cabinets convenablement distribués, destinés à recevoir les ordures dispensent la femme de tout déplacement exigeant la moindre perte de temps. En résumé, au Familistère, si justement qualifié par son fondateur de Palais du travail, toutes ces démarches, qui absorbent, dans la vie ordinaire, une si grande partie du temps de la ménagère, y sont réduites à leur durée minimum. Nulle part,la femme ne peut donner autant de temps au travail producteur sans négliger les soins de son intérieur*
- L’habitation unitaire présente encore d’immenses avantages relativement à la distribution et à la surveillance du travail de la petite industrie.
- En fait de travail des femmes,lorsqu’on compare ce qui est possible au Familistère à ce qui se passe journellement à Paris, la supériorité de l’habitation unitaire ressort avec une parfaite évidence.
- A Paris, l’ouvrière en chambre est généralement éloignée du magasin ou de l’entrepreneur qui l’occupe.Cet éloignementetlesinconvénients qui en résultent pour le patron, denepouvoirse renseigner facilement sur la probité de l’ouvrière font que l’on donne une petite quantité d’ouvrage en même temps. Dans beaucoup de maisons on exige deux livraisons par semaine, qui absorbent au moins la valeur d’une journée de travail, sans compter les dépenses de vêtements et de chaussures ; autant de circonstances qui réduisent souvent le salaire d’un quart de sa valeur, s’il était séparé de toutes ces complications. Puis le patron, ayant souvent sa matière première dispersée aux quatre coins de Paris, ne peut exercer aucune surveillance, aucun contrôle sur la manière dont les ouvrières exécutent le travail ; dans bien des cas, s’il en était autrement, on pourrait confier à l’ouvrière en chambre des travaux réservés à celles qui travaillent en atelier. Cet éloignement des ouvrières /,omplique
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- beaucoup les difficultés de la recherche du travail; on redoute de confier au dehors de l’ouvrage aux ouvrières dont on n’a pu à l’avance apprécier les capacités.
- Tous ces inconvénients disparaissent dans l’ha-tation unitaire. Au Palais principal du Familistère de Guise sont logés 460 ménages, et les deux les plus éloignés sonf distants de 160 mètres ; on peut circuler des uns aux autres, quel temps qu’il fasse, sans jamais être exposé aux intempéries, au moyen de galeries couvertes ; il faut moins de cinq minutes pour aller d’un point extrême à l’autre. On conçoit que, dans de pareilles conditions, il n’existe aucun des inconvénients inhérents à la petite industrie exercée au milieu d’une population répandue dans des maisons isolées. Le rapprochement des ouvriers et de ceux qui ont mission de diriger et de surveiller l’exécution du travail simplifie et supprime une grande partie des complications si onéreuses pour la production dans la petite industrie.
- Le Familistère, l’habitation uni taire,seprête d’une manière exceptionnelle à tous les modes de travail à domicile ou en atelier; il permet de confier à l’ouvrière en chambre des travaux que partout ailleurs on est contraint de faire façonner en atelier; et lorsque l’atelier est plus avantageux, le Familistère supprime les pertes de temps et les fatigues occasionnées aux ouvrières par les longues distances entre leur logement etl’ouvroir, et celles-ci ont toujours davantage de pouvoir prendre leurs repas de midi dans la famille.
- Le Familistère, au point de vue économique et social, répond à toutes les préoccupations sincères des économistes. Pourquoi persistent-ils à ne pas tenir compte de son existence. Nous le demandons a tous les gens de bonne foi, cette solution pratique, vivante, que chacun peut voir et toucher, n’est-elle pas supérieure à tous les discours des académiciens ?
- LA PROPAGANDE DE LA PAIX.
- Nous trouvons dans un petit journal de province une intéressante circulaire émanant de la société Française des Amis de la Paix, signée parM. Frédéric Passy, membre de l’institut, député de la Seine. Nos lecteurs la liront avec intérêt. Il est regrettable que des pièces de cette valeur ne soient pas directement adressées à la rédaction du Devoir, qui prend une part si active à la propagande de tout ce qui peut contribuer à faire prévaloir les idées de désarmement et de toutes les réformes
- susceptibles de conserver et d’améliorer les conditions les plus favorables au développement de la vie humaine. En agissant de la sorte, il peut arriver que des documents aussi importants échappent à notre vigilance, et, par ce fait, ne parviennent pas aux lecteurs du Devoir si ardemment dévoués aux principes d’arbitrage international et de désarmement européen.
- Voici la circulaire en question.
- Paris, le 15 juin 1884.
- Monsieur et cher Correspondant,
- Vous avez reçu nos derniers Bulletins. Vous y avez vu que notre Société, fidèle à la pensée qui lui a valu votre adhésion et votre concours, ne cesse de se préoccuper des moyens de développer et de faire passer plus efficacement dans le domaine de la pratique l’idée féconde et, quoi qu’en disent les indifférents et les sceptiques, tant de fois éprouvée déjà, de l’arbitrage international.
- La Société française des amis de la Paix suit avec soin, en France et au dehors, tous les faits qui, de près ou de loin, se rattachent à cette grande cause ; et elle croit être en droit d’affirmer qu’un mouvement sérieux est en train de se produire, au sein des nations européennes, contre l’exagération des charges militaires sous le poids desquelles elles plient à l’envi et contre la vieille et déplorable politique d’agression et de conquête qui a graduellement accru ces charges jusqu’à les rendre intolérables.
- En Allemage, des symptômes non suspects de fatigue se sont fait jour jusque dans le Parlement ; et des voix qui ne sont pas toutes sans autorité ont commencé à parler de la neutralisation ou de la libération de l’Alsace comme d’une mesure que commanderaient à la fois la prudence et la justice.
- En France, la discussion en ce moment pendante de la loi sur le recrutement de l’armée a, malgré la réserve qu’imposent à tout le patriotisme et le trop inévitable souvenir de cruelles épreuves, permis plus d’une fois d’entrevoir des sentiments analogues : le vœu d’un désarmement partiel, provoqué par le plus légitime souci de la puissance productive de la nation, a même été expressément formulé à la tribune ; il le sera encore.
- Mais ce désarmement si désirable ne peut dans l’état actuel de l’Europe, être raisonnablement réclamé qu’à la condition d’être simultané ; et pour entraîner les Gouvernements, qui au fond peut-être ne sont pas éloignés d’y souscrire, à un pas décisif dans cette voie, une pression énergique de l’opinion générale est nécessaire.
- Cette pression, les circonstances sont favorables pour la provoquer. Dans quelques mois, un tiers du Sénat va être renouvelé. Dans un an, tous les collèges électoraux auront a renommer des députés. C’est le cas ou jamais de poser devant le corps électoral, ou pour mieux dire de faire poser par lui? la question vitale qui nous préoccupe. Nous avons résolu de ne pas laisser échapper une telle occasion ; et nous venons en conséquence, Monsieur et cher correspondant, vous demander, pour préparer et pour exercer l’action que nous projetons»
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- votre plus bienveillant, et nous l’espérons, votre plus terme concours. Nous vous prions de vouloir bien, en nous renseignant sur l’état de l’opinion, à ce point de vue, dans la région que vous habitez, nous faire savoir quelles seraient, dans cette région ou dans toute autre qui vous serait connue, les ressources sur lesquelles nous pourrions compter ; quels candidats, parmi ceux que leurs titres et leurs services paraissent désigner aux suffrages de leurs concitoyens, pourraient être pour nous des auxiliaires utiles et sûrs ; sous quelle forme et par qui, dans des réunions préparatoires ou dans la presse, les questions dont nous poursuivons l’étude et la solution pourraient être introduites ; ce que, pour votre compte, individuellement ou avec d’autres, vous vous croiriez en état de faire ; à quelles personnalités marquantes enfin ou à quels organes influents de la publicité, vous nous engageriez à nous adresser.
- Nous n’avons pas besoin de vous faire remarquer de quelle importance est l’effort auquel nous vous convions. En présence d’une situation d’une gravité exceptionnelle, dans des conjonctures qui peuvent être décisives, nous faisons, dans le sentiment profond de notre responsabilitét appel à tous ceux qui nous ont autorisés à les considérer comme des collaborateurs et des amis. Leur réponse nous dira et ce que nous devons faire et ce que nous sommes en droit d’espérer. Il ne tient qu’à vous que ce soit beaucoup.
- Nous vous prions d’agréer, Monsieur et cher correspondant, dans ces sentiments, l’assurance de notre considération la plus distinguée.
- Pour le Conseil d’Administration de la Société Française des Amis de la Paix et en son nom,
- Le Président : Frédéric Passy,
- Membre de l’Institut, Député de la Seine.
- La Prudence Economiste
- Le Devoir a publié une étude de l’œuvre de M. Henri George « Progrès et Pauvreté ». Nos lecteurs ont pu apprécier la portée philosophique du travail de M. George.
- L’ouvrage vient d’être mis entre les mains des élèves de City of London college, par le Rév. Richard Whit-hngton, principal de ce collège. Ce dernier a écrit au Times que l’on a cherché là qu’une occasion de démontrer les erreurs de M. George.
- Lu écrivain du journal des Économistes, numéro de juin, page 418, rapporte le fait, et complète son information par l’interrogation suivante : « Est-ce une conduite bien prudente? b
- Quel parfum d’économiste dans ces quelques mots !
- Est-il prudent d’apprendre à des jeunes gens, à des esprits que n’ont pas faussés les sophismes et les spéculons des faiseurs, à juger, pièces en mains, les livres 1Ue 1 on signale à leur réprobation ?
- Quelle médiocre confiance ont les économistes en la force de leurs aguments, si leur prudence ne leur permet pas de conseiller le lecture des ouvrages socialistes.
- Que feraient-ils donc, s’il se présentait une occasion de discuter contradictoirement en face de M. George.
- Les écrivains des Économistes préféreraient à l’action loyale du Rév. Whittington que l’on choisît dans les pages de leur journal quelques lignes, bien vénimeuses, habilement sophistiquées, attribuant avec une apparence de fausse caudeur à M. George ou à quelqu’un de son opinion une chose ridicule, insensée, à la quelle il n’aurait jamais pensé, mais qui serait excellente pour prouver que M. George ou tout autre est un énergumène, un homme sans valeur, un criminel, un fou.
- Cette simple phrase contient un aveu d’impuissance, dont il est bon de prendre note j puis elle montre une crainte de la contradiction que l’on ne devait pas prévoir chez des hommes habitués à soutenir que l’économie politique est une science. Quel argument pour ceux qui prétendent qu’elle a toujours été une ingénieuse mystification.
- « Est-ce une conduite bien prudente ? » dites-vous au Rév. Richard Wittington.
- Permettez-moi, prudent et sage économiste, de vous demander à mon tour, si, à la fin du dix-neuvième siècle, il est bien prudent de votre part d’avouer que vous avez peur de l’imprimerie?
- Laissez-moi vous remercier encore, Monsieur l’économiste, de m’avoir livré le nom d’un honnête homme qui, comme nous les socialistes, n’a pas peur de l’imprimerie. Je vais lui adresser quelques numéros du Devoir susceptibles de le renseigner sur la sincérité et la solidité de la critique économiste.
- L’Arbitrage dans les Associations.
- Nous avons publié dans un précédent numéro aux faits politiques et sociaux les statuts adoptés par le syndicat de la presse départementale pour le fonctionnement d’un tribunal arbitral ayant mission d’examiner les différends entre journalistes.
- Nous recevons aujourd’hui le n° 1 du bulletin de la Chambre syndicale des employés de chemins de fer, qui contient les statuts de cette association, ayant son siège, 31, rue de Constantinople à Paris.
- Ce syndicat se propose d’assister ses sociétaires, qui seront obligés de plaider contre les compagnies, par des indemnités de chômage et par le paiement des frais de justice ; toutefois l’intégralité des frais de l’action judiciaire ne sera accordée qu’aux membres qui auront accepté de recourir d’abord à l’arbitrage.
- j On ne saurait trop engager les travailleurs de cetie cor-
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- LE DEVOIR
- poration, ouvriers et employés, car le syndicat ne fait avec raison aucune distinction ^utre ces deux catégories de salariés, à venir grossir le nombre des premiers adhérents.
- Les autres ofiambres syndicales devraient imiter l’exemple du syndicat des travailleurs des chemins de fer.
- 16e Congrès annuel DES COOPÉRATEURS ANGLAIS1'
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- 2° Rapports entre les sociétés coopératives etles Trades-Unions.
- Depuis quatre ans les rapports vont se resserrant entre les sociétés coopératives et les Trades-Unions.
- « Le Devoir », dans son compte rendu du congrès tenu par les coopérateurs à Newcastle en 1880, s’est attaché à faire ressortir la portée de cette évolution, alors naissante. Et M. Godin dans une adresse aux coopérateurs anglais, adresse publiée dans « Le Devoir » des 15 et 22 août 1880, et reproduite en Angleterre par le « Coopérative News », s’attacha tout spécialement à indiquer aux Coopérateurs et aux Trades-Unionistes tout le bien qu’ils pouvaient réaliser par une entente commune et ouvrit, chose remarquable, la voie#précisément suivie aujourd’hui par ces deux grands corps.
- Revenons aux informations fournies par le « Coopérative News ».
- Au cours de l’année 1883 un comité composé mi-partie decoopérateurs, mi-partie de Trades-unionis-tes a été formé pour régler tout différend qui pourrait s’élever entre les sociétés coopératives et leur personnel. Il est vrai que ce comité n’a point encore eu l’occasion de remplir son office, par cette excellente raison qu’aucun différend ne s’est élevé. Mais il n’en constitue par moins le gage d’un accord entre deux grandes institutions poussant, chacune de son côté, à l’amélioration du sort des classes ouvrières et, aujourd’hui, à l’inauguration du système de la participation du travail aux bénéfices.
- En effet, voici ce que nous lisons dans les discours des délégués des Trades-Unions au congrès des Coopérateurs.
- M. Crawford, l’un de ces délégués, proclame que les sociétés coopératives et les Trades-Unions ayant les mêmes aspirations et le même but, doi-
- vent de plus en plus agir de concert afin d’obtenb des résultats supérieurs. Il engage les coopérateur,s à fonder des sociétés de production réparti s s an; équitablement leurs bénéfices entre les élément,-producteurs, et dit que les Trades-Unions vraisemblablement aideront de leurs fonds de telles entrer prises.
- M. Murchie, l’autre délégué, confirme les dires de son collègue.
- « Les Trades-Unions », selon lui, « n’auraient pas grande valeur sociale, si leur but était simplement d’élever le taux des salaires et de réduire lc0 heures de travail. Elles veulent faire plus et h jour est proche où elles utiliseront leurs capitaux accumulés à la fondation de sociétés coopératives de production. »
- En attendant la réalisation de ces voeux, un coopérateur, M. Holyoake, afin de populariser le droit du travail à une part des bénéfices, a invité les Trades-Unions, si ce n’est à rendre obligatoire pour l’ouvrier le refus de travailler dans les établissements où la participation du travail n’est pas instituée, du moins à toujours donner la préférence aux établissements qui la pratiquent. Une telle manière de faire changerait, selon lui, du tout au tout l’aspect de la question, en Angleterre, en moins de trois ans.
- « Presque tous les coopérateurs, » dit M. Holyoake « sont membres des Trades-Unions, la question les intéresse donc à un double point de vue. Or, en suivant le plan indiqué, les Trades-Unions peuvent vulgariser l’application du principe de participation du travail avec moitié moins de peine qu’elles n’en ont pour obtenir l’élévation des salaires. »
- Les délégués des Trades-Unions, affirmant à nouveau que selon eux les sociétés de production vraiment coopératives doivent un jour émanciper l’ouvrier, s’engagent à user de toute leur influence pour amener les Trades-Unions à réaliser, de concert avec les coopérateurs, de telles sociétés.
- 3° Fonds d’éducation
- Le fonds d’éducation est le point de départ des institutions communes qu’il est de l’essence des sociétés coopératives de réaliser au profit de tous leurs membres. Malheureusement, l’idée d’accufflu-1er des ressources pour en faire un usage profitable à tous les membres d’une société est encore si peU comprise, que le fonds même d’éducation n’a que d’insignifiantes ressources : En effet, l’on voit eu compulsant les relevés contenus au rapport du bu-
- (1) Lire «; Le Devoir » du 22 Juin 1884,
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- reau central que sur 1346 sociétés coopératives de la Grande-Bretagne et de l’Irlande, 903 seulement, celles constituées sur le plan de la société initiale de Rochdale, ont des fonds d’éducation. Et ces 903 sociétés n’ont ensemble consacré à ce fonds, pour l’année 1883, que 429.725 francs.
- Les économies réalisées par les coopérateurs sont donc, pour la plupart, dépensées au bénéfice individuel de leur possesseur, et cela sans modifier sérieusement l’état des choses pour l’ouvrier. Les plus prévoyants parmi eux, les plus économes, s’ils n’ont point une famille nombreuse, si la maladie et les accidents ne les frappent pas trop, peuvent acquérir peu à peu, par l’accroissement de leur épargne dans les sociétés coopératives, de quoi être à l’abri de la misère pendant leurs vieux jours. Mais pour la grande masse des coopérateurs non placés dans les mêmes conditions, l’avenir n’est point garanti, faute d’institutions véritablement sociales parmi eux. C’est à combler ces lacunes, à réaliser des institutions protectrices de la famille toute entière, des femmes, des enfants, des vieilllards que poussent les grands apôtres du mouvement, ceux qui avec M. Vansittart Neale en ont compris toute la portée.
- Le fonds d’éducation est la première application de l’idée de fraternité, puisque c’est lui qui fournit les premières ressources grâces auxquelles par les conférences, les bibliothèques, la lecture des livres et des journaux, les réunions et les discussions, on arrivera peu à peu à faire comprendre aux coopérateurs qu’ils n’en sont encore qu’au premier pas de la voie à parcourir, laquelle aboutit à l’organisation de la sécurité, du bien être, du progrès physique, intellectuel et moral pour tous.
- Au congrès des coopérateurs tenu à Edimbourg en 1883, un comité spécial avait été institué pour l’étude de tout ce qui aftrait à la propagande et à l’éducation dans les sociétés coopératives.
- M. Acland, secrétaire de ce comité, a déposé au congrès de Derby un rapport dont nous extrayons les conclusions suivantes :
- « Le comité soumet au congrès, après examen approfondi des faits de l’année écoulée, deux moyens de propagande et d’éducation :
- « 1° Dans chaque société, l’institution de réunions régulières pour la lecture et la discussion de discours que le comité même d’éducation enverrait dans ce but aux sociétés ;
- « 2e Dans chaque société, ouverture de petites classes où les principes de la coopération seraient systématiquement enseignés en séries db leçons
- hebdomadaires, par les professeurs volontaires de la coopération.
- « Le comité a déjà fait imprimer des esquisses de leçons et des tableaux graphiques propres à rendre cet enseignement simple, facile, tangible et attractif.
- « Des prix pourraient être décernés pour encourager les élèves.
- « Mais le plus nécessaire, après le vote des'fonds, c’est de trouver des volontaires dévoués à la propagande.
- « L’enseignement à faire est simple en soi, mais il faut en même temps soutenir, fortifier ceux à qui l’on s’adresse.
- « La direction et le soutien des discussions nécessitent du tact et de l’entrain plus que tout autre chose. Aux coopérateurs qui prétendent n’être pas des professeurs il faut répondre : « ce que vous savez vous-même, ce que vous avez à coeur de voir vulgariser, vous saurez bientôt avec de la bonne volonté le communiquer aux autres. » La cordialité et la sympathie font plus de la moitié de l’ouvrage.
- « Ce n’est ni par des félicitations sur nos succès pécuniaires, ni par des compliments mutuels que nous accomplirons des progrès.
- « Ce sera en nous appliquant avec persistance à organiser des arrangements sociaux démontrant à tous ce que la coopération peut et doit être.
- « Si nous nous persuadons bien que le gouvernement n’a pas à faire notre éducation coopérative, qu’il doit nous suivre et non nous guider ; que c’est à nous tous, hommes et femmes, à nous donner en fait de coopération l’éducation voulue, alors les institutions du pays s’amélioreront, et il y aura dans ce fait le plus grand des encouragements pour les coopérateurs dont l’oeuvre doit tourner au bénéfice de la société en général et non au seul profit de l’individu. »
- Une vive et intéressante discussion suivit la lecture de ce rapport.
- Nous y remarquons ces belles paroles de M. Lloyd Jones :
- « La coopération ne consiste pas simplement à faire des placements de fonds et à toucher les bénéfices. Si les coopérateurs en demeuraient là, le monde les appellerait hypocrites, parce qu’ils prêcheraient une chose et en pratiqueraient une autre. Nous devons enseigner aux hommes, par l’exemple aussi bien que par le précepte, comment ils peuvent s’aider les uns les autres et s’élever ensemble à une plus noble et plus heureuse condi-
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- tion d’existence. »
- M. Campbell, de Leeds, déclare que sur 20,000 coopérateurs, Leeds en compte 500 à peine comprenant et appréciant bienles principes de la coopération. Ces cinq cents, dit-il, doivent se faire les professeurs des autres.
- M. Orabtree fait ressortir que les sociétés qui dépensent le plus pour l’éducation de leurs membres, sont aussi celles qui prospèrent davantage.
- Un délégué dit que la coopération distributive est chose relativement aisée, mais que pour réaliser la coopération productive l’instruction des membres est une condition vitale.
- La résolution suivante est votée à l’unanimité :
- « Le congrès est profondément convaincu de l’absolue nécessité de pousser au développement de l’éducation coopérative, et les délégués s’engagent à agir auprès de leurs sociétés respectives en vue d’obtenir d’elles les fonds nécessaires pour atteindre le but proposé ».
- 4° La coopération agricole.
- M. David Johnson, directeur d’une ferme exploitée sous le mode coopératif dans le comté de Warwick, lit un discours dont nous extrayons les renseignements suivants.
- L’entreprise agricole à la tête de laquelle est M. Johnson ne date que de l’année dernière et 16 travailleurs seulement y coopèrent. Ce ne sont donc pas les résultats de cette oeuvre en voie de formation, mais les connaissances et le talent pratiques du directeur qui ont particulièrement arrêté l’attention du congrès.
- La ferme dont il s’agit comprend environ 167 hectares : partie en terres cultivées, partie en pâturages. Le fonds, le bétail, les outils etbâtiments, tout le matériel agricole, enfin, est pris à location par les coopérateurs.
- Le fonds est loué environ 8.900 francs.
- Le bétail, les bâtiments, les instruments, tout le matériel est évalué, 82.600 fr. Les coopérateurs ont, en outre, emprunté pour l’exploitation. 5.000 fr. au propriétaire. Pour ces deux dernières sommes ils paient un intérêt de 6 0/0.
- L’association est administrée par un comité composé du directeur et de deux membres élus annuellement, fin de septembre,parmi les travailleurs, àla majorité des membres présents. Les commissaires sortants sont rééligibles.
- Les bénéfices nets sont arrêtés chaque année. De ces bénéfices 20 0/0 vont au fonds de réserve jus-çu'à ce que celui-ci atteigne 20.000 fr. ; 40 0/0 vont
- au propriétaire jusqu’à ce que le bétail, les instruments et tout le matériel soit devenu la propriété des coopérateurs.
- Les 40 0/0 restants sont divisés en deux parts : 15 0/0 sont alloués au directeur de l’association et 85 0/0 aux membres, proportionnellement aux salaires touchés par eux pendant l’année.
- La comptabilité est constamment ouverte au libre contrôle des membres ou du propriétaire.
- Les membres démissionnaires ont droit à leur part des bénéfices de l’exercice courant, à leur part du fonds de réserve et de tout autre propriété de l’association. Les amendes sont déduites des salaires. Tout différend concernant l’application de ces règles est soumis au jugement d'un arbitre.
- Les douze associés, hommes capables, reçoivent un salaire de 3 fr. 10 par jour ; ils touchent 3fr. 75en temps de moisson et Ofr. 40, par heure supplémentaire. Les jeunes gens touchent un peu moins.
- M. Johnson explique dans son discours que les fermes coopératives doivent exploiter au moins 80 hectares ; mais la condition est véritablement avantageuse à partir de 160 hectares.
- La grosse question, là comme partout, est d’avoir un bon directeur.
- M. H. V. Neale, le fils du vénérable Vansittart Neale, confirme, en sa qualité de chef de la société coopérative agricole d’Assington, les dires de M. Johnson. Lui aussi appuie sur la nécessité d’avoir un bon directeur.
- La société à laquelle est attaché M. Neale, est, comme celle de M. Johnson, trop jeune pour fournir autre chose que des espérances.
- Le but des coopérateurs en inaugurant les sociétés coopératives agricoles, est de rapprocher les producteurs et les consommateurs et de se passer, le plus possible, des intermédiaires.
- Le congrès vote l’impression du discours de M. Johnson et sa mise à l’ordre du jour d’une prochaine assemblée.
- (d suivre.)
- APHORISMES ET PRÉCEPTES SOCIAUX
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- Les crises du travail
- Les progrès de l’industrie font que la production excède les besoins de la consommation, d’où résultent. la crise industrielle, le chômage et la misère des ouvriers pHvés de travail.
- Le remède à un mal pareil c’est qu’une meilleure répartition de la richesse permette à chacun de consommer autant qu’il produit.
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- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- Sénat. — Le Sénat a voté en deuxième lecture la loi sur le divorcé, après l’avoir sensiblement améliorée en assimilant l’adultère du mari à celui de la femme. Cette décision a été désaprouvée par une grande partie de la presse républicaine : le Rappel s’est trouvé au nombre des journaux mis en mauvaise humeur par cet acte si libéral du Sénat.
- Voilà maintenant les adversaires du Sénat bien embarrassés pour faire son procès à l’Assemblée nationale pour la révision. A toute proposition de supprimer le Sénat, les défenseurs de cette institution pourront prouver par cet exemple que le Sénat est plus libéral que la Chambre. Les ministres s’évertuent à empêcher la Chambre de voter des lois républicaines sous prétexte de ménager les opinions rélrogades du Sénat, et, lorsque la Chambre se laisse arrêter par ces considérations, les sénateurs lui jouent la bonne farce de donner aux projets de loi acceptés par elle, un caractère plus réformateur ; mais, après l’Assemblée nationale, lorsque l’existence du Sénat aura été confirmée par la réunion des deux Chambres,nos honorables se rattraperont et se vengeront probablement de cet acte de libéralisme imposé par la crainte de l’Assemblée nationale, en rétablissant dans la loi militaire tous les privilèges éliminés par les députés,.
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- La Chambre. — Le projet de loi militaire a été voté en deuxième lecture ; il a obtenu plus de 400 voix de majorité. Malgré le Gouvernement, malgré les entraves suscitées à chaque instant par les partis opposés à la République, les vues égalitaires de la commission ont été toutes acceptées par la Chambre. Les mécontentements provoqués par ce vote se traduisent ehaque jour dans les journaux ministériels par des appels à la résistance du Sénat.
- La discussion du projet de révision limitée a commencé à la Chambre par un magnifique discours de M. Madier de Montjau, qui n’a pas ménagé au ministère de justes et sévères admonestations inspirées par la violation de la constitution et du bon sens,dont la majorité va probablement se rendre coupable.Certains prétendent qu’il importe peu que la proposition de révision soit posée aux deux Chambres séparées, ou bien réunies en Assemblée nationale, que ce qu’elles feront dans le premier cas, elles le feraient dans le deuxième. Ce raisonnement a l’inconvénient de n’être ni ingénieux, ni juste; car il peut se faire, à cause de l’infériorité numérique du Sénat, que le projet du Gouvernement soit accepté par une des deux Chambres et repoussé par l’autre, et que l’addition des voix d’une majorité et-d’une minorité donne un chiffre de voix plus élevé que la moitié des députés et des sénateurs réunis en Assemblée nationale, il y aurait dans ce cas un conflit, et la preuve certaine que l’Assemblée nationale, une fois réunie, s’empresserait de rejeter les projets ministériels.
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- La Conférence. — La note envoyée par le cabinet de Londres aux puissances pour les inviter à la conférence énumère six points principaux sur lesquels est fondé l’accord anglo-français, et qui serviront de base aux travaux de la conférence.
- Voici ces six clauses, en substance :
- 1° La caisse de la dette pnblique aura le droit de s’opposer aux augmentations de dépenses budgétaires.
- 2° Gette commission exercera un droit de contrôle sur le budget, c’est-à-dire quelle pourra présenter des observations ur sa rédaction.
- 3° Elle sera présidée par un Anglais, qui aura voix prépondérante.
- 4° La caisse de la Dette exercera un contrôle intégral quand l’occupation de l’Egypte par les troupes anglaises aura pris fin.
- 5° Ce terme de l’occupation est fixé au 31 décembre 1887.
- 6° A cette date, l’Egypte sera neutralisée.
- Il paraît certain que plusieurs puissances ne feront pas de réponse officielle à cette communication avant de connaître l’issue des débats qui auront lieu à la Chambre des communes.
- Conseil municipal de Paris. — Le Conseil municipal de Paris présente un curieux spectacle, digne de l’attention de tous ceux que préoecnpe l’intérêt public. Deux politiques tout à fait opposées y sont en présence. Nous ne voulons pas parler dés autonomistes et des opportunistes, deux formes de la politique de crachoir, de celle qui n’a jamais vu dans la République qu’un excellent thème à discours destinés à capter la confiance de la masse et à abuser de sa crédulité. Cette politique est aux prises avec celle des résultats, celle qui veut des faits. Pendant que la première s’occupe du centenaire de Diderot, quelle décrète des statues, qu’elle se prépare, quatre ans à l’avance, à célébrer la fête de la Résolution, la deuxième lui riposte par des propositions fermes inspirées du plus pur esprit de la Révolution française, puisqu’elles tendent à procurer aux travailleurs une sécurité, sans laquelle les droits de l’homme n’auraient aucune garantie. La première politique renvoie les propositions de la deuxième, toujours à des commissions. Mais, à force de renvois, ne peut-il se faire que les électeurs prennent envie d’intervenir et de se prononcer en faveur des projets des nouveaux membres du conseil municipal. 11 est difficile d’admettre que la majorité des travailleurs se montre hostile à des projets comme ceux que Messieurs Vaillant et Chabert viennent de déposer au sujet des prix de série. Voici ces deux propositions :
- Le Conseil,
- Vu que jusqu’à ce qu’ils puissent être annuellement révisés à l’avantage du travail, il importe que les prix de série soient maintenus oomme une sauvegarde des ouvriers — si insuffisante soit- elle — contre les spoliations dont ils sont victimes ; et que l’application de ces prix soit assurée d’une manière efficace, etc. ;
- Délibère :
- Article premier. Les prix de la série officielle de la Ville de Paris seront rigoureusement appliqués dans tous les travaux de la Ville. Tout contrat entre elle et un entrepreneur sera résilié par le fait même qu’un ouvrier aurait été payé au-dessous des prix de série, fût-ce par un accord abusif entre l’entrepreneur et l’ouvrier.
- Art. 2. En cas de contravention de l’entrepreneur aux dispositions de l’article 1er, outre la résiliation du contrat, la retenue de garantie sur les travaux exécutés et le cautionnement déposé seront acquis à la Ville, qui aura aussi le droit, pour terminer le travail, de se servir du matériel amené sur les chantiers par l’entrepreneur.
- Art. 4. Pour ces travaux, la durée de la journée de travail est fixée à huit heures, le prix de cette journée de huit heures devenant égal à celui fixé pour la journée de dix heures. Le nombre d’heures de travail par semaine ne pourra excéder quarante-huit heures.
- Art. Une inspection sérieuse des chantiers et ateliers sera établie par la Ville, ainsi qu’un contrôle de la paye, qui devra être régulièrement faite chaque quinzaine.
- Vaillant, Pichon.
- Considérant,
- Que les travailleurs doivent jouir du produit intégral de
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- leur travail, en attendant qu’ils soient remis en possession de toute la richesse sociale,
- Le conseil délibère :
- Tous les travaux de la Ville de Paris seront confiés exclusivement aux Chambres syndicales et Sociétés coopératives ouvrières, la Ville fournissant les instruments de travail et autres moyens matériels de produire, et les chambres et corporations la main-d’œuvre.
- Le montant des salaires, au-dessus du prix des tarifs de la série et des tarifs fixés par les chambres syndicales, sera versé dans les caisses des corporations intéressées.
- Signé : G. Ghajbert.
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- La circulaire ministérielle sur les récidivistes. — Nous livrons à la méditation de nos lecteurs le passage suivant extrait d’une circulaire ministérielle :
- « Le gouvernement estime qu’il y a lieu de lui donner des pouvoirs disciplinaires vis-à-vis des relégués et qu’il est nécessaire d’organiser une sorte d’embrigadement. Quatre surveillants au minimum seraient affectés à cent relégués. Le gouvernement pense, en outre, que les relégués, recevant le vivre, le logement et même l’hospitalisation, seraient, par la suite, dans une situation meilleure que les émigrants volontaires. Il y a donc lieu de chercher les moyens d’obtenir d’eux un travail sérieux et d’exercer sur eux un pouvoir disciplinaire. »
- Ce pouvoir disciplinaire que réclame le ministère, de quelle façon qu’on l’envisage, est simplement une prolongation de la peine. Il y a dans ce fait une violation flagrante des principes de justice qui commandent de considérer comme libéré de toute servitude morale et corporelle le condamné, après, l’exécution de sa peine.
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- Liquidation de la caisse de la grève d’An-zin*. ~ On sait avec quelle perfidie des journaux dévoués aux intérêts des propriétaires d’Anzin avaient insinué que M. Basly, secrétaire de la Chambre syndicale des mineurs, avait abusé des fonds qui lui étaient adressés pour secourir les mineurs. La commission decontrôle a constaté qu’il avait été reçu 85,065 fr. 55 cent.,et qu’il avait été distribué 85,081 fr. 55 cent.,soit 16 fr. de plus que l’argent en caisse. M. Basly a été chaleureusement félicité par les délégués des mineurs.
- L’Honneur militaire Français. —M. Aurélien Scholl dans 1 ’Echo de Paris demande l’amnistie des Arabes condamnés à la suite de l’insurrection de 1871 sous la conduite de Mokrani. En 1871, ces insurgés acceptèrent une soumission immédiate en échange d’une promesse formelle d amnistie complète. Les lettres de pardon signées par les généraux Bonvallet, Lallimand, Augereau existent encore.
- Le pardon promis, signé et accepté, les révoltés étaient rendus, mais quand ils furent désarmés et au pouvoir de la France, les cours d assises décidèrent que les généraux avaient dépassé leur pouvoir ; en conséquence la capitulation fut regardée comme nulle et les insurgés furent condamnés à mort, les autres à la déportation, comme s’ils avaient été prisses armes à la main.
- C est en vertu de cette odieuse iniquité, de cette révoltante duperie que, depuis plus de treize ans, Mokrani et ses compagnons peuvent, au nombre d’environ trois cents, méditer dans les bagnes sur le degré de confiance qu’on doit avoir dans la parole des chefs français.
- Que penser de ces généraux qui n’ont pas mis leur corps entre ces victimes et les pelotons d’exécution, qui n’ont pas*
- brisé leur épée après une décision qui les rend responsable d’un infâme guet-apens.
- Si l’on trouvait un fait pareil dans l’histoire de l’invasion allemande, M.Derouléde aurait composé depuis longtemps des vers indignés contre les auteurs d’un tel attentat, et les déela-mateurs réciteraient le poème dans les réunions des sociétés de la Ligue des patriotes; on apprendrait à chaque jeune français à maudire les noms des infâmes.
- Le militarisme est partout le même. On ne saurait trop s’appliquer à tout ce qui peut concourir à en débarrasser la France,l’Allemagne et le reste de l’Europe.
- Progrès universel. Unification des mesures. — Voici, d’après les renseignements fournis par la Société de géographie de Paris, les tableaux sur l’usage du système métrique dans le monde :
- Pays dans lesquels le système métrique est légalement oblgatoire.
- Population.
- Allemagne.... Argentine (République) Autriche-Hongrie. .
- Belgique ....
- Bolivie.............
- Brésil..............
- Chili...............
- Colombie .... Danemarck . . .
- Equateur . . , .
- Espagne .... France et colonies. .
- Grèce ..............
- Italie..............
- Mexique .... Paraguay .... Pays-Bas ....
- Pérou ..............
- Portugal .... Roumanie ....
- Suède ..............
- Norwège .... Suisse..............
- 45.234.061
- 2-830.000
- 37.786.346
- 5.520.009
- 1.957.652
- 9.883.322
- 2.199.180
- 4.000.000
- 1.969.039
- 946.033
- 16.634.345
- 46.843.000
- 1.979.304
- 28.459.451
- 10.046.872
- 346.048
- 4.172.971
- 2.699.945
- 4.160.315
- 5.073.000
- 4.579.115
- 1.806.900
- 2.846.102
- 241.973.011
- Pays dans lesquels le système metnque est légalement
- facultatif
- Puissances du Canada............................ 4.324.810
- Etats-Unis..................................... 59.419.933
- Grande-Bretagne et Irlande.................... 35.241.482
- Perse........................................... 7.653.500
- 97.639.825
- Pays dans lesquels, le système métrique est souvent usité sans avoir de valeur légale
- Egypte. .
- Inde anglaise Russie . .
- Turquie Uruguay . Venezuela .
- 6.820.000
- 198.755.993
- 100.372.553
- 24.804.350
- 438.245
- 2.075.245
- 333.266.386.
- Le Choléra. — Tous les journaux signalent un commencement d’épidémie cholérique à Toulon. Les germes proviendraient du batiment transport la Sarthe, récemment arrivé de Cochinchine.
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- COCHINCHINE
- Le Cambodge vient d’être annexé à nos possessions de Cochinchine.
- MAROC
- Le Mont-Atlas, journal d’Oran, publie la nouvelle suivante :
- Nous croyons savoir en outre de source â peu près certaine que des mouvements de troupes ont été opérés ces jours sur la frontière marocaine ; on nous apprend de Lalla-Maghrnia que les garnisons des petites places de l’Ouest ont toutes reçu des instructions pour l’éventualité d’une démonstration.
- ALLEMAGNE
- Politique commerciale. — En Allemagne, comme en France, dès qu’une classe de commerçants éprouve quelques difficultés, dans son commerce, elle s’adresse au gouvernement pour solliciter une protection, que celui-ci lui accorde presque toujours, lorsqu’il est certain que cette intervention lui sera profitable à lui-même.
- Cinquante négociants de Hambourg, faisant principalement le commerce de denrées coloniales, ont adressé au chancelier une pétition demandant l’établissement d’une surtaxe d’entrepôt. En tête des pétitionnaires figurent MM. Théodore Witte, un des plus grands importateurs de café, Conrad-Henri Donner, Emile Nœlling et Ce, Bœlh frères et Ce, également importateurs. La démarche de ces négociants a été provoquée par le fait suivant : depuis plusieurs années le Havre est devenu le centre d’une spéculation gigantesque à la hausse sur le café. Par suite, de grandes quantités de cafés sont amoncelées dans cette ville ; on y compte quelquefois plus d’un million de sacs, et quand les circonstances forcent certaines maisons â réaliser, non-seulement le marché est alors lourd, mais les offres à l’intérieur font un grand tort aux autres marchés d’importations. Hambourg, qui était le plus grand marché de l’Europe, a surtout beaucoup perdu et se trouve devancé par le Havre. Les pétitionnaires ont donc cru pouvoir s’adresser au gouvernement impérial pour le prier de venir à leur secours en établissant une surtaxe sur les importations indirectes ou en réduisant les droits pour les importations directes. Cette demande ne se borne naturellement pas au café, mais à toutes les marchandises importées ; seulement pour ne pas provoquer l’hostilité des fabricants, on a proposé d’excepter de la surtaxe les matières premières les plus importantes.
- Les journaux de Berlin rapportent qu’une société de capitalistes berlinois a l’intention de faire venir du Japon une quarantaine d’artisans japonais que l’on établira dans un village construit entièrement dans le genre de ceux de leur pays, avec un jardin attenant à chaque maison. Ces colons, parmi lesquels figureront des représentants de tous les métiers dans lesquels excellent les Japonais, travailleraient là sous les yeux des personnes qui viendraient les voir pour étudier leurs procédés. Le gouvernement allemand prête son appui à cette entreprise.
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- Politique coloniale. — M. de Bismarck s’est rendu dans le local où siège la commission du budget du Reichstag qui devait examiner le projet de subvention aux paquebots transocéaniques que le Parlement lui avait renvoyé. C’est la première, fois depuis 1871, que le chancelier a pris part aux délibérations d’une commission. M. Hammacher lui ayant demandé où en était l’affaire d’Angra Pequena, M. de Bismarck a répondu que son intention, à la vérité, n’était pas de fonder des colonies ; mais qu’il était décidé à accorder la protection du gouvernement impérial aux Allemands qui s’éta-
- bliraient sur des territoires inoccupés. Il a dit encore qu’il avait pleine confiance dans le gouvernement anglais qui, sur son propre territoire, traitera les sujets allemands avec équité et bienveillance ; mais il n’en est pas de même pour les administrations des colonies anglaises qui ont des tendances à l’autonomie ou au self government. Si la subvention pour les paquebots était refusée par le Parlement, le chancelier a déclaré qu’il perdrait tout courage-de continuer sa potitique coloniale ; il ne veut pas fonder des colonies artificielles, mais favoriser celles qui poussent spontanément. Au sujet d’Angra Pequena, l’Angleterre a envoyé hier ses félicitations à l’Allemagne et a déclaré qu’elle n’entraverait en rien le développement de la colonie allemande. La subvention pour les paquebots est destinée non pas à favoriser de nouvelles entreprises, mais à soutenir celles qui existent.
- ALSACE-LORRAINE
- Les tableaux soumis au Reichstag allemand sur les résultats du recrutement opéré en 1883 dans la circonscription du 15e corps d’armée (Alsaee-Lorraine) donnent les chiffres suivants. Sur les tableaux de recrutement étaient inscrits 38,872 hommes soumis à l’obligation du service militaire. 10,248 ne se sont pas présentés aux conseils de révision, 12,977 ont été ajournés, 2,368 ont été déclarés impropres au service, 3,263 ont été renvoyés à la réserve de première classe et 816 à la réserve de deuxième classe. Le nombre des hommes incorporés dans les régiments de l’armée active est de 5,118, qui se répartissent comme suit : basse Alsace, 1888 ; haute Alsace, 1,622 ; Lorraine, 1,658. Le nombre des engagés volontaires a été de 246 dans la basse Alsace, 134 dans la haute Alsace et 136 dans la Lorraine. Ont été condamnés comme réfractaires 2,141 jeunes gens.
- BAVIÈRE
- Les journaux de Munich publient l’avis suivant, qui porte la signature du frère de 1 impératrice d’Autriche :
- Toutes les personnes aveugles ou souffrant d’une maladie d es yeux seront reçues dans l’établissement, très confortable nouvellement construit à Tegernsee (Bavière). Les personnes indigentes, munies de certificats constatant leur situation, seront accueillies gratis dans rétablissement.
- ANGLETERRE
- Les délégués desTrades-Unions et d’autres sociétés ouvrières viennent de tenir une réunion très importante, dans laquelle ils ont décidé de convoquer tous leurs sociétaires à une imposante démonstration, devait avoir lieu dans le courant du mois de Juillet, pour appuyer la réforme du suffrage. L’entrée en scène politique de ces puissantes associations ne peut manquer de faire grande impression, l’orsqu’on réfléchit que ces mêmes sociétés ont déjà pris une position importante sur le terrain économique. Si le projet de réforme échoue, les ouvriers mécontents n’abandonneront pas la lutte ; s’il réussit, ils s’en attribueront le mérite et ils ne manqueront pas, après cette expérience favorable, d’accentuer leur attitude politique. Cela est d’un excellent augure pour l’avenir du peuple anglais.
- AUTRICHE-HONGRIE
- On connaît maintenant le résultat définitif des élections hongroises. Sur 413 députés, le parti libéral compte 231 nominations, l’opposition modérée 59, l’extrême gauche 73, les indépendants ou « sauvages » 9, les nationaux 16, les antisémites 48. Le parti gouvernemental dispose d’une majorité de 56 voix et, dans le cas où il aurait les députés croates contre lui, il aurait encore une majorité absolue de 21
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- «LE DEVOIR
- voix. M. de Tréfort, ministre de l’instruction publique et des cultes, a prononcé hier à Presbourg un discours-programme, dans lequel il s’est très catégoriquement prononcé pour la réforme de la Chambre des magnats et pour la prolongation de la période législative de trois à six ans.
- La Prolongation des mandats législatifs, voilà qui fait admirablement l’affaire des politiciens. Aussi les projets de M. Tréfort ne manqueront pas de publicité dans les journaux inféodés aux personnages politiques. Presque tous ont déjà signalé cette partie du discours de M. Tréfort ; mais ils continuent à se taire sur le projet de Révision de M. Godin, demandant la réduction à deux ans de la durée de tous les mandats électifs.
- HOLLANDE
- Le prince héritier est mort. Cette chose si naturelle, la mort d’un être humain scrofuleux et mal constitué, met en péril l’existence d’un peuple, lorsque cet homme est l’héritier d’un roi. Pour éviter pareil danger, le moyen est bien simple, ne pas avoir de roi.
- Nouvelles du Familistère
- Les associés réunis en Assemblée générale le 22 courant ont conféré la qualité d'associés aux personnes dont la liste suit :
- MM. Louis Eugène,
- Point Désiré,
- Poulain Firmin,
- Dirson Jean-Baptiste.
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- CORRESPONDANCE D’ANGLETERRE
- Conférences sur les habitations des pauvres.
- Nous avons eu, depuis le 4 de ce mois, dans Y Albert-Hall, (.Health Exhibition), une série de conférences dans lesquelles la question des logements des petits ouvriers et des pauvres de notre métropole a été traitée à tous les points de vue par des personnes de compétences fort diverses, mais évidemment toutes animées du même désir d’apporter un peu de lumière sur ce point noir de notre état social.
- Quoique les résultats directs, ou même indirects, de ces discussions publiques n’aient pas été fort tangibles, à mon avis, (en ne considérant même que le côté théorique du problème à résoudre), j’estime que, vu la- variété des vues et des opinions émises et la nouveauté de certains faits dévoilés par les nombreux orateurs des deux sexes qui se sont fait entendre dans Y Albert Hall, j’estime, dis-je, qu’un résumé aussi succinct que possible de ces conférences pourra offrir un certain intérêt aux lecteurs du Devoir.
- Je n’essaierai pas de faire du style ; ce travail ne devant être qu’un simple compte-rendu qussi bref que possible, le
- lecteur voudra bien en excuser la forme pour ne s’occuper que du fond.
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- Première Conférence
- Présidents : Le Lord maire et M. Samuelson.
- De la population de Londres
- M. G. B. Longstaff, (Docteur ès Lettres), lit sur la population de Londres et ses migrations un travail dans lequel il est dit que le vrai Londres contient 3,816,483 habitants. En outre, il existe, en dehors du Londres proprement dit, tout un cercle de villes telles que Bromley, Croydon, Kingston, Brentford, Tottenham et Stratford qui forment ce que l’on est convenu d’appeler le grand Londres, (greater London), dont la population totale s’élève à environ cinq millions d’habitants ! Sur ce nombre, le 6 pour O/O se compose d’Écossais, d’Irlandais ou d’individus nés dans les colonies britanniques ; quant aux étrangers, M. Longstaff les divise comme suit :
- Français, 8,251 Polonais, 6,931 Hollandais, 4,913 Italiens, 3,504
- En ce qui concerne les Allemands qui sont, à n’en point douter, de beaucoup les plus nombreux, M. Longstaff s’abstient soigneusement de nous donner aucun chiffre, même approximatif.
- Suivant moi, les données ci-dessus sont au dessous de la réalité — ce qui tient sans doute à ce qu’elles ont été puisées à des sources officielles ! De même je considère encore commu affaibli le chiffre de 100,000 pauvres que, toujours suivant M.Longstaff, nous comptons à Londres, et dont' 50,000 environ vivent ou plutôt meurent dans les workhouses et autres institutions de bienfaisance du même genre.
- Pendant les dernières dix années, la mortalité de la capitale a été de 22 1/2 par mille, soit environ 1 0/0 de plus que dans tout le reste du pays.
- M. Longestaff a conclu son travail en disant que le seul remède qu’il vît au paupérisme qui afflige notre métropole était l’émigration.
- Miss Gertrude Toynbee, qui a succédé à M. Longstaff, n’ayant rien révélé ni suggéré qui vaille la peine d’être relevé ici, nous passons au Révérend A. Mearns qui s’est surtout appliqué à faire ressortir comment l’on pourrait éviter l’entassement malsain, l’ensachement, si je puis m’exprimer ainsi, de nombreuses familles dans un espace restreint, en soumettant à un enregistrement spécial et à une inspection active et sérieuse tous les immeubles sous-loués par chambres, en même temps que l’on élèverait des cités ouvrières.
- Le projet de réformes du Révérend Mearns peut partir d’un bon naturel, mais il est, pour le moment du moins, impraticable. Nous avons en effet expliqué dans une lettre précé-
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- dente qu’un Bill du Parlement est nécessaire pour mâter et ramener aux sentiments d’humanité les plus ordinaires nos grands possesseurs d’immeubles dans les quartiers pauvres de Londres. Cela est si vrai que ce sont ces gens-là et ceux qui ont besoin de leurs votes qui minent déjà de toutes leurs forces le projet de créer une seule municipalité pour toute notre ville : le London Government Bill.
- Quant à la construction de cités ouvrières, nous demanderons au Révérend de nous indiquer où il trouvera l’argent nécessaire pour ce faire, et comment il s’y prendra pour les élever dans le centre de la ville et en maintenir en même temps les loyers à un taux assez bas pouf que les véritables nécessiteux en profitent, et non, comme c’est le cas aujourd’hui, les commis, les petits employés, les agents de police et autres gens qui ont les moyens de louer des petites maisons, des cotages comme on en trouve par milliers à trois ou quatre milles de Charing Cross ou de la cité.
- Un autre ecclésiastique, le chanoine Gregory, a affirmé, qu’il y avait àTottenham, à Engield, à Edmonton et ailleurs, quantités de maisonnettes inoccupées et qui conviendraient parfaitement à des ouvriers. La seule difficulté, a-t-il ajouté, était de mettre ces derniers à même de payer le loyer des dites habitations.
- Personne ne s’offrant pour proposer une solution au problème ainsi posé par le chanoine Gregory-La Palisse, M. T. Harriot vient expliquer à l’assemblée, qui n’avait pas semblé saisir le côté comique de la propoposition Gregory, que la rapide augmentation de la population londonnienne est due à l’immigration incessante des paysans, laquelle avait lieu dans de telles proportions que les campagnes manquaient absolument de bras. De là, concluait l’orateur, une baisse considérable dans le rendement des terres, et, par suite même, une hausse proportionnelle dans le prix des denrées alimentaires.
- Après cette vue saine d’un côté de la question, l’on pouvait s’attendre à ce que M. Harriot émît une opinion quelconque sur la manière de remédier à un mal qu’il venait de nous faire toucher du doigt ; il n’en a cependant rien été, et nous sommes retombés avec M. Kepple Hall dans les inanités — j’allais dire des insanités 1
- M. Kepple Hall nous reproduit en effet tout simplement l’idée de M. Longstaff : l’émigration, — sous-entendu des nécesssiteux, des incapables, des infirmes et des âgés, — l’émigration est, selon ces deux messieurs, le seul remède possible à cet état de choses ; c’est la panacée souveraine,évidemment. Seulement, car il y a un mais, ils oublient de nous dire où ils enverront les bouches inutiles dont 'ils veulent débarrasser leur pays ? Est-ce au Canada ? En Amérique ? Mais John Bull a déjà tellement usé et abusé du moyen, qu’à Québec, comme à Washington, l’on a protesté avec raison, Il ne faut plus compter sur .les colonies ni sur le cousin Jonathan pour supporter plus longtemps « un poids que l’An-
- gleterre trouve trop lourd pour ses propres épaules » : *
- « No more British rubbish to be shot here ! » tel est aujourd’hui l’avis charitable affiché sur les côtes de l’Amérique du Nord.
- Pour un mal aussi étendu, l’émigration sur une petite échelle n’est pas même un allégement ; quant à la faire en grand, cela est désormais impossible ; la conscience élastique de nos pharisiens anglais pourrait s’en accomoder, mais à défaut de tout autre sentiment l’intérêt des autres peuples s’y oppose.
- C’est aussi à peu près l’avis de M. Thomas Hunter qui s’annonce comme un ouvrier, un vrai, qui a passé par tout ee qu’il décrit.
- Enfin un dernier orateur,' le Révérend, G. W. M’Cree, qui a, paraît-il, exercé son ministère pendant 25 années parmi les classes pauvres de notre capitale,a émis l’opinion peu nouvelle, d’ailleurs, qu’il fallait chercher dans l’ivrognerie la cause principale de l’incurable misère d’une partie de notre population ouvrière.
- « Je connais, a dit le Révérend M’Cree, de petits ouvriers qui dépensent chaque semaine de 5 à 10 shellings (de 6 fr.25 à 12 fr. 50) en boisson. » Faites disparaître l’ivrognerie et l’aisance régnera parmi les loqueteux d’aujourd’hui.
- Il y a beaucoup de vrai, là dedans : « Drink is the ourse of England » ! Le proverbe ne date pas d’hier seulement et il ne se passe pas de jour que l’on n’entende retentir ces terribles paroles soit à la tribune soit dans la chaire.
- Je sais bien que nous avons des sociétés de tempérance qui font, parait-il, des miracles de conversions ; mais cependant l’intempérance subsiste et le vice national ne recule que bien lentement,en tant soit-il qu’il recule véritablement. La vieille génération est perdue dans sa partie gangrenée ; ce ne sont pas les serments d’ivrognes connus sous le nom de pledges qui la sauveront. Mais il faut réagir d’avance contre le mal chez les jeunes par l’instruction, afin que lorsque les enfants et les adolescents d’aujourd’hui auront atteint l’âge viril ils sachent se rendre compte de l’état de dégradation bestiale dans lequel la boisson plonge l’homme. Il faut aussi offrir au peuple et, je ne crains pas de le dire, à la bourgeoisie elle-même, des distractions honnêtes les dimanches afin de contrebalancer la seule
- tentation de ce jour : le public-house........................
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- Un vote de remerciements à l’adresse des présidents a terminé cette première conférence dont l’on pourra apprécier tous les résultats négatifs par le compte-rendu que l’on vient de lire.
- Une visite au Familistère, ou simplement la lecture suivie du Devoir pendant quelques mois en apprendrait plus à beaucoup de ces réformateurs loquaces que leurs pompeuses discussions.
- * Ce sont là, on s’en souvient peut-être (les propres expressions d’un Vicn-Coasnl des États-Unis dans le Rnyaume-UniJ.
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- Néanmoins, l’intention est là, c’est un point d’acquis, et peut-être que de tout ce fatras de paroles, de statistiques et de redites il sortira quand même une réforme pratique ; ce sera toujours un petit pas de fait en avant : ne soyons donc pas trop sévère envers ces hommes de bonne volonté.
- Londres, le 14 Juin 1885,
- P. L. Maistre.
- Lipe des Travailleurs pour la Paix
- La conlérence, organisée par la Ligue à la salle de la Redoute, a réuni plus de cinq cents personnes.
- Les orateurs ont été salués par des bravos chaque fois qu’ils ont insisté sur la nécessité pour l’Europe d’accomplir sa transformation politique et sociale.
- Le citoyen Henry Maret, président de la réunion, invite les membres de la Ligue à faire une grande propagande, afin, dit-il, « de hâter l’avènement de la République européenne. L’avenir est au travail, et à l’émancipation sociale. Notre idéal n’est pas que tout le monde soit soldat, mais bien que personne ne soit soldat. Le casernement atrophie la pensée, et empêche le développement de l’intelligence des peuples. La transformation politique et sociale fermera le cycle de toutes les batailles. »
- Le citoyen Henri Brissac, secrétaire de la Ligue, parle de la grandeur de l’horizon intellectuel de notre temps, et démontre que le passé n’offre rien d’analogue. Il développe la thèse de l’abolition des frontières et de l’unité républicaine des peuples « Quand. l’Europe opérera sa transformation économique, elle soulagera par l’adjonction des millions de soldats transformés en travailleurs nouveaux, le poids du travail qui écrasera les producteurs actuels. »
- Le citoyen Clovis Hugues captive ses auditeurs par une causerie pleine de chaleur et d’humour sur les questions politiques et sociales. « Il faut que la foudre populaire, s’écrie-t-il, détruise les poteaux stupides qui se dressent entre les peuples pour leur dire : Tu n’aimeras pas plus loin ! » Il insiste sur 1 aveuglement des classes dirigeantes qui amèneront une catastrophe dont le dénouement est un problème. Il exprime un vœu d’amnistie politique appuyé par toute l’assemblée.
- La citoyenne Léonie Rouzade fait un appel aux femmes pour qu elles unissent leurs efforts à ceux de la Ligue, en vue de l’anéantissement des guerres internationales.
- Le citoyen Jules Gaillard qui avait apporté des documents nourris de faits sur l’arbitrage international, renonce à la parole, vu l’heure avancée.
- Enfin, l’ordre du jour suivant a été voté à l’unanimité :
- Les citoyennes et citoyens réunis à la salle de laRedoute dé-
- clarent adhérer aux principes exposés dans le manifeste de la Ligue des Travailleurs pour la paix internationale, principes qui se résument en ceci :
- Faire une double propagande ayant pour but suprême de préparer les peuples à l’union dans une République par l’abolition des frontières et des trônes, et pour but immédiat de diminuer, autant que faire se peut, les guerres internationales par l’arbitrage international.
- Le citoyen J. Delaporte, trésorier, 108, rue Mouffetard, à Paris, reçoit les adhésions et cotisations et envoie les cartes d’adhérent. — Le minimum de cotisation annuelle est fixé pour chaque adhérent à un franc.
- Pour tous renseignements, écrire au citoyen Henri Brissac, secrétaire de la Ligue, 7, boulevard Arago.
- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement Européen
- Messieurs:
- Crétien, Athanas, à Dollas Gounty, Texas, États-Unis. Lambertin,Albert, pharmacien, à Joinville, Haute-Marne. Perrinot, Victor, id. r id.
- Demay, Paul, instituteur-adjoint. id. id.
- Daouze, Remi, id. id. id.
- Girardot, Félix, id. id. id.
- Gigoux, Alfred, directeur de l’école primaire, à Joinville, Haute-Marne.
- Marchât J. instituteur à l’école primaire, Prez-sur-Marne, Haute-Marne.
- Dheu, Justin, adjoint au maire, à Curel, Hte-Marne.
- Vidot, Victor, agent-principal de l’Abeille à Osne-le-Val, Haute-Marne.
- Camusat-Maubrey, ancien négociant, à Chaumont, id. Bertinet, Alfred, agent d’assurances, à Brouthières. id.
- Gérard, A. agent général de la Cie l’Abeille a Sommerone. Haute-Marne.
- Chrétiennot, Jean Rémy, propriétaire, à Ancerville, Haute-Marne.
- Darras, fabricant de lits en fer, à Lille.
- Lavallée, Jules, meubles de jardins, id.
- Verlyck, Alfred, coiffeur, * id.
- Bar, professeur de musique, id.
- Fournier, employé des postes, id.
- Wyseau, Narcisse, négociant en cuirs, id.
- Vanoutryve, G. négociant en lins, id.
- Vanoutryve, Paul, fabrique de fils, id.
- Descamps, E. armurier, id.
- Bianca, Aîné, fabrique de fils, id.
- Blas, Malassagne, marchand de fer, à Solesmes.
- Mesdames.
- Blas, Laure, à Solesmes.
- Verlyck, Hte, à Lille.
- Veuve Schable, institutrice laïque, à Lille.
- Novelli, Hélène, employée, a Lille.
- Veuve Lemaire, comturière, à Lille.
- Pognon, Maria, au Hâvre.
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- Bibliothèque du Familistère
- Madame veuve Boussuat née Robertson a offert à notre bibliothèque l’ouvrage suivant :
- Synthèse de la langue anglaise par T. Robertson.
- Ce volume contient, en français et en anglais, un intéressant roman socialiste intitulé : Charles Saville.
- Au nom de la population du Familistère, nous remercions vivement la donatrice.
- Le SECRET DE BERNARD
- Par Charles DESLYS.
- Je viens, carmarade, te demander un service.
- C'est tout un roman... mais qui ne sera pas long. Ra-sure-toi. Il tiendra dans quelques pages.
- Tu me connais, cher maître. N'étions-nous pas internes à l’hôpital de Rouen. Là se sont bornées mes études officielles, et, tandis que tu devenais à Paris l’un des princes de la science, moi, simple officier de santé, fils de paysans, quelque peu paysan moi-même, je me suis contenté de n'être tout bonnement que le médecin de mon village.
- Un beau village, par exemple. Au bord de la mer, non loin d’Etretat. On m’y prodigue le titre de docteur, et mes vieux parents étaient fiers de monsieur leur fils.
- Ils m’ont laissé de quoi, comme on dit chez nous. De plus, une bonne vieille maison normande, avec sa verte cour plantée de pommiers.
- La chasse et la pêche, mon bateau, ma carriole, mon cheval, mes chiens, mes malades, mes administrés, — car je suis le maire de la commune, — en faut-il davantage pour remplir la vie rustique et même un peu sauvage d'un vieux garçon, heureux et jaloux de son indépendance. Aurea mediocritas,
- Survint la guerre de 1870. Nous avions au Havre tout un corps d'armée qui ne se battait guère, mais qui, parfois, cependant, risqua quelques escarmouches. L'une d'elles eut lieu dans nos environs. J'avais entendu la fusillade. On me rapporta un blessé : un pauvre moblot, évanoui, mourant. Je parvins à le ranimer. Quand ses paupières se rouvrire'nt, la tristesse de son regard m’émut le cœur. Il eut ce premier cri de tous les grands effrois : ma mère ! Puis, avec des larmes dans les yeux, avec un accent plein d’angoisses, un nom de femme lui vint aux lèvres : Juliette !... Juliette !... Et, sans avoir pu s'expliquer davantage, il expira.
- Deux lettres furent trouvées dans sa capote ; l'une à lui adressée : Bernard Kerven; l’autre écrite par lui, dont l'enveloppe encore non cachetée portait cette suscription : Mllc Juliette, rue ***, à Paris.
- Paris était assiégé, fermé. Je serrai cette dernière sans l’avoir ouverte; mais je me permis la lecture de l'autre, qui nie fournirait peut-être quelques renseignements.
- Elle était de MmC Kerven et des plus maternelles, des plus touchantes. On y sentait pourtant un certain rigorisme breton. « Tu parles d’un secret, disait-elle, que tu n'a pas encore osé me confier. J'avais pressenti, dans ton adieu, quelque chose entre nous. Tu es toujours un honnête homme, n'est-ce pas, et qui n'a transgressé ni les lois des hommes ni celles de Dieu. A cela près, ne sais-tu pas quelle est mon indulgence et combien je t’aime. »
- Il était facile de le deviner, ce secret du pauvre Bernard! Un secret d’amour. J'allai trouver au Havre le capi-des mobiles. Il venait d'écrire à Mm* Kerven. C’était la veuve d’un pilote, mort en mer. Une femme digne de tous les respects. Elle n'avait pas voulu que son fils fût marin. Un fils unique!... A force de privations, elle en avait fait un homme instruit, distingué. Il avait commencé son droit à Rennes, il le terminait à Pans quand la fatalité de la guerre l'avait enrôlé comme soldat. C’était un des meilleurs du régiment, un cœur d'or. La plupart de ses camarades pleuraient quand nous l'enterrâmes dans le cimetière du village.
- Tous ces détails m'avaient intéressé. Il était mort entre mes bras. Je me souviens de ce désespoir, de cette prière, lue dans son dernier regard. N'était-ce pas comme une mission qu'il m'avait confiée? N’avais-je pas un devoir à remplir ?
- L'hiver s’écoula. La paix revint avec le printemps. J’allai â Paris, je courus à l'adresse indiquée sur la lettre dont j'étais dépositaire. La maison avait été brûlée; Mlls Juliette avait disparue avec son enfant.
- Son enfant ! Cela devenait plus grave. Mais comment les retrouver ? Aucune trace, aucun indice. Je donnais, je promis de l'argent pour stimuler des recherches. Elles étaient encore sans résultat lorsque je dus m'en revenir au pays.
- En arrivant, j’apris qu’une dame, une Bretonne en deuil et les cheveux blancs comme neige, avait rendu visite à la tombe du moblot; c’est ainsi que mes administrés la désignent. L'étrangère était restée deuxjoursà l’auberge, passant de longues heures au cimetière et pleurant toutes les larmes de son corps. Ce ne pouvait être que la mère!
- Elle était repartie comme elle était venue, parle Mor-laisien. J'attendis le retour de ce paquebot qui, régulièrement, transporte des denrées et des marchandises de Morlaix au Havre. Une assez rude traversée. Quelques rares passagers la bravent, grâce à la complaisance du capitaine. Noqs nous connaissions, je l’interrogeai. Ancien ami du pilote Kerven, il avait amené sa veuve, il la ramènerait à chaque St-Bernard. Un maternel pèlerinage.
- Je lui écrivis, l'engageant à descendre chez moi désormais. Le capitaine s’était chargé de remettre cette invita-
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- tion et de l’appuyer au besoin. Il me rapporta la réponse : c’était un remerciement, une promesse.
- De ce côté, j’avais réussi. L’âme de Bernard serait contente. De l’autre, rien de nouveau. Je me décidai à lire sa lettre. Ah ! j’en avais deviné le contenu. Tl ne s’agissait pas d’une simple amourette, mais d’un de ces amours qui sont toute la vie. « Ta confiance en moi ne sera pas trompée.. Courage! Juliette... n’es-tu pas ma femme devant Dieu ? 11 me permettra de revenir... Ma mère, en embrassant son petit-fils, nous pardonnera. Nous serons heureux ! »
- Pauvre Bernard ! me dis-je ému jusqu’aux larmes, ah ! quant à ta Juliette, à votre enfant, à sa grand’mère, ton dernier vœu du moins se réalisera !...
- {La suite au prochain numéro).
- Chemin de fer de Saint-Quentin à Guise.
- La Compagnie vient de publier le compte rendu de l’exercice 1883.
- Les recettes brutes s’élèvent à ' 718,363 fr. 86
- La recette kilométrique après déduction
- des impôts est de 16,238 63
- Les frais d exploitation par kilomètre sont
- de 9,536 02
- Le produit net kilométrique est réduit à 7,370 32
- La proportion des frais d’exploitation
- avec les recettes ‘ nettes est de 55,6 0/0
- Le produit net à répartir entre les ca-
- pitalistes, actionnaires et obligataires, est de 294,812 99
- Le capital action, après les prélèvements statutaires et le service des charges obligataires, a eu un intérêt de 5 0/0 s’élevant
- à............................... 85,000
- et une répartition en plus de . . 68,000
- ensemble...................................153,000 00
- Offre d’emplois
- Emplois dans4a direction et l’administration de deux grandes usines, chauffage en tous genres, meubles en fonte, quincaillerie, émaillerie, galvanoplastie. Position de premier ordre. Prouver intelligence, activité, bon caractère et passé irréprochable. Age, environ 30 ans.
- S’adresser à M. GODIN, fondateur du Familistère de Guise (Aisne).
- État-civil du Familistère
- Semaine du 9 au 22 Juin 1884.
- Naissance:
- 1° Le 9 Juin, de Vinchon Adrienne Julia, fille de Vinchon Clovis et de Hamel Caroline.
- 2° Le 20 Juin, de Laporte Louis Julien, fils de Laporte Louis et de Bailly Marie.
- 3° Le 20 Juin, de Delzard Fernand Émile, fils de Delzard Alfred et de Caplot Marie.
- SOMMAIRE du dernier numéro de la Revue du mouvement social :
- Charles-M. Limousin : Le capital agricole et la concurrence étrangère. — Jules Giraud : Les méthaphores de la psychologie. — Fred-Mac-Ker : De la Révocation du mandat politique. — Rouxel : M. Satisfait et M. Mécontent. — E. Péron : Correspondance : (En Icarie). Mathieu Via! : La responsabilité individuelle et la responsabilité sociale. — Le Mouvement social en Allemagne. — Le Mouvement social aux États-Unis. — La peine de mort. — La question des religions. — La question de la paix et du désarmement. — La question dès femmes. — La question de l’éducation. — 0. P. : Bibliographie (Danger et nécessité du socialisme), par M. Isodore Masser on.
- VENTE ET ABONNEMENTS : chez MM. WATTIER et C* 4, rue des Déchargeurs, à Paris.
- Deux monologues d’Evariste Carrance, réunis dans une élégante brochure, viennent de paraître à la librairie du Comité Poétique. La Prostituée et le Divorce, deux récits poignants, merveilleux de style et d’élévation. La brochure qui les contient est expédiée franco en échange de 50 centimes en timbres-poste.
- AGEN, librairie du Comité poétique, 6, rue du Saumon.
- —-s-rfêr*-*----
- L’astronomie, Revue mensuelle d’Astronomie populaire, de Météorologie et de physique du globe, par M. Camille Flammarion, — Sommaire du n° de Juin 1884 : L’étoile du Berger, par M. G. Flammarion. — La formation du système solaire, par M. C. Flammarion. Eclaircissements donnés par M. Faye au sujet de son hypothèse cosmogonique. — Les grands instruments de V Astronomie.U Équatorial coudé de l'O-servatoire de Paris, par M. Philippe Gérigny. — Nouvelles de la science. Variétés : Photographies de la lune obtenues à l’aide d’une petite lunette.Bolide lent ou Bradyte.Mars dans les instruments de moyenne puissance.Influence de la Lune sur la pesanteur à la surface de la Terre. Observations nouvelles sur Saturne.Uranolithe tombé à Grosslienbenthal, prés d’Odessa, le 17 novembre 1881.Singulier mouvement delà mer à Montevideo. Tremblement de terre en mer. Phases de Vénus visibles à l’œil nu. Les Saints de glace, etc. — Observations astronomiques, par M. E. Vimont. — Ce numéro contient 10 figures. — (Librairie Gauthier-Villars, quai des augustins,55, Paris).
- Le Directeur-Gérant : GODIN.
- Guise. — lmp. BARÉ.
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- 8' Année, Tome 8. — N* 304 Le numéro hebdomadaire W c. Dimanche 6 Juillet 1884
- U
- ' BUREAU A GUISE (Aisne) ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE ON S’ABONNE A PARIS
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris,
- de timbres-poste ou de mandats de poste, dont 5, rue Neuve-des-Petits-Champs
- Toutes les communications le talon sert de quittance. Passage des Deux-Pavillons
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- Fondateur du Familistère Trois mois. . 3 »» Un an. . . . 13 fr. 60 psychologiques.
- SOMMAIRE
- La Question des sucres. — Conférence internationale.
- — Fruit de la guerre. — Le 16e Congrès des coopérateurs anglais. —Aphorismes et préceptes sociaux.
- — Faits politiques et sociaux. — Ecoles du Familistère. — Paix et arbitrage international. — Adhésions aux principes d’arbitrage international et de désarmement européen. — Ligue des contribuables. — Le Secret de Bernard.
- AVIS
- Lejoural « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro3 l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- LA QUESTION DES SUCRES
- La concurrence allemande dans la production du sucre est à même de contraindre la France à faire un pas en avant vers Torganisation du travail, à moins que l’on préfère laisser disparaître une industrie si féconde au point de vue de la prospérité générale.
- Tout ce qui est proposé par les industriels de la sucrerie, par les groupes de cultivateurs, par les députés, les uns trop ignorants pour avoir une
- opinion personnelle, les autres trop malins pour se permettre de penser différemment que leurs électeurs influents, ne sauvera pas la situation.
- Dans tous les projets émis par les intéressés oa se préoccupe surtout de sauvegarder la situation des fabricants de sucre; nul n’a pensé à examiner si cette profession et la production du sucre étaient deux faits nécessairement liés, inséparables, si le dernier ne pouvait survivre au premier.
- La théorie et certains faits permettent d’affirmer que l’élimination de l’élément fabricant, même raffineur, s’impose d’une manière urgente.
- La production du sucre doit devenir une annexe de l’agriculture. Les propriétaires doivent extraire le sucre de leurs betteraves, et raffiner ce sucre, comme le propriétaire du midi transforme ses raisins en moût, clarifie le moût pour avoir du vin, et distille soit ce dernier soit le produit de la fermentation des marcs pour obtenir l’eau-de-vie.
- L’industrie française, séparée des spéculateurs qui vivent d’elle, sera bientôt en état de tenir tête momentanément à la concurrence allemande, sans compromettre les revenus financiers de la nation et sans introduire un bouleversement dans la législa-lation et dans nos relations internationales, qui n’a d’autre but que de conserver les privilèges économiques d’une poignée de quatre à cinq cents fabricants.
- ***
- Ce n’est pas ainsi que la question est posée devant l’opinion publique.
- Les chefs de sucreries et les raffineurs ont suffisamment embrouillé les choses pour avoir fait
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- croire que leur cause se confond avec l’intérêt général de l’agriculture et de la nation entière.
- Le faux de ces prétentions n’a d’égal que l’audace des fabricants à soutenir les revendications les plus insensées et les moins défendables.
- La société industrielle de St-Quentin, se faisant l’écho des nombreux fabricants de sucre du département de l’Aisne, a osé demander à l’Etat qu’il y ait deux catégories d’impôts, l’un, le plus élevé, pour les fabriques employant la méthode de diffusion, l’autre, moins cher, appliqué aux sucres provenant des usines où l’on a continué, malgré les progrès de l’outillage, à travailler à la presse.
- D’après ce principe, les propriétaires ayant conservé la charrue romaine pourront demander de payer un impôt moindre que celui fixé pour les propriétaires ayant modifié leur outillage suivant les inventions modernes. De même, les boulangers qui emploient les pétrins mécaniques devront payer une patente plus élevée que ceux qui travaillent à la main.
- Les industriels de St-Quentin ont une singulière manière de comprendre le progrès !
- Que diraient ces mêmes chefs d’industrie, si on leur proposait de signer une pétition demandant à l'Etat d’imposer leurs ouvriers proportionnellement à la force et à la capacité personnelles. Il est probable que les sarcasmes et une fin de non-recevoir seraient tout ce que recueillerait le colporteur d’une pétition de ce genre. Cependant, cette prétention serait beaucoup plus rationnelle que celle des fabricants de sucre, puisque les ouvriers pourraient alléguer qu’ils n’ont pas demandé à naître, qu’ils ne sont pas responsables s’ils sont moins forts et moins capables que certains autres, qu’ils ne sont pas la cause de leur faiblesse ; tandis qu’on peuhobjecter aux industriels que rien ne les a contraints à suivre cette profession, que les citoyens n’ont pas à les indemniser des pertes qu’ils éprouvent, ces pertes provenant d’entreprises librement voulues.
- Que l'on s’étonne de la décadence d’une nation, dont les dirigeants se laissent aller,sous l’influence de l’égoïsme, à arrêter l’attention des législateurs sur des conceptions aussi injustes et rétrogrades.
- Toutes les réclamations des fabricants de sucre ne présentent pas à première vue un caractère aussi évident d’égoïsme ; mais aucune ne mérite de venir à l’ordre du jour de lareprésentationnatiônale.
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- En France, les fabriques de sucre manipulent
- annuellement près de 8 milliards de kilog.de betterave donnant environ 5 0/0 de sucre.
- Notre consommation intérieure s’élève à 360,000, 000 de k.
- Nos exportations, réduitesà 160,000,000de k., ont dépassé, en 1875, 230,000,000 de k :
- On remarquera que les chiffres des exportations et de notre consommation intérieure dépassent celui de notre production. Cela tient à ce que une grande quantité de sucre étranger entre en France pour y subir le travail du rafïineur. Le mouvement de l’exportation française est subordonné aux fluctuations de la raffinerie. Notre raffinerie allait se développant sans cesse, lorsqu’il vint à l’esprit des fabricants français, et des propriétaires, de faire imposer par les législateurs une taxe de 3 fr. par cent k. de sucre entrant en France.
- Dès lors, la raffinerie a commencé à péricliter, et on la verra bientôt en complète décadence, si l’on élève à 7 francs la surtaxe sur tous les sucres -étrangers ; et disparaîtront en même temps tous les bénéfices résultant de la manipulation de ces produits.
- Les revenus annuels nationaux, provenant de la consommation intérieure du sucre, nous donnent environ 150,000,000 de fr.
- La régie prenant à charge la totalité de la production, aucune quantité ne peut aller à la consommation française sans acquitter l’impôt ; les marchandises exportées son exemptes de toute contribution.
- Nous avons environ 500 fabriques de sucre, dont 25 0/0 seulement emploient le système de diffusion, qui augmente le rendement en sucre de 1 0/0 environ.
- * *
- L’Allemagne, il y a dix ans, ne produisait pas plusde250,000,000dek. On compte qu’elle dépassera 900,000,000 de k., en 1884, et que son exportation devra s’élever à 600,000,000; elle a seulement 22 0/0 de ses usines, n’ayant pas encore adopté la diffusion.
- L’impôt est établi sur la betterave que l’on a supposée avoir une richesse saccharine de 8,8 0/0 ; et il est évalué de telle manière que chaque cent k. de sucre paie 26 francs environ. Comme en France, les quantités exportées sont exemptes des contributions.
- Mais l’impôt, établi d’après la richesse saccharine de labetterave, évaluée à 8,8 0/0,est supposé frapper la production sucrière tout entière ; aussi le gouvernement, pour rendre réelle la franchise de
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- ^exportation, rembourse au fabricant exportateur -->6 francs par cent k. exportés.
- Dans la pratique, les industriels se sont attachés à se procurer de la betterave donnant un rendement ûl0yen dépassant d’un quart celui prévu par le fisc ; de telle sorte que le remboursement de l’État dans les cas d’exportation équivaut en grande partie à une subvention.
- Appliquons la méthode à une production de 900, 000,000 dê k., dont 300,000,000 seront consommés en Allemagne et 600,000,000 exportés : en vertu de la richesse saccharine exceptionnelle et imprévue par le fisc dont nous venons de parler, le quart de cette production, soit 225,000,000 de k, n’a pas ôtéprisen compte ; cependant, à mesure qu’il sera exporté, il recevra un remboursement de 26 fr. par cent k., soit 58,500,000 fr.
- Si on répartit ces 58,500,000 fr. sur la totalité de l’exportation de 600,000,000 dek.,on trouve que chaque cent k. de sucre exporté reçoit une prime de 7 fr. 42.
- ¥ ¥
- En présence de cette situation, les industriels français demandent qu’il soit prélevé à la frontière une surtaxe de 7 fr. par cent k. de sucre venant de l’étranger, et l’établissement en France de l’impôt sur la betterave.
- Il est évident que cette surtaxe favorisera le développement de la raffinerie étrangère au détriment de la raffinerie française ; puis, dès qu’on aura établi l’impôt sur la betterave, les fabricants de sucre pousseront à la culture de betteraves plus riches, et l’État sera contraint de rendre aux exportateurs la plus grande partie de l’impôt perçu sur la consommation intérieure. En définitive, comme notre budget,malgré les 150,000,000 provenant de l’impôt sur le sucre, est en constant déficit, on sera obligé d’établir de nouveaux, impôts ou, chose plus grave, de faire des emprunts.
- En résumé, les consommateurs paieront le sucre 5 centimes plus cher, sans compter les impôts destinés à remplacer les primes payées aux fabricants exportateurs ; tout cela pour empêcher cinq cents fabricants de succomber sous les conséquences du progrès, dont ils n’ont pas voulu prévoir les coups qu’ils auraient pu amortir par l’organisation du tra-vail et par l’institution de la mutualité nationale.
- Il est facile de prévoir que, à la suite des modifications fiscales et légales accordées aux barons du sucre, l’Allemagne profitera de sa force acquise pour s’emparer du marché étranger, et que notre raffinerie et notre industrie sucrière devront se
- limiter à la production exigée par le marché intérieur, où le monopole des fabricants saura maintenir le cours au prix le plus élevé possible.
- * ¥
- Que faire ?
- Répondre catégoriquement aux fabricants et aux raffineurs que l’État ne peut modifier les lois, sous lesquelles leurs industries se sont développées,que, s’ils eussent été prévoyants, ils auraient évité la plupart des causes de leur décadence : insuffisance de l’outillage, abaissement à 5 0/0 de la riche sse saccharine de la betterave traitée en France, majorations financières dans la fondation des fabriques exploitées par des actionnaires capitalistes.
- Et cette réponse ne doit pas se faire attendre, pour ne pas prolonger des illusions et des expédients qui ne sauveront pas la situation des industriels, et qui compliqueront, d’autant plus qu’on les prolongera davantage, le relèvement de l’industrie elle-même.
- En même temps il est nécessaire de faire entrevoir aux propriétaires si intéressés à la conservation de cette industrie, comment ils doivent s’y prendre pour la maintenir, sans sortir de l’ordre social présent.
- Organiser des associations de cultivateurs pour acquérir les usines à mesure que les industriels ruinés les mettront en vente ; les transformer en annexes de la ferme en ne traitant que les betteraves cultivées par l’association.
- Fédérer ces associations, en vue de substituer la raffinerie « complément de la sucrerie agricole » à la raffinerie industrielle prélevant des bénéfices scandaleux sur le traitement des sucres bruts.
- Enfin éviter les intermédiaires commerciaux, sinon en livrant directement le sucre au consommateur, chose difficile tant que la coopération n’est pas organisée, au moins en expédiant directement aux détaillants.
- Si l’on rentre dans la voie que nous venons de tracer, il n’est pas douteux que l’on arrive bientôt à pouvoir tenir tête à la concurrence allemande. Mais lorsque celle-ci se verra menacée,elle recourra certainement aux mêmes procédés ; et la concurrence, se faisant entre deux industries organisées nationalement, aura des conséquences terribles pour le vaincu ; tellement graves qu’on sera obligé de faire des traités internationaux destinés à organiser internationalement la production.
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- Les modifications fiscales et légales proposées
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- aboutiront, par l’empirisme dans la concurrence, à niveller notre production aux besoins de notre consommation, au détriment du consommateur; c’est en même temps la condamnation du progrès.
- Le libre jeu de la concurrence aboutira, après avoir épuisé toutes les erreurs de l’industrie patronale, à l’industrie associationniste ; celle-ci, après des catastrophes proportionnées à la puissance des groupes producteurs aura pour héritière la production organisée nationalement qui, à son tour, lorsqu’elle aura usé de tous ses moyens de lutte et de résistance, dont les périodes aiguës seront beaucoup plus désastreuses que celles de la concurrence associationniste, fera définitivement place à l’organisation internationale du travail pour le plus grand bonheur des individus et des groupes ; c’est le progrès social par la logique de la concurrence, du désordre.
- La solution véritable serait celle qui, s’inspirant des fins inévitables de la concurrence, les proclamerait comme inéluctables, activerait l’éducation civique des citoyens suivant ces enseignements, et favoriserait d’une manière effective toute tentative susceptible d’atténuer la période de transition et de favoriser l’organisation définitive du travail ; ce serait le progrès par l’évolution, par la raison.
- Le sucre a pris dans la consommation une importance qui le classe au rang de matière de première nécessité, et il ne faut pas en augmenter le prix par un impôt quelconque.
- L’abaissement immédiat du prix de vente amènerait une consommation intérieure supérieure à notre production actuelle qui pourrait prospérer sous un régime rendant possible cette réduction de prix. La première condition de ce bon marché serait la disparition de tous les impôts directs ou indirects établis sur l’industrie sucrière.
- De cette manière, notre industrie étant certaine de ne pas péricliter, l’agriculture et la prospérité nationale n’auraient plus à redouter les perturbations incessantes causées par les tentatives des producteurs à faire modifier les lois fiscales suivant les variations des rendements ; ainsi assise, elle serait dans des conditions exceptionnelles pour attendre la période où s’imposera l’organisation générale du travail en Europe.
- Si l’on adoptait une idée aussi conforme à l’intérêt général, il conviendrait de remplacer l’impôt sur le sucre par une application partielle du Droit d’hérédité de l’État, que nous ne cessons de préco niser en toutes circonstances, parcequ’il est le seuj moyen qui permette de faire face aux modi^llca^ong
- et aux dépenses qu’imposent des besoins urgents de réformes budgétaires et d’améliorations sociales.
- Mais nos dirigeants continueront à se croire de force à arrêter le progrès, parcequ’ils sont capables de rédiger un projet de loi conforme aux vues étroites et égoïstes des fabricants de sucre, sans se douter que des lois ainsi faites au profit de quelques-uns sont plus dangereuses que la dynamite pour la conservation de l’ordre capitaliste.
- Conférence internationale à Berne
- Les Représentants de diverses Nations se proposent de se réunir le 4 août prochain, et les cinq jours suivants, pour discuter et rechercher les movens les plus efficaces à faire adopter l’arbitrage dans les cas de dissensions internationales et à le substituer au recours aux armes.
- La Réunion sera chaque jour prési ée par quelque personnage distingué appartenant à l’une ou l’autre des nations Européennes. Le Président du Grand Conseil Fédéral Suisse a accordé aux Membres la permission de tenir leurs séances quotidiennes dans le Palais même de la Confédération Helvétique.
- La matinée de chacun des six jours consécutifs sera consacrée au travail préparatoire des sous-comités chargés de l’examen des questions spéciales, et ce travail sera ensuite, chaque après-midi, soumis à une discussion générale dans une Réunion ouverte au Public.
- Cette conférence est convoquée par la Société Britannique d'Arbitrage International, selon les décisions du Comité International désigné par la Conférence tenue à Bruxelles au mois d’Octobre 1882.
- Toutes les personnes, qui pourraient avoir fait du sujet en question une étude spéciale, sont invitées à préparer des articles ou essais rendant compte de leurs recherches et du résultat de leurs observations.
- Ceux qui désireraient participer activement à la Gônfé;x.ence ou lui transmettre leurs écrits auront l’obligeance de communiquer leur intention à
- Hodgson Puait, Esq., Président du comité, 38, Parliament Street, London ;
- Ou au Secrétaire, M. I jEWis Appleton ;
- Ou au Secrétaire de la Commission Internationale,
- M. Desmoulins,% 37? rue Brochant, Paris.
- Parmi les qu^,stions qUj seront soumises aux débats de la Conférency^ se trouveront les suivantes :
- I. De l’Arbitrage International.
- II. De la Neutralisation des Canaux Océaniques.
- III. Des Tribunaux Internationaux.
- IV. Du Désarmement.
- &c., &c.
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- Fruit de la Guerre.
- On lit dans « Il Secolo » de Milan :
- La conquête du Tonkin a peut-être son contre-coup à Toulon.
- Le choléra est en cette dernière ville, amené, dit-on, par La Sarthe, navire venu du Tonkin.
- Tandis que les professeurs et les médecins qui devraient être les chefs de tout gouvernement civilisé en sont les parias, les gouvernants privés de tout idéal moral ont écrit dans leur programme politique la guerre, la conquête, la domination, en un mot le triomphe de la force SUr le droit : d'où la guerre toujours et sans cesse et comme suite de la guerre, la peste.
- Le bien-être des populations, le travail utilisé, l’ordre dans la paix seraient selon eux,le fait de peuples ineptes : un peuple doit étendre son empire colonial, porter la guerre dans les terres lointaines, contre des gens désarmés, prendre, conquérir, tuer, annexer, de cette façon seulement il est un grand peuple, un peuple civilisé !...
- En attendant voici les fruits de l’antagonisme entre les peuples, voici les conséquences de la guerre :
- Les ressources d’un grand pays, les impôts levés sur le travail de millions de bras sont gaspillés, engloutis dans les frais des armées de terre et de mer. La guerre avant tout ! Le drapeau lacéré et ensanglanté se déploie sur les plages lointaines; par centaines les millions se dépensent; par milliers les soldats français succombent dans les plaines meurtrières du Tonkin. Qu’importe si l’armée française s’est couverte de gloire ?
- Ainsi l’on oublie que la grande loi de l’humanité et de tout ce qui existe, que la loi des lois, c’est la vie même. Or, la vie c’est l’activité, l’activité c’est le progrès, et le progrès est, en conséquence, une des lois même de l’univers.
- Activité, travail, production, répartition, consommation de toutes les choses nécessaires -à la vie, bien-être dans le travail, paix fondée sur le respect des droits de chacun, condamnation de la violence, en un mot la mission de l’espèce humaine : tout cela est détruit par la guerre, ce vestige de la barbarie encore dressé contre la civilisation.
- La guerre absorbe le produit du travail, réduit le nom-bce des ©uvriers, dépeuple les campagnes et les riles, rend les mœurs féroces, anéantit les moyens du Lien-être, l’hygiène voulue par la science et confirmée Par l’expérience dans les centres populeux ; aussi qu’arrive-t-il ? Toulon, port et arsenal de France, cité de HO.000 habitants, est aujourd’hui un foyer exhalant les Usines homicides sous le ciel brûlant de la Provence.
- Dans le gouffre sans fin de la gnerre, les gouvernants Ment toutes les ressources de la paix, tous les moyens,
- grâces auxquels les peuples pourraient être bien portants, instruits et heureux ; l’or s’immobilise dans les citadelles et le monde devient d’heure en heure un champ de bataille ou un cimetière.
- Que gagne l’humanité à ce qu’un peuple s’agrandisse aux dépens d’un autre, à ce qu’un peuple vaincu devienne l’esclave d’un peuple vainqueur?
- Oppresseurs et opprimés en sont-ils plus robustes, plus instruits, plus libres, plus civilisés ? En vivront-ils plus longtemps ? Ne vaudrait-il pas mieux conquérir de la longévité que des provinces ? Ne serait-il pas meilleur, comme le disait Girardin, de faire des centenaires que de faire des opprimés ?
- Au lieu d’enseigner aux hommes à se massacrer mutuellement, ne vaudrait-il pas mieux leur apprendre à vivre sains, forts, travailleurs, pacifiques et heureux?
- Au lieu de faire du monde un champ de carnage et de rapines, où le droit est dominé par la force, ne vaudrait-il pas mieux en faire un champ de travail fécond, un asile de paix active et de liberté ?
- Appelez-nous utopistes, vous qui préconisez la guerre, ce reste de servitude : notre utopie renouvellerait la face du monde. « Quant à votre science gouvernementale, à votre politique sans idéal moral, elle a pour fruit les guerres que les deux plus grandes puissances occidentales de l’Europe font et ont faites au-delà des mers aux peuples et aux tribus, et aussi la terreur qui envahit Toulon et Marseille, la ville commerçdnte, et le péril suspendu sur le reste de l’Europe.
- La loi constante de l’humanité, c’est la vie, et les gouvernants qui osent se proclamer civilisés ont pour règle de leur politique, la mort.
- La gloire à tout prix ! comme s’il y avait pour un peuple possibilité de grandeur durable si celle-ci n’est point fondée sur la moralité.
- A l’heure présente voici peut-être un des nombreux fléaux de la guerre, déchaîné et prêt à fondre sur nous.
- Espérons pourtant que le calme et le courage des populations, les mesures énergiques et radicales des gouvernants, les conseils de l’hygiène et de la science pourront encore circonscrire le mal sur le point où il s’est manifesté.
- 16e Congrès annnel DES COOPÉRATEÜRS ANGLAIS'”
- III
- 5° L’emploi des capitaux surabondants.
- La question est traitée par M. Nutter, de Lei-eester.
- (1) Lire « le Devoir » des 22 et 29 juin 1884.
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- Il définit d’abord les capitaux surabondants comme étant ceux que les sociétés coopératives ne pouvant elles-mêmes utiliser ne savent où placer d’une façon sûre et convenable.
- Les unes tournent la difficulté en rendant simplement les fonds à leurs propriétaires, ce que déplore M. Nuttell : tant de bonnes choses restent à faire, faute de capitaux.
- « Quand une société de consommation aura utilisé autantdefondsqu’illuiestpossible,» ditM.Nutter, « elle agira sagement, soit en achetant des lots de terre et en bâtissant dessus des maisons pour ses membres, soit en achetant des propriétés toute bâties et, dans les deux cas, en louant ses immeu-^ blés à ses membres aux prix courants.
- » Gela fait, si des capitaux sont encore à utiliser, ce qui arrive dans certains districts, les coopérateurs doivent songer à organiser les sociétés coopératives de production. Mais il faut bien comprendre que la fédération des coopérateurs ne doit pas se borner à fournir les capitaux pour detelles entreprises, il faut aussi que les sociétés de consommation les soutiennent en commerçant avec elles. »
- L’orateur termine en préconisant l’institution d’une banque qui recevrait les capitaux surabondants et les prêterait à des conditions déterminées aux sociétés coopératives de production qui, jusqu’à présent, souffrent toujours du manque de fonds.
- [Tn second discours préparé par M. Hepworth,de Goventry, est lu sur la- même question.
- M.Hepworth préconise la location à longs termes de vastes domaines sur lesquels se feraient l’élevage de tous les animaux domestiques et la culture du sol dans les meilleures conditions.
- Une discussion animée s’élève après la lecture de ces discours. M. Scott, de Newbottle, observe que les coopérateurs n’ont encore organisé la production que d’une demi-douzaine des articles d’usage journalier ; pour le reste, ils en appellent aux capitaux d’autrui. Que n’appliquent-ils leurs propres capitaux à l’extension des sociétés de production ? Du reste, il approuve l’idée d’élever des habitations pour les membres et de faire des entreprises agricoles.
- M. Greening, de Londres, reprend la parole et avec sa chaude éloquence, il pousse à l’extension des sociétés productives. « Quel plus bel exemple pouvez-vous désirer, > leur dit-il, « que celui de l’association fondée parM.Godin à Guise, France ? » Entrant dans les détails, M. Greening cite, à nouveautés chiffres que nous avons relevés dans le'cha-
- pitre : Répartition des bénéfices entre le travail et k capital, puis il ajoute : « Les usines de Guise sont moitié moins importantes que celles de Leicester appartenant à notre fédération; Guise nous donne le véritable exemple, pourquoi ne pas l’imiter dès aujourd’hui?» M. Greening espère que le présent congrès,en donnant le premier pas à la question de répartition des bénéfices entre le capital et le travail aura facilité la solution de l’emploi descapitaux surabondants, et il engage tous les amis de la coopération à favoriser la propagande de l’idée.
- La résolution suivante est votée à l’unanimité.
- € Le bureau central est requis de faire étudier par un « sous-comité quels seraient les endroits les plus pro-« pices à l’installation d’établissements coopératifs de « production, et quelles seraient les meilleures méthodes « à suivre. Le rapport des travaux du sous-comité sera « présenté au congrès de 1885. »
- 6° Le principe économique de ia coopération
- Le secrétaire général du bureau central, M. Edward Vansittart Neale, l’illustre chef du mouvement coopératif, donne, à son tour, lecture d’un important discours qui résume et éclaire les débats du congrès, et montre la voie à suivre pour atteindre le but le plus élevé des fondateurs du mouvement. Ce discours examine au vrai sens du mot l'économie de la coopération, en prenant les choses sous ces trois aspects :
- La coopération distributive,
- La coopération productive,
- La coopération dans les services domestiques.
- En parlant de la coopération distributive ou des sociétés de consommation, M. Neale s’applique âj déterminer les règles de leur bon fonctionnement j la condition pour elles de ne poim se multiplier sur un même point au delà des besoins, et de façoij à se nuire mutuellement. Il fait ressortir les avafri tages de la fédération pour ces sociétés ; l’économitf et la supériorité des achats réalisés par l’Établissement de vente en gros qui résulte de cette féd ration même; il déplore, à ce sujet, l’aveuglemefl des sociétés qui s’approvisionnent en dehors a-j centre commun, allant ainsi à l’encontre de leu'i propres intérêts et nuisant au mouvement généfj de la coopération. Il donne à ce proDOs les chiffe suivants :
- 1034 sociétés coopératives de vente au déta durant le dernier exercice, ont fait ensemble ^ chiffre d’affaires de 451,513,800 francs dont sflti lement 198,904,800 francs avec les deux graD
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- Établissements coopératifs de vente en gros d’Angleterre et d’Écosse. Ce qui fait pour ces sociétés une perte d’au moins 2,652,375 francs, en raison de la remise dont elles eussent joui si elles se fussent adressées à l’Établissement coopératif de vente en gros pour la totalité de leurs achats. A cette première perte il faut ajouter celle plus considérable du manque de stimulant dans les sociétés coopératives de production relevant de l'Etablissement de vente en gros.
- Passant à la coopération productive, M. Neale fait ressortir la grave violation faite au principe de la coopération en n’appelant pas le travail à la répartition des bénéfices. La généralité des établissements coopératifs de production fondés jusqu’ici ont réparti leurs dividendes entre les actionnaires et les acheteurs, laissant de côté les travailleurs dont le droit est indéniable, puisque ce sont eux qui créent la richesse même.
- « Mais, » dit M. Neale, « la répartition annuelle, entre les individus, des petites sommes revenant à chacun d’eux n’aurait aucune conséquence sociale, et ne changerait rien au sort de l’ouvrier.
- » C’est une méprise généralement commise de raisonner delà répartition des bénéfices au travail, commesi tout le bienfaitque les classes laborieuses peuvent tirer de ce système consistait uniquement dans cette répartition individuelle. Il est presque impossible de fixer une moyenne des dividendes qui reviendraient ainsi à chaque travailleur, tant les taux sont variables. Telles entreprises ne donneraient que 1 0/0 ; telles autres 5 0/0 ; attein-drait-on même 15 ou 18 0/0, en quoi une distribution individuelle de sommes variant de 25 à 300 francs, pourrait-elle modifier sérieusement les conditions d’existence des classes ouvrières?
- » Dirons-nous donc qu’il faut renoncera trouver dans la coopération les grands bienfaits qu’on en a conçus pour les populations ? Bien loin de là. Seulement il faut chercher et reconnaître les conditions indispensables à la réalisation de ces bienfaits; il faut que les populations mêmes comprennent quels changements sont à réaliser dans leur mode d’existence pour utiliser au mieux leurs ressources journalières. »
- M. Neale aborde alors le troisième point de son discours : La coopération dans les services domestiques.
- Il rappelle les aspirations consignées dans le programme des 28 fameux pionniers de Roch-dale : « Unir dans une même colonie domestique la production agricole et la production industrielle;
- concentrer toutes les ressources au bénéfice de l’ensemble des travailleurs. »
- M. Neale rappelle aux coopérateurs avoir déjà traité devant eux cette question des colonies domestiques, car « il considère Y Habitation unitaire comme la clef de voûte de l’économie coopérative. »
- Il ajoute: «Les théories si populaires aujourd’hui chez nous contre la propriété individuelle du sol aboutissent toutes à la constitution de colonies domestiques avec Habitation unitaire, comme seul remède des maux signalés. En effet, de telles colonies rachèteraient peu à peu les droits des pro priétaires fonciers actuels et leur donneraient des actions en échange.
- » Une colonie domestique composée de maisons isolées reposerait sur une base inharmonique et serait condamnée à l’insuccès ; car il faudrait alors ou excepter de la propriété collective les maisons isolées et leurs aboutissants immédiats, ce qui perpétuerait les maux dont on se plaint aujourd’hui; ou louer ces maisons en assujettissant les familles à des réglementations sans fin et à d’incessantes causes de conflits.
- s En dehors de ces séries de maux,existe heureusement le Palais unitaire qui permet d’assurer à tous ses habitants l’intimité de la maison isolée et la jouissance de tous les services d’utilité commune et domestique, pour l’éducation et l’instruction de l’enfance, l'aide,le délassement et le confort communs. Ces services impossibles à établir au profit de chacun dans la maison isolée deviennent réalisables par la concentration des ressources. Enfin le besoin individuel de posséder la maison et le sol où l’on vit trouve sa légitime satisfaction dans le fait que chacun est propriétaire-actionnaire du palais social et du domaine environnant, tout en ayant la jouissance exclusive de ses propres appartements. Et cela sans aucune possibilité de conflit entre le droit générai et le droit individuel, parce que chacun d’eux a sa sphère d’action distincte et parfaitement définie : le droit général concernant le bâtiment du palais et tous les services communs, le droit individuel se bornant aux choses intérieures du foyer familial. »
- M Neale indique ensuite son regret de ne pouvoir entrer dans plus de détails et termine en faisant entrevoir le jour où, selon les prévisions du grand socialiste Fourier, l’association, par la puissance même de son principe, fera que tous les hommes en cherchant la réalisation de leurs propres désirs concourront au progrès général.
- La discussion s’engage. Les difficultés pratiques
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- sont mises en évidence. En réponse à M. Johnson sur la question de répartition desbénéfices,M.Neale s’exprime ainsi:
- « Si le plan adopté par M. ’Godin au Familistère de Guise était appliqué dans les établissements de production fondés par la société de vente en gros, il serait facile aux travailleurs de rembourser en 25 ans, avec leurs propres parts de bénéfice, la société fondatrice. Un tel procédé serait d’un usage si facile qu’on pourrait, dès maintenant, instituer sur ces bases dix fois autant de sociétés coopératives de production qu’on en compte aujourd’hui. »
- Le congrès vote à l’unanimité Yimpression enbro-chure de propagande du discours de M. Neale et sa mise en circulation.
- Au cours des opérations du congrès, M. Pur-cell, de Derby, fit un discours sur la nationalisation du sol et la culture coopérative. Il basa ses raisonnements sur les études de M. Henry Georges, études dont c le Devoir » vient d’achever l’examen.
- M. Leech,de Leeds,fut d’avis que le discours de M. Purcell était trop politique pour un congrès de coopération.
- MM. Greening et Lloyd Jones,tout en admettant 1a, nationalisation du sol,déclarèrent que jamais elle ne pourrait ni ne devrait s’opérer sans compensation pour les propriétaires actuels.
- M.Neale,tout en exprimant les remerciements dus à M. Purcell pour son discours, dit qu’il ne s’ensuivait pas que le congrès endossât toutes les opinions de l’orateur. Et le congrès passa à l’ordre du jour.
- Gomme gage de l’esprit de solidarité qui anime les classes laborieuses de tous pays, signalons que les sociétés coopératives de Paris avaient envoyé deux délégués au congrès des coopérateurs anglais, et que le congrès a prié le bureau central de faire étudier au cours de la présente année, Vétat de la coopération productive à l’étranger, afin de présenter un rapport sur la question au prochain congrès.
- Une ligue a été fondée parmi lesfemmes anglaises en vue de concourir à la propagande des principes de la coopération. Cette ligue ne compte encore qu’une année d’existence. Nous lui souhaitons de tout cœur le meilleur succès, et nous félicitons vivement de leur initiative les citoyennes des Iles Britanniques.
- I ^ prochain congrès des coopèrateurs anglais se a à Oldham.
- Fin.
- APHORISMES ET PRÉCEPTES SOCIAUX
- XXXXY
- Réforme des impôts
- Les impôts sont des entraves mises à chaque pas de l’activité individuelle ; ils sont un embarras constant à l’initiative utile. L’Etat doit faire disparaître ces embarras en remplaçant les impôts actuellement payés du vivant des personnes par une part d’héritage prélevée sur les biens des lâches après leur mort.
- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- Le Sénat. — Le Sénat discute le projet de loi sur la propriété artistique. Un amendement autorisant la reproduction d’une œuvre d’art, quand il ne s’agit pas de réaliser un lucre quelconque, est voté par 451 voix contre 63. Voilà un atteinte au droit absolu de propriété qui est loin de nous déplaire, mais qui nous surprend davantage de la part du Sénat.
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- La Chambre. — De nombreux amendements sont opposés au projet de révision limitée de M. Ferry. Ils sont tous repoussés avec un ensemble qui dénote le parti pris des députés de se soumettre sans examen aux fantaisies du ministère. Le servilisme de la Chambre est assez grand pour quelle ait rejeté par 265 voix contre 235 un amendement présenté par M. Bernard-Lavergne, amendement tendant : 10 à substituer le suffrage universel au principe actuel de l’élection des sénateurs ; 2° à limiter à une fois seulement le droit du pouvoir exécutif de dissoudre la Chambre ; 3° à assurer le dernier mot à la Chambre des députés dans toutes les questions financières. Il est triste de constater que dans une Chambre, issue du suffrage universel, il s’est trouvé une majorité de 265 voix pour repousser l’extension de ce suffrage. Peut-on réellement considérer comme républicains les membres de cette majorité ?
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- Les bureaux de tabac. — En présence des inconvénients que présente le mode actuel de concession des bureaux de tabac, MM. Salis et Leydet viennent de prendre l’initiative d’une proposition de loi tendant à la mise en adjudication de tous les bureaux de tabac à partir du 1er janvier 4885 et au fur et à mesure que les titulaires viendraient à mourir.
- La m se en adjudication s'appliquerait en France comme aux colonies et aux bureaux des départements comme à ceux de l’Etat. La proposition de MM. Salis et Leydet est déjà revêtue d’un très grand nombre de signatures.
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- Projets d’économies budgétaires.—La commission du budget procède très activement à l’examen des dépenses. Elle a déjà statué sur neuf ministères, et a réalisé un chiffre assez élevé d’économies par rapport aux propositions du gouvernement.
- Voici, d’après notre confrère le Rappel, le chiffre exact des réduction» obérées sur les budgets déjà examinés :
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- Travaux publics . . . franes . . . . 4,475,190
- Cultes .... 6,240,660
- Agriculture .... .... 2,642,650
- Intérieur .... 2,294,506
- Algérie , .... 563,305
- Finances .... 2,950,977
- Instruction publique. . . . . . 5,100,055
- Postes et télégraphes . .... 3,294,000
- Justice .... 1,104,500
- Commerce .... .... 1,009,762
- Total
- Il y a déjà, on le voit, 30
- 29,675,605 d’économies réalisées ;
- millions
- il reste à examiner les budgets de la guerre et de la marine, sur lesquels il y aura environ 20 millions d’économies. Finalement, la commission du budget aura réduit d’une cinquantaine de millions les demandes du gouvernement.
- Depuis longtemps on sait à quoi s’en tenir au sujet des travaux des commissions et des Chambres en matière financière. Il est malheureusement trop constant que les additions et les soustractions faites par les Chambres aux projets ministériels ne peuvent conjurer la permanence des déficits.
- L'État commis-voyageur des privilégiés.
- — On lit fréquemment, depuis quelque temps, des notes publiées dans les journaux, analogues à la suivante :
- « Le consul de France à Damas a adressé au ministère du commerce un choix d’échantillons des indiennes et toiles blanches qui se vendent le plus couramment sur les marchés syriens. Ces échantillons ont été réunis pour les industriels français qui seraient tentés de fabriquer en vue des débouchés que peut offrir à leurs produits la partie de l’Orient dont il est question. »
- Une singulière manière de prouver l’incompétence de l’État en matière commerciale, celle qui consiste à faire de nos consuls les agents commerciaux des négociants qui veulent exploiter les colonies sans participer à aucune des charges des entreprises lointaines. On commence par envoyer des pauvres diables se faire tuer pour conquérir des colonies, puis on les peuple, aux frais des contribuables, d’agents et d’intermédiaires que l’on met gratuitement au service des commerçants de la métropole; tôt ou tard le gouvernement se donnera la peine d’y installer des consommateurs qu’il entretiendra aussi avec l’argent des travailleurs pour faire le bonheur des industriels outillés pour l’exportation. L’État n’a pas le droit de mettre ses forces au service de quelques-uns ; il pourra se charger de l’écoulement des suppléments des produits nationaux, lorsqu’il sera décidé à créer une production véritablement nationale en favorisant l’organisation du travail.
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- Réseaux téléphoniques. — Le ministre des postes et télégraphes vient de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi destiné à régler les concessions des réseaux téléphoniques.
- En 1879 eut lieu, par arrêté ministériel, la première concession pour cinq années. Cette concession n’entrainait aucun abandon du monopole, l’Etat restant maître de concéder des réseaux en concurrence ou d’en établir lui-méme.
- Trois concessions, bientôt réunies en une seule, furent accordées pour Paris ; d’autres furent accordées à Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes, Lille, le Havre, Rouen, Saint-Pierre les-Calais, Alger et Oran.
- De son côté, l’Etat créa des réseaux à Reims, Roubaix, Tourcoing, Saint-Quentin et Troyes.
- Les concessions faites en 1879 expirent le 8 septembre prochain ; d’autre part, les essais du ministère des postes et
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- télégraphes ne sont pas assez avancés, quoique très satisfaisants jusqu’ici, pour autoriser l’Etat à se substituer partout à l’industrie privée.
- Dans ces conditions, le gouvernement demande, par le projet de loi qui vient d’être déposé, la faculté de maintenir pendant cinq nouvelles années le mode de concession employé jusqu a ce jour.
- En outre, pour étendre l’application du téléphone, le gouvernement se propose d’établir des cabines téléphoniques ouvertes au public, qui permettront à toute personne de correspondre pendant un temps déterminé soit avec les abonnés du réseau, soit avec d’autres cabines téléphoniques établies sur d’autres points.
- De son côté, l’Etat va continuer ses essais personnels et s’efforcer de relier les villes entre elles par des réseaux téléphoniques.
- Le projet de loi en question réserve, d’ailleurs,complètement les droits de l’Etat ; aucun monopole n’est concédé. L’administration pourra toujours faire des concessions concurrentes ou exploiter elle-même. Elle couservera, en outre, le contrôle absolu des réseaux exploités par l’industrie privée ; elle se réserve enfin le droit de racheter à toute époque les exploitations en cours.
- L’Etat, en attendant, continuera à percevoir un droit de 10 0/0 sur la recette brute des réseaux concédés. Cette perception a donné des produits saps cesse croissants depuis l’origine jusqu’à ce jour. Voici, en effet, le tableau des sommes perçues par l’Etat.
- En 1879, 2,424 fr. ; en 1880, 15,616 fr. ; en 1881, 59,200. ; en 1882, 142,637 fr., et en 1883, 217,145fr.
- Le premier trimestre de 1884 donne déjà 63,353 fr. ; le deuxième trimestre atteindra environ 70,000 fr.,ce qui donnera en moyenne 280,000 fr. pour l’année tout entière.
- TONKIN
- Le retour offensif des Pavillons-Noirs, peut-être des Chinois, a fait jeter les hauts cris à la presse française. L’astuee des Chinois, la duplicité des Chinois ont été dénoncées à l’Europe sur le ton de la colère et de l’indignation ; on a interpellé à la Chambre à l’occasion de la violation du traité de Tien-Tsin, et personne n’a osé rappeler à la nation que les Chinois avaient traité les soflats français, comme la France avait procédé avec les insurgés arabes auxquels les généraux français avaient accordé l’Aman.Les iniquités françaises n’excusent ni n’atténuent les trahisons des Chinois ; elles s’ajouttent les unes aux autres pour mettre en évidence les immoralités de la guerre et des conquêtes.Nous avons écrit que la période de pacification, d’organisation, serait plus onéreuse que la conquête. La révolte de Bac-Lé justifie malheureusement nos prévisions. D’autre part, des nouvelles récentes arrivées du Tonkin annoncent de nombreux cas d’insolation parmi nos troupes et l’arrêt de la colonne française en marche sur Lang-Son ; on ne reprendra les opérations qu’au mois d’octobre.
- CONGO
- Le rapport de la commission du budget sur la demande de crédits pour la mission de M. de Brazza dans l’Ouest africain conclut à l’ouverture d’un crédit de 780,000francs sur l’exercice 1884, à savoir 650,000 francs pour le service de l’instruction publique, 30,000 francs au ministère des affaires étrangères, pour présents diplomatiques, et 100.000 fr. à la marine (service marine).
- Après avoir fait l’historique de la mission de Brazza et avoir déclaré qu’il importe de dire qu’il ne saurait être question, comme quelques-uns semblent le croire, de donner déjà à nos efforts dans l’Ouest africain le caractère d’une entreprise coloniale, le rapporteur, M.Dubosc, termine ainsi :
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- Votre commission a été d’avis d’adopter purement et simplement cette proposition, mais sans demander que dès à présent un terme soit assigné à la mission de M. de Brazza. Il dépend de vous, à chaque instant, de décider qu’elle cessera ou qu’elle continuera. Mais vous voudrez, sans doute, subordonner votre décision aux résultats obtenus et à ceux que des renseignements précis permettraient ou non d’espérer. Or, actuellement il est impossible de les apprécier déjà avec netteté. Pour savoir si vous devez ou non fixer un terme à la mission de M. de Brazza, il est donc nécessaire d’attendre que vous possédiez sur ses opérations des éclaircissements plus complets.
- Le Précurseur d’Anvers assure que l’Association internationale africaine, poursuivant son œuvre sur les côtes occidentales d’Afrique,vient d’acquérir par de récents traités toute la partie du littoral entre le Quillou et Zette-Kamma (0° 20’ de latitude sud) sur une largeur de près de 500 kilomètres.
- Mais ce fait intéressant à connaître et dont l’authenticité parait certaine — lord Granville en aurait été avisé officiellement par le consul d’Angleterre à Saint-Paul de Loanda — est loin d’être la révélation la plus importante que nous trouvons dans les colonnes du journal belge, qui passe pour l’organe attitré du comité de direction de l’Association internationale africaine.
- On sait que, dans la commission du budget du Reichstag, la question du Congo a été récemment débattue à propos de la politique coloniale allemande et de la demande de crédits pour les subventions maritimes postales. Il n’existe pas de sténographes qui suivent les travaux des commissions en Allemagne, de telle sorte que les journaux n’ont pu que reproduire les communications verbales faites par desmem bres de la commission.
- Le Précurseur d’Anvers se croit en mesure de donner le texte qui a été approuvé par le chancelier:
- De toutes les versions qui ont été imprimées,voici, dit-il, celle qui mérite le plus de créance et qui aurait été, le lendemain, approuvée par le chancelier lui-même:
- «. Pour ce qui concerne nos intérêts sur le Congo, cette uestion est venue plus ou moins se compliquer par suite e la nécessité d’aboutir à un arrangement avec plusieurs puissances et des prétentions émises par le Portugal. Les négociations dans lesquelles nous sommes engagés avec ces puissances ont déjà donné pour résultat que les droits réclamés par le Portugal sur le bas Congo n’ont pu être reconnus comme étant fondés. On ne considère pas non plus comme désirable, dans l’intérêt du commerce, que l’administration coloniale du Portugal puisse recevoir une nouvelle extension.
- » Le traité conclu entre l’Angleterre et le Portugal n’a pas rencontré l’assentiment des autres puissances. On a -jugé qu’il fallait régler cette question au moyen d’une convention faite entre les puissances maritimes, et c’est pour arriver à ce résultat que des négociations ont été entreprises. Je ne pourrais pas certifier dès à présent que les négociations seront couronnées de succès ; je n’ai cependant pas encore de motif de croire qu’elles n’atteindront pas leur but.
- « La fondation de nouveaux Etats sur le Congo, telle qu’elle est proposée par l’Association internationale,qu’on pourrait qualifier de belge, parce qu’elle a son point de centralisation en Belgique, est une entreprise que nous sommes décidés à soutenir, dans le cas où nous réussirions à assurer préalablement par un traité que le commerce allemand aura son entière liberté de mouvement dans ces contrées. »
- Voilà donc la clef de la dénonciation du traité intervenu entre l’Angleterre et le Portugal, dénonciation qui a été annoncée vendredi soir par lord Fitzmaurice à la Chambre des communes et qui a été accueillie par de chaleureux applaudissements.
- Le traité anglo-portugais n’est plus ; la diplomatie cherche une nouvelle base d’arrangement, et l’Association internationale africaine propose de disparaître pour faire face à une confédération des Etats libres du Congo. C’est cette solution qui a toute chance d’être patronnée par l’Allemagne, car ni elle ni d’autres puissances, aurait dit M. de Bismarcx, ne jugent qu’il soit désirable « que la politique coloniale du Portugal reçoive une nouvelle extension. »
- Le Précurseur d’Anvers affirme même que, si lord Granville présentait une nouvelle combinaison pour donner l’embouchure du Congo aux Portugais, l’Allemagne ne l’accepterait pas.
- Ce qui se dégage de tout cela, c’est : 1° que le Portugal est écarté, non par esprit de jalousie, on en conviendra, mais parce que l’on juge qu’il a donné trop de preuves de son incapacité civilisatrice ; 2° que la plupart des grandes puissances, les Etats-Unis par leur reconnaissance formelle des droits souverains de l’Association internationale, la France par son entente avec cette même Association, l’Allemagne par les déclarations faites par le chancelier, désirent sauvegarder les intérêts de leur commerce avant toute chose, et qu’elles cherchent une combinaison basée sur le fait acquis, l’établissement de l’Association patronnée par le roi des Belges sur les territoires de l’Afrique centrale.
- Le Précurseur d’Anvers, en Commentent les paroles du prince de Bismarck, appuie sur ce point qu’il a déclaré que l’Allemagne est décidée « à soutenir cette entreprise, » et il conclut que cela semble indiquer que le chancelier désirerait que le nouvel Etat qui s’étendra des sources à l’embouchure du Congo, embrassant de vastes territoires sur les deux rives, fût placé sous la protection de l’Europe :
- ce II n’y aura pas de difficultés du côté de. la France, dit en terminant le journal belge, car la France est notoirement disposée à favoriser l’œuvre patronnée par le roi des Belges.
- « Si la solution ci-dessus vient à prévaloir, une Belgique africaine, Etat neutre garanti par l’Europe, aura été créée par les fils de la Belgique européenne au cœur de l’Afrique centrale ; il ne nous restera qu’à souhaiter à celle-là la prospérité que celle-ci a su acquérir. »
- Le docteur Chavannes, en mission au Congo, a établi un observatoire météorologique à M’Boma. On mande de Bruxelles que M. Stanley a transféré la station de Vivi à 1,500 mètres au nord et qu’un tramway est en construction pour relier la nouvelle station au Congo.
- On construit en Belgique des petites maisons en bois qui sont destinées au nouveau Vivi. Un sanitarium a été établi à M’Boma.
- (Le Temps.)
- MAROC
- Hadj Mohamed Bargash fils du ministre des Affaires Étrangères du sultan est parti à bord de la « Ville de Tanger » accompagné deM. Jacob Siésu. Ils se rendent en Allemagne pour y faire un contrat avec la maison Krupp, dont la pièce d’artillerie envoyée à Fez à titre d’échantillon a donné de très bons résultats.
- ALLEMAGNE
- Nous reproduisons le passage d’un récent discours de M. de Bismark, au Reichstag, relatif aux rapports de l’Allemagne et de la France. Le langage du chancelier est très rassurant, pour ceux qui croiront à sa sincérité.
- « Nos rapports avec la France, a dit le chancelier de l’empire, et, en particulier, mes rapports personnels avec le gouvernement français sont si bons, que M. Richter ne pourrait les altérer. Songez à la période qui suivit la paix de Francfort et durant laquelle l’imminence d’une nouvelle guerre était admise dans cette enceinte, non seulement par les fractions de
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- l’opposition, mais encore par tous les membres de cette Assemblée. En 1875, un orateur du centre m’a dit une fois que la paix et la guerre dépendaient de la Russie, que notre sort était lié aux décisions de cette puissance ; bref, notre situation paraissait précaire après la paix de 1870; il semblait que, comme Frédéric le Grand y fut contraint après la guerre de Silésie, nous aurions à faire une seconde guerre immédiatement après la première guerre française. Il n’a, d’ailleurs, pas manqué d’éléments qui ont cherché à faire naître cette éventualité, non-seulement en France, où les blessures que nous avions faites à notre adversaire pour nous défendre n’étaient' point encore cicatrisées, mais encore, chez d’autres nations. Il y a eu des tendances à accélérer,à rendre vraisemblable l’éventualité d’une guerre. Pourtant, messieurs, il vous faut convenir que, quatorze ans après l’époque où la prochaine guerre était attendue à bref délai, la situation politique, tout autour de nous, et autant qu’on peut voir, n’offre que des perspectives pacifiques et rend absolument improbable l’éventualité d’une guerre prochaine. Elle nous montre,au contraire, que nous n’avons cessé d’entretenir, avec le gouvernement français, avec le gouvernement actuel comme avec ceux qui l’ont précédé, des relations si cordiales qu’un mot de moi à toujours suffi à rassurer pleinement le cabinet de Paris sur nos intentions futures.
- » C’est un point important dans les circonstances historiques telles qu’elles se sont développées depuis 1870, un point assurément fort important d’avoir trouvé d’une manière permanente un si haut degré de crédit et de confiance dans nos relations politiques avec plusieurs gouvernements successifs; et je puis vous donner l’assurance que cette confiance réciproque dure encore et durera aussi dans l’avenir. Il y a en France des partis et des journaux qui préféreraient la guerre aujourd’hui que demain; mais nos rapports avec la France et son cabinet ont un caractère aussi amical et cordial qu’avec aucun autre pays en Europe ; nous n’avons point à craindre qu’un orateur d’opposition puisse nous apprêter des difficultés avec la France et son gouvernement actuel, qu’il puisse accélérer une guerre entre nous et la France, en parlant de cette éventualité. Les deux gouvernements ont pleine confiance dans leur loyauté et dans leur sincérité réciproques ; le cabinet français sait qu’il peut compter sur notre bienveillance à l’égard de toute tendance qui n’aurait pas but immédiat de rétablissement d’un état de chose anormal, datant de Louis XIV. Mais il n’existe aucun motif actuel de craindre que la politique française suive cette direction et je remercie M. Richter de m’avoir, en prononçant le mot de Metz, fourni l’occasion de rassurer pleinement, non seulement le Parlement, mais encore notre population entière pour le présent et pour l’avenir, autant que la sagesse humaine peut prévoir, sur la possibilité d’une guerre entre l’Allemagne et la France. »
- ITALIE
- La Chambre italienne, à une forte majorité, a voté la proposition du gouvernement tendant à proroger d’un an le traité de navigation franco-italien. Cette discussion a fourni à M. Crispi le texte d’une violente attaque contre la politique extérieure du cabinet actuel, « politique de servilisme et d’humiliation, » a dit l’orateur.
- ESPAGNE
- Exécution de deux officiers. — Malgré les plus grands efforts, tentés par des personnages influents, pour obtenir une commutation de peine en faveur des deux officiers condamnés à mort pour trahison, ces deux derniers ont été fusillés samedi matin à Gérone.
- Les autorités, craignant un soulèvement populaire en vue de délivrer les deux condamnés, avaient fait faire dans la ville
- et dans les environs un grand déploiement de troupes et de police. La populace, cependant, est restée calme, et, à part quelques manifestations sympathiques en faveur des malheureux officiers, on n’a eu à constater dans la foule aucun mouvement d’un caractère menaçant.
- Les deux condamnés sont morts avec courage. Le lieutenant est tombé le premier ; le major n’a rendu le dernier soupir qu’ à la seconde décharge. On a appris le soir seulement que des troubles assez sérieux avaient éclaté samedi à Barcelone. On croit qu’il faut en voir la cause dans le refus de grâce touchant les deux officiers qui ont été fusillés.
- Les journaux républicains ont paru encadrés de noir en signe de deuil, en l’honneur des martyrs de Gérone. La police a saisi plusieurs de ces journaux.
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- La fraude des Vins. — Un viticulteur du Midi, M. Pape, a publié dans le Commerce de Grasse quelques détails intéressants sur la façon dont se fabriquent en Espagne les vins destinés à l’exportation : « En Espagne, les vignobles dont la récolte est destinée à l’exportation sont plantés alternativement de deux rangs de vignes et d’un rang de sureau. A la vendange on écrase ensemble le raisin et la baie de sureau et l’on obtient ainsi des vins qui sont très noirs. Leur densité alcoolique ne dépasse pas 6 degrés ; leur coloration très foncée permet une large adjonction d’eau et d’alcool, après laquelle ils ont encore assez de couleur.
- » Pour porter ces vins de 6 à 16 degrés on y ajoute de l’alcool allemand, de l’alcool d’industrie extrait de la pomme de terre et qui n’est pas rectifié. L’Espagne importe 350,000 hectolitres de cet alcool qui nous reviennent sous forme de vin. »
- DANEMARK
- Le Folkething depuis longtemps en lutte ouverte avec le ministère avait pris pour tactique le refus systématique des projets présentés par le gouvernement. Dissoute quelques semaines avant l’expiration de ses pouvoirs, la Chambre danoise est actuellement composée d’une majorité libérale homogène et fortement accrue par les nouvelles élections. L’opposition revient avec une majorité de 82 voix. L’élément socialiste qui n’avait pas encore été représenté au Folkething a nommé quatre mandataires dont deux ont lutté victorieusement contre les ministres. Le cabinet annonce qu’il est résolu à faire une seconde dissolution dès le mois d’août, époque de l’ouverture des Chambres.
- NORWÈGE
- dJLe roi, malgré ses répugnances à confier le gouvernement au parti libéral qui dispose de la majorité du Storthing, afin de dénouer la situation politique fortement tendue entre la Chambre et le Cabinet, a confié à M. Sverdrup le personnage le plus influent du parti libéral, la mission de composer un nouveau ministère pris dans la majorité.
- ÉTATS-UNIS
- Dette nationale et Budget de la guerre.
- — L’Amérique a beau avoir des banques en faillite comme les nôtres, des Bontoux réussis comme les nôtres, elle n’a pas de budget militaire comme le nôtre, de budget des cultes comme le nôtre... Aussi elle paye sa dette et nous ne payons pas la nôtre. Elle vient encore de diminuer sa dette de 25 millions le mois dernier et nous avons augmenté la nôtre d’autant. Nous sommes certainement le premier peuple du monde par la dette et l’impôt, et le second par le krach.
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- LE DEVOIR
- Mais si nous émulons l’Amérique en agio, pourquoi ne pas l’imiter en économie ? Comme dit Molière :
- C’est par les bons côtés qu’il lui faut ressembler.
- *
- + *
- Les Mormons.— La libre Amérique ne veut pas laisser aux Mormons la liberté d’agir à leur guise. Les conventions entre Mormons et Mormonnes étant toujours révisables suivant la volonté des parties, leur propagande n’employant jamais la violence, et leur mode familial ne donnant aucun pouvoir au Mormon sur ses femmes, il n’y a dans l’existence de cette secte qu’un fait dépendant de la liberté individuelle que les gouvernements doivent toujours respecter, même dans ses écarts, lorsqu’il est démontré qu’elle ne nuit pas à autrui. Le Sénat américain n’est pas de cet avis ; il a adopté le bill supprimant les usages des Mormons.
- AUSTRALIE
- Le Melbourne-Argus annonce que le premier ministre de la Nouvelle-Galles-du-Sud a adressé au gouveneur un mémoire étendu sur la question des récidivistes français. Ce document, destiné au ministre anglais des colonies, contient des objections fortement motivées contre le projet de transportation des récidivistes en Nouvelle-Calédonie. Le ministre australien affirme qu’outre les condamnés qui réussissent à s’enfuir et à atteindre F Australie, la Nouvelle-Galles-du-Sud est actuellement le lieu de refuge d’un certain nombre de condamnés libérés, dont quelques-uns sont autorisés à retourner en France, tandis que d’autres sont exilés pour toujours de ce pays.
- ÉCOLES DD FAMILISTÈRE
- Devoir de Morale
- Les Aliments
- Un aliment est une substance qui peut-être digérée et servir à la nourriture d’un homme ou d’un animal. Parexten-tion on nomme encore aliment une chose qui sert à en entretenir une autre. On dit par exemple : L’air et l’aliment de la vie universelle. On dit encore aliment, d’une qualité de l’intelligence, qui en entretient une autre. En voici un exemple : La flatterie est le plus doux aliment de la vanité puissante. L’alimentation est indispensable à notre vie. Deux sentiments bien distincts nous indiquent lorsque nous avons besoin de réparer les forces que la vie nous fait perdre : c’est la faim et la soif. Le chimiste français Orfila a dit : L’eau est la plus simple et la meilleure des boissons lorsqu’elle est pure. Le meilleur moyen de conserver l’eau pure, est de la prés rver de la poussière et de la mettre dans des sceaux en fer blanc.
- L’eau très froide bue lorsqu’on est en sueur peut causer de grands accidents et quelquefois même la mort.
- Il ne faut manger qu’à des heures réglées et jamais avant que la digestion soit faite, c’est-à-dire avant cinq heures. La sobriété et la tonne qualité des boissons, prises en qualités convenables, feront que nous nous porterons bien, et, de cette façon, nous pourrons faire le bien. L’hygiène entrera alors dans la morale.
- Marie Dallet, âgée de 11 ans.
- Les Aliments.
- Un aliment est une substance qui peut être digérée et servir de nourriture à l’homme et aux animaux.
- Par extension, on donne le nom d’aliment à toute substance qui sert à en entretenir une autre ; par exemple, on dira que l’oxigène est l’aliment de la combustion, ce qui ne veut pas dire que la combustion se nourrit d’oxigène, mais bien que l’oxigène est l’agent indispensable de la combustion.
- On donne encore le nom d’aliment, au figuré, à ce qui sert à développer un défaut ou une qualité; exemple : « Les bonnes actions sont les aliments de la bonté. »
- L’alimentation est nécessaire à l’entretien de la vie humaine ; nous devons manger, mais avec modération.
- La nourriture se compose ou doit se composer d’aliments solides et d’aliments liquides pour satisfaire aux deux besoins de la faim et de la soif.
- Nous ne devons pas abuser de ces besoins ; nous devons surtout ne pas abuser de la boisson qui abrutit l’intelligence et ravale l’homme au rang de la bête. L’ivrognerie est un vice honteux, l’ivrogne peut être sujet à des maladies horribles quj sont souvent mortelles, ce sont le delirium tremens et la combustion spontanée. La première fait de l’ivrogne une espèce de fou furieux qui se croit à chaque instant dévoré par des monstres hideux ; il sent des morsures et des plaies imaginaires ; la seconde fait qu’au contact d’une bougie allumée le corps de l’ivrogne s’enflamme intérieurement et expire dans d’atroces souffrances. Il ne faut pas non plus abuser de la nourriture, ce qui alourdit le corps et paralyse l’intelligence.
- La meilleure et la plus naturelle de toutes les boissons est l’eau, mais encore faut il qu’elle soit saine.
- Il ne faut pas boire quand on a trop chaud ce qui peut donner lieu à des pleurésies et même à la mort.
- Il ne faut pas non plus boire entre les repas ce qui empêche la digestion.
- L’eau se conserve dans des vases de grès ou de fer blanc ; les vases de cuivre,de plomb,ou de bois la rendraient malsaine.
- Il faut'manger a des heures réglées et ne pas commencer un repas avant que le précédent ne soit entièrement digéré.
- Conclusion.— La sobriété et la bonne qualité des boissons prises en quantité suffisante nous conservent en bonne santé et en bonne humeur ce qui nous rend bons et indulgents pour nos semblables.
- Donneaud, âgé de 13 ans.
- Paix et arbitrage international
- L association anglaise de paix et d’arbitrage international a tenu, le 23 Juin, à Londres, dans l’immense salle de Westminster, Palace Hôtel, sa troisième assemblée annuelle.
- Lord Schaftesbury présidait.
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- Au rang des travaux accomplis par l’association durant l’année écoulée, nous relevons les suivants :
- Conférences internationales.— Des mesures ontété prises de concert entre le comité de Londres et celui de Paris pour tenir une seconde conférence internationale à Berne le 4 août prochain.
- Associations internationales.— Deux sociétés, de paix et d’arbitrage international, ont été constituées en France :
- 1° Le comité de Paris faisant appel à la classe moyenne ;
- 2° La ligue des travailleurs faisant appel aux ouvriers.
- Egypte-— L’association a préconisé de tout son pouvoir l’idée d’une conférence européenne pour résoudre les difficultés pendantes. Elle a dans ce but adressé à tous les amis de la paix des réflexions tendant à l’organisation de l’indépendance de l’Égypte sous la garantie des Puissances.
- France et Chine.— L’association a envoyé aux amis de la paix en France une note préconisant le recours à l’arbitrage, du Président des États-Unis d’Amérique ou de la République suisse.
- Canal de Suez et canal de Panama.—L’association demande la neutralisation de tous les canaux interocéaniques.
- Madagascar. — L’association est d’avis que l’expérience anglaise démontre tous les maux engendrés par les guerres coloniales : l’objet légitime du commerce peut et doit être atteint sans recourir à la force.
- Le Transwaal.— L’association émet le vœu que l’Angleterre reconnaisse la pleine indépendance de la république du Sud africain, telle quelle était constituée en 1852.
- Traités internationaux.— L’association a envoyé des lettres de félicitations aux gouvernements d’Italie et de Belgique et à ceux des États-Unis d’Amérique et de la Suisse pour la clause par laquelle ces nations s’engagent à recourir à l’arbitrage en cas de différends entre elles.
- Branches locales et auxiliaires.— L’association invite les partisans de la paix habitant de grandes villes à se constituer en société pour l’étude et l’examen des questions internationales. Les membres des Universités, les hommes de loi surtout, pourraient rendre les plus grands services en ces matières en formant l’opinion publique.
- Appel aux femmes.— L’association en a appelé au concours des femmes par une adresse écrite en français et en anglais et répandue sur le continent.
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- L’association a signalé que le Président des États-Unis d’Amérique était partisan déclaré de l’idée de paix et d’arbitrage .'nternational.
- Parmi les journaux français défenseurs de la même cause on a cité :
- « Le Devoir, »
- « Les Etats-Unis d’Europe, »
- Un des orateurs a déclaré que par toutel 'Europe on trouvait
- les ouvriers condamnant la guerre, « chose d’autant plus logique de leur part, » a dit l’orateur, « que ce sont eux qui fournissent le plus grand nombre d’hommes et qui, au moyen des impôts, couvrent la plus forte partie des dépenses militaires. »
- Un très éloquent discours du père Hyacinthe termina la réunion. Entre autres choses il fit ressortir que les américains, gens pratiques par excellence, étaient partisans de l’arbitrage pour la solution des différends internationaux et de la politique du désarmement progressif des nations.
- Adhésions aux Principes d’Ârbitrage et de Désarmement Européen
- Messieurs.
- Déraison, Célestin, rue de Marcelcave, à Viilers-Bretonneux. Devisme, Florent, à Viilers-Bretonneux.
- Deilhy, à Viilers-Bretonneux.
- Lesguillier, J. L. Antoine,horloger, 62,rue d’Hangard,à Vil— lers-Bretonneux.
- Cuisset, Ernest, ouvrier bonnetier, 57, rue d’Hangard,à Vil-lers-Bretonneux.
- Cuisset, Paul, ouvrier bonnetier, 57, rue d’Hangard, à Vil-lers-Bretonneux.
- Ricard, L., employé, rue de Marcelcave, à Villers-Breton-neux.
- Brassart. Joseph, bonnetier, rue de Marcelcave, à Viilers-Bretonneux.
- Privât, Croquet, à Viilers-Bretonneux.
- Desailhy, Edmond, ouvrier bonnetier, rue Hamel, à Viilers-Bretonneux.
- Dufresne, Amédée, à Viilers-Bretonneux.
- Dufresne Zacharie, à Viilers-Bretonneux.
- Poulain Octave, à Viilers-Bretonneux.
- Sénéchal Adolphe, bonnetier,à Viilers-Bretonneux.
- Bernard Erménech, rue Marcelcave, à Viilers-Bretonneux. Sulfourt, contremaître sucrier, rue de Lihance, à Rosières. Sery, Julien, rue Marcelcave, à Viilers-Bretonneux.
- Joly, Eugène, ouvrier bonnetier, route de Péronne, à Viilers-Bretonneux.
- Railler, Léonce, manouvrier, rue d’Herville, à Villers-Bre-tonneux.
- Déraison Zonécrate, cafetier, route de Péronne, à Villers-Bre-tonneux.
- Ruquebourg, Théodule, 83, route de Montdidier, à Viilers-Bretonneux.
- Déraison,Nicolas,rue Hamel, 18, à Viilers-Bretonneux.
- Victor Allou,route de Péronne, à Viilers-Bretonneux.
- Cagé Théodore, rue Hamel, à Viilers-Bretonneux.
- Cousin, propriétaire, 37, Grand’Rue, à Saint-Mandé, Seine. Defisle, E. rentier, 49, Grand-Rue, Saint-Mandé, Seine. Mercier, Ch. épicier, 109,boulevard Voltaire, à Paris.
- Lausanne. Suisse. Raoux Edouard, professeur. — Loch-mann. — Laudet, médecin. — Meyer, libraire. — Calame Alfred. — Glardon, Georges.— Gaillard, Auguste. — Chap-puis, Alfred. — Delessert, Camille. — Schaffrot, Louis. — Dufey, Louis. — Regamey d’Almen, Juste. — Péclard, Elie. — Liaudet, Henry. — Séchaud, Edouard, — Gmellin.
- — Michet, Eugène. — Taillens, Edouard. — Blanc, Edouard.
- — Bideau, Louis. — Rochat, Jules. — Joris, Joseph. — Huber, Emile. — Erath, Abel. — Gowin. — Minod, Jean.
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- LE DEVOIR
- — Regamey, Henry. — Raoux, Léon, ingénieur. — Curtet, Emile. — Hæmmerlé, Louis. — Griessen. — Macer. — Giraud, J. — Marro, Auguste. — Rast. — Périllard, Louis.
- — Cachenaille, Louis. — Rovey, Louis. — Gaunin, Edouard, imprimeur. — Lochet, Charles. — Capt, G. — Perrirat, G.
- — Mignot C.
- Ile-Rousse (Corse.) — Muzio-Olivi, Pierre, membre du Conseil d’arrondissement. — Mondielli, capitaine en retraite.
- — Rossi, Antoine François, ancien capitaine des douanes.
- — Giudicelli, Pierre Antoine, brigadier des Douanes en retraite. — Francisci, ancien président du tribunal de commerce. — Francisci Jean, père, juge au tribunal de commerce. — Mattes Antoine, juge au tribunal de commerce,
- — Rouani Santiago, avocat.— Savelli,Jean Mathieu, gradué en droit. — Savelli, Pierre, ancien officier ministériel. — Bertoni,Joseph, ex-adjoint au maire. — Costa,Numa Eugène, propriétaire, négociant. — Orsoni-François, négociant, conseiller municipal. — Lanata, négociant. — Lanata, Louis.
- — Lanata, Jean-Baptiste. — Lanata, Charles. — Lanata, Gaëtan. — Muzio-Olivi, Hippolyte, négociant. — Capiassi Antoine, mercier. — Mattes,Jean Démétrius, propriétaire. — Francisci Auguste, négociant. — Mattes, Angelin. — Francisci François, fils. —-Gregay, Paul Marie, commerçant. — Gregay,Simon,rentier. — Guidoni Pomponius, docteur-médecin. — Belisari, propriétaire. — Ollidiere, Joseph. —* Vaccara,Dominique, négociant. — Costa, Auguste, négociant.
- — Costa,André, tailleur. — Filippi, Félix, tailleur. — Bense Jacques, tonnelier. — Padovani, maître bottier. — Pizzini Jean. — Pizzini, Dominique. — Kicci, Antoine. — Orsini Dominique. — Chiesa,Joseph, forgeron. — Del Papa, Jean.
- — Tassara, Augustin, employé des postes. — Fioravanti,Jean.
- — Fioravanti,Antoine. — Pietri, facteur rural. — Mercelli Jean Ange, régisseur d’octroi. — Bertoni Jean. — Masson, Sauveur. — Battestini Vincent. — Casimir, employé au bâteau-poste. — Battestini,Toussaint, batelier des bâteaux-poste.
- — Mariani, Jean. — Rossi, Joseph, propriétaire. — Blasini Ernest. — Dgiovanni, Joseph, conseiller municipal. — Am-broggi,François, commissionnaire.
- Mesdames.
- Maretti Louise Gemma, 104, rue Mariveaux, Montreuil-sous-Bois.
- Boucher, Grande Rue, 35, à Saint-Mandé.
- Girard, Zélia, 35,rue de la Prévoyance, à Vincennes.
- Cousin, propriétaire, 1, rue du Lac, à Saint-Mandé.
- Ile-Rousse (Corse). — Bertoni, Marie Trinida, mère de famille. — Mondielli, Marie-Anne.— Costa, Pacifique, négociante. — Costa, Athénaïs, négociante. — Lanata,Rosalie. — Lanata, Marie. — Belisari, Marie-Julie, propriétaire. — Muzio-Olivi, Rose. — Muzio-Olivi, Mathilde. — Savelli Cio— rinde. — Mattes, Cléonice. — Marcantitti, Marie-Jeanne. — Marcantitti, Eugénie. — Mattes, Julienne, propriétaire. — Mattes, Alice, propriétaire. — Battestini,ménagère. — Francisci Angéline, négociante. — Francisci, Marie. — Francisci, Eugénie. — Rossi, Marie Nicolas, négociante. — Grégory, ménagère. — Cathérine. — Pizzini, Marianne. — Giudicelli Eugénie, débitante de liqueurs. — Ollivier, Celine. — Am-brogi,Marie, négociante. — Veuve Ambrogi, Louise, libraire.
- Ligue des Contribuables ~
- Dimanehe,sous la présidence de M. Pataud, la Ligue des contribuables et des consommateurs, 10, rue Lancry, a entendu une communication de M. Desmoulins sur le
- congrès tenu récemment à Derby par les coopérateurs anglais.
- Le conférencier a rappelé les origines de la coopération ; il a raconté la première expérience tentée par Robert Owen dans la manufacture de son patron et ami Dale, à New-Lanark. C’est dans cette usine qu’ont été établis la première crèche ( infant school ) et le premier centre d’enseignement professionnel. A côté de l’établissement de New-Lanark,M. Desmoulins a placé le Familistère,créé à Guise par l’éminent M. Godin. Ce rapprochement avait été fait d’ailleurs au congrès de Derby dans trois mémoires très-remarqués.
- Ce congrès a été très important. La plupart des sociétés coopératives y étaient représentées. A la lin de l’année 1882, il y avait en Angleterre et dans le pays de Galles 1,053 sociétés coopératives : membres 573,000; — produit des ventes 23 millions de livres sterling ; — bénéfice net 1,780,000 livres ; — en Écosse 282 sociétés comptant 87,700 membres. Le congrès a étudié le moyen de faire entrer les énormes capitaux dont disposent les trades-uriions, dans les entreprises coopératives.
- Il a été convenu qu’au prochain congrès, les coopérateurs du continent seraient convoqués.
- Vendredi 4 Juillet,l’ordre du jour de la Ligue portera :
- « l’arbitrage international, — neutralisation, — libre-échange. »
- Le SECRET DE BERNARD
- Par Charles DESLYS.
- (Suite.)
- Des mois se passèrent. — Enfin la bonne nouvelle arriva. Je partis, je courus à l’adresse indiquée. C’était le soir. J’entrai d'abord chez la concierge ; je la fis causer, tout tremblant que ses réponses ne fussent pas telles que je les désirais...
- Elles dépassèrent toutes mes espérances. Mm9 Bernard, — elle se faisait appeler ainsi, — était une jeune veuve sans reproche, une admirable mère. Sa lampe allumée jusqu’au milieu de la nuit, attestait la persistance de son travail. Chaque matin, en allant à l’ouvrage, elle conduisait son enfant à la salle d’asile et l’en ramenait chaque soir. Elle l’adorait, Tout pour lui ! Jamais une distraction, pas une visite. La vertu même. « Et si douce ! et si bonne! et si triste ! Tenez, plutôt, monsieur... la voici ! »
- Deux noires silhouettes se dessinèrent sur le fond grisâtre du corridor. Je ne fis que les entrevoir au passage. Impossible de distinguer les traits; mais il y avait dans la démarche de la jeune mère une gracieuse modestie, la dignité du malheur.
- Elle ne m’avait pas aperçu. Fallait-il l’aborder ou du moins la suivre ? J’hésitais, comme au moment d’une
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- opération délicate.,. Pourquoi tarder?..“. Je pris une de nies cartes et étonnai ces quelques mots au-dessous de nies noms et qualité : « Je désirerais remettre à Mme Bernard une lettre de son mari... 11 est mort entre mes bras. »
- Cette formule m’avait été dictée par la présence de la concierge, qui regardait curieusement. Je lui remis la carte pour qu’elle la portât. J’attendais.
- Elle revint au bout de quelques minutes en me disant :
- — Ça lui a porté un coup, à cette pauvre chère dame ! Mais vous pouvez monter... elle vous attend.
- C’était au cinquième étage. Une porte s’ouvrit à mon approche. Sur le seuil, Juliette parut, éclairant le palier, ce qui mettait en pleine lumière sa douce et charmante physionomie. Elle s’écarta pour me livrer passage, et revint poser la lampe sur la table où se trouvait ma carte qu’elle indiqua du geste.Sans parler davantage,je lui présentai la lettre.
- Elle s’en saisit, toute tremblante, et la déplia, reconnut l’écriture, y colla ses lèvres et, tombant assise sur une chaise, elle commença de lire, toujours en silence.
- Son émotion, sa pâleur augmentaient à chaque ligne, des larmes muettes descendaient sur ses joues frémissantes. Elle fut prise à la fin d’un spasme, et, pour voiler sa douleur, s’enfouit la tête dans ses deux mains.
- Je me taisais. L’enfant vint à moi. Un beau petit garçon de trois ans au plus.
- — Pourquoi fais-tu pleurer maman ? me dit-il d’un ton de reproche.
- En l’attirant vers moi, je lui répondis :
- — N’aie pas peur, mon mignon... Je ne suis pas méchant... Soyons amis...
- Sa mère redevenait maîtresse d’elle-même. Elle me regardait maintenant.
- — Pardon ! murmura-t-elle, et dites-moi tout... Je veux tout savoir...
- Je lui racontai l’escarmouche, les derniers moments du blessé, l’hommage à lui rendu par ses camarades, et comment nous l’avions enterré là-bas, dans le cimetière de la falaise.
- — Àh! murmura-t-elle,si loin d’ici!... Pourrons-nous jamais...
- — De Bretagne, l’interrompis-je, on est venu déjà... sa mère ..
- Juliette tressaillit.
- — Ne songez-vous pas, continuai-je, à vous rapprocher d’elle. Elle reviendra... Ce lui serait une consolation fiue d’embrasser son petit-fils.
- — Elle me le prendrait !... se récria la mère.
- — Non, je serai là, répondis-je. Mais, pour le moment,
- vous avez besoin de calme et de repos... Réfléchissez... Puis-je revenir ?.. .
- — C’est demain dimanche, me dit-elle, nous ne sortirons pas.
- J’embrassai l’enfant.
- — Comment t’appelles-tu ? lui demandai-je.
- — Marcel.
- — Eh bien ! Marcel, à demain !
- La mère me reconduisit jusqu’à l’escalier. Au moment où je m’éloignais, sa main se tendit vers la mienne, et simplement, avec quelques mots venus du cœur, elle me remercia, pour Bernard et pour elle.
- La franchise, l’honnêteté, la loyauté, tels étaient les caractères distinctifs de cette adorable jeune femme.
- Je revins dans l’après-midi, apportant un jouet pour Marcel.
- Tandis qu’il s’en amusait :
- — Eh bien! demandai-je à sa mère, avez-vous réfléchi ?
- — Oui... je n’ose pas... si elle refusait de me croire...
- — La lettre de son fils est une preuve, répliquai-je, et presqu’un acte de reconnaissance...L’enfant, d’ailleurs, ne ressemble-t-il pas d’une manière frappante à son père...
- — Oh ! trait pour trait ! — son sourire et ses yeux ! un autre lui-même !
- Elle l’avait pris sur ses genoux, elle le regardait en le serrant contre son cœur.
- (La suite au prochain numéro.)
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- Emplois dans la direction et l’administration de deux grandes usines, chauffage en tous genres, meubles en fonte, quincaillerie, émaillerie, galvanoplastie. Position de premier ordre. Prouver intelligence, activité, bon caractère et passé irréprochable. Age, environ 30 ans.
- S’adresser à M. GODIN, fondateur du Familistère de Guise (Aisne).
- Ëtat-civil du Familistère
- Semaine du 23 au 29 Juin 1884.
- Naissance
- Bidoux André, fils de Bidoux Auguste et de Meunier Alexandrine.
- Le Dvt'ecteur-Gérant : GODIN»
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- LIBRAIRIE DU FAMILISTÈRE DE GUISE (Aisne)
- BROCHURES DE PROPAGANDE
- ÉTUDES SOCIALES
- La Réforme électorale et la Révision constitutionnelle
- Prix franco : 25 centimes
- Parmi les réformes pacifiques que le Devoir s’est donné pour mission de mettre en lumière afin d’en hâter l’avènement, figure au premier rang la constitution rationnelle des premiers pouvoirs de l’État.
- Or, le premier pouvoir dans une République démocratique, c'est le pouvoir du peuple se traduisant par le suffrage des citoyens. C’est donc dans le bon exercice du suffrage universel que se trouve les moyens de bien constituer les assemblées législatives et les pouvoirs publics.
- Le numéro du « Devoir » duier Juin 1884 est consacré à démontrer que les modes du suffrage pratiqués jusqu’à ce jour ont été le contraire de ce qu’il faut pour établir un réel exercice du droit souverain du suffrage universel. Ce numéro, en raison de son importance, a été converti en brochure sous couverture spéciale ; il constitue ainsi le n° 2 de la série des Études sociales inaugurée par le numéro exceptionnel intitulé : Le Familistère de Guise, solution de la question ouvrière.
- L’administration du Devoir continuera à éditer cette série d’études, de façon à en faire une collection d’un grand mérite pour la propagande. Nous engageons nos lecteurs à ne pas perdre cela de vue et à conserver ces numéros.
- L’administration du Devoir, s’imposant les plus lourds sacrifices d’étude, de temps et d’argent pour mener à bonne fin cette propagande, nous comptons sur le dévouement de nos lecteurs. Ils peuvent nous aider dans notre tâche en propageant des numéros que nous leur enverrons franco contre le prix seulement du papier et du tirage.
- N° I. Le Familistère de Guise. solution de la question ouvrière.
- Le numéro 40 centimes. — 10 numéros 2 fr. 50
- Na 2. La Réforme
- et la Révision constitutionnelle.
- Le numéro 25 centimes. •—-10 numéros 2 francs
- ip k ©©MAI) ras sa g wf
- N" 3. -- L'Arbitrage international et le Désarmement européen.
- Un exemplaire 25 centimes. — 10 exemplaires 2 fr. — 100 exemplaires 15 fr.
- Nous avons actuellement en préparation l’Hérédité de l’État et la Mutualité nationale.
- Dans l’Hérédité de l’État nous établirons par des documents officiels quelles immenses ressources la société doit attendre de cette reforme, combien elle est juste, et qu’elle procure aux classes laborieuses une sécurité certaine en augmentant les garanties sociales en faveur des possesseurs de grosses fortunes.
- Dans la Mutualité nationale, nous analyserons les institutions susceptibles de garantir le droit à la vie à chaque citoyen, nous ferons l’évaluation des charges probables de ces institutions, et nous démontrerons combien il serait facile de les doter suffisamment en y consacrant une partie des produits annuels de l’hérédité de l’État.
- PORTRAIT DE M. GODIN, FONDATEUR DU FAMILISTÈRE
- La librairie envoie franco, au prix de 1 fr., le portrait de M. G0D1N, belle gravure imprimée par la ___________________________________Maison Goupil de Paris,
- Guise. — lmp. BARÉ.
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- ii-Année, Tome 8. — N* 305 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 13 Juillet 1884
- tm
- mkMèÆâ Ææ? mÊM W iyr üilili
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications'
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- et réclamations
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- doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- Un an ... 10 fr. »» Six mois. . . 6 »» Trois mois, . 3 »»
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- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES ET POLITIQUES
- Produites et défendues par w Le Devoir »
- 1. —Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois d dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de la, liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- 4. — Organisation du suffrage universel par l’unité de Collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile ;
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens ; *
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter ;
- La représentation par les supériorités.
- 5. — Renouvellement annuel de moitié de la Chambre des députés et de tous les corps élus. La volonté du peuple souverain toujours ainsi mise en évidence.
- 6. — Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues par le suffrage universel.
- 7. — Égalité civile et politique de l’homme et de & femme.
- Le mariage, lien d’affection.
- Lacuité du divorce.
- Éducation et instruction primaires,gratuite, 1 obligatoires pour tous les enfants.
- Ces examens et concours généralisés avec élection Js élèves par leurs pairs dans toutes les écoles constatant la série des mérites intellectuel moraux de chaque élève.
- 10. — Écoles spéciales, nationales, correspondantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- 11. —Suppression du budget des cultes. Séparation de l’tiglise et de l’État.
- 12. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 13. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit
- d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- 14. — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions qn ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatérale à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dansunejuste mesure, retour à la société qui a aidé à les produire.
- 15. — Remboursement des dettes publiques avec les ressources de l’hérédité.
- 16. — Organisation nationale des garanties et de V assurance mutuelles contre la misère.
- 11. — Suppression des emprunts d’Etat.
- 19. — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 20. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans Varchitecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21. — Libre échange entre les nations.
- 22. Abolition de la guerre offensive.
- 23. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 2k. — Désarmement européen.
- 25. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire.
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- LE DEVOIR
- SOMMAIRE
- Le Choléra. — U Arbitrage en Italie. — Un Raisonnement d’Économiste. — La Prochaine Guerre. — Aphorismes et préceptes sociaux. — Faits politiques et sociaux. — L'Adultère et la Presse. — Droit d la Vie. — Les Ouvriers catholiques et le Familistère. — Ligue des contribuables. — Adhésions aux principes d’arbitrage international et de désarmement européen.— Offre d’emploi. — Le Secret de Bernard.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- LE GHOLËRA
- L’esprit d'investigation tend à nous pousser à rechercher les causes en toutes choses.
- A l’occasion du choléra exerçant ses ravages dans une partie du midi de la France, les uns ont prétendu que l’épidémie avait été importée de la Gochinchine par le navire la Sarthe ; d’autres soutiennent qu’elle a son origine dans la malpropreté de la ville de Toulon.
- Ces explications ne peuvent contenter l’observateur réfléchi ; il est porté à penser que derrière la Sarthe il y a un gouvernement colonisateur entraîné dans les entreprises lointaines par les dirigeants les plus influents troublés par la passion des bénéfices, qu’ils ne peuvent satisfaire à leur guise dans l’exploitation des sources nationales de richesses ; il n’oublie pas que la malpropreté de Toulon tient à la mauvaise disposition des quartiers de cette viiie, que les maisons et les centres insalubres sont possédés par des particuliers, que le pouvoir municipal a une action sur ces particuliers, que le gouvernement a des moyens légaux pour agir sur les citoyens et les municipalités, que les électeurs eux-mêmes, incapables de se mettre spontanément en mouvement, pourraient contraindre le gouvernement, les municipalités et les particuliersàl’observation des saines pratiques d'élidité,si les dirigeants avaient la volonté de solliciter ces effets de la puissance po-
- pulaire ; il sait encore qu’à Toulon, ville enserrée dans des fortifications, où se pressent dix mille ouvriers des arsenaux et vingt-cinqmille hommes de troupes, le génie militaire préoccupé des obligations de la paix armée complique et entrave l’exécution des améliorations favorables à l’assainissement de la ville. Mais cela ne déplace pas les responsabilités.
- On revient toujours à l’ignorance et à l’inertie du peuple, à l’incapacité et à l’indifférence des classes dirigeantes, qui refusent systématiquement d’examiner à fond les problèmes sociaux propres à les convaincre des vices de l’organisation sociale.
- Ces réflexions n’iront pas au delà de la rare clientèle des publications socialistes ; partoutailleurs, on limitera l’analyse des origines de l’épidémie aux besoins des partis politiques : les ministériels accusant la municipalité de Toulon, les opposants accentuant la responsabilité des agents gouvernementaux de la politique coloniale ; tous élevant plus ou moins le ton de leurs récriminations suivant l’importance des ravages du choléra.
- Le fait apparent, que nul ne peut nier, est que la Sarthe avant de partir de Saigon avait eu à son bord plusieurs cas de choléra ; les rapports officiels le constatent : la Sarthe est venue directement à Toulon, et le premier cas de choléra a été signalé parmi les marins de ce navire. Les probabilités sont suffisamment claires pour ne laisser aucun doute sur l’origine du fléau.
- *
- * *
- Le choléra,comme tous les faits présentant quelque gravité, met en question l’organisation sociale tout entière.
- 11 ne peut en être autrement dans une société usée', pourrie. Semblable à un vieux navire, dont la carcasse vermoulue ne peut supporter aucun radoub, et que la moindre tempête fait craquer de toute part, l’organisation sociale présente est tellement fragile que la moindre perturbation met en discussion le principe de son existence.
- Il importe peu pour la validité de notre thèse que l’intensité du mal soit plus ou moins grande ; nos arguments conservent toute leur force aussi longtemps que les sombres prévisions du présent resteront des possibilités dans un avenir indéterminé.
- Pourquoi des particuliers ont-ils construit, pourquoi les municipalités, les gouvernements, la société entière ont-ils laissé édifier d’une manière désordonnée des habitations bâties en violation des règles de l’art, de l’hygiène, de la salubrité,
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- sur des emplacements, dont une grande partie aurait dû être aménagée en jardins,squares, et convenablement nivelée pour être sillonnée pardes voies souterraines disposées dans les condilionsles plus propices au prompi enlèvement des ordure», des immondices (îtde toutes les matières fermentescibles qui font de la plupart des grandes villes de véri-tab'es foyers d’épidémie, choléra, fièvre typhoïde, qyssenterie, etc. ?
- C’est parce que l’on a permis que le sol, cette source de toute richesse qui appartient en réalité à tous, devienne la propriété de quelques-uns et qu'on a donné le droit à ces privilégiés de sauvegarder ce sol par laforoe publique,au nom du respect de la liberté de propriété, de le découper, de le niveler,de le couvrir de huttes,de cabanes, de taudis, de maisons mal construites,de le salir,de le souiller suivant la faiblesse ou l’insuffisance intellectue le et morale du propriétaire individuel. C'est parce que l’on a conservé, dans la civilisation, l’organisation propriétaire de l’époque de demi barbarie, où le droit de posséder comportait la faculté d’user et d’abuser sans que l’on s’inquiétât de distinguer l’usage et l’abus, dont les conséquences sont personnelles à leur auteur, de l'usage et de l’abus compromettant la sécurité d’autrui.
- A côté de ces faits dépendant de la prétendue liberté des particuliers, les gouvernements,poussés par les nécessités relatives des armements, ont développé outre mesure les casernements et les arsenaux de la ville de Toulon. On est arrivé ainsi à condenser dans une enceinte fortifiée une population trop nombreuse.
- Les véritables causes de l’épidémie sont la politique coloniale,les abus de la propriété individuelle, et la paix armée, toutes choses dont les responsabilités incombent aux classes dirigeantes.
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- Les conséquences peuvent être épouvantables au point de vue de l’intérêt public.
- Déjà le« classes dirigeantes dor ut le plus triste • spectacle de démoralisation. On voit les gens riches de Toulon, les grands commerçants,les industriels, les propriétaires abandonner leurs propriétés closes, mises sous la protection de la loi qui condamnerait aux travaux forcés pour effraction le Malheureux qui,vpour échapper aux miasmes des laudis, viendrait à installer sa famille dans une Maison de ces fuyards.
- Les commerçants ont demandé au ministère de décréter la suspension des échéances ; mais nulle «
- part on ne les a vu s’inquiéter de faire décider que les pauvres, les faibles, auraient un crédit ouvert., de q elç francs par jour, jusqu’à la fin de l’épidémie.
- On fait grand bruit du choléra, mais il est pré-sumab'e que les ravages, causés par la panique e la désertion des dispensateurs du travail, seront beaucoup plus considérables.
- En face de ce manque de courage, en face de ces désertions des privilégiés de la fortune,la science envoie ses adeptes désintéressés au devant du fléau, pwur tenter d’arrêter sa marche et pour en tirer des enseignements propres à en préserver les générations futures.
- Tous ces savants, jeunes et vieux, que l’on a vu accourir à Toulon, dès le début de l’épidémie, n’y sont point venus à la recherche des gens riches pour exploiter la situation et prétendre,envertu de la loi de l’offre et de la demande si chère aux économistes,que leurs services devaient être payés vingt fois plus que la veille.Presque tous ont choisi l’hôpital pour principale résidence ; afin d’observer l’ennemi dans ses plus cruelles manifestations, ils se sont placés au milieu des victimes tombées sous la coalition de la peste et de la misère.
- On retrouve à Toulon des collègues du docteur Thuillier, qui, s'ils succombaient, laisseraient probablement, comme le premier, des familles désolées et peut-être vouées à la pauvreté.Er, plus tard, la morale du jour, tirée des enseignements de divine économie politique, permettrait aux fils des propriétaires des taudis de Toulon de dire aux parents des victimes, que la propriété et le capital sont le fruit du travail, que la société ne peut prendre à sa charge les rejetons ou les ascendants de ceux qui n’ont pas su travailler !
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- Ce désordre, ce gâchis social, ne peut éternellement se prolonger.
- L’action dirigeante reviendra à la science,parce-que les dirigeants actuels, les privilégiés de l’ordre économique, désertent devant les responsabilités et les charges de leur prépondérance, tandis que les véritables savants, sous l’influence des idées humanitaires, abstraction faite de leurs personnalités, accourent où le devoir les appelle, sans se laisser arrêter par les dangers auxquels les expose leur dévouement.
- Le choléra de Toulon met aux prises avec la science les abus conservés du passé.
- Le droit français, tiré du droit romain,dit que la
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- propriété est le droit d’user et d’abuser; la science proclame que la propriété, en vertu de ce droit, peut recevoir des destinations susceptibles de faire surgir la peste dans le monde entier. Le vieux droit, le droit actuel, permet de construire partout des habitations suivant le caprice des propriétaires ; la science prouve qu’il est nécessaire de fixer un minimum pour les ouvertures, pour la hauteur et la surface des appartements, que, dans certains cas,des espaces libres doivent être conservés entre les habitations.
- Mais l’établissement d’une légalité conforme aux prescriptions de la science n’est pas réalisable,si on ne modifie complètement les bases de l’ordre social.
- Aussi, vouloir imposer à un propriétaire, ayant peu de capitaux ou de faibles revenus,de bâtir dans des conditions onéreuses ou bien lui interdire d’employer son terrain à recevoir de petites constructions proportionnées à sa bourse, serait la pire des tyrannies, si la société n’est pas organisée pour donner une compensation équitable.
- Cette insuffisance, cette incapacité individuelle de pouvoir élever ses moyens à la hauteur des prescriptions de la science sont des arguments irréfutables en faveur de l’action collective.
- Mais chaque fois qu’il s’agit de rompre délibérément avec la routine, on se heurte à des protestations, à des récriminations et à des résistances, d’autant plus inexplicables que les nouvelles pratiques proposées sont presque toujours précédées d’antécédents propres à leur justification et créés par les récalcitrants eux-mêmes.
- Dès qu’on parle de substituer l’action collective à l’action individuelle dans l’industrie du bâtiment, aussitôt l’on entend retentir des accusations de violation de la liberté des propriétaires ; et on en appelle au principe de la propriété, droit aussi inviolable, disent les réactionnaires, que la liberté de conscience.
- Et les gens qui parlent ainsi sont ceux qui empêchent les mahométans d’aller à la Mecque dans les conditions misérables que leur inspire leur foi religieuse. La liberté de conscience, disent-ils, ne peut aller jusqu’à laisser le droit, à ceux qui la revendiquent, de compromettre l’état sanitaire du monde.
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- Eh bien ! le droit de bâtir ; le droit de posséder le sol ne peut aller aussi jusqu’à laisser la faculté, à ceux qui le réclament, de transformer la propriété en foyers pestilentiels.
- Tl n’v a qu’un principe qui domine tous les autres,
- c’est le droit primordial à la vie, qui condamne toute pratique individuelle ou collective, lorsqu’elle devient nuisible à autrui.
- Le choléra de Toulon ne démontre-t-il pas clairement que la liberté de propriété, telle qu’elle est permise à Toulon, constitue un désordre social capable de compromettre la sécurité générale du monde?
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- Il est urgent de sortir de cette situation.
- Le Devoir préconise comme moyen l’Hérédité de l’État.
- Cette réforme sociale permettra la rentrée progressive du sol à la propriété collective ; en même temps, elle procurera des ressources pour fonder la mutualité nationale.
- A mesure que l’État constituera la propriété sociale, il pourra disposer les habitations selon les prescriptions de la science parce qu’il réunira tous les moyens d’exécution. Et les particuliers n’auront rien à redouter de cette nouvelle manière d’être de l’État, parce que la mutualité nationale leur donnera des garanties plus solides et plus durables que celles qu’ils cherchent vainement dans les spéculations de la propriété individuelle, quelquefois, sans le savoir , au détriment de l’humanité tout entière comme cela résulte du choléra de Toulon.
- Que l’on aille au fond des causes des grands fléaux pestilentiels,on les trouvera presque toujours engendrés par l’abus de la propriété individuelle et par l’avidité des classes dirigeantes constamment préoccupées de rechercher la richesse dans les conquêtes extérieures.
- A Toulon, le choléra importé par la politique coloniale a trouvé un terrain suffisamment souillé par la propriété individuelle pour y créer un foyer pestilentiel des plus dangereux.
- L’arbitrage et le désarmement empêcheront le retour de la politique d’aventures et nous délivreront des casernes, des arsenaux et toutes ces agglomérations d’hommes véritables refuges des pires maladies; l’Hérédité de l’État et la Mutualité nationale éviteront bien des misères et soulageront celles dont la science ignore les causes.
- L'Arbitrage en Italie
- On lit dans The arbitrator :
- L’acceptation faite, il y a dix ans, à la Chambre des communes de la proposition de M. Henry Richard concernant l’insertion d’une clause d’arbitrage dans les traités internationaux, conduisit le Parlement italien à adopter, à Tunanimité, une
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- résolution semblable. Mais il est à craindre que le gouvernement britannique ait fait peu de chose pour mettre à exécution le vœu de la Chambre des Communes.
- Les Italiens ont été plus favorisés, car en dix-neuf traités passés depuis cette époque entre leur pays et d’autres nations, une clause spéciale a été insérée réglant que toute discussion s’élevant en dehors des traités serait soumise à l’arbitrage.
- Au lieu de guerroyer en Ashantee, Afghanistan, Zululan, Basuland, au Transwaal, en Egypte et au Soudan, si le gouvernement anglais avait suivi l’exemple du gouvernement italien, il se serait employé d’une façon beaucoup plus utile et aurait donné aux peuples pour l’avenir des garanties de paix.
- Un Raisonnement d’Êconomiste.
- La citation suivante, extraite d’un journal rédigé par des publicistes dont nous ne pouvons suspecter les bonnes intentions, peut être considérée comme un exemple attestant les ravages causés dans les cerveaux par la vulgarisation de l’économie politique.
- « Nous avons reçu, à propos du prix de la main-d’œuvre, une lettre dont nous nous occuperons prochainement.
- » En attendant, nous devons dire que nous considérons comme très-périlleuse toute proposition ou toute mesure tendant à l’abaissement des salaires.
- » Il n’est pas possible que l’on songe à réduire le prix de la journée de l’ouvrier des champs.
- » Réduire le salaire de l’ouvrier ne peut remédier à rien. On n’obtiendra d’autre résultat que de jeter la perturbation au milieu de nous en faisant naître l’agitation et le désordre.
- » Les cultivateurs et les industriels se plaignent avec raison de ne plus pouvoir écouler leurs produits. La production dépasse partout la consommation. Et pour remédier à cet état de choses, on ne trouverait d’autre remède que la diminution du salaire de l’ouvrier, c’est-à-dire la réduction des ressources du principal consommateur.
- » Etrange solution, en vérité !
- » Non, là ne se trouve pas le remède. Donnez à vos ouvriers de bonnes journées ; ils consommeront beaucoup et vous pourrez alors produire beaucoup : »
- Tout ce qui précède est très juste, l’écrivain se laissant guider par sa raison comprend à fond les inconvénients de l’avilissement des salaires ; mais il ne sait s’arrêter à point, il continue ainsi :
- « Donc ce qu’il faut, c’est de faire en sorte que le cultivateur et l’industriel vendent leurs produits à un prix suffisamment rénumérateur.
- » Pour cela, il faut que les Chambres reviennent sur les théories libres-échangistes introduites en France par les hommes du second Empire, et qu’elles prennent toutes les mesures nécessaires pour protéger efficacement le travail national. »
- Maintenant, c’est le disciple des économistes qui parle et les absurdités commencent. En effila protection douanière conduit à l’élévation au prix des denrées de première nécessite et à la dépréciation du salaire, puisque avec le même argent le salarié ne pourra plus se procurer, comme auparavant, la même quantité de denrées.
- Étrange solution, en vérité !
- Paraîtra le 27 Juillet
- Un Numéro exceptionnel du Devoir traitant spécialement de l’Arbitrage international et du Désarmement européen.
- Il contiendra les chapitres suivants : La
- Paix armée. — La Prochaine Guerre. — Préjugés et vérités du militarisme. — Politique conservatrice et Politique pacifique. — Neutralisation de l’Alsace-Lorraine. —Arbitrage international. — Etat de la question. — La Propagande de la Paix. — La Véritable Patrie.
- PRIX FRANCO :
- Un exemplaire ... » 25 cent.
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- —<—~~C_S£S_J5-—i— —
- LA PROCHAINE GUERRE
- La paix armée est la guerre à l'état latent ; elle a pour conséquence directe la guerre ouverte.
- Osons réfléchir aux horribles éventualités du prochain choc européen réduit aux moindres proportions probables.
- Nous supposerons que tous les bruits d’alliances dirigées contre la France sont de vaines paroles. Nous admettrons que la lutte sera limitée entre deux peuples qui se disputent l’Alsace-Lorraine.
- En 1870, l’armée allemande était plusieurs fois aussi nombreuse que l’armée française ; son artillerie était supérieure à la nôtre. De notre côté, le fusil chassepot procurait des avantages considérables sur les troupes ennemies armées du fusil à aiguille ; nos armées disposaient des places fortes de Metz et de Strasbourg.
- Malgré notre infériorité numérique, toutes les batailles décisives ont duré plusieurs jours. Les rapports militaires des vainqueurs l’établissent, chacune de nos défaites a eu pour principale cause la nécessité pour nos généraux d’opposer aux troupes fraîches de l’ennemi les bataillons décimés et épuisés
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- par les combats de la veille. S’il en eût été autrement, si nos généraux avaient pu renouveler, chaque jour, les troupes engagées, il n’est pas douteux que chaque bataille aurait été encore plus longue et plus meurtrière. Cependant la lutte a été prolongée plus de six mois après l’anéantissement de nos premiers contingents ; elle a fait plus d’un demi-million de victimes ; elle a arrêté la production de deux peuples pendant prés d’une année ; elle a coûté plus de douze milliards aux vaincus, et la perte de deux provinces saccagées.
- Lorsque les deux peuples reprendront les hostilités, la France opposera à l’Allemagne une armée également nombreuse; son artillerie sera aussi puissante ; mais les fusils français,dont on a pas suffisamment apprécié la supériorité relative pendant la derniere guerre, seront en face d’ennemis pourvus d’armes égales, et les Allemands disposeront de Metz et de Strasbourg.
- Dans de pareilles conditions qui peut prévoir la limite des carnages, des destructions, des ruines qu’accumuleront les deux nations ennemies mettant chacune en lignes, dés le début de la guerre, plus d’un million cinq cent mille hommes armés d’un matériel militaire et d’engins meurtriers dépassant en puissance destructive tout ce que l’humanité a pu concevoir jusqu’à nos jours.
- Voici l’énumération des forces militaires de la France.
- En cas de mobilisation générale,les vingt classes de l’armée seraient appelées sous les drapeaux, et tous les chevaux nécessaires pour compléter les effectifs de la cavalerie, de l’artil-erie et du train seraient demandés par réquisition.
- Or sait-on quel chiffre cela représente?
- Cinq classes de l’armée active (hommes en disponibilité).......................* . . 704.714
- Quatre classes de la réserve.................510.294
- Cinq classes, territoriale................... 582.523
- Six classes, territoriale (réserve) . . . . 625.633
- Total de vingt classes ..... 2.423.164 h.
- A ce nombre, il faut ajouter tous les « hommes dispersés » qui sont classés dans le service auxiliaire, et qui pourraient être, en cas de guerre, affectés à la défense des places, dans les ambulances, dans l’administration.
- Cette catégorie comprend 1.330.000 hommes environ, ce qui porte l’effectif total sur le pied de guerre à trois millions sept cent cinquante-trois mille cent soixante-quatre hommes.
- Ainsi, en résumé, si les circonstances l’exigeaient, la France, — outre les 1.330.000 hommes appelés à rester au second plan, — la France pourrait mettre en ligne deux millions et demi de soldats sur lesquels : 1.500.000 hommes ont servi plus de quatre ans : 600,000 de six mois à un an, et 400.000 pendant des périodes de treize jours ou de vingt-huit jours.
- En Allemagne les contingents ne seront pas moins élevés.
- La loi du 2 mars 1874 donne au gouvernement la faculté
- d’appeler, en cas de guerre, plus de six millions d’hommes produisant un chiffre de combattants, parfaitement instruits
- de trois millions huit cent soixante et onze mille hommes.
- Si la prochaine guerre dégénère en conflit européen la Russie, d’après la loi dn 1er janvier 1874, peut appeler sous les armes treize millions d’hommes donnant un effectil de deux millions cinq cent mille hommes bien préparés la loi du 5 décembre 1868 permet au gouvernement Autrichien d’engager un million deux cent soixante-cinq mille hommes ; et les lois que le parlement italien a votées en 1875, 1876 et 1882, assurent à l’Italie en cas de guerre une force de deux millions cinq cent soixante-dix mille hommes.
- Dans la prochaine guerre entre la France et l’Allemagne on ne s’arrêtera pas au sacrifice d’un demi-million de victimes. La production des deux nations si puissamment outillées sera peut-être en chômage pendant plusieurs années, et le vaincu supportera des pertes dépassant certainement vingt milliards.
- Qui osera soutenir que le vainqueur, par raison d’équilibre européen, ne sera pas empêché par les autres gouvernements de recouvrer ses dépenses de guerre, si le vaiucu est encore en état de les payer.
- Vaincus et vainqueurs conserveront-ils assez de vitalité pour réparer en un siècle les ruines accumulées par un choc si formidable ?
- Il faut surtout penser que l’Alsace-Lorraine sera le théâtre des scènes atroces de cette lutte désespérée.
- Que restera-t-il alors de cette riche contrée, de ses manufactures, de ses villes, de ses villages, de sa prospérité industrielle et de sa fortune agricole ?
- Ah! les chauvins des deux côtés du Rhin devraient avoir pitié de ces belles provinces, qu’ils disent tant chérir, les uns et les autres. Ils ne les voient pas épuisées par les inquiétudes provoquées par l’éventualité d’une guerre Franco-Allemande. Ils ne réfléchissent pas que de ces contrées et des départements voisins condamnés par eux à supporter tant d’armées, à fournir de si vastes champs de bataille, il ne peut rester qu’un immense charnier.
- Voilà ce qu’ils feront de l’Alsace-Lorraine, les prétendus patriotes français et allemands ; les uns chantant la Marseillaise, les autres hurlant le Vaterland !
- Que feraient de plus des forcenés qui auraient juré l’anéantissement de l’Alsace-Lorraine ?
- Nous n’examinerons pas quelles sont les probabilités de victoire. Quel que soit le vainqueur, la défaite de l’humanité est certaine, à moins que la raison, reprenant ses droits, désarme les tyrans de l’humanité.
- Mais la défaite de l’humanité sera plus ou moins désastreuse, suivant que la victoire restera à l’Allemagne impériale ou à la France républicaine.
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- L’Allemagne victorieuse, c’est l’Alsace-Lorraine ruinée ; c’est le passé triomphant momentanément du progrès social.
- La France victorieuse, c’est encore l’Alsace-Lorraine ruinée; c’est aussi l’idée progressiste dominant la réaction.
- Ce sont ces considérations qui nous défendent de rien conseiller qui puisse momentanément amoindrir ou entraver le développement militaire de la France.
- Mais il est nécessaire d’apprendre à ceux que la prochaine guerre va faucher, aux pères, aux mères, aux épouses de ces victimes innocentes, que tous ces sacrifices ne profiteront pas à l’Alsace-Lorraine, que la déclaration de guerre pourra être le signal de la ruine définitive de ces provinces, qu’iln’estpas même certain que l’Idée du progrès social bénéficie des morts, des souffrances,des désastres du vaincu et du vainqueur.
- Il faut en même temps enseigner qu’il existe une autre solution donnant à l’Alsace-Lorraine une prospérité préférable à tous ses bonheurs passés, n’imposant aucune douleur aux nations et aux individus ; au contraire, elle inaugurera au profit de tous, une ère définitive de paix et de progrès débarrassée des obstacles que l’Idée est contrainte de briser par tous les moyens, afin d’accomplir sa mission rédemptrice.
- Ne pas faire tous ses efforts pour éviter un choc Franco-Allemand est s’associer au plus grand forfait que l’humanité ait jamais préparé.
- APHORISMES ET PRÉCEPTES SOCIAUX
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- Réforme des impôts
- Le droit d’hérédité de l’État dans les fortunes après la mort des personnes peut reconstituer, sans secousse et sans spoliation, le domaine social ou la propriété nationale immobilière. La société peut rentrer ainsi, auprofit du peuple, dans la possession naturelle du sol, et dans la plus value des biens que l’action publique contribue à développer ; elle rendra ainsi plus facile à tous l’accès à la propriété et favorisera l’initiative des citoyens en toute entreprise.
- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- Sénat. — Le Sénat met peu d’empressement à examiner le projet de révision. D’après les opinions connues des commissaires nommés par les bureaux du Sénat, il est probable que de longs pourparlers vont avoir lieu entre les bureaux du Sénat et de la Chambre. Messieurs les sénateurs paraissent être d’avis de ne pas se hasarder sur le terrain de la révision sans être certain que les députés sont sincèrement résolus à ne modifier aucune des prérogatives du Sénat et à respecter lmis les articles antirépublicains de la Constitution.
- La Chambre. — Le projet de révision limitée a été accepté par 414 voix contre 113. Parmi les votants on compte de nombreux opposants entraînés par l’exemple de M. Clé -menceau qui a motivé son vote par des réserves qu’approuveront tous les sincères républicains. Voici les paroles de M. Clémenceau, qui coïncident avec les conclusions de notre article sur la Révision, numéro du 22 juin :
- « Le gouvernement viole la Constitution en faisant la révision partielle. Le ministère et la Chambre ont fait une œuvre révolutionnaire.
- d Le président du Congrès aura un rôle difficile : il devra suivre la discussion de l’orateur pour voir s’il dépasse ou ne dépasse pas la limite fixée par M. Ferry.
- » Vous avez déshonoré la discussion.
- » Les engagements pris ne me lient pas ; j’entre libre au Congrès, tout le monde y entrera libre. Ces engagements sont comme le serment que les députés de la gauche prêtaient à l’empereur.
- » Ce sera l’honneur des républicains de fouler aux pieds ces engagements.
- » Je voterai donc le projet ; je le voterai parce que je veux aller au Congrès, afin d’y rencontrer le Sénat, afin que nous puissions dire : « Nous, nous venons du suffrage universel, » tandis que les sénateurs diront : « Nous venons du duc de Broglie. »
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- La question des sucres à la Chambre. —
- La question des sucres a été traitée à la Chambre suivant nos prévisions; c’est-à-dire d’une manière pitoyable. Nous empruntons à la Lanterne le compte rendu de la principale séance consacrée à cette question ; ce journal sous une forme pleine d’humour, donne un aperçu exact de l’incompétence de la Chambre en matière sociale. Le ridicule est parfois un châtiment efficace. Nous laissons la parole à la Lanterne :
- On devrait écrire au-dessus de l’entrée principale du Palais-Bourbon, comme dans les départements qui se respectent: « Ici, la mendicité est interdite. » Quand cela ne produirait effet que pendant les quinze premiers jours, ce serait toujours autant de gagné. Quel débordement de préoccupations électorales mal dissimulées sous des apparences patriotiques ! L’industrie du sucre se meurt, et avec elle l’attachement des départements du Nord pour la République, crient les uns. Qu’est-ce que vous avez fait pour le Midi phylloxéré ? répondent les autres. Et nos vins riposte le troisième, à qui l’Italie et l’Espagne font une concurrence affreuse? Propagez le cochon, protégez la laine ! Et pendant ce temps, M. Fouquet, le plus colossal des députés, se démène et prend des airs de colère à faire fuir ses voisins. C’est à grand’peine que M.Ribot arrive à le calmer, gêné qu’il est par M. Villain, un autre coléreux, j’allais dire colérique, qui doit avoir un grand besoin d’hydrothérapie quand il rentre le soir chez lui.
- C’est aujourd’hui le tour des ministres et l’aimable M. Ti-rard (l’épithète est de M. Gerville-Réache) entreprend de défendre le projet de loi. Je ne sais pas si c’est de bon cœur, mais j’en serais bien surpris, car, pour mon compte, il me paraît avoir démontré que ce projet est absolument détestable. Son raisonnement peut se résumer ainsi : la véritable raison des souffrances de l’industrie sucrière, c’est l’excès de production.Les Allemands n’attendent pas comme nous tout du gouvernement. Imitons leur exemple et trouvons le moyen de partir comme eux aux quatre coins du globe. Après ces prémisses on est tout surpris d’entendre l’orateur affirmer que le but du projet qu’il défend est d’augmenter la production. Car, enfin, s’il y en a déjà trop... Mais que diable voulez-vous? on est ministre ou on ne l’est pas.
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- Comme compensation, M. Tirard exécute les colonies dans les grands prix et leur démontre qu’elles sont bien ingrates de ne pas se contenter de ce qu’on leur offre. M Gerville-Réache prend des notes à force, symptôme non douteux d’un nouvel orage.
- M. Peytral, qui n’est pas sucrier et ne pourrait dissimuler son origine méridionale, raille avec beaucoup de talent les grimauderies du Nord. A quoi donc aboutira, dit-il aux partisans du projet, votre surtaxe ? A peser lourdement sur le contribuable, sans résultat, car M. de Bismarck n’hésitera pas à faire plus encore pour continuer son œuvre. Le mal réel vient de l’infériorité de la culture, de l’insuffisance du matériel, de la fabrication mauvaise, à quoi les taxes ne feront rien.
- Le doux M. Méline, titulaire comme chacun sait de l’agriculture, développe le paradoxe suivant : Depuis que dans les départements du Nord on a cultivé la betterave, la terre, de 1,500 fr. l’hectare est monté à 12,000 fr. Même phénomène* en Allemagne. Du jour où l’industrie sucrière a souffert chez nous, les terres sont retombées à 3,000 fr. Donc il est nécessaire de demander aux contribuables le paiement d’une taxe dont bénéficieront les fabricants de sucre et les producteurs de betteraves, de façon que le prix de la terre remonte à 12,000 fr.
- Ici, le Midi, dans la personne de M. Marius Poulet, pousse des rugissements.
- M. Méline a compris, et riposte : C’est le tour de la betterave ; et pour calmer les colères il énumère tout ce que l’on a déjà donné, avec espoir que cela continuera, si l’on est sage.
- M. Passy est parfois un peu long, mais il sait se dégager généralement des passions locales. Il apprend à ceux qui l’ignorent, nombreux suivant l’apparence, que la protection du premier empire, pour puissante qu’elle fût, ne pût donner l’essor à l’industrie sucrière, qui ne grandit que lorsqu’elle fut abandonnée à elle-même. Jamais la protection n’a produit rien d’utilement durable. Attendons la fin de cette prospérité industrielle de l’Ajlemagne produite au frais du contribuable ; mais n’imitons pas son exemple. Ne prenez pas dans la poche des uns pour mettre dans la poche des autres. Les sucriers ne se contiennent plus quand il ajoute que le vrai mal est dans l’insuffisance des procédés de culture et de l’outillage.
- Pourtant, comme rien ne peut éternellement durer, on se sépare à six heures et demie.
- Il n’y a aucune raison pour que les sucres n’achèvent pas la semaine. 0 mélasse !
- A k *
- Le budget de la ville de Paris.— Le budget de 1883 se solde par un excédant de recettes de vingt millions ( exactement : 20,244,932 fr. 20.) Un mémoire de M. le préfet de la Seine, adressé au conseil municipal, expose que, si les recettes de l’année écoulée n’ont pas atteint le chiffre des prévisions, les dépenses ont, d’autre part, été sensiblement réduites par suite d’une mesure adoptée par le conseil municipal. Au moment du vote du budget extraordinaire, le conseil a annulé les crédits alloués en vue d’opérations admises en principe, mais dont il n’avait pu encore approuver l’exécution.
- L’abandon d’une partie notable de ce crédit ri’a d'ailleurs été que momentané, et déjà, sur les vingt millions en question, l’administration a demandé ou obtenu 6,530,814 fr. 59. Il reste donc aujourd’hui, sur l’excédant de 1883, un reliquat disponible de 13,714,117 fr. 61.
- La question des logements construits par la ville de Paris a été fréquemment à l’ordre du jour dans l’ancien conseil municipal. Notamment un projet basé sur un emprunt au Crédit Foncier trouva de nombreux défenseurs parmi les membres de la gauche du Conseil. La majorité, opposée à l’exécution de ce projet, fut formée par des conseillers qui ne nièrent pas
- la nécessité de faire quelque chose en ce sens, mais qui pr^ tendirent ne pas vouloir engager le crédit de la ville. L’ei' cédant de 13,000,000 dont nous venons de parler serait unè excellente occasion pour les socialistes de la municipalité paq. sienne de mettre en demeure leurs collègues radicaux de prouver la sincérité de leurs déclarations. Les socialistes manqueront de sens pratique s’ils ne savent profiter d’une aussi bonne occasion. On pourrait construire avec cette somme des logements pour une population de 15,000 habitants. Ce serait un commencement. Nous reviendrons sur cette question dans notre prochain numéro.
- Le personnel des douanes.—Les traitements des agents du service actif ont été améliorés, mais ces augmentations, devenues du reste indispensables, n’entraîneront pas un accroissement des charges du budget ; elles ont eu lieu au moyen des suppressions réalisées dans les diverses catégories d’emplois.
- Le ministre a fixé de la façon suivante la composition nouvelle du personnel douanier : 212 capitaines avec appointements de 2,700, 3,000 et 3,500 fr. ; 62 gardes-magasins à 1,800, 1,600 et 1,500 fr. ; 4,002 brigadiers et patrons,sous-brigadiers et sous-patrons, à 1,300, 1,200, 1,150 el 1,100 fr. ; 14,952 préposés, à 1,050, 1,000 et 900 francs. Le total des agents s’élève à 19,646, représentant une dépense de 20,817,300 fr.
- Le directeur général des douanes vient d’adresser, à ce sujet, aux directeurs placés sous ses ordres, une circulaire où il leur fait connaître les modifications arrêtées par le ministre. ' Il ajoute que les retraites que l’administration a prononcées et les vacances qu’elle a prescrit de réserver dans les directions où des suppressions d’emplois doivent avoir lieu permettront de les réaliser, en partie, immédiatement. Le reste suivra dans un avenir prochain.
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- La patrie reconnaissante.— Un grand nombre d’anciens soldats, réformés à.la suite de blessures militaires, touchent une gratification infime variant de 80 à 225 francs et renouvelable tous les deux ans. Cette gratification dépend uniquement du bon vouloir de l’autorité militaire ; encore, pour y avoir un droit éventuel, faut-il faire constater qu’on se trouve, par suite de ces blessures, dans l’impossibilité de travailler.
- Une importante réunion d’anciens soldats de cette catégorie a eu lieu récemment à Paris. On y a entendu des déclarations que les sectaires de la ligue des patriotes devraient méditer. Lorsque l’on n’a pas liquidé honorablement une situation passée, il faut avoir une singulière audace pour demander crédit aux travailleurs en vue d’une revanche qui sera suivie d’une autre banqueroute. Les prédicateurs de la revanche feront comme s’ils ignoraient les faits nombreux analogues à ceux qui ont été racontés dans la réunion dont nous venons de parler. On y a entendu un ancien soldat blessé et fait prisonnier à Forbach, évadé, blessé de nouveau à l’armée de la Loire, paralysé par suite de ses blessures, raconter qu’il n’a réussi qu’en 1882 à obtenir un secours de 205 fr., à peine suffisant pour l’achat de ses médicaments, et qu’il venait d’assigner le ministère de la guerre devant le Conseil d’Etat pour obtenir une pension de retraite. Ensuite, un ancien sergent-major de l’infanterie de marine a dit que, en désespoir de cause, il s’est adressé au Préfet de police et en avait reçu une médaihe de joueur d’orgue avec un brevet de mendiant !
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- Emancipation de la femme.— Dans un précédent numéro du Devoir, le Rappel avait été cité comme ayant pris parti contre le vote du Sénat sur l’article de loi visant
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- l’adultère. Nous devons faire une rectification, car M. Yacquerie a publié depuis un article approuvant catégoriquement la décision du Sénat. Nos réflexions avaient été suggérées par la lecture d’un article de M. Montargis, ancien candidat malheureux aux élections municipales de Paris. D’après le langage de M. Yacquerie, il est évident que l’article de M. Montargis n’engage que son auteur.
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- Les privilèges du sexe fort.— Le Droit des Femmes publie un fait de prostitution clandestine dans lequel les hommes ne seront point inquiétés, quoiqu’ils y aient joué le rôle le plus coupable,puisque sans leur argent l’entrepreneuse de ces débauches n’aurait pu payer les frais de son industrie. Voici le récit du Droit des Femmes :
- L’attention de la police avait été attirée par diverses plaintes sur une maison de la rue de Richelieu, où une femme Lœb, voulant augmenter le nombre de ses clients, adressait à certains personnages, sur lesquels elle croyait pouvoir compter, une circulaire conçue à peu près en ces termes:
- Monsieur,
- Je suis parvenue à me procurer un certain nombre d’objets précieux et rares et je désirerais les soumettre à votre jugement éclairé. En attendant l’honneur de votre visite, recevez Monsieur, mes respectueuses salutations.
- Y® Lœb,
- 106, rue Richelieu,
- Au 1er au-dessus de l’Entresol.
- Les objets rares et précieux étaient tout simplement des petites femmes généralement bien, mais d’une vertu problématique.
- Tout dernièrement, le commissaire du quartier Yivienne a fait irruption dans l’appartement de madame Lœb au moment de la visite des clients,c’est-à-dire vers trois heures de l’après-midi.
- Huit jeunes femmes, de 17 à 24 ans, ont été surprises dans un costume plus que léger, soit dans le salon de réception, soit en conversation avec des messieurs d’un certain âge.
- Madame Lœb et ses pensionnaires ont été envoyées au dépôt ; les clients, après avoir décliné leurs noms et leurs qualités, sont partis.
- Pourquoi, arrêtant les femmes, a-t-on laissé les hommes en liberté ? Est-ce qu’ils n’étaient pas coupables au même titre ? Est-ce qu’ils ne participaient pas aux actes de débauche accomplis sous le toit protecteur de la famille Lœb ?
- Autre question : en quoi l’établissement de la susdite femme Lœb différait-il des maisons autorisées par la police elle-même ?
- Tout cela est bien ignoble.
- C. B.
- Un salon des inventeurs.— M. Jabloschkoff à proposé à une précédente réunion de la société des inventeurs de s’organiser en vue de favoriser la création d’une sorte de salon annuel des inventeurs où ceux-ci pourraient exposer leurs inventions. Une exposition de ce genre , permanente ou particulièrement périodique, permettrait aux inventeurs de se mettre directement en rapport avec les capitalistes; les déplacements et les frais des autres expositions sont des obstacles insurmontables pour un grand nombre d’inventeurs peu favorisés par la fortune. La municipalité parisienne et l’Etat ne peuvent en faire moins pour les inventeurs que pour les peintres et les sculpteurs.
- COCHINCHINE
- M. Jules Ferry, ministre des Affaires étrangères, a informé ses collègues qu’il avait chargé M. Patenôtre, ministre de
- France à Pékin, d’adresser une demande de réparation au gouvernement Chinois, pour viola'ion du traité de Tien-Tsin.
- Cette réparation consiste en une indemnité de guerre de 250 millions.
- ALLEMAGNE
- D’après désinformations méritant d’être prises en considération, le gouvernement allemand aurait eu l’initiative de convoquer une conférence européenne pour le réglement des affaires du Congo. On dit même que les ouvertures du gouvernement allemand ont été favorablement accueillies par les autres gouvernements. Il serait a désirer que ces nouvelles soient fondées ; par ces conférences convoquées à l’occasion des affaires" extra continentales les gouvernements arriveraient insensiblement à comprendre la possibilité de régler de la même manière les difficultés européennes.
- ANGLETERRE
- Le pluck de la race anglaise se montre surtout dans ses femmes. Les lois et mœurs du pays, résultat aussi de la race, en développent de plus en plus la qualité radicale, l’audace. Une femme reine, une femme montant à cheval et menant un four in hand, a pour conséqence une femme au Conseil municipal, au Conseil d’instruction ; mais alors pourquoi pas une femme électeur? C’est la question que s’est posée Miss Müller, élue déjà membre du School board, conseil d’instruction primaire électif à Londres. Voilà comme cette brave Miss a résolu la question. Sans crainte du ridicule qui paralyserait une française, s’inspirant de l’exemple de Hampden et de notre ami Gambon, elle a refusé l’impôt et s’est fait saisir publiquement par le collecteur des taxes. Le jour de la saisie, un comité de femmes voulant, comme elle, le droit de vote, Mmes Fawcett, femme de ministre, Asthon Dilke, belle-sœur de ministre, etc., assistaient dignement leur amie. Une d’elles, Miss Todd, proposa cette résolution : « Le principe de la Constitution anglaise étant que taxe veut vote, que taxation sans représentation est tyrannie, le comité invite les femmes taxées à suivre l’exemple constitutionnel et historique du refus de l’impôt, jusqu’à ce que le vote leur soit acquis comme aux hommes. » Adopté a l’unanimité.
- Après quoi les recors prirent un bureau, une table à ouvrage, qui seront vendus aux enchères pour payer cinq cents francs, principal et frais dûs par Miss Müller, propriétaire et taxée comme il suit : Impôt territorial, 157 francs 75 ; impôt sur maison habitée, 282 fr. 75, deux recors par jour, 6 fr. 50, frais, 3 fr. 75. Total 450 fr. 75.
- Les dames du comité ont immédiatement souscrit 2,500 fr. pour racheter les meubles de Miss Müller.
- (Hôtel de Ville).
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- Réforme électorale — La Chambre des Lords à rejeté par 205 voix contre 146, le projet d’extension du suffrage. Le mécontentement est grand parmi les classes moyennes et la population ouvrière. Que les Lords réfléchissent, tous les gouvernements qui ont résisté aux justes réclamations des peuples ont été culbutés pat la révolution.
- RELGIQUE
- Voici les résultats des élections sénatoriales en Relgique.
- L’arrondissement de Bruxelles, qui, le 10 juin dernier, donnait une majorité de 1,400 voix aux catholiques, n’a pas de résultat! H y a ballotage entre 8 candidats libéraux et 8 catholiques. Les libéraux ont une avance de 100 voix.
- A Gand, Anvers, Soignies, Ath et Verviers les libéraux ont été battus.
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- Avant la dissolution, la majorité libérale était de 5 voix au Sénat.
- Aujourd’hui la majorité est catholique et elle est de lo voix, même dans l’hyp thèse où les liberaux passeraient.
- Il y a ballotage également entre catholiques et libéraux à Tournai et Nivelles.
- Le bourgmestre de Bruxelles a fait afficher une ordonnance interdisant les rassemblements de plus de 15 personnes et la circulation par bandes.
- AUTRICHE-HONGRIE
- Les élections Hongroises — Les journaux français ont fait grand bruit des troubles survenus en Hongrie à l’occasion des reeentes élections. Il ont eu soin de rester muets sur le fond des programmes des partis en luttes. Ils craignaient sans doute d’attirer l’attention publique sur le mouvement général du progrès qui pousse les peuples vers le socialisme.
- Nous publierons dans notre prochain numéro le programme du parti radical hongrois, fortement empreint des tendances socialistes.
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- Les socialistes autrichiens.— Les modérés sont partout les mêmes. Comme en France, les feuilles officieuses autrichiennes confondent volontairement les socialistes et les anarchistes, afin de rejeter sur les premiers la défaveur générale réservée aux théories anarchistes. Cette tactique vient encore de se manifester à l’occasion d’un procès intenté à des socialistes viennois ; tous les journaux modérés autrichiens, français et éttangers, ont publié des appréciations fantaisistes sous le titre « procès anarchiste ».Les 23 accusés ont fait la déclaration suivante par l’organe de l’un d’eux :
- « Nous sommes tout à fait innocents des crimes dont nous accuse le procureur impérial, nous ne sommes nullement des anarchistes ; nous répudions les moyens violents qu’ils emploient, mais nous sommes fiers de pouvoir nous dire socialistes démocrates. Notre but est humanitaire, nous voulons la liberté et l’égalité pour tous ; quand au prétendu attentat contre la vie de l’empereur François-Joseph, vous savez tout aussi bien que nous, Messieurs les juges,que c’est une pure invention Je le répète, nous avons été dénoncés et accusés sans motif, les pièces anarchistes trouvées dans nos demeures sont fausses et ont été confectionnées pour servir contre nous de pièces à conviction »
- SUISSE
- Le conseil fédéral Suisse a décidé que les divers projets de réforme de la constitution seraient pris en considération. En Suisse comme partout, le peuple éprouve un malaise qu’il croit calmer par des modifications politiques. Mais ces souffrances sont d’ordre économique; elles persisteront,si on n'attaque les institutions réglant la possession des moyens de production et la répartition des richesses.
- RUSSIE
- Une dépêche de Saint-Pétersbourg apporte les détails suivants sur les troubles antisémitiques qui ont eu lieu le 19 juin à Nijni-Novogorod :
- Vers huit heures et demie du soir, le bruit se répandit dans le faubourg de Kunawino que les juifs avaient volé un enfant chrétien et l’avaient emmené à la synagogue. La police ne réussit pas tout d’abord à disperser les émeuliers et oemanda du renfoit. Le gouverneur se rendit sur les lieux et donna l’ordre de faire venir des troupes du camp établi hors de la ville.
- Dans l’intervalle, des bandes de perturbateurs assaillirent les passants juifs, les maltraitèrent et finirent par arriver jusqu’aux
- abords de la synagogue. Peu à peu, le rassemblement grossit et s’éleva au chiffre d’environ 2,000 personnes.
- Un groupe se mit à oémolir une maison habitée par une famille juiv^, puis d’autres habitations juives dont les locataires avaient pris la fuite. Les efforts combinés de la police, de deux compagnies d’infanterie et d’une sotnia de cosaques, parvinrent vers deux heures seulement à rétablir l’ordre.
- On dit que plusieurs israélites ont été tués, d’autres blessés; six maisons auraient été endommagées. Une grande quantité de meubles et d’objets appartenant aux israélites ont été détruits et jetés dans la rue.
- Le lendemain matin, tout un bataillon est entré dans la ville, pour prévenir le renouvellement des troubles. L’autorité a fait prendre soin des personnes maltraitées. On a opéré 150 arrestations. Le nombre des familles juives habitant le faubourg de Kunawino est de dix à quinze.
- L’ADULTÈRE ET LA PRESSE
- Le vote du sénat établissant l’égalité de peine pour l’homme et la femme dans le cas d’adultère a été accueilli par les protestions d’une grande partie des écrivains de la presse libérale, même radicale.
- Les arguments employés pour soutenir la thèse contraire, sanctionnée par la législation en vigueur, autorisent bien des hypothèses sur les préoccupations personnelles des défenseurs du passé.
- Sur le fond de la question, on n’a pas trouvé autre chose à dire que l’adultère du mari n’avait pas la même gravité que celui de la femme, parce-qu’il ne pouvait introduire d’enfants dans lemônage.
- Cette distinction n’est pas réelle. Le mari adultère, il est vrai, peut introduire des enfants dans les ménages des autres, tandis que la femme adultère les conserve à son foyer; mais, au point de vue de la sécurité et de la moralité de la famille en général, et le législateur ne peut s’inspirer d’un autre idéal, le résultat est le même ; il est aussi grave dans un cas que dans l’autre ; il n’y a pas lieu d’appliquer une pénalité différente.
- Cette prétention des journalistes n’est pas même compréhensible, car, en droit criminel, lorsqu’il y a complicité, le juge est toujours plus sévère pour l’initiateur. En matière de divorce, si l’on suivait la même méthode, il y aurait presque toujours aggravation pour l’homme.
- Une opinion émise dans la presse présente le caractère spécial, surtout dans les journaux non signés, d’engager un groupe d’hommes, une rédaction, et d’avoir été contrôlée par la partie dirigeante d’un journal.
- Comment des écrivains peuvent-ils arriver à faire ainsi fausse route dans une question auss,i simple. Leur raisonnement, plutôt leur absence de raison-
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- nement, à cette occasion, peut les compromettre auprès de l’opinion publique. On est porté à ne plus croire au discernement de ceux qui se trompent si grossièrement dans des circonstances aussi nettement déterminées.
- Lorsque de nombreux journalistes se laissent aller à défendre des erreurs évidentes, la dignité de la presse entière est atteinte ; et la protestation s’impose aux autres, aux noms des saines doctrines, de la dignité professionnelle, et du respect de soi-même.
- Mais la presse a parlé, comme nous venons de le dire, avec la volonté d’être l’écho d’un courant d’opinion qui rallie de nombreux partisans dans la clientèle des lecteurs de journaux.
- Il est regrettable que le mercantilisme fasse dévier la presse des questions de principes, même dans les détails. Les plus sévères ne vont pas jusqu’à vouloir exclure toute concession à la légèreté du public dans les faits divers, les nouvelles à la main, et quelques autres chapitres du journal quotidien On ne peut désirer que cette tolérance soit augmentée, surtout qu’elle permette la protestation contre les lois les plus conformes à la dignité humaine.
- Ce retour delà presse à la défense des principes, nous ne le demandons à aucune loi restrictive de sa pleine liberté. La moralisation du journalisme naîtra du soin que mettra chaque publiciste, convaincu de la dignité de sa mission, à éviter ces écarts et à les dénoncer lorsque d’autres s’en rendront coupables.
- La presse réactionnaire, pour être fidèle à son passé, pour glorifier ces théories qui classent les hommes en sujets et en aristocrates ayant des pouvoirs d’origine divine, pour être fidèle à un culte religieux enseignant la soumission de la femme, en un mot pour rester réactionnaire, ne pouvait avoir un autre langage que celui que nous critiquons.
- Mais la presse, dite libérale, a parlé comme le journalisme rétrograde.
- Son devoir lui commande^ de prendre acte de ce fait nouve'au : un Sénau conservateur poussé malgré lui par le courant progressiste ire un pas en avant vers l’égalité de la femme devant la loi — comme d’une preuve concluante d^ 1 a nécessité de l’émancipation de tous Ls êtres humains, sans distinction de sexe.
- Le vote du Sénat va à l’encontre de tous les arguments invoqués contre l’émancipation civile et politique de la femme ; c’est pour cela qu’il a été blâmé par ceux qui comprennent, sous le nom
- de République, un état social dans lequel le fort écrase le faible, dans la famille, dans l’industrie, dans la vie civile et politique.
- Il serait banal de répondre à ces retardataires par une comparaison entre les femmes instruites et les électeurs ignorants.
- Ceux qui n’ont pu trouver aucun motif valable pour demander que l’on mette hors la loi générale les hommes trop faibles pour subir le service militaire, et ceux trop ignorants pour comprendre quelque chose du mécanisme social, tolèrent et approuvent l’infériorisation civile et politique de la femme bien constituée, souvent assez instruite pour posséder toutes les connaissances scientifiques de l’époque !
- Ils proclament la femme un être faible, et, au lieu de prendre en considération cette faiblesse pour atténuer en sa faveur la rigueur des lois, ils demandent que ses fautes soient soumises à de pires expiations que les manquements des hommes. Étrange logique !
- Aucune considération d’ordre moral et théorique ne justifie les récriminations de la presse contre l’article de la loi sur le divorce, établissant l’égalité de peine pour les deux sexes dans les cas d’adultère.
- Ces publicistes n’ont pas réfléchi que l’adultère a des conséquences morales autrement sérieuses que les responsabilités matérielles.Ils ont oublié que le serment précède le mariage ; serment d’amour ou serment solennel, peu importe.
- L’adultère est une violation de la parole donnée. Il fallait donc, pour soutenir l’aggravation de la pénalité envers la femme,démontrer que le serment de celle-ci a une autre valeur morale que celui de l’homme. Les journalistes bien pensants n’ont pas examiné ce coté de la question; nous leur rappelons cette omission; nous serions curieux de savoir comment ils soutiendraient cette thèse.
- Il est inutile de rechercher les intentions secrètes de ces polémiques. Il convient de supposer que leurs auteurs n’ont pas obéi aux inspirations égoïstes qui existent chez un très grand nombre d’hommes des classes où l’on poursuit le mariage riche.
- Dans un certain monde, où l’on s’occupe le plus de co'nserver le statu quo dans les lois familiales, on invoque la faiblesse de la femme pour la dépouiller de sa dot au profit du mari ; lorsque l’on est en possession de la dot, on est heureux d’avoir des lois qui permttent de maintenir la femme au foyer, pendant que le mari entretient des con-
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- cubines au dehors. On conçoit que les hommes de cette catégorie ont un grand intérêt à avoir une législation multipliant les cas de divorce en leur faveur ; s'ils pouvaient même obtenir des lois permettant de congédier la femme et de conserver sa fortune, on les verrait fréquemment en demander l’application. Si les classes dirigeantes, suivant la pente où les entraîne leur affaissement moral, venaient à vouloir modifier le code selon les secrètes pensées d’une minorité déjà trop nombreuse et trop riche,nous espérons qu’elles ne trouveraient aucun journaliste pour défendre ces iniquités.
- Aussi avons-nous cru devoir faire observer à certains publicistes républicains, n’ayant pas assez compris les raisons morales de l’émancipation de la femme, que tout ce qu’ils font pour en empêcher l’avénement profite uniquement aux spéculations d’individus égoïstes pour lesquels la famille, la société tout entière sont choses dontilsne respectent que les bénéfices. La presse ne saurait être complice de ces infâmes.
- UN PEU DE MÉDECINE
- Le choléra. — Nous extrayons d’une consultation signée du docteur Vigoureux les remèdes suivants appliqués avec succès, paraît ni, dans différents cas de choléra et qu’approuvent en outre un certain nombre de médecins renommés :
- Enfin, si la maladie suit son cours et met la vie en danger, lorsque tous les médicaments auront échoué et que le malade desséché comme une momie par les évacuations extravagantes du choléra, « ne sera plus (suivant l’expression populaire) bon qu’à faire un mort, » on pourra opérer une véritable résurrection par un moyen bien simple, en imbibant le moribond et en le rinçant comme un cloaque.
- Il y a deux mille ans déjà, Celse, après avoir décrit les symptômes du choléra et avoir insisté sur leur gravité promp-, tement mortelle, s’est exprimé ainsi : « Il n’est point de maladie à laquelle on remédie avec moins d’apprêt. Quand les symptômes commencent à paraître, il faut boire beaucoup d'eau et vomir. »
- Dans le choléra qui fit à Londres de si nombreuses victimes en 1669, l’illustre médecin anglais Sydenham employait un traitement analogue, qu’il formulait de la sorte : « Le malade boira, coup sur coup, plusieurs grands verres d’une décoction tiède d’eau de poulet, et on lui donnera plusieurs lavements de la même décoction. » Sydenham a désigné cette pratique sous le nom caractéristique de lavage.
- Tous les successeurs de Sydenham ont reconnu l’efficacité de cette méthode. Cullen, Colombier, Monro, Lind, Thion de
- la Chaume, etc., affirment que la maladie est promptement mortelle, à moins qu’on ne recoure au lavage moyen sûr de guérison.
- En 1784, un médecin de Besançon, Rougnon de Magny, a publié une notice sur le traitement du choléra par les boissons prises en quantité énorme. Le liquide administré par ce médecin était l’eau de veau, préparée en faisant bouillir une once de rouelle de veau dans deux pintes d’eau (mesure de Paris). « J’exhorte mes confrères, dit-il, à faire attention à ce traitement du choléra morbus, autrement appelé trousse galant, eu égard à sa mortalité, très prompte... Mais je les avertis que quelques malades ont presque bu un sceau d’eau de veau dans les vingt-quatre heures. Le pouls se relève par là ; les vomissements et les déjections diminuent ; la chaleur naturelle se rétablit, et le malade se sent renaître à mesure qu’il se donne la question avec cette boisson prise au degré de chaleur de l’atmosphère. »
- Cependant, avec cette médication, les vomissements ne diminuaient pas tout de suite. Au contraire, avant de se calmer, ils étaient d’une violence extrême. « J’ai vu quelquefois, dit l’auteur, des malades tant boire et vomir de cette eau que leur chambre ressemblait en quelque sorte à un lac, et qui ont guéri très parfaitement en peu de jours, sans prendre aucune drogue... J’atteste que depuis plus de vingt ans j’ai eu le même succès dans le traitement de cette maladie terrible, n’en ayant vu mourir personne. »
- Dans le dix-neuvième siècle, et surtout depuis l’apparition des épidémies du choléra asiatique en Europe, le même traitement a été appliqué avec succès par un grand nombre de médecins, MM. Berres, Muller, Gilcrest, Peyron, Halma-Grand, Tourette, Legroux, Richelet, Jacques, etc. Citons, enfin, un médecin de la marine française, M. Gravier, qui a toujours réussi à guérir ainsi le choléra dans l’Inde en 1877.
- Un ancien médecin militaire, le docteur Netter, actuellement bibliothécaire de la faculté de médecine de Nancy, a publié, il y a quelques années, un très curieux travail intitulé : Traitement du choléra par l’administration coup sur coup d'énormes quantités de boissons aqueuses (20 litres et plus dans les vingt-quatre heures). Il affirme avoir, lui aussi, employé ce traitement avec un succès constant. Il le recommande chaleureusement et donne sur son emploi les instructions suivantes :
- Aucun remède ne doit être ajouté à l’eau.
- Ce traitement plaît beaucoup aux malades, qui sont dévorés par une soif insatiable. Cette soif, qui tourmente les malades même au milieu de leurs vomissements, est, dit M. Netter, « le cri de l’organisme réclamant l’eau qui lui fait défaut. »
- Cet emploi de l’eau peut même rappeler à la vie des cholériques considérés comme morts. Ici encore, le docteur Netter cite des exemples et ajoute, en s’adressant aux familles :
- — Si un cholérique bleu, noir, paraît mort, ne laisser procéder aux funérailles qu’après avoir fait prendre les précautions suivantes :
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- 1° Au moyen d’une sonde oesophagienne, introduire quelques litres d’eau dans l’estomac ;
- 2° Placer le corps dans un bain au degré de la température de l’appartement, la tête naturellement hors de l’eau.
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- Le croup. — Nous avons indiqué dans un récent numéro du Devoir un remède contre le croup. M. Meunier raconte dans une chronique scientifique du Rappel une guérison véritablement remarquable obtenue par ce traitement.
- Un enfant de trois ans couché sur son lit, respirant avec peine et faisant entendre le terrible sifflement caractéristique de la diphthérie avancée, autrement dit du croup : tel est le spectacle qui s’offre immédiatement au médecin appelé en toute hâte. Son diagnostic est déjà formé. En un instant, les amygdales, la luette et le fond de la gorge couverts de fausses membranes l’ont confirmé. En outre, la toux est rauque et la voix complètement cassée.
- On parle beaucoup depuis quelque temps du traitement de la diphthérie par les fumigations d’essence de thérébenthine et de goudron, traitement préconisé par M. le docteur Delthil. Après avoir donné une médication qui n’a pas empêché lasitua-tion de s’aggraver en vingt-quatre heures au point qu’il n’y a plus d’espoir, notre médecin (M. H. Vigouroux) se décide à essayer de la méthode nouvelle ; mais selon lui l’enfant est perdu ; il mourra le soir même ou le lendemain.
- Le lendemain il allait mieux. Suivant l’ordonnance,les fumigations avaient été faites de trois en trois heures. Les parents rapportent qu’il respirait avec plaisir les noires vapeurs, et bientôt s’endormait tranquillement.il n’y a donc qu’a continuer. Le lendemain, le bien s’accentue. Les jours suivants le petit malade va de mieux en mieux ; il est gai, il mange. Bref, il guérit, ayant rendu un paquet de fausses membranes gros comme un petit œuf.
- Et alors les parents qui pendant les fumigations s’étaient vus noirs comme des charbonniers, alors seulement dans leur bonheur peuvent s’apercevoir combien ils étaient comiques en ces moments-là, et ils en rient d’un cœur souf lagé.
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- Insensibilisation localisée. — Une jeune fille souffre depuis longtemps d’un ongle incarné. Elle se résout d’en finir, va trouver le chirurgien, sollicite l’arrachement de l’organe. Arrachement immédiat, car elle demeure fort loin et veut éviter d’avoir à revenir.
- Le chirurgien est M. le docteur Cheize, qui voudrait insen-sibliser non point la malade mais la partie sur laquelle l’opération douleureuse va être pratiquée. Malheureusement, l’appareil spécial (celui de Richardson) n’est pas en ce moment sous la main. Il improvise donc le moyen suivant qui, étant à la portée de chacun et applicable dans ia multitude de cas où on peut avoir à pratiquer sur soi-même ou sur autrui
- de toutes petites opérations dont, nonobstant leur innocuité, la sensibilité et la pusillanimité s’effraient, mérite d’être mentionné ici.
- Il prend de la ouate grand comme une pièce de cinq francs, l’imbibe d’éther, la place sur la gros orteil et projette sur le tout le vent d’un soufflet de cheminée. En deux minutes l’éther s’est entièrement évaporé. Il en verse une nouvelle quantité sur la ouate et souffle de nouveau. C’est assez pour le but proposé; en moins de cinq minutes l’anestésie est complète. Le docteur enlève alors l’ongle et en cautérise la matrice au fer rouge sans que la malade s’aperçoive de rien. Et il faut montrer à celle-ci son ongle extirpé pour quelle croie que l’opération est faite.
- Le droit à la Vie
- Le comité révisionniste du département de la Seine a envoyé aux groupes divers de la Ligue un questionnaire. Ce questionnaire est revenu au comité parisien avec des réponses unanimes sur l’autonomie communale, la sépa -ration de l’Église et de l’État, l’obligation égale pour tous du service militaire, la rétribution des fonctions électives, et le devoir pour la société d’assurer l’existence de tous ses membres.
- Ces revendications ont le don d’exaspérer les journaux de la presse modérée. Le Temps rend sa bile sous la forme suivante :
- Mais le principal article de ce programme, celui qui implique tout un nouvel ordre social et auquel les révisionnistes du comité départemental de la Seine attachent certainement le plus de prix, est le suivant : « le devoir pour la société d’assurer l’existence de tous ses membres. » On comprend ce que ceci veut dire. C’est tout sim plementle collectivisme, autrement dit le communisme, dont on propose d’inscrire le principe dans la Constitution. La société ne peut, en effet, assurer l'existence de tous ses membres qu’à la condition de disposer de tous les instruments de travail, de réglementer toutes les activités et de faire sa part à chaque citoyen des ressources sociales. En un mot, l’article qu’on vient déliré est la reprise, sous une forme différente, de la fameuse formule communiste : de chacun selon ses forces et ses- facultés, à chacun selon ses besoins. On ne discute plus de telles utopies.
- On ne commente plus de pareils raisonnements. On se borne à les mettre en évidence, et le bon sens inspire suffisamment de dégoût aux honnêtes gens.
- Les Ouvriers catholiques et le Familistère!
- La Gazette de France, dans son compte rendu de la quatrième journée de rassemblée générale de l’œuvre des cercles catholirmes d’ouvriers, analyse
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- comme suit le discours de l’un des orateurs :
- « M. André, dans une intéressante relation sur le Familistère de Guise, fondé il y a quarante ans par M. Godin, montre les heureux effets de l’association corporative au point de vue matériel, tout en déplorant que ces belles institutions ne soient pas animées de l’esprit chrétien, mais soient au contraire livrées aux doctrines maçonniques et anti-religieuses. »
- Ce sont les francs-maçons qui vont être surpris et surtout point contents de se voir mettre à leur compte la fondation de Guise, eux qui, récemment, sous prétexte de réagir contre les tendances anarchistes , excommuniaient en bloc tous les socialistes sans distinction d’écoles.
- Où donc M. André a-t-il pu trouver dans la maçonnerie un fait autorisant cette interprétation ! Les francs-maçons, par leur nombre et par la situation aisée de la plupart d’entre eux, auraient pu depuis longtemps fonder des œuvres semblables à celle de Guise ; leur action collective, s’ils avaient eu cette conception et la volonté de la mettre en pratique, aurait eu une puissance effective considérable. Mais les francs-maçons ont limité depuis longtemps leurs revendications à la liberté politique et religieuse, et, maintenant qu’ils ont atteint ce but, ils semblent n’avoir aneune intelligence des servitudes économiques du salariat. Ils ont le pouvoir politique et ils ne savent qu’en faire.
- L’orateur des cercles catholiques doit savoir que les deux tiers des membres du Parlement sont des francs-maçons qui n’ont pas l’air de se soucier beaucoup du Familistère et de sa doctrine; ce n’est pas avec la volonté de le contrefaire qu’ils entreprennent les expéditions de Tunisie et de Cochin-chine.
- Mais l’institution du Familistère échappe complètement à l’accusation d’être opposée à l’esprit chrétien,car elle n’a aucun des vices des fondations catholiques.
- Les prêtres, qui ont faussé la doctrine chrétienne au point d’y substituer la superstition catholique, s’autorisent de l’esprit chrétien pour prendre les biens des autres et pour les mettre à la merci des congrégations ; le fondateur de Guise,au contraire, a mis ses biens à la disposition des travailleurs déshérités, pour leur procurer les équivalents de la richesse ; ce n’est pas en ce point qu’il est en contradiction avec la parole de celui qui a dit « aidez-vous les uns les autres. »
- Il serait bien facile aux catholiques, s’ils étaient sincères, de fonder des familistères en les débarrassant du seul défaut qu’ils reprochent à celui de
- Guise. Ils sont riches, l’État franc-maçon leiu accorde 100 millions par an,ils possèdent de grandes propriétés, ils ont des ouvriers catholiques, pourquoi n’organisent-ils pas des familistères où le catholicisme serait obligatoire ?
- Mais les meneurs de cercles catholiques seraient répudiés par la secte romaine, s’ils allaient plus loin que grouper les ouvriei s dans le but de les maintenir inconscients sous le joug des faiseurs catholiques ; c’est pour cela qu’ils ne font aucune réalisation et qu’ils dénaturent complètement celle, dont l’examen rationnel, pourrait leur enlever les dupes qu’ils endoctrinent au profit de la réaction.
- Il n’est pas admissible qu’un catholiqne ignore que le Familistère est le plus grand exemple de tolérance religieuse : on n’y trouve aucun édifice, ou partie d’édifice, consacré à un culte quelconque ; les catholiques y vivent côte à côte avec les libres-penseurs ; le prêtre y circule librement, au milieu de l’indifférence générale, pour aller visiter les quelques familles que la liberté n’a pas encore détachées du catholicisme.il est vrai qu’elles sont peu nombreuses ; mais nul ne s’autorise de leur petit nombre pour apporter la moindre entrave à leurs préférences religieuses..
- Le Familistère de Guise prouve simplement que la liberté est peu favorable à la conservation et au développement du catholicisme.
- Cette démonstration on le comprend n’est pas faite pour réjouir le cœur des dévots, mais elle ne les autorise pas à travestir les institutions du Familistère comme ils ont dénaturé les préceptes du christianisme.
- Ligue des Contribuables
- Dans sa dernière réunion, sous la présidence de M. Oudinet, la Ligue des Contribuables et des Consommateurs, 10, rue de Lancry, a entendu Une intéressante communication sur l’arbitrage international et le libre échange. MM. Charles Beauquier et Jules Gaillard, députés, assistaient à la séance et ont pris part à la discussion Gomme moyen d'arriver à un désarmement, M. Desmoulins a indiqué la neutralisation de l’Alsace et de la Lorraine. L’auditoire, dans lequel on remarquait plusieurs dames, s’est montré très favorable à cette solution. M. Desmoulins, secrétaire du Comité de Paris de la Fédération internationale de l’Arbitrage et de la Paix, a annoncé le congrès qui se tiendra en août prochain à Berne, dans le but de soumettre à des délégués venus des diverses contrées de l’Europe t de l’Amérique, l’étude de cette grande question de l’arbitrage et du désarmement.
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- Adhésions aux Principes d'Ârbitrage et de Désarmement Européen
- Messieurs:
- Petiet, Henri, Eugène, 34, Avenue d’Italie, Paris.
- Joinville (Haute-Marne). — Guibout, Charles, propriétaire. — Doinel, Victor, directeur de l’école professionnelle. — Legaux, Jules, professeur à l’école professionnelle. — Charles, Arthur, professeur à l’école professionnelle. — Carbillet, Alcide, professeur à l’école profes-
- sionnelle. — Defer, Gabriel, professeur à l’école professionnelle.
- . Thomance-lez-Joinville. (H ante-Mar ne.) — Mortot, Pierre, conseiller municipal. — Barbier, conseiller municipal. — Habert, Emile, mouleur. — Marie, Théoplile, propriétaire, conseiller municipal. — Barbier, Foissy, Isidore, vigneron. — Jaequemin, Jules, Michel, vigneron. — Barbier, Philippe, Auguste, vigneron. — Mary, Félix, conseiller municipal. — Linard, conseiller municipal. — Pincemaille, Joseph, conseiller municipal.
- Curel, Haute-Marne. — Guillemïn, Jules, propriétaire.
- Magneux, Haute-Marne. — Cosson-Jeanson, propriétaire.
- Neu(château, Vosges, — Vouillemont, Alexandre,Louis, inspecteur d’assurances. — Chrétien, Jules, brasseur. — Genin, brasseur.
- Oran, ^(Algérie). — Meyrueis, Etienne. — Sergout, Edouard, à l’Hillïl. — Gouguenheim, A. négociant, 16, rue Philippe. — Armassan, instituteur. — Aubert, instituteur. — Mejean, rentier.
- Gênes, (Italie). — Parini Alfredo,voyageur de commerce. — Porta Pila. — Giudice , David, orepice, 32, via Beverato, interno 9.
- Mesdames.
- Petiet, Céline, 34, avenue d’Italie, Paris.
- Doinel, Augustine, à Joinville, Haute-Marne.
- NOTA.— L’administration du Devoir envoie gratuitement des bulletins d'adhésion.
- Le SECRET DE BERNARD
- Par Charles DES LYS.
- (Suite.)
- — Songez à l’avenir ! poursuivis-je. La grand-mère, sans être fortunée, jouit d’une certaine aisance et...
- — Et, moi, je suis pauvre ? acheva humblement Juliette.
- Mais, relevant aussitôt vers moi un beau regard clair et résolu :
- — J’ai mon travail, dit-elle, et delà santé, du courage... — D’accord? Cependant, il faut tout prévoir... Vous reste-t-il des parents, une famille ?
- — Personne au monde, hélas ! Je n’avais que lui... Vous voyez bien ! Laissez-moi faire. Voulez vous que
- j’écrive en Bretagne?...
- — Oh ! pas encore !.... Bernard m’avait souvent parlé de la bonté, mais aussi de la sévérité de sa mère... Une femme sans reproche, elle ! N’aurais-je pas l’apparence, à ses yeux, de spéculer sur ma faute... On a sa fierté ?...
- C’était un juste et modeste orgueil que cette fierté-là, aussi respectable, aussi sincère que le désintéressement qui l’inspirait.
- — Je comprends, repris-je après un silence, il faudrait que ce fût elle qui vous appelât... et, par conséquent, la convaincre que vous étiez digne de devenir sa fille.
- — Ah ! s’écria Juliette, c’était le rêve de Bernard !
- — Nous le réaliserons avec le temps, répondis-je. Je n’écrirai pas, j’attendrai la visite de M0** Kerven, et seulement alors je lui parlerai... Voulez-vous?
- — Oui.
- — Par malheur, la Saint-Bernard n’est qu’en août, dans six mois...
- — D’ici là, conclut-elle bravement, que le bon Dieu nous soit en aide !
- Ses yeux s’étaient levés vers le ciel ; les miens parcoururent l’intérieur de la mansarde. Son exquise propreté ne donnait prise à aucun soupçon de misère. Cependant l’instinct m’avertit qu’un secours arriverait à propos. Juliette avait traversé le siège et la Commune, ne comptant que sur elle-même, elle venait de me l’avouer, et c’est une si faible ressource, hélas ! que le travail d’une ouvrière ! J’eus l’inspiration d’un mensonge, et présentant mon porte-monnaie :
- — Il me reste, dis-je, à vous remettre ceci. Nous l’avons trouvé dans la poche du soldat. Tiens !... prends, Marcel.
- — Encore un joujou ! s’écria-t-il.
- — Oui, mon enfant... et qui te reviens de droit... C’est, jusqu’à nouvel ordre du moins, ton seul héritage !
- Puis, évitant le regard incertain de la mère, je me levai sur cet adieu.
- — A bientôt, n’est-ce pas ? et meilleur espoir !... S’il vous fallait un ami... un médecin... appelez-moi... je reviendrai...
- — Oh ! me dit-elle, vous êtes généreux... vous êtes bon... j’ai confiance !
- Et je partis, après une chaleureuse accolade de Marcel, qui se familiarisait décidément avec le monsieur de Normandie. 11 me plaisait de plus en plus ce chérubin-
- là !...
- Vers la Noël, je lui envoyai ses étrennes. « Les vôtres, avais-je écrit à la mère, seront poivr la Saint-Bernard. »
- Je reçus une lettre de remerciement simple et touchante : « On parlait souvent de moi, on comptait sur moi ! »
- Je n’oubliais pas non plus. Durant tout l'hiver, le gracieux souvenir de la jeune mère et du bambin me tint
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- fidèle compagnie dans ma solitude au village.
- Mes pommiers commençaient à fleurir lorsque m’arriva ce télégramme :
- « Marcel se meurt. Venez. »
- J’accourus. C’était le croup. Un médecin négligent, peut-être trop tard averti, l’avait laissé s’aggraver. Un seul espoir restait : la trachéotomie.
- Il nous fallait le plus habile chirurgien. J’eus recours à toi. Ah! tu te rappelles. Maintenant... tu connais Juliette et Marcel...
- L’opération avait réussi, mais les suites étaient à craindre. J’étais là, veillant avec la pauvre mère. Un jour enfin, je pus lui dire :
- — Il vivra !
- Je la vois encore tomber à mes pieds, me baisant les mains :
- — Ah ! c’est vous qui l’avez sauvé !
- — Pas encore ! Il lui faut, pour sa convalescence, le grand air et le grand soleil, la campagne, la verdure, les bains de mer, et je vous emmène avec moi tous les deux.
- — Y songez-vous ? Que dira-t-on ?
- Rien du tout ! Je suis le seul de ma commune qui ne loue pas aux baigneurs. N’est-il pas convenable que la mère d’un enfant malade loge chez le médecin? D’ailleurs, ce sera lui rendre un service. Il n’a dans sa grande maison, aux trois quarts vide, qu’une vieille servante ne suffisant plus guère qu’aux soins de la cuisine. L’ameublement, la lingerie, ma garde-robe elle-même, tout est dans un état déplorable. Il y a de l’ouvrage, allez ! N’alliez-vous pas travailler chez les autres, vous et votre aiguille ? Et bien ! je vous prends à la journée pour trois ou quatre mois. Ça te va-t-il, Marcel ?
- — Oh ! oui, oui;.. Partons vite !...
- Et, bon gré mal gré, nous partîmes...
- Madame Bernard, — c’est ainsi que je présentai ma cliente et localaire, — mérita dès les premiers jours la sympathie, le respect des indigènes et de la colonie. La campagne lui fit grand bien. Sa fraîcheur et sa jeunesse, altérées par les dernières épreuves, refleurirent d’un nouveau printemps. Elle portait toujours le deuil; mais, en dépit de la simplicité de son ajustement, sous son modeste chapeau de paille noire, elle l’emportait sur les plus charmantes.
- Quant à mon logis, si négligé, si triste depuis la mort de ma pauvre mère, il se ranimait, il rajeunissait aussi comme par enchantement. Une métamorphose ! Et Juliette était la fée !...
- Sans relâche au travail. Vainement je lui répétais : — Mais ne vous fatiguez donc pas ainsi ! prenez quelque ch^se...
- — Plus tard ! répliqua-t-elle, quand tout sera remis en ordre. Ah ! vous me l’aviez bien dit qu’il y aurait de la besogne...
- — C’est bien simple, la maison d’un vieux garçon.
- — Vieux ! se récria Marcel.
- — Eh ! eh ! près de quarante ans !
- C’était surtout celui-là qui bénéficiait de la villégiature. Je le promenais en voiture, à cheval, en bateau. Tous les jours nous prenions ensemble notre bain de mer. Il redevenait alors fort et rosé, comme nos petits marins, comme nos petits paysans. Rien de drôle, rien d’affectueux comme ce gamin-là. Et de l’esprit ! J’en raffolais !
- Avec sa mère aussi, la glace se trouvait tout à fait rompue. Ses angoisses qui nous avaient été communes, une estime réciproque, sa reconnaissance, ma cordiale protection, une certaine analogie dans nos idées, tout concourait, pour moi comme pour elle, à l’illusion d’une amitié de vingt ans.
- (La suite au prochain numéro.)
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- Offre d'emplois
- Emplois dans la direction et l’administration de deux grandes usines, chauffage en tous genres, meubles en fonte, quincaillerie, émaillerie, galvanoplastie. Position de premier ordre. Prouver intelligence, activité, bon caractère et passé irréprochable. Age, environ 30 ans.
- S’adresser à M. GODIN, fondateur du Familistère de Guise (Aisne).
- L’Astronomie, Revue mensuelle d’Astronomie populaire, de Météorologie et de Physique du globe, par M. Camille Flammarion. — Sommaire du N° de Juillet 1884 : La couronne solaire photographiée directement et sans éclipse, par M. William Huggins. — Origine des constellations, i. La Couronne boréale, par M. G. Flammarion. — Bulletin détaillé des manifestations de l’activité solaire, depuis le 1er janvier 1881, par M. Riccô. — Retour de la comète Pons ( 1812). Résumé des observations, par M. Gérigny. — Encore l’éruptionr de Krakatoa. — Nouvelles de la Science. Variétés : Élévation de cent kilomètres de hauteur sur la planète Vénus. La surface de la Lune. Atmosphère lunaire. Le IVe satellite de Jupiter. Curieuse expérience d’optique. Phases de Vénus visibles dans une jumelle et à l’œil nu. Taches solaires visibles à l’œil nu. — Observations astronomiques, par M. E. Vimont. — Ce numéro contient 11 figures. — (Librairie G authier-Villars, quai des Augustins, 55, Paris.)
- Le Directeur-Gérant : GODIN.
- Guise. — lmp. B AB FJ.
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- g1 Année, Tome 8, — N- 306 Le numéro hebdomadaire 30 c. Dimanche 20 Juillet^ 1884
- LE DEVOIR
- REVUE DES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU
- a GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. 60DIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- ON S’ABONNE
- A PARIS
- 5, rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- France
- Union postale
- Un an ... 10 fr. »» Six mois. . . 6 »» Trois mois. . 3 »»
- Un an. . . . 11 fr.»» Autres pays
- Un an. ... 13 fr. 60
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des scienees psychologiques.
- SOMMAIRE
- La Révision et la Réforme électorale. — Les Assurances populaires. — Mutualité nationale. — Les Drapeaux allemands. — Le bons sens et la politique. — Les Transports et l'alimentation. — Urgence de la propagande de la paix. — Aphorismes et préceptes sociaux. — Faits politiques et sociaux de la semaine.
- — Le Choléra. — Radicaux hongrois. — Adhésions aux principes d’harbitrage de désarmement européen.
- — Le Secret de Bernard.
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatr ième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- Paraîtra le 27 Juillet
- Un Numéro exceptionnel du Devoir traitant spécialement de l’Arbitrage international et du Désarmement européen.
- H contiendra les chapitres suivants : La Paix armée. — La Prochaine Guerre. — Préjugés et vérités du militarisme. — Politique conservatrice etc Politique pacifique. — Neutralisation de l’Alsace-Lorraine. — Arbitrage international. — Etat de la question. — La Propagande de la Paix. — La Véritable Patrie.
- PRIX FRANCO :
- Un exemplaire ... » 25 cent.
- IO » ... 2 fr.
- ÏOO » ... 15 fr.
- LA
- RÉVISION et la RÉFORME ÉLECTORALE
- a La foudre a déchiré le nuage. La lumière se fait. 491 voix contre 90 adoptent la motion de Sieyès, sans restriction et comme acte de souveraineté.
- » L’Ancienne France est finie.
- » La Révolution est consommée en droit. Il n’y a plus qu’à tirer les conséquences. La société des Trois Ordres est abolie en droit par les représentants de l’immense majorité de la Nation. Il n’y a plus, au lieu d’Ordres privilégiés, que des citoyens plus ou moins distingués. La royauté est subalter-nisée ; elle n’est plus qu’un rouage politique qui peut-être ou ne pas être. Le principe de la souveraineté de la Nation une et indivisible a remplacé la monarchie absolue de Louis XIV et la vieille monarchie des Etats-Généraux et des parlements, et la souveraineté du roi et la hiérarchie des privilèges.
- » Le monde nouveau est commencé. »
- Ces lignes que nous venons de reproduire, en en respectant la disposition typographique, sont celles qui terminent l’Histoire de France par Henri Martin.
- Maintenant, après le vote de la Chambre acceptant la révision limitée par le gouvernement, en face des prétentions du Sénat d’obtenir lui aussi une capitulation en bonne règle des représentants du suffrage universel, ne peut-on s’écrier que la Nouvelle France est près de finir ; que la Nation va être subalternisée ; que le suffrage universel ne
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- sera plus qu’un rouage politique qui peut-être ou ne pas être ; que le principe empirique de la souveraineté d'une oligarchie va remplacer la souveraineté de la nation une et indivisible ; que l’ancien monde va recommencer au profit des parlementaires?
- C’est ce que l’on écrirait plus tard, si la Nation pouvait succomber sous les attaques des adversaires du suffrage universel. Malgré les ruses et les moyens tortueux des politiciens on ne pourra avancer longtemps dans cette voie, sans que la nation aperçoive l’attentat dirigé contre sa souveraineté.
- On dirait cependant que la conspiration est générale, car l’on n’entend aucune voix écoutée s’élever avec retentissement et rappeler à tous l’existence supérieure des principes et les dangers inséparables de leur violation.
- Malgré le silence fait sur la publication de M. Godin « La Réforme du suffrage universel, » le Devoir continuera à se préoccuper des conditions véritables de l’organisation de la souveraineté nationale, parce que, tôt ou tard, certainement avant une longue échéance, on comprendra l’importance capitale d’établir cette souveraineté sur des bases telles, qu’elle ne puisse devenir, entre les mains d’une classe, un instrument d’oppression dirigé contre une partie des citoyens.
- Dans la situation présente, l’impuissance législative à faire des lois d’utilité générale ne peut être augmentée; le pire qui puisse advenir, et ce pire est déjà commencé, est qu’à côté de cette impuissance, née de l’abandon du principe de la souveraineté nationale, les partis en lutte pour la pos. session du pouvoir,usurpé à la Nation, soient assez forts pour voter des lois destinées à favoriser les intérêts particuliers : l’expédition du Tonkin, la loi concédée aux fabricants de sucre resteront comme un triste exemple de cette déviation des pouvoirs publics.
- Dans cette voie les gouvernants auront bientôt épuisé les concessions qu’ils peuvent consentir sans exaspérer la Nation ; mais, pour conserver l’appui et le concours des privilégiés, les partis désireux de se perpétuer au pouvoir seront contraints, entraînés par une fatale logique, à dépasser ces limites ; et les changements de gouvernements se succéderont, amenant chacun des nouvelles perturbations, jusqu’à ce que l’on revienne au respect de la souveraineté populaire.
- Quoiqu’ils fassent, les gouvernements ne pourront agir longtemps sans adopter une ligne de conduite logique avec le principe démocratique si nettement
- affirmé par les conclusions d’Henri Martin. Alors on comprendra la nécessité de faire ce que nous ne cessons de réclamer : donner au peuple sou-verain la possibilité d’exprimer ses volontés et d’en assurer l’exécution.
- Tout le gâchis politique, dont nous subissons les répercussions, provient de ce que le souverain véritable, la Nation, est privé de ces deux facultés, conditions essentielles du bon fonctionnement de tout pouvoir.
- Actuellement la représentation des volontés du peuple est absolument faussée par nos pratiques électorales, même lorsqu’on laisse fonctionner en pleine liberté les modes de votation en usage. Les élections municipales de la ville de Paris peuvent fournir un exemple saisissant: à Paris, 35,000 socialistes sont représentés par deux délégués au conseil muûicipal, tandis que 28,000 royalistes ont pu nommer 8 représentants. A la Chambre, les trois cent mille socialistes français n’ont pas un seul représentant autorisé, tandis que, par le scrutin d’arrondissement, un même nombre de royalistes compte plus de cinquante députés. Cela provient de ce que les royalistes sont concentrés dans quelques arrondissements, tandis que les socialistes sont disséminés par toute la France.
- Cette différence dans la distribution géographique ne doit pas être suivie, pour les partis dispersés,d’une aliénation du droit d’être représentés dans les assemblées législatives.
- Dans une République, la souveraineté nationale doit être entière, mais elle ne peut exister que d’autant que tous les partis collaborent à la confection des lois, proportionnellement à leur importance numérique.
- Le scrutin de liste départementale, pas plus que le scrutin d’arrondissement, ne peut permettre la représentation des minorités. Ainsi les vingt arrondissements de Paris, avec ces deux modes de scrutin, peuvent accorder par exemple 260,000 voix aux candidats d’un parti, et 240,000 aux candidats d’une autre opinion. Dans cette hypothèse, pendant toute la durée d’une législature, pendant cinq ans, avec la loi actuelle, le département de la Seine aura 240,000 électeurs, subissant toutes les lois faites par la majorité et n’ayant voix délibérative dans aucun pouvoir législatif. La même proportion peut s’établir par toute la France. Il adviendrait alors que 3,500,000 électeurs seraient gouvernés par moins de 4,000,000 de citoyens, les premiers ne prenant aucune part à la confection des lois.
- Peut-on véritablement appeler ^souveraineté
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- nationale, un mode gouvernemental qui chasse du pouvoir près de la moitié des unités de cette souveraineté, unités égales en droit, en capacité, en fait, aux autres unités voulant conserver pour elles toutes les garanties des pouvoirs publics ?
- Le Collège national, tel que le propose le paragraphe 4 du programme du journal le Devoir, peut assurer la représentation proportionnelle des partis, c’est-à-dire le plein exercice de la souveraineté nationale.
- En effet, supposons que la France forme un seul collège électoral et que la loi reconnaisse comme représentant tout candidat ayant réuni cent mille suffrages. Il arrivera que toutes les idées partagées par cent mille électeurs seront représentées dans le Parlement ; les minorités exclues, au lieu de compter, comme cela peut arriver aujourd’hui, près de la moitié des citoyens, ne dépasseront pas un cinquantième des électeurs.
- Cette réforme générale, cela n’est pas douteux, permettrait d’une manière satisfaisante la représentation des minorités.
- Il ne suffit pas que les minorités soient plus ou moins représentées, elles doivent encore pouvoir se prononcer sur toutes les questions d’utillité générale ; on obtiendra ce résultat en complétant l’institution du Collège national par le droit donné aux électeurs de voter pour autant de noms qu’il y a de ministères, chaque ministère étant considéré justement comme une réunion d’intérêts généraux; la totalité des ministères réunissant l’ensemble des intérêts nationaux.
- Cette réforme sauvegarde les droits du citoyen ; elle donne à chacun la possibilité de se prononcer sur tous les intérêts publics. Une Chambre issue de ce mode électoral, inversement aux Chambres actuelles, serait impuissante à légiférer selon les intérêts partiels des coteries ; elle ne pourrait faire autrement que d’agir selon les besoins généraux du pays ; et l’art 5 de notre programme, demandant ie renouvellement aunuel de la moitié de tous les c°rps élus, contient une clause propre à maintenir instamment les délégations dans les termes du Mandat.
- Certains considèrent la réforme électorale com-316 ayant une importance secondaire.
- Cette opinion est une grave erreur. Comment Pourra-on espérer des réformes fécondes, tant que ^ pouvoir dont elles dériveront sera mal équilibré, Complet, faussé dans son fonctionnement, ftien n’est plus urgent que la réforme électorale. La Révision , limitée à l’introduction,dans la
- constitution du Collège national et du scrutin de liste, ferait disparaître les difficultés et les embarras qui paralysent l’action législative de nos Chambres
- Comment se fait-il que tous les journaux fassent le silence sur un projet si conforme à l’esprit de la Révolution française chassant la monarchie de Louis XIV pour la remplacer par la souveraineté nationale ?
- Nons ne demandons pas à la presse une approbation complaisante ; nous l’invitons à une discussion loyale, nous sommes disposés à tenir compte des justes critiques et à répondre à toutes les demandes d’éclaircissements.
- Nous savons à n’en pas douter que le Devoir est lu régulièrement dans plusieurs rédactions des grands journaux parisiens ; nous en avions encore une preuve concluante, il y a quelques jours : deux journaux importants publiaient des articles sur la question des sucres, copiés en grande partie sur celui que contenait le Devoir du 6 Juillet. Nous ne nous plaignons pas de ces emprunts que l’on nous fait sans nous citer; notre propagande poursuit un but plus élevé que celui de faire émerger nos personnalités.
- Mais en soulevant la question de la réforme électorale, à propos de la révision, nous ne pouvions faire œuvre plus opportune ; nous devions être suivi par les hommes qui ont la prétention d’avoir souci des intérêts nationaux.
- Les faiblesses de la Chambre, les compromissions que veut imposer le Sénat, sont des condamnations formelles des modes électoraux qui permettent de pareils trafics.
- Le Collège national commence la souveraineté nationale.
- LES ASSURANCES POPULAIRES
- Le concours sur les assurances populaires ouvert par la Société et le Congrès des institutions de prévoyance promet de nombreux travaux, d’après les demandes d’information adressées à ce sujet de presque tous les pays d’Europe et d’Amérique.
- Le prix de deux mille cinq cents francs, offert par M. Marco-Besso, de Trieste-Venise, est destiné au meilleur mémoire sur cette question :
- » Moyens de propager l’assurance sur la vie (retraites » pour la vieillesse, assurance après décès, etc.), parmi les » plus modestes travailleurs; de rendre l’assurance la plus » avantageuse possible pour l’assuré, en réduisant les frais au
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- » minimum; de faciliter et favoriser la régularité de l’épar-» gne en vue de l’assurance.»
- Le jury du concours est composé de M. Léon Say, de l’Institut, président; M.* Rolland, de l’Académie des sciences; M. le président Roy, président à la cour des comptes, président de la Société et du congrès; M. Cheysson, ancien président de la société, de statistique; M. Charles Robert, ancien conseiller d’Etat, directeur de la compagnie d’assurances l’« Union,» et M. de Malarce, secrétaire perpétuel de la Société des institutions de prévoyance de France et secrétaire général du Congrès scientifique universel (quinquennal) des institutions de prévoyance.
- Les mémoires pour ce concours doivent être adressés à M. de Malarce, au secrétariat général (68, rue de Babylone, Paris), avant le 31 décembre 1884.
- MUTUALITÉ________N AT10N ALE
- Nous recevons un projet de loi important déposé à la Chambre par MM. Giard, Henry Maret, Laguerre et Tony Révillon; il propose l’institution de la Mutualité nationale alimentée par l’hérédité de l’Etat.
- Nous félicitons sincèrement les auteurs de ce projet que nous publierons dans notre prochain numéro.
- Nous sommes sans illusion sur le résultat de l’initiative de ces députés ; mais elle nous procurera l’occasion de compter à la Chambre les hommes qui ont conservé quelque intelligence des principes de la Révolution.
- Nous pensons que M. Giard prendra toutes ses précautions pour obtenir un vote public; il faut que le peuple travailleur sache exactement quels sont les hommes qui veulent perpétuer la misère des Classes laborieuses.
- Nous avons parlé, il y a quelques mois, d’un projet de loi visant l’institution d’une caisse en faveur des enfants abandonnés, projet présenté par M. Conturier et quatre-vingt de ses collègres. Rationnellement les auteurs de ce projet ne peuvent faire moins que se rallier à la proposition plus générale de Mutualité nationale.
- Les Drapeaux allemands
- Les prédications des énergumènes de la Ligue des prétendus patriotes ont porté leur fruit.
- Les journaux quotidiens ont raconté les exploits des meneurs qui ont entraîné une bande d’étourdis à la démonstration de l’Hôtel-Continental.
- Les membres du gouvernement ont aussitôt fait des démarches auprès de l’ambassadeur allemand, et notre représentant à Berlin a été au-devant des explications que la chancellerie allemande était en droit de réclamer.
- Les organisateurs des manifestations de ce genre sont les mêmes qui vont par la province prêchant un patriotisme vengeur, dont ils n’ont aucun sentiment et dont ils ne comprennent aucune des obligations.
- Ceux qui veulent sincèrement une revanche, les chauvins de la gloire militaire, savent combien est imparfaite notre organisation ; ils comprennent qu’une entrée en campagne doit-être précédée de certaines circonstances qu’un gouvernement peut seul apprécier ; ils se gardent de toute provocation qui pourrait amener une rupture prématurée.
- Les hommes, qui n’ont pas assez d’intelligence pour comprendre ces nécessités, ou assez de force de caractère pour sacrifier leurs sentiments personnels à la prudence commandée par les besoins de leur cause, trahissent leur parti et sont les pires ennemis du pays.
- Le résultat le plus clair, jusqu’à présent, de cette équipée est que le gouvernement français a dû s’humilier devant les représentants de l’Allemagne.
- Des agents payés par M. de Bismarck n’auraient pas manœuvré différemment.
- Le bon Sens et la Politique
- Par quelle aberration étrange des hommes de bon sens peuvent-ils, sans se révolter, assister à ce spectacle stupide et cruel — d’expéditions sur expéditions — imposées à la nation par une simple individualité, pour ouvrir, dit-on, des débouchés à l’industrie française, sans s’apercevoir que les autres nations passeront par la trouée.
- Est-ce bien d’ailleurs, le bon moyen de disposer les populations — àcoups de canon — à nous acheter nos produits, après les avoir éprouvées par l’in* cendie,le massacre et la dévastation, inévitables en guerre?
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- Le résultat — le plus certain — pour le pays, ce géra une centaine de millions engloutis, des millions de vies humaines sacrifiées, un conflit interminable à 3.000 lieues de la France.
- Incontestablement c’est là l’œuvre d’une politique surannée qui s’embourbe dans les ornières du passé...
- Tandis que, du sein des principales nations de l’Europe,nous voyons des groupes d’individus s’entendre, et donner au monde ce grand et réjouissant spectacle — de conquêtes pacifiques.
- Formés en une association internationale, de simples particuliers vont conquérant à la civilisation, sans autre moyen que la parole—ni violence, ni contrainte, ni sang versé — des territoires immenses... Fondant au centre de l’Afrique des stations commerciales qui offriront aux pays des. différents nationaux engagés dans l’entreprise — à la France, la Belgique, l’Allemagne, i’Italie, ces débouchés que nous demandons à la guerre et à la violence.
- Gomment ce contraste ne frappe-t-il pas les esprits? Comment n’excite-t-il pas la réprobation des hommes de bien ? Et comment enfin la conscience publique ne se soulève- t-elle pas, devant ce gaspillage de richesses et de forces?
- Et ce grand exemple — de conquête pacifique—, que donne au monde, l’association internationale, n’est pas unique, l’œuvre de M. de Brazza est connue. Un simple particulier, un homme d’énergie et de cœur, un français, M. de Brazza, on le sait, escorté à peine de quelques hommes, sans armes, et avec des ressources dérisoires — conquiert des territoires à la France — pénètre au milieu de populations inconnues — les concilie — conclut des traités avec les chefs — fonde des villes — plante le drapeau de la France dans des régions où jamais ses enfants n’avaient mis le pied !
- Gomment M. de Brazza s’y prend-il pour accomplir ces miracles,quelle-force emploie-t-il? devraient se demander ces hommes qui n’ont foi qu’aux canons et aux bayonnettes. — M. de Brazza a recours simplement à une force supérieure — plus puissante et plus efficace — qui ne sème ni la ruine ni la mort: la force morale. — La seule digne d’être employée par des êtres doués de raison — par des hommes de race qui se proclament supérieurs.
- Quels risques courrait-on,d’ailleurs, à généraliser les expéditions pacifiques, qui — loin de coûter ~ rapportent, au contraire ?
- Les héros de ces paisibles conquêtes, ne feraient
- pas défaut; ils viendraient à l’envi, s’offrir au service de cette grande œuvre — de progrès humanitaire et de paix — et, le temps aidant, on verrait bientôt les armées destructives — trrmsformées en armées productives !
- GRIESS-TRAUT,
- Vice-Présidente du comité de la Fédération internationale pour l’arbitrage et la paix-
- -- 1 i fr Q ----- ' ~
- Les Transports et l’Alimentation
- Nous empruntons à l’Hôtel de Ville l’article suivant publié sous la signature de son directeur politique, J. Manier. Les renseignements qu’il contient expliquent une partie de la cherté excessive de nos produits, dont le prix s’élèvera encore si l’on adopte les projets protectionnistes de M. Méline.
- Le Conseil municipal va voter un budget de 300 millions en recettes et en dépenses. S’il savait ce qu’il peut faire, avec ce levier dans les mains, il aurait de quoi en concevoir de l’amour-propre.
- Que de bien il peut opérer, quelles réformes il peut exécuter ! S’il recherche surtout les questions démocratiques par excellence.
- S’il laisse de côté les questions irritantes qui n’aboutissent à aucune réforme, à aucun progrès !
- Les questions les plus importantes à étudier sont celles qui concernent le travail. Il faut destravaux, des travaux et encore des travaux, pour les travailleurs et pour le petit commerce !
- Un de ses principaux objectifs doit être également la vie à bon marché. Qu’il médite les chiffres suivants :
- FRAIS SUPPORTÉS,
- A PARIS OU A LONDRES, POUR L’APPROVISIONNEMENT DE LA VIANDE FRAICHE
- (7.000 kilos de viande, partant du Midi delà France et de l’étranger, à destination de Paris ou Londres.)
- Bu midi de la France à Paris :
- Transport, chiffres ronds..............F. 1.700 »
- Octroi..................................... 812»
- Perception municipale.......................... 450 »
- 1.662 »
- De Berlin à Paris :
- Transport...................................... 730 »
- Douane........................................ 210 »
- Octroi ........................................ 812 »
- Perception municipale.......................... 150 »
- Il902 »
- De Berlin à Londres ;
- Transport..................................... 680 »
- Douane........................................... * »
- Octroi........................................... » »
- Perception municipale............................ » »
- " 680 »
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- LE DEVOIR
- De Vienne (Autriche) à Londres :
- Transport........................................ 750 »
- Douane........................................... » »
- Octroi............................................. » »
- Perception municipale.............................. » »
- 750 »
- Malgré le droit protecteur de 210 fr., l’expéditeur allemand a encore l’avantage sur l’expéditeur français. Berlin est plus rapproché de Paris que certaines villes de France, par le fait de nos tarifs.
- 1,000 pigeons expédiés de Milan reviennent :
- A Londres, à . . . . . F. 750
- A Paris, à. . . . 1.010
- Et 100 dindes reviennent :
- A Londres, à . . . . . F. 535
- A Paris, à. . . . 825
- Voyons maintenant les prix de transport du poisson frais expédié à Paris par des Anglais et par des Français.
- De Calais à Paris, le pêcheur anglais paie 77 fr. 25 et le français 101 fr. 20 la tonne. t
- De Boulogne à Paris, le pêcheur anglais paie 76 fr. 25 e le pêcheur français 93 francs 50.
- Mêmes différences pour les salaisons.
- De Calais à Paris, le pêcheur anglais paie 16 f. 25 la tonne, et le français 26 fr. 20.
- De Boulogne à Paris, l’anglais paie 14 fr. 50 et le français 25 fr. 10.
- Croira-t-on, par exemple, que le tarif de Milan pour Dieppe-Londres est moitié prix du tarif de Milan pour Paris, et que pour jouir de cette faveur il faille s’adresser à une maison de Turin, simuler une expédition sur Dieppe, arrêter le wagon à Paris sous un prétexte quelconque, et en prendre livraison comme s’il allait à Dieppe ?
- Les denrées d’alimentation coûtent moins à Londres qu’^ Paris ; les ouvriers anglais sont mieux nourris que les nôtres ils travaillent davantage, et gagnent plus tout en dépensan moins. Aussi, sont-ils nos maîtres dans la concurrence qu’ils nous font.
- Que nos édiles ne négligent pas non plus l’étude de quelques articles de détail, tels que le pétrole.
- Pourquoi le pétrole, ce gaz du pauvre, coûte-t-il si cher ? Ce sont les droits de douane et d’octroi qui en sont cause. Ces droits sont perçus partie au profit du Trésor, partie au profit de la Ville. Abandonnons notre part, et le consommateur Jouira de la totalité des droits actuellement perçus.
- Voilà qui est pour le moins aussi intéressant que toutes les chinoiseries de l’affaire du Gaz, qui passionne aujourd’hui le public, et qui sera regardée un jour comme la plus grande mystification dont on ait jamais pu être dupe.
- URGENCE DE LA PROPAGANDE DE LAPAIX
- L’opinion publique est suffisamment préparée pour recevoir fructueusement la propagande de la paix. Les résultats obtenus par le Devoir en sont une preuve certaine. Malgré les mois chauds, si peu favorables à la vie publique, les adhésions suivent une progression ascendante soutenue.
- Dans le numéro du 18 Mai, nous avons publié le détail des adhésions recueillies du premier janvier jusqu’à la date précédente.
- Leur nombre s’élevait alors à 277 ; elles étaient réparties dans 69 communes de 35 départements. Dans 10 localités seulement le nombre des adhérents était supérieur à 5.
- Depuis le 18 Mai, en deux mois, il nous est parvenu 572 nouvelles signatures, deux fois plus que dans les cinq premiers mois.
- Voici la répartition géographique des adhésions publiées par le Devoir :
- Aisne.— Guise 50 — Hannappes 2 — St-Quentin 2 --Noyai 1 — Petit-Verly 1 — Vallée-aux-Bleds 1 — Vaden-court 1.
- Algérie.-— Guelma 9 — Djijeli 3 — Oran 14 — Setif 1
- — Bonniffay 1.
- Alpes-Maritimes.— Nice 1.
- Aube.— Clairvaux 2.
- Bouches-du-Rhone.— Septèmes 1 — Greasque 1.
- Basses-Pyrénées.— Pau 1.
- Charente-inférieure.— St-Jean-d’Angely 5 —Genouillé 2 — Muron 2 — Arnezay 2 — Rochefort 1.
- Corse.— Ile-Rousse 84.
- Cote-d’Or.— Semur 1.
- Deux-Sèvres,— Sinalonges 1.
- Doubs.— Besançon 2 — Beure 18.
- Drôme.— Valence 1 — St- Paul-Trois-Châteaux 1.
- Eure.— Mesnil-Perruel 2 — aux Hogues 4.
- Gers.— Mirande 1.
- Gironde.— Bordeaux 1 — Blaye 1 —Villenave-de-Rioms 12.
- Haute-Garonne.— Toulouse 11.
- Haute-Loire.— Allègre 57 — Monlet 23 — Monteyre-d’Allègre 7 — St- Just 5 — Varenne-St- Honorât 2 — Fix-St- Genès 2 — Chomelin 2 — Vernassal 2 — Le Puy 1 — Chamberac, La Chaise-Dieu 1 — Paulhaquet 1.
- Haute-Marne.— Ancerville 1 —- Chaumont 2 — Curel 2 — Curville 1 — Joinville 18 — Langres 1 — Magneux 1
- — Osne-Le-Val 1 — Prez-sur-Marne 1 — Saint-Dizier 2 — Sommeronne 1 — Thomance-Lez-Joinville 11.
- Hautes-Pyrénées.— Montrejau 1 — Ossun 2 — Tarbes 3.
- Haute-Sabne.— Jean-Les-Vignes-de-Châlons 1 — Plancher-Bas 1.
- Hérault.— Béziers 2 — Cazoult-lez-Béziers 5.
- Ile-et-Vilaine — Le Sel 1.
- Landes. — Monguilhem 1.
- Loiret.— Orléans 1.
- Lot-et-Garonne.— Saumars 1.
- Maine-et-Loire.— Angers 3.
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- Manche.— Mortain 1.
- Meuse.— Bar-le-Ûucl.
- Mièvre — Nevers 3.
- Mord.— Lille 15 — Anzin 1—Fives-Lille 1—Solesmes 1.
- Oise.— Marigny-lez-Compiègne 1 — Dieudonné 1
- Pas-de-Calais.— St-Pierre-lez-Calais 1.
- Puy-de-Dùme. — Clermont 1.
- Sarthe.— Lé Mans 3.
- Seine. — Auteuil 1 — Le Raincy 2 — Montreuil-sous Bois 1 — Paris 30 — Saint-Mandé 6 — Saint-Maurice 1 — Vincennes 1.
- Seine-inférieure.—r Auzouville-sur-Ry 3 — Bois-de-Neubourg 1 — Croisy-Laye 2 — Elbeuf-sur-Andelle 15 — Frêne-Splon 1 — Grain ville-sur-Ry 2 — Le Hâvre 1 — au Héron 2 — Mont-Saint-Aignan 1 — Rouen 4 — Ry 250 — Saint-Denis, Thiboult 6,
- Snne-et-Marne.— Ivry-sur-Seine 1.
- Seine-et-Oise.— Gondé-sur-’Vègres 2.
- Somme.— Ham 1 — Picquigny 1 — Villers-Bretonneux 23.
- Var.— Vinon 3 — Toulon 2.
- Vienne.— Autran 2.
- Vosges.— Neufehâteau 3.
- Angleterre.— Londres 1.
- Etats-Unis.— Lochpont New-York 1 —Texas 1,
- Hollande.— Amsterdam 1.
- Italie.— Turin 3 — Gênes 3.
- Roumanie 1.
- Suisse.— Genève 1 — Lausaune46 — Lucerne 1.
- On voit d’après ce relevé que la propagande est commencée dans cent huit communes de 42 départements. Dans dix-neuf localités, où le nombre des signatures dépasse 5, le groupement est possible. On ne saurait demander davantage à la commune de Ry, puisque la totalité des habitants a adhéré aux principes d’arbitrage et de désarmement international.
- Les lecteurs du Devoir ne doivent pas hésiter à se mettre en campagne. Surtout, qu’ils ne se laissent pas arrêter par des considérations du même ordre que la suivante que nous communiquait récemment un de nos lecteurs :
- « Tous les coeurs épris de justice, tous les vrais « amis de l’humanité partagent vos idées sur l’ar-« bitrage international substitué à la guerre pour « le règlement des difficultés entre les peuples; « malheureusement, dans le moment présent et « tant que les allemands ont le pied en France, il « est difficile, dangereux peut être pourPavenir de « la race latine, d’aller parler de paix à des cœurs « qui ont besoin de tout leur courage et qu’une « douce quiétude ne peut qu’amollir et rendre plus * indifférents. »
- Ces craintes sont chimériques et point de circonstance, puis qu’elles sont en contradiction avec Lesprit de justice.
- Les nations et les races se perdent parce qu’elles deviennent indifférentes, parce qu’elles manquent d’ardeur dans la vie publique, parce qu’elles se
- laissent entraîner, docilement, par des meneurs, à des situations extrêmes d’autant plus dangereuses qu’elles ont été acceptées d’une manière plus générale.
- Dans notre langage, il n’y a rien qui inspire une aveugle quiétude ; au contraire, nous ne cessons de prévenir la masse, aveuglée par les politiciens, des pièges tendus à sa bonne foi, des dangers prochains et des catastrophes imminentes. Tout cela est fait, il nous semble, pour remuer les indifférents, pour réveiller la vigilance des plus indolents.
- Comment peut-on supposer que les hommes qui parlent de paix à cette heure sont des pusillanimes ?
- Ceux qui servent la propagande de la naix font, au contraire, acte de courage et de civisme.
- Il y a vraiment courage et intelligence à s’élever au dessus des idées guerrières que suggèrent à la masse les budgets énormes de la guerre, les demandes incessantes de nouveaux crédits pour de nouveaux armements, l’embrigadement de tous les citoyens dans les cadres militaires, Inorganisation des enfants en bataillons scolaires.
- Les indifférents, les esprits paresseux se laissent aller sans résister aux inspirations des ambitieux et des spéculateurs, assez adroits pour se cacher derrière les naïfs et les fanatiques, auxquels ils savent habilement procurer une vie facile, de crainte que la souffrance décide ces dupes à analyser et à comprendre les erreurs mobiles de leur zèle.
- A ceux qui se distinguent dans l’art d’endoctriner le peuple suivant les vues secrètes des gouvernements et des classes dirigeantes, on accorde récompenses, honneurs, considérations, fonctions publiques. Les autres, ceux assez énergiques pour se tenir hors le courant et assez forts pour diminuer le nombre des fanatiques, on les paie en calomnies, en mensonges ; on va jusqu’à les compromettre dans leurs intérêts privés, tant la presse soumise, sur un signe donné d’en haut, met d’empressement à les flétrir et à dénaturer leurs actions.
- Pour entraver le zèle des propagandistes et ébranler leurs convictions, on a encore imaginé des théories sur la différence des races.
- En France, on ne tarit pas sur la générosité des races latines. En Allemagne, on s'extasie sur la magnanimité des peuples germains. Et lorsqu’on lit l’histoire des armées espagnoles, italiennes, françaises, on ne manque pas de trouver des faits comparables aux plus grands forfaits militaires des peuples du Nord. L’histoire militaire de tous les
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- LE DEVOIR
- peuples abonde également en forfaitures, en crimes, en horreurs de toutes sortes.
- Nous laissons à ceux qui soutiennent l’opinion contraire le soin de l’établir par des exemples; et, si quelqu’un d’entre eux y parvient, il verra que la nation la moins criminelle, dans ses jours d’excès, a cruellement violé toutes les lois de l’humanité.
- Si nous demandions le désarmement de la France, nous comprendrions qu’on hésitât à se rallier à nous, même qu’on dénonçât notre propagande comme dangereuse.
- Mais nous poursuivons, avant tout, l’établissement d’un tribunal arbitral international en vue d’arriver au désarmement européen ; et nous proposons préalablement l’acceptation de l7idée générale de la neutralisation de l’Alsace-Lorraine.
- L’allemand à un pied chez nous !
- Il serait plus vrai de dire que l’allemand détient injustement les provinces d’Alsace-Lorraine, comme nous les avons détenues nous mêmes pendant deux siècles. Ainsi, nous nous étions emparé par surprise de Strabourg, sans déclaration de guerre préalable, alors que cette ville libre avait licencié ses défenseurs, croyant à la sincérité des engagements de la France enregistrés dans le traité de Nimègue.
- Les allemands, après une guerre follement provoquée par la France, ont pris par la force de la ville que nous avions conquise par la ruse, à la suite d’une violation d’un traité, violation aussi flagrante de notre part que la rupture récente du traité de Tien-Tsin par les Chinois.
- Mais la force pas plus que la ruse ne sont des moyens dont l’honnête homme puisse accepter les conséquences.
- Aussi, demandons nous la neutralisation de l’Alsace-Lorraine.
- La propagande de la paix est loin d’impliquer la consécration de la conquête allemande.
- Il est urgent de dire aux nations, avant que survienne l’étincelle qui mettra l’Europe entière sous les armes, quelles catastrophes surgiront alors, et quels effroyables bouleversements intérieurs peuvent survenir, si les faubourgs des grands centres, cohésionnéspar l’institution des bataillons scolaires, descendaient dans la rue, comme ils l’on fait si souvent, pour demander des comptes aux classes dirigeantes.
- Et, pourtant, le dilemme est formel, les nations qui reculeraient devant cet embrigadement de leur jeunesse, se résigneraient d’avance à la défaite.
- Ne vaut-il pas mieux consacrer ses instants et son intelligence à faire prévaloir les solutions rationnelles ?
- Ceux qui se donnent à la propagande de la paix ne sont ni des poltrons, ni des indolents, ni des rêveurs. Jamais sauveteurs ne connurent mieux le danger et ne montrèrent plus d’énergie,de courage et d’audace.
- Nous sommes avec eux, sans faiblesse et sans restriction.
- Le moment de faiblir serait mal choisi, lorsque l’œuvre de la paix gagne du terrain chez tous les peuples et lorsque marchent à la tête des groupes les hommes les plus éminents de l’Europe.
- Les amis de la paix ont traversé la phase la plus difficile ; maintenant, ils ont fait leur affirmation; des gouvernements de l’Europe les ont reconnus publiquement.
- Au commencement du mois prochain ils tiendront un congrès international dans le palais fédéral de Berne généreusement mis à leur disposition par le gouvernement suisse.
- Puisse sortir de ces assisses un flamme nouvelle qui prépare les cœurs de nos militants à une action soutenue pendant les mois propices à la propagande.
- Tous les hommes valides de l’Europe sont soldats ; la paix armée est arrivée à son maximum de développement. Gomme il serait humain d’empêcher les catastrophes incalculables du prochain choc entre des forces si colossales !
- Rien n’est plus urgent que les efforts qui tendent vers ce but, rien n’est plus juste, rien ne demande autant de courage, d’énergie, de pervérance; rien n’est plus propre à mettre en évidence les qualités supérieures de la créature humaine.
- APHORISMES ET PRÉCEPTES SOCIAUX
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- Libre échange
- Le libre échange entre les nations, la suppression des douanes aux frontières, sera le signe de la paix entre les peuples et de l’abolition de la guerre entre les nations ; ce sera l’émulation productive du travail dans tous les. pays, remplaçant les passions destructives de la guerre ; alors la richesse publique grandira au profit des peuples, le bien-être appa~ raîtra sur la terre pour y remplacer la misère, te règne du bien sera établi.
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- LE DEVOIR
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- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- Le Sénat. — Les commissaires désignés pour examiner le projet de révision semblent décidés à prolonger leurs séances de manière à gagner du temps pour renvoyer la réunion du congrès à la session d’octobre.
- Le Parlement aurait ainsi à s’occuper du budget et de la révision dans la même session ; les conséquences finales seraient un examen superficiel des deux questions et un peu plus de gâchis dans l’administration générale du pays.
- *
- * *
- La Chambre. — Les députés ont commis la faute inconcevable de voter un article de loi sur les sucres fixant à 6 0/0 le rendement des usines employant le système de diffusion et à 5 0/0 pour celles travaillant à la presse. Cet écart est un encouragement à la routine. Un pareil vote est une violation inouïe de tous les principes du droit public. On peut s’attendre à tout de la part d’une législature tombée si bas dans l’empirisme.
- Hr
- * ♦
- Toujours le déficit.Nous sommes en mesure de faire connaître le mouvement des revenus et impôts indirects pendant le mois de juin dernier. Voici les résultats qui ont été obtenus et les différences qu’ils accusent comparativement aux évaluations budgétaires de 1884 et aux recouvrements du mois correspondant de 1883 :
- Le total des recouvrements effectués pendant le mois de juins’élève à 188,917,000 fr., en diminutionde 10,365,400fr. sur les évaluations et de 7,423,000 fr. sur 1883.
- Enregistrement, 42,214,000 francs en diminution de 7,766,500 fr. sur les évaluations et de 7,165,100 francs sur 1883; timbre, 10,442,000 francs, en diminution de 425,700 fr. sur les évaluations et de 372,000 fr. sur 1883 ; douanes, 23,119,000fr.,en diminution de 80,700fr. sur les évalutions et de 103,000 fr. sur 1883; contributions indirectes, 72,528,000fr., en diminution de 622,000 fr. sur les évaluations et de 438,000 fr. sur 1883;
- Sucres, 12,762,000 fr. en diminution de 540,000 francs sur les évalutions et en augmentation de 1 million 929,000 fr. sur 1883 ; vins, 14,552,000 fr.,en diminution de !80,000fr. sur les évélutions et en augmentation de 116,000 franes sur 1883 ;
- Postes, 10,355,000fr., en diminution de 334,500 fr. sur les évaluations et de 65,000 francs sur 1883 ; télégraphes, 2,377,000 fr.,en diminution de 41,000 fr. sur les évaluations et en augmentatiou de 130,000 fr. sur 1883 ; taxe sur le revenu des valeurs mobilières, 568,000 fr., en diminution de 1 million 455,000 francs sur les évaluations et de la même somme sur 1883.
- Discours ministériel.— Nous donnons les passages principaux du discours prononcé par M. Waldeck-Rousseau, ministre de l’intérieur, au banquet de l’Union des Chambres Syndicales.
- Mesdames et messieurs,
- J’ai un premier devoir à remplir, c’est de constater que les chambres syndicales ouvrières viennent de faire leurs preuves; et j’éprouve un véritable orgueil national à dire ici bien hautement que, dans les paroles qu’ont prononcées les différents orateurs qui se sont succédé à la tribune, il n’en est pas une qui n’honorerait la tribune de tous les peuples libres. (Très bien ! très bien ')
- Eh bien, je tiens à répéter ici ce que j’ai dit ailleurs ; ce qui me préoccupe dans l’avenir des syndicats professionnels, ce n’est pas le développement qu’ils peuvent prendre ; ce que je craindrais plutôt, c’est qu’ils ne prissent pas assez le développement auquel ils sont appelés. (C’est cela ! très bien !)
- Je suis de ceux qui considèrent que le suffrage universel n’est une loi suprême qui s’impose à l’obéissance de tous que parce qu’il faut croire bien moins à la force qu’à la vertu du nombre. (Adhésion générale.) Et je suis absolument convaincu que si les prédictions que j’ai entendues faire se réalisent, si les associations professionnelles deviennent aussi puissantes qu’on l’a annoncé, leur action sera bienfaisante, utile, pacifique, féconde, parce que la violence n’est le fait que des impuissants ou des opprimés.
- La paix, dans les rapports du capital et du travail, ne peut exister qu’à la condition de maintenir un certain équilibre, une certaine pondération ; l’un de ces deux éléments ne saurait acquérir une influence prépondérante sans qu’immédiatement tout l’organisme social n’en soit troublé.
- Or, messieurs,entre toutes les transformations par lesquelles nous avons passé depuis un siècle, une qui a peut-être été plus importante que les autres c’est la transformation qui s’est produite dans les conditions du travail.
- Il y aurait véritablement bien peu de choses à faire pour donner à vos revendications, dont le principe ne peut pas être contesté, une forme plus flexible, et cette forme qui se prête à toutes les variations du marché, c’est la rémunération faite au travail par l’association aux bénéfices. Or, vous pourrez beaucoup pour son développement parce que, si je me place dans l’hypothèse créée aux cours de nos discussions parlementaires, si par votre union, par votre exemple, par la force des choses, vous arrivez à constituer un pouvoir régulier, une représentation puissante du travail, votre parole sera entendue. Le capital comprendra qu’en demandant une rémunération plus juste, vous lui donnez une garantie.
- Aussi je crois que bientôt les syndicats professionnels mettront en tête de leurs réformes, au nombre de leurs revendications, la participation aux bénéfices dans toute entreprise comme étant la plus juste rémunération du travail.
- Ce sera une seconde étape, sera-ce la dernière ? Ou pour mieux dire : l’ambition d’accomplir ce premier progrès en exclue-t-elle un autre ? Je suis absolument persuadé que, s’il est une solution possible des difficultés dans lesquelles nous nous débattons et qui ne tiennent pas seulement aux conditions du travail français, mais à celles du travail européen, et l’on pourrait dire du travail dans le monde entier, c’est 1 apprentissage progressif des principes, des notions, des bienfaits certains de l’association des ouvriers.
- J’ai pu voir déjà ce que votre initiative a produit, j’ai pu constater qu’il existe, à l’heure où je parle, de nombreuses associations ouvrières, qu’elles fonctionnent et que ce qu’elles réclament surtout, c’est d’abord la lumière et la publicité, et ensuite la confiance de l’Etat pour arriver à la confiance du public.
- Ce que ces associations ont déjà fait, livrées à leurs propres forces, il incombe aux syndicats de l’entreprendre avec plus d’efficacité. Ce n’est pas que je crois qu’à l’aide des syndicats professionnels, on pourra d’emblée fonder des associations commerciale»'ou industrielles, comparables pour la puissance à ces associations de capitaux, qu’il a fallu nombre d’années, et parfois un siècle pour édifier.
- Mais je suis bien assuré que l’association des efforts, des facultés et des bonnes volontés peut produire un résultat immédiat, direct, prochain, et qui est d’aider les travailleurs à franchir l’étape qui sépare le prolétariat de la détention du premier capital !...
- Je pense que c’est là son rôle et s’il y a quelque puérilité à demander à un certain nombre de travailleurs à improviser des sociétés financières puissantes, je dis que là où un seul
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- LE DEVOIR
- a été impuissant, la réunion de plusieurs peut être efficace, et que l’association est la clef qui doit leur ouvrir la porte des sociétés de capitaux.
- J’estime en particulier, qu’à l’heure actuelle il y a des séries d’entreprises qui sont tout naturellement ouvertes à l’initiative, à la bonne volonté et à la capacité des appréciations ouvrières.
- Et puisque dans un banquet comme le nôtre, qui marquera à mon sens — je ne sais si j’exagère — comme un véritable événement... (Oui 1 oui ! — Adhésion unanime et applaudissements) puisqu’il est d’usage de porter un toast, je vous demande, messieurs, de boire, dans une pensée de même attachement au gouvernement républicain dont vous êtes les soutiens les plus fermes (Nouvelle adhésion et bravos), à la prospérité et à la grandeur de notre France par la prospérité et la grandeur du travail. (Assentiment général.— Applaudissements.)
- Quant à la préférence à accorder aux associations ouvrières dans la concession des travaux de l’Etat, je me suis efforcé de donner l’exemple Je ne représente pas un ministère dépensier. Ou plutôt, tous les ministères sont dépensiers ; seulement, il y en a qui sont moins dépensiers que d’autres. (Rires.)
- On fait peu de travaux au ministère de l’intérieur ; malgré cela, je me suis fait un devoir, une règle d’employer pour leur exécution ces activités généreuses, solides et honnêtes que j’ai vues à l’expérience et dont je viens de vous parler. ( Vif assentiment - Applaudissements répétés.)
- Je n’énumère pas les autres entreprises que les syndicats professionnels peuvent aborder. Je voudrais cependant, revenant sur une idée déjà exprimée, dire jusqu’à quel point ces syndicats peuvent être utiles pour fonder et développer les associitions de production et de consommation parce que les solutions économiques aboutissent toujours à la nécessité d’une épargne, et qu’en multipliant les sociétés de production et de consommation on décuple la puissance d’épargne des travail -j eurs.
- Nous reviendrons prochainement sur le discours de M. Waldeck-Rousseau.
- Nous nous contenterons aujourd’hui de rapprocher de ces belles paroles l’article principal de la loi sur les syndicats ouvriers, prétexte des accolades ministérielles avec la société l’Union des Chambres Syndicales.
- Art. 6 de la loi par les syndicats professionnels : Les Syndicats professionnels de patrons et d’ouvriers auront le droit d’ester en justice.
- Ils pourront employer les sommes provenant de cotisations.
- Toutefois, ils ne pourront acquérir d’autres immeubles que ceux qui sont nécessaires a leurs réunions, à leurs bibliothèques et â des cours d’instruction pro~ I essionnelle.
- Comment ne s’est-il trouvé dans une réunion ouvrière un citoyen assez avisé pour faire remarquer au ministre et aux ouvriers à sa remorque qu’il n’était pas sérieux de parler d’entreprises à des sociétés corporatives qui n’ont pas le droit de posséder un atelier, les immeubles et le sol, liberté que l’on ne refuse pas aux congrégations religieuses?
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- Discipline militaire — Leconseilde guerre de Lille vient de condamner à mort un soldat qui avait battu un caporal, auquel il reprochait de ne pas lui avoir fait délivrer de pain à la salle de police. Dans la vie civile, les coups, donnés dans des circonstances analogues, entraînent à peine quelques mois de prison. C’est donc le prestige de l’armée, de la discipline militaire que l’on a voulu sauvegarder par une pénalité aussi sévère. Eh bien ! la faute de ce soldat, que ses chefs ont reconnu être un individu inintelligent, borné, n’est-elle pas infiniment moins grave que la mutilation du
- drapeau national par les élèves de Saint-Cyr, jeunes gens instruits et se destinant volontairement à la carrière militaire? Pourquoi a-t-on infligé une légère punition à celui-ci, pourquoi va-t-on tuer celui-là, le fils de paysan ou d’ouvrier?
- * +
- Le Choléra. — Si F on était capable de réflexions sérieuses, si l’on avait le sentiment et le désir du bien public, on serait tenté de considérer comme une compensation avantageuse de l’épidémie la mise en évidence par elle des vices nombreux de notre mécanisme social. Mais on ne veut tenir aucun compte de tels enseignements ; on n’ira pas plus loin que voter des projets insensés de lois qui ne seront jamais appliquées. Le fléau continue ses ravages et la démonstration de l’impuissance de notre civilisation. Dans notre dernier numéro nous disions qu’il était présumable que les ravages causés par la panique et la désertion des dispensateurs du travail seraient les plus considérables. Nos prévisions sont encore malheureusement justifiées ; car il faut que le mal soit grand pour que le maire de Marseille, un conservateur, ait fait l’aveu suivant dans son discours de réception des ministres :
- « Mais actuellement, a dit le maire, un fléau plus terrible que le choléra nous menace, la misère. Il se produit ce qui ne se produisit jamais dans les autres épidémies : le commerce arrêté, les usines fermées jettent sur le pavé de nombreux travailleurs. »
- Que signifie le voyage ministériel, servile imitation des mœurs princières? Sous une République, on comprendrait à Marseille la présence de délégués du gouvernement avec pleins pouvoirs pour réquisitionner les logements et les ateliers abandonnés, afin de soustraire les classes laborieuses aux tourments de la misère et du chômage. Mais des discours ! les ministres en ont déjà trop fait. Le maire de Marseille, de son côté, envoie la lettre suivante au président du syndicat de la presse.
- Monsieur le président,
- Le fléau qui s’est abattu sur notre ville fait chaque jour de nombreuses victimes et crée des nécessités impérieuses.
- La commission, instituée par le conseil municipal pour distribuer des secours provenant des souscriptions publiques, a pensé qu’en s’adressant à la presse parisienne qui, en toutes circonstances, s’est montrée si généreuse et dévouée, elle trouverait auprès d’elle l’accueil que méritent les nombreuses infortunes que nous avons à soulager.
- Nous venons vous prier, monsieur, de demander aux journaux de Paris et de la France entière d’ouvrir des souscriptions en faveur de nos populations si douloureusement et si , cruellement éprouvées.
- Veuillez agréer, monsieur le président, l’assurance de ma considération la plus distinguée.
- Le maire de Marseille,
- E. ALLARD.
- Cette mendicité officielle de la part d’un représentant d’une puissante municipalité est à peine compréhensible, surtout lorsqu’on pense que les armateurs de Marseille et les nombreux faiseurs de la politique coloniale, cause du choléra, ont déjà réalisé de gros bénéfices. Nous comprendrions cette lettre, si elle contenait quelques mots de regret sur le défaut d’institutions sociales de solidarité et la promesse de son auteur de se ranger désormais avec ceux qui veulent une société organisée contre la misère, le chômage, la vieillesse et les.malades. Mais le maire de Marseille continuera sa mendicité, nos ministres leurs jérémiades, et lorsque viendra à la Chambre le projet de mutualité nationale, le gouvernement combattra les propositions de M. Giard, et presque tous les dirigeants approuveront le rejet de cette institution qu’ils qualifieront de subversive.
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- TONKIN
- Nous avons lu dans le National, la note suivante :
- Par décision du ministre de la Marine et des Colonies, toutes les personnes qui désirent se rendre au Tonkin pour s’y établir peuvent obtenir des passages sur les transports de l’Etat, à charge du simple remboursement de la ration (80 francs environ par personne embarquée).
- « Les localités qui,au Tonkin, offrent en ce moment le plus de ressources, sont les villes d’Hanoï et d’Haï-Phong.
- » Les colons trouveront auprès des autorités locales les renseignements et les conseils dont il pourraient avoir besoin ; des instructions ont été, à cet effet, adressées à ces autorités.»
- Au moment même où cette note paraissait dans le National, le Temps, qui n’est point un journal hostile au Ministère, publiait une lettre de son correspondant particulier au Tonkin, pleine de révélations qui ne sont point de nature à infirmer les critiques que nous avons formulées souvent sur la portée de notre expédition,et qui indiquent de quelle façon désastrense l’administration opportuniste opère dans ce pays.
- Cette lettre est un véritable réquisitoire contre l’incurie et l’incapacité des administrateurs civils et militaires du Tonkin. Le correspondant du Temps s’exprime ainsi :
- On ne trouverait peut-être pas, sur les douze mille que nous sommes ici, trois hommes pour parier que nous occuperons encore le pays dans dise ans. De ce sentiment, qui est au fond de tous les esprits, naît une irrésolution, une crainte de trop s’engager qui fait reculer devant toute mesure d’un caractère définitif. On se défend de songer au lendemain comme d’une folie. C’est assez bon pour aujourd’hui, et, si demain nous sommes encore là, on fera le nécessaire. C’est ainsi qu’on vit, et, de toutes les manières de procéder à une installation dans une possession nouvelle, c’est assurément la plus propre à accroître les dépenses et les difficultés.
- Plus loin, le correspondant ajoute :
- « L’argent s’en va en installations temporaires qui ne serviront à rien pour un établissement durable : ce sont des dépenses inutiles, car il faudra tout recommencer.
- « Quant à la question du choix d’un port pour le Tonkin, même irrésolution, même incurie invraisemblable :
- « Quel que soit celui de ces points que l’on choisisse,le choix devrait être fait depuis longtemps.
- « Mais, comme on n’est pas convaincu que nous nous établissions décidément au Tonkin, personne ne s’en occupe. » L’administration ne publie pas le plan de Haï-Phong, parce quelle ne sait pas si on y restera, et elle ne publie pas le plan de Quan-Yen, parce qu’elle ne sait pas si on y viendra.
- De sorte que les colons qui arrivent peuvent, s’il leur plaît, faire des projets d’établissement sur les terrains de la lune, mais, quant à ceux de Haï-Phong et de Quan-Yen, l’administration leur dit r « Halte-là ! C’est à vos risques et périls, mon plan n’est pas fait et je ne sais pas encore quels emplacements je me réserve !»
- Le correspondant du Temps termine ainsi :
- Plusieurs de nos compatriotes sont déjà arrivés ; et non pas de pauvres émigrants qui auraient peu de chances d’avenir sous des latitudes où l’Européen ne saurait songer au tra vail manuel, mais des négociants ayant derrière eux des capitaux moins pusillanimes que ne le sont d’ordinaire les capitaux français. Eh bien ! on décourage ces hommes de bonne volonté. On ne leur adresse plus comme à M. Dupuis cette demande étrange : « Que diable venez vous faire ici ? Mais quand ils s’informent dans quelles conditions leurs essais se poursuivent, on est bien obligé de leur répondre qu'on n’en sait rien.
- Telle est, d’après un journal ministériel, la situation au Tonkin.
- (Petit Parisien.)
- BELGIQUE
- Les cléricaux belges, qui viennent de revenir au pouvoir, ne perdent pas de temps : le Ministère libéral avait supprimé toutes relations diplomatiques avec le Pape ; le Ministère catholique a décidé de reprendre ces relations.
- Et voilà, de nouveau, la Belgique en rapport avec le Vatican !
- Tant mieux pour elle, — mais quand donc la France, qui est en République, cessera-t-elle d’avoir des relations avec le Pape ?
- ESPAGNE
- L’intempérance de langage d’un membre du ministère espagnol a mis le cabinet de Madrid en délica esse avec l’Italie. Dans la discussion de la réponse au message royal, à la Chambre des députés espagnole, le titulaire du portefeuille des travaux publics, M. Pidal, a lait une profession de foi publique en faveur du pouvoir temporel de 1a papauté. Cette protestation publique contre l’acte qui a consommé l’unité territoriale de l’Italie a mis le sceau à un débat fécond en incidents irritants pour ce dernier pays et surtout pour sa dynastie.
- LE CHOLÉRA
- Le choléra, qui a fait il y a 15 jours son apparition à Toulon, moissonnant une vingtaine de victimes par journée, n’augmentant pas, mais ne diminuant pas non plus, plane comme une menace au-dessus de notre territoire. Paris le redoute et l’attend ; souhaitons que cette crainte soit exagérée, et que notre capitale ne reverra plus dans ses murs ce redoutable fléau.
- Tout effet a une cause. Aux hommes de l’art appartient le soin d’étudier dans ses effets cette terrible maladie ; aux philosophes incombe la mission de rechercher les causes générales qui l’ont produite et qui peuvent ^entretenir. Si les efforts des sommités médicales peuvent arrêter son invasion et le concentrer dans son foyer primitif, les travaux des philosophes et des penseurs animés du grand amour de l’humanité peuvent seuls empêcher sa réapparition et le détruire dans ses causes premières.
- Il est une maxime proverbiale que je regrette d’être obligé de citer,quand,dans les villes envahies, le glas funèbre tinte toutes les heures,annonçant le décès de quelque cholérique : A quelque chose le malheur est bon.
- Toulon, Marseille, et quelques autres villes du midi prennent en ce moment des mesures d’hygiène des plus énergiques pour détruire tous les foyers d’infection répandus dans leurs murs ; des commissions sanitaires recherchent et visitent les lieux infects et prescrivent l’assainissement immé-i diat des sources propres à alimenter et à entretenir
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- le fléau. Personne ne récrimine, chacun se sentanl menacé, tout le monde obéit.
- Si la ville de Toulon pouvait en ce moment disposer de quelques millions, «lie ferait certainement procéder à la démolition de ses rues trop étroites ; elle ferait visiter tous les immeubles, blanchir, peindre, nettoyer partout, au nom du salut public, et personne ne se plaindrait; car, riches comme pauvres, tout le monde comprend aujourd’hui la nécessité d’arrêter par tous les moyens possibles la propagation et le retour de cette terrible épidémie.
- Quandleshommes sont menacés dans leurs affections, quand ils craignent pour leur propre existence, ils comprennent la grande loi de solidarité qui devrait nous unir tous ; mais malheureusement, la panique une fois passée, l’égoïsme reprend le dessus, et le capitaliste riche, hautain, l’implacable propriétaire reparaît, et accueille avec insolence les réclamations de ses locataires qui lui demandent des travaux d’appropriation pour leurs demeures.
- Le fléau, frappant à droite, à gauche, sans trêve ni merci, n’épargnant ni riches ni titrés, envahissant les villas, les châteaux, aussi bien que les taudis, démontre aux hommes combien il serait nécessaire qu’ils vivent dans la plus étroite solidarité.
- Aux propriétaires qui osent offrir comme logement à des créatures humaines des taudis empoisonnés, aux représentants de l’autorité qui supportent cet état de choses, l’inflexible fléau donne de terribles leçons. Puissent-elles leur servir !
- Un logement propre, confortable, une nourriture saine, abondante, n’est-ce pas le droit de tout-être ici-bas.
- Tant que par un acte de justice, de réparation sociale, on n’aura pas accordé au plus pauvre, au plus petit, le minimum auquel tout être humain a droit, même le plus indigne, nous aurons à redouter les invasions épidémiques causées par une alimentation malsaine et des habitations insalubres.
- Les fléaux sont des avertissements chargés de châtier notre inhumanité et notre imprévoyance; profitons donc des leçons qu’ils nous donnent en passant, si nous voulons en éviter le retour. A quelque chose le malheur est bon.
- Pour rendre nos législateurs plus soucieux de la santé publique, les riches propriétaires moins indifférents aux misères du pauvre, peut-être est-il nécessaire que le terrible fléau fasse encore une fois son apparition parmi nous; qu’il aille puiser ses germes de vie dans les cloaques qui servent
- de logement au pauvre pour empoisonner les riches et les puissants du monde?
- Législateurs imprévoyants, riches, remplis d’égoïsme ; prêtres, qui, au lieu de plaider la cause du peuple, ne savez que l’exhorter à la résignation, vous êtes la cause première de l’invasion du terrible fléau; vous en êtes moralement responsables.
- Je termine, en faisant des vœux pour que la France, aujourd’hui couverte d’habitations sales, ma! construites, voie s’édifier bientôt à leur place, sur tous les points de son territoire, de magnifiques palais dans legenre de celui qu’a élevé M. Godin, à Guise.
- Lorsqu’il en sera ainsi, nous n’aurons plus à redouter d’invasion épidémique d’aucune sorte ; riches et pauvres, habitant dans le même palais, où ils trouveront des logements appropriés à leur situation de fortune et à leurs goûts, auront tous intérêt à ce que les conditions d’hygiène soient partout strictement observées.
- Un parc, des bois, de la verdure pour tous, de magnifiques forêts accessibles à tous, purifiant l’air autour de ces magnifiques demeures, les rendraient inaccessibles aux épidémies, qui fauchent si abondamment dans nos villes civilisées.
- Edmond BOURDAIN.
- RADICAUX HONGROIS
- Le programme des radicaux hongrois, que nous publions entièrement, tel qu’il a été répandu, en Hongrie, pendant la récente période électorale, a une valeur historique réelle. Ce document indique des tend ances socialistes sufîisammen t précises de la part du parti radical hongrois. Partout, les peuples se montrent décidés à vouloir corriger les abus de la propriété. Ce mouvement socialiste à une grande intensité dans ces pays, dont on juge les habitants, d’après la lecture des journaux politiques, incapables d’élever leurs vues au-dessus des compétitions des princes et des grands seigneurs.
- Ce programme,publié en Français,chez un peuple soumis à des lois féodales, contient quelques revendications dont il est difficile d’apprécier la portée, à cause de la valeur particulière que les étrangers attribuent à certains mots de notre langue ; puis ils ne donnent pas les mêmes attributions à des institutions qu’ils désignent des mêmes noms que les nôtres.
- 11 faut noter que le mouvement hongrois, comme la Révolution française, compte parmi ces meneurs les plus intrépides des individualités appartenant par leur origine aux classes privilégiées.
- La grande révolution Française entraîna avec elle la féodalité du Moyen-Age ; libéra le sol. Une nouvelle ère surgit. Mais l’usurpation de Bonaparte, la restauration, une légitimité bâtarde et la petitesse du second empire interrompent l’œuvre
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- colossale de 1789. L’hiérarchie subsiste, plus d’une branche superflue de la magistrature et l’administration essentiellement bureaucratique de môme. La principale puissance du gouvernement populaire, la législation, est confiée à un parlement absolu, d’organisation surannée. L’appel au peuple est exclu, et de fait il tombe sous la tutelle malfaisante de ses propres créatures.
- Quel est le résultat de tout ceci? La volonté du peuple, son véritable intérêt, son droit souverain, ne sont que mots vides de sens, ne sont qu’illusion. La paix, tellement nécessaire au progrès, est continuellement menacée par les intrigues d’une diplomatie tortueuse. La classe la plus vigoureuse, la jeunesse pleine de force , est détournée de l’industrie ; elle est incorporée à l’armée, nourrie à la sueur de citoyens courbés sous le poids de charges publiques, condamnée à une vieillesse et à une mort prématurée. A la place des lois féodales nous avons la tyrannie du règne de l’argent ; l’adoration de l’or ; des opérations véreuses, un commerce de denrées falsifiées, une armée de spéculateurs parasites. Des capitaux amassés par l’effort de l’honnête industrie et gardés avec le bon sens se trouvent engloutis par des spéculations vertigineuses et les fréquentes crises pécuniaires qui en résultent. Les braves producteurs deviennent la proie des aventuriers. Nul souci de faire pénétrer la civilisation et ses conséquences dans toutes les couches de la société. Le joug d’une grossière sensualité et d’une bigoterie aveugle pèse sur le plus grand nombre. Obscurité intellectuelle, dégradation physique et morale ; dehors brillants, pourriture au dedans : voilà ce qu’on trouve partout ! Où est le régne de la morale, le réveil de la conscience humaine, la délivrance intellectuelle ! !
- Mais, à quoi bon ces plaintes, pourquoi cettte énumération? Est-il nécessaire de prouver que la situation présente ne peut durer ? Voyons plutôt quels sont les moyens pour arriver à une amélioration radicale.
- Selon nous les voici :
- I. Les sociétés d’agriculture, de petits commerçants, d’ouvriers, de fabricants, de marchands, d’artistes ; les sociétés d’enseignement et scientifiques devraient, par leurs délégués, constituer des assemblées nationales en chaque spécialité. Chaque assemblée devrait ensuite élire un conseil spécial permanent. De cette façon chaque sphère d’activité pourrait délibérer avec calme sur ses propres affaires ; la situation s’améliorerait soit par les efforts réunis, soit en présentant à la législation, en toute connaissance de cause, les renseignements et projets qui tendent à cette amélioration.
- II. Les conseils différents pourraient à l’occasion délibérer ensemble.
- III. Les envoyés des différents conseils et les membres délégués par le gouvernement selon les portefeuilles — et par la diète formeraient ensemble le Conseil d’Etat. (La né-
- cessité d’un Conseil d’Etat a été reconnue par la législation de 1848, et l’érection en a été décrétée. Les hommes de cette grande époque avaient compris qu’on ne pouvait attendre de satisfaisants projets de loi ni de la chambre des députés dont les membres ne sont élus ni par spécialités ni selon le mérite de leur capacité et dont le grand nombre empêche du reste une action concordante et unanime, ni du gouvernement, qui est assez absorbé par la direction convenable de toute l’administration, et qui présente du reste souvent des projets non appropriés aux intérêts généraux, mais faits plutôt pour maintenir et agrandir son pouvoir).
- IV. L’avis du Conseil d’Etat, de sa majorité, de sa minorité, voire même des quelques uns de ses membres devrait être reproduit par la presse, avec tous les arguments, et présenté à la diète sous forme de projet de loi.
- V. Les commentaires consciencieux du Conseil d’Etat débattus par les citoyens de conviction et d’intérêts différents, soit dans les différentes réunions, soit par la presse, seraient en eux-mêmes des mesures préventives suffisantes contre toute tendance exclusive, contre toute précipitation et toute surprise ; l’institution de la chambre haute deviendrait donc inutile. La diète se composerait exclusivement des représentants du peuple. Le mandat de représentant n’est compatible avec aucune espèce d’emploi ou de situation qui placerait le représentant sous la dépendance du gouvernement, soit comme délégué pour certains bénéfices,soit comme jouissant de certaines distinctions, ou étant dans n’importe quel rapport. (Il est absurde que le contrôlé soit en même temps contrôleur, et qu’il juge dans sa propre cause. Il est dangereux pour la liberté si la même personne ou la même corporation cumule plusieurs pouvoirs. Comme les ministres sont à la tête du pouvoir exécutif, il n’est pas prudent de les faire participer au pouvoir législatif aussi). Le nombre des députés présents devrait être réduit à moitié, en réunissant toujours deux circonscriptions électorales. Le député recevrait un mandat impératif tant lors de son élection que pendant le cours de la diète, si le comité électoral convoque les électeurs à la réclamation écrite des deux cinquièmes des commettants.
- ( Il est nécessaire que le représentant comme délégué, interprète la volonté de ses commettants, Voilà pourquoi le mandat impératif était d’usage ehez nous. En France on le demande maintenant, sentant bien que sans ce mandat le député représente non le peuple mais lui-même.)
- VI. Sauf les cas urgents, tout projet de loi présenté par les députés devrait être renvoyé au Conseil d’Etat, après que la proposition en principe et ses clauses ont été dûment débattues et décidées par le corps législatif.
- Exemple : Un député fait la motion de présenter une loi relative à l’utilisation de terrains laissés incultes depuis cinq ans. Si on l’admet en principe, il y a lieu de discuter ces deux clauses de sa motion :
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- (a) Doit-on établir des colonies sur les terres appartenant à l’Etat, en exigeant un fermage raisonnable ; lequel fermage serait employé ensuite par le ministre de l’agriculture à l’amélioration de la culture et de l’élevage des bestiaux.
- (b) Quant aux propriétés privées, elles pourraient être affermées pour quarante ans à des petits propriétaires, à des prix fixés par une juridiction d’hommes spéciaux. Le corps législatif décide pour le premier point que les terres y précitées devront être vendues, et l’agent fourni devra être employé à l’instruction publique ; quant aux terres du second point, elles devront être affermées pour un temps fixé par des arbitrages. Le projet et ses clauses sont renvoyés ensuite au Conseil d’Etat pour être rédigés.
- VIL Le projet de loi, adopté par les députés devrait ensuite être présenté au vote du peuple dans les cas suivants: 1) si le projet tend à modifier en quelque sens un article de la constitution, par exemple la liberté de l’association ; 2) si les deux cinquièmes des députés désirent en appeler au peuple ; 3) si le projet de loi a pour sujet soit la paix, soit la guerre, soit un traité quelconque avec les autres états ; 4) s’il s’agit de créer un nouvel impôt. (Sans l’appel au peuple, les droits souverains deviennent tôt ou tard la proie du gouvernement ou celle des députés ; le mandataire devient le maître de son constituant, et la liberté ainsi que le gouvernement populaire sont des vains mots.)
- VIII. Le pouvoir législatif entraîne celui de haute surveillance tant en administration publique que pour la justice et en général pour tous les intérêts généraux. (Question : Est-il nécessaire de nommer parmi les membres de la diète un comité de surveillance, chargé de contrôler le gouvernement après la prorogation ou la dissolution de la diète ? Il est bon d’élire les hommes spéciaux qui puissent en tout temps contrôler tous les actes de l’administration publique, et en faire rapport à la diète ; il est nécessaire en outre de nommer une commission qui, après la prorogation ou la dissolution de la diète, soit en permanence jusqu’à l’ouverture de la nouvelle session. Cette commission serait chargée de convoquer la diète si un danger quelconque, un acte inconstitutionnel, ou un coup d’Etat menaçait le pays.)
- IX. La diète vote un impôt progressif pour couvrir les besoins intellectuels et matériels du pays.
- X. Les comitats seraient revêtus du droit parfait de juridiction locale ; et seraient agrandis en général jusqu’à concurrence de six cent mille habitants. Les sièges de comitats devenus par là inutiles seraient affectés au service publique.
- XI. Les droits ne recevant une garantie efficace que par l’administration de la justice, le peuple doit prendre en main le pouvoir judiciaire ; il doit nommer les juges de paix, établir des arbitrages ; il doit déléguer aux comités spéciaux l’érection de tribunaux spéciaux et mixtes ; il doit s’occuper de l’organisation des jurys ; il doit nommer les juges iustructeurs et
- juges des jurys; il doit élire par ses délégués le tribunal suprême et par les comitats les jurés dont ce tribunal doit être assisté.
- Notes : i) Un tribunal spécial juge, par exemple, un différend entre deux marchands, le tribunal mixte entre un libraire et un écrivain. 2) Le tribunal suprême juge sans le concours de ses jurés dans les cas de cassation et dans les cas de compétence, lorsqu’on ne sait pas : si c’est le tribunal ou l’administration publique qui doit trancher la question, on par quelle juridiction d’autre plusieurs elle doit être décidée; si c’est une juridiction locale ou le gouvernement qu’une affaire regarde.
- La cour suprême juge avec l’assistance de ses jurés; a) la vérification des députés ; b) sur les délits, transgressions, manquements des députés ; c) sur les accusations dirigées par la diète contre les ministres ; d) sur la trahison de la patrie, les séditions, les excitations à la révolte ; e) les procès intentés par les juridictions locales, des corporations, ou des particuliers contre le gouvernement ou les juridictions, s’il n’y a pas de loi évidente qni désigne dans ce cas le genre du tribunal ; f) les procès intentés pour violation d’un droit politique ; g) sur les plaintes dirigées contre les juges ou les tribunaux.
- (S’il y a lieu à une investigation la cour suprême doit envoyer de son sein des vérificateurs sur le lieu même. Les vérificateurs ne peuvent ensuite plus prendre part dans la discussion de l’affaire.)
- La majorité absolue des jurés est nécessaire pour rendre un verdict de culpabibité.
- La qualité et la quantité de la peine peut être fixée par une majorité relative.
- 3) Les dépenses occasionnées par les causes criminelles doivent être supportées par les condamnés dans la proportion fixée par les données statistiques.
- 4) Dans l’administration de la justice la procédure doit être orale.
- XII. Instruction obligatoire, qui doit finir par les éléments de la physique et de la chimie, et s’étendre à des exercices militaires et gymnastiques. Des bibliothèques communales, des conférences publiques, des fêtes nationales municipales et communales.
- XIII. Des associations morales. (Les causes religieuses doivent être entièrement séparées des causes communales, municipales et nationales.)
- XIV. Assurances mutuelles nationales contre le feu et les autres fléaux de la nature. (L’estimation est faite gratis par les gens les plus à leur aise de la contrée.)
- XV. Il est'défendu de saisir les outils ou autres choses nécessaires à l’exercice de la profession. (Pour les agriculteurs : une paire de bestiaux de trait, cinquante moutons ; autant de ruches et leur produit ; des provisions pour six mois; en général : l’habillement du chef de famille jusqu’à con-
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- currenee de cent florins et celui de chaque membre de famille jusqu’à concurrence de cinquante florins ; livres instruments de musique et autres moyens de culture jusqu’à concurrence de deux cents florins; de plus la maison où l’appartement, si la dette est antérieure à l’acquisition de cette maison ou de cet appartement.) Chaque propriété ayant été vendue par liquidation au-dessous de l’estimation, peut être dégagée avant la 25rae année.
- XYI. Crédit foncier à bon marché par suite de procédure équitable. (Si la somme est prêtée pour cinquante ans à trois et demi pour cent avec intérêt et amortissement, le crédit foncier recouvre au bout de 50 ans son capital, et jusque là il jouit de sa rente de 2 1/2 0/0, pour laquelle on peut toujours trouver à emprunter, tant un pays bien organisé, si la caution est bonne.)
- XVII. Pour venir en aide au crédit mobilier, on doit ériger des établissements de billets de changes publics à courte échéance. Ces billets rapportent des intérêts, et sont an-néantis après le remboursement. De cette façon le public peut être assuré que toute émission est suffisamment couverte, se trouve remboursée à son échéance, n’est point exposée aux crises financières et commerciales ; et que les billets de ces établissements ne peuvent servir à aucune spéculation financière inconsidérée, vertigineuse ou malhonnête. (La banque ne pourra émettre de papier monnaie que jusqu’à concurrence de sommes qu’elle possède en or ou en argent.)
- XVIII. La vie assurée de ceux qui sont incapables de travailler.
- XIX. Régularisation des cours d’eau au dépens des habitants inté ressés à la question, au besoin avec emprunt national.
- XX. Les terrains de sable mouvant, les marécages, les terres non cultivées depuis cinq ans peuvent être affermées par un arbitrage à tout individu capable de donner un cautionnement suffisant, pour autant d’années qu’il faut pour que le fermier rentre dans ses dépenses et jouisse d’un bénéfice proportionnel à son travail.
- XXI. Des colonies doivent être établies sur les propriétés nationales, principalement des colonies de nos compatriotes de la Boukovirie et de la Moldavie.
- XXII. On doit établir des points centraux pour le commerce. Des dépôts.
- XXIII. Une police pour les fabriques, afin qu’elles ne soient pas nuisibles à la santé, et que les femmes et les enfants ne soient pas surchargés de travail.
- XXIV. Administration hongroise séparée des affaires étrangères. Représentation séparée aux états étrangers. Armée nationale. Douane séparée.
- XXV. Des communications internationales spéciales, des
- associations, des assurances mutuelles contre le déboisement, les inondations, etc. Unité de monnaie de poids et mesures, de tarif des postes.
- Adhésions aux Principes d’Arbitrage et de Désarmement Européen
- Messieurs :
- Vaucluse, Avignon. — Pourquery de Boisserin, père, président d’honneur de plusieurs sociétés de secours mutuels, philanthropiques et de sauvetage — René Caillé, directeur de l’anti-matêrialiste. — Reyre, Louis. — Agricol, Lazare, taillandier. — Saladin, Charles. — Lazare, Joseph, taillandier. — Chopuis, agent-voyer.
- Madame Chopuis, née Marie Andion.
- Courthézon, Vaucluse. — Prayer, Baptiste.
- Charente-Inférieure, Muron. — Beaumont, Armand, étudiant. — Boutin, Frédéric, étudiant.
- Annezay. — Dupont, Ferdinand, propriétaire, conseiller municipal. — Moreau, Emile, instituteur public.
- Genouillê.— Bernardeau,Honoré,instituteur public.
- Rochefort-sur-mer. — Bouchaud, Théophile, agent des postes.
- Manche, Mortain.— Rétout, professeur de mathématiques.
- Deux-Sèvres, Linalonges. — Barrillot, instituteur.
- Le SECRET DE BERNARD
- Par Charles DESLYS.
- (Suite.) ...
- Et cette vie active, saine, fraternelle... Elle avait été si peu à pareille fête, la jeune abandonnée, la pauvre veuve ! Certes, elle n’oubliait pas ; mais parfois, surtout en voyant son fils si heureux, le sourire retrouvait le chemin de ses lèvres.
- Cependant, la Saint-Bernard approchait. Grosse appréhension pour elle, et pour moi. J’avais un tel désir, une telle impatience du succès !
- Tout était réglé d’avance. Le Morlaisien arrivait le soir. J’irais chercher Mme Kerven avec ma carriole. Nous n’arriverions qu’à la nuit close. Marcel serait couché : sa trop grande ressemblance avec son père eût été toute une révélation. Juliette seule nous attendrait, souperait avec nous. On la verrait, on l’apprécierait.
- Tout se passe conformément au programme. L’arrivante fut touchée de ma prévenance. Durant toute la route; nous ne parlâmes que de son fils. Un fils unique ! un si bon fils ! Elle avait consacré une sorte de culte à sa mémoire. Je n’avais que lui ! monsieur, je reste toute seule au monde !...
- — Elle aussi, pensai-je à part moi, ce sera facile.
- Mais, en regardant à la dérobée la veuve du pilote, je ne raisonnais plus de même. Un doute vint. C’était une femme âgée déjà, les cheveux tout blancs, d’un aspect
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- rigide, très pieuse. Ou pressentait en elle tous les préjugés, tout l'entêtement de sa race. Une vrai Bretonne.
- En descendant de voiture, jelui présentai Juliette, toute tremblante et toute pâle:
- — Une de mes clientes, qui a bien voulu se loger chez moi, tenir provisoirement ma maison... madame Bernard...
- — Bernard! répéta Mm* Kerven, douloureusement frappée par ce nom.
- — Pendant la guerre, elle a perdu son mari.
- — Comme moi, mon fils.
- — Je vous demande pour elle un peu d'amitié.
- — Ah ! ça viendra sans peine... n'avons-nous pas toutes les deux au cœur le même éternel regret !
- D’autre part, la physionomie chaste et douce de la jeune veuve produisait sur la vieille une heureuse impression.
- Pendant le repas, qui fut court, je m’attachai à mettre en relief le tact, la droiture et la sagesse de ma protégée. Elle ne prodigua pas ses paroles, mais toutes augmentaient mon espoir.
- La grand’mère de Marcel, lorsque je l'eus reconduite jusqu'à la porte de sa chambre, me dit en guise d'adieu :
- — Elle a l'air d’une bien honnête personne,cette jeune dame.
- Et moi, quand je redescendis vers eux :
- — Ça débute bien ! Du courage.
- Je me levai de grand matin. Déjà Mme Kerven était sortie, sans doute pour aller au cimetière.
- — Alerte!... dis-je à Juliette, et cueillez vivement un bouquet pour Marcel que je conduirai là-bas...
- Quelques minutes plus tard nous arrivions à notre tour, l'enfant et moi, au champ de repos.
- Établi presqu'au bord de la falaise, il domine à la fois l’Océan et le paysage. Un panorama splendide, une complète solitude. On n’entendait au loin que le bruit des flots qui miroitaient au soleil levant. L’heure, le lieu, l’immensité de l'horizon, la pureté du ciel, tout semblait dire : Dieu est là !
- Les mobiles des Côtes du-Nord à leur camarade Bernard Kerven,
- Mort à 25 ans pour la patrie.
- Mme Kerven, absorbée dans sa prière, ne nous avait pas entendus venir. Je fis signe à Marcel de s'approcher en silence, et, devant elle, bien en face, de déposer son bouquet sur la pierre.
- Elle releva la tète, elle aperçut l'enfant. Tous les deux se regardèrent, les yeux dans les yeux.
- Une indicible émotion s'emparait de la grand’mère. Toute charmée, toute tremblante, elle fit le geste d'une
- personne qui se croit le jouet d'une hallucination, qui craint de mourir folle : puis les yeux levés vers le ciel, avec un cri de reconnaissance ou de joie :
- — Mou Dieu!... mais c’est lui !... G'est mon fils tel qu’il était à cet âge !... tel que vous me l'aviez donné... Me l’avez-vous donc rendu ? Est-ce un miracle ? Est-ce un rêve ?
- Marcel, sous l'impression de cette scène, Marcel restait immobile, attendri, souriant.
- A mon tour, je me montrai.
- — Non ! dis-je à la grand’mère, non, vous ne rêvez pas... Votre fils ne vous avait-il pas parlé d'un secret... Le secret de Bernard, le voici.
- — Cet enfant ?
- — C'est le sien.
- — Une preuve ?
- Je lui présentai, toute ouverte, la lettre de Bernard à Juliette :
- — Oh ! c’est bien son écriture;.. Lisez...
- Elle lut à demi-voix :
- « Courage ! Juliette;., n’es-tu pas ma femme devant Dieu... Le pardon de ma mère n'est-il pas assuré quand elle pourra voir, quand elle embrassera notre cher petit Marcel... »
- — Marcel... c’est moi ! dit l'enfant, et si gentiment irrésistible qu'elle lui tendit les bras.
- 11 s'y précipita, la couvrant de ses caresses.
- Elle pleurait, elle chancelait,elle palpitait, tout éperdue de bonheur.
- — Ah ! s'écria-t-elle enfin, est-ce que tu serais là, vivante image. . est-ce que mon cœur ainsi battrait, si tu n’étais pas mon fils !... Ah ! je t'ai retrouvé, je te garde !...
- J'intervins :
- — Et Juliette ?
- — Sa mère...
- — Oui... rappelez-vous cette jeune dame d’hier soir, à laquelle vous trouviez l'air si honnête et si bon... qui vous inspirait tant de sympathie... c’est elle...
- (La fin au 'prochain numéro.)
- État-civil du Familistère
- Semaine du 7 au 13 Juillet 1884.
- Naissance
- Le 11 juillet de Joskoswski Théalda-Jeanne-Irma, fille de Jokoswski Paul et de Poulet Irma.
- Décès
- Le 9 juillet, de Collard Forcade, âgé de 21 ans.
- Le Directeur-Gérant : GODIN.
- GUISE.— Imp. BARÉ.
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- 8- Année, Tome 8. — N* 307 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 27 Juillet 1884
- LE DEVOIR
- REVUE DBS QUESTIONS SOCIALES
- BDREAU
- a GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. BODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE ON S’ABONNE A PARIS 6, rue Neuve-des-Petits-Champs
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris,
- de timbres-poste ou de mandats de poste, dont
- le talon sert de quittance. Passage des Deux-Pavillons
- Franee Union postale
- Ua an ... 10 fr. »» Dn an. . . . 11 fr. »» S’adresser à M. LEYMARIE
- Six mois. . . 6 »» Autres pays administrateur de la Librairie des sciences
- Trois mois. . 3 »» Un an. . . . 13 fr. 60 psychologiques.
- Les peuples ont besoin d’une paix véritable. Ils ne sauraient considérer comme telle une situation sortie de l’affaiblissement momentané d’une nation, de la résignation d’une génération, ou de l’humiliation imposée à une puissance quelconque de l’Europe.
- Aucune nation, dans l’état présent de l’Europe, la France surtout, n’a le droit de diminuer ses moyens de défense, s’il n’est intervenu préalablement, entre les peuples, après loyale et libre discussion, un contrat définissant exactement quelles garanties et quelles charges militaires incombent à chacun, précisant une procédure nouvelle pour le règlement des difficultés internationales, et s’il n’a été créé des institutions capables d’assurer l’avenir.
- Demander séparément à une nation de désarmer n’est pas œuvre sérieuse.
- C’est le désarmement européen dont nous voulons nous occuper.
- Pour éviter les fausses interprétations, nous déclarons, avant d’examiner le fond de la question, que le désarmement isolé d’un peuple serait une véritable folie.
- L’arbitrage international, séparé de son complément le désarmement européen, n’aurait aucun effet immédiat utile ; dans ces conditions, il ressemblerait trop aux traités présents entre les nations, dont le caractère le plus saillant est le sans-gêne qui préside à leurs incessantes violations par les contractants eux-mêmes.
- Il est urgent d’examiner ces propositions, car les armements incessants auront bientôt créé une situation générale intolérable chez tous les peuples.
- En faisant cette publication nous pensons obéir à un sentiment profond de patriotisme.
- L’expérience nous a appris l’existence de deux patriotismes. L’un, celui qui tue, nous lui avons largement sacrifié alors
- que nous le croyions le seul vrai. Depuis,nous en connaissons un autre, le patriotisme qui fait vivre, et nous le servons, à cette heure, sous le haut patronage du fondateur du Familistère de Guise.
- La Paix armée.
- Les peuples s’appliquent constamment à développer leurs armements déjà si formidables. L’outillage militaire est partout en voie de transformation permanente.
- Les inventeurs,à la recherche des moyens perfectionnés de détruire davantage et plus vite, sont encouragés par les gouvernements ; on examine leurs conceptions les plus extravagantes. Celles qui présentent quelques possibilités d’exécution sont aussitôt confiées aux ingénieurs des arsenaux. Si les premiers types produits réalisent quelques progrès dans l’art de détruire les hommes et les choses, on occupe bien vite tous les ouvriers de l’Etat à cette nouvelle fabrication.
- Un jour,c’est une plaque en métal destinée à cuirasser les forteresses ; le lendemain, c’est un canon monstre qui perce la plaque du premier coup. On invente alors une autre plaque, que cent coups du canon de la veille ne peuvent briser ; mais, avant qu’elle soit placée dans la moitié des cas prévus, on ne manque pas de découvrir un engin qui la rend complètement inutile. On commence à dépenser des millions pour construire des torpilles ; puis, l’on arrive à employer une égale somme à la recherche d’appareils pouvant neutraliser ces engins : on recommence toujours de la sorte sans jamais se lasser.
- Les milliards de dettes s’ajoutent aux passifs des nations. Les peuples ne prévoient pas la banqueroute finale ; ils ne comprennent pas que ces excès sont la cause unique de leur misère.
- C’est cette situation que l’on désigne généralement sous le
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- nom de paix.. Nous l’appelons la paix armée, et nous allons examiner ce qu’elle nous coûte.
- Voici les dépenses annuelles de la paix armée :
- 1& Budget ordinaire de la guerre . . . 596.318.580 fr.
- 2° Pensions militaires (rentes viagères). . 84.500.000
- 3° Budget de la marine proprement dite,
- sans compter le budget colonial, . . . 204.570.375
- 4° Caisse des invalides de la marine. . . 32.964.000
- 5° Le travail perdu par les divers effectifs militaires comptant 600.000 individus, compris les fonctionnaires. On peut évaluer à 1.200 francs le travail perdu par
- chaque homme.......................... 720.000.000
- 6° Journées de la réserve et de la territoriale ;
- — Subsides envoyés aux jeunes soldats par leurs familles; — Frais d’habillement et de remonte supportés, en partie, par les officiers ; — Indemnités des communes à leurs territoriaux ; — Construction et entretien des casernes, dont partie à la charge des communes comme dépenses de premier établissement; —
- Sociétés de tir et d’instruction militaire, dont partie à la charge des communes ; —
- Dépenses très-gênantes, lors du passage des troupes ; — Saccage des récoltes pendant les grandes manœuvres ; — Revenus des terrains occupés par les bâtiments militaires et soustraits à la production ; — Préjudices causés par les servitudes et les zones militaires ; — Enfin tort grave causé par l’absence du jeune soldat à sa famille et à l’entreprise dont il était l’âme.
- Pour tout cela nous compterons. . . 50.000.000
- 7° Bien qu’il soit possible d’établir que la presque totalité de la dette provienne des dépenses de la guerre, nous porterons à ce compte la moitié seulement des dépenses du budget de la dette nationale.
- On ne saurait nous accuser d’exagération, lorsqu’il est établi que la seule guerre de 1870 à 1871 acoûtéplus de 12milliards.
- De ce fait, les dépenses annuelles, conséquences de la guerre, peuvent être
- évaluées à.............................. 700.000.OOP
- Dépenses totales annuelles, en France,
- de la paix armée........................ 2.388.352.955f
- Gela représente une somme de 62 francs 85 centimes prélevée annuellement sur chaque habitant. Ainsi les jeunes femmes paient vingt fois. 62 fr. 85 pour avoir l’honneur de mener pendant quelques années la vie abrutissante du troupier ;
- s’ils reviennent du sjrvice sains et saufs, ils continuent;! payer jusqu’à la mort la même somme pour procurer à leurs fils les mêmes bonheurs. Les femmes paient le même prix l’honneur d’être privées de leurs enfants pendant les plus belles années de l’existence, de les savoir sous le coup des misères de la vie militaire, souvent de les perdre dans des conditions affreuses.
- On se plaint de la décadence de notre agriculture. Si l’on voulait lui consacrer les dépenses annuelles absorbées par la paix armée, notre richesse agricole n’aurait pas de limite.
- La superficie de la France dépasse 50.000.000 d’hectares. Si nous évaluons qu’il convient de doter l’agriculture, par chaque lot de 200 hectares, d’un outillage comprenant une machine à vapeur, une faucheuse, une moissonneuse, une série de charrues, un semoir, une batteuse, le tout pouvant être établi pour une somme de 35,000 francs, nous trouvons qu’il faut 4.275.000.000 fr., une somme moins élevée que les dépenses de deux années de paix armée.
- Ceux qui veulent apprécier les maux causés à l’Europe par la paix armée, et les bienfaits dont elle prive les populations, se rappelleront que notre continent a une population plus de dix fois plus nombreuse que celle de la France.
- En Europe, près de trois millions d’hommes les plus valides, sont détournés de la production par le système des armées permanentes. Les divers budgets de la guerre, sans compter les dépenses telles que celles que nous, avons énumérées plus haut, s’élèvent à plus de quatre milliards.
- Le total des charges militaires de l’Europe, pendant une période de dix ans, constitue une dépense improductive de quarante milliards, à laquelle il convient d’ajouter deux sommes équivalentes : l’une représentant la richesse qu’auraient pu créer les hommes immobilisés par le service militaire ; l’autre comprenant la partie des budgets des dettes publiques tirant leur origine des dépenses d’armements, des indemnités de guerre payées après les défaites, et des réparations nécessitées par les invasions.
- Les armements privent donc les peuples^ d’une quantité de richesses que l’on peut évaluer, pour une période de dix ans, à cent vingt milliards, soit à cinq cents milliards par chaque génération.
- La paix armée est une absurdité dont il faut apprendre aux peuples à envisager les conséquences ; elle est simplement une phase de la guerre.
- La paix armée est un mal que l’on ne peut limiter, il faut le supprimer, ou bien se résigner à en subir tous les désastres, dont le prix déjà ruineux atteindra bientôt des proportions presque incalculables.
- Plus nous compliquons nos moyens de résistance contre les lois naturelles qui commandent l’union des hommes, plus seront grandes les ruines qui surgiront de cette lutte, car le progrès n’abdique jamais, il sait élever ses moyens au-dessus de ceux que prépare la fragilité des gouvernements.
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- Les enseignements qui se dégagent du passé démontrent l’inutilité, même le danger des armements.
- Malheur à ceux qui ne veulent pas comprendre !
- La Prochaine Guerre
- La paix armée est la guerre à l’état latent ; elle a pour conséquence directe la guerre ouverte.
- Osons réfléchir aux horribles éventualités du prochain choc européen réduit aux moindres proportions probables.
- Nous supposerons que tous les bruits d’alliances dirigées contre la France sont de vaines paroles. Nous admettrons que la lutte sera limitée entre les deux peuples qui se disputent l’Alsace-Lorraine.
- En 1870, l’armée allemande était plusieurs fois aussi nombreuse que l’armée française ; son artillerie était supérieure à la nôtre. De notre côté, le fusil chassepot procurait des avantages considérables sur les troupes ennemies armées du fusil à aiguille ; nos armées disposaient des places fortes de Metz et de Strasbourg.
- Malgré notre infériorité numérique, toutes les batailles décisives ont duré plusieurs jours. Les rapports militaires des vainqueurs l’établissent : chacune de nos défaites a eu pour principale cause la nécessité pour nos généraux d’opposer aux troupes fraîches de l’ennemi les bataillons décimés et épuisés par les combats de la veille. S’il en eût été autrement, si nos généraux avaient pu renouveler, chaque jour, les troupes engagées, il n’est pas douteux que chaque bataille aurait été encore plus longue et plus meurtrière. Cependant la lutte a été prolongée plué de six mois après l’anéantissement de nos premiers contingents ; elle a fait plus d’un demi-million de victimes ; elle a arrêté la production de deux peuples pendant près d’une année ; elle a coûté plus de douze milliards aux vaincus et la perte de deux provinces saccagées.
- Lorsque les deux peuples reprendront les hostilités, la France opposera à l’Allemagne une armée également nombreuse; son artillerie sera aussi puissante ; mais les fusils français,dont on a pas suffisamment apprécié la supériorité relative pendant la dernière guerre, seront en face d’ennemis pourvus d’armes égales, et les Allemands disposeront de Metz et de Strasbourg.
- Dans de pareilles conditions qui peut prévoir la limite des carnages, des destructions, des ruines qu’accumuleront les deux nations ennemies mettant chacune en ligne, dès le début de la guerre, plus d’un million cinq cent mille hommes armés d’un matériel militaire et d’engins meurtriers dépassant en puissance destructive tout ce que l’humanité a pu concevoir jusqu’à nos jours.
- Voici l’énumération des forces militaires de la France.
- En cas de mobilisation générale,les vingt classes de l’armée iraient appelées sous les drapeaux, et tous les chevaux nécessaires pour compléter les effectifs de la cavalerie, de l’artil-krie et du train seraient demandés par réquisition.
- Or sait-on quel chiffre cela représente ?
- Cinq classes de l’armée active (hommes en disponibilité).................... • . . 704.714
- Quatre classes de la réserve................510.294
- Cinq classes, territoriale.................. 582.523
- Six classes, territoriale (réserve) .... 625.633 Total des vingt classes.................... 2.423.164 h.
- A ce nombre, il faut ajouter tous les « hommes dispersés » qui sont classés dans le service auxiliaire, et qui pourraient être, en cas de guerre, affectés à la défense des places, dans les ambulances, dans l’administration.
- Cette catégorie comprend 1.330.000 hommes environ, ce qui porte l’effectif total sur le pied de guerre à trois millions sept cent cinquante-trois mille cent soixante-quatre hommes.
- Ainsi, en résumé, si les circonstances l’exigeaient, la France, — outre les 1.330.000 hommes appelés à rester au second plan, — la France pourrait mettre en ligne deux millions et demi de soldats sur lesquels : 1.500.000 hommes ont servi plus de quatre ans, 600,000 de six mois à un an et 400.000 pendant des périodes de treize jours ou de vingt-huit jours.
- En Allemagne les contingents ne seront pas moins élevés.
- La loi du 2 mars 1874 donne au gouvernement la faculté d’appeler, en cas de guerre, plus de six millions d’hommes produisant un chiffre de combattants, parfaitement instruits,
- de trois millions huit cent soixante et onze mille hommes.
- Si la prochaine guerre dégénère en conflit européen, la Russie, d’après la loi du 1er janvier 1874, peut appeler sous les armes treize millions d’hommes donnant un effectif de deux millions cinq cent mille hommes bien préparés ; la loi du 5 décembre 1868 permet au gouvernement autrichien d’engager un million deux cent soixante-cinq mille hommes ; et les lois que le parlement italien a votées en 1875, 1876 et 1882, assurent à l’Italie en cas de guerre une force de deux millions cinq cent soixante-dix mille hommes.
- Dans la prochaine guerre entre la France et l’Allemagne, on ne s’arrêtera pas au sacrifice d’un demi-million de victimes. La production des deux nations si puissamment outillées sera peut-être en chômage pendant plusieurs années,etle vaincu supportera des pertes dépassant certainement vingt milliards.
- Qui osera soutenir que le vainqueur, par raison d’équilibre européen, ne sera pas empêché par les autres gouvernements de recouvrer ses dépenses de guerre, si le vaincu est encore en état de les payer.
- Vaincus et vainqueurs conserveront-ils assez de vitalité pour réparer en un siècle les ruines accumulées par un choc si formidable ?
- Il faut surtout penser que l’Alsace-Lorraine sera le théâtre des scènes atroces de cette lutte désespérée.
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- Que restera-t-il alors de cette riche contrée, de ses manufactures, de ses villes, de ses villages, de sa prospérité industrielle et de sa fortune agricole ?
- Ah ! les chauvins des deux côtés du Rhin devraient avoir pitié de ces belles provinces, qu’ils disent tant chérir, les uns et les autres. Ils ne les voient pas épuisées par les inquiétudes provoquées par l’éventualité d’une guerre Franco-Allemande. Ils ne réfléchissent pas que de ces contrées et des départements voisins condamnés par eux à supporter tant d’armées, à fournir de si vastes champs de bataille, il peut ne rester qu’un immense charnier.
- Voilà ce qu’ils feront de l’Alsace-Lorraine, les prétendus patriotes français et allemands ; les uns chantant la Marseillaise, les autres hurlant le Vaterland !
- Que feraient de plus des forcenés qui auraient juré l’anéantissement de l’Alsace-Lorraine ?
- Nous n’examinerons pas quelles sont les probabilités de victoire. Quel que soit le vainqueur, la défaite de l’humanité est certaine, à moins que la raison, reprenant ses droits, désarme les tyrans de l’humanité.
- Mais la défaite de l’humanité sera plus ou moins désastreuse, suivant que la victoire restera à l’Allemagne impériale ou à la Franee républicaine.
- L’Allemagne victorieuse, c’est l’Alsace-Lorraine ruinée ; c’est le passé triomphant momentanément du progrès social.
- La France victorieuse, c’est encore l’Alsace-Lorraine ruinée; c’est aussi l’idée progressiste dominant la réaction.
- Ce sont ces considérations qui nous défendent de rien conseiller qui puisse prématurément amoindrir ou entraver le développement militaire de la France.
- Mais il est nécessaire d’apprendre à ceux que la prochaine guerre va faucher, aux pères, aux mères, aux épouses de ces victimes innocentes, que tous ces sacrifices ne profiteront pas à l’Alsace-Lorraine, que la déclaration de guerre pourra être le signal de la ruine définitive de ces provinces, qu’iln’estpas même certain que l’Idée du progrès social bénéficie des morts, des souffrances,des désastres du vaincu et du vainqueur.
- Il faut en même temps enseigner qu’il existe une autre solution donnant à l’Alsace-Lorraine une prospérité préférable à tous ses bonheurs passés, n’imposant aucune douleur aux nations et aux individus ; au contraire, elle inaugurera au profit de tous, une ère définitive de paix et de progrès débarrassée des obstacles que l’Idée est contrainte de briser par tous les moyens, afin d’accomplir sa mission rédemptrice.
- Ne pas faire tous ses efforts pour éviter un choc Franco-Allemand est s’associer au plus grand forfait que l’humanité ait jamais préparé.
- Préjugés et Vérités sur la Guerre.
- L’Union des peuples n’est pas une utopie;
- Esprit de guerre est impuissant à l’empê-
- cher. — Nous trouvons dans le passé et dans le présent suffisamment de faits pour établir la certitude du rapprochement des peuples.
- L’histoire, telle qu’on l’a écrite, nous montre les premières tentatives d’unification des peuples sorties de l’initiative de quelques hommes, guerriers ou diplomates, tandis que les faits prouvent que ces grands hommes ont toujours été impuissants à constituer une œuvre durable, lorsque leur intervention s’est trouvée en contradiction avec les intérêts des peuples.
- Notre pays si homogène était occupé précédemment par de petits peuples, toujours armés les uns contre les autres, parlant des langues différentes. Souvent plusieurs furent conquis par l’un d’eux, mais la conquête ne fut durable que lorsque des relations naturelles s’établirent au moyen des chemins, routes, canaux, et des affaires industrielles et commerciales. L’alliance des intérêts est la véritable cause de la fusion des peuples.
- L’unité allemande,qui se fait sous nos yeux,n’est pas l’œuvre de M. de Bismarck ; elle résulte d’une série d’événements accomplis sous l’influence décisive du progrès des peuples. Le chancelier a compris la maturité et l’enchaînement des circonstances, il est devenu l’exécuteur des solutions indiquées par les faits. L’unité allemande se fera complète et deviendra aussi compacte que l'unité française, parce que les États qu’elle a déjà englobés et ceux qu’elle englobera bientôt, ont été reliés entre eux par des traités visant des conventions militaires, douanières, monétaires, fluviales, maritimes,postales, télégraphiques, de chemins de fer, etc., et parce que les particuliers ont confirmé ces traités par des alliances familiales et par des associations industrielles, commerciales et financières étendant leur action sur tout le territoire germain.
- N’y a-t-il pas dans ces exemples une série d’événements qui permettent d’affirmer, en procédant par analogie, que l’entente des peuples est un fait à venir inéluctable?
- Tous les peuples civilisés ne sont-ils pas reliés par des traités entre leurs gouvernements et par des alliances entre les particuliers, conventions beaucoup plus solides que celles existant, il y a quatre siècles, entre les provinces qui ont formé la nation française, même, que celles régissant, il y a cent ans, les diverses principautés disparues dans l’unité allemande ? Les mêmes faits seront suivis des mêmes conséquences.
- Gomment peut-on s’imaginer que le progrès ait accompli sa mission, parce qu’il a transformé en une douzaine de nations la cinquantaine de petits États qui composaient autrefois l’Europe, parce qu’il a fusionné en cinq ou six langues la multiplicité des idiomes d’alors ?
- Les peuples, quoiqu’ils fassent, n’éviteront pas de s unir dans une immense confédération n’ayant besoin d’autres armements que ceux destinés à la protéger contre les invasions des barbares, dont la civilisation est à faire.
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- Les perfectionnements des armements ne changent pas la force relative des nations. — Comment les hommes n’ont-ils pu comprendre encore, devant ces engins de destruction si puissants, se modifiant sans cesse, chaque année en découvrant de nouveaux, qu’ils sont engagés dans une voie sans issue et condamnés à des efforts stériles ?
- Cette persistance à exagérer les armements serait admissible, si, tenant compte d’une fausse éducation qui nous porte à chercher dans les idées de domination la satisfaction de nos besoins, un peuple pouvait espérer se créer un outillage militaire supérieur, devant rester sa propriété exclusive, et par conséquent susceptible de lui procurer une puissance effective durable. Mais pareille illusion n’est plus possible à notre époque. Il n’est aucun gouvernement vigilant qui ne puisse mettre en construction un engin militaire en même temps que la nation où il a été inventé.
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- L’absurdité des frontières est démontrée par les faits.— Lorsque les nations n’ont pour frontières naturelles les mers, les fleuves ou les montagnes, les hommes fixent des limites conventionnelles ; ils les hérissent, de chaque côté, de forteresses, de remparts, de bastions armés de canons formidables, pendant que le génie humain s’inquiète des moyens d’affranchir les peuples des inconvénients des barrières naturelles, en creusant des canaux, des tunnels, en édifiant des ponts !
- On fortifie les côtes de la mer du N ord pour les rendre plus difficilement accessibles aux peuples voisins, puis l’on creuse un tunnel sous-marin pour faciliter les relations entre ces mêmes peuples !
- *
- * *
- La grandeur et la puissance militaires d’une nation ne font pas sa prospérité générale. — Les classes laborieuses des grandes puissances ne sont pas mieux dotées que celles des moindres nations. S’il en était autrement, on verrait les petits États, tels que la Suisse, la Belgique, la Hollande, demander à être annexés à leurs voisins les mieux armés. Maison constate chez ces petits peuples l’amour de l’indépendance, une prospérité et une liberté individuelles plus grandes que celles permises aux individus des nations plus importantes jouissant des mêmes conditions politiques, climatériques et géologiques.
- La France, elle-même, est-elle plus malheureuse, parce qu’elle a perdu une partie de son territoire et de sa population ? Il faut bien reconnaître que ce qui pèse le plus sur sa prospérité générale provient des charges qui résultent de la guerre et de celles de la paix armée.
- Si l’étendue du pays occupé par une nation, si la gloire mi-
- litaire sont des bienfaits pour les peuples, nous devrions constater chez le vainqueur de la France une prospérité générale procurant le bonheur à tous les citoyens de ce vaste empire si resplendissant de prestige militaire. Mais à Berlin, comme à Metz, comme à Paris, le travailleur n’a aucune garantie de son droit à la vie; les salaires y sont élevés, lorsque les classes dirigeantes éprouvent de grands besoins de consommation ; ils descendent au-dessous du nécessaire, lorsque les gens riches, largement pourvus d’objets de confort et de luxe après les longues périodes d’activité, n’éprouvent plus le besoin de faire travailler pour eux-mêmes.
- Si une partie du peuple allemand ne se résignait à l’émigration, on constaterait dans ce grand pays géographique et ce glorieux empire militaire une misère suffisamment développée pour y empêcher toute sécurité sociale.
- * *
- La force militaire est un gage de sécurité pour le peuple qui possède une bonne armée. — En .Europe et en Amérique, de 1850 à 1866, les guerres ont fait deux millions de victimes ; parmi celles-ci on ne compte ni Suisses, ni Belges, ni Espagnols, ni Portugais, ni nationaux des autres puissances dont les armées sont aussi faiblement organisées.
- Les armées ont toujours été les agents de transmission les plus redoutables des pestes, des épidémies, lorsqu’elles ri’en ont pas produit les causes originelles.
- Même, il ne serait pas téméraire de prétendre que certains typhus et quelques maladies épidémiques seraient disparues du continent européen, si les casernes et les agglomérations militaires n’étaient là pour les conserver.
- Voilà une sécurité aussi incomplète que peu gratuite, car pour la période de quinze ans dont nous venons de parler, il faut ajouter aux frais de la paix armée les dépenses de guerre s’élevant à la somme de 47 milliards 830 millions.
- * *
- Honneur militaire. — Dans certains cas, il n’a pas beaucoup varié depuis la prise de Strasbourg par les Français, en 1681, jusqu’à la violation du traité de Tien-Tsin par les Chinois, en 1884.
- En 1681, Strasbourg, ville libre, sur la foi du triaté de Nimègue signé par le gouvernement français, renvoie les garnisons de l’empire d’Autriche et licencie sa garde particulière. Un beau matin, le 18 Octobre, sans déclaration de guerre préalable, un détachement français s’empare par surprise du principal fort,et dans la soirée 35000 soldats entourent la ville. Le lendemain Strasbourg appartient à la France.
- Eli 1871, trois généraux français signent une promesse d’aman à des insurgés arabes à condition que ceux-ci déposent les armes. Les arabes, après cette capitulation en bonne règle, sont réclamés par la juridiction civile, sous prétexte que les
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- généraux ont outrepassé leurs pouvoirs. Pour sauvegarder le prestige de l’autorité militaire, au nom de la justice civile on fait fusiller une partie des anciens insurgés et l’on enferme les autres dans les bagnes, où ils sont encore.
- Tous les peuples dans leur histoire ont des séries de faits analogues. Chaque patriote les considère comme des actes glorieux, lorsqu’ils ont tourné à l’avantage de son pays, tandis qu’il les flétriténergiquement,s’ilsontété accomplisparun peuple ennemi.
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- Les avantages accordés aux militaires dans la paix armée sont illusoires.— Si les militaires retiraient de la guerre des bénéfices considérables, on comprendrait que la perspective pour chaque citoyen de pouvoir se livrer à ce métier entretînt dans la masse des raisons plausibles en faveur de la paix armée.
- Mais les avantages-Mes favorisés sont à peine appréciables. Un tout petit nombre des brillants officiers sortis des écoles militaires parvient aux grades élevés, après avoir passé 25 années, en moyenne, de garnison en garnison, d’hôtel meublé en hôtel meublé, sans pouvoir jamais goûter les joies si humaines de la famille. Et, s’ils ont obtenu quelque considération, grâce au prestige du costume, dès qu’ils sont rentrés dans la vie privée, on les confond avec les simples mortels.
- Un bon épicier, dans une ville de cinq ou six mille habitants, après avoir vécu entouré d’un plus grand confort, aura la satisfaction d’avoir acquis la fortune et de laisser aux siens assez de capitaux pour pouvoir acheter les services des enfants des vieux officiers. La classe des commis, des précepteurs et des institutrices fourmille de parias, nés d’officiers supérieurs, soumis à toutes les fantaisies des barons du calicot et de la mélasse.
- Et l’on demande aux officiers, dont les chances d’arriver sont si réduites, la vie si pénible et si monotone, et la sécurité pour eux et les leurs si incertaine, de connaître à fond toutes les sciences. Jusqu’à l’âge de vingt ans, pliés à une discipline sévère, ils suivent des cours de l’ordre le plus élevé.
- L’ignorance peut posséder le sol, mais on apprend à celui dont la mission est de le ravager tout ce qu’il faut pour être capable de le niveler intelligemment, de régler pratiquement l’écoulement des eaux, d’exécuter de voies parfaitement établies. Le propriétaire du sol, source de toute richesse, peut ignorer les éléments delà composition du sol, des engrais, des produits agricoles ; mais l’officier devra posséder toutes ces connaissances, et sa vie sera stérile, si elle n’est employée à détruire; l’officier possède des notions artistiques, sait les règles de l’architecture, est capable d’être un ingénieur, et sa mission, s’il l’exerce, le condamne le plus souvent à tuer, à incendier, à saccager!
- Enfin cet homme, auquel on demande tant en lui accordant si peu, qui ne peut disposer d’une journée sans en obtenir l’autorisation, cet homme n’est pas citoyen ; il n’a pas même,
- comme l’ignorant, l’ivrogne, le paresseux, l’alphonse, le droit de voter ! Gela, cent ans après la proclamation des droits de l’homme !
- Quant au vulgaire troupier quelle vie est la sienne ! La caserne, les grossièretés des chefs, les corvées stupides, la mauvaise nourriture, les sept sous de prêt en cinq jours sont choses trop connues et trop universellement maudites, pour insister sur ces sujets.
- Quelles compensations poussent donc cet homme à mourir souvent en héros sur un champ de bataille ? Il croit à la grandeur nationale, à la prospérité publique par le sacrifice de sa vie. Admirons sa foi, quoique basée sur une erreur, et considérons-la comme une preuve de ce que la société est en droit d’espérer de chacun de ses membres, lorsque cette foi aveugle sera remplacée par des convictions raisonnées.
- Quelques-uns de ces dévoués espèrent se créer une situation meilleure, s’ils survivent aux hasards des batailles ou aux témérités de leurs audaces.
- En réalité, la plupart reviennent dans leurs familles ayant perdu en partie leur habileté professionnelle. Quelques-uns, après des souffrances atroces, retournent mutilés, avec une pension trop faible pour les soustraire à la mendicité. Ceux qui succombent sous les coups ennemis, ou faute de secours et de soins, on les enterre en masse ; leurs vieux parents meurent de chagrin et de misère. Puis des fanatiques, des ambitieux, sous prétexte d’honorer ces victimes et de perpétuer le dévouement à la patrie, célèbrent les anniversaires des grandes tueries par des discours pompeux. Gela entretient l’esprit militaire ; les intrigants en tirent parti pour affirmer leurs ambitions ; les boursiers calculent combien peut hausser ou baisser soit le 5 O/o allemand, soit le 3 0/q français, à la suite des discours patriotiques prononcés en souvenir des victimes de la guerre..
- A peu de chose près, c’est là tous les avantages du soldat.
- La patrie reconnaissante. — Voici ce que nous racontions dans le Devoir, numéro du 23 Mars 1883 :
- « A Ivry-sur-Seine, rue du Parc, 58, habite une famille privée de travail, malgré les nombreuses démarches de son chef que la faim a poussé plusieurs fois à faire valoir inutilement des services rendus autrefois à la Patrie.
- » Le citoyen Bégot et sa femme ont une page sublime dans l’histoire des dévouements de la campagne 1870.
- » Ce citoyen, porteur de dépêches du colonel Denfert-Rochereau, était chargé de traverser les lignes prussiennes pour transmettre les avis secrets à l’un de nos corps d’armée.
- » Quatre-vingt-seize fois, il fit, en compagnie de sa femme, ce pénible et périlleux voyage. La quatre-vingt-dix-septième fois, Bégot, surpris, fut fait prisonnier, tandis qu’on disait à sa femme : « Vous êtes libre de retourner chez vous. » Mais elle, vaillante, répondit : « ce n’est pas le moment de l’aban-
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- donner ! S’il y a quatre balles pour lui, il y en aura bien quatre pour moi ! »
- » Cette femme héroïque et son mari échappèrent comme par miracle à l’exécution capitale et furent amenés comme prisonniers de guerre à Dantzig où ils furent détenus|pendant dix-sept mois, subissant les plus durs traitements.
- » Ces braves gens ne demandèrent et ne reçurent aucune récompense de leurs services. Aujourd’hui le malheur les accable ; le mari est malade et sans travail et la mère est seule, avec deux enfants, à supporter une charge au-dessus de ses forces. »
- Un autre fait :
- « En 1870, deux batteries d’artillerie marchant en colonne tombaient sous le feu d’une embuscade prussienne près de Méziéres-sur-Somme. Le capitaine atteint par une première décharge n’avait pu donner aucun ordre. Le lieutenant La-violette fit mettre la première pièce en batterie. Le fourrier Besombes tomba foudroyé au moment où il dégageait l’écou-villon. Le lieutenant fit feu à mitraille, délogea l’embuscade et tomba frappé d’une balle en pleine poitrine. Les deux batteries furent sauvées.
- » Le lieutenant Laviolette, mort au champ d’honneur, était l’unique soutien d’une mère sans fortune. Madame Laviolette, depuis 1870, fut réduite à gagner son pain à la sueur de son front. Elle a aujourd’hui 90 ans ; elle ne peut plus travailler,' et n’a pour vivre que les modiques subsides du bureau de bienfaisance de Merville. »
- Récemment, dans une réunion d’anciens soldats, on enten- dait un vétéran blessé et fait prisonnier à Forbach, évadé, blessé de nouveau à l’armée de la Loire, paralysé par suite de ses blessures, raconter qu’il n’a réussi qu’en 1882 à obtenir un secours de 285 fr., à peine suffisant pour l’achat de ses médicaments, et qu’il venait d’assigner le ministre de la guerre devant le Conseil d’État pour obtenir une pension de retraite.
- À la même réunion, un ancien sergent-major de l’infanterie de marine dit que, en désespoir de cause, il s’était adressé au Préfet de police et qu’il en avait reçu une médaille de joueur d’orgue avec un brevet de mendiant !
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- La guerre est toujours profitable aux capitalistes, vainqueurs ou vaincus, pris dans leur ensemble. — Nous préférons à une démonstration théorique une leçon de choses, tirée de l’analyse de l’indemnité des cinq milliards. On sait ce qu’elle a été ; on ignore généralement ce qu’elle aurait dû être.
- II y avait deux manières de payer cette rançon • l’une, la véritable, consistait à prélever un tantième sur la fortune de chacun, jusqu’à concurrence de la somme à payer ; l’autre, celle que l’on a adoptée,a demandé à un emprunt les capitaux exigés par les Prussiens.
- Par l’emprunt, les capitalistes n’ont supporté aucun des
- effets désastreux de la défaite de la France ; les seuls vaincus ont été les Alsaciens brutalement séparés de la France, les cultivateurs et les industriels ruinés des départements envahis, les soldats morts ou mutilés, et les travailleurs qui supportent les charges des impôts. Pour atteindre les capitalistes il convenait de lever une contribution proportionnelle sur chaque français possédant quelque fortune en immeubles, meubles, capitaux ou marchandises. En procédant ainsi la totalité des Français aurait supporté une part du malheur national. Ce prélèvement aurait réduit la fortune de chaque citoyen de moins de 3 0/0, puisque la richesse publique minima de la France est évaluée à 250 milliards.
- Les classes dirigeantes n’ont pas même examiné cette solu-^on si rationnelle. En recourant *â l’emprunt elles ont voulu ne pas participer au malheur public; même elles ont frappé la France meurtrie d’une servitude plus lourde que celle imposée par les Prussiens.
- En effet, en payant les vainqueurs avec une part de la fortune de chacun, dés le paiement de l’indemnité de guerre, la France était complètement libérée. En recourant à l’emprunt, émis à près de 6 0/g, tous les treize ans, la nation française paie, en intérêts, aux capitalistes prêteurs, une somme égaie au montant de l’indemnité exigée par l’Allemagne.
- Nous nous sommes débarrassés des Prussiens,les vainqueurs, qui avaient combattu, en payant une fois cinq milliards ; mais les capitalistes, les vainqueurs qui ont spéculé, exigeront tous les treize ans une pareille indemnité payée en treize annuités, sous forme d’intérêts trimestriels.
- Que l’on se rappelle la situation du citoyen Bégot et de la Ve Laviolette ; qu’on la compare à celle du capitaliste ayant acqui ; pour 100,000 francs de titres de l’emprunt dit national. Ces 100,000 francs de titres représentent aujourd’hui une valeur de cent trente-cinq mille francs ; ce qui n’a pas empêché le souscripteur d’avoir déjà reçu en intérêts une somme égale à son premier versement, et ce qui ne l’empêchera pas de continuer à jouir indéfiniment de pareille aubaine.
- Avons-nous raison de prétendre que, dans les guerres actuelles, les capitalistes profitent des victoires et exploitent les défaites, consciemment ou inconsciemment? ~
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- La guerre n’a plus aucune raison d’être.
- — L’analyse de ce que l’on est convenu d’appeler le progrès militaire contient un grand nombre d’enseignements salutaires.
- Il faut apprendre aux citoyens à interpréter ces perfectionnements incessants de l’outillage militaire, qui ont permis, en quelques années, de décupler ses effets destructeurs, comme une preuve de la puissance humaine en toutes choses.
- Il faut qu’ils se persuadent que, par une égale application à la recherche du mieux dans n’importe quelle autre branche de l’outillage national, ils peuvent obtenir des résultats aussi importants, ayant pour effets la multiplication des moyens de
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- production et la création du bien-être général.
- A d’autres époques, les guerres avaient pour les hordes indisciplinées l'attrait du pillage ; puis elles procuraient aux vainqueurs des quantités de richesses beaucoup plus considérables,que s’ils avaient employé les mêmes efforts à la,production. Aujourd’hui le fait contraire est indiscutable ; cela a été suffisamment prouvé dans le chapitre la paix armée. Les motifs tirés de l’augmentation du bien-être, que l’on pouvait invoquer autrefois à l’appui de la nécessité des guerres, n’ont plus aucune base.
- Certains prétendent que la guerre est un puissant moyen de généraliser le progrès social ; cela ne peut être vrai que s’il s’agit de peuples sauvages résistant au progrès ; mais i1 existe des moyens pacifiques de civilisation infiniment plus efficaces que les violences de la guerre. Puis, nous savons par expérience que la victoire n’appartient pas toujours à la nation la plds progressiste.
- La guerre pouvait être la condition nécessaire du progrès politique, avant la vulgarisation de l’imprimerie, qui, elle, n’est jamais vaincue ; elle défie les rois, les empereurs, les réactions. Alors quelle semble les servir, elle les diminue encore, parce quelle apprend toujours à les connaître.
- On le voit, au point de vue matériel et moral la guerre entre civilisés a perdu ses raisons d’être.
- Même, tous les gouvernements déclarent n’avoir aucune intention aggressive. Tous expliquent leurs armements par des considérations d’ordre défensif.
- N’est-il pas rationnel, dans ces conditions, étant donnée l’évidence des absurdités des armements, de mettre, par le désarmement, chaque peuple dans l’impossibilité d’attaquer ses voisins. Ceux qui refuseront démontreront eux-mêmes le caractère mensonger de leurs déclarations pacifiques.
- Politique conservatrice et Politique pacifique
- Les amis de la paix ont la mission de lutter contre les préjugés populaires, de surveiller et de démasquer les manœuvres des gouvernements.
- C’est surtout vers Berlin qu’il convient de tourner les regards. La cour de l’empereur Guillaume, depuis la défaite de la France, est devenue véritablement l’axe de la politique européenne.
- Les gouvernements monarchiques et autoritaires ont besoin, pour se conserver, de complications qui aboutissent à des catastrophes d’où les peuples sortent meurtris, mutilés, suffisamment anémiés pour perdre avec leurs biens la force de défendre leurs libertés les plus précieuses.
- Mais les gouvernements savent que tous les faits concourant à leur conservation, pour être acceptés par les masses, doivent être considérés par elles comme des entreprises des-
- tinées à développer la prospérité générale. Ainsi, iis s’attacheront à faire considérer par leurs sujets l’arbitrage et le désarmement comme deux projets utopiques susceptibles de compromettre F indépendance des nations.
- Il n’est pas difficile de comprendre que la diplomatie allemande a pour objectif de provoquer chez le peuple allemand assez d’enthousiasme et de colère pour le précipiter de nouveau contre la France, avec l’approbation sinon avec le concours des autres puissances.
- Dans ce but, le gouvernement allemand, absorbé par l’idée extravagante de fonder un empire capable de mesurer le progrès à l’Europe, selon les vues étroites et rétrogrades de la dynastie prussienne, ne concevant pas un autre moyen que la force brutale, s’applique uniquement à fomenter la discorde, après s’être créé une situation politique, qui fait siens tous les prétextes de guerre accumulés dans notre vieux continent.
- En Orient, M. de Bismarck a mis la main sur le gouvernement de la Serbie.
- En Italie, le chancelier allemand à su exploiter la peur du gouvernement d’être renversé par les républicains et fait espérer au fds de Victor-Emmanuel et à une partie de ses sujets de recouvi er la Savoie à la suite d’un nouveau démembrement de la France républicaine.
- L’état des frontières espagnoles du côté de la France ne permet pas d’appuyer l’intrigue allemande sur un prétexte de revendications patriotiques. Mais l’Espagne a des intérêts en Afrique, au Maroc en particulier,en opposition quelquefois avec les intérêts français. Il peut y avoir là des motifs de guerre entre les deux gouvernements ; aussi l’Allemagne recherche l’alliance de l’Espagne pour se ménager la possibilité d’intervenir dans un conflit Franco-Espagnol.
- Dans quelques provinces de la Belgique, des meneurs allemands ont organisé des manifestations anti-françaises.
- Ce ne sont pas là les plus criminelles manœuvres du gouvernement allemand.
- Il ne néglige rien de ce qu’il croit susceptible de pousser la France républicaine à sortir du calme quelle a si bien observé jusqu’à ce jour. On a. organisé une presse gallophobe ayant mission d’injurier et de provoquer sans cesse l’adversaire contre lequel on a préparé une coalition européenne. On persécute les Alsaciens qui ont conservé le culte de la France. Les généraux Allemands sont en permanence 4 nos frontières et les espions parcourent sans cesse nos départements.
- Chaque jour, on reproduit dans les feuilles d’outre-Rhin des articles hostiles aux Allemands, articles publiés dans des journaux édités en France et commandités par un argent dont on cache l'origine, ce qui en indique suffisamment la provenance. On exagère les forces militaires françaises pour imposer à l’Allemagne des charges au-dessus de ses moyens. On ne cesse de répandre des imprimés injurieux pour la France, des chansons grossières, en vue d’exciter les passions les plus viles du peuple, en lui laissant entrevoir qu’il pourra les sa-
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- tisfaire dans une nouvelle invasion. Pour communiquer la haine du nom français, on fait publier dans certains journaux de la presse reptile des articles attribuant au gouvernement allemand des projets de désarmement,tandis quel’on écrit dans d’autres que les seuls empêchements à la réalisation de ces bienfaits proviennent des préparatifs de la France, décidée à tout bouleverser en vue d’une revanche. L’excitation des mauvaises passions, la corruption des bons sentiments sont pratiquées d’une manière générale, méthodique, continue, au sein du peuple allemand, dans le but unique de créer et d’entretenir la haine contre la France.
- D’un autre côté on ne peut présumer que la cause de l’arbitrage et du désarmement est sympathique au gouvernement Français.
- Les sous-entendus des discours des hommes politiques, les réticences de la presse,les tentatives d’alliances avec la Russie, enfin la puissance de nos armements ne sont-ils pas une preuve de nos secrètes intentions ?
- N’est-ce pas avec la volonté de perpétuer la colère des Français, que l’on exagère les effets de la concurrence allemande, en la rendant responsable de toutes les perturbations économiques, lorsqu’une grande partie de ces maux provient de l’imprévoyance de nos hommes d’Etat, de nos industriels et de nos intermédiaires.
- Ces exagérations, ces faux bruits, ces manœuvres pour troubler Fopinion publique sont l’œuvre des pêcheurs de la diplomatie conservatrice.
- À cette servante du passé nous opposerons la politique pacifique, lorsque seront cohésionnés et fortifiés les groupements, dont nous aurons à parler dans nos chapitres « État de la question » « La Propagande de la Paix. »
- Lorsque la propagande de la paix sera assez puissante pour provoquer en France d’incessantes manifestations et pour exercer une pression sur le gouvernement,la politique pacifique devra employer les journaux officieux à donner du retentissement aux moindres détails de ces démonstrations; elle ne devra pas reculer devant la dépense de quelques millions destinés à subventionner, principalement en Allemagne, une presse spéciale consentant cà devenir l’écho pacifique de la démocratie française.
- Cette action salutaire sera certainement encouragée avec conviction par le jeune parti socialiste allemand, qui — cela ne doit jamais être oublié — protestait par la voix de ses représentants, en plein parlement, contre l’annexion de l’Alsace-Lorraine, le lendemain d’une victoire qui portait au délire le chauvinisme germanique.
- Ah ! si la France eût été victorieuse, si l’on eût reculé nos frontières jusqu’au Rhin, quel est le député qui aurait osé une protestation analogue visant les pays annexés, quels sont les électeurs qui auraient pardonné une pareille audace §à leurs mandataires?
- Lorsque les peuples auront été ainsi préparés par les pre-
- mières campagnes de la politique pacifique, le gouvernement ’nitiateur saura faire surgir une occasion d’agir officiellement par sa diplomatie auprès des autres puissances, en leur soumettant ouvertement une proposition d’arbitrage international et de désarmement européen.
- Alors nul ne doutera des intentions pacifiques de ce gouvernement initiateur ; et ceux qui repousseront cet examen seront bien près de perdre la confiance de leurs administrés.
- La persistance de M. de Bismark à employer tous les moyens propres à fausser la conscience des sujets de l’empereur Guillaume est une preuve des craintes intérieures que lui inspirent les sentiments progressistes de la majorité des Allemands.
- En éclairant le peuple allemand sur les aspirations pacifiques de la France, on lui apprendra à comprendre la véritable signification des menées de ses dirigeants.
- L’équivoque est le procédé de la politique conservatrice. La politique pacifique se distinguera par la franchise de sa diplomatie.
- Ceux qui veulent créer la nécessité de la nouvelle politique d’où sortira la diplomatie pacifique, qui parlera aux peuples au lieu de conspirer dans les ministères, ont le devoir d’exprimer catégoriquement comment ils comprennent le désarmement européen, et quelles conditions ils sont disposés à accepter eux-mêmes avant de déposer les armes.
- Nous ne pensons pas qu’ils puissent demander moins que la neutralisation ce l’Alsace-Lorraine.
- Neutralisation de l’Alsace-Lorraine
- Parler de paix, d’arbitrage, de désarmement européen, lorsqu’il y a deux grandes puissances, l’une ayant perdu une riche province, l’autre l’ayant conquise, il y a à peine quelques années, sans vouloir se prononcer sur cette question brûlante, serait le fait d’esprits timides, que ne peuvent suivre des hommes convaincus et désireux de faire une propagande fructueuse.
- Les .groupes étrangers, par déférence, n’ont pas voulu prendre l’initiative de formuler une solution à cet égard. Mais les groupes français ne doivent pas se constituer sans émettre une proposition acceptable.
- L’Alsace-Lorraine est l’unique prétexte,avoué et avouable, des armements formidables de l’Europe occidentale.
- Les amis de la paix n’ont pas le droit d’élever la voix, s’ils ne déclarent d’abord comment ils prévoient triompher des difficultés inhérentes à cette situation.
- Il n’est pas inutile de faire précéder l’examen de cette question de quelques considérations historiques.
- L'Alsace n’a pas toujours été française. Une partie fut annexée à la France en l’année 1648 par le traité de West-phalie, après la guerre de trente ans.
- Le ministre qui dirigeait les négociations était Mazarin.
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- Parmi les généraux qui avaient contribué à cette conquête se trouvaient • les Condé, les Turenne. L’Europe était épuisée par une longue guerre. La diplomatie française, fière de sa prépondérance, imposait ses conditions aux vaincus avec autant d’arrogance qu’en mettait M.de Bismarck à faire signer le traité de 1871. Plus tard, au mépris des traités, et par une surprise, la ville de Strasbourg était,elle aussi,ajoutée à la France.
- Après la conquête, les provinces annexées furent confiées pendant quelque temps à l’administration du féroce Louvois qui conduisit la pacification à la manière dont il dirigea les dragonnades dans le Midi.
- Voilà comment l’Alsace devint française ; nous savons comment elle est devenue allemande.
- Il est inutile d’examiner la valeur morale des traités, de celui qui nous donna l’Alsace et de celui qui nous l’a reprise. Dans les deux cas, ils ont été la sanction de faits accomplis par la violence et acceptés par le faible sous la contrainte du fort.
- Mettant de côté tout casuisme de droit international, nous nous préoccupons de propager une solution compatible avec les intérêts et les sentiments publics des deux peuples.
- Demander le retour à la France, sans compensation, de l’Alsace-Lorraine serait provoquer directement l’Allemagne.
- La France ne peut aliéner aucune partie de son territoire. Elle n’a pas le droit, à l’exemple des monarchies, de se prêter à un arrangement qui la ferait complice de l’Allemagne, en vue de procurer à celle-ci une compensation conquise sur une autre nation.
- Une indemnité pécuniaire, payée à l’Allemagne en échange de l’Alsace-Lorraine, serait, en principe, acceptable par les deux puissances. Evaluée à une juste mesure, elle ne porterait atteinte à l’honneur national de l’une ni de l’autre.
- Les difficultés proviendraient probablement de cette évaluation. D’ailleurs, de nombreuses considérations militent contre cette proposition. Une œuvre de paix ne doit pas aggraver une situation financière déjà trop compliquée.
- La neutralisation de l’Alsace-Lorraine, établie par un arbitrage international des puissances européennes, serait préférable à tous les autres arrangements.
- La fierté allemande ne pourrait en être blessée, puisque, dans ce cas, l’Allemagne ne céderait rien à la France, ce serait un gage de paix qu’elle donnerait à l’Europe tout entière, tandis qu’elle profiterait elle-même de tous les avantages du désarmement et de la sécurité nouvelle procurée à chaque nation par les garanties sorties des décisions du Congrès, qui engageraient toutes les nations contractantes dans le cas de violation d’une des clauses,
- La France ne peut réclamer davantage. Il ne faut pas oublier qu’elle fut coupable en déclarant une guerre injuste ; elle doit racheter par un sacrifice appréciable les avantages d’un avenir pacifique.
- Les Alsaciens-Lorrains, les plus intéressés dans la question, préféreraient probablement décider de leur sort par un vote librement exprimé. Mais l’Allemagne, prévoyant le retour de ces provinces à la France à la suite d’une pareille consultation, n’accepterait pas un congrès arbitral qui n’aurait pas préalablement écarté l’examen de cette éventualité.
- Ces vaillantes populations ne refuseront pas de sacrifier leurs préférences à la paix générale.
- Elles sauront apprécier quels avantages considérables résulteront pour elles de la neutralisation.
- L’Alsace-Lorraine, devenue maîtresse d’elle-même, aura une situation politique comparable à celle de la Suisse.
- Pour qui connaît la puissance industrielle et la richesse agricole de cette province, il n’est pas douteux que la neutralisation procurerait plus d’avantages aux populations que le retour à une France épuisée par ses armements et par les folies de ses gouvernants.
- Petite puissance autonome, sauvegardée par le concert européen, l’Alsace-Lorraine serait soustraite aux charges écrasantes de la centralisation dans les grandes nations européennes.
- Libre de son administration, de ses finances, de sa langue, n’étant grevée d’aucune dette, administrée selon le tempérament de ses habitants, l’Alsace-Lorraine donnerait bientôt au monde l’exemple d’une prospérité sans précédent dans la vie des peuples.
- Combien d’hommes utiles, de talents ignorés, qui, poussés par les nécessités de la vie publique, apporteraient à la prospérité générale des capacités qu’ils ne peuvent utiliser par eux-mêmes et qui passent inarperçues dans les grandes nations^
- Chez beaucoup d’Alsaciens-Lorrains les sympathies françaises sont si vivaces qu’elles sont au-dessus des considérations rationnelles.
- Après la neutralisation, rien ne pourra empêcher ces fervents de participer à la vie publique dans leur petite nation et d’y faire prévaloir une politique étrangère en accord avec les aspirations françaises.
- Que ces patriotes consentent à devenir une barrière entre les deux nations ; bientôt ils seront le lien qui unira définitivement les deux peuples.
- Le dévouement à la France et la volonté de redevenir français se constatent peut-être davantage chez les femmes que chez les hommes. Mais elles sont mères, elles sont épouses, fiancées ; ces situations les disposeront à accepter un arrangement qui préservera des dangers de la guerre les êtres chéris par elles.
- Sous l’influence des écrits des rêveurs et des poètes, elles se sont fait une idée particulière de la gloire militaire. Elles ont oublié les conditions réelles de la vie du soldat, en l’entendant glorifier par les sophistes.
- La mort du soldat n’est pas glorieuse, elle est horrible.
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- Ali ! si chacune de ces mères, de ces sœurs, de ces épouses, qui rêve une revanche, au prix d’une guerre dont on ne peut prévoir toutes les ruines, avait vu tomber sur un champ de bataille les hommes atteints d’atroces blessures sous les coup d’ennemis le plus souvent invisibles ; si elles étaient passées à côté de tas de cadavres et d’agonisants assemblés pêle-mêle,où l’on voit des visages livides, ensanglantés, ouvrir de grands yeux qui ne perçoivent plus la lumière, d’où pendent dés bras, des jambes qui s’agitent convulsivement, sans que l’on puisse voir à quels corps ces membres appartiennent ; si elles avaient vu ces monceaux de morts et de mourants dégoûtants de sang, où viennent encore se ficher les balles et la mitraille, soulevés à certains moments par les dernières convulsions des moribonds ; si elles avaient conscience de toutes ces horreurs, elles seraient certainement les plus ardentes à demander le maintien de la paix.
- Si les Alsaciens-Lorrains veulent réfléchir, ils comprendront que, mis en possession d’eux-mêmes, ils peuvent se préparer une patrie plus belle et plus juste que la patrie française, tant exaltée par un chauvinisme intempestif.
- La France, il est vrai, s’est débarrassée de l’oppression des rois et des nobles ; elle a inscrit en tête de sa constitution la grande déclaration des droits de l’homme.Mais cela l’a-t-il empêchée de tomber aux mains des parlementaires et de devenir la proie des hommes de finances ?
- Cette patrie n’est-elle pas infestée de cléricalisme et de bonapartisme dans un grand nombre de départements?
- Dans sa capitale on enregistre chaque jour des morts causées par la faim.
- Matériellement, l’Alsace-Lorraiiie retirera des avantages inappréciables de la neutralisation. N’y aurait-il pas pour ce peuple un grand honneur d’avoir été le gage de la paix européenne?
- Que les patriotes d’Alsace-Lorraine, que tous ceux qui rêvent une revanche éclatante méditent les sombres probabilités dont nons venons de les entretenir ; qu’ils réfléchissent aux certitudes de bonheur pour les Alsaciens-Lorrains à la suite d’une neutralisation ; ils comprendront que les vrais patriotes doivent se consacrer àfaire prévaloir une solution aussirationelle.
- Arbitrage international.
- L’arbitrage entre les particuliers et les peuples tend à devenir de plus en plus fréquent.
- Dans un arbitrage entre particuliers, chaque partie nomme ses arbitres et s’engage, par écrit, avant leur réunion, à accepter leur décision; de la sorte le condamné ne peut interjeter appel sans devenir ouvertement parjure. Les arbitres, dans leurs jugements, s’inspirent davantage de leur conscience que des prescriptions légales.
- L’arbitrage, tel qn’il est généralement pratiqué, a conservé toutes les formes d’un expédient. La formation d’un tribunal arbitral naît ordinairement d’un incident et disparait avec lui.
- Pour retirer de la pratique tous les avantages de l’arbitrage entre particuliers, il y aurait lieu de constituer par l’élection des tribunaux permanents d’arbitrage, dont les membres seraient mandatés pour un certain nombre d’années.
- De même pour les nations, les solutions véritables ne peuvent sortir d’arbitrages accidentels; elles proviendront d’un Congrès arbitral permanent, dont toutes les nations contractantes reconnaîtront l’autorité.
- C’est d’un tribunal de ce genre,dont nous attendons la neutralisation de l’Alsace-Lorraine, le réglement des autres questions de politique internationale actuellement en suspens, et le désarmement européen.
- Sans avoir la prétention d’indiquer le meilleur moyen de constituer ce tribunal arbitral européen, nous soumettons un projet afin d’apporter un concours positif à l’œuvre de la paix.
- Dans notre chapitre « L'i Propagande de la Paix » nous dirons comment nous comprenons la possibilité d’amener une nation à prendre l’initiative d’une démarche préliminaire par voie diplomatique auprès des autres gouvernements.
- La nation initiatrice, avant de mettre sa diplomatie en action, doit avoir élaboré certaines parties de la question, suffisamment nombreuses pour que leur ensemble puisse être présenté comme conditions préliminaires de la réunion d’une conférence internationale ayant mission de chercher les moyens pratiques de substituer l’arbitrage à la guerre.
- Voici quels sont, à notre avis, les points communs qui doivent être résolus par voie diplomatique avant la réunion de la conférence :
- 1° Tous les Etats constitués de l’Europe peuvent participer à la conférence.
- 2° Ils ont chacun droit au même nombre de délégués à la conférence.
- 3° Chaque nation conserve toute liberté dans le choix et dans les procédés de nomination de ses délégués.
- 4° Chaque gouvernement adhérent au projet de conférence et de tribunal arbitral, s’il y a lieu de le constituer, s’interdit formellement l’examen de la politique intérieure des autres nations.
- 5° La division géographique de l’Europe, au moment de la réunion de la conférence internationale, est admise comme base d’ordre, sous réserves des décisions du Congrès.
- 6° Le principe de la neutralisation de l’Alsace-Lorraine est admis.
- 7° Chaque gouvernement s'engage à participer à la formation du Congrès arbitral et à obéir à ses décisions, si les deux tiers des membres de la conférence déclarent qu’il y a lieu de fonder cette institution internationale.
- 8° Les décisions seront valables à la majorité des deux tiers des voix du Congrès arbitral.
- 9° Après la constitution du Congrès arbitral, la conférence délibère sur un projet d’armée européenne et règle la distribution de cette armée et du matériel de guerre.
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- 10° Cette conférence décidera ensuite le désarmement général des armées des nations ayant accepté l’arbitrage. Le Congrès arbitral sera une juridiction sans appel.
- 11° Dans le cas de différend entre deux nations ; les deux gouvernements peuvent constituer librement un arbitrage particulier, l’intervention du Congrès arbitral ne sera obligatoire que d’autant que les moyens ordinaires de conciliation n’auront pu aboutir.
- 12° Les moyens coercitifs consisteront à interdire au rebelle toute communication avec les autres peuples, à désarmer et à interner ses nationaux enrôlés dans l’armée européenne. Toutes les nations contractantes sont solidaires dans l’exécution des arbitrages du Congrès européen.
- La proposition accordant le même nombre de représentants à tous les gouvernements soulèvera surtout des objections. On dira qu’il vaut mieux accorder à chaque nation une délégation proportionnelle à sa population. Cette objection serait juste, si le Congrès arbitral avait une action directe sur les sujets, mais il n’aura qu’à se prononcer sur des questions supérieures, au nom de principes et d’intérêts aussi entiers pour toutes les nations, grandes ou petites.
- La sanction consistant, en quelque sorte, à la mise en quarantaine d’une nation rebelle, est préférable à la coercition armée ; elle est aussi la plus efficace, parcequ’elle atteint dés le début les parties les plus riches de la nation, les classes dirigeantes ; puis, elle respecte la vie humaine, base de tout principe social.
- Nous le répétons notre projet est rédigé en vue de pousser les groupes à chercher les conditions générales qui doivent être résolues avant la réunion d’une conférence européenne. Disposé à accepter tous les projets pratiques, nous avons émis ces propositions comme un exemple de ce qu’il convient de faire. Nos aspirations ne s’arrêtent pas à l’arbitrage international, nous voudrions la République universelle. Mais nous savons que les hommes les plus avancés paralysent souvent le progrès en s’en tenant exclusivement à leurs préférences personnelles.
- État de la question
- Le nombre des arbitrages internationaux suit depuis quelques années une progression marquée.
- Plusieurs États, l’Italie principalement, inscrivent dans leurs traités de commerce des clauses prévoyant que, dans les cas de contestation, les différends seront soumis à l’arbitrage d’une autre puissance.
- De 1794 à 1870, le nombre des traités conteaant des clauses relatives à l’arbitrage o été de 21, tandis que de 1870 à 1882 il y a eu 16 traités qui obligent les nations contractantes à recourir à l’arbitrage dans le cas de contesiations.
- Voici la liste des applications du principe d’arbitrage avec le nom des nations contractantes et l’année du contrat.
- 1. États-Unis d’Amérique et Grande-Bretagne . . 1794
- 2 États-Unis et France......................1803
- 3. États-Unis et Espagne.....................1818
- 4. États-Unis et Grande-Bretagne.............1826
- 5. États-Unis et Hollande....................1834
- 6. France et Angleterre......................1835
- 7. Angleterre et Amérique.................... 1838
- 8. États-Unis et Portugal...................1858
- 9. États-Unis et Angleterre..................1853
- 10. États-Unis et Angleterre....................1855
- 11. États-Unis et Chili.........................1858
- 12. États-Unis et Paraguay......................1859
- 13. États-Uuis, Canada et Gosta-Rica............1860
- 14. Grande-Bretagne et Brésil...................1863
- 15. États-Unis et Pérou........................... 1863
- 16. États-Unis et Grande-Bretagne...............1864
- 17. États-Unis et Équateur......................1864
- 18. France et Prusse............................1867
- 19. Turquie et Grèce............................1867
- ,20. Angleterre et Espagne . ....... 1867
- 21. États-Unis et Grande-Bretagne. (affaire de
- l’Alabama)....................................1871
- 22. Etats-Unis et Grande-Bretagne...............1872
- 23. Italie et Suisse............................1874
- 24. Grande-Bretagne et Portugal.................1875
- 25. Chine et Japon..............................1876
- 26. Perse et Afghanistan........................1877
- 27. États-Unis et Espagne.......................1879
- 28. Grande-Bretagne et Nicaragua................1881
- 29. États-Unis et France........................1880
- 30. États-Unis et Costa-Rica....................1881
- 31. France et Nicaragua......................... 1881
- 32- Chili et Colombie........................... 1881
- 33. Grande-Bretagne et Nicaragua................1881
- 34. Chili et République Argentine................. 1881
- 35. États-Unis et Grande-Bretagne ..... 1881
- 36. Hollande et Haïti...........................1882
- Cette énumération prouve combien la pratique de l’arbitrage international tend à se généraliser.
- Aux États-Unis, en Suisse, les présidents de ces Républiques sont ouvertement acquis à l’arbitrage international ; en Angleterre, M. Gladstone ; en France, M. de Lesseps ; en Italie, M. Mancini ; en Allemagne, MM. Wirchow et Dolfus.
- Dans tous les pays civilisés, il existe des journaux, des publications, des associations dirigées par des personnages en haute situation, agissant uniquement en vue de faire prévaloir l’idée de paix.
- Des congrès sont fréquemment organisés pour amener l’action commune internationale des divers groupes.
- Le congrès international de 1882, séant à Bruxelles, auquel M. Godin prit une part active, a décidé le principe de l’action internationale et en a jeté les premières bases en confiant à l'Association internationale de la Grande-Bretagne et de l’Irlande pour la paix et l’arbitrage la mission d’organiser des groupes internationaux dans les autres pays. M. Hodgson Pratt président du comité exécutif de cette société a été envoyé
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- en France pour constituer des groupes nationaux fédérés à la Ligue internationale. C’est à son initiative que nous devons l’existence à Paris de la Ligue internationale fédérale d’arbitrage et de Paix et de la Ligue des travailleurs.
- En France,on compte des groupes nombreux agissant soit isolément, soit d’après le mot d’ordre de la Fédération internationale dont M. Desmoulins est le secrétaire, rue Brochant, 37,soit d’après la Ligue des Travailleurs,secrétaire M.Brissac, 88, rue Mouffetard. La société parisienne, les Amis de la Paix, présidée par M. Passy, compte un grand nombre d’adhérents ; elle publie un bulletin de ses travaux, 30,rue Tait— bout. Notre journal le Devoir, mène depuis longtemps, sous la direction de M. Godin,uneénergique campagne en faveur de l’arbitrage et du désarmement, question que le fondateur de Guise a magistralement exposée dans son ouvrage « Le Gouvernement. »
- La Ligue internationale de la Paix et de la Liberté ayant son siège principal en Suisse,quai desBergues,l,et représentée à Paris par M. Ch. Lemonier, rue Tronchet, fait une propagande soutenue avec son journal les États-Unis d'Europe.
- En Angleterre, on trouve à la tête du mouvement pacifique le célèbre Henry Richard,membre du Parlement, dont la vie entière a été consacrée à la cause. L’association jPeace society, qui compte parmi ses membres l’honorable Henry Richard, fondée depuis 68 ans, a p our organe The Herald of peace and international arbitration, 47,New Broad Street, E.C. London.
- The Worckmen’s peace assocation publie depuis onze ans le journal The Arbitr.ator, 9, Buckingham Street, Strand, London. Cette société est présidée par M. W. E. Worley; le secrétaire est M. W. R. Cremer.
- La propagande anglaise est vigoureusement servie par Y Association internationale de la Grande-Bretagne et de l’Irlande, dont le comité exécutif est présidé par M. Hodgson Pratt ; M. Appleton est le secrétaire de ce comité ayant son siège, 38, Parliament Street S. W. London.
- L’Italie, la Belgique, le Danemark, la Suède, la Hollande, les Etats-Unis, comptent de nombreuses sociétés de paix et d’arbitrage.
- Les divers parlements de l’Europe ont 122 de leurs membres inscrits dans les sociétés poursuivant l’arbitrage international et le désarmement européen.
- Depuis quelques mois, en France, la propagande prend une extension considérable. En très peu de temps, le Devoir a publié près de 4.000 adhésions nouvelles aux principes d’arbitrage et de désarmement. Cette revue accorde, chaque semaine, une large place à tout ce qui peut faciliter la formation des groupes et la publicité de leurs délibérations.
- La propagande de la Paix
- La propagande a pour but de créer dans les nations un oourant d’opinion capable d’imposer à un gouvernement une
- action politique analogue à celle dont nous avons parlé dans les chapitres « Politique conservatrice et politique pacifique » « l’arbitrage international. »
- Il y a beaucoup à faire avant d’avoir créé un gouvernement agissant, à l’intérieur et à l’extérieur, suivant les données de la politique pacifique.
- A quand la solution? Combien durera la période de propagande ?
- Tout le temps qu’il faudra pour recruter en Europe un nombre d’hommes résolument décidés à ne plus vouloir la guerre et assez puissants pour décider les autres à désarmer.
- La solution dépend uniquement de la volonté des hommes ; elle ne rencontrera aucune difficulté matérielle.
- Pour obtenir ce changement dans les volontés, il faut faire une éducation nouvelle des individus.
- S’il s’agissait d’apprendre à lire à un peuple ignorant et qu’on demandât quel temps durerait l’enseignement, on répondrait que cela dépendrait de la méthode et du nombre des professeurs. Si l’on ne disposait que d’un professeur par million d’ignorants, il serait difficile de prévoir la fin de la période éducative ; si l’on avait un maître par 500.000 individus, le délai serait moins long ; avec un professeur par 1.000 habitants, quelques années seraient suffisantes ; enfin, on serait certain d’atteindre le résultat final, en moins d’une année, en ayant un instituteur par chaque centaine de citoyens.
- En ce qui concerne la paix, s’il se trouvait, en France,par département, un citoyen,un seul, indépendant, possédant une fortune personnelle assez élevée pour lui permettre de se consacrer à l’œuvre de la paix, et résolu à ne pas s’occuper d’autre chose jusqu’à ce qu’il ait trouvé trois ou quatre militants par arrondissement, militants aussi bien dotés que lui-même, pécuniairement et moralement, il faudrait moins de deux ou trois ans pour recruter les propagandistes d’arrondissement; et, lorsque ceux-ci seraient constitués et auraient commencé à agir dans chaque canton, suivant la méthode des premiers vis à vis des arrondissements, on ne peut douter qu’on créerait en moins de dix ans un mouvement d’opinion publique assez puissant pour contraindre les gouvernants à subir les impulsions des propagandistes de la paix.
- Il serait utopique de supposer qu’il surgira tout d’un coup un homme, par département,ayant la vocation d’un pareil apostolat, alliée aux possibilités financières d’obéir aux inspirations de son dévouement. Mais on ne peut douter que l’on recruterait en grande partie ces champions de la justice, si les groupes déjà constitués savaient réunir assez de fonds pour mettre en campagne à cet effet cinq ou six hommes énergiques d'une grande activité et d’une honorabilité incontestée, ayant mission de sillonner la France pour y découvrir les premiers propagandistes. Lorsque ceux-ci seraient trouvés,ces voyageurs continueraient . leurs rôles de colporteurs de l’idée de paix ; ils constateraient les progrès et les défaillances de la propa-
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- gande ; encourageraient l’un,guideraient l’autre ; donneraient à tous l’exemple d’une infatigable ardeur.
- Quant à la méthode, la meilleure, il nous semble, est celle qui s’adresse aux individus avant de vouloir agir sur les masses. Les impressions les plus favorablement accueillies par les foules ne sont pas durables,lorsqu’il ne se trouve pas au milieu d’elles un certain nombre de chefs de file préparés d’une manière spéciale aux rôles de répétiteurs, de moniteurs, d’agents, d’éducateurs.
- Étant donné que vivre en paix est le réel besoin de la vie sociale, lorsqu’on a constaté chez quelqu’un l’existence de ce sentiment, le plus difficile est de donner conscience à chaque citoyen de ce qu’il peut,. individuellement, en vue de la satisfaction de ce besoin de paix,
- On constatera qu’un homme désire la paix par une série de questions appropriées à son état intellectuel, moral, à sa profession, à son âge, à sa situation particulière.
- En général, on ne doit jamais considérer comme sérieuse la première réponse d’une personne, qui, consultée sur ses intentions pacifiques, répond catégoriquement que la guerre est une nécessité, qu’elle a toujours existé et existera toujours, qu’il y a folie à s’occuper de désarmement, lorsque l’Europe entière est sous les armes et lorsqu’il existe des cas aussi graves que la question d’Alsace-Lorraine, que la question d’Orient, etc., etc. On ne doit pas se déconcerter davantage en face d’une première déclaration empreinte du plus pur chauvinisme patriotique.
- Si vous voulez faire une expérience concluante, adressez-vous à un officier mécontent, qui, soit à cause de ses opinions politiques, de la couleur de ses moustaches, delà hauteur des talons de ses bottes, soit parce qu’il ne danse pas ou qu’il a horreur de l’absinthe, même offerte par son colonel, en un mot,à un officier qui aacquis la certitude de ne pas dépasser le grade de chef de bataillon, c’est le cas des dix-neuf vingtième; parlez lui de désarmement, il haussera d’abord les épaules ; insistez, il deviendra furieux, les mots patriotisme, revanche, Alsace-Lorraine, honneur national, devoir du soldat se croiseront dans une sortie désordonnée finissant par un serment intempestif d’être prêt à tout souffrir même à mourir, pour rendre à la nation ses frontières et son prestige. Impassible, vous essuyez ce premier feu; lorsque le calme est revenu, ou mieux, dans une autre circonstance, vous persuadez votre homme avec beaucoup d’habileté que vous connaissez une excellente situation dans l’industrie, parfaitement en rapport avec ses aptitudes, n’exigeant pas plus de cinq ou six heures de travail quotidien, permettant quelques vacances dans le courant de l’année, avec des appointements de dix mille francs, cinq mille francs à l’entrée, et un fort dédit dans le cas de renvoi ; si vous l’amenez à être convaincu que vous pouvez lui faire obtenir cet emploi, et s’il ne vous supplie d’intervenir en sa faveur, vous pouvez croire à la sincérité de ses premières paroles.
- Dans la vie civile vous trouverez moins de récalcitrants, mais vous en trouverez. Si les objections banales proviennent d’un homme encore vert, en état de porter les armes, demandez lui s’il a été soldat pendant la dernière guerre, s’il est disposé à reprendre l’alignement et le fusil ; s’il se retranche sur son âge, ses charges de chef de famille, et le « chacun son tour, » ne croyez rien de son prétendu patriotism e.
- Si vous avez affaire à un père de famille, demandez lui s’il est disposé à ne faire valoir aucune dispense en faveur de ses fils, à ne tenter aucune démarche pour les faire caser dans une sinécure administrative, pendant que les autres iront au feu ; si vous recevez une réponse affirmative vous serez en face d’une exception.
- Vous pouvez encore classer dans la même catégorie l’adolescent auquel vous aurez fait entrevoir les fatigues et les dangers de la guerre, l’obligation de renoncer à sa famille, à ses amours, la presque certitude de tuer ses semblables ou de mourir lui-même dans des conditions atroces.
- Ne continuez jamais la conversation avec une mère qui vous aura déclaré être prête à sacrifier ses enfants, avec la jeune fille qui renonce à son fiancé. Ces cas seront très rares ; ils ne doivent arrêter le propagandiste que le temps nécessaire à les constater.
- Tous ceux qui auront répondu de manière a être classés dans la catégorie des belliqueux, et le nombre en sera petit, sont gens incorrigibles, dont le militant ne tirera rien de bon.
- Quant aux autres, il n’est pas difficile de les amener à vous accorder, conditionnellement, que vous avez raison, mais qu’il est impossible d’amener les hommes à une entente générale, que les gouvernements, désireux de perpétuer la guerre, sauront toujours enrayer toute action de leurs sujets tendant à la faire disparaître.
- Cette réponse qui n’a pas les apparences réelles d’une objection, et que l’on entend répéter par tous les gens que l’on veut convertir, contient cependant l’aveu d’un mànque de volonté individuelle, qui est le plus grand obstacle à la prompte propagande des moyens de pacification.
- Alors, le propagandiste est arrivé à la partie laborieuse et décisive de sa tâche ; il n’atteindra pas son but, s’il ne rend son interlocuteur conscient de la puissance de la volonté individuelle. Pour vaincre cette résistance, il est important de serrer l’argumentation, sans lui donner des allures savantes ou prétentieuses. Afin de mieux préciser quelle tactique nous jugeons la meilleure à ce moment, nous allons supposer un dialogue entre un propagandiste et un indifférent qui a laissé voir ses vagues aspirations pacifiques :
- Le Propagandiste.— Enfin, tenez vous absolument à voir les guerres se perpétuer ?
- VIndifférent.— Non. Mais la guerre a toujours existé, elle existera toujours.
- Le Prop.—On en dit autant à l’occasion de toutes les choses I nouvelles.
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- Si la majorité des hommes déclaraient ne plus vouloir la guerre, croyez-vous que les gouvernements pourraient persévérer dans leurs armements ?
- L’Ind.— Évidemment non. Mais les hommes sont incapables de s’entendre.
- Le Prop. — Vous voyez toujours les difficultés, même vous les compliquez par la prévision d’une entente préalable, très laborieuse, presque impossible à mon avis pour tous ceux qui la considèrent comme le commencement de la question ; car cette entente est presque la solution du problème, et vous voudriez l’obtenir du premier coup ; vous ne voyez quelle ; mais le premier effort n’est pas si énorme, il est presqre nul.
- Il faut décomposer les difficultés qui nous séparent de cette entente, retenir la première, elle seule, ne pas envisager la seconde avant d’avoir vaincu cette première, et ainsi de suite. Vous verrez que ces difficultés, attaquées une à une, dqht l’ensemble fait reculer les plus intrépides, se réduisent à une extrême simplicité.
- L’Ind.— Comment procédez-vous ?
- Le Prop.— C’est l’entente des hommes qui vous épouvante ; eh bien ! n’en parlons plus, causons simplement de vous.
- VInd.— Je veux bien.
- Le Prop.— Si, vous laissant aller à ce sentiment vague du désir de la paix, vous arriviez à être convaincu que le désarmement serait un grand bien.................................
- L’Ind.— Mais je suis de votre avis sur les bienfaits théoriques de la paix, si elle était possible.
- Le Prop.— Vous pensez donc que si la paix était possible, elle serait un grand bienfait pour les individus.
- L’Ind.— Vous ne me supposez pas assez insensé pour avoir une opinion contraire.
- Le Prop. - Si la masse venait à vouloir la paix,vous n’yap-porteriez aucun empêchement,vous ne feriez aucune résistance.
- L ’Ind.— Vous pouvez le croire.
- Le Prop.— S’il ne dépendait que de vous d’en doter le monde, pourvu qu’il ne vous en coûtât rien, le feriez-vous ?
- L ’Ind. — Certes oui ; ce serait pour moi un vrai bonheur.
- Le Prop.— Croyez-vous être le seul homme delà commune qui pense de la sorte ?
- L’Ind.— Mais non. Au contraire, presque tous les citoyens que je connais vous répondraient comme moi-même.
- Le Prop.— Avez-vous la prétention de penser qu’il n’y a que les hommes de votre commune,de votre canton, qui partagent votre opinion ?
- L’Ind.— Cela n’est pas soutenable. Tous les cantons sont habités par des citoyens ayant à quelque chose près les mêmes idées sur cette question.
- Le Prop.— Pour conclure, je vous* demande simplement de répondre oui chaque fois qu’un honnête homme vous demandera si vous voulez la paix, sans vous préoccuper de savoir 61 les autres veulent on non se concerter avec vous ; oui, et pas autre chose.
- L ’Ind.— Ce n’est pas très compliqué.
- Le Prop.— Vous m’avez accordé que les autres habitants du canton pensaient comme vous, et que la population de ce canton ne différait pas sensiblement de celle des autres centres. Si je fais la même question à tous les habitants du village ou du quartier, et que l’on agisse de même dans les autres villages ou quartiers de toutesles communes de France, partout on répondra,à quelque chose près,comme vous l’avez fait vous-même.
- L’Ind.— Mais oui.
- Le Prop.— Eh bien ! dans le village, dans le quartier, je vais faire la même question individuellement à chaque habitant. La même chose va se faire dans tous les villages et dans toutes les villes de France. Si vous ne vous sentez assez de courage pour m’aider, promettez-moi d’assister aux démonstrations, aux fêtes que nous ferons dans la commune en l’honneur de l’arbitrage international et du désarmement européen.
- L ’Ind.— Il est certain que, si l’on agissait partout comme vous venez de le dire, l’entente entre les hommes s’établirait d’elle-même.
- Le Prop.— Lorsque chacun, sans se préoccuper des autres, a mis sa conduite d’accord avec ce que sa conscience approuve, pér ce seul fait, l’entente existe entre la majorité des hommes qui ont fait cette consultation intérieure.
- En pratiquant méthodiquement ces démarches auprès de chaque citoyen, dans un milieu déterminé, on rencontrerait des sympathies générales souvent timides, mais on recruterait un nombre de militants, suffisant à maintenir sans cesse la question de la paix à l’ordre du jour de l’opinion publique.
- A mesure que des centres, quartiers de villes ou villages, seraient acquis, indépendamment des manifestations, des conférences, des réunions organisées par les meneurs de la localité, il conviendrait que la fédération des groupes fixât un jour férié qui serait une occasion, chaque année, pour tous les amis'de la paix de manifester officiellement.
- De ces démonstration s isolées, de cette fête générale, sortirait bientôt un mouvement d’opinion entraînant la presse, les diverses sociétés privées, les corps délibérants, vers l’étude et l’adoption des meilleurs moyens pratiques d’amener à brève échéance l’abolition de la guerre par une politique intérieure et extérieure sincèrement pacifique.
- Notre patrie est partout où l’on a commencé à comprendre le respect de la vie humaine, en inscrivant en tête de la Constitution sociale la Déclaration des droits de l’homme. Vaine affirmation, si Fon considère les résultats acquis ; sublime effort, lorsqu’on veut qu’elle devienne le critérium des gouvernements et des peuples.
- Tous les êtres humains, résolus à en accepter le principe et à en préparer l’application, possèdent le sentiment patrio -
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- tique. Les actions conformes à ces tendances sont des actes patriotiques ; celles qui paralysent, arrêtent ou amoindrissent ces élans sont des crimes de lèse-patrie.
- L’Alsace-Lorraine était partie intégrante de la patrie où l’on a proclamé les droits de l’homme; la guerre l’a livrée à un pouvoir dominé par les théories de la féodalité. En devenant neutre, l’Alsace-Lorraine reprendra son indépendance ; certainement elle n’hésitera pas à inscrire dans sa constitution les principes de la Révolution française ; alors, bien que séparée de la France, elle sera rentrée dans la vérité patriotique, qui, elle, ne connaît pas de frontières comme toutes les vérités scientifiques.
- La véritable patrie est formée par tous ceux qui comprennent que toute morale, tout ordre, toute réunion d’hommes doit s’inspirer du respect de la vie, respect qui impose aux sociétés et aux individus l’observation des principes si nettement affirmés par le programme du Devoir.
- La véritable patrie n’a rien de commun avec ces agglomérations d’hommes où, sous l’influence d’entraînements irréfléchis et de passions brutales, on se croit patriote, parce que l’on éprouve des désirs belliqueux.
- La véritable patrie est une démocratie débarrassée des rois, des empereurs, des gouvernements 'autoritaires et des institutions contraires à la dignité, à la liberté, à l’épanouissement, à la conservation de la vie humaine.
- Gardons-nous de nous laisser séduire par les erreurs du faux patriotisme inventé pour perpétuer chez les peuples l’ignorance de ses véritables besoins et pour rendre possible l’oppression des masses laborieuses par les classes privilégiées.
- On peut citer des villes riches de notre pays, où l’on laisse rarement échapper une occasion de faire parade de résolutions guerrières, et les électeurs de ces localités n’ont pas encore su constituer des municipalités capables de procurer les ressources nécessaires à l’application de la loi sur l’instruction primaire obligatoire ; plus d’un cinquième des enfants de nombreuses cités ne peut trouver place dans les écoles communales.
- Dans ces centres, les adolescents forment de nombreuses sociétés de tir, de gymnastique, dans le but réel, sinon avoué, de prendre une part active aux luttes de la prochaine guerre. Mais nul ne se montre soucieux de délivrer les enfants conquis par l’ignorance et la misère, tous êtres plus à plaindre que les Alsaciens-Lorrains possédant la fortune.
- Adolescents de la France, formez des sociétés de gymnastique, livrez-vous aux exercices virils ; mais avec la volonté bien arrêtée d’y chercher l’agilité, la souplesse, la force, la beauté, tout ce qui est susceptible de développer et d’embellir la créature humaine ; n’oubliez jamais que vous devez vous préoccuper surtout des moyens de jouir en paix des qualités si précieuses acquises dans ces sociétés, dont certains veulent faire des écoles de meurtre et de pillage.
- Ce sont tous les asservis par la misère et l’ignorance qu’il faut rendre à la patrie française.
- La patrie française est un ensemble de conditions déterminées, nées de l’art, de la littérature, de la science, du climat, du caractère des citoyens, des richesses possibles par l’action intérieure et extérieure des nationaux.
- On ne peut demander le culte de cette patrie à quiconque est incapable de la comprendre ou empêché de jouir de ses bienfaits par l’insuffisance de son développement ou par la mauvaise organisation sociale.
- Il ne suffit pas d’habiter Paris ou Marseille pour être français, il faut être une partie du génie national et posséder le droit effectif de bénéficier des productions matérielles et intellectuelles proportionnellement au concours qu’on leur donne.
- Mais la patrie véritable est plus grande que la patrie française.
- La patrie véritable est celle où l’on vénère l’enfance, où on se prépare à lui donner toutes les cultures propres à faciliter son parfait développement.
- La patrie véritable est celle où l’on respecte la femme, où l’on veut lui accorder tous les bénéfices des droits de l’homme.
- Dans la patrie véritable, on réclame des institutions sociales protectrices du faible, du malade, du vieillard, selon les lois de la vie.
- Dans la patrie véritable l’homme n’exploite pas son semblable, on cherche à faire disparaître par l’association l’antagonisme des intérêts.
- A défaut d’un pays, d’une contrée, contenant une majorité disposée à s’organiser suivant les données du véritable pa . triotisme, il existe une patrie philosophique, idéale, réunissant, dans une même communion avec l’Idée rédemptrice du respect de la vie humaine, tous les citoyens émancipés des servitudes religieuses, historiques et politiques.
- Chacun des citoyens de ce monde nouveau travaille en un point du globe qu’il agrandit sans cesse par la propagande ou par des réalisations, en répandant autour de lui la vérité sociologique, comme cela se fait au Familistère, le point le plus lumineux de la patrie véritable.
- Un jour,les périmètres de ces centres, maintenant, si petits, si éparpillés, mais progressant sans cesse, viendront se mêler et se confondre.
- Alors, l’humanité heureuse aura constitué la véritable patrie.
- Dans ia patrie belliqueuse, un mensonge ou une erreur, le progrès procède par heurts au milieu des secousses de la concurrence et des convulsions de la guerre.
- Dans la patrie véritable le progrès, la vie, naîtra de la paix, de la sécurité, de l’ordre, de l’harmonie ; il découlera des joies, des bonheurs, des jouissances de la vie.
- La propagande de la Paix aboutissant à ses fins serait un triomphe décisif devant assurer à l’humanité, à brève échéance, la possession de sa véritable patrie.
- S. DEYNAUD.
- Guise, le 27 juillet 1884.
- Le Directeur-Gérant : GODIN.
- ujse, — lmp. BARà,
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- 8‘ Année, Tome 8. — W9 308 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 3 Août 1884
- LE DEVOIR
- REVUE DES QUESTIONS SOCIALES
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- Un an. ... 13 fr. 60
- S’adresser à M. LEYMABIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- doivent être adressées à M. 60DIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES ET POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1. — Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- 4. — Organisation du suffrage universel par l’unité de Collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile ;
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens ;
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter ;
- La représentation par les supériorités.
- 5. — Renouvellement annuel de moitié de la Chambre des députés et de tous les corps élus. La volonté du peuple souverain toujours ainsimise en évidence.
- 6. — Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues par le'suffrage universel.
- 7. — Égalité civile et politique de l’homme et de L femme.
- 8' — Le mariage, lien d’affection.
- Faculté du divorce.
- 9.— Éducation et instruction primaires,gratuites et obligatoires pour tous les enfants.
- Les examens et concours généralisés avec élection Jfs élèves par leurs pairs dans toutes les écoles, mplôme constatant la sérié des mérites intellectuels et moraux de chaque élève.
- 10. — Écoles spéciales, nationales, correspon-dantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- 11. —Suppression du budget des cultes. Séparation de l’jhglise et de l’État.
- 12. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 13. — Flus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit
- d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- lb. — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatérale à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dansunejuste mesure, retour à la société qui a aidé à les produire.
- 15. — Remboursement des dettes publiques avec les ressources de l’hérédité.
- 16. — Organisation nationale des garanties et de l’assurance mutuelles contre la misère.
- 11. — Suppression des emprunts d’Etat.
- 19. — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 20. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21. — Libre échange entre les nations.
- 22. — Abolition de la guerre offensive.
- 23. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 24. — Désarmement européen.
- 25i — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire.
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- LE DEVOIR
- SOMMAIRE
- L’interpellation du Devoir. — Les ennemis des peuples. — A nos lecteurs. — Proposition de loi. — La coopération en Australie. — Préceptes et Aphorismes. — Faits politiques et sociaux. — La propagande de la Paix et la Presse. — Une travailleuse. — Écoles du Familistère. — Adhésions. — Le Sécret de Bernard.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après, le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- INTERPELLATION DU « DEVOIR » sur les droits politiques des employés des Chemins de fer
- Messieurs les Députés,
- Les prétentions des Compagnies des chemins de fer d’interdire à leurs employés d’accepter aucune fonction élective contient la démonstration des dangers de notre organisation sociale.
- Cette interdiction justifie les prophéties des sociologues prévoyant la constitution et les audaces d’une féodalité financière.
- Que peuvent prétendre nos détracteurs; nos pires prévisions ne sont-elles pas à la veille d’être dépassées?
- Avons-nous cessé un seul instant de ivous prévenir que la féodalité financière, si l’Etat n’intervenait énergiquement contre elle, irait aussi loin dans l’exploitation et la compression des salariés que la féodalité nobiliaire ^dans l’oppression des serfs.
- Vous nous permettrez, Messieurs, de vous soumettre les ordres du jour affichés dans tous les dépôts des compagnies d’Orléans et de Paris-Lyon-Méditerranée.
- COMPAGNIE D’ORLÉANS
- A la suite de [divers incidents, j’ai été amené à décider d’une manière générale qu’il convenait d’inviter nos agents à ne plus accepter de fonctions électives et à renoncer sans délai à celles qu’ils auraient acceptées. Je vous invite à prendre
- les mesures nécessaires pour assurer l’exécution de ces instructions.
- 16 juillet.
- Le directeur de la compagnie,
- Signé : mantion
- COMPAGNIE PARIS-LYON-MEDITERRANÉE
- En principe, aucun agent ne doit, sans y être préalablement autorisé, briguer ou accepter un emploi étranger au chemin de fer, et en particulier des fonctions électives (conseiller général, maire, conseiller municipal, etc.), lesquelles tendent de plus en plus à imposer à leurs titulaires des obligations incompatibles avec la régularité du service que la compagnie doit attendre de son personnel.
- Il y a là une question d’économie et de discipline qui, si nous n’y tenions pas la main, risquerait d’engager gravement notre responsabilité en compromettant les intérêts qui nous sont confiés.
- Afin de me rendre compte de la situation actuelle à cet égard, je vous prie de bien vouloir, pour ce qui vous concerne et après vous être fait, s’il est besoin, renseigner par les chefs de service locaux, me fournir la liste exacte des agents qui se trouvent dans le cas dont il s’agit.
- Signé : NOBLEMAIRE.
- Notons d’abord que les prétextes allégués n’ont aucune valeur. Il est moins difficile d’organiser le remplacement d’un employé absent de son service pour exercer un mandat électif,chose prévue longtemps à l’avance, que de remplacer les employés dans les cas de maladies.
- Les administrateurs de ces deux puissantes compagnies, en fait, ont porté atteinte aux droits civiques de plus de cent mille citoyens.
- Que cet exemple soit suivi par les autres sociétés financières, que tous les patrons l’imitent, et il n’y aura plus d’éligibles en France que les patentés et les propriétaires pouvant vivre chez eux !
- Ces restrictions morales et politiques imposées aux salariés par les possesseurs des instruments de travail sont les résultantes d’une longue évolution réactionnaire dont les phases ont échappé à ceux qui n’ont pas voulu accorder leur attention à la critique socialiste
- Avant de se sentir assez forts pour tenter d’imposer aux salariés la renonciation à leurs droits politiques, les féodaux avaient besoin d’avoir accaparé les sources de la richesse nationale et les garanties des intérêts matériels des individus.
- Les compagnies de chemins de fer, par des concessions répétées et des conventions successives, les unes et les autres obtenues avec la complicité des pouvoirs et de la presse, sont maîtresses des
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- principaux leviers de la production nationale, comme les grands seigneurs d’autrefois.
- On leur a abandonné les salariés sans aucune aUtre garantie que celles que ces féodaux ont bien voulu octroyer. Il en est résulté que le travailleur a reçu un salaire strictement suffisant àsesbesoins quotidiens immédiats, les compagnies se chargeant des risques de maladie et de vieillesse par l’institution des caisses de secours et de retraites,caisses ne laissant d’avantages aux salariés que d’autant qu’ils demeurent au service de leurs premiers seigneurs et maîtres.
- Les socialistes avaient prévu que, lorsque les féodaux de la finance auraient fait fonctionner cet engrenage assez longtemps pour y prendre la plus grande partie de leurs salariés, ils élèveraient des prétentions morales et politiques analogues à celles que nous venons de signaler.
- L’observateur attentif des faits généraux reconnaîtra que, dans cette circonstance, toutes les probabilités permettent de supposer que cet attentat dirigé contre les salariés des deux plus importantes lignes des chemins de fer, vise en réalité les institutions républicaines. Nul de ceux qui réfléchissent ne pensera que c’est par le fait du hasard que ces provocations coïncident avec les troubles causés dans le milieu du travail par le choléra, les complications avec la Chine et par les manœuvres retentissantes des princes.
- La réaction comprend qu’on ne peut conserver plus longtemps l’étiquette républicaine sans rentrer dans les réalités de la République ; elle sent que le premier pas fait dans cette voie marquera la fin de ses privilèges et de ses espérances, elle ne reculera devant aucune provocation pour égarer le peuple et lui faire commettre des fautes pouvant retarder cette échéance.
- Il est regrettable de voir l’insuffisance des pouvoirs publics en face de ces nouvelles prétentions qui se manifestent depuis quelque temps, avec une persévérance inquiétante, dans toutes les localités où la grande industrie a pris possession des moyens de production.
- Vous avez le devoir, Messieurs les députés, le devoir impérieux, de donner bien vite au gouvernement les moyens de répression qui lui manquent ot de l’obliger à les mettre en œuvre avec toutes leurs rigueurs contre les auteurs d’un attentat si audacieux dirigé contre la République.
- En vous signalant la cause de ces envahissements, vous avez dû comprendre que les remèdes, pour etœ effîcaces,devaienttendre à supprimer lescauses.
- Gomme on ne peut improviser des institutions comparables â celles qui atteindront le but, il y a *ieu de diviser la question.
- Vous devez d’abord, en attendant d’être d’accord sur les moyens préventifs, voter immédiatement une pénalité sévère, puis décider qu’il est urgent d’étudier les réformes sociales susceptibles de faire disparaître des antagonismes si accusés.
- Nous ne vous ferons pas l’injure, Messieurs les Députés, de développer nos propositions, nous nons contenterons de les énumérer et de les formuler en un projet de loi et en un projet de résolution que nous avons l’honneur de vous soumettre.
- Le premier vise la répression ; le projet de résolution indique l’œuvre des réformateurs.
- En conséquence nous vous demandons de voter le projet de loi suivant :
- Article unique. — Toute tentative de la part d’un employeur de restreindre par le contrat de louage les droits civils ou politiques d’un citoyen sera suivie de la condamnation de l’auteur de cet attentat à la perte de ces droits civils et politiques.
- Voici la résolution que nous proposons comme indiquant la première réforme immédiate :
- Considérant que les tendances de la grande industrie à restreindre les droits civils et politiques de leurs salariés dérivent des monopoles acquis aux dépens de la richesse nationale, et des institutions de prévoyance, dont les financiers ont l’administration, et dont ils peuvent faire perdre les bénéfices au salarié qui refuse de se soumettre à leurs caprices les plus injustes,
- La Chambre décide qu’il y a lieu :
- 1° De remettre à l’État la gestion des caisses de secours et de retraites de toutes les entreprises ayant leur origine Mans une concession consentie par les pouvoirs publics, afin de conserver au salarié, en tous lieux et toutes circonstances, les avantages acquis par lui dans le fonctionnement de ces institutions.
- 2° De réviser les termes des concessions, afin d’y introduire une clause établissant qu’il sera prélevé chaque année un tantième des bénéfices pour développer les garanties de la mutualité nationale.
- 3° De nommer dans une prochaine séance une commission parlementaire de 21 membres, devant rapporter à la Chambre, dans un délai maximum de trois mois, un projet de loi conforme à l’esprit de cette résolution.
- Messieurs les députés, on discute depuis trop longtemps des questions primordiales sans jamais
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- les élucider. Nous ne pensons pas qu’aucun de vous puisse aller à la tribune combattre nos propositions sans leur opposer un projet de loi conforme à ses préférences.
- En finissant, vous nous permettrez de vous faire comprendre en quelques mots les dangers menaçants des envahissements de la féodalité financière.
- L’opinion publique n’a d’autre guide que la presse, et cette presse, dont les mâles protestations auraient dû soulever la conscience publique, a trouvé à peine quelques paroles d’un blâme timide.
- Nous ne voulons pas nous arrêter aux mobiles de ce silence coupable. Mais vous devez interpréter ce fait comme une preuve des mauvaises intentions et de la puissance de la féodalité financière.
- Vous devez d’abord réprimer énergiquement. Ensuite vous armerez le pouvoir des lois préservatrices.
- Il est urgent de sauver les salariés de l’asservissement et de préserver la morale publique d’un effondrement.
- LES ENNEMIS DES PEUPLES
- Le Petit Journal, numéro du 29 juillet, et le Figaro, le premier, sous le titre la Vérité sur les Anglais, le second, sous celui de Nos amis les Anglais, et nos ennemis les Allemands, ont publié deux articles odieux, tristes symptômes de l’abaissement du journalisme français.
- Ces deux journaux résument ainsi leur pensée :
- « Les anglais sont pour nous des ennemis implacables^ utrement dangereux que les allemands.»
- Pourquoi ces grands airs de colère contre les anglais dans les deux journaux français qui ont le plus fort tirage?
- Les auteurs de ces articles n’en pensent le moindre mot ; ils ont écrit cela comme ils auraient écrit le contraire, si ceux qui les paient leur avaient commandé d’agir ainsi.
- Des banquiers, des usuriers français sont intéressés à ce que le règlement de la question financière de l’Egypte ne se fasse pas entièrement au profit des banquiers et des usuriers anglais. Les deux parties sont en présence à la conférence européenne saisie de cette question; elles sont représentées par des délégués des gouvernements assez oublieux de leur mission pour mettre au service de quelques-uns la force gouvernementale qui devrait toujours intervenir selon l’intérêt de tous.
- Les financiers français, sentant que les diplomates chargés de leurs intérêts ne peuvent avoir ^facilement raison des prétentions du syndicat anglais, voudraient faire pencher la balance de leur côté par les inquiétudes que feraient surgir en
- Angleterre une explosion de colère du peuple français contre le gouvernement anglais.
- Si quelques français sentent se réveiller en eux, à la suite des provocations des mercenaires de la presse, quelques sentiments de haine contre les anglais, qu’ils se rappellent que les intérêts financiers dont on fait si grand bruit furent acquis à l’origine au moyen de manœuvres criminelles : l’Egypte était gouvernée alors par un prince débonnaire, qui, pour satisfaire ses caprices consentait àsigner aux banquiers européens des emprunts énormes dont souvent il ne recevait pas le dixième.
- Voilà les intérêts que l’on débat à la fameuse conférence; et c’est pour les servir que l’on voudrait exciter le peuple français.
- Nous avons voulu démasquer ces manœuvres honteuses des pires ennemis du peuple, qui lui servent le mensonge et la démoralisation pour un sou par jour.
- Nous sommes persuadés que le peuple français ne se laissera pas entraîner ; mais nous craignons que ce soit moins par raison que par indifférence, tant l’ont démoralisé les fadaises de la presse incolore et les corruptions des journaux boulevardiers.
- Quant à nous, nous prenons occasion de ces provocations pour accomplir deux bonnes actions : affirmer nos sympathies pour le peuple anglais, et démasquer les valets de la finance.
- Conférence internationale de Berne
- 4, 5, 6, 1, 8 et 9 AOUT prochain.
- Programme des questions proposées à l’examen des membres de la conférence, et qui peuvent servir de base aux mémoires et aux résolutions.
- I. — Arbitrage international.
- (a) Possibilité de l’Arbitrage international.
- ( b) Examen des meilleurs moyens à employer. pour faire adopter ce système par les Gouvernements européens.
- (c) Comment on peut se servir de l’Arbitrage international pour protéger les faibles contre l’agression des Puissances fortes et civilisées.
- (d) Introduction de clauses arbitrales dans tous les Traités et négociations des Traités d’Arbitrage.
- II. — Neutralisation des Canaux océaniques.
- (a) Définition de la neutralité.
- (b) Les Canaux océaniques considérés comme grandes routes maritimes internationales.
- (c) Souveraineté des Etats dont ils traversent le territoire.
- (d) Fortifications et garnisons.
- (e) Transit des troupes, des vaisseaux et des munitions de guerre.
- (f) Actes d’hostilité sur les Canaux, et sur les rives, dans les entours et aux ports qui y appartiennent.
- (g) Neutralité, contrôle, et protection des Canaux garantis par un tribunal international.
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- III. — Tribunaux internationaux
- (a,) Moyen d’assurer leur impartialité, et de leur donner l’autorité nécessaire.
- (b) La constitution d’un Tribunal international permanent.
- (c) Sur quel principe doit être basée la représentation dans un tel tribunal? Devrait on exiger une majorité (par exemple de deux tiers,) pour arriver à un jugement définitif?
- (d) Selon quel principe doit-on régler la constitution et la procédure des tribunaux spécialement établis pour des cas extraordinaires?
- (e) En attendant la formation d’un tribunal permanent, quel système pourrait-on adopter pour terminer les différends internationaux, lorsqu’ils se produisent ?
- IV. — Désarmement international
- (a) Quels moyens peut-on adopter pour obtenir une réduction des armements par les Grandes Puissances?
- (b) Conditions et arrangements à prendre pour un tel désarmement.
- NOTE.—Les objets soumis à la conférence, étant essentiellement pratiques, toutes les questions spéciales aussi bien que celles d’une nature abstraite ci-dessus spécifiées *peuvent être exposées à la conférence; chaque mémoire sera d’ailleurs soumis à la décision du bureau a Berne, qui sera juge de la convenance des termes.
- N. B. — Les personnes qui se proposent de lire ces mémoires à la conférence sont priées d’en communiquer, aussitôt que possible, le titre au secrétaire.
- Tous les mémoires devront être envoyés avant le 31 juillet au secrétaire, 38, parliament Street, Londres, S. W.
- A NOS LECTEURS
- Nous aurions pu écrire « à nos associés, » car ils sont réellement nos associés ceux qui, en achetant le journal le Devoir, nous permettent de continuer la vulgarisation des doctrines socialistes.
- Nous ne voulons pas dire que les dépenses totales du journal feraient reculer la bonne volonté de M. Godin.
- Mais, chacun le comprendra, autant qu’un homme soit désintéressé, autant qu’il désire répandre ses croyances, on ne peut admettre qu’il consente à continuer à faire rédiger, imprimer et distribuer un journal, si des citoyens ne lui prouvent l’utilité de cet organe en prenant des abonnements.
- Dans un journal de propagande, il existe entre les directeurs et les abonnés une solidarité réelle, le premier juge d’après les seconds, s’il doit ou ne doit pas augmenter ses moyens d’action.
- Jamais le Devoir n’a eu un plus grand nombre
- d’abonnés ; cela ne veut pas dire qu’il en ait assez pour couvrir ses frais généraux ; mais ce nombre est suffisant pour prouver à son directeur que son travail et ses dépenses ne sont pas peines perdues.
- Cependant les abonnés du Devoir coûtent cher à l’administration du journal. Ainsi, après balance faite entre les recettes et les frais généraux, on a dépensé, pendant le dernier exercice, par chaque abonné, plus de vingt-un francs en plus du prix de son abonnement.
- L’administration du Devoir fait de fréquentes distributions générales gratuites aux membres des corps élus et de nombreux services gratuits aux particuliers.
- Dans l’augmentation des abonnés, elle recherche moins la diminution de ses pertes que la force morale résultant de la certitude de parler au nom d’une collectivité plus nombreuse.
- Beaucoup de socialistes, auxquels nous n’avons rien à apprendre en matière de sociologie, s’ils savaient se résoudre à marcher avec nous, donneraient une grande force, à notre propagande, par le seul fait de l’influence qui se dégage de tout groupement où chacun de ceux qui le compose éprouve sa force morale augmentée par la présence de tous ceux qui l’entourent.
- Néanmoins le nombre de nos abonnés, de nos collaborateurs, est assez grand pour que nous puissions être fiers des résultats encourageants, acquis par notre action commune.
- * *
- Nous commençons, dans ce numéro, la publication d’un document parlementaire contenant un projet de Mutualité nationale dû à l’initiative de Messieurs Giard, Henry Maret, Laguerreet Tony-Révillon.
- Il est évident que ce projet par ses tendances dérive des théories garantistes des Saint-Simoniens de Fourier, de Colins, qui n’auraient pu produire d’elles-mêmes un pareil résultat si on les eût laissées dormir dans les bibliothèques où sont trop souvent enfouies les œuvres de ces illustres voyants. Voilà un fait qui doit récompenser les efforts de tous ceux qui ont contribué à maintenir en évidence ce qu’il y a de rationnel dans ces théories ; et nous ne faisons aucune différence entre ceux qui ont contribué de leur temps, de leur bonne volonté et de leur argent.
- L’Hérédité de l’État, que l’on disait être, il y a quelques années, un véritable épouvantail, commence à être discutée dans les groupes parlemen-
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- taires, quelques journaux vont jusqu’à en parler d’une façon à peu près sérieuse. Ceux qui ont accepté et défendu cette réforme, alors qu’elle exposait ses partisans aux mépris et aux haines delà masse, comprendront la nécessité de redoubler d’efforts.
- Et ce n’est pas seulement dans notre pays que Pon constate ces commencements de modification de la pensée publique. Les corporations ouvrières de New-York viennent de décider que dans une prochaine manifestation elles demanderaient qu’il soit officiellement institué aux Etats-Unis une Fête annuelle du travail. Le 3 'mai de cette année, le journal New-York commercial advertiser de New-York reproduisait dans un supplément les vues du Familistère et les documents que nous avons publiés dans notre numéro ! des Études sociales.
- En Suisse, le mois dernier, sous le titre un Monde nouveau ou le Familistère de Guise, le docteur Raoux faisait paraître une brochure analysant nos institutions et contenant quelques aperçus sur les familistères agricoles et les réformes de l’habitation.
- En même temps, on répandait en Hongrie, en pleine période électorale, un travail dans lequel on prenait texte des réformes réalisées au Familistère, pour faire comprendre aux électeurs hongrois les avantages de la réforme sociale.
- Au Chili, quelques abonnés suivent attentivement nos projets de réforme sociale. Nous recevons à l’instant de l’un d’eux, M. Peyroulx, une lettre qui contient un excellent argument à l’appui de nos théories sur l’arbitrage et le désarmement.
- « En Bolivie, nous dit M. Peyroulx, les chefs des tribus, sous les motifs les plus futiles se déclarent fréquemment la guerre de tribu à tribu. Après la bataille, le vaincu est chassé de son territoire, les vainqueurs s’emparent des maisons et des troupeaux du vaincu, ils s’installent en son lieu et place. Dans les pays civilisés, continue notre corespon-dant, on n’admet plus cette substitution du vainqueur au vaincu dans les propriétés privées; les vaincus, même lorsque leur pays est conquis, conservent leurs biens ; les propriétés privées sont toujours soumises à la juridiction des tribunaux. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi pour toutes les autres choses pouvant soulever des conflits entre les hommes ou les nations; pourquoi ne pas soumettre à des tribunaux les différends sur les propriétés nationales comme cela arrive toujours pour les propriétés privées ? »
- Nos abonnés, les associés de notre propagande jugeront par ces faits que nous venons de leur signaler, tous accomplis dans une période d’un mois, quelle influence salutaire exerce leur persévérance sur le progrès de l’humanité. Nous pensons que jamais ungroupe d’hommes pas plus nombreux a agi d’une manière aussi puissante et aussi générale.
- PROPOSITION DE LOI
- sur l’établissement de lâ Mutualité nationale par l’hérédité de l’Etat et l’impôt progressif sur les Successions
- présentée par Messieurs Giard, Henry Mar et, Laguerre, Tony Révillon.
- Messieurs,
- En présence des événements récents qui on rendu la question sociale plus actuelle et son étude plus urgente encore, nous croyons devoir soumettre à votre examen une proposition de loi touchant la réforme de l’impôt sur les héritages et l’organisation de l’assurance mutuelle nationale.
- Ces deux questions sont intimement liées, car, d’une part, le droit que nous voulons accorder à tout individu de s’adresser à la société, lorsque les circonstances le mettront dans l’impossibilité de subvenir à ses besoins, a pour corrélatif le droit qu’il faut reconnaître à la société de posséder, et d’autre part, la réforme de l’impôt sur les successions peut seule donner à l’État des ressources suffisantes pour assurer à tous le droit à la vie.
- Le droit à la vie, messieurs, vous l’avez proclamé en inscrivant dans vos programmes les caisses de retraites, d’épargne nationale, des invalides du travail, enfin sous une forme ou sous une autre la promesse d’assurer l’existence aux vieillards et des secours aux malades indigents. Et soucieux de tenir ces engagements vous avez déposé sur le bureau de la Chambre des propositions de loi sur les caisses de retraites pour la vieillesse, sur la responsabilité en matière d’accidents, sur les caisses d’assurances en cas de décès et d’incapacité de travail, etc., etc.
- La plupart de ces propositions font appel à l’intervention de l’État: or, dans les conditions sociales au milieu desquelles nous vivons et jusqu’à ce que l’humanité ait atteint l’idéal d’anarchie qu’on peut rêver mais qui est encore bien loin de nous, cette intervention de l’État nous paraît absolument indispensable à la condition toutefois qu’elle ne supprime pas les heureux effets de la liberté individuelle. Comme le fait très justement observer Ed. Laveleye dans son beau livre sur le socialisme contemporain :
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- I/Éiat a une double mission à remplir. La première qUe nul ne lui conteste, mais dont peu de personnes comprennent toute la portée, consiste à faire régner dans la société l’ordre et le droit, c’est-à-dire à édicter des lois aussi conformes à la justice distributive que le permet l’avancement de la culture sociale. La seconde consiste à faire, au moyen des ressources prélevées proportionnellement sur chacun, tout ce qui est indispensable au progrès quand l’initiative privée n’y suffit pas.
- « 11 faut abattre toutes les entraves à la liberté s’il en existe encore : c’est à l’État qu’il appartient d’intervenir quand les manifestations de l’intérêt individuel arrivent à, être en contradiction avec la mission humaine et civilisatrice de l’économie politique, en amenant l’oppression et la dégradation des classes inférieures (1). »
- L’Etat interviendra donc dans l’organisation de la mutualité nationale et il interviendra de deux manières :
- 1° En apportant une partie des ressources nécessaires au fonctionnement de la mutualité ;
- 2° En obligeant les citoyens à verser une contribution régulière dans les caisses d’assurances dont ils auront d’ailleurs l’administration.
- Un des hommes qui ont fait la propagande la plus active et la plus intelligente en faveur des idées que nous développons, M. Godin, fondateur et directeur du Familistère de Guise, insiste avec l’autorité que lui donne l’expérience, sur la nécessité de cette contribution individuelle.
- « J’ai pu me convaincre, dit-il, combien il est im portant que le fonds des assurances soit fait par les mutualistes mêmes pour une part proportionnelle aux secours que l’État sera appelé à donner, afin que chacun d’eux soit intéressé à la bonne gestion des assurances.
- » Si cette mesure était écartée, les travailleurs se désintéresseraient de la marche de l’institution et les assurances ne seraient que des moyens de secours analogues à nos bureaux de bienfaisance. Elle seraient un sujet de dégradation morale au lieu d’être une cause de relèvement (2). y>
- I.
- Nous avons dit que de simples modifications à la loi sur les héritages permettraient d’assurer à l’État les ressources indispensables pour faire face aux obligations nouvelles que nous lui créons.
- De tous les impôts, celui qui rend le plus est l’impôt qui frappe les biens lorsqu’ils changent de mains.
- (1) E. de Laveleye. Le socialisme contemporain, p. 316 et 317.
- U) Nous nous plaisons à citer ici le nom de M. Godin non seulement h «use de la sympathie que nous inspirent ses idées philanthropiques, mais * urtout parce que cet homme courageux a montré, par la création du
- aimlistère, comment des réformes sociales que l’on considère volontiers des utopies, peuvent entrer facilement dans la pratique, alors même 4u elles ne rencontrent pas dans l’opinion publique teute la faveur qu’elles
- Les droits d’enregistrement donnent 557.000.000 de francs pour l’exercice 1883. Et dans les droits de mutation, D’Etat distingue entre les ventes qu’il faut favoriser et les donations entre vifs ou testamentaires, et les hérédités ab intestat qui, par leur nature même, sont susceptibles d’ètre plus fortement imposées. Même parmi les héritiers j-égitimes, on distingue encore entre la ligne directe et es collatéraux.
- Nous ne vous proposons aucun changement à ces principes consacrés par l’usage. Nous vous proposons seulement de ramener au quatrième degré la limite de l’hérédité qui jusqu’ici est portée au douzième par l’article 755 du Code civil. L’effet de cette disposition sera de faire tomber dans le domaine public les biens dont héritent les parents du cinquième au douzième degré.
- Nous n’avons pu obtenir du Ministère des Finances des statistiques assez détaillées pour établir d’une façon mathématique la quotité du rendement fourni par les réformes que nous proposons.
- Il résulte toutefois des documents fort incomplets qui nous ont été fournis avec la plus parfaite complaisance, que ces biens ont une valeur approximative de 75.000.000 de francs.
- Respectant l’hérédité des enfants, nous maintenons toutes les fois qu’ils sont deux ou plusieurs le droit de 4 0/0 et même nous affranchissons de ce droit les successions dont le capital est inférieur à 20.000 francs.
- Ce sera une légère perte pour le Trésor à laquelle il faut joindre celle que lui feront subir les dispositions testamentaires faites sous l’empire de la présente loi dans le but d’attribuer expressément la succession à des parents exclus par cette même loi.
- Nous sommes, en effet, partisans de la liberté de tester que nous voudrions complète et absolue.
- Mais nous pensons que ces deux pertes seront largement compensées par ce seul fait que lorsqu’une succession sera dévolue à un enfant unique elle rentrera dans la progression des droits que nous appliquerons aux ascendants, aux descendants bénéficiaires, aux collatéraux, a l’époux survivant, aux héritiers testamentaires.
- Cette progression réglée par l’article 4 donne les résultats suivants :
- La somme des biens transmis dans les cirsonstances indiquées ci-desgus, en omettant la ligne directe et les parents du 5e au 12° degré, qui ne succèdent pins est de 1.570.221.000 francs pour 1882.
- Les indications malheureusement trop peu nombreuses que nous avons sur la moyenne des fortunes en France nous permettent de supposer qu’il reviendra à l’État une somme au moins égale à 15 0/0 du total des biens transmis évalués ci-dessus, soit 233.533.000 francs au lieu de 112.131.850 que rapportent en ce moment les
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- mêmes droits, décimes compris. 235.533.000 fr-
- 412.131.850
- La plus value est de.............. 123.401.150
- Les biens qui tombent directement entre les mains de l’Etat s’élèvent à. . 75.000.000
- Enfin la plus-value de la taxe des biens de main-morte,que nous vous proposons de porter presque au double de ce qu’elle est, peut s’évaluer à . . . 4.00.000
- Total .... 202.401.150 fr-
- En chiffre rond 200.000.000 de francs environ von tomber dans le domaine social.
- ,(i4 Suivre.)
- La coopération en Australie
- Nous extrayons du « Coopérative News » de Manchester les renseignements suivants sur le mouvement coopératif aux Antipodes.
- « Une société coopérative de vente au détail a été fondée, à Melbourne, en avril dernier, par un anglais, M. William Nuttall.
- Les actionnaires sont au nombre d’environ 1.700. Le capital versé par eux est de 50.000 livres (1.250.000 francs). Les ventes s’élèvent en moyenne à 2.000 livres (50.000 francs) par semaine, et le fondateur espère que dans six mois, au plus, elles seront d’au moins 3.000 livres (75.000 francs) si ce n’est davantage.
- » Beaucoup d’articles sont vendus par la Société en dessous des prix fixés par les plus notables maisons de Melbourne et, mieux que celles-ci, les coopérateurs satisfont leurs clients par la qualité des marchandises.
- ^Malgré cela,ils réalisent de très grands bénéfices; ce qui montre, dit M. Nuttall, l’écart considérable qu’il y a en Australie entre le prix du produit manufacturé et le prix de vente au détail.
- » Les nouveaux coopérateurs ont,en outre, publié le premier numéro d’une feuille intitulée : « L’Equitable coopérator. » Le deuxième numéro était en préparation aux dernières nouvelles.Tirée à environ 10.000 exemplaires, cette feuille est répandue gratuitement. Elle va dans les mains du clergé, des hommes de loi, des propriétaires fonciers, faisant ainsi l’éducation du public au bénéfice des générations futures; car, en Australie, comme en beaucoup d’autres endroits,lesgensonttoutàapprendre en fait decoopération. Mais les Australiens, paraît-il, sont des écoliers de la meilleure volonté et qui
- dépassent vite les espérances de leurs éducateurs.
- »Ce peuple comprend à merveille les affaires. Le nouveau groupe des coopérateurs australiens à déjà demandé à M. Nuttall de se rendre à 80 milles de là, pour donner une conférence sur la coopération et concourir à la fondation d’un magasin coopératif; des invitations semblables se répéteront vraisemblablement d’ici à quelques mois dans plusieurs districts.
- » La société coopérative de Melbourne est fondée sur le plan de répartition des profits entre les concours producteurs, c’est-à-dire le personnel des ouvriers et des acheteurs, après paiement des intérêts aux actionnaires. L’argent a beaucoup plus de valeur en Australie qu’en Angleterre ; aussi le taux de l’intérêt y est-il de 6 à 8 pour cent.
- » La loi autorise toute société coopérative à faire des opérations de banque. La seule obligation faite en ce cas aux sociétés coopératives est de ne rembourser les actions que&jx m°is après la demande de remboursement. Les sociéiof3 lui ne se livrent pas à la banque peuvent rembourser leurs actionnaires sur demande.
- » En conséquence,la société fondée par M.Kuffâîj s’est livrée aux opérations financières, même avant d’avoir commencé le trafic ordinaire.
- » Elle a environ 450 comptes ouverts. Ses clients en compte courants non seulement créent des chèques sur leurs dépôts, mais font porter à leur compte toutes les denrées achetées par eux à la société ; un intérêt de 4 0/0 leur est alloué sur la balance journalière, tandis que dans les autres maisons de banque de Melbourne, aucun intérêt n’est payé sur les petits comptes courants.
- »En Australie,presque toutesles opérations commerciales sont faitesàcrédit.Lesystème de comptes ouverts a évité aux coopérateurs de rompre avec leur principe en faisant la vente au crédit. Les acheteurs ayant la faculté de déposer des fonds pour le compte de§ marchandises qu’ils se proposent d’acheter, couvrent toujours leurs achats à l’avance. Ceux qui n’ont pas de compte ouvert dans la société paient en espèces au comptoir et reçoivent en échange les jetons représentatifs usités dans les sociétés coopératives anglaises ; quant aux acheteurs en compte courant, ils n’ont pas besoin de cette monnaie représentative, puisque l’état de leur compte montre le taux de leurs achats et permet ainsi de déterminer le dévidende à eux revenant.
- » La nouvelle société a, en outre, conçu le projet d’établir une imprimerie et de publier un journal
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- politique hebdomadaire. Plusieurs milliers d’actions d’une livre chacune sont déjà demandées. L’intention des fondateurs est de répartir les bénéfices de la société d’imprimerie entre tous les concours producteurs, savoir : les travailleurs,les capitalistes et les consommateurs. Ce dernier terme sous-entend les acheteurs du journal et les personnes qui feront faire des annonces ou auront avec l’imprimerie quelque relation d’affaire que ce soit.
- » M. Nuttall signale que les Trades-Unionistes d’Angleterre sont de trente ans en arrière de ceux d’Australie, car depuis 28 ans tous les ouvriers reliés à l’industrie du bâtiment ont adopté à Melbourne la journée de huit heures, et il est à peine une industrie aujourd’hui où l’on travaille plus de huit heures par jour.
- » Les Trades-Unions (Industries-unies) sont unies dans toute l’acception du mot. Elles ont leur édifice d’assemblée générale où plus de vingt industries peuvent se réunir, chacune dans une salle particulière, pour y régler ses propres affaires. Il est eh outre signalé que ce corps a la plus grande influence sur les élections locales et nationales.
- » Comme tout Anglais rencontré par lui à Melbourne, M. Nuttall a été surpris que l’on sache généralement si peu de choses des progrès accomplis en Australie et des perspectives offertes là aux capitalistes, aux hommes d’affaires et même aux simples ouvriers habiles en quelque utile profession. »
- Pour notre part nous nous réjouissons de voir l'idée coopérative franchir les distances et s’implanter sur un nouveau continent.
- Déjà en 1866 un journal de Sydney s’était occupé non de coopération simple, mais d’association complète, en reproduisant un article publié la même année par le « London review » sur le Familistèi e de Guise.
- Cet article suscita l’attentiond’une société minière australienne,et celle-ci nous écrivit pour demander les plans du Palais social et des documents complets.
- Le 21 août 1880, un autre journal « The Austra-lasian », de Melbourne, publia une nouvelle étude intitulée : Le Familistère de Guise, par Tasma,
- L’auteur de l’article, très frappé de la lecture des ouvrages de M. Godin, était venu au Familistère même se rendre compte de l’état de choses.
- Dans son article il s’attache surtout à faire ressortir tout le parti qu’il y aurait à tirer d’une étude approfondie des résultats obtenus par M. Godin, pour la solution des problèmes sociaux.
- C’est dans la voie de l’organisation du bien- être, du progrès, des garanties de la vie pour tous, faibles ou forts, que M. Nuttall, dévoué depuis des années à l’évolution des classes laborieuses, voudra certainement conduire peu à peu ce peuple australien si vif d’intelligence et se prêtant si volontiers à toutes les institutions propres à assurer le bien de la vie humaine.
- APHORISMES ET PRÉCEPTES SOCIAUX
- XXXXVIII
- La guerre est le procédé que les tyrans emploient pour empêcher le peuple de songer à ses droits :
- Il faut abolir la guerre.
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- Le Parlementarisme. — Le Sénat plus avisé que la Chambre, plus fort que le gouvernement, a prouvé qu’en fait de révision il voulait rester le maître. Les sénateurs, voyant le ministère faire voter par les députés les choses les plus extraordinaires, ne pouvaient manquer de conclure que la Chambre était disposée à subir les caprices les plus fantaisistes du gouvernement ; mais ils ont voulu expérimenter quelle était la force réelle du ministère, et ils se sont aperçu qu’ils étaient de taille à diriger à leur guise la Chambre et le gouvernement. La prise de possession du pouvoir par le Sénat a montré sous un nouveau jour la puissance de réaction du grand conseil de communes. M. Ferry est venu vers le Sénat en lui offrant, comme avances,les nombreuses platitudes et trahisons qu’il avait obtenues de la Chambre ; les sénateurs, mis en humeur par l’offre spontanée des premiers gages, ont compris qu’on ne leur refuserait que ce qu’ils ne demanderaient pas ; ils ont donc prié M. Ferry de retourner vers les députés afin de réclamer d’autres garanties, surtout le maintien de l’art. 8 de la Constitution; M. Ferry a protesté, il a même déclaré qu’il ne consentirait pas à être plus longtemps l’intermédiaire du Sénat, voici ses paroles : « Si vous votiez une disposition ainsi décapitée, je ne me chargerais pas, de la faire adopter par la Chambre des députés. » Mais ls Sénat ne s’est pas laissé émouvoir ; quand on a un Jules Simon, on connaît à fond un Jules Ferry. Donc, le Sénat a décapité la combinaison du ministre, et celui-ci, comme s’il n’eût fait aucune protestation, est revenu supplier les sous-vétérinaires du Palais-Bourbon de ne rien refuser à la Chambre haute. M. Lockroy, convaincu que la conservation du portefeuille dê M. Ferry ne compensait pas la décapitation opérée par le Sénat, a proposé à ses collègues de décider qu’il n’y avait pas lieu d’examiner les nouvelles propositions de M. Ferry retour du Sénat. L’ordre du jour deM. Lockroy a été repoussé
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- par 273 voix contre 224. Afin de mettre le comble à l’absurde, les députés ont résolu par 314 voix contre 48 qu’il y avait lieu de renvoyer la chose à l’examen d’une commission qui n’existe pas.
- Le scrutin de liste. — M. Léon Bienvenu vient de déposer l’amendement suivant au projet de M. Constant sur le scrutin de liste :
- « Chaque électeur dispose d’autant de suffrages qu’il y a de députés à élire dans la circonscription.il peut en attribuer plusieurs ou même les donner tous au même candidat.
- » En conséquence, il devra répéter le nom du candidat sur son bulletin de vote autant de fois qu’il voudra lui donner de suffrages. »
- Les combinaisons de ce genre n’enlèveront au scrutin de liste aucun des inconvénients signalés parM. Godin dans notre numéro 2 des Études sociales : « La Réforme électorale et la Révision Constitutionnelle.» Ceux qui entrevoient suffisamment les défauts du scrutin de liste départementale trouveront dans le scrutin ce liste nationale la possibilité de modifier les préoccupations des législateurs selon les intérêts généraux du pays.
- * *
- Le Vinage. — La Chambre discute un projet de loi tendant à maintenir à un taux élevé les prix de vente des vins français. La politique des intérêts ne pouvait faire moins après avoir donné satisfaction aux fabricants de sucre.
- ¥ ¥
- Droits d’entrée sur le bétail. — Le ministre de l’agriculture vient de préparer un projet de foi tendant à relever les droits d’entrée sur le bétail.
- Suivant ce projet, le droit pour l’entrée des bœufs serait porté à 25 fr.; pour les vaches, à 12 fr., ainsi que pour les taureaux ; pour les bouvillons, taurillons et génisses, à 8 fr.; pour les veaux, à 4 fr.; pour les béliers, brebis et moutons, à 3 fr.; pour les agneaux, les chèvres et les chevreaux, à 1 fr.; pour les porcs, à 6 fr.
- Aujourd’hui les bœufs paient 15 fr. ; les vaches et les taureaux, 8 fr.; les bouvillons, les génisses, 5 fr.; les veaux, 1 fr. 50 ; les béliers, les brebis et les moutons, 2 fr.; les agneaux, les chèvres, 0 fr. 50, et les porcs, 3 fr.; d’où il suit que la surélévation douanière varie de 40 à 150 0/0.
- Les propriétaires de pâturages sont très disposés à encourager la Chambre à voter ces projets protectionnistes. Et les députés, après la loi sur les sucres et_ cetainement après le vote sur le vinage, n’auront aucune bonne raison pour combattre le projet du ministre.
- Nous avions prévu que cela devait se passer ainsi. Quant aux travailleurs, ils paieront le sucre, le vin, la viande plus cher, mais nul ne se préoccupe d’obtenir en leur laveur une loi protectrice devant leur procurer une compensation. Les ministre et leurs valets iront ensuite déclamer dans les réunions politiques contre les mauvais citoyens qui prêchent la séparation des classes.
- Ils devraient réfléchir que toutes les lois votées selon les intérêts de quelques dirigeants au détriment des classes laborieuses sont les provocations les plus efficaces à la constitution des partis de classes. Nous qui déplorons la division entre
- les citoyens, nous devons reconnaître en cette circonstance que cette division sera une conséquence forcée de la politique des intérêts qui a fait perdre aux législateurs le sentiment des besoins généraux du pays.
- ALLEMAGNE
- Divers journaux ont annoncé que M. de Bismarck fait étudier un projet d’assurances par l’État contre l’incendie. Il est très habile de la part du chancelier allemand de chercher dans les bénéfices, qu’on laisse encaisser ailleurs par les financiers, les ressources qu’il serait obligé de demander à des emprunts ou à de nouveauximpôts pour faire face aux dépenses nouvelles que le progrès impose même aux gouvernements les plus réactionnaires.
- ANGLETERRE
- La presse quotidienne a longuement parlé des protestations du peuple anglais contre la Chambre des Lords. Nous insistons sur la portée réelle de ces manifestations, car elles amènent sur la scène politique des éléments nouveaux, qui jamais dans un autre pays n’y sont venus dans des circonstances analogues ; il ne faut pas oublier que le peuple anglais, avant de réclamer sa part dans la vie politique, a été fortement cohésionné par les liens économiques des Trades-Unions et des sociétés coopératives.
- Un projet de loi, tendant au rachat des fermes irlandaises, vient d’être présenté à la Chambre des communes.
- Il implique des changements considérables dans le Land act de 1881, auquel il ajoute des dispositions importantes.
- La Propagande de la Paix et la Presse
- Un sujet délicat, que nous ne pouvons aborder sans parler de nos collègues du journalisme ordinaire, gens assez disposés à se faire respecter, ayant à leur disposition de nombreux moyens de faire accepter par l’opinion publique les condamnations qu’ils prononcent contre les audacieux, coupables de leuravoir causé quelque mécontement.
- C’est peu de chose d’encourir les foudres despar-liculiers arriérés; ordinairement, à trois ou quatre, ils les débitent, au coin de la cheminée, autour de la table de jeu entre deux parties de piquet; elles ne dépassent jamais ce cercle restreint ; mais quelle autre affaire de s’attaquer à des hommes pouvant, s’ils le veulent, faire accroire au genre humain que vous avez des moeurs déplorables, des .idées folles, et tout ce qui leur passera par la tête.
- Malgré notre respect envers nos collègues, malgré la crainte de leur puissance, nous ne pouvons nous empêcher de dire que l’arbitrage international et le désarmement contiennent le germe d’une nouvelle évolution de l’humanité, que la presse a la mission de vulgariser les réformes profitables à cette humanité et qu’elle n’a pas le droit de rester plus longtemps muette sur ces questions vitales.
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- Le silence de la presse sur ces grandes réformes n’est conforme ni à sa dignité, ni à son devoir. Tous les journalistes savent cela , et ils ne font rien pour réagir contre cette tendance.
- Nous savons toutes les bonnes raisons qu’ils pourraient nous donner pour légitimer leur réserve; nous savons aussi qu’aucune d’elles n’est assez puissante pour résister à la malice d’un journaliste soucieux de passer outre.
- Si les journanx ne trouvent jamais rien à dire à propos de l’arbitrage et du désarmement, il ne faut s’en prendre ni aux commanditaires, ni aux directeurs, ni à la clientèle ; les rédacteurs sont personnellement responsables de cet état de choses.
- Nous ne voulons pas dire que les journalistes peuvent se soustraire aux influences de la commandite, de la direction et de la clientèle ; ils ont souvent beaucoup à compter avec ces forces dirigeantes ; mais ils peuvent ruser avec elles pour créer insensiblement une situation qui entraîne les polémiques, malgré les commanditaires et les directeurs de journaux, vers un ordre d’idées opposées aux préférences, même, aux intérêts de ces derniers.
- Avant d’examiner quelle doit être dans la question de la paix l’attitude du rédacteur désireux d’exercer sa profession le plus honnêtement possible, sans s’exposer à perdre sa situation, à être signalé bien vite à tous les entrepreneurs de journaux comme un être dangereux, il est bon de rappeler au lecteur les conditions ordinaires de la presse.
- Les journaux, comme le nôtre, fondés par des citoyens convaincus, en vue de propager des théories constituent une exception très-rare. Pour les maintenir, il faut être indépendant; les journaux sincères ne se laissent aller à aucune complaisance pour flatter la clientèle ; s’adressant aux hommes d’études, ils trouvent rarement un nombre d’abonnés suffisant à les faire vivre. Les rares journaux où l’on professe que toutes les vérités sont bonnes à dire, ne se mettent pas impunément en contradiction avec la prétendue sagesse des' nations ; c’est une liberté qui coûte cher à leurs fondateurs, et que tous les citoyens ne peuvent se payer. Ces publications sont une exception trop minime pour qu’on ne puisse considérer comme règle générale l’exposé suivant de la manière d’être du journalisme.
- Le journal ordinaire est une entreprise commerciale ayant souvent pour principal bailleur de fonds un banquier qui, sans souci de comman-
- diter un journal représentant son opinion personnelle, considère si l’idée que veut défendre la rédaction est suffisamment répandue dans la masse pour y recruter facilement un grand nombre de lecteurs ; l’argent apporté par les citoyens de même opinion que la rédaction n’est généralement qu’un appoint, c’est plutôt pour le principal commanditaire, le faiseur, un indice que la rédaction a une valeur suffisante, puisqu’elle a la confiance des personnalités d’un parti au point d’avoir obtenu leur concours financier. Après le commanditaire vient la direction, généralement grassement payée, dont l’existence est réglée par un traité laissant au directeur la plus grande liberté politique, avec l’unique réserve qu’il ne devra pas contrarier les intérêts financiers du journal ! Entre les rédacteurs et la direction se trouve le secrétaire, personnage ayant la confiance de la direction et devant guider et maintenir la rédaction dans l’ordre d’idées tracé par la direction. En résumé, le directeur politique a une excellente situation, qu’il perdra malgré son traité,si le journal ne trouve pas assez de lecteurs; le secrétaire de la rédaction jouit d’une fonction convenablement rétribuée et d’une assez grande considération, mais il est le premier responsable de la prospérité du journal ; de même, les rédacteurs ont le plus souvent des appointements élevés pour un travail modéré et d’autant moindre que la prospérité du journal est plus grande; dans les organes en vogue les rédacteurs sont très nombreux.
- Avoir des lecteurs, telle est l’aspiration dominante de toutes les personnalités attachées à une entreprise de journalisme : Les journaux donnant beaucoup de faits divers ont de nombreux lecteurs, on en mettra plus que ceux-ci ; de même pour les feuilletons ; on remplacera les articles sérieux, peu goûtés par la généralité du public, par des nouvelles, beaucoup de nouvelles; enfin, dans une civilisation corrompue, dans un milieu démoralisé vivant d’émotions et d’idées passagères, on notera attentivement chaque nouveau caprice de la masse afin de ne rien dire qui ne soit à l’unisson de ses variations.
- Dites à un journaliste de parler de paix et de désarmement, il vous répondra : tous les ouvriers de l’équipement militaire se plaignent qu’ils n’ont pas assez d’ouvrage; les entrepreneurs ne sont pas contents de la rareté des adjudications ; les militaires de profession ne veulent pas qu’on touche à leur métier; mais les gens en général ne comprennent la nécessité de la paix que lorsqu’ils ont supporté d’effroyables défaites ; leur en parler avant
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- ce moment psychologique serait vouloir chasser tous les abonnés du journal, et le résultat obtenu serait nul, puisqu’on n’aurait plus de lecteurs ; vanter l’indépendance, le dévouement, l’honorabilité à des hommes qui n’ont aucune de ces vertus, mais c’est vouloir attrapper des mouches avec du vinaigre ! Si vous insistez, il vous sera demandé si vous connaissez des capitalistes assez nombreux et assez riches, et suffisamment dévoués pour payer des rédacteurs ayant mission de dire la vérité ; que, si vous en connaissez, on ne demande pas mieux que de se mettre à leur disposition, et pour de moindres appointements; mais, en attendant, il faut vivre et faire vivre sa famille.
- Tout cela est malheureusement vrai ; mais, nous le répétons, un journaliste, ayant quelque énergie et la volonté de bien faire, peut être plus fort que toutes ces difficultés.
- Nous ne demanderions momentanément à aucun rédacteur de faire un article sur l’arbitrage ou le désarmement ; nous serions désespéré de pousser un de nos collègues dans une voie qui aboutirait à la perte de sa position sans profit pour la propagande des saines idées. Mais ce qu’ils peuvent faire tous sans danger, c’est de ne laisser passer aucune occasion de glisser dans le chapitre « Nouvelles ou Petites Nouvelles », sous la forme d’une modeste information, sans commentaires, sans phrases, les faits se rattachant à la propagande de la paix.
- Ainsi il y a peu de temps, le Devoir a signalé que tous les habitants d’une commune avaient adhéré aux principes d’arbitrage et de désarmement ; tous les rédacteurs des informations pouvaient annoncer ce fait, sans encourir aucune responsabilité ; ils auraient même pu donner quelque développement à leur récit en s’abstenant de commentaires favorables ou non, comme lorsqu’il s’agit d’un fait curieux.
- Actuellement, le gouvernement suisse vient de mettre le palais fédéral de Berne à la disposition du Congrès de la Ligue internationale de la paix et d’arbitrage; voilà encore une nouvelle que l’on peut donner sans se compromettre. M. de Lesseps fait partie des groupes représentés à Berne, il n’y a aucune direction qui trouvera quelque chose à reprocher au rédacteur qui aura su habilement se servir de la notoriété de M. de Lesseps pour dire quelques mots de l’arbitrage, du désarmement, de la paix. Un autre jour, on peut prendre prétexte de la personnalité de Victor Hugo pour agiter les mêmes questions. Le congrès de Berne compte un
- grand nombre de personnalités, dont les noms sont toujours à leur place dans un journal; le rédacteur dévoué saura faire passer sous le couvert de ces noms quelques considérations propres à vulgariser ces idées salutaires.
- S’il se trouvait dans la presse un certain nombre d’écrivains voulant mettre à profit ces circonstances favorables, les occasions seraient assez fréquentes pour vaincre l’indifférence d’un grand nombre de leurs lecteurs qui sont, par tempéram-ment et par intérêt, dans des situations ayant beaucoup à bénéficier du maintien de la paix. On créerait ainsi lentement, presqu’à l’insu des intéressés aux spéculations des armements, un mouvement d’opinion qui imposerait aux journaux d'accorder ouvertement à cette question une place en rapport avec son importance capitale.
- En écrivant cet article nous n’avons pas la prétention d’apprendre à nos collègues à se servir de la force que leur donne le journalisme ; nous avons voulu simplement stimuler leur ardeur et leur faire remarquer que tant d’indifférence pouvait compromettre leur dignité. Et si nous en avons dit si long, c’est que nous comptions peu sur l’effet direct de nos paroles.
- Peut-être, avons-nous pensé, en initiant le lecteur aux finesses de la presse, deviendrait-il moins indulgent envers des rédacteurs, auxquels il devrait rappeler de temps en temps que, à côté de la masse indécise, il existe des citoyens désireux de voir accorder aux choses sérieuses une toute petite place dans le journalisme ordinaire.
- L’idée d’arbitrage et de désarmement a de nombreux partisans, si nous en jugeons d’après les adhérents que nous enregistrons chaque semaine. Parmi ceux-ci, il s’en trouve beaucoup qui lisent des journaux quotidiens. S’ils voulaient se donner la peine d’écrire quelques lettres aux rédacteurs et aux directeurs, pour les informer qu’ils désireraient les voir s’occuper de ces questions, assurément, ils obtiendraient bientôt des rédacteurs un peu plus de zèle et des directeurs une plus grande tolérance en faveur des choses sérieuses.
- Les gens séiûeux ne peuvent continuer à se laisser traîner à la remorque de toutes les fantaisies d’une foule aux aspirations capricieuses et désordonnées ; ils ont droit à une place, petite il est vrai, puisqu’ils sont peu nombreux, mais celle qu’on leur accorde n'est pas assez grande. Si les journalistes n’ont pas le sentiment de leur devoir pour la leur donner spontanément, il faut protester, même ne pas craindre de parler avec autorité.
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- Une Travailleuse
- C’est une noble et douce chose que le travail....pourtant, quelle image triste éveille ce seul mot ; l’ouvrière !
- Une travailleuse, une ouvrière, ce devrait être une femme, une jeune fille au corps développé, à l’intelligence ouverte, aux allures joyeuses. Son travail, quel qu’il soit, lui donne sans doute la sécurité du lendemain, il n’est pas une tâche, il est réglé de façon à être un délassement, en même temps qu’une condition d’existence. Il est varié, c’est tellement naturel, et il emploie seulement quelques heures du jour, le temps de l’aimer, afin de le bien faire.
- Voilà l’ouvrière... de l’avenir !
- Mais celle ... du présent !
- Nous en connaissons hélas ! et plus d’une. Elles se lèvent au petit jour, toutes pâles, toutes affaissées, toutes endormies. Elles se sont couchées^souvent en pleine nuit. Elles sont restées là sur leur chaise, des heures et des heures encore, immobiles, cousant, l’esprit bien loin, le cœur vide ou souffrant. L’ouvrage presse et la faiblesse creuse l’estomac.
- Il va falloir recommencer aujourd’hui, demain, toujours, sous peine de ne pas manger ou de ne pas payer le terme.
- La pratique est exigeante et l’estomac est un plus rude maître encore.
- La fillette et la femme voudraient bien au printemps respirer un peu le grand air des champs, on étouffe toujours entre quatre murs, on s’étiole, pendant que les grands arbres poussent au soleil et que, dans l’herbe, à l’ombre, éclosent de petites fleurs toutes fraîches et toutes embaumées.
- L’ouvrière a la nostalgie de la campagne. C’est l’image des prés et des bois ( elles nous l’ont dit souvent ) qui revient le plus ordinairement sous leurs yeux pendant que leurs doigts agiles joignent indéfiniment des étoffes qui pareront d’autres femmes et qui leur font envie à elles aussi ?
- On les a faites ignorantes, donc frivoles. Des rêvés vagues se mêlent dans le cerveau des plus jeunes, au froufrou de la soie, aux senteurs désirées des grands bois, aux douces paroles dont elles se bercent elles-mêmes, les pauvrettes, afin de trouver la journée moins longue.
- Il y a à deux pas d’elles, elles le savent, mille endroits où l’on s’amuse, où l’on danse, où l’on oublie, où l’on aime peut-être, croient-elles !
- Elles sont bien lasses d’un travail qui ne leur apporte qu’ennui et privations, et elles continuent pourtant leur tâche ingrate.
- L’ouvrière a le travail de la maison et le travail du dehors, travail forcé, payé d’une façon dérisoire.
- Et elle rit cependant, elle chante et. elle se nlaint à
- peine. Ce qui se plaint en elle, c’est son visage pâle, ses mains trop blanches, le cercle bleuâtre qui entoure ses yeux.
- Aidez-nous à la faire moins malheureuse et étudiez avec nous ces questions que nous résoudrons ensemble.
- Qu’est la femme, et que devrait-elle être ?
- Potonié Pierre
- Membre de la Société des Gens de Lettres,
- Yincennes (Seine)
- ÉCOLES DU FAMILISTÈRE Devoirs de Morale
- Devoirs des uns envers les autres. —
- Le Devoir est ce qu’on doit à soi et aux autres. Ce qu’on doit à soi et aux autres nous est commandé par la nature, l’humanité et la morale. La morale est l’ensemble de toutes nos obligations ; c’est elle qui les réunit toutes.
- Le Devoir a la liberté pour principe, et la conscience pour juge. Il a deux faces, celle qui nous regarde, et celle qui regarde les autres ; ces deux faces se résument en la grande divise, « Vivre pour autrui ». Quand nous disons, il faut « vivre pour autrui », nous entendons par là, qu’il faut aider les autres afin de faire progresser la vie générale, et pour faire progresser la vie généralement, il faut d’abord la faire progresser personnellement. Chacun doit faire progresser la vie en soi : 1° en pratiquant l’hygiène; 2° en s’exerçant à devenir habile dans sa profession ; 3° en s’élevant de plus en plus à une morale parfaite. Pour s’élever à une bonne morale, il faut arriver à connaître la vérité, d’abord en réfléchissant, puis en observant, et surtout en étudiant.
- Il faut servir l’humanité surtout avec son cœur; il faut que nos actions soient guidées par nos sentiments ; c’est donc le sentiment qui doit être le principe de nos actions. Quand on aime l’humanité on doit aimer sa patrie plus que sa commune, sa commune plus que son pays natal, son pays natal plus que sa famille, et enfin, on doit aimer sa famille plus que soi-même ; mais on doit plus aimer l’association que sa famille et que soi-même. C’est à l’humanité que nous sommes le plus redevables.
- Il n’y a pas de devoirs sans droits ; mais nos droits sont l’exerciée des devoirs des autres. Les droits de chacun sont les devoirs des autres. L’amour que nous avons pour l’humanité consiste à ne jamais rien faire qui puisse lui nuire ; l’amour de l’humanité doit se manifester particulièrement par l’amour de la patrie, de la cité, de l’association et de la famille.
- Nous avons dans la famille, de petits enfants qui sont l’avenir, des parents (le père, la mère) qui sont le présent, et des vieillards (le grand’pére et la grand’mère) qui représentent le passé.
- Monsieur Godin a dit « La bienveillance, les uns pour les autres (le resneet. mutuel u^nr lp<s a"tre«\ 'tnivent. être de
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- LE DEVOIR
- pratique constante, entre les membres de l’association. » La conduite de chacun des habitants du Familistère doit avoir pour but de rendre aux membres de l’association une vie douce et heureuse. Pour rendre service à tous, il faut aider au bon fonctionnement des assurances mutuelles, puisqu’elles sont celles qui viennent en aide à tous les besoins exceptionnels.
- Si la morale préconisée au Familistère était pratiquée partout, nous verrions bientôt changer le monde, et ce qu’a dit Saint-Simon serait vrai : <t l’âge d’or, que les poètes ont placé derrière nous, est devant nous. »
- Conclusion. — Nous devons tous nous appliquer à bien comprendre cette morale, à bien la pratiquer, quand nous la comprenons, et par ce moyen, la répandre autant que nous le pourrons dans le monde entier.
- LOUIS, Flore, âgée de 43 ans.
- Le Devoir est ce qu’on doit à sa soi-même et aux autres ; le devoir nous est commandé par la nature, par les lois humaines et par la morale.
- La morale est l’ensemble de toutes nos obligations, c’est elle qui résume tous nos devoirs envers les autres et envers nous-même. Le devoir a pour principe la liberté et pour juge la conscience; il n’y a pas de devoir sans droits, les droits des uns sont les devoirs des autres et réciproquement.
- Nous devons aider le plus possible à faire progresser la vie générale; chacun doit la faire progresser chez les autres en conservant sa santé par l’hygiène et en devenant habile dans sa profession, il doit la faire progresser en lui en pratiquant une morale de plus en plus élevée.
- Ce n’est pas assez de servir l’humanité avec ses bras et son intelligence, nous devons la servir avec notre cœur.
- Nous devons aimer l’humanité plus que notre patrie, notre patrie plus que notre cité, notre cité plus que noire famille, notre famille plus que nous-même, car l’humanité a plus fait pour nous que notre patrie a plus fait pour nous que notre ville et ainsi de suite.
- L’amour que nous avons pour l’humanité doit se manifester par notre amour pour la patrie, pour notre cité, pour notre famille.
- La famille est en quelque sorte la représentation de l’humanité en petit, les grands parents représentent le passé, le père et la mère représentent le présent, les enfants représentent l’avenir.
- M. Godin a dit à propos des devoirs réciproques entre les associés du familistère : « La bienveillance les uns pour les autres, le respect mutuel des personnes doivent-être de pratique constante entre les membres de l’association. »
- Nous devons rendre autant que possible service à tout le monde ; pour cela il faut aider au bon fonctionnement des assurances mutuelles puisque ce sont ces assurances qui viennent en aide à tous les besoins exceptionnels.
- Conclusion.— Nous devons tous nous appliquer à bien comprendre la morale et la pratiquer et à l’imposer aux autres par la force de l’exemple.
- DONNE AU, âgé de 13 ans.
- Adhésions aux Principes d'Arbitrage et de Désarmement Européen
- Seine - Inférieure — Auzouville - sur - Ry. — Leroy, Arthémise, conseiller municipal. — Leroy, cantonnier, — Delesque, Pierre, fondeur. — Delesque, fils, fondeur. — Larché, Alfred, cordonnier. — Larché, Octave, cordonnier. — Durand, Moïse, journalier. — Duval, menuisier. — Foliot, cordonnier.
- Mesdames. — Leroy. — Larché. — Legendre. Elbeuf-sur-Andelle. — Mardot, propriétaire. — Mar-dot, fils, cultivateur. — Debure, domestique. —Moillon, propriétaire-cultivateur. — Mesdames : Mardot, propriétaire.
- — Dumont.
- Saint-Denis-le-Triboult. — Mardot, Pierre, cultivateur. — Mesdames : veuve Fleury. — Mardot. — Léa Mardot.
- Ry. — Lhernault, rentier. —Lecomte, cafetier. —Mesdames : Robert. — Legros.
- Grainville-sur-Ry. — Yallet, Émile, propriétaire, maire. — Renoult, Charles, cultivateur, adjoint. — Yallet, Jean, cultivateur, conseiller municipal. — Lefebvre, Alfred, cultivateur, conseiller municipal. — Cousin, Paul, cultivateur, conseiller municipal. — Leroy, maçon, conseiller municipal. — Frémin, Louis, cultivateur, conseiller municipal.
- — Lesueur, Propriétaire, conseiller municipal. — Godfroy, Gustave, instituteur. — Guignery, A., garde-champêtre. — Royer, Sosthène, propriétaire. — Hérout, fils, propriétaire. Elie, journalier. — Langlois, cafetier. — Deschamps, Céles-tin. — Lefebvre, Ansbert. — Leroy, Sylvain. — Ruffin, Narcisse. — Pellerin, Arthur. — Perrier, Jean. — Langlois. Gantier, Paul. — Lefebvre, Sophrone. — Guisier, Ernest. — Griffon, Emile. — Beuvin, Désiré. — Griffon, Hyppolite. — Lheureux, Àmand. — Loisel, Jacques. — Deschamps, Gustave. — Mesdames : Vallet, Émile. — Veuve Hérout}
- — Veuve Podevin. — C. Deschamps. — Guérinier. — Royer, Aurélie. — Deschamps, Gustave. — Griffon, Emile.
- — Lheureux. — Veuve Guisier.
- Eure. — L’Ile-Dieu. — Lemoine, portier.— Madame Lemoine.
- Marne. — Châlons-sur-Marne.. — Lamy, J. — Van Minder. — Septier, Inspecteur d’assurances, Vie. — Cerf, Isidore. —Frotin.— Frotin, C., Horloger-mécanieien.— Mellet, Auguste-Louis. — Lagille, E. — Calui. — Michel.
- — Calui, Charles. — Herbiquier, 0. — Adnet-Caillet. — 0. Wirth. — Chlique, C. — Haume. — Mesdames : Ad-net. — Legros, Hortense.
- Seine. — Paris. — Robert, 27, rue de Mantes.
- Aisne. — Guise. — Bourbier, Jules-Désiré, ouvrier
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- menuisier au Familistère. — Desquillet, Jules, mécanicien au Familistère.
- Besmont. — Pargneaux, Léandre-Eusèbe, Conseiller municipal. — Magloire, Mathieu.
- Lucy, par Ribemont. — Lamy, Léopold, brodeur.
- Charente-Inférieure. — Sarnier. — Jacquenou, cultivateur.
- Doubs.— Besançon. — Maure.
- Chili. — Peyroulx, à Valparaiso.
- - Le SECRET DE BERNARD'
- Par Charles DES LYS.
- (Suite et fin.)
- Le front de la vieille Bretonne s’était rembruni. Par un douloureux effort sur elle-même, elle écartait à regret le pauvre petit.
- — Madame, lui dis-je, vous devez tout savoir... Ecoutez-moi... Je jure sur cette tombe que vous n’entendrez que la vérité.
- Puis à l’enfant :
- — Va devant, Marcel... Nous retournons à la maison...
- Il obéit. Je m’étais emparé du bras de la grand’mère.Tout en marchant à petits pas, je lui racontai le roman de Juliette et de Bernard. Telle fut ma conclusion :
- — Ils étaient si jeunes ! Ils s’aimaient tant ! Elle était digne de lui... elle est restée fidèle à sa mémoire...
- Mme Kerven gardait le silence. Son visage restait sombre, impénétrable... Mais je sentais son bras frissonner sous le mien.
- Déjà Marcel avait disparu dans le vestibule quand nous y arrivâmes. Je m’arrêtai devant la porte du salon :
- — Entrons-nous, madame?...
- — Elle est là, n’est-ce pas ?
- Ce fut l’enfant qui se chargea de répondre. Il venait d’ouvrir la porte, il eut cette inspiration :
- — Viens... grand’mère!
- Elle voulut en vain fermer les yeux pour ne plus le voir. A travers sa paupière close, des larmes jaillirent.
- Doucement poussée par moi, attirée par l’enfant, elle entra.
- Juliette, humble et digne à la fois, vint s’agenouiller devant elle, et les yeux en pleurs, la voix suppliante :
- — Madame, dit-elle, pardonnez-nous ? — comme il le demandait dans sa lettre.
- La réponse ne se fit guère attendre :
- — Oui, mais vous m’abandonnerez l’enfant...
- — Oh ! tout excepté cela ! se récria Juliette.
- Et, d’un aceent que je crois encore entendre, elle ajouta :
- — Je suis sa mère !
- La Bretonne se laissa tomber dans un fauteuil. Elle était brisée, vaincue.
- Néanmoins, tous ses préjugés réagissant une dernière fois contre son cœur, elle murmura :
- — Mais je ne puis cependant pas vous emmener ainsi tous les deux?... Que dirait-on? Que dirais-je?
- Je pris la parole ;
- — Eh bien !... Ne partez pas !... Il y a de la place ici... La maison est grande et j’y suis seul... Bestez avec moi...
- La jeune femme me regardait étonnée, n’osant comprendre.
- — A quel titre questionna la vieille. Ici comme là-bas, ce pauvre petit n’aurait pas de nom...
- — Il aurait le mien ! m’écriai-je. Oui, je l’adopte, je le reconnais... J’épouse sa mère...
- Les deux femmes jetèrent un cri, l’une de reconnaissance et l’autre d’effroi.
- — Juliette, poursuivis-je emporté par l’élan dont je n’étais plus maître. Juliette, ne craignez pas que je vous demande de l’amour ou que j’en ai pour vous ! C’est de l’amitié, de l’estime, le désir qu’on vous respecte et vous honore comme vous le méritez... Ne rougissez pas... ne vous alarmez pas... je ne serai pour vous qu’un frère... Si même ma présence vous gênait, dites un mot, et, dès le lendemain, au sortir de l’église, je m’éloignerai, je m’embarquerai comme médecin sur un navire en partance pour le tour du monde... Et préalablement, afin de ménager votre pudeur que j’offense, afin de vous laisser libre de réfléchir, je m’en vais chez un de mes malades, à deux lieues d’ici... J’y resterai jusqu’à ce que Marcel m’apporte votre réponse... C’est de lui que jel’attends.
- Et je m’enfuis.
- Le lendemain, ma carriole que j’avais renvoyée la veille, entra dans la cour de la ferme où je m’étais exilé.
- C’était MmeKerven qui conduisait.
- Marcel sauta vivement à terre, bondit vers moi, se jeta dans mes bras.
- Viens !... Viens, papa!..
- Qu’ajouterai-je ami !...Ce service que je te demande,ne l’as-tu pas deviné?... Je me marie dans huit jours... Seras-tu mon témoin?
- FIN
- Offre d’emplois -
- Emplois dans la direction et l'administration de deux grandes usines, chauffage en tous genres, meubles en fonte, quincaillerie, émailierie, galvanoplastie. Position de premier ordre. Prouver intelligence, activité, bon caractère et passé irréprochable. Age, environ 30 ans.
- S’adresser à M. G0D1N, fondateur du Familistère de Guise (Aisne).
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- LE DEVOIR
- BIBLIOGRAPHIE
- Nous avons reçu deux romans nouveaux de Madame A. Noirot :
- Marguerite Launay Jeanne Duhourg (1)
- On est entraîné à la lecture de ces deux livres par les bonnes et saines pensées qui les ont dictées.
- Jeanne Dubourg est une simple et touchante histoire d’amour. Marguerite Launay est un attachant plaidoyer en faveur de l’émancipation civile de la femme. Il vient à propos, après le vote de la loi sur le divorce, pour faire voir que bien des réformes sont à accomplir encore dans la loi matrimoniale afin d’assurer la dignité, l’égalité, le respect mutuel des deux conjoints et favoriser ainsi l’harmonie dans les familles.
- Marguerite Launay a ce précieux avantage de dônner à la lectrice, au cours d’unattachant récit,des indications sur la situation faite à la femme mariée, par le code civil ; situation dont généralement la femme n’a pas la moindre idée avant le mariage; et dont elle ne se rend compte que le jour où des dissentiments éclatent entre elle et son mari.
- Convaincre l’esprit public que des réformes en cette voie seraient des plus favorables à la famille tout entière, père, mère et enfants, c’est certainement une bonne œuvre, aussi félicitons-nous Mme Noirot de consacrer ses intéressants romans à la défense des idées de progrès et d émancipation sociale.
- (t). En vente 3 fr. le volmne ehez Dentu, Palais-Royal, Paris.
- BIBLIOTHÈQUE
- La Bibliothèque a reçu de Madame Pauline Dupont de l'Eure, le remarquable ouvrage d'Edmond About « Le Roman d'un brave Homme. » Nos remerciements à l'amie si dévouée du Familistère.
- État-civil de Familistère
- Semaines du 14 au 27 Juillet 1884.
- Décès
- Le 14 juillet, de Arnold Mélanie, âgée de 1 an et 8 mois.
- Naissances
- 1° Le 23 juillet de Desquesne Émile, fils de Desquesne Firmin et de Drocourt Victorine.
- 28 Le 26 juillet, de Caure Charlotte-Louise, fille de Gaure Jules et de Fillion Ernestine.
- Vient de paraître le 3rae volume d’un important ouvrage, THistoire du Socialisme par M. Benoit Malon. Cette publication unique,par le sujet qu’elle traite, est éditée par la librairie Derveaux avec un grand luxe d’illustration ; elle remplit une véritable lacune, en ce qu’elle fait connaître toutes les théories et tous les efforts socialistes qui ont agité le monde et agitent encore la société moderne. C’est une œuvre d’érudition patiente, bourrée de recherches et de faits innombrables qui jettent un grand jour sur l’histoire des progrès humains et qui aident considérablement à comprendre notre époque.
- Le premier volume : Histoire du Socialisme depuis la Révolution, prix : 5 fr.
- Deuxième volume : Histoire du Socialisme en France depuis la Révolution, jusqu’en 1878, prix : 10 francs
- Troisième comme : Histoire du Socialisme en Angleterre, en Allemagne et en Russie, prix : 7 fr.
- L’ouvrage se vend aussi par séries dé 50 cent. Les deux premiers volumes sont composés de 42 séries contenant 210 gravures et 20 gravures-primes.
- En préparation le 4me volume : Histoire du Socialisme en Belgique, en Italie, en Espagne, en Suisse, en Autriche-Hongrie, en Portugal et en Hollande.
- Paraissent régulièrement 6 livraisons par mois, Derveaux, éditeur, 32, rue d’Angoulëme et chez tous les libraires.
- 9e Année. — N° 107. — La Philosophie de l’Avenir, Revue du socialisme rationnel, paraissant chaque mois. — Sommaire de la Revue de Juin 1884 :
- Discussion contradictoire, M. Albert Piche. — Frédéric Borde. — Qu’est-ce que la science ? Discussion avec M. Albert Piché, — Frédéric Borde. — La Question sociale au Reichstag, — Frédéric Borde. — Une Révolution économique au Brésil, — Frédéric Borde. — Signe des Temps, — Frédéric Borde. — Prix du numéro : 1 franc. — Abonnement postal : Un an, 12 fr. — Six moix, 6 fr. — Trois mois, 3 fr.— S’adresser à M. Jules DELAPORTE, rue Mouffetard, 108, Paris.
- SOMMAIRE du dernier numéro de la Revue du Mouvement social :
- Charles-M.-Limousin : La Révolution qui vient, — Jules Giraud : Une nouvelle définition du beau. — E. Renan : La méthode expérimentale en religion. — E. Barat : L’association agricole et industrielle. — E. Bourdain et P. S. Cros : Réalisation phalansté-rienne. — C. L. : Des socialistes sans le savoir. — A. Chaix : La participation, — Les corporations professionnelles, — La question de la paix et du désarmement,— Internationalisme,— Chronique,— Bibliographie: (Les proportions sociales).
- VENTE ET ABONNEMENTS : chez MM. WATTIER et 4, rue des Dèchargeurs, à Paris.
- Vive la République européenne 1 par Henri Brissac, vient de paraître chez Henri Oriol, 11, rue Bertin-Poirée.— Prix : 50 centimes.
- Première partie : Un cauchemar de l’empereur Guillaume Ier.
- Deuxième partie : La conspiration socialiste. — L’abolition des frontières. — Le Chant des peuples. — Le vrai Bismarck se montre. — En avant pour Dieu ! l’Empereur ! la Patrie ! — Le dernier mot du chancelier de fer.____
- __________ Le Directeur-Gérant : GO PIN.
- Guise. — lmp. BAR&.
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- Le numéro hebdomadaire W c.
- 8' Année, Tome 8. — W~
- BUREAU a GUISE (Aisne) ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE ON S’ABONNE A PARIS 5, rue Neuve-des-Petits-Champs
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont
- Toutes les communications le talon sert de quittance. Passage des Deux-Pavillons
- et réclamations France Union postale
- doivent être adressées à Un an ... 10 fr. »» Un an. . . . 11 fr.»» S’adresser à M. LEYMARIE
- M. GODIN, Directeur-Gérant Six mois. . . 6 »» Autres pays administrateur de la Librairie des sciences
- Fondateur du Familistère Trois mois. . 3 »» Un an. . . . 13 fr. 60 psychologiques.
- La Représentation nationale et la Révision. — Un Caractère. — Écoles du Familistère. — Proposition de Loi. — Aphorismes et Préceptes sociaux.
- — Faits politiques et sociaux de la semaine. — La France et la Paix. — Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen.
- — De la Gloire Militaire.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à litre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- La Représentation Nationale et la Révision.
- Le ministère doit être satisfait; il a un avortement de plus à son actif ; l’école opportuniste n’a jamais atteint d’autre résultat, lorsqu’il s’est agi de 1 intérêt général.
- La révision limitée a été remplacée par la révi-S10n décapitée, selon l'expression de l’inventeur de cette mystification politique.
- C’est ledernier mot de l’art de duper les électeurs ; °ela ressortira de l’exposé des résultats certains du
- mode de nomination des sénateurs proposé par le gouvernement.
- Le ministère n’est pas seul responsable de cette comédie politique. La gauche mérite aussi un biâme sévère. Cette fraction de la représentation nationale ne se rend pas compte de la part de responsabilité qui lui revient, sa bonne volonté l’empêche de s’apercevoir de son insuffisance politique ; mais cette insuffisance existe ; elle est aussi flagrante que les intrigues des meneurs du camp ministériel.
- La gauche souleva, la première, avec quelque énergie, l’idée de la révision ; elle n’aurait pas dû réclamer la discussion devant les Chambres d’une question qu'elle n’était pas certaine de pouvoir faire résoudre dans le sens libéral ; un parti politique fait preuve d’incapacité, lorsqu’il se méprend sur sa puissance. Cette première faute de la gauche a été sans cesse compliquée par les manœuvres parlementaires des révisionnistes; ils ne devaient pas saisir la Chambre d'une demande de révision, avant d'avoir fait l’éducation du pays sur cette question.
- Il était maladroit, très maladroit,d’intriguer sans cesse dans les couloirs de la Chambre et au sein des groupes,afin de hâter la discussion sur la révision, lorsqu’on négligeait la préparation préalable des électeurs.
- La gauche, n’a su parler au pays que d’une Assemblée Nationale constituante, lorsqu’il convenait d’élaborer le travail même de cette assemblée.
- La gauche pour servir fructueusement la cause révisionniste, devait n’en rien dire à la Chambre, tandis qu’elle aurait cherché par tous les moyens
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- à intéresser les électeurs à l’étude de la question. On aurait atteint ce but, si l’on eût poussé le pays à rédiger des cahiers, sans se préoccuper d’influencer l’opinion en faveur de telle ou telle solution. 11 fallait avoir confiance en la sagesse des citoyens, et ne pas craindre d’ouvrir un champ aux propositions les plus hardies et les plus opposées aux secrètes pensées des initiateurs du mouvement révisionniste.
- C’est ainsi que doivent procéder les oppositions sincères et véritablement républicaines dans tous leurs projets de réformes.
- Espérons que la gauche de la représentation nationale comprendra la leçon.
- Quelques-uns de ses membres viennent de déposer à la Chambre un projet d’organisation de la Mutualité nationale. Lespromoteurs de ce projet commettront une faute analogue, s’ils s’attachent à gagner leurs collègues au lieu de rallier le peuple. L’action parlementaire serait féconde dans une Chambre progressiste,dont la majorité,animée d’un sage esprit de gouvernement et imbue des données de révolution humaine, ferait, en vue des progrès sociaux,des efforts comparables à ceux que font les opportunistes pour maintenir la nation soumise aux servitudes morales politiques et économiques du régime monarchiste.
- En tous projets de réforme, chaque fois que la gauche s’attardera sur le tremplin politique, comme elle l’a fait pour la révision,elle ne recueillera que des déceptions.
- * *
- Des quelques propositions bizarres contenues dans le projet de la révision décapitée, aucune n’est plus surprenante que les projets du gouvernement concernant la révision de la loi électorale du Sénat. Ils augmentent la puissance de réaction du sénat, et consacrent le suffrage restreint, violation du principe de la souveraineté nationale, que l’on a pu introduire dans la loi, sous l’influence de l’invasion prussienne et de la pourriture politique répandue par le bonapartisme.
- L’hypocrisie de ces propositions n’est pas un fait insignifiant; elle justifie toutes les méfiances et toutes les accusations contre ses auteurs et ses partisans.
- En apparence, le projet ministériel agrandit le suffrage restreint ; en réalité, il augmente la prépondérance déjà si énorme des parties de la France vouées à l’ignorance, où la réaction recrute ses contingents. En voici les dispositions; il accorde :
- 1 délégué pour les communes de 500 habitants et au-dessous
- 2 délégués pour les communes rte 501 à 1,500 habitants
- 3 délégués pour les communes de 1,501 à 2,500 habitants
- 4 délégués pour les communes de 2,501 à 3,500 habitants
- 5 délégués pour les communes de 3,501 à 10,000 habitants.
- 6 délégués pou-r les communes de 10,001 à 30,000 habitants.
- 7 délégués pour les communes de 30,001 à 40,000 habitants.
- 8 délégués pour les communes de 40,001 à 50,000 habitants.
- 9 délégués pour les communes de 50,001 à60,0U0 habitants.
- 10 délégués pour les communes de 60,001 habitants et au-dessus.
- Enfin Paris aurait 20 délégués.
- Le nombre des électeurs sénatoriaux, qui est actuellement de 43,000 environ, serait augmenté de 27,000 pour toute la France, non compris l’Algérie et les colonies.
- Le tableau suivant, établi d’après le recensement de 1881, donnerait :
- Nombre de Nombre Nombre de Nombre de Soit
- Communes d’habitants conseillers délégués délégués
- — — — —
- 16.871 moins de 500 10 1 16.871
- 14.615 501 à 1.500 12 2 29.230
- 2.751 1.501 à 2.500 16 3 8.253
- 880 2.501 à 3.500 21 4 3.520
- 758 3.501àlO.OOO 23 5 3.790
- 176 10.000à30.000 27 6 1.036
- 8 30.001440.000 30 7 36
- 9 40.001450.000 52 8 72
- 8 50.001460.000 34 9 72
- 20 60.001 et au-dessus 36 10 200
- 1 36.097 Paris 80 20 20 63.140
- On ne saurait nier que les communes, dont la population est inférieure à 1,500 habitants,donnant une moyenne de 800 individus,sont essentiellement rurales. Conséquemment leurs 46,000 délégués auxquels on pourrait encore ajouter une partie des 8,250 délégués nommés par les communes de 1,501 à 2,500 habitants formeront toujours une majorité compacte dans les élections sénatoriales, et n’en modifieront pas l’esprit.
- Il faut en outre remarquer que le nombre des délégués des 14,615 communes ayant de 501 à 1,500 habitants,soit une population totale approximative del4,000,000d’individus,est doublé,c’est-à-dire augmenté de 14,615 nouveaux délégués ; tandis que le nombre des délégués du total des communes ayant plus de 1,500 habitants, compris Paris, n’est accru que del2,428 délégués ; la majorité des représentants des petites communes sera donc augmentée d’un appoint de 2,187 délégués, au détriment de la représentation des grands centres.
- On voit encore par ce tableau que chaque million d’habitants des communes de 501 à 1.500 habi-
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- tants voitj augmenter sa représentation de 1.000 délégués, tandis que chaque million d’habitants parisiens gagne 9 délégués!
- *
- * *
- yous avons fait l’application au département de l’Aisne des propositions préconisées par le ministère. Voici quels en seraient les résultats :
- L’arrondissement de Château-Thierry a 122 communes, dont M7 ayant moins de 1.500 habitants; la représentation de ces communes dans les comices électoraux du second degré sera augmentée de 26 délégués, et les communes plus peuplées magneront 12 voix ; soit une différence de 14 voix en faveur des communes rurales.
- Dans l’arrondissement de Laon,les 274 communes n’ayant pas 1.500 habitants acquièrent 90 voix en plus, tandis que les 11 villes n’en obtiennent que 30 ; différence en faveur des campagnes 60 voix.
- L’arrondissement de Soissons obtient un supplément de 23 délégués pour ses 160 communes n’ayant pas 1.500 habitants, et 19 pour ses 6 villes; différence 4 voix au profit des majorités rurales.
- Les 107 communes de l’arrondissement de Saint-Quentin, ayant moins de 1.500 habitants, gagnent 66 délégués, tandis que les 13 communes urbaines ont 36 délégués en plus ; différence 30 voix en faveur de la majorité des petites communes.
- Dans l’arrondissement de Vervins, les 94 communes avec une population inférieure à 1.500 habitants auront leur réprésentation augmentée de 63 voix, tandis que celle des communes plus importante gagnera 16 délégués; encore une différence de 12 voix favorable aux mêmes intérêts que dans les autres arrondissements.
- En définitive, dans le département de l’Aisne, la réforme proposée par le gouvernement aboutit aune augmentation de 121 voix en faveur de la majorité des communes rurales.
- 24 communes de ce département, ayant une Population totale de 1.893 habitants, ont une délégation électorale trois fois plus nombreuse que celle accordée aux 34.811 habitants de Saint-Quentin. Selon les lois de la justice, en prenant pour unité la population de ces petites communes, Saint-Quentin devrait nommer 44 délégués.
- Eu résumé, d’après le ministère, les 822 communes de l’Aisne, avec leur population totale de °44.000 habitants, nommeront 1.238électeurs séna-loffaux ; et la majorité pourra être formée par les ^légués des communes comptant moins de 700 Citants ; dans cette hypothèse une minorité de
- 211.000 individus imposerait sa volonté à une majorité de 333.000 habitants.
- L’augmentation des privilèges électoraux des campagnes sera beaucoup plus sensible encore dans les départements où se trouvent de nombreuses cités populeuses.
- Après dix années de République, de pouvoir incontesté, de paix, de recueillement, ceux qui voteront ces lois de réaction ne peuvent prétendre conserver le droit de parler de souveraineté nationale, de suffrage universel!
- Après 1871, l’affolement général expliquait de pareilles folies du moment. Maintenant consacrer et aggraver ces œuvres serait un attentat direct contre la République.
- * *
- Puisqu’on nous force,à nous qui désirons pardessus tout nous, occuper de vulgariser les movens de régénération sociale,à nous arrêter à de si honteux trafics de la représentation nationale, malgré notre répugnance à nous mêler d’une politique aussi démoralisée, nous ferons tout ce que demande l'intérêt public.
- En France, 720 communes ont une population au-dessous de cent habitants ; dans le département de l’Aisne nous en avons compté 24.-
- 1.893 habitants des hameaux de l’Aisne auront 24 délégués ; les 56.790 habitants des villages perdus de la France auront 720 suffrages, tandis que les deux millions deux cent mille Parisiens n’auront que 20 voix.
- Si la représentation des petites communes est fixée par la loi à 720 suffrages; celle de Paris, en bonne justice, ne devrait être inférieure à 27,892.
- Nous ne voulons pas reprocher aux petites communes l’état d’infériorité relative de leurs habitants, c’est un grief qu’il faut mettre au compte des gouvernements, qui ont toujours négligé les intérêts des faibles.
- Les localités dépourvues d’écoles et de moyens faciles de communication manquent de tous les éléments de la vie publique. Et c’est pourtant au moyen des délégués de ces petites communes qu’on neutralise la représentation des grands centres. Ainsi, dans l’Aisne, les quatre villes principales Saint-Quentin, Soissons, Laon, Château-Thierry, avec leur population totale de 62.203 habitants, nomment 21 délégués, dont les votes peuvent être annulés par les 24 représentants de 24 petites communes n’ayant pas ensemble 1.900 habitants.
- Cette haine des villes, incompréhensible dans
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- une République, s’explique par la crainte de l’opi nion publique qu’éprouvent tous les gens malhonnêtes en politique ou autrement.
- On veut surtout empêcher la population parisienne d’avoir une action politique proportionnelle à son importance numérique, parcequ’on redoute le bon sens et l’honnêteté de ses électeurs. Tout cela, en vue de sauvegarder la situation des exploiteurs politiques.
- Paris aurait bientôt fait justice d’une foule de politiciens dont l’hypocrisie ne peut cacher longtemps aux Parisiens les mœurs dégoûtantes et les vices nombreux. A Paris, chacun sait comment des hommes en vue trafiquent d’une dépêche pouvantinfluen’ cer les cours de la Bourse; on parle, publiquement et à toute heure, des compromissions entre financiers, sénateurs et députés; chaque matin, on apprend ce qu’a perdu dans la nuit tel grand personnage que l’on trouve régulièrement, de minuit à cinq heures, dans les cercles mal famés, et que l’onne rencontre presque jamais à la Chambre ou au Sénat; la façon dont on négocie les pots de vin, le plus généralement par des courtiers femelles, n’est un mystère pour personne ; tout le monde sait comment s’y prennent, pour dépenser cent mille francs, certains représentants n’ayant ni métier, ni capital.
- Dans le vote qui confirmera la décapitation de Paris et la suppression de la représentation des centres populeux, on verra tous les faiseurs de la politique et de la finance voter avec les réactionnaires et les débris de toutes les monarchies.
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- Au milieu de ces intrigues, pendant que l’on prépare l’étranglement de la souveraineté populaire par fa castration du suffrage universel, le Devoir, fort de son passé et de sa volonté de défendre les principes, ne cessera de rappeler aux législateurs et aux publicistes, sans s’inquiéter de leur parti pris de ne pas vouloir entendre, quelles sont les véritables conditions de la représentation nationale.
- Le peuple est souverain ; devient criminel quiconque attente à cette souveraineté.
- La souveraineté n’est pas réelle, lorsqu’elle m’est pas permanente ; elle est nulle, lorsque le souverain ne peut contrôler son mandataire.
- Cette souveraineté existe, si chaque électeur, chaque partie du souverain, peut agir avec une égale et pleine liberté sur la représentation nationale.
- Le Devoir a indiqué un moyen pratique de don. ner à chaque électeur la liberté et l’égalité dans le vote, et Tautorité indispensable.
- Le scrutin de liste nationale et la réduction à deux ans de la durée du mandat par le renouvellement annuel de la moitié des corps élus contiennent in-failliblement les garanties de la souveraineté nationale.
- Avec ce mode de votation, l’électeur est libre parce que le suffrage n’est jamais restreint, parce que le citoyen est à l’abri des surprises par la fixité des périodes électorales, parcequ’il se prononce sur la totalité des intérêts généraux en inscrivant sur son bulletin autant de noms de candidats qu’il y a de ministères.
- Les électeurs sont aussi égaux devant l’urne, puisque chacun d’eux peut choisir ses candidats dans tout le pays et se prononcer sur les mêmes intérêts généraux, les intérêts de clocher étant forcément écartés par le scrutin de liste nationale.
- L’électeur est véritablement souverain, puisque le vote annuel pour le renouvellement de la moitié des corps élus permet, pour ainsi dire, la manifestation permanente de l’opinion publique, et la possibilité pour l’électeur de remplacer, après un délai n’excédant jamais deux ans, le mandataire infidèle ou incapable.
- Le scrutin de liste nationale convient parfaitement au suffrage universel, parcequ’il laisse aux électeurs la possibilité de se compter dans tout le pays suivant leurs préférences et d’introduire dans les corps élus un nombre de mandataires proportionnel à l’importance numérique de chaque groupement.
- Etant fixé un chiffre minimum, un quotient, de voix à obtenir par chaque représentant, le scrutin de liste nationale donne toutes les facilités aux groupes électoraux de même opinion pour faire passer autant de listes de candidats qu’ils contiennent de fois ce quotient.
- Prenons un exemple :
- Supposons que chaque électeur a le droit d’inscrire sur sa liste douze noms et qu’un candidat, pour être élu, doit réunir un minimum de deux cent mille suffrages. Pour réaliser les conditions sincères d’une représentation exacte, il faut qu’une opinion ralliant deux centmille électeurs puisse fahe passer une liste de douze candidats, et qu’une autre opinion, comptant 2.400.000 partisans, ait le moyen de faire sortir de l'urne douze listes de douze candidats,
- Avec le scrutin de liste nationale, les deux cen
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- ^ille électeurs de la première opinion pourront se mettre d’accord sur une liste de douze noms, et, en déposant cette listedanstoutesles urnes,même dans ies communes où il n’y a qu’un électeur de cette nuance, ils auront une représentation ayant le droit et la capacité de se prononcer à l’occasion sur tous les intérêts généraux du pays. Dans les autres cas, les 2.400.000 électeurs de la deuxième opinion, d’après leur nombre devront faire passer 12 listes de 12 noms pour obtenir 144 mandataires; ils atteindront facilement ce résultat en divisant la France, conventionnellement, d’après le recensement de la précédente consultation électorale, en 12 régions contenant chacune 200.000 électeurs de cette opinion et en portant dans chacune de ces régions une liste spéciale de douze candidats.
- D’un autre côté, il est de toute évidence que le représentant ainsi nommé échappe aux influences des intérêts de clocher, et qu’il conserve toute l’indépendance possible dans la limite de son mandat. Nous n’insisterons pas davantage aujourd’hui sur cette partie de la question.
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- Après examen du mal nous avons indiqué le remède.
- Après les réflexions suggérées par les chinois préliminaires de la réunion du Congrès,nous avons résumé sommairement le projet de réforme électorale inspiré à M. Godin par les nécessités de la représentation nationale/
- Serons nous mieux écoutés que précédemment.
- Rien n’autorise cette supposition.
- Quoiqu’il en soit, nous défions les hommes politiques et les publicistes de réfuter nos assertions sur l’urgence de donner à la représentation nationale les garanties de son existence, de sa vérité, de sa permanence et de sa puissance.
- La révision de la Constitution n’est pas compréhensible dans un pays de suffrage universel, si elle ne fend à introduire des clauses stipulant les garanties de la souveraineté du peuple. Et lorsque nés garanties y seront inscrites, le suffrage universel indiquera, par ses fréquentes manifestations, Quelles sont les intentions de la volonté nationale.
- Les hommes politiques et les publicistes, nous 11 en doutons pas, continueront à se taire, ils feront la sourde oreille à nos défis.
- Mais tout cela ne durera qu’un temps.
- Pendant de longues annéces le Devoir a persisté, ^dlgré son isolement, à faire campagne pour la Mutualité nationale. La question est maintenant P°sée devant les Chambres !
- Nous ne ferons pas moins en faveur du suffrage universel.
- L’électeur arrivera à comprendre que cette persistance de ses mandataires à écarter l’examen de tout projet contenant le principe de la réduction de la durée du mandat est une preuve de leurs mauvaises intentions.
- Que peut faire au mandataire honnête la perspective d’un court mandat renouvelable ?
- Les représentants sincères seront maintenus, comme l’on conserve les bons ouvriers dans les usines. Nous avons au Familistère plus de 500 travailleurs qui ont plus de 15 années de présence dans les ateliers, quoique les ouvriers puissent être remerciés après chaque quinzaine.
- Des députés et des sénateurs viennent de fonder un nouveau groupe parlementaire dit « du Suffrage universel ; » nous les adjurons de définir quelles conditions ils préconisent pour en assurer le parfait fonctionnement, car jusqu’à 5ce jour tous les moyens de votation pratiqués ont abouti à l’escamotage de la volonté nationale.
- Le congrès révisionniste, quelle que soit la comédie qui le termine, et il ne finira pas autrement, aurait une influence décisive et d’ordre majeur s’il avait pour conséquence le groupement de quelques représentants autour des garanties pratiques de la souveraineté nationale.
- UN CARACTÈRE
- Nous avons trop souvent l’occasion de nous élever contre la démoralisation des personnalités et des groupes politiques pour ménager nos louanges aux rares caractères capables de résister aux influences nuisibles du milieu dirigeant.
- Naquet est un de ceux qui savent agir, pendant que d’autres nepeuvent se soustraire aux basses suggestions de l’intrigue.
- Au milieu du combat pour et contre les portefeuilles, pendant que des hommes, quelques-uns heureusement doués, dépensent leurs facultés en de mesquines combinaisons, Naquet, auquel les opportunistes avaient offert de fréquentes occasions de descendreà leur niveau, poursuivait, impassible, sa campagne en faveur du divorce.
- Cette première étape franchie, le triomphateur d’hier vient aussitôt prendre une place de combat daus la Ligue française pour l’émancipation de la femme.
- Nous ne chercherons pas quelles sont les opinions personnelles de Naquet sur l’ensemble de la question sociale, nous voulons acclamer la puissante recrue d’une société organisée
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- en vue d’obtenir l’émancipation de la femme, réforme que Fourier appréciait en ces termes :
- « En thèse générale, les progrès sociaux et changements de période s’opèrent en raison du progrès des femmes vers la liberté, et les décadences d’ordre social s’opèrent en raison du décroissement de la liberté des femmes. »
- Nous empruntons au Droit des Femmes la lettre d’adhésion de Naquet adressée à M. Léon Richer.
- Paris, le 8 juillet 1884.
- Mon cher ami,
- C’est entendu,je suis avec vous comme Deschanel et Schœl-cher. Je crois, je l’ai dit au Sénat, que la liberté et la dignité dont jouit la femme dans une société sont les thermomètres du progrès. Je ne puis donc qu’approuver votre œuvre et m’efforcer d’y contribuer. Inscrivez moi pour une souscription annuelle de vingt francs.
- Je vous serre affectueusement la main.
- NAQUET.
- D’autres auraient écrit une lettre emphatique, et leur souscription aurait été l’unique concours qu’ils auraient donné à l’œuvre.
- Mais Naquet apportera, sans bruit, modestement, son beau talent, sa puissante ténacité, son indomptable persévérance.
- La Ligue française pour le droit des femmes vient de recruter un chef, le meilleur qu’elle pouvait trouver ; on le reconnaîtra à la vaillance de ses services.
- Naquet venant à l’émancipation de la femme avec les précieuses qualités dont il a fait preuve dans la question du divorce, c’est à brève échéance le triomphe d’une cause aussi humaine que la libération des esclaves.
- Le concours d’un tel caractère assurera à la Ligue de nombreuses adhésions et une profonde influence sur l’opinion publique.
- En France, on suit volontiers les vaillants.
- Les succès des élèves des écoles du Familistère aux examens d’admission à l’école normale de Laon et pour l’obtention des certificats d’études primaires témoignent de la puissance d’une bonne organisation des écoles et de l’enseignement.
- Cette année, deux élèves des écoles du Familistère, Mlles Marguerite Philip, fille de M. Numa Philip, employé à la publicité, et Lucie Casseleux, fille de M. Casseleux, ouvrier mouleur, ont obtenu à la suite de brillants examens un bon classement dans les douze nominations à l’école normale de Laon, auxquelles prétendaient 49 concurrentes.
- En outre, les écoles du Familistère viennent
- d’avoir admis au certificat d’études les élèves dont les noms suivent :
- Lorent, Sylvie.— Donneaud, Gabriel.— Delzard Marie. — Régnier, Irma. — Bienfait, Opher -J Dallet, Marie. — Rousseau, Albert. — Lavabre Marie. — Vinchon, Clovis. — Collard, Edmond -J Bredouillard, Abdolonyme. — Quent, Victor — Chimot, Jules. — Lamy, Marie. — Lhote, Louis Hennequin, Joseph. — Noizet, Emilia. En tout R élèves, 7 filles et 8 garçons, sur 65 admissions faites pour le canton tout entier.
- Ces résultats, exceptionnellement satisfaisants obtenus dans les écoles libres d’une association n’ayant aucune subvention ni de la commune ni de l’Etat, ne sont pas les effets des circonstances accidentelles, puisqu’il y a un an les écoles du Familistère obtenaient 15 certificats d’études sur 18 élèves présentés.
- Cela démontre le degré d’élévation auquel on pourrait atteindre dans l’instruction publique si on l’organisait partout sur les bases des écoles du Familistère qui pourtant sont encore loin d’avoir atteint la perfection.
- Dans le canton de Guise, les 1.300 habitants du Familistère ont présenté 22 candidats et les 19.000 autres habitants du canton en ont produit 87, Si l’enseignement était donné dans tout le canton de Guise avec autant de soin qu’au Familistère, on aurait eu un nombre total de 343 candidats, dont 264 auraient dû obtenir le certificat d’ôtudes.
- La ville de Guise avec ses écoles ouvertes aux enfants d’une population supérieure à six mille habitants a présenté 15 canditats dont 11 ont été admis, 9 garçons et deux filles.
- Cette honteuse infériorité ne saurait être mise au compte des maîtres des écoles de la ville ; leur dévouement et leurs capacités professionnelles ne laissent rien à désirer, la responsabilité incombe uniquement à la municipalité qui ne veutfaire aucune
- dépensepourorganiser sérieusement l'enseignement
- Les écoles de la ville de Guise sont trop petites ; elles ne peuvent recevoir convenablement la moitié des enfants de la commune ; elles n’ont pas de matériel scolaire, et avec cela les maîtres sont surchargés d’élèves ; ils professent dans des conditions déplorables et très pénibles ; les enfants travailleurs eux-mêmes ont beaucoup de peine à suivre l’enseignement.
- L’égoïsme, l’incapacité, la mauvaise volonté du conseil municipal sont tellement flagrants que 1°D hésite à accepter une proposition de M. Godin 9ul offre à la ville de faire construire des écoles, de F5
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- meubler, et de louer le tout à la municipalité à raison de 2 0/0 du capital engagé. On voudrait éluder cette offre pour ne pas payer de nouveaux maîtres, et la commune de Guise n’a pas de centimes additionnels.
- Il nous semble pourtant que la comparaison entre l’instruction des enfants du Familistère et l’ignorance d’un si grand nombre des enfants des travailleurs logés en ville devrait attirer l’attention des administrateurs responsables de cette infériorité.
- Autant les examens du certificat d’études doivent réjouir les Familistériens, autant les habitants de la ville de Guise doivent être mécontents du peu d’instruction donnée à leurs enfants, surtout aux filles dont on s’occupe à peine.
- ' Nous reviendrons sur ce sujet.
- PROPOSITION DE LOI (Suite) j
- sur l’établissement de là Mutualité nationale par l’hérédité de l’Etat et l’impôt progressif sur les Successions
- présentée par Messieurs Giard, Henry Maret, Laguerre, Tony Révillon.
- Il
- • Nous devons répondre dès à présent à une objection qui nous sera certainement opposée. Est-il juste, est-il bon au point de vue social de limiter, ainsi que nous le demandons, le droit à l’héritage ?
- Volontiers on reconnaît que les lois actuelles admettent à l’héritage des hommes qui,la plupart du temps, n’ont contribué en quoi que ce soit à la formation de la fortune dont ils héritent, des hommes inconnus souvent du défunt et n’ayant jamais participé à ses travaux, ne possédant aucune des connaissances nécessaires pour continuer son industrie. Volontiers on reconnaît aussi que l’État, qui a fourni aux citoyens le moyen de développer leur fortune qui parfois même a créé de toutes pièces cette fortune sans aucun effort de lapart du possesseur^ quelque droit, à la mort de celui-ci, d’hériter d’une partie des biens qui sont le produit des efforts de tous mis par le hasard de la naissance entre les mains d’un seul. Mais la routine est plus forte que tous les raisonnements,et l’hérédité des pré-ugés de nos ancêtres barb ares contribue à rendre moins sensible à notre conscience l’iniquité des lois qui régissent les autres héritages.
- On ne manque pas aussi de faire remarquer,pour achever d’étouffer tout scrupule, que l’héritage est un puissant stimulant pour celui qui l’accumule et que le désir de laisser àj leurs enfants un patrimoine agrandi encourage puissamment les hommes dans les efforts qu’ils font sur la route du progrès.
- Nous ne le contestons pas et longtemps encore cet étroit sentiment familial aura une importance trop grande pour qu’on puisse espérer le remplacer par l’idée plus noble de léguer à l’humanité le fruit de ses travaux. Voit-on cependant que les célibataires et les gens sans enfants soient moins ambitieux, moins âpres au travail, moins utiles individuellement à la collectivité que les autres hommes ?
- L’individu né de parents riches n’est-il pas d’ailleurs par rapport aux autres citoyens dans une situation tout à fait privilégiée et dont il serait juste d’amoindrir les avantages au lieu de les exagérer encore par l’octroi de biens à la formation desquels il n’a pas directement concouru ?
- La concurrence vitale s’exerce aujourd’hui d’une façon aussi intense, plus intense peut-être que dans les civilisations primitives; le combat ;est aussi acharné, les armes seules ont changé. Celui-là est le mieux préparé pour la lutte qui a reçu une certaine culture intellectuelle à laquelle ne peuvent malheureusement parvenir tous ceux que la nature avait faits dignes de la recevoir. Tant que l’instruction intégrale ne sera pas sortie de nos programmes pour devenir une réalité nous verrons les fils de la bourgeoisie lancés tout armés dans la lutte tandis que les prolétaires, à de rares exceptions près, entreront dans l’arène nus et sans armes.
- Quel professeur de faculté n’a gémi intérieurement d’être obligé de récompenser par un diplôme, après des échecs répétés, la persévérance d’un fils de famille qui, grâce à la fortune paternelle, arrive à forcer en quelque sorte la porte qui mène aux carrières libérales, tandis que ceux qui pourraient les remplir d’une façon plus intelligente sont pour la plupart écartés et vont grossir la phalange des déclassés s’ils n’ont pas la bonne fortune d’éteindre, promptement dans un travail manuel exagéré la flamme intellectuelle qui brûlait en eux ?
- Certes on serait en droit de contester la valeur sociale de l’héritage direct, mais notre proposition est bien plus modeste. Nous ne touchons en rien aux lois existantes en ce qui concerne les héritages en ligne directe et nous n’apportons de modifications qu’aux successions qui, par l’absence de tout lien familial réel, ne peuvent être logiquement assimilées qu’au gain imprévu d’un gros lot dans une loterie.
- L’idée n’est pas neuve d’ailleurs et nous pouvons nous autoriser de l’opinion de penseurs justement estimés.
- Stuart Mill proposait déjà au commencement de ce siècle de supprimer le droit d’héritage pour les collatéraux et de restreindre la quotité de l’héritage direct à une provision suffisante. «Je ne reconnais ni comme juste, ni comme bon, ajoutait-il, un état de la société-ùans lequel il existe une classe qui ne travaille pas-; où il y a des êtres humains qui, sans être incapables de travail et
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- sans avoir acheté le repos au prix d’un travail antérieur, sont exempts de participer aux travaux qui incombent à l’espèce humaine (1). »
- Laboulaye qu’on aurait quelque peine à faire passer pour un révolutionnaire, justifie ainsi la légalité des modifications à la loi des successions :
- « Le droit de propriété est une création sociale. Toutes les fois que la société change de moyen, qu’elle déplace l’héritage ou les privilèges politiques attachés au sol elle est dans son droit et nul ne peut y trouver à redire en vertu d’un droit antérieur, car avant elle et hors d’elle il n’y a rien : et elle est la source et l’origine du droit (2).»
- Nous pourrions citer beaucoup d’autres autorités parmi les jurisconsultes les plus distingués. Mais notre tâche est bien simplifiée par le mouvement d’opinion qui paraît se produire même parmi nos collègues de la Chambre, en faveur de la limitation du droit d’hériter.
- Le 31 mars de cette année, M. Couturier et quatre-vingts de nos collègues déposaient une proposition de loi ayant pour objet : Ie la création d’une caisse de dotation pour les enfants abandonnés ; 2° une modification de l’article 755 du Gode civil qu’ils proposent de rédiger ainsi :
- Les parents au-delà du sixième degré ne succèdent pas.
- Nous ne pouvons mieux faire que de reproduire ici quelques lignes de l’exposé des motifs de cette proposition que votre vingt-deuxième Commission d’initiative vous demande de prendre en considération (3).
- « Les législations relatives au droit successoral ont tellement varié qu’un changement dans les règles qu’elles ont posées serait aussi justifiable aujourd’hui que dans le passé, étant donné que nos mœurs, notre état politique, les éléments constitutifs de notre société ont subi, de nos temps même, des transformations considérables.
- « Le code civil, d’ailleurs, est entré déjà dans la voie où nous nous plaçons, puisqu’il a tracé une limite au delà de laquelle l’État est substitué à des héritiers trop éloignés....
- « On peut reconnaître qu’il se fait sur ce sujet un courant d’opinion qui prend tous les jours plus d’importance, et auquel il ne sera bientôt plus possible de résister. Notre régime successoral, chacun le sent, ne pourrait rester longtemps debout tel qu’il est.
- « Des jurisconsultes éminents,de la génération contemporaine du code civil, l’ont déjà discuté, non dans son
- (1) Stuart Mill, Principes d'économie politique, II, 256, 259 et 360.
- (2) Laboulaye, Histoire du droit de propriété (couronné par l’Académie des inscriptions et belles-lettres).
- (3) Rapport sommaire M. de Bovier-Lapierre, n° 2886 (21 juin 1884).
- principe, mais dans ses exagérations, et ont préludé aix critiques dont il est l’objet aujourd’hui.
- « Treilhard (Exposé des motifs de la loi relative aux successions) exprime combien la loi « qui dispose « pour tous ceux qui meurent sans avoir disposé, doit « être sobre et se pénétrer des affections naturelles, lors-« qu’on trace un ordre de successions. »
- « Chabot, dans son discours au Tribunal, dit : « Mais il « est un terme où s’éteint la parenté, et auquel doit « s’arrêter la successibilité. L’ancien droit romain n’ac-« cordait pas le droit de succéder au delà du septième « degré, l’étendant au dixième sous Justinien » (L. L. D. de gradibus et affinibus).
- « M. Laurent, professeur à l’Université de Gand et député au Parlement belge dit dans ses Principes du droit civil français, t. VIII, p. 563 : « Nous avons à « faire un reproche aux auteurs du Code civil, c’est d’avoir « donné une trop grande extension à la notion de la « la famille. On succède jusqu’au 12e degré. Des parents « aussi éloignés sont toujours des parents inconnus... A « notre avis, la succession collatérale ne devrait « pas s’étendre au delà des cousins germains.
- » Restreindre le droit de succession n’est-ce pss abouti tir à donner un droit d’hérédité à l’Etat ? Telle n’est « pas notre pensée...
- « Nous ne naissons. pas seulement pour nous ; le lien « de la fraternité nous attache à notre famille d’abord,
- « puis à la grande famille humaine...
- « Que les biens délaissés par ceux qui n’ont pas de « famille légale soient destinés aux institutions qui ont « pour objet l’amélioration matérielle! intellectuelle et « morale de la classe la plus nombreuse et la plus pau-« vre ! Voilà un fonds de charité qui ne saurait être trop « riche...
- « Nous admettons le droit de propriété la faculté d’en <f disposer librement. La loi qui destinerait à la charité « les successions de ceux qui ne laisseraient pas de pa-« rents au delà du 4e degré, serait le testament de ceux « qui ne trouveraient pas de meilleur emploi à faire de « leurs biens ; et y en a-t-il un meilleur?
- « Nous sommes fondés à dire que la limitation, en ligne collatérale, du droit de succéder, peut descendre au-dessous de celle qu’a tracée le Gode civil, sans heurter aucuns droits acquis, sans créer de scrupules vis-à-vis des liens de famille, qui peuvent,à bon droit, être niés.
- « Les vieilles raisons d’Etat n’existent plus pour admettre au delà de ce cercle ainsi délimité une sorte de famille artificielle qui continue et prolonge la famille véritable.
- « Les conditions organiques des sociétés se sont aujourd’hui modifiées. Il n’y a plus ds castes à servir, ni de privilèges à protéger.
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- « L'intérêt social contemporain, tel qu'il résulte de nos mœurs, des droits de l'homme reconnus et du sentiment chaque jour plus net de la solidarité humaine, doit prendre la place des intérêts sociaux anciens, tels qu'ils étaient personnifiés par les minorités aristocratiques des âges précédents (1). »
- M. Couturier et nos honorables collègues proposent une modification de la loi moins complète que la nôtre et ils appliquent les résultats à une œuvre fort intéressante à coup sûr, mais beaucoup plus limitée. Mais d’autres philosophes ont compris toute l'importance de la réforme que nous étudions, et les conséquences sociales qu’elle pourrait avoir.
- On sait que le socialiste belge Colins et ses disciples de Potter, Hugentobler, etc., attachent une grande importance à cette idée de l'hérédité de l’Etat.
- M. Letourneau dans son beau livre la Sociologie, après avoir insisté sur les devoirs nouveaux que créeraient à l'Etat surtout au point de vue de l'instruction intégrale, les ressources nouvelles dont il disposerait conclut en des termes qu'il faut citer :
- « Enfin, l’éducation une fois terminée, il faudrait s’efforcer d’ouvrir à chacun la carrière à laquelle il est propre, créer des banques de district qui avanceraient aux individus offrant de suffisantes garanties morales et intel lectuelles, le capital nécessaire à un premier établissement. On devrait en outre viser à récompenser autant que possible le mérite réel, etc., etc., faire en sorte que toute une vie de labeur n’aboutisse pas à la misère et à Vadandon, etc.
- « Pour parfaire font cela, de vastes ressources pécuniaires sont indispensables.On les pourrait demander à la réforme elle-même. Déjà Stuart Mill a proposé un maximum modeste d’héritage ; on peut dans cette voie aller plus loin. Déjà,par les droits de succession dont il frappe la transmission hériditaire de la propriété, l’Etat entreprend sans cesse contre l'héritage. On pourrait élever progressivement le taux de ces droits les plus légitimes de tous, en les graduant non plus d'après le degré de parenté; mais d’après la quotité de l’héritage.Sagement échelonnée sur une longue série d’années cette progression permettrait d’arriver sans secousse à l'abolition totale ou presque totale de l'héritage. En même temps ou aurait peu à peu > scientifiquement, en prenant conseil de l'expérience,paré aux besoins sociaux résultant de cette grave réforme, auprès de laquelle tous les remaniements politiques sont des jeux d'enfants (2). »
- (A Suivre.)
- (1) Voir YAnneœe au procès-verbal de la séance du 31 mars 1884, n° 2753.
- (2) Letourneau, Sociologie, p. 418, 419.
- APHORISMES ET PRÉCEPTES SOCIAUX
- XXXXIX
- Liberté du suffrage universel
- Le suffrage universel a été jusqu’ici accaparé par l’oligarchie des pouvoirs publics qui ont cherché à le corrompre et l’asservir ;
- La République organisera le régime de la liberté et de l’égalité dans le vote en faveur de tous les citoyens :
- Par le scrutin de liste nationale,pour l’élection des députés et des sénateurs ;
- Par le scrutin de liste départementale, pour l’élection des conseils généraux;
- Par le scrutin de liste communale, pour fl’élection des conseils municipaux.
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- Le Congrès révisionniste. — Notre premier article « La représentation nationale et la Révision » avait été composé avant que nous ayons connu les scènes écœurantes de la première séance du Congrès. Nous avons fait un tirage spécial qui a été distribué aux sénateurs, aux députés et aux journaux. Il est certain que les auteurs des scandales parlementaires, qui ont marqué les débuts du congrès, sont incapables d’étudier sérieusement une question aussi importante que celle que nous avons soulevée.
- Puisque nous sommes en présence de gens résolus à remplacer les discussions de principe par toutes sortes d’intrigues, nous sommes contraint de dire ce que nous pensons de la série d’incidents tumultueux ou grotesques qui absorbent toute l’activité de nos parlementaires.
- A premier examen il ressort que des membres de la gau-ehe ont eu recours aux injures, à la menace pour faire avorter les projets despotiques du gouvernement.
- Beaucoup critiqueront ces brutales interventions qui jettent un jour peu favorable au prestige et à la bonne renommée de nos mœurs politiques ; ils se récrieront, prenant prétexte de l’opinion des étrangers et de la fâcheuse impression produite dans beaucoup de contrées où l’on avait le respect du nom français parce qu’on le croyait incapable de couvrir de si tristes procédés.
- Quoique l’on puisse dire, lorsque le mal existe, il est préférable qu’il s’étale au grand jour, au lieu de continuer sourdement son œuvre de corruption.
- Mais lorsque ces tristes explosions surviennent il est utile de préciser les responsabilités.
- Il n’est pas admissible que, si les partisans du suffrage universel avaient entrevu la possibilité de couper court aux audaces du gouvernement par un autre moyen que le scan dale, ils ne se fussent pas empressés de recourir cà des procédés plus dignes.
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- LE DEVOIR
- Mais le choix des moyens n’est pas toujours possible, lorsqu’on lutte contre certains hommes professant le mépris de la morale, ne se laissant influencer dans leurs appétits par aucune considération d’ordre théorique, ne tenant compte dans le choix de leurs actions d’aucune considération sur le bien ou le mal, se croyant tout permis tant qu’ils ne soulèvent pas la conscience publique.
- Si les députés qui ont employé les injures et les menaces, pour ramener à de moindres proportions l’attentat du gouvernement contre la souveraineté nationale ont préféré cette tactique à une autre qu’ils auraient puadopter fructueusement, nous n’hésiterions pas à blâmer sévèrement leur conduite; mais s’ils n’avaient le choix d’autres moyens pour éviter cette violation des bonnes traditions du régime représentatif, les critiquer équivaudrait à préférer les excès des coupables aux rigueurs des justiciers.
- On ne peut nier que le congrès a débuté comme le premier acte d’une conspiration.
- Un président demande spontanément à une assemblée nationale de voter « en bloc » et « sans débats » un règlement qui provoque de toutes parts des demandes d’explications, et plus de 500 prétendus représentants de la nation française se lèvent précipitamment pour approuver celte monstrueuse prétention ; puis les mêmes hommes ont l’audace de ne tenir compte des protestations de leurs collègues, ils ont le cynisme de vouloir faire du vote secret un système imposé à la représentation nationale.
- De pareils agissements ne s’improvisent pas ; ils résultent d’une entente préalable ; la réunion du congrès avait dû être précédée d’un conciliabule dans lequel tous les conspirateurs s’étaient engagés à voter toutes les motions que proposerait le président en vue d’assurer la victoire du suffrage restreint contre le suffrage universel
- L’intervention énergique et décisive de M. Clémenéeau a décontenancé les conspirateurs qui n’ont osé pousser jusqu’au bout leurs coupables intentions.
- Il est présumable que, passé ce moment de trouble, les ennemis du suffrage universel reprendront leurs tristes desseins avec plus de circonspection mais sans moins d’envie et de haine contre la représentation de la volonté nationale.
- Ce parti pris de la majorité réactionnaire du Congrès est tellement évident pour certains membres du Parlement, que ceux-ci ont déclaré à l’avance qu’ils n’assisteraient pas à un congrès réunissant une forte majorité résolue,avant l’ouverture des débats, à n’écouter d’aucune considération rationnelle.
- Cette abdication de quelques députés est inconcevable ; ils ont oublié que cette certitude des mauvaises intentions de la majorité n’était pas évidente pour le plus grand nombre des électeurs ; ils n’ont pas compris qu’ils devaient rester à la Chambre pour manœuvrer de façon à démasquer aux yeux des plus crédules les hypocrisies des meneurs de la campagne gouvernementale.
- Si l’intolérance de la majorité devenait telle que la dignité des défenseurs du suffrage universel fût compromise, la minorité pourrait quitter en masse le congrès, même démissionner afin d’en appeler devant le pays.
- Déjà la persévérance de M. Clémenceau a produit un excellent effet, elle promet même pour l’avenir une agitation féconde.
- Le député de Montmartre a déclaré qu’il dénoncerait au pays les représentants du suffrage restreint, de l’adoption « en bloc » et « sans débats » et du vote secret.
- Nous prenons acte des paroles de M. Clémenceau et nous espérons qu’il ne se bornera pas à faire cette dénonciation, sans se prononcer sur les véritables conditions de la souveraineté nationale, que nous soutiendrons, jusqu’à preuve du contraire,se trouver dans les trois réformes suivantes : Scrutin de liste nationale, réduction à deux a ns de la durée du mandat, renouvelllement annuel de la moitié des corps élus.
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- Déclaration du citoyen Gambon. — Voici le texte de la déclaration que le citoyen Gambon a portée hier à la tribune de l’Assemblée nationale :
- Citoyens,
- J’avais demandé la parole pour protester contre la proposition de M. le président du conseil : je n’ai pu me faire entendre ; je la demande de nouveau pour parler contre l’urgence, et voici les motifs :
- Cette Assemblée, composée de députés issus du suffrage universel et de sénateurs nommés par le suffrage restreint, cette Assemblée est incompétente pour faire une Constitution.
- C'est un axiome politique, que le pouvoir émane du peuple et que nul ne peut constituer en son nom, sans en avoir reçu le mandat exprès.
- Le pays seul est souverain, et son droit prime toute loi.
- Qu’une Assemblée ou un homme, qu’un seul ou huit cents usurpent la souveraineté du peuple, c’est même attentat.
- Par le canon de Décembre ou le vote de Juillet : même coup d’Etat.
- Je suis député et non constituant ; élu pour réclamer la révision et non la faire de ma propre autorité.
- N0T1 seulement je ne puis commettre cette usurpation, ce crime, mais je dois le dénoncer au peuple comme un acte de trahison.
- 11 n’y a plus, à cette heure, ni Chambre, ni Sénat, ni Constitution ; tout est en question. Fidèle à mon devoir, fidèle au grand principe de la souveraineté du peuple, je proteste contre tout ce que vous allez faire et je me retire au milieu de mes électeurs pour leur rendre compte de mon mandat.
- Emancipation de la femme. — Nous apprenons avec une bien vive satisfaction la nomination de Mme Camille Flammarion comme officier d’Académie. La femme de l’illustre astronome est tout à fait digne de cette distinction honorifique ; elle sert de secrétaire à son mari et les nombreux articles qu’elle a publiés dans différentes revues démontrent un véritable talent d’écrivain. Le ministre n’a donc fait que confirmer au grand jour ce que les intimes se disaient tout bas.
- + *
- Congrès pour l’abolition de la prostitution. — La Fédération britannique, continentale et générale pour l’abolition de la prostitution réglementée tiendra sa neuvième conférence internationale annuelle à Bâle et à Colmar, du 12 au 14 août, sous la prési-
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- dence de M. Emile de Laveleye, professeur d’économie politique à l’Université de Liège (Belgique).
- Les séances du 12 et du 13 seront tenues à Bâle.
- Celle du 1-4 aura lieu à Colmar.
- Un avis ultérieur annoncera le jour et le lieu delà clôture de la Conférence, qui sera précédée, selon l’usage, d’une Assemblée générale des membres effectifs de la Fédération, dans laquelle on élira le comité exécutifpour l’exercice 1884-1885.
- SSous félicitons le comité fédéral du choix qu’il vient de faire. L’illustre auteur de la Propriété et ses formes \ primitives et du Socialisme contemporain reconnaît et proclame l’urgence de profondes réformes sociales. Il ne croit pas non plus que la solution du grave problème de moralité publique soulevé par la fédération soit contenue dans l’abolition pure et simple des dispensaires, ainsi qu’affectent de le croire certains meneurs français, encore plus ennemis de la démocratie sociale qu’amis de la moralisation publique. Déjà, l’année dernière, le Congrès réuni à la Haye avait déclaré que la plus grande recruteuse de la prostitution était non pas la police des moeurs, mais la misère ; que, par suite, il fallait travailler à l’amélioration du sort de la femme et à l’obtention par celle-ci d’un salaire lui permettant de vivre en travaillant, ce qui n’est pas actuellement le cas.
- * *
- Le choléra. — On nous communique la lettre suivante, adressée par le médecin en chef de l’hôpital Saint-Mandrier (Toulon), en réponse à une demande que lui avait faite le docteur Arsène Drouet, d’essayer le traitement du choléra par le collodion, lui affirmant d’ailleurs qu’il obtiendrait des résultats étonnants dans les deux premières périodes cholérine et choléra algide :
- Saint-Mandrier, 5 juillet, 9 h. m.
- Mon cher confrère,
- Vous prêchez un converti depuis quinze ans !... Voilà quinze jours que je traite au collodion ; — voilà quinze jours que je sauve bien des existences ; voilà quinze jours que mon hôpital de Saint-Mandrier, qui a reçu tant de cas graves, étonne nos repoiters de journaux par les succès obtenus et que je n’espérais pas moi même être aussi étonnants ! Votre méthode que j’ai souvent préconisée dans mes cours d’épidémiologie, m’a rendu, dans des accès pernicieux des colonies, des services immenses !
- J’ai perdu neuf cholériques en tout, tous des hommes parvenus à l’asphygmie quand ils sont arrivés dans ma salle et chez lesquels, il était trop tard, le sang périphérique n’étant plus que de la gelée de groseille.
- A ma visite, il y a déjà quinze jours, qu’à chaque malade traité en temps opportun et qui guérit sous mes yeux, je dis à mon assistance (élèves, aides, reporters, médecins étrangers) : « Vous voyez, j’emploie la méthode de M. Brouet, de Nancy. » (Je vous croyais de Nancy.)
- Merci, monsieur, de votre lettre, de vos indications sur la tarlatane que j’emploie aussi. Vous voyez que je vous écris tout de suite, sur un bout de papier, du fond de mon cabinet d’où j’embrasse d’un coup d’œil une magnifique salle où j’ai sous les yeux quatre-vingt-quinze malades cholériques, dont
- vingt ou vingt-cinq (casgraves) vous doivent en partie leur salut.
- Recevez, mon cher confrère, etc.
- FÉLIX THOMAS,
- médecin en chef de la marine, chargé du service de l’hôpital de Saint-Mandrier.
- ANGLETERRE
- L’agitation révisionniste contre la Chambre des lords s’accentue en Angleterre. L’idée d’une réforme de la ^Chambre haute s’est fait de nouveau jour mercredi au Saint-James Hall de Londres, dans une réunion où s’étaient donné rendez-vous, comme nous l’avons annoncé, tous les délégués des associations radicales assemblés l’an dernier en conférence à Leeds. M. John Morley, qui présidait le meeting, sir Wilfried Lawson, M. Bradlaug et plusieurs autres orateurs du parti avancé, ont prononcé de longs discours. Tous se sont attachés à démontrer que la réforme électorale et la révision de la Chambre haute sont désormais deux questions inséparables. En un mot, et tout en approuvant l’attitude du gouvernement sur la question de la réforme électorale, ils ont protesté avec énergie contre les tentatives que fontquelqueslibéraux modérés pour étouffer le « sus à la Chambre des lords! » qui s’élève d’un bout du pays à l’autre. Nous ignorons encore si la réunion a arrêté les conditions dans lesquelles elle voudrait voir s’effectuer la révision de la seconde Chambre. Mais les dscours prononcés indiquent suffisamment les tendances du parti radical à l’abolition pure et simple delà Chambre des lords,dans les termes de la fameuse résolution de Cromwell.
- ALLEMAGNE
- Les expulsions des Russes sont activement poursuivies en Allemagne,
- D’après un calcul lait par l’ambassade de Russie, le nombre des Russes résidant ici était de 15.000 avant les expulsions; le nombre des expulsés s’élève jusqu’à présent à 1.800.
- Le Tagblatt dit que l’on est convaincu, à Saint-Pétersbourg, que les mesures prises à Berlin contre les Russes ont eu lieu sur la demande du gouvernement de Saint-Pétersbourg.
- ! L’indignation est à son comble en Allemagne ; les quelques hommes, que l’incroyable despotisme du chancelier prince de Bismarck n’a pas encore complètement réduits au silence, protestent publiquement contre les mesures prises à Berlin.
- M. de Bismarck n’est pas aussi rassuré qu’il le paraît sur les mesures socialistes.
- On écrit en effet de Berlin.
- Le socialiste Liebknecht, membre du Reichstag, fut arrêté l’autre jour à Chemnitz, dans une réunion secrète d’environ cent personnes. Après avoir été entendu par le procureur royal, il fut mis en liberté provisoire. Liebknecht a toutefois quitté Chemnitz.
- À raison des prochaines élections pour le Reichstag, la police de Berlin redouble de sévérité dans l’application de la loi contre les socialistes. C’est ainsi que, en vertu de cette loi, il vient d’être défendu de vendre sur h voie publique des médailles sur lesquelles se trouve l’image de Ferdinand Lasalle. Les socialistes berlinois avaient ingénieusement imaginé ce moyen de faire des collectes dans la rue en vue de la propagande électorale du parti.
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- Etant destitués du droit d’organiser des réunions publiques, les socialistes berlinois ont inventé les réunions dans les forêts des environs ; sous prétexte d’excursions, ils vont à quelques lieues de Berlin discuter, sous bois, les questions se rattachant aux élections qui vont avoir lieu. Dimanche dernier, ils sont allés jusqu’au Markgrafenberg, sous Rathenow, et, après avoir débattu quelque temps, ils se sont disséminés dans les diverses brasseries des environs, où la police vient de faire une enquête.
- AUTRICHE-HONGRIE
- En Croatie, les manifestations récentes des étudiants de l’Université d’Agram ont motivé de la part du gouvernement certaines mesures sévères. Le recteur de l’Université a été suspendu de ses fonctions pour avoir refusé de faire une enquête prescrite par le gouvernement.
- Celui-ci ayant pris, lui-même, l'affaire en main, a décidé l’expulsion d’un certain nombre d’étudiants. D’autre part la vente de deux journaux, la Sloboda et le Pozor, a été interdite. Ces mesures ont provoqué un mécontentement général et une agitation qui menacent de prendre de graves proportions. Le comte Kuehn-Hedervary, ban de Croatie, a été appelé à Vienne, ou il vient d’arriver pour rendre compte à l’empereur de l’état de ce conflit.
- Les journaux viennois annoncent qu’il a été opéré, dans la nuit de vendredi à samedi, de nombreuses arrestations d’ouvriers, soupçonnés d’avoir participé à la propagande socialiste révolutionnaire. Les individus compromis ont été arrêtés dans eurs domiciles et écroués au Dépôt.
- Le livre de Carie Marx, intitulé le Capital, vient d’être nterdit en Autriche.
- BELGIQUE
- L’Association libérale de Bruxelles a voté un ordre du jour protestant contre le nouveau projet de loi sur l’enseignement, demandant la dissolution des Chambres et convoquant la population à une grande manifestation pour dimanche prochain.
- ETATS-UNIS
- Nous lisons dans le Prolétaire :
- Nous extrayons d’une correspondance adressée au Comité National par l’Union centrale du Travail de New-York et des environs des passages faits pour intéresser nos lecteurs :
- En ce moment, la situation ouvrière est déplorable : les peintres în bâtiments sont par centaines sans travail ; les ferblantiers, les mécaniciens, les forgerons, les cigariers et tous les métiers sont en chômage. Eu réalité, dans notre ville, il y a 50.000 hommes cherchant du travail.
- L’Union des maîtres plombiers a renvoyé les journaliers plombiers et ils ont juré de briser leur Union. Mais, comme nous avons dans cette partie 1,500 syndiqués sur 1,800 ouvriers, et comme les plombiers seront énergiquement sou— tenuspar les Trades-Unions,on a ordonné de déserter tous les bâtiments où les plombiers non unionistes seraient employés, nous attendons sans crainte le résultat.
- Le premier lundi de septembre aura lieu la manifestation annuelle, avec festival de l’Union Centrale du Travail, et déjà nous savons quelle sera une des plus importantes qu’on ait vue en Amérique, et nous essayons d’obtenir que tous les
- travailleurs des État-Unis observent et déclarent ce jour fête légale du travail.Quelques grandes villes ont déjà accepté cette dernière proposition.
- Nous ne voyons pas pourquoi nous n’aurions pas une fête pour le travail dans tous les pays du monde où les travailleurs sont organisés. Il serait à souhaiter que les ouvriers de France aient un pareil jour à célébrer,de même que ceux d’Angleterre, d’Italie, d’Espagne, d’Allemagne et de Russie.
- Les travailleurs s’agitent aux États-Unis et au Canada, et s’organisent rapidement. Les typographes luttent etcombattent les « sarrazins » avee l’arme nouvelle : le boycottage.
- Nous avons une organisation qui englobe tous les travailleurs sans distinction, et s’étend sur tout les Etats-Unis et le Canada. Elle a un pied en Belgique et un autre dans le pays de Galles en Angleterre. Nous espérons qu’un jour viendra où tout le monde du travail sera protégé par cette « chevalerie du travail. »
- BRÉSIL
- M. Dantas, président du conseil des ministres, vient de présenter au Parlement un projet de loi tendant à modifier la législation sur l’esclavage. Suivant ce projet, les esclaves arrivés à l’âge de 60 ans seraient déclarés libres ; ceux ayant actuellement atteint cet âge profiteraient immédiatement de la nouvelle loi.
- Le projet établit, pour les esclaves, un nouveau registre d’inscription, dans lequel ils seront classés suivant leur âge, leur force et l’époque future de leur libération, et s'occupe en même temps des moyens de fournir du travail aux esclaves libérés.
- L’on espère que cette réforme amènera, dans une dizaine d’années environ, l’extinction complète de l’esclavage.
- LA FRÂNCEET LA PAIX
- La remarquable lettre qui suit a été adressée par une personnalité politique aimée de la démocratie parisienne au directeur du vaillant journal anglais VArbitrator :
- Mon cher Cremer,
- Vous me demandez quelles sont les chances pour le maintien de la paix en France. Il est très difficile de répondre. Véritablement, je vois plus de menaces de guerres que de chances de paix. Vous me connaissez depuis de longues années, et vous savez combien je souffre de vous écrire ainsi. Mais il ne s’agit pas de mes sentiments; vous désirez que je vous parle de la situation. Eh ! bien, avec un gouvernement arbitraire, une presse presque entièrement dans les mains des capitalistes, et un manque absolu d’opinion publique, nous devons nous attendre au pire.
- Quant au sentiment de la Chambre, nous savons qu’il est favorable à la paix, mais il y a tant d’infatuation, d’ignorance et d’ambition chez tous les
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- membres de ]a majorité, rue, tandis qu’indivi-duellement chacun d’eux désire la paix, ils voteront la guerre, dès que leur maître — je veux dire Jules Ferry — les menacera de son mécontentement, et, par conséquent, de non-réélection.
- C’est là le vrai ressort de notre gouvernement. En France, aussi bien qu’aux États-Unis, tout est dans les mains des politiciens. La France peut être considérée somme une monarchie à huit cents têtes. Il se peut qu’il y a dix ans chacune de ces têtes ait été un modeste pharmacien, un obscur avocat, un simple chirurgien ou sous-vétérinaire, comme Gambetta les appelait. Mais, après avoir si longtemps abandonné sa boutique ou son cabinet, il a perdu ses clients et n’a plus d’autre carrière que celle de politicien.
- En outre, siégeant au Palais-Bourbon ou au Luxembourg, il a été environné de sollicitations de toute espèce, et dans très peu de temps, il a été comme grisé par l’exercice de sa part de pouvoir. Il n’est pas étonnant qu’il perde tout contrôle de lui-même et qu’il soit pris de ce qui a été si justement appelé « la fièvre des assemblées. » Véritablement,un homme doit avoir les facultés extraordinaires pour résister à de -cilles influences. Le grand malheur de notre pays est qu’aujourd’hui nous avons peu d’hommes doués de facultés exceptionnelles.
- Ce triste tableau n’est pas déplacé ici, puisque rien ne peut mieux faire comprendre comment des hommes qui, individuellement, condamnent la guerre, désirent le maintient delà paix, voudraient diminuer les dépenses, sont prêts à voter tout le contraire dès qu’ils se rencontrent à la Chambre. C’est ainsi que nos soi-disant législateurs ont suivi nos gouvernants du jour dans leurs entreprises les plus folles et les plus criminelles, à Tunis, à Madagascar et au Tonkin. ^
- La majorité de la Chambre étant à ce point liée au gouvernement, qui au moment des élections est si puissant par ses préfets,nous devrions faire connaître tous les ministres pour comprendre tant soit peu la direction que ceux-ci impriment aux affaires publiques. Mais, ce serait trop long ; au reste, il suffit de regarder derrière les maîtres apparents — le vrai gouvernement, savoir : la Bourse ou la Ploutocratie.
- Dans chaque question, vous n’avez qu’à demander : quel est l’intérêt des capitalistes ? La réponse vous montrera, avec pleine évidence, les vrais mobiles des ministres, des sénateurs et des députés. L’expédition de Tunis serait une grande erreur, comme
- c’est un crime abominable, si nous ne savions pas que le véritable objet de Gambetta, de ses amis et complices dans cette affaire, fut de se servir des forces de la France pour faire monter le prix des fonds tunisiens.
- La France a perdu dans cette expédition l’amitié de l’Italie, une grande somme d’argent et beaucoup de vies précieuses; mais tout cela ne comptait pour rien aux yeux de nos politiciens, oui avaient acheté des fonds tunisiens au moment où ils valaient à peine le papier sur lequel ils étaient imprimés, et qui ont empoché des millions après cette conquête.
- Un autre aspect de cette affaire, aussi dégoûtant que le premier, c’est que Tunis a été offert à M. Waddington par Bismark et lord Beaconsfield au Congrès de Berlin en 1878.
- Vous vous rappelez la réponse : « la France doit revenir du Congrès des mains nettes. » Malheureusement, cet accès de vertu ne dura pas longtemps. Moins de deux ans après, Bismarck ordonna à ses reptiles de devenir tout à coup très bienveillants pour la France et de lui ouvrir la perspective d’un empire africain. Bien entendu, le chancelier avait ses raisons à lui pour engager nos forces dans des conquêtes africaines. Mais nos prétendus hommes d’État ne perdirent pas leur temps à étudier les projets particuliers de Bismarck ; leur intention était de n’opérer aucune réforme à l’intérieur et ils s’empressèrent de saisir l’occasion qui leur était offerte par Bismarck, pour occuper le public d’une parade militaire quelconque. Ajoutez à ceci, que lorsque vous avez une armée et un ministère de la guerre, vous devez avoir la guerre pour pouvoir donner à vos favoris des promotions,des décorations et des dotations.
- Dès que nos gouvernants eurent mis dans leur tête de créer un empire africain français, l’expédition de Madagascar fut résolue. Quant au Tonkin, les mêmes influences furent en jeu, mais plus nombreuses. Les capitalistes furent naturellement les premiers promoteurs de l’affaire. Le baron Sellières fonda une société au capital de cinquante millions en vue d’exploiter des mines d’or au Tonkin. En second lieu, vinrent nos officiers de marine, qui forment réellement un État dans l’État, et en dernier lieu, mais non les moins influents, nos saints Pères,les missionnaires,qui sont aussi âpres au gain que les juifs et assoiffés de pouvoir.
- En fait, vous voyez unis dans notre politique coloniale tous les éléments de la vieille France : le clergé catholique, le roi représenté par la centralisation et la noblesse sous la forme moderne de
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- l’armée et de la marine. Il est vraiment triste, pour un patriote français, d’assister à une résurrection si complète de tant de vieux abus, cinq ans avant le centenaire de notre grande Révolution !
- Le remède à tant de maux devrait se trouver dans la presse. Mais la presse elle-même est presque entièrement dans les mains des capitalistes, puisqu’elle ne vit que d’annonces, de réclames,d’insertions payées de toutes espèces, et nos banquiers et industriels féodaux font la loi sur le marché. Les monopolistes commandent partout en maîtres : le gaz, l’eau, les chemins de fer ne sont plus des services pour le public, mais de véritables baronnies érigées pour le profit de quelques millionnaires.
- Comment une opinion publique peut-elle naître, se former et se manifester ? Uniquement au moyen des comités électoraux etdes associations ouvrières. Les élections municipales, qui ont eu lieu, il y a deux mois, dans toute la France, ont montré que, même sans le secours d’une presse indépendante, l’opinion publique peut trouver le moyen de faire entendre sa voix. Mais nous n’avons pas d’hommes. Les ouvriers sont divisés en sectes sans nombre. Les révolutionnaires, les possibilistes, les anarchistes, s’attaquent avec une fureur aveugle. Tous sont d’accord pour soutenir une politique de paix au dehors, mais que deviendrait la paix à l’intérieur, s’ils étaient libres ?
- Tant que le peuple restera si profondément divisé, il ne pourra exercer aucune influence sur le gouvernement de la France, et notre ploutocratie demeurera au pouvoir. C’est pourquoinotre seul espoir est dans le succès d’une propagande faite en vue de l’établissement de la paix aussi bien au dedans qu’au dehors. Cette propagande, vous le savez, a été la tâche de ma vie entière. Je la continue avec toute mon énergie, mais j’avoue que je n’ai que peu d’espoir dans le résultat.
- Adhésions aux Principes d'Arbitrage et de désarmement Européen
- Haute-Marne. — Brousseval. — David, employé aux usines de Brousseval. — Brice, Collin, étudiant à Dijon.
- Bettoncourt. — Pautrat, Onésime, propriétaire. — Pau-trat, Louis, conseiller municipal à Bettoncourt.
- Chaumont. — Hossinot, Jean-Baptiste, tailleur.
- Joinville. — Chorel, négociant. — Fehr, Victor, menuisier. — Vaudin, Dydime, propriétaire. — Laroche, négociant.
- Saint-Dizier. — Robert, Claude-Eugène.
- Vassy-Saint-Biaise. — Denizet, menuisier.— Robert, Léon, boulanger. — Carie, Amédée, marchand tailleur. — Major, tapissier-décoratenr. — Mnie Breton, Caroline-Emilie.
- DE LA GLOIRE MILITAIRE
- L’amour de la gloire... se couvrir de gloire !
- Cueillir des lauriers... Quel langage majestueux et fleuri !
- Fleuri surtout! le langage guerrier semble emprunter toutes ses expressions les plus pompeuses aux champs, au printemps, à la vie.... lui qui représente la mort. — « Ils tombèrent « courbés comme des épis de blé, battus par l’orage. »
- Oh ! dans ce cas, je suis de l’école réaliste, voire même naturaliste; j’aimerais mieux dire : « La mitraille les frappa soudain, les foudroyant en masse, comme des bœufs qu’on abat et qui s’affaissent dans des mares de sang noir et hideux ; leurs figures barbouillées de poudre et du sang de leurs camarades, éclaboussées de taches d’un rouge saie, contractées par la souffrance, étaient horribles à voir avec leurs yeux ouverts et sans regard que nulle main amie n’avait fermés... )> Mais on aime mieux nous montrer dans des opéras comiques une femme bien faite, habillée en capitaine, culotte de peau, ffamberge au vent, qui vient, sans avoir sali ses ongles roses, d’envoyer ad patres une demi-douzaine d’ennemis.
- C’est par cette manière de nous présenter la plus horrible des choses, le meurtre, le carnage, que, par le roman, le théâtre, la poésie, on corrompt notre sens moral dès notre plus jeune âge.
- Hélas ! la manière dont on a, de tout temps, écrit l’histoire, contribue chaque jour à pervertir notre jugement.Depuis le conte destiné à l’enfant, jusqu’au discours de l’académicien nouvellement reçu, tout flambant neuf dans son bel habit, tous, éducateurs et amuseurs,par un préjugé cruel et absurde, prononcent ce mot horrible : la gloire ! avec un sourire convaincu et ravi !
- Pas une conscience ne proteste, pas une plainte des victimes de la gloire n est entendue, tant notre abjection morale est grande '
- Entendons-nous bien ; nous parlons ici de la gloire militaire, de la gloire que l’on entrevoit qu’à travers un nuage de sang et de larmes, dont on entend le bruit mêlé aux plaintes des blessés et aux cris des mourants, de la gloire de la destruction, de la dévastation, de cette gloire qui crée le néant!
- Comment un mot si beau peut-il se fourvoyer ainsi ! Oh ! quelle est grande, la gloire qui rayonne, vivifie, éclaire l’hu _ manité sur la route du progrès illimité !
- Cette gloire-là, c’est la seule, c’est la vraie ; elle porte au front le sceau du génie ; elle couronne la science, les arts; elle éblouit.
- Le siècle dernier déjà la narguait, cette gloire sanglante ! Relisez ce passage du Candide de Voltaire :
- « Rien n était si beau, si leste, si brillant, si ordonné que
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- « les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, » les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu’il » n’y en eut jamais en enfer. Les canons renversaient d’abord » six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie » ôta du meilleur des mondes neuf à dix mille coquins qui » infectaient sa surface. La baïonnette fut aussi la raison suffi-» santé de la mort de quelques milliers d’hommes. Le tout » pouvait se monter à une trentaine de milles âmes. Candide, » qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux » qu’il put pendant cette boucherie héroïque. Enfin, tandis » que les deux rois faisaient chanter des Te Deum, chacun dans » son camp, il prit le parti d’aller raisonner ailleurs des » effets et des causes. Il passa par dessus des tas de morts » et de mourants, et gagna d’abord un village voisin : il était d en cendres , c’était un village arabe que les Bulgares avaient » brûlé, selon les lois du droit public. Là, des vieillards » criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, » qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là, » des filles éventrées après avoir assouvi... d’autres, à demi-» brûlées, criaient qu’on achevât de leur donner la mort. » Des cervelles étaient répandues sur la terre, à côté de bras » et de jambes coupées. Candide s’enfuit au plus vite dans un » autre village ; il appartenait à des Bulgares et les héros » arabes l’avaient traité de même. Candide, toujours maris» chant sur des membres palpitants ou à travers des ruines, » arriva enfin hors du théâtre de la guerre. »
- Plus de cent ans se sont écoulés depuis que fut écrite cette page éloquente. Il y en a deux cents que La Bruyère bafouait notre engouement guerrier, et pourtant, grâce à un enseignement qui préconise l’abus de la force, il nous faut encore plaider une cause gagnée en partie par le bon sens humain. Car, qu’on ne s’y trompe pas, beaucoup pensent comme nous, nous ne sommes que l’écho de l’opinion publique, nos lieux communs sont au fond de toutes les pensées, mais... comprendre et agir sont deux. On se laisse griser par un mot : la gloire !
- M. Eugène Chatard, dans la Presse du 19 janvier 1864, nous apprend comment on arrive à acquérir la gloire :
- ... « Les souverains, les rois, les chefs de nations récla-» ment |comme un de leurs privilèges les plus précieux le » droit de déclarer seuls la guerre, d’envoyer des milliers de » soldats à la boucherie des batailles, d’organiser en grand » les moyens les plus terribles, les plus expéditifs, avec des » carabines qui atteignent leur but à 1.230 mètres, avec des » canons qui portent la mort à 4.800 mètres, avec des vais-» seaux cuirassés et éperonnés, qui ne peuvent se heurter sans » que l’un d'eux ne soit certain de s’engloutir dans l’abîme A des flots. »
- 5e nous décourageons pas cependant. Un enseignement rationnel prépaiera un jour des générations plus sensées ; l’ére de paix prédite pAr Emmanuel Kant, arrivera enfin; voie1 comment le philosophé de Kœnisberg l’annonce :
- « S’il est du devoir, si l’on peut même concevoir l’espé-» rance de réaliser, quoiqne par des progrès sans fin, le règne » du droit public, la paix perpétuelle qui succédera aux «-Arènes jusqu’ici nommées traités de paix, n’est donc » pas une chimère, mais un problème dont le temps, vrai-» semblablement abrégé par Vuniformité des progrès » de l’esprit humain, nous promet la solution. »
- Nous pouvons puiser un exemple trappant dans la partie du grand homme dont nous évoquons la pensée. Bien compris, cet exemple ne devrait-il pas démoder ce mot fatal.
- La Prusse, de 1864 à 1871, s’est couverte de gloire, et aujourd’hui l’Allemagne, sous un joug de fer, se meurt de misère et de faim! Oh! comprenons-le bien, la République dans tous les pays est la condition sine quâ non de la paix universelle. Tous les amis de la justice et du bien public devraient enfin comprendre que si des sujets peuvent encore prononcer avec amour ce mot : la gloire, les citoyens à venir du continent européen ne le rediront plus qu’en lui rendant sa signification véritahle et rougiront de le profaner en en faisant le synonyme de la barbarie.
- Edmond POTONIÉ-PIERRE.
- Membre de la Société des gens de lettres à Vincennes (Seine).
- État-civil du Familistère
- Semaine du 28 juillet au 3 août 1884.
- Naissances
- Le 28 juillet, de Hennequin Alice, fille de Hennequin Amédée et de Vandois Adèle.
- HARMONIE DU FAMILISTÈRE
- du Dimanche 10 Août 188k de 8 heures à minuit
- sur la pelouse derrière le familistère
- PROGRAMME. — lre PARTIE
- 1° — En Marche, allegro. . .........Antony Lamette.
- 2° — Manon Lescaut, ouvertuie.......Auber.
- 3° — Le Petit Duc, fantaisie........Lecocq.
- 4° — Cléopâtre, ouverture imposée au grand concours
- de Paris....................... J. Granier.
- 5° — Polka des Nègres...............A. Graud.
- 2rae Partie
- BAL CHAMPÊTRE
- Grande illumination et Flammes de Bengale Le chef de musique, F. Poulain.
- Le Directeur-Gérant : GODIN.
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- LIBRAIRIE DU FAMILISTERE DE GUISE (Aisne)
- BROCHURES DE PROPAGANDE
- ÉTUDES SOCIALES
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- La Réforme électorale et la Révision constitutionnelle
- Prix franco : 25 centimes
- Parmi les réformes pacifiques que le Devoir s’est donné pour mission de mettre en lumière afin d’en hâter Favénement, figure au premier rang la constitution rationnelle des premiers pouvoirs de l’État.
- Or, le premier pouvoir dans une République démocratique, c’est le pouvoir du peuple se traduisant par le suffrage des citoyens. C’est donc dans le bon exercice du suffrage universel que se trouve les moyens de bien constituer les assemblées législatives et les pouvoirs publics.
- Le numéro du « Devoir » du 1er Juin 1884 est consacré à démontrer que les modes du suffrage pratiqués jusqu’à ce jour ont été le contraire de ce qu’il faut pour établir un réel exercice du droit souverain du suffrage universel. Ce numéro,en raison de son importances été converti en brochure sous couverture spéciale ; il constitue ainsi le n° 2 de la série des Études sociales inaugurée par le numéro exceptionnel intitulé : Le Familistère de Guise, solution de la question ouvrière.
- L’administration du Devoir continuera à éditer cette série d’études, de façon à en faire une collection d’un grand mérite pour la propagande. Nous engageons nos lecteurs à ne pas perdre cela de vue et à conserver ces numéros.
- L’administration du Devoir, s’imposant les plus lourds sacrifices d’étude, de temps et d’argent pour mener à bonne fin cette propagande, nous comptons sur le dévouement de nos lecteurs. Ils peuven nous aider dans notre tâche en propageant des numéros que nous leur enverrons franco contre le prix seulement du papier et du tirage. ____________
- N I . - Le Familistère de Guise, solution de la question ouvrière.
- Le numéro 40 centimes. — 10 numéros 2 fr. 50
- K" 2. - La Réforme électorale et la Révision constitutionnelle.
- N° 3. - L'Arbitrage internationale et le Désarmement européen.
- Le numéro 25 centimes. — 10 numéros 2 francs
- Nous avons actuellement en préparation l’Hérédité de l’État et la Mutualité nationale.
- Dans l’Hérédité de l’État nous établirons par des documents officiels quelles immenses ressources la société doit attendre de cette reforme, combien elle est juste, et qu’elle procure aux classes laborieuses une sécurité certaine en augmentant les garanties sociales en faveur des possesseurs de grosses fortunes.
- Dans la Mutualité nationale, nous analyserons les institutions susceptibles de garantir le droit à la vie à chaque citoyen, nous ferons l’évaluation des charges probables de ces institutions, et nous démontrerons combien il serait facile de les doter suffisamment en y consacrant une partie des produits annuels de l’hérédité de l’État.
- PORTRAIT DE H. GODIN, FONDATEUR DU FAMILISTÈRE
- La librairie envoie franco, au prix de i fr., le portrait de M. G0D1N, belle gravure imprimée par la
- Maison Goupil de Paris.
- GtrtSE. — top. BARÉ.
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- 8' Ânnée Tome,8.—U" 310 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 17 Aeût 1884
- LE DEVOIR
- BUBEAU
- a GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à H. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par renvoi, soit au Bureau de Guise, soità celui de Paris de- timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talousert de quittance.
- France
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- ^adresser à M'. LEYMAKIE administrateur de la Librairie des ‘ sciences psychologiques.
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES & POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- î. — Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- .2., — Faire clés garanties de la vie-humaine et de la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3\ — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant Sélection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur lavaleur des candidats.
- 4. — Organisation clw suffrage universel par l’unité de College national pour Vélection clésdéputés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant cle députés qu il y a cle-ministères: Dépouillement dans .chaque commune, recensement à Paris.
- 'Ce système établit :
- La liberté cle l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude cle donner un vote ûtiVe ;
- Légalité cle su ffrage pour tous les citoyens ;•
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter ;
- La représentation par les supériorités.
- 5. — Renouvellement annuel cle moitié de la Chambre des députés et de tous les corps élus. La volonté clu peuple souverain toujours ainsi mise en eviclence.
- C — Rétribution de toutes les fondions publiques dévolues par le suffrage universel.
- , 7- — Egalité civile et politique de l’homme et de
- k femme.
- ^ — Le mariage, lien cVaffection.. L'acuité du divorce.
- 9. -^ Éducation, et instruction primaires,gratuites ef obligatoires pour tous les enfants., î , , examens et concours, généralisés avec élection ryS élèves par leurs pairs dans toutes les écoles. iJvphhne constatant la série des mérites intellectuels Moraux de chaque élève..
- 10. — Écoles spéciales, nationales,, correspond clantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- IL. — Suppression du budget des cuites. Séparation de l’église et de l’État.
- 12. — Réforme des imjjôts et suppression des impôts indirects.
- 13. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques-constituées par le droit
- d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- 14. —Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions-en ligne> directe; des ceslisions volontaires et par testaments..
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatérale à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dans -une juste' mesure, retour à la société qui a aidé a les produire.
- 15. —Remboursement des dettes publiques avec les ressources de l’hérédité.
- 16. — Organisation nationale des garanties et de-l’assurance mutuelles contre la misère.
- 17. — Suppression des emprunts cV Etat.
- 19. — Lois protectrices du travail et de la parti— cipation des travailleurs aux béné fices de la production.
- 20. — Réforme des habitations insalubres dans-les villes et villages,
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21. —Libre échange entre les nations:
- 22. — Abolition de la guerre offensive.
- 23. —Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 24. — Désarmement européen.
- 25. — Les nations maîtresses de leur sort et dm leur propre territoire
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- Les Familistères agricoles. — Congrès de Berne.— Excursion des Coopérateurs anglais à Guise. — L’Hérédité de l’État. — Les Retardataires. — Proposition de loi. — Aphorismes et préceptes sociaux. — Faits politiques et sociaux. —Conseils d’un Coopérateur.— Adhésions aux Principes d’Arbitrage et de désarmement Européen. — Une Maîtresse de Piano.
- AVIS
- Le journal <x Le Devoir » est envoyé gratuitement à litre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, Vadministration fait présenter une quittance d’abonnement.
- Beaucoup de socialistes,les rédacteurs du Mouve-ment social spécialement, se préoccupent depuis quelque temps des moyens d’organiser pratiquement le Familistère agricole. Ils se demandent si ce mode d’association présente plus ou moins de difficultés suivant qu’on l’applique à l’agriculture ou à l’industrie. Quelques-uns encouragent une entreprise rurale avec la pensée que le Familistère agricole, rattachant l’association au sol, donnerait à celle-ci une solidité et des chances de durée que l’industrie ne peut réunir.
- Notre opinion est que le Familistère agricole n’est pas plus difficile à organiser que le Familistère industriel ; simplement les difficultés sont d’un autre ordre. Il est illusoire de penser qu’à notre époque l’agriculture, faite comme elle doit être dirigée dans une association où le travail tient compte des forces des ouvriers, présente une plus grande sécurité que certaines industries. La solution véritable se trouvera dans l’union des entreprises agricoles et industrielles, pourvu qu’on les organise d’après des données suffisamment pratiques.
- Dans la situation actuelle, le Familistère agricole a peu de chapces de succès,comme dans tout autre branche de la production poussée par les antagonismes individuels à un point tellement concurrencé que les variations des taux des salaires et des cours des produits ne présentent aucune sta-qilité.
- En général,les propriétés rurales ont atteint des prix exhorbitants, sans proportion avec la valeur des produits. Si les propriétaires évaluaient dans les prix de revient des récoltes le service du capital foncier au taux de 5 ou 6 0/0 comme cela arrive dans l’industrie, les produits agricoles de notre pays seraient bientôt cotés à des prix qui leur interdiraient l’accès du marché.
- Lorsque l’outillage agricole était tellement rudimentaire, qu’il se fabriquait sur place dans chaque localité, alors que le propriétaire tirait de ses fcul-tures les produits qu’il consommait, on ressentait moins la nécessité des rapports commerciaux étendus que la grande culture, seule possible dans le progrès de l’association des forces humaines, exige pour l’avenir, 11 importait moins à une population qui consommait une grande partie de ses produits, que fes prix de vente fussent, plus ou moins élevés.
- Il n’en est pas ainsi avec la grande culture; if faut s’attacher aux spécialités les mieux ap propriées à la.nature du sol, puis les vendre pour racheter les denrées de consommation courante. Dans ce cas il est très important que le prix de vente des récoltes soit proportionnel au cours des objets d’approvisionnement. S’il en est autrement, et c’est le cas général maintenant, il arrive que le producteur de denrées agricoles, après vente de celles-ci, ne peut racheter avec le même argent une quantité de marchandises représentant une même somme d’efforts; alors l’agriculteur a une situation difficile qui le conduit à la ruine, s’il ne peut réduire la rémunération des revenus capitalistes ; réduction que le propriétaire subit fréquemment presque sans s’en apercevoir, tandis que le fermier devant payer en tous cas, avant toutes choses, les revenus de la terre par un fermage fixe est bientôt irrémédiablement ruiné après quelques années de mauvaises récoltes ou d’avilissement des prix des produits agricoles.
- L’agriculture a encore perdu un autre avantage dont la disparition complique beaucoup les difficultés des entreprises agricoles : autrefois, à la suite des mauvaises années,le relèvement des cours présentait une suffisante compensation aux diminutions des rendements ; mais, le marché agricole étant devenu universel, il existe constamment de nombreuses réserves toujours prêtes à converger au prix moyen vers le point du monde où les cours sont le plus élevés.
- 11 faut encore distinguer entre une association agricole ordinaire et une association agricole fami-
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- lislérienne. Dans le premier cas, l’entreprise conserve tous les abus de l’exploitation agricole, manque d’hygiène dans les bâtiments, durée excessive de la journée, salaire permettant à peine au travailleur la consommation d’une nourriture grossière, travail des femmes plus pénible que le comporte leur organisme, les enfants peu surveillés et voués au travail prématurément. Dans le deuxième cas, on doit corriger tous ces abus, qui sont pourtant des éléments qui concourent puissamment à l’abaissement du prix de revient des produits.
- Dans une association agricole familistérienne, pour ramener le t ravail à des conditions humaines, et nous sommes bien loin du travail attrayant que les nécessités de la production ne permettent de mettre en pratique, il [faut évaluer ces améliorations comme surchargeant le prix de la main-d’œuvre de 15 à 30 0[0, au moins, suivant que l’on fait de la grande culture avec la machine ou de la petite culture à la main.
- Au Familistère de Guise, on a dû abandonner la culture maraîchère organisée,pour laremplacer par la location de petites parcelles de jardins que les ouvriers travaillent à temps perdu. Nos jardiniers occupaient convenablement leurs journées de dix heures, mais les légumes obtenus dans ces conditions revenaient toujours plus cher que ceux des voisins produits avec des ouvriers moins rétribués faisant souvent des journées de 14 a 18 heures.
- La production agricole n’a qu’un avantage bien marqué sur la production industrielle, c’est qu’elle trouve plus facilement un marché ouvertsur place, lorsque l’industriel est obligé d’avoir de nombreux commis voyageurs et de faire preuve de capacités réelles rien que pour écouler ses produits.
- L’ingéniosité de l’industriel, les capacités professionnelles de ses ouvriers, l’habileté dans l’achat des matières premières, en un mot la conception joue un grand rôle en industrie et c’est ce qui explique les grands succès des hommes bien doués dans cette branche de la production. Le travail a un commencement d’organisation, la surveillance est facile, le rendement se calcule à l’avance, presque toujours le produit est fabriqué avant le paiement du salaire, la distribution du travail est méthodique.
- En agriculture, les ouvriers sont dispersés, le travail est obligé de tenir compte de la marche des saisons, les rendements sont variables et souvent différés à de longues échéances après le paiement des frais de main-d’œuvre, ei, presque constam-
- ’nnTit il Pnnt irnn>>nvicr>« la distribution du li’ivil
- Que l’on n’en doute pas, c’est cette capacité de savoir économiquement improviser la distribution du travail à chaque variation climatérique qui constitue la qualité essentielle d’un bon administrateur agriculteur ; cette capacité doit être complétée par celle de savoir maintenir en toutes circonstances une active surveillance.
- La distribution du travail et la surveillance,deux choses que l’on obtient facilement en industrie, deviennent en agriculture des difficultés majeures.
- Il existe encore un grand obstacle en agriculture, résultant de l’impossibilité fréquente de se procurer à certains moments de nombreux travailleurs pour faire rapidement des travaux urgents, dont la prolongation et la lenteur, dans les circonstances ordinaires, causent des pertes très appréciables. Combien de fois, toutes les récoltes d’une ferme se trouvent compromises, parceque le temps que l’on a passé à l’une d’elles, faute d’un personnel suffisant, a fait négliger toutes les autres cultures.
- 11 faut encore pouvoir opérer sur des propriétés formant un seul tenant. L’exploitation sociétaire d’un fond morcelé n’est pas admissible. Etl’étendue de la ferme doit être assez grande pour que l’amor-tissement et l’entretien d’un matériel perfectionné, solidement établi, soient répartis sur une grande quantité de produits.
- Ce qui précède donne à peu près un aperçu des obstacles à surmonter par une entreprise de Familistère agricole. Quant à l’établissement simultané d’une industrie et d’une'culture,ce serait aborder le problème avec toutes ses difficultés.
- L’entreprise agricole sera tentée dans les conditions de réussite les plus favorables, si on l’associe à une industrie déjà prospère et transformée elle-même en association, en observant d’avoir la ferme à proximité des bâtiments ouvriers et en ne portant aux frais généraux qu’un faible intérêt du capital engagé dans l’achat au plus bas cours du jour de l’exploitation agricole.
- La condition nécessaire du succès sera de réduire au plus petit nombre possible les ouvriers spécialement agriculteurs, enayantla possibilité de pouvoir retirer de l’usine,de la fabrique, aux moments favorables, des travailleurs en nombre suffisant pour faire rapidement les travaux de saison.
- Si l’on se plaçait au point de vue de la transformation des communes en groupes unitaires, on trouverait dans la variété des industries locales toutes les facilités de pouvoir recrutera chaque
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- les 'besoins de l’entreprise agricole. Mais nous nous préoccupons de chercher quelles sont les conditions les plus avantageuses pour associer un Fa- ; milistèpe agricole à une association industrielle, ’ afin de permettre à Finiiiative des hommes de j bonne volonté deconstitùer, dans la limite pdssi- ; ble aux particuliers, un groupe unitaire contenant une affirmation suffisante des principes de l’asso-ciaiionv
- Le choix 'de l’induslrie est très important. La j plus favorable sera celle qui réunit des ouvriers I aptes à l’édification,à l’entretien des immeubles, à la fabrication, à la réparation, à la conduite des machines agricoles, de telle sorte qu’on puisse retirer des ateliers, sans désorganiser le travail, les spécialistes dont le Familistère agricole pourra avoir besoin; si le travail des ouvriers ordinaires est plus pénible que celui de l’agriculteur, ce sera un avantage appréciable, car les travailleurs alterneront sans regret et sans fatigue les travaux des champs avec ceux de l’usine ; si un ralentissement du travail industriel coïncidait avec lessaisons pendant lesquelles l’agriculture réclame un surcroît de bras, ce caà particulier favoriserait encore la réussite. ; ( ,
- Au point de vue social, une association prospère de l’industrie et de l’agriculture aurait des effets ! incalculables; elle aurait une telle puissance d’assimilation qu’on ne peut douter de la voir en peu de temps imposer,une transformation sociale.
- Supposons un grand Familistère, dont les associés possèdent leurs logements, des propriétés produisant l’équivalent de leur consommation en nourriture et, en vêh ment, leur usine, leurs capitaux de roulement pour l’achat des matières premières et pour les avances à faire aux clients; on conçoit qu’une ;pareille association, ainsi armée, pouvant à la rigueur vendre ses produits pour le prix de la, matière première et de l’entretien de l’outillage, pourrait amener les fabricants de produits similaires à rentrer dans l’association; elle aurait ensuite toute facilité pour rétablir le prix de vente à un taux suffisamment rémunérateur afin de procurer le bien-être à tousses travailleurs. s , , •
- On mettrait ainsi en peu de temps une branche de la production au-dessus des écarts de la folle concurrence. .v' ,
- Si l’exemple de la sécurité et de la prospérité de ces familistériens n’était pas assez influent pour décider les autres corporations à rentrer dans la voie de l’association,ces initiateurs,pour accomplir
- la mission civilisatrice prédite par le grand Fourier et commencée par le fondateur du Familistère de Guise-, devraient fonder des groupes unitaires dans les diverses branches de la production.
- En résumé, la réussite d’un Familistère agricole nous paraît subordonnéeà la réunion d’un gros capital désintéressé, à la possibilité de trouver une très grande propriété à proximité d’une industrie prospère réunissant les spécialistes nécessaires à la grande culture et pouvant-,sans inconvénient,céder à certaines heures au travail des champs un nombreux personnel habitué aux pénibles labeurs, à la certitude de pouvoir mettre à la tête de l’administration des hommes experts dans le maniement des hommes et des choses.
- Lorsque des iniüaîeurs dévoués sc seront révélés, lorsqu’on aura, commencé d’une manière sérieuse à réunir des capitaux désintéressés,lorsqu’on aura trouvé la propriété et l’industrie pouvant s’allier fructueusement dans Les conditions pratiques que nous venons d’épuméfer, alors il sera temps d’en appeler aux hommes dont le passé et le présent ne leur permettent pas de s’arrêter à de vagues pi'ojets.
- Les séances du Congrès ont eu lieu dans la salle du conseil des Etats ou Sénat helvétique, au palais fédéral, et la première a été présidée par M. Louis Ruchonnet, conseiller fédéral, c’est-à-dire ministre, et avant-dernier président de la Confédération.
- L’assemblée était formée d’hommes et de femmes de nationalités diverses. Les Français étaient M. Tachant, ancien député et ancien ministre à Bruxelles au temps de# >la Défense nationale; M. Charles Lemonnier, président et délégué de la Ligue de la paix et de la liberté, dont le siège est à Genève ; M. Limousin, rédacteur de ia France libre, de Paris, et M. Nortelle, membre d’une société de là paix de Paris. Plusieurs députés français, notamment MM.Beauquièr et baisant, se sont excusés, retenus qu’ils étaient par le Congrès de Versailles.
- L’AUémàgne était représentée par M. Von Bühler, membre du Reichstag, auteur d’une proposition de désarmement ; par l’illustre professeur Louis Buchner; par MM. Engei et Lo-wenthal. .
- Le vénérable Jean Dolfus, de Mulhouse, membre du Reichstag, à faft une apparition et a présidé une séance.
- Les,commoners et les lords,, membres de l’Association, avaient été empêchés par une cause analogue à celle -des députés français : la prolongation de la session du Parlement
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- anglais. Il n’était venu d'Angleterre que M. Ilodgson Pratt et M. Appieton.
- M. le marquis Alfiieri di Sosfcegno représentait l’Italie ; le général Turr, la Hongrie.
- En juge de Massachusetts,dont je n’ai point retenu le nom, et lu Lamas,]un ajjgustin,,représentaient l’Amérique. Il y avait en outre un Danois, M. Bajer, membre du Parlement et président de l’Association pour la neutralisation des pays Scandinaves ainsi que des* détroits qui relient la mer du Nord à la Baltique ~ un1 Suédois,, un. Norvégien,, deux. Roumains, MM. Stern et Amérescq...^ /,
- Parmi les lettres qui ont été lues, il y en a deux d’impor-tan'rs tune de M. Gl$ulstonç, premier mijiistre d’Angleterre, etso.e autre de M. Mancini, ministre des affaires étrangères d’Italie. *-
- Ces deux éminents personnages se déclarent formellement partisans de l’établissement de l’arbitrage permanent entre les nations, et convaincus de la possibilité de sa réalisation.
- Le discours, de M. Ruchonnet écrit dans des termes très élevés et très-littéraires, contenait l’affirmationàle la possibilité d’établir, pour terminer les différends entre nations, une institution analogue à celle qui résout les différends entre' individus un tribunal.
- La Neutralisation de l’Alsace-Lorraine n’a pu être sérieusement examinée à cause des protestations des allemands présents au Congrès les raisons de cette intolérance sont que dès le début de cette question, au lieu de s’eu tenir strictement à discuter la neutralisation,, on a soulevé la question du droit des Alsaciens à disposer librement d’eux-mêmes-.
- ‘Les allemands, certains que l’acceptation de cette proposition équivaudrait à une restitution à1 la France de l’Alsace-Lorraine, se sont opposés énergiquement à la discussion;
- Dans une lettre, M.. Jean Dolfus,, après avoir affirmé que le meilleur moyen, de rétablir les bonnes relations entre les-peuples, français et allemand consisterait; da$s le retour de l’Alsace à sa patrie, déclarait que, cependant, la population de la province consentirait, bien qu’avec un profond regret, a la constitution, de leur pays en Etat indépendant et. neutre, séparant les deux, races qui se querellent depuis si longtemps et leur servant en quelque sorte de tampon.
- Le congrès s’est naturellement occupé d’autres questions. Après avoir voté une déclaration théorique en faveur de Fartage, il a.eniehdu une communication très intéressante dé M- Lamas. Les républiques lalines de l’Amérique sont,, par-rait-il, d’accord pour conclure entre elles un traité établis-sant un tribunal international chargé de juger leurs constes-•ations, c’est-à-dire pour appliquer le système même recom-®andé par les amis de la paix. Une grosse difficulté Sest jusqu’ici opposée à la, conclusion de ce-traité : ou se réu-nipait le congrès ? La ville qui serait choisie pour cela ne fiourrait-elle pas s’arroger le titre de. capitale fédérale?
- La question serait résolue par u» expédient : le congrès
- se réunirait hors du territoire des républiques contractantes, hors même l’Amérique à Paris. Cette réunion seraiUtrês prochaine. ; •
- Le congrès de la paix s’est occupé de la question demeu-tralisation, c’est-à-dire de celle des détroits et canaux maritimes et de celle des pays. La; question -des détroits % été posée par la représentant du Danemark, M‘. Bajer, lequel, après avoir établi l’importance pour l’Allemagne et. la çBussie du Sund, du Grand Belt et du- Petit Belt, qui relient la mer du Nord à la Baltique, a démontré qu’en cas de guerre en.re les ’ deux empires intéressés l’un d^entre eux serait forcément amené à s’en emparer,, et en même temps à s’emparer des côtes qui les- bordent ; peut-être, ensuite, à les garder.
- Le seul moyen d’empêcher un semblable fait de se produire consisterait dans la conclusion d’un traité qui déclarerait les : trois pays Scandinaves neutres, comme le sont déjà la Suisse et la Belgique, et établirait que les navires dès nations bellî-: gérantes ne pourraient se livrer à aucun acte de guerre dans le passage dont, la liberté leur serait conservée ni dans m certain rayon.. * *
- MM. Amerescu et Stern: ont fait valoir des raisons analogues pour la Roumanie et le Danube.
- La. question des canaux maritimes, tels que Suez et Panama,,
- : est également d’une grande gravité. Au: cas d’une guerre de-l’Angleterre avec la Russie, Fum des belligérants serait fatalement amené à s’emparer de Süez'et à s’opposer au passage,, par le canal, des vais'seaux de son adversaire. La neutralisation dans les conditions indiquées pour les détroits serait le seul, moyen d’empêcher un acte de ce genre1./, '
- La situation de la vallée dm Congo' -a également appelé l’attention du congrès de la paix. Il a exprimé le vœu que-toutes les puissances civilisées imitênt l’exemple récemnient. donné par les-Ëîats-Uni§ ,et reconnaissen t T Association inter- * nationale africaine Gomme Etat,' mois en lui imposant, em échange de ceUè inscription sur le livre (le l’état civil des nations, certaines conditions,, en même temps que celle mise parles Etats-Unis, laquelle consiste exclusivement dans l’interdiction d’établir des;droi_t%de douane et de faire subir des traitements différents aux. diverses nations- commerçantes.
- Ces conditions seraient l’interdiction- de l’esclavage, la liberté des opinions religieuses* l’obligation de se*soumettre au jugement d’un tribunal international, en cas de dissentiment avec, une autre puissance ; enfin, l’acceptation d’une surveillance collective provisoire des puissances-civilisées-.
- Excursion de Coopérateurs anglais à Guise
- Le Devoirdu, 17, janvier der nier a signalé le projet de pèlerinage dès: Coopérateurs anglais à Guise; soulevé par R. S. B;, dans le Coopérative News de; Manchester, il a exprimé avec- quel empresseme.n& le Familistère'recevrait les dits visiteurs.
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- LE DEVOIR
- L'idée a trouvé de l’écho en Angleterre et le moment étant venu de la réaliser, notre ami, M. Ed. Vansittart Neale qui avait bien voulu s’offrir pour guider le groupe des excursionnistes a invité ceux-ci, par une lettre publiée dans le Coopérative News du 2 courant, à bien vouloir s’entendre avec lui, alin de déterminer le nombre des pèlerins et de permettre à M. Godin de prendre les mesures voulues pour la réception des visiteurs.
- D’autre part, M. Neale nous informe que ces visiteurs seront au nombre de sept au moins, mais il peut y avoir des adhésions nouvelles.
- Dans le Coopérative News du 9 courant, M. William Marcrofl, d’Oldham, répond à l’appel de M. Neale, par la lettre suivante :
- « J’ai eu le plaisir de visiter Guise et de séjour-» ner au Familistère pendant une semaine. Aux » coopérateurs qui ont le temps et l’argent néces-» saires pour faire le voyage, je dis : Allez! allez » et vous tremblerez d’admiration en voyant le » grand palais aux centaines de fenêtres ornées de » rideaux de mousseline, en visitant les écoles, en » écoutant la société musicale, en contemplant les » allées et venues de tout ce monde d’employés et » d’ouvriers, en admirant les promenades du parc, » et pardessus tout en voyant ces 1,400 personnes » vivre en harmonie, chacune d’elles jouant sa par-» lie dans le grand chœur : « Tous pour chacun, » chacun pour tous, » sous la direction du grand » apôtre de l’affranchissement du peuple, Je Père » social, M. Godin. ............................
- » J’ai visité bien des entreprises sociales et en * différents pays,mais nulle part je n'ai rien trouvé » d’égal au Familistère. Oh! si les hommes voulaien t j> bien s’y prêter, comme ils rendraient bientôt le » séjour de la terre semblable à celui du ciel dont » ils parlent si souvent !
- » La vue d’une telle œuvre laisse dans l’esprit » un rayon lumineux ; c’est une joie d’y penser et » de se consacrer à pousser à l’initiation d’entre-« prises semblables. »
- Nous ne pouvons que répéter ici ce que nous avons dit dans le Devoir du 27 janvier dernier :
- Les coopérateurs anglais qui doivent venir nous voir le 21 du mois courant seront les bien venus au Familistère de Guise.
- L’HÉRÉDITÉ DE L'ÉTAT
- Tant que cette question a été agitée par le Devoir,la presse a observé un silence général ; maintenant que l’Hérédité de l’Etat a été portée devant le Parlement, elle est le sujet de nombreux articles.
- | A juger d’après les précautions de la petite presse à fausser la proposition de Mutualité nationale déposée par des membres de rExtrême-Gauche,on peut conclure que les journalistes se sentent impuissants à la combattre telle qu’elle est. Cela est d’un excellent augure.
- La tactique la plus générale consiste àprésenter cette réforme comme une confiscation des héritages au profit de l’Etat • on ne parle ni de la mutualité devant en résulter, ni des garanties certaines que donneront les comités communaux élus pouf contrôler l’administration de celte mutualité simplement on cherche à faire croire aux'électeurs qu’il s’agit de mettre à la disposition de l’Elat d’immenses ressources dont il usera autoritairement sans aucun contrôle. Le moyen n’est pas nouveau, et il est à la portée de tous les publicistes malhonnêtes.
- Au-dessus de ces folliculaires, parasites ordinaires des députés d’arrondissement et de leurs courtiers électoraux, dans la presse plus sérieuse, le projet dTIérédité de l’Etat, sans rencontrer une approbation générale, a été exposé à peu prés exactement et quelquefois accepté en partie, même en totatité.
- 11 a été l’objet d’une étude à peu prés sérieuse de la part de M. Mangin dans Y Economiste Français, journal de M. Leroy-Beaulieu, membre de l’institut, professeur au collège de France, auteur de plusieurs ouvrages d’économie politique, ayant publié il y a quelques jours un gros volume pour réfuter le socialisme, volume digne d’un parfait économiste en ce sens qu’il attribue aux sociallistes des idées qui n’ont jamais existé ailleurs qu’à l’Institut; l’ouvrage est bien écrit, abonde en contradictions, en sophimes ; sa lecture est très amusante pour quiconque n’a pas renoncé à ne plus écouter la guitare des économistes.
- Après cette réclame à M. Leroy-Beaulieu, revenons à l’article de son coIlaborateurM. ArthurMangin.Celui-ci exagère les charges de la Mutualité nationale et le pouvoir discrétionnaire des comités communaux élus; ce projet de Mutualité ne lui va pas, il l’explique de telle manière que nous serions bien surpris si un seul des lecteurs de M. Mangin pensait autrement que lui, à moins de lire le texte même du projet.
- Quant à l’Hérédité de l’Etat, elle ne déplaît pas à M. Mangin, mais à une condition : c’est qu’elle viendra simplement grossir le budget de l’Etat, sans doute pour mieux payer de bonnes rentes aux capitalistes, pour garantir de gros revenus aux grandes compagnies, pour multiplier les expéditions de Tunisie et de Chine, pour mieux entretenir la bande des politiciens qui ruinent notre pays.
- Enfin,l'Economiste Frat2çais ne repousse pas une réforme des lois d’hérédité, ainsi que le prouve l’extrait suivant de l’article en question.
- « En résumé, dit M. Mangin, il y a lieu, je crois, de » scinder le projet qui nous occupe en trois parts bien dis-» tinctes : la première, visant une réforme de la loi sur les » successions et tendant à étendre dans une mesure plus ou « moins large le droit de l’Etat sur les successions ab in-« testât, me paraît mériter un examen sérieux, eu » égard surtout k l’état présent de nos finances. »
- Mais l’auteur de l’article déclare énergiquement se séparer de tout le reste du projet.
- Eh bien! nous, qui savons ce que valent les répugnances et les malédictions des économistes, nous, qui nous ra «pelons une époque et point ancienne, quoiqu’ils l’aient oubliée déjà,
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- où ils se séparaient complètement, mais très complètement, de toute espèce d’hérédité de l’Etat, nous ne pouvons nous empêcher d’accueillir avec joie le commencement d’adhésion des économistes à l’Hérédité de l’Etat.
- Eu égard surtout à Vétat présent de nos finances, nous disent les économistes, nous cessons de nous séparer complètement de l’Hérédité de l’Elat. Bientôt ils trouveront un autre « eu égard » pour accepter un tout petit commencement de mutualité, et ainsi pour tout le reste du programme des réformateurs socialistes. Et nous, que l’on pourrait prendre pour des ennemis des économistes,dès maintenant, afin de leur éviter des fatigues cérébrales, nous leur proposons le « eu égard » suivant : Eu égard, aux troubles financiers et commerciaux que causent les incessantes convulsions de la misère, les économistes engagent les législateurs à en atténuer les effets par l’organisation prudente et progressive d’une prévoyante mutualité.
- Voilà ou en seront les économistes avant dix ans, à moins qu’ils aient disparu.
- Nous ne faisons par ce titre d’article aucune allusion aux anciens partis; nous visons l’existence, plutôt la formation,d’un nouveau courant d’opinion réactionnaire d’autant plus dangereux qu’il se développe clans un milieu ayant toujours accepté, mémo défendu, la forme républicaine du gouvernement.
- Il est des gens qui prônent les idées républicaines en politique et qui dans toutes les autres parties de l’activité humaine s’acharnent à perpétuer la forme monarchique.
- Ces retardataires, chaque fois que le progrès a mis une branche de la vie nationale en contradiction avec l’esprit public, les pratiques et les lois de la veille ou du moment, s’efforcent de modifier tout cela avec l’intention d’empêcher le progrès de faire son œuvre, au lieu de réformer les lois et les règlements et tout ce qui est en opposition avec les besoins que crée chaque jour le perfectionnement incessant de la vie humaine.
- C’est à cet ordre d’idées que se rattachent de fréquents articles publiés par la presse officieuse. L’extrait suivant, tiré du journal le Temps, numéro du 7 août, peut être considéré comme un spécimen des secrètes aspirations de ces retardataires.
- « Il faudrait une instruction de telle nature que, au lieu de dégoûterde la vie réelle et d’en faire sortir, elle y aboutît et y ramenât mieux armés et plus habiles ceux quelle a la mission d y préparer. En d’autres termes, l’enseignement naturel des
- filles comme des garçons, c’est l’enseignement professionnel. Moins de raffinement dans les idées, moins d’érudition dans la mémoire, moins de théorie littéraire ou philosophique ; plus d apprentissage delà main, plus d’énergie dans la volonté, plus de savoir-faire pratique, plus d’ingéniosité inventive, voilà ce qu il faut à l’immense majorité des enfants. On a introduit, nous le savons, le travail manuel dans nos écoles primaires; il ne faut pas qu’il y reste à l’état de récréation et d’art d’agrément, mais»qu’il soit au centre de toutes les leçons comme le point capital auquel elles doivent nécessairement aboutir. »
- Il faut ne pas oublier que ces lignes sont empruntées à un journal encourageant toutes les dépenses de la politique coloniale après avoir repoussé les augmentations du budget des écoles.
- Comme le Temps, nous pensons que l’enseignement doit avoir surtout un caractère professionnel pour Y immense majorité des enfants. Mais l’enseignement primaire proprement dit et l’enseignement professionnel ne doivent pas se confondre. L’un doit venir après l’autre. Il n’est pas excessif de prolonger l’enseignement primaire jusqu’à l’âge de 14 ans, et de ne pas commencer l’apprentissage avant cet âge.
- L’enseignement primaire doit être suffisamment général, assez théorique, assez littéraire et philosophique pour que l’Etat puisse distinguer de Vimmense majorité la petite minorité capable de suivre les hautes études. Les moyens de rendre p ratiquecette sélection n’existentpas,et nous voyons avec peine les journaux influents séparer ces deux questions; ils insistent sur le développement des écoles professionnelles, sans indiquer comment il serait possible, en même temps, de recruter toutes les valeurs exceptionnelles.
- Il arrive fréquemment que la société est privée du concours des meilleurs de ses membres, parce que l’on néglige de suffisamment étudier les capacités de certains enfants. Comme exemple nous appelons l’attention de nos lecteurs sur la lettre suivante publiée par des journaux du Puy-de-Dôme :
- Monsieur,
- « Permettez-moi de vous raconter un fait qui a bien son importance.
- J’emploie, à Clermont, une famille nommée Loiseau comme marchands de journaux depuis plus de quinze ans; j’avais comme vendeur, il y a cinq ans, un des enfants Loiseau.
- Cet enfant était doué d’une intelligence extraordinaire ; il avait une aptitude pour le calcul qui était vraiment surprenante. Je le présentai à un professeur de Clermont qui,comme moi, reconnut que cet enfant était doué d’une aptitude extraordinaire de compréhension ; on le fit entrer au lycée, il y a de cela quatre ans et demi, 11 est donc en cinquième.
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- m le
- Il à obtenu, cette armée, à 'la distribution des prix, neuf premiers1 prix : l«rprix mathématiques ; 1er prix climie; 1er prix histoire ; lex prix science physiques et naturelles ; lerprix composition française; enfin, les premiers prix des classi-quesL . < '• ‘ :
- vill a obtenu également le premier prix de mathématiques an concours -général des lycées et collèges de France. \ . ' '
- 1 Lés-marchands de journaux doivent être fiers de leur ancien collègue.
- Recevez, etc.
- SAINT-GERMAIN.
- M.'Saint-Germain, marchand de journaux,aurait pu faire du jeune Loiseau un commis intelligent qui alitait ëtè honoré d’avoir été distingué par son patron"et qui aurait mis au service, de ce dernier toutes dés bonnes qualités et sa reconnaissance pour lui aider à gagner de l’argent. M. Saint-Ger-mam-ur préféré à son intérêt égoïste rendre à la sociétéffe sigiialé service de la mettre .en possession d’un sujet distingué.
- Combien d’autres enfants, non moins doues que le jeune Loiseau, n’ont pas le même bonheur ?
- Cet acte de bon et véritable patriotisme est un sérieux argument en faveur de l’organisatiomde l’enseignement théorique et professionnel devant permettre à Ta société de donner à chacun de ses membres la plus grande somme possible de con^ naissances.
- Les capacités théoriques et professionnelles, sont les deux terxpes du progrès humain, on ne peut négliger lesuffes ou les autres sans nuire au but Final. 1 .
- C’est pour rappeler l’évidence de cette vérité que nous avons pris prétexte de l’article c|u Temps qui indique une tendance trop accusée vers l’idée de transformer les écoles primaires eh écoles d’apprentissage,'
- Les écoles primaires doivent conserver un caractère théorique suffisamment caractérisé pour permettre à la société de bien apprécier les diverses aptitudes de chaque enfant.
- Les écoles professionnelles ne doivent pas se confondre avec les écoles primaires. Celles-ci doivent précéder les premières; et, à côté de ces premières,il doit exister suffisamment d’écoles supérieures pour jjonnqr .l’enseignement théorique à tous les adolescents dignes et capables de le rece-yoir.
- Penser autrement est le fait d’esprits étroits et réactionnaires.
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- PROPOSITION DE LOI <sum
- sur l’établissement de lâ - Mutualité nationale par l’hérédité de l’Etat et l’impôt progressif sur les Successions
- présentée par Messieurs Giard, Henry Maret, Laguerre Tony Révillon.
- ni.
- Nous croyons avoir montré que la réforme proposée par nous est en droit très légitime, et qu’elle a'^our elle des défenseurs convaincus soit parmi les. théoriciens, soit parmi les hommes pratiques. fj.
- Cette réforme met immédiatement à la disposition de la Société des ressources considérables dont l’emploi est réglé par le titre II de notre proposition qui organise la mutualité nationale et les dégrèvements d’impôts rendus faciles par les richesses nouvelles apportées àu Trésor.
- Ces ressources se composent de biens de natures très diverses, de plus, elles peuvent devenir promptement colossales et c’est pour ne pas les centraliser toutes entre les mains de l’Etat que nous plaçons en face de l’Etat propriétaire* la commune propriétaire.
- Les biens immeubles seraient, soit partagés entre eux, soit possédés par indivis.
- C’est là un des points importants où notre proposition diffère de celle de M. Godin (1). Une autre différence nou moins importante est que M. Godin applique la progrès* sion de i’imp^t à tous les héritages sans distinction tandis que nous laissons indemnes les héritages en ligne directe jusqu’au cinquième degré, sauf dans le cas où l’héritier est enfant unique.
- D’autre part, l’Etat et les communes ne peuvent être maîtres de troubler la marche naturelle des transaçtions en retenant dans leurs mains des biens qu’ils .pourraient aliéner tout à coup en grande quantité. Il fauRdonc que ce domaine soit inaliénable.
- Mais l’administration de l’Etat comme celle de la commune se bornera à la faculté de passer des, baujc et con-* trats. Nous proposons de lui refuser la régie directe»qui donne lieu presque toujours à des pertes au point de vue de la production, pertes pour.l’Etat, et dont ne profitent point les particuliers.
- (1) L’idée de chercher dans la commune un contrepoids à la toute puissance de l’Etat sera certainement accueillie par tous les partisans de la décentralisation. Nous la trouvons nettement formulée dans une analyse du projet de M. Godin, publiée il y a quelque mois; « On peut, sans repousser aucun des principes posés par M. Godin, sentir quelque inquiétude sur le sort d’une richesse incalculable centralisée entre les mains d’administrateurs qui seront fatalement des agents du Gouvernement et contrôlés par lui...
- « Jé cherdieyun contrepoids à la formidable puissance qwe la richesse donne à l’Etat et je le trouve dans la commune. » R. Mélinette. (Réforme du Nord, T juillet 1833.)
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- •Li
- On ne peut donc nous objecter que nous retirons de la circulation et de la production des biens considérables, car ces biens donnés à ferme ou à,loyer feront revenir â la collectivité la rente foncière et aux exploitants les produits de leur travail et de leur activité-.
- En Prusse de nombreux domaines de l’Etat sont aujourd'hui loués pour trente ans aux meilleures conditions dans l’intérêt d’une bonne agriculture et aussi dans l’intérêt du fisc.
- En Angleterre, où règne là grande propriété, lés baux sont faits à long terme. Des quartiers entiers de Londres, appartenant à un seul propriétaire, sont loués pour quatre-vingt-dix-neuf ans par exemple, à Un ou plusieurs 'entrepreneurs, et, quoique ce terme ne soit pàs là .perpétuité, on n’en voit pas moins ces entrepreneurs donner lïbré carrièrë à leur activité, bâtit* et soùs-louer, quitte à la fin du tehnê à démolir et à enleverles matériaux.Une indemnité égale au bénéfice net qu’il tirerait de la vente des matériaux suffit pour les acquérir au propriétaire et le faire ainsi profiter de l’accroissement de valeur des fonds.
- L’ensemble des affaires offrirait donc le même aspect qU’avant, sauf qùe l’Etat serait grand propriétaire, les mêmes contrats seraient passés avec l’entreprise et le travail. L’initiative individuelle ne cesserait pas d’avoir son libre jeu et son entier développement.
- L’Etat ne saurait conserver les meubles s ns nuire à ses intérêts et à ceux de toute la nation, aussi proposons-nous de les vendre et aussi de les attribuer à l’Etat seul sàns y faire participer la commune, à câuse des charges plus lourdes de celui-là.
- IV.
- f' .Nous, n’avons, d’ailleurs, pas seulemenf èn vue,comme résultat, la subvention de l’assurance mutuelle,'mais bien aussi le dégrèvement progressif des impôts, â r -
- Tels sont les deux emplois des richesses de la commune et de l’Etat.
- Pour la première, elle applique ses revenus à subventionner la caisse communale concurremment avec l’Etat et le surplus de ses recettes est affecté aii? dégrèvement de ses impôts: centimes-additionnels, prestation, octrois.
- L’Etat subventionne également les caisses communales et emploie de même son excédant de recettes au dégrèvement des impôts.
- V. ''
- Quant à l’assurance mutuelle telle que “ nous"vous la proposons, elle repose sur deux principes, l’obïîgation de la retenue et le contrôle par le peuple, c’est-à-dire par un comité issu du suffrage universel.
- L’obligation ésî la conséquence naturelle du droit qu’a ta société de demander aux citoyens les ressources néces- |
- saires à la rémunération des services publics ët du devoir qu’il a d’inscrire parmi ces services publics l’assurance mutuelle.
- On ne saurait dire que cette obligation est une attëintë à la liberté. Elle est moins pénible que le service'militaire et que l’instruction obligatoire. Elle se confond avec les autres impôts. n
- Nous avons pensé, d’autre part, que le suffrage universel devait avoir son application dans une question de cè genre. Il est temps de rompre avec les anciennes traditions, de renoncer à ces commissions, composéés’de représentants du Gouvernement, de notables et de membres du clergé des divers cultes,^et'd:e confier la distribution des secours au peuple même qui les a prévus et qui s’ëst assuré en payant sa cotisation.
- Nous nè croyons pas déroger aux principes, en faisant approuver les comptes par le Conseil municipal, celui-ci étant directement issu du suffrage universel.
- Enfin, nous laissons aux comités locaux le soin dé rédiger les détails de leur règlement intérieur.
- VI.
- Nous ne nous dissimulons nullement les critiques que soulèvera la puissance donnée à l’Etat par la réforme projetée malgré les atténuationss sérieuses que nous y avons, mises. Mais sur ce point encore il noos sera permis de nous abriter derrière de sérieuses autorités.
- Ecoutons d’abord M. de Laveleÿe.: »
- « Le collectivisme appliqué à la£ terre seulement et n’ayant d’autre effet que d’attribuer la renté à l’Etat, serait d’une application facile, cari il laisserait complètement intacte l’organisation actuelle de la société (1). a
- Dans un travail tout récent, M Fouillée, maître de conférences à l’Ecole normale, esprit éminent dont personne ne contestera la modération> s’exprime ainsi :
- ^ « C’est le phénomène de la plus-value progressive des propriétés qui fournit au socialisme contemporain son principal argument ; or il y a deux moyens de faire tourner à l’avantage de la société entière une plus-value qui tient à l'accroissement des relations sociales. Le premier, c’est de faire circuler le plus possible le bénéfice entre les individus : pour cela il faut mobiliser de plus en plus la propriété* ce qui permettra la diffusion entre tous les individus et en même temps le groupement des propriétés par l’association. Le second moyen c’est de maintenir à côté de la propriété individuelle, la propriété collective et sociale comme source de revenu collectif.
- « Par là, les économistes le reconnaissent eux-mêmes* on obtiendrait ce merveilleux résultat de remplacer peu à peu les charges de tous par des profits pour tous, de substituer à la dette publique une richesse publique; enfin
- (1) De Lavele.ye, Socialisme contemporain, p. 304.
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- de dégrever entièrement ces énormes budgets qui son une cause d’inquiétude croissante. Ainsi c’est le libéralisme bien entendu qui fournit la solution la plus philosophique du problème (1). »
- M. Charles Gide enfin, réfutant les critiques opposées aux partisans de la propriété collective du sol par ceux qui croient voir dans cette mesure un obstacle aux progrès de la culture, s’exprime ainsi :
- « Craindrait-on que ce système ne fût nuisible à la bonne exploitation du sol et aux progrès de l’agriculture ?
- »I1 n’y a aucune raison pour le penser si les concessions étaient faites,’ comme elles devraient l’être en effet, pour une période assez longue. Une concession de quatre-vingt-dix-neuf ans, par exemple, équivaut parfaitement pour le concessionnaire à la perpétuité ; ses travaux et ses entreprises ne seront gênés en aucune façon par la pensée qu’ils ne profiteront peut-être pas à ses arrière-petils-fils. En fait, les plus grands travaux modernes, ceux qui ont exigé les avances les plus considérables et qui engageaient le plus l’avenir, le grand réseau de nos chemins de fer, les creusements des canaux de Suez et de Panama, ont été accomplis précisément dans ces conditions, avec des concessions de quatre-vingt-dix-neuf ans. Tous les jours, en Angleterre, on voit des maisons s’élever on leases, c’est-à-dire sur des terrains loués seulement et qui doivent revenir aux propriétaires à l’expiration dû bail, et c’est ainsi que tel ou tel lord, le marquis de Westminster, par exemple, doit la meilleure part de son immense fortune à des terrains donnés à bail par ses ancêtres à l’état de terrains vagues et qui.lui sont revenus avec un quartier de Londres bâti dessus. Tout ce qu’on pourrait craindre, c’est, que, vers la fin de la concession, l’approche du terme ne décourageât le concessionnaire et ne l’engageât à exploiter la terre au jour le jour. Mais rien ne serait plus simple que de parer à ce danger en permettant à l’Etat de renouveler la concession dix ans, par exemple, avant l’expiration et en accordant un droit de préférence au concessionnaire en possession. Ecartons donc cet argument fondé sur l’intérêt de la culture. 11 a d’autant moins de valeur que, dans notre organisation actuelle, une grande partie du sol, la presque totalité dans beaucoup de pays, est cultivée par des fermiers n’ayant que des baux à court tenue et souvent même n’ayant pas de baux du tout (2). »
- (i) Alfred Fouillée. Les études récentes sur la propriété. (Revue des Deux-Mondes, 15 juin 1884, p. 791.)
- (2'i Charles Gide. De quelques nouvelles doctrines sur la propriété foncière. [Journal des économistes,
- mai 1883.)
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- Les résultats de la loi que nous vous proposons sont donc faciles à prévoir et à résumer. Ils se traduisent d’abord par un léger déclassement dans lesforlunes, mais ce déclassement n’atteindra que les successions inespérées ou basées sur des calculs de famille qui n’intéressent certes point la morale publique.
- L’Etat deviendra propriétaire sans changer en rien les conditions de l’activité individuelle. 11 profitera de l’accroissement de valeur des propriétés, delà rente des biens sans que ces revenus prennent la forme vexatoire de l’impôt.
- La commune sera dans les mêmes conditions que l’Etat et servira de contrepoids à la puissance qui lui donnera sa richesse.
- On peut prévoir également que les conditions économiques de la France seront améliorées d’abord par le redoublement d’activité qu’imposera aux citoyens l’existence d’un grand nombre de biens devenus inaliénables, ne pouvant plus produire une richesse passagère pour le vendeur et ne pouvant être utilisés que par l’intensité de la production ; ensuite par la suppression de ceux qui grèvent la consommation et qui, sans augmenter les salaires réels, portent à un taux si élevé les salaires nominaux.
- Par suite des avantages qui résulteraient du déplacement de l’impôt et d’une répartition plus équitable des charges nous pouvons prévoir un relèvement très sensible de notre situation vis-à-vis des nations étrangères.
- L’établissement de l’assurance mutuelle, est, on ne peut le nier, non pas un simple palliatif, mais un remède d’une grande valeur aux maux dont souffre le prolétariat.
- On dira qu’il y aura toujours des pauvres et des riches, et on aura raison, mais au moins, grâce à l’assurance et aux caisses de retraites, il n’y aura plus de trop pauvres, pour me servir d’expression très frappante employée par notre collègue Clémenceau lors de l’interpellation Langlois.
- On peut être certain, enfin, que les retraites dont jouiront les invalides du travail relèveront beaucoup leur situation morale au sein de leur famille. L’aïeul qui ne sera pas à la charge de ses petits enfants sera respecté, et en améliorant la situation de la classe ouvrière vous pouvez être certain que vous l’aurez moralisée.
- Vous avez déjà fait beaucoup pour l’instruction du peuple, complétez votre œuvre en faisant quelque chose pour son bien-être. Elevez son niveau, et moralement, et matériellement, et ne craignez jamais que ce progrès appelle des désirs plus ardents, des revendications plus exagérées. Pius le citoyen, au contraire, se sentira élevé, mieux il comprendra les rôles de chacun et le sien propre.
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- Ces résultats de toute sorte qu’il est logique de prévoir, répondent trop bien aux sentiments patriotiques de tous ceux qui désirent la grandeur morale et matérielle de notre pays pour ne pas imposer à votre examen la proposition de loi suivante :
- (A Suivre.)
- APHORISMES ET PRÉCEPTES SOCIAUX
- L
- Liberté du suffrage universel
- Le scrutin de liste nationale pour l’élection des députés et sénateurs peut seul permettre le choix des supériorités. En donnant à l’électeur la liberté du vote, le scrutin national sera pour la moralité du suffrage et l’épuration de nos mœurs politiques, ce qu’est le scrutin uninominal de circonscription pour la corruption et la dégradation de nos mœurs publiques.
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- Le Congrès. — La Constitution vaut-elle mieux,vaut-elle moins après la Révision? Yoilà une question à laquelle il est difficile de répondre affirmativement, puisque la constitution conserve son pire défaut, le suffrage restreint. Néanmoins le Congrès aura eu l’avantage de poser la question devant le pays, et d’apprendre aux électeurs à connaître tous les ennemis de la République. Un groupe de députés a pris énergiquement la défense du suffrage universel. M. Henry Maret, au nom de ce groupe, a lu une déclaration se terminant ainsi : « C’est à la démocratie française qu’il appartiendra de nous » juger tous; c’est à elle que nous nous adressons ; c’est elle » qui se chargera de nous imposer une Constitution démo-« eratique. » L’Extrême-Gauche rie pouvait faire une autre déclaration, mais il lui incombe de se ^mettre immédiatement à l’œuvre en apprenant à la démoerati e quelles sont les conditions véritables de sa souveraineté.
- Dès maintenant [nous déclarons que l’Extrème-Gauche sera au-dessous de sa tâche, si elle n’ose affirmer que le suffrage universel commande impérieusement l’égalité civile et politique de la femme, et que le Parlement doit être une représentation des diverses fractions de l’opinion putlique proportionnellement à l’importance de chacune dans la nation ; les moyens pratiques sont le scrutin de liste nationale, la réduction de la durée du mandat à deux ans, le renouvellement annuel de la moitié des corps élus. Nous demandons la discussion de ces propositions aux défenseurs du suffrage universel.
- + *
- La guerre avec la Chine. — Les derniers télégrammes de l’amiral Lespès fournissent de nouveaux renseignements sur l’affaire de Kelung :
- Le 5 août, avec les trois bâtiments dont il disposait, l’amiral
- a détruit les forts de la ville et réduit au silence les batteries Krupp qui les défendaient.
- Le lendemain, il a envoyé à terre les compagnies de débarquement qui ont achevé la destruction du matériel de guerre.
- Cette opération nous rend maîtres du port de Kélung, ainsi que de la rade et des mines de charbon.
- Les troupes de débarquement ont eu deux hommes tués et quatre blessés.
- * * c
- Un nouveau blé. — La Société d’agriculture de
- Meaux adonné mission à son vice-président, M. Jules Bénard, et à un autre de ses membres, M. Proffit, tous deux
- praticiens distingués, afin que ces Messieurs visitassent lés contrées les mieux cultivées de l’Allemagne, t dans le but de faire, à leur retour, un rapport sur cet important sujet.
- Cette mission présente déjà un résultat. Elle a acheté, en Hanovre, cent quintaux d’un blé jusqu’ici inconnu en France.
- C’est une variété trouvée, en 1874, chez un fermier écossais nommé Samuel Schirrif, par M. Jensen, de Copenhague, qui l’a introduite en Danemark, d’où elle s’est répandue en Allemagne.
- Ce blé Schirri f donne une paille très résistante à la verse, et on assure qu’i! peut produire facilement de 55 à 60 hectolitres à l’hectare. Sa culture va être essayée en Brie. Les fermiers de l’Oise pourraient suivre, sans tarder, cet exemple.
- Le voyage de Messieurs Bénard et Proffit vaut mieux que toutes les sottes criailleries des prétendus patriotes toujours à récriminer contre les contrefaçons des allemands. Ceux-ci ont des écoles d’agriculture, ' des écoles industrielles, des fermes et des usines ouvertes comme les nôtres aux visiteurs. Pourquoi les déciamateurs contre la concurrence allemande ne vont-ils étudier ses secrets sur les fieux.
- Le dispensaire Furtado-Heine. — Désireuse de faire une œuvre utile, Mme Furtado-Heine a eu l’heureuse idée de créer à Paris, rue Delbet, 6, (149, rue d’Alésia), un dispensaire modèle tel qu’il en existe un à Mulhouse, et dans lequel des consultations gratuites seront données tous les jours aux enfants âgés de moins de quinze ans, par un personnel médical choisi et complet.
- Le règlement a été fait dans l’esprit le plus libéral et le plus large. Pas de distinction de religion ni de nationalité.
- Gratuité absolue non seulement des consultations, ou des opérations, mais encore des médicaments, des appareils chirurgicaux et orthopédiques, des pièces de pansement et du linge nécessaire, des bains, simples ou médicamenteux du traitement hydrothérapique, de la gymnastique médicale, en un mot de tout ce que peut donner un dispen aire de consultations qui n’est pas un hôpital ; voilà la large base, le grand principe sur lesquels repose le dispensaire Furtado-Heine.
- 11 y a plus. Toutes les fois que le médecin consultant juge que l’enfant soumis à son observation a besoin d’une alimentation plus substantielle que celle qu’il trouve à l’humble table de ses parents, il a la faculté de délivrer un certain nombre de bons, avec lesquels l’enfant viendra chaque jour au dispensaire prendre un repas réconfortant.
- Ce vaste et généreux programme, une fois conçu, rien n’a
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- lus arrêté Mme Furtado-Heine. Il fallait dépenser des millions ; seule, avec ses propres ressources, sans l’appui d’aucune souscription, elle les a dépensés.
- Il fallait créer un établissement modèle ; elle en a confié le soin à M. Paul Blondel, l’habile architecte, ancien prix de Rome, qui avait déjà fait ses preuves dans- ce genre tout spécial, en dirigeant la création du dispensaire de Mulhouse.
- il fallait à la tête de l’établissement des médecins d’une valeur indiscutable ; il suffit de citer les docteurs Cuffer, Anger, Meyer, Meniére, pour voir si: ce desideratum est rempli.
- Il,fallait un.personnel intelligent, dévoué et indépendant; on a fait venir de Suisse des infirmières surveillantes, dont le zèle, l’expérience et le dévouement sont,indiscutables,
- Aliter chercher partout la misère, appeler dg tous côtés la science et le dévouement et mettre sa personne et sa fortune au’service des déshérités, voilà du vrai patriotisme.
- Madame Furtado-Heine à. bien-mérité de la véritable patrie;
- *•
- Statistique des Mutualités. — Le rapport officiel que vient de publier le ministère de l’intérieur sur les sociétés de secours mutuels en 1882 est extrêmement intéressant.
- Nous en extrayons les chiffres suivants, qui confirment notre propagande relative aux retraites dans les mutualités.
- En 1869, sur 5.188'sociétés approuvées, 2\958 (plus de la moitié) avaient constitué un< fond collectif de-retraites ; et le total, de ces fonds, de retraites-répréseatmt plus- de quarante-cinq millions de francs (45.258.629 fr.).
- Depuis vingt-huit ans, la progresser, a été constante ; elle est plus marquée dans ces, derqièrgs |tmiées : le total des fonds a grossi, dans le cours de l:8§f, de de quatre nyL iions de francs.
- Le nombre des pensionnaires, au 31 décembre 4882, est sextuple du nombre de 1869* : il atteint 14.963.
- Parmi ces 14.963,petisions, 88 seulement étaie nt de 300‘ à 472 fr,.;, 1.147. étaient de lôO à 299 fr.; 1.643 de 100 à 149 fr.; et; 12.105 pensions, c’est-à-dire la plus grande partie, étaient dé 30 à 99 fr.
- Ces pensions sont bien modiques ; mais elles sont moralement très utiles, en faisant connaître et toucher lés avantages des. retraites nationales; elles sont d’aillteurs’en voie d’augmentation* notable sur. les, années précédentes.
- Ces pensions sont constituées à capital réservé c'est-à-dire, que le capital qui a servi à les constituer rentre dans le fonds de hr société à chaque décès, de pensionnaire,, et permet; de doter un nouveau pensionnaire,et ainsi de suite indéfiniment.
- Cette ingénieuse combinaison assure à l’avenir un développement constant de ce service ; car les sociétésse multiplient ; elles grossissent par de nouvelles réserves, leur fonds de retraite, qui d’ailleurs se fortifie par les gratifications proportionnelles de l’État.
- Les gratifications de l’Etat représentent près de la moitié des versements opérés par les sociétés ;. ainsi, pour 18J42,,les sociétés ont versé, pour les retraites collectives, vingt- un millions de francs (24,294.496 fr.), et l’Etat leur a alloué des subventions pour près de dix millions de fr. (9.950.194 fr.)
- En outre dis dons et legs ont été affectés;, aux fonds de retraites pour 733.411 fr;.
- Nous croyons utile à tous, non moins qu’intéressant pour les plus méritants, de nommer ici les sociétés qui, en 1882, ont effectué pour leurs-retraites collectives les versements les plus considérables :
- La Marseillaise, n° 303 (Bouches-du-Rhône), 300.000 fr.
- La Société des Industries de Paris : 143.000 fr.
- La; Prévoyance de la Vieillesse (Bouches-du-Rhône, 107.000 francs.
- La maison Leclaire (Seine), et les médecins de France chacune 40.000 fr.
- La Société des Forges (Doubs), 20.000 fr.
- L’Association des voyageurs- et commis du commerce et industrie de France, 19t000 fr. ' >
- La Générale (d’Orléans), 16.000 fr.
- Les cochers de maisons bourgeoises et les bijoutiers (Seinel,
- ! chacune 15.000 fr.. i . 7 >
- Le Pélican (Paris),.L4.G00fr,
- 1 Les employés de l’octroi, 13.000 fr.
- Les cantonniers dte Rtennes, de Clermont-Ferrand ; l’Etoile' (garçons restaurateurs)-; la menuiserie de Paris ; l’associatiom ; des postes et télégraphes ; la prévoyance mutuelle des em-| ployés de Rouen, chacune 12.000 fr., etc.,
- ; L’émulation, dont les sociétés-de secours mutuels sont ani-| mées fera se développer graduellement et sans soubresauts le mouvement qui a-une très haute portée, sociale.
- BELGIQUE;
- Lesuocés inespéré des cléricaux belges, aux-dernières élections, a complètement grisé le ministre Malou. il Viteon a préparé les projets les plus réactionnaires.
- Le rétablissement de la légation belge auprès du Vatican et, cequiestplus grave,, l’abrogation de ,ja loi sur l’enseignement primaire de 1879. 7
- , Quelle que soit lmpinion manifestée par le suffrage-restreint,, elle n’est pas celle de la population belge, et la majorité de celle-ci ne pouvant protester avec le bulletin de vote, le suffrage universel n’qxistanhpas en Belgique, se livre à de nomt-br.euses manifestations.
- Ces jours derniers, une foule compacte nia cessé de stationner devant le palais deDa.Çhambre dés représentants-, accueillant par des applaudissements les libéraux.
- L’autorité communale de Bruxelles, qui dispose de la garde civique, avait, pris les mesures nécessaires pour que ces mani-festations-n’eussent de suites regrettables. ...
- Ces-précautions.nesuffisaient pas, sans, doute, amministère, il a si peu.confiance dans sa solidité, il crayat tellement que le peuple belge veuille posséder les mêmes droits qu'en France, c’estrà-dire le suffrage-universel, qim M. Malou et ses collègues se sont empressés de requérir la troupe.-*
- Heureusement que celle-ci n’a pas eu à intervenir, le col-i lègedes bourgmestres-et échevins^ayant répondu que-ia police, la garde civique et. les pompiers suffiraient amplement à prévenir tout envahissement de la Chambre. Et même les pompiers ont dissipé des manifestants en les arrosant d’eau.
- Néanmoins le cabinet est. loin d’être rassuré. Bien que M. Malou, président du conseil et Jacobs, ministre deri’intérieur, prennent eux-mêmes toutes les dispositions nécessaires, des-caadant au rôle d’officiers de police) en plaçant çà et là, les
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- sentinelles, les détachements et les renforts, leur perplexité est grande pour dimanche prochain.
- Ce jour-là, une grande manifestation èn faveur du 'maintien de la loi de 1879 sur l’enseignement primaire, -aura lieu à Bruxelles.
- La Révolution de 1848 s’est faite, en Franüe, aux cris de la réforme,'Vne révolution se prépare peut-être en Belgique sur la question de l’instruction ; nos voisins en ont goûté les bienfaits et ils ne veulent aucunement retourner en arrière.
- Que Léopold II se pénètre de l’exemple de son parent Louis-rinlippe, ou alors les prochaines manœuvres pourraient bien avoir lieu non dans la Gampine, mais dans les rues de Bruxelles. ' s
- FOUR FACILITER
- LA CRÉATION ET LE DÉVELOPPEMENT DES
- Boulangeries coopératives en France
- PAR
- F. BOÜCIUÛD-PÏtÀÜÊÏQ ~
- Président de la boulangerie coopérative d’Angoulème
- Les renseignements suivants sur la manière la plus facile d’organiser une société coopérative sont la reproduction d’uneœirculMre^ti directeur de la coopéra ive dlAngoulême^qqi livce chaque année plus de 3.000.000 de k., de pain. La coopération, telle qu’elle est comprise , par les coopérateurs d’Angoulème npUs pai'aît TUanqUeï sèiiLut j elle est simplement un/moyéft de Concurrence tandis qu’elle devrait être un instrument d’émancipation . C’est ce que nous .démontrerons dans un prochain article que nou ; publierons sous le titre de conseils aux coopérateurs.
- U y a deux Manières principales,dit la Circulaire, de mettre en fonctionnement une boulangerie coopéiative :
- Premièrement.
- Si la société, une fois constituée, dispose de capitaux consi -('érables, elle loue, achète ou construit un immeuble pour y installer fours, pétrins, magasins "et tous accessoires de boulangerie, y compris chevaux, voitures, etc., etc. "
- Elle peut ensuite fabriquer et distribuer, à ses risques et frais, sous la surveillance d’une commission permanente ou d’un chef ouvrier, le pain nécessaire aux adhérents de la société.
- Ce système, qui vient le premier à l’idée de toute société qui commence, est plein d’imprévu et ne permet ni d’asseoir sûrement uné taxe, ni de prévoir, Mèmè par à peu prés, les résultats dé l’exerciSe : un'eheval crevé ou malade dans le mois, une voiture brisée, la hausse de l’avoine ou du foin, etc., etc., sont autant de motifs, sans cémpter surtout des cas de coulafe, pour dérouter lès prévisions le§ plus sages, à moins de faire à l’imprévu une part véritablement extraordinaire.
- Ce mode de fonctionnement convient seulement à une en-rèpriâe surveillée (lé près par les intéressés directs, mais non à une société coopérative, où l’administration est exercée pres-
- que toujours gratuitement par des hommes de bonne volonté ayant le plus souvent leurs occupations personnelles.
- Deuxièmement :
- Prenez des statuts de boulangerie coopérative en bon fonctionnement ou ceux de toute entreprise analogue ; constituez, à l’aide de 10, 20, 50, 100 adhérents, une société pour la production du pain.
- Ûne fois votre société constituée, ne vous occupez point de louer, acheter ni construire aucune installation ; mefctez-voüs, à l’aide d’annonces ou autrement, en rapport avec un boulanger en exercice dans la localité même, et tenez-lui ce langage :
- « A quelles conditions vous engageriez-vous à fabriquer et » faire distribuer à domicile, dans un rayon à déterminer, lè » pain nécessaire aux adhérents de notre société ?
- » Vous ne ferez pas nécessairement d’autre pain que pour » notre Compte ; mais nous vous autorisons, pour ne pas » abandonner immédiatement vos clients, à continuer de les » servir provisoirement aux mêmes conditions que nos socié-» taires. » *
- Il n’est pas de boulanger sérieux qui ne prête d’autant plus l’oreille à de telles ouvertures qu’il se,, voit nécessairement menacé dans sa situation par la concurrence coopérative.
- Vous n’aurez donc que l’embarras du.choix parmi les boulangers qui s’offriront pour faire votre pain. Ils vous demanderont, suivant l’importance de la production èn perspective, entré 3 fr. et 3 fr. 50 par 1ÔÛ kilos de pain fabriqué avec vos farines et distribué à vos sociétaires, en se' chargeant de tous les frais quelconques, sans aucune espèce d’exception.
- Acceptez les conditions les meilleures, en tenant compte toutefois du degré de surface et de confiance inspirée par les postulants-.
- Ce premier point, le chiffre de frais détant p’âr' 100 kilos de pain, une fois fixé, ïie constitue cependant pas lè contrat tout entier ; il reste à r'égler l’importante question du rendement, e’est-à-dire la quantité de pain bien travailléet bien cuit 'qui devra Vous être livrée par le boulanger en représentation de chaque 100- kilos des farines que vous lui confierez.
- Ce point est très important et ne peut être bien discuté avec l’entrepreneur qu’en ayant sous les yeux le tableau suivant, qui indique le rendement normal de 100 kilos de bohne farine en pain bien cuit de chacun des poids les plus usités.
- 100 kilos de bonne farine produisent :
- En pains ronds de... 10 kilos 146
- — — 5 kilos........ 142
- —- — 2 kilos 500.. 140
- En pains couronnes... 4 kilos 136
- — — 2 kilos 134
- En pains longs......... 2 kilos 135
- 1 kilo... 130
- , 1/2 kilo 123
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- Il se peut que quelques-uns de ces rendements différent de ceux adoptés à Paris, par exemple ; mais ils n’en sont pas moins rationnels et pratiques pour cela. En tout cas, ils ont le mérite de servir de base, à quelques variantes près, à nombre de sociétés qui ont fait leurs preuves de succès depuis de longues années.
- Toute boulangerie coopérative qui se met en marche sur l’ensemble des bases qui précédent est assurée de réussir.Il n’y a, du reste, aucun imprévu pour elle, attendu que vendant — condition indispensable — son pain exclusivement au comptant, comme elle achète les farines au comptant, elle es^ certaine de n’être jamais surprise au-dessous de ses affaires ; il lui suffit pour cela de bien régler ses taxes d’après le prix quelle paie les farines.
- Rien n’est plus simple que l’établissement de ces taxes,dont voici un exemple :
- Prix de la farine : 30 fr. les 100 kilos. Pain à fabriquer: pains longs de 2 kilos.
- D’après les bases ci-dessus, ICO kilos de farine produisent 134 kilos en pains longs de 2 kilos ; or, pour faire fabriquer et distribuer ces 134 kilos de pain, il faudra payer au boulanger, selon les probabilités du contrat, 3 fr. 50 les 100 kilos,
- soit 134 x 3.50 .........................F. 4.69
- Ajoutant le prix des 100 kilos de farine . . 30.00
- Ensemble......................34.69
- pour prix de 134 kilos de pain; soit, comme revient en chiffre rond, 20 centimes le kilo (\).
- Ce dernier mode de mettre en marche une société cooüé-rative a l’immense avantage de permettre, aussitôt la société réellement constituée, de commencer les opérations et de donner des résultats immédiats. Il n’y a qu’à acheter, au cours et d’une bonne marque, la farine nécessaire à la fabrication.
- Quant aux comptes à faire rendre par le préposé-gérant à la commission ou au délégué de la société, rien n’est plus simple.
- Le boulanger remet tous les soirs, ou moins souvent, suivant la confiance qui lui est accordée, le montant qu’il déclare avoir encaissé, de même que ta note des quantités quotidiennement fabriquées. Aucun contrôle n’est indispensable de ces
- (!) Il va sans dire que ce prix de 26 centimes est le prix moyen auquel pourrait être vendu tout le pain produit par les 100 kilos de farine à 30 fr. Mais d’ordinaire, et ainsi que cela est rationnel et de toute équité, le prix moyen du pain résultant du calcul ci-dessus n’est que le pivot de la taxe et convient principalement, parmi les divers pains qui se fabriquent habituellement dans une boulangerie, à ceux du format ou poids moyeu : c’est-à-dire que le pain plus gros que la moyenne celui de 5 kilos par exemple, peut être vendu moins de 26 centimes le kilo, sauf bien entendu à vendre plus cher les pains de 2 kilos, de 1 kilo ou de 1/2 kilo. Ces bases, qui se justifient du reste par le tableau de rendement ci-dessus, sont observées partout plus ou moins rigoureusement, et rien n’est plus facile, en cas de manque de pratique, que de demander à une autre boulangerie coopérative ses échelles de taxe.
- déclarations, qui n’ont même pas besoin d’être rigoureuses, en tant cependant qu’elles ne paraissent pas invraisemblables.
- A la fin de chaque semaine, de chaque quinzaine ou de toute autre période, ail choix de la société, il est fait un compte de situation comme suit :
- Farine restant en magasin au commencement de la quinzaine ou du mois............................Kilos :
- Farine reçue d’après factures reconnues du gérant................................Kilos :
- Total de la farine en charge . Kilos :
- Farine représentée par la fabrication du \ pain vendu et payé .... Kilos : (
- Farine restant en magasin . » 1
- Différence à imputer rigoureusement au gérant
- si elle est en déficit................Kilos :
- S’il y a excédant de rendement, abandon en est fait au gérant.
- Voici enfin, à titre de modèle ou de guide, copie, dans ses principales clauses, du contrat régissant les rapports entre une des plus importantes boulangeries coopératives et son gérant actuel.
- Modèle de contrat
- Le préposé-gérant de la boulangerie coopérative de
- est chargé, sous la surveillance du conseil d’adminis-ration, d’assurer le service quotidien de la fabrication du pain, ainsi que celui de la distribution dans toute l’étendue du rayon d’action de la société. Les locaux, le personnel, le matériel général, tels que chevaux, voitures, etc., ainsi que tous les ustensiles et apparaux nécessaires pour la parfaite régularité de ces services sont fournis par le préposé, à ses charge et responsabilité. Sont également à la charge du préposé les accessoires de fabrication, tels que bois, fleurage, sel, etc., etc.
- Le préposé-gérant doit à la société tout son temps et tous ses soins, s’interdisant pour lui comme pour les membres de sa famille qui habitent avec lui toute entreprise de commerce quelconque sans l’autorisation de la société.
- Il déclare, du reste, connaître dans leurs détails les statuts et règlement de la société, et s’engage à en observer rigoureusement toutes les prescriptions concernant ses attributions.
- Il a la garde des marchandises ou objets appartenant à la société et il en est responsable.
- Le préposé reçoit des fournisseurs de la société les farines nécessaires aux approvisionnements ; il en a la charge et en fait la justification toutes les fois qu’il y a lieu, notamment à la fin de chaque mois, tant parles existences au moment de la vérification que par les quantités de pain produit.
- Le pain produit est décompté sur les bases suivantes (!)•
- (1) Se référer, sans s’en écarter sensiblement, au tableau de rendement ci-dessus.
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- Les bases de rendement ci-dessus s’entendent pour pain pesant le poids et parfaitement cuit.
- Si du décompte du rendement i! résultait quelque déficit, le montant de ce déficit serait imputé en retenue au compte du préposé, d’après le prix le plus élevé des farines employées dans le mois.
- En représentation des charges et obligations qui lui son^ imposées, le préposé reçoit de la société une allocation de Fr.
- par cent kilogrammes de pain fabriqué et distribué.
- Le règlement est fait le dernier jour de chaque mois, après vérification contradictoire des quantités fabriquées ainsi que des existences en magasin, lesquelles existences sont prises en charge à nouveau pour le mois suivant.
- La somme revenant au préposé lui est versée par le trésorier sur mandat du président.
- Lorsque le prépose voudra mettre fin à son contrat, il devra, trois mois à l’avance, en informer par lettre chargée la société» qui jouit expressément de la réciprocité de ce même droit envers son gérant.
- Le gérant ayant à sa charge et sous sa responsabilité le service des sacs ou toiles vides à rendre aux fournisseurs, il garantit la société contre toutes difficultés à cet égard et accepte de supporter la retenue du montant des toiles perdues ou non retrouvées dans les délais voulus, de même qu en quittant la gérance il s’engage à produire auprès de la société des déclarations de décharge de toiles de la part de tous les fournisseurs.
- Mes occupations professionnelles ne me laissant malheureusement pas le temps de répondre en particulier, comme je le voudrais, à toutes les demandes de renseignements qui me sont journellement adressées au sujet de la Boulangerie coopérative d’Angoulème, — la plus importante de France, j’ai cru devoir résumer dans une circulaire mes notes et conseils sur cette intéressante question.
- Je n’en demeure pas moins, pour les points particuliers ou de détail, à l’entière disposition de tous ceux qui s’adresseront à moi dans le but de fonder des œuvres coopératives ou d’en propager l’idée.
- Angoulême, le 10 avril 1884.
- F P -B
- Adhésions aux Principes d’Ârbitrage et de désarmement Européen
- Doubs. Besançon. — Odijean, Théophile, propriétaire.
- Beure. — Archeret jeune, propriétaire, conseiller municipal. — Hudelot, Alphonse, conseiller municipal. — Marchand, conseiller municipal. — Fleuret, propriétaire. — Bailly* Xavier. — Coutrot, François, propriétaire. — Hude-loh François. — Fleuret, Aristide, propriétaire. —Jeanneret,
- ouvrier.— Jeanneret, Charles, ouvrier à 1 usine de Casamène. — Ferriot-, Joseph, mouleur. — Ferriot, Jean, ouvrier. Ployer, Narcisse, restaurateur. — Pidancet, Elle, tailleur. — Goy, boulanger. — Gauthier, François-Félix, commis. — Roy, François-Joseph, propriétaire. — Gouger. — Gervais, Emmanuel, propriétaire-cultivateur. — Coutrot, Alexandre. Goutray, François. — Faton, Sylvain, horloger. Riard, Joseph.— Brésil!ey, Joseph.— Marchand,Emile — Guyon.— Vernier, Delphin. — Faivre, Emile.
- Mesdames,
- Ledoux, Henriette. — Ledoux, Louise. — Roy, Berthe. Morel, Marie. — Cart, Léonie. — Lagonnerre. — Vallon, Marie-Antoinette-Berthe. —- Pery, Euphrasine. — Morel, Françoise, propriétaire. — Marchand, Joséphine.
- ONE MAITRESSE DE PIANO
- NOUVELLE
- Les ténèbres d’une longue nuit de décembre viennent de se dissiper. Les ruisseaux sont gelés. Les roues des voitures craquent. — Les chevaux lancent de leurs naseaux de longues fusées blanches. — Les piétons courent les mains dans les poches, le collet relevé, le nez violet. La Seine est prise comme la Néva. — Archangel est dans Paris.
- *
- ♦ *
- Mlle de Vallagny est encore couchée ; de doubles portières et de triples rideaux protègent contre le froid sa chambre-bonbonnière, capitonnée comme un écrin ; une douce température de serre favorise les mouvements doux et lents du réveil de la jeune fille.
- Sur un plateau d’argent ciselé, déposé près d elle par sa domestique, brille le coquet matériel d’un goûter matinal — beurre frais — brioches anglaises — porcelaine de bèvres argenterie étincelante — le tout confortable, servi silencieusement.
- Après ce premier soin donné à son estomac, Mlle de Vallagny, jolie créature de dix-sept ans, au teint blanc et pur, aux mains patriciennes, — s’étend encore un peu dans son lit moelleux, elle rompt les bandes de ses journaux de modes, liPun instant, puis sonne sa camériste.
- Aussitôt debout, elle court embrasser sa mère, puis frappe à la porte du cabinet rie son père, à qui elle raconte la comédie vue la veille.
- 'Elle se rend ensuite dans le salon, ouvre le piano et fait courir sur le clavier à la recherche d’un motif fugitif, ses jolis doigts roses et effilés.
- Onze heures sonneront bientôt ; la maîtresse de piano va venir; on ouvre la méthode et l’on repasse vivement 1 exercice imposé. ^
- A deux lieues de là, dans la plaine de Montrouge, sur la route de Châtillon, une jeune femme toute transie se dirige vers Paris.
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- Le visage de celte femme a pris,par le froid,des teintes marbrées. Une bise glaciale, sans pitié, a rougi ses paupières qui distillent des larmes. ^Soug une misérable robë, recouverte d’un court manteau, reluisant à force d’avoir été brossé, la pauvre fille réduit son corps chétif et grelottant ;, elle est coiffée d’un petit chapeau de paille noir, rehaussé de rubans neufs, et chaussée de légers escarpins mordorés.; tenue err contradiction avec le temps sibérien et qui ajoute une note déchirante à la mélancolie du personnage.
- Cette femme, c’est une maîtresse de piano.
- Elle se rend chez Mlle de Vallagny. Cachet: cinq francs? Une- fortune !
- La nature, en dotant cette jeune femme d’une grande intelligence et d’aptitudes précieuses, l’avait destinée à une vie calme, aux douceurs dp l’existence féminine,, aux, modestes Ruriers d’un professorat heureux. Le sort a. rendu un arrêt contraire, il a dit : « Tu seras une excellente artiste, un bon professeur,, mais rnécqnnue et sans clientèle; tu per.dras ton père,, le chef, indispensable de ta famille, et du tomberas dans le dénuement avec ta mère etta petite sœur ^dorées; ta misère, que tu porteras sur toi, fera peur; ceux qui pourraient te sourire te fuiront ; tu lutteras, mais tu , seras constamment battue ; je te ferai fière, mais timide, ce qui te tuera). »
- Telle est donc cette pauvre victime, à demi nue, qui arpente la route, par un.froid de quinze degrés.
- Elle souffre, mais elle tient bon.
- Les rouliers, habitués à la rencontrer aux mêmes,heures, ljont surnommée entre eux, la pètifp brava.
- Qui, la, petite hrave ; elle va toujours, elle avance.
- ¥• *
- Arrivée à quelques pa£ ded’hôteLde- son élève, l’hôtel de Vallagny, elle entré chez? un boulanger, dévore un petit pain et boit un verre d’eau.
- Le concierge de l’hôtel, un méchant homme, ne manque pas sa plaisanterie habituelle : il feint de ne pas la voir passer, et lui crie : « Par l’escalier de- service ! » Elle se retourne machinalement,;! s’excuse et rentre dans sa loge rire avec les domestiques.
- Le pauvre professeur rassemble toutes ses forces pour se composer un visage gai., ,
- Par bonheur, l’aménité, la courtoisie, la dignité de Mlle de Vallagny la dédommagent des humiliations et la-réconfortent.
- La déférence de l’une rétablit Ja valeur de.l’au.tre.
- La leçon a lieu. Heure chérie du professeur ! Heure adorée pendant laquelle tout s’oublie.
- Mais cette-heure, si prolongée qu’elle soit-, finit; et la pauvre femme reprend la, route de Châtillon pour rejoindre sa ipère anéantie par le chagrin et le besoin, et sa ravissante petite sœur,., qui sourit toujours, mais qui a toujours faim, '.
- «
- * »
- Un jour, le professeur se présenta comme de coutume à-l’hôtel Vallagny.
- — Paitie ! crie le concierge R
- — Gomment'. partie ?
- — Oui ; monsieur le baron, madame la baronne et mademoiselle sont partis pour Cannes et l’Italie. On,est parti subito presto, parce que,mademoiselle s’étaUœnrhuniée en sortant de l’Opéra. . ,
- Mlle de Vallagny était, en effet;, partie avec sa famille, oubliant de solder quelques cachets à sa maîtresse de piano. La jeune personne, non initiée aux drames de- la misère, ainsi, que tous ceux qui naissent riches, avait oublié ce détail..
- Elle était l’unique ressource du professeur,,mais elle,ignorait.
- ♦ ♦
- La maîtresse de piano regagne sa masure perdue dans, un, chemin creux au, milieu des,carrières.
- Chez elle, on attend comme une manne le prix de ses leçons.
- La petite sœur, sautillante, inconsciente, est venue au-de-! vant d’elle jusqu’à la route,, et, lorsqu’elle l’a aperçue, elle a, i crié à sa mère La voilà! la voilà ! »
- Et vite la mère a allumé quelques sarments ramassés sur les chemins.
- La courageuse artiste est vaincue. Elle raconte saulécep^ tion d’un ton vibrant, net et précis, sans émotion, sans défaillance, puis éclate de rire.
- C’est le rire nerveux du désespoir, plus fort, plus, débordant que les.larmps.
- Ecrire à Mlle de Vallagny serait,trop long, on mourrait de-faim avant la réception de l’argent.
- Le crédit est usé. La misère a jeté sa, dernière torture.
- , Que faire ?
- Mendier, voler ou mourir.
- La mère et la fille aînée s’étaient regardées, d’une façon . singulière. Elles s’étaient comprises.
- Elles s’empoisonnèrent pendant la,nuit.
- *
- * +
- La petite fille, réveillée par les cris, s’est enfuie épouvantée, en chemise, sur la route sombreKsilencieuse et glaciale, appelant au secours, pleurant, priant, sanglotant ; mais là-campagne est demeurée sourde pour cette voix d’innocence qu i 4 criait justice et pitié.
- A l'aube, les carriers allant à l’ouvrage trouvèrent le cadavre de la pauvre petite, morte de froid.
- Jean ALESSON.
- Le Directeur-Gérant : GÔDÎN.
- u l'Ifcü. — lmp. BARK,
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- 8* Année, Tome 8. — N° 311 Le numéro hebdomadaire*20 c. Dimanche 24 Août 1884
- LE DEVOIR
- REVUE MS QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU
- a GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à H. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
- Un an ... 10 fr. »» Six mois. . . 6 »> Trois mois. . 3 »»
- Union postale Un an. . . . 11 fr. »» Autres pays
- Un an. ... 13 fr. 60
- ON S’ABONNE
- A PARIS
- 5, rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- ÉTUDES SOCIALES : Trois numéros parus. Le Familistère de Guise; la Réforme électorale; l’Arbitrage international et le Désarmement européen. Envoyer 90 cent, à la Librairie du Familistère pour recevoir franco la collection.
- SOMMAIRE
- Conseils aux Coopérateurs. — Les Anglais au Familistère. — Les Écoles et la Municipalité de Guise. — Résolutions votées par le congrès de Berne. — Pires conséquences du salariat. — Proposition de loi. — Aphorismes et préceptes sociaux.—Faits politiques et sociaux.—Influence du congrès de Berne sur la Presse.— Écoles du Familistère.— Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen. — Société industrielle de St-Quentin et de l’Aisne.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d'abonnement.
- CONSEILS AUX COOPÉRATEURS
- On peut dire de la coopération tout ce qui a été dit de l’Etat, de la centralisation, de la commune, et de toutes les entreprises humaines. La puissance de l’Etat a été un moyen civilisateur lorsqu’on la tournait contre la féodalité ; elle a été un moyen de réaction, lorsqu’elle s’appliquait à enrayer le Progrès ; la centralisation, dirigée en vue de l'accomplissement d’une mission salutaire à la vie
- des peuples, a produit d’excellents effets, comme elle en donne de détestables sous les gouvernements disposés à la faire servir au maintien des monopoles des dynasties ; la Commune offre des avantages immenses lorsqu’elle lutte contre une centralisation malfaisante ou bien lorsqu’elle se limite dans son rôle administratif ; elle devient une institution dangereuse,si,dans un pays de suffrage universel, on se sert des petites communes pour annuler les effets des majorités électorales, comme cela résulte du suffrage restreint, tel qu’il est établi par la loi électorale du Sénat.
- De même la coopération et l’association seront des institutions supérieures si on applique leur puissance à fonder des œuvres utiles, comme elles seront des agents de désorganisation et de perturbation si on les laisse se mouvoir dans le champ d’une concurrence sans frein pour exagérer et multiplier les secousses de la concurrerice individuelle.
- Jusqu’à ce jour la coopération, telle qu’on la pratique et telle qu’on la comprend généralement, ne fonctionne pas suivant les besoins de la vie humaine.
- Dans la presque totalité des entreprises de coopération établies en France ou en Angleterre, on poursuit soit le bon marché, soit des bénéfices immédiats. On ne comprend pas que l’effort collectif initial de la coopération ne devrait pas aboutir au partage individuel des bénéfices annuels ; oes
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- LE DEVOIR
- bénéfices devraient rester capitaux collectifs et être utilisés en fondations sociales.
- Le bon marché des approvisionnements des objets de consommation dans les sociétés coopératives est une véritable illusion, dont les travailleurs espèrent beaucoup et dont ils récolteront bien peu-lis ne peuvent s’habituer à retenir les enseignements que contiennent les faits nombreux au mU lieu desquels se déroule toute leur existence.
- Demandez à un travailleur ou à un dirigeant pourquoi la main-d’œuvre est meilleur marché d’un département à l’autre, d’une ville à l’autre ; tous vous répondront invariablement que cela tient au prix de revient de la nourriture et des logements des ouvriers. Il semble qu’après une pareille réponse, celui qui l’a dite doit être prêt à conclure que le bon marché doit amener une baisse des salaires proportionnelle à l’abaissementdu prix des denrées. Néanmoins, malgré la vérité de cette déduction, on ne trouve presqu’aucune société coopérative en tenant un compte suffisant.
- La coopération poursuivant uniquement le bon marché a pour résultat de diminuer le nombre des patrons sans améliorer sensiblement la situation des coopérateurs; elle désorganise le patronat sans organiser solidement les intérêts des classes laborieuses.
- Supposons une localité, dans laquelle il existe une boulangerie coopérative assez puissante par le bon marché de ses produits pour avoir accaparé la fourniture du pain ; il est évident que tous les anciens patrons boulangers, qui n’avaient pas assez de rentes pour vivre sans travailler, ont dû devenir des salariés, et que dans cette situation ils consomment moins en général que s’ils avaient conservé les bénéfices du patronat. En résumé la coopération aura eu pour résultat de diminuer la consommation générale, d’augmenter le nombre des salariés, et de diminuer le prix de revient de la principale denrée de l’alimentation ouvrière, toutes circonstances très favorables à l’avilissement des salaires.
- A notre avis, la coopération doit s’organiser en vue de faire des bénéfices et d’associer ces bénéfices. La coopération doit être un commencement d’association, dont tous les résultats doivent tendre à développer, à généraliser l’association.
- Lorsque nous demandons aux sociétés coopératives d’opérer en vue de se procurer des bénéfices en capitaux, nous n’avons pas l’intention de les encourager dans la voie des bénéfices excessifs. Nous pensons qu’elles doivent savoir limiter et
- convenablement déterminer un taux de bénéfices assez élevé pour édifier les institutions complémentaires destinées à ^donner à la coopération la valeur d’une institut! on sociale.
- Examinons les résultats obtenus par la plus importante boulangerie' coopérative de France, celle d’Angoulême, dont nous avons reproduit une circulaire dans notre pécédent numéro sous le titre de « Conseils aux Coopérateurs ».
- Cette société a pour unique objectif le pain à bon marché. On ne peut lui contester d’avoir atteint son but, puisqu’elle livre le pain à 24 centimes le kilo, tandis que dans les villes voisines on le paie de 33 à 35 centimes.
- La coopérative d’Angoulême compte 4.548 membres ; elle livre annuellement 3.400.000 kilos de pain. •
- Si les coopérateurs d’Angoulême vendaient leur pain au prix de 30 centimes, ils auraient encore une diminution appréciable du prix de cet aliment et les bénéfices résultant de cette plus-value seraient assez élevés pour leur permettre de fonder en moins de cinquante ans des institutions pouvant les assurer contre les chances de maladies et de la vieillesse, en un mot les garantir contre le paupérisme.
- Une augmentation de 0,06 centimes du prix du pain donnerait aux coopérateurs un bénéfice net annuel de 204.000 francs.
- Comme il serait facile avec ces bénéfices d’organiser la consommation coopérative des autres denrées de première nécessité en même temps que l’on constituerait des dotations garantistes.
- Par exemple on pourait garantir avec une partie de ces bénéfices une rente viagère de 1.000 francs pour chaque vieux coopérateur ayant atteint l’âge de 55 ans, en versant à l’Etat une somme déterminée pour assurer cette pension.
- D’après le tarif des caisses de retraites, pour assurer à un citoyen âgé de 20 ans une pension viagère de 4.000 francs payable par trimestre dès qu’il atteint l’âge de 55 ans, il suffit de faire un versement unique de 1.555 francs; cette somme revenant à la société après la mort de celui sur la tête duquel elle a été placée.
- Si nous admettons que les 1.548 sociétaires de la coopérative d’Angoulême représentent une population de 6.000 habitants, ils auront chaque année, d’après les tables de Déparcieux, 97 jeunes
- citoyens arrivant à leur vingtième année.La société
- sera certaine de procurer à tous ses vieillards une pension de 1.000 francs, si elle fait chaque année
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- un versement de 1.555 francs par chaque adoles-cent âgé de 20 ans. La première année elle devra verser à l'Etat 150, 835. Les années suivantes les versements diminueront proportionnellement à la mortalité : de telle sorte que les premiers retraités commenceront à jouir de leurs pensions,lorsque la société coopérative aura payé 35 annuités représen-tantunesomme de4.318.235fr. Gomme une population de 6.000 habitantscompte 3.832 individus ayant plus de 20 ans, la société aura atteint son but de garantir à perpétuité à tous ses membres âgés de plus de 55 ans une pension de 1.000 francs, lorsqu’elle aura opéré 3.832 versements de 1.555 francs, soit une somme totale de 5.958.760 fr. La durée de la période de ces annuités décroissantes sera environ de 47 ans.
- Pendant ces 47 ans, la coopérative encaissera 9.588.000 fr. ; elle aura pu employer 3.629.240 fr. à développer d’autres institutions mutuelles, telles que la gratuité des secours médicaux et les indemnités de chômage pour cause de maladie. Et, lorsque toutes ces institutions seront garanties par des dotations importantes, la société coopérative de consommation, ayant ses bénéfices disponibles, pourra se transformer en société de production et former alors un groupe unitaire de la civilisation sociétaire.
- Ce qui est possible pour le groupe d’Àngoulême l’est aussi pour tous les autres groupements d’une population également nombreuse.
- On voit par ces réflexions que, si les gens avaient la sagesse d’organiser partout la consommation du pain d’après les données que nous venons d’indiquer, on pourrait en peu de temps transformer la société,par l’emploi des bénéfices selon les besoins de la vie humaine.
- Qu’on le remarqué bien, si l'on continue à constituer des associations et à les soumettre à toutes les pratiques du régime individualiste,on aura diminué le nombre des antagonismes, mais ceux qui persisteront seront plus aigus.
- A l’occasion de grèves récentes, dans plusieurs localités les patrons ont offert de venir en aide aux grévistes pourvu que ceux-ci s’engageassent à dissoudre les sociétés coopératives.
- Croit-on que jamais pareille proposition aurait pu être faite et être écoutée, si ces sociétés avaient donné dans le passé des preuves de fécondité en commençant des fondations comparables à celle que nous venons d’indiquer.
- Nous appelons l’attention des coopérateurs sur ^es considérations précédentes. La coopération,
- telle qu’ils la pratiquent, n’aura d’autre résultat que de désorganiser le patronat, sans procurer aux individus des avantages solides ; mais appliquée autrement elle peut être un excellent agent de réorganisation sociale.
- Les Anglais su Familistère
- Au moment de mettre sous presse nous recevons une dépêche qui nous annonce le départ d’Angleterre de onze membres de la fédération des coopérateurs anglais, une dame et onze messieurs.
- Ce rapprochement entre l’élite des travailleurs anglais et les Familistériens français a une valeur autrement significative que les incessantes entrevues des empereurs et des rois des diverses contrées de l’Europe.
- Nous n’avons ni costumes de colonels, ni sabres d’honneur, ni décorations à distribuer à nos visiteurs ; tout se passera simplement ; cependant c’est de semblables relations entre les travailleurs des diverses nations que sortira l’émancipation des peuples.
- Il est temps que se rapprochent les hommes qui font la guerre à la misère, au despotisme, aux privilèges.
- Dans cette entrevue de travailleurs, il n’y aura ni conciliabules, ni mystérieux engagements ; les amis de l’humanité n’ont aucun motif pour cacher leurs démarches ; nous laissons l’intrigue à ceux qui cherchent dans l’anéantissement des peuples la satisfaction de leurs ambitions.
- Il y a quelque années,des délégués des Trades-Unions, à l’occasion du tunnel sous la manche, venaient à Paris manifester avec les travailleurs français ; le cri de ralliement était alors : Plus de Frontières !
- Aujourd’hui le rapprochement des coopérateurs anglais et des Familistériens signifie hautement : Plus de misère ! Plus d’exploitation !
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- Les Écoles et la Municipalité de Guise
- A la dernière réunion du Conseil municipal, M. le Maire s’est plaint incidemment de la sévérité du Devoir envers la municipalité, à propos de notre article « Les Ecoles du Familistère » inséré dans notre numéro du 10 août.
- Il est certain qu’on ne peut mettre à la charge du Conseil municipal actuel le piteux état de l’instruction publique dans la ville de Guise, puisque ce conseil existe à peine depuis quelques mois.
- Néanmoins, on ne peut oublier que déjà la laïcisation des écoles de filles a été ajournée jusqu’après l’établissement des nouveaux bâtiments scolaires,
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- malgré l’état déplorable de l’enseignement congréganiste qui, encore cette année, n’a pu arriver qu’à grand peine à trois certificats d’etudes, bien qu’il ait sous sa direction une importante population scolaire.
- Rien ne justifie donc le retard apporté à la réforme de ces écoles ; néanmoins,c’est bien à l’ancienne administration municipale que nous avons entendu faire remonter la mauvaise volonté ou l’incurie qui a rendu sans effet toutes les décisions du Conseil relatives à la laïcisation des écoles et les propositions de M. Godin offrant de construire à ses frais une école primaire supérieure. Sur cette construction, M. Godin faisait à la ville un abandon considérable et lui offrait, en outre, à 3 0/0 tout le capital dont elle aurait eu besoin pour construire les écoles maternelles et primaires ; ce qui eut permis à la ville d’obtenir du gouvernement les fortes subventions accordées alors aux municipalités ayant fait preuve d’initiative et de sacrifices en faveur de nouvelles écoles.
- L’article du Devoir du 10 courant avait surtout en vue ce passé, et nous regrettons qu’il ait pu mécontenter l’administration actuelle que nous avons le plus vif désir de voir à l’oeuvre pour bien faire.
- Mais ce mécontentement peut-il être un motif suffisant pour justifier la froideur et la réserve avec lesquelles a été accueillie la nouvelle proposition de M. Godin, basée sur les faits suivants :
- La ville de Guise a 600 enfants de 3 à 6 ans et 825 de 7 à 13 ans ; ses écoles ne peuvent raisonnablement contenir plus de 350 enfants ; l’emplacement contigu aux écoles actuelles de la place Lesur pourra à peine permettre l’adjonction des bâtiments complémentaires nécessaires pour recevoir dans les classes de l’enseignement primaire proprement dit plus de 600 enfants. Il y a donc nécessité à ne pas destiner aux classes maternelles des emplacements qui feraient faute plus tard pour l’agrandissement des constructions réservées aux classes des élèves de 8 à 13 ans. Etant démontrée la nécessité de construire des écoles maternelles, considérant la disposition de la ville de Guise qui peut facilement être divisée pour les jeunes enfants en trois quartiers scolaires principaux,tenant compte du bas âge des enfants des écoles maternelles et des difficultés que les parents éprouvent à les conduire à des écoles éloignées, M. Godin propose d’adopter la résolution générale de construire des écoles maternelles au centre de chacun de ces trois quartiers ; il prouve que chacun de ces petits groupes scolaires, en le complétant par une classe des enfants de 7 à
- 8 ans, recevra plus de 200 élèves, tandis que le groupe central aura encore de 600 à 750 écoliers qui suivront d’autant mieux l’enseignement primaire qu’ils seront séparés des enfants trop jeunes; enfin, M. Godin s’engage à livrer la première école maternelle entièrement agencée selon les préférences du Conseil moyennant 2 0/0 du capital engagé.
- Qu’a-t-on répondu à cette proposition de 'M. Godin? Absolument rien.
- L’offre a paru soulever des scrupules de conscience au sein du Conseil municipal, et loin de presser la réalisation,sans rien répondre aux arguments de l’auteur de la proposition, on a complété la commission d’instruction publique et l’on s’est ajourné.
- Nous souhaitons bien vivement que ce ne soit pas le symptôme d’une tendance analogue à celle du passé lacuelle consistait à préférer maintenir dans l’ignorance les nombreux enfants de la ville, plutôt que de voter quelques centimes additionnels. En s’inspirant de sentiments contraires à ceux qui ont prévalu dans le passé, on doterait les classes laborieuses d’un enseignement qui ferait le plus grand honneur au Conseil municipal et à l’administration présente de la ville de Guise, en même temps qu’il serait un bienfait inappréciable pour la population. L’avenir éclaircira la question.
- RÉSOLUTIONS
- VOTÉES PAR LE CONGRÈS DE RERNE.
- Question
- de l’Arbitrage international et du Désarmement.
- Considérant :
- 1° Que les armements immenses existant actuellement en Europe sont une charge énorme pour les nations et une grande menace pour la paix européenne ;
- 2° Que ces armements ne sont parvenus à assurer ni â maintenir la paix entre les nations, mais que d’autre part ils constituent par eux-mêmes une menace de guerre entre les nations ;
- 3e Que dans les pays où il existe, en vertu des progrès de la civilisation, des lois et des tribunaux pour résoudre les différends entre individus, il n’est pas permis aux individus d’user de violence et de force pour la défense de leurs droits supposés ;
- 4° Que les nations sont de fait des sociétés d’individus, st
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- que le principe de la pratique, établis dans les communautés nationales sont les plus applicables et praticables aux sociétés des nations.
- Pour ce motif, le Congrès est d’avis que, dans le but d’amener le désarmement mutuel en Europe et dans le monde civilisé, réclamé comme urgent par la politique humanitaire, il est un devoir urgent non seulement pour les, grandes puissances ( Grande Bretagne, France, Allemagne, Autriche, Russie et Italie), mais pour les petits états de s’entendre au moyen d’un Congrès ou d’une commission dans le but exprès de formuler un système d’arbitrage international et l’établissement d’un tribunal permanent.
- Question de la Paix, de l’Arbitrage et du Désarmement
- appliquée spéciale ment auxpay s latins d’Amérique. Considérant
- Qu’il a été proposé la réunion à Paris d’un Congrès de paix, d’arbitrage et de désarmement, composé de représentants des pays latins de l’Amérique ;
- Considérant
- Que l’établissement de la paix semble plus facile en Amérique qu’en Europe ;
- Le Congrès adresse ses félicitations aux gouvernements latins de l’Amérique, et émet le vœu que la dite réunion ait lieu le plus tôt possible.
- Question de Colonisation
- lre Résolution.
- Considérant :
- Ie Qu’il s’est constitué une société dénommée Association Internationale Africaine ;
- 2e Que le gouvernement de la République des États-Unis d’Amérique a récemment reconnu à ladite Association, pour les territoires dont elle s’est acquis la possession, le caractère d’Etat souverain ;
- 3° Qu’il y a lieu de favoriser le développement du nouvel Etat, en même temps que de prendre des garanties contre les abus qui pourraient se produire,
- Le congrès émet le vœu que toutes les puissances civilisées reconnaissent, sous les conditions ci-après, l’existence politique ^dépendante à l’État ou aux États organisés par l'Association Internationale Africaine, avec l’assentiment des populations :
- L’esclavage formel ou déguisé, des indigènes ou des travailleurs importés, ne pourra exister dans le nouvel État.
- -° La constitution et les lois du nouvel État devront assurer droits égaux d’établissement et de commerce aux nationaux de tous les pays,la protection des indigènes contre les exactions des colons, la protection des colons contre les déprédations
- des indigènes, la liberté, l’indépendance et l’égalité de toutes les opinions religieuses, même celles du fétichisme des indigènes.
- 3° L’acte de reconnaissance du nouvel État devra stipuler qu’aucun droit de douane, protecteur ou fiscal, ne pourra être établi sur les produits étrangers, qu’aucun privilège ne pourra être accordé à une nation au détriment des autres, qu’aucun impôt spécial aux étrangers ne pourra être institué.
- 4° Tous les différends entre le nouvel État et une autre puissance devront être soumis à une cour internationale d’arbitrage dont la décision aura force de sentence définitive.
- 5° La reconnaissance du nouvel État devra dépendre de la décision d’une conférence internationale où seront représentées toutes les nations civilisées.
- 6° Le nouvel État devra se soumettre à la surveillance collective organisée par les puissances ayant formé la conférence pour assurer le respect des conditions mises à sa reconnaissance, tant que cette surveillance sera jugée nécessaire, ainsi que pour assurer et faciliter son développement.
- 2me Résolution.
- Considérant 1° que l’initiative prise par l’Association internationale Africaine pourrait être imitée pour d’autres pays non colonisés du globe, 2* qu’il y a lieu d’empêcher que les Associations en question exploitent les populations faibles et non-civilisées.
- Le Congrès émet le vœu
- Qu’une entente soit établie entre les puissances à l’effet de décider :
- 1° Que toutes les Associations de ce genre auront le caractère international ;
- 2° Qu’elles ne pourront être constituées qu’aux mêmes conditions que l’Association internationale Africaine.
- Question de la Neutralisation des Canaux interocéaniques
- appliquée spécialement aux États Scandinaves.
- Considérant
- 1° Que la position géographique et topographique des trois États Scandinaves : Danemarck, Norvège et Suède est telle qu’avec des forces navales plus considérables que celles qu’ils possèdent, ils tiendraient commercialement et stratégiquement les clés de la Baltique ;
- 2° Que si la faiblesse relative de ces États éloigne tout péril de les voir tourner contre l’Europe l’avantage de cette situation et cette même faiblesse peut, par ruse ou par force, les mettre d’un jour à l’autre à la discrétion de leurs puissants voisins ;
- 3° Que Y inviolabilité des trois États Scandinaves et leur indépendance de toute influence étrangère sont dans les vrais intérêts de l’Europe entière, que,
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- par suite, leur neutralisation est donc d’ordre public européen ;
- 4° Que cette indépendance, qui est d’ailleurs de droit commun pour tous les peuples, ne peut être garantie aux États Scandinaves que par leur neutralisation ;
- 5° Que cette neutralisation doit avoir pour objet et pour effet :
- Premièrement de mettre hors de tout péril de guerre toutes les parties du territoire et des eaux appartenant à la Suède, au Danemarck et à la Norvège ;
- Deuxièmement, d’assurer en tout temps, même en temps de guerre, à tout bâtiment de commerce ou de guerre quel que soit son pavillon, belligérant ou non, la pleine liberté de passer de la mer du Nord dans la Baltique et vice-vers a, isolément ou en flotte.
- Par ces motifs l’Assemblée :
- Déclare que le Danemarck , la Suède et la Norvège doivent être neutralisés et que cette neutralisation doit consister :
- 1° En ce qui touche le territoire continental et insulaire de la Norvège, de la Suède et du Danemarck, que toutes les parties de ce territotre soient, en tout temps, absolument neutres ;
- 2° En ce qui touche le Sund, et le Petit Belt que, en temps de guerre, il soit interdit à tout bâtiment de guerre appartenant aux Puissances belligérantes de paraître dans leurs eaux, qui seront au contraire ouvertes en tout temps aux navires de commerce belligérants ainsi qu’aux navires de guerre appartenant aux neutres ;
- 3° En ce qui concerne le Grand Belt, que ce détroit, restant ouvert en tout temps aux navires de commerce ou de guerre de tout pavillon, même belligérant, naviguant isolément ou de conserve, il sera absolument interdit à ces navires de commettre sur les côtes ou dans les eaux du dit détroit, et ce jusqu’à une distance supérieure au maximum de la portée de l’artillerie, avant l’entrée et après la sortie, aucun acte d’hostilité, attaque, surprise, capture, blocus, embargo, etc., non plus qu’aucun embarquement ni débarquement de troupes ou de munitions, ni généra- , lement aucun fait de guerre.
- Le Congrès émet le vœu de voir un Congrès international arrêter et conclure un traité, ouvert à l’adhésion et à la signature de tous les peuples d’Europe, établissant sur les bases sus-indiquées et sous la garantie des Puissances signataires, la neutralité perpétuelle des Etats Scandinaves, avec institution d’un Tribunal arbitral spécial permanent, chargé de résoudre en dernier ressort, toutes les difficultés pouvant naître de l’application du dit traité.
- NB. L’Assemblée donne son approbation à la proposition complète à M. Bajer, sauf la question d’exécution en détail, sur laquelle elle croit devoir déclarer son incompétence.
- Question de la Neutralisation de la Roumanie et du Danube.
- Considérant que les puissances signataires du traité de Berlin ont reconnu l’indépendance de la Roumanie, sans toutefois lui donner la sanction nécessaire, c’est-à-dire la neutralité de son territoire et du Danube ;
- Que, dans l’état actuel de la justice internationale,les droits d’un pays faible, comme la Roumanie et son intégrité, ne sauraient être assurés que par sa neutralisation ;
- Que la Roumanie, placée entre des grandes puissances rivales, est un objet de convoitises qui peuvent menacer son existence même ;
- Qu’une Roumanie forte et inviolable est une nécessité politique de premier ordre, et que les vrais intérêts de l’Europe . l’exigent,destinée quelle est à servir de boulevard à la civilisation en Orient, et de tampon entre les puissances rivales ;
- Que la neutralité de la Roumanie lui permettrait d’alléger les grandes charges qu’elle doit s’imposer actuellement pour la défense de ses droits, et d’appliquer les ressources,devenues ainsi disponibles, à l’œuvre de son développement intérieur.
- Considérant, en outre, que le Danube est l’artère principale du commerce de la Roumanie et en forme la frontière sur une grande étendue ; que les pays riverains slaves ont une position stratégique presque partout supérieure sur le Danube à celle de la Roumanie ; que ces peuples, en se développant, et appuyés par la grande puissance slave, pourront un jour menacer la sécurité de la Roumanie et les intérêts de la paix générale, et que la neutralisation de ce fleuve serait le meilleur moyen d’empêcher ces conflits de se produire ;
- Considérant enfin que les neutralisations en général sont des acheminements vers le but poursuivi par ce congrès — la paix universelle, l’arbitrage international, — vu que ces pays devront être les auxiliaires les plus précieux de cette œuvre ;
- Le congrès émet le vœu
- Que les grandes puissances reconnaissent et garantissent
- Ie La neutralité perpétuelle de la Roumanie.
- 2e La neutralité du Danube, à partir des Portes de fer jusqu’à ses embouchures, sous la surveillance d’une commission européenne.
- Canaux intérocéaniques
- Le congrès émet le vœu que toutes les voies et canaux interocéaniques soient déclarés neutres.
- Conditions de la Neutralisation.
- Pour qu’un canal soit neutralisé, il est indispensable que sa neutralisation soit déclarée par toutes les Puissances maritimes agissant de concert dans ce but.
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- Définitions de la, neutralisation des canaux.
- (Propositions faites par Lord Granville,Ministre des affaires Étrangères de la Grande-Bretagne.)
- « 1. Tout canal doit être libre au passage de tous navires, en toutes circonstances. »
- « 2. En temps de guerre le délai alloué aux navires de guerre belligérants, pendant lequel ils peuvent rester dans le canal, doit être limité et fixé ; et il doit être défendu de désembarquer dans le Canal toutes troupes ou munitions de guerre. »
- Aucun acte quelconque de guerre ne doit avoir lieu dans le Canal ou dans un certain rayon des deux côtes, laissant la question de la largeur de cette zone neutre, à définir plus tard.
- La neutralisation des passages maritimes doit s’étendre à une bande de terrain sur les deux rives du passage.
- Tribunaux internationaux.
- Résolution.
- Le congrès émet le vœu que lorsque le Tribunal d’Arbitrage sera constitué, celles de ses décisions ayant pour objet de disposer du sort d’un peuple ou d’une fraction de peuple ne devront être exécutoires qu’avec l’assentiment du dit peuple ou de la dite fraction de peuple.
- PIRES CONSÉQUENCES DU SALARIÂT
- Le Mont-Atlas, journal d’Oran, rapportait, il y a quelques temps, un fait digne d’être consigné parmi les pires conséquences du salariat.
- Les mines de Beni-Saf, en Algérie, ont ressenti les effets de la crise métallurgique ; elles ont dû renvoyer un grand nombre d'ouvriers mineurs.
- Pendant les périodes de prospérité, ces travailleurs, logés dans des constructions annexées à la concession, reçoivent un salaire ne leur permettant aucune économie tant il est parcimonieusement calculé.
- Au moment du chômage, la société minière, craignant que ces travailleurs affamés soient un danger permanent pour la sécurité de la compagnie, a chassé de son territoire tous les ouvriers disponibles.
- Ces malheureux, éloignés d’autres centres industriels, n’ayant pas la perspective de trouver du travail, se sont installés sur les propriétés voisins, où ils vivent de maraude, entassés pêle-mêle dans des trous creusés dans la terre.
- Les propriétaires des champs occupés par ces
- [ arabes ont voulu se débarrassser de ces hôtes qu’ils considèrent comme dangereux. N’osant se risquer à les expulser, comme avait fait la compagnie, les propriétaires ont porté plainte à l’administration; et l’administration, ne sachant ce qu’elle pourrait faire de si nombreux criminels n’ayant commis d’autre faute que celle de ne pas avoir d’ouvrage, a répondu que cela n’était pas de son ressort, que les propriétaires devaient recourir à la juridiction civile. Mais les huissiers les plus voisins sont à 40 kilomètres ; et comment agir civilement contre des individus dont on ne sait pas les noms et peu disposés à faire bon accueil à un questionneur trop curieux.
- Enfin les propriétaires, devant les difficultés matérielles et les dépenses qu’aurait occasionnées une expulsion, n’ont voulu rien entreprendre contre ces arabes vagabonds.
- Il est incontestable que,la propriété étant d’ordre public d’après le principe de la législation, il revenait bien à l’administration d’intervenir en faveur des propriétaires lésés ; au reste, l’application de la loi sur le vagabondage est d’ordre administratif. Mais l’administration n’a pas voulu intervenir, sentant ce qu’il y avait d’excessif à emprisonner en masse de nombreuses familles de travailleurs privés de travail.
- De tout cela, il résulte une violation flagrante de la loi et du droit de propriété, même du principe social. Dans notre société, théoriquement, la situation des individus et des groupes doit être réglée par la loi. Pourrait-on dire en vertu de quelle loi actuelle les travailleurs en chômage peuvent venir s’établir sur les propriétés privées sans être inquiétés par ceux qui ont mission de veiller au maintien de l’ordre et au respect de la propriété?
- Dans la tolérance de l’administration en pareil cas, il y a une reconnaissance tacite du droit de chacun à l’existence. Mais ce ne sont pas avec des procédés de cet ordre que l’on organise une société sur des bases solides.
- Le cas exceptionnel de Benif-Saf, à la suite de complications économiques plus intenses, peut se généraliser et devenir menaçant pour l’ordre public.
- Verra-t-on dans ce fait un avertissement des dangers extrêmes du salariat ?
- Saura-t-on comprendre que le seul moyen d’éviter des éventualités aussi cruelles est de reconnaître le droit de chacun à l’existence et d’organiser des institutions pour donner les moyens de vivre à ceux qui ne peuvent trouver du travail ?
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- Si l’on persiste à nier le droit, à l’existence, les malheureux menacés dans leur vie deviendront un danger enlevant toute sécurité aux plus favorisés de la fortune.
- Le salariat ^e contient aucune garantie de ce droit primordial. Il est nécessaire de ne pas abandonner les travailleurs aux pires conséquences du salariat ; et il est facile d’en atténuer les extrêmes dangers par l’organisation de la Mutualité nationale.
- Le projet de Mutualité de Messieurs Giard,Maret, Laguerre et Tony Révillon contient les moyens pratiques de limiter les risques du salariat.
- Lorsqu’on aura, conformément à ce projet, fondé un puissant budget de la Mutualité nationale garantissant d’une manière effective à tous les déshérités le droit à l’existence, l’organisation sociale présentera assez de stabilité pour qu’on puisse la prendre comme base d’une évolution progressiste. On ne peut sérieusement parler de réformes progres-sites, lorsqu’on est forcé de s’appuyer sur un ordre social aussi fragile, prêt à s’effondrer à chaque convulsion de la misère.
- Rien n’est plus urgent que de mettre un frein aux rigueurs du salariat. La Mutualité nationale commencera la sécurité sociale, elle permettra l’évolution qui rendra effective la solidarité humaine par l’association. _
- PROPOSITION DE LOI (Suite et fin)
- sur l’établissement de là Mutualité nationale par l’hérédité de l’Etat et l’impôt progressif sur les Successions
- présentée par Messieurs Giard, Henry Mar et, Laguerre, Tony Révillon.
- Au-delà de ce chiffre, elles sont frappées des droits de mutation fixés par les luis s’il y a deux enfants ou plus.
- Art. 3.
- Les successions recueillies par un enfant unique, par les ascendants en dehors de leurs reprises,par les descendants bénéficiaires, par les collatéraux, par l’époux survivant, les libéralités testamentaires, les legs particuliers universels ou à titre universel, sont, à l’exclusion de tous autres droits, frappés d’une retenue progressive réglée ainsi qu’il suit :
- Au-dessous de deux mille francs de capital. • 10/0
- De deux mille à cinq mille . 3 -
- De cinq mille à dix mille . 5 —
- De dix mille à vingt mille . 7 —
- De vingt mille à cinquante mille. . . . . 10 —
- De cinquante mille à cent mille .... . 15 -
- De cent mille à cinq cent mille .... . 20 -
- De cinq cent mille à un million .... . 30 —
- D’un million à cinq'millions de francs . . . 40 -
- Au-dessus de cinq millions . 50 —
- Art. 4.
- La taxe des biens de mainmorte prescrite par la loi du 20 février 1849 est portée à l’équivalent de la somme des contributions foncières, personnelle-mobilière et des portes et fenêtres.
- Art. 5.
- Lorsque la retenue à opérer sur une succession sera inférieure au cinquième de cette succession, les héritiers seront libres de la solder en espèces ou par l’abandon de telle portion qu’il leur conviendra, meuble ou immeuble, d’après l’estimation de l’inventaire.
- Faute par eux de s’entendre et dans les cas où la retenue est d’un cinquième, ou plus, de la succession, il y aura lieu de procéder au partage d’après les règles du code civil.
- PROPOSITION DE LOI
- TITRE PREMIER
- DES SUCCESSIONS ET DE L’HÉRÉDITÉ DE l’ÉTAT
- Article premier.
- L’article 755 du Gode civil est ainsi modifié : «. les parents au delà du quatrième degré ne succèdent pas ».
- Art. 2.
- Les successions recueillies par les descendants en ligne directe qui n’ont pas réclamé le bénéfice d’inventaire sont affranchies de tous droits de mutation, lorsqu’elles ne dépassent pas un capital de vingt mille francs (20.000 fr.).
- ArL 6.
- Les immeubles provenant de ces retenues seront la propriété indivise des communes et de l’Etat. Us formeront leur domaine inaliénable.
- Art. 7
- Les biens propres à la commune seront administrés par elle.
- Les biens propres à l’Etat et les biens indivis seront administrés par l’Etat.
- Tous ces biens sauf les bois et forêts ne pourront être régis directement ; ils devront être donnés à bail, à ferme ou à loyer ou concédés à l’entreprise privée pour une période qui ne dépassera pas 99 ans.
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- Art. 8.
- Les meubles meublants et corporels seront vendus au profit de l'Etat dans le délai de trois mois à partir de la liquidation de la succession.
- 11 en sera de même des actions dont le dividende serait inférieur à 3 0/0 du prix de vente sur le marché public et des obligations ainsi que des fonds d’Etat étrangers dont deux coupons seraient restés impayés.
- Art. 9.
- Les actions dont le dividende s'élève à 3 0/0 ou plus du prix de vente sur le marché public, les obligations et les fonds d'Etat étrangers qui ont payé l'avant-dernier coupon seront déposés provisoirement à la Caisse des dépôts et consignations qui en percevra les intérêts et dividendes.
- Art. 40.
- Tous les ans la Commission du budget présentera aux Chambres l’état des titres ainsi acquis pendant l’exercice précédent. Les Chambres statueront sur leur vente soit en totalité, soit en partie, soit en bloc, soit par périodes.
- Art. 11.
- Les titres de rente sur l'Etat et en général les fonds d'Etat français seront éteints par confusion.
- Art. 42.
- Les ressonrces provenant de l’application de la présente loi seront employées :
- 1° A subventionner les caisses de la mutualité nationale établie par le Titre II ;
- 2° A des dépenses générales et dans ce cas elles correspondront à des dégrèvements d'impôts réglés par les articles 13, 14 et 15.
- Art. 13.
- La rente des immeubles communaux et la moitié de la rente des biens indivis qui revient à la commune fourniront la subvention des caisses de la mutualité nationale concurremment avec l'Etat et pour une part qui ne saurait être plus forte que moitié.
- L'excédent, s'il y en a, sera affecté aux dépenses générales de la commune jusqu'à concurrence d'une somme égale aux cinq quarts de celle dont elle aura dégrevé les octrois, centimes additionnels et autres impôts communaux.
- Si la commune n'a pas d'octrois ou si ces octrois étant supprimés, les autres impôts dégrevés et les cinq quarts de leur total employés,il reste un excédent,cet excédent constituera nne recette pour le département qui l'affectera à ses dépenses générales et sera tenu de dégrever pour une somme égale à la moitié au moins de cette recette les centimes additionnels des impôts directs dans l’ordre
- suivant : contributions des portes et fenêtres, perso nnelle-mobilière, impôt foncier, patentes.
- Art. 14.
- L'Etat participera pour une part qui sera de moitié au moins à la subvention des caisses mutuelles communales.
- Les autres revenus seront affectés aux dépenses générales :
- 1° Pour une part égale à la moins-value des droits d'enregistrement et des impôts directs;
- 2° Pour le reste de l'excédant qui correspondra à un dégrèvement équivalent, des impôts indirects de consommation, puis successivement des autres impôts.
- Art. 15.
- Les dégrèvements, tant des octrois, que des contribu tions, des départements et de l’Etat, seront évalués en les ajoutant d'année en année et comparés au rendement des impôts pendant l’exercice qui aura précédé l’application de la présente loi.
- TITRE II.
- ORGANISATION DE LA MUTUALITÉ NATIONALE.
- Art. 16.
- L'assurance mutuelle est obligatoire pour tous les citoyens majeurs.
- L'indigent seul peut en être dispensé temporairement.
- Art. 17.
- Chaque année, au mois de novembre, les électeurs éli ront au suffrage universel un comité chargé de l’administration de la caisse mutuelle communale.
- Le comité, ainsi élu, rédigera le règlement local.
- Art. 18.
- Il fixera :
- 1° Le nombre de personnes dispensées de la contribution ;
- 2° Le chiffre moyen des salaires locaux ;
- 3° Le minimum de la contribution à payer par les personnes vivant de ressources autres que le salaire.
- Peuvent être assimilés aux salaires pour le taux de la contribution,.les appointements des employés de l’administration municipale et des industriels lorsqu’ils ne dépassent pas la valeur des salaires locaux et lorsqu'ils ne donnent pas droit à une retraite.
- Art. 19.
- Il fixera également :
- 1° Le taux de l’indispensable à la subsistance en tenant compte des âges, des sexes et des circonstances locales;
- 2® Le taux de la subvention à accorder aux malades, celui de la retraite des vieillards lequel ne saurait être inférieur au taux de l'indispensable.
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- LE DEVOIR
- Art. 20.
- Les recettes de la Caisse mutuelle communale se composent :
- 1° De l’ensemble des contributions individuelles comprenant : celle des salariés qui est fixée à 2 0/0 de la valeur des salaires locaux ; celle des non salariés dont le minimum ne saurait être inférieur à la précédente ; enfin les contributions volontaires ;
- 2° D’une contribution -calculée d’après la population à raison de 2 0/0 par individu, de la moyenne des salaires locaux fournie par la commune sur les revenus de ses hiens jusqu’à concurrence de moitié et pour le reste par l’Etat comme il est dit aux articles 13 et 44.
- 3° De l’excédant des recettes de l’exercice précédent.
- Art. 21.
- Les dépenses comprennent :
- 1° Les frais du comité et de son bureau, les frais de surveillance de contrôle et d’administration ;
- 2° Le traitement des médecins, les frais de visites et de pharmacie ;
- 3° Les subventions aux malades ou autres, les remboursements de bons de vivres, vêtements, etc.;
- 4° Les retraites des vieillards.
- Art. 22.
- Les comptes seront présentés par le trésorier du comité au Conseil municipal et approuvés par lui.
- Art. 23.
- Tant que l’Etat ne disposera pas de recettes suffisantes pour compléter la subvention des communes, il sera fait une répartition proportionnelle d’après l’évaluation prescrite par le paragraphe 2 de l’article 20 des revenus acquis à l’Etat par la présente loi, déduction faite de la moins value des droits d’enregistrement et de l’impôt foncier.
- APHORISMES ET PRÉCEPTES SOCIAUX
- LI
- Respect de la vie humaine
- Gouvernants, rien n’est plus précieux sur la terre que la vie humaine, et vous êtes assez insensés pour en faire la chose que tous vos efforts tendent à détruire. Quand sortirez-vous de ces pratiques barbares qui sont la honte de la civilisation et votre plus terrible condamnation.
- Constituez la paix entre les nations si vous voulez la paix entre les hommes. Tant que vous donnerez l’exemple du meurtre et du carnage qu’elle sécurité voulez-vous qu’il y ait pour les personnes ?
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- Voici la déclaration lue à l’Assemblée nationale par M. Henry Maret avant la clôture des débats.
- Messieurs,
- Au moment où vous allez voter sur l’ensemble du projet de révision, je viens, au nom de mes amis et au mien, expliquer quelle signification nous entendons donner à notre abstention.
- Respectueux du suffrage universel et de la souveraineté du peuple, nous ne vous avons jamais reconnu le pouvoir constituant.
- Si nous sommes demeurés au milieu de vous, c’est pour protester contre votre usurpation, par nos votes, et pour lutter, jusqu’au bout, en faveur de la vérité démocratique.
- Nous n’avons pas réussi, et nous n’en sommes point étonnés. La voie où vous vous êtes engagés à la suite du gouvernement, débutant par la violation de la Constitution, ne pouvait conduire qu’à la violation des droits du pays.
- Nous nous sommes opposés à toute question préalable, ne pouvant admettre que, dans cette assemblée, aucune voix fût étouffée ni qu’un représentant du peuple, dût obéir à un autre mandat qu’à celui qui lui a été donné par ses électeurs.
- Nous n’avons jamais reconnu votre prétendu contrat, contra nul par son objet même et vicié dans sa forme. Depuis la première heure jusqu’à la dernière, nous n’avons soutenu qu’un principe, le nôtre, qui hier était le vôtre : celui de la démocratie, celui de notre République, le suffrage universel.
- Nous avons été vaincus; vous vous êtes constamment montrés hostiles à toutes nos revendications et, au nom de je ne sais quel droit imaginaire, vous avez mis votre prétendue souveraineté au-dessus du suffrage universel.
- C’est pourquoi vous avez abouti à une révision qui laisse tout en question. Républicains, vous n’avez rien changé à la Constitution monarchique dont le peuple réclamait la transformation.
- Nous ne ferons pas à votre projet l’honneur d’un bulletin négatif. A ce néant de révision, nous répondrons par l’abstention. C’est à la démocratie française qu’il appartiendra de nous juger tous ; c’est à elle que nous nous adressons ; c’est elle qui se chargera de vous imposer une Constitution démocratique.
- Achard — Beauquier — Bizarelli — Boudeville — Bour-neville — Breley — Brialou — Brousse — Cantagrel — Carrette — Chavanne — Clémenceau — Corneau — Des-mons — Duportal — Farcy — Frébault— Giard — Girault
- — Girodet — Granet — Labrousse — Lafont — Laguerre
- — De Lanessan — Laporte — Leporché— Leydet— Henry Maret — Maurel — Ménard Dorian — Pelletan — Périn
- — Peytral —larius Poulet — Préveraud—Tony Révillon — Roque de Fillol — Salis — Vernhes — Labordère — Laurent Pichat — Massé — De Reignié — Forcioli.
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- Un bon Député. — Monsieur Bauquier, après avoir lutté jusqu’au bout au Congrès de Versailles, ne néglige au-
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- LE DEVOIR
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- cune occasion d’employer fructueusement ses vacances au service delà cause populaire. Sa fière attitude à Besançon, à l’inaugurat on de la statue de Jouffroy, a soulevé les colères de toute la presse bien pensante. Sur l’estrade même où siégeaient le général Wolff, commandant le 7e corps d’armée, le général Lamy, commandant la division, le général Richard et beaucoup d’officiers de l’armée territoriale et de l’armée active, devant la bannière voilée de crêpe de la société strasbourgeoise la Concordia, M. Beauquier a déclaré qu’il était temps de ne plus élever de statues à des exterminateurs, aux massacreurs de peuples, aux généraux. Le public présent à cette cérémonie, peu accoutumé à un langage aussi digne et aussi sincère, a écouté ces paroles dans le plus grand recueillement.
- On raconte que le général Wolff, pour témoigner son mécontentement se serait approché de M. Beauquier et lui aurait dit : « Le silence des peuples est la leçon des rois ; vous avez » vu aujourd’hui, monsieur, qu’il est aussi quelquefois la leçon » des particuliers. »
- M. Wolff a oublié de réfléchir que le silence du peuple pouvait être le commencement du recueillement, fâcheux symptômes pour la conservation des sophismes du militarisme.
- Voici les paroles de M. Beauquier, prétextes des anathèmes de la coalition conservatrice :
- « Jusqu’à présent, chez nous, en France, le marbre et l’airain semblaient exclusivement destinés à consacrer les hommes qui s’étaient illustrés dans l’art de détruire leurs semblables.
- » Nous n’avions encore qu’une statue à Besançon : celle d’un général.
- » Ce sera l’honneur de la République d’avoir compris qu’il y a d’autres illustrations à signaler à l’admiration des foules, et que les bienfaiteurs des peuples ont au moins autant de titres à la gloire que les exterminateurs.
- » Les véritables grands hommes dans une démocratie, ce sont les savants, les penseurs. »...........................
- Plus loin l’orateur a fait allusion à Proudhon, ce qui a été au moins aussi désagréable à la gent officielle :
- » Je ne puis m’empêcher de remarquer par quelle singulière ironie, cette statue, glorifiant la Science dans la personne de Jouffroy, se dresse en face d’une église.
- » Ici le présent et l’avenir, là le passé.
- » Pour mieux accentuer encore le sens symbolique de ce spectacle, je voudrais voir debout, à l’autre angle de la place, la statue d’un autre Franc-Comtois, issu celui-là du peuple : je veux parler du philosophe socialiste, du grand remueur dfidées qui se nommait Proudhon.
- » Lui aussi à souffert 'dans ses intérêts matériels et dans sa liberté : lui aussi est mort pauvre, lui aussi a été un martyr de l’idéal qu’il portait en lui.
- » Associons donc, dans un hommage commun, les noms de ces deux obstinés lutteurs : l’un le marquis, l’autre le prolétaire, partis des deux pôles opposés de la société, se sont rencontrés dans cette pensée : Travailler au bien-être de l’humanité.
- » Espérons que Proudhon n’attendrapas cent ans sastatue! »
- Nous pensons comme M. Beauquier, et nous le félicitons sincèrement de sa vaillante attitude. Nos nombreux amis de Besançon ralliés à la propagande de la paix sauront profiter de cette occasion pour étendre leur action.
- Cochinchine et Arbitrage.—A propos de l’interpellation sur les affaires de Cochinchine dans la dernière séance de la Chambre, M. Frédéric Passy a repris la thèse de l’arbitrage. Les sages paroles de M. Passy peuvent se résumer ainsi : Au lieu de nous lancer dans une guerre sans fin, sans profit possible et sans honneur pour nous, pourquoi n’avoir pas recours à un arbitrage II est évident que les paroles de M. Passy étaient trop élevées pour les acteurs de la comédie révisionniste ; ils ont préféré continuer à se montrer dignes de la confiance de M. Ferry en lui donnant toute latitude pour conduire à sa guise nos affaires avec la Chine.
- On annonce de nouveaux départs de renforts pour le Tonkin. Au début on nous accusait d’exagération, lorsque nous prétendions que 100,000,000 ne nous tireraient pas de cette aventure. Aujourd’hui nos prévisions sont dépassées.
- ¥ ¥
- Un sombre lait divers. Pendant qu’on prodigue les millions pour favoriser les écumeurs de la politique coloniale, on laisse mourir de faim en plein Paris les vieillards que la société et les particuliers ne peuvent plus exploiter. Tous les jours les faits divers des journaux contiennent des récits comme les suivants :
- Les époux Morin, tous deux septuagénaires, sont atteints tous deux d’infirmités qui leur rendent tout travail impossible.
- Ces deux vieillards, étant tombés dans une misère profonde, résolurent d’en finir avec la vie.
- Dans la nuit de samedi à dimanche, ils s’enfermèrent dans leur mansarde, au cinquième étage, rue de Jouy, M, et ayant allumé un réchaud de charbon, ils s’étendirent sur leur lit.
- Attirés par l’odeur du gaz acide carbonique, les voisins ont défoncé la porte et ont couru prévenir M. Fouqueteau, commissaire de police, ^qui a fait transporter à l’Hôtel-Dieu les époux Morin, qu’on désespère de sauver.
- La direction des Ballons. — Le 9 août dernier, un ballon, parti de l’atelier d’aérostation militaire de Meudon, s’élevait au-dessus des bois et se dirigeait vers l’ermitage de Villebon. A cet endroit on vit le ballon virer de bord, décrire un demi-cercle, faire machine en avant et en arrière et retourner finalement à son point de départ. Une note de M. Mangon, sur cette découverte vient d’être communiquée à l’Académie des sciences.
- M. Hervé Mangon décrit ainsi l’ascension du 9 août dernier. Le temps était calme ; le ballon, de forme elliptique, était muni d’un moteur électrique, d’une hélice et d’un gouvernail; la disposition spéciale de cet appareil directeur doit naturellement être tenue secrète. M. Hervé Mangon estime que tout le monde comprendra le silence qu’il observe à ce sujet ; tout ce qu’il peut dire, c’est ce que tout le monde a aussi pu voir : le ballon s’est élevé à cinquante métrés de hauteur environ : le capitaine Krebs manœuvrait le gouvernail, et le capitaine Renard maintenait la permanence de la hauteur. Une fois l’hélice animée d’un mouvement de rotation, l’aérostat se dirigea, comme nous l’avons dit, vers l’ermitage de Villebon; il convient d’ajouter que ce point avait été désigné d’avance.' La brise, à ce moment, soufflait de l’est avec une vitesse de
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- cinq mètres par seconde, et le ballon a marché contre le vent. M. Hervé Mangon s’exprime ensuite ainsi :
- Arrivés au-dessus de l’ermitage de Yillebon, l’officier qui tenait le gouvernail agita un drapeau : c’était le signal du retour. On était arrivé à l’endroit désigné, et il s’agissait de revenir au point de départ.
- On vit alors l’aérostat virer de bord, en décrivant majestueusement un demi-cercle de 300 mètres de rayon environ et il se dirigea vers Meudon.
- Arrivé prés de la pelouse, où le départ avait eu lieu, le ballon s’abaissa graduellement, obliqua, fit machine en arrière, machine en avant, et, finalement atterrit à l’endroit voulu.
- On prétend que le ministre de la guerre aurait obtenu de l’inventeur de ne point divulguer ses procédés pratiques. Yoilà maintenant que le militarisme non-content de nous prendre nos biens, notre vie quelquefois, veut encore nous priver du progrès. Tout cela est intolérable et nous espérons qu’il se trouvera quelque bienfaiteur de l’humanité pour vulgariser une si précieuse découverte.
- Influence du Congrès de Berne sur la Presse
- On se demande'souvent à quoi servent les congrès de personnalités n’ayant aucun pouvoir de donner la moindre sanction à leurs décisions.C’est pourtant de ces réunions que partent des courants d’opinion qui remuent les peuples et les amènent à faire pression sur les gouvernements.
- Le Congrès de Berne a rompu un moment le mutisme de la presse, car les journaux les plus importants de France et de l’étranger n’ont pas dédaigné de s’occuper des débats* des délégués. C’était le seul résultat immédiat auquel pouvaient prétendre les congressistes ; ils l’ont obtenu dans une certaine limite ; mais l’important serait par la fréquence des manifestations d’obtenir l’attention permanente de la presse, comme l’a fait ressortir Al. Godin, dans une lettre à M. Hodgson Pratt, lettre lue par ce dernier à la séance d’ouverture.
- Voici la lettre de M. Godin :
- Guise, Familistère, 2 août.
- Cher Monsieur,
- Ne pouvant me rendre au Congrès de paix et d’arbitrage, dont je vous félicite d’avoir provoqué la réunion dans la ville de Berne, je crois devoir vous adresser mes témoignages de sympathie pour la grande cause que le Congrès s’efforce de mettre en lumière aux yeux des peuples.
- Quant à moi, depuis que j’ai fondé, en 1878, le journal « Le Devoir », j’ai saisi toutes les occasions de défendre dans ce journal la cause de la paix et de l’arbitrage entre les nations.
- Certainement toutes les questions portées à l’ordre du jour du congrès sont de la plus haute importance, mais ce qui domine tout, c’est d’organiser l’arbitrage même, c’est de faire pénétrer dans l’esprit de ceux qui dirigent les nations, la nécessité de substituer la paix à la guerre et, par conséquent, de placer la justice et la raison au-dessus des rivalités et des haines nationales.
- Il ne suffit pas, néanmoins, de déclarer qu’une telle chose est nécessaire pour que sa réalisation s’en suive. Le point essentiel pour atteindre le but est de former l’opinion publique ; un des premiers bienfaits du congrès sera de concourir à cette œuvre parce qu’il a le mérite d’attirer dans une certaine mesure l’attention publique sur les questions de paix et d’arbitrage international.
- Mais ce qui est à désirer en ce sens est une action permanente. Il faudrait pour cela que l’idée de paix et d’arbitrage eût des organes dans la presse des différents pays d’Europe. Tant que la presse ne se livrera pas spécialement à signaler les dangers et les malheurs de la guerre, l’action que nous pourrons exercer sera très limitée; mais s’il arrivait que dans les différentes nations d’Europe des journaux influents fissent comme fait aujourd’hui II Secolo de Milan, par exemple, c’est-à-dire prissent à toute occasion la défense de cette question, elle deviendrait rapidement populaire. Alors on serait bien près de pouvoir exercer une action décisive sur les gouvernements.
- Je vous verrais avec plaisir soumettre ce point au Congrès, afin que les amis de la paix s’efforçassent en tous pays d’attirer sur ces questions l’attention des journaux sympathiques.
- Je vous envoie, en même temps que cette lettre, 50 exemplaires d’une publication faite par « Le Devoir »; elle concerne l’arbitrage international et elle est conçue dans l’esprit que je viens d’indiquer. Vous pourrez dans la mesure où vous le jugerez utile la faire connaître au Congrès.
- Veuillez agréer, cher Monsieur, l’assurance de tout mon dévouement.
- GODIN.
- P. S. — Je vous envoie aussi 50 exemplaires du « Devoir » du 3 courant. Ils vous permettront d’apprécier dans quel sens nous agissons.
- it
- + +
- Le Temps a publié un compte-rendu des séances et quelques articles d’appréciations. L’un d’eux, en particulier, est assez remarquable par les contradictions qu’il renferme. Le rédacteur du Temps
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- commence son article par une courte et sceptique énumération des bienfaits de la paix, un peu plus loin, il qualifie les projets des amis de la paix de rêveries et d’utopies, enfin ses conclusions contiennent des aveux qu’il est bon dénoter, ne serait-ce que pour constater le désarroi cérébral des amis de la guerre.
- Voici le début de cet article :
- C’est toujours une tâche ingrate que de troubler les gens qui font de beaux rêves. Quel plus beau rêve que celui de la suppression de la guerre et de la paix universelle ! C’est l’aube de l’âge d’or se levant à l’horizon obscur. C’est le millenium des mystiques qui commence. On voit déjà les peuples qui s’embrassent et se traitent en frèies, les grandes aimées licenciées, les sabres transformés en faucilles, les canons en charrues ; la raison réglant la conduite des nations comme celle des rois, et la justice tranchant les procès de frontières comme elle juge déjà les questions de mur mitoyen. C’est ainsi qu’on rêvait à la fin du dix-huitième siècle, à la veille des grandes tempêtes de la Révolution et de l’Empire; c’est ainsi qu’on rêve aujourd’hui, au lendemain des victoires de la Prusse qui viennent encore une fois de renouveler assez brusquement la face de l’Europe.
- Du milieu de l’article nous tirons le passage suivant :
- Ce but est si noble et si généreux qu’on s’en veut à soi-même de détruire les illusions de ceux qui le poursuivent et croient déjà l’atteindre. Mais comment ne pas leur faire mesurer toute la distance qu’il y a encore entre leur rêve et la réalité ? Rien n’est plus dangereux que de laisser croire que la politique, et surtout la politique internationale, est affaire de sentiment ou de philanthropie, qu’il suffit d’un mouvement de générosité chez les souverains ou même chez les peuples pour aplanir toutes les difficultés et résoudre toutes les questions.
- Mais, à la fin de l’article, tes sentiments naturels du rédacteur dominant ses idées conventionnelles l’entraînent malgré lui à avouer la possibilité du but poursuivi par les amis de la paix. L’article finit ainsi :
- Nous voulons croire que la, civilisation européenne tend a ce but et finira peut-être par l’at-teindre, mais nous n’y sommes pas encore ; et peut-être le plus long chemin est-il encore ce sentier de traverse qu’on ndjus présente comme un raccourci et qui mènerait sûrement à des fondrières. Mieux vaut suivre la grande route avec ses sinuosités et ses retardements. Mieux vaut laisser aux faits et aux sentiments naturels le temps et l’espace de produire leurs conséquences inévitables. Que la politique se défie des missions philanthropiques qu’on veut lui prescrire. Qu’elle laisse à la civilisation, à la morale, le soin d’adoucir les hommes et de faire triompher la sympathie sur l’égoïsme. Sa véritable tâche,
- moins haute et plus pratique, est déterminée par les réalités positives dont son unique souci doit être de tirer le meilleur profit, au jour le jour, et en dehors de tout esprit de système et d’utopie.
- La grande route dont veut parler le rédacteur du Temps, grande route ayant des sinuosités qu’il ne détaille pas, nous paraît ressembler beaucoup aux grands chemins de la politique belliqueuse. Que signifie cette phrase « laisser aux faits et aux sentiments naturels le temps et l’espace de produire leurs conséquences inévitables ».
- Les congressites de Berne, quoique le Temps en puisse dire ou penser,ne sont pas de vulgaires phi-lanlhropes,suivant l’acception ordinaire de ce mot. Ces hommes, pénétrés des besoins réels de la vie humaine, ont obéi à des sentiments très naturels, car on ne peut contester l’application de l’épithète de naturel à tout sentiment qui porte à augmenter les garanties de l’existence humaine. Quoi de plus naturel que de vouloir vivre, de chercher à augmenter les moyens de conservation de la vie humaine.
- A Berne, c’était bien les agents de la civilisation et de la morale qui faisaient de nobles efforts pour adoucir les hommes et faire triompher la sympathie sur l’égoïsme, pendant que les rédacteurs et les lecteurs du Temps s’embusquaient dans les sinuosités du grand chemin où se recrutent les états-majors de tous les despotismes et de tous les brigandages militaires.
- Le Rappel, la Lanterne et beaucoup d’autres journaux ont donné une note beaucoup plus juste.
- La Lanterne apprécie ainsi :
- Le Congrès de la paix ou de l’arbitrage international est réuni en ce moment à Rerne. Il compte des adhérents illustres, M. Gladstone, M. Mancini. Il est peu probable qu’il ait jamais l’adhésion de M. Jules Ferry.
- Des gens dédaigneux disent : A quoi bon? Est-ce que M. de Bismarck est décidé à en appeler à un arbitrage? Est-ce que M. Gladstone en a appelé à un arbitrage quand il a bombardé Alexandrie? Dans les relations extérieures des peuples, il n’y a qu’une réalité : la force. L’arbitrage? Où est la sanction? Voyez les congrès, les conférences. Ils réussissent quand tout le monde est d’accord, autrement, on se tire des coups de canon, ultima ratio.
- Toutes ces raisons sont exactes : mais on peut en dire presque autant de tous les rapports humains. Chez les peuples primitifs, deux individus discutent, que font-ils? Ils se donnent des coups de bâton, ils se lancent des pierres.
- Nous constatons tous les jours chez nos enfants cette manière de se mettre d’accord. Ces procédés, entre adultes, s’affirment à tout instant devant nos tribunaux. S’il est si dif-
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- LE DEVOIR
- ficile de remplacer la raison du plus fort entre particuliers par un arbitrage, est-ce une raison pour ne pas trouver qu’il vaut mieux que les coups ; qu’on a eu raison, qu’on a raison de lui donner la plus grande extension possible ? est-ce une raison pour supprimer juges et tribunaux et en revenir, pour trancher le moindre différend, aux combats plus ou moins loyaux?
- Non, à coup sûr.
- Le Rappel constate avec une parfaite impartialité les progrès de l’idée d’arbitrage :
- « La participation, dit le Rappel, directe ou indirecte au Congrès de la paix d’hommes aussi autorisés que MM. Ruchon-net, Mancini et Gladstone atteste que l’idée de l’arbitrage a fait son chemin, quelle est descendue de la région des systèmes et des opinions individuelles pour s’introduire peu à peu dans les chancelleries. »
- On ne peut nier que ces appréciations de la presse n’aient été provoquées par le Congrès de Berne. Mais il est regrettable que ces questions retombent dans l’oubli, dès que les propagateurs cessent de manifester collectivement. Les journalistes devraient comprendre que leur dignité et leur influence auraient beaucoup à gagner s’ils trouvaient en eux-mêmes assez d’énergie et de volonté pour mettre spontanément en discussion des sujets aussi importants que l’arbitrage et le désarmement international.
- Devoirs de Morale
- Le carrelage, les murs et les plafonds.
- Au Familistère, les appartements sont carrelés avec soin et propreté, et quiconque brise le carrelage compromet le bon ordre du logement et nuit à la propreté. Chacun doit également respecter le carrelage des galeries, des couloirs, le passage des cours et des trottoirs.
- Les enfants doivent éviter de frapper dessus avec des marteaux. Les ménagères doivent s’abstenir d’y fendre du bois ; car on casse ainsi les carreaux.
- Il est nécessaire de laver les carrelages avec de l’eau claire ; et non pas avec de l’eau de savon qui aurait servi à savonner le linge. Il y a des ménagères qui cirent leurs carrelages au lieu de les laver ; la cire coûte plus cher que l’eau; mais elle est plus hygiénique; parce que l’eau contient beaucoup d’humidité.
- Les petites filles doivent aider le plus possible à laver le carrelage, et les garçons doivent contribuer à la bonne tenue de la maison en changeant de chaussures en rentrant du
- dehors. Les ménagères ne doivent pas se servir de sable pour les maisons ; car il use le verni des carreaux, il faut y mettre de la sciure.
- Les murs de l’appartement ne doivent pas être dégradés, on ne doit pas monter dessus ; il en est de même des plafonds, qui doivent être arrangés le plus souvent ; car ce qui salit le plus les plafonds, c’est la fumée du poêle ; il faut, autant que cela est possible, tâcher de ne pas laisser sortir de la fumée. Les portes des meubles et de l’appartement doivent être ouvertes et fermées sans brusquerie. Il faut avoir soin des serrures, afin qu’elles se ferment et s’ouvrent très bien ; il ne faut pas non plus dégrader la menuiserie, telle que les portes des placards et des appartements. En entrant chez quelqu’un on doit frapper à la porte, on peut se trouver hors d’état de . vous recevoir ; et puis, il peut se trouver quelqu’un derrière la porte. En passant par la fenêtre au lieu de passer par la porte, on dégrade les murs, on fait une chose nuisible ; .alors c’est un mal.
- Sur les fenêtres on met ordinairement des pots de fleurs; on doit mettre des galeries pour les empêcher de tomber ; car on pourrait tuer quelqu’un ; quand on ne pense pas à toutes ces précautions là, c’est de la négligence ; En toute chose l’homme doit penser au bien des autres ; autrement il se rapprocherait des animaux qui ne pensent qu’à eux-mêmes.
- — Conclusion .—
- Des générations entières ont fait des efforts pour doter la vie humaine de toutes les commodités. Que de recherches on a dû faire ? Dans les obligations de l’homme rien n’est ni haut ni bas, et les plus grandes vertus sont faites de l’accomplissement des plus petits devoirs, par cet accomplissement nous saurons donner à nos actes « l’amour pour principe, l’ordre pour base et le progrès pour but. »
- Régnier Irma, âgée de 13 ans.
- Le carrelage.—Au Familistère,les appartements sont carrelés avec propreté, et celui qui casse le carrelage nuit à la propreté du logement intérieur.
- Chacun doit respecter le carrelage des galeries, des couloirs, des cours, etc.
- Les enfants doivent éviter de frapper dessus avec des marteaux ou autre chose.
- Celui qui casse le carrelage de sa maison fait tort à lui-même et à l’association. Il fait tort à lui-même, car il est obligé de payer la réparation, et il fait tort à Fassocia-tion, car le carrelage raccomodé ne vaut plus un carrelage neuf.
- Celui qui casse le carrelage dans les couloirs fait tort à lui-même et aux autres, il fait tort à lui même en ce qu’il paye la réparation, et il fait tort aux autres en ce qu’il gène la circulation.
- Les ménagères ne doivent pas fendre de bois sur le carrelage.
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- LE DEVOIR
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- Il faut laver le carrelage avec de l’eau claire et il est quelquefois bon d’ajouter à l’eau un peu de carbonate.
- Il ne faut pas laver le carrelage avec de l’eau qui à servi à laver le linge, car dans le linge il reste des matières impures de notre corps, et ces matières restent dans l’eau ; en lavant le carrelage avec cette eau, il y aurait mauvaise odeur dans la maison, ce qui pourrait nuire à notre santé.
- Les murs et les plafonds doivent-étre dans un état parfait de propreté, ils ne doivent pas être dégradés. Les portes et les fenêtres doivent être propres aussi, enfin tout doit-être propre dans la maison.
- Au Familistère, les ouvriers logent dans un grand palais, tandis que la plupart des ouvriers des villes logent dans des greniers et dans des caves.
- Conclusion.— Dans les obligations de l’homme rien n’est ni haut ni bas et les plus grandes vertus sont faites par l’accomplissement des petits devoirs.
- Vinchon Clovis, 13 ans.
- Adhésions aux Principes d'Ârbitrage et de désarmement Européen
- Haute-Marne. Joinville. — Barbier, Eugène, menuisier. — Philippe, Pierre, mécanicien. — Ray, François, tailleur de limes. — Bancelin, Henri, cultivateur. — David, Victor, coiffeur. — Martin, Auguste, rentier.
- Sailly. — Briot, Léon, aubergiste.
- Thomance-lez-Joinville. — Larcher, Auguste, propriétaire.
- Coulaincourt. — Marche, Emile-Paul-Marie, propriétaire. — Marche, Nicolas, propriétaire.
- Bettaincourt. — Simon, Paul, propriétaire.
- Cerfontaines-en-Ormois.— Alexandre, François, instituteur retraité.
- État-civil du Familistère
- Semaine du 11 au 17 août 1884.
- Naissances :
- 1° Le 14 août de Hazard Georges, fils de Hazard Jules
- et de Blondelle Eugénie.
- 2° Le 15 août de Louis Eugène Émile, fils de Louis Eugène
- et de Pagnier Adèle.
- Société industrielle de St-Quentin et de l’Aisne
- «Monsieur,
- Grâce au bienveillant concours du Gouvernement, du Département, et de la Ville de Saint-Quentin, notre Société a pu fonder une
- École professionnelle régionale
- dont le but est de former des Ouvriers, Contre-maîtres et Directeurs pour les principales industries de la contrée : (tra-Vail du bois, du fer, étude et construction des principales machines de Filature,-Tissage et Suererie).
- L’enseignement y est gratuit. Les Elèves entrent à l’école à
- 7 heures du matin jusqu’à midi et de 2 heures à 7 heures du soir.
- Les Elèves n’habitant pas Saint-Quentin devront y avoir un correspondant. Ils pourront trouver soit en dehors, soit dans les pensions de la ville, le logement et la nourriture.
- Nous espérons que les Conseils municipaux de plusieurs localités alloueront à leurs meilleurs Elèves des cours communaux des subventions leur permettant de se loger et de se nourrir, et de profiter ainsi de l’instruction que nous mettons gratuitement à la disposition des élèves de tout le département.
- La durée des études est de trois ans ; la journée de travail comprend 6 heures de travail manuel et 4 heures d’enseignement théorique.
- Le programme est fait de manière adonner aux élèves sortants toutes les connaissances indispensables pour le travail de la Forge, de l’Ajustage, du Modelage et de la Menuiserie, et pour les Contre-maîtres et Directeurs de Filature, Tissage et Sucrerie
- Un certificat d’apprentissage est délivré aux Elèves à la fin de la troisième année.
- Les candidats devront faire preuve des connaissances exigées pour le certificat d’études primaires, ou produire ce certificat.
- Les inscriptions seront reçues à la Direction de l’Ecole, rue Saint-Jean, 48, jusqu’au 27 septembre prochain inclusivement. Le nombre d’Elèves étant limité, il sera donné une préférence aux premiers inscrits.
- Les candidats devront être âgés de douze ans au moins et de seize ans au plus.
- La rentrée anra lieu le Mercredi 1er octobre 1884.
- Saint-Quentin, le 10 juillet 1884.
- Le Président de la Société Industrielle, Emile HUGUES.
- S’adresser pour tous renseignements au Secrétaire de la Société, rue Saint-Jean, 48.
- L’Astronomie, Revue mensuelle d’Astronomie populaire, de Météorologie et de Physique du globe, par M. Camille Flammarion. — Sommaire du N9 d’Août 1884 : Découvertes nouvelles sur Uranus, par MM. Paul et Prosper Henry. — Le satellite problématique de Vénus, par M. J.-C. Houzeau. — Manifestations de l’activité solaire, par M. Riccô. — Durée de la rotation de Mars, par M. W.-F. Denning. — Les ascensions droites et les déclinaisons. — La date du commencement de l’ère chrétienne, par M. James Pearson. — La formation du système solaire, par M. D. Neuville. —• Définition du mètre, par M. Charles Lemaire-Teste.
- — Nouvelles de la Science. Variétés : Occultations graduelles, par Camille Saint-Saëns. La bolide du 28 Juin. Feux allumés par le Soleil Le plus grand nombre qu’on ait jamais écrit. Les compagnons problématiques de l’Etoile polaire.
- — Observations astronomiques, par M. E. Vimont. — Ce numéro contient 15 figures. — (Librairie Gauthier-Vil-lars, quai des Augustins, 55, Paris.)
- Le Directeur-Gérant : GODIN.
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- LIBRAIRIE DU FAMILISTERE DE GUISE (Aisne)
- BROCHURES DE PROPAGANDE
- ÉTUDES SOCIALES
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- La Réforme électorale et la Révision constitutionnelle
- Prix franco : 25 centimes
- Parmi les réformes pacifiques que le Devoir s’est donné pour mission de mettre en lumière afin d’on hâter Favénement, figure au premier rang la constitution rationnelle des premiers pouvoirs de l’Éla'.
- Or, le premier pouvoir dans une République démocratique, c'est le pouvoir du peuple se traduisant par le suffrage des citoyens. C’est donc dans le bon exercice du suffrage universel que se trouve les moyens de bien constituer les assemblées législatives et les pouvoirs publics.
- Le numéro du « Devoir » du 1er Juin 1884est consacré à démontrer que les modes du suffrage pratiqués jusqu’à ce jour ont été le contraire de ce qu’il faut pour établir un réel exercice du droit souverain du suffrage universel. Ce numéro,en raison de son importance, a été converti en brochure sous couverture spéciale ; il constitue ainsi le ne 2 de la série des Études sociales inaugurée par le numéro exceptionnel intitulé : Le Familistère de Guise, solution de la question ouvrière.
- L’administration du Devoir continuera à éditer cette série d’études, de façon à en faire une collection <l’un grand mérite pour la propagande. Nous engageons nos lecteurs à ne pas perdre cela de vue et à conserver ces numéros.
- L’administration du Devoir, s’imposant les plus lourds sacrifices d’étude, de temps et d’argent pour mener à bonne fin cette propagande, nous comptons sur le dévouement de nos lecteurs. Ils peuven nous aider dans notre tâche en propageant des numéros que nous leur enverrons franco contre le prix seulement du papier et du tirage. ____________
- K° 1. -- Le Familistère de Guise. solution de la question ouvrière.
- Le numéro 40 centimes. — 10 numéros 2 fr. 50
- N° 2. - La Réforme électorale et la Révision constitutionnelle.
- N° 3. - L’Arbitrage international et le Désarmement européen.
- Le numéro 25 centimes. — 10 numéros 2 francs
- Nous avons actuellement en préparation l’Hérédité de l’État et la Mutualité nationale.
- Dans l’Hérédité de l’État nous établirons par des documents officiels quelles immenses ressources la société doit attendre de cette reforme, combien elle est juste, et qu’elle procure aux classes laborieuses une sécurité certaine en augmentant les garanties sociales en faveur des possesseurs de grosses fortunes.
- Dans la Mutualité nationale, nous analyserons les institutions susceptibles de garantir le droit à la vie à chaque citoyen, nous ferons l’évaluation des charges probables de ces institutions, et nous démontrerons combien il serait facile de les doter suffisamment en y consacrant une partie des produits annuels de l’hérédité de l’État. ____________
- PORTRAIT DE M. GODM, FONDATEUR DU FAMILISTÈRE
- La librairie envoie franco, au prix de 1 fr., le portrait de M. G0D1N, belle gravure imprimée parla
- Maison Goupil de Paris.
- Guise. — Ibid. BARÉ.
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- Le numéro hebdomadaire” W c. Dimanche 31 Août 1884
- g- Année, Tome 8. — N- 312
- Ça Ifpl gaWQlfgg,
- BUREAU
- a GUISE (Aisne)
- Toutes les communications
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- et réclamations
- France
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- A PARIS
- S, rue Neuve-des-Petits - Champ s Passage des Deux-Pavillons
- doivent être adressées à BJ. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- Un an ... 10 fr. »» Six mois. . . 6 »» Trois mois. . 3 »»
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- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES & POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1. — Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- 4., — Organisation du suffrage universel par l’unité de Collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile ;
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens ;
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter ;
- La représentation par les supériorités.
- 5- — Renouvellement annuel de moitié de la Chambre des députés et de tous les corps élus. La volonté du peuple souverain toujours ainsimise en évidence.
- f - — Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues par le suffrage universel.
- 7 — Égalité civile et politique de l’homme et de la femme.
- — Le mariage, lien d’affection.
- Faculté du divorce.
- 9. Éducation et instruction primaires,gratuites
- obligatoires pour tous les enfants.
- Le s examens et concours généralisés avec élection j;es élèves par leurs pairs dans toutes les écoles, wplôme constatant la série des mérites intellectuels
- rnr>raux de charme élève.
- 10. — Écoles spéciales, nationales, correspondantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- 11. —Suppression du budget des cultes. Séparation de lEglise et de l’État.
- 12. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 13. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit
- d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- l(t. — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatérale à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dans une juste mesure, retour à la société qui a aidé a les produire.
- 15. — Remboursement des dettes publiques avec les ressources de l’hérédité.
- 16. — Organisation nationale des garanties et de l’assurance mutuelles contre la misère.
- 11. — Suppression des emprunts d’Etat.
- 19. — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 20. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21. — Libre échange entre les nations.
- 22. — Abolition de la guerre offensive.
- 23. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 24. — Désarmement européen.
- 25. — Les nations maîtresses de leur sort et de tenir propre terri foire.
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- LE* DEVOIR
- SOMMAIRE
- Respect à la propriété. — Exposition de Rouen. — Réforme orthographique. — Les Anglais au Familistère. — Certificat d’études.— L’intervention sociale.— Préceptes et Aphorismes sociaux.
- — Faits politiques et sociaux de la semaine. — Congrès de la Haye. — Sommes nous en guerre?
- — Transport de forces. — Un Miracle. — Sans enfants.
- AVIS
- Le journal a Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, Vadministration fait présenter une quittance d’abonnement.
- RESPECT A LA PROPRIÉTÉ !
- Les socialistes n’ont aucun respect de la propriété ; ils sont des partageux ; ils veulent mettre les femmes en commun.
- On pourrait faire une longue kyrielle de griefs semblables, sans qu’il soit possible de savoir quel est le plus absurde,quel est le plus outrageusement menteur.
- Ces stupides accusations, inventées par les exploiteurs de privilèges,sont colportées par la masse ignorante avec un aveuglement qui égale l’audace des lanceurs'de ces méchantes élucubrations.
- Paysans, petits patrons, ouvriers qui avez économisé quelques sous, criez bien fort après ces gueux de partageux ! Et pendant ce temps vous serez affreusement détroussés, pillés, par ceux qui auront détourné votre attention de leurs coupables entreprises en vous lançant sur la piste des socialistes.
- Ne croyez pas que ce langage soit de la déclamation ; nous vous donnerons les preuves matérielles,irréfutables, de certaines spoliations uniquement supportées par les épargneurs les plus modestes et les plus méritants ; elles dépassent en fait toutes les exagérations que l’on a gratuitement attribuées aux pires socialistes dans les pires projets qu’on leur prête contre les classes riches.
- Voici des faits qu’on ne peut nous accuser d’avoir inventés, puisqu’ils sont tirés de la statistique publiée par le ministère des Finances dans le chapitre relatif aux ventes judiciaires :
- Importance des ventes jadidaii es (prix d’adjudication). Nombre total des ventes Montant moyen par vente d’adjudfcat. desfrais Moyenne des frai, par 100 fr. du prix non compris remise aux avoués, etc.
- 500 et moins 1.307 286 353 123 290/0
- 501 à 1.000 1.814 764 388 50 76
- 1.001 à 2.000 3.326 1.480 416 28 15
- 2 001 à 5.000 6.479 3,330 477 14 98
- 5.001 à 10.000 4.768 7.112 564 7 92
- plus de 10.000 6.608 43.602 979 2 29
- En considérant comme moyen l'exercice quia donné ces résultats, on doit conclure que, chaque année, en France, 1.307 individus ayant épargné 373.802 fr., soit chacun .286 fr., ont la totalité de leurs épargnes absorbée par les frais judiciaires et restent, en outre, débiteurs envers l’Etat de 23 0/0 de cette somme,
- Nos lois étant faites suivant l’inlérêt des capitalistes et non suivant les besoins des individus, les rigueurs de la loi sont progressivement atténuées à mesure qu’elles s’appliquent à des ventes plus élevées, sansjamais cesser d’être cruelles pour les malheureux.
- Dans le deuxième cas on a pris 703.032 fr.,un peu plus de 50 0/0 de leur épargne aux 48i4 citoyens qui avaient épargné 1.385.896 fr., soit 764 fr. chacun.
- Dans le troisième exemple, les 3.326 particuliers, qui possédaient 4.992.480 fr.à raison de 1 480fr. chacun, ont payé 1.386.942 fr. pour les frais judiciaires, un peu plus de 28 0/0.
- Mais s’agit-il de grosses fortunes, de sommes acquises par la spéculation, immédiatement le législateur propose le respect de la propriété et ne réclame plus qu’un droit de 2,29 0/0 au lieu de 123,29 0/0 comme cela arrive dans les ventes judiciaires au-dessous de 500 fr.
- Les épargnes, dont on dépouille si crânement les petits, sont incontestablement le fruit du travail; elles ont été généralement laborieusement acquises par de pauvres diables assez énergiques, soit pour se résigner au travail après les longues et pénibles journées d’atelier, soit pour se priver d’objets de première nécessité, afin de pouvoir économiser quelque chose d’un maigre salaire.
- Puis la vente judiciaire survient toujours apres un malheur qu’el e aggrave.
- Quelle cruelle ironie cette dépossession de gens malheureux par des législateurs, par des classes dirigeantes dont les porte-paroles ne cessent de déclamer sur le droit-inviolable de propriété, sur le caractère sacré de l’épargne de l’ouvrier et du paysan 1
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- LE DEVOIR
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- Et les produits de ces spoliations sont destinés à grassement entretenir des évêques, des préfets, des généraux et tant d’autres fonctionnaires parasites.
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- Nous venons de montrer comment, avec des lois sorties de la monarchie et soigneusement conservées par les classes dirigeantes de tous les autres partis, on pratique la spoliation permanente des petits épargneurs.
- Examinons quels sont les projets des socialistes.
- Messieurs Giard, Henry Maret, Laguerre, Tony Révillon ont déposé un projet d’hérédité de l’Etat aboutissant à l’organisation d’une Mutualité nationale, projet que la presse conservatrice a signalé aux petits épargneurs comme un attentat à la propriété et comme une des pires combinaisons de l’anarchie.
- Voici ce que demande ce projet, qui a toutes nos sympathies.
- L’article 2 dispense de tous droits de mutation les successions recueillies par les descendants en ligne directe, lorsqu’elles ne dépassent pas un capital de vingt mille francs.
- Les autres successions recueillies par un enfant unique, par les descendants bénéficiaires, par les collatéraux, par l’époux survivant, les libéralités testamentaires, les legs particuliers, universels ou à titre universel, sont à l’exclusion de tous autres droits, frappés d’une retenue progressive réglée ainsi qu’il suit :
- Au-dessous de deux mille francs décapitai i 0/0
- De deux mille à cinq mille.............3 —
- De cinq mille à dix mille..............5 —
- De dix mille à vingt mille.............7 —
- De vingt à cinquante mille.............10 —
- De cinquante mille à cent mille. ... 15 — De cent mille à cinq cent mille . . . . 20 — De cinq cent mille à un million. ... 30 —
- De un million à cinq millions..........40 —
- Au-dessus de cinq millions.............50 —
- On remarquera que ce projet ne réclame pas aux plus riches plus de 50 0[0, tandis que dans la pratique quotidienne actuelle les frais judiciaires dépassent la valeur des propriétés des petits épargneurs.
- Nous avons vu plus haut qu’une somme de 373.802 fr. possédée par 1.307 individus était insuffisante à payer le fisc; d’après le projet des socialistes, lorsqu’elle serait possédée par plus de 185 Personnes, c’est-à-dire par des gens ayant chacun
- moins de 2.000 francs, elle ne devrait pas payer plus de 1 0|0, soit 3.738 fr. pour la totalité ; lorsqu’elle serait la propriété de 37 particuliers, possédant chacun une moyenne de 10.000 fr., elle acquitterait un droit de 5 0i0,soitl8.690fr. qui,réparti entre les 37 possesseurs, ferait que chacun d’eux paierait 505 fr.; si elle était la propriété de trois possesseurs, chacun d’eux ayant 124.600 fr. aurait à supporter un droit d’hérédité de l’Etat de 20 0[0, soitàpayer une sommede25.920 fr.; enfin un citoyen possédant seul cette fortune de 373.000 fr. supporterait un droit d’hérédité de 76.000 fr.
- Lorsqu’on compare ces projets des socialistes à ce qui se fait maintenant, on est obligé de reconnaître qu’ils ont véritablement le respect du travail et de la propriété ; ils demandent très peu à ceux qui possèdent peu et qui ont beaucoup travaillé ; ils demandent davantage à ceux qui ont acquis beaucoup par le travail des autres.
- Dans les cas de grosses fortunes, la propriété provient en grande partie du fait d’avoir occuppé un grand nombre d’ouvriers, d’avoir été initié aux découvertes et aux connaissances théoriques et pratiques engendrées par la succession des générations, d’avoir pu utiliser les services publics, routes, canaux, chemins de fer, postes, télégraphes, etc., d’avoir opéré dans un milieu ayant besoin des produits qui ont servi à l’édification de ces fortunes. 11 est évident que ces faits qui ont une si grande influence sur la constitution des grosses fortunes sont la plupart indépendants de faction de celui qui en bénéficie ; il est donc juste que l’Etat, le représentant de ces intérêts divers, recouvre dans les fortunes acquises la part créée par ces divers concours. Mais pour maintenir l’excitation au travail, par respect de laliberté individuelle, les socialistes admettent que l’Etat ne doit faire ce recouvrement qu’après la mort de ceux qui ont su mettre à profit ces concours sociaux.
- Enfin, lorsque l’Etat a besoin d’argent doit-il le demander à ceux dont la propriété est certainement moindre que l’équivalent de leur travail, ou bien à ceux dont la fortune est en grande partie le fruit du travail des autres ?
- Les socialistes défendent cette dernière opinion.
- Et, lorsqu’ils proposent des projets comme celui que nous venons de résumer, ce n’est pas pour augmenter le nombre des sinécures et les traitements du parasitisme. Ils demandent que les produits de l’hérédité de l’État soient mis à la disposition des communes pour être administrés "par des comités locaux élus, en vue de constituer une Mutualité
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- LE DEVOIR
- nationale ayant mission de garantir aux familles malheureuses le minimum de subsistance, aux malades les soins médicaux-pharmaceutiques, aux vieillards,aux infirmes,les moyens d’existence.
- Le projet d’hérédité de l’État sera prochainement discuté devant le Parlement. On tâchera de faire le silence. Si on ne peut étouffer la discussion, les attaques mensongères et calomnienses contre jes défenseurs de ce projet vont être colportées avec plus de perfidie encore. Dans la presse, dans les réunions, dans la propagande, hostiles aux réformateurs, on se gardera de gémir sur le sort des pauvres millionnaires qui paieraient 40 0[0 pour soustraire à la misère les classes laborieuses qui ont édifié ces grosses fortunes; mais on dénoncera des tentatives imaginaires des socialistes contre la petite épargne ; on confondra les auteurs de ces sages propositions avec les derniers des énergu-mènes. On inventera toute sorte d’anathèmes et de malédictions contre les socialistes les plus modérés, que l’on présentera comme des gens prêts à confisquer la propriété des petits paysans et des ouvriers économes. Et ces malheureux, étourdis par tant de bruit, feront probablement chorus avec les classes dirigeantes qui les dépouillent audacieusement du fruit de leurs épargnes comme nous l’avons prouvé par l’analyse des frais des ventes judiciaires.
- Nous le répétons à ceux que fon va tenter d’ameuter de nouveau contre les socialistes ; ils ne trouveront rien dans les pires projets, mis à la charge des novateurs par les classes dirigeantes, de comparable à ces spoliations dont elles se rendent coupables, chaque jour, envers la petite épargne, dans tous les cas de vente judiciaire.
- Ceux qui trouvent le moyen de prendre aux petits la totalité de leur propriété et de les ameuter contre les socialistes qui réclament le respect de cette propriété, ces gens-là ont une grande puissance sur l’opinon publique pour l’égarer et la fausser de la sorte. Mais ce qui doit réjouir les calomniés et leur donner confiance en l’avenir, c’est que les sophistes, les prêtres et les économistes les plus machiavéliques n’ont pu mettre au compte des socialistes un projet aussi abominable que celui qui consiste à prendre aux gens tout ce qu’ils possèdent et à leur imposer, en outre, une dette de 23 %, après les avoir dépouillés.
- Lorsque nous opposons la corruption des classes dirigeantes aux idées généreuses et justes des réformateurs nous ne recourons pas à des hypothèses fausses ou malveillantes; nous prouvons
- simplement,par des faits,que l’on commet journellement des attentats contre la propriété des petits épargneurs, dépassant en injustice, en audace, les pires inventions que l’on ait pu mettre au compte des socialistes pour soulever la haine et le mépris de la masse contre les doctrines fécondes des réformateurs.
- EXPOSITION DE ROUEN
- L’Association du Familistère maintient sa haute réputation dans le milieu industriel. Ses produits exposés à Rouen ont obtenu un diplôme d’honneur.
- Réforme orthograppique
- Le congrès scolaire qui s’est réuni à Genève, le 6 et le 7 août 4884, et qui comptait environ neuf cents instituteurs de la Suisse française et des pays voisins, a voté, à l’unanimité, les conclusions d’un long rapport favorable à la réforme orthographique, conclusions dont voici le texte abrégé :
- 4° Une réforme partielle de l’orthographe française est désirable pour faire disparaître les irrégularités et les contradictions qui compliquent inutilement l’enseignement.
- 2° Il est désirable que cette réforme porte en tout premier lieu sur quelques uns des points signalés déjà par M. Firmin-Didot et dans le programme de la société néo-graphique Suisse et étrangère.
- 3° Une commission se mettra en relation avec toutes les sociétés françaises, suisses et belges, et usera de tous les moyens qui seront à sa portée pour amener un mouvement de l’opinion publique dans ce sens.
- Cette décision inattendue et toute spontanée démontre que le pnblic ne tardera pas à partager l’opinion du corps pédagogique sur l’urgence de cette réforme dont les avantages intellectuels, éducatifs et sociaux ne sauraient plus être mis en doute (1). Une entente des instituteurs, du comité central et de l’Institut genèvois amènera certainement ce résullat et le rendra plus prochain si l’on y ajoute la publication d’un journal néographique.
- (4) Voir la brochure intitulée les Cerveaux noirs, par le professeur Raoux, président de la société néographi<ïue Suisse et étrangère.
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- LES ANGLAIS AU FAMILISTÈRE
- jeudi 21 août, à 8 heures du soir, un groupe de coopérateurs anglais, fidèles à leur promesse, faisaient leur entrée au Familistère.
- Sur les onze attendus par nous, trois s’étaient trouvés empê:hés. Les huit arrivants étaient : MM.
- Edward Vansittart Neale, secrétaire général du bureau central de la fédération des sociétés coopératives.
- E.-O. Greening, membre du bureau central de la fédération des sociétés coopératives, et directeur de l’Association d’agriculture et d’horticulture.
- Joseph Greenwood, directeur de la société coopérative de Hebden Bridge, pour la fabrication du velours de coton.
- Harold Cox, laboureur et bachelier ès-arts, de « Jésus Collège », Cambridge.
- James Newby, membre de la société coopérative de consommation de Barrow.
- Mme James Newby.
- MM. ' “
- M.-C. Laws, membre du conseil d’éducation de la société de consommation de Battersea.
- R.-H. Icely, secrétaire de la société de consommation de Plaistow et West-Ham, à Londres.
- Venus surtout pour voir de leurs propres yeux l’habitation unitaire, son organisation domestique et le fonctionnement des services, les coopérateurs commencèrent, vendredi matin, par visiter en détail, des caves aux greniers, le nouvel édifice dont la construction s’achève en ce moment.
- Les proportions grandioses de ce bâtiment destiné à loger 142 familles (500 personnes environ), frappèrent nos visiteurs.
- Ce nouvel édifice diffère des autres corps de logis en un point important : la cour intérieure autour de laquelle tournent quatre étages de balcons n’est pas recouverte de vitrage. Le fondateur désire voir si les habitants préféreront dans la pratique ies cours ouvertes à celles garanties contre les intempéries.
- Le temps splendide dont nous jouissions lors de fa visite des coopérateurs anglais laissait voir la cour intérieure dans tout son avantage : l’air circulant à flots partout ; les murs, nuance crème, coupés de leurs galeries transversales, les toits aux tuile-; rose vif se détachant nettement et gaiement s°us l’azur du ciel.
- Les coopérateurs procédèrent à leur visite de la
- façon la plus complète. Ils virent que les logements sont constitués,selon la volonté des familles, de 2, 3, 5 pièces ou même davantage. Ils passèrent en revue et les cabinets de réserve pour le linge et les ustensiles de ménage dont chacun des logements est pourvu, et les cabinets aux balayures, et les fontainas, et les lieux d’aisances qui se trouvent à chaque étage, en nombre voulu.
- Les files de caves, de greniers numérotés et correspondant aux divers logements, furent aussi l’objet de leur attention.
- Ce premier aperçu des logements terminé, les coopérateurs passèrent à l’examen des services de l’enfance.
- La nourricerie avec ses cinquante enfants,joyeux, roses et babillards, les uns assis dans de petits fauteuils, les autres essayant leurs premiers pas appuyés aux barreaux de la pouponnière, ou se promenant sur le balcon qui contourne l’édifice, apparut comme un des compléments indispensables du palais social. La mère appelée au travail apporte là son enfant, et il trouve gratuitement les soins les plus intelligents, les plus dévoués et les plus contrôlés par les continuelles allées et venues des parents mêmes.
- L’usage du son pour le coucher des enfants frappa beaucoup les visiteurs qui constatèrent l’état constant de parfaite hygiène de la couche.
- Après la nourricerie, le pouponnât, les deux degrés d’école maternelle et les cinq classes d’école primaire où, d’année en année, jusqu’au moins 14 ans, les enfants, filles et garçons, sont répartis selon leur âge et leur degré de savoir arrêtèrent l’examen des coopérateurs.
- Le mobilier scolaire, les méthodes de lecture, de calcul, les musées pour leçons de choses usuelles, etc., etc., rien n’échappa à leur attention.
- Après le déjeuner, nos visiteurs se rendirent dans les magasins commerciaux du Familistère. Ils constatèrent le bon ordre des services, virent comment un certain nombre de femmes et de jeunes filles de la population trouvaient là, tout près du foyer famLial, un emploi rémunérateur.
- Puis ils se rendirent dans les jardins du palais social. Ils en admirèrent les plantations soignées et les points de vue. Le parfait état des choses, l’ordre et l’abondance des fleurs et des fruits témoignaient éloquemment de la bonne conduite de tous les membres de l’association, fpetits et grands, par qui ces jardins sont constamment parcourus.
- Nos visiteurs se rendirent ensuite à l’usine, passèrent dans tous les ateliers où leur venue excitait
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- LE DEVOIR
- l’attention sympathique des travailleurs, heureux de contempler des hommes partisans de l’émancipation des classes laborieuses, dévoués depuis des années à la solution des problèmes sociaux et qui n'avaient point reculé devant les fatigues d’un long voyage pour venir étudier, dans ses détails, la première association complète du capital et du travail.
- La présence de Madame-Newby ajoutait à l’intérêt de la scène. Elle était une preuve de plus de l’évolution qui s’accomplit dans les rangs féminins et qui, peu à peu, fera placer la femme, en tous pays civilisés, sur le pied de parfaite égalité civile et sociale avec l’homme.
- L’atelier du moulage mécanique avec ses merveilleux agencements, les ateliers de montage, d’émaillerie ; les magasins d’exposition, etc., etc., arrêtèrent tour à tour nos visiteurs.
- Revenus au Familistère,ils procédèrent à l’examen de la comptabilité sociale. M. Ed. Vansittart Neale et M. Greening,partisans convaincus du droit de la participation du travail aux bénéfices de la production et tous deux en possession de la langue française, s’attachèrent spécialement à cet examen dont ils communiquèrent ensuite les résultats à leurs collègues.
- Leur étude de la comptabilité sociale se compléta, le samedi matin, dans une nouvelle séance où ils relevèrent des notes sur les économies réalisées depuis quatre ans par des travailleurs membres de l’association à divers titres.
- La journée du vendredi fut couronnée,à 6 heures du soir, par une sérénade de la société musicale de l’association.Les Anglais furent très sensibles à ce témoignage de sympathie exprimé, en excellente musique,par environ 50 travailleurs.
- Logés dans le 'Familistère même, les coopérateurs étaient des mieux placés pour se rendre compte de l’habitation unitaire et de la valeur des services communs ; mais ils témoignèrent le désir d’entrer dans quelques logements, ce qui leur fut accordé de la meilleure grâce du monde par les habitants.
- Aux divers étages, depuis le rez-de-chaussée jusqu’au troisième et dans les trois édifices, nos visiteurs furent accueillis partout avec la plus aimable courtoisie. Les gens leur ouvraient toutes les chambres, les cabinets propres à chaque appartement et destinés à recevoir les uns le linge, les autres la vaisselle et les ustensiles de ménage. La scrupuleuse propreté, le bon agencement de toutes choses,la blancheur des rideaux ornés de dentelles, le confort des lits avec leurs oreillers et édredon
- recouverts de légers tissus ou de broderies, tout les pénétrait d’admiration. « Oh very nice! very nice ! » entendions-nous répéter à chaque instant.
- Les appareils de chauffage ou d’ameublement,les chauffe-fers, fabriqués par l’usine et dont les ménages offraient à domicile des échantillons entretenus avec le plus grand soin, faisaient dire à nos visiteurs que certainement ces produits se vendraient beaucoup en Angleterre, s’ils y étaient plus connus.
- Les coopérateurs quittèrent le Familistère le samedi après-midi,témoignant le plus vif contentement de tout ce qu’ils avaient vu, et emportant des notes pour rédiger le compte-rendu de leur étude.
- Si le principal organe des sociétés coopératives anglaises fédérées The coopérative News, de Manchester, oublie,comme nous l’espérons, ce compterendu, nous nous ferons un plaisir de le transmettre à nos lecteurs.
- Certificat d’Etudes
- Le certificat d’études primaires contiuue son mouvement ascendant, ainsi que le prouve le relevé comparatif suivant fait pour les années 1882 et 1883.
- 1882 1883
- Canditats garçons. . . . — filles .... 88.301 54.138 91.902 68.104
- Total. . , 142.439 160.006
- Diplômés garçons . . . — filles .... 53.157 37.997 60.115 46.945
- Total. . . 91.154 107.060 En 4882, les certificats obtenus représentaient 6.6 0[0 du nombre total des élèves de 11 ans et au-dessus inscrits dans les écoles primaires de toute nature, c’est-à-dire de la totalité
- de ceux qui sont aptes à, concourir.
- En 1883, les certificats obtenus représentent 7.8 0[0 de cette masse des candidats possibles.
- C’est donc un progrès de 1.2 0[0 sur l’année précédente
- L’INTERVENTION SOCIALE.
- Les capitaines Renard et Krebs, inventeurs des ballons dirigeables, comparaissent contradictoirement avec l’Economie politique devant le tribunal du Progrès.
- Le Progrès.-Economie politique,vous êtes accusée par les capitaines Renard et Krebs de professer des doctrines subversives sur la non intervention so-
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- ciale> et d’encourager par des manœuvres fraudu-jeUses et déloyales des doctrines tendant à entraver l’exercice de ma souveraineté.
- l’Economie. — Le pouvoir du Progrès ne peut prétendre restreindre la liberté individuelle, et mon action sur les hommes et les sociétés n’a d’autre objectif que de combattre les tentatives de contrainte exercées sur les individus par les particuliers ou par l’Etat.
- le capitaine Renard. — Tout cela est très beau, en paroles ; mais, si j’avais été abandonné à moi-même, ne possédant aucun capital, je ne serais jamais parvenu à collaborer fructueusement à une aussi grande découverte.
- le capitaine Krebs. — Mon cas est le même ; si l’État n’avait pas mis à notre disposition quelques parcelles des capitaux qu’il prélève, un peu par contrainte, sur les autres citoyens, nous n’aurions jamais pu exécuter les travaux d’études que nous faisons depuis plusieurs années à l’école d’aérostation de Meudon.
- l’Economie. — Si vous aviez sollicité les capitaux particuliers, vous auriez pu constituer une société anonyme, et exécuter vos plans sans qu’il eût été nécessaire de vous fournir des capitaux autoritairement soustraits à la destination ordinaire des impôts. L’appas des bénéfices probables n’aurait pas manqué d’attirer à votre entreprise des capitaux qui, en venant librement à vous, auraient acquis le droit de participer à la libre jouissance des fruits de vos travaux.
- Le capitaine Renard. — Vous oubliez que les capitaux individuels ne viennent jamais encourager les recherches, les études. Leur action la plus audacieuse consiste à s’emparer d’une découverte, assez avancée pour donner des résultats immédiats; et, s’ils acceptent de commanditer des chercheurs, ce n’est qu’au tant que ces chercheurs sont liés à poursuivre le perfectionnement d’une première œuvre déjà pratique.
- Le capitaine Krebs. — Lorsque nous avons commencé à jouir de la subvention sociale, nous ne pouvions, abandonnés à nos propres forces, pousser plus loin nos expériences ; et les résultats d’alors n’étaient pas assez probants pour fixer l’atten-hon des capitalistes ; nous étions impuissants sans 1 intervention sociale.
- Le Progrès. — Les motifs allégués par les capitaines Knbs et Renard sont rigoureusement vrais; ces inventeurs auraient pu,pour établir le bien fondé ûe leur plainte, déclarer que jamais aucun capitaliste individuel n’était venu s’offrir à eux.
- L’Economie. — Il n’en aurait pas été ainsi,si ces inventeurs avaient donné une grande publicité à un appel au crédit: La demande attire l’offre.
- Le Capitaine Renard. — Grande publicité, qu’il aurait fallu payer rirès cher, avec de l’argent que nous n’avions pas et qu’on ne nous aurait pas prêté 1
- L’Economie.—Maintenant, vous ne pourrez vous plaindre de manquer de publicité, tous les journaux ont longuement parlé de votre découverte, et, après deux ou trois expériences venant confirmer votre première démonstration, les capitaux afflueront de toute part vers vous ; car, je ne suppose pas que vous laissiez à l’Étal le droit de jouir tyranniquement du fruit de votre initiative individuelle et la faculté de régler, administrativement, dans quelle limite et comment vos contemporains et les générations futures bénéficieront de votre invention.Après tout,la directiondes.ballons résulte bien de vos efforts individuels, et ce qui est individuel dans son origine doit l’être dans sa destination.
- Le capitaine Krebs. — Je ne conteste pas la vérité de cet axiome, mais il s’agit de savoir si notre invention est d’origine individuelle.
- L’Economie. — Mais on a jamais dit que d’autres que vous aient concouru à la conception et à la direction des travaux exécutés à Meudon.
- Le capitaine Renard. — Gela est vrai ; mais il est certain que, si d’autres, avant nous, n’avaient longuement travaillé à la solution du problème de navigation aérienne, si l’art de construire les ballons n’avait atteint le niveau auquel nous l’avons trouvé, si la science de l’électricité n’était arrivée à la connaissance des accumulateurs,nous n’aurions pu exécuter notre œuvre qui dépassait notre conception sans ces moyens d’action révélés par de successives générations de chercheurs dont beaucoup sont morts à la peine.
- L’Economie. — Tous ces moyens accessoires,tous ces progrès antérieurs étaient à la disposition de tous; vous seuls, vous êtes montrés capables d’en tirer parti, et les résultats acquis doivent nécessairement rester votre propriété pour en jouir selon les termes de la loi.
- Le Progrès. — Si l’invention des capitaines Renard et Krebs était leur propriété exclusive, ces citoyens ne pourraient la faire fonctionner selon les besoins généraux ; ils devraient recourir à des capitalistes, qui n’accepteraient cette entreprise que d’autant qu’ils pourraient conserver la liberté d’en fixer à leur guise les applications, et qui su-
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- bord orneraient la vulgarisation de ces procédés aux chances de bénéfices dont ils resteraient les libres appréciateurs; il est préférable que l’État récompense dignement et généreusement les inventeurs et que la navigation aérienne revienne au domaine public, l’État laissant aux particuliers le soin de l’exploiter là où ils seront capables d’en maintenir les applications proportionnellement aux besoins généraux, en l’organisant lui-même dans les centres où l’initiative individuelle se montrera incapable de satisfaire le public. Et,dans un cas comme dans l’autre, les conditions de ces entreprises privées ou nationales doivent être réglées de telle sorte que la société recouvre au profit de tous une rémunération proportionnée aux divers concours tirés du domaine public.
- Le capitaine Krebs.— L’État, intervenant comme représentant des services puisés dans le domaine public, se procurerait des ressources pour remplacer par des revenus nationaux les impôts prélevés sur le travail des classes laborieuses.
- Le Progrès. — Il est évident que les théories prônées par l’Economie politique, si elles avaient prévalu, auraient paralysé le génie inventif des capitaines Krebs et Renard, comme elles auraient privé l’humanité des belles découvertes du grand Pasteur. Mais, les subventions sociales accordées à Pasteur, et aux requérants eux-mêmes, étant la preuve que les théories de l’Economie politique n’ont pas une influence capable d’entraîner les hommes réfléchis à des pratiques contraires à notre action bienfaisante, il y a lieu de considérer comme inoffensives les doctrines de l'Economie politique, dont l’action néfaste peut à l’occasion prouver la faiblesse du raisonnement de ceux qui les acceptent.
- Nous jugeons qu’il n’y a pas lieu de sévir contre l’Economie politique, que nous considérons ne pas sortir du domaine des fantaisies individuelles inoffensives, et nous encourageons les capitaines Renard et Krebs à persévérer dans leurs fécondes recherches, en souhaitant que l’État ne leur ménage ni les subventions ni les récompenses.
- L’Economie. — Vous nous conduisez au socialisme d'Etat, au communisme, dont on fait éclatante justice, les directeurs de 1 ''Economiste, de l'Economiste français, les professeurs au Collège de France, lés membres de l’Institut, les académiciens de l’Académie des sciences morales et politiques !
- Le Progrès. — L’affaire est entendue. Allez-vous asseoir.
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- LII
- Les garanties nécessaires à la vie humaine
- Les premières garanties, dues à l’existence humaine, sont la nourriture, le vêtement, le logement l’instruction et les moyens de travailler ; avec ces garanties le citoyen pourra toujours être utile à lui-même et a la société. Tous les autres droits sociaux et politiques sont illusoires, si le citoyen est privé de ces premières satisfactions nécesaires à la vie humaine.
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- La guerre avec la Chine. — Nos soldats vont encore une fois se couvrir de gloire, et nos généraux mériter les lauriers de la victoire. Leurs premiers succès sont éclatants. Ils s’étaient déjà grandement illustrés par les massacres de Pavillons-Noirs. Rien ne manquera plus à leur gloire, ils ont détruit la flotte chinoise et brûlé l’arsenal de Fou-Tcheou.
- Le programme de la politique coloniale s’accomplit d’une manière parfaite. Ouvrir la Chine au commerce c’était quelque chose; mais, une fois familiarisés avec les européens, les chinois ayant marine, arsenaux, chantiers de construction, pouvaient avoir envie de transporter les marchandises d’exportation et d’importation. Pour rendre complète l’action de la civilisation européenne et libre l’emploi de tous ses moyens, on continuera la guerre jusqu’à ce que l’on ait détruit les bateaux, les ports, les chantiers des Chinois qui, alors, goûteront les bienfaits de la paix dosés par la nation la plus éclairée du monde.
- On comprend que tant de succès devaient susciter la jalousie des autres grands peuples de l’Europe non moins éclairés que notre France lumineuse. Les Anglais surtout sont profondément émus par l’inhumanité des soldats français ; leurs journaux s’attendrissent sur les malheurs des fils du Céleste-Em-pire avec autant de générosité qu’en eurent les feuilles françaises à l’égard des bombardés d’Alexandrie. Les larmes humanitaires que pleure la presse allemande ressemblent à s’y méprendre à celles que versèrent à torrent les feuilles mos-covistes, lorsque les allemands bombardaient la cathédrale de Strasbourg. Les peuples de notre époque sous la poussée de leurs dirigeants ont des attendrissements dont l’histoire devra conserver un profond souvenir.
- Que les cœurs passionnés pour notre gloire militaire, que les patriotes se réjouissent ! Que les chantres de la victoire s’apprêtent ! Notre armée, qui a déjà moissonné tant de lauriers, n’a pas encore commencé la guerre ! Dès que les Chambres auront déclaré que la paix est rompue avec la Chine, les ports, les villes qui auront résisté pendant la période des représailles, s’écrouleront à la vue des panaches de nos généraux comme autrefois, de biblique mémoire, s’effondra la vme de Jéricho.
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- A ce moment solennel de la déclaration de guerre tous les cœurs des parlementaires vibreront à l’unisson. On n’entendra aucune protestation, On verra les adversaires les plus acharnés du gouvernement déclarer que l’honneur français, le drapeau de la France, l’avenir de l’armée commandent à tous de ne rien dire et de ne rien entreprendre qui puisse obscurcir la gloire nationale que vont illuminer les prochaines victoires de nos soldais.
- Les chefs des divers groupes opposants, dans une tenue sévère, se succéderont gravement à la tribune, les yeux élevés vers le ciel, pour annoncer au pays par une sobre déclaration qu’ils partagent les sentiments des plus enthousiastes.
- Plus rien ne retiendra nos vaillants généraux, et, avec le glaive, la mitraille et la torche, ils écriront une page d’histoire qui fera suite à celle retraçant les exploits des Changarnier, des Bugeaud, des Chanzy, des Bazaine présidant aux razzias et aux sacs des villages arabes, après les victoires,sur des hordes désordonnées et sans armes, des soldats français disciplinés et parfaitement armés ; ils seront les dignes émules de ceux qui s’illustrèrent en Algérie; s’ils ne font pas enfumer des chinois, c’est que ceux-ci plus prudents que des Bédouins éviteront de se cacher dans des cavernes.
- Il était temps qu’on ouvrit ces nouveaux horizons à notre vaillante armée Le peuple toujours faible et sentimental se laissait entraîner par des énergumènes à chercher sa gloire dans la réhabilitation des travailleurs méconnus. On venait d’entendre un député proclamer à Besançon, que l’airain et le marbre devaient perpétuer le souvenir des Palassy, des Joutfroy, des Jacquart et d’un tas d’autres utopistes qui,au lieu de s’adonner aux vertus héroïques de la “destruction de leurs semblables, s’étaient attardés à la recherche des moyens pratiques démultiplier et de mieux utiliser les efforts de l’homme.
- Enfin, la société a trouvé des sauveurs disposés à réagir virilement et glorieusement contre ces symptômes de décadence. Bientôt, notre gloire militaire resplendira d’un nouvel éclat, et une éternelle immortalité sera acquise aux vain-qneurs des Kabyles, des Bédouins, des Kroumirs, des Hovas, des Chinois.
- * *
- La réforme consulaire. — Au ministère du commerce on commence à se préoccuper de la crise industrielle que nous traversons. Le gouvernement cherche à venir en aide à l’initiative privée qui se manifeste plus active, plus éclairée de jour en jour.
- On exigera à l’avenir de nos consuls des connaissances commerciales. Ils seront maintenus le plus longtemps possible dans le même poste ; le nombre de ces postes sera augmenté.
- Tous nos consuls seront forcés d’installer dans une salle du consulat une exposition permanente des produits manufacturés et autres de la région où ils habitent. Des bourses de voyage à l’étranger seront créées en faveur des lauréats des écoles commerciales. Les élèves compléteront ainsi leur éducation théorique par l’étude sur place des procédés commerciaux, des méthodes de vente et des systèmes de crédit employés chez nos concurrents.
- Cette création est, du reste, subordonnée au vote d’un crédit par les Chambres.
- Voilà comment, malgré les utopies des économistes, malgré
- la déclamation des politiciens sur la puissance de l’initiative individuelle, l’Etat met insensiblement son action collective au service des intérêts égoïstes. Mais on avance si vite dans cette voie, que l’on s’apercevra tout d’un coup de cette substitution de l’intervention sociale à l’impuissance individuelle, et que Fon réclamera le retour des bénéfices à ceux qui disposent des moyens de les cueillir.
- * *
- Emancipation de la femme. — Dans un récent article du Rappel, M. Vacquerie s’est prononcé pour le principe de l’émancipation de la femme. L’éminent directeur du Rappel considère la femme comme en proie à un état de sujétion dont il faut la débarrasser ; il s’exprime ainsi : « L’état de sujétion est un état mou et lâche auquel on tient par habitude et hébétude, et le premier mouvement est de reculer devant la liberté, c’est-à-dire devant la responsabilité. Mais ce n’est pas une raison pour perpétuer la servitude, il faut affranchir les esclaves et les femmes même de force. »
- Après cette vaillante déclaration, M. Vacquerie semble accorder un certain crédit à l’objection tirée du pouvoir des prêtres sur la femme. Nous pensons que cet argument n’est pas suffisant pour retarder d’une seconde le moment de l’émancipation de la femme. Cette influence du cléricalisme s'exerce aujourd’hui sur le mari par l’intermédiaire de l’épouse ; une action directe serait préférable. Cette dernière provoquerait bientôt, de la part des hommes délivrés des servitudes cléricales, une telle explosion que le cléricalisme, attaqué de front dans son dernier retranchement, la femme, serait bientôt réduit à ne plus compter que ses prêtres.
- Les femmes ne sont pas responsables de la domination des prêtres; le budget des cultes, le véritable levier du cléricalisme, est voté par les hommes. Que l’on donne immédiatement 4 la femme son émancipation politique, et l’on aura bientôt son émancipation religieuse.
- I! arrivera pour les femmes ce qui est arrivé pour les hommes; la masse masculine était moins libérée du pouvoir des prêtres , lorsqu’on a donné le suffrage aux hommes, que l’est actuellement l’ensemble des femmes.
- * *
- Le Ballon dirigeable.-— On commence à posséder sur les conditions dans lesquelles s’est effectuée l’expérience du 9 août des renseignements un peu plus précis. M. de Par-ville donne sur ce sujet une série de détails intéressants, dans le Journal des Débats.
- Voici d’abord les dimensions exactes de l’aérostat :
- Longueur.......................... 50 m. 42
- Diamètre........................... 8 m. 50
- Volume......................... 1.864 m. 00
- Largeur............................ 1 m. 40
- Le travail moteur nécessaire avait été déterminé, en partant des données posées par Dupuy de Lôme et sensiblement vérifiées dans l’expérience de février 1872. On est arrivé ainsi à trouver que, pour imprimer au ballon une vitesse de 8 à 6 mètres par seconde, il fallait un travail de traction utile de 5 chevaux de 75 kilogrammètres ; et le double,soit 10 chevaux, en évaluant à 50 0[0 le travail absorbé par l’hélice et la machine motrice.
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- Le générateur de force motrice estime pile électrique ; elle est divisée en quatre sections pouvant être groupées en surface ou en tension de trois manières différentes. Son poids par cheval-heure est de 19 kilog. 350 grammes.
- Dans quelques expériences préalables, pour mesurer la traction sur point fixe dont était susceptible le moteur, on a noté un effort de 60 kilog. pour un travail électrique de 840 kilogrammètres et pour 46 tours d’hélice par minute.
- On avait déjà fait deux sorties préliminaires avant le 9 août pour connaître la puissance de giration de l’appareil; le ballon, bien équilibré, avait été maintenu à 50 mètres au-dessus du sol.
- Le ballon et l’appareil tout entier pèsent au total 2.000 kilogrammes, y compris le poids des deux aéronautes, évalué à 140 kilog., et 214 kilog. de lest.
- L’enveloppe du ballon même pèse 369 kilog., la chemise et le filet 127, la nacelle complète 452, le gouvernail 46, l’hélice 41, la machine 98, le bâtis et les engrenages 47, l’arbre et le moteur 30,5, enfin la pile et les instruments divers 435,5.
- Dans l’expérience du 9 août, le chemin parcouru mesuré sur le sol a été de 7 kil. 600 mètres. Le temps du parcours a été de 23 minutes, ce qui correspond à une vitesse moyenne de 5 m. 50 par seconde.
- La vitesse du vent était à peu près nulle, mais on n’a employé que 32 éléments de pile et la force électrique dépensée n’a été que d’un peu plus de 3 chevaux, donnant une force de traction réellement utilisée d’un peu plus d’un cheval et demi, alors que la machine peut en donner réellement 8 1[2.
- On voit donc que, dans cette première expérience, on a été bien loin do se servir de toute la force que le moteur peut développer. Et il est permis d’espérer que, dans les prochains essais, même si les circonstances extérieures sont moins favorables, les aéronautes pourront obtenir des résultats plus concluants encore, en faisant usage de tous les moyens d’action.
- * *
- L’invasion du blé. - Les cultures ont une tendance à se spécialiser dans les divers pays. Ce mouvement, qui serait un bienfait, si l’humanité savait harmoniser son mécanisme politique avec les faits d’ordre économique, pourrait avoir de graves conséquences s’il survenait quelqu’impor-tante conflagration entre les peuples. Tout ce que pourront faire les protectionnistes pour réagir contre cette marrbe du progrès sera effort inutile ; plus ils accumuleront de barrières, plus le progrès saura en détruire, jusqu’à ce qu’ils comprennent que l’organisation sociale du siècle de la science, de la vapeur, de l’électricité, doit être autre que celle qui convenait en époque d’ignorance et de travail purement manuel. Parions que nos grands politiques ne sauront trouver mieux qu’une nouvelle loi protectionniste pour soustraire nos propriétaires aux effets de la concurrence dans la production des céréales. Voici l’état de la question :
- On prévoit que la récolte du blé aux États-Uuis atteindra bientôt 200 millions d’hectolitres. Ce produit, transporté sur les chemins de fer américains à des tarifs qui descendent quelquefois jusqu’à 1 centime par kilomètre ne supporte qu’un fret modique pour traverser l’Océan.
- D’autre part les blés australiens arrivent sur nos marchés
- avec une baisse de 1 fr. par hectolitre sur le prix des blés indigènes.
- Nous donnons le relevé de notre production et de nos importations pendant troisaunées.
- Récoltes en
- 1880 99.000.000 d’hectolitres.
- 1881 96.000.000 —
- 1882 122.000.000 —
- Quintaux de blé importé en
- 1881 12 852.000 quintaux.
- 1882 12 946 000 -
- 1883 10.081.000 —
- Pour ces trois années, la valeur totale des blés achetés hors de France a atteint 1 milliard 100 millions de francs, et on ne saurait soutenir que, depuis 1880, nous subissions des disettes. On ne s’est pas trouvé en présence de déficits exigeant qu’on demande à tous prix de vastes approvisionnements aux marchés lointains.
- Il y aurait à déduire du montant des importations les quantités que notre commerce a exportées, mais elles ont été minimes. En opérant cette déduction, la valeur nette et définitive du blé importé a représenté encore bien près de 1 milliard de francs.
- CONGRÈS DE LA HAYE
- Le congrès international d’hygiène et de démographie de La Haye réunit près de 500 membres, parmi lesquels la France compte un grand nombre de représentants. M. Pasteur est revenu trop fatigué de Copenhague pour pouvoir prendre part aux travaux. Tous les pays sont représentés au congrès, jusqu’aux plus petits Etats de l’Europe et de l’Amérique. Les discussions ont lieu en français que la plupart des délégués parlent très correctement.
- M. de Beaufort a insisté particulièrement sur les rapports de l’hygiène avec la politique et surtout avec le problème de la liberté individuelle. L’orateur a constaté qu’il était souvent nécessaire de ne pas tenir compte de cette liberté individuelle lorsque l’Etat adoptait des mesures sanitaires en vue de l’intérêt général. Il est certain que depuis quelques années les idées sur ce point se modifient profondément chez toutes les nations modernes, même les plus hostiles à l’extension du rôle de l’Etat, comme l’Angleterre et la Hollande. Autrefois les peuples subissaient passivement les épidémies les plus meuçtrières comme des maux inévitables, parfois même ils les regardaient comme des punitions du ciel contre lesquelles il eut été impie de se révolter. Aujourd’hui la science leur inspire des idées de résistance, et c’est l’Etat qu’ils chargent de l’organiser. De là pour les geuvernements une série d’obligations qui deviennent parfois fort
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- dures, depuis la vaccination obligatoire jusqu’aux quarantaines. Ce sera un problème politique nouveau que de concilier avec la liberté individuelle les exigences sans cesse croissantes et d’ailleurs fort légitimes de l’hygiène publique.
- Cette grosse question des quarantaines, qui est vraiment la question du moment, a été soulevée, dès la première séance, par le projet d’un professeur de Bruxelles, M.Vanden Corput, qui demande l’organisation d’une ligue médicale internationale ayant pour but de s’instruire mutuellement de la naissance et de la marche des épidémies, et de provoquer les mesures les plus propres à en limiter le développement. Ce sont nos compatriotes, MM. Brouardel, Proust, Kochard et Alglave, qui ont pris la plus grande part à cette discussion.
- La proposition de M. Van den Corput était soutenue énergiquement par l’un des médecins les plus éminents de Bruxelles, M. Crocq, qui tient également une place importante dans le parti libéral belge. M. Crocq nous a exposé à cette occasion l’organisation sanitaire de son pays, qui est certainement supérieure à celle de la France. Il y a en Belgique comme chez nous un conseil supérieur d’hygiène ; mais, à la différence du nôtre, il possède des moyens d’action sérieux dans la hiérarchie sanitaire dont il forme la tête. Cette hiérarchie comprend des commissions provinciales auxquelles sont subordonnées des commissions locales dans toutes les villes un peu importantes. Dans les localités qui ne possèdent pas d’éléments suffisants pour la formation d’une commission locale, le gouvernement nomme des correspondants de la commission provinciale chargés de la renseigner sur tous les faits intéressant l’hvgiènequise produisent dans son ressort. A l’aide de ce réseau couvrant le pays tout entier, le conseil supérieur d’hygiène de Belgique reçoit des informations rapides et complètes qui lui permettent de suggérer en temps utile les mesures convenables. M. Crocq voudrait affilier entre eux les conseils supérieurs d’hygiène de tous les pays et constituer ainsi un conseil international! d’hygiène qui constituerait la ligue réclamée par son collègue Van den Corput.
- Fort bien, répond M. Proust ; mais, pour que ce conseil international soit efficace, il faudrait lui reconnaître le droit de donner des ordres dans tous les pays du monde, ce qui est un rêve ; chaque gouvernement n’en fera qu’à sa tête. Pour obtenir une action réelle, par exemple des mesures qua-rantenaires bien ordonnées, il faut des traités internationaux par lesquels les gouvernements se
- lieraient d’avance, et le seul moyen d’obtenir ces traités internationaux, c’est de réunir une conférence formée de délégués de tous les gouvernements.
- M. Alglave, au contraire, ne croit pas que cette méthode ait grande chance d’aboutir. Dans une conférence diplomatique, il faut l’unanimité des puissances pour obtenir un résultat international obligatoire, et on peut bien prévoir qu’il se trouverait toujours un Etat opposant à chaque mesure qui léserait tel ou tel intérêt commercial ou industriel. L’Angleterre, par exemple, ferait écarter ainsi presque toutes les mesures de quarantaines maritimes en Europe.
- D’un autre côté, les hommes de science délégués à ces conférences diplomatiques sur l’hygiène n’auraient même pas la liberté de leur parole, car ils seraient liés par les instructions de leurs gouvernements. M. Alglave propose donc pour rédiger le code sanitaire international l’organisation d’un institut international qui aurait le caractère d’une académie purement scientifique, mais où toutes les nations seraient représentées dans les proportions réglées d’avance, de sorte que l’impartialité de cet institut d’hygiène ne puisse pas être suspectée dans les décisions touchant aux intérêts commerciaux ou politiques de telle ou telle nation. Les décisions d’un institut ainsi composé n’exigeraient plus l’unanimité, comme les décisions d’une conférences diplomatique, et tous les membres y auraient la liberté de leurs convictions scienlifiques, lors même qu’elles seraient en contradiction avec les intérêts ou les préjugés de leurs gouvernements.
- Sans doute, les lois de l’institut international d’hygiène proposé par M. Alglave n’auraient qu’une autorité scientifique ; mais l’exemple de la convention de Genève pour la protection des blessés en temps de guerre montre qu’elles pourraient s’imposer ainsi assez vite à tous les gouvernements ; la peur aidant, il se trouverait même en Angleterre des sociétés qui modifieraient l’opinion fit exerceraient une pression sur le gouvernement quand elles auraient pour thème les actes précis d’une autorité scientifique internationale indiscutée, actes promulgués dans toutes les chaires d’hygiène du monde et avec la participation des chefs des services sanitaires de tous les pays. M. Rochard n’est pas, malgré tout, convaincu de l’autorité pratique d’un corps purement scientifique, bien qu’il ne se fasse pas d’illusions sur les difficultés énormes d’un accord diplomatique accepté par l’Angleterre ; mais il n’en
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- réclame pas moins en faveur d’un Gode sanitaire international. M. Brouardel, au contraire, se range à l’avis de M. Alglave. Sur la proposition de M. Proust, le congrès vote le principe d’un Code sanitaire international, en réservant la question du procédé de rédaction, qui pourra faire l’objet d’un débat postérieur.
- N’oublions pas de mentionner en finissant que tous les orateurs t.ans exception ont saisi l’occasion de proclamer la complète inutilité et même le caractère nuisible des quarantaines terrestres, ainsi que des mesures de désinfection multipliées depuis deux mois avec un véritable affolement.
- SOMMES NOUS EN GUERRE?
- M. BIum,duPappe?, traite cette question de la manière suivante, la seule permise après les étonnants procédés de la politique du gouvernement. Nous laissons la parole à l’écrivain du Rappel :
- — Nous voilà donc en guerre avec la Chine !
- — Permettez ! j’ai à vous faire remarquer que nous ne pouvons pa-^ être en guerre avec la Chine; la Constitution s’y oppose.
- — Comment, la Constitution ?
- — Evidemment. La Constitution dit qu’aucune guerre ne pourra être déclarée sans l’assentiment des Chambres. Or, les Chambres n’ont pas donné leur assentiment.
- — Alors, nous ne sommes pas en guerre ?
- — En aucune façon. Seulement notre ambassadeur à Pékin a reçu ses passeports. L’ambassadeur chinois a demandé les siens ici ; nous allons bombarder les ports du Céleste-Empire ; les soldats du Céleste-Empire vont essayer de nous tuer du monde. 11 y aura des batailles, une campagne complète ; nous dépenserons de l’argent, des hommes; des diplomates seront décorés.
- — Mais ce ne sera pas la guerre ?
- — Absolument non ! Ce seront simplement des hostilités ouvertes. Nous avons un cabinet qui ne veut pas faire des choses illégales.
- — Il a bien raison.
- — Pas de responsabilité, telle est sa devise. Ah ! le jour où les deux Chambres l’autoriseront à déclarer la guerre à la Chine ! Ce jour-là, il mettra toutes voiles dehors !
- — A la bonne heure !
- — Notre ambassadeur à Pékin demandera ses passeports, on donnera les siens à l’ambassadeur chinois d’ici, on bombardera les ports du Céleste-Empire, on laissera les soldats tirer sur nos troupes, mais on ripostera fortement, on livrera des batailles, on organisera une campa-
- gne complète, on dépensera tout l’argent qu’il faudra pour remporter la victoire, on décorera des diplomates.
- — Ce sera la guerre dans toute son horreur et toute son ampleur.
- — Oui, mais le pays n’aura rien à objecter et le ministère n’aura rien à se reprocher, la Constitution aura été obéie, puisque les Chambres auront été consultées et auront donné leur acquiescement.
- — Nous serons alors en pleine légalité.
- — Tandis qu’aujourd’hui nous n’y serions pas, et le ministère n’est pas assez fou pour se risquer à ce jeu là.
- — Alors nous bataillons en ce momentavec la Chine...
- — Mais nous ne sommes pas en guerre avec elle.
- — Nous bombardons ses ports.
- — Mais c’est officieusement.
- — Nous lui tuons ses soldats.
- — C’est en marge.
- — Notre ambassadeur a quitté Pékin.
- — Mais ses passeports ne sont pas sur papier timbré.
- — Eh bien ? monsieur, j’aime mieux ça. C’est ce que j’oserai appeler une situation régulière.
- — J’allais le dire avant vous.
- Le Transport des Forces
- M. Reynier, ingénieur électricien, qui s’est fait une spécialité du problème de l’emploi industriel des piles secondaires, portait le sujet ces jours-ci devant la Société des ingénieurs civils. Après avoir traité de l’application des accumulateurs à la télégraphie et à la téléphonie, à la régularisation du courant des machines, à l’éclairage, à la traction, à la distribution de l’énergie, l’auteur s’occupe plus spécialement du transfert de celui-ci et c’est de l’utilisation des forces naturelles qu’il s’agit.
- Il fait remarquer avec raison que le transport sans accumulateurs ou direct qui,à première vue,étant plus simple paraît devoir être plus avantageux, n’utilise que pendant les heures de travail la force exploitée, soit en moyenne pendant 3,000 heures par an,tandis qu'avec les accumulateurs la force peut être captée sans interruption, e’est-à-dire pendant 8,760 heures.
- Blncore s’agit-il là d’une force supposée régulière et continue. Est-elle irrégulière ? le transport direct n’utilise que son travail minimum, tandis que les accumulateurs permettraient d’utiliser son travail moyen. Est-elle intermittente? Tandis que le transport direct n’en peut guère tirer parti, avec les accumulateurs son exploitation ne rencontre plus de difficultés.
- L’emploi des accumulateurs ainsi recommandé, la question du mode se pose. Les chargera-t-on près de la force exploitée? Us chargera-t-on plus ou moins loin de cette force au moyen
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- de câbles ou conducteurs ? M. Reynier se prononce pour le premier mode. Quoique le voiturage des énergies actuelles dans les accumulateurs ait donné lieu à bien des plaisanteries, il n’e-t pas plus bizarre que le transport de l'énergie fossile livrée sous forme de houille ; la remarque est de l’auteur ; elle est juste ;il faut faire observer, toutefois, que la forme sous laquelle l’énergie fossile se présente à nous, et qui en rend le voiturage nécessaire, n’est pas de notre choix. M. Reynier convient, d’ailleurs, que le transport industriel des batteries secondaires comporte certaines difficultés.Mais le transport par câble en soulève de bien plus graves, en ce qu’elles ne sont pas d’ordre technique et que tout l’art de l’ingénieur est sans prise aucune sur elles. Mais iei, laissons parler notre physicien :
- « Pour poser des câbles en pays civilisés, il faut traverser des propriétés particulières et des propriétés collectives ; on rencontre des municipalités ; on rencontre l’État ! (c’est M. Reynier qui souligne). Les conséquences d’une rencontre aussi fâcheuse sont, hélas ! trop faciles à prévoir .... Le désir de soustraire les voyages de l’Énergie à des influences trop tutélaires contribue à me faire préférer le transport des batteries toutes les fois qu’il sera praticable. »
- Nonobstant, à Colchester,en Essex, à vingt lieues de Londres, les piles secondaires, dont l'emploi comme adjuvant des câbles présente des difficultés signalées par le précédent électricien, viennent d’être associées à ces câbles dans un essai de distribution de lumière électrique réalisé par la compagnie South Eastern Brush Electric ligkt and Power. Dans cette installation pleine d’intérêt, l’électricité est distribuée à domicile exactement comme le gaz, réserve faite de la spécialité des conducteurs. Nous avons toujours pensé qu’une pareille distribution de l’électricité est la condition sine qua non d’un emploi domestique universel de cette force qui doit arriver toute faite au consommateur.
- Dans Curver Street est la station centrale ou mieux l’usine où se fabrique la force au moyen de deux dynamos Brush, actionnés par une machine à vapeur de 25 chevaux et reliés en quantité.
- À cette même usine et dans les stations auxiliaires de Head Street et de High Street sont des batteries d’accumulateurs que le courant, engendré comme on vient de le dire, sert à charger.
- A leur tour, ces batteries ainsi chargées fournissent aux abonnés la matière de l’éclairage électrique.
- Des machines génératrices (station centrale) aux batteries secondaires, de Head Street et de High Street, la distribution de l’électricité se fait par le moyen de fils d’un faible diamètre logés sous les trottoirs, dans des conduits en briques, larges de 18 à 25 centimètres et d’un accès facile.
- Un certain nombre de maisons et de boutiques, l’hôtel de ville, le restaurant de l’hotel du Lion-Rouge, sont déjà éclairés de la sorte. La lampe revient à moins de six centimes par heure.
- UN MIRACLE
- Miracle — selon d’antiques croyances et leur vocabulaire démodé — miracle accompli par M. le docteur Charcot.
- Une jeune fille est depuis six mois paralysée des membres inférieurs.
- Dès sa première visite, sérieusement, gravement : « Levez-vous », dit le docteur. Et elle sort de son lit. « Tenez-vous debout... Marchez... Courez... Dansez...» Et, à mesure qu’il l’ordonne, elle le fait.
- Le rapprochement avec ce passage de l’Evangile, selon saint Mathieu, s’opérera de lui-même dans l’esprit des lecteurs.
- « Et on lui présenta un paralytique couché sur son lit ; et Jésus voyant la foi de ces gens là dit au paralytique : Prends courage, fils, tes péchés te sont pardoiinés. j
- » Là dessus quelques scribes disaient en eux-mêmes : cet homme blasphème.
- » Mais Jésus connaissant leurs pensées,leur dit : Pourquoi avez-vous de mauvaises pensées dans vos cœurs ?
- » Car lequel est le plus aisé de dire : Tes péchés te sont pardonnés; ou de dire : Lève-toi et marche?
- » Or, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a autorité sur la terre de pardonner les péchés : Lève-toi, dit-il alors au paralytique, charge-toi de ton lit, et t’en va dans ta maison.
- » Et il se leva, et s’en alla dans sa maison.
- » Ce que le peuple ayant vu, il fut rempli d’admiration, et il glorifia Dieu d’avoir donné un tel pouvoir aux hommes, »
- La science au point de vue où nous en sommes, ne permet pas plus de contester la réalité de ces choses-là, que d’y voir rien de surnaturel; ceux qu’elle inspire en faisant de pareilles tous les jours.
- Ce n’étaient, dès lors, comme aujourd’hui, qu’effets naturels de l’influence de l’âme sur le corps, ou, comme on dit encore, du moral sur le physique; influence qui, connue et attestée de tout temps, commence à être étudiée expérimentalement et nous transporte du premier coup en plein merveilleux réel.
- Dans le cas médical cité en commençant, c’est la confiance dans un médecin renommé qui dispose l’esprit d’un jeune malade à exercer sur l’organisme son action souveraine et curative. Le phénomène n’est il pas exactement le même dans le cas du récit traditionnel, avec cette seule différence que le sujet y met sa confiance dans un prophète et non plus dans un médecin ? Selon les idées du temps, la foi aura son fondement dans un caractère divin attribué à l’opérateur ou dans l’autorité scientifique de ce dernier: mais ce sera toniours la foi, c’est-
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- à dire un état de l’âme dans lequel son autorité sur l’organisme se manifeste avec une intensité et un éclat extraordinaires. L’effet, son jorocessus, sa cause, sont exactement les mêmes dans les deux cas ; preuve, pour le dire en passant à ces détracteurs de la science qui forment comme la petite monnaie de de Maistre, qu’en délaissant pour la science leurs anciennes illusions les hommes ne perdent pas au change.
- Victor MEUNIER, (Rappel). ----------—------------------------
- SANS ^ENFANTS
- I.
- Si vous parcourez quelquefois d’un coup d’œil la quatrième page des journaux, plus intéressante qu’on ne le croit généralement, sous l’apparente sécheresse des annonces, si surtout, vous ouvrez parfois les Petites Affiches, vous serez certainement frappé d’y trouver à chaque instant la formule suivante :
- « Un homme et une femme, sans enfants, désirent se mettre concierges.. »
- « On demande un homme et une femme, sans enfants, pour servir dans un château..»
- Etc., etc.
- Il semble, en un mot, qu’à notre époque, ces deux mots, sans enfants, soient une clef magique, qui ouvre toutes les portes.
- Un matin du mois de septembre dernier, François Champion, frotteur de son état, et sa femmme, étaient assis depuis quelques instants à table, devant un plat fumant de pommes de terre. C’était au cinquième étage d’une maison du boulevard de Clichy, dans une de ces grandes pièces qui remplacent tant bien que mal pour les ménages d’ouvriers un appartement complet. Les modestes meubles en noyer étaient reluisants de propreté, et indiquaient chez la ménagère des qualités d’ordre que l’on ne trouve pas toujours parmi les femmes de cette classe. Au mur, une de ces feuilles-réclames en couleur, imprimées à Epinal, et montrant dans une gamme descendante tout ce que l’on peut réaliser de rêves avec un billet de la Loterie des Arts décoratifs, semblait attester que l’un des deux époux au moins n’était pas exempt d’un grain d’ambition. Sur la cheminée, pour représenter l’art, on voyait la photographie encadrée d’un soldat décoré de la médaille militaire, qu’il était aisé de reconnaître pour le portrait du maître du logis. Il avait gagné cette distinction pendant la guerre franco-allemande, à la bataille de Coulmiers, en allant ramasser sous un feu endiablé son capitaine blessé. Lui-même avait été à cette occasion atteint d’une balle à la jambe droite, qui ne laissait pas quelquefois de le faire souffrir, aux changements de temps.
- Dernier détail : le parquet de l’appartement était brillant
- comme un miroir, et contrairement au proverbe qui dit que les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés, on voyait que le brave frotteur mettait un amour-propre professionnel à soigner particulièrement cette partie de son ménage.
- A côté du plat fumant, auquel les deux époux ne touchaient pas, attendant sans doute les deux autres convives dont les assiettes étaient déjà sur la table, on voyait déplié un journal que Champion prenait et reprenait à chaque minute, avec une sorte d’impatience nerveuse. La préoccupation qui pesait évidemment sur le ménage devait prendre sa source dans ce carré de papier imprimé. C’était le Figaro du jour, non pas que le frotteur put s’offrir le luxe d’un journal à quinze centimes, mais Champion, qui en revenant de son travail, se reposait parfois quelques instants au square de la Trinité, l’avait trouvé sur un banc où son premier propriétaire l’avait abandonné, — après lecture faite, comme disent les notaires.
- — Tu vois, ma bonne, c’est écrit en toutes lettres, disait ie frotteur, relisant à haute voix pour la vingtième fois un avis inséré à la quatrième page.
- « On demande l’homme et la femme, sans enfants, pour être concierges. On prendrait de préférence un ancien militaire. S’adresser tout de suite rue de Châteaudun, 282.
- — Voilà qui aurait joliment fait notre affaire, soupira la ménagère.
- — Et l’annonce est de ce matin, observa Champion, la place ne doit pas encore être prise. Puis, on demande un au-cien militaire, mais sans parler de la médaille : c’est ça qui ferait bon effet. La place serait enlevée haut la main.
- — Sans doute, mais à quoi bon en parler, puisque c’est impossible 9
- — Impossible, pourquoi?
- — Tu n’as donc pas bien lu? fit la femme Champion, avec une nuance d’impatience. Sans enfants...
- Champion baissa la tête.
- — Et justement les voici, se hâta d’ajouter la mère, heureuse de pouvoir changer de sujet de conversation.
- On entendait le gazouillement de voix dans l’escalier, La porte s’ouvrit avec impétuosité, et deux jeunes garçons, l’un d’une dizaine d’années, l’autre de sept à huit ans, se précipitèrent au cou de leurs parents.
- — Vous êtes en retard, dit doucement la mère en leur rendant leurs caresses.
- — Oui, répliqua Gustave, l’aîné : nous nous sommes arrêtés un instant pour regarder un orgue de Barbarie comme nous n’en avions jamais vu encore. Figure-toi, mère, que sur le devant, il y avait des bonshommes qui dansaient. Comme c’était joli !
- — Et en attendant, le déjeuner refroidit, fit le père d’un ton de voix un peu brusque.
- La mère Champion, qui n’était pas habituée à la mauvaise humeur de son mari, se hâta de détourner l’orage.
- — Non, non, ne crains pas cela, dit-elle, il n’y a rien de
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- tel que les pommes de terre pour conserver la chaleur. Allons, à table, les enfants.
- Le repas fut néanmoins plus triste que d’habitude. Les parents se ressentaient de la préoccupation que cet incident avaient mêlée a leur vie, et les enfants, moins excités à babiller, les regardaient avec leurs grands\eux curieux, mais sans oser interrompre le silence.
- Aussitôt après le déjeuner, la mère garnit leur panier de pain, de pommes et de noix, qu’e le eût l’attention toute maternelle de casser d’avance, et les renvoya à l’école.
- — Tu es tout triste, Champion, dit-elle ensuite en revenant vers son mari. L’idée de cette place te trotte donc toujours par la tête ?
- — Eh bien, oui, quoi?
- — Tu sais bien cependant que pour nous c’est un rêve impossible à réaliser. Tu n’as pas envie, sans doute, d’aller jeter les enfants à la Seine? ajouta-t-elle en frémissant la première de sa plaisanterie.
- — Non, mais pourquoi ne les enverrions-nous pas aux Chênes, chez ta mère ? La brave femme les demande assez souvent.
- La femme Champion ne répondit pas tout de suite. Cette idée qn’elle pourrait un jour se séparer de ses enfants, pour un motif quelconque, ne lui était jamais venue, et elle en voulait presque à son mari de l’avoir eue le premier. C’est que, comme le disait quelquefois naïvement l’excellente mère, il n’y avait pas d’enfants de riches qui fussent aimés par leurs parents au point où Gustave et Georges l’étaient par les leurs.
- — Aux Chênes? Chez ma mère ? répéta machinalement la femme du frotteur.
- — Sans doute. Crois-tu que le bon air de la campagne ne conviendrait pas mieux aux enfants que celui du square Saint-Pierre ? A Gustave surtout : il grandit beaucoup et il est bien pâle depuis quelque temps.
- — C’est vrai : mais aussi ne plus jamais les voir...
- — Qui parle de cela? Qui t’empêcherait de faire un petit voyage aux Chênes chaque année? Et tu verrais ta vieille mère par la même occasion. Dirait-on pas que le département de Maine-et-Loire est en Cochinchine?
- — Mais, fit tout-à-coup la femme Champion, qui, peu habituée à tenir tête à son mari de front, cherchait plutôt à lui faire toucher du doigt les poinls faibles de son projet, mais tu oublies qu’on viendra prendre ici des renseignements.
- — La belle affaire ! Madame Bochet, la concierge, se ferait pendre pour une pièce de vingt sous. A plus forte raison dira-t-elle tout ce que nousvoudrons pour cinq francs : surtout quand elle connaîtra nos motifs. Comme tu le disais tout-à-l’heure, nous ne nous séparons pas de nos enfants pour les jeter à l’eau, ni pour les perdre dans les bois, comme les parents de ce Petit Poucet, dont tu as acheté l'histoire aux mioches le premier jour de l’an.
- — Quelle horreur 1 Ce livre m’a fait bien pleurer.
- — Et dans une quinzaine d’années, notre affaire peut-être faite, insista la mari. Je dois te dire qu’après avoir lu l’annonce du journal sur un banc du square, j’ai poussé une petite reconnaissance jusqu’à la maison en question : c’est à deux pas. Au rez-de-chaussée il y a une grande maison de banque, et je me suis laissé raconter par un camarade, qui est garçon de bureau dans une société de ce genre, que ces particuliers-là ne regardent pas à donner au bout de l’an des étrennes fabuleuses à leur facteur et à leur conc’erge : des mille francsu’un coup.Ce n’est pas eux qui paient, comprends-tu. Et avec ça, j’ai vu aux fenêtres de tous les étages des rideaux d’un genre...: tous richards là dedans. C’est la fortune qu’une loge dans une pareille maison.
- — Tant que tu voudras, Champion, répliqua la femme en secouant la tête : mais quelque chose me dit que ce n’est pas bien, ce que nous allons faire là. N’y aurait-il que le mensonge...
- — Et à qui fait-il du tort? Ecoute, femme, dit le frotteur, qui avait à dessein réservé pour la fin son meilleur argument, ne crois pas que je me décide à me priver de mes enfants pendant un temps aussi long sans un gros serrement de cœur. Mais je ne t’ai pas encore parlé d’une chose, c’est que depuis un mois ou deux, ma jambe de Coulmiers me fait plus de mal, et ce matin, j’ai eu de la peine à finir le salon dans la maison où j’ai frotté. Çà me donne à réfléchir.
- — Ah ! s’écria la femme, que ne disais-tu cela plus tôt ! dans ce cas, François, il n’y a plus à hésiter. Que deviendrions-nous avec les enfants, grand Dieu, si tu ne pouvais plus travailler de ton état! Allons, en route.
- Et les deux époux s’endimanchèrent à la hâte pour aller voir la place libre : en traversant la cour, ils échangèrent à travei s les vitres de la loge un salut amical avec Mme Bochet. Intriguée par la toilette inusitée à pareil jour de ses locataires, la concierge vint sur le pas de sa porte, et les suivit du regard jusqu’au tournant de la première rue. Peut-être même aurait-elle poussé plus loin, mais elle se souvint à propos qu’un de ses chats était malade, et rentra au plm> tôt dans sa loge, se réservant d’approfondir plus tard ce mystère.
- (A suivre.)
- Paul COUBTY.
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- LE DEVOIR
- État-civil du Familistère
- Semaine du 18 au 24 août 1884.
- Naissance :
- Le 16 août de Blancaneau Alfred, fils de Blancaneau Constant, et de Routier Preuve.
- BIBLIOGRAPHIE
- La Société française d’hygiène vient de rendre un signalé service à la cause du progrès, et notamment à l’amélioration des classes laborieuses, en éditant un excellent manuel qu’elle avait couronné l’année dernière.
- La propreté de l’individu et de la, maison, par le Dr E. Monin, secrétaire de cette Société, a une portée socio-logique qui ne sera point méconnue.
- Nous engageons nos lecteurs à répandre ce petit traité, écrit avec un sens profond de la vulgarisation scientifique.
- L’Astronomie, Revue mensuelle d’Astronomie populaire, de Météorologie et de Physique du globe, par M. Camille Flammarion. — Sommaire du N® d’Août 1884 : Découvertes nouvelles sur Uranus, par MM. Paul et Prosper Henry. — Le satellite problématique de Vénus, par M. J.-C. Houzeau, — Manifestations de l’activité solaire, par M. Riccô. — Durée de la rotation de Mars, par M. W.-F. Denning. — Les ascensions droites et les déclinaisons. — La date du commencement de l’ère chrétienne, par M. James Pearson. — La formation du système solaire, par M. D. Neuville.
- — Définition du mètre, par M. Charles Lemaire-Teste
- — Nouvelles de la Science. Variétés : Occultation graduelles, par Camille Saint-Saëns. La bolide du 28 Juin. Feux allumés par ie Soleil Le plus grand nombre qu’on ait jamais écrit. Les compagnons problématiques de l’Etoile polaire
- — Observations astronomiques, par M. E. Vimont. — Ce numéro cornu nt 15 figures. — (Librairie Gauthier-Vil-lars, quai des Augustins, 55, Paris.)
- Publications du docteur Raoux
- Quelques publications du professeur Raoux, de 1845 à 1884 : en Suisse, chez les principaux libraires ; à Paris, Baillière et chez Berthier ; à Lausanne, chez l’auteur, aux Charmettes, place Montbenon, 2.
- 1.
- Des sociétés mutuelles de consommation et de leurs avantages économiques, hygiéniques et moraux — 1 vol. in-12,1858 ; prix, 1 fr. 25.
- 2.
- Le palais social ou le Familistère de Guise, et ses avantages économiques, sanitaires, moraux et éducatifs, ouvrage imprimé en nouvelle orthographe ; prix, 50 cent.
- 3.
- La cité des familles, à Lausanne, avec une lithographie 1875.
- 4.
- De la destinée de l’homme d’après les lois de sa nature ; in-8 de 292 pages, Paris 1845.
- 5.
- Qu’est-ce que la philosophie et à quoi sert-elle ? ou encyclopédie de cette science (psychologie, logique, morale, théodicée, esthétique, histoire).
- 6.
- Philosophie de l’éducation. Des écoles vocation-nelles, faisant suite aux Jardins d’enfants et préparant aux écoles spéciales (1879).
- Des études prématurées et de leurs conséquences physiques, intellectuelles et morales. (La Libre recherche, mars 1857.)
- De la réforme pédagogique par des associations de pères de famille. (Idem, août 1857.)
- Notices sur les Jardins d’enfants et sur leurs avantages hygiéniques, intellectuels et moraux, 1859.
- L’éducation nouvelle ou la méthode de Frœbel. Revue mensuelle. Première année, 1861-1862: in-8 de 200 pages.
- De la réforme éducative, de Frœbel, considérée dans ses matériaux, ses principes, sa méthode et ses résultats, in-8 de 92 pages, 1862.
- 7.
- Orthographe rationnelle ou écriture phonétique, moyen d’universaliser rapidement la lecture, l’écriture, la bonne prononciation et l’orthographe, et de diminuer le prix des journaux et des livres. In-8 de 316 pages; prix, 2 fr., 1865-1866.
- 8.
- Les cerveaux noirs et l’orthographe ou de l’urgence d’une réforme graphique. 1878 ; prix, 50 cent.
- 9.
- Le tocsin des deux santés du corps et de l’âme. Fragments sur l’hygiène et sur l’éducation. 1878; prix, 1 fr.
- 10.
- Manuel d’hygiène générale et de végétarisme. 1881 ; prix, 1 fr.
- 11.
- Les pères de l’Eglise et la tempérance végétarienne. 1881, 30 cent.
- 12.
- Magnétisme médical. Opinion de Hegel et de Charles Fourier sur le magnétisme humain.
- 13.
- Les cinq propretés dans leurs rapports avec la santé et la moralité. 1883; 30 cent.
- 14.
- Le monde nouveau ou le Familistère de Guise. — Les Familistères agricoles et les hôtels de famille. Juin 1884 ; prix, 50 cent.
- Le Directeur-Gérant : GODIN.
- Guise. — lmp. BAR Té.
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- 8’ Année, Tome 8. — N" 313 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 7 Septembre 1884
- BUREAU a GUISK (Aisne) ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE ON S’ABONNE A PARIS
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris,
- de timbres-poste ou de mandats de poste, dont 5, rue Neuve-des-Petits-Champs
- Toutes les communications le talon sert de quittance. Passage des Deux-Pavillons
- et réclamations France Union postale
- doivent être adressées à Un an ... 10 fr. »» Un an. . . . 11 fr.»» S’adresser à M. LEYMARIE
- M. GODIN, Directeur-Gérant Six mois. . . 6 »» Autres pays administrateur de la Librairie des sciences
- Fondateur du Familistère Trois mois. . 3 »» Un an. . . . 13 fr. 60 psychologiques.
- ÉTUDES SOCIALES : Trois numéros parus. Le Familistère de Guise; la Réforme électorale; l’Arbitrage international et le Désarmement européen. Envoyer 90 cent, à la Librairie du Familistère pour recevoir franco la collection.
- La Ligue des vrais Patriotes et le Paupérisme. — Très bien ! Très bien !. — Palais Sociaux
- Unitaires. — Délégation ouvrière au Familistère de Guise. — La Ligue de la paix en Suède. — La fin des Guerres. — Aphorismes et Préceptes sociaux. — Faits politiques et sociaux de la semaine. — Congrès médical de la Haye. — Adhésions aux Principes d’Arbitrage et de désarmement Européen. — Sans Enfants. — Fête de l’Enfance.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à litre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- La Ligue des vrais Patriotes et le Paupérisme
- Un grand nombre d’hommes, poussés par l’amour de leurs semblables, s’arrêtent à des fondations aboutissant à des tins opposées à leurs aspirations philanthropiques.
- Souvent on croit concourir au soulagement de la misère, à l'atténuation de ses rigueurs, et, en
- réalité, l’on organise le paupérisme au lieu d’en hâter la disparition.
- L’assistance publique, les institutions de charité, les caisses des loyers des pauvres, les bouchées de pain, les fourneaux économiques seraient d’excellentes applications, si on les considérait comme mesures transitoires, destinées à préparer l’avéne-ment du droit à la vie par le travail et par la prévoyance sociale et individuelle.
- Mais beaucoup des promoteurs de ces œuvres s’isolent dans la fondation qu’ils ont choisie, sans se préoccuper de la relier avec d'autres analogues et sans tenir compte de son insuffisance à émanciper les individus de la misère.
- 11 y a un danger réel dans une assistance publique et privée qui ne sent pas la nécessité de venir en aide aux valides en leur procurant un travail rémunérateur.
- Que l’on multiplie à l’infini les moyens de venir en aide aux vieillards, aux infirmes, aux malades, aux enfants, aux faibles ; tout ce que l’on fera dans cette voie sera excellent.
- Mais les institutions qui ont pour but de donner aux valides des moyens d’existence en dehors du travail finiront par engendrer une foule de pauvres vivant de ce maigre parasitisme dans une complète dégration morale.
- On verra des individus jeunes, poussés par le chômage vers ces institutions, s’habituer à vivre ordinairement avec la ration des fourneaux écono-
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- miques, perdre l’habitude du travail régulier. Ils viendront grossir le nombre de ces vagabonds des villes, qui se contentent de vivre généralement de presque rien, pourvu qu’ils trouvent de temps en temps dans des travaux accidentels quelques occasions de gagner quelque argent pour leurs débauches.
- Les philanthropes attachés à ces œuvres font souvent fausse route. Nous ne leur conseillons pas d’abandonner ces fondations ; nous leur demandons de les compléter. Elles ne doivent être que des sortes de salles de recrutement où l’on reçoit les travailleurs abandonnés, pour les réconforter avant de les introduire dans les véritables
- ••V:
- institutions qui conviennent aux travailleurs valides, où un travail bien organisé les relèvera au lieu de les humilier.
- On entend dire fréquemment que des gens riches ont légué la totalité ou une grande partie de leur fortune à l’assistance publique de la ville de Paris. Combien de fois nous avons remarqué parmi ces donateurs les noms de gens hostiles au projet d’hérédité de l’Etat. Etrange contradiction !
- Ceux-là encore, dont nous approuvons les sentiments, pourraient employer plus fructueusement les capitaux qu’ils destinent au soulagement de la misère.
- Nous n’avons pas en France d’institution administrative convenablement organisée pour venir efficacement en aide aux malheureux. Un rouage administratif lourd et trop compliqué prélève d’abord une dîme onéreuse au profit d’un fonctionnarisme toujours prêt à disposer des fonds de l’assistance publique suivant l’intérêt du parti politique possesseur du pouvoir. Cette administration a immobilisé à Paris, en hôpitaux construits à grand frais, des capitaux dont les revenus suffiraient à assurer à domicile des soins convenables à plus de malades que l’assistance publique peut en recevoir dans ses bâtiments.
- Ces philanthropes, dont nous venons de parler, tous ont un égal dévouement envers l’humanité. Nous ne voudrions ni les décourager, ni rien dire qu’ils puissent considérer comme une parole de blâme. Leurs intentions sont trop conformes aux nôtres, et leurs actes sont trop en opposition avec ceux du vulgaire pour que nous osions faire plus qu’émettre un vœu en faveur de l’évolution de la philanthropie vers des institutions véritablement réformatrices, même rédemptrices.
- La sociologie a fait la démonstration de la puis-s .nce des efforts associés. Pourquoi ne pas mettre
- au service de la philanthropie cette force si féconde, l’association ?
- Si les diverses catégories des hommes bienfaisants voulaient s’unir pour une action commune, comme seraient plus grands et plus imposants les effets de leur sollicitude envers leurs semblables.
- Pourquoi tous ces vrais patriotes ne se ligueraient-ils pas comme se réunissent les sectaires de la guerre ? Pourquoi n’opposeraient-ils à ces démonstrations de Belfort et des sociétés de tir où l’on fait alliance avec la mort, des assemblées, des congrès où ils proclameraient ce qu'ils ont fait pour la vie et où ils cherchaient les moyens pratiques de consolider leur pacte avec cette éternelle vérité.
- Dans le courant de cette année, nous avons compté plus de dix millions donnés à l’assistance publique de Paris ou à d’autres institutions d’assistance municipale. Que sera-t-il fait de cet argent? Quelles corruptions paiera-t-il? Combien de parasites s’engraisseront de ses revenus ? Combien sera petit le nombre des pauvres qui en auront tiré quelques heures de soulagement, sans que le paupérisme ait rien perdu de son empire?
- Toutes ces interrogations sont motivées par les scandales soulevés, l’an dernier, par la publication de certaines dépenses de l’assistance publique; à chaque élection parisienne il est de notoriété publique que l’administration de l’assistance obéit à d’autres mobiles que le désir d’être utile aux plus nécessiteux.
- Que l’on suppose maintenant que ces donateurs, pendant leur vie, se fussent connus, qu’ils eussent étudié en commun les divers moyens d’atteindre le paùpérisme, et adopté enfin une résolution en vue de doter une fondation organisée après leur mort selon les bases qu’ils auraient établies.
- Personne ne contestera que les œuvres sorties de pareilles consultations seraient infiniment plus humanitaires que l’action isolée des dévouements individuels.
- On peut diviser les œuvres d’assistance en deux grandes catégories, celles qui s’adressent aux faibles, celles qui viennent au secours des valides.
- Lespremières ont surtout besoin de capitaux dont les revenus sont destinés à être distribués ou utilisés en secours ; les capitaux des secondes doivent surtout être employés à fonder des institutions basées sur les moyens de procurer et de garantir du travail aux individus et aux groupes.
- Parmi les hommes qui concourent à ces œuvres, les uns agissent de leur vivant en payant de leur
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- personne, de leur temps, de leur argent; les autres absorbés pendant leur vie par des préoccupations scientifiques, littéraires, commerciales, quelquefois par raison de santé, semblent indifférents à la misère, et cependant ils prennent des dispositions testamentaires pour laisser aux pauvres une preuve de leur sollicitude et des ressources susceptibles d’améliorer l’avenir.
- Pourquoi tous ces dévoués, ces patriotes, conservant chacun ses préférences, ne formeraient-ils une Ligue destinée à rapprocher, à unir, à associer, à multiplier les effets de leur initiative individuelle ?
- Pourquoi toutes ces natures d’élite ne se réuniraient-elles dans un congrès annuel, auquel ne seraient admis que des hommes ayant fait preuve de bonne volonté en participant à une fondation humanitaire comme donateur ou comme travailleur» et à tous ceux qui déclareraient avoir disposé d’une parcelle de leurs biens en vue de concourir à la création ou au développement d’institutions de prévoyance ou d’assistance ?
- Voilà un rendez-vous digne des véritables patriotes, des hommes de cœur et d’action.
- Très bien! Très bien!
- Le Préfet des Vosges, dont 'nous regrettons d’ignorer le nom, vient de mériter les plus sincères félicitations du Devoir.
- De concert avec le Conseil général, ce préfet vient de créer un service sanitaire qui comprend : le traitement gratuit des malades indigents ; la vaccination gratuite de tous les enfants» indigents ou non ; l’inspection des enfants du premier âge ; la visite des aliénés non dangereux placés à la campagne ; l’inspection médicale des écoles primaires et des écoles maternelles ; l’étude de toutes les mesures concernant l’hygiène et la salubrité publiques, ainsique la prophylaxie des maladies épidémiques.
- Seront seules admises à profiter des avantages de ce service les communes qui verseront annuellement une cotisation de sept centimes et demi par habitant et qui se chargeront de payer les produits pharmaceutiques pour les indigents.
- Le service nouveau commencera à fonctionner le 1er janvier prochain.
- La cotisation de 7 centimes par habitants, soit 70 fr. pour es communes de 1.000 habitants, est bien minime, mais le fait important est le commencement d’une organisation départementale de la solidarité humaine.
- Cette première dépense sera à peine suffisante pour faire connaître les besoins réels des classes laborieuses ; le résultat sera néanmoins immense.
- Il y a dans ce fait le triomphe d’un principe ; il reste à résoudre la question de mesure. On y parviendra progressivement. Un jour, on comprendra qu’il est nécessaire d’étendre les secours de cette mutualité à tous les faibles, â tous les malheureux. Une année, on ajoutera 7 autres centimes aux 7 premiers, et l’on répétera plusieurs fois cette addition ; puis, lorsqu’on sera arrivé à une cotisation dépassant les moyens des communes les plus pauvres, le département interviendra pour combler les insuffisances des versements de ces communes ; la cotisation devenant encore plus élevée, on verra des départements trop pauvres demander à l’Etat d’intervenir pour payer les différences, et ce dernier, ne pouvant repousser de si justes réclamations, sera [contraint de recourir à l’Hérédité de l’Etat, d’où sortira la Mutualité nationale malgré les protestations des économistes et leurs enfantines et caduques objections.
- M. le Préfet des Vosges a pris l’initiative d’une réalisation qui prouve que les fonctions publiques les plus contestées peuvent devenir les plus précieuses, lorsqu’elles sont occupées par des heaumes ayant le sentiment du progrès social.
- PALAIS SOCIAUX UNITAIRES
- Chaque fois que nous entendons parler de logements ouvriers nous répondons Palais sociaux.
- Nous ne voulons ni des cités ouvrières ni des petites maisons isolées, nous réclamons des Palais sociaux dans lesquels pourront habiter les pauvres et les riches ; les moins favorisés devant y trouver une place aussi confortable au moins que le logement actuel des gens ayant une aisance moyenne, et les plus riches pouvant réunir dans leurs appartements tous les raffinements du luxe.
- Nous considérons l’amélioration des logements comme un des problèmes les plus importants de la question sociale.
- Ce problème semble avoir quelque actualité, si nous en jugeons d’après un article de la France libre publié sous la signature de son directeur politique, M. Maujan.
- M. Maujan ne conçoit pas au-delà des logements ouvriers ; mais il se déclare résolu à poursuivre énergiquement son projet et disposé à lui faire subir l’épreuve d’une discussion contradictoire.
- Nous aussi,nous avons le désir de soumettre nos projets de Palais sociaux unitaires à l’épreuve de la discussion publique et nous les opposons à ceux du directeur de la France libre ; nous engageant dès maintenant à reproduire dans nos colonnes
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- l’intégralité des réponses, si M. Maujan accepte avec nous la discussion, plutôt une étude contradictoire.
- Nos lecteurs savent qu’il a été plusieurs fois question de la démolition des fortifications de Paris, dont les emplacements seraient destinés à la construction de logements ouvriers. La démolition complète des fortifications a généralement été repoussée par l’autorité militaire, mais, sous le ministère du généralThibaudin, dont M. Maujan était le secrétaire, à la suite d’études exécutées par le génie militaire, on décida qu’il n’y aurait aucun inconvénient à démolir la partie des fortifications depuis le Point-du-Jour jusqu’au confluent du canal de Saint-Denis.
- * *
- C’est ce projet que reprend M. Maujan dans la France libre, numéro du 22 août 4884, sous le titre : Les logements ouvriers. Voici l’exposé de la question par M. Maujan :
- « Des réflexions, d’ordre militaire et technique, nous avaient amené à rechercher une solution permettant à la fois de sauvegarder les intérêts militaires de la défense et de venir en aide à l’ouvrier dans des conditions tout à fait exceptionnelles.
- » C’est ce projet dont nous voulons entretenir nos lecteurs dans une série d’articles, qui est nôtre, pour lequel nous tenons à prendre date, que le ministre,'le directeur du génie, M. le général Richard, et la commission municipale avaient accepté
- » Les bases de ce projet, que nous développerons en détail dans la presse, par des conférences et dans des réunions publiques, seraient les suivantes :
- » On démolirait les fortifications depuis le Point-du-Jour jusqu’au confluent du canal de Saint-Denis; et, sans toucher au principe du réduit, on fermerait l’enceinte par une série d’ouvrages continus construits le long de la Seine et se reliant au canal.
- » Les fossés seraient comblés et l’on utiliserait ce terrain des fortifications appartenant à l’Etat, dont la longueur est d’environ 12 kilomètres et la surface de 132 hectares, pour la construction de maisons ouvrières à un étage.
- » Le tiers du terrain serait couvert par les constructions elles-mêmes, les deux autres tiers seraient découpés en jardinets et en squares.
- » L’Etat céderait ce terrain à la condition de faire supporter aux constructeurs, quels qu’ils soient (ville de Paris ou société), la charge des travaux militaires à exécuter le long de la Seine et du canal, et dont le chiffre ne s’élève pas à 4 millions.
- » Les travaux seraient exécutés directement par les syndicats ouvriers, sans intermédiaires ; et l’on arriverait ainsi (les devis que nous avons, et qui ont été strictement vérifiés, le
- prouvent) à construire des maisons à un étage contenant huit ménages, avec deux belles pièces et une cuisine par ménage, pour une location annuelle de 108 fr par an, soit six sous par jour, le prix d’une course en omnibus.
- » Inutile d’ajouter que ces logements seraient coquets, admirablement aérés, et que cette combinaison, qui doit se pa>ser des exploiteurs et des tripoteurs d’affaires, fera réaliser à l’ouvrier nlus de deux cents francs d’économie par an.
- y> C’est la solution pratique et immédiate du grave problème des loyers.
- » C’est la vie pour les désespérés.
- » Nous tiendrons à cœur de mener ce projet jusqu’à sa complète réalisation. Nous y sommes énergiquement résolu. »
- * ♦
- Avant d’examiner le fond de ce projet, disons que nous approuvons l’idée de la démolition des fortifications de Paris et signalons à M. Maujan un côté du problème qu’il a négligé et qui a une importance majeure, même au point de vue de l’application de ses plans.
- Au delà des fortifications, il existe une zone neutre d’une largeur de 500 mètres,donnant, pour une longueur de 42 kilomètres, une superficie de 600 hectares, dont la ville de Paris pourrait devenir propriétaire à des conditions très avantageuses^ 1)
- Lorsque furent construites les fortifications, les propriétaires de cette zone furent indemnisés de la valeur de ces emplacements considérés comme terrains à bâtir ; de telle sorte que la ville, pour compléter l’expropriation,n’aurait plus qu’à en payer la valeur agricole, qui certainement est loin de dépasser un franc par métré carré. Ce serait là une opération très avantageuse.
- Au reste, un détail probablement ignoré par le directeur de la France libre : ces terrains ont été en partie l’objet de promesses de ventes consenties par les propriétaires à des sociétés de faiseurs, qui se sont réservé la faculté de ne rendre le contrat de vente exécutoire qu’au tant qu’il y aurait démolition des fortifications.
- Si on ne tenait compte de ces cas particuliers et des avantages déjà acquis par la ville sur la zone neutre, les tripoteurs et les exploiteurs exclus de la combinaison de M.Maujan, trouveraient une large compensation dans les 600 hectares laissés à leurs entreprises au détriment de l’intérêt public.
- Les raisons les plus sérieuses commandent aux partisans de la démolition des fortifications de ne jamais séparer de ce projet l’acquisition par la
- (1) Nous signlions ce fait aux conse.Uers municipaux de Paris aux quête seront distribués nos articles sur les Palais sociaux.
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- ville de la zone neutre; en outre, une superficie de 132 hectares obtenue par la démolition des fortifications parait sans proportion avec l’accroissement normal de la ville de Paris, surtout dans le cas de construction de maisons isolées.
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- Pourquoi nous ne voulons pas de logements ouvriers ?
- Cette préoccupation des intérêts des ouvriers considérés comme des êtres spéciaux, distincts des autres citoyens, a quelque chose de mesquin et d’anti-social qui nous répugne. Nous comprenons que l’on emploie ce qualificatif, lorsqu’il s’agit de faire ressortir l’infériorisation sociale des travailleurs, mais nous ne pouvons admettre- que cette distinction se perpétue dans Y esprit des gens animés de bonnes intentions.
- La construction de logements ouvriers serait la consolidation du dualisme social en opposition avec le principe de la Révolution et les besoins de la vie humaine.
- La nourriture des ouvriers, le costume des ouvriers, le logement des ouvriers sont des choses dont on ne doit parler, si ce n’est pour combattre les tendances qu’elles dénotent.
- De puissantes compagnies suppriment le droit de vote à leurs ouvriers ; qui nous garantit qu’elles n’iront jusqu’à leur imposer l’obligation du costume en dehors des heures de travail ? En présence de ces faits et de ces prévisions, les libéraux sincères doivent éviter tout ce qui directement ou indirectement peut contribuer à isoler les classes laborieuses. Evitons de les parquer dans des quartiers spéciaux, comme on faisait autrefois pour les lépreux et les parias.
- Les ouvriers comme les autres citoyens ont le droit de bénéficier également de tous les progrès acquis par le fait des générations antérieures. L’art du bâtiment a fait des progrès immenses que les grandes constructions seules peuvent faire ressortir; et les services accessoires de l’habitation, hygiène, propreté, distribution d’eau, de lumière, etc., ne peuvent économiquement être réunis dans les petites maisons isolées.
- On comprend que l’on construisît des petites maisons isolées, autrefois, lorsque les gens capables et les moyens de faire grand étaient le monopole de quelques uns ; mais, dans le cas présent, pourquoi la ville de Paris, dont les ressources financières sont immenses, dont les artisans sont si capables, aurait-elle le droit de ne pas développer
- ses moyens grandioses et de refuser un libre essor aux capacités de l’ensemble des travaileurs de la corporation du bâtiment.
- La petite maison isolée ne correspond pas aux besoins humains de notre civilisation; elle est plus coûteuse que l’appartement confortable dans un Palais social ; elle dissémine les individus ; elle limite les relations à la famille ; elle est un obstacle à la vie civique si nécessaire à notre époque ; elle entretient l’égoïsme ; elle empêche l’association ; elle exige de la part de ceux qui l’habitent une foule de préoccupations mesquines et de travaux individuels que l’organisation des services supprime dans le Palais social ; elle n’a aucune proportion avec les moyens puissants dont dispose l’art du bâtiment ; d’une manière générale, sa conservation serait un défi au progrès.
- L’art de la construction est assez développé pour permettre en tous lieux l’édification de magnifiques Palais sociaux ; la sociologie est suffisamment élucidée pour donner les moyens pratiques et immédiats de loger économiquement les citoyens dans les appartements de ces Palais exempts des inconvénients de la maison isolée et procurant aux habitants des avantages considérables.
- La location quotidienne des moindres appartements des Palais sociaux ne pourrait être de six sous par jour ; mais, en la payant le double,elle reviendrait encore moitié moins cher à l’habitant; nous le prouverons dans le cours des divers articles que nous consacrerons à cette question.
- Afin défaire la partie belle à nos contradicteurs, nous déclarons que, dès maintenant, sans modifier les lois de la production, dans notre société patronale, il est possible et avantageux de loger les citoyens dans des Palais sociaux dont chaque type doit avoir par ses dimensions et par ses détails tous les caractères d’un véritable monument public.
- (A suivre.)
- Délégation ouvrière au Familistère de Guise
- Plusieurs journaux de Paris, le Radical, le Rappel, la Justice ont publié la note suivante :
- Le conseil municipal, dans sa séance du 28 mars, sur la proposition Manier, a pris la décision de l’envoi d’une délégation de dix membres chargés de l’étude du Familistère de Guise.
- Cette délégation sera choisie dans les corporations ouvrières ayant fourni celle de l’exposition d’Amsterdam, vu le nombre de chambres syndicales ou groupes quelle représente et son caractère homogène.
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- En conséquence, toutes les corporations ci-dessus sont invitées à envoyer trois délégués, rigoureusement mandatés, à la réunion qui aura lieu salle Horel, rue Aumaire, 13, le mardi 9 septembre, à 8 heures du soir.
- Cette réunion sera unique, quant à l’organisation morale de cette délégation.
- A l’issue de la séance, il sera fait un appel de toutes les corporations légalement représentées, puis, sur cet appel, il sera fait un tirage au sort des dix corporations qui auront à nommer des délégués. Les délégués une fois nommés se chargeront de l’organisation matérielle de la délégation et en fixeront le départ.
- Pour la commission de rédaction et par délégation.
- E. MÀNGEOT, ouvrier-bijoutier,
- 3, passsage N. D.-de-la-Croix.
- L’association du Familistère recevra avec satisfaction les représentants des corporations parisiennes.
- Cette délégation ayant pour principale mission d’étudier les conditions de l’habitation unitaire, l’administration du Familistère mettra à la disposition des délégués tous les documents se rattachant à l’organisation des Palais sociaux.
- Le journal la France libre, venant de mettre en discussion la question des' logements parisiens, trouvera, nous l’espérons, dans la note précédente, un motif d’accepter l’étude contradictoire que nous lui proposons. On ne saurait chercher une occasion plus favorable à l’examen des propositions concernant la réforme du bâtiment.
- La Ligne de la paix en Suède
- Un nouvel organe de la cause de paix et d’arbitrage auquel nous souhaitons la plus cordiale bienvenue : « International arbitration and peace association monthly journal » fondé par M. Hodgson Pratt, président de la ligue britannique de paix et d’arbitrage, nous apporte, entre différents documents du plus grand intérêt, l’article suivant de nature à plaire à nos lecteurs :
- « La question de paix internationale a fait un progrès considérable en Scandinavie, spécialement en Suède et en Danemark . Mais la démocratie de ces deux pays est encore en conflit avec les intérêts de la bureaucratie et du militarisme, ces deux inséparables alliés.
- » Quand le parti progressiste aura gagné l’ascendant, la grande question de la paix internationale sera si bien ancrée dans la conscience du peuple que la neutralisation de ce pays, fait si important pour la paix internationale, deviendra vite une réalité.
- i M. Frédéric Bajer, membre du Parlement danois, et M. V. Adler, éditeur du « Freden » ont fait beaucoup pour le
- Danemark et toute la Scandinavie. M. Bajer dans le Parlement danois et M. Adler dans le Freden, n’ont cessé de préconiser la cause de la paix.
- » La ligue générale de la paix a établi dans toutes les provinces un grand nombre de sections en correspondance avec la ligue centrale.
- » En Suède, la ligue de la paix a son histoire spéciale. Durant leRigsdag de 1883, un enthousiaste ami de la cause, M. R. P. Arnoldson, présenta dans la seconde Chambre un projet de neutralisation de la Suède. En même temps M. Adelskold portait le même projet dans la Chambre haute. Le Parlement nomma une commission pour examiner cette importante proposition et dresser un rapport. La commission nommée par la seconde Chambre fit une étude approfondie de la question. Bien que la commission spéciale fut composée principalement d’hommes amis de la paix et de la neutralisation,et que durant les débats nombre de membres eussent parlé en faveur de l’adoption du projet, celui-ci fut rejeté par le Parlement. Il doit être noté que trois des membres de la commission étaient opposés à l’adoption. Mais l’opposition dans le Parlement était loin d’ètre unanime.
- » Il y aurait eu probablement plus de partisans en faveur de l’idée si la solution de la question militaire n’avait pas été mélangée à celle de la neutralisation du pays. La question militaire était depuis quelque temps à l’ordre du jour et l’on poussait à l’adoption du système prussien, dans une contrée libre depuis la plus haute antiquité ; or, un certain nombre de députés confondaient l’idée de neutralisation avec celle du désarmement.
- » Dans le peuple, l’idée de paix et de neutralisation était reçue avec empressement. Appuyés sur cette opinion populaire 70 amis de la paix, tous députés, se réunirent le 24 février 1883 pour former une ligue suédoise de paix et d’arbitrage. Le 2 avril de la-même année la ligue fut constituée. M. S.-A. Hedlund, éditeur de Gotebags-Handels-Tinieng en était président, et M. R.-P. Arnoldson, secrétaire.
- » A cette même époque le Parlement norwégien approuvait le projet de neutralisation. Durant les discussions de ce grave projet et son rejet par le Parlement suédois, les avocats de la neutralisation avaient souffert du manque d’un organe de publicité pour faire connaître leurs vues. La nécessité d’un tel organe se faisait d’autant plus sentir que tous les journaux de la capitale étaient hostiles à l’idée et la tournaient en ridicule.
- » Après beaucoup d’efforts, M. Arnoldson fonda une feuille quotidienne « Tiden » dont la publication commença en novembre 1883. Ce journal, le seul organe quotidien de la paix dans le monde, atteignit une grande popularité parmi toutes les classes de la société.
- » La ligue suédoise de la paix, qui au début comptait seulement 200 membres environ, s’est si rapidement accrue qu en mai dernier elle en comptait 1.655.
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- » Le B mai 4884, la ligue tint son assemblée annuelle à Stockholm sous la présidence de M. S.-A. Hedlund. Celui-ci prononça un instructif et intéressant discours sur cette question : « Quel est le but d’une ligue de la paix ? » Il démontra que le but le plus important des ligues de la paix était de former une opinion publique opposée à la guerre et favorable à l’arbitrage international, en prenant pour base les droits des peuples.
- » Dans une réunion d’environ 20.000 travailleurs suédois et danois, tenue à Scanie, le 14 juin dernier, M. Bajer prononça un discours sur la paix et le travail il fut chaleureusement applaudi.
- » Appuyant sur la nécessité de la neutralisation du Sund comme condition vitale du travail matériel, intellectuel et moral, il termina son discours par ces mots :
- « Travailleurs, inscrivons sur nos bannières : Liberté, » gloire et paix dans le travail ! Sous la bannière de la » paix, les lauriers aussi peuvent être cueillis.
- » Les urnes électorales sont les positions du champ de » bataille pacifique qu’il nous faut enlever. Si le droit élec-» toral n’est pas suffisamment étendu pour permettre au tra-» vailleur d’occuper ces positions, il est du devoir des députés » d’étendre la franchise électorale. Alors, les travailleurs en » rangs serrés marcheront au combat pacifique et la réeom-» pense de la victoire sera le bonheur de travailler dans la » plénitude de la paix. »
- « Tel est le programme d’avenir de la Scandinavie.
- « La question de la paix tire son origine et sa force du mouvement ouvrier actuellement si fort dans toute la Scandinavie. Les travailleurs des campagnes et des villes sont le grand corps du peuple destiné aujourd’hui à être la moisson du canon. A eux appartient le dernier mot de la question de la paix. »
- Théodore LÏNDBLOM.
- LA FIN DES GUERRES
- Puisqu’on va faire la guerre, je vais parler de paix.
- De paix permanente, de paix perpétuelle.
- De cette paix qui naîtra de l’impossibilité de pratiquer les guerres.
- Utopie ? Non pas.
- Notre génération n’est pas faite de ces voyants de l’avenir, qui se consolent des défaillances du présent par un regard jeté vers l’idéal lointain. Nous ne sommes plus des rêveurs, à peine sommes-nous des affectionnés ; notre mentalité est faite des procédés de la science exacte, et nous demandons la solution des questions politiques et sociales à une sorte de calcul des probabilités.
- Et notre positivité d’aujourd’hui conclut comme la sentimentalité de jadis :
- La guerre touche à sa fin.
- Après avoir été si longtemps la règle, elle n’est déjà plus que l’accident. C’est qu’alors elle était l’industrie elle-même, la source des richesses, le plus profitable, sinon l’unique moyen d’existence: aujourd’hui, elle est pour tous, même pour le vainqueur, la ruine et la détresse.
- Nous ne vivons plus que de travail et de négoce : elle arrête net le commerce et l’industrie. Jadis on risquait sa peau, mais contre le butin, le plaisir, la jouissance de la femme ou des richesses de l’ennemi ; maintenant la guerre arrache des millions d’hommes au confort du foyer et remplace la bonne vie journalière, les relations d’amitié, de famille, par la vermine des camps, la gamelle puante et la grossièreté du caporalisme.
- Elle a pour elle des Ferry-fantoches ; elle a contre elle : les femmes qui comptent pour beaucoup dans notre société et dont elle trouble la quiétude ; les agriculteurs, dont elle ravage le champ; l’ingénieur, dont elle détruit les travaux et la gloire; les savants, dont elle trouble les recherches; les artistes, dont elle ferme les théâtres, les musées et les expositions; les commerçants, qu’elle menace de la faillite ; les industriels, dont elle supprime la production.
- D’un côté, quelques entrepreneurs de guerre, de l’autre, les nations entières : le résultat ne saurait être douteux, et il faut que la survivance des mœurs antiques soit bien puissante 'pour que, de nos jours, on se laisse encore parfois entraîner par l’instinct guerrier, au risque de la destruction de centaines de milliers d’existences et de tout ce qui constitue la vie contemporaine. îSTout concourt à la fin des guerres. Prenons, par exemple, ce qu’on a appelé la division du travail. Cette nécessité de l’industrie moderne aura gagné dans quelques années l’agriculture elle-même et s’appliquera entre les nations. Les unes produiront du blé, les autres du sucre, les autres du vin.
- La guerre dans ces conditions, la rupture des relations commerciales, ce ne sera plus ,1a gêne, la ruiné,* ce sera la famine.
- Les peuples cesseront de se battre [par considération pour leurs estomacs.
- Déjà les Suisses, les Belges, les Hollandais, les Anglais, les Américains des Etats-Unis, les Espagnols eux-mêmes ne font plus de guerres continentales ; les Français et les Autrichiens les subissent, et sï les Russes et les Allemands en sont en-
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- core à la période militaire, c’est que les arts industriels n’ont pas encore atteint chez eux un suffisant développement.
- Encore quelques années, et l’Allemagne elle-même séchera de peur devant toute complication, qui menacera d’enlever les millions de bras nécessaires à ses comptoirs, à ses champs, les milliards de thalers garnissant les coffres de ses banques.
- Ce seront alors les dirigeants eux-mêmes qui demanderont l’arbitrage international, et il ne restera plus, pour servir d’exutoires aux derniers restes des instincts guerriers, que ces expéditions de forbans dans les pays lointains analogues aux entreprises actuelles du cabinet anglais ou de M. Ferry.
- Ernest LESIGNE (France libre). ----------------------
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- LUI
- Réforme de l’habitation.
- Le logement est un des premiers besoins de la personne humaine ; la société doit veiller à ce que nul n’en soit privé, à ce que chacun en jouisse d’une façon favorable à la santé et à la protection de l’existence. Les habitations des pauvresses masures et les chaumières doivent être remplacées par des palais sociaux où chaque famille aura son logement
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- Promulgation des modifications constitutionnelles. — L’Assemblée nationale a accepté,
- Le président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
- Article premier. — Le paragraphe 2 de l’article 5 de la loiconstitutionnelle du 25 février 1875, relative à l’organisation des pouvoirs publics, est modifiée ainsi qu’il suit :
- « En ce cas, les collèges électoraux sont réunis pour de nouvelles élections dans le délai de deux mois et la Chambre dans les dix jours qui suivront la clôture des opérations électorales. »
- Art. 2. — Le paragraphe 3 de l’article 8 de la même lo du 25 février 1875 est complété ainsi qu’il suit :
- a La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une proposition de révision.
- » Les membres des familles ayant régné sur la France sont inéligibles à la présidence de la République. »
- Art. 3. — Les articles 1 à 7 de la loi constitutionnelle du 24 février 1875, relative à l’organisation du Sénat, n’auront dus le caractère constitutionnel.
- Art. 4. — Le paragraphe 3 de l’article 1er de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875, sur les rapports des pouvoirs publics, est abrogé.
- La présente loi, délibérée et adoptée par l’Assemblée nationale, sera exécutée comme loi de l’Etat.
- Fait à Paris, le 14 août 4884.
- Jules GRÉVY.
- * *
- La lettre de l’Extrême-Gauche. — MM. Gra-
- net, Barodet et Lefèvre, délégués de l’Extrême-Gauche, ont envoyé au Président de la République une lettre de protestation rédigée par le groupe.
- La lettre a été adressée par la poste à M. Grévy.
- Elle est ainsi conçue :
- Monsieur le Président de la République,
- Les événements qui s’accomplissent pendant les vacances des Chambres, leur gravité, l’influence qu’ils peuvent avoir sur l’avenir, inquiètent tous les bons citoyens.
- L’intérêt de la République nous a réunis.
- Nous soumettons avec confiance à votre patriotisme les idées que nous avons échangées, nos convictions et nos craintes.
- Pour la seconde fois depuis deux ans, la France est en état de guerre, sans déclaration de guerre.
- Où s’arrêtera cette guerre ? Jamais un programme déterminé n’a été soumis aux représentants du peuple; jamais le pays n’a su d’avance où le ministère le conduisait. Des opérations ont été engagées sans vote qui les autorisât, et, toujours le Parlement interrogé a été mis en présence d’entreprises commencées ou de faits accomplis.
- Si nous nous plaçons au point de vue de la fortune publique, nous trouvons des crédits dépensés avant d’avoir été votés. Si nous nous plaçons au point de vue de la défense nationale, nous trouvons soit la nécessité de l’affaiblir en mobilisant un ou deux corps dfarmée, soit la nécessité plus redoutable encore de désorganiser l’armée tout entière en empruntant leur élite aux différents corps qui la composent.
- La Constitution, qui exige le vote du Parlement pour qu’une guerre soit entreprise, et l’honneur de la République veut, avec plus d’évidence encore, que la nation reste seule maîtresse de ses destinées.
- Et, cependant, depuis deux ans, le pouvoir personnel s’affirme sous la République avec une persistance et une audace indignes d’un régime d’opinion.
- Ce système du gouvernement, pour qui la Constitution est lettre morte, nous laisse dans la même obscurité sur les affaires d’Europe que sur celles d’Asie. Que fait-on ? Où nous mé-nera-t-on? Nous n’en savons rien. On nous le dira quand nous ne serons plus maîtres des événements.
- La politique républicaine, au contraire, faite de franchise et d’honnêteté, ne dissimule ni ses moyens, ni son but. Le gouvernement, avant d’agir, consulte les représentants du pays, dont les votes donnent une double force aux soldats pour combattre et aux diplomates pour négocier.
- C’est pourquoi nous demandons la convocation des Chambres, indispensable dans les circonstances actuelles.
- Nous sommes fiers des succès de notre marine et de notre armée, fiers de nos officiers et de nos soldats.
- Les républicains, divisés parfois lorsqu’il s’agit de se prononcer sur une politique, seront toujours unis quand il s’agira
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- de l’honneur national et de ceux qui combattent pour le défendre.
- Vous êtes, monsieur le président de la République, le gardien de la Constitution ; elle vous a attribué dans l’exercice du droit de paix et de guerre des prérogatives et vous impose des responsabilités.
- Votre haute probité politiqne vous conseillera.
- Recevez, monsieur le président de la République, l’assurance de notre respect.
- Pour l’Extrême-Gauche :
- Le président, D. BARODET.
- Le servage politique. — On annonce que plusieurs municipalités sont en partie désorganisées par l’ukase des grandes compagnies de chemin de fer défendant à leurs employés d’occuper des fonctions électives. Voici quelques paroles de M. L. Marchand, professeur à l’école supérieure de pharmacie de Paris, maire de Thiais, prononcées à l’inauguration de la Mairie et des écoles, au sujet de cette mesure illégale et tyrannique.
- « Messieurs, c’est au nom des 16 conseillers municipaux élus aux dernières élections que je vous parle aujourd’hui. Mais ce n’est pas sans une amère douleur que sur les 16 je ne vous en présente que 11. Les cinq autres out été fauchés par le directeur de la Compagnie du chemin de fer d’Orléans. Je ne vous dépose pas lenr démission, M. le Préfet, car je proteste contre cet attentat au suffrage universel, tenté par quelques parvenus engraissés de la sueur des employés et trop souvent du sang des travailleurs. Notre Président s’est chargé d’interpeller la Chambre, espérons qu’il obtiendra du ministre, sinon la punition de ceux qui ont voulu mutiler les droits du Citoyen, au moins le retrait d’une circulaire digne des plus mauvais ours de l’Empire.
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- Rigueurs du salariat. — Les résultats de l’industrie minière et métallurgique pour le premier trimestre de 1884 mettent en évidence l’absurdité du salariat.
- La production en combustibles, minéraux, a été de 9.978.720 tonnes, contre 11.009.128 en 1883. — Diminution : 1.030.408 tonnes.
- La production de la fonte a été de 954.983 tonnes contre 1.019.259 en 1883. — Diminution 64.276 tonnes.
- La production des fers a été de 455.977 tonnes contre 473.110 en 1883. — Diminution : 17.133 tonnes.
- La production des aciers a été de 239.704 tonnes, contre 254.452 en 1883. — Diminution : 14.748 tonnes.
- Le journal auquel nous empruntons ces chiffres, les fait suivre de la réflexion suivante : « 11 est temps d’aviser : car en même temps que nos ressources décroissent les nécessités du budget augmentent ».Cette considération a bien sa valeur, mais il en est une autre que les républicains vulgaires ne peuvent émettre, faute d’études sociologiqnes sérieuses, et qui a pourtant une importance beaucoup plus considérable.
- On oublie d’observer que de cet abaissement de la production, dont les causes ne peuvent être mises à la charge des salariés, il résulte une diminution minima de 15.000.000 de francs dans les salaires distribués,pendant ces six premiers
- mois de cette année, aux quelques centaines de mille de Salariés de ces deux professions. On sait cependant, que pendant les années de prospérité le salaire de ces parias suffit à peine pour leur procurer une maigre subsistance, et nul ne s’inquiète des souffrances aiguës que doivent éprouver ces travailleurs privés de 15.000 000 de salaires, parce que les classes dirigeantes se livrent à une production désordonnée. Cela est autrement significatif qu’un trou de plus au budget.
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- La Mutualité sociale. — Partout, malgré les dénégations théoriques des dirigeants, on trouve des traces de commencement de Mutualité sociale, tant est grande la nécessité de cette institution ; à Paris, on a commencé à doter, il y a quelque années, d’un hudget de 100.000 fr. les institutions garanlist.es des droits de l’enfant, on est arrivé maintenant à une dépense annuelle de 730.000 fr. et cette somme suffit tout juste àdémontrer qu’il est impossible de retarder plus longtemps une organisation définitive d’un sexviee public en faveur de l’enfance; il a fallu songer à apporter à cette institution les perfectionnements suffisants pour qu’elle réponde de plus en plus à son but élevé, et on a songé à prélever sur la caisse une somme destinée à créer des bourses d’entretien, lesquelles seront attribuées aux familles chargées d’enfants qui, de cette façon, les élèveront tous également.
- Rappelons que les pupilles de la Ville se composent 1° des orphelins de père et de mère non abandonnés; 2° des orphelins de père ou de mère ; 3° des enfants dont la famille, par suite d’accidents ou d’infirmités très graves, ne peut faire l’éducation.
- Contrôle des mandataires.— Si l’on savait partout imiter le bon exemple donné par les républicains de Sens !
- M. Guichard est député de Sens.
- Les républicains de Sens avaient, dans une réunion publique, tenue le 44- août 1880, donné mandat à M. Guichard de demander l’élection des juges par le peuple, la révision de la Constitution dans un sens démocratique et l’élection du Sénat par le Suffrage universel.
- M, Guichard, qui s’y était engagé a failli à sa parole.
- Aussi, les membres de la Société de la Libre-Pensée de Sens, réunis en assemblée générale, le 25 août dernier, ont-ils décidé à l’unanimité des membres présents, moins deux voix, qu’ils regrettaient le simulacre de révision ; qu’ils blâmaient leur député, M. Victor Guichard, pour violation de son programme, et qu’ils lui retiraient leur confiance.
- M. Guichard peut ne pas tenir compte de ce blâme ; il n’en est pas moins vrai qu’il y a dans la décision de ses commettants un commencement de justice et que voila le député infidèle à son mandat frappé de déchéance morale.
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- La rage. — La commission nommée à l’effet de contrôler les expériences de M. Pasteur vient de publier un premier rapport.
- Voici, sous une forme abrégée, l’indication de ces expériences :
- 1- Les i*r et 6 juin, ont été inoculés par trépanation et
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- avec un virus de chien à rage des rues : 10 chiens, dont 5 vaccinés coutre la rage et 5 témoins pris à la fourrière ;
- 2* Les 3, 4, 10, 17 et 28 juin, on a fait mordre, par des chiens enragés de rage dite spontanée des rues, 12 chiens dont 6 vaccinés contre la rage et 6 témoins ;
- On a inoculé par injection intra-veineuse, le 19 juin, 6 chiens avec le virus de rage des rues ; le 20, 12 chiens avec un virus très virulent, sortant du bulbe d’un lapin de quarante-sixième passage, c’est-à-dire ayant passé successivement dans une série de 46 lapins. M. Pasteur a démontré expérimentalement, devant la commission, que ce virus donne la rage aux lapins en 7 ou 8 jours et aux chiens en 8 ou 10 jours, quand on applique la méthode de trépanation. Enfin, le 26 juin, on a encore inoculé 2 chiens, avec le virus d’un témoin mort après inoculation.
- La commission a donc mis jusqu’ici en observation, dans des expériences de diverse nature, 42 chiens, dont 23-pré-sentés par M. Pasteur comme réfractaires à la rage et 19 témoins n’ayant subi aucune inoculation préventive ou vaccinale.
- Les résultats constatés par la commission jusqu’à ce jour se décomposent ainsi qu’il suit ;
- Les 19 témoins ont présenté 3 cas de rage sur 6, à la suite des morsures par chiens enragés.
- 6 cas de rage sur 8 à la suite des inoculations intra-veineuses.
- Enfin 5 cas de rage sur 5 à la suite des inoculations par trépanation.
- Les 23 vaccinés, au contraire, n’ont pas offert un seul cas de rage.
- Cependant, au cours des expériences, un réfractaire inoculé par trépanation, le 6 juin, est mort le 13 juillet, à la suite d’une diarrhée avec évacuations noires, qui s’est manifestée chez lui, dans les premiers jours de juillet, dans l’infirmerie de M. Bourrel. Afin de voir si ce chien a pu mourir de rage, on a inoculé son bulbe,le 13 juillet, à trois lapins et à un cobaye. Aujourd’hui, 4 août, ces sujets sont encore très bien portants, et cependant ils ont dépassé le terme habituel où la rage apparaît chez les animaux de leur espèce après l’inoculation iutra-crânienne. Ils sont tenus en observation suivie.
- Le rapport se termine par les conclusions suivantes :
- Les travaux de la commission sont loin d’être terminés. En multipliant ses séances, en diversifiant les épreuves qu’elle a demandées à M. Pasteur, elle a voulu répondre à l’impatience de l’opinion publique.
- Il lui reste de nombreux faits à vérifier 'encore, tout en poursuivant l’examen des divers essais qui ne sont pas encore terminés.
- De toutes les séries d’expériences qui lui restent à entreprendre, la plus importante sera celle de la vaccination, faite par elle ou sous ses yeux, d’un grand nombre de chiens neufs, et de la comparaison quelle établira ultérieurement entre les chiens, après leur vaccination, et un nombre égal de chiens témoins qui n’auront subi aucun traitement.
- En d’autres termes, la série des expériences faites sur les chiens vaccinés parM. Pasteur a donné des résultats décisifs. Il reste maintenant à la commission à soumettre à des épreuves multiples et variées de nombreux animaux qu’elle aura vaccinés elle-même.
- Plus tard, elle aura à s’occuper de la prophylaxie de la rage chez des chiens mordus, en créant chez eux, pendant la durée de l’incubation, une immunité capable d’empêcher le virus de la morsure de déterminer la rage.
- CONGRÈS MÉDICAL DE LA HAYE
- Parmi les personnalités les plus en vue du congrès se trouve au premier rangM.J.Rochard, l’éminent directeur de notre service de santé,qui a fait une conférence vraiment très originale et très curieuse sur la valeur de la vie humaine appréciée en argent et sur les principaux phénomènes sociaux chiffrés à ce point de vue. Voici les principaux résultats auxquels est arrivé M. Jules Rochard.
- La valeur économique de la vie humaine n’a pas encore été calculée. Les hygiénistes anglais (MM. Chadwick Fair, Douglas Gallon, James Paget) n’ont envisagé la question que sous des aspects particuliers et ne l’ont pas traitée dans son ensemble. L’orateur a cru la serrer de plus près pour en faire la base de déductions pratiques frelatives à l’hygiène et pour y trouver la démonstration des trois aphorismes suivants :
- 1° Toute dépense faite au nom de l’hygiène est une économie ;
- 2° 11 n’y a rien de plus dispendieux que la maladie si ce n’est la mort ;
- 3° Pour les sociétés, le gaspillage de la vie humaine est le plus ruineux de tous.
- La vie humaine n’a pas de prix quand on l’envisage au point de vue intellectuel et moral ; mais, sous le rapport matériel, elle a une valeur économique et c’est la seule que reconnaisse la loi. Cette valeur varie suivant le temps, les peuples, les circonstances. A notre époque et pour les nations civilisées, elle se règle sur quatre éléments principaux : l’àge, le sexe, la résidence et la position sociale. En tenant compte de ces données, l’orateur a partagé la population de la France, principal objet de ses calculs, en petits groupes dont il a calculé la valeur et dont il a fait la somme. Il a trouvé, en réduisant ses évaluations au minimum, que la population de la France en 1880 représentait une valeur économique de 41.321.236.656 fr.,ce qui donne 1.097 fr. par personne, d’après le dernier recensement, en comptant, bien entendu, les femmes et les enfants, ainsi que les vieillards, les aliénés et les infirmes, qui ne sont que des non-valeurs et des charges.
- En évaluant de la même façon la dîme mortuaire et la rançon imposée par la maladie à la population française, M. Rochard a trouvé, pour la première, 940.686.444 fr., qui, avec les frais de sépulture, font un milliard en chif fres ronds, et, pour la seconde, en tenant compte des
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- frais de traitement et de la perte de travail, 702.420.583 fr.; total, 1.649.107.027 fr., somme énorme, qui dépasse la moitié du budget annuel des dépenses de la France. En diminuant cette rançon d’un dixième, on économiserait chaque année 165 millions, qui constitueraient un magnifique budget de la santé publique.
- Dans la seconde partie de sa conférence, l’orateur s’attache à prouver que cette diminution des décès et des maladies n’est pas une utopie, et que l’hygiène peut fournir, dès aujourd’hùi, les moyens de la réaliser.
- Toutes les maladies meurtrières,dit-il,toutes celles qui déciment les populations sont des maladies contagieuses et, comme telles, sont destinées à disparaître un jour ; c’est-à dire qu’elles s’atténueront de façon à ne plus affecter sensiblement les tables de mortalité. Cela demandera des siècles, si on laisse marcher les choses, mais si l’on écoute les conseils de l’hygiêne, le résultat sera obtenu beaucoup plus tôt.
- L’histoire de la médecine est pleine de maladies disparues : la peste du Levant a fait cent millions de victimes en cinquante-deux ans ; la peste noire du quatorzième siècle' a enlevé le quart de la population du globe, et personne ne s’en souvient plus aujourd’hui. La lèpre, la suette, la maladie gangreneuse |du moyen âge, ne sont plus que des souvenirs. Les fléaux mitigés qui 'nous affligent aujourd’hui feront de même, mais l’hygiène peut précipiter le mouvement.
- L’orateur passe alors en vue les principales maladies populaires. 11 'montre que la peste, la fièvre jaune et le choléra en particulier a fait, en France, 346.478 victimes dans les cinq invasions qui ont précédé celle-ci, qu’il a déjà coûté trois milliards à l’Europe et qu’il est temps d’en finir, qu’on peut y arriver à l’aide de mesures sanitaires convenables et qu’il importe que les peuples s’entendent pour rédiger un Code sanitaire international qui devienne la loi commune.
- Les fièvres éruptives .coûtent à l’Europe plus de 300 millions par an, et des mesures de police bien prises réduiraient ce tribut de moitié. La variole seule coûte à la France 7.387.000 fr. par an, dix fois la somme qui seraij nécessaire pour établir un système de vaccination régulier, fonctionnant sur toute l’étendue du territoire, par les soins du gouvernement, à ses frais et sous sa surveil -lance.
- La fièvre typhoïde est le fléau des armées de l’Europe. Sur 2.834.600 hommes qu’elle entretient sous les drapeaux (effectif budgétaire des armées permanentes régulières des différentes puissances de l’Europe en 1884), il en meurt par an 5.669 de fièvre typhoïde ; ce qui, à 6.000 fr (valeur moyenne économique du travailleur de 21 ans, bien portant et bien constitué), donne 34.014.000 fr. de perte sèche. Cette maladie peut s’atténuer comme les au-
- tres, mais au prix de travaux d’assainissement coûteux. Il serait à désirer que chaque pays dressât son cadastre sanitaire et que l’Etat vint en aide aux communes trop pauvres pour leur faire les avances nécessaires à sa réalisation.
- La phthisie pulmonaire enlève le sixième de la population du globe. En Europe, sur 1.000 décès, 160 lui sont dus, et comme c’est une maladie dispendieuse par sa lenteur, elle coûte à l’Europe plus de 2 milliards, et à la France 166 millions par an. Elle augmente d’une façon évidente, mais la certitude de sa transmissibilité, démontrée par le docteur Villemin, fait espérer qu’on pourra enrayer sa marche à l’aide de mesures hygiéniques dont l’auteur trace le tableau.
- Les fièvres paludéennes peuvent également être conjurées pour le plus grand profit de l’hygiène et de l’agriculture, ainsi que le prouve cet admirable pays de Hollande conquis sur la mer et sur les marais, par la persévérance, l’activité, l’intelligence et le courage de ses habitants.
- L’orateur montre ensuite que ce ne sont pas là des utopies et qu’on peut atténuer les ravages causés par les maladies contagieuses, sans craindre une augmentation menaçante dans le chiffre des populations. Il termine en ces termes :
- « Pour répandre ces idées, pour les faire accepter,nous avons entre les mains tous les leviers avec lesquels on soulève l’opinion publique. Nous avons le livre et le journal, nous avons la tribune du législateur et la chaire de l’enseignement, les congrès qui se multiplieni, les sociétés d’hygiène qui se créent de toutes parts. Pour les faire passer dans la pratique, c’est chose différente. Il faut des capitaux. Bien que ces dépenses doivent se traduire plus tard en économies, il faut une première mise de fonds et bien des nations ont leurs finances obérées. Eh bien ! que le budget de la guerre vienne en aide à celui de l’hygiène et celui-ci le lui rendra au centuple le jour de la lutte, par le nombre et la force de ses défenseurs.
- » L’Europe, en pleine paix, dépense chaque année 2.903.000.000 (c’est le chiffre de 1884) pour ses armées : eh bien ! qu’elle fasse une petite réduction sur ces armements, pour constituer le premier fonds de l’hygiène. Je ne suis pas de ceux qui marchandent avec la défense du pays, mais il s’agit d’une simple avance. Quand l’honneur national le commande, quand la défense du territoire l’exige, les nations doivent se montrer prodigues de leur or, comme du sang de leurs enfants. Il est même des heures néfastes où tout homme de cœur comprend qu’elles poussent cette prodigalité jusqu’à la folie; mais nous ne sommes plus dans ces circonstances là. Il est malsain d’y arrêter sa pensée. Le mieux serait de les
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- oublier. L’ère des grandes guerres touche à sa fin. Elle passeront comme ont passé les grandes épidémies. Nous ne serons pas là pour saluer cet âge de paix, nos petits-fils peut-être ne le verrons pas éclore ; mais il aura sou heure, et cette vision de l’avenir console un peu des tristesses du présent. C’est peut-être une dernière illusion que je caresse, mais celle-là, je demande à la garder jusqu’à mon dernier jour. »
- E A., Le Temps.
- Adhésions aux Principes d'Arbitrage et de désarmement Européen
- Haute-Marne.— Curel—Bretz, Charles, vigneron.
- Sailly. — Barbier, Nicolas, manouvrier. — Julien, Auguste, propriétaire.
- Bainville. — Prot, Alphonse, carrier.
- Bussy. — Charroy, Joseph, mécanicien.
- Joinville. — Maigrot, Frédéric Nicolas, tailleur. — Chaumont, imprimeur. — Collas-Chatelet, négociant. — Ga-yot, Eugène, boulanger. — Collet, Louis, imprimeur. — Madame Anna Petitjean.
- BIBLIOGRAPHIE
- Nous signalons à nos lecteurs une série d’excellents petits ouvrages élémentaires pour l’enseignement de la lecture, du calcul et du français, par M. Grosselin. Ces ouvrages parfaitement compris sous tous les rapports sont en vente à la librairie Alphonse Picard, 82, rue Bonaparte, Paris. Nous en donnons ci-dessous les titres et les prix :
- — Enseignement de la lecture rendu attrayant et ra-
- pide par l’emploi de la phonomimie.............0f 40
- — Manuel de la méthode phonomimique . . d »#
- — Lectures instructives illustrées........0 35
- — Exercices gradués de lecture préparant à
- l’étude de l’orthographe d’usage...............0 60
- — Exercices élémentaires de français ... 045
- — Exercices élémentaires de calcul. ... 0 10
- — Exercices élémentaires de français et de
- calcul.........................................0 15
- SANS ENFANTS
- (Suite)
- IL
- Le concierge de la rue de Châteaudun, que Champion aspirait à remplacer, était bien le personnage important que ce dernier se représentait, mais comme tous les hommes supé-
- ieurs, il n’avait pas d’excès de morgue. Disons-le d’ailleurs en passant, si, pris individuellement, beaucoup de concierges laissent à desirer, l’espèce en général est quelque peu calomniée. Bien disposé en faveur des deux époux par leur bonne mine, et surtout par la médaille militaire, M. Chopette se montra bienveillant et même admirable. Du reste, il quittait volontairement la loge, après vingt-sept ans de bons et loyaux services, qui lui avaient permis de se faire bâtir, dans les Ardennes, son pays natal, une maison de campagne,
- « assez conséquente, avec huit pièces à feu », dit-il, non sans fierté. Mme Chopette, son épouse, était déjà là bas, pour s’occuper de l’installation. Oh ! la loge était bonne, et il serait pour lui. heureux et fier, ajouta-t-il en touchant légèrement de la main sa calotte de velours noir, d’être remplacé par un homme qui avait si glorieusement servi son pays.
- Après quelques minutes de conversation, M. Chopette débarrassa les deux époux de leur parapluie, et sonna pour annoncer la visite au valet de chambre qui devait les introduire près de Monsieur. Monsieur habitait au premier. C’est tout ce que ce haut fonctionnaire se permit de dire sur le compte du propriétaire de la maison. M. Chopette était un concierge de la nouvelle école, dédaigneux des potins. Bon pour les anciens portiers, cela.
- Tenu à moins de réserve, faisons connaître en quelques mots le propriétaire actuel de l’immeuble de la rue de Châteaudun. Fils d’un entrepreneur qui s’était enrichi dans la construction du boulevard Haussmann, M. Plumier, dès l’âge de vingt-six ans, devenait maître, par la mort de son père, d’une fortune de plusieurs millions, dont il n’abusait pas, ni pour bien faire, ni pour mal faire. C’était un tempérament froid et pratique : il passait une bonne partie de sa vie au cercle, parcequ’ü y trouvait un salon de lecture gratuit, et surtout une excellente table à prix réduits, mais il ne jouait jamais. Il profitait ainsi des perfectionnements de la vie parisienne, en y contribuant le moins possible. Ah ! ce n’est pas lui non plus qui aurait risqué un sou dans les opérations du Comptoir Franco-Birman, l’établissement de crédit auquel il louait le rez-de-chaussée de sa maison, moyennant une année payée d’avance ! Pas mauvais garçon au demeurant, prêtant assez facilement de l’argent à ceux de ses camarades qui pouvaient le lui rendre, et passant ainsi pour serviable à bon compte.
- Le frotteur et sa femme s’arrêtèrent tout étourdis au milieu du cabinet de M. Plumier, qui, après les avoir toisés d’un rapide coup d’œil, les encouragea d’un sourire. Sur lui aussi, la vue de la médaille avait produit son effet;
- — Vous venez pour la loge ? demanda M. Plumier, que le valet de chambre avait renseigné d’un mot.
- — Oui, monsieur.
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- — Vous êtes ancien militaire et décoré de la médaille militaire, n’est-ce pas ? Où avez-vous gagné cette si flatteuse el si honorable distinction?
- On voit que M. Plumier ne dédaignait pas quelquefois d'arrondir sa phrase. N’étant pas favorisé du côté de la barbe, ne pouvant ceindre son cou de la cravate blanche du médecin ou du notaire, il n’avait trouvé que ce moyen de rapprocher sa jeunesse de la gravité qui devait être, selon lui, le. signe distinctif du vrai millionnaire. Il pensait que cela le vieillissait.
- Pour toute réponse, Champion, qui était modeste et parlait de lui le moins possible, tendit à M. Plumier ses papiers mi litaires. parmi lesquels se trouvait, avec son brevet, un certificat excessivement élogieux de ce capitaine Desbaux, à qui le frotteur avait sauvé la vie à Coulmiers.
- — C’est bien, cela, très bien, et vous n’aurez certes pas volé la croix, mon brave, fit M. Plumier. De ce côté-là, vous remplissez donc la condition que j’exigeais, mieux encore, vous la dépassez. Mais vous n’avez pas d’enfants?
- Champion se tut.
- — Non, Monsieur, répondit sa emme, toute rougissante de son mensonge.
- Heureusement, M. Plumier attribua son trouble à une tout autre cause.
- — Depuis combien de temps êtes-vous maries? continua-t-il.
- — Depuis bientôt douze ans ; nous nous sommes mariés presque aussitôt après la guerre.
- — Douze ans de mariage et pas d’enfants ! C’est assez étrange, car, sans vous flatter, vous faites un beau couple. Après çà, il n*y a pas de temps perdu, n’est-ce pas ? Ah ! dans ce cas, par exemple, je vous avertis d’avance que nous ne nous entendrions plus, et que je me verrais forcé de me séparer de vous. Voyez-vous, ajouta M. Plumier en guise de correctif, ce n’est pas que je n’aime point les enfants : je les adore, au contraire. Mais nous avons ici des locataires qui ne pensent pas comme moi : des enfants joueraient dans la cour, sur laquelle donnent les fenêtres des bureaux du Comptoir Franco-Birman, et ils dérangeraient les employés. Et puis, votre loge ne comporte qu’une chambre à coucher, suffisante à peine pour deux personnes • ce serait tout un remue-ménage pour la disposer convenablement, et, je vous l’avouerai, j’ai les maçons en horreur.
- Sur ce dernier point, du moins, M. Plumier était sincère,
- d ne put même ^prononcer ce mot de «. maçons » sans foire une grimace. Il avait trouvé cette haine pour les braves Limousins dans l’héritage de son père, qui, sans doute, 11 avait jamais pu pardonner à ses ouvriers 1 argent qu’il avait gagné sur eux. Les derniers mots que le père Plumier avait Pressés à son fils, au lit de mort, étaient ceux-ci : « Ne Lâtis jamais ! » Et le jeune héritier avait interprété la recommandation dans le sens le plus large. Non-seuiement il ne
- bâtissait pas, mais il ne faisait jamais de réparations. Il faut bien respecter la dernière volonté des mourants.
- — Eh bien, sous cette réserve, mon ami, reprit M. Plumier, je pense que nous nous convenons. Je donnais douze cents francs par an à M. Chopette, mais en considération de votre médaille militaire, j’ajoute trois cents francs : vous voyez, ajouta-t-il en souriant, que je vous la paie mieux que le gouvernement. Et d’ailleurs M. Chopette vous dira lui-même que le traitement fixe était ici le moindre de ses profits. Est-ce entendu ?
- Champion se taisait : sa femme le regardait, devinant le combat intérieur qui se livrait dans l’âme de son mari, et en attendait le résultat, pleine d’angoise.
- — Eh bien, non, s’écri* tout à couple frotteur avec explosion, non, ce n’est pas entendu ! Je vous remercie de vos bontés, Monsieur, mais je n’en profiterai pas. Nous vous avons menti tout à l’heure, Monsieur, nous avons deux enfants, deux bons et beaux garçons. Nous voulions les mettre à la campagne, chez les parents de ma femme, mais au dernier moment, je vois que je n’aurais pas eu le courage de me séparer d’eux. Et puis tu avais raison, ma femme, quand tu me disais à la maison que ce n’était, pas bien, un pareil mensonge Renier mes deux fils, deux futurs défenseurs de la patrie ! Jamais ! Allons, prenons congé de Monsieur, et en route.
- 11 entraîna sa femme, presque avec violence.
- Dans l’antichambre, celle-ci lui sauta au cou :
- — Que c’est bien, François, ce que tu viens de faire là! s’écria-t-elle. Je me suis retenue pour ne pas t’embrasser devant le Monsieur, mais je ne peux pas attendre jusqu’à la maison.
- — Dépêchons-nous donc de rentrer, répondit Champion. Les enfants ne vont pas tarder à revenir de l’école, et j’ai hâte de leur faire oublier ma mauvaise humeur de ce matin. Oui, je sens que j’ai vraiment besoin de les embrasser.
- — Et moi donc ! fit sa femme. Après une pareille journée !
- III.
- Mais les deux époux n’étaient pas au bout de leurs émotions. Comme ils allaient passer devant la porte de la loge, où l’imposant M. Chopette, tout aussi curieux qu’un simple portier, les guettait pour savoir plus tôt le résultat de l’entrevue, ils entendirent derrière eux un pas assourdi par le tapis moelleux qui couvrait tout l’escalier. C’était le valet de chambre qui les rejoignait.
- — Monsieur vous prie de remonter un instant, leur dit-il simplement.
- Les deux époux se consultèrent du regard.
- — Que peut-il nous vouloir? murmura la femme.
- — Peut-être trouve-t-il que nous lui avons brûlé la politesse, répondit Champion.
- — Il est certain que nous sommes parti bien brusquement.
- — Bast ! au petit bonheur ! Montons, et nous saurons ce qu’il nous veut : il ne nous mangera pas, apres tout. J’en ai
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- vu bien d’autres à Coulmiers, dit le frotteur, qui avait repris maintenant toute sa décision.
- Le jeune propriétaire les attendait dans son fauteuil, avec un sourire qui n’avait rien d’alarmant.
- — Ainsi donc, leur dit-il, sans autre préambule, et comme s’il continuait la conversation, vous avez deux enfants, deux garçons ?
- — Et deux famenx ! s’écria le père avec élan.
- — Gustave et Georges, ajouta la femme plus doucement.
- — Et vous vouliez les envoyer chez vos parents, à la campagne, pour prendre la loge et gagner davantage?
- — Oh ! répondit Champion vivement, ce n’est pas tant pour l’intérêt, quoique je ne méprise pas l'argent honnêtement gagné. Mais voyez-vous, Monsieur, ma blessure me fait souffrir quelquefois, aux changements de temps, et ça me tourmente un peu. Si j’allais ne plus pouvoir frotter !
- Eh bien, mon brave, dit M. Plumier, vous n’aurez pas à frotter ici, même votre loge. Vous connaissez déjà M. Cho-pette, n’est-ce pas ? et vous avez dû comprendre qn’un aussi grand personnage ne descendait pas à de pareils travaux. Il y a un frotteur à l’année pour toute la maison : soyez donc sans crainte de ce côté.
- — Mais alors, Monsieur, s’écria Champion, si j’ai bien compris...
- — Vous avez parfaitement compris. La loge est à vous, et vous y amènerez vos enfauts. Ne me remerciez pas, car c’est moi au eontraire, qui vous dois de la reconnaissance. Votre cri du cœur de tout à l’heure m’a donné à réfléchir plus que je ne l’avais fait depuis longtemps.
- Oui, c’est une triste chose que d’honnêtes gens comme vous en soient amenés à penser à des expédients du genre de celui que vous avez failli employer, tandis qne ce titre de père et de mère de famille devrait être leur meilleur recommandation. Mais pour moi, du moins, je suis converti. Vos enfants viendront ici, ils joueront dans la cour tant qu’ils voudront, et si le directeur du Comptoir Franco-Birman n’est pas content, eh bien ! il n’aura qu’à chercher une autre maison. Il y a derrière votre chambre à coucher une grande pièce qui ne sert aujourd’hui qu’à mettre des débarras : on l’ajoutera à votre loge, ce n’est qu’une porte à percer. Et puis, je profiterai de ce que les maçons seront dans la maison — et, cette fois, M. Plumier prononça ce mot abhorré sans la moindre grimace, — pour faire faire quelques arrangements à mon appartement. Car, ma foi, vous m’avez donné envie de me marier, d’avoir, comme vous, de beaux enfants ..
- — Ah 1 monsieur, s’écria la femme Champion, si vous saviez comme c’est bon de les aimer !
- — Je vous crois, et maintenant, donnez-moi votre main tous les deux, Affaire conclue.
- Les deux époux se retrouvèrent dans la rue sans savoir comment ils y étaient arrivés : le grand air les fit cepen-
- dant revenir de leur étourdissement. Ce fut Champion qui parla le premier, pour manifester sa joie d’une façon que l’on trouvera un peu vulgaire, mais qui, du moins, a le mérite d’être naturelle. Quelque courageux qu’il fut, le frotteur n’était pas un héros d’Homère, et d’ailleurs les héros d’Homère eux-mêmes pensaient à leur estomac.
- — Tu sais, femme, avant de rentrer, lui dit-il, tu achèteras un beau gigot pour le dîner de ce soir. Ah ! tu prendras aussi chez un bon pâtissier une tarte aux prunes : les enfants l’adorent.
- — Tu as raison, Champion, c’est aujourd’hui jour de fête.
- Et la brave femme, discrètement, sans ostentation, sans même que son mari s’en aperçut, glissa quelques sous dans la main d’une mendiante qui tenait deux enfants déguenillés dans les bras, à la porte même de sa maison.
- Paul COURTY.
- • --f* > * ' a ’ •
- AVIS
- Le dimanche 7 septembre prochain, la Ligue tiendra dans la salle de VAlabama (Hôtel-de—ville de Genève) une Assemblée générale extraordinaire. Une seule question sera mise à l’ordre du jour de cette Assemblée :
- LA NEUTRALISATION DE L’ALSACE ET DE LA LORRAINE.
- La séance s’ouvrira à neuf heures précises du matin.
- Les lettres d’invitation sont exclusivement personnelles et serviront de carte d’entrée.
- Les personnes qui désirent assister à cette Assemblée sont priées d’adresser d’ores et déjà leur demande au siège de la Ligue, Genève, 1, Quai des Bergues.
- Le lendemain, lundi 8 septembre, à 8 heures du soir, M. J. Gaillard, membre de la Chambre des députés française, fera dans la salle des Amis de l’instruction une Conférence publique qui sera présidée par M. Ch. Lemonnier. M. J. Gaillard a choisi pour sujet :
- De la justice entre les nations.
- L’Assemblée générale annuelle ordinaire de la Ligue, à laquelle sont exclusivement convoqués les membres de la Ligue, se tiendra le samedi 6 septembre prochain, à 3 heures après-midi, au siège de la Ligue, 1, quai des Bergues. L’ordre du jour de cette Assemblée est ainsi fixé :
- Rapport du Comité central sur la marche et sur les travaux de la Ligue pendant l’exercice 1883-84.
- Rapport financier.
- Addition du mot justitiam à la devise inscrite en tête des Etats-Unis d’Europe.
- Adoption d’un insigne spécial aux membres de la Ligue.
- Propositions individuelles.
- Election des membres du comité central pour l’exercice
- 1884-85.
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- LE DEVOIR
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- SOCIÉTÉ DU FAMILISTÈRE DE GUISE
- FÊTE DÊJ/ENFANCE
- JOURNÉE DU DIMANCHE
- Organisation de la cérémonie
- Réuhion générale à 2 heures 1/4 dans la cour de l’aile gauche pour les conseils d’administration de l’usine et du familistère, les bureaux des comités des caisses et les associés.
- Les enfants des écoles, au pouponnât ; la musique au Casino avec sa bannière, les pompiers et les archers.
- A 2 heures 1/2, marche des groupes vers la cour centrale pour former le cortège; les pompiers prennent place au fond de la cour avec les comités, les associés et les employés et la musique devant le passage du pouponnât.
- A 2 heures 3/4,
- Défilé. — Les sapeurs, les tambours, les trompettes, les pompiers, les enfants, la musique, M. Godin, administrateur-gérant; le 'conseil de gérance et les divers conseils, les présidents et secrétaires des caisses de Tassociatioh, les services, les employés et les archers.
- Les pompiers forment la haie à la porte du théâtre pendant d’entrée du "cortège et entreront au parterre par la droite et les archers par la gauche.
- Le Conseil de gérance, les Conseils' dû ‘familistère et de l’usine, le Conseil de surveillance, les présidents et secrétaires des caissesMe l'association, ainsi que la musiqne prendront place sur la scène ; le reste du cortège se-placera derrière les enfants, les habitants du Familistère, les employés et ouvriers de l’usine ainsi que "leurs invités .prendront place aux galeries, les loges restent réservées pour les invités.
- Les paféüts <pii auraient* iqüelque chose à distribuer à leiirs petits enfants pendant la cérémonie sont priés'de rie fe faire qu’au moment où ceux du baihbihât^ét du''pouponriàtSortiront dans la cour, afin de ne pas troubler l’ordre et le calme nécessaire àT'àéÛbmplissemérit des'exéfcicés.
- Lorsque Ta eéréniiônie sera terminée, les per-‘ sôrinés'lqûi aurontfj5risi place sur'îa scène,1 les enfants et les personnes placées au parterre sortiront. Par les portes donnant sur les cours latérales. ,;
- Les pompiers, les archers, ainsi que les personnes placées au galeries sortiront par la grande Porte.
- Le cortège se reformera dans le même ordre qu’à
- l’arrivée et retournera vers la cour du pavillon centre! pour venir se séparer dans la cour de l’aile droite.
- Cérémonie au théâtre à 3 heures du soir. — GTande ouverture par la Société philharmonique.— Chœur par les enfants. — Morceau d’harmonie. — Discours de M. Godin. Morceau- d’harmonie. — Chœur par les enfants. — Distribution des prix. — Morceau d’harmonie.
- à' S heures du soir, Bal public à grand orchestre
- PROGRAMME GÉNÉRAL
- Dimanche 7 Septembre
- A 3 heures du soir. — Cérémonie au Théâtre. A8 heures du soir. — Bal public à grand orchestre.
- Lundi 8 Septembre
- A 11 heures du matin. — Grande Tombola pour les enfants des classes maternelles.
- A 3 heures, après-midi. — Ouverture des Jeux.
- à 3 heures, ' cour de l’aile gauche Carrousel ou Jeu d’Anneaux Commissaires : MM. Roussel etDirson 4 prix divers en 2 sections
- lr8 Section, 1er prix : 6fr. 2rae Section, l«r prix: 6fr. » 2e » : 4fr. » 2e » : 4fr.
- A 4 heures, sur la place du Familistère, si le temps le permet ou dans la cour du pavillon central
- Jeu de Casse-Pots Commissaires : MM. Doyen, Lefebvre et Coppeaux
- jer prix. . . . 3f 00
- 2e » . ... 2 50
- 3* » ... 2 25
- 4e » . ... 2 00
- 5e » . ... 1 75
- 6e # . . . 1 50
- 7e » . . . 1 00
- 88 » . . . 0 75
- A 4 heures, cour de l’aile droite Jeu de Ciseaux
- Commissaires : MM. Liénard, Roger, Nicolas et Legrand Vingt prix : 2 à lf 50 2 à 1 25 2 à 1 00 4 à 0 75 4 à 0 50 __________________________6_à 0 25
- A 5 heures : Pavillon central Jeu Collin-Maillard Commissaires : les mêmes qu’au jeu de ciseaux Vingt-quatre prix de 0f 50 cent, chacun
- à 8 heures
- BAL PUBLIC à grand orchestre Le Directeur-Gérant : GODIN.
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- LIBRAIRIE DU FAMILISTERE DE GUISE (Aisne)
- BROCHURES LE PROPAGANDE
- + I 1 ..
- ^ ÉTUDES SOCIALES *
- »»«----
- La Réforme électorale et la Révision constitutionnelle
- Prix franco : 25 centimes
- Parmi les réformes pacifiques que le Devoir s’est donné pour mission de mettre en lumière afin d’en hâter l’avénement, figure au premier rang la constitution rationnelle des premiers pouvoirs de l’Étai.
- Or, le premier pouvoir dans une République démocratique, c’est le pouvoir du peuple se traduisant par le suffrage des citoyens. C’est donc dans le bon exercice du suffrage universel que se trouve les moyens de bien constituer les assemblées législatives et les pouvoirs publics.
- Le numéro du « Devoir » du 1er Juin 1884est consacré à démontrer que les modes du suffrage pratiqués jusqu’à ce jour ont été le contraire de ce qu’il faut pour établir un réel exercice du droit souverain du suffrage universel. Ce numéro,en raison de son importances été converti en brochure sous couverture spéciale ; il constitue ainsi le n® 2 de la série des Études sociales inaugurée par le numéro exceptionnel intitulé : Le Familistère de Guise, solution de la question ouvrière.
- L’administration du Devoir continuera à éditer cette série d’études, de façon à en faire une collection d’un grand mérite pour la propagande. Nous engageons nos lecteurs à ne pas perdre cela de vue et à conserver ces numéros.
- L’administration du Devoir, s’imposant les plus lourds sacrifices d’étude, de temps et d’argent pour mener à bonne fin cette propagande, nous comptons sur le dévouement de nos lecteurs. Ils peuven nous aider dans notre tâche en propageant des numéros que nous leur enverrons franco contre le prix seulement du papier et du tirage.
- N° 1. -- Le Familistère de Guise, solution de la question ouvrière»
- Le numéro 40 centimes. — iO numéros 2 50
- N° 2. -• La Réforme électorale et la Révision constitutionnelle.
- N° 3. - L’Arbitrage international et le Désarmement européen.
- Le numéro 25 centimes. — 10 numéros 2 francs
- i*W*> ' .a—h.i
- Nous avons actuellement en préparation l’Hérédité de l’Êtat et la Mutualité nationale.
- Dans l’Hérédité de l’État nous établirons par des documents officiels quelles immenses ressources la société doit attendre de cette reforme, combien elle est juste, et qu’elle procure aux classes laborieuses une sécurité certaine en augmentant les garanties sociales en faveur des possesseurs de grosses fortunes.
- Dans la Mutualité nationale, nous analyserons les institutions susceptibles de garantir le droit à la vie à chaque citoyen, nous ferons l’évaluation des charges probables de ces institutions, et nous démontrerons combien il serait facile de les doter suffisamment en y consacrant une partie des produits annuels de l’hérédité de l’État. ____________
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- 8‘ Année, Tome 8. — W° 314 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 1 ^Septembre 1884
- BUBEAU a GUISE (Aisne) ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE ON S’ABONNE A PARIS 5, rue Neuve-des-Petits-Champs
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont
- Toutes les communications le talon sert de quittance. Passage des Beux-Pavillons
- et réclamations France Union postale
- doivent être adressées à Un an ... 10 fr. »» Un an. . . . 11 fr.»» S’adresser à M. LEYMARIE
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- SOMMAIRE
- Fête de l’instruction et de l’enfance. — Fête de l’enfance. — La Révolution économique. — Un discours opportun. — Préceptes et aphorismes sociaux. — Solidarité ouvrière. — Les raffineurs. — Les Grèves, le Capital et les Salaires. — Faits politiques et sociaux de la semaine. —• La Neutralisation de l’Alsace-Lorraine* — Adhésions aux Principes d’Arbitrage et de désarmement Européen. — Légende méridionale.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à litre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- Fête de l'Instruction et de l’Enfance
- Discours de M. GODIN
- Mesdames et Messieurs, chers élèves,
- La fête de l’Enfance, jour de récompense 'et de distinction pour vos travaux, est une occasion so-Lnneile de jeter un regard sur nos intérêts scores et d’en dégager les enseignements utiles lu’ils comportent.
- L’association du Familistère doit le faire en vue du progrès de l’instruction dans son sein, mais aussi comme démonstration de ce qui est possible avec des classes bien organisées, de bonnes méthodes, de bons programmes, un emploi du temps bien compris et des maîtres et maîtresses dévoués à les bien appliquer.
- Le Familistère attire de plus en plus l’attention du monde extérieur, sous tous les rapports ; car ce n’est pas seulement en vue de l’amélioration générale du sort de la classe ouvrière que le monde s’y intéresse, mais aussi en vertu de ce quel’habitation unitaire nous permet, plus que partout ailleurs, de donner une classe spéciale à chaque âge de l’enfance, un matériel approprié aux besoins de chacun de ces âges, et des 'professeurs en rapport avec l’enseignement voulu pour chacun d’eux.
- C’est pourquoi on nous demande des indications pratiques sur l’organisation de nos écoles. Une demande de ce genre vient de nous être faite au nom du gouvernement de la République Argentine.
- Non seulement on désire de nous des renseignements sur les (programmes suivis dans nos classes, mais aussi sur les dispositions matérielles de notre groupe et de notre matériel scolaires.
- Ces questions sont, en effet, des plus importantes; et les personnes qui s’adressent à nous pour avoir des informations sur ce point comprennent qu’effec-tivement une association comme la nôtre, prenant
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- LE DEVOIR
- l’enfant à la naissance et le suivant à tous les degrés de l’instruction jusqu’à l'apprentissage, est en mesure d’organiser, mieux que partout ailleurs, l’enchaînement des méthodes et des programmes, et de faire que l’enseignement soit continu et progressif à tout âge, qu’il n’y ait ni solution de continuité, ni interruption dans les études pour les élèves passant d’une classe dans une autre.
- En outre, le but poursuivi par nous est un but pratique. Enseigner à l’enfant tout ce qui lui est utile de connaître, tout ce dont il devra faire usage et tirer profit ; ne rien faire apprendre de ce qui est destiné à être oublié faute de pouvoir servir ; ne pas surcharger la mémoire de choses étrangères à la carrière que l’élève doit suivre ; faciliter l’essor de sa vocation naturelle: tel est à la fois le but que nous poursuivons et le devoir que nous cherchons à remplir.
- Toute notion non applicable dans la vie usuelle est hors de sa place dans l’enseignement primaire. Elle contribue à charger les programmes,déjà très étendus, d’études dont le plus souvent l’élève ne tirera aucun profit. L’enseignement de l’histoire, par exemple, autre que l’histoire contemporaine prend trop de place dans la généralité des programmes.
- En enseignant aux élèves d’autres connaissances que celles qu’ils sont appelés à appliquer, on travaille à faire d’eux des hommes inutiles à eux-mêmes et aux autres.
- L’année qui vient de s’écouler a été surtout employée par nous, à perfectionner les programmes d’études dans chaque classe, à bien régler l’emploi du temps journalier et la répartition mensuelle des matières à enseigner.
- Ne pouvant vous donner ici, classe par classe, le cadre des études, j’indiquerai seulement le point d’arrivée c’est-à-dire le programme suivi dans la classe supérieure et dans le cours complémentaire où s’achève l’instruction des enfants du Familistère.
- Programme du cours supérieur :
- Lecture, écriture, orthographe, grammaire, style, arithmétique, système métrique, géométrie, géographie, histoire moderne, * notions de physique, histoire naturelle, dessin industriel, dessin d’ornement, couture, morale, instruction civique, musique vocale, gymnastique.
- Toutes ces connaissances, l’enfant doit les utiliser dans la vie ordinaire ; elles sont de celles qui lui feront besoin à [chaque instant dans ses rela-
- tions, ses travaux, dans toutes les affaires qu’il aura à suivre.
- Ce sont bien les connaiss nces utiles à tout homme, connaissances malheureusement négligées chez la plupart de ceux auxquels jusqu’à ce jour on a prétendu faire donner une instruction supérieure dans les pensions et les collèges et qui, pour la plupart, n’ont qu'à oublier les leçons surannées de grec et de latin sur lesquelles leur jeunesse s’est appesantie, sans utilité pour eux ni pour la société.
- Le cours complémentaire au Familistère a pour objet de diriger encore davantage les élèves vers les connaissances usuelles delà vie utile et productive ; c’est le cours préparatoire aux écoles industrielles comme, par exemple, l’école de Châlons.
- Programme du cours complémentaire :
- Lecture, orthographe, grammaire, style, arithmétique,système métrique,tenue des livres et calligraphie, histoire moderne, algèbre, géométrie, dessin linéaire,, industriel,et dessin d’ornement,mécanique, physique, chimie, histoire naturelle, géographie, morale universelle, musique, gymnastique.
- Nous avons fait entrer dans les programmes de nos écoles les connaissances qui doivent sûrement conduire nos élèves à devenir des hommes et des femmes utiles et pratiques.
- En ouvrant à nos jeunes garçons et à nos jeunes filles la voie de toutes les études pratiques, nous ferons d’eux sûrement des ouvriers ou des employés aptes à remplir intelligemment, non seulement leur travail de chaque jour, mais aussi leurs devoirs civiques et sociaux et, par conséquent, nous ferons d’eux des hommes et des femmes devant faire honneur à l’association.
- Si nos élèves veulent pousser plus loin leurs connaissances dans une voie spéciale, toute faculté leur en est ouverte ; ils ont une base de connaissances qui leur permet d’étendre leur savoir dans toutes les directions.
- La voie suivie par nous dans la fixation de ce programme d’études est celle adoptée aujourd’hui par le gouvernement.
- Aussi, sans que nous ayons visé l’obtention des certificats d’études par nos enfants, il est arrivé) vous le savez, que nos élèves se sont distingués sou» ce rapport en obtenant : en 1882, dix certificats; ®n 1883, 15 certificats, et cette année 17 certificats.
- Votre conseil d gérance, voulant éveiller le ^ des enfants et des parents en faveur de l’instruction, avait décidé de donner en 1882 et 1883 u110
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- gratification de cent francs en titre d’épargne à chacun des enfants de nos classes qui obtenait le certificat d’études primaires.
- Depuis, nous avons été amené à comprendre que ja bonne réussite de l’enseignement dépend plus encore de la bonne disposition des classes, d’un matériel bien compris, du judicieux emploi du temps ,je la bonne division du programme, du talent et du dévouement des maîtres que des encouragements donnés aux élèves. Il fallait, au début, plus d’efforts de la part de l’enfant qu’il ne lui en faut aujourd’hui pour arriver au certificat d’études dans nos écoles.
- Aussi le conseil de gérance,tenant compte de ces différents motifs, a-t-il limité cette année à 50 fr. le taux du titre d’épargne alloué en récompense à chacun des lauréats u certificat d’études. C’est donc surtout à la distinction accordée à l’obtention du certificat d’études et aux perspectives d’avenir qui en résultent que nos élèves doivent désormais attacher leur considération.
- Ce sujet m’amène à vous parler d’un autre ordre de distinctions obtenues par deux de nos élèves.
- Deux jeunes filles de nos classes : Mesdemois lies Lucie Casseleux et Marguerite Philip ont été admises, après examen, à suivre les cours de l’Ecole normale de Laon et ont obtenu, par conséquent, chacune une bourse à cette école. Si elles poursuivent avec succès leurs études, elles subiront d'année en année à l’Ecole normale de nouveaux examens et, au bout de trois ans, si leurs capacités et leur bon travail le comportent, elles sortiront de l’Ecole normale pourvues des brevets voulus pour se livrer à l’enseignement comme institutrices soit dans les écoles maternelles, soit dans les écoles primaires.
- Un certain entraînement accompagne toujours le succès. Bien que ces jeunes filles aient dû travailler deux ans pour obtenir leur admission à l’Ecole normale et qu’elles aient encore à travailler beaucoup pour obtenir leurs diplômes de capacité, leur succès a suffi pour que les élèves de nos écoles aient le désir de suivre la même voie. Or, j’ai à vous faire remarquer, mes enfants, que la mission de ^instituteur ou de l’institutrice, pour être remplie an mieux des intérêts de la société, a besoin de par des maîtres et maîtresses véritablement ’inués de qualités de l’intelligence et surtout de finalités du cœur toutes particulières ; sans cela le travail du maître n’a pas de mérite.
- L’enseignement pour être bien fait est un vérité apostolat ; il faut un dévouement constant, un
- travail sans relâche.Quiconque s’en repose sur son brevet de capacité et cesse de se tenir au courant du progrès de la science pédagogique ne fera jamais qu’un maître ou une maîtresse médiocre.
- Il faut, en outre, pour se livrer à l’enseignement, être doué physiquement d’une très bonne constitution.
- Voilà des considérations premières à bien examiner avant de se décider à suivre la carrière de l’enseignement.
- Mais il est, en outre, tout un ordre de faits à envisager dans l’association du Familistère pour le jeune homme et pour la jeune fille qui se disposent à choisir une carrière.
- C’est surtout en vue d’utiliser pour l’association vos capacités, en vue de remettre en vos mains ses principaux avantages, de faire de vous ses membres et ses soutiens, qu’on vous prodigue dans les écoles tout ce qui peut concourir à votre développement intégral.
- Aussi dès que vous êtes pourvu de l’enseignement primaire et que vous arrivez à l’âge d’entrer en apprentissage, l’association vous ouvre, à vous jeunes garçons les multiples fonctions de ses bureaux et de ses ateliers où presque tous les métiers s’exercent ; à vous jeunes filles, des emplois lucratifs dans les services de l’habitation unitaire : entretien général, comptoirs de vente, comptabilité,etc.
- Dans ces fonctions multiples vous pouvez rapidement arriver, par la vigilance, l’intelligence et la bonne conduite, à vous classer dans l’association et à suffire à vous-mêmes.
- Vous pouvez prendre rang dans l’association comme membre participant, sociétaire, associé.
- L’association vous garantit l’avenir non-seulement par la rémunération attachée à vos services, mais aussi par toutes les institutions établies dans son sein.
- Il vous serait donc impossible de réaliser ailleurs de semblables avantages, sauf par circonstances tout à fait exceptionnelles et qui ne peuvent entrer en ligne de compte comme règle générale.
- Les fonctions d’instituteur ou d’institutrice sont forcément assez limitées en nombre ici. C’est donc en dehors de l’association qu’il faut prévoir se placer pour ces sortes de fonctions.
- L’industrie réserve une place beaucoup plus large aux fonctions. L’instruction, soignée comme elle l’est au Familistère, ouvre devant les jeunes garçons de nos écoles des ressources bien plus multipliées. Ils ont, en effet, en perspective toutes les fonctions de l’association.
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- Quant aux élèves doués d’aptitudes supérieures, s’ils ne croient pas devoir s'en tenir à l’instruction qu’offre l’association,ils peuvent trouver accès dans les écoles industrielles ou d’arts et métiers. Il est certain que les élèves doués de facultés spéciales propres à faire d’eux plus tard des ingénieurs, des directeurs, pourraient utilement passer trois ans à Châlons, par exemple, et en revenir ensuite pour entrer dans les services de l’usine.
- Les matières spéciales à connaître pour être admis dans les écoles d’arts et métiers sont de nature à vous être données ici ; lus complètement et plus facilement que partout ailleurs.
- L’enseignement dans nos écoles est à ce point de vue l’objet de notre attention ; le cours complémentaire doit avoir surtout cela pour but, parce que c’est lui qui prépare la génération appelée à poursuivre nos travaux, à soutenir l’association, à réaliser les progrès dont nous posons les premiers jalons. Nous voulons que toute facilité existe ici pour faire acquérir à l’élève les notions pratiques exigées dans les examens d’admission aux écoles industrielles.
- Nous voulons plus, notre désir est que ces études mêmes se fassent ici pour ceux qui voudront les poursuivre sans sortir de l’association. L’association met à votre disposition dans ce but un matériel important d’instruments de physique et de chimie dont le cours supérieur va profiter.
- C’est en accordant à l’instruction de nos enfants toute l’attention possible que nous serons en mesure de suivre avec avantage tous nos travaux, d’assurer le bien-être de vos familles et de montrer l’association toujours prospère aux yeux du monde.
- La marche en avant s’affermit et s’accélère par le développement de l’instruction publique. Aussi une atteinte à l’évolution de l’enseignement populaire est-il considéré à notre époque comme un des plus grands maux qui puissent frapper une nation.
- Voyez comme tout est solidaire de la bonne direction politique des nations. L’association du Familistère avait décidé d’édifier à son usine de Laeken un palais d’habitation et des écoles, comme elle en possède à Guise. Les plans étaient faits ; les écoles devaient être établies cette année, le Familistère eût été construit ensuite ; lorsqu’eu-rent lieu les élections législatives en Belgique.
- Le changement de régime politique mettant en question la liberté de l’enseignement, j’ai cru prudent de ne pas aller au-devant des difficultés qui p ouvaient nous être faites .J’ai donc différé l’édification des écoles projeté»»; afin d'éviter les conflits et les
- désagréments qui pourraient naître pour nous de l’intervention d’un pouvoir opposé au progrès.
- Combien de temps durera ce mouvement de recul en Belgique? Je l’ignore; toujours est-il que c’est un retard apporté dans la construction non-seulement des écoles, mais aussi du Familistère de l’usine de Laeken.
- En attendant travaillons ici à chercher les moyens du progrès, de l’éducation et de l’instruction populaires.
- Soyez, chers élèves, un exemple de ce qui sera possible de réaliser dans l’instruction publique lorsqu’on abordera le problème avec la ferme volonté de bien faire.
- Que le zèle de vos maîtres etmaîtresses, la bonne organisation de no ; écoles, et votre propre travail vous amènent à devenir les continuateurs zélés, intelligents, instruits, laborieux de l’œuvre du Familistère.
- Efforcez-vous,chers enfants, de devenir par votre instruction, vos talents et vos vertus, capables de faire valoir devant le monde les principes qui servent de base à la fondation de l’Association.
- Il me reste un vœu à former, c’est qu’à côté de ce que nous avons réalisé ici pour une partie des enfants de la ville de Guise, la ville elle-même complète bientôt ses groupes scolaires, et établisse les choses d’une façon, si ce n’est plus parfaite que nous, au moins aussi satisfaisante pour le bien de tous les enfants du pays.
- LA FETE DEJ/ENFANCE
- La fête de l’Enfance que l’on ne célèbre nulle autre part qu’au Familistère deviendra certainement une fete universelle ; elle correspond à des sentiments trop humains pour qu’il en soit autrement.
- Ici, rien n’est négligé, chaque année, pour donner un grand éclat à cette manifestation. On comprend que h philosophie du Fondateur du Familistère, basée sur le respect de la vie, doit placer au premier rang le culte de l’enfance.
- Cette année,la population a mis le plus grand empres sement à cette célébration. Tous les enfants, sans exception, se sont présentés à la distribution des récompense8 scolaires dans une tenue parfaite, remarquable par le h011 goût et l’élégante simplicité des costumes.
- Les défilés, accomplis suivant l’ordre que nous aV0D* indiqué dans notre dernier numéro,présentaient un asp imposant. . f
- Pendant les trois heures de durée de la cérémonie
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- j6s enfants de 2 à 14 ans, au nombre de cinq cents, ne se gont départis un seul instant d'un maintien aussi remarquable par sa réserve que par son naturel.
- le petit conseil surtout s'est distingué par sa bonne tenue : ses membres, décorés d'un ruban tricolore, occupaient au parterre du théâtre un banc qui séparait les enfants des écoles maternelles des élèves des diverses divisions de l'enseignement primaire. Ce petit conseil est une innovation de cette année dans l'organisation de nos ^oles. 11 est composé des délégués de chaque classe, élus au scrutin secret par leurs camarades ; il se réunit périodiquement et nomme des délégués à divers services d'ordre, de propreté des salles, de surveillance du matériel scolaire et des outils de jardinage. L'expérience de ce premier exercice a été très satisfaisant.
- Après le discours de Monsieur Godin, la distribution des récompenses a été commencée par la remise de titres d’épargne de cinquante francs à chacun des dix-sept élèves ayant obtenu le certificat d’études primaires; puis, l’on a distribué les prix aux sept classes primaires d’après le mérite des élèves. Les lauréats des prix d’honneur avaient tous été désignés par le vote de leurs condisciples.
- A la dernière heure, on a fait une distribution générale aux poupons et aux bambins dejouetset d’images,etle bonheur de tous n’a pas manqué de se traduire par une gaieté un peu bruyante, sans laquelle la fête n’eût pas été complète.
- Après la distribution des récompenses, le conseil du Familistère, les diverses sociétés de l'association, les maîtres et les élèves se sont réunis dans la cour de l'aile gauche où la musique a fait entendre un dernier morceau supérieurement exécuté. A ce moment les balcons des trois étages regorgaient de curieux que l'on peut évaluer à quinze cents personnes.
- Dans la soirée, la grande cour transformée en une immense salle de bal permettait à douze cents danseurs de se livrer au plaisir de la danse, tandis que de nombreux spectateurs, du haut des balcons, prenaient plaisir à suivre du regard ce spectable réjouissant d'une jeunesse qui sait s’amuser décemment.
- Nos musiciens, qu’on aurait pu croire fatigués, tant ils avaient pris une part active à la cérémonie de la journée,ont Joué pendant toute la soirée avec un entrain incroyable, Çui ne deminuera pas les sympathies que tout bon fami-listérien éprouve pour la société musicale.
- De deuxième jour, les enfants, sous la surveillauce des c°mmissaires des jeux, se sont livrés à divers amusements 0rganisés successivement dans chaque cour : jeux du car-r°usel, du casse-pot, des ciseaux, etc., etc.
- Une particularité, digne d’être signalée, a marqué cette fête.
- Un passage de troupes se rendant aux grandes manoeu-
- vres a coïncidé avec la date de notre fête. Pendant ces deux jours, les familistériens ont généreusement hébergé plus de sept cents soldats logés chez les habitants des Pakis sociaux. Tous ces hommes, soldats et officiers,étaient étonnés et séduits par les allures de notre population, par les solennités des fêtes en l’honneur de l'enfance etparla bonne organisation des amusements auxquels ils ont pris une large part. Cette présence au Familistère, le premier temple de la vie, de ces jeunes hommes, que l’ignorance humaine prépare aux holocaustes de la guerre, réalisait un contraste entre le passé et l'avenir, contraste qui, nous devons le proclamer, est fait pour nous donner confiance en le prochain avènement de la paix entre les hommes. On ne saurait dire avec quel enthousiasme, le matin, à cinq heures, au moment du départ, nos hôtes ont fait entendre leurs vivats en l’honneur du Familistère. Cela nous a fait plaisir d'entendre des soldats crier à pleines poitrines : Vive le Familistère ! C'est-à-dire, Vive la paix et l'harmonie entre les hommes !
- PARAITRA PROCHAINEMENT
- LA RÉVOLUTION ÉCONOMIQUE
- par ïHÉRÉDITÉ de l'ETA T
- Cette étude, conçue et rédigée par M. Godin,sera envoyée à nos abonnés comme numéro spécial ; en librairie, elle formera le numéro 4 de nos Etudes sociales.
- Voici les titres des divers chapitres :
- Les Préventions. — Les impôts et leurs conséquences. — Principes du droit de l’Etat. — Les ressources budgétaires et le droit d’Hérédité de l’Etat. — Richesse générale de la France, base des ressources publiques. — Déni de justice des impôts à l’égard des classes laborieuses.
- — Application du Droit d’Hérédité de l’Etat. — La rente payée à l’Etat et la rente payée au propriétaire. — L’équilibre du budget. — Dette publique. Dangers des emprunts. Remboursement de la dette. — Nationalisation du revenu.
- — L’Hérédité de l’Etat moyen de progrès et de pacification.
- La perspective d’un nouvel et important emprunt à un an d’intervalle d’un
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- précédent s’élevant à deux cents millions, la certitude de l’augmentation du budget par la dotation du service des rentes provenant de ce nouvel emprunt, l’évidence de l’accroissement des déficits à la suite de l’augmentation des dépenses et des diminutions inévitables des recettes, la nécessité d’élever les dépenses intérieures selon les besoins du progrès , tous ces faits aboutissant à la ruine de notre pays recommandent à l’attention publique le plan financier proposé par M. Godin.
- Nous recommandons aux lecteurs de cette annonce de ne pas se laisser épouvanter par le mot Hérédité de l’Etat, M. Godin a trop le respect de la liberté individuelle, du droit de propriété, il est trop convaincu de la nécessité d’encourager les travailleurs à la production, pour proposer aucune mesure susceptible d’atteindre ces droits ou d’atténuer l’émulation au travail.
- Notre situation financière et le progrès social ne permettent plus de recourir aux expédients. Le travail de M. Godin propose un nouveau système financier tendant à libérer,dansun avenir prochain,les vivants des impôts de toute espèce, et donnant à l’Etat des revenus suffisants pour toutes les réformes financières et sociales en prélevant sur chaque fortune, après la mort de celui qui l’a édifiée, une part proportionnelle aux avantages tirés des services publics par le créateur de cette fortune.
- UN DISCOURS OPPORTUN
- A l'occasion d'un concours de tir organisé par Y Union des Travailleurs, de Morez, M. Gédéon Romanet, à a fin du banquet qui a suivi la proclamation des noms des
- lauréats, a prononcé un discours donnant à cette manifesta tion son véritable caractère.
- Au lieu de s’en tenir aux clichés et aux banales fanfaron nades que colportent certaines personnalités encombrantes M. Romanet, après avoir parlé de la nécessité de l'Union des citoyens dans le suffrage universel, a terminé son discours par les paroles suivantes :
- « Non-seulement nous verrons de près l'idéal du gouvernement, mais nous verrons poindre à l'horizon cet autre idéal de Victor Hugo : « La paix universelle entre les peuples civilisés, » car, pour mettre fin à la guerre il faut quelle ne soit plus possible ; pour cela la France doit se rendre inattaquable chez elle : c’est ce que font aujourd'hui, outre l'armée, la Ligue française de l’Enseignement, les sociétés civiques et militaires, les sociétés de tir et de gymnastique. Toutes ces sociétés tendent au même but :
- » Le relèvement de la Patrie ! Honneur à tous les citoyens qui les composent.
- » Comme les vrais principes républicains ne peuvent admettre que les guerres défensives ou civilisatrices, il est de toute évidence qu’une fois rendue invulnérable, la France s’inspirant des principes de la Ligue internationale pour le maintien de la paix (dont notre honorable compatriote, M. Gagneur, fait partie) aura l’honneur de proposer à toutes les puissances un désarmement général, et l’établissement d’un tribunal arbitral international.
- « Par là elle acquerra la vraie et pure gloire,
- « Qui seule prévaudra dans l’implacable histoire.
- » Assurément, messieurs, nous ne verrons pas tout cela, mais si nous savons nous unir et travailler dans ce sens, les femmes elles-mêmes seront avec nous, en voyant que nous cherchons à leur éviter des larmes, toujours occasionnées par le départ de leur fils, de leur frère ou de leur fiancé,et leurs sourires approbateurs et leurs aimables paroles d’encouragement seront pour les pionniers du progrès leur plus douce récompense.
- » Nous verrons aussi nos adversaires politiques ou électoraux, après avoir admiré notre union, reconnaître eux-mêmes l’erreur de leurs appréciations, et venir grossir des rangs qui leur seront toujours largement ouvert.
- » Nos enfants, messieurs, c’est-à-dire les citoyens de l’avenir, si nous leur préparons la voie, feront mieux que nous encore.
- » Comme je le fais aujourd'hui au brave peuple suisse : il* tendront à tous les peuples leurs mains loyales et amies, et ils leur diront : Soyons frères ! abolissons ces guerres meur-trières, ces derniers vestiges de barbarie; supprimons ces armements formidables et ruineux,qui absorbent la plus grande partie de la sueur des peuples, et les meilleures années des citoyens, portons ensemble sur tous les points du globe, le* bienfaits de la civilisation par la liberté et la fraternité ; lut tons toujours, mais que ce soit cette lutte fraternelle, PaC1*
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- fique et féconde des savants et des travailleurs.
- » Un dernier mot, Messieurs ; en résumé, si nous parvenons, comme nous le pouvons, et comme c’est notre devoirj à établir les bases inébranlables d’une union qui nous est nécessaire, la paix universelle ne seraplusune utopie; nous aurons dignement continué l’œuvre de 89, et comme nos pères de cette époque titanique, nous aurons bien mérité de la postérité.
- j> Vive la République, vive l’Union des citoyens, vive la paix universelle ! »
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- LIV
- Les garanties nécessaires
- La première des réformes sociales qui s’impose à la société moderne c’est la mutualité nationale pour l’extinction de la misère ; car le premier des droits à garantir aux familles ouvrières, c’est le droit à l’existence et par conséquent à la subsistance.
- Le quart de ce que l’Etat s’impose pour entretenir les armées permanentes et la guerre suffirait pour commencer a dater cette œuvre nationale à laquelle la généralité des citoyens s’associerait.
- SOLIDARITÉ DES TRAVAILLEURS
- Les délégués des grévistes de Saint-Quentin, à la suite d’une entrevue avec le comité des travailleurs du Familistère, ont été autorisés à faire une quête à l’usine au profit des ouvriers en grève de cette ville.La quête a produit la somme de 332 francs.
- LES RAFFINEURS
- On a souvent dénoncé les raffineurs comme les pires ennemis des producteurs de sucre (cultivateurs et sucriers). Un événement récent justifie, une fois de plus, l’accusation portée contre eux.
- Dans le mois de juillet seulement, les raffineurs ont payé à la douane française, pour importations de sucres étrangers, trois millions et demi de plus qu’ils n’avaient fait en juillet 1883. La quantité de sucres importés par eux a donc été énorme. MM. Lebaudy et consorts en ont fait venir de l’Allemagne autant qu’ils ont pu. De la sorte, ils ne seront pas obligés de longtemps de débourser 7 francs aux 100 kilos pour raffiner des sucres prussiens et les vendre ensuite aux Français.
- Grâce à une importation aussi considérable, le sucre en grains baissait de 3 à 4 francs aux 100 kilos. Le sucrier français en éprouvait donc une perte sensible. Au contraire, le sucre raffiné était en hausse de 10 francs par même quantité de 100 kilos. Le raffineur, lui, réalisait un bénéfice.
- Ce phénomène, qui tout d’abord paraît étrange, devient aisément explicable, quand on considère que les raffmeurs, grâce à leur nombreux millions, provoquent, comme il leur plaît, la hausse et la baisse. La surtaxe de 7 francs leur a déplu. Ils ont fait la baisse sur les sucres en grains ; à la faveur de leur immense approvisionnement en sucres étrangers, ils peuvent pour un assez long temps, ne pas recourir aux sucres indigènes.
- Mais les manœuvres des raffmeurs auront un terme. Les approvisionnements dont s’agit seront bien, quelque jour, épuisés, et alors ils deviendront à nouveau tributaires de nos sucres français : ou bien ils seront soumis à la surtaxe de 7 fr., s’ils aiment mieux raffiner des produits étrangers. Nos sucres sont donc appelés à un prochain relèvement, et il ne faut désespérer de rien.
- Il serait même facile, dans cette lutte entre raffmeurs, d’une part, et sucriers et cultivateurs, d’autre part, de rendre dès maintenant aux premiers dent pour dent, œil pour œil. Déjà l’exemple a été donne dans la Somme. Expliquons-nous.
- On ne consomme aujourd’hui dans presque toute la France que du sucre raffiné. Les raffmeurs, qui sont tout puissants, font la loi aux consommateurs ; ceux-ci subissent depuis longtemps tous leurs caprices. C’est ainsi que les sucres raffinés en France sont achetés sur le marché de Londres moins chers que sur nos marchés français. Les raffmeurs qui ont en France le monopole de la vente du sucre, en abusent à leur profit.
- On a imaginé dans plusieurs endroits de la Somme de faire cesser cet abus, a Pourquoi donc, a dit le sucrier aux épiciers et consommateurs, pourquoi vendez-vous ou consommez-vous exclusivement de sucre raffiné ? J’ai-là, dans ma fabrique, de bon sucre blanc, et beaucoup moins cher. Au lieu de sucre en pain, je vous donnerai, moi, du sucre en cristaux, d’une pureté presque égale. En pain ou en cristaux, peu vous importe, si la qualité est la même? Et tandis que vous payez au raffineur le kilo 1 fr. 20 ou 1 fr. 25, vous me paierez le kilo 0 fr. 90. »
- Nous exhortons les consommateurs et épiciers de notre arrondissement à faire provision de sucre directement en fabrique. Que les raffmeurs français raffinent à leur aise les sucres allemands ; mais gardons-nous bien de consommer leurs produits. Nous avons ici de nombreuses fabriques, où nous pouvons nous procurer le sucre à bon marché. En le faisant, nous faisons profiter et notre bourse, et les cultivateurs et les sucriers. C’est tout profit comme on voit.
- (Libéral de Camhrai.)
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- Les GRÈVES, le CAPITAL et les SALAIRES
- On ne peut réfléchir à la fréquence des grèves en tous pays et dans toutes les industries sans se demander à quels désordres doivent nous conduire ces complications dans la production.
- En Belgique, à côté de l’agitation des cléricaux et des libéraux, la grève des mineurs soulève la question du travail,sans que l’on semble s’en apercevoir dans aucun des deux camps des dirigeants qui se disputent les portefeuilles.
- En Norvège, les ouvriers excités par les gros bénéfices encaissés par les exportateurs de bois réclament une toute petite part de cet accroissement de la valeur du produit du sol ; on la leur refuse impitoyablement ; ils ont dû recourir à la grève.
- En Allemagne, malgré les grèves incessantes,les ouvriers ne peuvent parvenir à maintenir leur salaire à un taux proportionnel à l’accroissement de la fortune publique à la suite de l’extension commerciale de cette paissance.
- En Amérique, l’exaspération des travailleurs menacés de réduction des salaires les entraîne à de véritables soulèvements inquiétants pour la conservation de l’ordre public.
- En France, des industriels s’efforcent de chercher dans l’abaissement des salaires une compensation à la réduction des prix de vente que leur impose, prétendent-ils, la concurrence étrangère qu’ils ont été impuissants à prévenir et à combattre, lorsqu’ils possédaient tous les avantages de la priorité industrielle et commerciale; il est vrai qu’à l’étranger les mêmes griefs sont articulés par les patrons. ' ~
- Certaines fabriques françaises présentent, en ce moment, les tristes effets de ces fautes graves dans la direction générale de l’industrie.
- Pendant longtemps, beaucoup de ces fabriques ont produit des articles recherchés par la consommation universelle. Pendant cette époque de prospérité, l’avidité commerciale n’a pas réfléchi que les bénéfices exagérés, dont témoignaient la vie luxueuse des patrons, leurs grandes dépenses et l’élévation constante de leurs fortunes étaient un excitant permanent à la concurrence. On n’a pas compris que le meilleur moyen de sauvegarder l’industrie locale imposait aux maisons sérieuses de s’entendre, d’intéresser les ouvriers à la pros-
- périté de la fabrique pour empêcher les imprudents de se livrer à une concurrence n’ayant pas une raison d’être dans les|besoins de la consommation. Si les premiers industriels, par la modération des bénéfices, par l’accord avec leurs ouvriers pour la défense du salaire, avaient su se préserver des excès de la concurrence intérieure, il n’est pas douteux qu’ils auraient été assez forts pour empêcher l’étranger de substituer ses produits aux leurs.
- On aurait ainsi sauvegardé les intérêts des patrons et des ouvriers, et préparé dans le calme leur union dans le régime de l’association attachant le travailleur aux moyens de production et l’intéressant à l’organisation du travail.
- L’avidité patronale, n’ayant pas eu cette sagesse, a conduit insensiblement un grand nombre d’industries à une situation désespérée.
- Prenons pour exemple la ville de Saint-Quentin, dont nous avons vu autrefois l’industrie si prospère, qui se trouve maintenant à la veille d’un véritable désastre industriel.
- Actuellement, tous les ouvriers attachés à la production des articles en coton ont un salaire qui ne peut plus être réduit,tant il est minime; on cite un grand nombre de spécialités ne permettant pas au bon ouvrier de gagner un prix de journée supérieur à 2 fr. 50. Les ouvriers de l’industrie lainière avaient conservé jusqu’à ce jour un salaire un peu plus élevé ; on en trouvait quelques uns pouvant gagner des quinzaines de 40 à 60 francs suivant leur habileté. Mais la première maison de la place, agissant d’accord, d’après la rumeur publique, avec les autres industriels, a voulu imposer des modifications de tarifs amenant une réduction moyenne du quart des salaires.
- Les ouvriers ont déserté cette fabrique; ils soutiennent héroïquement une grève commencée sans organisation, sans posséder aucune ressources.Des quêtes quotidiennes et les dons volontaires de la majorité de la population leur ont permis de résister jusqu’à ce jour. La fortune des patrons, l’énergie des grévistes, leur ^solution de se contenter du strict indispensable et les secours divers assurent une longue lutte avant la capitulation d’une des deux parties.
- Mais pour tous ceux qui réfléchissent, la situa' tion générale ne sera pas sensiblement améliore®
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- pour les uns ni pour les autres, quels que soient les vainqueurs, patrons ou ouvriers. Qui garantira que des perturbations analogues ne se manifesteront avant quelques mois?
- * +
- Nous, nous demandons à l’Etat, le représentant des intérêts sociaux, de prendre des mesures protectrices selon l’intérêt général.
- Nous avons montré l’incurie et l’incapacité dans la direction industrielle. Cette direction n’a pas su élever ses moyens de défense à la hauteur des habiletés de la concurrence. L’État, suffisamment renseigné par sa police, pourrait nous apprendre comment des manœuvres coupables, dirigées contre la République, compliquent les crises économiques par des provocations destinées à aigrir les classes laborieuses contre l’ordre républicain en vue d’une restauration monarchique.
- Nous devons rappeler au gouvernement, les droits de l’être humain : Tout être né a un égal droit à la vie, aux richesses naturelles, et à celles créées par les générations éteintes,richesses matérielles ou d’ordre scientifique.
- L’organisation sociale est ainsi faite que les classes laborieuses sont privées de ces droits primordiaux, sans qu’elles puissent trouver une autre compensation que les ressources tirées du salaire.
- Mais que signifie une pareille compensation à la renonciation de ces droits primordiaux,si elle n’a, comme eux, un caractère fixe, déterminé, mis au-dessus des caprices des individus ?
- Ces droits primordiaux ne peuvent pas décroître, car les richesses naturelles, d’où ils découlent, sont inépuisables, et chaque jour les moyens de les féconder sont accrus parle progrès.On aurait la prétention de soutenir que le salaire est une compensation juste, suffisante, lorsque chaque patron peut le régler à sa guise, lorsque l’Etat n’a pas fixé un minimum au-d essous duquel on ne puisse descend re !
- En République, on laisserait à des particuliers le soin d’apprécier individuellement et arbitrairement ce qui revient à tel ou tel de leurs semblables en échange de ses droits primordiaux ; ces particuliers auraient même le droit de réduire à zéro cette compensation, comme cela arrive lorsque les patrons suspendent le travail !
- Dans une République, il appartient à l’Etat de fixer le minimum de cette compensation ; et il n’a pas le droit de la décréter moindre que la valeur du nécessaire à la subsistance.
- Nous demandons donc, avec Messieurs Giard,
- Maret, Laguerre et Tony Revillon, comme cela est exposé dans leur projet de Mutualité nationale, qu’il soit établi dans chaque localité Un tarif fixant le prix de revient du nécessaire à la subsistance, et nous allons personnellement jusqu’à soutenir qu’il soit interdit à un employeur quelconque d’offrir à un travailleur un salaire moindre que ce minimum, l’Etat ayant charge de le procurer à tous ceux que délaissent l’industrie patronale.
- Qu’on ne nous parle pas des impossibilités matérielles d’organiser cette garantie du nécessaire à la subsistance.
- Au Familistère, association d’ordre privé fondée malgré les complications et les difficultés qu’oppose la législation aux associations du travail et du capital, cette garantie du nécessaire à la subsistance fonctionne d’une façon constante. Et nous avons à lutter chaque jour contre des difficultés qu’une mesure de sécurité générale supprimerait d’un seul coup.
- Ce n’est pas la concurrence étrangère qui rend difficile la conservation du salaire aux travailleurs de notre association, les agents désorganisateurs proviennent beaucoup plus de la concurrence intérieure.
- Des industriels rivaux de notre association ont réuni leurs ouvriers 'pour leur expliquer qu’ils ne pourraient continuer la fabrication, si les travailleurs n’acceptaient une réduction de 33 0[0 des salaires. Ges malheureux exploités, devant l’apparente bonne foi de ces industriels et la perspective de l’affamement par le chômage,ont accepté foutes les réductions proposées.
- Cependant ces plaintes n’étaient pas fondées, puisque notre association, en payant des salaires plus élevés, continue à lutter avantageusement contre ces désorganisateurs. Il est possible que, dans certains cas, les pertes de nos concurrents soient réelles; mais alors elles proviennent de l’incapacité des chefs d’industrie et non de la cherté de la main-d’œuvre. Qui garantit que ces motifs d’abaissement de salaires sont réels, qu’ils ne sont pas une des ruses de l’exploitation à outrance de l'homme par l’homme?
- Dans notre instrustrie,de fortes préventions subsistent contre la vérité des motifs allégués par la concurrence. Qui prouve qu’il n’en est pas ainsi dans la plupart des industries qui tentent de diminuer les salaires ?
- * *
- L’Etat a prévu dans sa législation la répression des moyens de concurrence déloyale.
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- N’est-ce pas, au premier chef, se rendre coupable de ce délit, que de dénoncer des pertes imaginaires pour obtenir un abaissement des salaires?
- Si les pertes proviennent des incapacités patronales, doit-on laisser une population ouvrière devenir tout entière la victime des maladresses de quelques individualités ? Ces incapables doivent-ils conserver le droit d’avilir les prix au détriment des autres fabriques qui ne veulent pas baisser les salaires.
- L’Etat protège les propriétés contre un bris de clôture, et on lui contesterait le droit de mettre les groupes humains à l’abri de la cupidité ou de l’ignorance de quelques-uns, lorsqu’ils sortent des bornes de l’équité et du sens commun!
- Ne voit-on pas fréquemment des industriels organiser une entreprise quelconque, sans- s’inquiéter de savoir si leur fabrication, ajoutée à celles qui existent déjà, n’amènera une surproduction perturbatrice du marché; gens n’ayant cherché, dès le début de leur entreprise, qu’un motif d’arriver, après quelques années, à une liquidation devant laisser dans leurs mains la plus grande partie des fonds soutirés aux gogos ?
- Il est certains industriels, qu’on appellerait avec plus de raison des chevaliers d’industrie, qui organisent une entreprise avec l’intention de chercher un bénéfice dans une liquidation habilement ménagée.
- L’Etat doit-il encore assister impassible à ces expédients, véritables attentats à la sécurité générale et en particulier à celle des classes laborieuses ?
- Même,dans le cas de surproduction manifeste et résultant d’une erreur admissible du patronat, l’Etat républicain, au nom des intérêts des travailleurs, doit s’opposer vigoureusement à l’abaissement des tarifs des salaires.
- On entend des industriels prendre pour prétexte des diminutions de salaires le manque de débouchés et l’encombrement de leurs magasins, et ces mêmes gens continuent à fabriquer, quotidiennement, les mêmes quantités de produits, si les ouvriers acceptent ces diminutions.
- Alors, il existe dans les faits la preuve des moyens déloyaux employés dans ces circonstances et un motif plausible pour expliquer l’intervention de l’Etat en faveur des victimes de l’exploitation patronale.
- L’abaissement des salaires accepté par les travail, leurs, lorsqu’il est suivi du maintien de la même quantité de production, perpétue d’une manière
- permanente les excédants de marchandises; il prépare en même temps de nouvelles complications par la diminution des dépenses des familles ouvrières, diminution ayant pour conséquence l’engorgement des produits dans les industries ou commerces destinés à alimenter la consommation ouvrière. Ce dernier fait démontre que tous les fournisseurs de la consommation ouvrière ont intérêt à soutenir les grévistes défendant leurs salaires.
- Puis, lorsqu’un patron obtient cette réduction des salaires, dans les cas semblables à celui dont nous venons de parler, il profite de cet avantage, abusivement obtenu des travailleurs, pour faire une concurrence privilégiée aux fabricants de produits similaires ; souvent il finit par les contraindre, après des pertes cruelles, à opérer les mêmes réductions dans toute la corporation.
- On comprendrait qu’en époque de surproduction les chefs d’industrie réduisissent la durée de la journée de quelques heures, jusqu’à ce que l’on ait obtenu l’équilibre entre la demande et la fabrication, mais sans toucher aux prix des façons.
- En procédant ainsi, après la période de perturbation, le travailleur retrouverait son gain ordinaire, tandis que dans la pratique actuelle toute acceptation de diminution de salaire prend le caractère d’une mesure permanente. En maintenant les prix de façon on serait certain que les patrons ne proposeraient, sans y être contraints par la surproduction, une diminution de la durée de la journée.
- Nous n’hésitons pas à demander aux législateurs de considérer que le travail est la propriété de ceux qui n’ont pas de capitaux, qu’il n’existe dans la législation aucune loi protecLrice de cette propriété, qu’il est urgent de combler cette lacune.
- Un industriel, un commerçant, au moyen du travail de ses ouvriers, de ses employés, acquiert des propriétés, des capitaux, dont la loi lui garantit la jouissance en toute sécurité, et le travail qui a été la source de ces fortunes resterait éternellement soumis, en dehors de toute loi, à toutes les fantaisies des privilégiés !
- Un particulier jouit pendant 30 ans d’une propriété qu’il n’a pas acquise, la loi, en vertu de la prescription, donne toutes les garanties du code .1 l’usufruitier trentenaire ; et les ouvriers dont »-salaire s’est élevé en raison du développement du la richessese publique restent sans protection: l’industriel peut arbitrairement réduire leur salaire, pourquoi n’existe-t-il aucune prescription en faveu’. du travail ?
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- Pourquoi le droit à un salaire en rapport avec la fortune publique ne serait-il pas une légitime acquisition que l’on ne pourrait diminuer sans un accord préalable avec les représentants du travail, comme par exemple seraient les chambres syndicales ?
- Le travail est la première des propriétés, la plus sacrée de toutes ; tant que le salaire sera la représentation de cette propriété, il ne doit pas appartenir aux individus, aux patrons, d’en modifier les bases autoritairement et arbitrairement suivant leur cupidité ou leur ignorance ; la loi doit intervenir pour s’opposer à ces abus.
- Si les législateurs ne consentent spontanément à donner des garanties légales aux salariés, il appartient à ces derniers d’exercer sur les pouvoirs publics une pression par pétitions, réunions,manifestations, en vue d’amener les législateurs à consacrer par la loi les droits du travail.
- Les considérations tirées de la concurrence étrangère ne sont pas des objections irréfutables. Ilestpossiblede conclure des traités internationaux réglant les questions du travail ; il n’est pas plus difficile d’établir des garanties en cette matière que de faire des conventions postales, télégraphiques, de chemins de fer, etc., etc.
- * *
- Travailleurs, patrons, nous avons tous un droit égal à la vie.
- Le droit à la vie résulte des droits primordiaux de chaque individu aux richesses naturelles et à celles acquises par les générations passées.
- Le salariat, livré à toutes les fluctuations de l’heure présente, n’est pas une compensation suffisante à la renonciation de nos droits primordiaux.
- Au-dessus des citoyens, doit exister l’Etat républicain intervenant auprès des individus pour faire respecter les droits de l’être humain.
- Travailleurs, ce ne sont pas les grèves qui corrigeront,d’une manière durable, les défauts de l’organisation présente. Ne croyez pas à la possibilité d’une solution en revenant à une des formes quèl-conque des gouvernements passés. Le remède à vos maux est tout entier dans l’avenir.
- Gréez l’Etat républicain.
- Pour cela, groupez-vous résolument autour des vôtres qui vous donnent l’exemple du travail, de l’ordre, de l’indépendance. Ralliez-vous autour des rares hommes de la classe privilégiée,qui, prêchant d’exemple,ont prouvé leur bonne volonté en faveur
- des classes laborieuses. Leurs capacités, leur expérience, leurs situations acquises vous seront de précieux concours.
- Pour vous dire toute notre pensée : Vous avez aujourd’hui un moyen infaillible d’apprécier d’avance quel concours vous pouvez espérer de ceux qui briguent l’honneur de vous représenter dans la fondation de l’Etat républicain.
- Les Chambres sont saisies d’un projet de Mutualité nationale, impliquant l’obligation pour l’Etat de reconnaître effectivement à chaque être humain, sans distinction d’âge ou de sexe, le droit au nécessaire à la subsistance.
- Demandez à quiconque sollicite votre confiance quel est son opinion sur ce projet de Mutualité, et, s’il ne vous répond catégoriquement qu’il approuve cette institution, qu’il est prêt à la voter sans phrase, vous pouvez être certain que vous avez affaire à un ambitieux qui veut abuser de votre mandat.
- Quiconque ergote sur l’opportunité ou sur la difficulté des moyens pratiques de fonder la Mutualité nationale, comme base des réformes sociales, est incapable de concourir à la fondation de i’Etat républicain, et doit être considéré par les travailleurs comme un incapable ou un adversaire.
- Nous vous avons dit quelle était notre pensée sur l’inefficacité de la grève économique.
- Elle est un moyen de défense bien difficile à manœuvrer, laissant aux questions qu’elle semble résoudre la possibilité d’un prochain retour.
- Si les travailleurs s’avisaient d’apporter autant de constance et d’énergie dans une grève politique contre les adversaires du projet de Mutualité nationale, on verrait bientôt finir l’exploitation de l’homme.
- Travailleurs, vous avez le courage et la force matérielle de vous imposer d’affreuses privations pendant des semaines consécutives pour soutenir des grèves industrielles, et vous resteriez incapables d’organiser une coalition politique n'exigeant que des efforts moraux !
- La fin des grèves est danslaconstitution de l’Etat républicain basé sur les garanties de l’existence accordées à chaque être humain.
- Aussi longtemps que les classes laborieuses et les dirigeants de bonne volonté ne marcheront ouvertement vers ce but, les heurts et les misères du salariat exposeront notre humanité aux bouleversements du désordre social et aux chocs des émeutes sanglantes.
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- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCK
- Le budget. — L’attention des Chambres ne devra pas seulement se porter, à la rentrée, sur le Budget de 1885 qui est en préparation, mais sur la situation financière de la présente année, pour le règlement de laquelle il sera nécessaire de prendre des mesures spéciales * L’exercice de 1884 a, en effet' à solder un déficit, et l’insuffisance sera assez sensible pour qu’on ne veuille pas, comme on l’a fait jusqu’ici, mettre au compte de la dette flottante déjà très chargée, l’insuffisance des ressources normales inscrites au Budget de 1884.
- Cela tient à deux causes différentes: 1° les moins-values des impôts indirects ; 2° les dépenses exeptionneiles auxquelles il a fallu faire face en dehors des prévisions ordinaires.
- Actuellement, la moins-value totale des impôts indirects s’élève à 60 millions pour les huit premiers mois. Si ce mouvement continue, le total des moins-values sera, à la fin de l’année, de 90 millions.
- Il y a lieu, toutefois, de prévoir, comme cela a lieu tous les ans, des aunulations de crédits dont le chiffre ne sera pas inférieur à 20 millions, de sorte que, finalement, l’insuffisance du rendement des impôts sera de 60 millions environ.
- Quant au déficit résultant des dépenses exceptionnelles, il sera plus élevé. Il y a, en effet, les dépenses de la Chine et du Tonkin, déjà votées, qui s’élèvent pour 1884 à cinquante-huit millions. Il y a les dépenses de Madagascar qui s’élèvent à cinq millions et qui sont également votées.
- Il y a lieu de voter de nouveaux crédits pour maintenir jusqu’à nouvel ordre les armements dans les mers de Chine à la hauteur de tous les besoins, de sorte que, finalement, le déficit pourrait s’élever à deux cents millions.
- Il y a là une situation, grave dont il faut sortir, un mal sérieux auquel il faut trouver un remède.
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- La commission d’enquête. — On sait que la Commission extra-parlementaire, instituée au ministère de l’intérieur pour faire une enquête sur les associations ouvrières, n’a pas encore terminé ses travaux. Il lui reste à examiner les modifications qu’il conviendrait d’apporter à la législation qui régit actuellement les associations ouvrières.
- La Commission reprendra, à cet effet, ses séances, dans le courant d’octobre prochain, pour entendre les jurisconsultes qui ont des connaissances spéciales en la matière. Ces dépositions seront sténographiées et formeront le troisième et dernier fascicule de l’enquête extra-parlementaire.
- En dehors de ce travail d’enquête, le ministre de l’Intérieur vient d’adresser une lettre-circulaire à ses différents collègues les priant de désigner un directeur de chacun de leurs départements ministériels en vue de former une sous-Commission d’étude qui serait chargée de rechercher dans quelles mesures et sous quelles conditions les associations onvrières pourraient être admises aux adjudications des travaux de l’Etat.
- Commissions, sous-Commissions, enquêtes, rapports, — et, en fin de compte, la conclusion toujours retardée, le résultat toujours reculé !
- Les débouchés en Tunisie. — La revue géographique contient d’intéressants renseignements sur le mouvement commercial en Tunisie. Ils confirment ce que nous n’avons cessé de soutenir, que notre politique coloniale mettrait à notre charge les frais de colonisation et que les nations coucurrentes cueilleraient les bénéfices de nos entreprises. C’est ce qui arrive en Tunisie, où la concurrence allemande nous menace de s’emparer de nos marchés.
- Avant la colonisation, la place de Marseille avait le monopole de la fourniture du sucre, les affaires en sucre avec la Tunisie se chiffraient par 1.500.000 fr.
- Maintenant, d’après la dernière statistique officielle,sur une importation de sucre en Tunisie s’élevant à la somme de 1.480.060 fr. la part du commerce français est réduite à 282.060 fr.
- Les résultats seront les mêmes en Cochinchine, à Madagascar, au Gongo, enfin partout où il plaira à nos gouvernants de répandre l’or et le sang français pour ouvrir des débouchés qui ne peuvent profiter qu’aux puissances outillées pour produire à bon marché.
- La politique économique qui couvient à la France est celle qui a pour résultat d’élever la consommation intérieure en répandant le bien-être dans les classes laborieuses.
- ha Neutralisation de F Alsace-Lorraine
- Nous empruntons à la Lanterne la résolution suivante votée à Genève dans la dernière réunion de la Ligue internationale de la paix et de la liberté.
- La Ligue internationale de la paix et de la liberté vient, dans son assemblée générale tenue à Genève, le 7 septembre, de voter la résolution suivante :
- 1° Considérant que le droit des Alsaciens et des Lorrains de s’appartenir à eux-mêmes, et par conséquent de choisir ou de constituer librement le gouvernement qu’il leur convient de se donner, est indiscutable, inaliénable et imprescriptible ;
- 2° Considérant que la seule cause d’hostilité qui existe entre la République française et l’Empire allemand, est la situation faite à l’Alsace et à la Lorraine par les articles 1, 2 et 3 du traité signé à Francfort le 10 mai 1871 entre l’Allemagne et la France ;
- 3° Que l’état de paix armée, qui est la conséquence de cette situation, est également dommageable pour les deux nations ;
- 4° Que la seule raison donnée par l’Allemagne pour stipuler f annexion était la nécessité d’assurer sa sécurité ;
- 5° Que depuis treize ans que l’Alsace et la Lorraine sont passées sous la domination allemande la manifestation constante de leurs sentiments, la rigueur croissante des mesures administratives et politiques prises à leur égard, l’attitude gardée par les députés qu’elles envoient au Reichstag, leur persévérance à réélire ces députés démontrent que leur volonté de disposer librement d’elles-mêmes est aussi ferme qu’elle l’était au lendemain de l’annexion ;
- 6* Que la neutralisation des territoires annexés, quelle que soit d’ailleurs la juridiction politique sous laquelle se range-
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- raient leurs habitants, donnerait à l’Allemagne une sécurité plus grande et plus réelle qu’une possession toujours précaire quelle ne maintient que par la force ;
- 7° Qu’il est de l’intérêt commun de la France, de l’Allemagne, de l’Alsace, de la Lorraine, de l’Eurape, que cette neutralisation soit sanctionnée et garantie par tous les peuples européens ;
- Par ces motifs,
- L’assemblée émet le vœu suivant :
- La France et l’Allemagne abrogeront d’un commun accord les articles 1, 2 et 3 du traité conclu à Francfort le 10 mai 1871.
- Le peuple Alsacien et le peuple Lorrain seront mis en situation de choisir librement l’une des trois solutions suivantes :
- 1° Annexion définitive de l’Alsace et de la Lorraine à l’Allemagne.
- 2° Retour de l’Alsace et de la Lorraine à la France.
- 3° Constitution de l’Alsace et de la Lorraine en un ou deux Etats indépendants et autonomes.
- Quelle que soit la décision du peuple Alsacien et du peuple Lorrain, cette décision fera loi pour l’Allemagne et pour la France, et dans tous les cas entraînera la neutralisation des terrains alsaciens et lorrains.
- Le traité à intervenir entre la France, l’Allemagne et les autres puissances contiendra une clause en vertu de laquelle toutes les difficultés auxquelles pourrait donner lieu son exécution, seront soumises en dernier ressort à un tribunal arbitral.
- La Lanterne fait suivre cette insertion de la réflexion suivante :
- « Nous reproduisons cette résolution, car il est bon que le public sache que, tandis que certains hommes n’ont d’autre ambition que de jeter les peuples les uns sur les autres, il y en a d’autres qui cherchent les moyens de restreindre, sinon de supprimer l’épouvantable fléau de la guerre (1). »
- Le Devoir, sans nier la vérité et la justice du principe que les peuples s’appartiennent à eux-mêmes, s’est prononcé dans le sens de la neutralisation de ces provinces, parce que nous pensions que les Allemands prévoyant, à la suite d’une libre consultation, le retour à la France de l’Alsace-Lorraine, ne voudront pas s’exposer à cette éventualité presque certaine, tandis que la Neutralisation écarte une solution qu’ils considéreraient comme une humiliation assez puissante pour faire rejeter l’examen de toute question pouvant mettre en jeu les affaires d’Alsace-Lorraine.
- Nous demandons aux Alsaciens-Lorrains de sacrifier leurs préférences, pour faciliter le désarmement européen, car nous n’avons jamais pensé que l’on puisse régler la Neutralisation de l’Alsace-Lorraine par un tribunal arbitral européen sans que soit résolue en même temps, partiellement au moins, la question du désarmement européen.
- Nous considérons les principes comme des points lumineux vers lesquels nous gravitons sans cesse, sans pouvoir parvenir d’un coup à vivre entièrement dans leur vivifiante atmosphère.
- (1) Voir notre brochure L’Arbitrage international et lô Désarmement européen.
- Notre but est d’encourager toutes les réformes susceptibles d’établir la paix entre les hommes, et nous craindrions par une interprétation excessive des principes de retarder le désarmement européen vers lequel tendent tous nos efforts ; donc nous continuons à nous maintenir dans la question de la neutralisation de l’Alsace-Lorraine.
- Mais les individus aussi ont le droit de disposer d’eux-mêmes, et nul ne prétendra qu’ils puissent individuellement se soustraire aux influences du milieu.
- Ne demandons pas pour les peuples davantage que nous accordons aux individus. Travaillons à faire pour les uns et les autres les conditions sociales meilleures, jusqu’à ce que chacun des êtres humains puisse se considérer comme le citoyen libre d’une humanité heureuse.
- La Neutralisation de l’Alsace-Lorraine serait un grand pas en avant vers la libération des individus et des peuples.
- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen
- Puy-de-Dôme. — Clermont-Ferrand. MM. Pardoux, Antoine, rue St-Eloi, 5. — Décombas, Pierre, rue St-Guillaume, 2. — Gorce, Henri, conseiller municipal, rue Ballainvillers. — Borel, Amable, rue Bansac, 31.— Riom, Louis, rue St-Eloi, 5, délégué de quartier au comité de l’Union républicaine. — Décombas, Julien, rue St-Guillaume, 2. — Billy, Annet, conseiller municipal, boulevard de Ger-govia, 1. — Bourcheix, Jean-Baptiste, conseiller municipal, place Désaix, 16; — Four, François, et Four Charles, rue Blatin, 10. — Roux, Antoine, rue Blatin, 23, délégué de quartier au comité de l’Union républicaine. — PERPERE,Fir-min, conseiller municipal, hôtel de la Paix. — Ribeyre-Jaffeux, conseiller municipal, rue du Bois de Cros, 34. — Douhairier, Robert, rue des Jacobins, 10, délégué de quartier au comité de l’Union républicaine. — Auriac, Antoine, rue Gauthier-de-Biauzat, 30, délégué de quartier au comité de l’Union républicaine. — Pardoux, Jules, rue St-Eloi, 5. — Gorce, Jean, place de Lamoibe, 2. — Bonodet, Etienne, place de Lamothe, 2, délégué de quartier au comité de l’Union républicaine. — Veysseyre, Jean, conseiller municipal, ad -joint au maire, avenue de Vercingétorix. — Ribeyre fils, rue du Bois de Cros, 34. — Lefaure, Jean, place Renoux, 4.— Sournet, Simon, place Renoux, 8, délégué de quartier au comité de l’Union républicaine. — Pardoux, Louis, médecin, rue St-Eloi, 5.— Roby, L., rue St-Guillaume, 2.—Aubert-Luquet, conseiller municipal, place du Taureau. — De Po-maret, rue de l’Éelache, 12. — Lafon, Pierre, place Renoux, 8. — Leclerc, Guillaume, conseiller municipal, boulevard Lafayette, 9 bis. — Rouvet, François, conseiller mnnicipal, rue Thomas, 6. — Gorsse-Jonard, place du Poids-de-Ville. — Frangin, Michel, rue St-Eloi, 10. — Marx-Dreyfus, place du Poids-de-Ville, 6. — Blateyron, Louis, rue de la Treille, 13. — Riberolles Gilbert, rue Ste-Claire, 80, délégué de quartier au comité de l’Union répu-
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- blicaine. — Loiselot, Emile, couseiller municipal, route de Beaumont.— Gidon, conseiller municipal, rue d’Allagnat, 22.
- — Boursat, François, rue Jolie, 3. — Nivet, Antoine, rue du Pérou, dél égué de quartier au comité de l’Union républicaine. — Roussel, Jean-Louis, boulevard Lafayette, 35. — Gensenne, Nicolas, rue St-Eloi, 42. — Vert, Joseph, entrepreneur, avenue des Paulines, délégué de quartier au comité de l’Union républicaine, —Valet-Salneuve, rue Victor-Hugo, délégué de quartier au comité de l’Union républicaine.
- — Rousseau Auguste, conseiller municipal, place de Jande, 38. — Plane, Antoine, rue St-Dominique, 46, délégué de quartier au comité de l’Union républicaine. — Guillard, Paul, rue des Gras, 26, conseiller municipal. — Mony, François, conseiller municipal, rue de l’Enfer, 3. — Va-chier, place St-Herem, 7, ex-délégué aux congrès ouvriers de Marseille et du Havre.
- Chamulieres. — Gaston, Paul, avenue de Royal, 21.
- — Monot, Albert.
- Martres-de-Veyre. — M. Pardoux-Bouchard, mécanicien.
- Haute-Marne. — Busson, par Arquedau. M. Tramau, Claude-Pierre, rentier. — Madame Jules Nodot.— Mademoiselle Joséphine Tramau.
- Wassy. — Fromont, Léopold, tailleur. — Louchenique, G., tailleur. — Ulrich, J., café de Paris. — Lallement, Alphonse, maître d’hôtel de la Gare. — Laurent, Jean,peintre. — Lallemand, Victor, maître d’hôtel du Commerce.
- Magneux. — Cosson-Collignon, propriétaire.
- Osne-le-Val. — Rampont, Elvina, cafetier.
- Saint-Dizier. — Becker, ébéniste.
- Joinville. — Beugnot, Edouard, mécanicien.— Werlé, Aloïse, restaurateur.
- Seine. — Paris. Wergnk, employé de commerce, 3, passage Brady.
- Les 3 fr. envoyés par les signataires de Busson sont versés à la caisse de propagande.
- Le « Devoir » envoie gratuitement des bulletins d'adhésion aux personnes qui en font la demande.
- LÉGENDE MÉRIDIONALE
- I.
- En ce temps-là...
- Ne vous étonnez point si mon récit débute comme un évangile. Je m’en rapporte aux traités de rhétoriqne : il faut de la couleur locale dans tout bon récit. Précisément, la couleur locale c’est mon fort ; en avant, ma palette !
- Donc, in Mo tempore (ce latin est encore plus couleur locale que tout le reste), Jésus disait à saint Pierre :
- — Pierre, mon ami, je ne suis pas content. Parce que je suis bon garçon avec toi, parce que je te raconte toutes mes petites affaires,parce que tu m’accompagnes partout où je vais> il ne s’en suit nullement que tu sois mon égal.
- — Que me reprochez-vous, Seigneur ? demanda saint Pierre, très affligé de l’apostrophe.
- — Ce que je te reproche, malheureux? Ta vanité, ton inguérissable et ridicule vanité. Tu es vaniteux comme un sot...
- — Moi, un sot ! se récria le premier des apôtres.
- — Comme un benêt, accentua le Rédempteur...
- — Moi, un benêt ! se récria de nouveau saint Pierre, prêt à se fâcher cette fois.
- — Il n’y a que la vérité qui offense, dit Jésus sentencieusement.
- — L’axiome n’est pas neuf, railla le disciple, pour se venger.
- — Il n’en est que meilleur, argumenta le maître, et je te le prouve. Qui est plus ancien que Dieu?
- — Personne, je l’avoue.
- — Et cependant, qui vaut mieux que lui ?
- — Personne non plus, concéda saint Pierre écrasé sous la force du raisonnement. Mais il s’agit de moi. Vous avez avancé, Seigneur, que je suis un benêt. Comment vous y prendrez-vous pour le démontrer ?
- — Rien de plus facile, mon ami. Un homme qui abandonne sa emme, ses enfants et son métier pour suivre le premier venu n’est-il pas un imbécile ?
- — Hé ! hé ! confessa saint Pierre après un moment de réflexion, il y a du vrai, Seigneur, dans ce que vous dites.
- — Je n’ai même pas eu besoin de te parler, il m’a suffi de te faire signe, et sur-le-champ tu as tout quitté, au hasard de ce qui arriverait. Cela n’a pas mal tourné pour toi, parce que je suis le Fils éternel du Père éternel ; mais je ne conseille à personne de t’imiter ; on courrait trop de risques. Tu t’es donc conduit comme uu sot fieffé, mon pauvre Pierre...
- — Soit, interrompit en maugréant le pauvre Pierre, je suis un sot. C’est dit, redit et même je le tiens comme prouvé. Où voulez-vous en venir ?
- — Au point d’où nous sommes partis : à ta vanité. La gloire d’être mon disciple t’a enflé la cervelle. Depuis que je t’ai accordé le don des miracles, tu en uses et tu en abuses. Tu remets un bras par-ci, une jambe par-là ; tu es oculiste, dentiste, aliéniste. Les gens n’ont pas le temps de faire ah ! qu’ils sont déjà guéris. Tu prends sur le temps du manger et du dormir pour raccommoder le monde.
- — Il y a pas de mal à cela, dit cauteleusement saint Pierre. C’est même le signe d’une bonne nature que de secourir ainsi sans relâche ma prochaine et mon prochain.
- — Pardon, répliqua Jésus en le regardant de travers. Quand tu opères une cataracte ou que tu redresses les paralytiques, ne prends-tu pas pour toi seul les éloges et les remerciements! Tu es mon commis, rien de plus, mon employé, mon garçon de peine ; c’est moi qui te fournis les drogues miraculeuses, et c’est toi qui les appliques selon mes recommandations. Mais tu ne t’en vantes pas, traître que tu es ! Tu veux tout pour toi, même l’honneur. Je ne peux pas ronfler une minute ou seulement tourner le dos que tu n’en
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- profites pour chasser les démons à la douzaine. Il faut que tout cela finisse, mon ami Pierre ; je ne suis pas d’humeur à le souffrir plus longtemps.
- — J’ai tort, Seigneur, déclara Pierre avec beaucoup d’humilité.
- — En ce cas, dit Jésus, je n’ai pas de rancune. Qu’il n’en soit plus parlé.
- Mais Jésus avait beau promettre une absolution complète, les procédés de saint Pierre lui restèrent malgré tout sur le cœur, et il se jura de lui donner bientôt une sévère leçon.
- Prends garde, prends garde à toi, saint Pierre.
- II.
- Le lendemain, Jésus, qui avait l’air tout à fait radouci, tira saint Pierre par la manche.
- — Lève-toi, lui dit-il, et suis-moi. Pour te prouver que je suis bon diable...
- — Bon diable, vous, Seigneur' protesta le disciple avec vivacité. Votre langue a fourché probablement, ou peut-être que j’ai mal entendu.
- — Mettons que tu as mal entendu. Mais la lettre tue et l’esprit vivifie; comprends cette jolie phrase si tu en es capable. Pour te prouver enfin que nous sommes redevenus amis comme devant, je vais t’enseigner le plus magnifique tour du monde. Je défie tous les bateleurs, charlatans, escamoteurs et physiciens réunis de faire quoi que ce soit qui en approche. Rassemble donc les peuples de Galilée et crie-leur :
- Qui désire rajeunir N’a qu’à venir.
- 11 faut mourir Pour refleurir.
- Noircir les barbes blanches et repeupler les têtes chauves, rendre la vigueur aux hommes et les grâces d’antan aux femmes, si je possédais ce talent-là, je serais bientôt riche. Mais Jésus l’avait, et il inspirait confiance au public, et des quatre points cardinaux l’on accourut en foule. Les dames au-dessus de trente ans, les messieurs au-dessus de quarante, tous les rameneurs, tous ceux qui portaient perruque, toutes celles qui s’appliquaient de faux seins, de faux mollets et de fausses dents, les boiteux, les bossus, les culs-de-jatte les infirmes de toute catégorie se disputaient à qui passerait d’abord, à qui serait le premier métamorphosé.
- — Dresse un bûcher ! commanda Jésus à Pierre.
- Et quand le bûcher fut dressé, Jésus dit à ses clients :
- — Que les plus pressés y montent !
- — Pour être brûlés ?
- —• Pour être brûlés.
- Le remède fit faire la grimace aux neuf cent quatre-vingt-dix-neuf milliers de consultants. On aimait mieux rester comme on était que d’aller servir de charbon de bois. Rôtir, fût-ce en bonne et nombreuse compagnie, merci bien, Seigneur Jésus. Notre chair n’est pas de la viande de boucherie.
- — Hommes et femmes de peu de foi, s’indigna le Rédemp-
- teur, qui croira sera sauvé. Montez ! montez ! vous dis-je.
- Bernique ! On n’entendait pas de cette oreille là, ni de l’autre.
- — Non, non, répondaient les assistants. Qui n’a qu’un corps, sagement le garde. Ma mère est morte, le moule est perdu.
- Trois malheureux pourtant se décidèrent :
- Un vieillard qui attendait d’un jour à l’autre sa troisième attaque d’apoplexie.
- Un fou qui n’avait peur de rien.
- Et un monstre sans yeux, ni nez, ni bras, ni jambes, qui n’avait pas peur de grand’chose.
- — Allume ! commanda de nouveau Jésus à saint Pierre.
- Et tout flamba.
- Ce ne fut pas long, car saint Pierre n’avait pas épargné le combustible.
- Mais les témoins écarquillaient vainement les prunelles, les trois brûlés avaient fait de la cendre ; c’était tout ce qu’il y avait à la place du foyer.
- — Regarde maintenant ! dit Jésus à saint Pierre.
- Et sur la cendre encore chaude il donna un coup de pied...
- Miracle inconcevable ! prodige des prodiges ! A l’instant même la poussière ainsi soulevée vola, tourbillonna, se condensa, prit forme, et l’on vit apparaître un homme dans tout l’éclat de la jeunesse et de la beauté.
- Crac ! autre coup de pied...
- Autre jeune homme !
- Et crac ! enfin. Troisième coup, troisième résurrection.
- Le fou n’était plus fou, le monstre était ingambe comme un danseur de corde, et le vieillard cherchait déjà une jolie fille pour se remarier.
- III.
- Vous comprenez bien qu’il n’en fallait pas plus pour encourager tous les autres. Chacun regrettait d’avoir manqué une si belle occasion. Et l’on suppliait Jésus de recommencer la cure.
- — Brûlez-moi, Seigneur ! Brûlez-nous !
- J’ai lu quelque part qu’on n’en disait pas autant à la sainte Inquisilion; les hérétiques clamaient au contraire :
- — Ne nous brûlez pas ! ne nous brûlez pas !
- Ce qui montre qu’une mode suit l’autre, que tout change, et que nous ne sommes jamais contents.
- Mais Jésus avait des affaires particulières qui l’appelaient ailleurs. Il répondit aux solliciteurs qui voulaient essayer de la combustion ;
- — Chaque chose en son temps.,. Jérusalem ne s’est pas bâtie en une fois... Tout vient à point à qui sait attendre.
- Car Dieu, qui connaît tout, connaissait aussi les proverbes, et Sancho Pança ne lui aurait point fait la nique sur cette partie-là.
- Mais on le supplia tant et tant qu’il finit par avoir pitié du peuple.
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- — Remplace-moi, dit-il à saint Pierre. Tu m’as vu opérer : un bûcher, un coup de pied. Opère. Je te laisse mes pleins pouvoirs.
- — Allez! Seigneur, dit glorieusement saint Pierre, qui ne doutait de rien. Je vous remplacerai.
- L’histoire assure que soixante-sept personnes furent choi sies pour cette nouvelle fournée. On n’en mit pas plus, faute de bois, mais Ja forêt n’était pas loin, et, pendant que ceux-ci brûlaient, les autres coupaient des arbres pour la cuisson prochaine.
- Bon ! voilà que tout est brûlé une seconde fois, le végétal et l’animal, et c’est maintenant que saint Pierre se rengorge. Il va faire comme le Seigneur :
- Crac ! un coup de pied, puis un autre, puis un autre, jusqu’à soixante-sept, nombre juste des victimes.
- — Regardez ! Il commence !
- Crac !
- Rien !
- Saint Pierre fut cruellement étonné. La sueur lui coulait à grosses gouttes, tant il avait peur, après l’épreuve, de rater l’opération.
- — Je me serai trompé, pensa-t-il, dans la manœuvre. J’ai frappé du pied droit, et peut-être que le Seigneur Jésus secouait la cendre avec le pied gauche.
- Crac ! crac ! crac !
- Le pied gauche ne fut pas plus heureux. La cendre volait, mais les morts ne revenaient pas.
- Saint Pierre, déconcerté, essaya s’il ne réussirait pas mieux en sautant sur le foyer à pieds joints. Hélas ! les deux pieds ne firent pas mieux qu’un. Il lui fallut vite se mettre à la recherche de Jésus, qui heureusement ne s’en était allé qu’à petits pas, et lui raconter tout, l’oreille basse, et l’adjurer de rendre la vie aux soixante-sept malheureux qui avaient eu trop de confiance.
- — Tiens ! dit le Seigneur lorsqu’il fut revenu près du bûcher, crac !. . crac !... crac !... ce n’est pas plus malin que cela.
- — Ce n’est pas plus malin !..., ce n’est pas plus malin!... Pourquoi donc, Seigneur! ne m’en suis-je pas mieux tiré?
- — Parce que tu veux faire des miracles en ton nom, au lieu de les faire au mien, et pour ces choses-là, vois-tu, il n’y a que mon nom qui compte.
- — Ainsi donc, demanda saint Pierre, si je dis : Au nom de Jésus-Christ ! je réussirai comme vous?
- — Essaie !
- — Au nom de Jésus-Christ... crac !
- L’invocation était à peine prononcée qu’une admirable jeune
- fille s’élevait de la cendre.
- — C’est bon à savoir ! murmura le matois saint Pierre en aparté ! Désormais, les miracles seront pour Dieu, et les profits pour moi. Je me contente du partage. Que m’importe la gloire pourvu que j’aie l’argent.
- Et depuis lors, au nom de Jésus-Christ, crac... tout l’argent de la chrétienté s’en va à Rome. Voilà comment il se fait, dis-je, que saint Pierre a toujours été millionnaire depuis ce temps là.
- Auguste SAULIÈRE.
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- Offre d’emplois
- Emplois dans la direction et l'administration de deux grandes usines, chauffage en tous genres, meubles en fonte, quincaillere, émaillerie, galvanoplastie. Position de premier ordre. Prouver intelligence, activité, bon caractère et passé irréprochable. Age, environ 30 ans.
- S'adresser à M. GODIN, fondateur du Familistère de Guise (Aisne).
- L’Astronomie, Revue mensuelle d’Astronomie popu-laire, de Météorologie et de Physique du globe, par M. Camille Flammarion. — Sommaire du N° de Septembre 1884: La Planète Mars en 188k, par M. E.-L. Trouvelot. — Réforme du Calendrier civil, par M. C. Flammarion.
- — L’histoire de la Terre, par M. C. Flammarion. — Moyen de déterminer la température du Soleil, par M. G.-A. Hirn. — Les grands instruments de l’Astronomie : L’héliomètre, par M. P. Gérigny. — Observations des taches de Jupiter, par M. W.-F. Denning.
- — Nouvelles de la Science. Variétés : Nouvelle comète. Feux allumés par le Soleil. Le compagnon de Sirius. Grosis-sement des lunettes. Augmentation de visibilité produite par les lunettes pendant la nuit. Globe géographique de la planète Mars. — (Librairie Gauthier-Villars, quai des Augustins, 55, Paris.)
- SOMMAIRE du dernier numéro de la Revue du Mouvement social :
- Charles-M.-Limousin : Essai sur la politique, (Du droit individuel et du rôle des minorités). — Louis Dramard: L’occultisme contemporain (La Société théosophique, les Mahtamas). — E. Barat : L’administration individuelle et l’administration collective. — Edmond Bourdain : Réponse à M. de Pompery. — A. Fougerousse : Les Rings suédois. — F. T. L. : La question sociale au Brésil. — Jules Giraud : Bibliographie {la Morale dans le drame, l’épopée et le roman), par M. Lucien Arréat. — La Chine et les Chinois. — Un prédécesseur du Mahdi. — La question des femmes. — Des prêtres comme on en voit peu. — 0. P. : Un socialiste barbare.
- VENTE ET ABONNEMENTS ; chez MM. WATTIER et Cie 4, rue des Déchargeurs, à Paris.
- Le Directeur-Gérant : GODIN.
- ’.uise. — lmp. BAR A
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- 8' Année, Tome 8. —N' 315 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 21 Septembre 1884
- BUREAU A GUISE (Aisne) ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE ON S'ABONNE A PARIS 6, rue Neuve-des-Petits-Champs
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont
- Toutes les communications le talon sert de quittance. Passage des Deux-Pavillons
- et réclamations France Union postale
- doivent être adressées à Un an ... 10 fr. »» Un an. . . . Ufr.»» S’adresser à M. 1EYMAR1S
- M. GOBIN, Directeur-Gérant^ Six mois. . . % %* Autres pays administrateur de la Librairie des sciences
- Fondateur du Familistère Trois mois. . 3 »» Un an. . . . I3fr.60 psychologiques.
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES'SOCIALES & POLITIQUES3
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- U —Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans* les’lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de h liberté, la base de la constitution nationale.
- 5. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant Vélection et parla liberté de tous les moyens d'investigation sur la valeur des candidats.
- - 4. — Organisation du suffrage universel par l’unité de Collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de listéfpour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés auec la presque certitude de donner un vote utile f
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens;
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter;
- La représentation par les supériorités.
- 5- — Renouvellement annuel de moitié de la Chambre des députés et de iousf les corps élus. La volonté'du peuple souverain ïôujdurs1 ainsi mise en évidence. ' • ^ ;-.m : >> -
- 6. — Rétribution de toutes les fonctions publiques évolues par le suffrage universel.
- , "• — Égalité civile et politique de l'homme et de k femme.
- — Le mariage, lien d’affection.
- Faculté dît divorce.
- 9-— Éducation et instruction primaires gratuites e obligatoires pour tous les enfants.
- , Ces examens et'Concours généralisés avec élection aes élèves par leurs pairs dans toutes i les écoles, ôme constatant la série des mérites intellectuels Moraux de chaque élève.
- ! 10. — EcoleSr~spéciatës, nationales, correspond dantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, V;/*a/.uilcment accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- 11. —Suppression du budget des cultes. Séparation de l’tiglise et de l'Étkt,
- 12. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 13. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit
- d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revends que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- 14. — Hérédité progressive de VEtat suivant l’importance des successions' en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatérale à moins de testaments.
- Les grandes fortunés faisant ainsi, dans une juste mesure, retour à la société qui a aidé à les produire.
- 15. — Remboursement des dettes publiques avec les ressources de l’hérédité.
- 16. -— Organisation nationale des garanties et de l’assurance mutuelles contre la misère.
- 17. | — Suppression des empruntsgÉEtat.
- 19. — Lois protectrices du travail et de la participation dès tràvailleurà aux bénéfices de là produc-1 tion.
- 20. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21. — Libre échangé entre les nations.
- 22. — Abolition de la 'guérre offensive':
- 23. — Arbïtragé' international jugeant tous les différends entre nations.
- 24. —Désarmement européen*
- 25. — Les nations maîtresses de leur sort et, de
- leur proprè territoire "• ° rf
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- LE DEVOIR
- SOMMAIRE
- Principes de l’Hérédité de l’État. — Nouv&lles du Familistère- Palais sociaux. — Le Socialisme en Angleterre. — Révolution politique. — Préceptes et aphorismes sociaux. — Faits politiques et sociaux de la semaine. — Congrès de Blois
- — Le Commerce allemand. — Ce que coûte la guerre. — La Question de la femme en Europe.
- — Adhésions aux Principes d’Arbitrage et de désarmement européen. — L’histoire de la terre.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- Paraîtra prochainement
- La Révolution économique
- ET
- L’HÉRÉDITÉ DE L’ÉTAT
- par M. GODIN
- Ce travail sera envoyé à nos abonnés comme numéro exceptionnel ; il formera le n° 4 des Études sociales.
- CHAPITRE VI
- Principe du droit de l’Hérédité de l’Etat
- Etant de principe que chacun doit jouir des fruits de son travail, que tout concours et toute activité utiles ont droit aux richesses à la production desquelles ils contribuent, est-il juste, est-il bon que l’Etat prélève, sur le travailleur, au moyen de l’impôt, Ja part de richesse due à l’action de la société ?
- La science de l’économie sociale qui se donne pour mission d’établir la valeur des forces utiles dans la société et de déterminer comment ces forces peuvent recevoir leur juste récompense, répond : Non, la part de l’Etat ne doit pas se prélever sur le travailleur, elle doit se prélever sur la richesse acquise.
- La répartition de la richesse fourmille d’erreurs et d abus que l’économie politique a pris sous sa protection, les impôts sont du nombre : il faut les réformer.
- Pour éclairer le sujet, il est important de déterminer tout d’abord comment l’Etat, représentant la société, est un des premiers agents de la production ou de la création de la richesse ; comment, à ce titre, il a des droits légitimes à une part de la richesse générale, et comment il peut prélever cette part, sans recourir aux procédés vexatoires de l’impôt.
- Le premier et le plus important des agents de la production c’est la nature, c’est la terre qui donne à la société, non seulement le théâtre de l’activité sociale, mais aussi les forces vivantes et agissantes que tous les hommes sont appelés à employer, à utiliser, enfin à faire .servir aux besoins de la société entière.
- Le second agent de la production c’est l’Etat lui-même dépositaire du sol et du travail accumulé des générations, offrant par ses ressources, à tous les citoyens et surtout à ceux qui possèdent les moyens d’action, la possibilité d’arriver à la fortune.
- Les garanties données à la propriété, les moyens de production résultant du travail et des découvertes des générations précédentes, les facilités tirées des services publies, toutes choses dont l’Etat est le seul représentant, sont assurément les facteurs les plus puissants dans la création des grandes fortunes.
- Je pose donc en principe que la terre et les ressources de la nature en même temps que celles du domaine public sont, pour tout être humain,un droit permanent aux garanties indispensables à la vie et que la société, sous peine de forfaiture, doit prélever sur la richesse acquise, au profit de tous les citoyens, de quoi assurer ces garanties.
- Oui, à côté de la nature, dont l’action incessante s’exerce en vue du genre humain, il y a la société ou la nation qui, elle aussi, possède une somme de moyens productifs devant être le partage de tous les citoyens et aux bénéfices desquels tous les citoyens ont droit.
- L’Etat est par lui-même un agent considérable de production ; il est le premier auxiliaire de toute entreprise. L’Etat est l’agent social résultant du travail de nos pères, de leurs efforts communs accumulés de siècle en siècle ; il est surtout le premier fruit de la corvée et des sueurs de la plèbe.
- Les chemins, les routes, les canaux, les voies ferrées, les ports, les halles, les marchés, les entrepôts, les édifices publics, les écoles, les bibliothèques et tous les services publics constituent des moyens d’action indispensables à l’activité sociale,et qui servent de base à la production nationale.
- Il est évident que si,de nos jours, l’activité individuelle était privée des immenses ressources de l’Etat, elle se trouverait presque réduite à l’impuissance et verrait alors pour quelle part considérable le capital social vient en aide à l’agriculture, à l’industrie, au commerce ; elie pourrait,en conséquence,mesurer ce qui revient à la société dans la création de la o chesse.
- Avant toute action individuelle il y a donc deux gran e
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- ,;«sances qui concourent à la production et à la création de richesse, non en vue de classes, de castes ni de familles, ,jisen vue du bien commun de tous les membres de la so-fté. Ces puissances productives sont, nous venons de le
- •,iif :
- jo La terre et ses ressources naturelles donnant à la ÿjgté ses premiers éléments d’existence et d’action, lui don-.jut le sol et sa puissance de fructification, en même temps .ju tous les matériaux dont l’homme se sert pour s’élever U bien-être.
- 2» L’Etat, qui ajoute aux éléments naturels de production ÿ instruments sociaux de travail : routes, canaux, chemins s fer, postes, télégraphes, institutions sans nombre venant .3 aide aux particuliers et multipliant à l’infini l’efficacité de îars efforts.
- Il est donc de toute justice que l’Etat, représentant l’enviable des citoyens, retire le double bénéfice de son action et ie faction de la nature, au profit du peuple entier.
- Car, pour l’homme en société, les droits naturels se con-wrtissent en droits sociaux ; c’est pourquoi les ressources alurelles et les ressources sociales forment un ensemble dont .Etat doit disposer et qu’il doit utiliser pour donner à tous les liloyens les garanties de l’existence.
- Tels sont les principes sur lesquels repose le premier des iroits de l’homme en société : le droit à la vie et à la substance; principes en vertu desquels l’Etat est mis en de-tiire d’établir la mutualité nationale qui, garantissant le droit ila vie, extirpera de nos sociétés le paupérisme et la misère. Les classes dirigeantes, en accaparant la part de richesse Il au concours de la nature et au concours de la société, rat commis le déni de justice le plus grave à l’égard des clas-ies laborieuses, déni de justice qu’elles aggravent en faisant supporter à ces classes la plus forte partie de l’impôt.
- Cet accaparement est entrevu et sévèrement apprécié d’un rambre toujours grandissant d’individus parmi les déshérités; u est dénié avec autant d’ardeur par ceux qui en profitent : test ce qui constitue le plus grave des dangers de la so-ttété moderne. Il importe donc de bien établir le principe et limite du droit social de l’Etat sur la richesse générale, afin kfaire cesser au plus vite l’antagonisme entre les classes trieuses et les classes privilégiées. L’accord s’établira le où l’Etat entrera en possession des biens qui doivent instituer, au profit de tous les malheureux, le droit à î’exis-et donner aux travailleurs la sécurité du lendemain.
- Si la bourgeoisie est assez sage et assez intelligente pour éprendre les avantages de simples mesures prises à propos, saura mettre un terme aux revendications sociales ; mais ^ est à craindre quelle se laisse aller de plus en plus à l’ac-^Parement de la richesse, en repoussant systématiquement 'Jül moyen de pacification sociale ; alors, tant pis, les événe-s’accompliront et le présent travail servira à l’organi-^ de la société nouvelle. Il est inéluctable que l’on en
- arrive à reconnaître que la société a pour devoir de prélever sur la richesse acquise la réserve nécessaire aux garanties Sociales, la réserve de l’humanité.
- NOUVELLES DU_FAMILISTÊRE
- Le Conseil de Gérance de l’Association, dans sa séance du 16 courant, a conféré les qualités de Sociétaire ou de Participant aux personnes dont la liste suit :
- Sociétaires :
- Madame Poix, Louise. — Messieurs : Gardez, Honoré. — Brancourt, Arthur. — Fournier, Jules. — Véron, Emile. — Tardier, Joseph. — Lelong, Jules. — Blancaneaux, Constant. — Dron, Eugène, — Froment, Jules, — Garbe, Emile. — Alavoine, Ernest. — Dirson, Arthur.—- Goutellier, Alfred. — Yinchon, Gustave. — Quégneaux, Alfred. — Lemaire, Auguste. — Lairloup, Jules. — Garbe, Aimé. — Gosset, Alfred. — Drocourt, Louis-Victor. — Gottenest, Fidèle. — Basse, Jean-François. — Maréchal, Louis-Arthur.
- — Jacquet, Eugène. — Poix, Octave. — Delzard, Jules.— Dupont-Huile. — Disant, Jules.
- Participants
- Mesdames : Gordien fils, née Dieux, Louise. — Delzard, Jules, née Hénin, Arthémise. — Mademoiselle Noizet, Julia.
- — Messieurs : Soyeur,Louis. — Holot, Louis. — Morlet, Ulysse. — Pourrier, Ernest. — Marchandise, Ernest-B. — Tellier, Elisé. — Décarsin, Ovide. — Froissart, Firmin. — Maillet, Jules,fils.— Schwartz, Louis. — Lardier, Emile-Romain,fils. — Ans tel, Victor-Charles. — Jumeaux, Victor. — Marchand, Arthur. — Lefèvre, Armand.— Baudry, Emilien.
- — Létot, Ambroise. — Garbe,Albert. — Dolignon, Adonis.
- — Lefèvre, Jules. — Daimez, Célestin,fils.— Garbe, Jules.
- — Hénon, Joseph. — Allard, Ernest. — Champagne, Jules-Edouard-Vital. — Dantin, Jules-Edouard. — Favril, Valéry.
- — Fortier, Louis-Joseph. — Henry, Alcide. — Jamart, Albert-Louis. — Labrisse, Charles. — Lemoine, Florentin.
- — Maréchal, Emile. —Noël, Gustave. — Poulain, François.
- — Waret, Ernest. — Alavoine, François.— Compère, Léon.
- PALAIS SOCIAUX ^
- Les articles « Palais sociaux » sont envoyés aux conseillers municipaux de Paris.
- II.
- Un article de la France libre, signé du directeur en chef de ce journal, qui promettait une étude complète et pratique de la question du logement, nous avait entraîné à vouloir traiter le même sujet contradictoirement avec le journal parisien.
- (1) Voir le numéro 313.
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- Notre premier article a été publié dans le numéro du Devoir, du 7 septembre ; nous avions pris alors rengagement de reproduire intégralement les réponses de notre grand confrère. Nous sommes toujours disposé à tenir cette promesse,pourvu que la France libre prenne la liberté de nous répondre.
- Ce journal disait : « En démolissant les fortifications de Paris sur une longueur de 12 kilomètres, on aura une surface de 132 hectares. Un tiers de ce terrain pourrait être couvert de logements ouvriers et les deux autres tiers seraient réservés à la voirie et aux jardins. »
- Nous avons répondu : Cette surface est sans rapport avec le développement normal de Paris ; elle peut être quadruplée par l’acquisition à bon marché de la zone militaire; la ville de Paris doit rentrer dans la propriété de la zone militaire ; et cela fait, il ne convient pas de bâtir des maisons isolées,il faut édifier de magnifiques palais sociaux.»
- La petite maison ne correspond ni à nos moyens d’action ni aux besoins des citoyens; elle complique tous les actes ordinaires de la vie d’une foule de démarches quotidiennes longues et pénibles qui à notre époque prennent trop d’un temps précieux.C’estceque nous voulons établir dans cet article ; prochainement nous montrerons que les Palais sociaux supprimént tous les inconvénients des maisons isolées.
- D’après l’expérience du Familistère, il nous est prouvé qu’une construction, contenant un nombre égal d’appartements à deux pièces et à trois pièces, ayant chacun deux cabinets de débarras, (ces appartements pouvant facilement être réunis pour former des logements de 5, 7 et 10 pièces), doit disposer de 60 mètres carrés, comme surface moyenne des appartements à deux et trois pièces.
- A Paris, comme à Guise,on ne saurait sortir de ces données sans s’écarter des conditions que doit présenter un logement hygiénique.
- Appliquons ces chiffres au projet présenté par la France libre. L’auteur nous dit qu’un tiers seulement de la superficie, soit 43 hectares, sera occupé par des constructions à un étage : l’emplacement couvert sera donc égal à la moitié de la surface de la totalité des appartements,ou bien cette dernière surface sera deux fois plus grande que celle des emplacements,c’est-à-dire égale à 86 hectares; or 860.000 mètres carrés divisés par 60 mètres carrés,superficie moyenne de chaque appartement, nous donnent 14.333 logements pouvant suffire à une population de 45.000 habitants.
- Comment seront construites ces maisons ? Seront elles adossées et contiguës par les côtés l’une; l’autre, de façon qu’elles ne puissent recevoir l’aj que sur la façade ? Ou bien, tout en étant adossée; par deux, chaque groupe sera-t-il séparé par un, petite rue, chaque habitation pouvant prendre ai sur la façade et sur ses deux côtés? Ges dernière conditions seraient excellentes, mais elles nécessi teraient l’établissement d’une quantité de rues san; proportion avec l’importance de la population.
- Comment tous ces gens pourront-ils s’approvi. sionner?Une population de 45.000 habitants ré pandue sur une longueur de 12.000 mètres, donne par kilomètres 3.750 individus, soit 1.200 petits ménages.
- Supposons les conditions les plus favorables : qu’j! soit établi,tous les cinq cents mètres,des boutiques réunissant les denrées d’approvisionnement général, les ménagères les plus éloignées n’auront pas moins de 500 mètres à parcourir chaque fois qu’elles devront faire un achat. Mais les conditions seront pires, le commerce s’installera dans ces centresde population avec tous ses abus et tous ses défauts d’organisation, il arrivera que tel n’aura à parcourir que 50 mètres pour se procurer de la viande, mais qui devra marcher pendant un kilomètre pour acheter des épices ou des objets de mercerie!
- Ou bien il s’établira des boutiques à toutes les portes, mal approvisionnées, et devant faire vivre leurs possesseurs sur un chiffre d’affaires très limité, de telle sorte que tous les produits seront revendus aux conditions d’un détail onéreux.
- Au point de vue de la salubrité, chacune de ces petites maisons aura sa fosse qui, se remplissant lentement, sera rarement vidée ; chacune de ces fosses sera un foyer de fermentation de matières en décomposition c’est-à-dire un foyer d’infection’
- On devra encore établir une canalisation d’égouts très compliquée pour recevoir et écouler les eaux de pluie et les eaux de ménage. Le service pour l’enlèvement des balayures et des détritus de ménage mettra en mouvement un grand nombre de travailleurs sur ce parcours de 42 kilomètres. U5 distributions des eaux, du gaz, seront encore des installations très onéreuses; si l’on veut un éclairage convenable pendant la nuit, il exigea un nombre considérable de foyers.
- Et les enfants, qu’en fera-t-on dans toutes c^ petites maisons, entourées de clôtures, afin Qüe chacun puisse bien s’isoler dans son chez-soi H* mère devra les garder pendant le bas-âge, et,dn-qu’ils seront assez grands pour savoir éviter une
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- ^ture on les enverra sans doute à une école qui ra souvent éloignée de la petite maison de plus ï'uQ demi-kilomètre. Mais les mères prudentes se prieront la peine d’aller conduire les enfants 3 l’école et les attendre à. la sortie, le matin et l'après-midi ; le temps de faire ces courses, d’aller aux provisions et de préparer les repas, leur permettra à peine de s’occuper des travaux d’inté-peur. Non seulement il faut envoyer les enfants à l'école, mais il est nécessaire qu’ils jouent,et qu’ils jouent-en nombre, afin de bien se développer phy-pement et de s’habituer au contact de leurs aemblables.Avec les petites maisons bien clôturées, tomment cela sera-t-il possible? On ne voudra pas laisser sortir l’enfant du petit jardin, de crainte que privé de toute surveillance il s’habitue à vagabonder, à contracter de mauvais penchants. On le laissera s’étioler dans les petites allées du petit prdiû.
- Dans une République, lorsque le suffrage universel fait de chaque citoyen une partie du souverain, il est nécessaire que les adultes se réunissent pour se consulter sur la direction des affaires municipales et nationales. Comment les petites maisons se prêteront-elles à ce besoin urgent de notre époque? Attendra-t-on pour exercer ce droit qu’il se présente un industriel disposé à construire une salle mal agencée, qui sera très éloignée du domi-|cile du plus grand nombre des habitants? Et s’il ne se présente d’industriel de cette catégorie, 'laissera-t-on les citoyens privés des moyens pratiques de jouir du droit de réunion ? Les bains, les salles de réunion, les bibliothèques, les théâtres N choses absolument nécessaires à notre épo-jue, et il n’est pas admissible qu’une municipalité telle que Paris intervienne dans la question des logements sans prendre en considération toutes ces ;lloses qui correspondent à des besoins si légitimes» et qu’elle ne se préoccupe des moyens prati-^es d’en procurer les avantages à tous les ci-M’ees sans exception dans les conditions les plus Anomiques.
- ^habitation, à notre époque de télégraphe, de Aphone, d’organisation postale, de correspondes régulières, de journaux quotidiens, de colis Naux, doit-être agencée de manière à économies temps employé par ces divers services punies.
- d petits jardins, l’ornement des petites mai-d>sont de petits joujoux auxquels bien des Préfèrent de belles pelouses, de beaux parcs ^oeusement entretenus par un service public;
- choses que l’on ne peut économiquement organiser d’une manière complète avec le système des petites maisons.
- Ce genre d’habitation ne correspond plus à aucun besoin de notre époque. Nous montrerons dans un prochain article comment le palais social procure à l’individu tous les agréments du chez-soi et supplée à l’insuffisance des’petites maisons.
- Si nous sommes dans l’erreur,nous serions heureux que la France libre prît la liber té de nous réfuter ; et, pour lui rendre la tâche facile nous n’hésitons pas à préciser notre opinion : les petites maisons et les petits jardins nous donneront de petits hommes, petitement doués physiquement et moralement, manquant même d’un petit caractère.
- Le socialisme en Angleterre
- Une fraction du parti libéral a compris l’insuffisance des réformes politiques séparées d’une révolution économique. Les socialistes anglais forment une fédération ayant pour organe le journal La Justice.
- Ce journal, à l’imitation de ce que fait le Devoir, publie un programme résumant les principes qui animent la rédaction et le but poursuivi par celle-ci.
- Depuis longtemps nous souhaitons que la presse française entre dans une telle voie qui a le mérite de rendre toute équivoque impossible, et de faire que les partisans d’une même cause se connaissent entre eux.
- Sans partager toutes les idées de nos confrères anglais, c’est avec le plus grand plaisir que nous reproduisons ci -dessous le programme du nouveau journal socialiste auquel nous souhaitons bonne et longue vie.
- Programme de la « Justice » organe de la Fédération sociale et démocratique.
- BUT DE LA FÉDÉRATION
- Former des sociétés et les relier en corps socialiste organisé partout h Grande-Bretagne et l’Irlande, en vue d’assurer des droits ég'iux pour tous les hommes.
- Les mesures d’application immédiate préconisées par la fédération démocratique pour remédier aux maux de la société présente, sont :
- La construction obligatoire de logements hygiéniques, pour les artisans et les cultivateurs, en nombre proportionnel à la population : ces logements devant être loués aux prix juste convenable pour couvrir les frais d’édificahon et d’entretien.
- L'instruction obligatoire et gratuite pour tout le
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- monde avec l’institution d’au moins un bon repas par jour dans chaque école.
- La fixation à huit heures au plus de la journée du travail dans toutes les industries.
- L'impôt progressif sur tous les revenus dépassant le minimum de 300 L. par an. (7.500 fr.)
- L'appropriation nationale des voies ferrées avec ou sans compensation.
- L’établissement de banques nationales absorbant toutes les institutions privées qui tirent actuellement profits des opérations de finance ou de crédit.
- L'extinction rapide de la dette nationale.
- La nationalisation de la terre et l’organisation d’armées agricoles et industrielles sur les principes coopératifs et sous le contrôle de l'Etat.
- La fédération démocratique, recommande comme moyens d’atteindre son but :
- 1° Le suffrage des adultes.
- 2° Les Parlements annuels.
- 3* La représentation proportionnelle.
- 4° Le paiement des membres plus les frais officiels des élections.
- Toutes autres mesures politiques rendues obligatoires par les précédentes.
- Nous traduisons du journal : Justice, Londres, 30 août 1884, l’article suivant :
- Nous avons constaté déjà que la simple possession de la franchise électorale ne confère pas le pouvoir politique et que le pouvoir politique lui-même ne peut, en soi, protéger l’ouvrier contre la tyrannie du capital. Gomme preuve de cette assertion, voyons ce qui se passe aux Etats-Unis d’Amérique.
- Là, le peuple est en possession du droit de suffrage ; il n’y a pas le fléau d’une royauté ou d’une aristocratie héréditaires, ni celui d’une grande armée permanente ou d’une religion d’Etat. Cependant, là comme ici, le capital est effréné, ses exactions sont oppressives, il dépouille aussi complètement le travail que dans les Etats de la vieille Europe. Et pourquoi? Parce que les prétentions du capital sont ouvertement affichées et admises, parce que les institutions des Etats-Unis sont basées sur ces prétentions, et que les classes productives de la richesse se contentent de voir leurs destinées abandonnées aux mains de quelques milliers de capitalistes.
- Ces affirmations nous sommes prêtsàlesappuye I sur des documents officiels. 1
- En fait de travail et de capital il est possible dj calculer pour l’Amérique, avec plus d’exactitud I que dans notre propre pays, l’écart entre les bénél fices et les salaires.
- Prenons, par exemple, le rapport sur l’indue trie du coton dans l’Etat du Massachusetts pour 1875. Nombre d’individus employés. . . . gg Capital engagé. ...... 319.223.540fr]
- Coût annuel de la matière brute. 205.299.463
- Valeur des produits................. 389.673.765
- Différence......................... 184.374.300
- Gomment cette dernière somme a-t-elle été r partie ? Voici :
- Total des salaires payés. . . . 93.586.430fr.|
- Bénéfices............................ 90.787.870
- Mais nous pouvons aller plus loin en cette voie: La valeur du produit est répartie en trois classes] savoir :
- Hommes, plus-valae 4.425f; salaires, 2.231 f30; bénéfices, 2.198f7(| Femmes, » » 2.812 10; » 1.479 20; » 1.335
- Apprentis, » » 1.305; » 681.80; » 628 21
- Donc, en Amérique même, où les salaires sod| considérablement plus élevés qu’en Angleterre] le bénéfice direct du patron est à peu près égal: la somme des salaires payés.
- Et cela avec le suffrage populaire.
- Prenons un autre exemple dans les rapport] commerciaux pour 1881, à Philadelphie, sur industries du coton, de la laine et de la soie.
- Nombre de travailleurs......................Bü
- Valeur de la matière brute. . . 181.801.005 fr]
- Valeur totale'des produits. . . 298.851.080
- Différence.........................144.050.075
- Comment cette somme fut-elle répartie?
- Salaires au travail................. 53.796.115^
- Bénéfices au capital............... 60.253.1
- Prenez l’industrie du tapis, vous trouvez :
- |Q j|
- Nombre de travailleurs......................
- Salaires........................... 45.045.655]
- Bénéfices................ 1 . . . 4L 589.9*5
- Ainsi le travailleur américain s’enfonce iflPj ment au niveau du travailleur européen, o13' les avantages qu’offre l’Amérique. On Pt,ut même que ce niveau sera atteint très vite, ^ multiplication considérable des manufacture bas.
- En Amérique, comme en Europe, lesclas»^ pitalistes gouvernent avec un sceptre de fer-bien des cas les règlements des fabriques so gradants.
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- Dans les Etats-Unis les capitalistes sont même plus dominateurs que dans les Etats européens.
- Tandis que les salaires s’abaissent de plus en plus dans tous les grands centres d’industrie, tandis que les détenteurs de la propriété se préparent à la grande lutte entre les classes productrices de la richesse et celles qui vivent de loyers, de revenus ou de bénéfices* les capitalistes dépouillent à plaisir la communauté et avec la plus grande im_ punité.
- Prenez le rapport de 1884 sur les voies ferrées alors en exercice, deux ans seulement avant le « crack » qui a paralysé l’industrie et ruiné tant de milliers de petits actionnaires, vous trouvez :
- Nombre des usines......................70.178
- Goût de ces usines d’après les livres des compagnies .... 18.133.482.250 fr-Estimation au jour du rapport 10.652.500.000
- Différence................... 7.480 982.250
- Obligations émises .... 14.533.325.000
- Lesquelles, avec la différence,
- montèrent à..................... 22.014.307.250
- Il fut prétendu,cependant,que les compagnies ne réalisaient qu’un taux moyen de 6 pourcent. Contrôlons :
- Coût constaté par les Cies. . 18.133.482.250 fr. Obligations émises .... 14.533.325.000
- Total................... 32.666.807.250 fr.
- Six pour cent par an sur cette somme font. ,.................... 1.958.506.425 fr.
- Tandis que six pour cent sur le coût actuel donnent seulement ............................... 652.650.000
- 11 y a donc là une différence de............................... 1.305.856.475
- Ce qui fait un intérêt de 18 0/0 et non de 6 0/0.
- C’est là certainement un véritable brigandage et tel que rien de semblable n’a dû être toléré dans aucun pays du monde.
- Nous étonnerons-nous ensuite de voir baisser les salaires? Augmenter le coût de la vie ? croître sans cesse des profits et les loyers?
- Le fait est qu’avec ses avantages naturels nombreux et variés, l’Amérique est condamnée aux mêmes convulsions sociales qui menacent chacun des Etats de l’Europe.
- La Révolution seule peut affranchir les classes laborieuses de la tyrannie du capital ; seule elle peut les libérer du fléau de l’usure, du joug de la tyrannie des politiciens, de la dégradation des corruptions politiques.
- Ce n’est pas seulement le vote qui est nécessité,
- c’est, la destruction de notre système capitaliste de production et d’échange; c’est l’élévation du travailleur à une position de direction et de contrôle dans la société.
- Dans les Etats-Unis comme en Europe, le travail est au plus bas degré de l’échelle sociale. Là comme ici le simple fourbe, l’aventurier politique est porté aux cieux, tandis que l’homme de principe est conspué par toute la presse vénale des Etats.
- Et il en sera ainsi tant que Je capital et non le travail, tant que la convoitise des profits et non la capacité productive gouvernera les destinées des Etats.
- La position des classes laborieuses en Amérique, avec le droit de vote, est une leçon pour les travailleur s de tous pays.
- J. SKETCHLEY.
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- LV
- Réforme de l’habitation
- La réforme architecturale de l’habitation deviendra nécessaire le jour où les hommes seront assez éclairés pour reconnaitre que la société doit assurer à tous ses membres l’abri et les garanties de l’existence. Alors au lieu de dissiper, dans les travaux négatifs et destructifs de la guerre,la richesse acquise, la société emploiera cette richesse à élever des palais destinés à remplacer les masures et les chaumières des villages, afin d’abriter dignement la.personne humaine.
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- Les grandes manoeuvres. — Les réservistes et une partie des soldats de l’armée active viennent de prendre part aux grandes manœuvres ; ils ont fait preuve de qualités remarquables, disent les reporters militaires. A notre avis, le fait le plus remarquable est la présence de nombreux officiers des puissances étrangères ; elle témoigne d’une confusion dans les idées qui est d’un bon augure pour la fin des guerres. Il y a des choses qui dureraient éternellement,si elles n’arrivaient à dépasser les dernières limites de l’absurde.
- Comprend-on quelle ironie se dégage de cette présence à nos exercices militaires d’officiers étrangers,de ces banquets,où festinent généraux allemands et officiers français,où les chefs des régiments prussiens portent des toasts àla prospérité de l’armée française ; pendant^que le malheureux réserviste, épuisé par
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- 600
- LE DEVOIR
- la fatigue, après un ? mauvais repas, songe tristement à sa famille, privée de son concours, à ses affaires souvent compromises par son déplacement.
- Quelques jours avant le commencement des grandes manœuvres, l’ambassadeur allemande Paris, réunissait plusieurs généraux de notre armée dans une magnifique soirée précédée d’un banquet, tandis que des chauvins s’escrimaient à cribler de balles des cibles qui figuraient po ur eux des poitrines de prussiens. Pendant ce temps, le général Pittié et les autres illustres guerriers invités à la soirée de l’ambassadeur,battaient des entrechats avec les plantureuses Gretchen de la colonie allemande.
- On se plaint que l’on ne peut retenir les sous-officiers dans les régiments ! Peut-être que s’ils avaient leur part dans ces festins et ces soirées, ils seraient moins pressés de fuir le régiment. Aussi inclinons-nous à penser que,faute de pouvoir multiplier ces réjouissances selon les besoins du recrutement des sous-officiers, l’armée restera tôt ou tard sans autres chefs que les héros accoutumés à déclarer la guerre entre deux vins, à signer la paix devant une bonne table, à pleurer sur les défaites le verre à la main, à célébrer les victoires dans l’orgie,et qui,entre deux guerres,enverraient leurs épaulettes à tous les diables, si elles n’étaient pour eux un droit d’entrer gratis partout où l’on s’amuse.
- Enfin dans ces grandes manœuvres,ou bien l’on exerce sérieusement les corps d’armée aux mouvements militaires, et l’on commet l’absurdité de livrer à ses adversaires le secret de sa tactique militaire, ce qui est insensé ; ou bien l’on exécute de fausses manœuvres pour tromper la vigilance de nos voisins et de leurs représentants; alors on apprend aux soldats à faire le contraire de ce qu’il conviendrait de leur enseigner, ce qui est stupide. Voila les deux termes extrêmes de la guerre.Nous laissons aux gazetiers militaires le soin de chercher le juste milieu.
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- * *
- Les tarifs des chemins de fer. — Le Temps appréciant les réductions de tarifs adoptées par la Compagnie de l’Est fait là réflextion suivante :
- « La Compagnie perdra une recette de 2 millions environ à sa réforme des tarifs. Comme ses actions jouissent d’un dividende minimum garanti par l’Etat, elle peut, en somme, contempler cette perte d’un œil assez serein. Mais si l’abandon des 2 millions eût été consenti, par exemple, au profit des seuls produits agricoles, est-ce qu’il n’eût pas été plus sensible, et, par conséquent, la réforme n’eût-elle pas été plus productive ? il semble permis de le penser.
- » Les autres Compagnies feront donc sagement d’y regarder à deux fois avant de se lancer dans une semblable entreprise. Il ne saurait entrer dans notre pensée d’affaiblir en rien les éloges que sa patience et son abnégation ont valus à la Compagnie de l’Est. Ils sont des plus mérités. Mais, dans l’intérêt du commerce aussi bien que dans l’intérêt de nos finances, il est à désirer que la réforme des tarifs soit inspirée par des considérations exclusivement commerciales. »
- Si la Compagnie peut contempler cette réduction d’un œil assez serein, nous pensons que les contribuables doivent la voir venir d’un regard moins calme. C’est le commencement de'ce que nous n’avons cessé de répéter depuis la mise en discussion des fameuses conventions. Les nécessités
- de la concurrence imposeront des réductions à toutes nos lignes ; ces réductions se feront trop attendre, parce qu’on ne fera des concessions que lorsque par une forte décadence des affaires on s’apercevra que nos tarifs de transport sont la ruine du commerce, et les subventions de l’Etat pour la garantie des intérêts seront encore plus considérables que si l’on avait fait les réductions dès le début avant l’étranglement du commerce.
- Détournement de pièces parlementaires.
- — M. Armand Rivière, député de Tours, ayant eu besoin de consulter les procès-verbaux de la commission chargée par la Chambre d’examiner les crédits demandés pour le Tonkin n’a pu trouver trace de ces documents dans les archives du Palais-Bourbon.
- Pour comprendre l’importance d’un tel détournement, il faut se rappeler que c’est dans ces procès-verbaux que se trouve relatée la déclaration du ministre de la guerre relativement à la question de l’envoi de renforts.
- Deux députés, M. Achard et M. Bernard-Lavergne, ont rappelé les propres paroles du général Campenon, affirmant qu’il était impossible d’envoyer au Tonkin ou en Chine plus de 6.000 hommes, sans désorganiser le plan de mobilisation de notre armée continentale.
- Le ministre de la guerre avait ajouté :
- « Quand à moi, si l’on veut envoyer seulement un homme de plus, je quitterai le ministère. »
- MM. Achard et Bernard-Lavergne, en rappelant les déclarations du générai Campenon, disaient qu’on trouverait dans les procès-verbaux de la Commission du Tonkin la preuve qu’ils n’avançaient rien que de rigoureusement vrai.
- On comprend l’importance qu’il pourrait y avoir pour le gouvernement à faire disparaître ces procès-verbaux.
- ♦ *
- Instruction publique. — Le rapport de M. Falliéres, ministre de l’instruction publique, sur l’état de l’enseignement primaire en France de 1881 à 1882 est tout à fait édifiant. Nous sommes heureux de le constater chiffres en mains.
- En 1877, il y avait en France 71.547 écoles primaires de tout ordre, non compris les écoles maternelles ; nous en trouvons 75.635 en 1882.
- Il y avait 110.709 instituteurs et institutrices en 1877 ; nous en trouvons 124.965 en 1882.
- Le nombre des élèves inscrits s’est élevé, pendant cette période, de 4.716.935 à 5.311.211, sans compter les écoles maternelles. Le progrès a continué, et l’année 1882-1883 accuse un nouvel accroissement de 90.940 inscriptions.
- Dans ce progrès, la plus forte part revient aux écoles publiques* dont le nombre se trouve porté de 59.021 à 62.997. Nous constatons donc en cinq années un accroissement de prés de 4.000 écoles, dont plus de la moitié (2 247) sont des écoles de filles.
- * *
- Récolte des blés. — Le tableau suivant montre le produit des récoltes en froment dans les divers pays du globe, pendant les années 1882 et 1883. Pour la France, l’Aile-
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- magne, l’Autriche-Hongrie, et les Etats-Unis,les chiffres sont officiels ; pour les autres contrées, ils sont très approximatifs.
- Année 1883 Année 1882
- Hectolitres Hectolitres
- États-Unis 145.000 000 181.975.000
- France 98.600.000 112 100 000
- Russie 65.250.000 97.025.000
- Autriche-Hongrie . . . 34.800 OüO 49.300.000
- Italie 44.950.000 52.200.000
- Allemagne 26.825.000 34.075.000
- Espagne 43.500.000 31.175.000
- Grande-Bretagne . . . 26.100.000 29.000.000
- Turquie 14.500.000 14.500.000
- Roumanie 7.250.000 10.150.000
- Belgique 7.250.000 8.700.000
- Hollande 2.175.000 2.175.000
- Portugal 3.625.000 2.900.000
- Danemark 1.450.000 1.400.000
- Grèce 1.450.000 2.175.000
- Serbie 1.595.000 2.610.000
- Suisse 725.000 870.000
- Suède-Norvège. . , . 1.160.000 1.450.000
- Algérie 5.800.000 5.800.000
- Australie et Nouvelle-Zé-
- lande 87.000.000 11.600.000
- Indes 17.400.000 87.000.000
- Egypte 5.075.000 3.625.000
- Total 641.480.000 724.855.000
- La crise. — Nous parlions hier de la réduction de salaires acceptée par les ouvriers des forges et hauts-fourneaux de Denain et Anzin. L’industrie houillère n’est pas dans une situation plus prospère. Dans une compagnie voisine, les ouvriers ne travaillent plus le lundi ; dans une autre ils descendent quatre fois par semaine seulement. On voit combien il est antifrançais soit pour l’Etat, soit pour nos grandes compagnies, soit pour nos industriels d’aller demander à l’étranger des houilles ou d’autres produits qu? nous pouvons leur fournir. Y-eût-il (ce qui n’existe pas) une différence dans le prix que peut être ce mince résultat en comparaison de la ruine de nos établissements et de la misère pour la classe ouvrière?
- Puisse notre voix être entendue à Paris ! Puissent nos alarmes ouvrir les yeux de nos gouvernants, et leur faire prohiber l’emploi par les administrations de l’Etat des houilles étrangères. On nous rendra cette justice, nous n’avons pas épargné les avertissements. (Réforme du Nord).
- RUSSIE
- Entrevue des trois empereurs. — Aucun pays né convenait mieux que la Pologne pour une réunion des trois plus puissants potentats de l’Europe. Où trouver traces plus cruelles des exploits des despotes. C’est au château de Skierniewice, près de Varsovie,qu’a eu lieu cette entrevue. Le plus grand mystère couvre les projets secrets des empereurs ; on dit que de grandes résolutions ont été prises par les trois souverains assistés de leurs ministres. Une réunion de bourreaux inspire toujours de tristes pensées, mais elle est pro-
- fondément lugubre lorsqu’ils sont accompagnés de leurs aides. Les précautions prises pour assurer le secret des délibérations de l’entrevue de Skierniewice dénotent suffisamment les mauvaises intentions des conspirateurs. Vont-ils jeter les bases d’une entente contre le socialisme, contre le progrès ; vont-ils décider du sort de l’Asie ou de l’Afrique ; est-ce contre la France ou bien contre l’Angleterre qu’ont comploté les trois empereurs ? Peu importe que les têtes couronnées aient agité l’une ou l’autre de ces questions. On a peut-être besoin de provocation de la réaction pour disposer les peuples à en finir avec les monarchies.
- HOLLANDE
- On télégraphie de La Haye, 15 septembre :
- Une députation a présenté aujourd’hui au ministre de l’intérieur la motion en faveur du suffrage universel votée dans le meeting d’hier.
- Le ministre a répondu que l’introduction du suffrage universel serait une nouveauté en Hollande et ne lui paraissait pas très nécessaire.
- Le gouvernement prendra cependant, a-t-il ajouté, la motion en sérieuse considération, et la révision constitutionnelle permettra d’examiner la question du suffrage universel.
- BELGIQUE
- L’agitation entre libéraux et cléricaux continue en Belgique sans que l’on aperçoive aucune tentative des travailleurs de mettre leurs revendications en face des fractions des classes dirigeantes. Les journaux cléricaux font des appels directs à la guerre civile ; le gouvernement augmente les garnisons des grands centres ; il prend des précautions contre les milices civiques que l’on sait acquises au parti libéral.
- ITALIE
- Le choléra est très intense ; en quelques jours il a fait plus de 4.000 victimes, tandis qu’en France, depuis deux mois, le chiffre des décès causés par l’épidémie ne dépasse pas 5.000. Dans la ville de Naples on évalue à plus de deux cent mille le nombre d’ouvriers sans travail. La désorganisation commerciale est telle que l’intendance militaire a dû prendre en main la fourniture des denrées alimentaires. Que pensent Messieurs les économistes de cette intervention de l’Etat. Quoique l’on puisse dire, voici les faits : Une cruelle épidémie s’empare d’une ville; le commerce, avec tous ses privilèges, ses franchises, ses avances, ses relations avec les producteurs, son mécanisme séculaire éprouvé par un fonctionnement quotidien se montre incapable de faire face à la situation créée par l’épidémie; d’un autre côté, une administration publique, n’ayant rien dans son organisation qui l’ait préparée au rôle de fournisseur général de la population, tout d’un coup, improvise des services susceptibles de parer aux éventualités nées de la défection du commerce. Cela prouve-t-il l’impossibilité des services publics, ou l’incapacité et l’insuffisance commerciales. Si l’on voulait réfléchir que les services publics basés sur la centralisation peuvent être tant et tant simplifiés par des organisations corporatives, commerciales ou associationistes, on comprendrait que l’échange organisé est supérieur au commerce le mieux dirigé. Quiconque, qui n’est pas économiste de profession, ne pourra interpréter autrement cette interven-
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- tion accidentelle de l’adminstration publique. C’est dans les circonstances difficiles, exceptionnelles que l’on éprouve la solidité d’un mécanisme, d’une institution. Les faits signalés à Naples attestent la supériorité du pire service public d’alimentation à un système commercial des plus parfaits.
- (association pour l’avancement des sciences,
- La moralisation par l’hypnotisme
- L’attention publique a été vivement excitée il y a quelques mois par les expériences de suggestion de MM. Bernheim et Liégeois, de Nancy. Ces expériences montraient qu’on peut? par l’hypnotisation, substituer à la volonté propre d’un indi vidu une volonté étrangère qui le dirige à son insu, même lorsqu’il a cessé d’être sous l’influence de l’hypnotisation, et peut ainsi l’obliger à faire les actes les plus bizarres ou les plus criminels sans que sa volonté y soit pour rien. Ces curieuses expériences avaient moins surpris le monde médical que le gros public, parce que les médecins connaissaient depuis longtemps des faits analogues et surtout parce qu’ils considèrent les phénomènes de cet ordre tout autrement que les gens du monde.
- Maintenant on ne s’arrête plus là. On cherche des applications à ces principes devenus incontestés, et voici un homme très compétent, un médecin de la Salpêtrière, M. Auguste Voisin, qui nous en présente de très inattendues. Assurément on sera bien plus surpris encore de ces conséquences tirées de la théorie que de la théorie elle-même. Il s’agit d’employer l’hypnotisation comme traitement de l’aliénation mentale et des névroses, bien plus, d’y trouver un agent moralisateur par l’introduction dans la conscience d’une volonté étrangère qui domptera la volonté malsaine du sujet.
- M. Augnste Voisin nous a présenté l’exposé d’un traitement de ce genre institué sur une malade de son service à la Salpétrière, qui était restée rebelle à tous les traitements ordinaires. Avec des séances de sommeil hypnotique répétées tous les jours ou tous les deux jours, il est parvenu à faire cesser les hallucinations, l’agitation même la plus furieuse. Il a procuré à sa malade un sommeil aussi prolongé qu’il le voulait pendant dix, quinze et même jusqu’à vingt-deux heures en lui suggérant pendant le sommeil hypnotique l'idée de ne se réveiller qu’à telle heure.
- M. Auguste Voisin a modifié du re^te le procédé d’hypnotisation ; au lieu de la produire par le regard même de l’opérateur, il l’obtient à l’aide d’une petite lampe à magnésium qui projette un très vif rayon de lumière sur les yeux du sujet. Son but est de supprimer l’influence directe de l’hypnotiseur sur le malade, influence qui lui paraissait dangereuse et choquante.
- L’action ainsi obtenue est aussi sûre et même plus rapide *
- que l’hypnotisation ordinaire par le regard. Les malades les plus agitées ont été ainsi calmées en une minute et immédiatement endormies.
- M. Auguste Voisin emploie encore l’hypnotisation et la méthode suggestive pour modifier l’état moral et le caractère de ses malades, pour les rendre sociables comme elles l’avaient été autrefois et faire renaître en elles l’affection à l’égard de leurs parents. Il est arrivé ainsi, notamment, à rendre parfaitement disciplinées, et même parfaitement polies, les malades les plus grossières et les plus rebelles. Les plus paresseuses se sont mises à travailler courageusement à des travaux de couture.
- Pour obtenir ces résultats vraiment merveilleux, M. Auguste Voisin se contente de suggérer à ses malades les idées convenables, par exemple, l’idée de se rendre à telle heure, chaque jour, à l’atelier des malades et d’y rester deux heures. Les malades obéissent sans aucune résistance, à toutes ses suggestions, et, sous l’influence des habitudes de calme, d’ordre et de convenances qu’amènent ces suggestions, la tenue des malades est absolument transformée.
- I)u reste, il ne faudrait pas croire que les résultats obtenus par M. Auguste Voisin soient dus à des facultés ou à une habileté particulières. L’interne de son service obtient exactement les mêmes effets que lui en procédant de la même manière. Ces jours derniers, par exemple, cet interne suggéra à une malade, tenant la plus mauvaise conduite, l’idée d’écrire au docteur Voisin une lettre où elle le remerciait de ces soins et lui promettait de se conduire dorénavant en honnête fille. Elle le fit exactement le lendemain, en croyant le faire spontanément.
- Une autre fois, M. Voisin suggéra à une malade l’idée de lui réciter dix jours plus tard, à une heure fixe, neuf pages de l’Evangile de saint Matthieu. Elle vint en effet les réciter à l’heure dite, avec une excessive rapidité, faisant preuve ains d’une mémoire qu’elle n’avait pas ordinairement.
- En résumé la suggestion pendant le sommeil hypnotique a permis à M. Voisin de guérir les hallucinations et l’agitation des aliénés, de modifier leur caractère et de diminuer, puis de faire même disparaître certains penchants inférieurs nuisibles ou immoraux. Ses recherches continuent ailleurs. Il espère aller plus loin qu’il n’a encore été, Pourquoi, dit-il, la suppression ou du moins l’atténuation des mauvais instincts n’arriverait-elle pas à imprimer sur certaines natures perverses des habitudes de moralité, de discipline et de travail qui deviendraient permanentes et constitueraient ainsi une véritable régénération, une transformation morale?
- Un travail de ce genre devait nécessairement provoquer des observations. Elles n’ont pas manqué. M. Bernheim, professeur à la Faculté de médecine de Nancy, Fauteur des remarquables expériences dont nous parlions tout à l’heure, M. Re' gis de Bordeaux, et plusieurs autres médecins ont pris successivement la parole; M. Bernheim a traité de nouveau
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- l’ensemble de la question et rappelé les précédents, dont M' Auguste Voisin n’avait point parlé.
- L’idée d’appliquer la suggestion liypnotiqne à la moralisation, à la modification des caractères, des instincts, des facultés intellectuelles, cette idée appartient à M. Durand de Cros. Elle a été ensuite défendue et mise en pratique par un médecin de Nancy, le docteur Liébault.
- Mais il faut bien reconnaître qu’en ce qui concerne les maladies mentales cette application sera toujours fort exceptionnelle. En effet, M. Voisin n’a réellement présenté qu’une seule observation suivie, et encore n’est-elle pas entièrement terminée. La raison de cette stérilité probable de la méthode est bien simple, c’est que, dans l’immense majorité des cas, les aliénés sont rebelles à l’hypnotisme. M. Bernheim a souvent essayé sans succès d’endormir des aliénés mélancoliques ou hypocondriaques. Ces malades sont obsédés par leurs préoccupations personnelles et se trouvent ainsi incapables de concentrer leur attention comme le sujet doit nécessairement le faire pour que l’hypnotisation puisse réussir.
- Lorsque le délire est partiel, que le sujet n’a qu’une idée fixe, en dehors de laquelle son cerveau fonctionne bien, il peut encore être hypnotisable et débarrassé, dans certains cas, de son obsession. Mais, en général, les aliénés ne sont pas susceptibles, du moins par les moyens que nous avons employés.
- M. Bernheim croit certain, d'après ce qu'il a vu chez les sujets hypnotisables, qu'on peut modifier chez euxles inslincts, les penchants, les habitudes. M. Liébault lui racontait qu'une mère lui amena un enfant paresseux qui ne voulait pas travailler ; il l’hypnotisa et parvint, après suggestion, à en faire un enfant laborieux, qui devint le premier de sa classe, cela dura quelque temps, puis l'enfant retomba dans sa paresse et ne voulut plus être hypnotisé.
- M. Bernheim connaît un docteur en médecine, artiste de valeur, qui est dans un cas bien curieux. M. Liébault l'a débarrassé, en même temps que d’une sciatique ancienne, d'une malheureuse passion pour la boisson qui avait amené un delirium tremens ; une autre personne contracta, grâce à la même médication suggestive, une répugnance pour le tabac et la bière.
- La suggestion n’est pas toujours aussi efficace ; elle a besoin d'être répétée, variée, adaptée à chaque individualité. Les hystériques se font quelquefois des auto-suggestions qui neutralisent celles de l’hypnotiseur.
- Il faut alors user de subterfuges. M. Bernheim nous en a donné un exemple vraiment étonnant. Il avait, cette année, dans son service d’hôpital, une femme hystérique, insensible d’une moitié entière du corps et sujette à d’horribles attaques convulsives. De plus, son caractère était fort capricieux. Un jour elle se refusa tout à fait à manger son bouilli : c’était de a saleté, disait-elle, et elle vomirait si elle le prenait. La sœur infirmière essaya en vain de lui faire entendre raison.
- M. Bernheim eut alors l’idée de la mettre en état de somnambulisme pour lui suggérer de l’appétit et la décider à manger son bouilli. Vains efforts ! Elle résistait obstinément à la suggestion. « Je n’en mangerai point, répétait-elle obstinément; je le vomirais, car je n’ai aucun appétit. » M. Bernheim essaya en vain d’user d’autorité, la personne restait réfractaire.
- M. Bernheim s’avisa alors d'un moyen bien singulier : la faire changer de personnalité. « Comment vous appelez-vous ? lui dit-il. — Marie M..., répondit-elle. — Mais non, lui répliqua M. Bernheim, vous n’êtes pas Marie M,.., vous êtes Joséphine Durand, la tante de Marie M... » Elle finit par en convenir. « — Eh bien ! lui dit alors M. Bernheim, faites la leçon à votre nièce qui est là. Montrez-lui comment il faut manger la viande, dites-lui quelle est très bonne, etc. » Et aussitôt, voyant par hallucination sa nièce (c’est-à-dire elle-même), l’admoneste, la gronde, la sermonne, l'encourage à manger sa viande, et, prêchant d'exemple, la malade récalcitrante avale son bœuf, quelle trouve excellent. A son réveil elle ne voulut jamais croire quelle l’avait mangé et ne l’en digéra pas moins bien.
- M. Bernheim a répété plusieurs fois l’expérience chez cette malade, et toujours avec le même succès.
- Il y a là un dédoublement de la personnalité produit à volonté dans des conditions qui paraîtraient incroyables au vulgaire s’il était encore permis de s’étonner dans ce domaine. Bien entendu, M. Bernheim ne s’étonne pas pour si peu. Il ne voit là qu’un fait intéressant comme il en a observé tant d'autres. Il le cite simplement pour montrer combien la faculté de recevoir la suggestion varie, même dans le sommeil propice, et combien le traitement par la suggestion devra s’assouplir pour s’adapter aux particularités si diverses des cerveaux sur lesquels on veut agir.
- (Le Temps.)
- Le Commerce allemand
- On se préoccupe en France des progrès de l’industrie dans l’empire allemand ; aussi croyons-nous utile de reproduire ici quelques chiffres significatifs que nous empruntons, en grande partie, à l'Économiste français.
- L’Allemagne compte 4 millions et demi de chevaux-vapeur, dont 3 millions dans l’industrie des transports et un million un quart dans les établissements industriels. En France, ces établissements n’ont que 576,000 chevaux-vapeurs sur un total de 3.600.000.
- L’Allemagne est bien plus riche que nous en mines de charbon. En 1882, elle a extrait 52 millions de tonnes, tandis que nous n’en avons pas extrait 21 millions. L’excédant de l’exportation sur l’importation monte chez elle, pour cet article, à 36 millions de francs ; nous, au contraire, nous sommes tributaires de l’étranger pour 179 millions. A nos
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- 2,033,000 de tonnes de fonte elle en oppose 2,900.000. C’est dans la métallurgie que la reprise des affaires a commencé il y a trois ans.
- L’Allemagne a trois grandes industries alimentaires qui intéressent l’agriculture : le sucre, l’alcool et la bière.
- L’industrie du sucre s’est considérablement développée depuis quelques années. Sa prospérité est due aux primes d’exportation ; c’est dire qu’elle est toute factice. La production est double de la consommation, qui ne dépasse pas 6 kil. 4 par tête, à raison de 45 millions d’habitants. L’exporta-tatton, qui était de 14,000 tonnes en 1871, s’est élevée en 1881 à 318,000.
- Pour l’alcool, la consommation, après avoir pris un grand développement, s’est fixée depuis dix ans aux alentours de 2 millions et demi d’hectolitres, ce qui fait 5 litres et 1/2 par tête. L’exportation a plus que doublé en dix ans; elle atteint en 1882 1,130,000 hectolitres. L’Allemagne produit maintenant un alcool très fin, bon pour le vinage ainsi que pour les imitations de cognac. Celui qu’elle consomme est très inférieur à celui qu’elle vend à l’étranger.
- La fabrication de la bière monte à 39 millions d’hectolitres, dont prés d’un tiers en Bavière. L’exportation ne dépasse guère 1,200,000 hectolitres, à peu de chose prés le même chiffre que pour l’alcool.
- Parmi les industries du tissu, celle du coton, la seule dont nous parlerons, se trouve presque au niveau de la nôtre. A côté de 40 millions de broches que possède l’Angleterre, le continent tout entier en compte 21 millions et un quart, dont 5 millions en France et 4,815.000 dans l’empire germanique. Le tissage et l’impression, après avoir eu trois ou quatre bonnes années, semblent se trouver actuellemunt dans une situation moins favorable.
- L’industrie des produits chimiques est très prospère, grâce au nombre considérable d’excellents élèves que fournissent chaque année les laboratoires des universités. La fabrication seule de l’alizarine et de l’aniline est évaluée à 100 millions de francs ; l’étranger en achète environ les trois quarts.
- Quant au mouvement du commerce extérieur, l’Allemagne exporte pour 4,055 millions de francs et importe pour 3,955. Le total, qui est de 8,010 millions, se trouve inférieur de 558 millions seulement au total du commerce extérieur de la France. Il est à remarquer, d’ailleurs, que l’exportation a augmenté pour l’Allemagne, de 1881 à 1882, d’une somme de 255 millions qui porte principalement sur les objets fabriqués, la bière,l’alcool, la farine, le sucre, les produits des industries textiles et métallurgiques, le papier, etc., etc. C’est là précisément ce qui parait inquiétant lorsqu’on constate qu’en France, au contraire, l’exportation des objets fabriqués diminue.
- Dans des échanges avec nous, l’Allemagne nous achète pour 317 millions de francs^ nous vend pour 412 millions. Ce qu’on appelle la balance commerciale est également en
- sa faveur dans ses relations avec l’Angleterre, les Etats-Unis, la Suisse, mais contre elle dans ses échanges avec la Belgique. L’Autriche-Hongrie (dans une très forte proportion) et surtout la Russie.
- CE QUE COUTEJLA GUERRE.
- I.
- Nous sommes partisan de la paix, — nous n’avons pas besoin de le dire, — non certes de la paix honteuse, de la paix à tout prix, mais de la paix qui doit résulter de la solidarité des peuples entre eux, de l’harmonie fraternelle des nations, fille de l’ordre et de la liberté, fille de la justice et de l’équité. Il nous paraît donc bon, d’exposer à tous et à chacun, aux amis sincères de l’humanité et du progrès et surtout aux batailleurs, ce à quoi conduit ce jeu sanglant que l’on nomme la guerre et cette fumeuse vanité que l’on nomme la gloire.
- Nous empruntons à un travail historique, publié à Paris par M. Germain Sarrut, ancien représentant du peuple, deux tableaux qui parlent haut et net comme des chiffres et peuven t avoir leur puissant enseignement.
- Dans un Coup d’œil rétrospectif sur les guerres qui désolèrent l’Europe de 1791 à 1814, M. Germain Sarrut établit que la France — la France seule — fit une consommation d’hommes s’élevant au chiffre effrayant de 4.556.000, sur lesquels la conscription napoléonienne figure pour 2.476.000.
- Voici, du reste, le tableau qui sert de base à ces chiffres
- monstrueux :
- Levée du 24 juin 1791
- — de septembre 1792
- — du 24 février 1793
- — du 16 avril 1793
- Réquisition du 16 août 1793 Conscription du 3 vendémiaire
- — du 28 germinal
- — du 24 messidor
- — du 28 floréal
- — du 5 floréal
- — du 8 nivôse
- — du 27 nivôse
- — du 2 vendémiaire
- — du 15 déc. 1806
- — du 7 avril 1807
- — du 21 janv. 1808
- — du 10 sept. 1808
- — du 12 sept 1808
- — du 1er janv. 1809
- — du 25 avril 1809
- — du 5 oct. 1809
- . . . 150.000 hommes.
- . . . 100.000 —
- . . . 300.000 -
- . . . 30.000 —
- ... 1.050.000 -
- an vu. . 190.000 —
- an vu. . 150.000 —
- an vu. . 110.000 —
- an x . 120.000 —
- an xi. . 120.000 —
- an xii . 60.000 —
- an xiii . 60.000 —
- an xiii. 60.000 —
- an xiii. 80.000 —
- ... 80 OJO —
- . . . 80.000 —
- . . . 80.000 —
- . . . 80.000 —
- . . . 80.000 -
- . . . 80.000 —
- . . . 40.000 —
- . . . 36.000 -
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- LE DEVOIR
- — du 13 déc. J809 (2décr.) 160.000 -
- du l*r sept. 1812 . . . 120.000 —
- — du 11 janv. 1813 . . . 350.000 —
- — du 3 avril 1813 . , . 180.000 —
- — du 24 août 1813 . . . 30.000 —
- — du 9 oct. 1813 . . . 280.000 —
- — du 15 nov. 1813 sur toutes les classes antérieures à 1814 . . . 300.000 -
- Total. . . 4.556.000 hommes.
- Ce travail est incomplet, car M. Germain Sarrut ne tient pas compte des 250.000 hommes qui étaient sous les drapeaux en 1791, à moins qu’il n’en fasse compensation avec ceux qui survécurent à ces 23 années de glorieux massacres ; mais alors encore il conviendra de joindre à cette sanglante hécatombe les 300.000 hommes qui furent victimes du côté des Blancs, dans la Vendée, le Languedoc, la Lozère, l’armée deCondé, etc., etc., de nos luttes civiles. — Ce n’est donc pas exagérer que de porter le chiffre des Français morts par la guerre à 5.000.000, soit 217.000 hommes par an, soit environ 600 hommes par jour. Nous ne parlons que des français, et, on le sait, pendant dix ans Napoléon ménagea ses soldats en opposant les Italiens, les Belges, les Hollandais, tous les contingents des confédérations aux Russesj aux Prussiens, aux Autrichiens et aux Anglais. Il n’y a donc aucune exagération à affirmer que pendant cette longue et sanglante période de 23 ans, la guerre dévora en Europe environ 2.000 HOMMES PAR JOUR !
- Ce sont ces boucheries, ces orgies de sang que Ton nomme la gloire !..
- IL
- A ce tableau des pertes d’hommes de la France, M. Germain Sarrut oppose les sacrifices argent faits par l’Angleterre. Ils ne seraient pas moindres de 20.316.460.053 fr. à l’extraordinaire, plus environ cinq milliards à l’ordinaire. M. Germain Sarrut établit ainsi ce bilan :
- Francs. Fr. c.
- 1793. . . 113.625.000 en 3 0/0 72 45
- 1794. . . 277.950.000 66 09
- 4795. . . . 570.650.000 62 50
- 1796. . . 454.500.000 63 16
- — ... 186.375.000 64 93
- 1797. . . 454.500.000 53 28
- — ... 407.330.000 47 25
- 1798. . . 429.250.000 ' 48 08
- — . 75.750.000 53 58
- 1799. . . 391.375.000 57 14
- 1800. . . 517.625.000 64 93
- 1801. . . 767.000.000 56 98
- 1802. . . 633.250.000 75 63
- 1803. . . 303.000.000 58 32
- 1804. . . 366.125.000 54 94
- 605rt
- 1805. . 505.000.000 58 25
- — . . lOi.300.000 51 55
- 1806. . 555.500.000 60u24
- 1807. . 38.175.000 651 24
- — . . 358.550.000 63 42
- 1808. . 265.125 000 63 42
- 1809. . 368.650.000 65 50
- 1810. . 338.550.000 71 09
- 1811. . 303.000.000 64 10
- 1812. . 505.000.000 56 82
- 1813. . 681.750.000 55 35
- — . . 606.000.000 56 50
- 1814. . 606.000.000 63 83
- 1815. . 999.000.000 53 38
- Total. . 12.032.705.000
- qui, aux taux auxquels les emprunts avaient été faits, portaient la dette souscrite à leur occasion à. vingt milliards trois cent seize millions quatre cent soixante mille cinquante-trois francs. — « Cet immense holocauste, » ajoute l’écrivain, n’avait eu pour l’Angleterre d’autre résul-» tat que de désorganiser ses ateliers, de tirer des ports,des » fabriques, des fermes, deux millions d’ouvriers vigoureux » pour les convertir en soldats et matelots dont le plus grand » nombre était mort de maladie dans cette guerre de vingt-» trois ans ; que d’enlever aux travaux organisés pour la » paix une masse considérable de capitaux et de travailleurs » pour les employer dans les chantiers des arsenaux, dans les » manufactures d’armes et d’équipements, de munitions ou » de moyens de transport, et qu’à anéantir, sans retonr d’au-» cune richesse, les produits de ces chantiers ou de ces ma-» nufactures. »
- Ces leçons de l'expérience seront-elles perdues pour la génération actuelle ? on doit le redouter en présence des faits qui s’accomplissent journellement.
- Hélas la perte pour l’humanité ne se borne pas là !
- III.
- Il nous reste à examiner une troisième face de la question. Après avoir emprunté à la France et à l’Angleterre les exemples de oe qu’ont coûté,en hommes et en argent, les guerres qui nous occupent, |il nous faut chercher quelles furent les conséquences de ces mêmes guerres sur les fortunes privées et publiques?
- Nous aidant pour ce faire d’un travail de M. Horn c’est en Autriche que nous irons chercher notre exemple :
- Lorsque la patente impériale du 1er juin 1816 décrétait la création de la Ranque nationale autrichienne, il s’agissait avant tout de mettre quelque ordre dans l’inextricable chaos de la circulation fiduciare, légué par les guerres du premier empire français à l’ère de paix qui commençait.
- Durant ces guerres, presque toujours malheureuses pour l’Autriche, le 'gouvernement de Vienne avait poussé jusqu’auxf
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- dernières limites l’abus du papier monnaie ; une liquidation des plus désastreuses dut suivre la paix de 1810. La circulation du papier-monnaie s’élevait alors à 1.060.798.753 florins ; la patente impériale du 20 février 1811 ordonnant le retrait, c’est-à-dire l’échange des ‘Bankzettel’ (tel était le nom de ce papier) pour le “cinquième” de leur valeur nominale, ce qui fit perdre aux détenteurs des Bankzettel les qnatre cinquièmes de leur fortune.
- L’autre cinquième ne leur fut pas rendu en argent, mais en un nouveau papier (Umloosungs-Scheine, bons d’échange), qui était loin de valoir de l’argent. Le gouvernement prit l’engagement solennel de n’en émettre que la quantité nécessaire pour l’échange des Bankzettel au taux de 1 à 5, soit la somme de 295 millions 6/10.
- Les guerres de 1813 à 1815 mirent à néant cet engagement : au 31 Décembre 1815 la circulation des bons s’élevait à 610 millions et leurs cours était 351 contre 100 florins argent.
- Le malheureux qui, en 1811, avait possédé 1.000 florins en Bankzettel,qu’il avait dû échanger contre 200 florins de papier nouveau, les voyait aujourd’hui réduits à 57 florins effectifs environ : il sauvait ainsi SIX POUR CENT à peine de la banqueroute que l’État faisait à ses créanciers involontaires, aux porteurs de son papier monnaie.
- Ces chiffres ne sont-ils pas plus éloquents que toute la phraséologie imaginable?
- IV.
- Voilà pour une seule nation; et que l’on ne croie pas qu’à elle s’est borné le mal. Pour toutes les autres nations, ce n’est qu’une question du plus au moins, en vertu de ce principe si clairement posé par M. F.-N. Bénard, dans son opuscule des Lois économiques.
- « Il n’arrive pas une seule revendication du droit, dans quelque lieu que ce soit, sans que tous les membres de la famille humaine soient appelés à en profiter, comme il ne se commet pas une grande injustice, dans quelque région que ce soit,sans que riches et pauvres,amis et ennemis, soient exposés à en souffrir. »
- Ajoutons maintenant que le noble métier des armes a fait depuis peu des progrès suffisants pour réduire à 0 ce qui en 1816 s’arrêtait encore au chiffre envialable de 6 p. c. Que seraient les canons de Wagram à côté des canons actuels, les fusils à pierre comparés aux fusils prussiens, les vaisseaux d’Aboukir en face des monstres cuirassés ?
- POTONIÉ-PIERRE.
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- La Question de la Femme en Europe
- Sous ce titre : « The woman question in Europe, » j un remarquable ouvrage vient d’être mis en vente par ! M. Théodore Slanton, à New-York, à Londres et à Paris. 1
- Dans cette dernière ville, l’éditeur est M. Fischbacher, 33, rue de Seine.
- Les renseignementsles plus certains,parce qu’ils sontdus à des personnes compétentes des pays mêmes,sont donnés sur la situation de la femme en Angleterre, Allemagne, Hollande, Autriche, Norvège, Suède, Danemark, France, jtalie, Espagne, Portugal, Belgique, Suisse, Russie, Pologne, Bohême et Orient.
- Nous donnerons une idée de la méthode suivie par M. Stanton dans la mise en ordre des documents, et du but de son œuvre en citant les passages suivants de la pré-face :
- « J’ai commencé à collectionner les matériaux de ce volume durant l’hiver 1880-81. Mon désir était de m’assurer, dans chaque pays d’Europe, la collaboration d’une ou plusieurs femmes douées de connaissances littéraires et ayant participé, par leurs actes ou leurs écrits, à la remarquable évolution sociale qui se produit aussi bien dans l’antique Europe que dans la jeune Amérique. A l’exception du chapitre sur le Portugal et d’une partie de celui de la France, tout le reste de l’ouvrage est dû à des femmes.................................................
- » Le chapitre sur la France diffère des autres sous le rapport à la fois de la ferme et de l’étendue. La France, tout en réalisant moins d’améliorations pratiques dans la condition des femmes que les autres pays, n’en conduit pas moins le monde dans le champ des idées. Ce que ses penseurs et ses réformateurs exposent par la parole ou la plume, les autres nations le mettent en pratique . .
- » J’ai fait tous mes efforts pour avoir sur chaque aspect de la question l’opinion d’un écrivain absolument compétent. Je puis donc espérer que les informations et les conclusions de l’ouvrage seront reconnues exactes, importantes et des plus dignes d’attention... #
- Il nous est impossible de citer ici les noms de toutes les personnes qui ont concouru à cet ouvrage et dont le nombre s’élève au moins à une centaine. Citons cependant pour la France, Mesdames Caroline de Barreau, Jules Favre,Maria Deraismes, Griess-Traut, Olympe Audouard, Hubertine Auclert ; MM. Gréard, vice-recteur de l’Académie de Paris; Joseph Fabre, député; Desmoulins, du conseil municipal de Paris, Molinier, professeur à Toulouse : Alphonse Rodière ; A. Godin, fondateur du Familistère de Guise; etc., etc.
- L’étude des langues ayant pris en France un essor marqué depuis quelques années, nous souhaitons que beaucoup de nos lecteurs soient en mesure déliré cet ouvrage , lequel est publié en anglais.
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- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen
- Charente-Inférieure. — Rochefort. Garnier. Théodore, 2, impasse ou Breuil.
- Loire. — Gay, Ferdinand, conseiller municipal.
- Un de nos correspondants nous écrit qu’il est étrange de vivre au milieu de gens qui désirent la ~aix et qui ne savent se résigner à rien entreprendre pour l’obte ir. C’est cette indifférence qu’il faut vaincre ; tout le problème est là. Mais, nous mêmes, évitons de nous faire illusion sur la valeur de nos ef-orts. Ceux d’entre nous qui ont fait le plus en faveur de la propagande de la paix doivent comprendre combien leurs peines ont été minimes, si on les compare à la grandeur du but poursuivi. Ce serait vraiment trop réjouissant si, pour disposer les hommes à la paix, il suffisait d’avoir écrit une cinquantaine d’articles dans un journal hebdomadaire et d’avoir invité ses amis à faire signer quelques centaines de bulletins. Les véritables amis de la paix doivent poursuivre leur œuvre avec autant d’ardeur et d’abnégation qu’en ont montré les Palissy, les Fulton, les Jacquard dans les recherches qui devaient doter l’humanité de tant de bienfaits.
- A une autre époque, il a suffi d’un homme, Pierre l’Her-mite, pour précipiter la chrétienté contre les infidèles. Aujourd’hui pour conduire à ses fins la propagande de la paix, il faut que dans chaque département il se révèle un homme capable de s’élever au-dessus des préjugés et de l’opinion publique, ne se laissant décourager par les résistances, sachant mépriser les sarcasmes et les audaces des pharisiens et des ignorants. Les sectaires de la guerre organisent des sociétés de tir, de gymnastique ; ils profitent des solennités publiques, des distributions de prix, des comices agricoles, pour semer les paroles de vengeance ; il appartient aux amis de la paix de savoir tirer parti des mêmes circonstances selon les besoins de leur cause. Que ceux qui ont déjà fait quelques démarches en faveur de la paix s’engagent d’honneur à persévérer quand même, envers et*contre tout, et nous pouvons dès maintenant être certains de tracer une marque profonde dans ïa campagne contre la guerre.
- L’HISTOIRE DE LA TERRE
- L’astronomie règne sur l’immensité des temps comme sur l’immensité de l’espace. Récemment nous nous occupions ici, de concert avec l’un de nos maîtres dans la science, des lois générales qui ont présidé à la formation de la nébuleuse solaire et à la naissance des mondes. Peut-être ne sera-t-il pas sans intérêt aujourd’hui de jeter un regard sur notre planète en son état primordial et de
- saisir cette circonstance pour voir passer devant nous le panorama des âges disparus.
- Il fut mi temps où l’humanité n’existait pas. La Terre offrait alors un aspect tout différent de celui qu’elle présente de nos jours. Au lieu de la vie intelligente, laborieuse et active qui circule à sa surface; au lieu de ces villes populeuses, de ces villages, de ces habitations, de ces champs cultivés, de ces vignes, de ces jardins, de ces routes, de ces chemins de fer, de ces navires, de ces usines, de ces ateliers, de ces palais, de ces monuments, de ces temples; au lieu de cette incessante activité humaine qui exploite actuellement toutes les forces de la nature, pénètre les profondeurs du sol, interroge les énigmes du ciel, étudie les événements de l’univers et concentre sur elle-même l’histoire entière de la création, il n’y avait que des forêts sauvages et impénétrables, des fleuves coulant silencieusement entre des rives solitaires, des montagnes sans spectateurs, des vallées sans chaumières, des soirs sans rêverie, des nuits étoilées sans contemplateurs. Ni science, ni littérature ; ni arts, ni industrie ; ni politique, ni histoire; ni parole, ni intelligence, ni pensée. Alors les drames et les comédies de la vie humaine étaient inconnus sur notre planète. L’affection comme la haine, l’amour comme la jalousie, la bonté comme la méchanceté, l’enthousiasme, le dévouement, le sacrifice, tous les sentiments, nobles 'ou pervers, qui constituent la trame de l’étoffe humaine, n’étaient pas encore nés ici-bas. Les citoyens de la patrie terrestre existaient sans le savoir et travaillaient sans but. C’étaient le lourd mastodonte écrasant sous ses pas les fleurs déjà écloses dans les clairières, le colossal mégathérium fouillant de son museau les racines des arbres, le mylodon robustus rongeant les branches basses des chênes, le dinothérium giganteum, le plus grand des mammifères terrestres qui aient jamais vécu, plongeant ses longues défenses au fond des eaux pour en arracher les plantes féculentes ; c’étaient les singes méso-pithèques et dryopithèques, qui gambadaient avec agilité sur les collines de la Grèce antédiluvienne, et commençaient la famille sur les hauteurs du Panthéon.
- F’n ces temps reculés, Paris sommeillait dans l’inconnu de l’avenir. Une antique forêt avait étendu son manteau sombre sur la France entière, la Belgique et l’Allemagne. La Seine, dix fois plus large que de nos jours, inondait les plaines où la grande capitale développe aujourd’hui ses splendeurs ; des poissons qui n’existent plus se poursuivaient dans ses ondes ; des oiseaux qui n’existent plus chantaient dans les îles ; des reptiles qui n’existent plus circulaient dans les rochers. Autres espèces animales et végétales, autre température, autres climats, autre monde.
- En remontant plus loin encore dans l’histoire de la Terre,nous rencontrerions une époque où Paris et la plus
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- grande partie de la France étaient plongés au fond des eaux, où la mer s'étendait de Cherbourg à Orléans, à Lyon et à Nice, où la surface de l'Europe ne ressemblait en rien à ce qu’elle est actuellement, où la faune et la flore différaient si étrangement de celles qui leur ont succédé que,sans doute, les habitants de Vénus et de Mars nous ressemblent davantage. D’épouvantables ptérodactyles aux larges ailes sautaient dans le ciel, verspertillons des rêves de la Terre, et ces dragons volants, ces chauves-souris géantes, étaient alors les souverains de l’atmosphère. Le dimorphodon macronyx, le crassirostris et le ramphorynchus,aussi barbares que leurs noms,perchaient sur les arbres, s’aidaient des pieds et des mains pour grimper sur le haut des rochers, s’élançaient dans les airs en ouvrant leurs parachutes membraneux et se pré-cipitaient dans les eaux comme des amphibies. En même temps, les sauriens gigantesques, l’ichtyosaure et le plésiosaure se combattaient au sein des flots agités, remplissant l’air de leurs hurlements féroces, monstres macro-céphales aux larges mâ-hoires dont la taille ne mesurait pas moins de dix et douze mètres de longueur (on a compté jusqu’à 2.072 dents dans la tète de quelques-uns de ces dinausauriens).L’iguanodon et le mégalosaure animaient la solitude des forêts, au sein desquelles des arbres gigantesques, des fougères arborescentes, des cycadées et des conifères élevaient leur cîme pyramidale, ou arrondissaient leurs dômes de verdure. Ces iguanodons, de la forme du kangourou atteignaient quatorze mètres de longueur ; en appuyant leurs pattes sur l’une de nos plus hautes maisons, ils auraient pu manger au balcon d’un cinquième étage. Quelles masses prodigieuses! Quels animaux et quelles plantes, relativement à notre monde actuel! Mais nul regard intellectuel n’étuit là pour voir ces sauvages horisons, nulle oreille n’était ouverte pour entendre ces sauvages harmonies, nulle pensée n’était éveillée devant ces magiques paysages du monde antédiluvien. Pendant le jour, le soleil n’éclairait que les combats et les jeux de la vie animale. Pendant^ la nuit, la lune brillait silencieuse au-dessus du sommeil de la nature inconsciente.
- Depuis la naissance de la Terre, depuis l’époque reculée où, détachée de la nébuleuse solaire, elle exista comme planète, où elle se condensa en globe, se refroidit, se solidifia et devint habitable, tant de millions et de millions d’années se sont succédé que l’histoire tout entière de l’humanité s’évanouit devant ce cycle immense. Quinze ou vingt mille ans d’histoire humaine ne représentent certainement qu’une faible partie de la période contemporaine. En accordant (ce qui est minimum) cent mille ans d’âge à l’époque actuelle, que ses caractères vitaux signalent comme étant la quatrième depuis le commencement de notre monde, et, qui porte en séoloeie le nom
- d’époque quaternaire, l’âge tertiaire aurait duré trois cents millions d’années. C’est, au minimum, un total de quatre millions sept cents mille années depuis les origines des espèces animales et végétales relativement supérieures. Mais ces époques avaient été précédées elles-mêmes d’un âge primordial, pendant lequel la vie naissante n’était représentée que par ses rudiments primitifs, les espèces inférieures, algues, crustacés, mollusques, invertébrés ou vertébrés sans têtes, et cet âge primordial parait occuper les 53 centièmes de l’épaisseur des formations géologiques, ce qui lui donnerait à l’échelle précédente cinq millions trois cent mille ans pour lui seul !
- Ces dix millions d’années du ‘calendrier terrestre peuvent représenter l’âge de la vie. Mais la genèse des préparatifs avait été incomparablement plus longue encore.La période planétaire antérieure à l’apparition du premier5' être vivant a surpassé considérablement en durée la période de la succession des espèces. Des expériences judicieuses conduisent * à penser que pourf passer de l’état liquide à l’état solide, pour se refroidir ’de 2.000°‘:à 200°, notre globe n’a pas demandé moins de 350 millions d’années.
- Flammarion, (Astronomie populaire).
- (<4t Suivre.) >
- Bibliothèque du1- Familistère'
- Ouvrages reçus
- Il socialismo, étude philosophique, par Napoléone Cala-janni, éditeur Filippo Trapea, à Catania, Italie.
- Vaccination, étude statistique sur les conséquences de l’obligation de la vaccine, par Alexandre Wheeler, petite brochure de six pence, en vente chez E.-W:J Allen, 4, ave Marie Lawe. Et-C., Londres.
- Pierre Corbeau, roman patriotique, par Paul de Jou<-vencel ; 1 vol.,3 fr. 50, chez Ollendorf, 28 bis, rue Richelieu, Paris.
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- Le maquétiseur H. Durville, directeur de la Clinique et du Journal âu Magnétisme, rouvrira son cours pratique de magnétismeappligsé à la physiologie et au traitement des maladies, le mardi H oetobre.
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- Crise. — Inm RARK,
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- 8’ Année, Tome 8. — N" 31B Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 28 Septembre 1884
- LE REVOIE
- BUREAU a GUISE (Aisne) ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE ON S’ABONNE A PARIS
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- M. GODIN, Directeur-Gérant Six mois. . . 6 n* Autres pays administrateur de la Librairie des sciences
- Fondateur du Familistère Trois mois. . 3 vt> Un an. ... 13 fr. 60 psychologiques.
- ÉTUDES SOCIALES : Trois numéros parus. Le Familistère de Guise; la Réforme électorale; l’Arbitrage international et le Désarmement européen*. Envoyer 90 cent, à la Librairie du Familistère pour recevoir franco la collection.
- SOMMAIRE
- Le Progrès par la Guerre et par la Peste. — Nouvelles du Familistère. — Ces bons Papistes. — Nationalisme au XIXe Siècle. — Palais sociaux. — Préceptes et aphorismes sociaux. — Faits politiques et sociaux de la semaine. — Le travail "des enfants dans les manufactures. — Le Droit au travail. — Comment l’opportunisme protège l’industrie et Vagriculture françaises. — Adhésions aux Principes d’Arbitrage et de désarmement européen. — L’histoire de la terre.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir a est envoyé gratuitement à litre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- LE PROGRÈS
- par la GUERRE et par la PESTE
- L’indestructible Progrès semble se jouer des combinaisons humaines, en affirmant sa puissance avec plus de vigueur, chaque fois que l’ignorance se laisse aller à des entreprises que l’on dirait sciemment conduite en vue d’empêcher l’atténuation de la misère.
- Avec quelques millions et beaucoup de sagesse on pouvait préparer les peuples de l’Orient à accepter insensiblement des modifications analogues à celles qu’un long enfantement de la civilisation a fait prévaloir en Europe.
- On a préféré recourir aux violences. Mais la force a provoqué la peste qu’on dirait venue en Europe pour nous montrer que, si nous sommes plus avancés que les Pavillons-Noirs, il reste encore chez nous de profondes lacunes.
- Nous portons la guerre au Tonkin.
- L’Asie aussitôt nous envoie le choléra.
- Pendant que nos navires bombardent les côtes de la Chine, le choléra promène ses ravages, en cruel vainqueur, dans les plus riches cités du midi de l’Europe.
- Quelques-uns s’attendrissent sur le sort des Italiens et des Espagnols qui semblent n’avoir rien fait pour s’attirer ce fléau.
- Cette sensibilité s’inspire d’une fausse pitié. I ta-liens, Espagnols, Anglais, Allemands sont autant que nous responsables de nos brutalités contre !a Chine.
- S’ils ne portent les coups eux-mêmes, tous sont au guet pour en partager les bénéfices, regrettant de n’avoir été assez forts ou assez audacieux pour tenter l’entreprise.
- La France n’a pas le monopole de la politique brutale; ce système est cher à tous ses voisins,
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- parmi lesquels on aurait grand peine à trouver un bon larron.
- Pendant que le canon apprend à la Chine que ses mines sont mal exploitées, le choléra crie à l’Europe que la misère tue les travailleurs.
- L’observateur superficiel ne voit que les douleurs; suivant son tempéramment, il s’épuise en vaines critiques ou bien il s’apitoie désespérément sur la fatalité des misères humaines.
- Laissons les sensibles à leurs lamentations, les mécontents à leurs critiques.
- Notre confiance dans le progrès nous fait oublier l’horreur des moyens que lui imposent les gouvernements. Nous suivons quand même sa trace là où d’autres sont incapables d’apercevoir autre chose que des carnages et des pestiférés.
- Nous voyons déjà la Chine éventrée recevoir béante nos machines, nos procédés industriels, notre science si féconde dans la production ; ses bras sauront bientôt extraire les richesses minérales, tordre les métaux nécessaires à la construction des machines, moudre, triturer, dégrossir la matière première pour multiplier à l’infini les produits déjà si nombreux dans les pays civilisés et qui feraient couler la vie exubérante par toutes les veines humaines, si nos sociétés avaient sur la distribution des produits des notions comparables à celles qu’elles possèdent sur la manière de féconder la matière.
- Nos classes dirigeantes ont des vues si étroites, qu’elles ne comprendront pas l’urgence de résoudre le problème de la répartition des richesses avant d’en avoir entassé au point de ne pouvoir les conserver. Il faudra que le fait du paysan, distribuant aux pourceaux ses récoltes pourries pendant son attente d’un cours excessif, devienne la règle générale. Alors, peut-être, on réfléchira qu’il vaut mieux faire plus large la part du travail.
- De la civilisation de l’Asie sortira la preuve par le fait de l’absurdité d’un système social puissant dans la production, mais ignorant les pratiques d’une répartition rationnelle. La civilisation a laissé dans son berceau une partie des secrets de sa fécondité;elle revient à son origine pour réparer cet oubli.
- La guerre stupide rendra dans la douleur ce qu’on aurait pu cueillir dans la joie par des œuvres pacifiques.
- L’Asie ouverte aux machines, c’est bientôt des centaines de millions de bras multipliés par des millions de chevaux-vapeurs ou électriques; c’est aussi une surproduction sans précédent, si l’on
- continue à laisser les classes dirigeantes organiser ^e travail selon leurs besoins, sans tenir compte du droit des salariés à la vie et au bien-être.
- Car, on ne l’a point caché, les conquérants du Tonkin ont avoué eux-mêmes que ces contrées ne resteront pas longtemps tributaires des importations. Elles sont le pays d’abondance de la main-d’œuvre, le pays de l’or, de la houille, du fer, du cuivre, de la soie, du riz, de toutes les cultures qu’un sol riche peut produire sous un climat clément. Attendons-nous bientôt à voir nos produits chassés du marché universel par les objets fabriqués en Chine.
- Le transport de quelques coolies en Amérique a suffi pour jeter la perturbation dans le monde travailleur des Etat-Unis. Qu’arrivera-t-il lorsque nos ingénieurs auront installé d’immenses usines et vulgarisé nos connaissances industrielles au cœur même des populations où l’on recrute les coolies. La concurrence des produits fabriqués au pays des coolies se'ra autrement meurtrière que l’exportation des peaux jaunes.
- Mais après tout cela, il y a la civilisation épouvantée par la grandeur de ses iniquités, cherchant elle-même à savoir comment elle prourra corriger ses propres excès. Alors les matériaux élaborés par les socialistes viendront aux secours de nos classes dirigeantes, actuellement incapables de sages prévisions et ne voulant pas entrevoir les dangers avant qu’ils aient pris d’immenses proportions. La civilisation de l’Asie aura bientôt fait cette démons'ration.
- En même temps,, dans notre Europe éprise d’un faux libéralisme, le choléra asiatique réduit à leur juste valeur ces théories sorties de toutes pièces d’esprits trop infatués de leur supériorité, pour se donner la peine de remarquer que leurs conceptions étaient en contradiction avec les résultats de l’observation des faits.
- 11 a fallu le choléra pour que nous entendions nos savants proclamer dans de retentissants congrès ce que les socialistes ne cessent d’écrire depuis longtemps: que le propriétaire ne doit pas être libre de transformeruneparcelledusol en foyer d’infection; que les lois doivent plier les particuliers, même les plus riches, à observer les enseignements tirés de l’hygiène,dans l’aménagement de leurs propriétés.
- Il est vrai que tous ces savants, au reste très mauvais sociologues, n’ont saisi que le côté de la question directement mis en discussion par la propagation du choléra; leurs vœux ne vont pas au-delà des mesures hygiéniques. Ils n’ont pas coin-
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- pris qu’en demandant aux législateurs de faire respecter une des conditions de la vie ils proclamaient l’intégralité du droit à la vie elle-même, c’est-à-dire l’obligation de l’intervention sociale dans tous les cas où il y a violation de ce droit.
- Les grands médecins, les célèbres hygiénistes, en demandant aux gouvernements d’imposer aux peuples et aux individus l’observation de mesures sanitaires au nom de la conservation des personnes , ont implicitement reconnu le principe des réclamations des socialistes qui déclarent nécessaire l’intervention des législateurs dans la production et la distribution des richesses, lorsque l’industrie et le commerce se montrent impuissants à les diriger selon les besoins de la vie humaine.
- Les conséquences de la civilisation de la Chine par la guerre poseront plus nettement la question delà répartition des richesses,question que les partisans de cette politique espéraient ajourner par leurs entreprises coloniales. Et le choléra, né de ces coupables entreprises, a donné plus d’acuité aux revendications prolétariennes que l’on comptait étouffer par le bruit des exploits de nos grands capitaines.
- La peste et la guerre auront fait tout cela aux dépens de la France, responsable de ne pas avoir compris que les gouvernements devaient mettre la sagesse et la raison au service du progrès, seul moyen de procurer à tous d’immenses bienfaits, sans que nul être humain les paie d’aucun sacrifice momentané.
- Le progrès par la paix est une source bienfaisante, dont l’action salutaire ne s’interrompt jamais; le progrès par la peste et par la guerre est un torrent dont la puissance fécondante est précédée de destructions et de perturbations sans nombre.
- Classes dirigeantes,vous pouvez guider la source; le torrent vous emportera. Vous pouvez choisir l’un ou l’autre,mais le temps presse. Prenez garde; bientôt, vous n’aurez plus la possibilité du choix. Si vous attendez encore, vous vous condamnerez vous-mêmes au progrès par la guerre et par la peste.
- NOUVELLES DUJÀMILISTÈRE
- Assemblée générale c rdinaire du 5 octobre 1884
- Messieurs les Associés sont convoqués en assemblée généré ordinaire pour le Dimanche 5 octobre, à 3 heures du s°lbau foyer du théâtre.
- ORDRE DU JOUR
- 1° Rapport de l’Administrateur-Gérant sur la situation morale, industrielle et financière;
- 2° Rapport du conseil de surveillance sur le même sujet ;
- 3° Adoption du rapport de la Gérance et de celui du conseil de surveillance ;
- 4° Election au scrutin secret et à la majorité absolue des votants d’un conseiller de gérance, en remplacement de M. Lefèvre, Irène, dont le mandat est expiré.
- L’élection doit se faire parmi les auditeurs, dont la liste suit, admis par le conseil de gérance, dans sa séance extraordinaire du 16 courant, savoir :
- Hennequin, Joseph. ; . . 9 voix.
- Allizard, Jules. .... 9 »
- Rourdanchon, Félix ... 8 » 1 blanc.
- Lefèvre, Irène................8 » 1 non.
- Les conseillers sortants sont rééligibles (Statuts, art. 11. — 3e partie.)
- Conformément à l’article 11 (statuts, 3e partie), les rapports des 4 auditeurs ci-dessus seront à la disposition de MM. les Associés, le lundi 22 septembre courant, de 8 à 9 heures dn soir, salle du conseil, au Familistère, où ils pourront en prendre connaissance.
- Ces rapports seront également communiqués, en dehors du jour fixé ci-dessus, à tous les associés qui en feront la demande à l’usine à M. Rernardot, secrétaire du conseil de l’industrie. ,i
- Familistère, le 22 septembre 1884.
- ASSURANCES MUTUELLES
- Élections semestrielles
- Aux termes des statuts (art. 75 et 76, 2° partie), tous les hommes et les dames du Familistère, âgés de 21 ans révolus, sont invités à élire au scrutin de liste, pour le renouvellement de la moitié des membres des comités, quatre délégués hommes, choisis dans le tableau des éligibles ci-contre et quatre dames âgées d’an moins 25 ans.
- Le vote aura lieu dans la cour du pavillon central, le 28 septembre, de 9 à 10 heures du matin.
- Délégués du
- HOMMES
- Membres sortants MM. Hédin, Charles. Méresse, Constantin. Chimot, Arthur.
- Proix, Emile.
- Membres restants Beanrain, Edmond. Hamel, Eugène. Legrand, Jules. Mathieu, Eugène. Pernin, Antoine.
- Les membres sortants sont
- Familistère
- DAMES
- Membres sortants MMesAllart. ,( c Liénard, Anna. Poquet.
- Proix, Pascal.
- Membres restants Dallet,
- Dequenne.
- Legrand - Dnchemin.
- Lefévre-Nouvelon.
- Pernin.
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- Situation Financière des Assurances
- Assurances des pensions. — Solde créditeur au 1er sep-
- tembre 1884. En titre d’épargnes. Assurances des pensions. — Solde cré- 449,752 fr. »»
- diteur au 1er septembre 1884. En compte courant 195,502 97
- Total. . . . 645,254 fr. 97
- Assurance contre la maladie des hom-
- mes, au 1er septembre 1884. . . Assurance contre la maladie des dames, 9,240 65
- au 1er septembre 1884 4,668 19
- Caisse de pharmacie 6,979 48
- Le Secrétaire, ' Les Présidents,
- Henri Seret. A. Pernin et Hédin.
- CES BONS PAPISTES !
- Le journal de Spa, Les Nouvelles, a reproduit dans un article une lettre de M.William Marcroft, écrite à l’occasion du voyage de la délégation anglaise venue récemment au Familistère.
- Le rédacteur des Nouvelles avait intitulé son article : « Un pèlerinage qui vaut bien celui de Lourdes. »
- De là grande colère du journal, le Franchi-montois, organe d'un groupe de papistes belges.
- Après gros mots et grossières fadaises,le Fran-chimontois s’avise de comparer l’œuvre du Familistère aux corporations d’autrefois travaillant sous l’œil d’un maître chrétien. Le tout finit par une déclaration, que, sans l’évangile, le progrès social et le socialisme n’aboutiront qu’à la corruption et à la révolution.
- Nous pourrions rappeler au Franchimontois que le catholicisme a presque toujours abouti à l’esclavage du corps dans les premières colonies des peuples civilisés, livrés eux-mêmes à un esclavage moral absolu ; tandis que les mœurs des dirigeants, tous prétendus représentants des pouvoirs divins, ont toujours adopté toutes les formes de la prostitution du corps et de la conscience.
- Il est vrai que nous-même nous avions commis la première faute en nous servant du mot pèlerinage pour qualifier le voyage de nos amis les coopérateurs anglais; car ce mot, accaparé parles papistes,conserve toujoursune odeur caractéristique de monnaie et de miracle, odeur que l’on chercherait vainement dans l’excursion de nos amis d’outre Manche.
- Nos amis sont revenus chez eux sans avoir vidé ‘ irs noches dans les caisses de notre œuvre; à
- Lourdes,n’est pas reconnu pèlerin quiconque refuse de laisser son argent chez les bons pères et les apôtres authentiques, dûment estampillés par le prisonnier du Vatican. Voilà une première considération contre l’application du mot pèlerinage; — la seconde, c’est que l’on n’a point fait de miracles au Familistère tous nos visiteurs sont revenus chez eux en parfaite santé, tandis que le dernier convoi de pèlerins en route pour Lourdes a eu la miraculeuse faveur de voir mourir à Poitiers trois de ses plus fervents catholiques.
- Le Franchimontois a raison sur un point ; il est parfaitement exact que les travailleurs de notre association n'ont aucune ressemblance avec ceux des anciennes corporations. A ceux-ci, pour un peu de pain et de travail, on leur volait leur liberté religieuse, philosophique et politique. Ici, le maître n’a jamais demandé à un travailleur quelle était son opinion sur la religion, la philosophie, ou la politique.
- Le catholicisme a bientôt dix-neuf siècles d’existence; qu’il nous montre un seul cas ressemblant à la première fondation de notre jeune socialisme, où l’on ait donné une sanction au droit à la vie sans autre condition faite à celui qui reçoit que d’être capable de fournir la journée de travail la plus réduite possible en tenant compte de notre état industriel.*
- Nous sommes le droit à la vie, sans condition ; si le socialisme n’a pu procurer encore à tous les hommes les garanties de ce droit, c’est qu’il se meut dans un milieu que dévore la lèpre romaine.
- Nous comprenons la colère des papistes ; ils prévoient que le culte de la vie va porter le dernier coup à leurs superstitions.
- Ils ne peuvent faire autrement que s’irriter devant l’œuvre du Familistère, ceux qui n’ont jamais su donner ou faire semblant de donner sans souiller ou tuer la conscience des individus et des peuples soumis à leur tutelle.
- Nationalisme au XIXe Siècle
- Se dire cosmopolite n’est point se faire l’ennemi du principe de la Nationalité.
- Je suis pour l’alliance des peuples, pour la paix uni verselle, ce beau rêve que certains esprits chagrins croient irréalisable ; et pourtant si, consultant le passé, j essaie de prophétiser l’avenir, que m’apprend l’histoire ?
- Je prendrai comme exemple l’histoire de mon pays Il y a plusieurs siècles, les Normands, les Picards, les
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- Bourguignons, etc., formaient autant de nationalités qui se déchiraient entre elles, et nos fertiles plaines étaient souvent arrosées du sang de nos ancêtres. Alors la France n’était pas née et l’unité sympathique et intéressée de la nationalité française n’existait pas : aujourd’hui qu’il en est, Dieu merci, autrement, est-ce à dire qu’il n’y ait plus de Picards, de Normands, de Bourguignons ? Ils existent toujours : gens du Nord et du Midi, Provençaux, et Flamands ont gardé les signes distinctifs de leur caractère particulier, ils ont conservé la poésie de leurs diverses nationalités qui les rapproche, mais ils n’ont plus la barbarie égoïste et les préjugés qui les séparaient.
- Ne trouvons-nous pas là une garantie et une leçon pour l’avenir ? Et ne pouvons-nous pas espérer que des peuples qui, pendant des siècles, ont vécu en mésintelligence par suite de l’ignorance de leurs intérêts et de leurs devoirs, proclameront bientôt la paix entre tous les peuples, quand seront créés les Etats-Unis d’Europe? Alors naîtra l’humanité, comme est née la nationalité française, quand nous aurons refoulé dans les limbes du passé les préjugés qui obscurcissent encore trop souvent notre jugement.
- Je suis donc pour la nationalité poétique, sympathique, qui, par le libre échange, fait qu’une nation, par ses aptitudes propres, son caractère particulier, est nécessaire, indispensable aux autres nations ; mais je repousse ce natisnalisme aveugle, présomptueux et brutal, qui, s’enfermant dans ses douanes et ses forteresses, son égoïsme et son autoritarisme, veut, dans sa vanité, se suffire à lui-même, et ne tarde pas (conséquence fatale des principes qui le font vivre) à se livrer à l’esprit de eonquête. Or, peuples, où que vous habitiez, sachez-le, conquête à l’extérieur signifie opression à l’intérieur !
- POTONIÉ-PlERRE.
- PALAIS SOCIAUX
- [Les articles « Palais sociaux » sont envoyés aux conseillers municipaux de Paris.)
- III.
- Nous avons dit pourquoi on devait repousser le projet de logements ouvriers, proposé par M. Mau-jan, directeur politique de la France libre. Nous sommes d’accord avec lui sur la nécessité de l’intervention des pouvoirs publics dans les questions d’habitation. Mais nous demandons de grands palais, de vrais palais, ouverts aux riches et aux pauvres.
- L’urgence d’un rapprochement des diverses classes de la société se fait vivement sentir. Les tendances des gens fortunés, disposés à oublier la
- misère d’un grand nombre de leurs semblables faits (l’une même pâte et ayant les mêmes droits naturels, naissent de l’isolement des individus; les uns se retranchent dans des quartiers somptueux, les autres sont repoussés dans les faubourgs infects.
- La question des logements touche un des points principaux de la moralité publique.
- Si les pouvoirs élus interviennent, ils ne peuvent se laisser guider par d’autres mobiles que ceux tirés de l’intérêt général; ils ont le devoir de repousser les propositions susceptibles de perpétuer ou de développer ces divisions de la population si fécondes en antagonismes dangereux.
- Nous ne demandons ni décrets, ni pression administrative pour rapprocher des déshérités les gens ayant l’aisance, nous attendons tout le bien de la bonne volonté des individus, mais encore faut-il que les bonnes intentions puissent trouver un milieu convenable,
- Il faut que les pouvoirs publics se préoccupent d’organiser l’habitation de telle sorte qu’elle favorise la fusion des classes.
- On nous objectera peut-être qu’ii y a tant à, faire en faveur des plus malheureux, que tout ce que l’on fera au profit des autres sera autant de soustrait cà l’amélioration du sort des nécessiteux. Nous répondrons qu’aussi peu que l’on fasse en faveur de ces derniers, cela sera toujours préférable au complet abandon de l’heure présente ; puis, les palais sociaux, tels que nous les proposons, ne seront pas onéreux pour la municipalité parisienne, il n’y aura donc aucun inconvénient à les multiplier suivant la demande. Notre but ne serait pas atteint si la réforme du bâtiment n’assurait des avantages nouveaux aux particuliers sans compromettre la situation financière de la ville.
- On nous dira encore que#l’intervention des municipalités est une atteinte portée à l’initiative individuelle et une dangereuse substitution des collectivités aux entreprises patronales.
- Les particuliers qui raisonnent ainsi appartiennent à n’en pas douter à la secte des économistes.
- Or, ceux-ci proclament la souveraineté de la loi de l’offre et de la demande. Qu’ils interprètent leur axiome dans le sens que la demande provoque l’offre, ou bien que l’offre sollicite la demande, notre proposition n’est opposée à aucune de ces deux interprétations. En effet, nul ne contestera qu’il existe à Paris, comme le témoignent de nombreuses manifestations publiques, une grande demande de logements confortables à bon marché ;
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- demande qui laisse parfaitement froids les entrepreneurs ordinaires. L’intervention de la municipalité aura donc été précédée d’une'demande évidente, dont les particuliers n’auront tenu aucun compte ; d’autre part, la même règle voudra que la Ville multiplie ses offres jusqu’à complet apaisement de la crise des logements.
- On prétendra enfin que la loi de l’offre et de la demande s’applique aux rapports entre les individus, et non entre les particuliers et les pouvoirs publics. Nous prendrons acte de cette réserve pour noter, de l’aveu même des économistes, que la loi de l’offre et de la demande n’est pas un principe souverain ; ce qui constituera une contradiction de plus au passif de cette immense farceuse, l’économie politique.
- Enfin nous pouvons défier nos contradicteurs de nier que les Palais sociaux sont un progrès dans l’habitation, et nous les enfermerons dans ce dilemme, de déclarer qu’ils cessent d’être progressistes, ou de reconnaître que les pouvoirs publics ont mission de réaliser les manifestations du progrès, lorsque les particuliers se montrent rebelles à ses inspirations.
- ***
- L’adjonction de la zone militaire aux terrains des fortifications, sur une longueur de 12 kilomètres, nous donnerait une bande de terrain ayant une largeur de 600 mètres, mesurant une superficie de 720 hectares.
- L'indemnité supplémentaire à ajouter à celie déjà payée aux propriétaires, lors de l’établissement des fortifications, les travaux de défense à reporter dans les localités prévues par M. Maujan, le remboursement à l’Etat par la Ville de la première indemnité, occasionneront une première dépense de 15 fr. par mètre carré du terrain provenant du déplacement des fortifications.
- C’est sur ces terrains que nous proposons d’élever des Palais sociaux ayant trois étages au-dessus du rez-de-chassée. D’après les prix généralement pratiqués à Paris, avec une dépense de 400 fr. par mètre carré couvert, on peut élever de belles constructions convenablement ornées à l’extérieur et contenant des appartements suffisamment confortables. Notons qu’il s’agit d’une grande entreprise devant bénéficier des avantages de l’achat en gros de toutes les fournitures, et que ces constructions ne comportent pas plus de trois étages ; en outre, l’intérieur des appartements ne doit tenir compte que des bonnes conditions de l'aération,
- de la salubrité, de l’hygiène, de la lumière, de la propreté; toutes les surcharges tirant leur origine du luxe, de la fantaisie, doivent être laissées aux soins et aux frais des locataires.
- Comme première entreprise, nous conseillons d’adopter une architecture analogue à celle du principal Palais social du Familistère, en tenant compte des modifications déjà réalisées dans le dernier bâtiment construit par notre association.
- Cette disposition qui n’exige pas de grandes combinaisons est d’un bel effet, bien que les bâtiments soient entièrement construits en briques. A Paris, l’aspect serait plus saisissant, parce qu’il serait possible d’employer la pierre et d’autres matériaux qui manquent complètement dans notre contrée.
- Notre principal Palais social, contenant 1.200 habitants, est formé par trois bâtiments rectangulaires ayant chacun quatre façades ; celui du milieu est un peu plus long que les deux autres. Les appartements sont disposés de telle manière qu’ils sont tous traversés par des courants d’air; ils ont, chacun, des fenêtres donnant sur les cours et d’autres prenant air sur les pelouses et les places qui entourent les palais.
- Ces bâtiments sont soudés par leurs encoignures d’après les dispositions indiquées par la figure suivante :
- D
- G G
- La longueur de A à B est de 180 mètres.
- Nous pensons qu’il conviendrait de faire plus grand à Paris, et de réunir 2.000 habitants dans chaque palais unitaire. Pour cela, il faudrait que chacune des ailes eût une longueur de 66 mètres, tandis que le corps central mesurerait 90 mètres.
- Nous prenons ces dimensions, parce qu’elles nous permettent de nous servir des données observées dans un nouveau bâtiment récemment construit par l’association du Familistère. Cette construction contient 142 appartements destinés à une population de 600 habitants; le prix de revient est de266 francs le mètre carré couvert.
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- Cherchons le prix de revient d’un Palais social unitaire, à Paris, fait pour recevoir une population de 2.000 habitants, environ :
- Chaque aile (C) occuperait une surface de 66 x 80, soit 3.300 mètres carrés; la cour intérieure aurait 44 X 28 = 1.232 mètres carrés; la surface bâtie serait de 2.068 mètres ; à 400 fr. le mètre carré, la valeur du terrain comprise, chacune reviendrait à 827.200 fr., soit pour les deux ailes 1.654.400 fr.
- Le corps principal (D) aurait une longueurde90 mètres et 55 mètres de largeur; il occuperait une surface totale de 90 X 55 = 4.950 mètres carrés ; la cour intérieure aurait 68 X 33 = 2.244 mètres carrés , la surface couverte serait de 2.706 mètres carrés coûtant, au prix de 400 fr. le mètre, 1.082.400 francs.
- Ce palais unitaire exigerait donc une dépense totale de 2.736.800 fr.
- D’après les expériences faites à Guise, les escaliers, les corridors et les surfaces réservées à des usages communs étant comprises, la surface moyenne des appartements à 2 et 3 pièces seraient de 55 mètres carrés. Nous aurions donc au rez-de-chaussée et à chaque étage 124 appartements, en tout 496, une moitié ayant 2 pièces et un cabinet, l’autre moitié ayant 3 pièces et deux cabinets, en tout 1.240 pièces.
- D’une part, l’entretien et une bonne exploitation du Palais social coûteront environ 2 1/2 0/0 du capital engagé ; d’autre part la ville de Paris trouve de l’argent à 4 1/2 0/0, compris les frais d’amortissement en cinquante années ; les charges annuelles s’élèveront donc à 7 0/0 du capital immobilisé,soit à 191.576 fr., qui,répartis entre 1.240 pièces,donneront un taux de location de 154 fr. par pièce ; si l’on ne faisait intervenir une source de revenus autre que les locations, le loyer serait de 308 fr. pour les logements [de deux pièces et de 462 fr. pour ceux de trois pièces. Les appartements de 5, 7 et 10 pièces formés par la réunion de plusieurs logements paieraient proportionnellement.
- Ces prix seraient presqu’aussi élevés que ceux actuellement pratiqués à Paris.
- Mais il est possible de décharger le locataire d’une bonne partie de son loyer en organisant la coopération et en faisant intervenir les bénéfices, en totalité ou en partie, pour diminuer le loyer de chacun proportionnellement à sa consommation. Les magasins coopératifs seraient situés, comme au Familistère, au rez-de-chaussée de la façade du bâtiment central.
- Nous pouvons supposer d’après le taux des sa-
- laires les moins élevés, que chaque ménage parisien ne dépensera pas moins de 4.500 fr. en moyenne, par an, d’objets fournis par les magasins coopératifs. L’expérience prouve que, en vendant les marchandises aux prix ordinaires du détail, on fait un bénéfice minimum de 40 0/0.
- Si l’on consacrait la totalité du bénéfice à la diminution du loyer, chaque locataire aurait un loyer diminué de 150 fr.; ce qui réduirait à 158 fr. la location des appartements à deux pièces, et à 312fr. celle des appartements contenant 3 pièces.
- On obtiendrait ainsi une diminution très appréciable des loyers, sans compter les nombreux avantages qui résulteraient du palais social ; nous les énumérerons bientôt.
- Nous dirons dans notre prochain article comment il est possible de réduire la ville de Paris à un simple rôle de commanditaire, en laissant la gérance des immeubles et des magasins coopératifs à une association responsable ayant organisé librement l’administration et la surveillance de toutes les affaires se rapportant aux palais sociaux, sous réserve d’observer certaines clauses d’un contrat donl nous indiquerons les causes fondamentales.
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- Réforme de l’habitation
- La réforme sociale de l’habitation offrira les moyens d’organiser la production et la consommation sur les bases les plus économiques et les plus profitables aux populations. Evitant les intermédiaires inutiles, elle mettra les classes laborieuses en situation de jouir des bénéfices p>e?pus jusqu'ici sur leur propre travail et sur leurs propices denrées de consommation.
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- Politique coloniale. — Les journaux parisiens ont publié en quelques lignes une information commerciale peu intéressante, en apparence ; elle contient néanmoins un enseignement qui devrait ouvrir les yeux aux fanatiques de la politique coloniale. Voici cette information que nous avons prise dans l’Opinion :
- « M. Marinoni, le célèbre fabricant de machines, a décidé d’ouvrir une succursale en Australie, et d’en confier la direction à M. W. Allison, qui fait partie de sa maison depuis longtemps. »
- Ce fait est un indice certain des tendances du mouvement
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- industriel et commercial à mesure que des contrées lointaines seront sérieusement organisées. Les grands industriels, abondamment pourvus de capitaux, préféreront exporter l’industrie elle-même pour acquérir sur place une position solide, tandis que l’exportation en concurrence avec les autres fabricants les obligerait à subir toutes les variations du marché européen Ces procédés peuvent être très avantageux pour le grand patronat, mais nous ne voyons pas ce que gagneront les petits industriels et les classes laborieuses en général ; nous pensons au contraire qu’elles ont beaucoup à perdre ; elles supportent cependant la plus grande partie des dépenses de la politique coloniale. Ce fait que nous avons appris, après avoir rédigé notre article le Progrès par la peste et le choléra, vient fort à propos comme un exemple à l’appui de la thèse exposée dans notre premier article.
- Les députés financiers.— Des faiseurs parisiens flanqués de deux députés, Messieurs Boucher et Poulet, viennent d’être convaincus d’infraction à la loi sur les sociétés d’assurances, et de distribution de dividendes fictifs annoncés dans un but frauduleux. Monsieur Boucher a été condamné à huit mois de prison, et à 10.000 fr. pour la contravention; Monsieur Marius Poulet à trois mois de prison, et 5 000 fr. pour la contravention; M. Ledrain, un de leurs associés, a été condamné à cinq ans de prison et dix mille francs d’amende. Ce scandale est beaucoup moins grave que le silence de la magistrature sur tous les tripotages auxquels se prêtent un si grand nombre d’hommes politiques. Mais il ne faudrait pas s’arrêter en si bean chemin ; si l’on voulait faire une enquête sérieuse on trouverait, parmi les ministériels, de nombreux imitateurs de Messieurs Bouchet et Poulet, il y aurait là une épuration des plus salutaire à la politique et à la finance.
- ¥ *
- Chemins de fer français. — Le tableau suivant résume les résultats de l’exploitation de nos principaux réseaux, depuis le 1er janvier de l’exercice en cours, en indiquant les différences que ces résultats présentent sur ceux de la période correspondante de l’année dernière :
- Recette du 1er janvier au 1er septembre
- Longueur Recettes Différences dep.
- moy.kil. totales le 1er janvier
- RÉSEAUX dep.le ————-
- 1883 1884 lerjanv. totales pr kil. '
- — — — — — et 0/0
- 4° France :
- Lyon. . 6.343 7.409 212.635.850- -4.631.241—13.10
- Nord. . 3.016 3.299 107.562 919- -2.195.048 —9.65
- Ouest. . 3.684 4.111 88,961.679 +152.964 —8.14
- Orléans . 4.554 5.261 113.148.065- -t.599.428—11.27
- Est . . 3.626 3.952 88.478.647 -797.975 -8.22
- Midi . . 2.333 2.508 61.710.237- -4.230.354-11.64
- Etat. . 2.711 2.117 15.833.085- -4.277.478+14.11
- Mont-Cenis. 133 133 3.856.640 —59.335 —1.52
- 2® Algérie :
- C.- Al. Lyon 513 513 5.157.705 +127.982 +2.54
- Est-Algér. . 372 372 1.518.408 +134.961 +9.76
- Bône-Guelma 256 256 1.112.136 —130.593—10.50
- » Tunisie 207 207 611.326 — 70.584-10.35
- Ouest-Algér. 52 52 725.814 - 37.163— 3.87
- Le journal le Temps auquel nous empruntons ces chiffres les fait suivre de cette réflexion : « Les recettes de nos grandes compagnies laissent toujours beaucoup à désirer. L’infériorité de ces résultats n’a exercé cependant aucune influence sur la tenue des cours. »
- Ce résultat provient uniquement de ce que les conventions de l’Etat avec les grandes compagnies ont,reconnu au capital, employé en chemins de fer, le droit au salaire de 5 OiO, ce capital ayant été évalué au maximum de sa valeur obtenue par la moyenne de plusieurs années de prospérité industrielle.
- * *
- Les ouvriers Lyonnais. — Des manifestations inquiétantes se [produisent depuis quelques temps parmi les ouvriers lyonnais. Ceux que la faim presse commencent à s’agiter en vue d’obtenir de la municipalité l’ouverture de chantiers publies.;Le maire de Lyon renvoie les pétionnaires au ministère et le ministère se déclare incompétent. Des renseignements puisés à bonnes sources nous permettent d’affirmer que c’est à la faim seule et au chômage qu’il faut attribuer ce commencement d’effervescence. Des journalistes, et de ceux qui sont considérés comme prenant au sérieux leur mission de renseigner le public, prétendent que les menées politiques sont les causes de cette agitation. Nous laissons à ces mercenaires de la plume la responsabilité de ces manœuvres ; mais leur conduite est aussi infâme qu’est bête leur façon de comprendre l’intérêt des classes dirigeantes qu’ils croient servir en agissant ainsi. Le plus grand service que l’on puisse rendre aux riches est de leur faire comprendre les motifs réels des inquiétudes et des souffrances ouvrières, et de leur apprendre que la faim menace d’ameuter ales malheureux contre les détenteurs de la richesse.
- Ainsi renseignés, les dirigeants se rappelleront que l’on a jamais résisté impunément aux émeutes provoquées par la faim, et s’ils n’ont assez de raison pour reconnaître la justice des griefs des travailleurs,guidés par la crainte ils chercheront à les apaiser en donnant du travail aux valides et des secours aux faibles. Les conventions ont reconnu aux capitalistes d?s chemins de fer le droit au salaire rémunérateur, même lorsque ce capital chôme par suite de la diminution des transports, et l’on refuserait au travailleur, qui ne peut attendre, des garanties sans lesquelles il ne peut subsister ! Les ouvriers de Lyon réclament le droit au travail. Que va faire le gouvernement qui a reconnu au capital, même inactif, le droit au salaire?
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- Une nouvelle ligne de chemin de fer. —
- Samedi a eu lieu l’inauguration officielle de la nouvelle ligne de chemin de fer autrichien passant par le tunnel de l’Arl-berg, percé l’année dernière.
- Dès maintenant, les trains de voyageurs circuleront par cette ligne, de Vienne à la frontière suisse. Depuis le 9 courant, les trains de marchandises ont commencé leur service, et l’on a vu des wagons venant du Tyrol et chargés de bois traverser la Suisse pour descendre à Ma seille.
- Ce sont les premiers envois directs ; aussi les wagons avaient-ils été enguirlandés et enrubannés. C’est un évène-
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- ment pour toute la France centrale et celle du midi que l’ouverture de cette nouvelle ligne, qui économisera beaucoup de temps et de frais de traction,
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- Association pour l’avancement des sciences. — L’Association française pour l’avancement des sciences a clos sa session.
- On a procédé à l’élection du bureau pour le congrès prochain, qui se tiendra à Grenoble. L’année suivante, en 1886, le Congrès se tiendra à Nancy.
- Le docteur Verneuil, professeur à la Faculté de médecine de Paris, a été nommé président ; M. Friedel, professeur à la Sorbonne, vice-président; M. Collignon, professeur à l’Ecole des ponts |et chaussées, secrétaire général, et M. Galante, trésorier.
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- Affaires d’Egypte. — Voici à peu près en quels termes la presse exhale les plaintes des capitalistes porteurs des titres de la dette égyptienne :
- « Les Anglais, qui sont des négociants, savent parfaitement ce que c’est qu’une banqueroute, — et, cependant, c’est cela qu’ils imposent, en ce moment, à l’Egypte épuisée par les frais qu’entraîne l’appui accordé au Khédive par le gouvernement britannique.
- » M. Gladstone, premier ministre d’Angleterre, après avoir acheté, à beaux deniers comptant, la victoire de Tell-el-Kébir sur Àrabi-Pacha, a trouvé que l’Angleterre n’était pas assez riche pour « payer sa gloire », et il a épuisé les ressources des malheureuses populations qu’il prétendait sauver.
- » En fait de sauvetage, l’armée britannique semble s’occuper surtout de sauver la caisse.
- » C’est un triste rôle, joué dans la vallée du Nil.
- » D’après les ordres de Londres, le haut commissaire anglais commence par suspendre l’amortissement de la Dette égyptienne. C’est, sans doute, une économie importante ; mais les créançiers sont atteints dans leur sécurité et lésés dans leurs droits. Un Etat, comme un individu, qui ne tient pas ses engagements financiers, fait faillite.
- » C’est, d’ailleurs, contraire à toutes les réglas internationales ou commerciales.
- » Quand on prend une affaire, de même que lorsqu’on conquiert un pays, on accepte les charges en même temps que les avantages.
- » Reste à savoir comment l’Europe acceptera cette mesure.
- » Mettre la main sur l’argent de tous les porteurs de titres égyptiens afin de pouvoir solder les dépenses qu’exige la campagne pour tâcher de sauver le général Gordon, prisonnier dans Khartoum, cela dépasse la plaisanterie permise.
- » Les Anglais se permettent tout.
- » C’est peut être imprudent de leur part. »
- C’est très mal de la part des Anglais d’organiser la banqueroute de l’Egypte ; c’est presque autant immoral que de voler des mines d’or aux capatalistes chinois. On pourra inscrire ce méfait au même livre que la banqueroute de nos politiciens qui avaient promis d’améliorer la situation des classes laborieuses et qui ont abouti à l’emprunt à jet continu.
- ALLEMAGNE
- Préparatifs électoraux. — Les divers partis se préparent en Allemagne aux prochaines élections pour le renouvellement du Reichstag. Les conservateurs et la majorité paraissent singulièrement préoccupés de la propagande socialiste. Dans le but d’intimider les membres actifs du parti ouvrier, Bismarck a fait ouvrir une enquête contre Bebel et les autres meneurs qui ont pris part au dernier congrès. Malgré toutes ces manœuvres on ne pourra maintenir la représentation socialiste assez réduite pour lui empêcher fanion parlementaire. Le règlement du Reichstag exige qu’une proposition pour être discutée, soit signée par quinze députés. Le parti socialiste obtiendra certainement un plus grand nombre de représentants aux prochaines élections.
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- Alsace-Lorraine. — La presse allemande fait de curieuses invites au gouvernement français. Voici en effet, ce que publie h Gazette d’Alsace-Lorraine, journal officiel du gouvernement prussien dans les anciennes provinces que la conquête nous a arracnées.
- « La France ne se tient plus à r’écart des grandes puissances quand il s’agit du maintien de l’ordre à l’intérieur et du maintien de la paix à l’extérieur. Les hommes d’Ëtat français ont reconnu cette vérité que la France, étant donnée la ligne de conduite qui lui est prescrite par sa situation, pour le développement de ses forces, trouve bien mieux son compte à marcher côte h côte avec l’Allemagne qu’à agir en opposition avec cette dernière. Les cercles clairvoyants de nos voisins de FOuest s’imprègnent de plus en plus de cette conviction que le renoncement à l’Alsace-Lorraine serait plus que compensé par une modification de la situation actuelle qui do neraitplus de liberté à la politique française.
- Le maintien de l’ordre à ^inférieur et de la paix à l’extérieur est toujours précaire dans les états dominés par le militarisme. Nous écouterons les gazettes prussiennes lorsqu’elles consentiront à parler de désarmement européen à des conditions acceptables.
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- La stratégie en Prusse. — Sur toute leur ligne frontière les Prussiens font abaisser de Om48 centimètres environ le niveau des voies ferrées sous le parcours et aux abords des tunnels.
- Cette mesure qui paraît inexplicable au premier abord, n’en a pas moins une très-grande importance stratégique, car elle est destinée à permettre en cas de mobilisation la circulation de wagons à deux étages, transportant un nombre de troupes double de celui que l’on pouvait précédemment effectuer.
- Nous garantissons absolument l’authenticité de ce renseignement que le Petit Ardennais est le premier à publier, et nous pensonsqu’il attirera l’attention du Comité de défense.
- AUTRICHE
- La Gazette de l’armée, à Vienne, dit que les trois puissances impériales proposeront prochainement à tous les gouvernements européens de considérer à l’avenir les socialistes comme des criminels de droit commum et de leur appliquer
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- les lois d’extradition. Cela n’empêchera pas les socialistes de conserver l’avancesur les empereurs ; les socialistes n’ont pas besoin de'circulaire ni d’entrevue pour être d’accord sur le sort que méritent les têtes couronnées.
- BELGIQUE
- La querelle continue entre cléricaux et libéraux belges. Les deux partis continuent à se maintenir à distance desquestions ouvrières.
- ESPAGNE
- Les élections pour le renouvellement des conseils généraux ont donné de nouveaux sièges aux opposants carlistes et républicains. L’agitation républicaine continne à se manifester dans l’armée. Le roi d’Espagne pourrait fort bien être mis à la porte sans qu(; les socialistes prennent la peine de lui adresser une circulaire.
- ITALIE
- Le choléra continue ses ravages. A Rome on a emprisonné deux médecins qui avaient refusé de visiter des cholériques. Pourquoi n’emprisonne-t-on pas les fournisseurs napolitains qui ont déserté leurs boutiques?
- A Naples.— Le choléra sévit cruellement à Naples. Sept cents, huits cents cas par jour — et jusqu'à mille. — C'est énorme pour une ville de sept cent mille âmes. C’est à Naples aussi qu’on a vu le plus de cas foudroyants et le moins de guérisons.
- Les causes de cette intensité particulière ne sont,d’ailleurs, pas difficiles à constater. Sur ce point tout le monde est d’accord.
- Le Fiasco, journal républicain de Rome, et l’Univers, journal ultramontain de Paris, formulent les mêmes plaintes. C’est la misère, c’est la saleté, c’est l’insalubrité vraiment extraordinaire de la ville qui donne au fléau ce développement, cette violence et ce caractère implacable. C’est dans les bas quartiers, c’est dans les quartiers pauvres que l’épidémie sévit avec le plus de rigueur.
- Ces quartiers d’ailleurs — c’est l’Univers qui nous le dit encore, non sans quelque orgueil — sont les plus croyants de Naples.
- «. La population, dit Y Univers, est reconnaissante au roi, » mais son enthousiasme va plutôt aux saints et à la madone » qu’à un prince dont elle admire la bonne volonté, mais » dont elle sait l’impuissance. *
- Cette impuissance que proclame Y Univers semblerait nécessairement impliquer la puissance efficace des saints et delà madone. Et pourtant, malgré toutes les processions, prières, dévotions « naïves » ou même « impérieuses » dont Y Univers nous fait le tableau, le fléau continue son œuvre et le nombre des victimes ne décroît pas !
- Mais alors, à quoi servent la toute-puissance de la madone et le secours des saints ? Comment ! c’est le bon Dieu qui, d’après l’Eglise elle-même, envoie le choléra sur les pauvres diables, et la madone toute-puissante n’y peut rien ? Et que fait donc saint Janvier, omnipotent à Naples, en faveur de sa ville chérie ?
- Remarquez, en effet, que le Dieu de l’Eglise, lorsqu'il
- envoie sur terre quelque atroce fléau pour punir les criminels et les impies, frappe de préférence sur ses enfants les p|us ) fidèles et les plus innocents. Le choléra n’a pas atteint Paris capitale de la libre-pensée ; mais il fait rage à Naples, chez les lazzaroni, qui sont les plus enragés catholiques du monde entier.
- Mais si cette préférence étrange est une sottise de la part du bon Dieu, c’est un phénomène parfaitement logique dans l’ordre naturel des choses. De tout temps, les pays les plus catholiques et les plus dévoués à l’Eglise furent les plus éprouvés par tous les fléaux. Qui plus est, les temps catholiques du moyen-âge furent les temps les plus féconds en pestes et famines.
- Et cela se comprend, l’ignorance, la pauvreté, la saleté . l’affaiblissement physique et moral des populations sont les conditions nécessaires et les suites inévitables du règne de l’Eglise dans un pays. L’Eglise à l’horreur du savon qui nettoie le corps, comme elle a l’horreur de l’instruction qui nettoie l’esprit. La propreté, d’ailleurs, que les Italiens appellent une « vertu de riche, » naît de l’aisance ; et l'Eglise, partout maintient la pauvreté dans les masses.
- La ville de Naples est ce que l’ont faite l’Eglise et la royauté absolue. Elle est ce que furent jusqu’à la fin du dix-huitième siècle Marseille, Milan, Barcelone, Alger et tant d’autres villes, aujourd’hui relativement respectées par le fléau jadis éprouvées autant que Naples l’est aujourd’hui.
- Le malheur actuel de Naples, comparé avec l’immunité presque complète des villes où la civilisation a diminué la misère, produit l’aisance, réalisé une propreté comparative,est un enseignement.
- C'est la condamnation absolue du vieux passé, du passé monarchique et religieux; c’est la justification éclatante de la civilisation moderne, démocratique et répubdcaine.
- El, pour compléter la leçon, savez-vous d’où sont venus à Naples les secours les plus énergiques, les plus dévoués, les plus efficaces ? Eh bien ! ils sont venus du parti républicain d’Italie, du Fiasco clémocratico, c’est-à-dire de l’association républicaine qui commence à s’étendre, de plus en plus forte sur l’Italie entière. Les chefs les plus respectés et les plus aimés de l’association, MM. Bovio,Musini,Cavallotti, etc., sont accourus à Naples, y ont organisé tout un service médical, toute une caisse des malades et des pauvres.
- A côté de « l’impuissance » royale, à côté de l’indifférence divine qui laisse faire, pendant que l’Eglise encaisse les offrandes et les messes, cette efficacité de secours a sa portée et son enseignement : Les maux que font l’Eglise et la royauté, la civilisation et la liberté les réparent. C’est l’impuissance du passé constatée, c’est la justification de l’avenir.
- (La Lanterne.)
- CONGO
- M.Stanley a déclaré en terminant un récent discours que des hommes de haute valeur élaboraient en ce moment une constitution et qu’aussitôt qu’ils l’auraient achevée, elle serait rendue publique comme «Constitution des Etats libres du Congo »,cette appellation devra être substituée à celle de «Association internationale du Congo ». Dans tout cela, une chose nous inquiète uniquement dans J’intérêtdes pauvres moricos, c’est de savoir quel prix on leur fera payer cette constitution confectionnée par des hommes de haute valeur.
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- Travail des enfants dans les Manufactures
- M. Corbon, président de la commission supérieure du travail des enfants et des filles mineures dans l’industrie, a présenté à M . le président de la République un rapport général sur les résultats de l’inspection effectuée, cette année, dans les manufactures et sur les faits relatifs à l’application de la loi du 19 mai 1874. Le Journal officiel publie cet intéressant rapport, dont voici l’analyse :
- Par la loi de mai 1874, le légistateur s’est conféré, on le sait, le droit de protection sur ceux que les nécessités de l’existence astreignent dès l’enfance au dur combat du travaiL et le droit de surveillance sur les chefs d’industrie qui les emploient. Cette surveillance est applicable à tous les établissements où les enfants et les filles mineures sont employés à un travail industriel en dehors de la maison paternelle.
- En 1883, 47,617 établissements ont été visités. Ce chiffre est assurément bien au-dessous du nombre des établissements soumis â la loi ; les inspecteurs reconnaissent eux-mêmes qu’un grand nombre de petits ateliers ont échappé jusqu’à ce jour à leur surveillance. Cependant, grâce à des efforts incessants vers une organisation meilleure des inspections, le nombre des visites a augmenté, chaque année, dans les plus sensibles proportions. Le tableau suivant indique bien cette pro-
- gression : Etablissements visités
- 1876. . . 10.841 1880. . , 31.927
- 1878. . . 13.694 1882. . . 46.314
- Les établissements visités appartiennent à toutes les catégories. L’inspection ne s’arrête qu’au seuil de la famille ou à la porte de certains établissements qui lui ont été fermés par des décisions spéciales. Parmi celles-ci, le rapport cite comme un des plus contestables l’arrêt de la cour de cassation du 17 février 1881, qui a libéré de toute surveillance les ouvroirs et établissements de bienfaisance. Citons, à ce sujet, les termes mêmes du document que uous analysons :
- « Sans méconnaître le but très louable que poursuivent un grand nombre de ces établissements, notre expérience personnelle et les rapports des inspecteurs divisionnaires nous ont malheureusement convaincu que, sous un but apparent de bienfaisance et de charité, plusieurs d’entre eux cachent une exploitation regrettable du travail de l’enfance.
- » La faculté de pouvoir faire travailler les enfants dès l’âge le plus tendre pendant une durée journalière qui dépasse celle tolérée pour les adultes, permet aux ouvroirs d’obtenir la main-d’œuvre à un prix défiant toute concurence de la part des établissements soumis à la loi. C’est là une situation fâcheuse à laquelle il est urgent de mettre fin et sur laquelle la commission supérieure appelle tout particulièrement l’attention du gouvernement. />
- La commission ne croit pas, du reste, que les entraves qui sont apportées à l’exercice des inspecteurs dans les établissements gérés par l’Etat, soient beaucoup plus recommandables.
- Si le nombre des établissements visités s’est constamment accru, le chiffre des enfants et des filles mineures rencontrés dans ceux-ci a suivi une égale progression. Le tableau ci-dessous en fait foi :
- Enfants et filles mineurs inscrits
- 1876. . . 1 10.462 1881. . . 185.186
- 1878. . . 113.531 1882. . . 203.909
- 1880. . . 172.848 1883. . . 213 001
- Notons, dans le détail de ce mouvement, un fait qui n’est pas sans intérêt. Dans plusieurs circonscriptions et surtout à Paris, le nombre des enfants employés a diminué en 1883. Le rapport attribue ce fait à la tendance qu’ont aujourd’hui les familles à placer leurs enfants dans des métiers qui, sans besoin d’apprentissage, sont immédiatement lucratifs (domesticité, télégraphes, etc.). On considère, d’autre part, que la loi du 28 mars 1882, sur l’obligation de l’instruction primaire, a enlevé aux ateliers un assez grand nombre d’enfants de 12 à 13 ans.
- On sait que, d’après h loi de 1874, l’âge d’admission des enfants dans les manufactures a été fixé à douze ans révolus. Toutefois en vertu de dispositions spéciales, ils peuvent, à partir de dix ans, être employés dans Certaines industries (dévidage de cocons, filature du coton, filature de la laine, etc.). Le nombre des enfants classés dans cette catégorie diminue de jour en jour.-Les chiffres suivants le prouvent :
- Nombre des enfants de 10 a 12 ans
- 1876. . . 7.770 1881. . . 4.805
- 1878. . . 5.549 1883. . . 4.234
- Cette diminution est proportionnellement beaucoup plus considérable qu’elle ne semble résulter fde ces chiffres au premier abord. Il y a lieu, en effet, de faire remarquer qu’à côté de cette diminution annuelle dans le nombre des enfants de 10 à 12 ans les rapports des inspecteurs signalent une augmentation constante du nombre des établissements visités et du nombre total des enfants et des filles mineures employés. La proportion entre le nombre des enfants de 10 à 12 ans et le nombre total des enfantb et des filles mineures, qui était en 1875 . e 6 0|0, n’est plus en 1883, que de 1 3j4 0[0.
- Les sections II et III du rapport contiennent les renseignements concernant l’observance des règlements édictés au sujet du travail de nuit, des dimanches et joui s fériés, et du travail dans les souterrains. Ces règlements sont généralement assez bien respectés par les chefs de manufactures.
- Le rapport poursuit en s’occupant de la question de l’instruction primaire. Les dispositions relatives à l’instruction
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- primaire figurent parmi celles de la loi de 1874 qui ont produit les résultats les plus féconds.
- Huit ans avant la loi de 1882, la loi de 1874 aidait puissamment au développement de l’instruction primaire, en n’ac-co>'dant le droit de travailler la journée entière qu’aux jeunes ouvriers suffisamment instruits et en imposant aux autres certaines habitudes de scolarité qui les suivent jusqu’à quinze ans révolus. Ainsi, jusqu’à quinze ans, ils ne peuvent donner au travail plus de six heures par jour s’ils ne sont pas munis d’un certificat d’instruction primaire élémentaire. Quelle en a été la conséquence ? Dc^ écoles spéciales de plus en plus nombreuses ont été attachées aux établissements industriels. Ces écoles, qui étaient au nombre de 276 en 1876, ont atteint le ehiflre de 714 en 188].
- Depuis deux ans, il est vrai, le mouvement inverse s’est produit. Cela provient en partie de ce que certains industriels, qui ont maintenant l’école communale à leur porte, ne s’imposent plus le sacrifice d’entretenir à leurs frais une école privée dans leur usine. Mais le principal motif est dans l’accroissement du nombre proportionnel Nés enfants de douze à quinze ans munis du certificat d’instruction primaire élémentaire. Ce nombre qui, en 1875 n’était en moyenne que de 25 0[0, est maintenant de 60 0(0. Dans certaines circonscriptions, la proportion s’est élevée jusqu’à-96 0[0.
- En ce qui concerne la police même des ateliers, sur la plupart des points l’inspection a constaté d’assez sensibles améliorations. Il est difficile, toutefois, d’assurer encore l’application stricte des règlements sur les travaux dangereux ou excédant les forces, et sur les établissements insalubres. Malgré des instructions formelles, les inspecteurs ne sont informés que tardivement des accidents survenus; souvent même ils ne leur sont pas signalés. Les chiffres indiqués dans leurs rapports sont donc forcément inférieurs à la réalité. Le nombre des accidents a varié de 46 en 1876 à 175 en 1883.
- Faut-il parler maintenant des peines édictées par le législateur en cas d’infraction aux prescriptions de la loi ? Le rapport constate que, malgré une application rigoureuse de ces pénalités, le nombre des procès-verbaux tend à diminuer chaque jour. Le principe de protection est aujourd’hui presque universellement reconnu et accepté. La plupart des industriels commencent à comprendre que leur devoir de patrons est, au même degré que celui du gouvernement, de protéger l’enfant contre tout ce qui peut porter atteinte à son développement physique et intellectuel.
- Les lignes suivantes,traduites de la Justice, donneront un aperçu des tendances du parti socialiste anglais ; elles reproduisent un manifeste du comité exécutif de la fédération démocratique:
- En raison de la crise croissante dans toutes les parties de
- la nation et des milliers d’hommes et de femmes actuellement tenus dans un état de demi-inanition, nous imprimons à nouveau nos propositions pour l’organisation des travailleurs sans emploi.
- Organisation nationale des travailleurs sans emploi, en vue de remplacer le système nuisible d’émigration soutenu par l’Etat.
- Le Comité exécutif de la fédération démocratique en exposant divers projets pour l’utilisation du nombre croissant de gens sans emploi partout le pays, reconnaît clairement que de telles mesures, si elles étaient adoptées, ne feraient qu’aider petitement les personnes actuellement privées d’ouvrage.
- Pour mettre fin dans l’avenir aux crises industrielles périodiques, les travailleurs doivent entrer en possession des engins de production et organiser leur propre labeur à la fois dans les villes, les campagnes, la mine, la fabrique et la ferme pour le bénéfice commun.
- Afin de parer à la détresse croissante, il est fait les propositions suivantes :
- 1° Nul agent du gouvernement, homme ou femme, ne sera occupé, pour le taux actuel de son salaire, pendant plus de huit heures par jour. Cette mesure seule donnerait du travail à beaucoup de gens inoccupés, la journée de travail étant de 10, 12 heures et même davantage, dans les postes et autres établissements de l’Etat.
- 2° Toutes les pâtures relevant de la commune ou de l’Etat et qui, d’après l’avis d’habiles agriculteurs, gagneraient à être cultivées, seraient mises en oeuvre par les travailleurs aujourd’hui sans emploi, et cela au moyen de machines perfectionnées.
- Les salaires seraient fixés en conseil d’assesseurs, au taux suffisant pour garantir à ces travailleurs et à leurs familles la santé et le confort, ou bien la nourriture nécessaire leur serait fournie à prix fixe au repas général, et des logements seraient disposés sur l’endroit même.
- Une équitable part des bénéfices, s’il y en avait, serait de temps en temps répartie entre les travailleurs.
- 3° Tous les travaux publics importants près des centres industriels ou dans ces centres mêmes, tels que logements d’ouvriers, encaissement de rivières, construction de canaux ou d’aqueducs, seraient dés maintenant entrepris au lieu d’être constamment différés.
- Le taux des salaires serait proportionnel au coût de la vie comme pour les travailleurs agricoles, ou bien la nourriture leur serait assurée comme il est dit ci-dessus.
- Une fois l’œuvre complétée, si l’on reconnaissait qu’elle est revenue à meilleur marché que les travaux similaires accomplis depuis la dernière période de cinq ans, une équitable réparlition de la différence serait faite entre les travailleurs.
- 4° De léger s travaux seraient entrepris, d’après les mêmes
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- principes, pour occuper les hommes et les femmes incapables de travaux pénibles ; par exemple, la confection de vêtements ou autre ouvrage, fournissant un moyen d’échange dans l’Etat avec les produits des travailleurs occupés à la culture du sol.
- 5° Le coût des opérations premières et le paiement des salaires seraient à la charge des contribuables et de l’Etat en portions égales, ou en telles proportions qu’on déterminerait.
- L’avantage des contribuables serait d’employer à des travaux utiles et rémunérateurs les gens habiles au lieu de les attacher aux exercices sans fruit des asiles de pauvres (work-houses).
- L’avantage de l’Etat serait d’éviter le paupérisme permanent résultant des crises industrielles.
- Donc, les communes et l’Etat en organisant le travail des gens aujourd’hui sans emploi, s’éviteraient des dépenses pour l’avenir.
- L’Etat ayant admirablement organisé le service des postes, élégraphes, arsenaux, docks et de nombreuses usines, n’éprouverait aucune difficulté à organiser et diriger ce que nous proposons.
- Signé : Le Comité exécutif de la fédération démocratique.
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- La Voix de l’Ouvrier, organe hebdomadaire du parti socialiste et des ligues ouvrières belges vient de reprendre sa publication.
- La Voix de l’Ouvrier retrouve toutes nos sympathies. Nous espérons que l’audace des papistes belges et l’indifférence des libéraux de même nationalité, pour tout ce qui concerne l’émancipation du travail, grouperont autour de notre confrère des hommes de bonne volonté en nombre suffisant pour lui assurer longue et utile vie.
- Gomment l'Opportunisme protège l’Industrie et l’Agriculture françaises
- La fonction politique des enquêtes officielles st ordinairement d’enterrer les questions sociales, toujours écartées, toujours urgentes et toujours menaçantes. Mais il sort toujours de ces enquêtes des constatations utiles. A ce point de vue, les travaux de la fameuse commission des Quarante-Quatre n’auront pas été entièrement inutiles. Nous en prenons pour preuve, aujourd’hui, la déposition extrêmement intéressante de M. Rivet, président de la chambre syndicale des facteurs commissionnaires des Halles centrales de Paris.
- Si l’industrie française est vaincue dans le champ clos de la guerre économique, il faut l’attribuer à l’exagération et à la mauvaise répartition des impôts d’une part, aux trop hauts tarifs et à l’organisatiou défectueuse des chemins de fer
- français d’autre part. Ainsi conclut M. Rivet, avec preuves à l’appui.
- Dans aucun pays, les denrées de consommation ne sont grevées aussi lourdement qu’en France ; et comme si ce n’était pas assez de cette cause de renchérissement, il s’y joint une surélévation du tarif des transports, absolument particulière à notre pays et, par là, absolument désastreuse. Quelques exemples sur la différence des prix de transport entre les chemins de fer français et étrangers en feront foi.
- De Vienne (Autriche) à Paris, cent œufs ne coûtent que 7 fr. de transport ; d’une ville du midi de la France, il faut payer 11 francs. Cette cause et d’autres analogues font que sur le carreau des Halles les œufs venant d’Autriche se vendent 85 fr., tandis que ceux venant de notre Midi se vendent 105 fr., c’est-à-dire sont éliminés.
- De Milan à Dieppe pour Londres, un wagon de 10,000 k. est transporté à toute vapeur au prix de 845 fr. De Milan à Paris, en grande vitesse, le prix est double.
- De Dieppe, Boulogne, Calais, Dunkerque, qui sont les ports d’importation anglaise, le pêcheur anglais, paie 20 0/q de moins que le pêcheur français !
- Voici les chiffres : l’Anglais paie la tonne 77f 25 de Calais à Paris,et le Français 101f 25 ; de Boulogne, Anglais :76f25, Français, 93f 50. Pourquoi cette prime aux concurrents étrangers de nos pêcheurs français ? C’est le secret de MM. de Rothschild.
- Autres faits : D’Aix-la-Chapelle à Paris (417 kilom.), le wagon de pommes de terre paie 154f 50 ; de Clermont à Paris (420 kil.), le prix de transport d’un wagon analogue est de 200 fr., soit 23 pour 0/q déplus. Et n’oublions pas que le P.-L.-M. est la compagnie française dont les tarifs de marchandises sont les plus réduits.
- Ce ne sont pas là des faits isolés. Pour les marchandises venant d’Allemagne, d’Autriche, d’Italie, de Suisse, l’écart du prix de transport en faveur des expéditeurs étrangers est de 20 à 40 O/o- Comment voulez-vous que les producteurs français s’en tirent ? Aussi sont-ils rapidement dépossédés de leurs débouchés. Par exemple, il y a dix ans, tous les beurres et les œufs exportés en Angleterre venaient de France; actuellement, ces comestibles viennent d’Italie pour les deux tiers, grâce surtout à cette différence des prix de transports.
- Puis, l’Etat au lieu de remédier à cette situation en obligeant pour le moins les compagnies à commercialiser leurs tarifs, empêche lui-même cette commercialisation en refusant, notamment, de se départir de son impôt de 23 francs sur la grande vitesse, ce qui empêche de s en servir commercialement. Il est vrai que, d’autre part, il vient de forcer les compagnies d’Orléans, du Midi et de l’Ouest à reviser leurs tarifs pour les mettre à base kilométrique décroissante comme avaient déjà fait le P.-L.-M., le Nord et l’Est. Mais c’est là une amélioration absolument insuffisante.
- Et voilà comment., d’a"rès les économistes bourgeois, les
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- hauts salaires des ouvriers français ont été la cause déterminante de notre décadence industrielle et commerciale ?
- Le président de la chambre syndicale des facteurs- com -missionnaires des Halles centrales, qui n’est rien moins que socialiste, conclut à l’abolition graduelle des impôts indirects sur la consommation, l’abolition immédiate des octrois, le rachat des chemins de fer par l’Etat.
- Ce n’est déjà pas si mal pour un syndiqué commercial.
- B. Malon.
- Adhésions aux principes d'arbitrage et de désarmement européen
- Haute-Marne. — Joinville. — Barrois, Nicolas, pâtissier. — Garnier, Joseph, secrétaire de la mairie. — Guillery, Auguste, conducteur des Ponts et Chaussées. — Hamin, Anselme, ancien directeur des écoles laïques. — Foncin, Frédéric, employé. — Royer, architecte. — Ciiau-vette, Aristide, eafetier. — Guinot, Gustave, tapissier. —-Guinot, E., fabricant de meubles. — Parmentier, Eugène, ébéniste.
- Bussy, par Yecqueville. — Charroy, Jules, mécanicien.
- Charente-Inférieure.— Loire, par Roche fort.
- — Moinier, cultivateur, maire. — Goguet, Jules, conseiller municipal. — Dupré, Julien, retraité de la marine. — Moinier, Edmond, propriétaire, —Mesdames : veuve Goguet, propriétaire. — Veuve Gaboriaud, propriétaire. — Goguet, Jules.
- Seine. — Paris. — Paturet, Georges, avocat à la cour d’appel de Paris, 68, rue Gay-Lussac.
- Levallois-Perret. — Laroche, A., représentant de la maison Violet, parfumerie.
- Puy-de-Dôme. — Clermont-Ferrand. — fl)
- — Bougheon , François, rue des Gras, 33. — Bouquenne, Antoine, rue Blatin, 6. — Bouquenne, père, rue Blatin, 6. — Cohendy, Louis, rue des Gras, 46. — Cousseyre, Mathieu, rue d’Assas, 8, délégué à l’Union républicaine. — Dupré, Martin, rue des Chaussetiers, 15, délégué à l’Union républicaine. — Giraud, François, rue de la Chapelle de Saude, 15. — Vert, Clément, avenue de l’Observatoire, délégué à l’Union républicaine. —Veysset-Bonnet, rue des Vieillards, 2, délégué à l’Union républicaine.
- L’HISTOIRE DE LA TERRE
- (Suite.)
- Quelle histoire que celle d’un monde ! Essayer de la concevoir, c’est avoir la noble ambition de s’initier aux plus profonds et plus importants mystères de la nature, c’est désirer pénétrer dans le conseil des dieux antiques
- 1) 2* liste Voir la première liste daaa le nu 314 du 14 septembre courant.
- qui s’étaient partagés le gouvernement de l’univers. Et comment ne pas s’intéresser à ces merveilleuses conquêtes de la science moderne, qui, en fouillant les tombeaux de la Terre, a su ressusciter nos ancêtres disparus ! A l’ordre du génie humain, ces monstres antédiluviens ont tressailli dans leurs noirs sépulcres et, depuis un demi-siècle surtout, ils se sont levés de leurs tombeaux, un à un, sont sortis des carrières, des puits de mines, des tunnels, de toutes les fouilles, et ont reparu à la lumière du jour. De toutes parts, péniblement, lourdement, léthargiques, brisés en morceaux, la tête ici, les jambes plus loin,, souvent incomplets, ces cadavres, déjà pétrifiés au temps du déluge, ont entendu la trompette du jugement, du jugement de la science, et ils sont ressuscités, se sont réunis comme une armée de légions étrangères de tous les pays et de tous les siècles, et les voici qui vont défiler devant nous, étranges, bizarres, inattendus, gauches, maladroits, monstrueux, paraissant venir d’un autre monde, mais forts, solides, satisfaits d’eux mêmes, semblant avoir conscience de leur valeur et nous disant dans leur silence de statues : « Nous voici, nous, v. .s aïeux, nous, vos ancêtres, nous, sans lesquels vous n’exîsteriez pas. Regardez-nous et cherchez en nous l’origine de ce que vous êtes, car c’est nous qui vous avons faits. Vos yeux avec lesquels vous sondez l’infinimént grand et l’infiniment petit, en voici les premiers essais, modestes, rudimentaires, mais bien importants, car si ces premiers essais n’avaient pas réussi chez nous,vous seriez aveugles. Vos mains, si élégantes, si savantes, voici de quelles pattes elles sont le perfectionnement ; ne riez pas trop de nos pattes si vous trouvez vos mains utiles et agréables ; votre bouche, votre langue, vos dents, tout celt est délicat, charmant, très-gentil, mais ce sont nos gueules, nos museaux, nos crocs, nos becs, qui sont devenus votre bouche. Vos cœurs battent doucement, mystérieusement et ces palpitations humaines, que nous ne connaissons pas, vous procurent, dit-on, des émotions si profondes, si intimes, que parfois vous donneriez le monde entier pour satisfaire la moindre d’entre elles ; eh bien, voici comment la circulation du sang a commencé, voici le premier cœur qui a battu.Et votre cerveau,vous vous admirez en lui, vous saluez en lui le siège de l’âme et de la pensée, vous en appréciez à ce point l’incomparable sensibilité que c’est à peine si vous osez en approfondir la délicate structure ; or, votre cerveau, c’est notre moelle, la moelle de nos vertèbres, qui s’est développée, perfectionnée, épurée, et sans nous, le géologue, l’astronome, le naturaliste, l’historien, le philosophe, le poète, n’existeraient pas. Oui, nous voici : saluez vos pères!»
- Ainsi parleraient tous ces ’ossiles, les singes, les prosimiens, les marsupiaux, les oiseaux, les reptiles, les serpents, les amphibies, les poissons, les mollusques, et
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- LE DEVOIR
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- ils diraient vrai, car l’homme est la plus haute branche de l’arbre de la nature, ses racines plongent dans la terre commune, et l’arbre qui porte ce beau fruit est formé par toutes ces espèces, en apparence si différentes, en réalité voisines, parentes, sœurs.
- Etudier l’histoire de la Terre, c’est étudier à la fois l’univers et l’homme,car la Terre est un astre dans l’univers et l’homme est la résultante de toutes les forces terrestres.
- Personne ne peut plus croire aujourd’hui que le monde ait été créé eu six jours, il y a six mille ans; que les animaux soient subitement sortis de terre à la voix d’un créateur, tout formés, adultes, et associés par couples de mâles et femelles, depuis l’éléphant jusqu’à la puce et jusqu’aux microbes microscopiques; que le premier cheval ait bondi d’une colline ; que le premier chêne ait été créé séculaire. Personne ne peut plus admettre non plus que l’organisation physique du corps de l’homme soit étrangère à celle des mammifères. Nul n’ignore aujourd’hui que Dieu n’a pas créé les animaux qui existent ac-tuellem?mt et qu’ils ont été précédés par des espèces primitives, différentes mais non étrangères, inconnues du temps de Moïse ; nul n’ignore que notre globe est très ancien et que ses couches géologiques renferment les fossiles des âges disparus ; 'nul n’ignore qu’anatomique-ment le corps de l’homme est le même que celui des mammifères ; nul n’ignore que nous possédons encore des organes atrophiés, qui ne nous servent à rien, et qui sont les vestiges de ceux qui existent encore chez nos ancêtres animaux; nul n’ignore que chacun de nous a été, avant de naître, pendant les premiers mois de la conception dans le sein de sa mère, mollusque, poisson, reptile, quadrupède, la nature résumant en petit sa grande œuvre des temps antiques ; nul n’ignore enfin que toutes les espèces vivantes se tiennent entre elles comme les anneaux d’une même chaîne, que l’on passe de l’une à l’autre par des degrés intermédiaires insensibles, que la vie a commencé sur la Terre par les êtres les plus simples et les plus élémentaires, par des plantes qui n’ayant ni feuilles, ni fruits, ni fleurs, peuvent à peine porter le titre de plantes, par des animaux qui n’ayant ni tête, ni sens, ni membres, ni estomac, ni moyen de locomotion, méritent à peine le nom d’animaux, et que lentement, insensiblement, par gradation, suivant l’état de l’atmosphère et des eaux, la température, les conditions de milieux et d’alimentation, les êtres sont devenus plus vivants, plus sensibles, plus personnels, mieux spécifiés, plus perfectionnés, pour aboutir finalement à ces fleurs brillantes et Parfumées qui sont l’ornement des modernes campagnes, aux oiseanx qui chantent dans les bois, pour aboutir sur-tout à l’être humain, le plus élevé de tous dans l’ordre fa vie. Oui, nons avons nos racines dans le passé, nous
- avons encore du minéral dans nos os, nous avons hérité du meilleur patrimoine de ros aïeux de la série z ologi-que, et nous sommes encore un peu plantes par certains aspects : ne le sentons-nous pas au printemps, aux jours ensoleillés où la sève circule avec plus d’intensité dans les artères des petites fleurs et des grands arbres ?
- Flammarion, (Astronomie populaire).
- (A Suivre.)
- Paraîtra prochainement
- La Révolution économique
- PAR
- L’HÉRÉDITÉ DE L’ÉTAT
- Ce travail sera envoyé à nos abonnés comme numéro exceptionnel ; il formera le n° 4 des Études sociales.
- État-civil du Familistère
- Semaine du 18 au 24 août 1884.
- Naissances :
- Le 16 août de Blancaneau, Alfred, fils de Blancaneau, Constant et de Routier Preuve.
- Le 26 août de Lardier, Jeanne-Elisa, fille de Lardier Romain et de Langlois, Léonie.
- Le 27 août de Tardier, Gaston, fils de Tardier, Maxime et de Lesage, Léonie.
- Le 10 septembre de Pennelier, Marie-Juliette, fille de Pennelier, Toussaint et de Jacob, Marie.
- Le 14 septembre de Herny, Louise-Marguerite, fille de Herny, Henri et de Dassonville, Marie.
- Décès :
- Le 29 août de Daimez, Augustine-Séraphine, épouse de Dagnicourt, François, âgée de 56 ans.
- Le 9 septembre de Louis, Eugénie, épouse de Gravet, âgée de 18 ans 1/2.
- Offre d’emplois
- Emplois dans la direction et l’administration de deux grandes usines, chauffage en tous genres, meubles en fonte, quincaillere, émaillerie, galvanoplastie. Position de premier ordre. Prouver intelligence, activité, bon caractère et passé irréprochable. Age, environ 30 ans.
- " S'adresser à M. GODIN, fondateur du Familistère de Guise (Aisne).
- Le Directeur-Gérant : GODIN.
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- LIBRAIRIE DU FAMILISTERE DE GUISE (Aisne)
- BROCHURES DE PROPAGANDE
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- ÉTUDES SOCIALES ’
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- La Réforme électorale et la Révision constitutionnelle
- Prix franco : 25 centimes
- Parmi les réformes pacifiques que le Devoir s’est donné pour mission de mettre en lumière afin d’on hâter Favénement, figure au premier rang la constitution rationnelle des premiers pouvoirs de l’Étal.
- Or, le premier pouvoir dans une République démocratique, cest le pouvoir du peuple se traduisant par le suffrage des citoyens. C’est donc dans le bon exercice du suffrage universel que se trouve les moyens de bien constituer les assemblées législatives et les pouvoirs publics.
- Le numéro du « Devoir » du 1er Juin 1884est consacré à démontrer que les modes du suffrage pratiqués jusqu’à ce jour ont été le contraire de ce qu’il faut pour établir un réel exercice du droit souverain du suffrage universel. Ce numéro,en raison de son importances été converti en brochure sous couverture spéciale ; il constitue ainsi le n® 2 de la série des Études sociales inaugurée par le numéro exceptionnel intitulé : Le Familistère de Guise, solution de la question ouvrière.
- L’administration du Devoir continuera à éditer cette série d’études, de façon à en faire une collection d’un grand mérite pour la propagande. Nous engageons nos lecteurs à ne pas perdre cela de vue et à conserver ces numéros.
- L’administration du Devoir, s’imposant les plus lourds sacrifices d’étude, de temps et d’argent pour mener à bonne fin cette propagande, nous comptons sur le dévouement de nos lecteurs. Ils peuven nous aider dans notre tâche en propageant des numéros que nous leur enverrons franco contre le prix seulement du papier et du tirage.
- H” 1. -- Le Familistère de Guise. solution de la question ouvrière.
- Le numéro 40 centimes. — 10 numéros 2 fr. 50
- N° 2. - La Réforme électorale et la Révision ccnsfitntiosneJIe.
- Jl° 3. - L’Arbitrage international et le Désarmement européen.
- Le numéro 25 centimes. — 10 numéros 2 francs
- Nous avons actuellement en préparation l’Hérédité de l’État et la Mutualité nationale.
- Dans l’Hérédité de l’État nous établirons par des documents officiels quelles immenses ressources la société doit attendre de cette reforme, combien elle est juste, et qu’elle procure aux classes laborieuses une sécurité certaine en augmentant les garanties sociales en faveur des possesseurs de grosses fortunes.
- Dans la Mutualité nationale, nous analyserons les institutions susceptibles de garantir le droit à la vie à chaque citoyen, nous ferons l’évaluation des charges probables de ces institutions, et nous démontrerons combien il serait facile de les doter suffisamment en y consacrant une partie des produits annuels de l’hérédité de l’État. ___________
- PORTRAIT DE SL GODIN, FONDATEUR DU FAMILISTÈRE
- La librairie envoie franco, au prix de 1 fr., le portrait de IL G0D1N, belle gravure imprimée parla
- Maison Goupil de Paris.
- Guise. — Ibid. rare.
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- 8' Année, Tome 8. — N* 317 Le 7iumêro hebdomadaire W c-, Dimanche 5 Octobre 1884
- LE DEVOIE
- REVUE DES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU
- a GUISE (Aisne)
- Toutes les communications
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris de timbres-poste ou de mandats de poste, dont ie talon sert de quittance.
- et réclamations doivent être adressées à
- France
- Un an ... 10 fr. »»
- Union postale Un an. . . . 11 fr. »»
- M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- Six mois. . . 6 »* Trois mois. . 3 »»
- Autres pays
- Un an. . . . 13fr. 60
- ON S’ABONNE
- A PARIS
- 6, rue Neuve-des-Petits-Champ s Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser A M. LBYMARIB administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES & POLITIQUES
- Produites et défendues pkr 4< Ile ÏJôtâir »
- --------Z— i i ; V
- 1. — Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur lavaleur des candidats.
- 4. — Organisation du suffrage universel par l’unité de Collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l'électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de dotiner un Vote utile ;
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens;
- La possibilité pour les minorités desefairerepré-senter ;
- La représentation par les supériorités.
- 5. — Renouvellement annuel de moitié de la Chambre des députés et de tous les corps élus. La volonté du peuple souverain toujours ainsi mise en évidence.
- 6. — Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues par le suffrage universel.
- 7. — Égalité civile et politique de l'homme et de la femme.
- 8' — Le mariage, lien d’affection.
- Faculté du divorce. u
- 9. — Éducation et instruction primaires,gratuites el obligatoires pour tous les enfants.
- Les examens et concours généralisés avec élection des élèves par leurs pairs dans toutes les écoles, diplôme constatant la série des mérites intellectuels et moraux de chaque élève.
- 10. — Ecoles spéciales, nationales, correspondantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- 11. —Suppression du .budget des cultes. Séparation de l’Eglise et de l’État.
- 12. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 13. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit
- d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- 14. — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Dtoit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatérale à moins de'testaments. iai ^ . u<
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dans une juste mesure, retour à la société qui a aidé(à les produire.
- 15. —Remboursement des dettes publiques avec les ressources de l’hérédité.
- 16. — Organisation nationale des garanties et de l’assurance mutuelles contre la misère.
- 17. — Suppression des emprunts d’Etat.
- 19. — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 20. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21. — Libre échange entre les nations. *
- 22. — Abolition de la guerre offensive.
- 23. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 24. — Désarmement européen.
- 25. — Les nations maîtresses de leur sort et de
- leur propre territoire -
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- LE DEVOIR
- SOMMAIRE
- Outrage à la morale. — Horreurs de la Gloire militaire. — Opposition dangereuse. — Réfectoires gratuits. — Palais sociaux. — Délégation parisienne. — Préceptes et aphorismes sociaux. — Faits politiques et sociaux de la semaine. — Les ouvriers lyonnais et le suffrage universel.— La ration ouvrière. — Hygiène du travail. — Excursion agricole. — Adhésionslaux Principes d’Arbitrage et de désarmement européen: — L’histoire de la terre.
- OUTRAGE A LA MORALE
- Réparer l’Injustice commise est une vieille rengaine qui a fait son temps ; maintenant, il faut distinguer : si la réparation du préjudice causé ne coûte rien à l’auteur de ce préjudice, celui-ci pourra sans inconvénient se laisser aller à cette inspiration d’une autre époque ; mais il doit avoir garde de s’en inquiéterai cela l’induit en dépense.
- Les lecteurs du Devoir seront outrés de ce langage ; cela prouvera simplement qu’ils ne sont pas dignes de faire partie de l’Académie des sciences morales et politiques.
- Pour un titre, voilà un beau titre : Académie.....
- des sciences..morales....et...politiques.
- Gomme on doit penser et dire de belles choses dans ce sanctuaire des sciences morales ; quelle profonde répulsion on doit y éprouver envers tout ce qui tend à affaiblir la prépondérance du juste et du vrai ; quels accents vengeurs doit y provoquer l’apparence d’une violation de ces immortels principes !
- Le gouvernement a mille fois raison de mettre de somptueux édifices à la disposition de cessages, de décorer les philosophes appelés à siéger dans ce temple de la justice ; d’inscrire en lettres d’or sur le fronton du monument :« Académie..... des
- sciences..morales..... et politiques. »
- Il ne faut rien négliger de ce qui peut attirer l’attention publique sur un lieu consacré au culte de l’idéal de la justice; il faut qu’un signe caractéristique invite le passant à s’incliner, lorsque le hasard ou ses occupations le conduisent à proximité de ce sanctuaire des sanctuaires.
- On ne saurait trop avoir de respect pour une institution placée au-dessus des gouvernements, plus haute que la Magistrature, planant au-dessus des faiblesses des hommes pratiques, toujours prête à opposer la pureté de la doctrine aux empiétements des intérêts immédiats.
- Mais combien la réalité est loin de la théorie ! Combien ce qui est diffère de ce qui devrait, être !
- Les prétendus moralistes de notre Académie......
- des sciences...morales. ... et politiques sont si
- profondément déchus, que l’on devrait inscrire sur le local destiné à leurs folles déclamations : « Ici, on outrage la morale. » Alors le passant prévenu détournerait ses pas, même son regard. De tout ce qui se répandrait au dehors,le public n’aurait cure de s’occuper, tant le renseignerait l’origine.
- Voici ce qui vient de se passer dans une des récentes séances de ces bonzes ; c’est le Journal des Economistes qui raconte ce scandale, sans accompagner son récit d’aucune réflexion, d’aucune protestation.
- Nous empruntons les lignes suivantes au Journal des Economistes :
- « M Worms, correspondant de l’Académie, a lu un mémoire sur la responsabilité de l’Etat dans les cas d’erreurs judiciaires, c’est-à-dire même quand les poursuites ont abouti à une injuste condamnation ou à une détention préventive non fondée. Si la responsabilité de l’Etat était déclarée engagée, ce serait une très lourde charge : la statistique judiciaire a constaté, en effet, que de 1876 à 1880, sur 4.374 individus impliqués dans 3.446 affaires criminelles jugées contradictoirement, 935 en moyenne ont été acquittés : que, en police corectionnelle, le nombre moyen des prévenus acquittés a été, pour la même période, de 10.578 sur 96.483; que parmi les individus renvoyés sur ordonnance de non-lieu ou acquittés de 1876 à 1880, 497 avaient subi une détention de plus de 3 mois, 415 une détention de 2 à 3 mois, 1.041 une détention de moins d’un mois. On voit par ces chiffres quelle serait l’étendue de la responsabilité de l'Etat si le principe de cette responsabilité était admis. >
- Magistrats, gouvernants, emprisonnez des innocents; la liberté individuelle n’est pas un droit périssable ; vous pouvez la violenter sans encourir aucune responsabilité ; ce n’est pas le tribunal de l’Inquisition qui professe ces doctrines ; cet enseignement sort des hautes sphères de l’Académie des sciences morales.... et... politiques...
- Le correspondant de l’illustre Confrérie termine son mémoiiepar cette phrase Monumentale :
- « On ne saurait invoquer Yexemple de certaines législations étrangères crai consacrent dans une mesure plus ou moins large le principe de la responsabilité pécuniaire de l’Etat, car ces législations sont celles de pay s aristocratiques ou monarchiques dans lesquels l’administration de la justice n’est pas entouré je de garanties suffisantes. »
- Le bon sew^ n’est sruère mieux traité que la
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- ^ale, à l’académie.... des sciences.... mo-
- .jgg.et.... politiques.
- garanties suffisantes ! lorsqu’on acquitte un a;ll't des accusés dans les affaires criminelles !ffées contradictoirement après de longs mois de -isoii préventive injustement subis par les accusés, yous ne voulons pas insister sur ces actes de jjpravation morale et intellectuelle, académiciens et .Economistes, auteurs ou comtes de ces scandales, ne vaudront jamais les Autres; ceux-ci savaient rire.
- Horreurs de la Gloire militaire
- Voici une page, écrite par un marin sur l’attaque d’un airassé par un torpilleur. Dût notre appréciation nous jposer aux colères de tous les foudres de guerre, nous ihésitons pas à déclarer que ce récit nous émeut moins me le fait d’un malheureux partageant son morceau de ain avec un autre malheureux.
- Laissons parler le narrateur :
- Le rôle du torpilleur est terrible ; ceux qui le mènent surent le plus grand danger. Un boulet peut le mettre a pièces. Une pluie d’acier, de fonte et de plomb l’enve-sppe. Cette torpille même, qui porte la terreur avec elle, eut être touchée par un projectile et éclater en faisant auter le torpilleur même.
- Le combat est commencé ; le torpilleur se met en aarche. L’ennemi concentre tout son feu sur ce petit pintgris. Trois milles les séparent; il ne faut que dix ainutes au torpilleur pour les franchir. S’il, n’est pas toulé avant d’avoir parcouru cette distance, le cuirassé est perdu.
- Les obus tombent si près du torpilleur qu’ils projettent eau à son bord. En voici un qui tombe sur l’avant, ine gerbe d’eau de dix mètres cache le torpilleur ; l’en-:emi le croit coulé.
- Mais le projectile a ricoché. La gerbe retombe en pluie ^le petit navire apparaît, ruisselant d’eau comme s’il Mait du fond de la mer, et courant toujours de toute sa ’itesse.
- Us sont neuf à bord de ce petit bâtiment, et ils vont •toquer une sorte de léviathan que monte un nombreux ’l’Upage. Ce n’est pas la lutte de un contre dix, mais de 1111 contre cent.
- Uas un mot n’est prononcé en dehors des commande-^nts nécessaires.
- O'1 n’est plus qu’à cinq cents mètres du cuirassé !
- mitraille se mêle aux obus et balaye le pont. !°ul ce qui est en bois est haché par les biscayens. Un eu n°urri de mousqueterie part des hunes de l’ennemi, les balles, passant par les rares ouvertures, ont déjà ^ trois hommes hors de combat.
- On touche presque au navire ennemi. Les grenades lancées à la main rebondissent en éclatant. Un homme est tué, le capitaine reçoit une horrible blessure à la face, mais se raidissant par un sublime effort, se cramponnant à la muraille, il reste encore debout. Livide, inondé de sang, effrayant de calme et de courage, l’œil toujours fixé sur l’ennemi !
- — Attention !... Envoyez ! ! !
- Le terrible engin est lancé. Une vague énorme se produit et un sinistre craquement se fait entendre, suivi d’un funèbre cri de détresse. Le pygmée a vaincu le géant!
- — Tribord tout ! — et le petit navire, évoluant rapidement sur lui-même, s’éloigne à toute vitesse pendant que le cuirassé ennemi s’abîme dans les flots.
- Dix minutes après, il se retrouve à son poste auprès de l’amiral, qui fait appeler le capitaine pour le féliciter. On le lui porte sur une civière. Pendant ce temps, le combat continue.
- OPPOSITION DANGEREUSE
- Une opposition ardente, passionnée, infatigable est le correctif naturel des gouvernements autoritaires.
- Mais l’activité et la passion sont dangereuses, si ces précieuses qualités ne sont mises au service de la justice.
- Il importe peu de démasquer les projets néfastes des mauvais gouvernements, de préparer et de précipiter leur ruine, si l’on est incapable de disposer l’opinion publique à soutenir un gouvernement respectueux des principes et résolu à en poursuivre les applications.
- L’opposition des radicaux contre les opportunistes n’est pas suffisamment positive. Elle emploie tous les moyens propres à démolir le ministère; mais, soit ignorance, soit manque d’audace, elle néglige tout ce qui est susceptible de préparer l’avénement d’un gouvernement meilleur. Elle commet une faute encore plus grave, en prenant dans la politique extérieure une attitude qu’elle ne pourrait conserverai le hasard des conflits parlementaires remettait à ses amis la direction des affaires étrangères.
- Le ministère tourne le dos à l’Angleterre pour obtenir les bonnes grâces de l’Allemagne. Aussitôt l’opposition fait une manœuvre inverse ; elle exalte l’alliance anglaise et pousse le peuple à la haine contre l’Allemagne.
- Il serait temps d’en finir avec une opposition n’ayant d’autre base que le parti pris de toujours vouloir le contraire de ce qu’affiche le ministère.
- Une opposition véritablement républicaine doit
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- LE DEVOIR
- avoir son terrain à elle. Si le ministère se croit contraint d’y mettre un pied, il appartient aux opposants de fermer la retraite aux envahisseurs, au lieu de changer d’attitude. La plus grande conquête que puisse rêver l’opposition est de contraindre les gouvernants à appliquer son programme.
- Les combinaisons entre ia France, l’Angleterre, et l’Allemagne ne vont pas au-delà des ambitions des gouvernants; aucune n'est inspirée par le sentiment de servir les peuples.
- Pourquoi l’opposition interviendrait-elle pour accentuer dans un sens ou dans l’autre une politique hostile à l’un des deux peuples ?
- Il est possible que nos ministres aient tort de sacrifier l’amitié du gouvernement anglais aux paroles de M. de Bismarck. Néanmoins cela ne justifie pas les excitations contre le peuple allemand, que l’on remarque depuis quelque temps dans un grand nombre de journaux de l’opposition républicaine.
- Etant donnée la situation de la France, on peut considérer comme imprudent le gouvernement qui sort de la plus complète réserve en matière de politique extérieure. Lorsqu’il commet cette imprudence, ceux qui ont souci de l’avenir se conduisent sagement en évitant de le suivre dans une voie si difficile.
- L’action du ministère, si elle était conforme aux besoins du pays, aurait pour unique objectif les réformes intérieures.
- Un programme nettement défini de ces réformes devrait réunir tous les républicains sincères contre les opportunistes. A cette heure, la vulgarisation des réformes nécessaires, par son contraste avec la politique négative, aurait plus d’effet que les critiques les plus justes.
- Nous ne pouvons soutenir que quelques hommes de la gauche n’aient pressenti cette nécessité de prendre position sur le terrain des réformes intérieures. Nous les avons loués d’avoir affirmé l’urgence de la Mutualité nationale basée sur la reconnaissance du droit de l’hérédité de l’Etat. Nous leur demandons aujourd’hui instamment d’agir directement auprès de leurs collègues, en vue de les décider à faire tous leurs efforts pour remplacer les polémiques dirigées contre les personnalités en possession des portefeuilles, par la discussion d’idées si conformes aux besoins des classes laborieuses.
- La gauche, grâce à l’initive des auteurs du projet de Mutualité nationale, a une avance dans les
- questions intérieures ; elle peut être fière de cet avantage. Elle en perdra les bénéfices, si elle laisse oublier qu’elle a été sa participation dans l’élabo-ation de ce projet véritablement réformiste.
- Il est déplorable de voir une partie de nos journaux user de leur influence, les uns;pour dénigrer le peuple anglais, les autres pour exciter contre l’Allemagne. Les travailleurs anglais, ; allemands, aussi bien que les ouvriers français, ont un égal besoin de garanties sociales.
- Le plus grand échec que l’on pourrait infligera la politique de M. de Bismarck serait de mettre les travailleurs d'une nation voisine de l’Allemagne en possession des réformes contenues en germe dans les projets de Mutualité nationale et d’hérédité de l’Etat. Ainsi envisagée la question intérieure confond ses exigences avec tes besoins de la apolitique extérieure, preuve incontestable de l’utilité de la politique que nous proposons. Si l’opposition persistait à s’écarter de cette voie, elle ne serait pas moins dangereuse que l’absolutisme.
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- RÉFECTOIRES GRATUITS
- Les lignes suivantes ont fait le tour de la presse parisienne :
- « Avec le concours du conseil municipal et les offrandes personnelles, on organise en ce moment, dans chaque arrondissement de Paris, un réfectoire dans lequel les employés, les ouvriers sans travail ni ressources pourront consommer gratuitement sur place un morceau de pain, et,par exception, un potage.
- d Deux de ces établissements fonctionnent déjà : le premier, avenue Parmentier, 48 (onzième arrondissement) deuxième, rue de la Tour-d’Auvergne, 33 (neuvième arron dissement).
- » Pour développer cette œuvre si utile, on fait appel âh bienveillance et à la charité parisiennes.
- » On trouvera toujours, au réfectoire, des travailleurs soit à la journée, soit à l’heure.
- » Des registres de demandes et offres sont tenus a disposition du public. A cet effet, le placement est gratuit
- Nul de nos confrères n’a pensé à s’enquérir si l’on ava-1 pris quelques précautions pour empêcher que des exploiteur* ne vinsent à ces rendez-vous des affamés pour y recruter dt-bras au rabais.
- Les administrateurs de ces réfectoires ne devraient ^ voir aucune offre d’emploi sans connaître le taux de la ^ munération, S’ils font autrement, s’ils se laissent envahir P* les chercheurs d’ouvriers à bon marché, ils deviendron agents les plus actifs de l’avilissement des salaires.
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- PALAIS SOCIAUX
- fies articles « Palais sociaux » sont envoyés aux piliers municipaux de Paris.)
- IV.
- Avant (le donner quelques détails sur les avances des Palais sociaux, il nous semble utile de dégager la question administrative et d’indiquer comment on peut grouper les habitations unitaires pour constituer des unités administratives.
- Nous avons déjà dit que ia gérance et l’administration des Palais sociaux et des services annexés devait appartenir à une association des locataires, que la municipalité conserverait simplement un contrôle ne pouvant se confondre avec les attributions administratives.
- Le contrôle de la Ville veillera à la conservation des immeubles, au bon fonctionnement des services de propreté et d’hygiène, au maintien des garanties delà société locataire conformément aux prévisions du cahier des charges. La municipalité ne doit pas intervenir auprès des locataires, sauf les cas d’inspection des immeubles, que le propriétaire ordinaire exerce toujours, même sans convention à cet égard; elle ne devra jamais se substituer aux conseils de gérance qui seront pour la ville ce qu’un locataire principal est pour un propriétaire.
- Nous n’avons pas la prétention d’indiquer les règles exclusives tant en ce qui concerne la ville que la société locataire; nous formulons un projet, comme on pourrait en faire beaucoup d’autres analogues, s’inspirant du principe général d’une municipalité commanditant des entreprises de Palais sociaux et laissant aux habitants les soins administratifs.
- La municipalité serait imprudente de déléguer ses pouvoirs à une société irresponsable.
- Le moyen suivant nous parait propre à procurer les garanties indispensables. Nous avons parlé de magasins coopératifs ; il faut des capitaux de roulements pour assurer les approvisionnements de ces magasins ; la municipalité pourrait exiger que les marchandises et les fonds commerciaux, fixés
- une valeur au-dessous de laquelle ils ne pourraient être diminués, garantissent la bonne gestion du groupe locataire.
- Le cahier des charges locatives expliquerait que tes bénéfices de la coopération viendraient en décharge du loyer de chacun d’après l’importance de ses dépenses ou bien seraient employés en
- fondations d’institutions garantistes.
- Nous pensons encore qu’un premier groupe locataire doit être constitué régulièrement avant l’exécution d’un Palais social, et que c’est ce groupe qui doit faire les fonds de garantie évalués au chiffre des capitaux nécessaires à l’approvisionnement des magasins coopératifs. Pour un Palais social contenant 2 000 personnes, un capital de 70.000 francs est largement suffisant. Un groupe d’initiative peu nombreux présenterait des inconvénients que l’on éviterait en fixant, par exemple, qu’il ne peut être moindre de cent des futurs locataires. Une des clauses de l’acte constitutif porterait eue tout locataire, ayant un certain temps de présence dans le Palais social, jouissant de ses droits politiques et civils,serait admis de droit à devenir membre de la société locataire. Cette société veillerait par des comités élus à l’exécution de tout ce qui concerne l’administration du Palais social.
- En un mot la municipalité, résolue à mettre en pratique le système des Palais sociaux, adopterait un plan qui resterait à la disposition du public jusqu’à ce qu’il se soit présenté une société locataire, acceptant le cahier des charges et le paiement à la ville d’un loyer de 4 ij2 0[0 des dépenses faites ; ce loyer serait égal au paiement des intérêts et à l’amortissement en cinquante années du capital engagé. Dès la signature du traité par le conseil du premier groupe locataire, la municipalité activerait la conduite des travaux afin de pouvoir mettre la société en jouissance des locaux dans les délais les plus courts.
- La règle générale pourrait se rapprocher plus ou moins de ce que nous venons de dire. Mais, pour hâter l’exécution de la première tentative nous pensons que la première société devrait être exemptée des soins de fournir le' capital d’exploitation des magasins coopératifs ; elle pourrait se procurer cet argent, par exemple, en recevant mensuellement les loyers pendant trois mois, et en ne payant mensuellement la ville qu’à dater de la fin du quatrième mois.
- Cette première société locataire, n’apportant aucune garantie pécuniaire, pourrait être formée par la réunion de citoyens présentant des conditions morales exceptionnelles. On atteindrait ce but en exigeant que chacun de ces citoyens fasse partie de sa chambre syndicale et soit désigné par un vote de ses camarades syndiqués.
- Nous pensons que l'application de projets analogues à celui-ci donnerait pleine satisfaction aux locataires parisiens. Mais il aurait l’incontestable
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- avantage de commencer la réforme des finances communales en substituant à la longue des revenus aux impôts actuellement perçus. Ainsi, l’amortissement étant calculé d’après .une période de 50 années, après cette échéance, les sommes payées à la ville seraient libérées de toutes servitudes ; la municipalité, recevant des loyers à raison de 4 ly2 0{0 de la valeur des immeubles, constituerait avec une faible partie de ces recettes le capital de reconstruction nécessaire au moment de la complète usure des bâtiments déjà amortis ; l’autre partie rentrerait dans les caisses communales et allégerait d’autant les charges des impôts qui finiraient par disparaître en généralisant le système des Palais sociaux.
- Le rectangle contenant les 6 palais sociaux A, B, C, D, E, F, a une longueur de 1.000 mètres et une largeur de 600 mètres.
- La démolition des fortifications sur un parcours de 12 kilomètres et l’adjonction de la zone militaire permettraient de construire 12 groupes de même genre, contenant chacun 12.000 habitants ; on aurait donc la possibilité d’installer une population de 144.000 habitants sur les 720 hectares fournis par 12 kilomètres des fortifications et de la zone militaire.
- Des points F à C, et A à E, les distances sont de 774 mètres et 442. Extérieurement on aura donc
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- L’architecture des palais unitaires pourrait varier à l’infini suivant l’inspiration et le génie des archi tectes. De même leur groupement ne doit être astreint à un mode unique de distribution ; on devra tenir compte de la disposition du terrain, de i’ar. chitecture adoptée, de la variété nécessaire entre les divers groupes et d’une foule d’autres considérations tirées du bon goût et de l’amour du beau Etant donné le mode architectural que nous avons adopté dans ce projet et les dispositions du terrain provenant des fortifications et de la zone mi-litaire, nous proposons une distribution de palais unitaires d’après la figure suivante :
- de chaque côté des bâtiments, suivant la longueur du groupe, un espace libre de 113 mètres, et de 79 suivant la direction de la largeur. Toute cette partie extérieure serait disposée en pelouses, jardins et promenades.
- A l’extrême limite du rectangle pourraient être édifiés en T et T’ un théâtre et un cirque, dont les axes seraient placés sur la ligne limitant les deux groupes les plus voisins, de telle sorte que ces deux monuments publics seraient à l’usage d’une population de 36.000 habitants.
- Aux points marqués d’un N on pourrait cons truire de coquettes nourriceries destinées à rece
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- voir les jeunes enfants des locataires : aux points U, situés dans les parties du parc les plus éloignées des bâtiments, il conviendrait de placer quatre buanderies parfaitement agencées.
- Intérieurement, les Palais seraient séparés les uns des autres par un espace vide ayant une largeur de 40 mètres ; la grande cour mesurerait dans sa plus grande longueur 664 mètres et 342 mètres en largeur.
- Les constructions L, L’, L, formeraient trois groupes scolaires; cbacune des écoles L étant divisée en deux parties, l’une réservée aux classes maternelles, pour les enfants au-dessous de huit ans, et l’autre aux élèves au-dessus de 8 ans. Le bâtiment L' serait destiné aux cours de l’enseignement secondaire.
- Les bâtiments M seraient des magasins de réserve et de vente des articles de saison ou de durée ; la vente des denrées de consommation quotidienne serait installée dans le rez-de-cliaussée de chaque palais social.
- On aurait encore la possibilité d’élever dans cette cour des pavillons à usage de bureaux de poste, de télégraphe, de téléphone, d’expédition par chemins de fer.
- La cour serait pavée et disposée à la manière d’une place publique ; elle présenterait assez de commodité pour que les enfants puissent se livrer aux jeux de leur âge dans les conditions les plus favorables.
- Nous n’avons pas indiqué au devis les bâtiments scolaires, parce que la ville et l’Etat ont charge de fournir ces locaux.
- Les buanderies n’ont pas été énumérées, parce-que ces établissements, pour lesquels nous ne proposons aucune modification dans la manière de les exploiter, rapporteront suffisamment pour n’être pas à la charge de la société. Au reste, on aurait toutes les facilités pour les exploiter coopé-rativement.
- De même pour les théâtres et cirques ; il ne convenait pas de les mettre entièrement à la charge d’un groupe de 6 palais sociaux, puisque, d’après le projet, ils seront destinés à la population de trois groupes ; nous pensons néanmoins que l'édification du premier groupe doit être complétée parla construction des murs extérieurs et par la couverture de ces locaux, afin que l’on puisse les utiliser dans les cas de réunions coopératives ou politiques. A ce point de vue ces établissements sont les compléments des écoles ; la décoration intérieure pourra se poursuivre à mesure que les groupes 1
- voisins se développeront, ou bien suivant que l’on trouvera des occasions d’occuper productive-ment ces établissements.
- Au point de vue de l’architecture, il est inutile d’insister sur l’impossibilité de donner un plus bel essor à l’art ; on conçoit quelle variété d’ornementation serait susceptible d’être adaptée à l’ensemble de ces édifices.
- Extérieurement, les buanderies et bains et les bâtiments à usage des réunions, intérieurement les écoles et les pavillons divers présentent autant de genres particuliers de constructions de formes coquettes, qui produiront un agréable contraste avec l’aspect monumental des palais unitaires.
- La réforme de l’habitation, comprise comme nous venons de l’indiquer, aura l’approbation des architectes passionnés pour leur art. Quelles occasions ils trouveraient dans chaque groupe de faire valoir leurs aptitudes.
- Les habitants et le public se sentiraient élevés par la jouissance et la contemplation de ces monuments grandioses, de ces pelouses et de ces promenades sans fin. Chaque groupe serait plus attrayant que les monuments présents les plus renommés.
- Jamais époque n’a été plus favorable à pareille entreprise ; les ouvriers réclament du travail et la ville de Paris dispose d'un excédant de budget de 14.000.000.
- La vulgarisation du grand et du beau dans l’habitation relèverait les caractères des hommes; bientôt tous nos avortons républicains auraient cédé la place à des citoyens virils pensant profondément et disant haut leur opinion ; on ne trouverait plus alors de petits journalistes, disposés à se tenir bien sages dans leur petites boutiques, lorsqu’un contradicteur de bonne foi se rend sur le tejrrain qu’ils ont assigné à tous leurs collègues par un bruyant défi.
- (A Suivre.)
- Offre d'emplois
- Emplois dans la direction et l'administration de deux grandes usines, chauffage en tous genres, meubles en fonte, quincaillere, émaillerie, galvanoplastie. Position de premier ordre. Prouver intelligence, activité, bon caractère et passé irréprochable. Age, environ 30 ans.
- S'adresser à M. GODIN, fondateur du Familistère de Guise (Aisne).
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- (LE DEVOIR-
- DÉLÉGATION_PÀRISIENNE
- Conformément à une délibération de la municipalité parisienne, les chambres syndicales ont nnommé quinze délégués ayant mandat d’étudier au Familistère l’habitation unitaire et le fonctionnement des services coopératifs.
- Les délégués arriveront dimanche à Guise. Les sympathies des Familistériens leur sont acquises.
- iL’administration du Familistère mettra à leur disposition tous les documents pouvant les intéresser. m
- Nous ferons connaître dans notre prochain numéro les noms des délégués et la désignation des syndicats représentés.
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- '• K1 i
- ..., La Propriété
- La Jouissance du sol doit être limitée à la vie des personnes ; c’est par les abus de la guerre, par l’oppression et la force que les conquérants ont institué la transmission héréditaire à leurs familles des biens qu’ils avaient extorqués aux peuples vaincus.
- Le droit de propriété du sol appartient à la société ; les individus ne peuvent acquérir que le droit à la jouissance, droit qui cesse à leur mort. ----------- —_—=.——-----------------
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- Nos ministres. — Ils sont très beaux parleurs. Pendant les sessions parlementaires, ils parlent ; pendant les vacances ils font des discours. Y a-t-il lieu de s’étonner qu’ils n’aient pas le temps de faire quelque chose en plus ? Monsieur Raynal a mérité le prix pendant ses vacances parlementaires : il a parlé à Bordeaux, à Bazas, â Blaye, à Libourne, à la Réôle, nous le retrouvons encore à Chambéry. Voici comment le Temps résume la partie de son dernier discours consacrée à l’examen de la politique intérieure :
- « En Savoie, on réclame toutes les dibertés. Je crois que sur ce point la France n’a plus à faire de revendications. Jamais sous aucun régime on n’a joui d’u e liberté plus large, plus absolue, liberté de la pensée, de la presse, de la conscience, de la parole et de la tribune. C’est la première fois que la France se sent aussi libre. JV appelle à tous les hommes de bonne foi, à tous les témoins impartiaux.
- » Le pays, d’ailleurs, j’aime à le proclamer, a montré qu’il est digne de cette liberté la plus étendue. L’ordre est asssuré. L’inquiétude ne règne nulle part, et si parfois certaines agitations, certaines violences même, conséquences inévitables de
- la liberté politique, surgissent, elles ne menacent jamais la sécurité ni l’ordre. La liberté, messieurs, guérit elle-même les maux qu’elle peut parfois produire, c’est ce qui arrive toutes les fois que le peuple fait ses affaires lui-même.
- » En République, la liberté est le palladium de la patrie. A côté de la liberté, M. le maire a parlé des projets les plus larges, réalisés avec cette lenteur sage et cette prudente sûreté qui n’exposent pas à des reculs toujours désastreux pour la fortune publique. Sur ce point encore, ce programme est celui que suit le gouvernement, d’accord avec la majorité du Parlement. »
- Aucune allusion aux 30.000 ouvriers lyonnais privés de la liberté ds travailler et de la liberté de manger ; aucune allusion aux ruines accumulées dans le midi par les ravages du choléra asiatique ! Sont-ils bons enfants les citoyens qui écoutent ces déclamateurs sans leur rappeler que tout n’est pas pour le mieux sous leur administration qui, à les entendre, a dépassé toutes les espérances. Quand donc le public en finira-t-il avec la politique des poches pleines et des cœurs légers.
- La commission des finances. — La commission des finances a beaucoup travaillé. Le ministère est d’accord avec elle, dit-on, pour accepter des diminutions de dépenses s*élevant à plus de 50.00.0.000. On ne pouvait s’attendre à moins, la veille d’une année de réélection. Une seule chose nous étonne, c’est que ministres et commissaires n’aient pas osé proposer une diminution plus considérable ; le résultat aurait été le même, le déficit et toujours le déficit. Malgré toutes les combinaisons financières, on n’évitera pas d’augmenter les dépenses en faveur de l’enfance et de l’enseignement, le progrès le veut ; on n’arrêtera pas la diminution des recettes de chemins de fer, qui se traduit par l’augmentation des annuités à payer aux grandes compagnies à la suite des conventions ; on n’arrêtera pas la décroissance du rendement de l’impôt sur les sucres ; on ne fera pas que nos industries cessent d’émigrer à l’étranger à la suite de l’extension coloniale ; on ne pourra éluder l’obligation de venir au secours des ouvriers en chômage ; on n’empêchera pas le développement des dépenses militaires, tant que l’on persévérera dans le système de 1a. paix armée; on n’échappera pas à la nécessité de consolider tout ou partie des comptes dont on ajourne depuis longtemps les paiements. Peut-être, au moyen de virements intelligents et d’autres expédients qui conduiraient au bagne, un administrateur d’une société financière, parviendra-t-on à tromper le public sur le fond du sac financier ; mais, tôt ou tard, il faudra bien que les plus crédules se rendent compte que le vieux système des impôts n’a pas la solidité voulue pour supporter plus longtemps une civilisation aussi avancée. Quoique l’on dise, quoique l’on fasse, iifaudra bien qu’on se résigne à chercher les ressources budgétaires dans l'Hérédité de l’Etat, lorqu’elles seront trop lourdes pour les vivants.
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- Les mineurs de Saint-Etienne et la crise.
- — Onze cents personnes environ, parmi lesquelles deux cents mineurs à peu près et un tiers de curieux, assistaient hier à une réunion organisée au Cirque,par le syndicat des mineurs â * Saint-Etienne (Loire,).
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- M. Rondet, secrétaire de ce syndicat, présidait.
- Le citoyen Tardy, délégué par les chambres syndicales ouvrières de Saint-Etienne, a présenté au nom de celles-ci des résolutions qui ont été votées après quelques tentatives faites par le clan anarchiste dans le but de troubler la réunion.
- Voici en substance quelles sont ces propositions :
- « 1® Ouvrir les chantiers nationaux et municipaux pour occuper une partie des ouvriers sans travail ;
- » 2° Comme ces chantiers seraient insuffisants, on propose d’inviter le gouvernement et les administrations préfectorales et municipales à intervenir auprès des Compagnies de mines, des chefs d’usines et de tous les employeurs en général, afin que, par cette pression, on puisse les amener à reprendre les ouvriers renvoyés, fallût-il pour cela, en raison de la pénurie du travail, réduire le nombre des journées de travail de ceux actuellement employés, afin qu’il y en ait un peu pour chacun. »
- Une délégation de cinq membres a été nommée avec mission d’aller aujourd’hui transmettre ces propositions au préfet de la Loire.
- * *
- Elections socialistes à Beaucaire. — Des
- élections complémentaires ont eu lieu dimanche à Beaucaire. La liste républicaine socialiste ouvrière a été élue par i .100 voix contre 430 obtenues par la liste de conciliation.
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- La désorganisation de l’armée. — Le Télégraphe contient à ce sujet les renseignements suivants qui méritent toute attention :
- L’effectif de paix d’une compagnie d’infanterie est en nombre rond de 75 hommes.
- L’effectif de guerre est d’environ 220 hommes.
- On passe du premier au second de ces effectifs par l’incorporation de réservistes au nombre de 145.
- C’est-à-dire que l’élément actif entre dans l’effectif de guerre pour 4^3 ; l’élément réserviste pour 2[3.
- Cet élément actif est indispensable pour encadrer l’autre. Distraire des troupes mobilisables un homme de l’armée active, c’est en réalité en distraire 3.
- Enlever un bataillon, c’est enlever un régiment.
- 4 l’heure actuelle, le Tonkin a absorbé douze quatrièmes bataillons compris dans le plan de mobilisation.
- On a donc désorganisé ainsi douze régiments, c’est-à-dire trois divisions.
- Il faut y joindre une division de l’infanterie de marine ; or chacun sait quelle a son rôle dans le plan général de défense. Il est une trouée de la frontière qui ne pouvait être mieux confiée qu’à cette vaillante troupe.
- Voilà donc deux corps d’armée de moins pour la première ligne, en cas de guerre européenne.
- Peut-on d’ailleurs en rester là? Les troupes qui sont déjà en Chine, décimées par la maladie, sont-elles suffisantes pour occuper Formose, défendre le Tonkin, maintenir l’ordre à Hué et combattre devant Fou-Tcheou ?
- Il faudra des renforts. On parle de huit escadrons de cavalerie, ce qui supposerait deux divisions pour l’ensemble du corps expéditionnaire.
- Si on n’a pas recours à une mobilisation partielle, enlever
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- deux divisions, c’est rendre trois corps d’armée indisponibles pour la première ligne.
- Au total, cinq corps d’armée.
- Nous accusions hier M. Jules Ferry d’être coupable de la désorganisation de notre sécurité en Europe; on voit que nous n’exagérions pas.
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- Le prix du pain. — Un boulanger de Noisy-le-Sec, M. Munier, ayant osé vendre, jusqu’à Nogent-sur-Marne, le pain à 60 centimes les quatre livres, a été assailli et frappé dans son domicile par sept patrons boulangers ; un ouvrier, pour avoir pris sa défense, a été couvert de contusions, et les gendarmes ont dû intervenir et arrêter deux des agresseurs. Il y a une conséquence nettement définie à tirer de cet incident : c’est que les boulangers qui vendent le^pain à 70 centimes les 2 kilos pourraient fort bien le livrer à 60 centimes, et auraient un bénéfice suffisamment rémunérateur en le vendant à 55 centimes.
- A l’époque où la taxe du pain n’était pas abolie et où le commerce de la boulangerie constituait un privilège, qui s’achetait à un prix assez élevé, le prix de vente se chiffrait exactement par le prix de la farine.
- On estimait que la quantité d’eau introduite pendant la panification suffisait à couvrir les dépenses de fabrication et à constituer le bénéfice légitime du boulanger.
- D’après ces principes, le pain devrait aujourd’hui se vendre à Paris entre 27 et 28 centimes le kilogramme, soit 54 à 56 centimes ou en moyenne 55 centimes lesdeuxkilogrammes.au lieu de 70 à 75. Encore ne tenons-nous pas compte des progrès accomplis dans cette industrie, progrès qui ont notamment diminué les prix de revient, et augmenté le produit net.
- Dans ces conditions, les bénéfices réalisés actuellement par la boulangerie, sur un sac de 150 kilogrammes,varient entre 23 fr. 85 et 31 fr. 80. À 60 centimes, il est encore de 7 fr. 95. soit de plus de 20 0/0.
- Si l’on remarque qu’il y a nombre de boulangers à Paris qui font de huit à dix sacs par jour, et que bien peu en font moins de quatre, on voit que les bénéfices quotidiens que réalisent les premiers varient entre 195 et 250 fr., et que les seconds ont encore un profit d’environ 95 fr., en vendant le pain 70 centimes les deux kilogrammes.
- Au prix de 60 centimes, les premiers gagneront encore de 80 à 400 fr. par jour, et les seconds 32 fr., et les travailleurs pourront au moins ne payer qu’à un prix raisonnable l’aliment qui leur est indispensable et qu’ils ne peuvent pas toujours se procurer en quantité suffisante pour eux et leur famille.
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- Excellente précaution. — Plusieurs membres du Conseil général de la Corrèze ont eu l’excellente idée de déposer un projet de vœu ainsi conçu :
- Les soussignés, considérant que les noms d’emprunt adoptés par les congrégations sont un obstacle sérieux à toutes recherches et poursuites judiciaires nécessitées par les actes d’immoralité dont se rendent trop souvent coupables les membres de ces institutions.
- Prient le Conseil général d’émettre le vœu suivant :
- « Il est interdit aux congréganistes de prendre un nom autre que celui de leur famille. y>
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- CHINE
- LES OUVRIERS LYONNAIS
- Peu de nouvelles sur l’état de représailles, ou sur la période des destructions nécessaires, que dans certains pays on appelle la guerre.
- Il est probable que l’amiral Courbet et nos vaillantes troupes vont continuer à se couvrir de gloire, malgré que les Chinois demandent instamment que le différend soit soumis à un arbitrage.
- Actuellement les crédits extraordinaires déjà votés par les Chambres pour l’expédition du Tonkin s’élèvent à la somme de 72,300,000 fr., à savoir :
- Loi du 28 mai 1883 ................. 5,000,000
- Loi du 22 décembre 1882 . . . 9,000,000 Loi du 28 décembre 1883 . . . 20,000,000 Loi du 19 août 1884 ................ 38,300,000
- Total . . 72,300,000
- Les crédits nouveaux qui sont demandés varieront de i 0 à 15 millions.
- De sorte que l’expédition du Tonkin, depuis an an et demi aura coûté, en dépenses extraordinaires, bien près de 100 millions.
- A ce total il faut joindre les sommes prises sur le Budget général, car, d'après la déclaration même des ministres aux Chambres, d’autres dépenses pour la solde et l’entretien des hommes, pour le matériel, les munitions et les transports ont été couvertes au moyen des ressources normales des ministères de la Marine et de la Guerre.
- ALLEMAGNE
- Pendant que nous courons les aventuies chinoises, l’Allemagne organise des expéditions scientifiques à la recherche des territoires africains inoccupés, même de ceux où le drapeau anglais n’est pas solidement accroché. Qui pourrait prétendre que la politique n’a pas acquis à notre époque tous les caractères d’une science précise ?
- Si la crainte du militarisme prussien permet au gouvernement allemand une politique extérieure plus ou moins capricieuse, à l’intérieur tout ne va pas selon les désirs du chancelier. M. de Bismarck ne recule devant aucun moyen pour tenter d’empêcher le parti socialiste d’augmenter sa représentation aux élections qui auront lieu vers la fin du mois. L’époque du scrutin a été avancée dans le but de surprendre les électeurs ; le vote aura lieu un samedi, parce que l’on a pensé que beaucoup d’ouvriers seraient contraints d’allei à l’atelier pour toucher leur paye. Ce sont là les petits moyens, la part de la ruse. On a, en outre, ouvert une enquête sans motif serieux contre les socialistes les plus militants ; plusieurs des candidats ont été expulsés ; les réunions socialistes sont complètement interdites ; la distribution même des bulletins des candidats ouvriers est sévèrement réprimée. On comprend que les suffrages manifestés dans de pareilles circonstances auront unevaleur toute particulière. Aux ruses et aux brutalités de M. de Bismarck les socialistes allemands opposeront la forte discipline qui les a si bien servi depuis l’organisation de leur parti.
- ---• .——
- ET LE SUFFRAGE UNIVERSEL
- La misère des travailleurs lyonnais est évidente • maintenant, la presse est unanime à déclarer que le chômage est la cause unique de l’agitation ouvrière.
- Tous les empiriques font mine de venir au secours des affamés.
- Ceux-ci ont su conserver assez de sang-froid pour donner une leçon aux chercheurs de popularité qui se font un jeu des promesses faites au suffrage universel.
- Deux députés ont assisté aux réunions ouvrières.
- M. Brialou a été accueilli avec sympathie ; ses paroles ont été respectueusement écoutées. L’apparition de M. Andrieux a soulevé d’énergiques protestations ; l’assemblée a décerné un vote de blâme au député oublieux des engagements d’autrefois.
- Le programme de M. Brialou n’est pas plus avancé que celui qui marqua les débuts politiques de l’ancien préfet de police. Mais le député ouvrier, s’il n’a pu parvenir à faire prévaloir les réformes contenues dans son mandat, n’a rien fait pour en retarder l’avénement, au contraire; tandis que M. Andrieux, a commis la faute d’occuper une des plus hautes fonctions publiques sous un gouvernement indifférent, sinon hostile, aux revendications des anciens irréconciliables.
- Il est regrettable que le suffrage universel ne soit suffisamment mûr pour produire de semblables rappels à l’ordre aussitôt que la conduite du mandataire les rend indispensables. La faim a fait ce que la raison commandait depuis longtemps ; le député infidèle a été blâmé, et cette manifestation a été accomplie avec un calme que les circonstances ne laissaient guère prévoir.
- Cette leçon du suffrage universel sera-t-elle comprise ? Il y aurait dignité de la part de M. Andrieux à reconnaître ses erreurs par une fidélité désormais inviolable à la cause des déshérités. Ou bien, mis en garde contre la crédulité des électeurs lyonnais, l’ancien préfet de police va-t-il se mettre en quête d’une circonscription électorale suffisamment soumise pour accepter un programme en rapport avec l’attitude qui convient à un centre gauche ?
- Ce moyen réussit presque toujours. Durera-t-il encore assez longtemps pour sauver les épaves que
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- LE DEVOIR
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- de nombreuses circonscriptions ouvrières se préparent à refouler loin d’elles ?
- Il serait grand temps que les électeurs sollicités par ces mandataires compromis sachent se résoudre à rechercher des représentants parmi des hommes exempts de pareilles trahisons.
- On comprend que les électeurs modérés veuillent un mandataire selon leurs opinions ; mais il est suprenant qu’ils accordent , leur confiance aux transfuges.
- Quelles garanties présentent aux modérés des hommes n’ayant reculé devant aucune promesse, lorsqu’elles devaient être suivies du concours des citoyens les plus avancés, si vaillants pour soutenir ceux qu’ils ont crus dévoués à leur cause.
- L’ambitieux, pour faire la première trouée, ne reculera devant aucune promesse. Mais cela fait, il ne songera plus qu’à ses affaires personnelles ; s’il réussit dans une certaine limite avant d’être démasqué, il se retournera ensuite vers les modérés, auprès desquels sa personnalité, grandie aux dépens des partis avancés, aura une puissance de groupement suffisante pour l’obtention d’un nouveau mandat.
- Nous espérons que les ptuvoirs publics feront ce qu’il convient pour apaiser la crise lyonnaise.
- Mais les électeurs seraient coupables s’ils cessaient d’être vigilants, lorsque la période de prospérité sera revenue. G’est alors surtout qu'ils devraient fréquemment faire sentir leur autorité à leurs mandataires.
- Si les députés se voyaient continuellement surveillés, la majorité des représentants éviterait de rien encourager qui puisse dégénérer en une cause de calamité publique. Les fréquents rappels à l’ordre, infligés aux mandataires ayant sacrifié le mandat à leur intérêt personnel, les rendraient impopulaires au point qu’ils ne trouveraient plus de circonscriptions électorales osant accepter des candidats ayant ouvertement perdu la confiance de leurs anciens électeurs.
- Si l’on ne peut moraliser les mandataires par la force des théories républicaines, il est certain que la crainte de la non-réélection serait pour plusieurs un stimulant suffisant à les maintenir dans la bonne voie.
- LA RATIONJUVRIÈRE
- Nous empruntons au Réveil Républicain cle Limoges les lignes suivantes tirées d’un article de M. Peauger :
- J'établirai d’abord, pour ce que l’on pourrait appeler le
- Ménage type ou le Ménage normal (lequel se compose du mari, de la femme et de deux enfants), un budget de dépenses aussi réduit que possible.
- J’évaluerai, en second lieu, le montant des ressources dont il peut disposer.
- Après quoi il ne nous restera plus qu’à conclure.
- Budget minimum d’un Ménage normal.
- 1° Nourriture.
- PAR JOUR PAR AN
- Pour une Pour les Pour les
- personne. quatre. quatre.
- Pain Vin, cidre ou boisson quel- 0 15 0 60 219 »
- nque Viande, poisson, charcute- 0 10 0 40 146 »
- î, œufs ... ... 0 15 Q 60 219 »
- Légumes, fromage, fruits. 0 05 0 20 73 ;>
- Graisse, huille, beurre . 0 02 1/2 0 10 36 50
- Poivre, sel, vinaigre . . 0 01 1/4 0 05 18 25
- Totaux. . . 0 45 » 1 80 657 »
- 2° Linge et vêtements.
- Pour le mari. . . . par an. 40 »
- — la femme . . . — . 30 »
- — les deux enfants . . . . . — . 30 »
- Total. . 3° Chaussure. par an. 100 »
- Pour le mari, deux paires de souliers, à lOfr.l’une. 20 »
- Pour la femme, deux paires, à 8 fr. l’une. . . 16 »
- Pour chacun des enfants, deux paires à 4 fr.l’une. 16 »
- Total. ..... 52 » 4° Chauffage, éclairage et blanchissage.
- par jour par an
- Chauffage . . . • . . . 0 20 73 »
- Eclairage . . 0 10 36 50
- Blanchissage . . . . . . 0 15 54 75
- Totaux . . . . 0 45 164 25
- 5° Loyer.
- Par jour : 0 82. — Par an : 300 fr. (1)
- (1) Tous les chiffres de ce budget, ainsi que les évaluations de salaires qui suivent, concernent spécialement les ouvriers de Paris. Mais si l’on considère que le taux des salaires est partout en proportion du prix des choses nécessaires à la vie, et notamment du prix des loyers, il sera facile de s’assurer, — par un simple calcul que je ne fais pas ici pour ne pas surcharger inutilement cette étude, — que les conclusions et les résultats auxquels j’arrive pour Paris s’appliquent également (à quelques fractions de centimes près) à Limoges, et, d’une façon générale, à tous nos autres centres industriels.
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- •o- *
- 6e Choses diverses.
- Pour frais de médecin, de médicaments, bain de propreté, déménagement, entretien du mobilier, achat d’ustensiles de ménage, de fil, d’aiguilles, pour ports de lettres et imprévus,
- Par jour : 0 15. — Par an : 54 75.
- Récapitulation.
- 1° Nourriture............................. 657 »
- 2° Linge et vêtements..................... 100 »
- 3° Chaussure............................... 52 »
- 4° Chauffage, éclairage et blanchissage . . 164 25
- 5° Loyer.................................. 300 »
- 6° Frais divers............................ 54 75
- Total général pour l’année. 1.328 »
- Soit, par jour : 3 fr. 64.
- Vous remarquerez que j’ai eu soin d’écarter de ce budget tout ce qui n’était pas strictement nécessaire à l’existence de mon Ménagé normal. Ainsi, j’ai supposé qu’il ne consommait ni café,ni sucre, ni tabac ; qu’il ne lisait ni journal, ni publication d’aucune sorte ; qu’il n’allait jamais au spectacle, et qu’il se refusait rigoureusement tout menu plaisir.
- Je vais, maintenant, évaluer les ressources dont disposent la plupart des ouvriers pour faire face aux dépenses de ce budget d’anachorète.
- Ressources d’un Ménage normal.
- Les ouvriers, — à moins d’exception extrêmement rares, — n’ayant pas de rentes, n’ont d’autres ressources que leurs salaires.
- Mais comme ces salaires varient suivant les métiers et suivant les capacités, je les diviserai en quatre catégories principales :
- 1° Celle des salaires supérieurs : de 7 à 10 fr. et au-dessus ;
- 2° Celle des bons salaires : de 5 à 7 fr.;
- 3° Celle des salaires moyens : de 4 à 5 fr.;
- 4° Enfin, celle des petits salaires : de 3 à 4 fr., ou même inférieurs à 3 fr.
- Les salaires de la première catégorie sont rares.
- Ceux de la deuxième le sont moins, sans cependant être très communs.
- Il ressort, en effet, des statistiques les plus récentes et les mieux établies, que les ouvriers de ces deux catégories ne constituent guère qu’un cinquième de la masse des salariés.
- C’est donc de ceux de la troisième et de la quatrième catégorie qu’il convient surtout de nous occuper ici, puisque ce sont les plus nombreux et ceux aussi qui gagnent le moins.
- Mais, avant tout, il est essentiel de bien distinguer le salaire nominal de ce que l’on pourrait appeler le salaire effectif.
- Je m’explique. Lorsque l’on dit qu’un ouvrier gagne 5 fr. par jour, beaucoup concluent que cet ouvrier a chaque jour 5 fr., ou à peu de choses près, à dépenser.
- C’est là une erreur. Et en effet, il faudrait, pour que cela fut vrai, qu’il touchât 365 fois 5 fr., c’est-à-dfre, autant de fois 5 fr. qu’il y a de jours dans l’année.
- Or, c’est ce qui n’a pas lieu, car, de ces 365 jours, il est indispensable de défalquer : 1° 52 dimanches ; 2° 8 jours au moins de fêtes chômées ; 3° un minimum de 3 jours de chômage par mois, provenant : des morte-saisons auxquelles sont assujetties, d’une façon presque régulière, toutes les industries ; des crises temporaires dont aucune n’est exempte; des maladies et des empêchements de diverses natures ; soit 36 jours à ajouter aux précédents ;
- Total, 96 jours, qui, retranchés de 365, réduisent le nombre des journées de travail, et, par conséquent, de salaires, à 269.
- D’où il suit que l’ouvrier qui gagne 5 fr. par jour, ne les touche, en réalité, que 269 fois dans son année, ce qui lui fait un total de 1.345 fr., lequel, divisé ensuite par 365, lui représente comme ressource journa hère : 3 fr. 68.
- Eh bien, les 5 francs que gagne cet ouvrier les jours où il travaille, sont ce que j’appelle son salaire nominal ;
- Et les 3 fr. 68 dont il peut disposer quotidiennemen pour ses dépenses, sont ce que j’appelle son salaire effectif.t
- Cela posé, si l’on calcule, sur les bases que je viens d’indiquer, les salaires effectifs auxquels correspondent les salaires nominaux de la troisième et de la quatrième catégorie, c’est-à-dire ceux que j’ai appelés salaires moyens et petits salaires, on trouve :
- Qu’au salaire correspond le salaire
- nominal effectif
- de. . . 3 fr. » de. . . 2fr.21
- de. . . 3 50 de. . . 2 57
- de. . . 4 » de. . . 2 94
- de. . . 4 50 de. . . 3 31
- de. . 5 » de. . . 3 68
- C’est donc la seconde colonne de ce petit tableau, et non la première, qu’il faut consulter pour savoir ce que la presque totalité des ouvriers peuvent dépenser chaque jour pour subvenir à leur existence et à celle de leur famille.
- Maintenant, concluons ; nous sommes en possession de tous les éléments qui nous sont nécessaires pour cela :
- Le budget réduit que nous avons établi plus haut pour un Ménage normal donne, comme dépense journalière, la somme de 3 fr. 64.
- Les ressources quotidiennes de ce même ménage sont, pour les 4/5me* des ouvriers, de 2 fr. 21, — 2 fr. 57, — 2 fr.94. — 3 fr. 31, — et 3 fr. 68.
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- D’où il résulte que, seul, le salaire réel de 3 fr. 68 (correspondant au salaire nominal de 5 francs), est en excédent de 4 centimes sur le quantum indispensable de
- 3 fr. 64.
- Et que tous les autres sont en déficit sur ce même quantum :
- Celui de 3 fr. 31, en déficit de 0 fr. 33
- - 2 94, — O 70
- - 2 57, - 1 07
- - 2 21. - 1 43
- Et, par conséquent, que tout ouvrier dont le salaire nominal est inférieur à 5 francs, se trouve en présence d’un déficit auquel il ne peut parer qu’en ayant recours à l’un, ou, simultanément, à plusieurs des moyens suivants :
- Les privations portant, — non sur le superflu, qui se trouve absolument écarté de mon budget, — mais sur le strict nécessaire ;
- Le travail prématuré des enfants ;
- Celui de la femme, dont la présence est encore plus indispensable dans les ménages ouvriers que dans tous les autres, pour l’entretien de l’intérieur et des vêtements, la préparation des repas, et la surveillance des jeunes enfants.
- Voilà, en définitive, ce que l’on est obligé de reconnaître lorsque, — laissant de côté les phrases, les abstractions et les appréciations à vol d’oiseau, — on va au fond des choses et que l’on prend la peine de chiffrer la situation des ouvriers,
- HYGIÈNE DD TRAVAIL
- Voici les résolutions votées au Congrès de La Haye :
- • On a compris, dans tous les pays, la nécessité d’affirmer par la loi les droits de l’Etat en matière de protection du travailleur.
- '» Il est désirable que dans tous les pays on s’attache à mieux et plus efficacement définir les conditions de l’hygiène du travail.
- y> Cette législation doit comprendre : la salubrité des locaux affectés au travail, la sécurité des mécanismes, les prescriptions relatives à l’âge, au sexe et à la durée du travail ; les moyens de protection du voisinage des établissements industriels, les mesures de prévoyance pour les cas de chômage, de maladie ou de vieillesse ; les prescriptions relatives à la salubrité des habitations ; la construction de logements à bon marché.
- » Au point de vue de la salubrité de l’atelier ou de l’usine, les locaux affectés au travail doivent être soumis aux conditions générales d’hygiène d’une habitation salubre ; mais, de plus, des précautions doivent être prises pour protéger les travailleurs contre les dégagements gazeux et pulvérulents.
- » 'Ces dispositions législatives seraient utilement complétées par des encouragements à tous les nouveaux procédés de fabrication qui permettraient d’assainir une industrie.
- » La sécurité du travail sera assurée d’une part par les
- justes exigences et les prescriptions précises de la loi, et d’autre part, par les mesures qui favoriseront l’assurance de la vie des ouvriers. Le patron ne doit être responsable que des infractions aux articles de la loi en matière de protection, c’est-à-dire des mesures préventives qui lui sont imposées.
- » La législation protectrice du travail doit tenir compte de la prématuration, c’est-à-dire des conditions fâcheuses qui résultent d’un travail commencé trop jeune ou d’une excessive durée journalière. Elle doit prévoir aussi, pour les femmes, les précautions exigées au point de vue social pour la protection de la fonction maternelle.
- » La durée du travail pour l’ouvrier adulte ne saurait être réglée que de gré à gré et par libre contrat.
- » Sans en faire un chapitre spécial de la loi de protection du travail, il est désirable que les gouvernements favorisent les moyens de donner aux ouvriers malades les soins que comportent leur état, et qu’il favorise .notamment les Sociétés de secours mutuels et les caisses de retraite.
- » Enfin,comme il ne servirait de rien d’assurer la salubrité des locaux au travail si l’ouvrier devait en quittant l’atelier, trouver le taudis que si souvent et dans tant de pays il habite encore aujourd’hui, il faut que la loi arme l’autorité pour l’assainissement des habitations insalubres et pour l’exécution d’office des travaux prescrits.
- » Nous nous permettons d’attirer l’attention de nos législateurs sur ces conclusions.
- » Toutes les nuances du parti républicain peuvent et doivent se trouver d’accord quand il s’agit de la santé publique.
- » Assurez aux travailleurs des conditions normales d’existence, faites en sorte que toutes leurs facultés physiques s’équilibrent et fonctionnent régulièrement.
- » C'est dans les corps sains, on ne saurait trop le répéter, que se trouvent les esprits sains.
- » Développer et protéger la santé d’un peuple, c’est développer et protéger son intelligence et sa moralité. »
- EXCURSION AGRICOLE
- Allemagne
- L’Allemagne nous pille, l’Allemagne nous vole nos modèles, nos procédés! C’est le cri mis à la mode par les chauvins et par les défenseurs de la routine. Le fait suivant est une preuve que rien ne s’oppose à ce que nos industriels, nos commerçants, nos agriculteurs aillent sur place, en Allemagne, s’enquérir des bonnes choses qu’ils pourraient prendre.
- La Société d’agriculture de Meaux a délégué plusieurs de ses membres, à l’effet de visiter les exploitations de l’Allemagne et de lui rendre compte des résultats obtenus chez nos voisins dans la culture des betteraves à sucre et des céréales.
- Ferme de Neuschof
- Première visite : Cultures de la sucrerie de Cologne ; 100 hectares exploités, au prix de 130 francs.
- Assolement :
- « 1° Blé ou seigle, fumé avec du fumier ou des défécations ;
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- 2* Betteraves (250 kilos de nitrate de soude et 570 kilos de superphosphate à 15°, soit 4-0 kilos Az et 80 kilos Ph Os) ;
- 3° Orge, avoine, blé de mars, etc.;
- 4° Trèfle, féveroles, pommes de terre (partie fumée).
- Notons une fois pour toutes que le fumier est plus consommé que chez nous ; on emploie beaucoup moins de paille ; le fumier est mis en tas sur les bords des routes, mélangé avec des écumes de défécation, des boues, etc., arrosé avec du purin et des vidanges et recouvert de terre.
- Nous voyons 9 chevaux très bien choisis et 24 bœufs de travail. On engraisse par an 100 bœufs pour utiliser les cossettes et faire du fumier. En ce moment 30 bœufs wur-t embergeois sont à l’engrais. Les bœufs sont placés tête-à-téte dans des fosses de 1 mètre 50 de profondeur où on laisse le fumier s’accumuler. Les auges sont mobiles et remontent à mesure que les fosses s’emplissent de fumier. La ration est de 50 kilos de cossettes turbinées, 1 kilo 1 [2 de tourteaux de Sésame et 4 kilos de son; la boisson est de l’eau blanche. L’outillage de la ferme est assez complet : charrues rhénanes, herses anglaises, bineuses Priest et Woolnough, semoirs Ga-rett, etc Une machine- routière, qui sert à transporter les betteraves en automne, met en action une machine à battre; on ne lie jamais la paille battue. Dans la cour, six fosses rectangulaires en briques, profondes de 2 mètres 50 sont destinées à emmagasiner-les cossettes qui sont blanches et bien conservées.
- Les récoltes de betteraves sont ordinairement de 32 à 35.000 kilos, donnant 11 à 15 OjO de sucres, les seigles de 28 à 30 quintaux, les blés de 28 à 35 quintaux, La main-d’œuvre se paye: hommes, 2 fr. 50; femmes, 1 fr. 50; enfants, 1 fr. à 1 fr. 25.
- Ferme d’Esseren
- Chemins bordés d’arbres à fruits comme dans toute l’Allemagne. Ces arbres appartiennent aux communes et sont affermés chaque année par petits lots. Quelques pièces de blé Sheriff et de blé Stambaum très estimé dans le pays.
- « Tous les blés sont exempts de mauvaises herbes, bien pleins ; la tige est rigide, l’épi carré ; les rendements qu’on nous annonce sont de 28, 36, 38 quintaux et n’ont rien qui nous surprennent. Les orges sont très belles et peuvent facilement produire 32 quintaux.
- On nous montre une fabrique de confitures de betteraves (Rübencompote). Les betteraves cuites, mélangées avec des mélasses sont consommées par la population ouvrière...
- La ferme compte 100 hectares, 38 vaches, 2 bœufs, 15 chevaux. Les vaches sont de la race du pays et d’Ostfrise ; le prix est de 625 fr.; moyenne : 12 ou 14 litres de lait vendu 14 à 15 centimes à Cologne. L’outillage est complet, mais simple et sans luxe, comme dans toutes fermes que nous visiterons par la suite.
- Les terres se louent 180 fr. et, plus près de la ville, 225
- à240fr.: les impôts sont de 25 fr. Il faut dire que nous sommes près d’une grande ville de 180.000 habitants, et que ces prix sont exceptionnels.On vend les pailles, à Cologne, 30 centimes les bottes de 5 kilos, et on ramène le fumier des tramways qui coûte 5 centimes par cheval et par jour. M. Destrée (le fermier) nous montre ses récoltes, notamment une pièce de blé Stambaum, qu’il estime devoir donner 28 quintaux, et une pièce de blé Sheriff, estimé 24 quintaux. Les betteraves sont très belles, donnant en moyenne 40.000 kilos polarisant 12 à 15 ; elles ont reçu 800 kilos de super phosphate (105.000 pieds). On fait un large emploi de vidanges et de matières fécales ; de là, nécessité d’ajouter une forte fumure d’acide phosphorique.
- Sucrerie de Rethen
- Près de Honovre
- L’usine écrase 350.000 kilos par jour ; elle a été fondée par 200 actionnaires, tous fournisseurs ; son capital est de 2.200 actions de 750 fr., soit 1.650.000 fr. La betterave est payée 25 fr. jusqu’au 15 novembre et 27 fr. 50 jusqu’à la fin de la fabrication ; les pulpes, selon l’habitude générale dans toute l’Allemagne, sont reprises gratuitement par les fournisseurs dans la proportion de 40 OjO du poids de la betterave.
- La richesse est de 14°. Le rendement en sucre, premier et deuxième jet, est de 11,30. Les mélasses sont vendues à une autre usine, qui les traite par la strontiane. En |ce moment, on construit en avant de l’usine de vastes magasins de betteraves mnnisdu transporteur hydraulique Reidinger ; c’est une cuvette en ciment de 40 centimètres de largeur sur 45 centimètres de profondeur, avec une pente de 7 à 8 milimè-tres par mètre, constamment traversée par un courant d’eau qui entraîne les betteraves. Celles-ci, immergées pendant un certain laps de temps, sont déjà presque nettoyées avant d’arriver au laveur. On économise de cette façon 50 0[0 de la main-d’œuvre. Les voitures se placent de chaque côté, et sont protégées par des auvents. Partout on décharge à couvert : les abords sont pavés ; la terre est enlevée de suite. Les betteraves, parfaitement nettoyées, sont élevées au coupe-racines par le moyen d’une roue à augets en tôle perforée de 5 à 6 mètres de diamètre. On cherche par tous les moyens possibles à bien nettoyer les betteraves et à se débarrasser des eaux du lavage. Les betteraves tombent ensuite dans un petit wagon d’un cube de 500 kilos, roulant sur une voie circulaire. Les wagons sont au nombre de trois, l’un à la charge, le second à la pesée, le troisième à la décharge. L’employé du fisc, dans son bureau, inscrit toutes les pesées.
- Pareil voyage, a été exécuté par deux de nos plus intelligents et plus laborieux cultivateurs, fabricants de sucre. Nous espérons qu’ils ne tarderont pas à nous donner leurs impressions. On voit combien ces documents présentent d’intérêt.
- (Réforme du Nord.)
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- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen
- Marne. — Epernay. — Tramuset, Edmond, préposé en chef de l’octroi.
- Meuse. — Aulnois-en-Serthois. — Thenery, négociant.
- Haute-Marne. — Vassy. — Souillot, Nicolas, menuisier.
- Saint-Dizier. —Haïn, Charles, charcutier.
- Dommartin-le-Franc. — Chaillard, Ernest, employé aux Forges.
- Bussy. — Lucot, A., employé aux mines de Bussy.
- Joinville. — Paturet, Eugène, rentier. — Collot, Emile, docteur-médecin. — Noël, Charles, géomètre. — Pépin, négociant. — Engelbert, mouleur.
- Puy-de-Dôme (1).— Clermont. — A. Blandeau, rue de la Treille, 8. — Dechaud, Louis, Avenue de Royat, délégué au Comité de l’Union républicaine. — Ferrand, Joseph, rue du Bois de Oros, 80. — Fournel, Pierre, rue St-André, 16. — P. Franc, rue Saint-Dominique. — Jay, Louis, rue Saint-Eloi, 3. — J. Plane, marchand de vins, rue Saint-Dominique. — Prunière, Antonin, Avenue de Royat, 89. — A. Villerette, rue Haute Saint-André, 2.
- Chamalières. — Ranixe, Jacques, rue de Bordeaux, 19.
- Montferrand.— ^Fougère, Joseph, Grande rue, 22.— Fougère, Pierre, Grande rue, 30.
- L'HISTOIRE DE LA TERRE
- (Fin.)
- L’être humain, le roi de la création terrestre, n’est pas, d’ailleurs, aussi isolé, aussi nettement détaché de ses ancêtres, aussi personnel, aussi intellectuel qu’il le paraît. Il est, au contraire, très varié lui-même dans ses manifestations. Sur les quatorze cent millions d’êtres humains qui existent autour de ce globe, il y a, non seulement dans les contrées sauvages, non seulement chez les tribus de l’Afrique centrale,chez les Samoyèdes ou les habitants de la Terre de Feu, mais encore chez les peuples civilisés, des millions d’individus qui ne pensent pas, qui ne se sont jamais demandé pourquoi ils existent, qui ne s’intéressent à rien, ni à leurs propres destinées, ni à l’histoire de l’humanité, ni à celle de la planète, qui ne savent pas où ils sont et ne s’en inquiètent pas, en un mot qui vivent absolument comme des brutes. Les hommes qui pensent, qui existent par l’esprit, sont une minorité dans notre espèce. Leur nombre néanmoins s’accroît de jour en jour, le sentiment de la curiosité scientifique s’est éveillé et se développe. Le progrès qui s’est manifesté avec lenteur dans le perfectionnement des sens et du cerveau de la série animale se continue, et nous le voyons à l’œuvre dans notre propre espèce, autrefois rude, grossière, barbare, aujourd’hui plus sensible, plus délicate, plus intellectuelle. L’homme change, plus rapidement peut être que nulle autre espèce. Celui qui revien-prait sur la Terre dans cent mille ans n’en reconnaîtrait
- (113* liste, voir le» nrAe^d^ntes dans les n81 31A et 31 fi.
- plus l’humanité.
- 4 Déjà, si nous nous comparions aujourd’hui à nos ancêtres de l’âge de pierre, nons ne pourrions nous empêcher de reconnaître un progrès manifeste en faveur de notre époque, non seulement au moral, mais encore au physique. Ce ne sont plus les mêmes hommes ni les mêmes femmes. L’élégance de l’esprit et celle du corps se sont affinées ; les muscles sont moins forts, les nerfs sont plus développés; l’homme moderne est moins massif, moins rude, insensiblement le cerveau domine : la femme moderne est plus artiste, plus soyeuse, son regard est plus clair, sa main plus petite, son indolence plus voluptueuse. De temps à autre, des invasions barbares bouleversent tout et arrêtent l’énervement ; mais ce n’est qu’un arrêt et un tourbillon ; l’ensemble est emporté vers l’inconscient désir du mieux, vers l’idéal, vers le rêve. On cherche. Quoi ? nul ne le sait. Mais on aspire, et l’aspiration entraîne l’humanité vers un état intellectuel toujours plus avancé, jamais satisfait. Le crâne moule le cerveau et le corps moule l’esprit.
- L’exercice des membres développe ceux qui agissent le plus ; ceux qu’on oublie diminuent, finissent même par s’atrophier. On pourrait juger des mœurs d’une époqne par la stature des individus. Quoique, de nos jours, on puisse encore soutenir avec une vraisemblance apparente que«laforceprimeledroit» les esprits sont déjà assez avancés pour sentir que c’est là un axiome complètement faux.
- Le jour viendra où il n’y aura plus ni armées, ni guerres,où l’homme se sentira couvert de honte envoyant qu’il ne travaille que pour nourrir des régiments, et où la France, l’Europe, le monde entier délivré, respireront librement en secouant et jetant au fumier ce manteau de lèpre, de sottise et d’infamie qui s’appelle le budget de la guerre.
- Non, celui qui reviendrait sur la Terre dans cent mille ans n’en reconnaîtrait plus l’humanité. Aucune de nos langues n’aura subsisté; on parlera un autre langage. Aucune de nos nations. Aucune de nos capitales. Une civilisation brillante aura éclairé l’Afrique centrale. L’Europe aura passé par dessus l’Amérique pour aller retrouver la Chine. L’atmosphère sera sillonnée d’aéronefs supprimant les frontières et semant la liberté sur les Etats-Unis de l’Europe et de l’Asie. De nouvelles forces physiques et naturelles auront été conquises et et quelque télégraphe photophonique nous fera converser avec les habitants des planètes voisines.
- La Terre change sans cesse, — lentement, car sa vie est longue, — mais perpétuellement. Ici la mer ronge les falaises et s’avance dans l’intérieur des terres ; là, au contraire, les fleuves charrient du sable, forment des deltas, des estuaires et font avancer leurs rives dans la mer : les rthues et. le« vontsfont descendre les montagnes
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- dans les fleuves et dans FOcéan ; les forces souterraines en soulèvent d’autres ; les volcans détruisent et créent ; les courants de la mer et de l’atmosphère modifient les climats ; les saisons varient périodiquement ; les plantes se transforment, non seulement par la culture humaine, mais encore par les variations de milieux ; les oiseaux des villes construisent aujourd’hui leurs nids avec les débris des manufactures ; les cités humaines naissent, vivent et meurent; un mouvement prodigieux emporte toute chose en son cours ; en ces heures charmantes du soir où, sur le penchant des collines solitaires, nous fuyons les bruits du monde pour nous associer aux mystérieux spectacles de la nature, à l’heure où le soleil vient de descendre dans son lit de pourpre et d’or, où le croissant lun ire se détache, céleste na ‘elle, sur l’océan d’azur, et où les premières étoiles s’allument dans l’infini, alors il nous semble que tout est en repos, en repos absolu, autour de nous, et que la nature commence à s’endormir d’un profond sommeil ; cet aspect est trompeur ; dans la nature, jamais de repos, toujours le travail, le travail harmonieux, vivant et perpétuel ; la Terre semble immobile ; elle nous emporte dans l’espace avec une vitesse de 26.500 lieues à l’heure, onze cents fois la vitesse d’un train express ; la Lune paraît arrêtée ; elle nous suit dans notre cours autour du Soleil et tourne autour de nous à raison de plus de mille mètres par seconde, en agissant à chaque instant par son attraction pour déranger notre globe, le tirer en avant ou en arrière produire les marées, etc.; les étoiles nous paraissent fixes : chacune d’elles vogue avec une rapidité vertigineuse, inconcevable, parcourant jusqu’à deux ou trois cent mille lieues à l’heure; le Soleil semble couché : il brille toujours, sans avoir jamais connu la nuit, s’enveloppe de flamboiements intenses, et lance incessament autour de lui avec des effluves de lumière et de chaleur, des explosions.de feu s’élevant à quatre et cinq cent mille kilomètres de hauteur et retombant en flammes d’incendie sur l’océan solaire qui toujours brûle ; le fleuve qui est à nos pieds est calme comme un miroir : il coule toujours ramenant sans cesse à l’océan l’eau des pluies qui toujours tombe, des nuages qui toujours s’élèvent ; l’herbe sur laquelle nous sommes assis semble un tapis inerte : elle pousse, elle croît, elle grandit, et, jour et nuit,sans un instant de repos, les molécules d’hydrogène, d’oxygène, d’acide carbonique sont en activité perpétuelle; l’oiseau se tait dans les bois : sous le chaud duvet de la couveuse les œufs sont en vibration profonde et bientôt les petits vont éclore ; et nous-mêmes, qui contemplons en rêvant ce grand spectacle de la nature, nous nous croyons en repos et nous sommes portés à croire que pendant notre propre sommeil la nature se .repose en nous ; erreur, erreur profonde : notre cœur bat, envoyant à
- chaque battement la circulation du sang jusqu’aux extrémités des arfêres, nos poumons fonctionnent, régénérant sans cesse ce fluide de vie, les molécules constitutives de chaque millimètre de notre corps se poussent, se juxtaposent, se marient, se chassent, se susbtituent sans un instant d’arrêt, et si nous pouvions étudier au microscope les tissus de nos organes, nos muscles, nos nerfs, notre sang, notre moelle, et surtout la fermentation de chaque parcelle de notre cerveau, nous assisterions à un travail intime permanent faisant vibrer, nuit et jour, chaque point de notre être, depuis le moment de notre conception jusqu’à n dre dernier soupir— et au-delà, car, l’âme envolée, ce corps retourne, molécule par molécule, à la nature terrestre, aux plantes, aux animaux et aux hommes qui nous succèdent; rien ne se perd, rien ne se crée, nous sommes composés de la poussière de nos ancêtres, nos petits-fils le seront de la nôtre.
- C’est le progrès perpétuel des êtres et des choses; c’est l’éternel devenir. Nous venons de résumer l’histoire d’un monde. L’aspect de la création au point de vue du temps n’est pas moins impressionnant pour l’esprit du penseur que la contemplation au point de vue de l’espace. Les deux conceptions se complètent mutuellement, en nous conduisant à apprécier les réalités profondes de ce vaste Univers vivant dont nous faisons partie intégrante.
- C. Flammarion, (Astronomie populaire).
- Paraîtra pbochainement
- L’HÉRÉDITÉ DE L'ÉTtT
- OU
- LA REFORME DES IMPOTS
- par M. GODIN
- Ce travail sera envoyé à nos abonnés comme numéro exceptionnel ; il formera le n° 4 des Études sociales.
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- État-civil do Familistère
- Semaine du 22 au 28 septembre 1884.
- Naissances :
- Le 23 septembre, de Larmoyeux, Berthe, fille de Lar-moyeux, Florus et de Brunois, Alphonsine.
- Le 25 septembre, de Brancourt, Firmin-Zéphirin, fils de Brancourt, Arthur et de Lenglet, Esther.
- Le 25 septembre, de Chimot, Marguerite, fille de Chimot, Louis et de Larive, Julia.
- Le Directeur-Gérant : GODIN*.
- Guise. — lmp. BARÉ,
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- 8' Année, Tome 8. — N" 318 Le numéro hebdomadaire' 20 e. Dimanche 12 Octobre 1884
- REVUE DI
- ON S’ABONNE
- A PARIS f
- 5, rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
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- a GUISE (Aisne) par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont
- Toutes les communications le talon sert de quittance.
- et réclamations , France Union postale
- doivent être adressées à Un an ... 10 fr. »» Un an. . . . 11 fr.*»
- M. GODIN, Directeur-Gérant Six mois. . . 6 »» Autres pays
- Fondateur du Familistère Trois mois. . 3 t» Un an. . . . 13fr.60
- I. -- Les Préventions.
- Cette étude devrait être lue par tous les hommes chargés de diriger les nations et par toutes les personnes inquiètes, pour l’avenir, de l’antagonisme qui va s’accentuant tous les jours entre le capital et le travail.
- Elle devrait être méditée par tous les hommes comprenant l’importance du courant universel d’opinion qui s’empare des masses et attribue au droit de propriété perpétuelle et au défaut de justice distributive dans la répartition des richesses, tous les maux dont les classes laborieuses ont à souffrir.
- Il est à prévoir, en effet, que si les esprits divulgateurs de ces vérités dans les multitudes sont la minorité, aujourd’hui, iis deviendront la majorité, demain ; et que, si l’on ne fait rien pour remédier aux abus signalés, l’avenir est gros de dangers.
- Ce serait donc un acte de souveraine prudence d’étudier le remède que j’apporte et de s’en emparer, au moment où il fait tant besoin. Combien de convulsions cela pourrait éviter !
- Mais nul doute que bien des gens ne se récrient à l’annonce d’un droit d’hérédité au profit de l’Etat et que nos Chambres, bien que l’idée ait déjà trouvé de l’écho chez elles, soient peu disposées à accueillir un moyen aussi certain de salut.
- C’est le sort réservé à toute idée nouvelle : avant de l’examiner en elle-même, d’en étudier les conséquences et les bienfaits, on s’arrête généralement, par esprit de contradiction, à supposer toutes les difficultés, tous les embarras Imaginables, avant de porter l’attention sur le fond du sujet.
- La pétition que j’ai présentée au président de la Chambre et aux députés, le 24 février 1883, sur l’organisation de la Mutualité nationale par l’hérédité de l’Etat, m’a valu les abjections les plus diverses pouvant se résumer ainsi :
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- 1° Avec le droit d’hérédité de l’Etat, le droit de propriété ne sera-t-il pas sacrifié ?
- 2® Les liens d’affections familiales et autres ne seront-ils pas atteints dans un mode essentiel de satisfaction ?
- 3° L’hérédité de l’Etat sera-t-elle autre chose qu’une spoliation de la fortune des citoyens ?
- 4° Le travail ne perdra-t-il pas son principal stimulant ?
- 5° La liberté d’initiative individuelle ne sera-t-elle pas entravée ?
- 6° L’ordre public n’aura-t-il pas à souffrir des changements survenus dans le droit de propriété ?
- 7° L’action de l’Etat,déjà trop prépondérante,ne sera-t-elle pas exagérée encore par les conséquences du droit de l’hérédité nationale ?
- 8® L’Etat ne sera-t-il pas bientôt le propriétaire de toute la richesse du pays, le grand administrateur de la fortune publique, le directeur de l’industrie ?
- 9° Ne verra-t-on pas la France livrée au fonctionnarisme à outrance ?
- 10° Toute la richesse foncière ne se constituera-t-elle pas à l’état de biens de main-morte ?
- 11° Ne se soustraira-t-on pas au droit d’hérédité nationale par les testaments ?
- Qu’on étudie sans prévention le présent opuscule et l’on trouve réponse à toutes ces objections :
- 4° Le droit de propriété est débarrassé de ses abus. L’hérédité ne faisant pas de l’Etat un propriétaire exploitant, celui-ci se contente du revenu ; il vend, il afferme ses biens à titre temporaire ou viager; la propriété devient plus accessible à tous les citoyens et le droit en est étendu et affermi, puisque l’Etat n’impose plus rien à la personne de son vivant.
- 2° Toute famille trouve, avec l’appui de l’hérédité de l’Etat, le bien-être au foyer, les joies et les affections tran-
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- quilles, sans perdre son droit de transmission des biens entre pères, mères et enfants.
- La liberté de tester donne, en outre, satisfaction à tous les sentiments d’affection et de reconnaissance, à l’égard de ceux qui nous sont chers.
- 3° Le droit d’hérédité nationale, loin d’être une spoliation de la richesse, n’est que le prélèvement de la part due aux concours de la nature et de la société dans la création de toutes les fortunes.
- C’est à la mort seulement, c’est-à-dire quand l’individu a cessé de jouir de ses biens qu’intervient l’Etat, pour une part ou pour la totalité de l’héritage suivant les cas.
- Mais du vivant des personnes l’hérédité nationale respecte tellement le droit de propriété que les citoyens n’ont plus même à payer ni impôts ni prestations, et qu’ils jouissent de l’intégralité des fruits de leurs labeurs.
- 4U Le travail, au lieu d’avoir la faim pour stimulant, a en perpective le bien-être et le sentiment du devoir accompli par la création de choses utiles.
- 5° Par l’instauration du droit d’hérédité de l’Etat, l’initiative individuelle est dotée d’un champ d’action plus largement ouvert qu’il ne l’a jamais été.
- 6° L’ordre public est d’autant plus affermi que tous les citoyens sont déchargés des impôts et que l’Etat, pourvu de ressources suffisantes, n’est plus embarrassé pour donner aux masses laborieuses la sécurité du lendemain. L’organisation de la mutualité nationale ne présente plus de difficultés ; elle s’établit presque d’elle-même, sous l’influence de l’opinion publique.
- L’hérédité de l’Etat n’est ni un moyen révolutionnaire, ni un moyen empirique ; c’est le procédé rationnel et équitable de conciliation des droits de la propriété et de ceux du travail.
- 7° L’action de l’Etat est simplifiée par la perception d’un revenu unique, s’ajoutant chaque année à ce que produit le droit d’hérédité nationale.
- 8° L’hérédité nationale ne fait pas de l’Etat le propriétaire exploitant de la richesse publique ; elle ne fait pas davantage de l’Etat l’administrateur de la richesse générale; on verra qu’elle tend à diminuer le nombre des agents de l’Etat.
- L’Etat ne se fait héritier que dans la limite propre à assurer les garanties sociales et l’action régulière des services publics, laissant toujours aux citoyens l’exploitation des choses mêmes qui lui échoient.
- 9° La multiplicité des fonctionnaires exigée aujourd’hui par la multiplicité des impôts, est rendue à des occupations productives.
- 10° Quant à prétendre que ce régime constituerait des biens de main-morte, ce sont là des mots qu’on peut jeter en pâture à l’ignorance, mais qui ne sont pas dignes d’attention pour les hommes comprenant l’économie sociale ; toute communauté, toute association étant un composé d’individus, l’Etat intervient au décès des membres en vertu de la part propre à chacun d’eux dans l’association ou la communauté.
- 11° Quant aux subterfuges qu’on pourra employer pour soustraire les biens au droit d’hérédité nationale, nous établirons que, quoiqu’on fasse, on n’empêchera pas l’Etat de trouver chaque année environ deux milliards de parts d’héritage, indépendamment de la constitution du revenu national remplaçant tous les impôts.
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- A notre époque, c’est par le jugement et la raison que nous devons nous conduire. Il ne suffit pas de faire de la libre-pensée en religion, il faut aussi faire de la libre-pensée dans les questions d’héritage et de législation.
- N’acceptons comme bon que ce que notre raison proclame tel. Et surtout, mettons-nous en garde contre les habitudes qui tiennent la raison en tutelle au sujet des lois comme en tout le reste. Il est du plus grand intérêt social d’exercer le libre examen sur les maux qu’une législation surannée fait peser sur nous.
- L’hérédité de l’Etat sera le point de départ de la conciliation des intérêts entre le capital et le travail, ce sera une œuvre d’apaisement et de justice ; c’est dans cette pensée que je soumets cette étude à l’attention du lecteur espérant dissiper, par les démonstrations quelle renferme, les préventions que je viens d’indiquer.
- II. — Les Impôts et leurs Conséquenses
- S’il est une question digne de l’attention de nos représentants c’est assurément celle de l’impôt.
- C’est par l’impôt que les mauvais gouvernements ont toujours pressuré le peuple ; c’est par la réforme de l’impôt que le gouvernement de la République doit commencer l’amélioration du sort des masses laborieuses.
- Les impôts indirects enlèvent, aujourd’hui, aux familles ouvrières, le quart ou le cinquième de leurs ressources. Au lieu de paralyser la consommation et la production, il faut faciliter leur essor ; il faut créer pour l’industrie des débouchés à l’intérieur, en affranchissant les classes laborieuses des impôts qui font obstacle à leur avènement au bien-être. Cela vaudrait mille fois mieux que les débouchés imaginaires de la politique coloniale.
- L’impôt est un obstacle à la libre expansion de l’activité des citoyens ; il est préjudiciable au progrès, au développement de la richesse générale ; il est surtout un obstacle à l’émancipation des classes laborieuses parce qu’il épuise les ressourses du travail au profit du capital.
- Le mot impôt caractérise en lui-même les défauts et les vices des ressources actuelles de l’Etat.
- Cbose imposée est une atteinte à l’indépendance et à la liberté du citoyen. La perception des impôts actuels exige une armée de fonctionnaires improductifs portant atteinte à la liberté des autres citoyens.
- Les citoyens actifs sont obligés de perdre leur temps et de
- dépenser leur argent à des formalités inutiles.
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- Les impôts indirects sont une cause de contraventions même souvent involontaires.
- En faisant payer aux ouvriers des droits sur les denrées de consommation, on fait augmenter le prix de la main-d’œuvre. L’augmentation de la main-d’œuvre entraîne celle du prix des produits ; on tourne ainsi dans un cercle vicieux qui ruine l’industrie et l’agriculture.
- L’ouvrier ne trouve qu’une amélioration passagère dans l’augmentation des salaires ; car les produits renchérissant,la situation reste la même ; mais, pour l’homme sans ouvrage et privé de salaire, la gêne est d’autant plus grande qu’il est obligé d’acheter plus cher ce dont il a besoin.
- Autrefois, le manant et le serf taillables et corvéables à merci payaient tout l’impôt. Les détenteurs de la propriété et de la richesse en étaient exempts. Cette iniquité s’est amoindrie. La propriété et la richesse sont aujourd’hui soumises à la contribution ; mais la tradition et la puissance de l’habitude ont maintenu des inégalités choquantes.Les classes dirigeantes et riches ne paient encore qu’une faible partie des ressources nécessaires à l’Etat,-tandis que les classes ouvrières et laborieuses paient la plus forte partie de l’impôt par toutes les taxes dont le travail et la consommation sont chargés.
- En réalité, l’impôt indirect c’est la taille ancienne, changée de nom et prélevée par l’Etat sur le travailleur. Cet impôt est absolument contraire à l’esprit démocratique. C’est sur la richesse acquise que doit se prélever l’impôt, et non sur la subsistance et le travail des citoyens. C’est le superfluet non le nécessaire qui doit pourvoir aux dépenses publiques. Au contraire, les classes dirigeantes faisant la loi, ont fait que le pauvre, par toutes sortes d’impôts indirects, est atteint dans ses moyens d’existence.
- Il est indispensable que la République efface cette iniquité. Mais elle doit le faire, avec ordre et intelligence ; elle doit, en donnant satisfaction aux intérêts lésés des classes laborieuses, sauvegarder avec justice et mesure les intérêts de tous les citoyens ; tous doivent recevoir une égale protection.
- L’iniquité qu’il s’agit d’effacer s’appuie sur les siècles passés; elle a, par conséquent, la consécration du temps et semble avoir revêtu la forme d’un droit ; elle est dans les mœurs et les usages; il y a plus : elle est àpeine comprise comme iniquité.
- Telle est la puissance des faits que si l’on voulait, sans prudence et sans art, établir brusquement les droits des citoyens dans leur juste équilibre, cela revêtirait le caractère d’une spoliation de la classe riche et apporterait un trouble si profond dans la société que les classes ouvrières, au lieu d’en bénéficier, seraient plongées dans les plus grandes douleurs de la misère. Il est donc de souveraine prudence de prévenir detels maux par une sage réformede l’impôt.Commençons, en conséquence, par analyser l’impôt et les conditions de sa réforme.
- Les ressources de l’Etat se divisent en quatre branches Principales :
- Les impôts directs,
- Les impôts indirects et les douanes,
- Les produits des domaines et des services publics,
- Les prestations et les subventions.
- De là des combinaisons diverses afin de fixer, le plus approximativement possible, le revenu, la valeur ou le capital représentés par la propriété,l’immeuble oula chose imposables.
- L’impôt direct se subdivise en impôt foncier, en impôt des portes et fenêtres, des patentes et du mobilier.
- Les centimes additionnels, s’appliquant à l’impôt même, peuvent-être considérés comme partie intégrante de celui-ci.
- L’impôt foncier s’applique à la propriété ; il est sensiblement proportionné à. la valeur, car des classes diverses déterminent approximativement cette valeur. L’impôt foncier est donc un impôt sur le capital ou sur la valeur.
- L’impôt des portes et fenêtres s’applique aux maisons, à la chaumière et aux palais. Les maisons sont aussi divisées en catégories, et chaque maison est imposée pour le nombre de fenêtres qu’elle contient. Le nombre des portes et fenêtres est censé représenter l’importance et la valeur de l’immeuble. L’impôt sur les portes et fenêtres est donc aussi un impôt sur le capital ou sur la valeur.
- Mais ces diverses manières d’apprécier la valeur et l’imp or-tance des immeubles est un procédé vieilli, suranné, donnant lieu à toutes sortes d’inégalités choquantes.
- L’impôt des patentes à un caractère plus indéterminé encore. Dans certains cas, il s’appuie sur l’importance des instruments de travail ; dans beaucoup d’autres, il vise tout spécialement l’exercice de la profession même. A ce titre,l’impôt des patentes s’applique à l’activité et au travail des citoyens et non plus à la richesse possédée. Aussi cet impôt est-il sujet à beaucoup d’arbitraire et d’une application qui exige une attention soutenue de la part des employés de l’Etat ; car U leur faut exercer une inquisition constante sur chaque industrie et sur chaque établissement. L’impôt sur les patentes sera à remplacer aussitôt après les impôts indirects..
- L’impôt personnel et mobilier n’a pas de base sérieuse ; il est livré à l’arbitraire des répartiteurs et des contrôleurs ; il s’établit par tâtonnements, par voie de comparaisons plus ou moins fondées ; et chacun, généralement, s’incline devant le chiffre qu’on a jugé bon de lui imputer. Que les choses soient faites le plus consciencieusement possible dans le plus grand nombre des cas, je ne veux pas le nier ; je fais seulement observer que l’on est peu garanti contre l’arbitraire, en face de cet impôt évalué selon l’appréciation de quelques personnes.
- La prestation, cet impôt variable désigné encore par le peuple sous le nom de corvée, est surtout un impôt sur l’individu. Chacun doit ses jours de prestations, mais la plupart du temps le pauvre fait ses corvées au profit du propriétaire qui souvent n’en fait pas. Cet impôt s'appliquant aux personnes habitant la commune, il arrive que de grands propriétaires domiciliés hors de la commune et possédant une forte partie du territoire, ne sont point assignés à la prestation, puisqu’ils
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- sont étrangers au village. Les paysans et les fermiers font les corvées, établissent de bons chemins, améliorent la circulation au profit de terres qui ne leur appartiennent pas.
- La circulation devenue facile, la terre augmente de valeur et de loyer, au bénéfice du propriétaire absent qui n’a en rien contribué à l’amélioration des chemins. Mais, dans le cas même où ce propriétaire est domicilié dans la commune et donne sa prestation, il est à remarquer qu’il ne donne pas plus que le simple artisan. Ce sont les paysans et les fermiers qui font le travail à son profit; c’est l’ancienne corvée, commandée autrefois pour le seigneur, qui reparaît aujourd’hui au profit du propriétaire. Ces privilèges sur l’accroissement de la richesse sont à faire disparaître.
- Les impôts indirects,voilà la grande plaie du peuple, C’est par cet artifice machiavélique que l’Etat soutire l’impôt, à tous les instants, centime à centime, du salaire de l’ouvrier, en prélevant, sur les choses nécessaires à la subsistance, les sommes qu’il n’oserait ni ne pourrait demander aux individus.
- Si, par exemple, on proposait aujourd’hui d’abolir les impôts indirects et de prélever directement, sur le salaire de chaque ouvrier, employé ou fonctionnaire, seulement le quart de ce que chacun paie au moyen de ces mêmes impôts, cela provoquerait une résistance considérable, et serait envisagé comme une iniquité fiscale même par nos députés. L’ignorance publique est si profonde sur le mécanisme compliqué des impôts que la masse ne comprendrait pas qu’il en résulterait pour elle une économie des trois-quarts des impôts qu’elle paie.
- L’impôt indirect est un raffinement des procédés des anciens régimes par lesquels on exigeait du peuple son travail et son bled. Aujourd’hui, on l’oblige à donner son salaire par les prélèvements faits sur les produits nécessaires à sa subsistance, produits grevés,par avance, de taxes exhorbitantes qui enlèvent aux masses laborieuses lu quart de leurs ressources. Il faut être bien habitué au mal pour ne pas voir l’énormité de cette iniquité publique, pour ne pas comprendre que renchérir la subsistance du peuple est un crime contre la vie humaine.
- A l’imitation de l’Etat, les communes ont établi des impôts indirects qui leur sont propres : ce sont les octrois. Inutile d’ajouter que ces impôts ne peuvent pas plus se justifier que les impôts indirects perçus par l’Etat. Les octrois ont, comme les impôts indirects, l’inconvénient de taxer les denrées et les objets de consommation sortant des mains du producteur. Ces taxes étant ajoutées à la valeur des choses nécessaires à la vie sont remboursées par les masses populaires et sont une cause du renchérissement des subsistances.
- En résumé les impôts directs, tant qu’on maintiendra des impôts, sont les seuls justes à percevoir, parce qu’ils s’adressent à ceux qui possèdent, parce qu’ils sont la représentation d’un capital acquis, d’un capital de réserve.
- Mais, pour abolir les impôts, il faut les remplacer par d’autres ressources ; c’est ce que je veux faire. Je veux démontrer comment, par l'organisation du droit d’hérédité de
- l’Etat, on peut arriver à la réforme des impôts et à toutes les réformes indispensables aujourd’hui.
- 111. — Déni de Justice des Impôts à l’égard des classes laborieuses.
- Nous établirons bientôt que la richesse publique de la France a une valeur de trois cent trente cinq milliards, et que son revenu est supérieur à dix milliards, pour trente sept millions de Français. Cela représente en richesse plus de neuf mille francs par tête, soit un capital de plus de trente six mille francs, et un revenu de onze cents francs par famille de quatre personnes.
- Conçoit-on qu’en présence de tant de richesse il y ait, en France, 20 millions de prolétaires ne possédant rien, n’ayant que leur travail pour vivre et aucune garantie lorsque le travail leur fait défaut ? Et n’est-ce pas un triste déni de justice que devant une telle situation la plus forte partie des impôts soit encore mise à la charge des classes laborieuses ?
- Cette immense richesse de trois cent trente cinq milliards verse à l’Etat, en contribution annuelle, seulement la somme de 435,448,000 fr., lorsque le travail et les travailleurs paient,de leur côté, environ 1,500,000,000 en impôts indirects et douanes. Mais, négligeons de faire intervenir les droits de douanes qui, pourtant, grèvent la consommation générale au profit du monopole financier et industriel, et examinons les faits en ce qui concerne les impôts indirects.
- Les impôts indirects perçus en 1883 se sont élevés à la somme de 1,095,449,000 fr. (Bulletin de statistique, février 1884).
- Divisée par la population de la France cette somme représente, par personne,environ..................30 fr. 00
- L’octroi des villes est un autre impôt indirect appliqué aux principaux objets de consommation.
- A Paris, cet impôt s’élève à la somme totale de 143,245,000 fr., ce qui représente,par personne ou par tête,environ fr.................. 70 fr. 00
- Total d’impôt par personne................100 fr. 00
- et par famille de quatre personnes........... 400 fr. 00
- Évaluons à 2.000 francs le salaire annuel de l’ouvrier et de l’employé, ce sera 20 O/o qu’ils auront payé de leurs salaires mêmes à l’impôt ; mais quels que soient les chômages et la détresse des familles, il faut que celles-ci acquittent cet impôt sur ce qu’elles consomment ; le fisc a perçu par avance, il n’y a pas de remise possible. Connaissant l’impôt prélevé sur le salaire, revenu du travail, cherchons quel est l’impôt prélevé sur le revenu du capital.
- La statistique du ministère des finances (voir tableau page 652) démontre que la valeur de la propriété immobilière étant en
- France de........................... 170.665.169.920
- son revenu est de................. 4.930.189.320
- payant en impôts ....... 221.482.000
- D’où il suit que le propriétaire paie 4f,50 centimes O/o francs sur le revenu de la propriété.
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- Nous venons de constater que la fiscalité prélève 20 O/o d’impôts à Paris sur le salaire, seul revenu du travail ; nous constatons maintenant que le fisc ne prélève que 4f 50 O/o sur le revenu du capital de la propriété.
- Ainsi, la famille de l’ouvrier doit abandonner au fisc 400 fr. d’impôts sur 2.000 fr. de salaire gagnés par des efforts incessants, lorsque le capitaliste ne paye que 90 fr. sur la môme somme de revenus obtenus sans peine ni travail ! En d’autres termes,quand le travailleur est obligé de payer 400 fr. d’impôts sur deux mille francs tirés de son travail, le propriétaire jouit de dix mille francs de revenu et, par conséquent, de trois à quatre cent mille francs de fortune avant de payer la môme somme, et quelle que soit sa richesse, il ne paye pas plus d’impôts indirects que le pauvre, car tout ce que le pauvre consomme est le plus frappé par l’impôt.
- Nos appréciations sont au-dessous de la vérité, nous avons négligé les impôts des douanes, lesqtfel sauraient augmenté d’un tiers environ les chiffres des impôts indirects. L’énormité des abus en matière d’impôts est telle qu’il est prudent de ne pas la montrer tout entière afin ne n’être pas taxé d’exagération.
- Voilà pourtant ce que défend la prétendue science de l’économie politique, et ce que doit réformer la science de l’économie sociale.
- Mais quand les yeux s’ouvriront-ils à la lumière?Quand la cataracte de l’égoïsme pourra-t-elle se dissiper ?
- IV. — L’équilibre du Budget.
- Un puissant argument en faveur de l’urgence de l’application du droit d’Hérédité de l’État, c’est le besoin d’équilibre dans les budgets de lallation, des départements et des communes. Les moyens de recette deviennent insuffisants et les dépenses tendent à s’accroître considérablement.
- Cela tient aux progrès nécessaires qu’engendre la civilisation ; et aux abus de l’organisation sociale actuelle.
- Le plus considérable de ces abus est certainement le pied de guerre sur lequel se maintiennent les nations européennes. Dans le numéro 2 des Études Sociales : L’Arbitrage international et le désarmement européen, il est établi que les dépenses provenant de ce fait dépassent annuellement une somme de deux milliards.
- Par cela seul, on voit que rien ne serait plus propre à alléger immédiatement le sort des peuples que l’entente des nations pour organiser la paix.
- En attendant, il faut satisfaire aux exigences des dépenses. Nos gouvernants n’ont d’autres ressources que les emprunts, accumulant ainsi de nouvelles charges budgétaires ; car, si l’emprunt procure momentanément des ressources, il entraîne aussi de nouvelles charges ; c’est ainsi que vont à la ruine les débiteurs obérés, et c’est dans cette voie que nous emportent des gouvernants inhabiles dont la devise semble être : Faisons les affaires, après nous le déluge !
- Dès qu’on entrera dans l’application de l’Hérédité de
- l’État, il deviendra possible à nos gouvernants d’équilibrer les budgets. Quelque minime que soit cette application, on conçoit qu’elle donnera des ressources réelles, puisque j’établis dans le chapitre VII: «Bases d’application de l’hérédité nationale»que les produits directs de l’Hérédité de l’Etat peuvent donner annuellement 2,442,216,134 francs.
- On comprend qu’avec de pareilles ressources il n’est pas indispensable d’entrer bien avant dans la pratique de ce système financier pour mettre fin aux emprunts, même pour opérer le remboursement de la dette.
- V. - Dette publique. Dangers des emprunts.
- La dette publique en France atteint, aujourd’hui, plus du quart de la valeur du territoire national ; une telle situation mérite une attention particulière. Il faut songer que cela' représente environ vingt-six milliards et que cette lourde hypothèque nous mène droit à la banqueroute, si les pouvoirs publics ne prennent bientôt des mesures propres à conjurer ce danger.
- C’est en face de telles charges que surgit, en outre, le besoin impérieux d’opérer les réformes sociales indispensables aux classes ouvrières et de leur accorder les garanties nécessaires à l’existence.
- Aux grands maux les grands remèdes. Ou bien il faut tirer de la richesse générale de quoi payer la dette publique et entrer dans la voie des améliorations sociales nécessaires, ou bien il faut se résigner à la banqueroute.
- Le parti le plus intelligent et le plus honnête serait d’aviser au moyen de payer ses dettes, en créant un nouveau système de ressources publiques ; mais je doute que la classe riche soit assez intelligente et assez sage pour y consentir.
- Il y a pourtant là matière à réflexion. La France doit 26 milliards. A qui ? A elle-même, du moins pour la plus grande partie.
- Quel avantage y a-t-il à entretenir une dette dont on se paye soi-même les intérêts ? C’est en apparence'une chose inutile et l’on peut se demander par quelle singularité les citoyens d’un Etat en sont arrivés à prêter à l’Etat lui-même pour toutes choses qui tournent à leur profit. Il serait beaucoup plus simple que la richesse coutribuât directement aux charges publiques suivant l’importance des besoins.
- Les hommes d’Etat, les hommes de finances, les classes riches enfin ne l’entendent pas ainsi.Si chacun contribuait aux charges publiques, proportionnellement à sa fortune,les classes ouvrières et laborieuses ne contribueraient pas ou presque pas. De grands travaux publics seraient à entreprendre, la classe riche en ferait les fonds. On entreprendrait la guerre, la classe riche en payerait les frais.
- Les classes dirigeantes et riches arrangent les choses d’une autre façon : on veut accomplir des travaux publics, recours à l’emprunt; on veut faire la guerre, recours à l’emprunt.
- Et pourquoi ? Parce que les emprunts se font à des taux usuraires dont la classe dirigeante et riche profite ; c’est elle
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- qui se livre à la curée des emprunts.
- L’emprunt fait, à qui paye-t-on les intérêts ?
- A ceux qui ont prêté usurairement 80 fr. à l’Etat pour un titre de 100 fr., comme cela a eu lieu en 1871.
- Qui ensuite paye les intérêts ? Ce ne sont pas bien entendu les prêteurs ; ceux qui payent les intérêts ce sont les pauvre s diables, ce sont les ouvriers.
- Voilà ceux qui paient toutes les rançons, celles de guerre et autres, et' toujours pour le plus grand profit de la richesse.
- Telles sont les combinaisons de la science et de l’économie politique moderne ; telles sont les œuvres monstrueuses des classes dirigeantes ; attendons-nous à ce qu’elles nous conduisent aux catastrophes si une main habile ne sait bientôt nous faire sortir de cette voie de malheur, en établissant le droit d’hérédité de l’Etat, dont une partie des produits pourra être destinée au remboursement de la dette.
- VI -- Principe du droit d’Hérédité de l’Etat
- Découvrir les lois de la justice distributive parmi les hommes est chose nécessaire pour mettre fin aux abus. Pour cela il est nécessaire d’analyser les éléments de la production et de les bien distinguer les uns des autres, afin de pouvoir reconnaître ce qui est le droit de tous et ce qui est le droit de chacun dans la répartition de la richesse.
- Quelques économistes ont entrevu qu’à côté de ce qui est attribuable à l’individu dans la production, il y a des résultats dus à une autre action ; mais ils ne s’y sont arrêtés que pour constater le fait existant qu’ils ont appelé les utilités gratuites, et ils ont accepté ce fait, sans rechercher si cette prétendue gratuité n’était pas chèrement payée par le peuple, et si elle ne renfermait pas quelque grande iniquité sociale.
- Quant à moi,je veux établir que toute force, toute activité a une valeur propre, et qu’il est conforme à la loi morale et à la justice distributive d’assigner, à chaque chose, son droit et sa destination naturels.
- Arrêtons-nous un instant aux éléments qui entrent dans toute œuvre, dans tout travail; nous y voyons:
- 1° D’abord,la partie matérielle fournie par la terre, parles matériaux que celle-ci renferme et par le sol; ensuite, les forces naturelles qui nous aident à extraire, à travailler toutes ces choses ; enfin,l’action de la nature elle-même qui verse sans cesse la puissance vivifiante, laquelle fait naître, croître et vivre tout ce qmi nous est utile et nécessaire : voilà la base de toute production, le premier élément qui entre dans la création de toute chose consommable. Rien ne se fait sans qn’on emprunte à la terre et à la nature, ce domaine commun à tous les hommes, l’élément essentiel de toute production; aussi est-ce le point de départ du droit social de l’Etat à une part dans la richesse accumulée par les citoyens, droit subsis- j tant, malgré toutes les lois civiles contraires, parce que les j abus ne peuvent jamais constituer le droit légitime, parce j que jamais les hommes ne peuvent accepter d’être définitive- i
- ment dépouillés de ce que la nature a fait pour eux tous.
- 2° Après l’intervention de la nature vient celle de la société qui, elle aussi, livre à la production un contingent de ressources considérables nous aidant et nous servant dans tout ce que nous faisons ; c’est le travail de l’humanité passée dont l’Etat est dépositaire dans l’intérêt de tous et qu’il met au service de ceux qui peuvent en jouir. Cela comprend les chemins, routes, canaux, voies ferrées,ports, édifices et services publics enfin toutes les ressources que la société met au service de ceux qui peuvent en user.
- En outre, la société fait annuellement la dépense de plusieurs milliards fournis par le peuple, dépenses aidant à la fortune de ceux que la chance favorise. L’Etat est donc, sous différentes formes, un second élément de la production et, à ce titre, il représente un second droit social à une part dans toutes les fortunes, au profit de la société et du peuple puissants facteurs de toutes les grandes fortunes.
- Voilà les utilités que l’économie politique a jusqu’ici considérées comme gratuites, parce que des privilégiés se sont emparés de leurs avantages au détriment de la masse des autres citoyens. Mais si, au lieu de baser le droit sur un fait établi, on examine ce qui devrait être fait au nom de la saine morale et de la justice distributive, on est vite convaincu que les individus qui ont fait fortune sous la protection de l’Etat sont redevables envers la nation des sacrifices que celle-ci a faits en leur faveur.
- Etant de principe que chacun doit jouir des fruits de son travail, que tout concours et toute activité utiles ont droit aux richesses à la production desquelles ils contribuent, il est contraire à la morale et à la justice que quelques-uns accaparent les utilités sociales, pour ne laisser aux autres que la charge de l’entretien de ces mêmes utilités ; il est inique que l’Etat abandonne gratuitement à ceux qui en profitent la part due à son action et à l’action de la nature dans la création de la richesse et fasse payer lesfrais de cette double action aux travailleurs qui n’en profitent guère.
- L’action et les services de l’Etat donnent lieu à des dépenses que ceux qui en profitent doivent payer. L’Etat doit donc prélever sur la richesse acquise les dépenses qu’il fait en vue de la prospérité publique, plus une part des bénéfices produits proportionnée à ses services : voilà ce que réclame la science de l’économie sociale qui se donne pour mission d'établir la valeur des forces dans la société et de déterminer comment ces forces peuvent recevoir leur juste récompense.
- Au lieu de cela, la répartition de la richesse fourmille d’erreurs et d’abus que l’économie politique a pris sous sa protection ; les impôts sont du nombre.
- Pour éclairer le sujet, il est important de déterminer tout d’abord comment l’Etat, représentant la société, est un des premiers agents de la production ou de la création de la richesse ; comment, à ce titre, il a des droits légitimes à une part de la richesse générale, et comment il peut prélever cette
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- LE DEVOIR
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- part, sans recourir aux procédés vexatoires de l’impôt.
- Nous venons de voir que le premier et le plus important des agents de la production c’est la nature, c'est la terre qui donne à la société non-seulement le théâtre de l’activité sociale, mais aussi les forces vivantes et agissantes que tous les hommes sont appelés à employer, à utiliser, enfin à faire servir aux besoins de la société entière.
- Le second agent de la production c’est l’Etat lui-même dépositaire du sol et du travail accumulé des générations, offrant à tous les citoyens et surtout à ceux qui possèdent les moyens d’action, la possibilité d’arriver à la fortune, en dépensant ses resssources et ses forces à leur profit.
- Les garanties données à la propriété, les moyens de production résultant du travail et des découvertes des générations précédentes, les facilités tirées des services publics, toutes choses dont l’Etat est le seui représentant, sont assurément les facteurs les plus puissants des grandes fortunes.
- Je pose donc en principe que la terre et les ressources de la nature en même temps que celles du domaine public constituent en faveur de l’Etat un droit sur la richesse publique, suffisant pour donner à tout être humain les garanties indispensables à la vie, et que la société, sous peine de forfaiture, doit prélever sur la richesse acquise, au profit de tous les citoyens, de quoi assurer ces garanties.
- Oui, à côté de la nature, dont l’action incessante s’exerce en vue du genre humain, il y a la société ou la nation qui, elle aussi, possède une somme de moyens productifs devant être le partage de tous les citoyens et aux bénéfices desquels tous les citoyens ont droit.
- L’Etat est par lui-même un agent considérable de production ; il est le premier auxiliaire de toute entreprise. L’Etat est l’agent social résultant du travail de nos pères.
- Les chemins, les routes, les canaux, les voies ferrées, les ports, les halles, les marchés, les entrepôts, les édifices publics, les écoles, les bibliothèques et tous les services publics constituent des moyens d’action indispensables à l’activité sociale,et qui servent de base à la production nationale.
- Il est évident que si,de nos jours, l’activité individuelle était privée des immenses ressources de l’Etat, elle se trouverait presque réduite à l’impuissance et verrait alors pour quelle part considérable le capital social vient en aide à l’agriculture, à l’industrie, au commerce ; elle pourrait,ainsi,mesurer ce qui revient à la société dans la création de la richesse.
- Avant toute action individuelle il y a donc deux grandes puissances qui concourent à la création de la richesse, non en vue de classes, de castes ni de familles, mais en vue du bien commum de tous les citoyens :
- 1° La terre et ses ressources naturelles donnant à la société ses premiers éléments d’existence et d’action, lui donnnant le sol et sa puissance de fructification, en même temps que tous les matériaux dont l’homme se sert pour s’élever au bien-être ;
- 2° L’Etat qui ajoute aux éléments naturels de production les instruments sociaux de travail : routes, canaux, chemins de fer, postes, télégraphes, institutions sans nombre venant en aide aux particuliers et multipliant à l’infini l’efficacité de leurs efforts, en dépensant les deniers publics pour leur venir en aide.
- Il est donc de toute justice que l’Etat représentant l’ensemble des citoyens retire