Le Devoir
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- Dimanche 4 Janvier 1885
- 9e Année, Tome 9. — N” 330 Le numéro hebdomadaire W c.
- LE DEVOIR
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- a GUISE (Aisne
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- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Aphorismes et Préceptes sociaux. — Lettre de M. Gagneur, député. — La bonne guerre. — Propagande de la paix.— Le bulletin de la paix. —Les braves petits patriotes.—Discours prononcé par M. J. Gaillard. — La gloire et le tabac.— Les suicides dans l’armée.— Nouvelles delà propagande. — Mouvement arbitragiste.— A propos du Congo. — Souscription en faveur de la propagande. — Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen.— La part du soldat.
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- LXVII
- Guerre et Arbitrage
- Tant que la guerre sera en expectative, toutes les améliorations sociales, le travailet la prospérité des nations seront en danger.
- L’arbitrage international est le premier pas à faire dans la voie de la justice pour amener les nations au désarmement et pour soustraire les peuples aux calamités clc la guerre.
- Lettre de M. GAGNEUR, député
- Mon cher Godin,
- Je crois utile de bien préciser la nouvelle phase -où, grâce à vos efforts, la propagande de l’idée d’arbitrage vient d’entrer.
- En France, jusqu’ici, notre idée n’avait guère recruté une la partie pensante de la population:
- Académiciens, journalistes, hommes d’Etat, économistes, membres des Loges, Députés et sénateurs (1), etc.
- Les penseurs-philanthropes, en étudiant les périodes successives que l’humanité a parcourues, et dont chacune fut un triomphe de l’utopie et de l’optimisme sur le pessimisme et la routine, — car n’oublions pas cette excellente parole de Léon Say: « C’est par les optimistes que le monde a marché, » — les penseurs-philanthropes,' dis-je, ont théoriquement établi que les grandes conquêtes contemporaines, telles que les voies de communication rapide ou instantanée, les expositions universelles, la neutralisation des fleuves et des isthmes, les traités et congrès internationaux de toute sorte, préparent forcément le rapprochement fraternel des peuples, la paix universelle.
- Ils ont dépeint avec l’aide de rigoureuses statistiques les effroyables ruines et calamités que la guerre entraîne ; ils nous ont montré les sociétés de la paix se multipliant chez toutes les nations civilisées ; l’arbitrage plus de 40 fois réalisé depuis 1873, adopté à l’unanimité parles auteurs du traité de Paris en 1856,cinq Parlements européens et deux américainslemettantà l’ordre dujour par desmotions solennelles; les républicains de l’Amérique du Sud s’engageant par des traités diplomatiques à « soumettre à un tribunal arbitral, tous les conflits qui pourraient survenir entre eux; » les Etats-Unis et la Suisse se liant de même par un traité perma-
- (1) On compte 41 députés parmi les membres officiels du Conseil fédéral exécutif de la Ligue internationale en faveur de l’arbitrage. Et combien d’autres je pourrais nommer !
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- nent. Et ils ont témoigné leur amer regret que la France, cette grande initiatrice de 89, cet atlas de l’humanité qui semblait porter le monde sur sa tête, oubliant ses nobles traditions, se laissât remorquer cette fois par les nations qu’elle a tant contribué à affranchir.
- Puis, s’élevant aux considérations humanitaires, ils se sont demandé si la fraternité, notre nouvelle devise, ne nous impose pas des devoirs nouveaux; s’il est logique et légitime, par exemple, de coloniser à coups de canon, d’attaquer sans motifs ces races que nous appelons dédaigneusement inférieures ; de leur crier, à l’instar des brigands : « Vos produits ou la vie ! » d’appliquer ainsi sous une autre forme la maxime barbare et tudesque : « La force prime le droit ; » s’il n’est pas,au contraire,plus humain,plus honorable,beaucoup plus avantageux pour nos intérêts commerciaux, beaucoup plus économique pour nos budgets, de coloniser à coups de bienfaits, de gagner ces peuplades et de les élever jusqu’à nous, comme le fait de Brazza, par l’attraction contagieuse de notre civilisation supérieure tutélaire et pacifique (1).
- Mais ce que les penseurs philanthropes ont tenté avec la science, le peuple, avec ses aspirations instinctives, mais justes et généreuses, le peuple qui sent, alors que nous pensons, va l’accomplir. C’est lui qui va créer cette opinion publique « La Reine du Monde » comme on l’appelle, qui impose ses volontés aux gouvernements, et sans laquelle rien ne se fonde, ni ne se consolide.
- Il sait que sous notre régime, soi-disant égalitaire et démocratique, la loi militaire l’arrache encore impitoyablement, sauf de rares exemptions, à sa famille, dont il est souvent le principal ou le seul soutien, tandis qu’elle exonère par un commode volontariat les fils du riche, de l’oisif.
- Il a lu ou entendu dire combien la guerre aggrave ces impôts, dont il paye par les contributions indirectes une trop large part.
- Il se demande en vertu de quel droit on l’envoie égorger ou se faire égorger, dans des guerres dont il n’a aucun avantage à attendre, pour une raison d’Etat souvent obscure et qui ne le touche en rien, chez des nations dont il n’a pas à se plain-
- (1) Faisons observer que la possession fort contestée du Tonkin nous a coûté jusqu’ici cent trente-cinq millions, — sanscompter les vides pratiqués dans nos arsenaux, l’usure des bâtiments de guerre, les pensions de retraite, les frais de rapatriement, etc.; — et que la possession incontestée du Congo nous a coûté seulement sept cent quatre-vingt r'ine francs.
- dre, et que ses instincts fraternels, développés au contact de toutes les misères, le disposeraient plutôt à aimer !
- Il est las, absolument las de ces boucheries internationales. Et puis, quelles angoisses continues et poignantes des mères, des sœurs et des fiancées! Le cher absent reviendra-t-il? Le typhus des casernes, les batailles, les climats étrangers font tant de victimes ! Et s’il revient, rapportera-t-il ses affections d’antan, reprenda-t-il le métier paternel? (1).
- Je conclus donc :
- Tout se prépare pour une magnifique éclosion spontanée de l’idée d’arbitrage dans les campagnes.
- Il ne s’agit que de trouver dans chaque département quelques courageux et actifs initiateurs pour féconder ces germes et créer une véritable opinion publique.
- Je dis courageux, car il faut s’attendre à l’opposition ouverte ou sourde des routiniers, des chauvins, des jaloux, des eunuques « qui ne font rien et nuisent à qui veut faire, » a dit Voltaire, des fournisseurs de la troupe,des militaires gradés, des vieux retraités peut-être. Mais que ces derniers se rassurent ! Sur ce monstrueux budget de la guerre, les gradés seront largement rémunérés et les retraités mis religieusement à l’abri lu besoin.;— Et puis, malheureusement, nous n’en sommes pas encore là.
- Maintenant, de cette éclosion spontanée, je vais citer un remarquable exemple dont mon département doit être fier.
- A Morez, dans la ville même du Jura, où l’instruction civique et militaire a fait sa première et vigoureuse apparition, un simple ouvrier, Gédéon Romanet, sans éducation première,mais qui s’était créé, à force d’études, une littérature pleine de sève et d’arguments naturels, s’est bravement mis à l’œuvre. Par une polémique persuasive et un ardent prosélytisme personnel, il a su démontrer que l’idée d’arbitrage international, de désarmement et de paix universelle ne peut que seconder, loin de l’entraver, ce superbe et patriotique mouvement civique et militaire.
- Partant de cette donnée: que l’appréhension d’un nouveau conflit entre la France et l’Allemagne pour la revendication de l’Alsace-Lorraine est la
- (1) On sait combien l’émigration si inquiétante des communes rurales est favorisée par cette tendance générale des soldats libérés à chercher des emplois dans les centres industriels et dans les grandes villes.
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- cause première et profonde, non-seulement de cet entassement de fortifications que dressent à l’envi l’Allemagne et la France, mais encore de ces armements formidables et si ruineux que font toutes les puissances pour parera toutes les éventualités, de cette paix armée presque aussi dangereuse que la guerre (1), il a su démontrer, dis-je, à cette vaillante jeunesse combien sa mission grandissait.
- Faire la France invicible, n’est-ce pas assurer la paix et le désarment ?
- Aussi les signatures arrivent-elles de toutes parts sur les 500 listes qu’il a mises ou va metire en circulation ; et Gédéôn Romanet a pu promettre à votre journal, — qui a déjà publié 353 noms sur 16 listes — 10.000 adhésions recueillies autour de lui.
- Agréez, mon cher Godin, etc.
- Wl. Gagneur.
- Député du Jura.
- ~ » ( —A 1 —1t~L5“0—*-
- LA BONNE GUERRE.
- A l’Exposition universelle d’Anvers, les producteurs français infligeront un éclatant démenti aux prophètes de malheur qui ont annoncé la décadence de l’industrie et du commerce français. La section française, pour laquelle on avait retenu 10,000 mètres carrés dans les halles de l’industrie et les galeries des machines, en réclame actuellement 18,000, soit environ la cinquième partie de tout l’espace couvert.
- Les exposants français ont bien compris qu’Anvers leur offrait un admirable champ d’épreuve pour le grand concours international de Paris en 1889.
- D’ailleurs, déjà en 1885, la lutte sera des plus intéressantes. Les adhésions affluent à ce point que le comité exécutif a dû prendre des mesures immédiates pour ajouter de nouvelles et considérables constructions à celles en cours d’exécution. La section allemande sera, elle aussi, très importante ; l’exposition des machines y occupera à elle seule 2,000 mètres carrés. En Hollande, la seconde Chambre des Etats généraux ayant refusé le crédit de 150.000 florins demandé par le gouvernement, le Journalistenkring, ou syndicat des journalistes, a pris l’initiative d’une souscription nationale, à laquelle le pays fait le meilleur accueil. La Suède et la Norvège auront plus de deux cents exposants. Quant à la section belge, elle s’étendra sur un espace couvert de plus de 30,000 mètres carrés.
- (1) Dans un article que vous avez publié et que les journaux spéciaux ont reproduit, j’ai officiellement établi que le budget annuel de la guerre et de la marine militaire, joint à toutes les charges indirectes, dépasse en réalité deux milliards.
- LA PAIX
- Les guerres déplorables que le gouvernement a entreprises et, d’autre part, l’empressement avec lequel la propagande de la paix faite par notre journal a été accueillie nous imposent de nouveaux sacrifices et une nouvelle activité dans la propagande des mesures propres à faire pénétrer plus profondément encore l’amour de la paix dans tous les esprits, afin d’arriver au désarmement des nations européennes.
- Mais,en attendant cet heureux jour où les gouvernants renonceront à faire ruiner et massacrer les peuples les uns par les autres, il faut surtout faire entrer les idées de paix dans l’esprit des représentants des nations. Pour qu’il en soit ainsi, pour que la nécessité de l’organisation de la paix pénètre jusqu’aux hommes chargés 'des intérêts du pays, il faut que la volonté nationale manifeste elle-même le désir bien arrêté de se débarrasser des maux de la guerre.
- Dans ce but, le Devoir, depuis plusieurs années, fait une propagande incessante pour répandre dans l’opinion publique l’idée pacifique de l’arbitrage international et du désarmement européen. Cette propagande est insuffisante aujourd’hui en présence des aspirations qui se manifestent; aussi avons-nous conçu le projet de donner à la pensée du désarmement européen un organe spécial, en publiant chaque mois un numéro complet du Devoir qui, dans son tirage spécial, prendra pour titre : Le désarmement européen et l’arbitrage international.
- L’abonnement à cet organe de la paix sera de deux francs cinquante centimes par an, un numéro par mois.
- Pour donner à la propagande du désarmement et delà paix toute l’efficacité désirable J’administr.ation du Devoir, enverra aux amis de la paix des numéros de propagande aux prix suivants, à domicile, pour toute la France :
- De 1 à 40 exemplaires, 7 centimes le numéro. De 41 à 65 » 6 » »
- De 66 à 90 » “ ' 5 >v »
- Ces prix sont calculés en raison des frais de port ; les
- colis postaux ne peuvent excéder 90 numéros. Au-dessus de ce nombre il faut faire un second colis.
- Cela ne nous empêchera pas de publier, comme nous l’avons promis dans notre numéro du 30, Novembre, un bulletin de quatre pages dont l’abonnement pour une année sera de 75 centimes : bulletin que nous livrerons aux prix suivants :
- 100 exemplaires. . . . . . . 2 fr. 75
- 350 » ....... 7 fr. 75 , :
- 500 » .................11 fr. 25 .
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- En raison de l'empressement avec lequel les partisans de la paix nous retournent de toutes parts les bulletins d’adhésion au principe d’arbitrage et de désarmement et d’après l’avis d’un certain nombre de nos correspondants, nous jugeons, en outre, que le moment est venu de faire un nouvel appel à leur dévouement et de leur demander d’agir de concert dans un pétitionnement à la Chambre des députés, afin de porter 'devant nos représentants l’idée de l’organisation de la paix européenne, en commençant par l’institution de l’arbitrage international.
- Dans ce but, nous proposons à tous les amis de la paix de reprendre notre bulletin d’adhésion si unanimement approuvé, en lui donnant la forme de la pétition suivante :
- PÉTITION A LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS
- EN FAVEUR DE L ARBITRAGE INTERNATIONAL
- et du Désarmement européen
- A Monsieur le Président et à Messieurs les membres de la Chambre des Députés.
- Messieurs les députés,
- Dans l’intérêt de la paix publique et de la prospérité nationale, nous avons l’honneur de signaler à votre attention que la législation tant civile que religieuse de tous les pays civilisés interdit avec raison aux individus de se faire justice eux-mêmes ;
- Que l’opinion publique, d’accord en cela avec la législation, donne sa considération aux citoyens qui, par amour de la justice, font tous leurs efforts pour maintenir l’union entre les personnes, et régler les différends entre elles par les voies amiables.
- Considérant qu’il ne peut exister deux morales, ni deux manières de comprendre la justice ;
- Que ce qui est bien entre les citoyens, est aussi bien entre les nations ;
- Que la morale supérieure pour les gouvernants comme pour les gouvernés, pour les nations comme pour les individus, consiste dans le respect et la protection de la vie humaine ;
- Que la guerre en est le suprême mépris, qu’elle est le déchaînement de toutes les horreurs et de tous les malheurs sur la vie humaine, qu’elle donne au plus fort la puissance d’opprimer les faibles en violant les principes de la justice.
- Par ces motifs, nous, soussignés, vous prions d’inviter le Gouvernement à proposer, à toutes les nations civilisées, des traités par lesquels elles s’engageront réciproquement et solidairement à ne plus se faire la guerre et à soumettre tous les différends qui surgiront entre elles, à un arbitrage international.
- Ou autrement :
- A Monsieur le Président et à Messieurs les membres de la Chambre des Députés.
- Messieurs les députés,
- Nous soussignés, considérant que la guerre est un reste fie barbarie ; qu’elle est contraire à la fraternité ; quelle est
- pour nos familles une cause d’alarmes et de misère ; que la paix armée elle-même conduit fatalement les peuples à la ruine, conjurons la Chambre des Députés de voter, à l’instar des Parlements de Belgique, Pays-bas, Suède et Norvège, Italie, Angleterre, Etats-Unis, Canada, et des Républiques américaines du Sud, une notion en faveur de l’arbitrage international, qui seul peut amener le désarmement progressif et général. »
- Une seule formule comme l’une de celles ci-dessus ou toute autre analogue,écrite sur une première feuille,signée d’un certain nombre de pétitionnaires, peut servir à composer un dossier de tout un ensemble de pétitions séparées, à la condition d’avoir la précaution d’inscrire en tête de chaque feuille, avant de la faire signer les lignes suivantes :
- Pétition à la Chambre des députés en faveur de l’arbitrage international et du désarmement européen.
- Afin de faciliter la composition des dossiers, on devra ne pas employer d’autre format de papier que celui du bon papier-écolier ordinaire, mesurant 20 centimètres de largeur sur 30 centimètres de hauteur,
- Peut-être serait-il prudent de faire signer les hommes et les femmes sur des listes séparées ; dans tous les cas, il faut faire légaliser les signatures sur chaque feuille.
- Les signatures doivent être recopiées lisiblement par nos correspondants avant de nous en faire l’envoi ; autrement la publication des noms est impossible.
- L’administration du Devoir enverra gratuitement des modèles de pétition à toutes les personnes qui en feront la demande, mais elle recevra avec reconnaissance les offrandes qui lui seront faites à ce sujet, comme dédommagement des sacrifices considérables que nous nous imposons. Ces concours serviront utilement à développer la propagande ; nous publierons les souscriptions comme nous commençons à le faire dans ce premier numéro.
- Pour établir l’unité d’action, toutes les pétitions devront être adressées au journal le Devoir, à Guise. Nous en ferons en temps utile le dépôt à la Chambre des Députés.
- Telles sont les propositions que nous soumettons à tous nos amis, afin de recevoir leurs observations dès le début de ce plan d'exécution.
- Calcutta, 5 décembre. — Le roi de Birmanie, contrairement au conseil de ses ministres,a conclu un arrangement avec une Compagnie française pour la création d’une manufacture de fusils à Man-dalay.
- Combien ce brave roi des Birmans aurait mieux fait de doter ses sujets de la fabrication des bonnets de coton.
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- Le Bulletin de la Faix.
- Un de nos correspondants nons demande si notre bulletin sera restreint à la publication des manifestations des amis de la paix ralliés : ar nos précédents appels dans le journal le Devoir.
- Notre but est plus grand; nous voulons réunir dans cette publication tout ce qui se rattachera en France et à l’extérieur aux idées d’arbitrage international et de désarmement simultané des puissances ; nous ferons en sorte de donner à nos lecteurs les moindres détails des manifestations des amis de la paix ; et nous avons la volonté et la certitude de parvenir bientôt à saisir l’ensemble du mouvement arbitragiste.
- Donc nous enregistrerons tous les faits qui nous seront signalés. Les groupes constitués n’hésiteront pas,nous en sommes certain, à nous envoyer, par l’intermédiaire de leurs bureaux,les renseignements permettant à chacun de suivre les efforts de tous; nous ferons le nécessaire pour n’échapper aucune information ayant un caractère d’utilité.
- Nous accorderons une large place aux communications individuelles empreintes d’un sentiment véritable de la situation, mais sans nous laisser aller à une trop grande condescendance envers les sentimentalistes trop enclins à suivre les inspirations de l’idéal,au point d’oublier les conditions pratiques de la vulgarisation des idées dans un milieu dominé par l’empirisme ; nous adressons surtout un appel aux hommes d’action, aux observateurs capables d’analyser les faits et d’en tirer des enseignements pratiques : il s’agit moins d’agrandir la perspective des bienfaits théoriques de la paix que de prendre un à un les événements, grands ou petits, qui so t propres à perpétuer la guerre.
- Nous faisons appel aux citoyens assez énergiques pour ne se rebuter d’aucun échec, assez maîtres d’eux-mêmes pour prendre en pitié les sarcasmes, les humiliations et les sottes provocations, et suffisamment forts pour résister aux illusions des succès partiels.
- Les braves petits patriotes.
- Le Journal officiel a publié hier une liste de mentions honorables décernées à de petits héros.
- Nous reproduisons ci-°près cette liste:
- Lejeune Hébrard (Albin), âgé de quinze ans,demeurant à Sauve (Gard), a plongé plusieurs fois dans le Vidourle pour en retirer le corps d’un enfant qui venait de s’y noyer.
- Hamel (Bienaimé-Jean), âgé de dix ans,domicilié à Saint-Côme-du-Mont (Manche), a porté secours à trois de ses camarades sur le point de se noyer.
- Ledaulphin (Louis), âgé de douze ans, demeurant à Laigneville (Oise), a sauvé un enfant sur le point de se noyer dans la Brèche.
- Gillot (Edmond), âgé de treize ans, demeurant à Chemilly (Haute-Saône), a sauvé deux de ses camarades sur le point de se noyer.
- Bénard (Alphonse), âgé de douze ans, demeurant à Chevreuse (Seine-et-Oise), a accompli trois sa -vetages dans l’Yvette.
- Quoi de plus admirable que ces actes d’héroïsme de la part d’enfants dont l’aîné à quinze ans, dont le plus jeune a à peine dix ans ?
- Continuez enfants, à vous dévouer pour vos semblables ; bientôt les peuples comprendront que les véritables héros méritent de l’humanité par les vies qu’ils sauvent et non par celles qu’ils tranchent ; conservez la belle place que vous avez piise si jeunes. En vous vouant à la propagande de la paix vous deviendrez des sauveteurs encore plus méritants.
- DISCOURS
- Prononcé par M. J. Gaillard
- Devant
- la Chambre française, séance du 21 novembre 1884.
- Extrait du « Journal officiel >
- A l’occasion du vote récent des crédits du Tonkin,MM. Gail lard, Monteilhet, Girodet, Sigismond Lacroix, Lafont, La-guerre, Lesguillier, Beauquier, Lalande, Emile Brousse, Frédéric Passy, Charles Lefèvre, CantagreT, Desmons, Maurel, de Lacretelle, Daumas, Martin (Saône-et-Loire) déposèrent l’ordre du jour suivant :
- « La Chambre, convaincue que le conflit franco-chinois peut, à l’avantage comme à l’honneur des deux parties, être résolu par un jugement arbitral... (Exclamations) exprime la volonté que les difficultés pendantes entre les deux gouvernements soient soumises à la juridiction d’un tribunal d’arbitrage, et passe à l’ordre du jour. »
- Voici le discours de M. Gaillard à l’appui de sa proposition.
- M. Gaillard (Vaucluse). — J’étais inscrit pour prendre la parole dans la discussion générale, mais la clôture de cette discussion m’a empêché de remplir ce devoir à cet instant, ce que je considérais comme plus propice. Je suis donc réduit à soutenir, et je le ferai sommairement, les termes de l’ordre du jour dont la lecture vient de vous être donnée par M. le président.
- À deux reprises différentes, après le traité Bourée et après la convention de Tien-Tsin, le cabinet qui siège sur ces bancs a eu la possibilité de conclure la paix avec la Chine. Je ne reviendrai pas sur ces points, qui ont été discutés avec une très grande compétençe par divers orateurs ; je veux seulement adjurer le cabinet et la Chambre de ne pas laisser
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- échapper une occasion nouvelle qui se présente de conclure une paix honorable.
- Cette occasion se présente à nous au moins pour la seconde lois, peut-être pour la troisième fois. Tout le monde connaît les pourparlers de médiation qui se poursuivent, à l’heure où nous sommes, entre les chancelleries des deux gouvernements français et chinois, par l’intermédiaire du gouvernement anglais.
- Laissez-moi vous faire remarquer, et j’insiste sur ce point, que m’associant à ses vœux patriotiques, j’entends, ainsi que les dix-huit collègues qui ont bien voulu joindre leurs signatures à la mienne, que la paix à conclure sauvegarde à la fois l’honneur et l’intérêt de la France. (Très bien ! très bien! sur .divers bancs.)
- A ce point de vue, messieurs, nous avons le droit, nous qui sommes une nation puissante, nous dont la suprématie militaire, si nous regardons la Chine, ce peuple qui jusqu’ici n’avait pas été en contact avec le militarisme européen et qui n’avait pu par suite... (Interruptions au centre.)
- Messieurs, vos interruptions, pour être naturelles, tendent sans doute à me faire souvenir que c'e n’est pas la première fois que des conflits militaires éclatent entre la Chine et un peuple d’Europe, mais il convient de vous taire remarquer que ces conflits militaires n'avaient pas eu l’acuité que pourrait prendre le conflit actuel. (Bruit au centre.)
- M. le président. — Veuillez faire silence, messieurs
- M. Gaillard (Vaucluse). — Ces conflits n’avaient pas eu une acuité telle que la Chine dût se détourner de ses exclusives occunations agricoles, pour entrer dans le mouvement de militarisme qui caractérise très particulièrement notre monde européen.
- Notre suprématie nous confère un droit, et au besoin nous impose un devoir, celui d’entendre les appels de paix qui nous sont adressés par le peuple cninois.
- Ces appels à la paix, aux sentiments de magnanimité, ou tout au moins de justice de-la France, ont été poussés par la Chine à. diverses reprises, notamment le 10 septembre. (Aux voix ! aux voix 1}
- Ce que je vais vous lire n’est pas long : c’est une lettre qui a douze ou quinze lignes, je ne lirai que les cinq dernières lignes.
- a ... j’ai appris avec plaisir » — dit le signataire de cette lettre, que vous allez connaître, « j’ai appris que le meeting que vous avez présidé, a déploré le commencement des hostilités entre la France et la Chine.
- » L’idée qui a été émise au sujet de l’intervention des puissances européennes en vue d’une médiation ou d’un arbitrage, est à la fois vraie en principe et juste en pratique. s>
- Cette lettre, messieurs, est signée d’un diplomate chinois; elle porte le nom du marquis de Tséng, ambassadeur de Chine à Londres. La date est dix 10 septembre... (Bruit)... Oh ! je vois, messieurs, que plusieurs de mes collègues trouvent que je traite une question ind gne de l’Assemblée ; je vois l’un d’eux,qui est une autorité en politique, et dans cette Chambre et dans son groupe, porter à sa tête ses deux mains en signe de désolation ! (On rit.)
- Peut-on, après dix-huit mois de luttes, venir offrir la perspective à une Assemblée parlementaire^ un grand pays républicain, qui a des traditions de justice à suivre, peut-on venir > ui proposer non-seuiement en théorie, mais même en pra-
- tique, une solution qui, tout en donnant satisfaction à la dignité française, sauvegarde en même temps l’intérêt du pays ? Depuis, la Chine a affirmé ses dispositions Dacifiques.
- A la date du 17 août 1884... (Exclamations au centre. —-Bruit.)
- Oh ! je sais bien que le parti républicain est devenu belliqueux aujourd’hui, grâce aux inspirations d’un patriotisme que je respecte parce que je le crois sincère, mais qui me paraît s’égarer bien loin des voies de la justice républicaine. (Bruit croissant.)
- M. le président. — Monsieur Gaillard, continuez à présenter votre thèse.
- M. Gaillard (Vaucluse). — Monsieur le président, je présente ma thèse dans le tumulte, mais permettez-moi de dire que je le fais non pour la'Chambre, mais pour mon pays, pour la France, pour la dignité et rhonneur du parti rénubii cain. (Très bien ! très bien ! à l'extrême gauche.)
- J’ai lu dans les documents annexes qui figurent à la suite du Livre jaune que nous a communiqué le gouvernement une lettre du ministre plénipotentiaire delà Chine et des commissaires impériaux chinois, datée du i 7 août 1884.
- Je n’ai besoin que de vous en lire quelques lignes. « Pour ne pas repousser les désirs de la France, » désirs qui se traduisaient par un ultimatum que vous connaissez bien, messieurs, — « la Chine a invité avec instance les Etats-Unis à servir de médiateurs entre nous. »
- Au centre. — Aux voix! aux voix !
- M. le président. — Messieurs, vous abrégerez bien plus le débat par votre silence qu’en demandant la clôture. Vous n’ignorez pas qu’il m’est impossible de mettre la clôture aux voix quand un orateur est à la tribune. Le règlement s’y oppose.
- M. Gaillard. (Vaucluse). — Je continue ma citation.
- « C’était vouloir un accord à tout prix malgré les torts qui nous étaient faits. Mais on ne pouvait supposer que Votre Excellence maintiendrait obstinément son refus et empêcherait ainsi une pensée louable de la Chine d'être suivie d’effet. Nous le regrettons vivement. »
- Voilà dans quelles circonstances, et pour la seconde fois, la Chine faisait appel à la justice de la France.
- Des pourparlers de médiation et d’arbitrage ont été engagés. Le fait est reconnu, et je crois utile, à cet égard, de vous rappeler quelques lignes des annexes.
- Répondant à une question de M. Andrieux... (Assez! assez !)
- M.'Georges Périn. — Parlez! parlez!
- M. Gaillard (Vaucluse). — Je remercie mon collègue, M. Georges Périn. Le meilleur moyeji d’abréger ce débat est de faire silence et de ne pas m’obliger à répondre à des interruptions.
- Répondant à une question de M. Andrieux, M. le président du conseil disait, à propos de ces pourparlers de médiations : « Il y a eu, de la part des Etats-Unis, témoignage d’extrême bonne volonté. U y a eu même, sous forme officieuse et confidentielle, des offres d’arbitrage. Nous avons dû les repousser, parce qu’un arbitrage n’est pas la même chose qu’une médiation, et parce qu’après Rac-Lé, nous ne saurions admettre la discussion sur le fond de notre droit. »
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- J’ai deux observations à présenter au sujet de cette réponse de M. le président du conseil.
- Monsieur le président du conseil, vous dites que vous avez refusé les offres à vous faites par les Etats-Unis d’Amérique, parce que ces offres tendaient non pas à une médiation, mais à un arbitrage. Ne pensez-vous pas, monsieur le président du conseil, que, si vous mi aviez manifesté votre intention, le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique eût consenti à transformer en pourparlers tendant à une médiation simple ces pourparlers relatifs à un arbitrage? (Assez' assez !)
- La réponse à cette question s’impose à quiconque connaît la politique du gouvernemeet des Etats-Unis, les résolutions qui ont été adoptées par les deux Chambres de ce pays, résolutions aux termes desquelles le gouvernement américain et le peuple américain estiment qu’il y a lieu de résoudre pacifiquement et par voie de médiation ou d’arbitrage, les conflits internationaux. Je dis que si M. le président du conseil avait voulu véritablement... (Bruit, exclamations.)
- Si je parlais pour ceux qui m’interrompent, il y a longtemps que je ne serais plus à cette tribune, mais j’y reste parce que je parle pour le pays.
- Je déclare que si M. le président du conseil avaitbien voulu, à ce moment-là, mettre dans sa réponse au gouvernement des Etats-Unis une bonne volonté égale â celle qui caractérise les offres émanées de ce gouvernement, les pourparlers auraient continué, non pas en vue d’un arbitrage, mais en vue de la médiation.
- M. le president du conseil n’a pas jugé â propos, à ce moment, de conclure la paix et il s’est retranché derrière la fin de non-recevoir que nous révéle sa réponse à l’honorable M. Andrieux.
- Je passe à une autre observation... (Bruit continu.) Ah! je comprends que M. Martin-Feuillée, ministre de la justice, membre solidaire d’un cabinet dont j’accuse le chef, manifeste
- son étonnement et son impatience...
- M. te garde des sceaux. — Mais je n’ai rien dit !
- M. Gaillard (Vaucluse). —- ... lorsque l’orateur qui est à la tribune adresse un reproche au cabinet, mais je ne comprends pas que des membres de cette Chambre siégeant à gauche témoignent la même impatience.
- Si. le président. — Messieurs, je réclame de nouveau le silence.
- M. Gaillard (Vaucluse). — Je réponds à l’objection qui a été faite par M. le président du conseil dans la commission relativement à l’arbitrage.
- M. le président du conseil a refusé l’offre d’arbitrage parce qu’il estimait — ce sont ses propres paroles — c qu’aprés Bac-Lé nous ne pouvions admettre la discussion sur le fond de notre droit. » Il eût admis la médiation, mais il ne voulait pas d’un arbitrage.
- Je dis à M. le président du conseil que la médiation comporte la discussion du fond du droit, au moins autant et même plus que l’arbitrage.
- La puissance médiatrice, en effet, pour concilier deux prétentions rivales, est obligée forcément de demander des concessions à chacune des deux puissances en conflit, elle demande à chacune d’elles de renoncer à une partie de ses prétentions. La médiation comporte ainsi qnelquefois une sorte de marchandage.
- L’arbitrage, à ce point de vue, a un avantage marqué sur
- la médiation ; il ne comporte pas ces pourparlers destinés à obtenir des concessions mutuelles.
- Le tribunal arbitral rend une sentence immédiatement exécutoi' e et qui a force de loi.
- L’arbitrage a sur la médiation ce second avantage qu’il donne une solution certaine et assurée, tandis que la médiation n’est qu’un effjrt vers une solution, ce n’est souvent qu’une tentative infructueuse et stérile.
- L’arbitrage a ce troisième avantage de supprimer les compensations qui sont quelquefois réclamées par la puissance intermédiaire, par « l’honnête courtier. »
- Plusieurs de mes collègues ont exprimé la crainte qu’une médiation ne donnât lieu précisément à des sacrifices que la France aurait à consentir au profit de la puissance médiatrice. Certaines personnes peuvent susnecter la partialité du médiateur. Nous pouvons mettre un terme au conflit franco-chinois sans faire appel au jugement d’aucune puissance ; les deux peuples en conflit peuvent nommer à titre d’arbitre un ou plusieurs hommes d’Etat, un ou plusieurs jurisconsultes ou diplomates, ainsi que cela s’est fait à l’occasion du litige de l’Alabama ; on peut choisir entre autres personnalités, par exemple, le président de la république helvétique.
- M. le président du conseil a donc mal servi les intérêts de la France le jour où il a refusé un arbitrage. Et puisqu’à cette heure se produit la médiation anglaise, cette médiation doit être utilisée en vue de la constitution d’un tribunal arbitral. Si cette solution avait été adoptée quand elle fut présentée à la Chambre pour la première fois, le conflit franco-chinois serait vidé depuis un an.
- Plusieurs membres. — A demain ! à dematn !
- M. Gaillard (Vaucluse). — Si le Gouvernement français adoptait aujourd’hui encore cette solution, et si la Chambre, — et cela dépend d’elle, — voulait voter l’ordre du jour qu’elle connaît, qui tend à la constitution d’un tribunal arbitral, le Gouvernement et la Chambre auraient bien mérité du pays et de la République, car nous aurions alors évité de poursuivre, pendant des mois et peut-être pendant des années, une lutte qui n’a déjà que trop duré, puisqu’elle s’est pro ongée pendant dix-huit mois ; nous aurions donné satisfaction à l’intérêt français, car nous aurions l’honneur non pas seulement dans la force mais dans la justice !
- Extrait de l’ami des Travailleurs.— Plusieurs de nos sympathiques lecteurs nous ont demandé si l’auteur de la proposition d’arbitrage pour le règlement de l’affaire du Tonkin est M. Gaillard du Puy-de-Dôme. Nous avons le regret de les informer que l’auteur de cette excellente proposition est M. Gaillard, député de Vaucluse. Son homonyme du Puy-de-Dôme est un gaillard qui s’occupe surtout de ses propres intérêts et l’on nous assure qu'il peut faire un vaste pied de nez à ses électeurs devant lesquels il ne veut pas se représenter sachant qu’il serait battu soit par un de ses anciens concurrents, soit par un nouveau.
- Il a profité de sa situation, nous dit-on, pour s’assurer une bonne place bien payée, à la cour des comptes.
- Electeurs vous pouvez vous fouiller.
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- La Gloire et le Tabac.
- Lecteurs,
- Avez-vous une idée des formes infinies données à la pensée guerrière depuis les chants du divin Homère jusqu'aux pastiches des fringants Dereulède ?
- Concevez vous la somme d’efforts humains dépensés pour déifier la guerre ?
- Vous représentez vous les flots d’épithètes sonnantes, de périodes fulgurantes péniblement assemblées dans tes récits que poètes et historiens ont accumulés pour immortaliser les exploits et la renommée des héros batailleurs et tueurs d’hommes ?
- Pouvez-vous apprécier les méditations sans fin, les rêveries à peine interrompues, les éruptions intellectuelles des écrivains, des maîtres du pinceau, du ciseau, du burin, résolus à confier à la prose, à la poésie, à la toile, au marbre, à l’airain, les sentiments inspirés par le prestige de la gloire militaire ?
- N’est-ce pas, lecteurs, ces questions vous transportent dans un monde incommensurable, presque aussi profond que l’inconnu, où fourmillent les héros divinisés, les magnanimes, les bouillants, les courageux, les illustres, les braves, etc.
- Dans ce monde de l’épopée militaire, les chants d’Homère, les chefs d’œuvre de Rude sont à peine quelques points lumineux des produits de la fermentation de l’idée guerrière.
- Réduite à ses dimensions actuelles, la gloire militaire, dans ses plus nobles expressions, nous donne les sergents Hofî, le commandant Rivière.
- De temps en temps, les écrivains à la ligne, les poètes à la strophe, les artistes faisant l’actualité s’emparent de ces victimes de l’esprit militaire, pour empêcher le peuple par d’hypocrites manifestations de comprendre le néant de cette vieille morale qui pousse les hommes à l’entre-gorgement.
- Le sergent Hoff, conduit par le culte de l’honneur militaire, risqua sa vie en cinquante circonstances que n’auraient voulu affronter rucun des 40,000,000 de français qui auraient dû accourir à ses côtés, en 4870, à la défense du pays.
- Le commandant Rivière est tombé, comme tomberont chacun des 45,000 malheureux qui paieront de leur vie la conquête des mines du Tonkin. Les entrepreneurs de cette expédition ont éprouvé le besoin d'en faire un héros; les distributeurs de la gloire militaire ont atteint le but.
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- Notre culte est la religion de la vie.
- On refuse les honneurs et la gloire à nos grands citoyens. On se donne les apparences de tout prodiguer aux héros de la guerre.
- Opposons aux emphatiques fictions des théoriciens de la gloire militaire les petitesses de la réalité.
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- Ils ont donné au sergent Hoff une pension de 2,000 francs, la moitié du traitement du porte-queue de l’ar-
- chevêque de Paris ; ils lui ont pris toute sa liberté, ils l’ont condamné à garder l’Arc de triomphe. Chaque jour défilent devant lui,comme pour l’humilier,les magnifiques équipages des rastaquoéres, des horizontales, des financiers plus décorés que lui.
- Le sergent Hoff a mérité toutes les épithètes accordéés au dévouement militaire; lui, qui bravait les armées,on le réduit à garder des statues.
- On épuise pour le commandant Rivière les dithyrambes consacrés à la célébration de la gloire militaire.
- Sa veuve, sans fortune, n’avait pu obtenir encore, il y a quelques jours, un bureau de tabac.
- * *
- Politiciens, déclamez à la tribune des paroles émues à l’occasion de la mort d’un soldat; vous encaissez en toute sécurité des différences de Bourse.
- Poètes, chantez les grandeurs des héros. Vous trouverez un éditeur, vous arriverez à gagner 25,000 francs par an sans rien abdiquer de votre liberté.
- Artistes, vos statues inspirées de la bonne actualité,de celle qui a cours dans les régions officielles, vous procureront vie facile, considération et indépendance.
- Veuves des héros, après mille démarches écœurantes, vous obtiendrez, peut-être, l’immense faveur de trôner, 14 heures chaque jour,devant un comptoir où vous devrez sourire aux pschutteux idiots, où vous distribuerez sans impatience au chiqueur maussade, au priseur à la trogne rouge, les ingrédients les plus bizarres.
- Voilà ce que nous avons le droit et le devoir de vous dire, sectaires qui proclamez la guerre une nécessité sociale.
- De quel droit une société à vendre aurait-elle l’honneur militaire pour rien ?
- Payez, et payez grandement cet honneur militaire, mais habituez-vous à le ménager, jusqu’à ce que vous soyez devenus capables d’épargner à l’humanité les immenses sacrifices qu’il commande.
- Les suicides dans l’armée
- Comme en Allemagne, les suicides causés en France par l’horreur qu’inspire le métier militaire suivent une progression fortement ascendante. Dans une garnison du midi, dans un espace de quinze mois, six militaires du 58e de ligne ont recouru à leur fusil d’ordonnance pour en finir avec la vie.
- L’autre jour, c’était le caporal de Mari (Louis), engagé volontaire de Luri (Corse), qui, peu satisfait, dit-on, de son examen pour le grade de sergent, se débarrassait de l’existence en se faisant sauter la cervelle.
- Aujourd’hui, c’est encore un compatriote de ce dernier, Casanova, dit Piuvanno, natif de Corte, soldat à la 2e compagnie du dépôt, qui vient de mettre fin à ses jours. Ce malheureux avait commis une de ces peccadiles involontaires qui sont communes, hélas ! à plus d’un jeune soldat. Dénoncé par un de ses camarades, il s’était vu infliger par son caporal de chambrée deux jours de consigne.
- Casanova furieux, se répandit d’abord en menaces contre son dénonciateur, auquel il aurait dit : « Tu ne retourneras
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- plus chez toi ! » Il est probable cependant que, dans l’exaspération de sa colère, il changea subitement de résolution, car étant monté dans sa chambre, il arma son fusil, en plaça le canon sous le menton et pressa la détente avec le pouce de son pied droit.
- Une partie du crâne s’éparpilla en lambeaux, et, détail horrible, traversant la fenêtre, alla retomber jusque dans la cour du quartier.
- Cet événement dramatique, continuant une série déplorable, n’a pas laissé que d’impressionner fortement ceux qui en ont été témoins.
- NOUVELLES DEJLA PROPAGANDE
- Suivons nos amis à l’œuvre et puisons dans les exemples que nous donnent les plus vaillants la volonté d’apporter à la cause tous les efforts dont nous sommes capables.
- A Villers-Bretonneux, (Somme), le 27 novembre, plus de 1.500 manifestants s’étaient rendus au cimetière pour célébrer l’anniversaire du combat de l’année terrible. Rien n’avait manqué à la cérémonie, défilés de sociétés avec bruits de fanfares et de clairons, discours où l’on sentait une haine, sourde et bornée, enfantée par l’espoir d’une revanche impie.
- Après le discours de M. Dieu, député de la Somme, un de nos lecteurs, M. Numa Hennequez, prit courageusement la parole au nom du vrai patriotisme, de celui qui veut et qui fera l’union des peuples.
- Voici les bonnes paroles de M. Hennequez. c< Citoyens,
- »Nous remplissons un devoir qui est saint; carie poète a dit:
- » Tous ceux qui fièrement sont morts pour la Patrie,
- » Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie !—
- » Sur cet ossuaire nous venons prier et méditer.
- » La prière est de l’extase ; la méditation est un enseignement : méditons !
- » Tout le passé est là.
- » Des cadavres gisent au fond de la fosse.
- »/(les squelettes ont été des hommes, jeunes, robustes! f La guerre infâme les a couchés, côte à côte, dans le lif des morts!... Et nous saluons leur ombre ; car l’oubli rendrait la terre plus lourde et profanerait le temple de l’héroïsme !
- » A côté d’ici, çà et là, — épars et perdus, — sont des tertres que l’on maudit !
- * La mauvaise herbe y pousse comme une semence des malédictions.
- » Je veux parler des tombes prussiennes.
- » Pourquoi leur adresser tant de haine?
- » Il n’y a pas de promiscuité à rapprocher ces deux mausolées ; moi, je respecte tous les morts ; leur mémoire m’est également sacrée.
- » Je sais des cimetières allemands où des mères versent les mêmes larmes que celles qui ont arrosé ce tombeau.
- » L’humanité possède les mêmes douleurs.
- » D’autres nous rendent notre aversion dont ils héritent de la même cause. Napoléon Ier n’a pas été un moins grand tueur que Guillaume. Iéna a comme antipode Sedan !
- » Mais l’enseignement est là. Merci, ô tombes !
- » Les peuples ne doivent plus se haïr puisqu’ils souffrent les mêmes maux et ont les mêmes besoins. On s’est assez tué pour le compte des bourreaux couronnés.
- » Au souffle de la liberté, qu’on se tende fraternellement les mains sans souci des frontières qui disparaîtront ; car la terre est à l’humanité et non aux rois ni aux races.
- » Le tour est à la revanche du travail ! le tour est à une revanche d’Amour!
- » Arrière la revanche diabolique du sang! Arriére les batailles, les canons, les monstres !
- » Car si c’était la guerre, ce serait encore des cadavres, du sang, des tombes.
- b Le droit qu’a tout être à la vie s’y oppose.
- b Les leçons sanglantes doivent nous profiter. Le passé est la leçon ; ce n’est qu’une hécatombe ! Il ne faut pas se griser d’orgueil ; car toute victoire amène une défaite et l’empire des Césars finit toujours par s’en aller en poussière ! Toujours Austerlitz a eu son Waterloo.
- b Les flancs de ce grand sacrifié, — le peuple,— ont assez saigné !
- » Place à l’amour ; nous avons assez pleuré !
- b Salut ! ô martyrs ! soyez les derniers ! b
- D’après la lettre qui accompagne le discours de M. Numa Hennequez, ces paroles ont fait une profonde impression et détruit l’influence néfaste des discours belliqueux.
- Tous les journaux, qui ont publié le récit de la manifestation de Villers-Bretonneux, ont fait le silence sur cet incident. Il nous appartient de relever ce fait et de réclamer de la part de nos confrères plus d’impartialité.
- Le journaliste, qui passe sous silence un acte aussi significatif, manque à son devoir professionnel qui lui commande de ne rien cacher de ce qu’il blâme ou de ce qu’il approuve. Nous trouvons correct le langage de M. Hennequez, nous croirions indigne de notre situation de taire les motifs de notre approbation. Gomment, ceux qui le trouvent blâmable, seraient-ils excusables de ne pas le critiquer hautement ?
- Ceux qui affichent un patriotisme belliqueux nous donneraient le droit de douter de la sincérité de leurs convictions, s’ils n’osaient combattre ouvertement ceux qui pensent comme nous.
- * *
- Dans le Puy-de-Dôme, M. Pardoux se propose d’organiser des conférences ; il a déjà développé le programme des amis de la paix dans une première réunion à Clermont-Ferrand, dont le journal le Clermontois, Y Ami des travailleurs, a publié le compte-rendu ; les lignes suivantes sont empruntées à notre vaillant confrère :
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- « Le but que se proposent les fondateurs de la Ligne de la Paix est de créer un courant d’opinion capable de faire contre-poids à la sauvage maxime formulée pai Bismarck, lorsqu’il a dit que la force prime le droit, maxime que les bons citoyens de tous pays doivent s’ellorcer de remplacer partout et en toutes relations par cette autre sans laquelle il n’y aurait pas de société possible et qui se trouve à la base de toutes les religions et de toutes les législation : Faites aux autres ce que vous voudriez qu’on vous fît, ne leur faites pas ce que vous ne voulez pas qui vous soit fait. Etendre notamment l’application de ce principe fondamental de toute morale aux relations internationales, afin de rendre possible dans le plus bref délai la diminution des charges écrasantes que la paix armée aussi bien que la guerre déclarée font peser sur les masses travailleuses.
- » Pour être membre de la Ligue de la Paix, il suffit de déclarer, une fois pour toutes et par écrit, que l’on adhère au principe de l’arbitrage substitué à la guerre pour le règlement des difficultés internationales. Les noms et adresses des adhérents sont publiés dans les journaux qni consentent à faire cette insertion gratis, et spécialement dans Le Devoir, (revue hebdomadaire des questions sociales) qui se publie à Guise (Aisne) sous le patronage de M. Godin, riche industriel fils de ses œuvres et l’un des philanthropes les plus éminents de notre siècle.Cette publication a pour objet, d’abord de permettre aux adhérents de se compter et de nouer des relations, et ensuite de notifier en quelque sorte par anticipation aux futurs candidats à toute fonction élective, sans les froisser puisqu’ils sont encore inconnus, mais de façon à ce qu'ils n’en ignorent, que les adhérents sont décidés, quelles que soient d’ailleurs leurs préférences sous d’autres points de vue, à refuser désormais leurs voix à tout candidat qui ne prendrait pas l’engagement formel de travailler de tout son pouvoir et en toutes circonstances à faire passer le principe de l’arbitrage de la théorie dans la pratique.
- » Quant aux moyens d’action, chacun fait ce qu’il peut, dans l’exacte mesure de sa conviction, de son énergie et de ses ressources, toutes choses dont il reste seul juge, l’essentiel étant de ne jamais perdre de vue le but et de ne rien faire de contraire à sa réalisation. Le comité d’initiative, composé d’éléments variables suivant les circonstances et toujours renouvelable, se borne de son côté habituellement à procurer, voire même à faire simplement connaître aux adhérents les journaux, brochures et manifestes les plus propres à les édifier et à leur faciliter le recrutement de nouveaux adhérents. Les remises de librairie consenties par les éditeurs, et les petites collectes faites à chaque réunion doivent suffire à couvrir les frais généraux d’administration, étant admis que les fonctions sont gratuites. C’est seulement dans des circonstances exceptionnelles qu’on ouvre des souscriptions ayant un objet déterminé et que l’on nomme
- une commission spéciale ayant mission d’en assurer le bon emploi. Mais dans ces circonstances mêmes chacun reste toujours libre de ne donner que ce qu’il veut bien donner, attendu, dit M. Pardoux, que c’est tourner dans un cercle vicieux que de demander à quelqu’un des sacrifices, au nom de n’importe quel principe et en exécution d’un réglement parfois approuvé à la légère, avant de l’avoir instruit suffisamment pour qu’il offre spontanément son concours et se trouve heureux de le voir accepter.
- * *
- M. Addi, de Lons-le-Saulnier, en nous adressant les adhésions recueillies dans cette ville, nous informe que nos amis de Châlons se préparent à entrer dans le mouvement, sachant bien qu’il entreprennent une œuvre laborieuse et demandant beaucoup de persévérance.
- *
- * ♦
- En Allemagne, le militarisme n’est pas du goût de tout le monde. Il est surtout combattu par les socialistes qui ont une grande influencé sur l’esprit des classes laborieuses.
- On dit que les paroles prononcées par Reinsdorf devant les juges de Leipzig ont fait une impression profonde dans toute l’Allemagne. « Depuis la guerre de 1870, s’est écrié Reinsdorf, devant la cour suprême, on dit que l’Allemagne est heureuse. Cela n’est pas vrai. Les ouvriers en Allemagne habitent de misérables huttes. Ils sont les véritables producteurs de l’industrie, et souffrent toutes les privations. »
- Le Petit Parisien, auquel nous empruntons ces quelques lignes les fait suivre de ces réflexions : « Ce qui prouve que Reinsdorf a raison, c’est cet immense mouvement d’émigration qui enlève chaque annee à l’Allemagne plus de cent mille habitants.
- » Les illusions militaires cessent dans la patrie de M. de Bismarck ; le peuple commence à savoir ce que lui coûtent les lauriers de la gloire.
- s Après s’être grisée à la fumée sauglante des batailles, la nation s’aperçoit que la victoire continue à rendre son sort plus pénible.
- » En 1871, M de Bismarck, discutant avec un trembleur français qui lui parlait de « l’hydre de l’anarchie, » répondait avec ironie : « Laissez-moi donc tranquille, avec votre s hydre, je n’en ai pas, moi ! »
- » Eh bien ! elle lui est née, et elle grandira, pour prouver au monde que le dernier mot appartient à la Justice, elnon à la force brutale. »
- En plein parlement, à la stupéfaction de Bismarck, Bébel a demandé la réduction du service militaire et la suppression du volontariat d’un an ; il s’est également étonné que le chancelier ne convoquât pas un congrès générai de la paix, puisque le discours du trône a affirmé l’entente pacifique des trois empereurs.
- L'assertion de Bebel, qu’il y a quatorze fois plus de sui-
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- cides dans l’armée que dans’ la population civile, toutes choses égales d’ailleurs, a causé une profonde sensation au Reichstag et parmi le public.
- Le ministre de la guerre, le général Bronsart de Schellen-dorf a contesté,il est vrai,l’exactitude du fait en question,mais le public a plus de propension à accepter l’allégation de Bebel, laquelle est basée, du reste, sur des statistiques officielles parfaitement authentiques.
- On peut juger de l’effet de ces appels au bon sens populaire par les inquiétudes que trahissent les mesures prises par l’autorité militaire prussienne.
- On signale, en effet, que l’on vient d’avoir la preuve à Berlin que des comités secrets existaient dans toute l’Allemagne et s’organisaient en vue d’un mouvement populaire.
- Un ordre du jour du gouverneur de Mayence appelle l’attention des officiers de la garnison sur la disparition de plus en plus fréquente des cartouches confiées aux soldats et demande que les peines édictées pour ce fait soient désormais appliquées avec la plus grande sévérité : on craint que les cartouches disparues n’aient été données à des socialistes par les soldats, et on a lieu d’admettre que le même fait a eu lieu dansM’autres villes de garnisons allemandes que Mayence.
- Le parti révolutionnaire s’est développé en Allemagne, sous la pression brutale du Césarisme, et il a pris la direction du mouvement socialiste dans plusieurs centres ouvriers, recrutant au milieu de ces populations froides, calmes, tenaces des partisans fanatiques.
- Un grand nombre de révolutionnaires allemands, les uns réfractaires au service militaire, les autres compromis, se sont réfugiés aux Etats-Unis, d’où ils envoient à leurs amis de Leipzig, de Berlin, de Dresde, de Munich, etc., des fonds de secours.
- La police de M. de Bismarck n’a pas encore réussi à entraver cette propagande particulièrement redoutable en Allemagne, berceau et patrie des Sociétés secrètes.
- L’armée elle-même, quoique surveillée étroitement et sévèrement disciplinée, est envahie par l’esprit révolutionnaire. Depuis quelques jours, des perquisitions ont lieu dans toutes les casernes. Des soldats, des cous-officiers suspects sont emprisonnés, comme si le gouvernement allemand redoutait un complot militaire.
- Situation grave que la presse dévouée à M. de Bismarck ne peut plus dissimuler !
- L’ordre du jour du gouverneur de Mayence défend en outre aux soldats, sous peine des plus sévères punitions, la fréquentation des cabarets où vont d’ordinaire les socialisas. Ces cabarets ou brasseries sont au nombre de dix-huit.
- Ce n’est pas seulement à Mayence que des perquisitions ont été faites dans les casernes, mais aussi à Berlin, à Gne-sen, à Postdam, Wiesbaden, Posen, Wuttemberg, Nuremberg, Dresde, Munich, Leipzig, Breslau, Francfort, etc. Elles ont eu lieu partout à la fois, à l’heure de l’appel. Les
- soldats étaient tous réunis dans les cours ; on les a fait monter par piquets dans les chambres, et les effets de chacun ont été visités de la façon la plus minutieuse par des groupes d’officiers. Les lettres privées des soldats ont été saisies pour être examinées. Des perquisitions ont été également faites au domicile des militaires gradés et mariés, demeurant en dehors des casernes.
- Toutes ces précautions ne sont pas suggérées par de chimériques appréhensions ; il suffit, pour s’en convaincre, de lire les journaux allemands conservateurs.
- La Germania, de Berlin, qu’on ne saurait accuser d’être un organe révolutionnaire, vient de publier un article sur la-situation de l’empire allemand qu’ellejuge très mauvaise.
- Elle rappelle ensuite les succès électoraux des socialistes, les perquisitions faites dans i’armée, le procès de Leipzig, et trouve que l’Etat commence à être pourri.
- Voilà dans quelle situation le militarisme a conduit l’Allemagne. Nous ne disons pas aux amis de la paix de s’en réjouir outre mesure. Nous donnerons prochainement d’autres nouvelles qui nous permettront de savoir quelle attitude ces faits commandent aux amis de la paix.
- *
- * *
- Les conscrits d’Alsace-Lorraine ont toujours une égale répugnance pour le casque prussien.
- On écrit de Sarreguemînes :
- 98 jeunes gens, originaires de l’arrondissement de Sarre-guemines, sont cités à comparaître, le vendredi 23 janvier 1885, devant la chambre correctionnelle de Landgericht de Sarreguemines, sous l’inculpation de s’être soustraits par l’émigration à l’obligation du service militaire.
- Par jugement du tribunal en date du 31 octobre 1884, les biens des réfractaires ont été mis sous séquestre pour couvrir les amendes et frais de justice.
- if
- * *
- En Angleterre, le pays des hommes pratiques, les amis de la paix forment deux groupes principaux, l’un ayant pour organe Y Arbitrator, l’autre Y Arbit ration international journal. U est question de fusionner les deux organisations dans le but de donner plus d’unité à la propagande. Les deux sociétés anglaises disposent de ressources considérables ; il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir les listes de souscriptions que publient chaque mois Y Arbitrator et YAr-bitration journal. Les anglais savent de quel poids pèse l’argent en toutes affaires humaines dans nos sociétés ; aussi, les membres fortunés de la Ligue de la paix s’empressent de souscrire généreusement. Voici les deux listes de souscripteurs contenues dans les deux numéros des journaux de la paix du mois dernier.
- L’arbitrator a reçu 5.316 fr. 10, versés par les souscripteurs dont les noms suivent :
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- LE DEVOIR
- MM. J Lloyd.......................... 2.500f »
- John Horniman...................... 500 »
- W.-J. Palmer....................... 500 »
- S. Smith, membre du Parlement . 125 »
- E. Gripper......................... 80 »
- W. Squire........................... 80 »
- W. Gallimore........................ 75 »
- J. Corbett, membre du Parlement. 52 50
- J. Bayly............................ 50 »
- Algernon Peckover................... 50 »
- F. Weeler.......................... 50 »
- T. Pagliardini..................... 26 25
- Andrew. Dunn........................ 25 »
- J. Southall......................... 25 »
- M.-M. Binyon........................ 25 »
- J. Backhouse........................ 25 »
- J. Benham........................... 25 »
- W. Bond............................. 25 »
- A. Ransome.......................... 25 »
- R. Barrington. . . ... 25 »
- H. Burlingham....................... 25 »
- H.-C.Allen, membre du Parlement. 25 »
- J.-S. Rowntrce...................... 25 »
- Mtrs S. Rowntree.................... 25 »
- Joseph Rowntree..................... 25 »
- J.-W. Backhouse..................... 25 »
- H.-E. Gurney........................ 25 »
- Nathaniel Chappe.................... 18 75
- W.-C. Collins....................... 12 50
- Mis P.-H. Peckover.................. 12 50
- J. Leroux........................... 12 50
- Chas. Gillett....................... 12 50
- W. Rowntree......................... 12 50
- Richard Crossley.................... 12 50
- R. Binns............................ 12 50
- E. Crossland........................ 8 10
- D. Thompson.......................... 7 50
- G. Rough............................ 6 25
- J. Eldridge .... . . 4 35
- J.-J.Gillies......................... 3 20
- R. Marcks,........................... 3 10
- C. Waller............................ 3 10
- T. Carr.............................. 3 10
- F. Schirley......................... 1 85
- C.-W. Smith.......................... 1 55
- 5.316 10
- La somme recueillie par l’Arbitration international journal est de 2.500 fr.; elle provient de 110 souscripteurs.
- Dans la dernière réunion, à Londres, de l’association internationale de l’arbitrage et de la paix, M. Wilfrid Blunt a prononcé un discours dans lequel il a expliqué comment, avec un sauf-conduit il se rendra au Soudan, et se mettra en communication avec le Mahdi, pour négocier avec lui la mise en liberté de Gordon, et pour obtenir un arrangement pacifique du conflit du Soudan.
- Les explications dê M. Blunt ont été accueillies avec en-
- thousiasme,- et une résolution invitant le gouvernement à confier une mission à M. Blunt a été votée à l’unanimité.
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- Les Américains ne déploient pas moins d’initiative que les peuples de notre continent. Les Etats-Unis d'Europe nous donnent à ce sujet d’intéressants renseignements.
- « La propagande en faveur de la paix et de l’arbitragene se ralentit pas en Amérique II y a quelques jours la Peace Society du Delaware a tenu dans la ville de Wilmington, sous la présidence de M. Alen. Gawhorp, un grand meeting auquel ont pris part les personnes les plus éminentes de la ville. De nombreux délégués du Connecticut, de l’Indiana, de la Pensylvanie ont pris la parole. On a distribué un grand nombre de traités et de brochures venus de France, d’Angleterre et de Suisse. »
- Le même journal publie les impressions récemment exprimées par M. de Lesseps à l’occasion du mouvement pacifique dans l’Amérique du sud, à un banquet donné à Paris par la société latino-américaine pour célébrer l’anniversaire de la découverte de l’Amérique.
- « Vous avez prononcé de très-belles paroles sur l’union des peuples, sur la liberté et sur l’exemple qu’a donné la nation française... Aujourd’hui il vous appartient de faire, de l’autre côté de l’Océan, ce que tous les autres peuples on fait pour leur coexistence. Vous avez un grand nombre d’Etats qui se sont rendu indépendants, qui ont eu beaucoup de courage pour s’émanciper, mais qui se livrent de temps en temps à des guerres intestines et je dirai fratricides. En même temps que nous buvons à la découverte de l’Amérique, nous devons boire aussi à la santé de Bolivar (Applaudissements.) car c’est Bolivar qui a eu le premier l’idée de constituer à Panama un congrès d’arbitrage ou de conciliation dans lequel siégeraient les représentants de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud, en conservant à chaque Etat son autonomie et son indépendance. ' '
- « L’année 1888, époque de l’inauguration du canal interocéanique, devrait être aussi la date de l’inauguration de ce congrès. Vous etes ici les représentants des différents Etats de l’Amérique latine ; à vous la tâche de préparer la réalisation de cet événement remarquable qui garantirait la paix et la prospérité du nouveau continent. (Applaudissements vifs et prolongés.)
- ¥ ¥
- Ne ressort-il pas des documents précédents que la question de l’arbitrage international est d’actualité universelle ?
- La France ne peut s’abstenir plus longtemps. Il lui appartient de reprendre sa prépondérance progressiste, en se plaçant résolument du premier coup à la tête du mouvement en faveur de l’arbitrage et du désarmement européen. Cela est possible et facile, si les hommes, déjà acquis à la cause, veulent se résigner aux obligations d’une vie militante.
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- Mouvement arbitrante
- Le nombre des adhésions a augmenté de 518 nouveaux signataires, pendant le mois de décembre ; ce qui porte à 1.989 le total des adhésions recueillies par nos correspondants. Voici la nouvelle situation des départements dans lesquels ont été recueillies ces adhésions.
- Algérie. — Alger 11. — Bonnifay 1. — Bouzareah 1.— Djijelli 3. — Guelma 9. — Mustapba 1. — Oran 14.— Sétif 1.
- Aisne. — Guise 68. — Besmont2. — Hannapes 2. — Lucy, par Ribemont 1. — Noyai 1.— Petit-Verly 1. — Rozoy-sur-Serre 1.— Vadencourt 1. — Vallée-aux-Bleds 1. Bouches-du-Rhône. — Gréasque 1. — Marseille 4. Corse. — Avapessa 3. — Colenzana 9. — Carbara 38
- — Gassano 4.— Catteri 4. — Ile-Rousse 131. - Lunghi-' gnano 9. — Monteneggiore 8. — Monticello 8. — Muro 6.
- — Speloncato 8. — Zilia, par Cabuzana 4.
- Côte-d’Or. — Dijon 9. — Demur 1.
- Doubs. — Besançon 3. — Beure 59.
- Jura. — Arbois 71. — Lons-le-Saulnier. — Morez 315. Loire. — Saint-Etienne 1.
- Puy-de-Dôme. — Beaumont 2. — Ceyrat 1. — Cha-malières 6.— Clermont-Ferrand 163.— Martres-de-Veyre 4.
- — Monferrand 3. — Mezel 1. — La Roche-Blanche 1. — Montaigut-le-Blanc 1.— Rouraynat 4. — Vic-le-Gomte 1
- Le nombre des départements a été augmenté d’un, la Loire ; celui des communes, de 25. Ge qui nous donne un ensemble de 182 communes de 47 départements, dans lesquels la propagande des amis de la paix a un commencement d’action.
- À PROPOS DU CONGO
- Dans le Devoir Idu 30 novembre, à la lin d’un article « La Colonisation et le traité de Berlin, » nous avionsintroduitquelquesréflexions suggérées par la crainte d’avoir dépassé les limites permises par les gens pratiques ; nous disions : « Voilà, à n’en pas douter, un jet d’idées peu conformes à celles ayant généralement cours. Ces excursions vers l’inconnu ne surprendront pas nos lecteurs habituels. Ils partagent notre passion de voir les pouvoirs publics procéder méthodiquement dans l’exercice de leurs fonctions, etc. »
- Les conclusions de l’article que nous rappelions étaient les suivantes :
- « Nous voudrions voir le Congrès déclarer que les affaires du Congo soulèvent la question de la colonisation de l’Afrique ; que ce continent est la propriété de l’Europe; que désormais aucune puissance ne peut y tenter de nouvelles fondations
- sans l’assentiment du Concert européen ;.... Que
- le Concert européen conserve le droit de réviser le pacte de fondation et de trouver les termes û une grande fédération africaine devant englober
- l’Afrique entière, à mesure qu’elle s’ouvrira à la civilisation sous l’influence active des puissances. »
- * +
- Nos précautions oratoires étaient superflues, nous en avons maintenant la preuve ; et, s’il restait encore quelque chose de la surprise qu’ont pu causer nos visées, nous prévenons le lecteur que nous avons de nombreux complices, et nous lui dénonçons quelques autres coupables des mêmes audaces.
- En premier lieu, nous livrons aux natures timorées, effrayées des aspirations des novateurs, M. Ch. Lemonnier, notre excellent confrère, directeur du journal les Etats-Unis d’Europe, dont la manière d’envisager l’avenir ne diffère guère de la nôtre. Voici les pièces de conviction, tirées du numéro du 15 décembre des Etats-Unis d’Europe. M. Ch. Lemonnier, envisageant comment on pourrait résoudre pacifiquement les conflits africains, s’exprime ainsi :
- « Mais quel moyen auront-elles de terminer les conflits qui pourront s’élever entre elles dans l’intérieur ou à l’occasion de ces territoires ?
- » Un seul, mais d’une efficacité souveraine :
- l’ARBITRAGE.
- » Oui, la neutralisation implique l’Arbitrage et la déclaration de neutralité comporte l’institution d’une Cour internationale spéciale, aux arrêts de laquelle tous les signataires de la Déclaration seront tenus d’obéir.
- » Sous quelle sanction ?
- » Sous la sanction morale de leur honneur; sous la sanction matérielle de la Force publique internationale spéciale instituée et entretenue par les Puissances unies. N’est-ce pas ce qu’on demande depuis trente ans en Europe et en Amérique ?
- » Quant à la nécessité de se défendre contre les attaques des barbares et des sauvages, la neutralisation n’interdit pas la défense, elle la justifie au contraire. Jamais le Neutre ne doit être agressif, mais pourquoi nese défendrait-il point? La défense au besoin serait faite non point seulement par le peuple attaqué tout seul, mais par toute l’Union.
- » Et cette Force publique internationale qui la fera mouvoir ? Qui en aura le commandement? Une Commission exécutive permanente relevant de l’Union des Puissances. Qu’y a-t-il là d’impossible? Cette Union n’est-elle point constituée par la Conférence elle-même? Ne la voyons-nous pas à l’œuvre? Pour qu’il lui soit désormais impossible de ne point s’assembler de nouveau de temps à autre tous les ans, plus souvent peut-être, qu’elle ne s’effraie point de son audace, qu’elle ne recule point devant son œuvre; elle crée en ce moment une communauté d’intérêts assez nombreux et assez compliqués pour que leur bonne gestion réclame une direction.
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- » Quelque imprévue peut-être que soit cette perspective : l’arbitrage, la paix, la liberté, établis sur le quart d’un continent, elle est trop belle et répond trop bien aux vœux des peuples, à leurs aspirations, a leurs besoins, pour que la Conférence recule les conséquences de son œuvre, et espérons que ses membres ne perdront point l’occasion de réaliser l’un des plus grands progrès qu’ait encore faits le monde civilisé. »
- La complicité de M. Lemonnier n’est pas un fait nouveau ; elle est en outre toute spontanée, donc sa responsabilité ne saurait être moindre que la nôtre.
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- Nous avons encore d’autres complices; et, pour nous maintenir dans la voie des aveux sincères, nous devons dire que nous avons fait le possible pour provoquer leur participation au crimedelèse-routine. Des le début de la conférence de Berlin, nous nous sommes procuré la satisfaction de communiquer directement aux grands diplomates rayonnant autour de M, de Bismarck le fond de notre pensée, en envoyant à chacun d’eux une collection de nos articles sur la colonisation et l’Afrique. C’est une manie que nous avons de servir gratuitement notre journal aux ministres, aux diplomates, aux sénateurs, aux députés, aux conseillers municipaux de Paris, voire aux conseillers de Guise, lorsque nous éprouvons le besoin d’interpeller les uns ou les autres ou de leur donner une opinion, dont ils se passeraient souvent.
- Nous n’avons pas la prétention d’avoir influencé es éminents conférenciers; nous nous félicitons seulement d’avoir été en concordance de vues avec quelques-uns, notamment avec les délégués des Etats-Unis et de l’Italie.
- 11 a été question à Berlin, au Congrès où l’on ne compte presque que des délégués degouvernements monarchiques, d’étendre à plusieurs autres parties de l’Afrique les règlements internationaux adoptés pour le Congo, môme de prévoir à quelles conditions évoluerait à l’avenir la colonisation des parties inoccuppées de l’Afrique.
- La proposition a été repoussée ; cela n’a rien qui nous étonne; tous les progrès commencent ainsi ; et s’ils ne recevaient pas plusieurs fois ce baptême où le parrain s’appelle monarchie, et la marraine réaction, il faudrait les considérer comme impropres à améliorer l’état social des peuples.
- Mais chose plus étonnanie, plus douloureuse pour quiconque sent encore le souffle de 89, il faut constater que l'adversaire le plus acharné de ces propositions humanitaires a été le représentant de la France. M. de Courcel a déclaré qu’il était en cela l’interprète des instructions du gouvernement.
- Tous les sages citoyens éprouveront une honte véritable, lorsqu’ils sauront que le promoteur de cette question, le représentant des Etats-Unis, auquel s’était rallié le délégué de la monarchie ita-
- j benne, a vu échouer sa proposition, sous la coali-j tion réactionnaire conduite et excitée par le ci-1 devant auquel un gouvernement coupable avait confié une mission anti-sociale.
- Nous enregistrons ces défaillances, espérant qu’il se trouvera au sein du parlement quelques hommes assez républicains pour en demander compte au gouvernement ; et, si leur petit nombre les contraint à s’abstenir à la Chambre, nous les adjurons de se mettre à l’œuvre pour préparer le peuple à leur envoyer des collègues capables de résister aux inspirations de la routine.
- Le représentant italien a proposé à la conférence de Berlin d’interdire la traite des nègres, non-seulement sur mer, ainsi que l’a fait le congrès de Vienne en 1815, mais encore à- l’intérieur des terres ; il a demandé en outre que cette interdiction s'appliquât au monde entier.
- Plusieurs plénipotentiaires ont déclaré que, tout en désirant que l’on pût donner suite à cette pensée humanitaire, ils croyaient que la mesure réciaméé était, dans son application, pleine de difficultés.
- On ne dit pas que M. de Courcel ait appuyé la proposition du gouvernement italien.
- Souscription en faveur de la propagande
- Ponteil à Toulon.......................lf »»
- Prud’homme au Sel de Bretagne . . 1 » «
- Garric à Béziers ..................1 »»
- John Bevan à St-Pierre.................2 »»
- Aoust à Vinon................... 1 »»
- Augarde d°.........................1 »»
- Pognon Reymond.........................2 15
- baux à Salle d’Aude................» 50
- M‘iles Nodot................. 1 »)>
- M. Travaux.........................1 »»
- » Travaux..........................1 »»
- M. Uelannouie à Bardonnèche (Italie). 5 »»
- Garry à Besancon, Excédant d’une commande de librairie.................» 50
- Total 18 15
- L’administration du journal envoie gratuitement les bulletins d’adhésion à la propagande en faveur de l’arbitrage international et du désarmement européen.
- Le defaut de place nous empêche d’insérer la communication envoyée par M. Ambroggi; nous la publierons dans notre prochain bulletin
- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen
- Corse. — Montemaggiore. — Casanova, Jean-André, propriétaire. —Giovanetti, Jean François, proprié -taire. — Filippi, Antoine-Laurent, cultivateur. — Giudi-celli, Antoine-Marie, forgeron. — Biancarelli, Jean, cul-
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- tivateur. — Biancarelli, Jean, étudiant.— Sinibaldi, Jean-Baptiste, apprenti mécanicien. — Casanova, Marie.
- Colenzana. — Polacci, instituteur. — Calevzana, instituteur-adjoint. — Marini, Pierre-Marie. — Grisoni, Jean, laboureur.—Grisoni, Jean-Noël, sergent.— Capifali, François-Marie. — Guidoni, Marino. — Massoni, Joseph.
- — AïjTolfi, Jean, coiffeur.
- Ile-Rousse. — Mmes Deyada, Anonciade, ménagère.— Devada, Rosalie, tailleuse. — Drivet, Marie, modiste. — Maggiolo, Marie. •— Pacci, Joséphine, ménagère. — Fau-tonetti. — Romani, Ursule. — Môretti, Clotilde.— Gra-ziani, Marie-Jeanne,— Graziani, Toussainte, ménagère. — Costa, Elisabeth, débitante. — Graziani, Marie-Dominique.
- — Oldini, Magdeleine. — Poletti, Elisabeth.
- Jura. — Morez. — Humbert, Ernest, ouvrier boulanger. — Maillet, Aîné, ex-institutenr. — Pot, Adam, alsacien, boulanger. — Sallembqck, Gaspard, (sujet suisse).
- — Pavot, Eugène, cafetier. — Saussard, Henri, lunettier.
- — Pavat, Louise couturière. — Pavat, Emile, lunettier.— Griffard, Narcisse. — Moret-Bailly, employé. — Peti-tin, Charles. — Petitin, Adolphe, maréchal-des-logis en retraite. - Tandelin, Albert (sujet italien). — Chamoins, Auguste, employé. — Brettnacher, fondeur. — Moefret, J., bijoutier. — Fournier, bûcheron. — Mogenet, P., père de sept enfants, chef de musique. — Femme Mogenet.
- — Mogenet , Anglie, couturière. — Jules, Colin, peintre sur émail. — Mogenet, Antoine. - ' Canova, employé. — Magistretti, femme, cafetier. — Berthet, Virgile, plâtrier.
- — Hutin, Elise. — Devret, E., tonnelier. — Constant, Victor, peintre. — Huttin, Léon, lunettier.— Contessouze, Pierre. — Magistretti, Jean. — Ganeval, lunettier. — Buffard, lunettier. — Humbert, Jean. — Humbert, Caroline, tisseuse. — Gonin, Benoît-Désiré. — David, Honoré, facteur des postes.— Romanet, Emile, cafetier. — Romanet, Marie, blanchisseuse. — Guillaume, Amélie. — Garnier, Léon, polisseur. — Sigonnez, menuisier. — Bègue, J., orfèvre. — Lacroix, Jules, horloger. — Lacroix, Victor, lunettier. — Bègue, Isabelle, lnnettière. — Sigonnez, Emile, lunettier. — Tadot, Vincent, rentier. — Robert, Ch.-Louis, scieur. —Robert, Joséphine. — Zuhant, .Nestor, lunettier.
- — Zuhant, Clémence.— Michel, Jean-Baptiste.— Charon, Victorine.
- Arbois. — Faulque, Jean Etienne.— Joéry,Auguste.— Javel, Emile. — Donnet, Jude. — Pourgeot, Félicien. — Gauttier, Charles. — Fournier, Claude. — Pierre Victor.
- — Tarbey, Alfred. —Belot, Prosper. —Ragain, Gabriel.
- — Fumey, Jules. — Lamprut, Just. — Dérud, Jean Jacques. — Commoy, Armand. — Fourcade, Zacharie. — Jacüuemard, Paul. — Zattone; Emile. — Gerbet, Jean Denis — Ramboz, Auguste. — Guyot, Marie. —Zeameret, Victor. — Gaudey, Alexandre. — Bourdon, Léonidas. — Gelin, Paul. — Gelin, Eugène. — Treurey, Séraphin. — Papillard, Emile. — Ladernier, Jean-Baptiste. — Suivre, Auguste. — Correy, Jean-Julien. —Vuillet, Jean-Étienne.
- Boudot, Aimé. — Griffond. — Lépente, Charles-Fran-Çois. — Melon, Pierre-Charles. — Pages, Joseph-Marcel. — Lépeale, François-Calixte . — Patrognet, Charles-Emile.
- Patrognet, Albert-Louis. — Krantz, Félix-Célestin. — Fournier, Henri. —Dammon, Paul. —Dugout, Jean-Charles.
- Doubs. — Besançon. — Chapuis, luthier.
- Aisne. — Guise. — Thoret, Emile, au Familistère.
- — Lefèvre, Camille. — Jumeau, Paul. - Grandin, Jules, ajusteur.
- Algérie. — Bouzareah, près Alger. — Walther, Oscar.
- Alger. — Valat, père, mécanicien, rue du Quesne, 20.
- — Rolland, Jean-Baptiste, tapissier-ébéniste, avenue Gau-dillot, 3. — Maranghi, Michel, représentant de commerce.
- — Charbonnel, André, officier d’Académie, instituteur en retraite, rue de la Casbath, 53. — Laffont, Paul, maître-cordonnier, rue de Bône, 6. — Humbert, François, employé au bureau dn journal le Petit Colon. — Aliot, Antoine, menuisier, rue Rovigo, 54. — Cossidon, Pierre, rampe Volé.
- — Pignadel, boulanger, rue de Constantine, 18. —Têve, Joseph, grande-rue Mahon. — Lovera, Michel,"représentant du Familistère.*
- Mustapha. — Hagelsteen. rue Ravin-Davin.
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- La part dn soldat
- Le droit au butin n’est pas contesté aux combattants des peuplades barbares'dans les guerres presque toujours provoquées par la disette ou par la famine ; et, généralement, les parts les plus belles sont accordées à ceux qui ont le plus vaillamment combattu.
- La civilisation a perfectionné tout cela ; sous notre troisième république, les dirigeants trouvent moral de tenter la conquête du Tonkin, parce que ce pays possède des richesses naturelles dont l’exploitation fera la fortune des concessionnaires privilégiés. Ceux-là qui auront la totalité du butin ne courent aucun des risques et ne partagent aucune des fatigues de la conquête. Toutes les charges et tous les dangers de la prise de possession sont supportés par de pauvres travailleurs, dont la situation économique ne sera pas modifiée par la victoire, fussent les mines du Tonkin des sources de milliards.
- Les beaux volontaires d’un an n’ont rien à risquer dans ces guerres entreprises au profit de leur clisse. Ce privilège devrait au moins faire sentir aux hommes appelés à bénéficier de la politique coloniale la nécessité d’apporter une certaine mesure dans l’exploitation des enfants des classes pauvres.
- Mais nul ne semble avoir souci de cette situation : Les classes dirigeantes n’ont pas la pudeur de récompenser et de traiter en bons serviteurs ceux qui vont conquérir pour elles les richesses du Tonkin; et les cia ses laborieuses se laissent pas j émouvoir par les souffrances imnosées aux enfants
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- des travailleurs.
- Les navrants détails qui suivent, sur la manière dont on traite nos malheureux soldats blessés, sont également honteux pour les gouvernants et les gouvernés ; ces renseignements proviennent de deux lettres adressés du Tonkin à des journaux parisiens ; Tune d'elles émane de M. Ternisien, conseiller municipal de Saïgon ; elle a été publiée par M. Granet, décuté de l’Extrême-gauche.
- a Nous avons en ce moment sur rade 212 blessés ou malades, embarqués sur le transport le Shamrock... Ces malheureux, les blessés surtout, font peine à voir : il y en a qui n'ont même pas un vêtement de drap pour arriver en France en plein hiver. Ils sont entassés dans le faux-pont.et dans l'entre-pont du navire, c'est-à-dire dans une partie qui est presque toujours sous l’eau; de là manque d’air et de lumière, ce qui ne contribue pas à leur guérison... Tâchez de faire comprendre au gouvernement que les blessés ne doivent pas être transportés immédiatement en France; les obliger à faire quarante-cinq jours de traversée sans pouvoir souvent monter une fois sur le pont, à une époque où le mauvais temps oblige à tenir fermées toutes les ouvertures du navire, c’est les condamner à une mort presque certaine... Le choléra et la fièvre typhoïde sévissent sur les hommes que nous avons à Formose : plusieurs cas se sont déclarés à bord de la Nive, qui rapportait 90 malades ou blessés de Ké-Lung ; ce transport a été mis en quarant ine à Saïgon. »
- « Le choléra est à Quinione; le transport la Nive, qui en vient, a dû subir une observation de trois jours dans la rade de Saïgon avant <;e recevoir la permission de débarquer ses malades. Je les ai vus, les malheureux, à leur entrée à l’Hôpital ; ils font pitié : hâves, amaigris, minés par les fièvres. On ne sait quels sont les plus à plaindre, des nombreux blessés ou des fiévreux. Chose ignoble : nos malheureux blessés n’ont pas de linge, pas de vêtements, pas de chaussures; ils sont couverts d’oripeaux sordides et n’ont rien pour se changer. A Saïgon, on a fait une quête et donné une représentation à leur bénéfice ; la somme recueillie s’élève à 8 ou 900 piastres, qui vont être consacrées à l’achat d’effets d’habillement et de menus objets pouvant soulager les souffrances de nos infortunés compatriotes. Les soldats non blessés qu’on rapatrie, leur temps de service étant fini, nous apprennent que les troupes du général Brière de l’Isle manquent de tout ; ils marchent pieds nus et en haillons, y
- Seuls, les journaux de l’opposition insistent sur ces atrocités; les feuilles officieuses les passent sous silence. Nous différons des premiers en ce que nous adressons nos reproches à la nation tout entière, tandis que nos confrères ne s’en prennent qu’au gouvernement.
- En république, le gouvernement ne fait que ce veut bien laisser faire le peuple, c’est donc à l’indifférence de ce dernier qu’il faut faire remonter les responsabilités de ces véritables cruautés.
- Quant aux combattants, ils acceptent la situation avec une parfaite insousiance.
- Chacun sait les agréments du pioupiou en campagne dans un pays malsain ; nous venons de donner une idée des traitements réservés aux blessés; tout cela n’est rien à côté des compensations promises aux morts. On ne s’est nullement préoccupé de donner la conviction aux combattants que dans le cas de mort, la nation prendrait charge des veuves, des orphelins, des vieux parents en leur garantissant un large bien-être. Cela augmenterait les prix de revient de la politique coloniale et cela fausserait la théorie de tout à bon marché. On accordera des honneurs posthumes.
- Voici la part des officiers :
- « Pour honorer la mémoire des officiers tués glorieusement à la tête de leurs compagnies à l’assaut de Kep et aux combats de Lam et de Chu, le général commandant le corps expéditionnaire a décidé que le s blockhaus élevés à l’entrée des défilés de Kep et sur les positions de Lam et de Chu prendraient les noms de Plantépour celui de Kep,de Beynet pour celui de Lam, de Covellier pour celui de Chu ; ces noms seront gravés sur des planchettes placées au-dessus de la porte principale des blockhaus. »
- Et les soldats, s’ils ne sont pas contents, c’est qu’ils n’auront pas compris la sollicitude d’un gouvernement ayant pris toutes les précautions pour informer rapidement les familles du décès de leurs enfants. On lisait dernièrement dans l’Officiel que « l’amiral Peyron vient de prescrire à l’amiral Courbet et au général Brière de l’Isle de faire connaître directement aux maires, directement et sans délai, les décès qui surviendraient dans leurs corps de troupes respectifs.
- Voilà qui grèvera moins le budget que les capitaux prêtés pour combler les déficits financiers.
- Le Directeur-Gérant : GODIN.
- Luise.- Imp. Baré
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- 9e Année, Tome 9. — N' 331 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 11 Janvier 1885
- lemmmrn
- BUREAU
- a GUISE (Aisne)
- Toutes les communications
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- France Un an ... Six mois. . . Trois mois. .
- 10 fr. y» 6 »» 3 »»
- Union postale Un an. . . . 11 fr. »» Autres pays
- Un an. . . . 13 fr. 60
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- A PARIS
- 5, rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- LE SUFFRAGE UNIVERSEL
- Le Suffrage universel. — La Commission des ouvriers sans travail. — Lumière nouvelle. — Aux Electeurs sénatoriaux de l’Aisne. — La Crise agricole. — Aphorismes et préceptes so-ciauu de la semaine. — Mutualité nationale. Tremblements de terre en Espagne. — La Séparation de l’Eglise et de l’Etat. — Mouvement ouvrier en Belgique. — Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen. — Maître Pierre.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE_PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
- La comédie du suffrage restreint est à la veille de nous avoir doté d’un Sénat que l’on ne saurait espérer meilleur que la décomposition sociale d’où il sera sorti.
- Pendant le vote de la loi sénatoriale, les électeurs ont témoigné une impassible indifférence; le ministère aurait pu se réserver la nomination des sénateurs, sans que les neuf dixièmes des citoyens en aient témoigné quelques mécontentements.
- Si l’on excepte Paris, la nomination par les conseils municipaux des électeurs sénatoriaux s’est accomplie sans que la masse ait éprouvé le moindre tressaillement.
- Ceux-mêmes qui ont le monopole du suffrage restreint ont à peine conscience des responsabilités que comporte ce privilège; la majorité des électeurs sénatoriaux votera inconsciente du mal qu'elle va faire.
- Seuls, les fauteurs de l’anarchie parlementaire déploient une activité soutenue en vue de maintenir une représentation nationale favorable à tous les expédients des politiciens attachés à la curée opportuniste.
- Malgré la détresse financière du budget, ils ont soigneusement conservé l’usage du vote au chef-lieu du département,qui occasionnera une dépense approchant un million. C’est que ce mode de votation rend faciles les captations des votes du suffrage restreint.
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- Quelques meneurs habilement distribués dans les hôtels et les cafés où se réunissentlesélecteurs, la facilité d’improviser des réunions plénières,véritables surprises pour le gros des délégués communaux et longuement préparées par les agents du gouvernement,permettent de mettre en circulation à l’improviste les bruits les plus propres à troubler la conscience des électeurs et à les empêcher de se reconnaître au milieu des intrigues des chefs de parti.
- Il est trop tard pour se répandre en récriminations; nous avons dit à temps ce que nous pensions juste et raisonnable; nos paroles n’ont pas trouvé suffisamment d’écho pour produire une modification de l’opinion publique; mais des indices certains nous autorisent à penser qu’elles n’ont pas été complètement perdues.
- La période électorale ouverte par l’expiration des pouvoirs d’une partie des sénateurs sera suivie, après quelques mois, de la convocation des électeurs du suffrage universel.
- Dès maintenant nous devons prévoir celte éventualité et militer de nouveau dans la limite de nos moyens pour mettre le suffrage universel en garde contre son ignorance et la duplicité de ceux qui se préparent à l’exploiter.
- Les politiciens sont tous d’accord sur ce qu’ils veulent obtenir du suffrage universel; les quatre-vingt-dix-neuf centièmes n’ont d’autre but que celui de préparer leur réélection, sans s’inquiéter de lier leur bonne ou mauvaise fortune politique au développement d’une idée juste, d’un progrès quelconque. Ils n’ont pas tous les mêmes vues sur les meilleurs moyens à employer pour satisfaire leur ambition; les uns ont confiance dans le scrutin de liste départementale; les autres préfèrent la circonscription par arrondissement.
- Nos préoccupations nous portant, à l’encontre de celle des politiciens, à chercher dans les consultations du suffrage universel le moyen le plus pratique d’initier le peuple aux grands problèmes de la vie publique, nous avons fréquemment fait connaître nos préférences pour le scrutin de liste nationale et le renouvellement annuel par moitié des corps élus.
- Nous reviendrons avec persévérance sur cette question confinée encore, par la mauvaise volonté des politiciens, dans le domaine de la théorie ; et s’il reste quelque chance de la pouvoir transformer en une proposition parlementaire, nous ferons le possible pour la faire surgir.
- Des deux moyens empiriques proposés au suf-
- frage universel, nous défendrons celui qui peut, si les électeurs sont capables de quelque volonté, faire la part la plus grande au mouvement des idées.
- Nous nous sommes rallié au scrutin de liste départementale, parce que ce mode de votation exige plus d’ampleur dans les idées et dans la tactique que le vote par arrondissement, deux conditions essentielles à la création de la vie publique dans un pays dominé par l’indifférence.
- Les candidats s’adressant aux électeurs d’un département sont obligés d’envisager dans leur campagne électorale des questions d’un ordre plus général.
- Dans le scrutin d’arrondissement, il arrive souvent que deux circonscriptions, situées dans Je même département, sont amenées à considérer leurs intérêts comme antagonistes, et l’on voit le vote se faire sur des programmes complètement différents, même au point de vue politique, parce que l’un des candidats aura été assez habile pour cacher les dangers de son programme politique sous un séduisant exposé de la manière dont il servira les intérêts de clocher.
- Dans le scrutin par département, les candidats sont contraints à s’appuyer sur des intérêts communs à l’ensemble de la circonscription; au lieu, d’exagérer les antagonismes locaux, ils sont porté s à les atténuer.
- Les vues d’ensemble qui résultent de celte situation sont beaucoup plus conformes à l’esprit qui doit animer les législateurs. Car, on l’oublie trop souvent, on fait généralement les élections comme s’il s’agissait de nommer des administrateurs d’arrondissement ou de département, tandis que la mission du député consiste uniquement à faire des lois applicables à tous les citoyens de la nation.
- Le scrutin de liste nationale permettra seul de placer les candidats à un niveau moral véritablement en rapport avec la grandeur du mandat. Mais, si nous ne pouvonsfaire prévaloir cette solution, nous saurons choisir avec discernement entre le scrutin de liste départementale et le scrutin d’arrondissement.
- Le candidat d’arrondissement se meut trop à l’aise dans un cercle aussi restreint; les manœuvres mesquines, souvent inavouables, y sont trop faciles ; les influences de personnes séduites par de fréquents marchandages avec les candidats ont une action trop décisive.
- Le candidat d’une lista départementale est soli-
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- darisé avec ses collègues de la même liste ; il ne peut agir à leur insu, et faire des promesses en leur nom, sans s’exposer à être désavoué, s’il n’a tenu compte des vues qui ont présidé à la confection de la liste. Puis les moyens d’action dans une circonscription étendue ont besoin d’une certaine publicité dont ne peuvent s’accommoder les machinations que permet la circonscription d’arrondissement.
- L’action éducative de la presse, à peine sensible dans le vote par arrondissement, augmente beaucoup de puissance en présence d’une liste départementale ; car tous les journaux du département sont, comme, les candidats, obligés de concentrer leurs polémiques sur des questions d’intérêt général, et tous doivent adopter à peu près le même critérium.
- Sous la double influence de l’unité d’action des candidats et des journaux d’un même parti, l’électeur s’habitue insensiblement à se détacher des intérêts de clocher pour retenir les considérations d’ordre national; et,lorsqu’il aura une compréhension nette de ces derniers, nous verrons naître la vie publique dans ses conditions réelles, qui auront pour résultat de créer une véritable représentation nationale agissant inversement à la méthode que nous venons d’exposer.
- Nous avons montré le mouvement électoral ayant son point de départ dans l’initiative du candidat, se transmettant à la presse avant d’arriver à l’électeur, tandis que la réalité du suffrage universel exigerait que le peuple fut le premier moteur, étant lui-même le maître de la presse qu’il tournerait contre les candidats, comme ceux-ci emploient aujourd’hui les journaux en les utilisant discrétionnairement dans la manipulation de la masse électorale.
- Nous ne cachons pas ce qu'a de pénible cette nécessité d’adopter momentanément des moyens que l’on ne peut s’empêcher de proclamer le contraire de ce qu’ils devraient être. Cependant, nous ne pensons pas qu’il soit sage d’agir autrement, puisque cela a pour conséquence de faire l’éducation du suffrage universel, qui, devenu majeur, saura mettre les choses comme il convient, en prenant lui-même rinitiative des réformes profitables àjla masse laborieuse avec laquelle il se confond.
- Les moyens transitoires né deviennent dange-reuxque d’autant qu’on vent les prolonger indéfiniment au détriment des pratiques conformes aux principes»
- La Commission des Ouvriers sans Travail
- Les ouvriers parisiens sans travail ne cessent de s’agiter en vue d’obtenir l’intervention des pouvoirs publics ; le compte-rendu suivant de l’entrevue de leur délégation avec le président du Conseil municipal donnera une idée exacte de leurs tendances :
- Les délégués de la Commission des ouvriers sans travail, les citoyens Boulé, Fanlquier, Gortey et Guyennet, ont été reçus samedi à trois heures par M. Boué, président du Conseil municipal de Paris, et MM. Michelin, Mesureur, vice-présidents, et Rouzé, syndic. Ils ont remis à M. Boué les résolutions ci-dessous, présentées au nom de la Commission des ouvriers sans travail, et acclamées dans une série de meetings populaires, notamment salle Favié, salle Rivoli, salle du Concert de Lyon et salle Lévis.
- RÉSOLUTIONS
- iQ Diminution de la journée de travail à huit heures |
- 2° Suppression du marchandage (application des décrets des 2 et 21 mars 1848) ;
- 3a Insertion au cahier des charges d’une clause obligeant absolument les adjudicataires à payer le prix de main-d’œuvre inscrit â la série, édition 1882 ;
- 4° Etendre cette mesure, pour en faciliter l’application à toutes les branches du travail :
- Création immédiate d’une commission permanente du travail au Conseil municipal.
- 5° Commencer immédiatement tous les travaux nécessités par l’assainissement et le développement de Paris.
- 6° Pourvoir aux besoins les plus pressants par un crédit3 sur la dette publique et ouvert directement aux corporations ouvrières parisiennes constituées en syndicat général ;
- 7° Réquisition des logements innocupés en faveur des citoyens sans asile, et suppression des loyers au-dessous de 500 fr. pendant la durée de la crise ;
- 8° Suppression de la préfecture de police.
- Après avoir donné communication aux membres du bureau du Conseil municipal de leur mandat et des résolutions qu’on vient de lire, les délégués ont pris tour à tour la parole pour les développer et les appuyer.
- Sur la première question : Réduction de la journée de travail à 8 heures, il ont établi ; que la journée de dix heures contribue à l’aggravation de la crise ; que la diminution des heures de travail s’impose forcément par le perfectionnement de l’outillage qui s’opère partout, aussi bien dans l’outillage manuel que dans l’outillage mécanique ; que la journée de dix heures, à Paris, fait que les ouvriers, qui sont tous obligés pour se rendre à leurs travaux de faire une heure de chemin, matin et soir, font des journées de treize et quatorze heures ; que pendant ces longues rnées, l’ou-
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- vrier est obligé de prendre plusieurs repas au dehors, ce qui lui impose des dépenses considérables, eu égard à la modicité de son salaire.
- Aujourd’hui, tout milite en faveur de cette réduction de la journée, aussi bien l’intérêt patronal que l’intérêt des travailleurs ; déjà cette réforme a été réclamée plusieurs fois au Conseil municipal ; les délégués viennent une dernière fois auprès du Conseil municipal pour le mettre en demeure d’en voter l’application. Les corporations sont lasses de la situation, car jusqu’ici toutes les revendications ouvrières auprès des pouvoirs publics sont restées sans effet. Ce mauvais vouloir est le résultat de combinaisons qu’on n’ose avouer, et les travailleurs critiquent sévèrement les fins de non-recevoir qu’ils n’ont cessé de toujours rencontrer.
- Mais, désormais, il faut que cela [change ; ils entendent que la République se développe avec toutes les améliorations qu’elle comporte, que les élus à tous les degrés doivent concourir à ce développement; aujourd’hui la misère du grand nombre doit en imposer aux plus mauvaises volontés. Les délégués comptent que le Conseil municipal de Paris donnera l’exemple aux autres pouvoirs publics en imposant dans les chantiers des travaux de la Ville la journée de huit heures.
- Sur le deuxième point : Suppression du marchandage, les délégués font remarquer que le marchandage ne s’exerce aujourd’hui que par tolérance ; les décrets des 2 et 21 mars 1848, qui ont aboli le marchandage, ne sont pas abrogés : la situation des travailleurs est maintenant au moins aussi intolérable qu’à cette époque ; le marchandage est l’exploitation la plus inique de toutes, attendu qu’elle n’opère que sur la main-d’œuvre proprement dite.
- N’est-il pas honteux, en effet, de voir des ouvriers prélever un bénéfice sur le salaire de leurs camarades?
- Les délégués pensent que dans les travaux de la Ville, s’impose, plus que partout ailleurs, l’équitable répartition des fonds dépensés ; il ne peut être permis à qui que ce soit, sous aucun prétexte, de détourner de leur destination les fonds affectés aux salaires.
- Le Conseil municipal de Paris a le devoir d’intervenir et de faire cesser une fois pour toutes ces abus si souvent signalés, abus criants et immoraux résultant du marchandage qui a fatalement pour conséquence l’avilissement des salaires.
- Les délégués espèrent donc que le Conseil municipal comprendra trop bien tout le préjudice causé de ce chef aux travailleurs, pour qu’il tolère plus longtemps le marchandage.
- Sur la troisième résolution : Inscription au cahier des charges d’une clause obligeant absolument les adjudicataires à payer, dans les travaux de la Ville, les prix de main-d’œuvre inscrits à la série, les délégués exposent que si les travaux qu’ils viennent réclamer au Conseil étaient donnés dans les conditions actuelles, c’est-à-dire si la réglementation des salaires était laissée à la
- discrétion de l’entrepreneur, mieux vaudrait qu’on n’en fît pas.
- En effet, si l’entrepreneur est libre de payer le salaire qu’il voudra, étant donné la longue souffrance causée par le chômage et les besoins pressants de chacun des travailleurs, nous verrions les ouvriers s’arracher le travail au rabais; l’entrepreneur se retrancher derrière la liberté de l’offre et de la demande. La Ville aura donné du travail, c’est vrai, mais ce travail n’aura servi qu’à enrichir un peu plus les adjudicataires.
- Ici encore l’intervention du Conseil municipal s’impose, car il ne suffit pas de décider des travaux : il faut surtout s’assurer que les fonds aillent bien à leur destination.
- C’est pourquoi par la quatrième résolution les délégués demandent qu’on étende les mesures indiquées dans la troisième, pour en faciliter l’application à toutes les branches du travail.
- Sur la quatrième résolution : Création immédiate d’une Commission permanente du travail au Conseil municipal, les délégués expliquent que, pour eux, le sentiment de la solidarité est une vertu qui fait un devoir de réclamer pour les corporations étrangères à la série une piotection égale à leur salaire.
- La commission permanente du travail au Conseil municipal est aujourd’hui un rouage iudispensable dans les rapports des corporations avec la municipalité de Paris.
- La situation exacte des corporations ne saurait être déterminée d’une façon précise sans cette commission, qui exercera une influence heureuse sur l’organisation des corporations. Elle sera pour elles un stimulant, fera que les citoyens s’intéresseront davantage aux intérêts corporatifs.
- Le président du Conseil municipal demande alors si les délégués sont d’avis que dans cette commission il rentre des ouvriers; il fait remarquer qu’alors ce ne serait plus une commission du Conseil municipal, mais une commission extramunicipale, c’est-à-dire d’administration.
- Les délégués répondent qu’avant tout, l’important est de nommer une commission chargée exclusivement d’étudier et de résoudre les questions du travail ; plus tard, si on en reconnaît l’utilité, on y pourra joindre l’élément ouvrier. Le* travailleurs désirent surtout avoir immédiatement un lien direct avec le Conseil municipal,et que ce lien, c’est la commission permanente du travail.
- Les délégués font remarquer que les quatre résolutions qu’ils viennent de développer n’entraînent pour la Ville aucune dépense, aucun frais ; que le Conseil municipal peut en voter l’application, s’il le veut; et il le voudra,
- Sur la cinquième résolution : Commencer immédiatement tous les travaux nécessités par l’assainissement et le développement de Paris, les délégués disent qu’il est urgent d’insister sur la nécessité de donner
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- du travail ; les besoins des travailleurs le réclament immédiatement. Ils comptent que le Conseil municipal donnera satisfaction aux ouvriers.
- Sur la sixième résolution : Pourvoir aux besoins les plus pressants par un crédit sur le service de la Dette publique et ouvert directement aux syndicats ouvriers constitués en syndicat général, les délégués font observer qu’ils ne fixent pas de chiffre ; ils laissent ce soin au Conseil municipal ; c’est à lui de savoir ce qu’il peut faire, ce dont il peut ou veut disposer. Seulement ils doivent faire remarquer que dans l’application de cette résolution, la commission permanente du travail a un rôle out tracé. Cette commission sera, en effet, le contrôle le plus sûr et le plus direct de toutes les opérations à intervenir entre le Conseil municipal et les corporations. Ils profitent de l’occasion pour insister à nouveau sur la nécessité de créer cette commission.
- La septième résolution : Suppression du paiement des loyers au-dessous de 500 fr. pendant la durée de la crise, et réquisition des logements inoccupés en faveur des citoyens sans asile, est dictée par un sentiment d’humanité auquel le Conseil municipal voudra s’associer; il prendra les mesures nécessaires pour empêcher qu’un grand nombre de malheureux restent sans asile.
- La huitième résolution : Suppression de la Préfecture de police, a été prise afin de protester de la façon la plus énergique contre l’embauchage de citoyens inconscients ou désespérés, qu’on mêle aux agents provocateurs pour les jeter ensuite sur les travailleurs. « Nous ne saurions trop flétrir, ajoutent les délégués, l’appui occulte que prête, dans ces circonstances, la préfecture de police. »
- Les délégués ont ensuite demandé au bureau s’il voulait bien prendre sur lui de déposer ces résolutions, en son nom et au leur, sur le bureau du Conseil municipal.
- Le président Boué, après avoir consulté ses collègues, a pris l’engagement de déposer, au nom du Conseil municipal et au nom des délégués, les résolutions du Conseil municipal, aussitôt qu’il sera convoqué.
- Le président a expliqué que le Conseil, venant de terminer sa session, ne peut siéger que sur une convocation émanant du préfet de la Seine.
- Les délégués se sont immédiatement rendus au pavillon de Flore, où ils ont été reçus par le chef du cabinet du préfet de la Seine. M. Poubelle étant absent, les délégués ont été invités à se présenter aujourd’hui lundi à dix heures.
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- LUMIÈRE NOUVELLE
- Gomment se fait-il, qu’ayant chez nous, en pleine France, le plus bel exemple de réforme sociale, théorique et pratique, une création pouvant répondre aux objections par la brutalité des îails passe inaperçue?
- j Comment se fait-il que la presse, que les économistes, que les soi-disant amis des prolétaires, n’aient pas invoqué cet exemple pourtant si concluant ?
- Nous ne savons.
- Pour notre part, nous voudrions voir toutes les corporations ouvrières envoyer des délégations au Familistère de Guise.
- Nous voudrions voir les électeurs inscrire sur tous les programmes l’obligation pour leur représentant d’aller étudier le vaste et prospère établissement fondé par M. Godin, l’un des plus grands philanthropes de notre époque.
- La, à coup sûr, se trouve une lumière nouvelle, le germe d’une rénovation sociale.
- Travailleurs de toutes les conditions, c’est sur Guise qu’il faut porter vos regards.
- En attendant, le germe grandit, la lumière s’étend et inondera bientôt le monde de ses rayons.
- (L’Ami des travailleurs de Clermont-Ferrand.)
- Aux Electeurs sénatoriaux de l'Aisne
- On nous communique,avec demande de l’insérer, l’appel suivant adressé aux électeurs sénatoriaux de l’Aisne. Ce manifeste animé dans son ensemble d’un excellent esprit républicain contient néan-'moins quelques mots que nous ne trouvons pas suffisamment explicites : on oublie la trouée des Vosges. Nous sommes de ceux qui demandons à l’Europe de donner une solution à la situation créée par la conquête allemande, pourvu que cette solution ne soit pas séparée du désarmement européen ; d’autres pensent à la trouée des Vosges avec l’intention de provoquer de sanglantes représailles. Nous regrettons que l’auteur de ce manifeste n’ait pas été plus catégorique sur ce sujet.
- Messieurs,
- A la veille du renouvellement de la Législature,
- — dont les élections sénatoriales sont le prélude,
- — il y a lieu d’examiner ce que le parlement a fait pour le pays et la République, dont le sort désormais est intimement lié.
- Livrez-vous à une appréciation si bienveillante qu’elle soit, des actes de la Représentation nationale et vous serez obligés de reconnaître que la méthode systématiquement employée par nos législateurs, se résume dans l'opportunisme de l’ajournement. ;
- Aujourd’hui comme il y a 3 ans, la République,
- — cette grande liquidatrice des anciens régimes,— aest troublée dans son fonctionnement, par la pratique d’institutions secondaires, d’ordre essentiellement monarchique.
- Le pays n’est plus d’accord avec ses mandataires ;
- Il est en avance sur eux ;
- Il souffre de nécessités impérieuses, dont ces derniers n’ont pas conscience.
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- On n’a rien fait en réalité pour l’agriculture, qui attend encore cette égalité devant l’argent, qui est, en principe, aussi indispensable, comme l’a dit un ministre,que l’égalité devant la loi.
- Nos fermes,-»- ces usines de l’agriculture, — sont désertes, abandonnées.
- On n'a rien trouvé dans les caisses du Trésor pour les éducateurs de nos enfants.
- Et l’on renouvelle dans les marais du Tonkin, l’impériale aventure du Mexique, si lamentable dans ses résultats.
- Le budget se solde en déficit ;
- Il n’est plus voté, mais abandonné, on pourrait dire.
- Et 1' on prodigue l’or et le sang des français dans une guerre qui n’a pas été déclarée.
- On oublie la trouée des Vosges.
- Et on subit la protection du plus grand ennemi de notre race.
- Cet état de choses est profondément humiliant.
- 11 décourage toute activité, paralyse toute énergie, détruit toute initiative, atteint notre virilité nationale ;
- Il réveille les appétits monarchiques,
- Il doit cesser.
- Electeurs sénatoriaux,
- Puisque vous êtes en possession d’un privilège que notre état social nouveau condamne, faites-vous en pardonner d’exercice en démocratisant le Sénat :
- Envoyez à la haute Chambre des hommes fortement imprégnés des idées et des besoins de la société moderne.
- Le relèvement de l’agriculture n'est pas, croyez-le bien, dans l’établissement de droits protecteurs,
- — qui ne sont que des barrières entre les nations,
- — et que la justice obligerait d’accorder à toutes les industries;
- Il git, au contraire, dans la faculté de se procurer à bon compte et facilement, de l’argent et des machines remplaçant le travail humain, — dans l’association si he reusement mise en pratique dans les autres branches de notre industrie nationale.
- Imposez aux candidats de votre choix, l’obligation de la refonte de notre système économique et financier en vue de la protection de la famille et des déshérités, de façon aussi à ce que l’adulte, qui a reçu l’instruction, trouve les éléments pour la mettre en œuvre.
- Demandez-leur l’établissement de propositions de loi sur :
- 1° Le crédit et l’association agricole;
- 2° La transformat’.on de notre système hypothécaire pour mobiliser le sol ;
- 3° La décentralisation administrative et judiciaire, une plus équitable rémunération des services publics... etc.
- Faites-leur prendre l’engagement de voter le budget en temps normal et, il faut le dire, après examen ;
- Demandez-leur de ne toucher leur traitement qu’en raison de leur présence à la Chambre et de l’accomplissement de leur mandat, en attendant que la forme des jetons de présence soit adoptée.
- Tout presse, tout est à refondre, à reconstituer dans notre situation transitoire actuelle.
- Bientôt nous approcherons d’une grande date nationale, d’une époque de redressement social ;
- Oserons-nous fêter le centenaire de la Révolution française en montrant au monde notre République affublée de la défroque usée, des vieux oripeaux des diverses monarchies.
- Ce serait une honte ! J Ce serait un malheur !
- Nous serions perdus comme nation ;
- Car nous serions bien les français de la décadence.
- A. Bonjour, publiciste.
- LA CRISE AGRICOLE
- i.
- Si les ouvriers réclament l’intervention du gouvernement, les propriétaires, les agriculteurs, les conservateurs font preuve d’une fécondiLé incroyable d’arguments pour prouver que l’ingérance du gou /ernemenl dans les affaires de salaire constitue un danger public ; même ils soutiennent que le gouvernement est frappé d’impuissance en pareille matière.
- Avant que les troubles économiques aient attein les propriétaires eux-mêmes, ce n’était dans leur camp queprotestationscontre l’intervention de l’Etat ; maintenant, tout est changé, il faut que l’Etat intervienne pour empêcher l’avilissement du prix des récoltes.
- Ces contradictions mériteraient à peine un haussement d’épaules, si l’Etat, sourd aux justes réclamations ouvrières,ne prêtait une oreille complaisante aux plaintes égoïstes des propriétaires.
- Les réclamations ouvrières sont nées d’une situation grosse de chômages les menaçant travail-
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- leurs directement dans leur existence; à peine s’ils osent demander le droit au travail et au strict nécessaire à la subsistance ; les propriétaires réclament impérieusement le droit à la paresse rentée; ils contraindront le gouvernement à fermer notre agriculture au progrès pour conserver toute quiétude dans leur ignorance.
- Nous n’exagérons pas ; tout le mal, autant qu’il soit grand, tous les embarras de l’agriculture sont attribuables à l’ignorance, à la cupidité de cette partie des agriculteurs qui se plaignent si bruyamment.
- Même dans les cas de ravages agricoles les moins liés à la volonté humaine en apparence, on trouve en réalité la plus grande partie du mal à mettre au compte de l’indifférence des propriétaires.
- Nous pouvons citer un fait qu’il nous a été donné d’observer dans le midi de la France, à l’occasion de l’invasion du phyloxéra. Il y avait bien trois ou quatre années que les journaux agricoles avaient décrits tous les symptômes du mal ; quiconque avait lu ces descriptions et parcourait des pays vignobles,pendant les mois d’août et de septembre, ne pouvait se méprendre sur la parfaite ressemblance des phénomènes observés sur les ceps de vigne, dépérissant tout à coup à cette saison, sous l’influence de ce que le paysan du Bordelais appelait un coup de lugré (coup de foudre), avec ceux signalés parles observateurs du phyloxéra. 4 cette époque la plupart des gens, si on excepte la majorité des vignerons, avait entendu parler du phyloxéra, mais nul ne s’était avisé de suggérer aux pouvoirs publics, qu’au mépris de tous les préjugés sur la propriété individuelle, ils avaient mission de porter la cognée et le feu dans les domaines atteints, afin de circonscrire le fléau. Personnellement, il nous a été donné de constater et de signaler à des viticulteurs la présence du parasite, alors que l’on trouvait à peine quelques ceps atteints par centaine d’hectares, et cela pendant trois ou quatre ans, avant que les traces du mal aient formé de grandes taches dans les vignobles, période à laquelle tout remède, autre que la submersion, n’est efficace. On nous répondait par des éclats de rire et par l’explication du coup de lugré. Enfin, le mal prenant des proportions inquiétantes, le propriétaire le plus intelligent de la contrée, qui, par ses plaisanteries, nous avait excité à le défier par un pari qu’il accepta, consentit à faire arracher un cep .te
- vigne et à l’examiner au microscope (le fait d’un propriétaire possesseur de cet appareil justifie réellement que nous avions à faire à un cultivateur au-dessus du commun.) Notre viticulteur cessa de rire, paya le pari, mais il ne voulut pas entreprendre l’arrachage des ceps malades, tant ils étaient nombreux; l’année suivante, autour de chacun de ces ceps, s’étaient formés de grandes taches; trois ans plus tard, le propriétaire avait perdu la totalité de son vignoble, et il fallait remplacer la viticulture par la culture des céréales et se contenter d’un revenu de 3.000 fr. au lieu des 30.000 fr. que donnait la vigne.
- Ce fait n’est pas un cas isolé, il est l’histoire de toutes les ruines causées par le phyloxéra.
- Que fallait-il faire ?
- L’initiative des particuliers aurait dû provoquer la formation de grands syndicats de tous les possesseurs de vignobles, fixer une cotisation de tant par hectare à payer à une caisse commune, former une commission d’étude composée de viticulteurs, de naturalistes, de chimistes, d’ingénieurs; en convenablement rétribuer ses membres ; mettre à leur disposition les fonds nécessaires à l’entretien d’escouades de travailleurs ayant mission d’exécuter les décisions de la commission, qui auraient dû avoir l’autorité de décrets indiscutables. Certainement, il y aurait eu des (erreurs commises, des dépenses inutiles, des expériences peut-être fantaisistes, mais il n’est pas douteux qu’avec un ; dépense moindre de 10 fr. par chaque hectare cultivé en vigne, en France, on aurait sauvé le vignoble français.
- Quel accueil aurait eu pareille proposition, comment aurait-on pu décider les propriétaires n’ayant pas encore constaté le moindre symptôme dans leurs propriétés personnelles? Les neuf dixièmes se seraient insurgés au nom de la liberté individuelle. Et si le gouvernement avait tenté d’imposer des moyens aussi rationnels, il n’est pas douteux que ses décisions n’auraient pu avoir raison de l’entêtement et de l’égoïsme des particuliers.
- Pour les fléaux agricoles il convient d’agir comme dans les cas d’épidémie; l’isolement et l’assainissement des localités contaminées sont des moyens certains de limiter les ravages des maladies des végétaux et des animaux ; avec cette différence que la passivité des plantes permet des curatifs inapplicables aux individus.
- En ce qui concerne le phyloxéra, cette théorie a été confirmée par l’expérimentation: dans certains
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- cantons suisses, dès l'apparition du parasitémies autorités locales ont procédé d’autorité à la désinfection des contrées attaquées, et l’on a sauvé la plus grande partie du vignoble suisse.
- Ce que nous venons de dire àproposduphyloxéra n’est pas de la récrimination ; cette action commune des particuliers, ou à son défaut, l’intervention de l’Etat, est une idée d’avenir qu’il faut agiter de temps en temps,afin que l’on pense à 1 appliquer dans les nouvelles surprises que nous réserve les évènements.
- Les autres motifs invoqués par les propriétaires à l’appui du protectionnisme sont en totalité imputables à leur ignorance et à leur égoïsme.-
- N’en déplaise aux nombreux bacheliers,auxmaî-tresen basoche, aux licenciés en droit, dont l’agriculture compte un bon nombre parmi les grands propriétaires, nous maintenons cette accusation d’ignorance absolue en choses de l’agriculture des neuf dixièmes des grands tenanciers.
- Que l’on parcoure les campagnes, on ne trouvera pas peut-être 50 agriculteurs, par département, ayant une bibliothèque d’ouvrages spéciaux; le nombre de ceux qui reçoivent des revues sérieuses et qui sont capables de les comprendre est peut-être moindre.
- Nous ne sommes plus à ce temps où, pour faire un bon agriculteur, il suffisait de savoir que pour labourer une terre il fallait la prendre ni trop mouillée, ni trop sèche, que l’on semait le blé aux environs de la Toussaint et qu’on le récoltait a la Saint-Jean.
- L’agriculteur de nos jours, dans nos sols épuisés par des siècles de culture empirique, a besoin de connaître les méthodes scientifiques. On veut faire de l’agriculture et l’on veut procéder sans savoir quel rôle joue l’azote dans l’engrais ; on veut employer des engrais, sans tenir compte des données de la chimie ; tout cela n’est plus de saison.
- Au lieu de se plaindre, les agriculteurs feraient mieux de comparer leur situation à celle des industriels, et de chercher à comprendre quels enseignements pratiques découlent de cette comparaison.
- Dans quelle industrie voit-on le chef assister indifférent aux progrès de la science, ne pas s’inquiéter quotidennement des nouvelles découvertes de la chimie, des sciences naturelles, de la mécanique, etc., etc.? Encore, le chef d’industrie observe des heures régulières de bureau, il surveille son personnel, il s’inquiète d’avoir une comptabilité en parfaite tenue, il s’occupe de la
- fabrication, de la vente, et d’une foule de détails qui absorbent tous les instants de sa vie.
- L’agriculteur, la comptabilité est pour lui un barbouillage inutile de papier; un champ d’expérience est une superfluité ; la marne est pour lui de la terre blanche, il ne sait souvent quelles sont les propriétés de la chaux ; il engrange des récoltes sans se croire obligé de rechercher quelles sont les causes des augmentations ou des diminutions de rendement, pour en tirer les enseignements pratiques qui contiennent infailliblement ces consta tations; avoir un pluviomètre et noter par jour et par saison, les quantités d’eau de pluie, lui semble un enfantillage ; enregister la marche des vents, les variations des températures, faire des expériences variées et confronter les résultats avec les observations atmosphériques sont des choses qui lui font hausser les épaules. Se doute-l-il même que, si tout cela n’était fait par des hommes d’élite, il y aurait déjà longtemps que notre agriculture serait dans une situation désastreuse.
- Cette assiduité et ce travail incessant 3t minutieux que nous demandons à l’agriculteur est inséparable de la gestion industrielle. Le mauufac-turier ne peut s’en départir un seul instant sans s’exposer à la ruine ; lorsqu’il veut s’y soustraire, il prend soin de se procurer des remplaçants capables de cette assiduité et suffisamment instruits pour n’échapper aucun détail de la fabrication et du mouvement général de la production dans sa spécialité.
- L’industriel recrute ses remplaçants parmi les jeunes gens les plus instruits de chaque génération. Les élèves des écoles polytechnique, centrale, des mines, des arts et métiers, de commerce trouvent généralement dans l’industrie des situations convenables.
- Les agriculteurs ont peine à utiliser quelques-uns des deux cents élèves qui sortent annuellement des fermes modèles, et des trois principales écoles d’agriculture de Grignon, Grand-Jouan, La Saulsaie.
- Et quelles situations sont généralement faites à ces parias, lorsqu’ils trouvent à se placer chez les grands propriétaires du pays!
- Ces derniers comprennent le plus souvent leur insuffisance, lorsqu’ils ont épuisé leurs capitaux en dépenses étrangères aux améliorations agricoles, ou bien lorsque leurs revenus baissent au point de ne pouvoir suffire à leurs dépenses annuelles. Alors ils demandent aux écoles, au prix de 1.500 fr,
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- par an, un prodige auquel il remettront une caisse vide pour faire la multiplication des revenus.
- Ce malheureux ne devra rien entreprendre sans en référer au propriétaire et sans avoir son assentiment ; il devra expliquer à son maître la théorie des engrais sans parler chimie ; si les engrais de ferme sont abandonnés à toutes les influences atmosphériques, lavés par les pluies et brûlés par les fermentations irrégulières, le régisseur passera deux ans à faire comprendre la nécessité d’éviter ces inconvénients ;.lorsque cela sera moitié compris, il ne décidera jamais le propriétaire à lui ouvrir le crédit indispensable à l’établissement des travaux urgents; s’il a la faiblesse de se laisser aller à entreprendre l’installation avec des moyens insuffisants, d’essayer, pour satisfaire l’esprit d’économie du propriétaire, de faire exécuter un travail incomplet, les services obtenus se ressentiront de l’imperfection de l’installation et le propriétaire qui attendait des merveilles, pour une dépense de 350 fr., sera furieux et concluera qu’il avait cent fois raison de se méfier des théoriciens et de n’avoir pas perdu son temps à apprendre de pareilles absurdités.
- Nous ne chargeons pas le tableau ; dans chaque cas particulier les mêmes incidents se reproduiront jusqu’à ce que le régisseur, fatigué des peines qu’il se donne pour ne jamais aboutir ou bien pour obtenir des concessions sans proportion avec ses efforts, se résigne à devenir un sous-ordre de la routine,
- En plus de cette abdication de la dignité professionnelle, dès le premier jour il aura dû mettre de côté toute indépendance,politique et religieuse.
- La majorité des grands propriétaires ne se contente pas d’être routinière en agriculture , elle est réactionnaire en politique, les tendances contraires se manifestent généralement parmi la jeunesse laborieuse, et cette indépendance est souvent en raison directe du développement intellectuel et scientifique des sujets.Deces nombreuses contradictions entre les maîtres et les employés naissent pour ces derniers des situations déplorables ayant généralement pour conséquence la dégradationmorale de l’individu ou bien la misère, si l’on a l’indépendance de ne pas capituler.
- La crise agricole, qu’il ne faut pas confondre avec une conséquence de la question sociale,qui, en son état actuel, n’est pas une manifestation directe dépendant de la mauvaise organisation sociale, a pour principalê cause l’empirisme des propriétaires, leur égoïsme, leur ignorance et leur
- laïuite a ne pas vouloir reconnaître ces défauts en cédant dans des conditions pratiques la direction de l’industrie agricole aux hommes compétents.
- Nous parlerons prochainement de l’insuffisance du capital mobilier et de ses causes, des moyens les plus propres de donner la prospérité à notre agriculture dans l’ordre social présent; nos conclusions envisageront le problème agricole dans ses rapports avec la question sociale et sa solution rationnelle suivant les besoins de la vie.
- APHORISMES £ PRÉCEPTES SOCIAUX.
- LXVHI
- Le suffrage universel.
- L’apprentissage des droits du citoyen doit se faire à l’école.
- Dès le premier âge, l’enfant doit être habitué à distinguer le vrai mérite parmi ses camarades de classe.
- Le vote entre les élèves doit servir comme élément pour établir le diplôme de valeur morale, intellectuelle, administrative et industrielle, que chaque citoyen devra emporter de l’école et conserver. Ainsi chacun pourra justifier de ses antécédents et de son degré de mérite auprès de ses concitoyens, lorsqu’il aspirera aux fonctions directrices dans la société.
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- Ministère de la guerre. — Le général Campenon a cessé d’étre ministre de la guerre, parce qu’il manquait d’audace pour continuer la conquête du Tonkin. Le général Lewal, ayant ce qui manquait à Campenon, a obtenu en plus la confiance de Ferry. Le général Campenon, le général Lewal, le supra-général Ferry ont joué toutes les scènes de la démission, de la nomination pendant les vacances parlementaires, afin que nul ne puisse douter de leur volonté de ne pas se soumettre à l’autorité de la représentation nationale. Lorsque celle-ci se réunira, dominée par sa conviction que,si elle faisait expier à ces messieurs leur manque de déférence par un renvoi du ministère, elle habituerait insensiblement le peuple à opérer vis-à-vis d’elle d’après les mêmes procédés, dans les mêmes circonstances, les parlementaires joueront la comédie du mécontentement et tous continueront à chi-noiser les uns au Tonkin, les autres à Paris,dans les couloirs du Palais-Bourbon ou dans les colonnes des journaux opposants ou ministériels.
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- LE DEVOIR
- La police politique. — Bien que tous les journaux aient donné sans aucune réserve les nouvelles suivantes, nous ne pouvons croire que le gouvernement soit devenu coupable d’autant d’avilissement.
- On annonce que M. Jules Ferry vient d’adhérer à un arrangement conclu récemment entre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et la Russie, en vue des mesures à prendre contre la propagande anarchiste dans l’armée et la marine.
- Cet arrangement comprendrait les dispositions suivantes :
- Article premier. — Une surveillance assidue, dans et hors les casernes, des établissements où les officiers et soldats prennent leurs repas;
- Art. 2. — Surveillance des lettres àîeur arrivée et audépart.
- L’article 3 indique les moyens secrets à employer pour obtenir des renseignements et recommande la surveillance des femmes avec lesquelles les suspects entretiennent des relations.
- L’article 4 traite des récompenses et des pardons à accorder aux délateurs.
- On dit même qu’il y a eu un commencement d’exécution par ordre de M. Jules Ferry.'
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- Le rendement des impôts. — Le produit des impôts indirects pendant le mois de novembre n’a pas répondu aux espérances qu’avaient pu faire concevoir les résultats du mois d’octobre.
- Ce produit est inférieur de six millions aux évaluations budgétaires et de trois millions et demi au produit de 1 883.
- La- situation est donc loin de s’améliorer, et les résultats des onze premiers mois de 1884 sont loin d’être satisfaisants.
- Les frais de poursuites ont augmenté de 11 centimes pour 1.000 francs d’impôts à recouvrer.
- Le produit de l’impôt sur le revenu des valeurs mobilières est inférieur de 3 millions aux évaluations budgétaires et de plus d’un million au produit de 1883.
- L’enregistrement et le timbre ont produit 40 millions de moins que le chiffre porté au budget et 27 millions de moins qu’en 1883.
- Le produit des douanes est inférieur de 12 millions aux évaluations budgétaires et de 11 millions au produit de 1883.
- 11 en résulte donc une moins-value de 53 millions sur les évaluations budgétaires et 12 millions sur les produits de 1883.
- Et la. commission du budget partage la quiétude du gouvernement, elle a fait des majorations pour 1885! Avec quelle insouciance ces gens-là travaillent-ils donc ! On jette les millions par les fenêtres pour le Tonkin, on réalise des économies dérisoires, on vote le budget à la vapeur, on propose des surtaxes sur le blé et sur le bétail.
- Voilà un joli programme économique et financier. C’est à se demander si ministres et députés n’ont pas perdu la tête. Ce serait leur excuse.
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- La spéculation. — Ils vont bien les agents de change de Nice :
- M. Mihel, agent de change, est en fuite.
- Il y avait en tout six agents de change autour de la corbeille de la Bourse de Nice.
- Trois sont en prison et un quatrième s’est enfui.
- Qu’est-ce qu’on va faire des deux autres?
- TONKIN
- On n est point tout à fait fixé sur ce qui se passe en ce moment au Tonkin. Les journaux ministériels ne sont pas d’accord pour nous renseigner. D’après le Temps, le nouveau combat qui vient d’avoir lieu au Tonkin marque la reprise des hostilités et la marche de nos troupes en avant ; d’après le Paris, ce combat n’a été, au contraire, qu’une opération défensive, et le corps expéditionnaire restera stationnaire jusqu’à* l’arrivée des renforts.
- Lequel des deux journaux dit la vérité?
- D’après la République française, le plan qui va être mis à exécution est celui-ci : marche sur Lang-Son, sur That-Ké et sur Cao-Bang, villes de la frontière tonkino-chinoise, et ensuite marche sur Thac-Thu, où sont concentrés les Pavillons-Noirs.
- Combien d’hommes tout cela nous coûtera-t-il?
- Dans le dernier combat, nos soldats ont laissé 600 chinois sur le terrain, mais ils ont en, de leur côté, 19 tués et 65' blessés. Or, combien de combats semblables notre corps expéditionnaire devra-t-il livrer avant d’arriver à Lang-Son ? Combien de fois devra-t-il perdre en route 19 tués et 65 blessés? Les chinois, on le sait, sont passés maîtres en fait de fortifications ; nul mieux qu’eux ne sait remuer la terre, et il n’est pas douteux que, depuis six mois qu’ils nous attendent sur les routes conduisant à Lang-Son et sous les murs de cette place, ils n’aient élevé partout des retranchements analogues à ceux de Son-Tay, qui nous coûtèrent de si lourdes pertes.
- On nous dit : « Nous allons prendre Lang-Son, That-Ké, Cao-Bang, Thac-Thu». Très-bien! Les difficultés seront grandes, les sacrifices lamentables. Cela ne compte pas pour les ministériels. Donc, nous voilà à la frontière chinoise ! Et puis après ?
- Six bataillons de l’armée d’Afrique seront embarqués,avant la fin de ce mois, pour le Tonkin : deux bataillons de zouaves deux de tirailleurs algériens et deux de la légion étrangère.
- Ces troupes seront remplacées en Algérie par trois bataillons de chasseurs à pied.
- Les bataillons désignés sont ceux qui se trouvent actuellement en résidence à Romorantin, Clermont-Ferrand et Poitiers.
- MUTUALITÉ NATIONALE
- Si les classes dirigeantes comprenaient l’utilité de la Mutualité nationale, cette institution ne tarderait pas à devenir générale.
- Les ruines et les désastres causés par les récents tremblements de terre, en Espagne, devraient disposer les gens riches à réfléchir sur la fragilité de leur sécurité dans une société individualiste.
- Dans certaines localités, on évalue à 1.500 le nombre des maisons détruites. Beaucoup des propriétaires de ces immeubles ne devaient posséder
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- d'autre fortune ; maintenant ils vont être réduits à subir les pires rigueurs d’un salariat, qu’ils seraient heureux de trouver tempérées par de sages institutions garantîtes.
- Les pauvres gens, habitués aux misères ordinaires des classes laborieuses, dès que la période des tremblements de terre sera écoulée, reprendront leur vie ordinaire; quelques-uns un peu plus pauvres qu’auparavant, beaucoup ne pouvant pas l’être davantage.
- Mais, les familles habituées à l’aisance, qui trouvaient précédemment de larges moyens d'existence Mans la perception des loyers de leurs maisons, comment vont-elles supporter les charges de leur nouvelle position?
- Que de souffrances physiques et morales elles auront à éprouver, sans pouvoir jamais se désigner à accepter l’abaissement social infligé à quiconque cesse de posséder l’aisance.
- Pourtant, ces nouveaux déshérités n’ont rien fait qui puisse justifier leur décadence. On ne saurait invoquer la moindre participation volontaire de leur part aux événements qui ont causé leurs ruines ; leur responsabilité ne peut être mise en cause; ils ne seront pas moins soumis à tous les tourments et à toutes les viscissitudes de la pauvreté.
- La charité publique, sous l’influence des premières impressions, surexcitée par les appels des politiciens et des journalistes désireux d’exploiter à leur profit ces malheurs publics, apportera quelques soulagements passagers, et la plupart des victimes seront finalement abandonnées à elles-mêmes.
- Il ne peut en être autrement dans nos sociétés. Si l’Etat espagnol faisait plus, il ferait preuve d’une partialité susceptible de provoquer contre lui les haines et les colères des autres déshérités. Les victimes ordinaires des chômages et du mal de misère ne sont pas moins irresponsables de leur position que ne le sont les familles ruinées par les tremblements de terre. Au contraire, il serait facile d’établir que les déshérités, s’ils ne sont généralement responsables de leur pauvreté, peuvent bien souvent la mettre au compte de la mauvaise organisation sociale; et, à ce titre, ils ont des droits plus fondés à réclamer à l’Etat une juste réparation.
- Mais la morale socialiste ne s’arrête pas à ces nuances ; elle veut l’application de toutes les mesures sociales susceptibles de réparer et de supprimer les souffrances nées de l’ignorance humaine et leur application dans la limite du possible au
- I soulagement des infortunes produites par des faits indépendants de l’action des hommes.
- En Espagne, les désastres que nous déplorons ne dépassent pas les limites de la prévoyanoe socialiste ; ils seraient considérablement atténués par les projets de mutualité nationale défendus par le Devoir.
- Ces sages institutions ne pourront prévaloir tant que leur utililté sera méconnue par les classes dirigeantes.
- Celles-ci devraient cependant,sous l’influence de ces événements,comprendre combien elles sont intéressées elles-mêmes à militer en faveur d’une meilleure organisation sociale. Elles devraient penser que les familles ruinées, qui, hier, étaient indifférentes même hostiles à la réalisation de nos projets, considéreraient aujourd’hui leur existence comme un bienfait plus précieux que la fortune même.
- S’il nous était donné de faire une enquête auprès de chacune de ces familles, certainement nous rencontrerions maintenant une approbation unanime.
- Nous invitons les classes dirigeantes à méditer ces enseignements, à considérer que des faits analogues dans une période de temps plus ou moins longue peuvent les atteindre elles ou leurs descendants, et que, le cas échéant, elles n’auront pas le droit de réclamer avec justice les secours de la société, si elles continuent à se montrer indifférentes envers les classes laborieuses livrées aux tortures du paupérisme.
- La Mutualité nationale est une institution qui donnera la sécurité aux travailleurs et qui consolidera celle des familles aisées, dont les fortunes sous les coups de la concurrence, de la spéculation, des accidents matériels ne mettent pas leurs possesseurs à l’abri d’une misère d’autantmoins supportable qu’elle vient presque toujours subitement.
- Tremblements de terre en Espagne.
- Depuis le 25 décembre une partie de l’Espagne subit de terribles bouleversements causés par une série de tremblements de terre, qui se reproduisent encore à l’heure où nous publions ces lignes.
- Que les tremblements de terre proviennent du refroidissement du globe terrestre ou des variations de la pression atmosphérique ou de n’importe quelle autre cause ils ne sont pas sans amener une grande destruction de richesses et sans produire de grands troubles sociaux.
- Rien de plus frappant que la variété des phénomènes qui les accompagnent.
- Quelques jours avant les premiers tremblements, un
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- aréolithe remarquable a parcouru dans sa chute une grande partie du ciel des provinces menacées aujourd'hui d’une complète destruction.
- Dans certains ports les mouvements terrestres ont eu pour effets d'amener l'état de la mer au calme plat, dans d’autres ils ont provoqué des tempêtes furieuses. Dans quelques localités ne présentant, en apparence, aucune chance de danger sérieux,les habitations se sont effondrées avec fracas,engloutissant sous les décombres la presque totalité des populations, tandis que des maisons, situées en pleine montagne, ont été descendues dans la plaine sans qu'elles aient souffert le moindre dommage et sans que les habitants aient éprouvé aucun accident. De grands trous se sont ouverts au milieu des champs, même dans le lit de certaines rivières, d'où s'échappent de puissants courants d’eau chaude ou de gaz sulfureux. On dit même qu’un nouveau volcan se serait ouvert dans les Pyrénées.
- Les journaux scientifiques donneront bientôt tous les détails de ces bouleversements.
- A peine si l’on a maintenant quelques renseignements précis sur les ravages constatés jusqu'à présent.
- Un grand nombre de maisons ont été détruites à Cape-leira, ville située dans la Sierra-Nevada, à 2,300 mètres audessus du niveau de la mer.
- Trente-deux secousses ont été ressenties à Velez. Les villes d’Arenas, de Debrey, de Velez et de Malaga sont à moitié détruites. A Albunelas 463 maisons sur 477 sont démolies.
- La ville de Campeta, province de Malaga a été complètement détruite. Dans cette province le nombre des victimes ne dépasse pas cinq ou six cents ; par contre, les destructions des maisons, des églises et des édifices publics ont été considérables.
- Dans la province de Grenade, il y a plus de cinquante villages dontles maisons- ont beaucoup souffert;à Alhama, une partie de la ville haute s'est effondrée sur la ville bisse qui n’est plus qu'un amas de décombres; il y a plus de 1,300 maisons détruites. ARicordo, une profonde crevasse s’est ouverte donnant passage à une source d'eau chaude. Dans la Sierra-Elvira, on annonce l’apparition d'un volcan.
- En Andalousie les secousses sont nombreuses, elles n’ont pas produit d'effets aussi terribles.
- Les populations de ces provinces ont déserté les villes et les villages; elles se sont répandues dans les campagnes où le défaut d'abris et d’approvisionnements en fait succomber un grand nombre de faim et de froid.
- On évalue que le total des dommages matériels s’élève à plus de40,000,000 et qu’il y a plus de 20,000 habitants sans abris. Le nombre des morts et des blessés n’est pas connu, mais on le prévoit très élevé.
- Les dernières nouvelles signalent de grandes inondations. On dirait tous les fléaux sont déchaînés contre ces malheureuses provinces.
- Les sociétés comprendront-elles quels devoirs leur impuissance présente à soulager efficacement tant de misères leur impose pour l'avenir.
- LA SÉPARATION DE L’EGLISE ET DE L’ETAT.
- Il convient de rappeler que les partisans de la séparation immédiate de l’Eglise et de l’Etat, à la Chambre, comme l’an dernier ont décidé qu’ils manifesteraient leur opinion en votant contre le chapitre premier du budget des cultes. Nous reproduisons les dernières paroles du discours de M. Lepère qui donnent à ce vote toute sa signification :
- « C’est sur la question ainsi posée que nous voterons pour la suppression du budget des cultes. Et, dût notre vote, grâce à un appui que ne refusera pas le garde des sceaux, grâce à l’appui des membres de la droite (Très bien ! sur divers bancs à gauche. — Interruption à droite), dont je comprends parfaitement le vote et dont je m’explique très bien le concours, dût, grâce à cette alliance... (Réclamations à droite),
- » Grâce, si vous voulez,à ce que les bulletins des ministres et du centre se seront trouvés de la même couleur que les bulletins de la droite, dût notre vote rester un vote platonique, nous aurons eu du moins la satisfaction de l’émettre comme un vote non pas de persécution, ainsi qu’on se plait souvent à le dire, mais comme un vote commandé par la liberté de conscience... (Très bien ! très bien! et applaudissements à l’extrême gauche et sur divers bancs à gauche), un vote que réclame la dignité de l’Etat aussi bien que celle de l’Eglise ; et avant tout comme un vote de logique, car à ceux qui veulent que la suppression du budget des cultes soit précédée de la dénonciation du Concordat,en fait il serait facile de démontrer que le contrat n’existe plus et qu’il est bien inutile de le dénoncer.
- Votez donc avec nous, messieurs, la suppression du budget des cultes. En le faisant, vous aurez pris votre part d’une œuvre de liberté, de dignité et de logique. (Vifs applaudissements sur les mêmes bancs.) »
- Mouvement ouvrier en Belgique
- Le journal la Voix de l’ouvrier apprécie comme suit la situation politique des classes laborieuses :
- Il est de mode, dans le commerce, dans l’industrie et ailleurs, de faire l’inventaire de l’année écoulée. Nous allons faire de même et voir si 1884, malgré la crise dont tout le monde se plaint, a été bonne pour nous.
- Disons-le de suite : Nous sommes satisfaits du résultat obtenu pendant l’année qui vient de se terminer.
- Malgré les misères de toutes sortes que les ouvriers ont eu à supporter, malgré les difficultés sans cesse grandissantes de la vie, l’idée socialiste a fait des progrès chez nous.
- En effet, nous allons en juger.
- La première place, dans cet inventaire social, appartient à nos frères de la vieille cité des Van Arlevelde. Les socialistes gantois ont fait de grandes choses en 1884. Leur organisation s’est perfectionnée et agrandie. Leur boulangerie coopérative a augmenté le nombre de ses adhérents dans des proportions de plus en plus grande. Un vaste et beau local est sorti de terre, majestueusement, sur les ruines d’une vieille
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- fabrique. Ce vieux bagne capitaliste est devenu un palais social dont les socialistes gantois sont fiers, et ils ont le droit d’en être fiers !
- Le journal, le Toekomst, qui paraissait deux fois par semaine, continue sa publication le dimanche, mais le Voo-ruit, nouvellement créé en septembre dernier, est quotidien, à deux centimes. Salut au premier organe socialiste quotidien de langue flamande ! Sa vie est désormais assurée et il combattra longtemps encore tous les ennemis de l’idée sociale.
- * *
- A Anvers, nos amis ont ressuscité leur Werker, l’ancien défenseur des droits de l’ouvrier. Il continue le bon combat pour la défense des intérêts de ceux qui souffrent et qui demandent justice.
- La boulangerie coopérative d'Anvers fait chaque jour de nouveaux progrès. Elle est un exemple vivant de ce que peuvent les ouvriers quand ils le veulent : supprimer les intermédiaires inutiles. C’est là œuvre socialiste et de la bonne propagande par le fait !
- it
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- A Yerviers, nos vaillants amis de cette cité industrielle continuent la publication de la Sentinelle. Le mouvement coopératif y a fait également du chemin et a réuni plusieurs tf.fttaines de travailleurs sous son drapeau. Malgré la crise que traverse son industrie, Verviers continue vaillamment la lutte pour les idées de justice. Les dernières élections pour le Conseil des Prud’hommes ont montré que le mouvement, commencé il y a plusieurs années, se continue et est en progrès. On a abandonné les théories trop idéales pour faire de la propagande pratique, et cela a réussi.
- Bravo aussi pour les socialistes verviétois et pour les dignes lutteurs du parti socialiste !
- * *
- À Charleroi, F Union Verrière est devenue une puissance avec laquelle non seulement les industriels, mais les politiqueurs sont obligés de compter.
- Aux dernières élections communales, plusieurs ouvriers verriers ont triomphé dans un grand nombre de communes de l’arrondissement de Charleroi.
- Les mineurs, eux aussi, se réveillent et vont entrer dans le mouvement.
- On le voit, là aussi, l’année 1884 n’a pas été perdue pour nous !
- Le pauvre Borinage, lui, a bien de la peine à se réveiller. Hélas ! ces malheureux borains ont tant souffert déjà. L’ex-ploitation capitaliste dont ils sont les victimes a ôté chez eux même le sentiment de leur individualité. « L’esclave perd tout dans les fers, même le désir d’en sortir ! » Paroles Vraies, surtout pour les pauvres mineurs du bassin de Mons. •
- Espérons cependant que le réveil qui se manifeste, continuera, et que les exploités de la mine ouvriront bientôt les yeux à la lumière de l'Idée.
- V**
- Enfin, à Bruxelles, le mouvement ouvrier a fait également des progrès. Les associations ouvrières sont toujours debout. Leur organisation intérieure s’est améliorée. De nouvelles sociétés se sont constituées, celle des menuisiers entre autres.
- . Les groupes socialistes se sont fédérés. La Boulangerie coopérative, malgré les menées de quelques endormeurs, qui voulaient borner son rôle à donner quelque bénéfice à ses membres, s’est affiliée au parti socialiste belge. Quelques démissions sont arrivées, mais quinze jours après le nombre des membres nouveaux compensait amplement celui des déserteurs.
- * +
- La Ligue ouvrière a été fondée à Bruxelles. Bientôt après sont venues les ligues de Saint-Josse-ten-Noode-Schaerbeek, celle de Saint-Gilles, de Molenbeek, d’Ixelles, d’Etterbeek. Le mouvement d’organisation continue. Aux élections communales, plusieurs candidats ouvriers ont triomphé. D’autres suivront et ainsi, peu à peu, l’idée d’une représentation ouvrière fera son chemin.
- * *
- Parlons de nous, pour finir.
- La Voix de l’Ouvrier a revu le jour. Elle a été bien accueillie par tous les amis sincères des droits du peuple. Sa vie est assurée, grâce an nombre de ses abonnés. Nous continuerons à faire de notre mieux pour la rendre intéressante. A vous abonnés et lecteurs, à travailler pour que cet organe, qui est le vôtre, prospère et devienne plus grand 1 Vous recevrez deux exemplaires de ce numéro. Passez-en un à un àmi et engagez-le à prendre un abonnement.
- Que chacun fasse son devoir et l’année prochaine, quand, à cette même place, nous établirons un nouveau bilan, nous pourrons jouir des progrès qui se sont accomplis.
- 1884 est mort. Vive 1885 ! Vive la démocratie socialiste !
- L. B.
- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen
- Jura. — Lons-le-Saulnier. — Boulerot, Léon, 16, rue des Casernes. — Passerieu, 12, rue Neuve. — Malfroy, Aimé, 20, rue Saint-Lazare. — Hethlin, rue des Salines. — Gousset, 63, rue des Salines. — Rodet, D., libraire. — Barnoud, Claude. — Arbey, charcutier, rue Neuve, 11. — Gaudot, négociant. - Piard, rue Rou-get-de-l’Isle, 2. — Piard, E., rue Rouget-de-l’Isle, 19.— Duplomb, Antoine, rue Neuve, 20. — Vincent, Boulanger, rue Neuve. — Roche, entrepreneur. — Roche, buraliste.— Mondragon, négociant. — Arragon. — Gaudard. — Buf-
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- fet. — Boyet. — 6 signatures illisibles.
- Passenans. — Barbezat, Louis, .négociant en vins.
- Saint-Amour. — Cottin.
- Meûra. — Barthelet, maire.
- Geringeij. — Billet, conseiller général.
- Seine-Inférieure. — Ry. — Lemoine, Cyrille, chef-cantonnier.
- Saint-Denis-le-Thiboult. — Pellertn , Stanislas, cultivateur.
- Croisy-sur-Andelle. — Betton, facteur.
- Saint-Aignan. — Boudin, Edouard, débitant. — Mar-dot, Louis, cultivateur. — Fongueuse, Gustave, journalier.
- Au Héron. — Daniel.
- Aube. — Fontvannes. — Masson, Albert.
- Seine. — Paris. — Thomas, fabricant d’appareils électriques, 182, boulevard de la Villette. — Guérin, entrepreneur, rue du Pot au lait.
- Billancourt. — Gaucher, au centre de la Pyramide.
- Boulogne. — Montjàrdait, 92, boulevard de Strasbourg. — Guérin, journalier, à la maison Gontesenne-Masson et Guy. — Géntil, Eugène, 4, rue Daguesseau.
- Seine-et-Oise. — Meudon.— Locquard, Léonard, scierie mécanique du Bas-Meudon. — Contesenne-Masson, 62, route de Vaugirard. — Contesenne-Masson, Edouard, fabricant de briques au Bas-Meudon. — Darras, Léon, comptable de la maison Contesenne-Masson ei Guy.—Drouin, Louis, et Velsch, Eugène, charretier de la maison Contesenne-Masson et Guy. — Larelhi, Félix, 60, route de Vaugirard.— Ozouf, Jean, 51, route de Vaugirard.— Nivault, Alexandre, charretier de la maison Contesenne-Masson et Guy. — Guillemet, Henri, au Bas-Meudon. — Mme Ozouf, 51, rue de Vaugirard.
- Sèvres. — Marcoux, 84, Grande-Rue.
- Choisy-le-Roi. — Eudet, rue du Pont, 2, membre du cercle et de la société de consommation. — Couret, coiffeur, rue St-Louis, 50.—Màrgotin, Clément fils,rue Ste-Placide, 24.— Roux, Auguste fils, avenue Pompadour,5.—Thibault, Paul, administrateur de la société coopérative alimentaire. — Guy, Jules, rue du Pont, 2, membre de la société coopérative. — Marchand, propriétaire, rue Sainte-Placide, 18.— Gripoux, rue Ste-Placide, 4.— Màrgotin père, propriétaire, rue Sainte-Placide, 18. — Bernard, Antoine, rue de la Halte, 12. — Delys, fabricant de casquettes, conseiller municipal. — Sciiule, Edouard, avenue de Paris. — Cron-nier, artiste-peintre, conseiller municipal, chemin de Villeneuve-Saint-Georges. — Mlle Bernard, Marie-Mélanie.
- MAITREPIERRE
- Par Edmond ABOUT
- I.
- BORDEAUX.
- C'est par le plus grand des hasards que j’ai fait la connaissance de maître Pierre.
- Tout me porte à croire que je n'aurais jamais entendu parler du bonhomme, ni de ses échasses, si j'étais venu
- à Grenoble par le chemin de Lyon, qui est assurément le plus court. Lorsque M. Ponsard et M. Emile Âugier vont en visite dans le département de l'Isère, ils ne manquent jamais de passer par I yon : c’est le chemin des académiciens. J'ai pris par Bordeaux et Marseille, comme un écolier : il en est de tout âge.
- J’avais consulté les itinéraires et je m'attendais à perdre trois jours en route, mais je me trompais de toute une semaine. Comment prévoir que je rencontrerais maître Pierre, qu’il me promènerait dans les Landes de la Gironde, qu'il me dirait leur histoire et la sienne, et qu’il m'apprendrait du haut de ses échasses mille choses intéressantes dont je ne me doutais pas, ni vous non plus? Je ne regrette point le temps que j’ai passé dans sa compagnie. Ce que j’ai vu de plus curieux dans mon tour de France, c’est le désert des Landes et maître Pierre son prophète.
- Le voyage commença sous les meilleurs auspices, car de Paris à Bordeaux je ne fis qu’un somme. Je m’endormis dans la gare de Paris, précisément à l’heure où Mœ® Ristori opérait sa rentrée au Théâtre-Italien. Chemin faisant, mes rêves furent interrompus quatre ou cinq fois par le cri des employés qui signalaient à notre admiration les principales villes de France. Orléans, Tours, Poi-iers, Angoulème se ressemblent un peu, lorsqu’on les voit en se frottant les yeux, à la portière d’un wagon. Ces vieilles cités historiques présentent l’aspect uniforme d’un hangar neuf, planté sur des eolonnettes de fonte, éclairé au gaz, et peuplé de casquettes brodées qui courent dans tous les sens.
- Si j’ai vu quelque chose de plus à Bordeaux, c’est que j’étais descendu de voiture.
- Je m’éveillai au bord d’un fleuve énorme, qui serait la parfaite image de la Tamise si les eaux de la Tamise étaient jaunes, ou si le limon de la Gironde était noir. Le pont qui joint les deux rives est long d’un demi-quart de lieu, mais on y voit courir moins de piétons et de voitures que sur le pont de Londres. Dès le premier pas, on pressent une ville grande et grandiose, mais qui n’est pas dans son plein. On pense à Versailles.
- Bordeaux a six kilomètres de long et 150.000 habitants: beaucoup de place pour peu de monde. Ce n’est pas que tout le monde y respire à l’aise. Si l’herbe pousse dans les rues et sur les places de la ville neuve, on étouffe nn peu dans les vieux quartiers. Les juifs, les petits marchands, les brocanteurs, les pileurs de drogues s’agitent pêle-mêle dans une ruche malpropre et malsaine ; leurs taudis s’alignent tant bien que mal le long des rues étroites et dépavées. On y voit encore bon nombre de ces maisons ventrues, bossues et vermoulues qui font les délices de l’archéologie romantique, et il suffit d’aller
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- à Bordeaux pour se faire une idée du vieux Paris. Ces jours passés, un homme cheminait paisiblement, la casquette à la main, dans une de ces ruelles; la corniche d'une maison se détacha en bloc et lui tomba sur la tête. Les témoins de l'accident ne firent qu’un cri d’effroi. Quant à la Victime, elle secoua ses oreilles comme un chien mouillé, et poursuivit ^sa route. L’horrible niasse qui l’avait foudroyée ne pesait pas beaucoup plus qu'une poignée de poussière. Grâce au travail des ans, ce n’était plus du bois, mais de l’amadou.
- Dans la ville neuve, tout est vaste, rectiligne et monumental, les rues, les places, les avenues, les esplanades, les constructions, rivalisent de splendeur avec ce qu'on admire à Paris. Le Grand-Théâtre, qui ne contient que 1.200 personnes, aies dehors imposants d’un colisée, et un escalier que je souhaiterais à l’Opéra. Les cafés sont des monuments ; j'ai vu un établissement de bains tout à fait monumental, avec un fronton pour les hommes et un autre pour les dames. Toutes ces grandeurs datent de Louis XV et de Louis XVI.
- En ce temps-là, Bordeaux était une des capitales de la France; car nous en avions plusieurs,et tout ne tendait pas vers Paris. On ne voyait pas nettement,comme aujourd’hui, qu'une action centuple ses forces en les concentrant. L'Orient avait commercé avec Marseille, et de Paris se souciait fort peu. Le Brésil, les Antilles et toute l'Amérique du Sud plaçaient la France à Bordeaux. Il y avait des liens plus étroits entre Bordeaux et Saint-Domingue qu’entre Bordeaux et Paris. Avec son territoire et son fleuve, ses vins, son port, ses chantiers, ses débouchés, Bordeaux croyait être en état de se suffire. C’est ce qui explique, sans l'excuser, l'erreur des députés de la Gironde. Ils n'auraient jamais songé à affranchir Bordeaux en le séparant de la capitale, s'ils avaient su que c'était affranchir un membre en le séparant du cœur.
- Bordeaux est en progrès comme le reste de la France. Sa population est plus nombreuse que sous Louis XVI ; le mouvement du port, l'entrée et la sortie des navires, le chiffre des affaires, tout a augmenté. Cependant, la ville n'a pas gagné tout ce qu'elle se promettait. Les vastes constructions élevées sous Louis XVI dans l’attente d'un peuple immense ne se sont pas remplies; il reste des vides à combler, tandis que le Havre, qui n’était rien il y a cinquante ans, fait craquer ses murailles trop étroites. Les chantiers du Havre construisent presque autant de navires que ceux de Bordeaux. En 1856, Bordeaux a chargé et déchargé un million de tonneaux ; le Havre, deux. Aussi les Bordelais, lorsqu’ils se comp-~ rent à leurs rivanx, s'accusent de décadence. Ils croient marcher en arrière, parce que l'on court à côté d'eux. C'est une erreur d'optique assez difficile à éviter. Quand
- deux trains marchent parallèlement sur un chemin de fer avec une vitesse inégale, les voyageurs qui avancent moins vite s’imaginent qu’on les traîne à reculons.
- (A suivre.)
- État-civil du Familistère
- Semaine du 29 Décembre 1884 au 4 Janvier 1885
- Naissance :
- Le 2 Janvier de Tardier, Marie-Louise, fille de Tardier Louis et de Hamel Maiie.
- SOMMAIRE du dernier numéro de la Revue clu Mouvement social :
- Charles-M. Limousin : Un cas d’académisme, p. 367.— L. Dramard : Reproches injustes, p. 373.— H. Lene-veux : Les exagérations de Renseignement intégral, p. 374. — M. Silberling : La foi phalanstérienne,p. 381. — Giraud-Godde : Les passions volontaires, p. 387. — Wl. Gagneur : L’arbitrage international, p. 392. — E. de Pompery : Décadence et renouvellement de l’idéal, p. 397. — Emile Dujon : Qu’est le génie? p. 402._ — Joseph Vinot : Les récidivistes, p. 405.— La moralisation... ou la démoralisation par la suggestion, p. 406 — MauriceBlock : Le rétablissement des corporations en Allemagne, p. 410. — O. Pontet : Une victime du mandarinat français, p. 413.
- Charles-M. Limousin : Lettre ouverte àu prince de Bismarck, chancelier de l’empire d’Allemagne, p. 315. — Rouxel : La plaie de la France, p. 420. — C. L. : La mission de la France, p. 430. — Alfred Fouillée : Réfutation de l’individualisme absolu, p. 433.— Leroudi er : L’Inde etQa Judée, p. 441.— La Franco-Maçonnerie et la papauté, p. 451. —: La diminution du prix de la vie aux Etats-Unis, p. 458. — Le socialisme catholique, p. 459.— Bibliographie (Turgot et ses doctrines, par Alfred Neymarck), p. 460. — Bulletin financier. —Avis et communications.
- VENTE ET ABONNEMENTS ; chez MM. WATTIER et C° 4, rue des Déchargeurs, à Paris.
- _ L’Astronomie, Revue mensuelle d’Astronomie populaire, de Météorologie et de Physique du globe, par M. Camille Flammariom. — Le numéro de janvier 1885,remplace l’almanach astronomique Flammarion qui a cessé de paraître. Il contient VAnnuaire astronomique pour l’année 1885, l’Agenda des observateurs pour tous les jours de l’année, les cartes des mouvements des planètes, les aspect du ciel,occultations d’étoiles par la Lune, conjonctions, rapprochements, étoiles variables, etc., en un mot tout ce qui concerne l’étude pratique du ciel. — Ce Numéro contient 15 figures. — (Gauthier-VillaiIs, quai des Augustins 55, Paris.)
- Le Directeur-Gérant : GODIN.
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- Fondateur du Familistère
- Le GoQvernement,
- Vient de paraître :
- ce qu'il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action.
- Ce volume met en lumière le rôle des pouvoirs et des gouvernements, le principe des droits de l’homme, les garanties dues à la vie humaine, le perfectionnement du suffrage universel de façon à en faire l’expression de la souveraineté du peuple, l’organisation de la paix européenne, une nouvelle constitution du droit de propriété, la réforme des impôts, l’instruction publique première école de la souveraineté, l’association des ouvriers aux bénéfices de l’industrie, les habitations ouvrières, etc., etc.?
- L’ouvrage est terminé par une proposition de loi à la Chambre des députés sur l’organisation de l’assurance nationale de tous les citoyens contre la misère.
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- Mutualité nationale contre la Misère. — Pétition et proposition de loi à la Chambre des députés.
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- OUVRAGES RECOMMANDÉS AUX COOPÉRATEURS Histoire de l'association agricole de Ralahine (Irlande), Résumé des documents de
- M. E, T. Craig, secrétaire et administrateur de l’association. Ouvrage d’un intérêt dramatique, traduit par Marie Moret................................................................. 0,75 cent.
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- l’anglais, par Marie Moret...............................................................0,75 cent.
- ROMAN SOCIALISTE
- La Fille de son Père. Roman socialiste américain, de M“e Marie Howland, traduction de
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- La première édition de ce roman publiée par M. John Jfwett, l’éditeur de « la Case de l’Oncle Tom », a eu un grand succès en Amérique. Ce Roman est aux questions sociales qui agitent le monde civilisé, ce que « la Case de l’Oncle Tom » fut pour la question de l’esclavage.
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- Guise. — lmp. BARÉ.
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- 9e Année, Tome 9. — N” 332 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 18 Janvier 1885
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- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES & POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1. —Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- h. — Organisation du suffrage universel par l’unité de Collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l'électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile ;
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens;
- La possibili té pour les minorités de se faire représenter ;
- La représentation par les supériorités.
- 3- — Renouvellement annuel de moitié de la Chambre des députés et de tous les corps élus. La volonté du peuple souverain toujours ainsi mise en évidence.
- p- — Rétribution de toutes les fondions publiques devolueS' par le suffrage universel.
- , 7; — Egalité civile et politique de l'homme et de la femme. ^
- (L Le mariage, lien d’affection.
- Faculté du divorce.
- , 9-~. Education et instruction primaires,gratuites et obligatoires pour tous les enfants.
- Les examens et concours généralisés avec élection des eleves par leurs pairs dans toutes les écoles. Diplôme constatant la série des mérites intellectuels et moraux de chaque élève.
- 10. — Ecoles spéciales, nationales, correspondantes aux grandes divisions dos coiinaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- U —Suppression du .budget des cultes. Séparation de l’uglise et de l’État. *
- 12. — Réfor?ne des impôts et suppression des impôts indirects.
- 13. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit
- d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- lit- — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatérale à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dans une juste mesure, retour h la société qui a aidé à les produire.
- 15. — Remboursement des dettes publiques avec les ressources de l’hérédité.
- 16. — Organisation nationale des garanties et de Vassurance mutuelles contre la misère.
- 11. — Suppression des emprunts d’Etat. *
- 19. — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 20. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21. — Libre échange entre les nations. «
- 22. — Abolition de la guerre offensive.
- 23. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 24. — Désarmement européen.
- 25. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire,
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- SOMMAIRE
- Le Parlementarisme, le Suffrage universel et le s Réformes urgentes. — La crise économique en Angleterre.— Informations concernant les travailleurs. — La crise agricole. — Aphorismes et préceptes sociaux. — Faits politiques et sociaux de la semaine — La prière à l’école. — Le socialisme et Vinternat. — La ligue et la protection des femmes.— Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen. — Maître pierre.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
- Le Parlementarisme, le Suffrage universel et les Réformes urgentes
- I
- Nul ne peut se dissimuler qu’un profond besoin de réformes remue toutes les nations civilisées. Peu de personnes encore sont arrivées à comprendre toute l’étendue du mal, mais presque tout le monde sent que le frémissement des besoins populaires nous menace d’un soulèvement social, plus redoutable que tous les tremblements de terre de l’4ndalousie. Devant ces avertissements les hommes sages voudraient par d’équitables mesures conjurer les commotions plutôt que de laisser l’irruption se produire par des effets désordonnés.
- En ce qui nous concerne, nous ne laissons pas
- faillir notre journal à sa mission réformatrice. Malheureusement, nos hommes politiques ont l’esprit complètement fermé à la voix des plus sages conseils. Depuis plusieurs années nous montrons sous son véritable jour la réforme des impôts ; assurément, il n’est pas de question qui touche plus immédiatement à l’amélioration du sort des classes ouvrières. Nos Chambres sont sourdes à toutes ces propositions; au lieu d’entrer dans la voie du dégrèvement des charges imposées aux classes pauvres en décrétant le droit d’hérédité de l’Etat, droit dont le mérite serait de tirer de la richesse acquise, après le décès des citoyens, les ressources que l’Etat prélève aujourd’hui, injustement, sur le salaire des classes laborieuses; au lieu de cela, au lieu de décharger le pauvre, les classes dirigeantes proposent aux Chambres tout le contraire ; elles demandent un nouvel impôt sur la subsistance, sur le pain, la viande et les boissons, par un droit de douane à l’entrée de ces denrées.
- Il semble qu’un affolement général se soit emparé des classes qui possèdent et qu*elles n’aient rien de plus pressé que de nous pousser aux abîmes.
- Sous de telles pressions, rien ne pourra empêcher les Chambres de prendre les décisions les plus dangereuses ; rien ne pourra leur faire accepter aucune mesure sage capable d’avoir un effet immédiatement pacificateur et bienfaisant.
- Aux besoins que les masses éprouvent d’être dégrevées d’impôts iniques, on répond en ajoutant des impôts nouveaux.
- Aux besoins de paix ressentis pour arriver à l’économie dans les folles dépenses, on répond en faisant des guerres insensées, engloutissant des centaines de millions qui seraient si utilement employés à ouvrir des institutions de mutualité, lesquelles auraient l’avantage de soustraire les familles ouvrières à l’affreuse misère.
- En présence de tous ces maux, notre journal continue à exposer les réformes sociales nécessaires ; il continue la campagne en faveur de l’arbitrage international et du désarmement européen persuadés que nous sommes que la guerre est le plus grand obstacle à la sécurité des peuples, qu’elle est un des principaux obstacles à l’amélioration de leur sort,et que l’organisation de la paix entre les nations sera la réforme la plus propre à assurer l’avenir des autres réformes.
- Rien ne peut présenter un caractère durable tant que les droits les plus sacrés de la vie hu-
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- LE DEVOIR
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- maine seront à la merci du despotisme et de la tyrannie ; tant que la guerre ravira la liberté et les droits les plus chers de tous les citoyens ; tant que la guerre appellera tous les hommes jeunes et vigoureux à livrer les plus belles, les plus précieuses années de leur vie, en pâture aux champs de bataille.
- Mais le respect de la vie humaine ! les libertés des citoyens ! est-ce que cela préoccupe la majorité de nos députés et des hommes qui ont les destinées du pays entre leurs mains !
- Coloniser, voilà leur œuvre insensée ; car, coloniser pour eux, c’est aller porter la guerre sur une terre étrangère, y ruiner, y massacrer les naturels du pays, en sacrifiant au monstre de la guerre la fleur de nos enfants. Malédiction sur les hommes qui ne savent gouverner les autres hommes que par de tels moyens !
- Que faudrait-il pour porter remède à de tels fléaux ? Il faudrait refaire aux nations et à la France en particulier une nouvelle base politique et sociale.
- Au lieu que les citoyens soient à la merci des gouvernants et des députés, il faudrait que députés et gouvernants fussent sous le contrôle et la dépendance des citoyens de la France entière. Par quel moyen ? En soumettant les Chambres chaque année, par moitié, au jugement du suffrage universel au moyen du scrutin de liste nationale. Mais le Sénat n’a pas voulu du scrutin de liste même départementale ; sa réélection dans les conditions où elle va être faite sera un nouveau malheur pour le pays ; son institution anti-démocratique va s’accentuer; la France, livrée à des directions incertaines et funestes, sera contrainte plus tard de se débarrasser de ce rouage inutile.
- La Chambre des députés donnera lieu bientôt à des fautes analogues. L’expérience du passé a montré combien le suffrage universel est vicié dans son exercice et, par suite,combien le régime parlementaire est défectueux. Rien ne sera fait pour soustraire le suffrage universel aux abus et aux faux errements dans lesquels des gouvernements prévaricateurs des droits du peuple l’ont fait entrer; rien ne sera fait pour rendre aux pouvoirs publics la virilité qui leur manque.
- Pour remédier aux maux signalés, il faudrait faire de tous les députés des députés de la France entière ; il faudrait qu’ils fussent nommés non plus au scrutin de circonscription, d’arrondissement, ni au scrutin de liste départementale, mais
- au scrutin de liste nationale. Il faudrait faire du suffrage universel l’expression de la pensée de la France, mettre devant lui tous les citoyens sur le pied de l’égalité,faire que tout électeur votât pour dix ou douze députés à son choix, sans pression d’aucune sorte, ni du Gouvernement, ni des comités locaux, ni de la presse ; faire enfin que tout citoyen français donnât son vote librement, à qui bon lui semble, en prenant ses candidats où il le jugerait convenable : voilà comment l’élection devrait se faire.
- Ce ne sera évidemment pas encore pour la première Chambre qu’il en sera ainsi. Les pouvoirs publics vont encore s’emparer du suffrage, circonscrire son action, enfin, en annihiler les effets; mais le dégoût lu régime parlementaire, tel qu’il sera pratiqué, avili comme il va continuer à l’être, obligera bientôt le pays à prendre un parti, s’il ne veut pas tomber au dernier degré de la décomposition sociale.
- Néanmoins, l’élection de la Chambre au scrutin^ de liste nationale ne suffira pas pour remédier à la corruption et à l’aplatissement parlementaires; il faut, en outre, que la Chambre soit rééiigible par moitié tous les ans ; il faut que les grandes assises du suffrage universel se prononcent chaque année dans la France entière, sur le mérite et la valeur reconnue des députés ; que ceux-ci soient réélus s’ils ont bien rempli leur mandat ; qu’ils soient remplacés, s’ils sont reconnus indignes.
- Voilà bientôt 40 ans que nous expérimentons le suffrage universel sous la pression des pouvoirs qui, toujours, ont voulu le tenir en tutelle ; le moment de l’émancipation du peuple approche ; c’est par la liberté du suffrage national et par des élections annuelles qu’il deviendra réellement souverain.
- Le député de la France, réékUous les deux ans par le scrutin national, ne sera plus ce député de circonscription au service des intérêts égoïstes de localité ; il sera le député du pays tout entier, nommé sur la réputation générale de ses opinions et de ses capacités. Si, pendant la durée de son mandat, il déserte le programme pour lequel il avait été nommé, ses actes à la Chambre en seront le témoignage, la presse le révélera au élections annuelles. Alors les électeurs delà France remplaceront le mandataire qui aura ainsi failli à son mandat. Au contraire, ils renouvelleront le mandat du député qui se sera tenu à la hauteur des réels intérêts du pays.
- Certainement, la réforme parlementaire est une
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- des plus nécessaires parmi les reformes dont notre société a tant besoin. Car, tant que les hommes chargés des intérêts du peuple ne s'occuperont que de leurs intérêts personnels, le mal social ira s’agrandissant. Il faut que les mandataires du peuple soient tenus de s’occuper des réformes sociales ; or, c’est là ce que ne feront jamais les Chambres élues par le suffrage universel entravé comme il l’est. La réforme parlementaire est donc une des réformes les plus nécessaires. Et, chose surprenante, c’est une de celles dont la nation semble se préoccuper le moins !
- Pourquoi en est-il ainsi ?
- Parce qne les citoyeus qui sont sans travail et sans pain s’aigrissent en se préoccupant de leur misère ; ils perdent confiance dans les autres hommes pour l’amélioration de leur sort. Quant à ceux que la richesse favorise, ils se préoccupent davantage d’augmenter leurs propres capitaux que d’améliorer le sort du peuple. L’atonie nationale pèse sur tous les esprits, en attendant la crise sociale qui obligera le monde à faire le nécessaire.
- (4 Suivre).
- — -------------------------------——— -----------
- LA CRISE ÉCONOMIQUE
- en Angleterre
- Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, on entend partout répéter le cri : Abaissement des salaires, pas de travail. De tous côtés les intérêts sont en souffrance. Les ouvriers sans ouvrage se comptent par dizaines de mille.
- On se plaint à la fois de la sur-population et de la surproduction, c’est-à-dire que d’une part on se plaint d’avoir trop de bouches à nourrir et, d’autre part, d’avoir trop de richesses pour nourrir ces bouches, d’où l’on conclut à la nécessité d’arrêter la production, tandis que la mort par la faim éclaircit les rangs du peuple ! Quel non-sens ! Quelle contradiction ?
- Dans la plupart des districts industriels, les salaires ont été tellement réduits qu*il est impossible de songer à descen-dre plus bas. A Birmingham, des masses considérables d’ouvriers sont inoccupées et la mort par inanition est un fait courant.
- La gravité de la crise industrielle est reconnue et avouée par tous et l’on ne voit aucun espoir d’amélioration.
- Les importations et les exportations sont les unes et les autres en décroissance.
- L’agriculture de son côté subit une crise analogue; des milliers de cultivateurs sont ruinés. En une période de dix ans, le nombre des fermiers en Angleterre a diminué de 24,000 et celui des ouvriers cultivateurs de 9i.0ü0 ! Et cependant la population s’est augmenté d’environ 14 pour cent.
- Sir E. Sullivan dans une conférence donnée aux bureaux
- du Libre commerce, a établi que 1,000,000 d’acres de terre cultivables en grain étaient restés sans culture en Angleterre et 1,300,000 en Irlande.
- Ceci représente une perte de travail pour 150,000 ouvriers agricoles et une perte de salaires d’environ 5,000,000 de livres par an, dans chacun des districts anglais, ce qui revient comme fermage au propriétaire foncier est bien supérieur à ce qui revient au travail. La cause de la crise n’est donc pas attribuable au travail ; elle est due à l’énorme rente prélevée sur le sol.
- Cependant, en dépit de ces faits, on nous prédit pour 1885 une grande agitation partout le pays en faveur de la protection de l’agriculture. Nous ne croyons pas qu’aucun gouvernement entre jamais dans une pareille voie.
- On nous parle d’un droit d’importation de 5 shillings par quarter de blé (le quarter vaut 2 hect. 90 3[4 lit), comme ne devant pas peser gravement sur la masse du peuple. Voyons quel serait le résultat d’une telle mesure en l’appliquant aux 14 années qui ont précédé 1880.
- Durant cette période la somme des blés importés a été de 156,308,000 quarters, le droit aurait donc été de 39,077,000 livres (976,925,000 fr.) La somme de blés fournis pendant la même période par le pays même a été de 156,535,000 quarters ; comme le prix de ce blé aurait augmenté en proportion du d>°oit mis sur les blés d’importation, cela eût donné une somme de 39.133,100 liv . (978,325,000 fr.) soit ensemble 78,310,000 livres (1,955,250,000 fr.j
- Et dans quel but imposer ce surcroit de charges à la masse des consommateurs et atteindre aussi gravement les classes ouvrières ?
- Pour maintenir au taux élevé les rentes des propriétaires du sol ! Ce serait là un expédient si monstrueux que des misérables ou des fous pourraient seuls en faire usage.
- Cependant c’est le même remède qu’on propose pour la sauvegarde des intérêts manufacturiers.
- Et l’on prétend qu’il n’y en a pas d’autre !
- En attendant la crise est la même dans tous les Etats d’Europe. Allez en France, en Allemagne, en Autriche, en Italie, partout vous la trouverez. Elle est générale en Europe, elle est la même aux Etats-Unis d’Amérique.
- Sa cause est profonde, bien plus profonde que ne le veulent comprendre ni admettre les penseurs superficiels.
- Ce qui est certain c’est que jamais l’Angleterre ne reviendra au système protectionniste, moralement impossible. Et nous pouvons être assuré que les crises industrielles iront se répétant et s*aggravant aussi longtemps que durera l’organisation écononomique et sociale actuelle.
- J. Sketchley.
- Informatiens concernant les Travailleurs
- Partout l’Europe, dans la Russie à demi-barbare comme dans la France soi-disant le centre de la civilisation, et dans les contrées à ranger entre ces deux extrêmes, règne une même confusion politique, sociale et industrielle.
- En Russie, bien que les causes du mal soient assez connues, les détails du mouvement restent un peu obscurs, grâce à la difficulté des relations entre la Russie et le reste
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- LE DEVOIR
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- du monde. Cependant, on en sait assez pour être convaincu qu’il s’y prépare une grande révolution.
- En Autriche, où par la corruption de la cour et de l’aristocratie, on est tombé sous la domination des Juifs monopoleurs des capitaux, la dégradation des travailleurs est peut-être plus profonde qu’en toute autre contrée, sauf l’Italie.
- En Allemagne, le socialisme d’Etat du prince de Bismarck est en rivalité avec le socialisme démocratique des travailleurs, obligés,vu leur misère croissante.de s’organiser d’une façon étroite et solide, sous la direction de chefs habiles et dignes de confiance appartenant pour la plupart à la classe des travailleurs instruits.
- En France, la République, dominée par les spéculateurs, n’a pas une plus haute conception de ses devoirs envers le peuple français que d'user de lui pour le seul avantage des intérêts privés de la spéculation.
- Dans tous les centres industriels, des milliers d’ouvriers réclament du travail oü du pain, mais leur cri n’est pas entendu ; et la richesse produite par leur travail et qui, en toute justice, devrait être appliquée à leur soulagement, est dilapidée en expéditions guerrières pour le seul bénéfice des classes privilégiées.
- En Espagne les questions politiques, sociales et religieuses sont encore si intimement mêlées entre elles qu’un certain temps doit s’écouler avant que la distinction entre les classes soit plus distinctement établie.
- Dans les autres contrées d’Europe, telles que la Hollande, les Etats Scandinaves, etc., les luttes passées contre les privilèges n’ont pas été oubliées et sous 1 influence de la pression des circonstances économiques, le combat pour les droits politiques n’est qu’un pas dans la voie de 1 amélioration des conditions sociales des masses.
- Aux Etats-Unis et aux colonies Britanniques, la finance a atteint un développement extraordinaire par son amplitude et sa rapidité. Pendant un temps, grâce à l’absence de voies faciles de communication, à la rareté du travail et de l’intelligence, l’exploitation des ouvriers des champs ou delà fabrique était difficile et peu profitable. Aujourd’hui avec les facilités offertes par le développement des voies ferrées, des télégraphes et des postes, le capital a acquis un pouvoir dominateur sur toutes les classes de la société ; aussi 1 abondance et le confort primitifs, la richesse relative dont jouissaient autrefois les pionniers des Etats-Unis ou des colonies anglaises, ont-ils fait place à une condition d’esclavage économique. L’ouvrier d Europe qui traverse 1 Océan dans l’espoir d’améliorer sa condition change uniquement de localité et de climat ; en quelque endroit qu’il débarque il trouve le détenteur du sol, le prêteur à intérêts usuraires, le propriétaire et le patron < 'industrie.
- En Angleterre même, où le système capitaliste a atteint son plus haut développement, le travailleur plonge, chaque mois, de plus en plus bas. Les usines se ferment, les mines étant closes, les ports sont encombrés de vaisseaux sans usage, la terre est abandonnée sans culture, les salaires de tous les ouvriers sont réduits et des milliers d’êtres humains vivent de secours privés ou d’aumônes. Les réclamations affluent près des établissements publics et le gouvernement, les défenseurs des intérêts capitalistes et les conseiller s municipaux ne voient rien autre chose à faire que d’envoyer
- les travailleurs casser des pierres sur les routes à des prix de meurt de-faim, parce que ce moyen seul ne porte pas om brage aux intérêts des capitalistes.
- Les cultivateurs, incapables de gagner de quoi couvrir la rente due au propriétaire oisif, n’ont pas l’énergie de s’entendre pour résister au mal, et se contentent de pétitionner pour obtenir de ceux qui les ruinent d’insignifiantes réductions de loyers, tout en s’efforçant de réduire encore les salaires déjà si maigres de leurs hommes de travail.
- Seul, le manque d’instruction sur le vrai caractère de la situation empêche les travailleurs d’arriver à une prompte issue. Mais l’éducation se fait, le savoir se répand, et sous le poids toujours croissant de la révolution économique, le prolétaire déshérité, ouvrier de la tête ou de la main, s’élève peu à peu à la concepiion des causes des misères sociales, à la reconnaissance des méthodes par lesquelles ses droits peuvent être reconnus et garantis. Mais l’unité de but et d’organisation peut seule faire atteindre au succès. ------------------------------!.................
- LA CRISE AGRICOLE.
- II.
- Nous avons parlé dans un précédent article de l’ignorance professionnelle de la majorité des agriculteurs.
- Ses conséquences sont incalculables.
- Elle a amené la crise sous laquelle nos agriculteurs se débattent. Elle se montre incapable de saisir les causes de la concurrence américaine, qu’elle impute à des faits extérieurs, tandis que les véritables motifs sont inhérents à l’état particulier de la propriété en France et à l’esprit routinier des propriétaires.
- Les agriculteurs, par le canal des quatre comices de l’Aisne, nous disent : avec un relèvement de 5 fr. des droits de douanes sur les blés, nous serons en état de résister à la culture américaine, nos campagnes deviendront prospères.
- Nous répondons aux agriculteurs, votre demande tend à l’obtention du droit de percevoir des rentes injustes sur les consommateurs, parce que nous pouvons vous prouver que vous seuls vous êtes responsables de cette situation.
- Examinons quelques chiffres empruntés au département de l’Aisne, puisque les comices de ce département sont les organes les plus bruyants de la coalition propriétaire.
- Des terres donnant25 hectolitres à l’hectare sont louées 100 fr.; cela fait que le propriétaire, sans aucun travail, prélève 4 fr. par hectolitre de froment ; on doit même remarquer que ce chiffre est au-dessous de la réalité, puisque dans les propriétés louées à raison de 100 fr. l’hectare, il est né-
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- LE DEVOIR
- cessaire d’en laisser une petite partie en jachère et qu’une autre fraction est forcément cultivée en denrées destinées à l’alimentation des bêtes occupées aux travaux des parcelles cultivées en blé.
- Déjà nous pouvons constater que ce prélèvement n’existe pas chez les peuples concurrents, ou bien, s’il existe, il est infiniment plus réduit; en Amérique les prix de location des terres à blé sont très minimes.
- Nous ne pensons pas qu’il y ait danger public a ce que les terres de l’Aisne actuellement louées 100 fr. l’hectare arrivent insensiblement à ne plus recevoir qu’un loyer de 50 fr.
- De ce fait, on aurait déjà un abaissement du prix de revient du blé de 2 fr. par hectolitre.
- D’autre part, peut-on soutenir que les agriculteurs de ce département se soient jamais rendu compte de la faculté des diverses espèces de blé de donner dans les mêmes terrains, à conditions égales de fumures, des récoltes très différentes, au point d’avoir des rendements deux fois plus considérables suivant la nature des emblavures ?
- Il est pourtant démontré que, par un bon choix des semences, on peut trouver une compensation plus que suffisante pour attendre de ce fait un nouvel abaissement de 2 fr. dans le prix de revient du blé. Admettons, sans aucune preuve momentanément, que l’on obtienne une augmentation de rendement de cinq hectolitres ; ces cinq hectolitres, vendus 16 fr. l’un, produiront 80 fr., qui, répartis sur les 25 hectolitres, amèneront une diminution de plus de 3 fr. dans le prix de chacun d’eux.
- Au lieu de 4 fr. nous avons une diminution de 5 fr. provenant de moyens complètement dépendant de l’initiative des propriétaires et des agriculteurs.
- De quelle aberration feraient preuve les hommes politiques qui grèveraient la consommation de plusieurs centaines de millions pour dispenser les propriétaires et les agriculteurs d’avancer dans le progrès.
- La possibilité d’augmenter les rendements de blé par un bon choix des semences suivant la nature du sol est un fait connu depuis longtemps par les théoriciens et les praticiens exceptionnels, et ceux-ci ne sont pas avec les protectionnistes; elle vient d’être mise en lumière par un remarquable travail de M. Grandeau, directeur de la station agronomique de l’Est. Combien d’agriculteurs ont-ils lu le lucide exposé de M. Grandeau, publié dans le journal le Temps ?
- Chose curieuse, mais qui ne nous surprend pas nous qui connaissons le dessous- de la presse politique : tous les journaux des départements, les plus acharnés à emboîter le pas des protectionnistes, ceux-là qui ne laissent jamais passer, sans les rééditer, aucune des hypocrisies, des médisances et des calomnies dont le Temps s’est fait une spécialité, en ce qui concerne les socialistes, ont fait le silence le plus absolu à l’occasion des travaux de M. Grandeau. C’est qu’elles sont vraiment concluantes, nous ne dirons pas les expériences, les expérimentations soutenues relevées par le savant agronome. Le gouvernement devrait faire les frais d’une édition de ce travail et en répandre gratuitement quelques millions d’exemplaires parmi les populations rurales.
- Voici les résultats de diverse» cultures dans lesquelles une seule condition a varié : la semence. On avait pris la précaution de n’employer d’autres engrais que les produits chimiques, afin de pouvoir les doser exactement dans chaque expérience,
- Numéros des Nom de la variété Rendements en Excédent des autre* espèces
- parcelles. de blé. quint.métriques par rapport au
- 1 Blé Chidam. à l’hectare. 44 73 blé Chidam.
- 2 — Aleph. 46 » 127
- 3 — White Victoria. 17 87 3 14
- 4 — de Haye. 18 80 4 07
- 5 — Gafand. 18 93 4 20
- 6 — Poulard (lisse). 49 20 4 47
- 7 — Dattel. 20 » 5 27
- 8 — Golden Dropp. 20 30 5 57
- 9 — Hunier Wist. 21 80 7 07
- 10 — Blond de Flandre. 23 80 9 07
- 11 — d’Australie. 23 93 9 20
- 12 — Blood Red 28 » 13 27
- 43 — Lamed. 29 70 14 97
- M. Grandeau déclare que ces expériences ont
- été faites sur des étendues restreintes. Mais il cite des constatations non moins probantes faites en pleine pratique ; il donne les résultats suivants obtenus par M. Tourtel, à Tantonville et à Ormes (Meurthe-et-Moselle).
- Quantités de terre Rendements en grains
- emblavée en hect. Variété de blé. à l’hectare.
- 3 63 Blé de pays. 18 95
- x o> 4 99 — Chidam. 20 57
- S S-t f—\ 12 09 — Golden Dropp. 22 75
- -b 7 17 — blond de Flandre. 20 86
- <o S i 1 2 63 — White Victoria. 24 60
- S- <o 12 80 — Blood Red. 29 60
- fa ! 5 97 — Hicling. 29 91
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- Les études de M. Grandeau contiennent le compte rendu de quarante-une années de culture de blé dans le même sol et en grande culture à la ferme de Rothamsed, où pendant cette période les mêmes parcelles ont été ensemencées toutes les années en blé avec des fumures variables en quantité et en qualité, et constamment les récoltes ont été proportionnelles aux prévisions scientifiques,
- Nous ne pouvons reproduire ici toutes les constatations énumérées dans le remarquable travail de M. Grandeau, qui tient plus de vingt colonnes du journal le Temps. La publication de ces études a été commencée dans le Temps du 17 novembre ; elle n’est pas encore terminée.
- Tous les autres produits agricoles sont comme le blé variables dans leurs rendements matériels et pécuniers suivant que l’on applique ou que l’on néglige les enseignements de la science.
- Dans la production de la viande, bœufs, vaches, moutons, etc., il existe des espèces qui donnent avec la même nourriture des rendements très différents en viandes, en lait, en laines.
- La crise sucrière ne provient pas d’une concurrence déloyale faite par nos voisins. Il ne dépendait que de nos agriculteurs, et d’eux seuls, de cultiver des betteraves donnant de 8 à 12 0[0 .le sucre. L’antagonisme du cultivateur et du fabricant a fait que nos agriculteurs ont préféré par ignorance ou par apathie, même par esprit de fraude, s’en tenir aux espèces et aux méthodes improductives; et ils voudraient rendre la nation responsable des désastres qu’ils ont préparés ; il nous semble, au contraire, qu’ils devraient avoir la modestie qui convient aux grands coupables en face des juges. Qu’ils y réfléchissent. Le remède serait d’unir les intérêts de ferme à ceux de la fabrique, afin de perfectionner les cultures. Au contraire, en voulant exploiter la puissance protectrice de l’Etat, ils ne trouveront que déception.
- * *
- Nous venons d’énumérer les reproches fondés que l’on peut opposer aux plaintes des agriculteurs, en s’appuyant sur les données rationnelles de la science agricole.
- Le agriculteurs ne sont pas moins coupables au point de vue sociologique.
- L’évolution humaine a mis les hommes en possession des données théoriques de la sociologie, elle leur a appris les avantages de la suppression des intermédiaires, les multiplications des efforts individuels par l’association des intérêts et des
- individus.Franchement, messieurs les agriculteurs et les politiciens qui les encouragent dans la voie du protectionnisme croient-ils que ces découvertes ont été faites en vain?
- Pensent-ils que Je progrès se développe et qu’il laisse, impunément, le droit de ne pas tenir compte de ses perfectionnements? S’il en était ainsi, le progrès ne serait pas le progrès, il serait simplement une forme de l’erreur.
- Nos agriculteurs, quoiqu’ils fassent, quelle que soit la complicité des politiciens, n’échapperont pas plus aux lois du progrès professionnel et social que les gouvernements et les classes réactionnaires.
- Nous voulons admettre, ce qui n’est pas vrai, qu’ils n’aient négligé aucun des progrès de leur profession: nous aurions encore le droit de leur dire, en toute raison : le blé est à bon marché et le pain est cher, pourquoi ne trouvez-vous pas le moyen d’associer l’agriculture et la boulangerie ? Nous pouvons appuyer ces réflexions d’exemples saisissants en leur montrant le paysan des Cha-rentes ne s’arrêtant pas à la production des raisins, transformant les fruits de la vigne successivement en moût, en vin, en cognac, quelques-uns arrivent même à écouler en bouteille ce dernier produit.
- La sucrerie, la raffinerie, la distillerie auraient dû être des annexes de l’agriculture ; l’ignorance et l’indolence des agriculteurs ont laissé ces industries devenir des parasites de la culture, lorsqu’elles pouvaient être des perfectionnements.
- Dans le département de l’Aisne, des fermes, des moulins, des sucreries sont abandonnés parcequ’ils ne peuvent fournir des bénéfices assez élevés pour entretenir des patrons et des capitalistes propriétaires, meuniers, sucriers; mais la réunion de ces trois éléments de production dans des mains associées pouvait procurer le bien-être aux associés, le bon marché aux consommateurs, et l’activité au travail national.
- Les difficultés de concilier ces intérêts sont grandes ; elles sont cependant théoriquement résolues et d’une manière générale, et exceptionnellement appliquées.
- Nous ne voulons pas actuellement examiner comment l’association donne les moyens pratiques pour les agriculteurs de devenir des meuniers, des boulangers, des sucriers, des distillateurs, des fabricants de fécule ou d’amidon, ou bien, en renversant le problème, comment les fabricants de fécule, les distillateurs, les sucriers, les meuniers, les boulangers deviendront des agriculteurs par l’association.
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- le devoir
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- C’est cependant là le véritable problème que posent les plaintes, les pleurs et les colères des agriculteurs: problème posé catégoriquement par les faits, sinon par les intéressés.
- Les plus grands obstacles proviennent de l’obstruction des cerveaux et de la volonté des spéculateurs a ne point vouloir porter leur activité dans le domaine de la production.
- La solution de la crise agricole exige le savoir, l’étude,l’application, le travail, le concours du capital ; elle est dans les mains de gens ignorants, ennemis de l’étude, incapables d’application, assoiffés de spéculations insensées, jetant leurs capitaux aux plus folles provocations des jeux de
- Bourse. ,, . .
- (A suivre.)
- LIX
- Education et instruction
- L’école doit servir à former le citoyen en même temps qu’à former l’ouvrier ; elle doit être la source des notions du vrai, du juste, du devoir et du droit en toute chose; elle doit être pour le citoyen le commencement de l’apprentissage des hommes comme elle doit être le commencement de l’apprentissage des choses. A ce titre l’école doit enseigner aux élèves dés leur jeune âge à distinguer les mérites entre eux ; elle doit etre l éducation pratique du suffrage universel par l’organisation du concours et de l’élection dans son sein.
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- Politique Intérieure. — Les engagements et les promesses des candidats au Sénat ne sortent pas de la catégorie des vagues formules, des vagues programmes des politiciens radicaux ou opportunistes. Les amis du ministère mènent la campagne électorale en gens .qui trouvent tout pour le mieux ; les autres exécutent des variations diverses à propos des réformes politiques sans avoir aucun souci des problèmes soulevés par le désordre économique. Les journaux parisiens mis en veine de philanthropie par un chaleureux appel du Gil-Blas, l’organe le plus autorisé du parti des petites dames, ont décidé d’organiser une loterie de 5,000,000 en faveur des ouvriers sans travail. Nul écrivain de la grande presse n’a pensé à déclarer que ce projet était sans proportions avec les besoins réels et qu’il ne pouvait avoir aucune valeur s’il n’était le prélude d’une vigoureuse action de la presse, résolue à imposer des réformes économi-
- ques devant avoir des effets immédiats et suivis. Quoiqu'il arrive, nous espérons que cette loterie ne sera pas le p> étexte de scandaleuses manœuvres comme cela arrive trop souvent à l’occasion des fêtes de charité. Les Chambres et le Sénat viennent de se réunir pour se séparer bientôt. D’après les bruits des couloirs,les projets d interpellations, à propos du gé néral Campenon, des provocations policières, seraient le plus clair du bagage de l’opposition. L’opportunité de ces interpellations n’est pas contestable. Mais, quand donc, entendrons nous dire, à la veille d une session, qu’il existe un groupe de députés prêts à proclamer, avec éclat, au Parlement, la nécessité d’une grande réforme, et résolus à la revendiquer devant la nation après cette retentissante mise à l’ordre du jour ?
- * +
- La politique extérieure. — Au Congrès de Berlin, le représentant de la France, pour disputer à l’association africaine quelques lieues carrées d’une contrée qui ne nous appartient pas, continue à se montrer plus réactionnaire que les délégués de certaines monarchies. Notre diplomatie ne voudrait pas laisser l’Angleterre seule s’emparer de l’Egypte sans assurer une part du gâteau aux financiers engagés dans les affaires du Kédive. L’Allemagne et les autres puissances veulent avoir la parole, et probablement leur part, dans le règlemeut des affaires d’Egypte -, et, comme le but de Bismarck est de brouiller la France avec l’Angleterre, en faisant le plus de mal possible à notre pays, le Gouvernement allemand paraîtra favorable aux prétentions françaises jusqu’à ce qu’il ait détruit toutes les chances d’une alliance franco-anglaise ; alors, il se retournera contre nous pour nous empêcher de prospérer, s’il ne se -croit assez fort pour nous ruiner par une invasion. Des limitations de territoires sur le bord de la mer Rouge, et les prétentions peut-être plus justifiées que les nôtres d’occuper la Tripolilaine ont amené le Gouvernement italien à considérer la France en ennemie implacable. Au Maroc, de fréquents soulèvements, que l’on dirait causés pour donner à notre consul l’occasion de les apaiser, inspirent à l’Espagne des méfianees peu faites pour nous faire espérer sa neutralité, s’il surgissait des complications imprévues sur nos frontières du Nord. Si Bismark avait la direction de notre politique étrangère, il est peu probable qu’il lui donnât une autre impulsion.
- 'A
- * *
- La Chambre. — La Chambre a été convoquée ; 590 députés environ ont répondu à l’appel : elle a voté que le général Campenon avait eu raison de déclarer qu’une augmentation du corps expéditionnaire au Tonkin compromettrait la mobilisation, que le général Lewal n’avait pas tort de prétendre qu’un contingent de 30,000 hommes pouvait être distrait des cadres sans qu’il y ait rien à craindre pour une mobilisation ; après quoi la Chambre s’est ajournée....
- ♦ *
- La Population indigente de Paris. Il
- se fait tous les trois ans un recensement de la population inscrite aux Bureaux de bienfaisance des vingt arrondissements de Paris. Ce recensement s est fait 1 an dernier, et les résultats qu’il a donnés sont consignés dans un des derniers
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- LE DEVOIR
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- rapports signés par M. Quentin, ancien directeur de 1 Assis-ance puoliqie. L’opération de ces recensements est double: elle consiste d’abord à relever les noms de tous les chefs de ménage ou individus qui ont des droits à l'Assistance publique, puis à étudier de près leur situation exacte.
- Cette seconde étude est faite contradictoirement par les visiteurs de l’Assistance centrale et par les administrateurs des Bureaux de bienfaisance.
- La première opération avait amené l’inscription de 51.881 ménages, représentant 140.585 personnes; la seconde a éliminé plus de 4.000 ménages et plus de 17 000 individus ; elle a laissé sur les contrôles des Bureaux de bienfaisance 47.627 ménages et 123.324 personnes.
- En comparant ce résultat avec celui qn’on avait obtenu par le recensement de 1880, on trouve le nombre des ménages augmenté de 812 et celui des individus qu’ils comprennent diminué de 411. Chaque groupe domestique est donc relativement moins nombreux. On constate, en outre, une sensible diminution de la population indigente par rapport à la population totale.
- En 1880, Paris avait 1.988,606 habitants et 123.735 indigents, c’est-à-dire que ceux-ci entraient pour 6.22 0(0 dans la population totale. Ils n’y entrent plus aujourd’hui que pour 5,43 0[0, si l’on tient compte à la fois de la légère diminution de leur nombre et de l’augmentation de la population parisienne, aujourd’hui de 2.269.000 habitants. Tout n’est pas rose dans la situation actuel’e, mais voilà pourtant un bon côté à signaler. Il est vrai qu’en outre de l’indigence inscrite dans les Bureaux de bienfaisancé, il y a la misère qui ne se montre pas.
- 11 s’en faut de beaucoup que cette moyenne de 5,43 0(0 de la populption indigente soit également répartie entre tous es arrondissements de Paris : le 13e voit la sienne s’élever à 12,37 0[0, le 20e le suit de près, à 12,24 0[0, tandis que pour le 8«et le 98, la proportion s’abaisse à 1,95 0(0.
- Dans tous les arrondissements, le nombre des femmes nécessiteuses l’emporte de beaucoup sur celui des hommes : sur 24 hommes inscrits au Bureau de bienfaisance, il y a 41 femmes, et le fait n'a rien de surprenant, car le travail des femmes est moins rémunéré.
- Les Parisiens de naissance ne sont pas ceux qui recourent le plus à l’Assistance publique. Il faut dire que le vrai parisien est rare. Sur 1.000 habitants recensés dans la capitale en 1881, il n’y en avait que 360 nés à Paris ou dan* le département de la Seine, tandis que 565 étaient originaires des départements et 75 de l’étranger. Or, la proportion n’est pas la même si l’on prend 1.000 indigents : Paris et le département île la Seine n’en fournissent plus qu’un cinquième, soit exactement 227, tandis que la province en envoie 706 et l’étranger 67 II n’est donc. pas de ville plus hospitalière que Paris, et l’on achève de s’en convaincre en recherchant la nationalité des étrangers qui y sont secourus : sur 1.000 inscriptions étrangères aux Bureaux de bienfaisance, les Allemands figurent pour 407, les Belges pour 356, les Hollandais pour 72, les Italiens pour 51, les Anglais pour 10.
- Il serait intéressant de rechercher encore quels logements habite cette population indigente : plus d’un quart est gratuitement logé ou confiné dans des réduits de moins de 100 fr. de loyer par an ; une moitié occupe des logements dont le
- prix varie de 100 à 200 fr.; 61 0|0de ces logements sont occupés par un seul lit ; les autres, par 2, 3, 4 et même 5. Les habitants de ces logis appartiennent à toutes les professions, à tous les métiers : on y trouve des malheureux que n’a pu nourrir la littérature, le professorat, l’art surtout sous ses diverses formes.
- * *
- Les maisons en France.— Le ministre du commerce, dans les attributions duquel rentre le service de la statistique, vient de faire le relevé de toutes les maisons existant en France et les résultats obtenus sont assez curieux pour que nous croyons devoir les enregistrer.
- Il y a en France 7.609.464 maisons d’habitation. Ces maisons comprennent 10.729.826 appartements ou logements.
- En dehors de ces logements consacrés à l’habitation, il y a 1.115.347 locaux séparés servant d’ateliers, de magasins ou de boutiques.
- Autre détail curieux : c’est la répartition pour la France entière des maisons suivant le nombre de leurs étages. Il ya:
- 3.996 571 maisons n’ayant qu’un rez-de-chaussée.
- 2.458.563 maisons ayant un rez-de-chaussée et un étage.
- 851.547 maisons ayant un rez-de-chaussée et deux étages.
- 216.429 maisons ayant un rez-de-chaussée et trois étages.
- 86.354 maisons ayant un rez-de-chaussée et quatre étages et au-dessus.
- On voit que plus de la moitié des maisons de France n’ont qu’un rez-de-chaussée.
- Il n’y a que quelques rares départements ayant des maisons à quatre étages et au-dessus. Citons les suivants :
- Seine, 34.271. — Bouches-du-Bhône, 7.373. — Rhône,
- 6.185. — Seine-Inférieure, 3.707. — Var, 3.739.
- *
- * ¥
- Expériences de ballons dirigeables. —
- Hier, une foule nombreuse stationnait devaut la porte du Conservatoire des Arts-ct-Métiers, observant les évolutions de plusieurs aérostats en miniature, qne MM. Brissonnet père et fils et Lachambre faisaient manœuvrer, en présence du directeur et des professeurs de l’établissement.
- Ces ballons, après avoir évolué dans l’intérieur des salles du Conservatoire, furent envoyés en plein air et, malgré les rafales qui soufflaient, on les vit longtemps tenir tête au vent, puis louvoyer sous l’impulsion de leurs gouvernails.
- MM. le colonel Laussedat, Masson, Aimé Girard, de Luy-nes, etc., ont approuvé hautement ces expéiiences.
- TONKIN
- La guerre contre la Chine semble entrer dans une période plus active ; le nouveau ministre de la guerre est disposé à se prêter à toutes les fantaisies militaires du cabinet. De nombreux renforts partent chaque jour pour le Tonkin. Bientôt nos contingents en Cochinchine dépasseront 40,000 hommes ; et l’on parle déjà de nouveaux crédits. De récentes nouvelles font craindre une révolte des Cambodgiens fatigués des vexations du proconsul opportuniste commissionné à l’effet d’extorquer des signatures au Gouvernement de cette contrée. Il y a quelques jours, on faisait grand bruit de deux victoires remportées à Chu par le général Négrier que l’on disai
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- En Suisse,92,262 personnes de nationalité allemande; ne en route vers Long-Son. Depuis on n’a pas entendu dire que notre général ait atteint cet objecttf, ou bien qu’il ait rencontré des obstacles imprévus. Les chinois paraissent faire de grands préparatifs de défense ; on signale de fréquents achats d’armes ; de nombreux officiers et instructeurs allemands, anglais et américains sont recrutés.
- S’il était vrai que toutes ces violations puissent aboutir à l’amélioration de la situation des peuples européens , elles ne seraient pas moins condamnables en vertu de ce principe de morale universelle que nul être n’a le droit de chercher son bien-être au détriment d’autrui ; mais, lorsqu’on considère que ce résultat ne sera pas atteint, qu’il ne peut pas l’être par la politique qui nous a conduit au Tonkin, que les initiateurs de cette expédition étaient conscients de leur impuissance à cet égard, on ne peut que déplorer la corruption des gouvernants et l’indifférence des gouvernés, et se répandre en salutaires avertissements.
- BELGIQUE
- On peut se faire une idée assez exacte des résultats obtenus par l’application de la nouvelle loi scolaire en Belgique. La Flandre libérale évalue à 550 le nombre des instituteurs destitués seulement pour trois provinces : la Flandre orientale, le Limbourg et la province d’Anvers. En rortant à 1,500 le nombre total des instituteurs jetés sur le pavé, on reste plutôt au-dessous qu’au dessus de la vérité. Or, le ministère a proposé au Parlement de voler un crédit de 500,000 francs pour venir en aide à ces victimes du cléricalisme. 11 est évident que cette somme est absolument insuffisante ; mais les cléricaux triomphants ne s’arrêtent pas à des considérations de justice et d’humanité. On s’étonnerait plutôt de la pudeur qui les a empêchés de diminuer le crédit.
- *
- * *
- Mouvement ouvrier. —Le comité de l’union ouvrière de Berne a affiché sur les murs de la Ville la proclamation suivante:
- Au peuple ouvrier,
- Maintenant que l’agitation électorale est passée et que les esprits se sont apaisés, le comité soussigné se sent obligé de vous adresser quelques paroles sérieuses.
- Vous savez que nous et nos coreligionnaires politiques avons voté aux dernières élections en faveur des soi-disant libéraux, parce que nous avions la ferme conviction que de ce côté nous serait accordée plus aisément une législation favorable. Nous avons agi de la sorte surtout par le motif que nous avions reçu l’assurance verbale et écrite que l’on soutiendrait dans les conseils législatifs nos exigences, formulées dans notre programme à l’occasion des élections.
- C’est à vous, ouvriers, à vous, artisans, de contribuer à ce que les promesses faites ne restent pas à l’état de promesses, mais soient sérieusement réalisées.
- . . . Les cotisations des membres de la Société ouvrière de cette ville sont si minimes que chacun de vous peut faire parti de l’association. On y trouve une riche littérature socialiste qui nous montre les moyens défaire de cette vallée de larme un paradis. . .
- La classe ouvrière de l’Allemagne monarchique sait défendre ses intérêts, malgré des conditions politiques défavorables. Et nous , « Suisses libres,» qui nous vantons d’être des citoyens indépendants nous ne saurions pas profiter de la liberté politique dont nous jouissons, pour nous rendre libres aussi sous le rapport économique ! Mais vous le voudrez, et bientôt notre situation sera meilleure.
- Dans l’espoir que cet avertissement ne retentira pas dans le vide, nous souhaitons à la classe des travailleurs une heureuse année.
- Vive la démocratie sociale !
- LE COMITÉ CANTONAL
- de la Société générale ouvrière de Berne.
- ANGLETERRE
- Nous trouvons dans le dernier numéro du Bullionist les renseignements qui suivent :
- « La dépression des affaires paraît devoir s’étendre plus loin que l’industrie. Depuis longtemps déjà, on reconnaissait que le taux des rentes foncières, dans Londres notamment, devait subir une forte baisse, et que par suite la valeur des biens fonciers devait être grandement détériorée. C’est ce qu’on voit se réaliser déjà : des milliers de maisons demeurent vacantes tant dans la métropole que dans les villes suburbaines. En outre, tous les marchands de biens vous diront qu’il est pratiquement impossible, dans l’état actuel des affaires, de réaliser des biens-fonds. Nous tenons de bonne source un calcul d’après lequel, la propriété foncière, dans l’Angleterre seule, serait endettée, par hypothèque ou autrement, de 250 millions de livres (6 milliards 1 /4 de francs). La plus grande partie des créances correspondantes est aux mains de diverses banques de la Cité, ou de compagnies d’assurances. Or, sur cette somme colossale, une partie assurément est garantie de manière à ne rien cratindre d’une dépréciation même forte. Mais il est beaucoup de premières hypothèques, et à plus fort raison de secondes ou troisièmes hypothèques, qui seraiente irréalisables si l’on vendait la terre au cours d’aujourd’hui. Ajoutons qu’aux yeux des gens bien renseignés, les lois qu’on prépare sur la transmission des propriétés n’en abaisseront pas beaucoup la valeur : il n’y a même aucune raison actuelle de s’attendre à un relèvement des prix. »
- ALLEMAGNE
- L’ivrognerie. — La Société des mines d’Aix-la-Chapelle vient de tenter un nouveau moyen de combattre l’ivrognerie, dont les ravages sont plus grands encore en Allemagne qu’en France.
- Depuis le mois de février, elle alloue à ceux de ses ouvriers qui prennent l’engagement de ne plus boire d’eau-de-vie une prime de 2 marcs par mois.
- Ceux qui ne la touchent qu’à la fin de l’année reçoivent, en outre, une gratification de 3 marcs.
- * *
- Émigration allemande.— L’office de statistique de Berlin vient d’essayer de fixer officiellement le nombre des Allemands qui vivent hors de leur pays d’origine.
- Il résulte des chiffres publiés qu’il y a :
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- Autriche-Hongrie , 93,5 î 0; en Italie, 5,221; en Suède,953; dans la Finlande, 628; en Bosnie, 6^8; en Grèce, 314; dans le Chili,4,033; en Egypte, 879; en France, 81.988 qualifiées nées dans l’empire allemand; dans les Bays-las, 42, 026; daus la Grande-Bretagne, 20,371; en Belgique,34,195 ; dans le Danemark,33,458 ; en Norwège, 1,471 ; en Espagne,352; en Russie,394,299; dans les Etats-Unis de l’Amérique du Nord, 1,966,742; dans le Queensland, 1 1,638; dans l’Australie du Sud, 8,798 ; dans l’Etat de Victoria, 8.751; dans la Nouvelle-Galles- du Sud, 7,521; dans la République Argentine, 4,997; dans la Nouvelle-Zélande. 4,817; en Algérie, 4,201; dans l’Uruguay, 2,225 ; dans le Pérou, 898; dans Tasmanie, 782; dans l’Etat de Guatemala, 221.
- ETATS-UNIS
- Le chômage aux Etats-Unis.—On lit dans le Courrier des Etats-Unis, du 27 décembre :
- S’il était possible de conserver des illusions sur la condition critique du travail en ce moment aux Etats-Unis, elles résisteraient difficilement à une étude attentive de la statistique Des chiffres relevés par l’agence commerciale Bradstreef et réunis dans le recueil périodique, il résulte que le nombre des ouvriers de fabrique sans emploi par suite de la fermeture des établissements, des grèves, etc., est de 316,000, sans compter les petites industries, non comprises dans le dénombrement, par le chômage desquelles le chiffre total des ouvriers sans ouvrage doit être évalué à 350,000. De ce chiffre il faut défa quer environ 10 0/0, représentant les suspensions temporaires de travail, les temps d’arrêt accidentels pour réparations, inventaires, etc.
- Si l’on compare ces données avec le chiffre des populations ouvrières de cette classe, qui, d’après le recensement de 1880, était de 2,452,740, et qui a pu s’élever depuis à un maximum de 3,000,000, on trouvera que 10 0/0 environ des ouvriers de fabrique sont actuellement sans ouvrage, ce qui est une proportion approchant des plus fortes crises que l’on ait vues depuis longtemps. .
- Notons en passant qu’en 1880 le nombre des bras oisifs était à peine appréciable En fait, on admet qu’il y avait à cette époque de l’emploi pour tous ceux qui voulaient et pouvaient travailler. Les proportions sont, du reste, très différentes suivant les régions.
- L’Etat le plus mal partagé sous le rapport du travail est en ce moment le Minnesota, où 40 0/0 des travailleurs sont sans ouvrage, tandis qu’on n’en compte que 7 0/0 dans le Maryland, et autant dans les Etats de la Nouvelle-Angleterre. La proportion est de 18 0/0 dans l’Etat de New-YorK, de 16 en Pensylvanie et de 8 dans le New-Jersey.
- La Ville la plus éprouvée est Détroit, où 62 0/0 de la population ouvrière est oisive ; puis viennent New-YorK avec 24 0/0, et Philadelphie avec 21 0/0. Cette situation, au commencement de l’hiver, ne peut manquer de provoquer de sérieuses réflexions, et il n’y a malheureusement guère de probabilité qu’elle s’améliore avant le printemps.
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- Conséquences du Chômage. — Les/relations entre le capital et le travail deviennent chaque jour plus
- tendues et la révolution industrh Ile, imminente dans tout le monde civilisé, assume de dangereuses proportions de l’autre côté de l’Atlantique.
- En effet, on lit dans John Swinton ’ s Paper: «La misère actuelle et générale des classes ouvrières n’a été égalée en aucun temps depuis les dix dernières années ; et, selon nous, une crise bien plus intense ne pourra être longtemps évitée.
- » La constante application de nouvelles machines et de nouvelles forces, l’immense et solide concentration des capitaux, la formation journalière de nouvelles corporations, de syndicats, de monopoles dans toutes les branches d’affaires, le développement considérable de l’emploi des femmes et des enfants dans beaucoup d’industries, l’impossibilité pour les petits patrons de se maintenir dans les rangs du commerce et de l’industrie, la prise de possession de notre domaine de l’Ouest par les rois de la culture, l’invasion sans fin du papier-monnaie, la modification du Gouvernement en une monstrueuse agence financière : toutes ces choses, indiquent la venue d’une époque rendant urgente la complète transforma-iion de notre système industriel....
- » Les travailleurs d’Angleterre ont souffert pitoyablement à l’invasion de la mécanique, et les choses, là comme dans les autres nations européennes, marchent rapidement vers l’abîme. Aux Etats-Unis, elles semblent se mouvoir encore plus rapidement vers une crise qui obligera la société, bon gré, mal gré, à chercher quelque moyen de salut. »
- AUSTRALIE
- La nationalisation du sol. — M. William Webster, un des écrivains qui ont le plus fait pour vulgariser en Angleterre les ouvrages de M. Henry Georges, est séi'ieusement à l’œuvre pour la propagande des mêmes idées dans le sud australien où le monopole de la terre a atteint des proportions colossales et où la masse des colons se trouve de plus en plus privée de tout accès au sol.
- —.------------—--------'i-ggÿ» ...............— —
- LA PRIÈRE A L'ÉCOLE
- L’opinion publique réclame une loi. Pour l’obtenir, il faut quelquefois attendre dix ans. Dans votre légitime impatience, vous vous dites : «Une fois votée, cette loi sera appliquée immédiatement au moins ! »
- Eh. bien ! vous vous trompez. Voyez plutôt.
- La loi du 28 mars 1882 a voulu consacrer la liberté des opinions religieuses à l’école. Cette loi, qui devrait être appliquée partout, ne l’est point dans le département de l’Aisne. Informez-vous, et l’on vous dira que les croix sont toujours à leur place et que certaines institulrices enseignent encore le catéchisme:
- Bien plus, dans quelques cantons, on a conservé la récitation des prières à l’école. Ces exercices se font deux et même quatre fois par jour.
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- Dans d’autres cantons, la prière est supprimée.
- D’où vient cette anomalie ?
- Je vais vous le dire :
- MM. les inspecteurs primaires, suivant sans doute en cela des instructions supérieures, ont dit en substance, aux instituteurs et aux institutrices réunis :
- « Mesdames les institutrices,
- « Messieurs les instituteurs,
- « Il est clair que, d’après la loi, les prières doi-« vent être supprimées. Dans les emplois du « temps qui vous ont été remis, aucune place n’a « été réservée à ces exercices, et pour cause ; ce-« pendant, l’administration, ne voulant méconten-« ter personne, vous laisse seuls juges de l’op-« portunité de cette suppression. La majorité de « vous en décidera. Vous connaissez l’esprit de « vos populations : votez en conséquence. Vous « pouvez d’ailleurs discuter la question ; mais il « est important que chacun suive ensuite la déci-(( sion de la majorité. »
- Eh bien ! de ces débats et de ces votes il est résulté que dans tel canton les prières ont été supprimées, et que dans tel autre elles ont été maintenues.
- Voilà, certes! une manière aussi nouvelle que singulière d’appliquer les lois !
- Ceite loi vous gêne ?
- Alors elle n’est pas faite pour vous.
- Comme cela est simple !
- J’ai cherché à savoir quelles raisons avaient déterminé les instituteurs de quelques cantons à maintenir la récitation des prières : elles sont pitoyables, n’en déplaise à ceux qui les ont produites.
- Voici la plus sérieuse :
- Il paraît que la prière dispose les enfants au silence, au recueillement, et que c’est surtout à ce titre qu’elle doit être conservée.
- Ainsi, pour réclamer le silence dans les classes les instituteurs n’avaient jusqu’ici que le claquoir, le sifflet et la sonnette. A cette collection d'instruments ils pourront désormais ajouter.... la prière, dont on modifiera ainsi la définition : petite machine qui fait du bruit sous prétexte d’imposer le silence. — En usage dans les écoles.
- Ceux qui ont pondu cette idée-là ont sans doute voulu s’égayer un peu; mais il fallait bien trouver un prétexte quelconque; il eut été pénible d’avouer que l’on avait peur des cléricaux.
- Il est dans chaque village des êtres, vieilles filles pour la plupart, au cerveau déprimé, aujuge-
- ment faussé, dont l’esprit ne vit que de surnaturel, de chimères. Us foraient un bataillon sacré dont le curé est le chef. Ces êtres là n’ont pas d’enfants, et ils font la loi aux pèies et aux mères de famille ! Le royaume de leur choix est dans un autre monde, et iis veulent gouverner celui-ci ! Aussi il faut les entendre criera l’abomination de la désolation lorsqu’une mesure anti-cléricale — ce qui ne veut pas dire anti-religieuse — leur, ôte un privilège.
- La loi qui affranchit l’école et l’instituteur de l’influence du clergé a surtout le don d’exciter leurs saintes colères. Ne pouvant atteindre le Gouvernement, ils s’en prennent aux modestes fonctionnaires qui, faisant acte de bons citoyens, n’ont que le tort d’obéir aux lois de leur pays.
- Instituteurs ! Il n’y a qu’un moyen de plaire aux cléricaux : imiter les prêtres. Insinuez-vous dans les familles, glissez-y des almanachs du Pèlerin, déblatérez contre le Gouvernement; puis chaque mois passez à la caisse du percepteur, et empochez consciencieusement les pièces de cent sous
- que la République a la b....onté de donner à qui
- la sert si bien ; alors vous serez loués, choyés, dorlotlés par toutes les âmes bien pensantes. Mais si cette conduite vous répugne, si au contraire vous mettez un certain zèle à servir le Gouvernement qui vous paie, oh alors, tenez-vous bien ! Vous serez en butte à toutes les taquineries, à toutes les vexations, à toutes les calomnies possibles.
- C’est l’esprit de l’église.
- Ces saintes âmes pratiquent la douceur évangélique à leur manière. Elles prodiguent toutes les tendresses à leur petite chienne, à leur chat ou à leur perruche; elles ne'feraient pas de mal aune bête, comme elles le disent si bien, et en cela je les approuve ; mais comme elles en feraient volontiers à un honnête citoyen, surtout si ce citoyen est un des maîtres de l’école sans culte et surtout sans culte catholique.
- Lés instituteurs le savent bien. Ils connaissent assez l’intolérance cléricale pour en avoir été souvent les victimes De là leur timidité à se prononcer pour la suppression des prières à l’école.
- Dans leur situation, cela se comprend, etje n’ai pas le courage de leur en faire un reproche : mais il faut que cela change. La neutralité de l’école doit être respectée.
- Edmond Mohet.
- (A Suivre).
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- LE SOCIALISME ET L’INTERNÂT
- Le Temps, dans un récent article sur l’enseignement, établissait que la gratuité de l’enseignement à tous les degrés serait trop onéreuse à l’Etat si l’on continuait à donner l’instruction secondaire dans des lycées organisés pour l’internat. D’une manière générale l’écrivain du Temps, avec raison, selon notre manière de voir, se prononçait contre l’internat. Mais rien de plus curieux, et de plus absurde que la considération unique émise par notre confrère bien pensant : c’est qu’en effet, concluait-il, l’internat est l’élément socialiste dans notre système d’instruction publique.
- Non, Monsieur le rédacteur du grand journal parisien, l’internat n’est pas un élément socialiste; il est un élément communautaire généralisé dans l’enseignemont su érieur par les effets de l’ancienne puissance des congrégalons religieuses. L’internat est simplemeut l’élément jésuitique, du jésuitisme bleu,rouge ou tricolore,introduit et conservé dans l’éducation de la jeunesse par tous ceux qui ont peur d’avoir à compter un jour avec des hommes fiers, indépendants, sachant mettre leur dignité personnelle au-dessus de leurs intérêts égoïstes, des calculs mesquins de la famille, des ambitions malsaines des partis ; indépendance, que ne pardonne pas la famille égoïste, contre laquelle fulminent les politiciens de bas étage et les curés endoctrinés par les encycliques papistes, préfet toraies on maçonniques.
- L’internat est un vice nécessaire à la conservation des abus. Comment feraient les seigneurs du capital, si les lycées ne leur livraient chaque année des sujets en nombre suffisant pour la direction de leurs affaires. Où trouveraient-ils le haut personnel de la police, de la plate bureaucratie des corps officiels : sans l’internat, les ministères n’auraient plus de majorités serviles. Il n’est pas trop de dix ans de lycée pour déprimer suffisammeut les cerveaux au point que les chefs de la finance et des partis politiques trouvent constamment dix journalistes pour un, prêts, en échange d’un salaire mensuel de quelques centaines de francs, à signer des articles sans les Sire, à écrire ce qu’ils ne pensent pas, à dénaturer les doctrines philosophiques, à bafouer, à insulter, à calomnier quiconque déplait aux maîtres, avec une rage comparable à celle du chien de combat.
- Ce qui manque le plus à l’enseignement, c’est précisément l’élément socialiste, bien qu’il gagne chaque jour du terrain par l’intermédiaire inconscient de ses adversaires.
- La gratuité de l’enseignement est une œuvre essentiellement socialiste; les adversaires du progrès n’ont pu faire moins que t’instituer pour l’instruction primaire ; bientôt, sous l’influence des nouvelles poussées socialistes, la gratuité sera possible à tous les degrés ; et, par un dernier effort des novateurs, elle deviendra complètement effective lorsque des institutions garantistes déchargeront la famille pauvre de tous les sacrifices que coûte l’éducation d’un enfant, même lorsque l’enseignement est gratuit.
- Cela n’est qu’une partie de la mission du socialisme ; notre philosophie doit relever la situation du maitre au double point de vue individuel et social. Le sociall-me crie à l’instituteur qu’il ne doit pas donner ses services au rabais ; que
- sa position sociale est digne du respect de tous ; qu’elle ne sera considérée par les autres que d’autant qu’il aura lui-même conscience de sa haute utilité. Le socialisme délivrera nos enfants de ce mauvais exemple d’un instituteur résigné à vivre misérablement, à chanter à l’église, à se transformer en courtier électoral ou à se faire le plat exécuteur des fantaisies administratives. Le socialisme accomplira cette magnifique réforme de mettre constamment l’enfance en contact avec des éducateurs dont l’indépendance et la considération, l’amour du bien seront les plus forts éléments des moyens propres à donner aux sociétés de jeunes générations viriles par le cœur et par l’esprit.
- C’est encore le socialisme qui a élaboré les projets pratiques qui soustrairont la jeunesse aux dépressions morales que fui fait subir l’internat et qui délivreront les maîtres de cet esclavage.
- La réforme de l’habitation par lji coordination des édifices scolaires avec les bâtiments destinés aux logements peut procurer à tous les enfants sans exception les avantages des lycées, en supprimant tous les inconvénients de l’externat. Cette amélioration réduira les dépenses publiques d’éducation an strict nécessaire ; elle aura l’immense avantage de ne pas séparer l’enfant de la famille, sans exposer celui qui sera né de parents débonnaires ou indifférents à se voir privé de la surveillance et de la tutelle inséparables d’une bonne éducation.
- L’internat correspond aux besoins d’une société conduite par des classes dirigeantes privilégiées ; il est contradictoire avec les aspirations qui conviennent aux démocraties ; on ne peut donc rationnellement le mettre au compte du socialisme.
- La Ligue de la Protection des Femmes.
- On nous fait la communication suivante ;
- Nous avons déjà parlé dans notre journal de l’innovation introduite par Mlle Louise Barberousse, dans son enseignement de l’étude du latin et du grec, en vue de préparer ses élèves pour le Baccalauréat ès lettres, et de l’importance que cette initiative avait déjà eue pour les programmes de l’enseignement des Lycées de jeunes filles, — où l’on se propose des réformes urgentes pour relever le niveau des études pour les femmes. — Une initiative nouvelle vient encore d’être prise par cette femme intelligente. La Ligue de la Protection des Femmes, dont tous les journaux s’entretiennent, et qui est née en un jour à l’occasion du drame du Palais de Justice dont madame Clovis Hugues est l’héroïne, est encore une œuvre d’importance et de grand avenir dont elle est la Directrice.
- Le manifeste publié de cette Ligue, et que nous avons sous les yeux, témoigne de la hauteur des vues et du grand but qu’on se propose, en faveur de l’amélioration du sort des femmes de la société. Il y est dit que la Ligue a deux buts spéciaux : la revendication des droits sociaux de la femme, et la protection des femmes, dans toutes les circonstances de la vie, où les difficultés sont souvent si grandes pour elles.
- Nous faisons des vœux sincères pour le succès de la Ligue nouvelle; car les femmes n’ont pas seulement besoin qu’on les protège ou qu’on les excuse en paroles, elles ont a re-
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- couvrer les droits qui leur sont niés, en même temps qu’elles ont à se soutenir mutuellement contre toutes les difficultés que la société leur oppose.
- Pour le travail, pour les mœurs, pour la famille, pour le bien de la société elle-même, la femme doit être plus instruite, mieux rémunérée de son labeur et de ses œuvres surtout, elle doit être protégée contre tout chômage, contre toute exploitation,— dont on sait que les effets désastreux sont de fournir des aliments à la plaie honteuse de la prostitution.
- La preuve que la Ligue de la protection des femmes répond à un besoin urgent, c’est la manière rapide dont les adhésions y arrivent de tous les quartiers les plus éloignés de Paris.
- Il est vrai que les statuts établis ont eu la sagesse de faciliter les adhésions en établissant trois sortes de membres : les adhérents qui ne paient que 50 centimes d’adhésion, les membres actifs, qui paient en outre une minime cotisation trimestrielle, et les membres honoraires qui facilitent la Ligue par des dons volontaires.
- Pour adhérer à la Ligue, il suffit d’écrire au siège social de la Ligue, rue Saint-Honoré, 67, ou bien, de se présenter soi-même aux séances de la Ligue, qui ont lieu, le jeudi soir, soit au siège social, soit aux salles diverses où les séances sont indiquées par les journaux.
- (France Libre.)
- Adhésions aux principes d'arbitrage et de désarmement européen
- Loiret. — Orléans. — Doublet, négociant.— Main-gourd, négociant. — Aufresne, employé de commerce. — Brunet, A. — Màingourd, Louis. — Med. — Bégot. — Arnoult, voyageur de commerce. — Samson. — Dini, institutrice.— Fausch. — Laure. — Une signature illisible.
- Aisne. — Guise.— Disant, Jules, mouleur.— Gode-riaux, Georges, mouleur. — Olivier, Arsène. — Vachée, Joseph.— Anstell, Edouard. — Lanciaux, Emile, employé.
- — Laboux, Ovide. — QuENT-Fanielle. — Fanielle, Arsène,mouleur. — Clin. — Seret, Henri. — Noé, Louis, Gervais. — Mérjaux, Alphonse. — Meriaux, Remi. — Larive, Jules. — Sibilat, J. — Froment, Jules, mouleur.
- — Mme Meriaux, Remi.
- Noyai. — Buridant, Henri, employé.
- Mennevret, par Wassigny.— Drucbert, Edouard, employé.
- Gironde. — Targon. — Faux, J. propriétaire. — Lamargelle, Pierre,cultivateur.— Faux fils, pr-cultivateur. Montarouch,par Targon. — Baratié, D.
- Faleyras,par Targon. — Paillé, cultivateur.
- Créon. — Biarnès, Louisa, cultivateur.
- Blésignac. —Robert, J. Forgeron.— Giraud, Bertrand, carrier. — Mouline, Pierre, cultivateur. — Pauly, Simon, cultivateur.
- Daignac. — J. Lamarre, meunier.
- Genillac.' — Dubourdieu, carrier.
- Tizac-de-Curton. — Riet, T.
- Mouton. — Nicolas, forgeron.
- Dardenac. - Mercier, J. cultivateur. — Mnie Berard, Natalie, couturière.
- S mme. — Moreuil. — Thibaut, Eugène, fabricant de bas. — Thibaut, Amédée, fabricant de bas. — Petit, Théodore, fabricant de bas. — Horde, Zacharie, propriétaire.
- — Sagnier, Amédée, fabricant de bas.
- La Neuville-Sire-Bernard. — Docquéry. — Neute, Anatole, ouvrier bonnetier.
- Villers-Bretonneux. — Dieu, Constant, conseiller municipal. — Drouart, conseiller municipal. — Dieu, J.-B., conseiller municipal. — Tierre, Louis, conseiller municipal.
- — Colet, Victor, conseiller municipal. — Goret. A. conseiller municipal. — Horde, Pierre-Albert, conseiller municipal. — IlENNEQUEZ-Dupuis, quincaillier. — Fay, Victor, marchand de charbons.— De>tombes, Alphonse. —Hareux, Eugène. — Moiret, J.-B,. — Proust, Arsène, bonnetier.
- — Bled, Oscar, bonnetier. — Hareux, Joly, charpentier.
- — Moncomble, Ernest, ouvrier bonnetier, rue de Marçelcave.
- — Joly, Edmond, bonnetier.— Pronnier, Albert, ouvrier bonnetier. —Grené, Armand,ouvrier bonnetier.— Délouare, Dubois. — Fay, Arthur, rue des Tavernes. — Fruideval, Auguste. — Bouquet, Camille — Noiret, débitant de vin.
- — Goret, estaminet de la Gare. —Caron, rue du pr.e&soir.
- — Horde, Paul. — Lemaire, Albert. — Croquet, Paul — Déraison, maréchal.— Dessaint, Alfred, — Bonnier, Jules fils, ouvrier bonnetier. — Lemaire, Alfred. — Hareux, Emile. — Hareux, Alfred, ouvrier bonnetier. — Mnies Bled, Marie — Gréné, Aurore.
- Cachy. — Lemaire, Emile, ouvrier bonnetier. Seine-et-Marne. — St-Thibaut, par Lagny. — Dumont, Eugénie.
- Indre-et-Loire.— Pocé. — Letertre.
- Hérault. — Cazouls-les-Béziers. — Tàrbouriech, Jean.
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- MAITRE PIERRE
- Par Edmond ABOUT II.
- (Suite.)
- Pourquoi le Havre a-t-il laissé Bordeaux derrière lui 1 Pour bien des raisons. Parce que le Havre est plus près de Paris ; parce que nous commençons à fréquenter l’Angleterre ; parce que l’Amérique du nord a pris le pas sur l’Amérique du sud ; peut-être aussi parce que le Havre se pousse et que Bordeaux se laisse aller. Les villes ont leur jours d’abandon et de découragement, comme les hommes.
- Il est certain que le peuple et la municipalité de Bordeaux ont échappé à cette fièvre de progrès, cette rage de mieux qui, depuis quelques années, possède la France entière. On ne voit pas de communes qui ne soient travaillées d’une ambition louable, qui n’élèvent des établissements d’utilité ou de dignité publique, qui ne s’imposent, qui n’empruntent, pour se parer, s’étendre
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- ou s’assainir. Paris donne le branle,. et tout suit. Les revenus de Bordeaux sont de 600.000 fr. au-dessus de ses dépenses, mais les honorables négociants qui forment le conseil municipal administrent le bien de tous comme le leur, avec une étroite économie. Un ministre leur demandait ces temps passés : « Qu’avez-vous fait en quatre ans? •— Excellence, répondirent-ils, nous avons aligné la rue Sainte-Catherine. »
- Je connais peu de grandes villes qui ne fassent marcher de front le commerce et l’industrie. Ce n’est pas tout de vendre et d’acheter, il faut produire. Bordeaux est resté une ville exclusivement commerciale. On y voit ouvrir et fermer des ballots ; on n’y respire pas la fumée des manufactures. Les produits que la Gironde a envoyés à l’Exposition de 1855 annoncent quelques velléités d’industrie ; mais tout reste à faire, ou peu s’en faut. Les Bordelais n’excellent que dans les constructions des navires et la fabrication des vins. Un constructeur de Bordeaux, M. Arman, vient d’inventer un système de charpente qui, en mariant le bois et le fer, diminue le poids des bâtiments, augmente le tonnage et simplifie les réparations.
- Les fabricants de vins de Bordeaux n’affichent pas leur industrie comme ces naïfs manufacturiers de Celte qui écrivent sur leur enseigne : « Fabrique de vin de Madère et d’absinthe suisse. » Cependant on assure que les gros vins de la Charente viennent à Bordeaux chercher un baptême qui en quadruple la valeur. On les revend sous une autre marque au propriétaire qui les a fournis, e t voilà comme le vin de Bordeaux gagne à voyager.
- Bordeaux n’est pas seulement une ville de commerce : c’est aussi une ville de plaisir. Il est à remarquer que les directeurs de théâtres se ruinent à Rouen et font fortune à Bordeaux. Affaire de climat, et de race surtout. La population de Bordeaux est un des plus beaux échantillons de la nation française. Les femmes ont plus de physionomie que de fraîcheur : mais avec de beaux yeux, de beaux cheveux et des dents blanches, on est toujours bien. Les hommes ont le regard vif, l’esprit éveillé, la parole brillante : ils aiment à s’habiller, à se montrer et à s’ébattre. Ils s’occupent peu de littérature, excepté de la littérature dramatique ; et les arts, sauf la musique, les laissent assez indifférents.La comédie les séduit moins que l’opéra, et l’opéra que le ballet. Les plaisirs qu’ils préfèrent ne sont pas les plus élevés, mais les plus vifs.
- On a toujours spéculé à Bordeaux, comme dans toutes les villes de commerce, mais il y a peu de temps qu’on y spécule sur les fonds publics. C’est depuis sept ou huit ans, pas davantage, que les Bordelais s’occupent de la hausse et de la baisse et s’intéressent à la marée du trois pour cent. Des hommes tout jeunes se rappellent
- encore l’époque ou les charges d’agent n’y valaient pas beaucoup plus de trois cents francs; elles en valent aujourd’hui bien près de trois cent mille. On rencontre devant le café de Bordeaux, sur la place du Théâtre, une ribambelle de garçonnets en guenille qui vendent des allumettes de cire en rêvant au passage de l’Opéra, aux marchés à termes et aux millions gagnés facilement.
- Un voyageur enthousiaste écrivait, il y a cent un ans :
- « Si vous voulez avoir le tableau de l’abondance, eherchez-le à Bordeaux. A Paris, peu de gens jouissent ; le reste n’a de jouissance que l’imitation et la société artificielle de ceux qui jouissent. A Bordeaux, vous trouvez une abondance facile, une abondance généralisée, celle qui en donne le sentiment à toute sorte de spectateurs : on dirait que le Pactole y coule, et coule pour le peuple. »
- Il ne manque presque rien à ce tableau. Cependant je regrette de n’y pas voir les fils des échevins jouant au petit palet avec des rubis et des émeraudes.
- Bordeaux, tel que je l’ai vu le 3 avril 1875, ne ressemblait pas précisément au pays d’Eldorado ; mais les ouvriers charpentiers y gagnaient en moyenne 9 francs par jour, et l’on rencontrait assurément beaucoup moins de mendiants et de frères quêteurs qu’en l’an d’abondance 1756.
- Je fis le tour de la place en un jour : on a bientôt tout vu dans un pays où l’on ne connaît personne. Je rentrais à mon hôtel pour plier bagage, lorsque je tombai dans les bras d’un ami. La France est si petite ville, qu’on se trouve partout en pays de connaissance.
- Le jeune homme qui m’arrêta sur le seuil de ma porte avait quitté Paris depuis deux ans. Nous avions fait nos premiers pas dans des sentiers parallèles; nous avions été refusés le même jour par un comité de lecture, et le malheur établit entre les hommes des liens qui ne se rompent jamais.
- Mon ami me conta qu’il s’était fixé à Bordeaux et qu’il y dirigeait un grand journal quotidien. Il se mit à ma disposition de fort bonne grâce et offrit de me montrer la ville en détail.
- « Grand merci, lui répondis-je. Je suis débarqué de ce matin, et il me semble bien que j’ai tout vu.
- — Avez-vous pris un bateau pour faire le tour du port ?-
- — C’est par là que j’ai commencé, mais j’aurais pu m’en abstenir. Le port de Bordeaux est une troisième édition de la Tamise à Londres et de la Corne d’or à Constantinople.
- — Vous avez vu le Grand-Théâtre?
- — J’en sors. La salle est riche et parfaitement distribuée. Ce système de balcons est fort ingénieux. Votre directeur a monté le Prophète avec un grand luxe :
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- j’ai compté tout près de deux cents personnes sur la scène. Or, je me souvenais d’avoir vu à Strasbourg le divertissement de Robert le Diable, dansé par quatre nonnes et une abbesse. L’incendie dn cinquième acte m’a paru mieux réussi même qu’à l’Opéra. Le rideau tombe moins vite; on voit crouler le palais et pleuvoir les poutres enflammées.
- — Et notre musée, qu’en pensei-vous ?
- ~ Ce qu’on pense de tous les musées de province. Il y a de bons tableaux, mais perdus dans la foule des mauvais. Quand le public y met les pieds par accident, il ne sait où poser son admiration, et il s’extasie presque toujours à faux. Voilà pourquoi la province a mauvais goût. Il serait bon d’établir partout, comme on l’a fait à Paris, un salon carré, réservé aux chefs-d’œuvre. Il serait bon d’inscrire sous chaque bordure une date et un nom d’auteur. Il serait bon de classer tous les ouvrages suivant les écoles; enfin, il serait à désirer qu’un tableau de M. Delacroix ne tournât pas le dos à la lumière. En sortant du musée j’ai vu l’hôpital et le palais de justice. On a raison de citer votre hôpital parmi les mieux construits et les mieux distribués. Le palais est précédé d’un péristyle dorique parfaitement étudié et qui fait honneur à l’architecte. La salle des pas perdus laisse à redire ; mais j’ai vu avec phisir que la foule ne s’y pressait pas. Les procès deviennent rares à mesure que les idées s’élargissent, qu’on sait le prix du temps, et que la jurisprudence s’établit.
- — Nous avons la tour Saint-Michel.
- — Oh! je n’ai pas manqué d’y faire une visite. Je suis devenu un touriste attentif et scrupuleux depuis le jour où, voyageant en Normandie pour étudier les monuments gothiques, j’ai traversé la ville de Coutances sans m’apercevoir qu’il y avait une cathédrale. J’ai donc vu la tour Saint-Michel. C’est un charnier plus hideux que les autres, grâce à une cinquantaine de squelettes qui ont gardé un peu de peau sur les os. Le guide qui m’a éclairé de sa chandelle et de son érudition explique que tous ces corps ont été conservés par la nature du terrain où on les avait enshvelis. Au xne siècle, ce phénomène aurait passé pour un miracle, et l’on aurait brodé de belles légendes sur chacun de ces magots décharnés. Les modernes ont moins d’imagination, et le récit du gardien manque de poésie. Suivant l’état des corps et les grimaces des visages, on a trouvé dans ces horribles reliques un officier tué en duel, un portefaix écrasé par des crochets, une famille empoisonée par des champignons, et un enfant enterré tout vif. Pauvres inventions, et peu dignes de remplir une tour aussi pittoresque que la tour de la Faim !
- (A Suivre.)
- État-civil du Familistère
- Semaine du 5 au 11 Janvier 1885. Naissance :
- Le 9 Janvier, de Maire Léonie, fille de Maire Adolphe et de Joffroy Léonie.
- Décès :
- Le 10 Janvier, de Hennequin Amédée Prudent, âgé de 16 ans et 7 mois.
- VIENT DE PARAITRE
- 12, rue du Croissant,
- LA REVUE SOCIALISTE
- 96 pages in-octavo
- Abonnements : 3 mois, 3 fr, ; 6 mois, 6 fr. ; un an, 12 fr. ; Le Numéro, 1 fr.
- Sommaire du premier numéro :
- Entrée en ligne (B. Malon) ; La crise économique (G. Rouanet) ; Transformisme et socialisme (L. Dra-mard) ; L’évolution économique en Belgique (L. Bertrand); Les dieux de la Forêt (Eugène Pottier) ; Correspondance ; Mélanges et documents ; Revue des faits sociaux ; Sociétés savantes et cours d’économie sociale ; Revue de la Presse ; Revue des livres ; Divers.
- Théâtre du familistère de Guise
- Direction t A. Tétrel et A. Berthet.
- Bureaux à 8 heures. — Rideau à 8 heures et demie Samedi 11 *Janvier 1885
- MARIE-JEANNE ou u FEMME bd PEÜPLE
- Drame en 5 actes et 6 tableaux, de M. DENNERY.
- 1" Tableau — LES DEUX MARIÉES. 2“ Tableau - LE MÉNAGE DE MARIE-JEANNE. 3® Tableau — L’HOSPICE DES ENFANTS TROUVÉS. 4e Tableau — L’ENFANT VOLÉ. 5e Tableau — LA MAISON DES FOUS. 6e Tableau — LE FAUSSAIRE.
- Bertrand, MM. Mass ; Remy, Paillon ; De Bussiéres, Gilland ; Appiani, Anselme ; Le Docteur, Lorenziti; Berlinquet, Lureau ; Guillaume, Darmental ; Marie-Jeanne, Mra0S A. Brunet ; Sophie de Bussiéres, J. Decourty ; Catherine, Roland ; Marguerite, Alphonsine ; Charlotte, Saviany; Grosmenu, MM. Denis ; Un infirmier, Lasalle ; Un domestique, Husson.
- LA GRAMMAIRE
- Vaudeville en d acte, par MM. LABICHE et JOLY M: BERTHET remplira le Rôle de PO IT RI N AS Gaboussat, MM. Paillon ; Machut, Darmental ; Blanche, Mme G. Brunet ; Jean, M. Bruneton.
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- üuisô.— lmp. Baré
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- 9* Année, Tome 9. — N" 333 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 25 Janvier 1885
- LE 9XŸ0IR
- REVUE DES QUESTIONS SOCIALES
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- A GUISE (Aisne)
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- SOMMAIRE
- Misères et Loteries. — Les Propositions anglaises. — La prière à l’école. — Le socialisme parmi les Juifs.— Informations concernant les travailleurs. — Le Parlementarisme, le Suffrage universel et les réformes urgentes. — Aphorismes et préceptes sociaux. — Faits politiques et sociaux de la semaine. — La Crise agricole. — La secte des Stundistes. — Devoir de morale.— Adhésions aux principes d'arbitrage et de désarmement européen. — Bibliothèque du Familistère. — Maître Pierre.
- AVIS
- Le journal a Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DELPROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
- MISERES ET LOTERIES
- Les sombres réalités des misères ouvrières ne sont plus niées par les adversaires de la réforme sociale.
- Les plus ardents à critiquer les réunions d’ouvriers sans travail s’empressent de sonner l’alarme.
- Le mal leur apparaît tout à coup si évident qu’ils n’hésitent pas à provoquer des mesures considérées, en temps ordinaires, comme peu conformes à la saine morale. Des journaux parisiens, uniquement lus par la clientèle des boulevards, ont pris l’initiative de venir en aide à la population des faubourgs.
- De nombreux journalistes réunis en comité d’action sont en instance auprès du Gouvernement pour obtenir d’organiser une fête de charité et une grande loterie au capital de cinq millions.
- Cette démarche est un aveu de la gravité des chômages et de l’urgence d’y porter remède ; elle démontre combien il est nécessaire d’aborder sérieusement les réformes capables de donner à la classe ouvrière des garanties certaines.
- La réponse du Gouvernement invité à autoriser une loterie, une chose défendue par les lois, aura une portée particulièrement significative. Refuser cette permission équivaudra à une négation du mal; l’autoriser sera reconnaître l’existence de souffrances exceptionnelles.
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- Dans cette dernière hypothèse, le Gouvernement ne s’expose-t-il pas à de sévères critiques en se déchargeant sur des particuliers des réparations que réclame toute calamité publique ?
- Qui garantit que les prévisions de la presse, nées d’un bon sentiment, nous aimons à le croire, reposent sur des évaluations raisonnées ?
- Tout, au contraire, permet de supposer quelles sont insuffisantes.
- Les chômages et les désordres qu’ils provoquent sont lents à se développer ; une longue incubation précède la période aiguë qui justifie l’emploi de^ grands moyens ; des cas partiels et suffisamment caractéristiques se révèlent toujours avant une crise générale.
- On chercherait vainement, parmi les promoteurs de ces fêtes, un seul homme ayant noté les prodromes du mal ou ayant signalé à ses lecteurs la lente accumulation des misères nées de l'irrégularité du travail.
- Pourquoi demandent-ils cinq millions, plutôt que deux, que dix, que cinquante?
- Gomme iis seraient tous embarrassés, s’ils devaient répondre affirmativement à cette question.
- Ont-ils fait une enquête sur le nombre des malheureux à secourir ? Connaissent-ils les délais que peut accorder la faim ? Savent-ils si les billets de leur loterie se placeront plus facilement que ceux des Arts décoratifs ?
- On n’enten i point dire que ces protecteurs de l’ouvrier aient consulté les Chambres syndicales, ni demandé la participation des représentants autorisés des corporations.
- Cinq millions, c*est chose bientôt dite. Admettons que le produit brut soit de quatre millions. Cette somme partagée entre cent mille bouches donnera à peine quarante francs pour chaque. A Paris, seulement, en temps normal, il y a plus de cent mille individus insuffisamment secourus par l’assistance publique.
- Nous voulons supposer que toutes les précautions sont prises pour éviter les scandales signalés à l’occasion do plusieurs fêtes de charité. Néanmoins nous ne pouvons nous empêcher de constater que, déjà, les débuts de l’entreprise n’ont passuffisammenttenucompte de certaines nuances. L’installation du bureau au Grand-Hôtel, dans le plus confortable établissement de la capitale, présente trop de contrastes avec la situation des travailleurs que l’on veut aider.
- Ces bals, ces fêtes, tous ces préparatifs feront-ils oublier aux déshérités le pain, le vêtement, le gîte que le salariat ne leur permet plus de se procurer?
- Sans critiquer les bonnes intentions des organisateurs de cette loterie, n’est-il pas pénible de voir une assemblée de publicistes parisiens ne pas trouver un moyen plus élevé de venir en aide aux travailleurs que l’ouvrage fuit ?
- N’y a-t-il pas dans ce fait un avertissement donné aux honnêtes gens, indifférents en présence de l’affaissement de la morale publique ; comprendront-ils qu’ils deviennent coupables en ne s’appliquant pas à réagir contre ces symptômes déjà grands de décadence et de décomposition * sociales.
- Cette aumône, que l’on exploite en haut et en bas, il faut la remplacer par desinstitutions garantîtes profondément élaborées et puissamment constituées.
- En attendant ce résultat, qu’on ne pouvait atteindre tout à coup, n’était-il pas plus conforme à la dignité de la presse et aux occupations ordinaires de ses membres de prendre une décision engageant toute la corporation à mettre, chaque jour, le Gouvernement en demeure d’intervenir efficacement, par une de ces campagnes qui n’échouent jamais lorsque les journalistes de tous les partis consentent à marcher à l’unisson ?
- Les loteries, les quêtes, les sauteries et toutes les niaiseries des prétendues fêtes de Charité ne sont pas du domaine des journalistes aux époques de calamité publique. Les réjouissances devraient être limitées aux périodes de bonheur; ces manifestations sont inopportunes aux moments lugubres.
- Puisque la loterie est chose décidée,nous l’acceptons et nous ne la reprocherons pas davantage à nos confrères parisiens ; mais à condition qu’elle restera l’accessoire et que bientôt commencera vigoureusement la campagne contre la misère, telle que nous l’avons réclamée plus haut.
- Pourquoipersistent-ils, les publicistes parisiens, à 'taire aux classes dirigeantes tous les germes de bien-être général contenus dans une féco"nde mutualité nationale garantissant chacun contre la misère ?
- La mutualité nationale est le point du progrès social par les voies rationnelles ; elle donnerait aux classes laborieuses une puissance de consommation suffisant à maintenir l’équilibre entre la production et la consommation.
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- L’établissement de cet équilibre et sa conservation sont les solutions véritables de la question sociale ; ces progrès aboutissent au développement et à la progression constante du travail.
- Si l’on accordait à ces idées- et aux moyens pratiques d’application autant de publicité qu’il en sera donné à tous les palliatifs mesquins que vont imaginer les journalistes organisateurs de la fête de charité, on verrait bientôt surgir dans la masse une agitation virile et efficace en faveur des garanties sociales de la vie humaine.
- Oh ! si nos confrères parisiens voulaient se jeter dans le mêlée, au milieu du bon combat contre la misère, dépensant leur esprit, leur verve, toutes les ressources de la dialectique dont ils donnent chaque jour tant de preuves dans les futiles compétitions de la politique, certainement, on aurait raison de songer en même temps aux préparatifs d’une fête, grande, immense, devant marquer le premier pas d’une humanité réconciliée.
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- LES PROPOSITIONS ANGLAISES
- Concernant le règlement des affaires financières d’Egypte.
- Londres, 12 janvier, 8 h. matin.
- Voici un résumé complet des propositions que le cabinet de Londres a soumises aux grandes puissances pour régler, d’accord avec elles, les affaires financières de l’Egypte :
- la II sera émis un emprunt à 3 1[2 0[0, garanti par le gouvernement de la reine jusqu’à concurrence d’un montant suffisant pour pourvoir à la dette flottante, à l’irrigation, etc. Les actifs de liquidation y concourront également. 11 est probable que le montant net de l’emprunt n’excédera pas cinq millions de livres sterling.
- 2° Les indemnités seront payées, en titres de la Dette privilégiée, 110 livres nominales pour 100 livres.
- 3“ L’intérêt du nouvel emprunt sera payé, avec priorité, sur les revenus égyptiens.
- 4° Les revenus de la Daïra et des Domaines seront versés à la Banque d’Angleterre et l’intérêt du nouvel emprunt en sera déduit avant toutes choses. Le reliquat en sera acquis au gouvernement égyptien.
- 5° L’administration des terres de la Daïra et des Domaines sera entre les mains du gouvernement égyptien, sous le contrôle du gouvernement anglais. Les emprunts dont les terres constituent le gage seront traités comme suit : l’Emprunt domanial sera ajouté à la Dette privilégiée et l’Emprunt de la Daïra à la Dette unifiée.
- 6° Les produits de vente de terres de la Daïra et des Domaines, que l’on se propose de faire aux fellahs, seront employés autant que possible à la formation d’un fonds d’amortissement, applicable en premier lieu au nouvel emprunt.
- Quand cet emprunt sera remboursé en totalité, . les produits des ventes susdites seront appliqués au remboursement d’autres emprunts. Tous les fonds d’amortissement de la Dette existante seront suspendus.
- 7® La seconde charge dont seront grevés les revenus égyptiens sera le service des intérêts sur les dettes existantes, moins un 1|2 OjO en ce qui concerne les Dettes unifiée et de la Daïra et l’Emprunt de Suez.
- 8° La troisième charge comprendra les frais d’administration, y compris les 150,000 livres de la Moukhabala. Ces frais ont été fixés, dans la conférence de Londres, à 4,817,000 livres égyptiennes, sous réserve d’une modification au prorata de l’accroissement des recettes des chemins de fer. Il faut y ajouter, en outre, 1,000 livres, coût net des changements recommandés par lord Northbrook, et une somme de 120,000 livres pour l’armée anglaise d’occupation. Les frais totaux de l’administration atteindront ainsi le chiffre de 4,948,000 livres, qui ne pourra être dépassé, sauf en cas de dépenses pour les chemins de fer, comme il est dit ci-dessus, sans le consentement du gouvernement anglais, tant que durera l’occupation anglaise.
- 9° La quatrième charge comprendra les réductions stipulées par l’article 7, de l’intérêt des emprunts et tous les frais de l’armée d’occupation excédant les 120,000 livres. La dépense totale pour cette armée ne pourra pas toutefois dépasser 293,000 livres.
- 10° Si les excédents ne suffisent pas pour pourvoir à la quatrième charge, il sera apporté des réductions proportionnelles à chacune des parties qui la composent.
- 11° En cas d’excédent après le payement de la quatrième charge, cet excédent sera appliqué en premier lieu à payer tous les arrérages de l’intérêt des années précédentes des divers emprunts, et tout le reliquat sera partagé par pertions égales entre un fonds d’amortissement et le gouvernement égyptien.
- 12° Seront introduits les changements administratifs et fisc?ux proposés par lord Northbrook, savoir : a) l’extension aux étrangers, sur un pied d’égalité avec les indigènes, des lois concernant certains impôts ; b) quelques modifications fiscales de moindre importance n’altérant pas l’équilibre général.
- 13° Le gouvernement égyptien sera autorisé à emprunter en compte courant, pour le cas de nécessité, une somme ne dépassant pas un million de livres, au lieu de deux millions qu’il a la faculté d’emprunter actuellement, mais cela uniquement avec le consentement du gouvernement anglais, tant que l’emprunt garanti ne sera pas remboursé.
- 14® La loi de liquidation sera modifiée de manière à répondre aux propositions ci-dessus et à conférer au gouvernement égyptien un pouvoir fiscal plus étendu sur les provinces et administrations, y compris le pouvoir d’apporter des modifications à l’administration des chemins de fer.
- 15° Les dispositions ci-dessus, relatives à l’emprunt garanti, aux indemnités, à la suspension de l’armortissement et aux réductions des divers intérêts et des frais de l’armée d’occupation, entreront en vigueur à partir du 1er janvier 1883; mais l’emprunt garanti servira à couvrir tout déficit dans les trois premières charges grevant le revenu net de 1886, aussi bien nue le déficit de l’année 1884.
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- En ce qui concerne les contre-propositions françaises, on prétend à Londres qu’elles portent sur tous les points des propositions anglaises, et qu’elles sont exclusivement d’une nature financière, ne touchant en rien le côté politique de la question égyptienne.
- On dit qu’elles sont très conciliantes, et que la divergence d’opinion des cabinets de Paris et de Londres porte principalement sur trois questions.
- La France, dit-on, demande que l’emprunt soit de neuf et non de cinq millions de livres, afin de subvenir d’un coup à toutes les dépenses, partant de ce point de vue, qu’un emprunt garant; par toutes les puissances pourra se contracter à de meilleures conditions.
- En second lieu, le cabinet de Paris paraît repousser les articles 4 et 5 des propositions anglaises ; il désire maintenir séparées l’administration de la Daïra et celle des Domaines, et il refuse d’admettre que les revenus de la Daïra et des Domaines soient confondus et versés à la Banque d’Angleterre, ce qui détruirait les derniers vestiges du condominium anglo -français.
- Enfin, on assure que la France propose, au lieu de l’article 7 des propositions anglaises, de grever le coupon d’un impôt spécial, ce qui permettrait d’arriver aux mêmes résultats sans imposer aux détenteurs de titres de trop grands sacrifices.
- Mais, comme sur bien des points, les propositions françaises concordent avec celles de l’Angleterre, on espère à juste titre, dans les cercles diplomatiques de Londres, qu’une entente ne tardera pas à s’établir entre les deux puissances intéressées.
- LA PRIÈRE A L’ÉCOLE
- (suite)
- La récitation dos prières à l’école est un exercice qui n’a aucune raison d’être. A ceux qui penseraient différemment, je vais essayer de le prouver.
- D’abord, l’administration a eu le tort grave de faire les instituteurs juges de la question. Elle devait leur dire tout simplement : « Le nouveau « règlement ne comprend plus la récitation des « prières, cet exercice est donc supprimé. »
- À ceux qui seraient venus s’en plaindre, l’instituteur pouvait répondre : « Lisez le Règlement. »
- Là était sa force.
- Dans l’état des choses, les mécontents ont beau jeu pour ennuyer l’instituteur.
- J’entends d’ici des dialogues de ce genre :
- Un père de famille clérical. — M. l’instituteur, pourquoi ne faites-vous plus, à l’école, réciter les prières à mes enfants ?
- L’instituteur. — Parce que, dans notre canton, la majorité d'entre nous a décidé de]suivre le règlement.
- Le père de famille. — Puisque l’administration vous laissait libre de ne pas le faire, pourquoi n’avez-vous pas profité de cette tolérance ?
- L’instituteur. — Monsieur, je n’ai pas d’explication à vous donner.
- Le père de famille. — C’est bien ; nous vous aurons à l’oeil.
- (Il sort en faisant des menaces.)
- Un père de famille libre-penseur. — Pourquoi, M. l’instituteur, faites-vous encore à l’école réciter les prières à mes enfants quand la loi ne le prescrit plus ?
- L’instituteur. — Parce que, dans notre canton, la majorité d’entre nous l’a décidé en réunion.
- Le père de famille. — C’est comme cela que l’on suit les lois dans votre administration !
- Très-bien ; nous allons voir !
- (Il sort en faisant aussi des menaces.)
- Voilà la situation que l’on a faite à l’instituteur !
- M. l’évêque de Soissons doit être content ; mais je connais beaucoup d’instituteurs qui ne le sont pas. Ceux-là, les lib”es-penseurs, se trouvent obligés, de par la décision de la majorité de leurs collègues, de faire des signes de croix, de suivre les prières en donnant l’exemple de la piété, c’est-à-dire d’être parfaitement hypocrites.
- S’ils s’avisaient de ne pas tenir compte de cette décision, s’ils nréféraient suivre la loi et le règlement, ils seraient certainement blâmés : c’est la discipline qui le veut, comme elle veut que dans l’armée le soldat libre-penseur s’agenouille, et cela sous peine de prison, lorsqu’un Ramollot quelconque le. fait aller aux processions.
- N’est-ce pas véritablement inouï ?
- Dans ces conditions, la liberté de conscience n’est plus qu’un vain mot.
- Et le père de famille libre-penseur, pensez-vous qu’il ait lieu d’être satisfait !
- A l’école on prie, et chez lui on ne prie plus, parce qu’il a fait comprendre à sa famille toute l’absurdité des mômeries religieuses. Que se passera-t-il alors dans l’esprit de ses enfants ? Il est évident que, du maître ou du père, l’un perdra leur confiance.
- On voudra bien reconnaître avec moi que cela est profondément regrettable.
- Maintenant je vais plus loin.
- Je dis que la récitation des prières est pour les enfants un exercice inutile et fastidieux.
- Entendez-vous tous ces bonhommes de six ans répéter ; que votre nom soit sanctifié, que votre
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- règne arrive.... sans comprendre, à la manière des perroquets ? C'est tout simplement un exercice des mâchoires. Certains instituteurs font même dire les prières en latin ; quand on est sur la voie de l’absurde, on va loin! Cela me rappelle les naturels de je ne sais plus quelle île de l’Océanie. Ces naïfs tournent avec acharnement une espèce de moulin à café qui est censé moudre des prières. Plus ils mettent de vigueur à cet exercice, plus leur dieu a lieu d’être content !
- Si les enfants comprenaient, c’est alors qu’il faudrait supprimer les prières !
- Je le montrerai dans un prochain article.
- Edmond Moret.
- (A Suivre).
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- Le Socialisme parmi les Juifs
- Extrait de la Presse Anglaise
- Une remarquable brochure de propagande socialiste vient d’être publiée en Angleterre et répandue dans les districts de l’Est.
- Cette brochure démontre entre autres choses aussi clairement que possible:
- Le désordre de l’état social actuel, où la grande majorité de ceux qui produisent la richesse jouissent à peine d’une part de ces biens dus à leurs efforts ;
- La nécessité du travail pour chacun des êtres humains,hommes et femmes, au point de vue même de la santé. L’absurdité d’une organisation sociale où la grande majorité du peuple travaille surtout pour les jouissances d’une très faible minorité ;
- Comment la misère engendre l’ivrognerie ;
- Comment l’accumulation de la richesse se fait toujours dans nos sociétés aux dépens des travailleurs. L’homme le plus honnête qui veut lancer une industrie ou un commerce ne s’enrichit en suivant les errements actuels que par l’exploitation du personnel même qu’il emploie ;
- Comment les machines-outils qui en elles-mêmes sont des bienfaits concourent néanmoins au milieu de notre malheureux état social, à multi-'plier le nombre de nos inoccupés, etc., etc.
- L’ouvrage se termine par l’exposé des principaux principes du socialisme et une vue de l’avenir ; c’est la première brochure d’une série de publications que se proposent de faire paraître les juifs de Londres.
- l e succès du mouvement parmi ces juifs est déjà tout à fait remarquable. Des milliers parmi eux ont embrassé à des divers degrés les doctrines du socialisme et soutiennent à ce sujet un journal rédigé en hébreux.
- L’idée dominante chez tant de catholiques que tous les juifs sont gens à leur aise est tout à fait erronnée. Nulle partie du prolétariat n’est plus pauvre ni plus maltraitée que les ouvriers juifs partout l’Europe.
- Nous souhaitons la plus cordiale bienvenue à
- ces nouveaux coopérateurs dans la grande lutte pour l’avenir.
- Les Juifs ont déjà rendu de grands services à la cause au coût de ce que les hommes ont de plus cher, y compris la vie. Ils sont habiles et doués du génie de l’organisation; ils ont l’esprit d’internationalisme et possèdent un langage propre.
- Quant on voit comme aujourd’hui des juifs se lever contre des juifs, prolétaires contre capitalistes, on peut dire, en vérité, que le temps de l’évolution est proche.
- Informations concernant les Travailleurs
- Extraits de la Presse Anglaise
- La commission chargée de fournir de l’ouvrage aux ouvriers sans emploi a commencé les terrassements pour la construction de quais à Amsterdam.
- Un grand nombre d’hommes sont engagés dans ces travaux. La journée commence à 7 h. 30 du matin et finit à 4 h. après-midi.
- D’autres travaux d’utilité publique vont être entrepris.
- Nous appelons sur ce point l’attention de nos lecteurs. Pourquoi notre propre Gouvernement n’imiterait-il pas un aussi bon exemple ?
- Quantité de travaux d’utilité publique sont nécessités dans l’étendue de la Grande-Bretagne.
- * *
- Mac Guire, le secrétaire général de la Fraternité des charpentiers et menuisiers d’Amérique, écrit au journal Justice, en date du 20 décembre :
- « Je crois que le seul espoir des travailleurs est dans la réorganisation de la Société sur une base scientifique, au point de vue économique et politique. Et une telle modification sociale sera précipitée, ici et ailleurs, par l’infaillible instinct des capitalistes qui vont transformant les méthodes de production et d’échange pour l’avantage de leurs seuls intérêts égoïstes, affamant les travailleurs et minant les classes moyennes qu’ils rejè-teront de cette façon dans nos rangs ou elles augmenteront la compétition pour les emplois, faisant enfin tout leur possible pour prolonger la journée de travail, employer à prix réduit les femmes et les enfants et susciter la concurrence dépréciative entre les travailleurs de tous les points du globe.
- Ici, en Amérique, notre combat est herculéen ; nous avons à faire face aux dissensions occasionnées par la diversité de nationalités et de langages, dissensions excitées par les capitalistes et leurs alliés afin de tenir les ouvriers en guerre les uns contre les autres. Néanmoins, l’organisation des classes laborieuses s’affermit de plus
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- en plus chaque jour sous l’empire des misères persistantes.
- À Hocking Valley, Ohio, le mineurs renvoyés des exploitations pour n’avoir pas consenti à abandonner leur droit de s’associer continuent leur résistance. Des 4.000 hommes congédiés, voici sept mois, on n’en pourrait compter 25 qui aient repris le travail en se pliant aux conditions imposées. Les Trades-Unions d’Amérique fournissent des subsides aux victimes du mouvement, et toutes les énergies sont concentrées pour arriver à vaincre le syndicat des chemins de fer et mines dont tous les membres sont coalisés pour la défaite de nos frères de Hocking Valley. Les capitalistes eux-mêmes affirment avoir déjà perdu plus de 4,000,000 de dollars,(20,000,000 de fr.) dans cette lutte. Telle est l’anarchie de notre présent état social, que ces propriétaires de mines aiment mieux perdre encore, en peu de temps, plus de vingt millions de francs que d’ètre justes envers leurs travailleurs. Mais ces luttes mêmes conduiront plus vite au jour de la reconnaissance du droit du travail et finalement à la rédemption de toutes les classes laborieuses. »
- Le Parlementarisme, le Suffrage universel et les Réformes urgentes(l)
- ii
- La réforme du régime parlementaire est, nous l’avons dit, un des premiers progrès à accomplir daiis la voie de l’évolution sociale.
- Mais comment arriver à cette réforme sans attendre le moment où les pouvoirs publics seront encore une fois remplacés dans une commotion révolutionnaire. Nous avons démontréla possibilité de celte réforme par la voie régulière et pacifique du suffrage universel, non plus du suffrage universel à la discrétion du Gouvernement et des classes privilégiées qui s’en font un marchepied pour accaparer le pouvoir, en tenant le peuple dans l’impossibilité d’exprimer librement sa volonté, mais du suffrage universel restituant au peuple sa liberté et assurant le plein exercice de cette liberté même.
- Jusqu’ici, qu’a été le droit de suffrage dévolu, au peuple ? Un semblant de consultation mis en œuvre le plus rarement possible, et en plaçant les électeurs dans la nécessité, à très-peu près, de nommer les candidats agréables aux classes dirigeantes et aux gouvernants. On prétend consulter
- (1) Lire « Le Devoir » du 18 janvier 1885.
- le pays, mais tous les efforts possibles ont été concentrés dans les lois électorales et dans l’action du Gouvernement pour écarter l’expression vraie de cette consultation et des votes qui en sont la conséquence.
- Ne se souvient-on plus des élections censitaires faites sous le règne de Louis-Philippe ? Elections par lesquelles le peuple des travailleurs était complètement éjcarté de tout droit politique, la propriété et la richesse étant seules représentées.
- Ne se souvient-on plus de la candidature officielle sous l’empire ? Napoléon III, obligé de subir le suffrage universel dont il était sorti, l’organisant par circonscription, de manière à en paralyser l’action et à le maintenir à la discrétion des Préfets ; œuvre qu’il compléta en plaçant à côté d’une Chambre des députés ainsi élue un Sénat de son choix. Le pays et les électeurs ont été soumis pendant 20 ans à cette école de corruption politique et sociale.
- En nous débarrassant du despotisme de ce Gouvernement, la guerre de 1870 eut dû, aussi, nous débarrasser de son régime de mensonge et d’hypocrisie. Mais l’Assemblée néfaste de 1871,ne pouvant anéantir la République, s’efforça de nous conserveries tendances des institutions de l’empire pour affermir le règne de l’aristocratie du capital. Elle sut nous donner une Chambre des députés nommés par le scrutin de circonscription comme sous l’empire; un Sénat à l’instar de celui de l’Empire : voilà ce que l’assemblée catholique et bonapartiste de 1871 sut donner à la République.
- Et c’est là ce dont aujourd’hui des députés et des sénateurs républicains s’accommodent, trouvant que c'est pour eux un excellent moyen de faire la loi ! Ils re joutent, ils écartent un appel solennel à la nation, parce qu’ils savent que loutes les médiocrités protégées par les préfets disparaîtraient des corps législatifs, si la France entière était appelée à constituer les Chambres par le scrutin de liste nationale.
- Car, nous l’avons largement exposé déjà, ce ne sera pas le scrutin de liste départementale qui pourra regénérer le régime parlementaire ; on ne sortira d’un-mal aussi profond qu’en plaçant le suffrage universel en dehors de l’action des préfets et des pouvoirs publics.
- Il faudrait soustraire le suffrage universel aux influences délétères de l’administration, des comités locaux, et de toutes les pressions dont il est entouré , il faudrait organiser le vote sur les bases nouvelles suivantes :
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- L’unité de collège au scrutin de liste nationale.
- Chaque électeur votant pour un même nombre de députés ;
- La liberté absolue de l’électeur, de l’élection et du choix des candidats dans toute la France ;
- Le vote par bulletin de liste nationale de six ou douze noms ;
- Le dépouillement à la commune ;
- Le recensement à Paris par la Chambre ;
- La moitié de la Chambre des députés élue au premier tour et composée des candidats ayant obtenu le plus de voix dans toute la France.
- Un second scrutin quinze jours après.
- Dans toutes les communes, affichage des noms qui auraient obtenu le plus de voix après les candidats élus ; cette liste comprenant au moins trois fois autant de noms qu’il resterait de députés à élire.
- L’élection et la proclamation de la seconde moitié de la Chambre faite comme au premier tour.
- Le vote s’exerçant dans de telles conditions, la plate-forme du suffrage universel serait complètement changée. L’électeur serait enp’.ésence de son devoir de citoyen et de son intérêt social, au lieu d’être, comme avec le scrutin de circonscription et le scrutin de liste départementale, en face de son égoïsme, de son intérêt individuel et de l’influence des partis. Il échapperait à l’indifférence, au découragement et à la question de savoir s’il a un avantage personnel à voter pour tel candidat agréable aux meneurs des scrutins locaux.
- Avec l’élection nationale au scrutin de liste, l’électeur est en face de lui-même et du pays ; pas de sollicitations, pas de pression de bas étage, pas d’intérêts de coterie ni de clocher ; mais entraînement général vers l’accomplissement d’un devoir social dont chaque électeur sent la grandeur et la portée. Il s’agit de nommer des députés de la France, de la République définitive, de la République qui deviendra sociale parce qu’elle deviendra juste, équitable et bienfaisante envers le peuple.
- Les députés élus seront en face d’un mandat renouvelable, pour la moitié d’entre eux, tous les ans. Tous les ans, la nation viendra devant Furne exprimer son sentiment sur la direction générale des affaires du pays. Ce ne seront plus les complaisances plus ou moins” mercenaires du député en faveur d’une commune quelconque, d’amis influents, de tels ou tels comités qui détermineront
- le vote de l’électeur ; les promesses individuelles de la part des députés, n’auront pas plus d'influence ; chacun saura que ces manœuvres sont sans action sur le verdict du pays.
- La législature et la presse auront créé des courants d’opinions. Le» députés seront connus par leurs votes et par les échanges d’idées de la presse. Chaque électeur votera alors pour le député en qui il reconnaîtra le mieux sa manière de comprendre les intérêts politiques et sociaux. Les considérations locales, sous peine d’être sans effet, ne porteront plus que sur de réels talents et de réels mérites réunissant le sentiment unanime des populations.
- Voilà un des côtés de l’élection, mais qu’en sera-t-il du mandataire ? Le député ne comprendra-t-il pas plus largement sa fonction lorsqu’il se sentira soumis, à brève échéance, au jugement de la France entière, au lieu de se retrouver, après un long délai, dans un bourg plus ou moins ignorant, plus ou moins inféodé à son élection ? Quelle différence entre les deux situations !
- Avec le vote par scrutin de circonscription, le candidat flatte l’ignorance locale, prodigue de tous côtés les promesses, appuie en chœur avec les meneurs d’élection un tas de projets qu’il sait ne pouvoir aboutir, mais dont il leurre les gens, afin d’assurer son élection. Les surprises, les mensonges, les calomnies, les compromissions inavouables ou, tout au moins, les promesses, les attentions qui n’ont rien à faire avec le mandat de représentant du peuple, les discussions de personnes, la seule préoccupation des intérêts locaux, l’hypocrisie partout, aucune idée concernant les grandes réformes indispensables au pays : tel est le rôle des candidats pour la grande majorité des circonscriptions départementales ; la conséquence c’est la corruption politique du pays.
- Devant l’élection nationale, au contraire, le candidat ne pèut plus tirer parti que des faits et des actes vraiment dignes de l’attenlion publique, des travaux et des réformes nécessaires au pays, des discours ayant contribué à faire prendre des décisions utiles ; nul ne peut évoquer rien que les actes bons pour la nation entière. Tout au grand jour, la vérité et la lumière partout : les grandes questions d’intérêt public débattues, fécondées par la discussion; électeurs, candidats, députés, tous sont confondus dans un même intérêt à mettre en évidence ces questions et aies résoudre. La loyauté, la sincérité, la franchise et la vérité deviennent une nécessité des mœurs publiques.
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- Appel aux Socialistes
- Pourquoi cette proposition de réorganisation du suffrage universel n’a-t-elle pas encore reçu les honneurs de la moindre discussion? Pourquoi tous les partis politiques, les partis socialistes compris, font-ils acte de la plus complète insouciance à l’égard de l’exercice du suffrage universel ? Comment se fait-il qu’on semble ne pas comprendre que les libertés du peuple et son avènement au bien-être sont subordonnés, pour une forte part, à la loi ; que la loi est faite par les députés et que c’est le suffrage universel qui nomme les députés; que la loi, en conséquence, ne s’améliorera pas si le régime parlementaire reste ce qu’il est et si le peuple souverain n’est mis en situation de faire changer ce régime.
- Le suffrage universel organisé en unité de collège national, avec scrutin de liste tous les ans, pour l’élection de la moitié de la Chambre des députés, serait plus puissant, pour les réformes sociales, que ne le seraient toutes les violences d’une révolution armée; et il donnerait pour résultat, au lieu de destruction et de désastres, des améliorations et des institutious utiles au pays et aux classes ouvrières. Cela vaut la peine qu’on l’examine. Socialistes, désireux du progrès social et de l’amélioration du sort du peuple, prêtez donc votre attention à ce plan de réforme et ne perdez pas de vue que le suffrage universel est la forteresse légale dans laquelle nous devons nous retrancher. Car, quoiqu’on fasse, on n’aura rien fait de bon ni de bien, si l’on n’a organisé, au préalable, l’exercice rationnel de la souveraineté na-
- tionale.
- (A Suivre.)
- _ ___________... 0 p . » — -—— ------
- Nos correspondants sont invités à nous transmettre jusqu'au 1er Février tous les documents pouvant intéresser les amis de la paix, pour le prochain bulletin qui paraîtra
- le Dimanche 8 février.
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- APHORISMES & PRECEPTES SOCIAUX
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- Rétribution des fonctions publiques.
- Les fonctions gratuites sont les plus onéreuses, car elles donnent lieu à une mauvaise gestion des deniers publics. Tout travail mérite salaire et a besoin de nourrir son auteur.
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- Faits politiques et sociaux de la semaine
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- Elections sénatoriales. — Les délégués sénatoriaux auront toutes facilités pour se rendre aax chefs-lieux des départements, le ministère a invité les compagnies de chemins de fer à convenablement faire les choses. Ces prévenances gouvernementales ne peuvent manquer de flatter l’amour-propre de notre aristocratie électorale, disposée, dit-on, à doter l’Etat de nouveaux sénateurs tout à fait selon la formule opportuniste. De tous les programmes publiés, dont nous avons lu le texte, nous n’en avons remarqué aucun contenant quelques promesses de soulagements aux souffrances des classes laborieuses ; ils sont tous confectionnés à l’usage des intérêts des classes élevées. Même le programme parisien n’est pas exempt de cette indifférence. Il sera très curieux de comparer, aux élections générales, les programmes de certains candidats à la députation avec les programmes des sénateurs ouvertement soutenus par eux. Alors, il s’agira de capter le suffrage universel, et l’t»n corsera le boniment électoral. L’absence d’un programme social dans le mandat rédigé par les délégués sénatoriaux de la Seine n’est pas imputable à un oubli : les radicaux parisiens ont systématiquement écarté toute proposition n’ayant pas un caractère purement politique. Ainsi ils n’ont voulu accepter aucune des clauses suivantes présentées par M. Jacquet, conseiller général du département delà Seine. Voici les excellents projets de réformes sociales que l’honorable conseiller de la Seine avait groupés sous le nom de programme social :
- 1° Caisse nationale des retraites civiles, assurant à tous une rente viagère à l’âge de 60 ans ;
- 2° Création d’hospices cantonaux ;
- 3° Augmentation des subventions aux Sociétés de secours mutuels ;
- 4* Construction de maisons à loyers bon marché sur les terrains t'es communes, du département et de l’Etat ?
- 5° Création de syndicats mixtes d’ouvriers et de patrons ;
- 6° Que les mines et les chemins de fer soient exploités par l'Etat au profit du commerce et au profit des travailleurs et employés de ces entreprises.
- Le rattachement des colonies au ministère du Commerce. — Excellente réforme, si elle avait pour but d’innover dans la colonisation des procédés plus humains que ceux pratiqués ordinairement sous l’influence de la marine ; mais faite uniquement pour satisfaire l’ambition d’un ministère, on ne peut guère attendre mieux que d’habitude ; néanmoins le rattachement sera une victoire de l’esprit civil sur l’esprit militaire.
- Le protectionnisme. — Si le Gouvernement était neutre ; s’il jugeait de la nécessité d’une réforme par l’agitation quelle cause dans le pays, le libre-échange sortirait cer-
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- tainementvainqueur de la campagne entreprise contre lui; les plaintes des agriculteurs de quelques départements ne sont pas comparables aux protestations nombreuses qu’à déjà suscitées la ligue du pain à bon marché. Mais les quelques millions que le trésor retirera d’une augmentation des tarifs douaniers assurent toutes sympathies officielles aux projets protectionnistes ; ce qui ne modifiera pas sensiblement la situation financière.
- La petite mobilisation, — Nous connaissons, maintenant, le plan du général Lewal, ministre de la guerre, pour envoyer de nombreux renforts au Tonkin et en Chine, tout en ayant la prétention de laisser intacte la mobilisation de l’armée, en cas d’une guerre européenne.
- Voici à ce propos l’information publiée par le Temps :
- <i Le ministre de la guerre a l’intention de solliciter de la Chambre des députés, dès la rentrée, un vote l’autorisant à mettre immédiatement en pratique ce qu’il a appelé « la petite mobilisation. »
- Les bataillons du corps expéditionnaire du Tonkin, qu’ils appartiennent à l’armée continentale, à l’armée d’Afrique ou à l’infanterie de marine, seraient désormais complétés exclusivement par voie d’engagements volontaires, mais sans prime d’aucune sorte.
- « Dans chaque corps d’armée, on ferait choix d’un certain nombre de soldats, ayant au moins un an de service, et qui demanderaient à servir au Tonkin ; ces soldats seraient ensuite remplacés dans les régiments de l’armée continentale par un nombre de jeunes gens pris dans les différentes catégories qui sont à la disposition du ministre de la Guerre.
- <r On sait que ces catégories comprennent outre les hommes dits à la disposition, les hommes de la deuxième portion du contingent qui n’ont servi que pendant onze mois, les libérés par anticipation au titre de soutiens de famille, etc.
- « C’est parmi ces hommes que le ministre désignerait ceux qui seraient appelés à « compléter leur temps de service légal > pour remplacer, en réalité, les soldats expédiés au Tonkin.
- « L’appel d’un certain nombre de ces hommes constitue l’opération que M. le général Lewal a désignée l’autre jour, sous le nom de « petite mobilisation. »
- 11 saute aux yeux, d’abord, que l’envoi de tous ces volontaires dans l’Extrême-Orient affaiblira nos régiments en les écrémant : ceux qui partiront seront les plus entreprenants, les plus ardents pour le métier des armes.
- En outre, quel lourd poids à faire peser sur la population que le rappel sous les drapeaux des hommes qui se croyaient libérés et que l’on va arracher à leurs familles, à leurs travaux !
- Une pareille mesure serait acceptée par tous pour défendre la frontière menacée ; elle indignera la nation lorsqu’elle la verra appliquée pour servir la politique coloniale de M. Jules Ferry.
- La mesure que se propose de prendre le général Lewal est très grave : elle produirait, si la Chambre l’autorise, une profonde émotion dans le pays.
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- Emancipation de la femme. — M. Georges Laguerre, député de Vaucluse, va être chargé de déposer sur le bureau de la Chambre des députés un voeu adopté par la « Ligue de la protection des femmes » demandant la révision de l’article 2 du Gode civil, qui serait ainsi modifié : « Tous les Français, sans distinction de sexe, sont égaux de-« vant la loi, tant pour les droits civils que, pour les droits a politiques, s
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- Epuration des eaux d’égout. — Le ministre de l’agriculture vient d’approuver un projet de convention aux termes duquel l’Etat affermerait à la ville de Paris certains terrains domaniaux qui seraient destinés à servir de champ d’épuration pour les eaux d’égout.
- Ces terrains domaniaux, d’une contenance de mille hectares environ, comprennent les fermes de la Garenne et de Fromain-ville, les tirés et la partie basse de la forêt de Saint-Germain, et enfin diverses parcelles adjacentes. Ajoutons que le prix de location à payer à l’Etat par la ville de Paris serait fixé à 135,000 francs.
- Le projet en question a reçu également l’approbation du ministre des travaux publics et du préfet de police. Il ne lui manque plus que l’assentiment du ministre des finances.
- TONKIN
- On est toujours sans nouvelles de la marche sur Lang-Son commencée par les combats de Chu. D’après les journaux officieux,le général Négrier ne devait plus rencontrer aucun obstacle sérieux. Des dernières dépêches du général Brière ne sont pas faites pour donner confiance ; il y est déjà question de préparer les cantonnements pour passer les mois chauds. Des départs incessants de renforts auront bientôt porté le corps expéditionnaire â un contingent dépensant, chaque jour, plus d’un million.
- MADAGASCAR
- Là, comme au Tonkin, on a ouvert la période des brillants exploits et commencé l’êre des dépenses sans fin.
- Le ministre de la Marine a reçu de M. le contre-amiral Miot, commandant à Madagascar, le rapport du capitaine Brun sur le combat d’Andraparany, qui a eu lieu le 5 décembre dernier.
- Le plateau d’Andraparany (en langue hova c le dernier point qu’il faut défendre à tout prix »), constitue une position militaire vraiment redoutable : dominant la vallée du Fanam-ba à plus de 200 mètres de hauteur, il est protégé à l’Est par uue chaîne de montagnes couvertes de bois impénétrables, au Nord et à l’Ouest par des pentes raides, ravinées, coupées de bouquets de bois très propres à la guerre d’embuscade.
- Le combat a duré trois heures : nos troupes sont restées victorieuses.
- Ce brillant succès n’a pas été obtenu sans pertes de notre côté : le caporal Richard, de l’infanterie de marine, est mort à Amboanio d’une bleisure reçue en pleine poitrine; nous
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- comptons, en outre, trois blessés, qui sont: le quartier-maître canonnier Le Plaine, balle dans l’avant-bras droit ; le gendarme Yon, une côte fracturée ; le sergent-major Le Moan, contusion du poignet.
- ANGLETERRE
- Fermeture des ports anglais de l’Extrême-Orient. — L’agence Havas a communiqué à la presse la dépêche suivante :
- « On annonce de source officielle que des instructions spéciales ont été envoyées aux gouverneurs des colonies de l’Extrême-Orient, leur prescrivant la manière de mettre en vigueur les articles du Foreign enlistment a cl pendant les hostilités de la France contre la Chine.
- Cette loi interdit l’équipement et la répartition des navires belligérants dans les ports anglais.
- La nouvelle attitude que vient de prendre le cabinet de Londres va rendre encore plus difficile et plus précaire la situation de nos marins dans l’Extrême-Orient. Il est évident, en effet, que si l’Angleterre ferme ses ports à nos navires de guerre, une expédition sérieuse contre la Chine devient à peu près impossible.
- Le libre-échange. —- Sir Matthew-White Ridley membre du parlement anglais, a énergiquement protesté, ces jours derniers, au meeting agricole à Newcastle, contre l’agitation d’un retour aux droits protecteurs, Le pays, a-t-il déclaré, ne voudra jamais consentir à ce que l’on réimpose des droits sur la nourriture ou que l’on fasse quoi que ce soit pour en augmenter le prix. »
- ALLEMAGNE
- Refus de crédits militaires. — Nous n’en sommes plus à compter les échecs successifs que remportent M. de Bismarck et le ministère allemand depuis l’ouverture de la session du Reichstag.
- Dans sa séance de lundi dernier, le Parlement allemand a repoussé,, à une forte majorité, le projet de création d’une école préparatoire de sous-officiers, à Neuf-Brisach.
- Le maréchal de Molr.ke était intervenu pourtant au cours de la discussion, pour appuyer le projet du cabinet, en ces termes: « Il serait très désirable qu’un aussi bon matériel » (sic) que la population alsacienne pût être conquis pour » notre cadre de sous-officiers, l’élément le plus important » de la valeur d’une armée. »
- Le vieux soudard parlait absolument comme s’il se fut agi de créer un dépôt d’étalons.
- La séance ne devait pas tourner à l’avantage de M. de Bismarck. Le Reichstag a refusé tous les crédits demandés pour la construction de nouveaux casernements dans diverses villes.
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- Les socialistes. — Les députés de ce parti ont pris l’engagement devant le Reichstag de présenter prochainement un projet de loi internationale réglant les conditions économiques des travailleurs.
- Le chancelier, qui avait d’abord raillé les socialistes, vient d’obtenir du Parlement l’autorisation d© poursuivre plusieurs députés de ce parti.
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- Les anarchistes. — Trois assassinats de policiers ou de gens ayant aidé la police dans ses recherches contre les anarchistes viennent de mettre en émoi le gouvernement de Berlin. De fortes primes sont promises aux dénonciateurs qui mettront la police sur la bonne piste.
- LA CRISE AGRICOLE.
- III
- Nous avons parlé de l’ignorance générale des théories par les cultivateurs, de leur répugnance à procéder par expérimentation ou à tenir compte des constatations faites par quelquespraticiens émérites. Pour avoir une idée exacte de l’état mental de la majorité des agriculteurs,il faut être persuadé que le cultivateur, en général, possède la volonté de ne pas utiliser ce qu’il sait, à un plus haut degré que le parti pris de ne pas étudier.
- Ainsi, nul cultivateur, n’ignore la puissance fécondante des engrais humains employés soit à l’état naturel, soit mélangés avec des composts ; et l’on trouverait à peine, dans toute la France, quelques petites villes, où l’on ait organisé un système de vidanges destiné à mettre les déjections humaines à la portée de l’agriculture. Si l’on rencontre, exceptionnellement, quelque chose réalisé en ce sens dans un très petit nombre de localités, on peut être certain nue l’initiative n’émane pas des propriétaires.
- Ce n’est pas dans le département de l’Aisne où l’on se plaint si fort, qu’il faut chercher des bons exemples. Notre petite ville de Guise, avec sa population de 7,000 habitants, est entourée de fermes très importantes, quelques unes très prospères, d’autres dans un état très précaire —- cette différence.est déjà une preuve que la crise provient en grande partie des cultivateurs. — Jamais aucun fermier ou propriétaire exploitant n’a montré quelque souci de récolter les engrais humains des habitants de cette ville. Au Familistère, les eaux de cuisine, les balayures, les épluchures,de légumes, les détritus des ménages, les urines, les matières fécales sont recueillies dans une douzaine de fosses parfaitement établies et des plus faciles à vidanger; cependant il n’est pas encore
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- venu à l’idée d’un seul cultivareur de chercher à utiliser ces avantages.
- Il n’est peut-être pas possible de citer un cas démontrant mieux l’incapacité des agriculteurs que ce fait général de voir perdre la totalité des engrais humains dans tous les villages et dans la plupart des petites villes.
- Qui n’a pas remarqué, à quelques centaines de mètres des petites villes, des enclos parfois étendus dont les cultures plantureuses contrastent agréablement avec l’aspect des récoltes rachitiques des parcelles qui les entourent. Invariablement ces propriétés appartiennent à des industriels ou à des commerçants passant souvent plusieurs semaines sans visiter leurs cultures ; mais l’esprit de direction, leurs tendances progressistes dans l’organisation du travail et l’emploi des bonnes méthodes compensent le défaut de surveillance directe.
- - *
- Le manque de connaissances théoriques chez le plus grand nombre de cultivateurs n’est pas un motif suffisant pour réclamer en leur faveur une protection temporaire, en attendant une génération mieux dotée au point de vue intellectuel et moral.
- En quelques semaines, un cultivateur sachant lire et voulant se donner la peine de s’enquérir des données expérimentales les plus élémentaires serait à même de pouvoir appliquer des moyens pratiques susceptibles de mettre, en très peu de temps, notre agriculture à même de soutenir la concurrence étrangère, pourvu que la connaissance de ces procédés soit accompagnée d’une puissance capitaliste proportionnée aux moyens d’application.
- Cette puissance capitaliste manque généralement aux propriétaires. Ils sont responsables de cette situation : il ne dépendait que d'eux de conserver des capitaux en quantité suffisante.
- Les modes d’emprunts usités dans les campagnes sont défectueux et nous ne conseillerons pas aux agriculteurs d’y recourir ; mais rien n’inter-dit aux propriétaires d’en obtenir d’autres,!et de les obtenir quand ils voudront, pourvu qu’ils mettent autant d’empressement et d’ardeur à les réclamer qu’ils en ont montré dans la revendication de modifications douanières ; ils auront même, eu cette circonstance, le concours de tous ceux qui combattent actuellement leurs tendances protectionnistes. Même, s’ils voulaient user des possibilités immédiatement pratiques, en recourant à
- l’association, telle que la comporte le régime capitaliste avec tous les déchaînements de la concurrence et de la spéculation ils pourraient se procurer les capitaux nécessaires à des conditions suffisamment avantageuses.
- Personne nie que, de '1885 à 1876, l’agriculture ait considérablement augmenté ses revenus ; il-est non moins évident que les améliorations matérielles introduites dans les exploitations agricoles, pendant cette période de temps, ont été très inférieures à ia totalité de l’augmentation des revenus. Les propriétaires et cultivateurs ont donc eu de nombreuses occasions de faire des économies ; et le plus grand nombre n’a manqué de « mettre de coté. »
- Comment ont été administrées ces économies ?
- Les agriculteurs ont été pris tout à coup du goût des spéculations ; ils n’ont pas compris le danger des suggestions de la presse financière et les compromissions des journaux politiques avec la haute banque. Captés et affolés par l’amour des gros bénéfices et des dividendes scandaleux, iis ont peu à peu engagé les économies sorties de l’agriculture dans les spéculations que dirigent à leur gré les meneurs de la Bourse.
- Toutes ces entreprises, organisées et conduites en vue de concentrer l’épargne dans les caisses de la haute banque, ont pleinement atteint leur but au détriment de leurs confiants actionnaires. Le dernier Krack, conduit à grandes guides par les meneurs de l’Union, a porté un coup terrible aux économies rurales; on cite des départements entiers où la presque totalité de l’épargne des agriculteurs a, en quelques semaines, été transvasée des poches de ses propriétaires dans les coffres de- la finance internationale.
- Les classes laborieuses doivent-elles être responsables de cette gigantesque flibusterie ?
- En quoi les gens qui se sont laissé aveugler à ce point par l’espoir des gros bénéfices méritent-ils qu’on prenne en considération leur insuffisance de capitaux, pour décréter en leur faveur le renchérissement des moyens d’existence des citoyens des classes laborieuses ?
- Nous réservons notre pillé pour des cas plus intéressants que ceux des gens détroussés pendant qu’ils étaient à la piste de valeurs financières desquelles ils attendaient des revenus de 100 °[0.
- A part quelques cas spéciaux, le manque de capitaux en agriculture doit être attribué aux causes que nous venons d’énumérer.'
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- Les moyens ordinaires d’emprunts usités dans le campagnes, même dans l’industrie ou le commerce, ne peuvent être fructueusement généralisés en agriculture.
- Les prêts à courte échéance consentis par les banques et les sociétés de crédit sont absolument impraticables en agriculture; la production agricole a besoin d’un capital pouvant être immobilisé pendant de longs termes; les renouvellements des valeurs souscrites aux banquiers sont trop onéreux et trop incertains, pour que l’on ne puisse prédire la ruine inévitable d’un propriétaire qui demanderait une partie importante de son capital mobilier à de pareilles combinaisons.
- Et cela est tellement vrai,que les financiers les plus redoutables proposent l’organisation d’un crédit agricole, sous le fallacieux prétexte de mettre le capital mobilier à la portée du cultivateur ; en réalité, ils n’ont d’autre but que de glisser du papier à échéances relativement courtes dans un genre d’affaires qui, par sa nature, ne comporte pas ces procédés, atin de pouvoir, en en suspendant le renouvellement à un moment opportun, s’emparer à vil prix de la production agricole sur laquelle ils grefferont des spéculatipns destinées à faire disparaître au profit de la féodalité capitaliste, les derniers vestiges de l’épargne des classes moyennes. Nous nous expliquerons plus longuement sur ce sujet dans un des articles qui continueront cette étude sur la crise agricole.
- L’agriculteur a besoin d’un capital, dont il puisse rester maître absolu pendant de longs délais ; il n’a maintenant qu’un moyen pratique de se le procurer, en recourant à l’emprunt hypothécaire compliqué de formalités désagréables souvent nuisibles et toujours très onéreuses pour les sommes peu importantes. Les garanties procurées au prêteur par l’inscription hypothécaire ont l’inconvénient de donner trop de publicité à l’emprunt. Et ce mode d’emprunt, même pour Jes grosses sommes, ne cesse d’être exceptionnellement onéreux que d’autant que le prêt a une très longue durée; car, sile débiteur veut se libérer après un an,ou deux ans, les frais de notaire,d’enregistrement, d’inscription se répartissant sur les intérêts d’une, de deux ou de trois années, élèvent le taux de ces intérêts selon une proportion très sensible. Le prêt hypothécaire a le défaut contraire du prêt des maisons de crédit ; l’un comporte de t'op longues échéances, l’autre en exige de trop réduites.
- Ce que nous avons dit du prêt hypothécaire s’applique aussi à son expression la plus perfectionnée, le Crédit foncier.
- Nous venons de constater le manque de capitaux, les inconvénients et la défectuosité des modes d’emprunts usités ; nous donnerons un aperçu dans notre prochain numéro des projets mis en avant pour faciliter aux cultivateurs la manipulation d’un capital mobilier suffisant, sans sortir du domaine de l’individualisme, de cette concurrence homicide que nous abhorrons autant qu’elle est chère à nos classes dirigeantes. Ensuite nous exposerons comment l’association des propriétaires, par une application des lois régissant les sociétés financières, peut procurer le capital mobilier sans aucune modification des lois existantes ; nous dirons aussi quels biens et quels maux elle pourra faire ; et nous terminerons par un exposé des réformes agricoles par l’association du travail et du capital telle que la réclame le progrès social.
- (A suivre.)
- La Secte des Stundistes
- Le 7 Décembre dernier (vieux style), un drame judiciaire des plus émouvants s’est déroulé devant la Cour d’assises d’Odessa. Le prévenu était un paysan russe des environs d© cette ville, nommé Strigoun, et appartenant à la secte des « stundistes.» Il était accusé, selon l’article 117 du Code pénal russe, d’avoir osé émettre, en présence de nombreux témoins, l’assertion « que les ikônes (ou images saintes) sont de simples idoles et*que ceux qui prient devant elles sont des idolâtres. »
- Li’affaire avait été instruite grâce au zèle du prêtre orthodoxe du village d’Ignatovka qui, établi par les autorités éparchiales dans une localité gangrenée d’hérésie et dans dun des foyers du stundisme, y avait fait preuve d’une ferveur toute particulière et publié une brochure apologétique.
- Conformément à la loi (article 6£0 du Code de procédure criminelle) le jury ne pouvait être formé que de jurés orthodoxes.
- Le prévenu est un homme d’une belle figure, pleine de dignité et d’intelligence. 11 parle un langage mêlé de slavon, à cause de sa fréquente habitude de lire la Bible écrite dans ce dialecte. Sa voix est vibrante ; il a l’accent d’un illuminé, le regard dirigé vers le ciel. Il déclare hautement ne pas être coupable et assure que, dans sa profonde conviction, toute croyance doit être respectée. A Dieu ne plaise qu’il blesse la conviction de qui que ce soit. Toute l’aff ire vient, dit-il, de la haine que nourrit contre lui le prêtre de la localité qui se serait fait fort de le faire mettre là « où il y a de grandes fenêtres et où il périra » (en prison), ajoute-t-il en style mystique.
- Les témoins interrogés se partagent en deux
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- groupes : les premiers sont des femmes qui parlent sous l’influence manifeste du prêtre ; elles déposent avec irritation, on sent qu’elles font une œuvre pie ; elles sont unanimes à affirmer que Strigoun s’est élevé contre les images saintes. Viennent ensuite des témoins stundistes qui assurent le contraire : «Strigoun n’a rien dit de compromettant ; il a simplement lu la Bible dans une assemblée de paysannes qui l’avaient fait venir pour écouter une brochure du prêtre. Mais les adversaires de Strigoun, saisissant la Bible, l’ont jetée avec colère ; une des femmes était ivre. » Strigoun affirme, en outre, que le prêtre avait exhorté les témoins à déposer conformément à ses indications. L’un des témoins, une femme de la secte, confirme ces paroles, déclarant que le prêtre ne reculant devant aucun moyen pour noircir ces adversaires, a répandu le bruit qu’un juge de paix local, M. Dobrianky, aurait reçu 80 roubles des stundistes dans une affaire de sa compétence où il les avait acquittés. Enfin, un point relevé à la séance paraît jeter quelque lueur sur les causes du dissentiment entre le prêtre et le sectaire. L’accusé Strigoun bénitlesmariages, remplit des fonctions sacrées de son propre chef : c’est donc un concurrent. — L’attitude de l’accusé est celle d’un apôtre, il parle avec une certaine éloquence, de sorte que l’impression est profonde. Au débat le procureur soutient l’accusation.
- L’avocat, averti d’avance par le président, plaide en grande partie à côté de la question, sachant qu'il serait tout de suite interrompu s’il attaquait le sujet à fond ; il ne peut donc rien dire qui puisse émouvoir les jurés. Le huis-clos le plus strict est d’ailleurs prescrit par la loi pour les questions de foi.
- Les débats terminés, le jury délibère et revient bientôt avec la sentence suivante : « Oui, coupable ! » En conséquence, la Cour a condamné Strigoun, toutes circonstances atténuantes admises, à la réclusion pour un terme de trois ans et 9 mois.
- Strigoun est l’une des têtes du stundisme, et les revues russes en avaient maintes fois parlé auparavant.
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- ECOLES DU FAMILISTÈRE
- 5 Janvier 1885
- DEVOIR DE MORALE
- Les Vêtements
- La température moyenne du corps humain étant de 37° centigrades, nos vêtements doivent nous conserver autant que possible cette température, ils doivent donc nous procurer de la fraîcheur en été et nous garantir du froid en hiver; s’ils nous procuraient trop de chaleur, ils provoqueraient la sueur qui affaiblirait notre corps, si, au contraire, ils ne nous garantissaient pas suffisamment du froid ils seraient nuisibles à notre santé. Les vêtements doivent aussi nous préserver de l’humidité, car elle cause souvent des maladies grades,des fluxions de poitrine qui peuvent amener la mort.
- Nous avons besoin d’air pour que notre respiration cutanée s’effectue et aussi parce que l’air produit l’évaporation de la sueur, par conséquent nos vêtements ne doivent pas
- soustraire notre peau à l’action atmosphérique.
- Les vêtemeuts doivent dessiner à peu près exactement les contours du corps, mais il ne doivent pas y exercer une pression.
- Si l’on serre trop la cravate le sang qui était à la tête ne peut plus se renouveler, ce qui peut causer de grands maux de tête,voire même des congestions cérébrales.
- Les corsets ou les ceintures trop serrés opèrent sur les organes internes une action désastreuse, pressent les côtes libres dans les chairs, font remonter les poumons et le foie, ils peuvent ainsi causer des maladies graves.
- Les jarretières trop serrées interrompent la circulation du sang,ce qui peut donner naissance à des douleurs dans les jambes.
- Les chaussures trop étroites, outre la douleur qu’elles causent peuvent occasionner des durillons qui sous le nom « d’œil de perdrix » et de « cors » font beaucoup souffrir.
- Nous devons éviter avec soin de déchirer ou de tâcher nos vêtements, mais c’est une question de dignité personnelle qu’il n’est pas besoin de développer, le détachage des vêtements est chose nécessaire. Nous n’avons pas non plus à nous étendre sur le raccommodage qui est l’affaire de la mère de famille et des grandes sœurs, nous disons seulement que le nettoyage des vêtements s’effectue au moyen d’une brosse plus ou moins rude selon la tâche à enlever et la nature de l’étoffe; si la tâche est le résultat de la poussière, la brosse seule suffit, mais si elle a été produite par une matière grasse, on trempe la brosse dans un peu d’ammoniaque (alcali-volatil) étendu de 3 ou 4 fois son volume d’eau et l’on brosse jusqu’à ce que la tâche soit entièrement disparue.
- Pour laver le linge de corps, on se sert de savon ou de carbonate de potasse que l’on fait dissoudre dans de l’eau tiède, le savon et le carbonate ont la propriété de dissoudre les matières grasses produites par la transpiration.
- La transpiration produit comme nous venons de le voir, des huiles, des acides et des sels qui se déposent sur le linge de corps et peuvent causer des maladies cutanées, il est donc indispensable de changer de linge au moins une fois par semaine, toutefois les personnes qui transpirent abondamment doivent renouveler leur linge deux fois par semaine.
- Quand on doit passer d’une pièce chauffée dans une autre pièce froide il est bon de rester quelques instants dans un lieu tempéré avant de passer dans l’endroit froid ; on évitera ainsi les refroidissements et les rhumes.
- Les vêtements de laine de couleur sombre et principalement de couleur noire absorbent la chaleur et la retiennent autour du corps, ils sont d’usage pendant les saisons froides. Quand l’on se couvre de vêtements pour sortir, il est bon de les quitter en rentrant, autrement, on risquerait d’être gêné par la chaleur dans son appartement et d’être saisi par le froid à la sortie. Ce chaud et froid, serait essentiellement nuisible à la santé.
- 11 a été reconnu que tout mouvement produit de la chaleur, on doit donc se dévêtir quand on va se livrer à un exercice violent, travail ou jeu, mais aussitôt l’exercice terminé on doit reprendre les vêtements que l’on avait préalablement quittés, parce qu’étant mauvais conducteurs du calorique ils empêchent la chaleur animale de s’en aller.
- Le froid quand il est modéré au point de devenir de la
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- simple fraîcheur est utile à la santé en ce qu’il facilite l’évaporation des humeurs, acides et sels suintés par notre peau.
- La grande chaleur, au contraire, provoque la sueur qui affaiblit notre corps et salit le linge; elle nous rend délicat à l'excès; et de plus, le trop de vêtements exerce sur le corps une certaine gêne.
- Au contraire du noir, le blanc, réfléchit la lumière et la chaleur, les vêtements de soie, de lin, de coton et de chanvre, étant par eux-même mauvais conducteurs de la chaleur lorsqu’ils sont blancs, réunissent tous les avantages désirables pour procurer au corps la fraicheur qui est agréable en été.
- Partout il faut préférer l’utile à l’agréable, les vêtements ne font pas exception à cette règle, il importe avant tout qu’ils soient propres et qu’ils ne gênent ni la respiration, ni la circulation du sang, qu’ils parent au chaud et au froid, en un mot qu’ils soient nos défenseurs contre les intempéries et non des instruments de torture; quand toutes ces conditions indispensables sont remplies, on peut alors songer à la grâce dans les formes, à la beauté dans les tissus, sans toutefois mettre pour obtenir des agréments, une trop grosse somme, qui pourrait mieux être employée.
- DONNEAUD, Gabriel, âgé de 13 ans 1 [2.
- — ---------------««mHHlüli in «CMHN ni» --——------
- Adhésions aux principes d'arbitrage et de désarmement européen
- Haute-Marne. Joinville. — Humblot, Emile. — IJumblot-Nollier, négociant. — Toussaint, Alphonse. — Fayière, Eugène, employé de commerce. — Fix, ouvrier horloger. — Detat, Jules, dessinateur. — Làguenne, horloger. — Vignetey, Auguste, instituteur-adjoint.
- Chaumout. — Buisson, marchand tailleur.
- Brienne-le-Chàteau. — Descharmes. Henri. — Du-nand, Alexis.
- Dommartin-le-Franc. — Keller, Alexandre.
- Vassy. — Ragot, Victor, négociant.
- Saône-et-Loire. Montceau-les-Mines. — Goyon propriétaire et négociant. — Verdure, chapelier. —• Viot, Pierre, sabotier. - Guillemin, négociant. — Cha-vôt, Joseph, horloger. — Brussin, employé de commerce.
- — Mesdames Viot, Verdure.
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- Bibliothèque dn Familistère.
- OUVRAGES REÇUS
- La Bible et ses idiots défenseurs au tribunal de la philosophie moderne.
- par Alphonse Cahaguet
- (1 fr. Bureaux de la Fraternité universelle, 326 rue de Vaugirard, Paris.)
- Le sous-titre de cet ouvrage en indique l’esprit :
- « La Bible, livre imposé en France par 30,000 prêtres,
- évêques, archevêques, cardinaux, ainsi que par plus de (( 50,000 sœurs, frères ignorantins , capucins, moines, « nonnes de toutes sortes : Livre absurde, coûtant au libre-« penseur aussi bien qu’au dévot, plus de cinquante millions « par année, sans compter plus de cinq cents millions ente gloutis dans des édifices et des palais soi-disant religieux « pour loger les professeurs de ce bouquin anti-civilisa-« teur. »
- it
- 4 4
- Psychologie transformiste, évolution de l’intelligence.
- par M. Bourges, officier en retiaite (1 fr. Librairie des études psychologiques, 5, rue des Petits-Champs, Paris.
- Ce travail, aussi sérieux qu’intéressant, applique à la philosophie spiritualiste les données en vertu desquelles le mouvement actuel de la pensée tend à constater l’évolution progressive de l’être depuis les premiers mouvements atomiques jusqu’à l’individualité consciente, morale et intelligente qui résume l’humanité dans son expression la plus élevée, en passant par toutes les séries végétales, animales et homina-les. L’ouvrage de M. le capitaine Bourges touche aux questions les plus palpitantes et les plus controversées de la science dans ses rapports avec nos origines et nos destinées, problème constamment soulevé sans être résolu, mais, qui, selon l’auteur,se trouverait élucidé rationnellement par la loi du transformisme progressif.
- MAITRE PIERRE
- Par Edmond ABOUT
- Iïï.
- (Suite.)
- — Allons, dit poliment mon interlocuteur, je crois que vous avez tout vu. Raison de plus pour que je vous retienne ici, car j’ai encore quelque chose à vous montrer.
- — Et quoi donc ?
- — Nos Landes, »
- J’alléguai que j’étais pressé, qu’on m’attendait à Grenoble, que j’avais à écrire un volume de mariages. D’ailleurs, je connaissais les landes de Bretagne, et c’est un genre de culture qui se ressemble partout. 11 insista : « Vous ne savez pas, me dit-il, que vous êtes dans le département le plus curieux de France. Nous avons, au nord de la Gironde, des terrains d’une fécondité miraculeuse, où l’on ramasse des millions dans des paniers. Au midi, c’est un désert de sable où les hommes marchent Sur des échasses, où l’on voit des phénomènes de mirage comme dans le Sahara, où l’on fait la pêche aux canards, où l’on chassait naguère encore le taureau et le cheval sauvages. On y voit des montagnes qui marchent, des villages ensevelis sous le sable, des marais qui produisent la peste, et des étangs où la tempête est plus ter-
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- rible qu’en pleine mer. Tout cela ne vaut-il pas qu’on se dérange? D’ailleurs la lande commence aux portes de Bordeaux, et l’en peut la parcourir en trois ou quatre jours. Enfin sachez qu’il n’est pas de pays plus à la mode. Cette pauvre terre, abandonnée pendant longtemps comme un malade incurable, a trouvé des médecins. Il n’y a pas une âme dans le département qui ne s’occupe des landes. Chacun fait sa brochure sur les landes : ingénieurs, négociants, propriétaires, et à plus forte raison journa-nalistes, taillent leur meilleure plume pour donner leur avis. G’est une consultation où tout le monde parle à la fois, et cependant on n’est pas loin de s’entendre. Les grands capitalistes accourent au bruit ; les terres les plus incultes sont en hausse ; ce n’est pas les acheteurs qui manquent mais les vendeurs. On vous en parlera à Par is soyez-en sûr, et voyez un peu ce qu’on penserait de vous, si vous étiez réduit à confesser votre ignorance ou votre indifférence ? »
- Je m’avouai vaincu, et je dis à mon ami : « Nous partirons demain si vous voulez.
- — Non, dit-il, j’ai mon journal à faire. Qui est-ce qui raconterait l’inauguration du chemin de fer de Toulouse, si j’allais courir les champs pendant trois jours ? Il faudra que vous partiez sans moi.
- — Seul ?
- — On n’est jamais seul dans les Landes. Vous n’arriverez pas à quatre lieues de Bordeaux, que maître Pierre vous aura rejoint pour se cramponner à vous. Il est impossible de trouver un guide mieux informé. Maître Pierre est l’homme de la lande, ou plutôt c’est la lande faite homme. Il est né sous un ajonc, et il a couc hé plus de trente ans sur un lit de bruyères. Berger, pêcheur, chasseur, bûcheron, résinier, terrassier, laboureur et même arpenteur, il est tout, peut tout et sait tout, excepté lire et écrire, A vingt ans, il adorait la lande telle que Dieu l’a faite ; il ne connaissait rien de plus beau, il ne voulait pas qu’on y touchât du doigt ; il était homme à faire un mauvais parti aux défricheurs. Un événement qu’il, vpus contera lui-même a changé . toutes ses idées. Figurez-vous un trapeur, un chasseur, de daims, un Bas-de-Cuir métamorphosé en pionnier. Du haut de ses échasses, dont il ne se sépare jamais, il domine tout le pays des Landes, présent partout, toujours courant, frappant à toutes les portes, conseillant les travailleurs, gourmandant les paresseux, louant ses bras à celui-ci, prêtant son expérience à celui-là, jetant par intervalles un regard sur Bordeaux, surveillant la venue des étrangers curieux ou savants pour les prendre au collet et les convertir à son système. On ne peut pas dire qu’il ait rien inventé de nouveau, mais il a comparé, digéré et concilié les idées de progrès éparses dans tous les bons esprits. U a fait mieux : il a prêché I
- d’exemple. Vous verrez les défrichements qu’il a su faire sans autre capital que ses deux bras. Cet enfant du hasard, ce vagabond sans feu ni lieu a trouvé le secret que les grandes compagnies agricoles du xviii0 siècle avaient cherché en vain. Sur le même sol qui a dévoré tant de millions imprudents, il récoltera un beau jour vingt-cinq mille francs de rente. C’est alors qu’il s’achètera des mouchoirs de poche et beaucoup d’autres futiili-tésdont il n’a pas encore senti le besoin. Peut-être aussi prendra-t-il le parti d’épouser Marinette, et de dénouer sous un toit le roman nomade de sa jeunesse. Si ce jour-là vient à luire, je vous réponds que tous les habitants de grandes et petites landes accourront à la noce, avec leurs femmes et leurs enfants.
- — Pardon. Qu’entendez-vous, s’il vous plaît, par Marinette ?
- — C’est à moi de vous demander pardon. Je croyais que vous deviez la connaître, et j’oubliais que vous êtes débarqué ce matin. Marinette est une jolie fille et un grand problème. Elle fait battre le cœur de deux départements, et il n’a tenu qu’à elle d’épouser des messieurs ; mais elle reste fidèle à maître Pierre. Il lui a sauvé la vie ; elle l’a conquis à la civilisation, comme la reine Clotilde convertit le sanguinaire Clovis. Cependant elle n’est ni sâ sœur, ni sa fille, ni sa femme, ni sa maîtresse : .elle est son ombre, si vous voulez. Leurs échasses sont de même longueur ; ils marchent tous deux du même pas ; c’est-à-dire qu’ils sont capables de suivre un cheval au trot. Depuis tantôt douze ans, ils ont vécu ensemble nuit et jour, sans que personne y ait trouvé à redire. Lorsqu’on voit passer le béret rouge, on sait que le foulard jaune n’est pas loin. Vous ne les rencontrerez pas l’un sans l’autre.
- — Mais où les rencontrerai-je ? car enfin je ne peux pas m’aventurer tout seul dans vos déserts.
- — Je m’informerai demain matin, et si vous voulez bien déjeuner avec moi, je vous donnerai l’adresse de maître Pierre. »
- (4 Suivre).
- Semaine du 12 au 18 Janvier 1885.
- Naissance :
- Le 15 janvier, de Dahy, Aline-Jeanne, fille de Daily, Régis et dé Guerbé, Maria.
- Décès :
- Le 17 janvier, de Grégoire, Georges-Eugène âgé de un an.
- Le Directeur-Gérant : GODIN
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- LIBRAIRIE DU FAMILISTÈRE
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- Fondateur du Familistère Vient de paraître :
- Le Gouvernement, ce qu'il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action.
- Ce volume met en lumière le rôle des pouvoirs et des gouvernements, le principe des droits de
- l’homme, les garanties dues à la vie humaine, le perfectionnement du suffrage universel de façon à en
- faire l’expression de la souveraineté du peuple, l’organisation de la paix européenne, une nouvelle constitution du droit de propriété, la réforme des impôts, l’instruction publique première école de la souveraineté, l’association des ouvriers aux bénéfices de l’industrie, les habitations ouvrières, etc., etc..
- L’ouvrage est terminé par une .proposition de loi à la Chambre des députés sur l’organisation de l’assurance nationale de tous les citoyens contre la misère.
- In-8° broché, avec portrait de l’auteur..........................................................8 fr.
- Solutions sociales. — Exposition philosophique et sociale de l’œuvre du Familistère avec la
- vue générale de l’établissement, les vues intérieures du palais, plans et nombreuses gravures :
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- Mutualité sociale et association du Capital et du Travail ou extinction du 'paupérisme
- par la consécration du droit naturel des faibles au nécessaire et du droit des travailleurs à participer aux
- bénéfices de la production.
- Ce volume contient les statuts et règlements de la Société du Familistère de Guise.
- In-8° broché, avec la vue générale des établissements de l’association...........
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- Mutualité nationale contre la Misère. — Pétition et proposition de loi à la Chambre des députés.
- Brochure in-8°, extraite du volume « Le Gouvernement n>............................. 1 fr. 50
- Les quatre ouvrages ci-dessus se trouvent également : librairie Guillaumin et Cie, 14, rue Richelieu, Paris.
- Librairie Ghio, 1, 3, S, 7, galerie d’Orléans, Palais-Royal, Pans.
- BROCHURES A 40 CENTIMES
- Les Socialistes et les Droits du travail . . 0,40 cent. La Politique du travail et la Politique des privilèges. 0,40 La Richesse au service du peuple .... 0,40 cent. La Souveraineté et les Droits dti peuple. . . . . 0,40
- OUVRAGES RECOMMANDÉS AUX COOPÉRATEURS Histoire de l'association agricole de Ralahine (Irlande), Résumé des documents de
- M. E, T. Craig, secrétaire et administrateur de l’association. Ouvrage d’un intérêt dramatique, traduit par Marie Moret................................................................. 0,75 cent.
- Histoire des é^iiitoMes pionniers de Rochdâle, de g. j. holyoake. Résumé traduit de
- l’anglais, par Marie Moret................................................................... 0,75 cent.
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- La Fille de son Père. Roman socialiste américain, de Mme Marie Howland, traduction de
- M. M., vol. broché.............................................................3 fr. 50
- La première édition de ce roman publiée par M. John Jfwett, l’éditeur de « la Case de l’Oncle Torn», a eu un grand succès en Amérique. Ce Roman est aux questions sociales qui agitent le monde civilisé, ce que « la Case de l’Oncle Tom » fut pour la question de l’esclavage.
- Se vend aussi chez Ghio, 1,3, 5, 7, galerie du Palais-Royal, Paris.
- Guise. — lmp. BARÉ,
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- 9‘ Année, Tome 9. — N° 334 Le numéro hebdomadaire 20 c.
- Dimanche 1" Février 1885
- REVUE DES OUBSTIONS SOCIALES
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par l’envoi, soit an bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
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- Union postale Un an. . . . 11 fr.)»
- M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- Sis mois. . . 6 »» Trois mois. . 3 »»
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- A PARIS
- , rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Le Parlementarisme, le Suffrage universel et les réformes urgentes. — Propagande de la Paix.— Discours de M. Waldeck-Rousseau. — Manifeste du parti ouvrier. — Les élections sénatoriales.— Aphorismes et préceptes sociaux. — Faits politiques et sociaux de la semaine. — La Crise agricole. — La prière à l’école. — Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen. — Maître Pierre.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à vitre d'essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE_PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
- Le Parlementarisme, le Suffrage universel et les Réformes urgentes(,)
- m
- On ne sait généralement pas assez toute la puissance qu’exerce une bonne organisation sur le sort des choses humaines. La plupart des personnes, en politique comme en tout autre chose, pensent qu’il suffit d’agir pour gouverner. C’est là une profonde erreur. Il n’y a de bon gouvernement, de bonne administration, de bonnes réformes possibles qu’à la condition d’en avoir arrêté et agencé parfaitement les plans à l’avance. Le bien ne sort d’aucune entreprise que s’il a été voulu et parfaitement raisonné. En agissant sans plans bien médités, on va droit à la confusion et au désordre.
- Voilà pourquoi jusqu’ici on a obtenu du suffrage universel des conséquences politiques et sociales aussi imparfaites. Jusqu’ici, le suffrage universel n’a reçu aucune organisation destinée à lui faire donner de bons résultats. Il a été circonscrit et restreint en vue de l’obliger à servir des intérêts contraires à ceux du peuple et de la République.
- Il faudrait donc donner, à l’élection, une nouvelle base et, au député, un intérêt différent de celui que la forme de son mandat lui crée maintenant. Elu par une petite fraction électorale, le
- (lj Lire « Le Devoir » des 18 et 25 janvier 1885.
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- député est dépendant de cette fraction ou celle-ci lui est inféodée.
- Les socialistes dignes de cette qualification, c’est-à-dire tous les hommes qui aspirent à des réformes sociales ayant puissance de soustraire les classes ouvrières aux étreintes des privations et de la misère, devraient attacher une importance plus sérieuse à l’organisation du suffrage universel. Ils devraient comprendre qu’une bonne préparation de ce terrain où le combat s’opère par le bulletin de vote, serait infiniment supérieure à la pensée de toute résistance par la force. Si, par les élections, le peuple était maître du terrain politique et social, pas un seul instant il ne songerait à revendiquer ses droits autrement que par le vote et la discussion. Ce serait la loi qui aplanirait toutes les difficultés.
- On ne verrait plus de Chambres siégeant dix ans pour ne rien faire, ou plutôt se donnant chacune pour tâche de défaire ce que l’autre peut faire. Les députés du suffrage national, organes de l’opinion publique, seraient pénétrés des réels besoins du peuple et travailleraient à donner satisfaction à ces besoins. Nos Chambres cesseraient de piétiner sur place et de faire litière des souffrances des populations.
- Si les socialistes s’occupaient de l’organisation plus juste, plus équitable de l’exercice du suffrage universel, le sentiment national s’élèverait vite au niveau des choses à faire.
- Les résistances des monopoles et des privilèges seraient vite obligées ’ de céder devant l’opinion, si tous les amis des réformes utiles à la nation se mettaient à discuter les avantages immenses qui résulteraient d’une organisation du suffrage universel comportant les points suivants :
- 1° Liberté du suffrage. Les électeurs pouvant se grouper et s’unir d’un bout à l’autre de la France pour le choix de leurs candidats ;
- 2° Egalité de vote pour tous les électeurs’; chacun d’eux votant, par bulletin de liste nationale, pour un même nombre de députés.
- 3° Vote à la commune n’exigeant de l’électeur aucun déplacement inutile ou anti-démocratique comme celui imposé pour l’élection des sénateurs, déplacement onéreux pour les contribuables, et vexatoire pour les électeurs délégués.
- 4° Elections tous les ans de la moitié de la Chambre des députés; mesure qui permettrait aux électeurs de faire connaître à la représentation leur opinion sur la législature par les mandats qu’ils imposeraient aux nouveaux élus.
- Le suffrage universel s’exerçant ainsi librement partout la France permettrait l’union nationale des travailleurs dans la pensée commune du soutien de leurs droits par la voie de l'élection.
- Les revendications se feraient alors par l’intervention des députés du peuple ; elles pénétreraient bien vite dans la loi; les questions les plus difficiles, au lieu de susciter des violences de langage arrachées à la souffrance des masses et sans résultat pour celles-ci, se résoudraient pacifiquement. Toutes les questions qui intéressent les travailleurs et dont dépend le bonheur des familles ouvrières recevraient des solutions satisfaisantes.
- Un mouvement en entraîne un autre : l’èredela discussion des réformes et des institutions utiles s’ouvrant, la grande presse, jusqu’ici si mal disposée et si indifférente pour les réformes sociales, entrerait dans l’examen de tous les problèmes sociaux. Le marasme politique céderait la place aux discussions vivifiantes du bon socialisme, du socialisme régénérateur ; l’union sociale des classes riches et pauvres s’opérerait sous l’empire d’une législation protectrice de tous les intérêts.
- Est-il possible, lorsque toutes les populations de l’ancien et du nouveau monde, de Ja France, de l’Angleterre, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Autriche, de la Russie, de l’Espagne, des Etats-Unis, etc., crient misère, que l’attention du législateur ne s’éveille pas et que celui-ci ne se décide pas à ouvrir d’une façon régulière les Etats généraux du suffrage universel ? Est-il possible que les socialistes eux-mêmes ne voient pas que le suffrage universel est le plus puissant levier qu’ils puissent avoir entre les mains ? Ah ! si ce levier n’était pas aussi puissant, la réaction ne ferait pas tant d’efforts pour s’en assurer le bénéfice et l’influence ! Socialistes, ne restons .ionc pas dans l’insouciance et l’indifférence à l’égard du suffrage universel. Le suffrage universel, c’est le droit supérieur du peuple, sachons en éclairer toutes les arcanes; faisons-le sortir des voies ténébreuses dans lesquelles le despotisme, et la tyrannie du capital l’on fourvoyé ; éelairons-le du grand jour de la justice et de l’équité sociale et faisons lui donner pour l’avenir tous les bons effets qu’il comporte.
- Ouvriers ! des cris de détresse viennent d’être affichés sur les murs de Paris, on y dit : « Que « votre impuissance commune vient de votre inet différence et de la négligence que vous mettez à « vous occuper de vos intérêts; » quel plus puissant intérêt auriez-vous que celui du suffrage uni-
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- versel s’il était réglé de manière à vous appeler, tous les ans, à l’élection nationale de la moitié de la Chambre des députés ?
- Ce manifeste publié par tous les journaux, dit encore : « que le parti ouvrier n’a point en mains « la panacée qui, sur l’heure, mettrait un terme à « la misère commune.» Cela est vrai, mais vous avez le suffrage universel qui, s’il était pratiqué de manière à permettre le libre exercice de vos droits politiques et sociaux, serait au moins la panacée qui ferait rapidement entrer le pays tout entier dans la voie des réformes sociales, parce que vous auriez puissance pour nommer des hommes sachant comprendre ces réformes et en état de faire des lois propres à les mettre en application.
- L’avenir est dans la volonté du peuple. Certains brouillons sont prêts à affirmer que l’avenir du peuple est dans la lutte et la bataille des classes les unes contre les autres. Laissons de coté ces hommes qui, après avoir sapé la société de fond en comble, ne sauraient le lendemain que se partager ses dépouilles et seraient incapables de mettre autre chose qu’un affreux despotisme à la place de ce qu’ils auraient détruit. Nous n’avons pas besoin d’ajouter ce malheur à tous ceux que nous avons déjà subis. Socialistes, montrons au peuple ses droits et avisons surtout à ce qu’ils soient protégés par une organisation qui en assure l’exercice.
- Pour atteindre un tel but, l’organisation du suffrage universel est une des premières réformes sociales à opérer. Qu’on ne s’étonne pas si nous qualifions de réforme sociale le suffrage universel et son organisation ; aucun sujet ne le mérite davantage. Supposons un instant la France privée de Gouvernement; quel serait le moyen légitime de lui en donner un ? Si l’on ne fait appel au suffrage universel pour constituer les pouvoirs publics, c’est l’usurpation qui prend la place. La nation relève alors d’une volonté arbitraire et non de la volonté du peuple. C’est donc dans les moyens de rendre manifeste la volonté rationnelle du peuple que réside l’art de bien organiser l’exercice du suffrage universel. Hommes de bon vouloir, mettons-nous à l’œuvre ; car, c’est à nous seuls qu’incombe cette tâche. Il n’y a pas à compter sur l’intelligence ni la bonne volonté de ceux qui ne songent qu’à exploiter les autres ; l’organisation du suffrage universel ne sera l’œuvre de personne si elle n’est l’œuvre des hommes dévoués aux intérêts des masses populaires.
- Nous pensons avoir trouvé le plan de cette or-
- ganisation ; nous l’avons exposé clairement dans la brochure intitulée : La réforme électorale et la révision constitutionnelle ^ brochure que nous tenons à la disposition de ceux qui veulent s’occuper aveenous de cette importante réforme. La question est posée ; nous serons heureux de discuter avec ceux qui penseraient avoir de meilleures propositions à faire ; ce qui importe, c’est de rompre le silence sur le premier des droits du peuple, source et moyens de tous les autres droits.
- (A Suivre à quinzaine.)
- Les lecteurs dévoués à la propagande de la Paix trouveront à la dernière page de ce numéro quelques instructions concernant le pétitionnement en faveur de l’arbitrage.
- Nos abonnés, désireux d’acheter un certain nombre de numéros de notre prochain tirage entièrement réservé aux questions d’arbitrage et de désarmement, sont priés d’envoyer au plus tôt leurs commandes.
- M. Waldeck-Rousseau, ministre de l’intérieur, a prononcé dans le courant de ce mois un discours relativement important devant la commission extra-parlementaire des associations ouvrières réunie au Ministère de l’intérieur.
- Le ministre a d’abord parlé de la nécessité de tirer bientôt de cette enquête les conclusions qu’elle comporte. Il y a en effet déjà longtemps que cette commission fonctionne, et il est malheureusement fort probable que, si elle ose conclure,, ses desirata ne soient pas codifiés avant les modifications douanières réclamées par les protectionnistes, bien que ces dernières aient été mises à l’ordre du jour longtemps après les réclamations ouvrières.
- Cependant, le ministre et les membres de la commission devraient avoir hâte d’en finir convenablement, car s’ils n’aboutissent pas avant le renouvellement de la Chambre, il est fort à craindre que les électeurs considèrent la réunion de cette
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- commission comme un prétexte à de vains discours édités pour leurrer les travailleurs.
- Voici les paroles du ministre concernant le progrès des associations et de la participation aux bénéfices.
- « A mon sens, un premier résultat des plus précieux a été produit par cette enquête : c’est le développement qu’ont pris ces associations au cours même de vos travaux. Il est, en effet, intéressant de voir que le nombre des associations ouvrières a presque exactement doublé deruis l’époque où cette commission a été instituée. C’est ainsi que le chiffre du capital qu’elles représentaient il y a un an enviion, et qui était en chiffres ronds de 3 millions, s’est accru dans la même proportion.
- » Quant aux maisons qui admettent leur personnel à la participation aux bénéfices, l’élan et les résultats n’ont pas été moins remarquables que pour les associations ouvrières. Les avantages de cette combinaison — qui avaient peut-être trop échappé aux intéressés — ont été mieux connus par les renseignements fournis à l’enquête, et l’institution de la participation aux bénéfices comme celle des associations ouvrières a trouvé de nouveaux et de précieux partisans.
- » Les déposants que vous avez entendus ont, en outre, constaté qu’à de rares exceptions près, malgré toutes les difficultés du moment, ces expériences diverses ont été heureuses. Cinq seulement des associations dont l’histoire s’est pour ainsi dire déroulée devant vous, ont échoué, et trois d’entre elles n’ont péri que par des causes tout à fait étrangères au système qui est l’objet de notre étude.
- » Elles ont donc presque toutes obtenu ce résultat de procurer à leurs membres une rémunération plus équitable, plus intelligente et plus libre de leur travail, et de leur faire ainsi la preuve de l’efficacité de la puissance vitale de l’association.
- » Quant à la participation aux bénéfices, les faits qui ont été mis en lumière par l’enquête ne sont pas moins dignes d’attention. »
- M. Waldeck-Rousseau paraît avoir une idée suffisamment nette du but à atteindre ; il serait grandement responsable, s’il ne comprenait les nombreuses obligations que lui imposent les conceptions suivantes :
- « Je vous disais à notre première réunion que nous sommes, à mon sens, en présence de faits qui entraînent irrésistiblement le travail dans des voies nouvelles. Ce pronostic, cette appréciation, formulés dès la première heure, n’ont fait que se confirmer dans mon esprit par l’étude attentive des transformations économiques qui s’accentuent tous les jours.
- » S’il est vrai que les produits de l’industrie ne laissent plus un bénéfice assez large, pour que le conflit entre la main-d’œuvre et le fabricant ne puisse s’aggraver sans péril, je n*entrevois, pour ma part, de solution pratique que dans le développement de l’association sous toutes ses formes,réunissant ce qui est aujourd’hui séparé et demandant la rémunération du travail aux bénéfices mêmes qu’il aura procurés. C’est la pensée que j’ai déjà formulée devant vous, en disant
- que le travail arrivera progressivement à demander sa rémunération de moins en moins au louage d’ouvrage, de plus en plus à l’association.
- » Voilà l’idée dominante qui nous a conduits à rechercher • comment l’Etat, dans la mesure d’action qui lui est permise, pouvait aider au développement des associations ouvrières.
- » De l’étude attentive à laquelle je me suis livré, il est ressorti pour moi deux constatations principales.
- » La première, c’est que l’association, sous toutes ses formes, développe et améliore les conditions morale et matérielle du travailleur. Elle lui procure une rémunération plus équitable. Il s’élève d’un degré dans l’échelle sociale ; il devient son propre agent. 11 est à la fois l’employeur et l’employé ; il entre en contact avec tous les intérêts sociaux ; une solidarité plus étroite les unit. Il en résulte une garantie précieuse de bon ordre et de progrès. Ainsi se justifie à mes yeux l’intérêt de l’Etat à développer, à faciliter les associations.
- » Mais si l’État ne doit pas imposer l’association, son devoir est assurément de faire disparaître toutes les entraves inutiles ou surannées. Ni obligation ni obstacle ; telle me paraît devoir être la règle qui doit nous diriger. t>
- Ce discours contient une excellente critique des entraves apportées aux associations ouvrières par les lois existantes sur les associations. La loi sur les syndicats n’échappe pas aux critiques du ministre, qui lui reproche avec raison de ne pas faciliter les associations de production entre les travailleurs de même métier.
- € Je ne vois point, pour ma part, dit M. Waldeck-Rousseau, quelles graves objections on pourrait opposer aune modification qui aurait pour effet de permettre aux syndicats professionnels de rechercher des travaux en leur donnant une capacité légale qui manque dans une certaine interprétation de la loi. »
- Les extraits suivants contiennent quelques déclarations dont les sociétés ouvrières doivent prendre acte afin d’en hâter l’application.
- « Il résulte des témoignages qui ont été recueillis que l’association ouvrière et la participation sont en elles-mêmes une garantie de bonne exécution des travaux. J’ai été frappé de l’énergie avec laquelle les industriels les plus expérimentés ont déclaré qu’en instituant la participation dans leurs maisons, ils n’avaient pas fait seulement une bonne action, mais surtout une bonne affaire. Vous retrouverez cette affirmation dans la bouche de tous ceux que vous avez entendus : le travail, la collaboration qu’ils obtiennent, sont plus effectifs, plus productifs, et, ajoutent-ils, nous sommes amplement rémunérés du sacrifice que nous faisons par le concours dévoué que nous obtenons.
- » De même l’expérience que l’Etat a pu faire avec les associations ouvrières a été des plus décisives. L’intérêt de l’ouvrier étant directement engagé dans l’entreprise, il y apporte plus de bonne volonté, plus de soin dans l’exécution du travail.
- » Dans des dépositions nombreuses, on trouve la preuve
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- de ce que j’avance, et ce sont les ouvriers eux-mêmes qui se sont plu à faire ressortir les garanties particulières qui ressortent de l’association pour la prompte et loyale exécution des marchés. L’Etat serait parfaitement en droit de déclarer, alors qu’il recherche quelles garanties il doit demander à ces adjudicataires,( qu’il trouve dans le fait même de l’association des garanties d’un ordre particulier, et je crois que, sans faire disparaître certaines conditions qui s’imposent, on pourrait dire dans le règlement d’administration publique que vous voudrez bien préparer, que ces adjudicataires particuliers seront affranchis du cautionnement.
- » Je vous propose donc, pour les associations et les participations, de faire disparaître l’obligation du cautionnement et de maintenir seulement la garantie de retenue.
- » En outre, je voudrais que l’Etat eût plus de liberté qu’il n’en a, quand il procède à l’adjudication des travaux publics. Il est aujourd’hui lié par des prescriptions impérieuses qui ne paraissent pas devoir être toutes maintenues. Ainsi, dans l’état actuel de la législation, l’Etat ne serait pas libre de n’admettre aux ajudications, pour l’exécution de certains travaux, que des associations.
- » Eh bien, si le principe de l’obligation, pour l’Etat, de n’employer que des associations me paraît détestable, la faculté qui lui serait laissée de réserver aux associations ouvrières l’exécution de certains travaux publics me semblerait excellente. Il n’existe aujourd’hui pour lui d’autre moyen d’assurer l’exécution d’un ouvrage à une association que celui qui consiste à faire des lots de moins de 10,000 francs pour traiter à l'amiable, et tous les travaux ne se prêtent pas à cette division.
- » Il serait donc très désirable et sans inconvénient que l’Etat pût, en certaines occasions, suivant la nature des travaux, ouvrir des adjudications auxquelles seraient seulement admises des associations et des participations.
- » 11 faudrait ensuite établir un règlement d’administration publique aussi simple que possible, uniforme pour tous les départements ministériels, et qui pourrait devenir pour toutes les associations le guide pratique et sûr qui leur est si nécessaire. »
- M. Waldeck-Rousseau n’a pas hésité à dire quelques mots sur un point délicat : Comment les associations ouvrières pourront-elles se procurer le capital ? Le ministère a été très prudent sur ce chapitre, on le conçoit; mais il a néanmoins laissé entrevoir l’intention de recourir aux établissements financiers, qui, naturellement, ne s’engageront pas sans être garantis par l’Etat. Si cette participation de la finance est une complicité nécessaire au ministre pour faire accepter quelques tentatives sérieuses d’associations ouvrières, nous demandons qu’on en hâte l’application, car de quelle manière que l’on commence l’association, pourvu qu’on la commence, elle aura raison des aristocraties politiques et financières.
- Voici les paroles du ministre à ce sujet :
- « Je me suis demandé s’il ne serait pas possible de re-
- chercher sous quelles conditions de garantie et de sécurité des nantissements de ce genre pourraient être acceptés, non par l’Etat, ce qui serait inadmissible, mais par tel établissement financier dont l’intérêt privé est la principale raison d’être.
- » L’honorable M. Christophe, gouverneur dn Crédit foncier, a bien voulu, à ma demande, accepter de faire partie de notre commission. 11 vous apportera, dans l’étude de cette question, de précieuses lumières.
- » Il s’agirait, par exemple, de rechercher si des opérations de prêts sur délégation pourraient être faites avec assez de sécurité pour qu’un établissement d’une nature toute spéciale, comme celui qu’il dirige, pût être autorisé à les entreprendre. Je ne crois pas que la régularité d’une semblable opération pût être critiquée. 11 ne s’agirait pas plus, pour l’Etat, de prêter sur délégation par son intermédiaire, qu’il ne prête à l’heure actuelle par son intermédiaire sur hypothèque. C’est donc à mon sens, une question de fait et de garantie plutôt qu’une question de principe.
- a Elle n’en est pas moins, messieurs, une question très grave, très délicate. Je ne fais que la poser, et, pour l’élucider, vous avez, comme pour toutes les autres, la plus entière liberté. Ne vous laissez pas troubler par les critiques, qui ne seront pas plus épargnées à cette conception qu’à aucune autre. Etudiez la question de près et recherchez ce quelle peut présenter d’utile et de pratique. »
- En résumé ce discours contient nn aveu explicite de la pensée du ministère reconnaissant l’insuffisance du salariat et la nécessité de faciliter la substitution de l’association.
- Nous avons le regret de ne pas constater une égale précision dans les moyens pratiques d’atteindre nn but si nettement entrevu. Le ministre, dans les améliorations qu’il propose, n’a en en vue que la catégorie des ouvriers pouvant exécuter les travaux d’adjudication : c’est quelque chose ; mais un homme d’Etat, dans une démocratie, doit rattacher chaque amélioration partielle à un plan général conçu dans l’intérêt de la totalité des citoyens.
- Nous savons que l’on ne peut tout entreprendre en même temps ; mais l’association est un problème immense, et nous aurions été heureux d’entendre le ministre nous dire comment il concevait l’ensemble de la question, en même temps qu’il se déclarait disposé à entrer dans la voie des solutions pratiques.
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- M. Frank, architecte, nous prévient qu’il met la dernière main à un projet ayant pour but la construction des logements à bon marché, ainsi que l’étude d’un palais social (genre Familistère).
- Plus que jamais, dit M. Frank, il est temps de songer aux ouvriers et de leur donner un logement digns d’eux, ce sera un remède à la crise
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- préférable à une aumône et un moyen pour hâter la reprise des travaux.
- Nous sommes absolument de l'avis deM. Frank, et nous attendons avec impatience son projet et son étude, que nous examinerons avec impartialité.
- (Hôtel-de-Ville)
- Nous publions à titre de document le manifeste suivant que le parti ouvrier a fait afficher à Paris en vue de préciser son attitude.
- Travailleurs,
- Il appartient aux hommes qui, comme vous, subissent les terribles effets de la situation économique actuelle, mais qui, contrairement à la foule indifférente, se sont organisés — dans l’ordre économique — à l’aide des Chambres syndicales ou des groupes corporatifs, et — dans l’ordre politique — en parti de classe en dehors de toutes les nuances des divers partis bourgeois; il appartient à ceux-là de parler nettement de leurs frères de travail dans le moment de crise que nous traversons.
- Le Parti ouvrier, camarades, n’a point en mains la panacée qui, surl’hèure, mettrait un terme à la misère commune ; il n’entend pas non plus, à propos de la gêne crue’le qui s’appesantit sur le monde du travail, faire que les travailleurs s’entre-déchirent au profit d’une doctrine ou d’une secte quelconques, mais il tient comme toujours à vous parler franchement.
- Vos frères du Parti pensent que l’impuissance commune vient de votre indifférence et de la négligence que vous mettez à vous occuper de vos intérêts les plus directs. Si, an lieu de demeurer à l’état de poussière humaine, vous vous étiez tous groupés en ralliant vos syndicats et vos Cercles d’études, vous n’auriez maintenant, pour sortir de la situation douloureuse où vous vous débattez en vain qu’à choisir le moyen qui vous conviendrait le mieux.
- On a osé dire que le Parti qui personnifie le plus exactement le peuple ouvrier se désintéressait de la question du chômage. On a menti effrontément. N’est-ce pas lui, qui, dans tous ses Congrès, a affirmé toutes les revendications socialistes et révolutionnaires ? et n’est-ce pas lui, encore, qui, il y a un an, prenait l’initiative des meetings de protestation comme des mises en demeure aux pouvoirs publics ? Mais, ce à quoi il ne saurait s’associer, c’est à des réunions sans portée morale ni matérielle, à la suite desquelles les ventres sonnent creux comme devant et où le sang n’a coulé que pour des rivalités que l’on doit réprouver, pour des titres et des doctrines qui ne doivent relever que de la libre discussion.
- Ce fut à la suite de ce premier meeting des ouvriers sans travail, tenu le 13 janvier 1884, que la commission d’organisation porta ses résolutions à la Chambre des députés, laquelle arrêta — pour toute mesure — la nomination des quarante-quatre enquêteurs, chargés d’enterrer les trop justes revendications des affamés.
- Est-il besoin d’ajouter que, devant un pareil résultat, notre dignité ouvrière s’oppose, désormais, à semblable démarche ? Les hommes de l’atelier ne sont pas faits, selon nous, pour tordre leurs casquettes dans les antichambres et les couloirs des Parlements. Que de fois n’a-t-on pas dit que nous sommes la masse, et que, si nous le voulions, nous serions aussi la force ? Eh bien ! sachons le prouver en augmentant le nombre des représentants qui défendent notre rouge drapeau dans les conseils municipaux, et faisons qu’aux élections prochaines le Parti pénètre à la Chambre, afin que nos mises en demeure ne se formulent plus timidement,mais qu’elles partent hardiment du haut de la tribune par la bouche de nos élus.
- Il en est, citoyens, qui vous appellent à descendre dans la rue ; nous ne saurions vous conseiller de répondre à cet appel quant à présent. Vous n’avez encore qu’une organisation incomplète, vous êtes sans armes en face d’adversaires puissamment armés, et engager une lutte dans ces conditions serait une insigne folie.
- O —
- Nous, nous avons combattu pour défendre la République ; nous avons lutté pour affirmer la Commune ; nous sympathisons avec ces hommes qui vont dans les monarchies imiter nos pères en frappant les rois et les empereurs ; nous savons que la guerre sociale est inévitable, mais, nous déclarons cependant que le moment n’est pas venu. Les révolutions sont chose grave qu’on ne peut improviser, et qu’on ne doit engager, ni provoquer au hasard.
- Citoyens,
- Nous sommes résolus à l’emploi de tous les moyens pour assurer l’émancipation des travailleurs ; mais, nous le répétons, nos efforts ne pourront aboutir qu’à la condition que vous preniez place en très grand nombre dans notre organisation.
- Nous étions à Paris 41,000 aux élections municipales de 1881, et 34,000 à celles de 1884 ; si vous le voulez, nous serons 200,000 en 1883. Adhérez donc à vos Chambres syndicales et à vos Groupes corporatifs, entrez dans les Cercles d’études sociales, formez un vaste Parti de classe, et ensuite vous déciderez de quelle façon l’on doit engager et mener la lutte.
- Jusque-là, compagnons de travail, plu& de démarches inutiles, compromettantes pour notre dignité : trêve aux échauf-fourées où le sang prolétarien coulerait en pure perte ; préparons sérieusement la Révolution sociale et ne sacrifions pas nos familles et les meilleurs des nôtres dans des mouvements qui ne serviraient qu’à consolider h puissance de nos ennemis.
- Citoyens,
- Voulez-vous mettre fin à votre servage économique ?
- Voulez-vous devenir des hommes libres et égaux ?
- Voulez-vous pouvoir, s’il le faut, opposer un jour la force à la force ?
- Ne comptez que sur vous-mêmes :
- Organisez-vous !
- Selon la devise de l’Internationale, I'émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes.
- Pour la Fédération des Travailleurs de France :
- Le Comité National, formé des délégués élus par les six
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- régions fédérales ouvrières. — Le Comité fédéral de l’Union fédérative du Centre, composée de Chambres syndicales, Sociétés corporatives et Groupes ouvriers du département de la Seine. — Le Prolétariat, journal officiel ^ du Parti.
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- LES ÉLECTIONS SÉNATORIALES
- Les opportunistes, les directeurs de 'a politique gouvernementale,viennent de remporter une victoire éclatante.
- Les républicains gagnent 22 sièges au Sénat, au détriment de la représentation des parfis monarchiques ; la majorité gouverr ementale sera donc augmentée de 44 voix.
- Il serait puéril de vouloir diminuer ou nier la victoire complète du ministère.
- Sa signification et ses conséquences peuvent être diversement appréciées.
- Si le ministère f interprète comme une approbation de sa politique, comme une manifestation du désir de la nation de voir perpétuer les errements politiques et administratif? inaugurés par la coterie opportuniste dès sa prise de possession du pouvoir, nous sommes persuadé qu’il en proviendra une série de fautes aboutissant,à brève échéance, à l’écroulement des espérances et des projets des triomphateurs d’hier.
- Le succès des opportunistes ne signifie pas que la nation soit satisfaite de la gestion de ces politiciens, ni qu’elle attende d’eux une modification rationnelle.
- Les opportunistes sont le présent, présent incertain, contenant à l’état latent des bouleversements terribles que présagent de sourds grondements ; mais l’opportunisme existe ; et l’on conçoit que des hommes ayant des situations personnelles, comme cela est le cas général des électeurs du suffrage restreint, s’efforcent de conserver ce présent \ u est meilleur encore que le meilleur du passé.
- On ne veut en effet réclamer de la part d’hommes positrs, mécontents du présent, de chercher des améliorations futures dans l’adoption des théories creuses du radicalisme politique.
- La préparation d’un avenir meilleur est du domaine du socialisme ; et, comme on ne peut prétendre que les classes aisées dans lesquelles ont été recrutés les délégués sénatoriaux, soient en possession de données socialistes précises, on est forcé do reconnaître que la question posée aux dé-
- légués des communes se présentait uniquemen sous les trois aspects suivants: Conserver le présent ; faire un retour vers le passé ; se porter en avant à la remorque du radicalisme politique.
- Pourquoi le retour vers le passé ?
- Ceux qui vivent des abus, des privilèges, de la spéculation n’ont eu sous aucun régime passé plus d’occasions d’évoluer plus à l’aise sur le terrain qu’ils préfèrent. Les hommes et les groupes politiques propondérants, afin de n’être accusés d’avoir des préférences pour quelques spéculateurs, ont commercé avec tous indistinctement, donnant aux uns l’émission des emprunts, aux autres de contrats substituant le crédit des sociétés financières à celui de l’E!at ; les sociétés transocéaniques des ports de l’Ouest et du Midi ont puisé tour à tour dans les caisses nationales de grasses subventions ; les capitaux engagés dans les chemins de fer ont reçu des garanties minima de salaires ; on a fait le possihle pour maintenir les revenus des fabricants de sucre ; on est prêt à modifier les tarifs douaniers pour être agréable aux propriétaires fonciers. Si fon n’a pas fait plus que les autres gouvernements en faveur des classes laborieuses, on a beaucoup moins fait contre elles ; elles ont presqu’aulant de liberté à déclamer contre la spéculation que celle-ci rencontre de tolérance dans ses pires combinaisons.
- Un retour vers le passé n’est à redouter de la part des classes.dirigeantes que d’autant que l’Etat inclinerait vers la protection des classes laborieuses. Les électeurs sénatoriaux, n’étant en présence d’aucun fait de cet ordre, ont manifesté par un vote remarquable leur intention de ne pas reculer.
- Pourquoi n’ont-ils pas fait un pas vers le radicalisme ?
- Nous pensons que cette répugnance des classes dirigeantesà l’égard du radicalisme résulte davantage de la certitude que le radicalisme, tel qu’il est formulé, n’est pas un progrès, que de la crainte d’adopter une politique progressiste.
- Les classes dirigeantes ont été convaincues par expérimentation que le présent vaut mieux que le passé ; aussi, étant donné qu’elles n’ont examiné encore aucune solution nouvelle ayant des caractères positifs, elles ont préféré le présent aux aventures du passé et aux nuages du radicalisme.
- Le programme sénatorial adopté par les radicaux du département de la Seine n’est pas fait pour
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- séduire les citoyens fatigués de l’opportunisme. Il contient l’énoncé de trois ou quatre réformes politiques, qui sont certainement désirées par un grand nombre de républicains modérés; mais que ceux-ci auront grand peine à accepter tant que les radicaux les présenteront de telle manière qu’elles aient pour conséquences le renversement du ministère.
- Les événements ont amené aux pouvoirs des hommes qui avaient rédigé des programmes électoraux et qui n’avaient jamais formulé un plan de gouvernement. Quels sont, dans le parlement, les mandataires qui ont fait davantage. Chacun craint de croquer un ministère borgne pour un qui n’aurait qu’un œil.
- Les radicaux du département de la Seine, dont le programme politique manque de précision, ont résumé leurs aspirations sociales en une phrase prodigieusement équivoque légitimant toutes les méfiances.
- L’article unique visant les réformes sociales est ainsi conçu : Modification de nos institutions économiques et sociales dans un sens égalitaire.
- De pareilles déclarations de la part d’aspirants gouvernants, sont trop insignifiantes pour que l’on prenne au sérieux leurs inspirateurs.
- Et ce n’est pas faute de réflexion, si les électeurs de la Seine n’ont pas été plus précis ; un des délégués avait proposé un résumé de réformes sociales parfaitement définies et nettement progressistes ; on a préféré la banalité précédente aux claires propositions ainsi formulées par M. Jacquet :
- Programme social.
- 1° Caisse nationale des retraites civiles, assurant à tous une rente viagère à l’âge de GO ans ;
- 2° Création d’hospices cantonaux ;
- 3» Augmentation des subventions aux sociétés de secours mutuels ;
- 4° Construction de maisons à loyers à bon marché sur les terrains des communes, du département et de l’État ;
- 5° Création de syndicats mixtes d’ouvriers et de patrons ;
- 6° Que les mines et les chemins de fer soient exploités par l’Etat au profit du commerce et au profit des travailleurs et employés de ces entreprises.
- Il faut remarquer que le rejet de ce programme, par des délégués ayant constitué les bureaux de leurs réunions par la nomination constante des personnalités les plus en évidence du parti radi-
- cal, ne permet pas de se faire une idée exacte des améliorations sociales devant découler de la prise de possession du pouvoir par les radicaux.
- Heureusement que le candidat élu vaut mieux que le programme exposé par les délégués.
- M. Georges Martin, que nous avons pu apprécier en diverses circonstances, qui, au reste, était sourdement combattu par les radicaux les plus purs n’hésitera pas à développer un programme dans le sens des propositions de M. Jacquet.
- Les hommes de l’opposition, dite avancée, semblent ne pas s’en apercevoir ; ils se laissent devancer dans leurs déclarations théoriques par les ministériels, et par les ministres eux-mêmes.
- Quelle faute de leur part de ne pas avoir osé formuler un programme précis, lorsque le ministre de l’intérieur venait de prononcer un discours contenant la condamnation catégorique du salariat.
- Si le gouvernement n’interprête pas sa victoire comme une approbation de sa conduite passée et comme un encouragement à persévérer dans sa politique néfaste, s’il sait choisir dans l'élaboration socialiste, vulgariser et appliquer ce qui est irnrné-diatément pratique, sa conservation due aujourd’hui à ce seul fait qu’il existe, deviendra une nécessité d’ordre public et une condition du progrès social.
- Il est à craindre que les réflexions de nos gouvernants soient différentes des nôtres.
- Aussi, nous mettrons-nous à l’œuvre, dès maintenant, pour travailler à la préparation des élections générales en vue d’obtenir alors une représentation véritablement nationale décidée à trouver dans les réformes intérieures la sécurité certaine que tous les gouvernements précédents ont vainement cherchée dans les intrigues et les aventures de la politique extérieure.
- -------------- ——-gfpMSjjMi .................
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
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- Les fonctions publiques rétribuées
- Il est indigne du gouvernement républicain de maintenir la gratuité des fonctions dans les conseils élus. C'est un reste de monarchie qu’il faut extirper des mœurs républicaines.Les fonctions gratuites sont celles qui coûtent le plus cher au pays, car elles sont le plus souvent mal remplies et donnen^ ainsi lieu au mauvais emploi, au gaspillage des deniers publics.
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- le devoir
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- Faits politiques et sociaux de la semaine
- La Chambre. — Dès sa première séance, ta Chambre a été appelée à se prononcer sur un projet de chemin de fer de Mostaganem à Tiaret ayant été l’objet d’une convention entre le ministre des travaux publics et la Compagnie Franco-Algérienne. Pourquoi et comment des députés peuvent-ils demander l’approbation de ces traités, lorsque la compagnie concessionnaire est sous le coup d’accusations aussi graves que celles encourues par la Franco-Algérienne ? M. Salis est cependant parvenu, à grand peine, à faire ajourner la discussion à un mois. M. Salis a cité quelques passages d’une assi gnation de cette société devant le tribunal de commerce, dans laquelle on lit :
- « Attendu que le chiffre de 357,000 fr. accusé par le bilan est d’autant plus invraisemblable que les études ont été faites par des ingénieurs de la compagnie rétribués, pour la plus grande partie, sur les frais généranx ; 240,000 francs environ ne peuvent être considérés comme des frais d’études, et justifiés d’aucune façon correcte ; que les pièces comptables justificatives de ces écritures ne sont ni complètes ni plausibles; que ces études ne représentent même pas 100,000 fr. régulièrement dépensés..»
- Que penser d’un Corps législatif autorisant par sa conduite des conclusions comparables à celles prononcées par M. Salis :
- « Nous sommes fatigués d’entendre dire à chaque instant que les députés abusent de leur mandat, qu’ils le font servir à la satisfaction de leurs intérêts personnels ; cela fatigue et la Chambre elle pays et peut compromettre l’avenir de la République. 11 faut que les députés comprennent que toutes les fois qu’un soupçon s’élève dans une affaire, leur devoir est de laisser la justice suivre son cours. »
- TONKIN
- Le cuirassé la Triomphante venu à Hong-Kong s’est vu refuser par les autorités anglaises la permission de se radouber, par suite des instructions reçues de Londres sur l’observation de la neutralité relativement à la France et à la Chine. Ce qui n’empêche pas ces mêmes autorités de fermer les yeux sur les importantes fournitures d’armes faites aux Chinois par les commerçants anglais. La mesure prise contre la Triomphante prouve l’hostilité sourde de l’Angleterre contre nous.
- Le Temps publie l’information suivante :
- « Bien que nous n’ayons fias les chiffres exacts des forces militaires réunies dans l’Extrême-Orient, nous estimons qu’à l’arrivée des renforts partis récemment de France il y aura, en Chine et Tonkin , environ vingt-quatre mille hommes de troupes de France et d’Algérie, auxquelles il faut ajouter 6 ou 7,000 tirailleurs asiastiques, Us équipages de la flottille du Tonkin et de l’escadre de l’amiral Courbet ; les forces militaires et maritimes placées sous les ordres du général Brière de l’Isle d’une part, de l’amiral Courbet de l’autre, auront donc un effectif total peu inférieur à40,000 hommes.
- Dans le dernier conseil des ministres il a été question a une
- dépêche du général Brière de l’Isle annonçant que la marche en avant sur Lang-Son est commencée.
- CONGO
- Dans un récent conseil des ministres, M. Jules Ferry a rendu compte des négociations qu’il a engagées avec les représentants de l’As sociation internationale africaine pour la délimitation des territoires respectifs de la France et de cette Association au Congo. Les négociations sont à peu prés terminées et il ne reste plus qu’à signer le traité, qui comportera en môme temps la reconnaissance de l’Association par la France. La délimitation sefaitsur les bases que nous avons déjà indiquées, à savoir : renonciation par la France de ses droits sur les territoires de la rive gauche du Stanley-Pool et abandon par l’Assocation du bassin du Niari-Quiliou et les stations qu’elle y avait créées.
- Il reste à régler la question pendante entre l’Association et le Portugal pour la délimitation de leurs territoires respectifs. La France, ainsi qu’on le sait, a prêté ses bons offices pour ce réglement. Mais il est probable que eelui-ci ait lieu avant la clôture des travaux de la conférence de Berlin.
- ITALIE
- On fait certains préparatifs militaires en Italie, qu’on croit nécessités par l’entente entre l’Angleterre et l’Italie, afin que cette dernière puissance puisse, à un moment donné, embarquer 25,000 hommes pour soutenir les forces anglaises en Egypte.
- AUTRICHE-HONGRIE
- Lois contre les socialistes. — Les deux projets de loi sur les agissements socialistes et sur les matières explosibles que le gouvernement va soumettre au Parlement sont très sévères. Le premier enlève tous les procès soda-listes à la juridiction de la cour d’assises. Les journaux socialistes peuvent être supprimés par l’autorité, et leurs ré-: dacteurs peuvent être punis de trois à six ans de prison. Les quêtes en faveur des socialistes sont défendues. Les réunions et les associations socialistes sont interdites ; les restaurants et les établissements publics qui loueront des salles aux socialistes seront fermés. Les faveurs dont jouissent les condamnés politiques pendant leur détention ne seront pas applicables aux socialistes. La peine maxima, prévue par le Code criminel, leur sera toujours appliquée. La loi aura son effet pendant cinq ans à partir du jour de sa promulgation. Le petit état de siège qui régit Vienne, Korneuburg et Neustadt sera levé.
- Le second projet de loi vise l’usage et la possession des matières explosibles et édicte les peines dont la moindre est de dix ans de détention. Un attentat par dynamite qui aurait pour conséquence la mort d’un homme serait puni de la peine de mort. Les personnes qui, connaissant l’existenee d’un dépôt de matières explosibles, n’en informeront pas la police seront punies d’un emprisonnement de un an à cinq ans.
- ♦ *
- Le protectionnisme^ — On mande de Vienne au Standard, que les deux gouvernements d’Autriche et de Hongrie se sont entendus pour introduire des projets de lo-
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- augmentant dans une grande proportion les droits de douane sur les articles importés de France, comme représailles pour les droits proposés en France sur le blé et le bétail.
- ALLEMAGNE
- Le Moniag blatt annonce que le petit état de siège va être proclamé à Francfort, à Offenbach et à Hanau. Le gouvernement hessois n’a pas encore donné son consentement à cette mesure de rigueur en ce qui concerne Offenbach.
- RUSSIE
- Suivant les informations du Daily News, des troubles auraient éclaté parmi les ouvriers de Moscou. On dit qu’ils sont dus à l’instigation du parti révolutionnaire. On a opéré des arrestations en masse. Les émeutiers ont saccagé plusieurs magasins. Malgré les mesures prises par les autorités, l’agitation à Moscou est très vive.
- ANGLETERRE
- L’événement du jour est l’audacieux attentat desdynamitards. Trois explosions à la même heure ont fortement endommagé le Westminster-Hall et la Tour-Blanche. Ces attentats, que l’on peut considérer comme des épisodes de la lutte implacable entre l’Irlande et l’Angleterre, se renouvellent fréquemment maigre les précautions de la police et la rigueur des châtiments appliqués aux conspirateurs que l’on peut découvrir. Si les deux adversaires persistent à ne se faire aucune concession en vue de trouver les bases d’une union acceptée par les deux nations, on ne peut prévoir quelles ruines surgiront de ces inimitiés qui ne reculent devant aucun moyen. L’Angleterre attendra-1—elle que la science ait mis aux mains des fénians des éléments de destruction plusieurs fois plus puissants que ceux dont ils disposent maintenant et qui sont déjà si terribles ? Ne devrait-elle pas réfléchir qu’en résistant jusqu’au bout elle pourra être contrainte à une capitulation beaucoup plus onéreuse pour elle que les concessions actuellement susceptibles d’apaiser les colères de l’Irlande.
- * ¥•
- L’agriculture prétendue en perte. — Considérez les chiffres suivants,ils sont dignes d'examen :
- En 1883, il y avait dans l’Angleterre et les Galles, 800,000 ouvriers cultivateurs, saus compter les fermiers et intendants divers reliés aux travaux du sol. La valeur du produit agricole cette année là fut de 228,000,000 de 1. (5,700,000,000 de francs). Une simple petite division montre que chaque ouvrier cultivateur a produit en douze mois par son travail 285 L. (7,125 francs.)
- * Mais letravaideur des champs ne reçoit guère plus de 30 L. (850 francs) par an. En six semaines de travail au plus il fournit donc la valeur de ses salaires de l’année. Que dites-vous de cela? Chaque mois de travail d’un ouvrier des champs, cet ouvrier étant payé, laisse un gain d’au moins 590 francs. Faisant une pan, raisonnable à la capacité de direction, il nous semble que le manœuvre devrait, néanmoins, avoir une bonne partie de cette dernière somme.
- Et l’on vient nous parler du défaut de rendement de l’agriculture, alors qu’en l’absence même de l’habile emploi des
- machines et du sage usage des engrais, l’ouvrier des champs produit annuellement une valeur de plus de sept mille francs.
- Concluons donc qu’à tous les points de vue notre système foncier est à transformer. La nationalisation du sol peut seule porter remède à ces maux.
- Nationalisation du sol. — Henry Georges, le promoteur du mouvement pour la nationalisation du sol, revient d’Ecosse où sa parole a été accueillie avec la plus vive sympathie. Selon lui, toutes les Iles-Britanniques sont prêtes à un grand mouvement agraire.
- ETATS-UNIS D’AMÉRIQUE
- La dernière semaine de l’année 188i a vu le commencement d’une sérieuse agitation révolutionnaire en Amérique. Dans quatre Etats la force militaire a été appelée à combattre contre les travailleurs en grève. La presse a gardé le silence sur ces faits.
- La grève des mineurs à Hockiug Valley, Ohio, est le point important du mouvement, 40 à 50 hommes font été tués à Murray City dans le combat.
- Une grande sympathie est témoignée aux mineurs de l’Ohio qui sont aussi maitraités que les nôtres du Stroffords-hire. Des fonds de secours arrivent pour eux de tous les points des Etats-Unis
- Dans une grande réunion tenue à Chicago, l’assemblée vota des résolutions d’un caractère absolument opposé à la propriété individuelle du sol et du capital.
- La détresse et la misère poussent les travailleurs à s’unir et les co>’ps autrefois constitués en Trades-Unions se transforment rapidement en puissants corps socialistes.
- L’évêque Potter, de New-York, a invité son clergé à tenir une conférence « touchant les maux gigantesques infti-» gés aux travailleurs, par_ le régime industriel actuel, où » les ouvriers sont à la merci des patrons. »
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- LA CRISE AGRICOLE.
- IV
- Gomment les agriculteurs pourront-ils se procurer de l’argent à un taux moyen sans subir des frais onéreux, en évitant les démarches compliquées, vexatoires ou fâcheuses, en restant toujours maîtres d’abréger ou de reporter les dates de remboursement ?
- Dans notre législation aucune de ces facilités n’est prévue en faveur du propriétaire individuel.
- Les Australiens ont imaginé un procédé commode, connu sous le nom û'Act Torrens.
- Le propriétaire Australien, désireux de mettre sa propriété sous le système Torrens, envoie au bu-
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- LE DEVOIR 75
- reau d’enregistrement ses titres, avec un plan de ga propriété. Des mesures administratives très-simples et parfaitement sûres sont appliquées à la vérification des déclarations du propriétaire.
- Une fois la situation réelle bien connue, le bureau d’enregistrement inscrit sur la feuille d’un registre spécial le titre delà propriété avec le plan à l’appui. Toutes les charges, servitudes, hypothèques, baux, dont la propriété est grevée, sont notées avec soin. Le propriétaire reçoit un double exactement conforme.
- Si la terre vient à être divisée par suite de vente ou de succession, on supprime le titre primitif, et on émet autant de titres qu’il y a de nouveaux propriétaires.
- Le propriétaire d’un titre de propriété soumise au système T or rens peut le céder ou le transférer à toute autre personne par simple endos, sous la seule formalité de faire enregistrer son transfert. Les parties comparaissent devant un maire, un officier public quelconque qui constate leur identité et légalise leurs signatures. Celles-ci sont apposées au-dessous d’une formule de transfert tout imprimée au verso du titre. Le titre est alors expédié par la poste au bureau central qui examine s’il n’est point frappé d’opposition. Si tout est régulier, il est retourné immédiatement, revêtu d’un timbre de transfert,
- Si le propriétaire veut avoir recours à un emprunt, sans frapper son titre d’une hypothèque, toutes les banques lui sont ouvertes, qui, recevant un titre en dépôt, lui prêtent à longue échéance, certaines qu’elles sont d’être suffisamment ga anties, puisque le propriétaire ne peut grever sa propriété, s’il n’a pas la libre disposition de son titre.
- L’Act-Torrens, en Australie, où on l’a appliqué pour la première fois en 1855, est devenu la règle générale de la propriété quoiqu’il n’ait jamais cessé d’être facultatif.
- Le gouverneur de la Tunisie a publiquement avoué que son adoption rendrait de grands services dans la mise en culture des domaines tunisiens. En Angleterre, le Cobden Club réclame l’introduction de l’Act Torrens.
- Malgré le bas prix des divers enregistrements que comporte le système Torrens, cette réforme rencontra en Australie toute l'opposition que chaque progrès provoque en tout pays.
- * ¥
- Récemment, M. Fleury, député dç l'Orne, a dé
- posé à la Chambre des députés un projet de mobilisation de la propriété française.
- Le projet de M. Fleury, pas plus compliqué que 1 Act Torrens, présenterait le grand avantage de doter l’Etat de ressources financières considérables, eri même temps qu’il permettrait aux propriétaires de se procurer des capitaux à 3 0[0.
- Le député de l’Orne a résumé son projet dans une brochure de quelques pages d’une remarquable lucidité. 11 prend pour terme de comparaison le billet oe banque afin d’expliquer la légitimité et la sécurité du mécanisme qu’il propose. Chaque billet de banque, dit M. Fleury, doit être la représentation en papier d’une quantité d’or de même valeur, renfermée dans les caisses de la Banque de France ; l’or qui garantit ce billet peut être, à la suite d’une émeute, dispersé ou pillé; alors le billet de banque perd toute grantie et ne représente plus qu’un morceau de papier.
- Pourquoi, dit M. Fleury, interdirait-on à chaque propriétaire d’émettre une somme de billets, à dix ans d’échéance, ne dépassant pas le quart de la valeur de ses propriétés, billets remboursables après dix ans et le gouvernement se portant garant des remboursements ? La responsabilité du gouvernement garantissant le remboursement de ces titres, moindres que le quart de la valeur des propriétés foncières indestructibles don nées en garantie aurait beaucoup moins de chances de devenir onéreuse que les oblig ations contractées par l’Etatavec la Banque de France.
- Voici le mécanisme du projet Fleury.
- Un propriétaire cl ésireux de mobiliser une partie de ses biens les soin mettrait à l’évaluation d’une commission composé e du notaire de la localité, du percepteur et d’un certain nombre de fonctionnaires désignés par le Gouvernement.
- Cette évaluation faite, le propriétaire recevrait l’autorisation d’emettre une somme de billets représentant le quart de la valeur des propriétés désignées, après l’accompdissement de toutes les formalités destinées à don ner au porteur, à l’échéance prévue, les droits d’un créancier hypothécaire privilégié.
- Le porteur n’aurait pas’, besoin d’exercer aucune action pour le recouvrement; les caisses publiques opéreraient le paiement et les agents de l’Etat auraient pouvoir pour renouveler les billets ou pour exiger le rembourse ment par le souscripteur.
- Les méthodes d’évaluation, d'enregistrement,
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- de circulation et de recouvrement prévus par le projet sont toutes très simples et d’une application facile.
- L’Etat recevrait en rémunératien de sa garantie 2 fr. 50 par an, pour cent francs de chaque émission. Si l’on admet que la propriété foncière est évaluée à cent milliards, et que la généralité des agriculteurs pratique cette mobilisation partielle, celle-ci représenterait une somme de 24,000,000,000, qui à 2 fr. 50 0j0, procurerait à l’Etat un revenu annuel de 600,000,000.
- Les frais accessoires d’évaluation, d’enregistrement etc., s’élèveraient à 50 centimes 0[0.
- M. Fleury prévoit qu’on ne pourrait autoriser la mobilisation d’un quart de la propriété foncière sans procéder progressivement par des séries d’émissions, afin de ne pas apporter de trop brusques mouvements dans la circulation monétaire.
- En résumé, le projet en question doterait l’Etat d’une puissante source de revenus et mettrait les propriétaires en possession de valeurs considérables ne leur coûtant pas plus de 3 0[0 l’an, dont ils pourraient se servir avec autant de sécurité que du billet de Banque.
- * *
- Nous ne voulons pas prévoir toutes les objections que la routine sera tentée d’opposer à ces moyens infaillibles de relèvement national. La vapeur, les chemins de fer, le télégraphe, toutes les grandes entreprises et les puissantes fondations ont dù subir les critiques injustes de ceux qui devaient en bénéficier.
- La proposition de M. Fleury a été examinée par une commission parlementaire, et le rapporteur M. Godet, a transmis à la Chambre l’opinion favorable des membres de la commission. De nombreux journaux, parmi les plus conservateurs, le Voltaire, la République Française ont loué sans réserves ce nouveau mécanisme financier.
- Que devraient faire les agriculteurs ?
- Ils viennent de constater quelle puissance leur donne leur cohésion, même lorsqu’ils l’emploient à engager le gouvernement dans une mauvaise voie. S’ils savaient s’arrêter à temps et ne conserver de ce commencement d’agitation protectionniste que le souvenir de la force née de leur union, ils abandonneraient toutes les réclamations protectionnistes suggérées par une réaction avide de pêcher en eau trouble, et ils auraient bien vite contraint le gouvernement à faire voter
- une loi conforme aux véritables besoins de l’agriculture.
- La protection agricole sera fatale à l’industrie nationale, elle sera un obstacle au progrès général de la nation, notre agriculture a surtout besoin d’être fécondée par l’abondance d’un capital mobilier procuré à des conditions peu onéreuses.
- Mais combien d’agriculteurs ont-ils connaissance des travaux de M. Fleury. Et dans le petit nombre de ceux qui apprendront à les connaître, combien sont capables de résister à la campagne de calomnies, d’insinuations malveillantes, que la finance ne manquera pas d’organiser, si les agriculteurs se montrent partisans d’une réforme destinée à empêcher la réussite des complots que la haute banque prépare contre la richesse agricole en vue de l’accaparer.
- Tous les arguments, que l’on pourra invoquer contre les prétendues crises monétaires ou financières pouvant résulter d’une mobilisation partielle de la propriété, sont réfutés d’avance pour-tous ceux qui consentiront à faire une analyse sincère des phénomènes qui ont accompagné la colossale mobilisation industrielle et commerciale réalisée depuis la généralisation des sociétés anonymes. Au reste, les lois présentes comme nous le prouverons dans notre prochain article, permettent la mobilisation totale du sol d’après les règles de l’anonymat ; mobilisation susceptible de produire des effets salutaires, si ses vulgarisateurs ont en vue de la mettre en pratique dans le but de relever notre production agricole, mais, aussi, entreprise souverainement néfaste, si on l’adopte avec la volonté d’ouvrir de nouveaux débouchés à la spéculation financière.
- (A Suivre).
- LA PRIÈRE A L'ÉCOLE
- (suite)
- Voltaire, ce grand démolisseur des bètis s sacrées, a le premier remarqué que les prières contiennent bien des inconséquences.
- Prenons l’Oraison dominicale, celle que le - prêtres trouvent parfaite, et analysons-là.
- Notre père qui êtes aux deux...
- Dieu n’est pas seulement aux cieux, puisque, selon le s prêtres, il est partout. Il eût fallu dire : Notre père qui êtes partout, notre père de l’univers, que sais-je ?
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- II y a donc là une hérésie.
- Que votre nom soit sanctifié....
- Mais si le nom de Dieu n’est pas sanctifié, c’est qu’il ne le veut pas.
- Que votre règne arrive....
- C’est-à-dire que l’on souhaite à Dieu de pouvoir régner sur tous les cœurs.
- Eh bien ! s’il ne règne pas sur tous les cœurs, c’est toujours parce qu’il ne le veut pas. Qu’il me touche de sa grâce, par exemple, et aussitôt il' régnera sur le mien.
- Je veux bien me prêter à l’expérience.
- Que votre volonté soit faite...
- Encore une fois si sa volonté n’est point faite, c’est qu’il ne le veut pas.
- D’ailleurs, il y a là une nouvelle hérésie. Si Dieu émet une volonté, elle ne peut pas ne pas être faite.
- Donnez-nous aujourd’hui notre pain...
- Ouvriers qui avez la foi, laissez-là vos outils et répétez tous les matins : donnez-nous notre pain, donnez-nous notre pain,... Croisez-vous les bras, et attendez que le pain vous tombe tout cuit du ciel !
- Travailler ! fi donc H!
- Est-c© que les oiseaux travaillent ? Cependant le Père céleste les nourrit.
- Mais c’est assez plaisanter. Vous savez bien, qu’il ne suffit pas de demander pour recevoir. Les prêtres seuls peuvent croire le contraire. Donnez-nous notre pain, disent-ils chaque matin, et le pain leur arrive accompagné des meilleurs poulets, des plus beaux poissons et des \ins les plus généreux.
- Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés...
- Pardonner ! c’est bien de cela que l’on peut dire aussi :
- Rien n’est plus commun que le mot,
- Rien n’est plus rare que la chose.
- Et d’ailleurs, si on pardonne rarement, on n’a pas toujours tort.
- Car il faut nous entendre.
- Si vous passez quelques petites médisances quelques offenses légères, il n’y a pas là de quoi vous en faire un mérite ; si vous pardonnez des calomnies, des offenses graves pouvant porter atteinte à votre honneur, vous avez tort : votre honneur est celui de votre famille, de vos enfants; vous devez le garder précieusement ; si tout le monde faisait grâce aux voleurs, aux criminels, ceux-ci auraient beau jeu ; et puis il est des crimes qui ne se pardonnent pas : une brute a souillé votre enfant, lui direz-vous, «je vous pardonne ?» Elle serait belle la société dans laquelle on se passerait toutes les fautes !
- Je constate encore que ceux qui disent : « pardonnez-nous, puisque nous pardonnons aux autres » font une prière bien intéressée. Il faut faire
- le bien pour le bien lui-même. En donnant un œuf pour avoir un bœuf, ces personnes veulent-elles duper leur Dieu ? En supposant d’ailleurs qu’elles croient bien faire en pardonnant, ellesne devraient pas s’en faire un mérite. Vous qui priez, lizez donc l’évangile contenant la parabole du pharisien et du publicain.
- Et délivrez-nous du mal.
- Ce qui veut dire : Père céleste, nous faisons tous nos efforts pour ne pas tomber dans le mal ; niais si nous y tombons, c’est vous qui l’aurez voulu, puisque nous vous avions prié de nous en délivrer.
- Avec cette morale, on irait loin !
- Voilà selon les prêtres, la plus admirable de toutes les prières. Par celle-là, jugez des autres !
- Instituteurs ! affranchissez-vous donc de toutes ces mômeries, et, comme l’indique votre emploi du temps, remplacez-les par des leçons de morale et de civisme ! Si vous parlez aux enfants des devoirs de chacun envers soi-même, envers la famille, la patrie et la société, si vous savez frapper leur imagination, toucher leur cœur par des récits intéressants, par les exemples de dévoûment que vous trouverez partout, vous n’aurez pas besoin d’une récitation machinale de prières pour éveiller l’attention de votre petit auditoire.
- Et si un père de famille vient vous dire : « Vous chassez Dieu de l’école ; nos enfants ne savent plus le catéchisme » répondez : « L’école a pour objet « l’enseignement de l’arithmétique ou des autres « sciences ; le culte n’y est pas plus à sa place c qu’il n’y est à l’atelier ou à l’usine. Si vous vouer lez un culte, allez à l’église. Maintenant si vos « enfants ne savent plus le catéchisme, c’est que « le curé ne le veut pas ; car le gouvernement le « paie encore pour l'enseigner. Ce n’est pas ce « qu’il fait de mieux. »
- Edmond Moret.
- Adhésions anx principes d’arbitrage et de désarmement européen
- Seine. Meudon. — Romanet, receveur delà régie de Meudon, à Billancourt, quai de halage.
- Issy. — Bônvoisin, Emile, entrepreneur de charpente, rue Lombart, numéro 7. — Bergeaud, entrepreneur de couvertures et plomberies, Grande Rue, 88.
- Paris. — Dupuis, négociant, 1, rue Stephenson.
- Seine-et-Oise. Sèvres, — Laslier, marchand de fourrages, Grande Rue.
- Ardennes. Haraucourt, par Raucourt. — De-grange, Charles-Emile. — Maucler, Eugène. — Michel, François. - Michel. — Hodier, Félicien, menuisier. — Guiut, Remy, rentier.
- Petites-Armoises, par le Chesne. — Blanchard, Jean-Baptiste-Florent, instituteur en retraite.
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- Haraucourt. — Guérard, Elisée. — Tondriaux. — Hanotel, maréchal-ferrant. — Manfay, Lucien. — Guil-lin, Eugène. — Longville, — Roguin. — Raüdelot, mécanicien.— Foataine, cultivateur. — Coutil, Emile. — Lamblin. — Manfay, Auguste, — Roguin, Alphonse, mouleur. — Cordier, Alphonse, plafonneur. —Veuve Mansion, rentière.
- Corse. — Ile-Rousse. — Blasini, Achille, propriétaire. — Remicci, Nicolas, rentier. — Fontanetti. Fran- ^ çois, rentier. — Romani, Nicolas, notaire. — Masson, Sauveur, charpentier. — Vaccaro, Dominique, négociant. — Orsoni, Laurent, négociant. — Roneajolo, Baptiste, négociant. — Roneajolo, André, négociant. — Orsoni, fils, négociant.
- Mesdames: Romicci, rentière,— Veuve Brégamte, Rose, négociant. — Veuve Bocogriano. — Herckenroth. — Ro-neàpolo, Mathilde. — Orsoni, Marie. — Bregante, Catherine. —• Olivi, Marie. — Terretti. j. — Battestini, Marie.
- Costa. — Manci i, Lucius, propriétaire. — Fràncéschi, Pancrace. — Lauzulaine, desservant à Costa. — Costa, Philippe, propriétaire. — Madame Costa, Palma-Ângèle- • Françoise. —
- Bouches-du-Rhône. Marseille. — Brès, Isidore, cours Belzunce, 11. — Icard, J. 186, avenue du Prado.— De Funès, 186, avenne du Prado. — Froidevaux, Edmond, professeur de musique, rue du Relais, 7. — Vidal, Albert-Auguste, rue des Chartreux, numéro 2. — Péronin, Ferdinand, rue du Musée, 13. — Izard, Jean, rue Fontaine Rouvière. — Robert, Honoré, imprimeur, 3, cours Lieu* taud. —Leydet, François-Pierre, 19, rue Chevalier-Roze. — Norton, Alfred, commissaire accrédité en Douane, 6, boulevard de la Major. — Riondet, Jean, 49, rue Sainte-Barbe.
- MAITRE PIERRE
- Par Edmond ABOUT (Suite.)
- II
- LA CANAU
- Le lendemain, j’avais rendez-vous pour dix heures au café de Bordeaux. Le café de Bordeaux est à Bordeaux ce que le café de Paris était jadis à Paris.
- En attendant l’heure du déjeuner, j’entrai chez un libraire et je demandai les dernières publications relatives à la culture des Landes. On m’offrit un ballot de livres et de brochures dont l’énormité me fit honte et peur en même temps. Quoi ! disais-je en moi-même, j’ai failli passer étourdiment devant une question si importante, comme autrefois devant la cathédrale de Coûtan-ces ! L’expérience est donc inutile aux hommes ? Eh ! que deviendrons-nous, grands dieux ! si nous ne savons pas profiter de nos propres fautes ?
- Vous le dirai-je encore ! il me fâchait un peu d’avoir
- tant de choses à lire, et je ne me sentais que médiocrement rassuré. Je parcourais d’un regard inquiet les titres divers que le marchand avait étalés devant moi : Les landes de Gascogne : routes et canaux ;
- Assainissement et culture forestière des Landes de la Gironde ;
- L’amélioration des Landes de Gascogne et la loi sur les dunes ;
- A messieurs les membres du Conseil général de la Gironde ;
- Notes sommaires sur les Landes de la Gironde ;
- De la loi projetée sur la mise en valeur des Landes de Gascogne, etc., etc.
- Avouez qu’on s’effrayerait à moins. Je demandai au marchand s’il était nécessaire de tout lire ! Il ne me fit pas grâce d’une demi-page. Cinq ou six bourgeois de Bordeaux qui étaient venus perdre un quart d’heure dans la boutique m’assurèrent unanimement qu’ils avaient lu tout cela et bien autre chose encore. Ils m’apprirent que les grands journaux du département remplaçaient les discussions oiseuses de la politique par un dialogue animé sur la culture des Landes, et que tel rédacteur avait consacré jusqu’à soixante articles à cette éternelle question, sans fatiguer ses abonnés ni lui-même.
- Un de ces messieurs, qui me parut manquer d’indulgence, s’étonna qu’un homme de mon âge pût ignorer une question que tout le monde connaissait si bien. Il assura que je devais venir de loin, de quelque pays perdu, peut-être de Paris ! La sévérité de son langage me piqua au vif, et je répliquai sèchement : « Monsieur, je suis peut être aussi ignorant que vous le dites ; mais dans tous les cas, je ne-le serai pas longtemps, car je dîne ce soir en pleine lande avec maître Pierre. »
- Là-dessus, on me fit voir que maître Pierre était un homme vraiment célèbre, car on se mit à le louer et à le blâmer sans mesure, et tous les assistants parlèren t à la fois. L’un vanta sa science et son activité, l’autre en fit un vagabond d’une ignorance crasse. L’un exalta les services qu’il avait rendus, et l’autre prétendit qu’il avait perdu la Lande, On m’apprit qu’il était très riche et qu’il n’avait pas un sou, qu’il était très égoïste et très bienfaisant, qu’il servait de père à la jolie Marinette et qu’il l’avait honteusement séduite. Je ne savais auquel entendre, et je pensais, en regardant le ballot du libraire : Pourvu que les brochures de ce pays-ci s’accordent mieux que les habitants ! On me conta, pour m’achever, que maître Pierre était capable de tous les crimes, et qu’il avait incendié une forêt dans le voisinage de Dax. Enfin, le mauvais plaisant qui s’était scandalisé
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- LE DEVOIR
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- de mon ignorance, nous montra sans sourciller que maître Pierre n’existait pas ; que c’était un être mythologique, une personnification du pays des Landes. Il développa ce paradoxe, et l’appuya d’un raisonnement suivi, dans le goût des sceptiques allemands :
- « Maître Pierre, nous dit-il, symbolise le sol ingrat de nos déserts, ou plus particulièrement cette couche pierreuse connue sous le nom d’alios qui s’étend à un demi-mètre au-dessous du sol. On lui donne pour compagne une fille brune, maigre et assez jolie, du nom de Marinette : c’est une figure qui représente la terre des Landes, maigre, noire, et cependant assez belle au printemps. Marinette est un nom très répandu aux environs de Bordeaux, et c’est chez nous que Molière l’a pris. On la coiffe d’un foulard jaune pour représenter la fleur des ajoncs qui dore la terre. On donne à maître Pierre un béret rouge : c’est la couleur de 1 ’alios. On leur prête à chacun une paire d’échasses pour indiquer que, sans échasses, ni homme ni femme ne pourrait circuler dans le pays. La vie de maître Pierre, telle qu’on la raconte, est divisée en deux périodes : l’une de chasse, de pêche et de pâture nomade,, l’autre de défrichement et de culture. Qui ne reconnaîtrait sous un symbole si transparent les deux âges de nos Landes? Enfin, sachez que plusieurs personnes dignes de foi ont parcouru le département d’un bout à l’autre sans pouvoir mettre la main sur maître Pierre ; que les hommes sérieux n’en tiennent aucun compte, et que son nom, qui court dans toutes les bouches, n’a pas été imprimé une fois dans les livres. »
- Je ne sais ce qui fut répliqué, car la pendule sonna dix heures et le déjeuner m’attendait. Je ne pris' pas un seul de ces livres où l’on avait omis le nom du pauvre Pierre. Je m’intéressais déjà vivement à ce héros contro-versé, que ses contemporains traitaient avec trop peu de justice, et dont on niait même l’existence.
- Mon amphitryon me dit en m’abordant ; « Vous jouez de bonheur. Maître Pierre est à La Canau. Il vous montrera du même coup l’Océan, les dunes, les étangs, les marais et les Landes.
- — C’est bien loin ?
- — Quarante et quelques kilomètres. Mais La Canau est plus près de Bordeaux que bien des villages qui sont a trois lieues d’ici. Vous avez une route empierrée, chose rare, et un fiacre peut vous mener en quatre heures.»
- (A Suivre).
- La Philosophie de l’Avenir. Revue du socialisme rationnel,paraissant chaque mois.—Fondée par Frédéric
- Borde. — Sommaire .
- Déterminisme et la science rationnelle.— Un 'ïïiot à propos de la discussion contradictoire entre
- M. A. Réville et M. Capelle.— Jules Putsage.
- L’Impôt doit-il être le plus petit ou le plus grand possible ? — Agathon de Potter.
- A propos du dernier meeting de la salle Lévis. — Frédéric Borde.
- Lettre adressée au directeur du Journal des Economistes.— Manuscrit inédit.— Colins.
- Un mot à M. Daniel Réné.— Frédéric Borde.
- La Critique en France.— Agathon de Potter.
- Prix du Numéro : 1 franc — Abonnement postal : Un an, 12 fr. — Six mois, 6 fr. — Trois mois, 3 fr. — S’adresser à M. Jules Delaporte, rue Mouffetard, 108, Paris.
- SOMMAIRE du dernier numéro de la Revue du Mouvement social :
- Charles-M. Limousin : Craquements.— Jules Giraud : Quelle est la sanction de la morale. — V. Michal: Le Dieu Bonheur. — Dr E. Chambard : Initiation ou Vulgarisation. — Alfred Neymarck. Turgot socialiste. — Les questions politiques : De Marcère : La question de la représentation proportionnelle en France. — La représentation proportionnelle et le referendum. — Les conséquences de l’abus du plébiscite. — La question de la paix et du désarmement-. La paix et les prochaines élections françaises. — La neutralisation des pays Scandinaves.— Les armements maritimes de l’Angleterre.— La campagne pour la paix en Allemagne.— Fusion de deux Sociétés de la paix, — L’armée française au Tonkinet ses prisonniers. — Progrès de la législation internationale : Garantie internationale de la propriété littéraire et artistique. — Socialisme international.— Nécrologie : Désiré Laverdant, le colonel Devoluet. — Bibliographie : Les femmes de la campagne à Paris, par Mme Caroline de Barrau.— La monnaie d’or avec billon d'argent, par M. Léon Wabras.— Plus de frontières, par M. f Lucien Pemjean.
- — L’Internationale noire et la franc-maçonnerie, par le F. Louis Amiable.— Lettre aux anarchistes, par M. Jules Blancard.— Les lauréats voyageurs, par le même.— Ranca cooperativa populare di Padova, par M. Maso-Trieste.— La population indigente de Paris.
- — Chronique. — Bulletin financier. Avis et communications
- VENTE ET ABONNEMENTS : chez MM. WATTIER et C1* 4, rue des Déchargeurs, à Paris.
- État-civil du Familistère
- Semaine du 49 au 25 Janvier 1885. Naissance :
- Le 26 janvier,de Caudron,Aline-Elise,fille de Caudron Ferdinand et de Lemaire Aline.
- Décès :
- Le 19 janvier, de Hennequin, Arméline-Adèle,âgée de 6 mois.
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- Théâtre du Familistère de Guise
- Direclion : A. Tétrel et A. Berthet.
- Bureaux à 8 heures. — Rideau à 8 heures et demie
- Samedi 31 Janvier 1885
- Représentation extraordinaire composée d'une grande pièce comique
- En 4 ACTES et d’un Opéra comique en 1 ACTE
- LA CAGNOTTE
- Grand succès du Théâtre du Palais-Royal de Paris
- Pièce en 4 actes, de MM. LABICHE et DELAGOUR.
- M. BERTHET jouera le rôle de COLLADÂN Colladan, MM. Berthet; Cbambourcy, Paillon ; Cordenbois,
- Damiental ; Sylvain, George; Renaudier, Gilland ; Beaucan-tin, Lorenziti ; Cocarel, Anselme ; Léonida, Mmos Crémille ; Blanche, G. Brunet; Béchut, MM. Husson ; Benjamin, Bruneton ; Juseph, Moens; Un gardien, Lasaile; Un garçon, Denis.
- LE MAITRE DE CHAPELLE Opéra comique en UN ACTE, musique de PÂER
- Mlle C. DEMOULIN, remplira le rôle de Gertrude
- M. FREICHE celui de Baruabé. — M. GEORGE celui de Benetto Ordre du Spectacle: 1* LaCagnette ; 2° Le Maîtro de (Chapelle.
- Le Piano sera tenu par M11® VIOLET.
- AVIS A NOS LECTEURS
- Les amis de la paix sont priés de compléter leur dossier de péti bonnement en intercalant dans une des feuilles imprimées autant de feuilles qu’il leur en faudra, en papier ordinaire, de mêmes dimensions ; ils pourront régler à la main ces feuilles et ils devront écrire en tête de la première page de chaque feuille ces mots :
- Pétition à la Chambre des Députés en faveur de Varbitrage international et de la paix.
- Lorsque les signatures seront obtenues, il faudra autant que possible demander la légalisation de chacune des feuilles à la mairie de la commune des signataires.
- Il est nécessaire d’écrire tous les noms lisiblement dans la première colonne, autrement de graves erreurs se commettent sur les noms propres ;
- Retourner les pétitions,lorsque ces pré cautions seront prises, à l’adresse du journal « Le Devoir », à Guise, Aisne.
- Nous rappelons à nos amis qu’en vue de la propagande des idées de paix, le journal « Le Devoir » publie un numéro mensuel sous le titre : Le Désarmement européen et Varbitrage international, bulletin de la paix.
- L’abonnement d’un an à ce bulletin est
- de...........................2 fr. 50
- Nous tirons et livrons, en outre, les numéros demandés à l’avance, aux prix suivants :
- de 1 à 40 exemplaires à. 0 fr. 07 de 41 à 05 » à. 0 06
- de 66 à 90 » à. 0 05
- Enfin, nous livrons un bulletin de quatre pages dont l’abonnement annuel est
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- Nous donnerons ces bulletins de quatre pages franco, par la poste, aux conditions:
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- 100 >> . . . . . 2 75
- 350 » . . 7 f 75
- 500 » . . . il 25
- Errata du numéro du 4 Janvier 4885.
- Le premier article contient des coquilles regrettables auxquelles le lecteur aura suppléé. Néanmoins nous signalerons ;
- A la T colonne, au lieu de l’arbitrage plus de 40 fois réalisé depuis i 873 : lire 1783.
- Au lieu de : les républicains du sud, lire les républiques du sud ;
- Au lieu de ; entre eux, lire entre elles.
- Le Directeur-Gérant : GODIN.
- buise. jmn. Hure
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- 9e Année, Tome 9. — N° 335 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 8 Février 1885
- LE PEW01E
- BEVUE DES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
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- ON S’ABONNE
- A PARIS
- 5, rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie de3 sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Affaires du Tonkin.— Mouvement arbitragiste.— Réponses à quelques objections.— Bulletin du comité de Paris.— Chinois et Français.— Conférence de M. Gaillard.— Pas de prisonniers ! — Les armées européennes.— Aphorismes et préceptes sociaux.— Veillons et surveillons-nous.— Souscription en faveur de la propagande.— Dou&e raisons de substituer l’arbitrage à la guerre pour les règlements des différends internationaux. — Lettre adressée à chacun des députés de la République française. — Pioupiou et réclusionnaire. — Les deux patriotismes en action .— Bon exemple. — Correspondance.— La Société française des amis de la paix. — Les amis de la paix en Amérique.— Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen. — Soldats de plomb, Tambours et Trompettes à propos du nouvel an.
- AFFAIRES DU TONKIN
- Les dépenses faites jusqu’à ce jour s’élèvent à plus de 150,000,000, sans compter l’usure du matériel de guerre et les charges attribuées au budget ordinaire.
- Nous avons 40,000 hommes au Tonkin.
- Notre flotte dans les mers de la Chine compte 5 cuirassés, 18 croiseurs, 1 croiseur auxiliaire, 2 transports, 7 canonnières, deux torpilleurs et plusieurs canots porte-torpilles : soit 34 bâtiments avec 280 canons de 24, 19, 14 et 40 centimètres, non compris les canons-revolvers et ceux des embarcations.
- En admettant que l’on suspende immédiatement la guerre ; le rapatriement des soldats,les réparations du matériel de guerre et toutes les dépenses nécessitées par les longs délais de ces opérations,élèveront certainement la dépense totale à 300,000,000.
- L’intérêt ©t l’amortissement de cette somme grèveront, au moins pendant 60 ans, notre budget d’une dépense annuelle de 15,000,000 ; somme qu’il conviendrait de porter chaque année aux frais généraux de cette colonie, en plus de l’entretien des garnisons et des services civils.
- Qui pense sérieusement que le Tonkin rapporte amais au Trésor des revenus supérieurs à ces dépenses ?
- Les résultats obtenus en Cochinchine peuvent nous renseigner à cet égard.
- La Cochinchine est la plus prospère de nos colonies ; elle subvient à toutes les dépenses de la justice, des troupes indigènes, qui, dans les autres possessions, sont supportées par la métropole ; elle verse au budget une subvention de 2,000,000. Mais elle est inscrite an Ministère de la marine pour une somme de 4,798,000 fr., non compris la solde et les frais de passage de la garnison et d’ün certain nombre de fonctionnaires, et la subvention des Messageries maritimes. Elle a importé, en 1882, pour 5 millions de francs ; en 4883, pour 8.900,000 fr. de marchandises françaises. Si on ajoutait aux frais généraux l’amortissement de toutes les expéditions que cette colonie a nécessitées, on verrait qu’elle est loin d’être productive.
- D’après l’état des choses au Tonkin, on peut évaluer que cette entreprise nous coûte quotidiennement un million au moins. On conçoit que, aussi peu que cette campagne se prolonge, l’amortissement des premières dépenses sera peut-être plusieurs fois de 15,000,000.
- Il ne faut nas espérer obtenir de la Chine une indemnité de guerre.
- Cette puissance,avec sa population de 400,000,000 d’habitants, aura plus d’avantages à dépenser en frais de guerre les millions que nous pourrions lui réclamer, si elle s’avouait vaincue. Son gouvernement le sait bien ; et c’est parce qu’il sait cela, que dans les pourparlers antérieurs il a toujours refusé d’examiner les questions de cet ordre.
- La Chine se défendant chez elle, si l’on considère la sobriété de ses soldats, dépensera peut-être chaque jour, cinquante fois moins que nous coûtera notre corps expéditionnaire opérant à 5,000 lieues de la métropole ; et l’empire chinois possède des ressources inépuisables en hommes.
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- LE DEVOIR
- Nous demandons aux amis de la paix, de la justice, aux véritables Français, capables de juger axec calme, de pousser les masses à faire comprendre au gouvernement qu’il est temps d’en finir avec ces entreprises extravagantes.
- Le gouvernement des Etats-Unis, sur un signe de notre diplomatie, est prêt à provoquer la composition d’un tribunal arbitral, pourvu que nos prétentions soient raisonnables.
- Lorsqu’on a commencé la guerre du Tonkin, notre gouvernement avait déclaré qu’il ne poursuivait d’autre but que l’occupation incontestée du Delta.
- Si la Chine, elle même, n’est disposée à nous donner pleine satisfaction à cet égard, il n’est pas douteux qu’un tribunal arbitral nous accorde ce minimum.
- Quant à nous, nous sommes fortement convaincus, et nous le déclarons sans aucune réserve, qu’un arrangement né de l’intervention des puissances est préférable aux traités qu’imposent la victoire et les triomphes militaires.
- MOUVEMENT ARBITRAGISTE
- Nous avons reçu pendant le mois de janvier 407 nouvelles adhésions. Elles sont ainsi réparties :
- Aisne, — Guise, 17. — Noyai, 1. — Mennevret, par Wassigny, 1. — Fesmy,par Le Nouvion, 1
- Algérie. - Oran 7.
- Allier. — Aux Brosses, par Meaulne, 2.
- Ardennes. — Haraucourt, par Raucourt, 6. — Petites-Armoises,par le Chesne, 1. — Haraucourt, 16.
- Aube. — Fontvannes, 1,
- Bouches-du-Rhône. — Marseille, 19.
- Corse. — Pigna. 17. — Ile-Rousse, 21. — Costa, 5.
- Gironde. — Targon, 3, — Montaroueh, 1. — Faley-ras, i. — Créon. 1. —Blésignac, 4. — Daignac, 1. — Genouillac, 1. —Tizac-de-Curton, 1. — Moulon, 1. — Dardenac, 2
- Haute-Marne. — Joinville, 8. — Chaumont, 1. —• Brienne-le-Château,2.— Dommartin-le-Franc,l. — Vassy, 1.
- Hérault. — Cazouls-les-Béziers, 1.
- Indre-et-Loire. — Poeé, 1.
- Jura. — Lons-le-Saulnier, 26. — Mesnay, 99.—Pas-senans, 1. — Saint-Amour, 1. — Meura. 1.
- Loiret. — Orléans, 13.
- Puy-de-Dôme. — Clermond-Ferrand, 21. — Mon-, fay, 3. — Chamelières, 3. — Le Mont-Dore, 1. — Veyre-Monton, 1.
- Saône-et-Loire. — Montceau-les-Mines, 7.
- Seine. — Paris, 4. — Billancourt, l. — Boulogne, 3. — Issy, 2.
- Seine-Inférieure. — Ry, 1. — Croisy-sur-Andelle, 1. — Saint-Aignan. 3. — au Héron, 1.
- Seine-et-Marne. —Saint-Thibaut, par Lagny, 1.
- Seine-et-Oise. — Meudon, 11. — Sèvres,2. — Choisy-le-Roy, 14.
- Somme. — Villers-Bretonneux, 37. — Moreuil, 5. — La Neuville-sire-Bernard, 2. — Cachy, 1.
- Le nombre desdépartements ayant des adhérents aux principes d’arbitrage et de désarmement a augmenté de 3 ; celui des communes de 37. Les adhésions recueillies par le Devoir s’élèvent à 2396; elles sont réparties dans219 communes de 50 departements. Nous donnerons dans notre prochain bulletin un état de l’ensemble des adhésions.
- Réponses à quelques Objections
- contre l’Arbitrage
- Le plan est impraticable. Pourquoi ? L’arbitrage n’a-t-il pas déjà été appliqué en de nombreux cas ? Des différends qui eussent autrefois conduit à la guerre n’ont-ils pas été, de puis quelques années, résolus aimablement par ce moyen ?
- Le seul fait d’en appeler à une cour tenant s es séa n ces en public et,ainsi,mettant en lumière les mérites de chaque question, tendrait à introduire dès maintenant dans les négociations diplomatiques les pratiques les plus propres à développer l’esprit de paix, et même à prévenir dans bien des cas la nécessité d’un appel à la Cour, en supposant celle-ci instituée.
- La Cour d’arbitrage n’aurait aucune force pour imposer ses décisions. Tel ne serait pas le cas. L’opinion publique du monde civilisé serait intéressée au soutien de ces décisions ; les divers Gouvernements seraient engagés à les faire respecter ; la nation qui refuserait de s’y soumettre serait, pour ainsi dire, mise hors la loi de la communauté des nations.
- Les questions touchant h l’honneur national ne pourraient pas être soumises à une telle Cour. Et pourquoi pas ? L’honneur de toute nation serait parfaitement sauf entre les mains d’un tel tribunal. Les questions affectant l’honneur des individus sont constamment remises à l’arbitrage d’amis mutuels, ou tranchées par les tribunaux. Assurément l’honneur national n’est pas si particulièrement susceptible qu’il ne puisse être lavé que dans le sang.
- Le monde n’est pas préparé à l’arbitrage. Cette raison n’est pas valide ; toute réforme a été préconisée par une minorité d’individus dans un monde non disposé à la recevoir comme vérité. Si le principe d’arbilrage est bon, l’avenir lui appartient ; plus tôt on en fera ressortir les mérites, plus tôt il triomphera.
- Bulletin du Comité de Paris
- de l’arbitrage et de la Paix
- Séance du vendredi 16 janvier 1885 Présidence de M. Hippolyte Destrem.
- MM. Jules Gaillard, Ch. Boysset et Beauquier, députés, s’excusent par lettres; M. Laisant, député est présent.
- Le procès verbal de la séance du 20 décembre 1884, est lu et adopté.
- L’ordre du jour porte : Publication d’un bulletin mensuel.
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- Sur cette question, le Secrétaire soumet à la ' réunion une correspondance échangée entre lui et M. Godin.
- Membre de la sous-commission chargée de préparer la publication d’un bulletin, M. Desmoulins n’a pas cru devoir commencer l’étude de ce projet dès qu’il a eu reçu le premier numéro du bulletin publié par M. Godin, sons le nom de: Le Désarmement européen et l’Arbitrage international, bulletin de la Paix.
- Préoccupé de ne pas disperser des ressources précieuses, il a cru bon de soumettre tout d’abord à M. Godin, la décision du Comité de Paris et de lui demander d’accueilir dans son propre bulletin les communications dont le Comité jugerait à propos de saisir le public. Le directeur du Devoir annonçant qu’il tiendra à la disposition des divers groupes locaux des numéros de ses bulletins à des prix qui diminueront selon le nombre d’exemplaires que ces groupes demanderont chaque mois, il serait avantageux pour tous d’entrer en arrangement avec lui de telle sorte qu’il insère notre copie et que nous achetions ses numéros.
- Le secrétaire donne lecture de la réponse de M. Godin, qui écrit au sujet de cette proposition :
- c< Le Devoir a fini par provoquer un certain mouvement en France parmi les populations, et l’organisation d’un péti-tionnement aux Chambres est commencée. Si les propositions que vous me faites aujourd’hui doivent servir à accentuer ce mouvement, sans en rompre l’unité, je suis disposé à y faire le meilleur accueil. Mais si vos communications devaient avoir pour conséquence de jeter des incertitudes dans l’esprit des personnes qui agissent aujourd’hui sous l’inspiration du Devoir, je n’hésiterais pas à préférer garder l’indépendance de notre action et vous voir créer un autre mouvement à côté du nôtre.
- » Qu’un comité existe à Paris, que môme, à un moment donné, le Devoir lui remette toutes les pétitions et que le dépôt en soit fait aux Chambres sous les auspices du Comité, rien de mieux ; mais d’ici là, tout changement de front dans la ligne de conduite du Devoir aurait pour conséquence de paralyser le succès du mouvement. »
- M. la président appelle la discussion sur ce point essentiel de la lettre de M. Godin.
- MM. Laisant, Guébin, Brebner et Destrem ainsi que Mme Gricss-Traut y prennent part, et l’assemblée décide que le Comité de Paris enverra ses communications au bulletin de la Paix de Guise et qu’il fera en sorte de distribuer à Paris, à ses frais,le plus grand nombre possible d’exemplaires. Les correspondants de province recevront l’avis de s’abonner directement au bureau du bulletin de la PaixàGuise.
- Le Comité de Paris a décidé en outre qu’il demandera «à M. Godin des exemplaires delà pétition et qu’il fera tous ses efforts pour recueillir des signatures. Le moment venu il s’empressera de se mettre à la disposition des organisateurs du pétitionnement pour rassembler les pétitions et les déposer sur le bureau des deux Chambres.
- Le secrétaire n’a reçu aucune communication nouvelle de M. Hodgson Pratt, qui retourne en ce moment en Angleterre après un second voyage de propagande pacifique en Allemagne.
- Le bureau des Travailleurs Amis de la Paix d’Angleterre (Workmen’s Peace Association) a fait savoir au Comité de Paris qu’il vient de rédiger une adresse des ouvriers
- anglais aux travailleurs de France dans le but de protester, au nom des intérêts des classes ouvrières des deux pays, contre toutes manœuvres qui tendraient à diviser deux peuples si étroitement unis par les liens du travail et par leurs aspirations libérales et pacifiques. Le 15 février prochain, M. Burt, ouvrier, membre du Parlement, et président de l’association, W. R. Cremer, secrétaire et un certain nombre d’ouvriers anglais délégués viendront à Paris communiquer cette adresse aux ouvriers français dans une grande réunion.
- M. Laisant. — Dans ce môme moment, une conférence de diplomates pourrait bien être tenue à Paris dans le but de régler l’affaire égyptienne. Le meeting ouvrier sera l’anticonférence ! Je me charge volontiers d’avertir mes collègues acquis à notre cause de manière à ce que nous soyons aussi nombreux que possible à cette grande manifestation populaire internationale.
- M. Destrem. — Le Comité de Paris s’empressera certainement de se concerter avec le secrétaire de l’Association anglaise, M. Gremer, pour donner à cette manifestation l’importance quelle doit avoir. Nous convoquerons le Comité pour procéder, dés Iafin de cemois,auxpréparatifsdumeeting projeté.
- La séance est levée à onze heures.
- Le Secrétaire, Le Président,
- A. Desmoulins. Hippolyte Destrem.
- La guerre n’est pas populaire en Chine.
- Voici l’explication donnée parle journal Le Temps :
- « Il paraît que le vice-roi Tso-Tsung-Tang a ordonné de lever une contribution de guerre de 800,000 taëls (5.600.000 fr.) sur les trente personnes les plus riches de la province. Aussi,rien de moins populaire que la guerre dans les classes aisées. »
- Traduisons :
- Les classes dirigeantes chinoises étant condamnées à supporter les charges les plus lourdes de la guerre n’ont pas de patriotisme, même dans le cas d’une guerre défensive.
- En France, pays civilisé, les dirigeants dispensent leurs enfants de participer aux dangers de la guerre ; lorsque la patrie est meurtrie, ils prêtent leurs épargnes pour solder le prix de la rançon, à condition que l’Etat leur en paie perpétuellement un intérêt usuraire.Si la nation est vict orieuse, ils gardent pour eux le butin ; ils consentent à ne pas exiger plus de 4 50 °[0 de l’argent qu’ils prêtent à l’Etat pour acquitter les frais de guerre.
- Indépendamment de la possession du Tonkin, devant procurer aux classes aisées des fonctions militaires, civiles et commerciales, réservées à un certain nombre de leurs enfants; elles sont déjà assurées de placer plusieurs centaines de millions dans le prétendu emprunt national que rendront nécessaire les dépenses de cette expédition.
- Aussi, nos dirigeants sont-ils plus patriotes que les ri -chards chinois.
- Chez nous, c’est le peuple qui paie ; en Chine, c’est le contraire.
- Cette différence nous dispose à penser que,des deux peuples,le plus chinois n’est peut-êftre pas celui que l’on pense.
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- LE DEVOIR
- Conférence de M. Gaillard
- On lit dans l'Electeur d’Angers :
- Nous devons le compte rendu suivant à l’obligeance d’un des auditeurs de la conférence faite le 18 janvier, à la mairie d’Angers par M. Gaillard, député de Vaucluse.
- Je viens d’assister à la magnifique conférence de M. J. Gaillard. J’entends répéter autour de moi : Il faut qu’il revienne ! Il faut qu’il revienne 1 Je suis de l’avis du public. M. Gaillard nous laisse avides d’entendre encore sa parole entraînante ; puissante parce qu’elle est sincère, forte parce qu’elle est au service d’une conviction profonde.
- Ce n’est point à la passion pourtant que M. Gaillard s’est adressé. Il a mis de coté les lieux communs, il nous a montré le fléau de la guerre dans la grandeur sauvage des préparatifs, de l’exécution et des suites. Il a montré que la paix armée est plus ruineuse que la guerre elle-même. On peut dire qu’il n’a fait que de la statistique et de l’histoire. Mais quelle statistique et quelle histoire ! Quels tableaux saisissants ? Quelle accumulation de faits ? Quelle démonstration de la folie, de la stupidité des hommes. Le temps et la force me manquent également ; mais ce que je regrette le plus de ne pouvoir reproduire, c’est la vigueur, la clarté vraiment magistrale qu’à mises l’orateur à nous faire comprendre et sentir avec quelle facilité, lorsque les masses populaires en seront pénétrées, ces deux grandes idées : l’Arbitrage et la Neutralisation, chasseront la guerre et feront régner la paix. Il a magnifiquement développé cette belle devise de la Ligue internationale de la Paix et de la Liberté : « Si vous voubzla paix, faites la liberté et la justice.» Ce que je voudrais surtout reproduire, c’est l’étonnement de la foule émerveillée de ce langage nouveau, l’intérêt passionné qu’elle a mis à écouter cette parole vibrante, simple et vraiment républicaine, la stupeur où semblaient parfois la plonger des idées qui brillent devant elle comme une révélation. Les applaudissements qui ont fréquemment interrompu M. Gaillard et dont les salves redoublées ont salué ces dernières paroles, n’ont pas été seulement un témoignage d'admiration pour son talent, mais un remerciement public d’avoir déployé devant nous tant de grandes et généreuses idées. Angers, 18 janvier. Un auditeur.
- Pas de Prisonniers !
- Dans la commission des crédits sur le Tonkin, M. Clé-menceau a posé plusieurs fois cette question indiscrète :
- — On n’entend jamais parler de prisonniers?
- Il n’a pu obtenir que des réponses évasives.
- Une lettre particulière nous renseigne à ce sujet :
- « Un de nos engagements a duré quatre heures. Le tableau militaire a été complet : canons en b literies, salves d’infanteries, obus éventrant les maisons; puis l’assaut, bayonnette au fusil, donné par les tirailleurs, puis, dans la maison, lecaï-dé, le chef des rebelles; au milieu de la cour, où nos soldats mettent les armes en faisceaux, les drapeaux des vieux rois. Là,jetés pèle-mèle avec des lances, des gongs, des fusils, des mongs, des sabres, des habits et uniformes, des ké-ho de soie ; —un peu plus près de la maison du chef, où le colonel a établi son quartier général, un groupe de prisonniers.
- » On les interroge ; l’un deux se trouve mal; on le ranime. Quelques minutes après, des balles tirées à bout portant mettaient fin à leurs jours. Plus tard, nous avons appris que le prisonnier qui s’était trouvé mal était le fils du Caï-dé. En quittant le village, nos soldats mettent le feu à toutes les maisons, et l’incendie enveloppait de ses flammes les pagodes, les vieux arbres aux frais ombrage et les haies de bambous.» Quelle guerre !
- Les armées européennes
- Ce qui peut faire croire à l'impossibilté d’un conflit européen, c’est précisément le nombre et l’armement des armées actuelles. Les combattants se chiffreraient par millions et les canons de campagne par milliers.
- L’Allemagne, en comprenant sa landwehr, peut mobiliser une armée de 1.265.746 hommes, et dispose de 2.496 canons de campagne et de 1.325 canons de siège.
- La Russie a, chiffres ronds, 875.000 hommes et 2.214 canons ; la réserve de son armée se compose de 400.000 hommes, avec 786 canons, total : 1.275.000 hommes, et 2.982 canons. La seconde réserve russe est divisée en deux classes : la première classe contient environ 2.000.000 d’hommes ; aucune évaluation n’a pu encore être faite relativement à la seconde.
- En comptant les troupes territoriales qui peuvent être mobilisées, la France dispose de 1.038.000 hommes, avec 3.738 canons.
- L’Autriche a une armée de 800.000 hommes, laquelle renforcée par la landwehr cisleithanienne (138.000 environ) et hongroise (200.000 environ) s’élève à 1.143.000 hommes, avec 1.623 canons.
- Le Tyrol fournirait un appoint de tirailleurs égal à environ 20.000. Quant à la landsturm, elle est seulement organisée dans le Tyrol, le Voralberg et la Hongrie et s’élevait, en 1873, à 123.000 hommes.
- L’armée italienne se compose de 440.000 hommes, avec 984 canons, et d’une milice de 200.000 hommes avec 824 canons de campagne, ce qui porte la force totale de l’armée italienne à 640.000 hommes avec 1.108 canons. Dans ce chiffre ne sont pas compris les 50.000 hommes alpins et leurs 60 canons de montagne, dont toutefois font partie 72 compagnies de la milice territoriale.
- La force de cette dernière est d’environ 1.000.000, dont 300.000 hommes seulement organisés en régiments.
- Laissant de côté les armées actives, voici en résumé les forces territoriales de quatre pays militaires de l’Europe,dont les noms suivent :
- (a) Landwehr, cadres de réserve, armée territoriale (milice mobile) :
- France, 582.523 hommes et 824 canons.
- Russie, 400.000 hommes et 768 canons.
- Autriche, 348.000 hommes (sans compter les tirailleurs tyroliens).
- Italie, 200.000 hommes et 324 canons.
- (b) Landsturm (réserve de l’armée territoriale, milice territoriale) :
- Russie, 2.000.000 hommes (lre classe).
- France, 625 000 hommes.
- Italie, 300.000 hommes.
- Autriche, 125.000 hommes.
- La landwehr allemande se compose exclusivement d’hommes ayant servi dans l’armée active.
- Qui pourra dire toute la richesse que créeraient tant de forces humaines aussi, puissamment outillées pour la destruction, si les peuples avaient la sagesse de remplacer la guerre par l’arbitrage international ?
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- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- LXXII
- La guerre est le plus grand des obstacles qu'il y ait dans le monde à l’inauguration des réformes utiles, car elle ne laisse aucune sécurité aux peuples et elle détourne de leur but toutes les richesses qu’elle dissipe :
- Il faut abolir la guerre.
- VEILLONS ET SURVEILLONS-NOUS.
- Ce n’est pas le désarmement de la France'que nous poursuivons; notre pays ne doit pas diminuer ses forces militaires, s’il n’intervient une convention internationale entre tous les peuples en état de faire la guerre.
- Jusqu’à ce moment, nos moyens de défense doivent accumuler tous les perfectionnements que permettent notre richesse nationale et le tempérament de notre jeunesse.
- Même, plus les idées d’arbitrage international et de désarmement européen feront de progrès chez les peuples, plus il est à craindre qu’une brutale agression des gouvernements monarchiques nous mette dans la nécessité de recourir à une sanglante défensive.
- Les gouvernements nés de la réaction, vivant d’elle et pour elle, n’ont qu’un moyen de semain-enir quelques temps, en précipitant les peuples dans les courants d’idées absurdes que créent les exploits militaires.
- Gela est incontestable ; il se fait, à cette heure, chez tous les peuples civilisés de la terre, une sorte d’inventaire des théories et des pratiques sociales régissant les rapports actuels des individus, des gouvernements et des peuples. Des critiques et des projets, parfois étranges, que suscite cet examen, il commence à se dégager des conceptions nouvelles, positives, conformes aux intérêts de tous. Si on laisse librement se répandie les idées salutaires élaborées par cette fermentation universelle, les peuples ne résisteront pas à l’évidence des faits; et les gouvernements réactionnaires s’écrouleront sans qu’il soit possible de prévoir leur restauration. Les cerveaux arrivent insensiblement à posséder les premières notions de l’harmonie universelle des peuples ; ces premières conceptions sont suffisamment claires pour que l’on puisse espérer de grands et rapides pro-
- grès, si rien ne vient distraire les esprits des méditations qu’elles comportent.
- Une guerre dissiperait complètement ces heureuses dispositions. Pendant la période des exploits militaires et pendant les premières années qui suivraient la paix, les nouvelles impressions nées des victoires, des défaites, de tous les drames de laguerre,ne laisseraient aucune place aux sentiments
- que nous venons de constater; puis, il faudrait encore quelques années d’une nouvelle élaboration désordonnée pour revenir au point où nous sommes maintenant.
- Le travail préparatoire des esprits, en vue de la généralisation des bienfaits de la paix, a été trop souvent suspendu et recommencé; ne faisons pas une nouvelle école ; évitons de nous laisser prendre aux pièges des monarchies.
- Notre état républicain, à peine républicain, procure cependant aux amis de la paix une sécurité exceptionnelle en ce qu’il rend beaucoup plus difficiles les cas de guerre.
- Le gouvernement actuel fût-il, comme l’empire en 1870, résolu à bouleverser la paix européenne, ne pourrait jamais employer les moyens qui permirent à Napoléon III de déclarer la guerre à l’Allemagne.
- Si le gouvernement allemand a besoin d’unq guerre, nous pouvons être certain qu’il ne sera pas facile à sa diplomatie d’amener la France à jouer son jeu, comme cela est arrivé en 1870.
- Si, à cette époque, M. de Bismarck hésitait à prendre l’initiative d’une rupture qu’il désirait ardemment, c’est qu’il n’osait braver l'opinion du peuple allemand qu’il savait peu disposé à accepter les charges d’une guerre injuste.
- Les considérations, qui obligèrent alors la politique allemande à patienter jusqu’à ce que notre gouvernement impérial ait commis la faute de déclarer la guerre, sont plus fortes maintenant chez nos voisins qu’à aucun autre moment de leur histoire. Le chancelier allemand est obligé aujourd’hui de compter avec le parti socialiste, dont les aspirations pacifiques sont publiquement affirmées, et qui épie chaque faute du gouvernement par s’en faire une arme contre lui.
- Ces difficultés intérieures ne sont pas suffisamment compliqués pour contraindre le gouvernement prussien à renoncer à fomenter la guerre; sa politique extérieure prendra un peu plus de précautions, usera de plus de ruses, mais, dès qu’elle sera convaincue de ne pouvoir amener notre gouvernement à devenir provocateur,toutes
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- les habiletés seront mises en œuvre pour faire surgir un cas de guerre mettant les apparences de la justice du côté de l’Allemagne.
- Les bruits récents de voyage à Paris de M. de Bismarck n’étaient peut-être pas étrangers à cette tactique. Qui nous dit que, par ces rumeurs, on ne veuille provoquer des manifestations françaises anti-allemandes et juger d’après les représailles qu’elles soulèveront en Allemagne, quels sont les meilleurs procédés d’entretenir la haine entre les deux peuples ?
- Un fait indéniable est que l’Allemagne manœuvre discrétionnairement sur l’échiquier européen et qu’elle y manœuvre comme si elle était dans l’attente d’une guerre prochaine. Cette expectative est peu rassurante, de la part d’une puissance qui se croit maîtresse des destinées du monde.
- Jamais les préoccupations militaires n’ont été plus grandes à Berlin. Jamais, à aucune époque, l’entraînement militaire n’a été poussé plus loin.
- L’état-major de l’armée allemande multiplie les expériences avec une persévérance qui s’étend à tous les détails. Celle-ci n’est pas des moins curieuses :
- Le 13B régiment d’infanterie prussien,en garnison à Münster, est soumis en ce moment, par ordre supérieur, à des expériences d’un ordre tout nouveau : on a formé, à l’aide de sous-officiers et de soldats pris dans tout le régiment, une compagnie spéciale à qui l’on a donné l’équipement de campagne, et qui doit exécuter quotidiennement, pendant quinze jours, environ six heures de marches et d’exercices ; or, cette compagnie est soumise en même temps à un régime d’alimentation particulier : les hommes sont nourris exclusivement avez les conserves qu’on utilisera en temps de guerre, et l’on exerce sur eux une surveillance continuelle afin de les empêcher de rien prendre en dehors de la ration qui leur est délivrée ; ajoutons qu’ils sont pesés périodiquement.
- On veut se rendre un compte exact de la valeur nutritive des conserves et savoir si une troupe ainsi nourrie peut conserver longtemps les forces nécessaires pour supporter les fatigues d’une campagne.
- Si l’on en croit les journaux allemands, des expériences analogues seraient poursuivies actuellement dans d’autres garnisons.
- Ges précautions militaires disent assez quelles sont les aspirations du gouvernement du vieux Guillaume.
- La sagesse républicaine, seule, peut déjouer ces combinaisons monarchiques ; elle commande l’organisation défensive du pays ; elle impose la haine des organisations basées sur la prépondance du militarisme; elle nous fait prévoir qu’un choc franco-allemand coûterait à l’humanité des sacrifices humains immenses et des destructions incalculables de richesses ; elle nous enseigne qu’il serait raisonnable de savoir supporter,s’il le faut,quelques humiliations plutôt que d’ouvrir le champ à de sinistres événements par une susceptibilité exagérée, certains que nous sommes de déjouer finalement les pires conspirations des monarchies par une active propagande conforme aux besoins réels des individus et des peuples.
- Veillons, mais gardons-nous de nous laisser entraîner par un chauvinisme intempestif.
- Souscription en faveur de la propagande
- Tarbouriech à Cazoul....................... 2f » »
- Augarde à Yinon . .•................... 1 »»
- Aoust à Yinon................................ 1 »»
- SeisonàVinon................................. 1 »»
- Manuel Navaro à Vigo, Espagne................ » 60
- Total 5 60
- Listes précédentes.........................18 15
- Total à ce jour............................23f 75
- U administration du journal envoie gratuitement les bulletins d’adhésion à la propagande en faveur de l’arbitrage international et du désarmement européen.
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- Douze raisons de substituer l’Arbitrage à la Guerre pour les règlements des différends internationaux.
- Par John Noble
- I. La guerre est le plus effroyable des maux nombreux qui affligent l’humanité. Elle contredit les règles ordinaires de la morale, les enseignements de la chrétienté et donne corps à toutes les formes de violence et d’iniquité.
- II. La guerre fait appel aux mauvaises passions ; l’arbitrage, à la raison, à la conscience, au jugement.
- III. Jamais la guerre ne prouve quia raison des deux nations belligérantes ; elle démontre seulement laquelle des deux est la plus forte.
- IV. La guerre conduit les gouvernements à se faire juges eux-mêmes dans leur propre cause.
- Y. Dans la plupart des cas l’arbitrage est employé pour
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- régler les différends internationaux quand l’une des nations belligérantes ou, plus souvent, les deux sont épuisées par les combats.
- YI. L’arbitrage est toujours possible. Nous avons, de cette affirmation, le plus concluant témoignage dans cette déclaration du comte Russell :
- « Examinant toutes les guerres du dernier Siècle et re-» montant à leurs causes, je n’en ai pas trouvé une seule, » où, si l’on eût apporté emre les parties la modération vou-» lue, l’on n’eût pu résoudre les points en discussion sans » recourir aux armes. »
- VII. La guerre fortifie, chez chacun des belligérants, l’esprit agressif et dominatif qui serait, au contraire, tenu en échec et restreint par l’arbitrage. La nation victorieuse à la guerre et atteignant même le but immédiat de ses désirs n’en a pas moins son succès entravé par la haine à peu près inextinguible de la nation vaincue, haine qui rend de nouvelles agressions constamment menaçanles.
- VIII. La guerre entraîne les nations européennes, même en temps de paix, à une dépense annuelle totale d’au moins 390,051,932 Livres (9,773,795,800 francs); elle absorbe plus de A millions d’hommes, sans compter les réserves et les forces navales qui porteraient alors, à 14,149,915, le total des hommes enlevés aux travaux productifs et s’occupant à détruire la prospérité de leurs pays respectifs an lieu de l’augmenter.
- IX. Les intérêts moraux et matériels, la prospérité sociale et le bien-être du peuple, en tous pays, sont identifiés à la paix et développés par elle.
- X. La guerre est condamnée par son coût effroyable sur la vie humaine, par les mutilations quelle inflige aux victimes, par les douleurs des veuves et des orphelins, par les désolations qui marquent inévitablement sa voie, par les maux terribles et la démoralisation qu’elle a invariablement amenés pour l’humanité.
- XL Les résultats visés par la guerre ont été très rarement atteints ; le sang et les richesses ainsi dépensés ont donc été constamment gaspillés.
- XII. La guerre diffère complètement de l’esprit et des enseignements de la chrétienté, tandis que l’arbitrage serait le moyen de soumettre les nations au frein moral préconisé par l’Evangile.
- Lettre adressée à chacun des Députés
- de la République Française Monsieur,
- Les soussignés, en qualité de membres duComité de l’association de paix et d’arbitrage international, en Grande-Bretagne, désirent vous entretenir très-respectueusement d’une question d’importance vitale pour la France, l’Angleterre et le bien-être de l’Europe en général.
- Le titre même de notre association vous indique son but : l’entretien de la bienveillance et de la cordiulité entre les nations. D’accord avec les amis du progrès humain partout le monde, nous sentons profondément qu’une des premières
- conditions de ce progrès réside dans la paix internationale.
- Or, le maintien des bons rapports et de l’esprit de fraternité entre les nations tient surtout au sentiment du devoir et du respect mutuels dont les peuples sont possédés les uns à l’égard des autres. Il est donc de la première importance, dès que s’élève entre deux nations quelque différence de vues ou quelque apparent conflit d’intérêts, que des deux parts les hommes à l’esprit droit se consacrent à ramener la bonne entente. Les divisions proviennent fréquemment d’une entière méconnaissance des faits, d’affirmations erronées ou exagérées de la part de la presse, et d’appréhensions sur les motifs et le but de chacune des nations en cause.
- Nous avons vu récemment, avec un profond regret, l’exempt d’un tel malentendu dans une grande partie du public, à la fois en France et en Angleterre. Nous sommes dominés par le désir de faire tout notre possible pour redresser cet état de choses, et c’est pour y arriver que nous vous soumettons les observations suivantes :
- La grande majorité de nos compatriotes, depuis deux générations regarde l’étroite amitié entre la France et l’Angleterre comme de la plus grande importance, non-seulement pour le bien-être de ces deux nations, mais aussi pour la grande cause de la liberté des peuples dans le monde entier. Ces deux nations représentent d’une façon exceptionnelle le grand principe du gouvernement du peuple par le peuple. La cause de la liberté et du progrès politique souffrirait partout l’Europe, si des circonstances venaient à interrompre les relations pacifiques entre la France et l’Angleterre.
- En conséquence, il est du devoir de notre association d’affirmer aux députés français que les sentiments du peuple anglais ont été dernièrement méconnus de la façon la plus complète par une certaine partie de la presse française. Au nom des nombreux membres de notre association et de la majorité des habitants de notre pays, nous répudions toute pensée de jalousie concernant le développement des entreprises coloniales françaises.
- A nos yeux, il n’est pas de principe plus certain que celui-ci : « A notre époque la prospérité de chacune des nations dépend de la prospérité de toutes les autres. » Donc, si la France prospère en obtenant de plus grands débouchés, l’Angleterre bénéficiera, dans une mesure quelconque, de la prospérité de sa voisine. Il y a, du reste, tant de place pour les entreprises coloniales dans le vaste champ des pays à demi-civilisés, que nulle nation ne peut songer à s’en réserver le monopole.
- Si les opérations navales et militaires de la France, au Tonkin, à Tunis, à Madagascar, ont été critiquées dans les journaux anglais, la base de cette critique (fondée on non) reposait sur des principes reconnus et professés hautement chez nous, dans cette Angleterre même qui, elle aussi, a employé laforce à l’égard despays àdemicivilisés.Notrepropre expé-
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- rience nationale nous a enseigné que la prospérité domestique et la liberté civilesont mises en sérieux danger par le développement des entreprises navales et militaires. L’attention publique s’écarte alors des grandes réformes politiques et sociales ; un misérable esprit d’agression se développe, et l’objet principal—l’organisation de relations commerciales et industrielles — est compromis. L’expérience nous a enseigné qu’il est très-facile de s’ouvrir des marchés étrangers sans recourir à la violence, et qu’on a meilleure chance de trouver des acheteurs parmi les populations reliées à nous amicalement et dont les ressources n’ont pas été ravagées par la guerre, que chez celles à qui nous nous imposons par la violence et la dévastation.
- C’était donc sans le moindre esprit d'animosité que les journaux anglais mettaient fraternellement les Français en garde contre les résultats probables d’entreprises militaires analogues à celles dont l’Angleterre a fait l’expérience. Nous savons combien toute nation est sensible aux critiques des nations voisines, et nous blâmons vivement chez les journaux anglais quelqnes expressions que les citoyens français peuvent regarder comme des exceptions. Nous sommes prêts à reconnaître cordialement combien l’Angleterre a, dans le passé, prêté aux mêmes critiques formulées anjourd’hui contre le gouvernement français. Mais le progrès de l’opinion et le sentiment de la liberté ont toujours condamné et souvent entravé la politique d’injustice et de violence envers les races les plus faibles.
- Le comité de l’Association pour l’arbitrage et la paix internationale comprend que le principal motif de méfiance, d’amertume manifestée par une partie de la presse française à l’égard de l’Angleterre, a pris sa source dans la question égyptienne.
- La seule chose que nous puissions dire à ce sujet, en notre nom et au nom d’une grande partie du peuple anglais, c’est que nous n’avons jamais cessé, depuis la flagrante injustice commise par le bombardement des forts d’Alexandrie, de déplorer la présence des troupes anglaises en Egypte.
- Nous devons aussi affirmer que le peuple anglais s’est confié à la parole des Ministres. Il n’y a pas eu de protestation nationale contre la présence des troupes en Egypte,parce que les Ministres n’ont cessé d’assurer, dans les termes les plus explicites, que l’occupation n’était que temporaire. A maintes reprises, le gouvernement anglais a affirme ne poursuivre rien autre chose que la restauration de la paix, de l’ordre, d’un bon gouvernement et l’organisation du bien-être du peuple égyptien en général. Le peuple anglais espère et croit que son gouvernement ne cherche ni l’agrandissement de l’Angleterre, ni l’augmentation de ses possessions, ni l’occupation permanente de l’Egypte.
- Parmi les autres cas où la presse française a pu se méprendre sur les sentiments et les visées des Anglais, il faut
- citer la questionde paix ou de guerre avec la Chine. On a prétendu que les Chinois avaient été secrètement encouragés par les autorité* anglaises ou les négociants anglais, résidant enChine, à résister à la France. Mais un moment de réflexion montre que l’industrie et le commerce anglais sont des plus gravement atteints par les hostilités, et cela non-seulement au préjudice des classes riches, mais au grand dommage des milliers de travailleurs dont le gagne-pain est ainsi compromis. Encourager la Chine serait de la part de l’Angleterre non-seulement une immoralité, mais une sorte de suicide.. Il n’en pourrait résulter que des désastres commerciaux et industriels pour aboutir à la défaite de la nation la moins civilisée par la plus civilisée. Or, les pertes de la Chine diminueraient sa puissance d’achat ; quant à la France elle serait sous le coup des maux qui, au point de vue politique et industriel, frappent même les vainqueurs. Le sérieux désir de l’Angleterre est de voir la paix rétablie entre la France et la Chine ; et nous serions heureux si la médiation ou l’arbitrage anglais pouvait être accepté par la France.
- En raison des précédentes observations, nous nous confions aux représentants du peuple français à la Chambre des députés, pour vouloir bien élever la voix, au moment voulu, en faveur de rétablissement des relations les plus cordiales entre la France et l’Angleterre. A la Chambre même, comme dans les réunions entre les députés et leurs commettants, l’occasion de parler ainsi peut être, nous l’espérons, '^aisément trouvée.
- Un objet spécial de notre association est la vulgarisation d’informations sûres concernant les questions internationales qui s’élèvent de temps à autre. De concert avec ses alliées, les sociétés similaires françaises, notre société est prête à fournir l’exposé sûr des faits de cet ordre. L’expérience journalière montre que dans chacune de nos contrées les peuples sont constamment mal informés sur leurs sentiments et leurs actes respectifs.
- Nous remonterions à peine à une semaine pour trouver dans les journaux français quelque affirmation absolument erronée sur les motifs et la conduite du gouvernement anglais. Nul doute que votre expérience est la même concernant la presse anglaise. Il est donc urgent de voir fonctionner, des deux côtés de la Manche, des sociétés bien organisées ayant pour but de fournir aux deux nations des informations exactes et de les faire mieux se connaître l’une l’autre.
- L’importance considérable des sentiments d’entente et d’amitié entre la France et l’Angleterre sera, nous l’espérons, Monsieur le député, une excuse auprès de vous pour vous avoir envoyé cette adresse.
- Nous nous mettons avec empressement à votre disposition pour vous envoyer, toutes les fois qu’il vous plaira de les recevoir de nous, les informations de toute nature touchant les questions qui affectent les relations de nos deux pays, les documents officiels, les extraits de déclarations d’hommes pu-
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- blics ou d’écrits d’éminents publicistes. La possession de documents sûrs et exacts par les représentants du peuple et la presse est de la première-importance.
- Veuillez agréer, Monsieur, nos sentiments d’estime et nous croire tout à vous.
- Hodgson Pratt Président du comité exécutif.
- W. Martin-Wood, vice-président.
- George Buchanan, trésorier. k William Phillips, secrétaire honoraire.
- Lewis Appleton, secrétaire.
- Pioupiou et Réelssionnaire
- Un écrivain parisien, M. Robert Caze, frappé du contraste entre la vie si rude du soldat et le confort relatif procuré aux réclusionnaires dans certains établissements pénitentiers, a écrit dans le journal le Voltaire une spirituelle comparaison de ces deux existences.
- Nous différons avec M. Gaze dans nos conclusions : nous ne trouvons pas qu’on a trop fait pour réconcilier le coupable avec les conditions d’une vie honnête ; et nous ne pensons pas que la nécessité d’améliorer la situation du soldat, en attendant que l’on puisse s’en passer, exclue le perfectionnement de nos moyens de répression. Le rédacteur -du Voltaire aurait dû pousser plus loin ses investigations. Si, en sortant de Poissy, il avait jeté un coup d’œil dans Tes somptueux hôtels, dans les brillants établissements où se prélassent au milieu de tous les raffinements du luxe les héros de la faillite, du concordat, les lanceurs de fausses nouvelles et d’actions frelatées, gens souvent plus coupables que les pensionnaires de Poissy, M. Gaze aurait écrit des lignes encore plus saisissantes.
- Voici une partie de l’article du Voltaire :
- « Soldat, petit pioupiou d’un sou, bon enfant sans tache et sans reproche, qui verses ton sang pour le pays aux quatre coins de l’univers, tu ne manges pas un pain aussi blanc que celui des réclusionnaires de Poissy. Ta cuisine est moins proprement faite que la leur.
- « Tu peines, tu t’échines sans compter, tout simplement parce que le devoir le veut, et tu n’as qu’un sou par jour pour faire le jeune lnuimî. Le récidiviste ale droit de dépenser huit sous sur les deux, trois et même six francs qu’il gagne. On lui sert un demi litre de vrai lait pour dix centimes. Il peut s’offrir du rata tous les jours.
- » On envoie enfin aux siens, s’il le veut, l’excédent de ses gains. L’an dernier, les familles des détenus de Poissy ont touché ainsi vingt mille francs.
- » Eh bien ! je le demande franchement : n’y a-t-il pas là'une tentation constante à la récidive? Le vagabond vole pour se faire enfermer et parce qu’en somme il est mieux dedans que dehors. À la longue, il s’est fait à l’horrible promiscuité de la centrale, où il a même ses relations. Et quelles relations ! Elles sont huit fois sur dix si inavouables que le directeur de Poissy supprime actuellement les dortoirs et les remplace par
- des cellules. Ces messieurs auront leurs chambres. J’ai vu leurs lits. On leur donne jusqu’à trois couvertures. A quand l’édredon ?
- » Jeunes gens de ma génération, vous avez connu le séques tre, l’horrible prison des lycées perchée sous les toits. Vous y avez pleuré vos gros chagrins d’enfants,gelés en hiver, rôtis en été. Allez voir les cellules de Poissy, celle même où a été enfermé Bayard. Au lieu de carreau, elle a un parquet ciré, luisant d’encaustique. Elle est éclairée par une large baie vitrée de soixante-quinze centimètres. Elle est enfin plus large, plus spacieuse que beaucoup de chambres d’étudiant.
- » Le soldat condamné à la salle de police couche sur des planches. Le détenu en cellule a un lit. Le collégien séquestré reste enfermé toute la journée. Le détenu puni a un petit préau dans lequel il prend l’air. Mais, me direz-vous, on lui met les fers, et Bayard les a eus. Soit. Mais ces fers, je me les suis fait mettre, et j’affirme que ceux des pieds et ceux des mains ne pèsent pas ensemble plus d’un kilogramme. Quel est le poids de ceux dont on charge nos braves marins ?
- » Allons donc ! Si nous avons ‘de la sensiblerie à revendre, réservons-la d’abord à ceux qui en sont dignes. »
- LES DEUX PATRIOTISMES EN ACTION
- I
- PATRIOTISME MILITAIRE
- Des mots. — A l’occasion du jour de l’an, l’empereur d’Allemagne a adressé à la municipalité de Berlin, une lettre contenant un passage ainsi conçu : «Je suis particulièrement heureux de constater que les efforts que j’ai faits pour consolider la paix, par des entrevues personnelles avec les souverains des deux grands Etats voisins, ont eu un heureux résultat. Cette garantie de la paix extérieure est en même temps le gage de la marche prospère des affaires intérieures.»
- Usine Krupp. — On vient d’essayer au polygone de Neppen, récemment organisé par l’usine Krupp, un mortier rayé de 24 centimètres, qui parait devoir être la plus grosse pièce de siège de l’artillerie prussienne. Cette pièce est en acier et lance un projectile qui pèse 136 kilogrammes. Le poids total du mortier ne dépasse cependant pas 1,000 kilogrammes, tand.s que le mortier de 24 centimètres, celui-là même qui servit, en 1870, au bombardement de nos places fortes, pesait 2,800 kilogrammes.
- Nouveau fusil. — Les commissions techniques de Berlin et de Darmstadt s’occupent, depuis longtemps, du fusil à répétition Hebler. Le calibre de ce fusil est de 8 millimètres seulement, et son poids est de 200 grammes inférieur au poids du fusil Mauser. Quant à la cartouche, elle pèse 35 grammes, soit 7 grammes de moins que la cartouche ordinaire.
- Précautions du Maroc. — Récemment deux officiers d’artillerie du Maroc et onze soldats de même arme, revêtus de longs manteaux blancs et couverts de képis rouges, sont arrivés à Essen, pour étudier sur le champ de tir le fonctionnement des canons Krupp.
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- La balle Lorenz. — A Carslruhe, la manufacture Lorenz a inventé un projectile en acier comporind. La balle, composée d’une capsule en acier et d’un noyau en plomb, promet des résultats terribles. On peut en juger d’après les essais.
- A trente pas de la bouche du fusil cette balle a traversé 3 millimètres de fer, 27 centimètres de bois de hêtre et 40 centimètres de sapin. Le projectile n’avait subi aucune altération.
- Une balle ordinatre tirée, contre une tête de cheval, s’aplatit sur l’os frontal, y fit un grand trou, laissa de nombreux éclats dans le cerveau et resta enfoncée dans la paroi postérieure du crâne. Le projectile Lorenz, au contraire, traversa les deux parois du crâne en y pratiquant que de petites ouvertures, et pénétra ensuite à un mètre de profondeur dans une butte.
- Le rédacteur du Deutsche Heeres Zeitung, d’où sont tirés ces renseignements, fait remarquer que cette balle peut tuer plusieurs soldats placés les uns à la suite des autres. Cela pourra faire penser aux dynamiteurs et autres nihilistes que le despotisme enfante comme la pourriture engendre les moisissures,à utiliser un jour ces belles découvertes pour tenter en certaines occasions de faire coup double.
- Une mitrailleuse. — Un inventeur américain, M. Heram Maxim, vient de soumettre à l’examen du gouvernement anglais une mitrailleuse automatique à tir continu, qui paraît être le dernier mot de l’art de tuer. C’est une sorte de petit canon-revolver porté sur un trépied et combiné de manière à utiliser le recul produit par chaque détonation. Au lieu de se perdre, comme dans une arme à feu ordinaire, cette force sert à débarrasser la chambre de tir de la cartouche vide et à y porter une cartouche nouvelle. La pièce, une fois montée et mise en position, tire toute seule et d’une manière continue, aussi longtemps qu’on lui fournit des munitions.
- Le journal le Temps fait à propos de cette nouvelle la réflexion suivante : « Ce serait peut-être une arme inappréciable contre des adversaires comme ceux que nos troupes ont devant elles au Tonkin. » Notre confrère aurait pu dire, avec non moins de raison : Si les Chinois se servaient de cet arme contre nous, ils pourraient nous créer de graves embarras. Dans l’art de massacrer, il n’y a pas de privilèges.
- La civilisation militaire. — C’est, dit le journal des Etats-Unis d’Europe, avec l’espoir de recevoir un démenti formel que nous reproduisons le passage suivant d’une lettre écrite à bord de l'Adour, le 22 octobre dernier, par un marin ou un soldat français : «.... Pendant la nuit,le général Négrier fit son plan d’attaque et, à la pointe du jour, la chose fut faite comme il l’avait ordonnée, aussi les Chinois ont été rudement secoués. Les deux généraux ont été pris et fusillés sur le champ, plus 200 prisonniers que le général a donnés comme but aux meilleurs tireurs de la colonne. »
- Inconstance de la gloire militaire. — Le commandant Rivière, dont on avait tant vanté la mort glorieuse, ne mérite pas les honneurs de la postérité, si l’on uge d’après l’ordre du jour suivant : « Pour perpétuer le
- souvenir des officiers tués à l’ennemi ou décédés au Tonkin, le général commandant le co rps expéditionnaire a décidé que les chaloupes à vapeur énum érées ci-après seraient appelées désormais comme il suit :
- Noms actuels : Noms nouveaux :
- Ruri-Maru Balny
- Henri-Rivière Douvet
- etc. etc.
- L’Union des femmes de France. — On annonce que les expéditions de linge et de vivre faites par l’union des femmes de France ont été accueillies avec reconnaissance par nos soldats et nos marins de Formose. Une section de cette société vient d’être créée à Cahors. Sa devise est charité et dévouement. A notre avis,si l’intervention de cette société est nécessaire, cela est une preuve que l’administration militaire est coupable en ne disposant pas d’une organisation suffisante.
- Mesdames de VUnion des Femmes de France, comme il serait plus charitable et plus humain d’ajouter à cette mission de soigner les blessés, celle de propager les théories tendant à l’abolition de la guerre.
- Nos jeunes dirigeants. — Les étudiants parisiens, il y a quelques semaines, épris d’un accès de chauvinisme et de jalousie envers leurs collègues étrangers inscrits à la faculté de médecine de Paris, ont fait quelques manifestations pour protester contre l’admission des étrangers en qualité d’internes de nos hôpitaux.
- Pauvres Japonais. — Une mission japonaise,’ composée de deux chefs de division de la préfecture de police de Yeddo et d’un interprète, est arrivée à Paris afin d’étudier sur place l’organisation de notre préfecture de police. Cette institution, qui existe à Yeddo depuis près de cinq ans, a été fondée conformément au type ce la préfecture de Paris.
- On ne pense pas à tout. — Dans une récente commande de deux canonnières d’un nouveau modèle, destinées au Tonkin, l’administration de la marine pense à tout, sauf à spécifier quelle serait la vitesse , qu’on supposait devoir être de 8 nœuds. A la livraison, on constata que la vitesse n’était que de 3 nœuds 47 F[2. 11 a fallu agréer quand même les canonnières.
- D’autres canonnières, sont parties sans qu’on les ait essayées avec leur artillerie. A destination, lorsqu’on a voulu utiliser les canons, on s’est aperçn que les tôles, à l’entour des pièces, n’avaient pas assez de résistance pour supporter le recul.
- C’est donc au Tonkin qu’il a fallu reprendre ce travail ; et, avec les moyens dont on dispose là-bas, ce sera long !
- Erreur compte. — Au mois de novembre 1883, Paul D..., un employé de commerce très recommandable, était, sans aucune explication, envoyé par l’administration militaire en Algérie et incorporé dans un régiment disciplinaire.
- Signalé comme un individu dangereux, des punitions excessives lui étaient infligées pour la moindre incartade. On poussa les choses jusqu’à lui faire subir le simulacre du fu-sillement. Enfin, pour un fait qui, dans une autre garnison
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- lui eût valu quatre jours de consigne, il fut condamné à soixante jours de cellule.
- Après de longues démarches, la famille parvint à prouver que les griefs contre leur enfant provenaient de ce qu’un individu s’était attribué l’identité du jeune D... et fait condamner sous le nom de ce dernier a des peines diverses. Cette erreur a été reconnue au moment où D... venait d’être condamné à soixante jours de cellule ; punition qu’il sera obligé de subir quand même.
- Ingratitude du patriotisme militaire. — En
- 1870, le 26 novembre, Galliet employé à la gare de Boves, que l’administration avait abandonnée à la suite de l’armée française reculant devant les forces supérieures des Prussiens,, après deux jours de lutte soutenue aux environs d’Amiens, avait résolu de rester à son poste et de se maintenir en communications télégraphiques avec le bureau d’Amiens, tant que les appareils seraient en état de fonctionner.
- Les obus détruisirent la gare, éventrèrent le bureau télégraphique, Gaillet ayant cherché à protéger ses appareils contre les éclats d’obus en les entourant de tous les livres et registres qu’il avait pu se procurer, ne quitta son poste que lorsque le manipulateur lui fut arraché des mains par un coup de mitraille. Alors, ce vaillant, emportant tous les papiers qui auraient pu livrer aux prussiens quelques indications utiles, chargé, en outre, de sa caisse, ne cherchant pas à se cacher', parvint à rejoindre les lignes françaises malgré le feu incessant de l’ennemi.
- Aujourd’hui, Gaillet occupe à Marie la plus modeste fonction, sans avoir reçu aucune récompense de sa belle conduite.
- II
- LE VÉRITABLE PATRIOTISME
- Nos jeunes. — Dans le xixe arrondissement de la ville de Paris, il a été fondé depuis deux ans une société mutuelle entre le grand nombre d’élèves des écoles primaires ; elle compte déjà 2072 sociétaires, et 208 membres honoraires.
- En échange d’une cotisation hebdomadaire de dix centimes, les parents des jeunes sociétaires malades reçoivent une indemnité de cinquante centimes par journée de maladie ; en cas de décès, les frais d’inhumation sont à la charge de la société.
- La société scolaire du xixe arrondissement ne s’arrête pas à la pratique de la mutualité ; elle est aussi une société de prévoyance : elle distribue en effet à ses adhérents des livrets nominatifs de la caisse des retraites, pour lesquels la moitié des versements effectués par les enfants se trouve réservée.
- Le montant des cotisations hebdomadaires recueillies s’élève à plus de 25,000 francs.
- Substitution de l’assistance sociale à la Charité. — On vient de décider la fondation à Paris d’un asile national, dans lequel seraient reçus les convalescents sortant des hôpitaux et où ils pourraient trouver un travail rémunérateur jusqu’à ce qu’ils soient capables de travailler au dehors ; l’administration de l’asile aurait un service spécial destiné à recueillir les demandes des patrons.
- Les commis-voyageurs. — Les deux sociétés d’assistance des commis-voyageurs sont saisies d’une excellente proposition de M. Soupot, représentant de fabriques. Le projet de M. Soupot vise l’établissement dans diverses régions de la France de trois ou quatre maisons de santé, que ces sociétés feraient construire dans les meilleures conditions hygiéniques, où seraient envoyés en traitement les sociétaires malades. Ces sociétés sont suffisamment puissantes pour réaliser ce projet.
- Ces fondations du patriotisme qui respecte et honore la vie humaine, établies par des citoyens que leur profession maintient constamment en voyage, deviendraient bientôt des exemples connus de tous ; elle seraient d’un excellent exemple pour la vulgarisation des oeuvres de la paix.
- Les savants se mettent à l’œuvre. — M. Ernest Frémy, membre de l’institut, propose la création d’un comité destiné à venir en aide aux savants sans fortune. M. Frémy accompagne sa proposition d’une souscription de 5,000 francs. Il y aurait trois classes desavants : la première classe recevrait une pension annuelle de 6,000 francs; la deuxième une pension de 4,000 ; la troisième, enfin, une pension de 2,000 francs. Afin d’entretenir une émulation constante parmi les pensionnés, la subvention ne serait faite que pour un an ; elle serait d’ailleurs infiniment renouvelable. Cette institution serait entièrement réservée aux savants qui se livrent à la recherche des vérités scientifiques de la science pure et qui sont comme les volontaires de la science.
- Enfants abandonnés. — L’assistance publique de Pans, a reçu, à l’occasion du jour de l’an, pour les enfants moralement abandonnés, de M. Edouard Kohn, 3,000francs; de M. le baron de Sarter 200 fr.
- Une bonne patriote. — Madame la baronne Ay-mard, mère du général Aymard, vient de donner 200,000 francs à la commune de Villemontasson, lieu où sont nés ses enfants.
- Un bon républicain. — Les trois villes de Guin-gamp, de Lannion, de Morlaix, vont entrer en possession du legs que leur a fait en mourant M.du Laurens de la Barre, riche propriétaire du département des Côtes-du-Nord.
- Ce legs s’élève au chiffre respectable de 150,000 fr., dont le revenu sera affecté à doter, tous les trois ans, cinq jeunes filles pauvres de Morlaix, mais à une condition expresse, c’est que les familles des candidates ne soient ni bonapartistes, ni légitimistes, et surtout point cléricales.
- Il faut qu’elles soient résolument et fermement républicaines.
- Les paysans républicains. — Le meilleur moyen de réformer la magistrature est de ne pas s’en servir ; c’est ainsi que l’ont compris les vignerons de Sancerre. Ces travailleurs viennent de se constituer en chambre syndicale. Les statuts sont rédigés en tous points dans un sens nettement progressiste. Le dernier article dit :
- « Afin de maintenir le bon esprit de fraternité dans la Société et de justifier son titre l’Union Sancerroise, si un différend vient à surgir entre les sociétaires, ceux-ci sont invités à le faire régler par des arbitres qu’ils choisiront eux-mêmes parmi leurs associés, />
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- Une héroïne. — La notice biographique suivante que nous empruntons au Petit Parisien, est le récit duneexis-tence de femme modestement consacrée à l'éducation de l’enfance ; mais avec une telle persévérance, avec un tel oubli de soi-même que nous n’hésitons pas à la considérer comme plus noble et plus grande, plus digne de la vraie gloire que les plus vaillants capitaines.
- Nous laissons la parole à notre confrère :
- Il vient de mourir à Nantes, un hnmble viedle femme dont le nom mérite d’être salué en passant, au milieu du tourbillon de faits qui composent la capricieuse « actualité »....
- Celle-là n’a jamais cherché à appeler bruyamment 1 attention sur elle. Elle s’est bornée à accomplir simplement, honnêtement, modestement son devoir, à se dévouer pour les enfants quelle a aimés d’une affection généreuse et ardente.
- Il s’agit de la doyenne des institutrices de France, Mme Moreau, qui s’est éteinte à quatre-vingt-dix ans.
- Pendant soixante ans — soixante ans, entendez-vcus bien — elle s’est donnée à cette tâche d’instruire les tout petits, de former leur jeune âme aux premiers principes du bien, de faire de ses élèves, pour l’avenir, de braves gens...
- Combien de générations d’écoliers lui sont passées par les mains 1 Elle avait connu les pères et les mères, voire les grand’mères, de ceux âqui elle apprenait encore à lire et à écrire.
- Lorsque l’heure de la retraite s’imposa, elle continua volontairement son apostolat laïque, se consacrant alors par un élan admirable de charité, aux êtres souffreteux, infirmes, qui ne pouvaient suivre des classes régulières, aux intelligences arriérées s’ouvrant difficilement.
- Ce futuneàme d’élite, que cette institutrice pauvre jusqu’au dénûment, qui ne demanda jamais d’autre récompense que celle d’un sourire, d’une caresse d’enfant, et que l’amitié de ceux qu’elle avait instruits —• à l’âge où ils pouvaient profiter de ses leçons de droiture et de justice.
- La seule fierté quelle connût était celle que lui inspirait une action de courage, d’honnêteté, quelque effort laborieux, accompli par une de ses anciennes élèves.
- C’est en des temps difficiles quelle exerçait son humble profession, qui lui paraissait, avec raison, une des plus belles qu’on puisse embrasser, quand on a la conscience de l’influence quelle peut avoir. Elle avait été en butte à toutes les embûches des religieuses, jalouses de son autorité sur les cœurs simples, en une époque où le clergé était tout-puissant et où les instituteurs laïques étaient presque suspects.
- Rien ne 1 avait découragée ni rebutée : elle avait supporté toutes les injustices avec résignation. Il lui suffisait de savoir que le bien qu'elle semait ne serait pas perdu.
- Elle racontait elle-même, dit-on, à quelqu’un qui lui demandait qu’elle a été la plus grande joie de sa vie, qu’elle n avait jamais senti meilleure émotion que lorsqu’un enfant idiot, qui avait découragé tout le monde, avait au bout de vingt-huit mois, grâce à sa patiente et constante volonté, pu lire une ligne entière sans hésiter...
- Aussi, pendant toute sa longue vie, cette éducatrice du peuple, des petits, des déshérités, n’apas eu d’autre but que de se rendre utile, que de se dévouer. Avec une incroyable abnégation une abnégation de trois quarts de siècle ! — elle a
- tout sacrifié 4 la mission quelle s'était imposée d’ouvrir le esprits et de former les intelligences... g
- Qui connaît son nom, pourtant, qui gardera son souvenir ?
- Une existence entière consacrée au plus austère devoir, belle affaire ! Ce qu’il faut au public, ce sont des scandales pour qu’il fasse sortir une personnalité de la foule ! On sait le nom de la plus infime actrice de café-concert, et on ignore celui des femmes de cœur qui sont pour la France un vivant honneur !
- Un nouveau journal français, l’Europe vient de paraître à Londres sous la direction de M. Charles Détré.avec M. Lucien Aubanel comme principal collaborateur. Des écrivains de premier ordre, au nombre desquels nous comptons MM. Hector France, docteur De Paepe et Victor Le Lubez, ont promis à l’Europe le concours de leur plume.
- L’Europe est un journal de grand format, bien écrit et fait avec l’intention de servir de trait d’union entre la France et l’Angleterre. Ce sera l’organe de la colonie française.
- BON EXEMPLE
- En Angleterre, les comités arbitragistes poursuivent leur campagne avec une remarqable persévérance. Les souscriptions continuent à affluer dans les caisses des sociétés d’arbitrage. Le journal de la Ligue internationale, dirigé par M. Hodgson Pratl, a encaissé pendant le dernier mois plus de deux mille cinq cents francs destinés à la vulgarisation des théories arbitragistes. 11 faut reconnaître que cette question n’a jamais cessé depuis longtemps d’etre agitée en Angleterre, tandis que chez nous elle semblait ne pas devoir sortir du cercle de quelques hommes plus disposés à la considérer sous ses aspects philosophiques.
- Nous ne doutons pas que, à brève échéance, l’agitation sera devenue suffisamment puissante, en France, pour faire comprendre aux personnalités dirigeantes qu’elles doivent encourager d’une manière effective le mouvement en faveur de la paix.
- CORRESPONDANCE
- Marseille, le Ie* février 1885.
- Monsieur,
- Comme je vous l’ai annoncé, le mouvement paraît vouloir prendre une grande extension.
- Nous préparons des conférences dans les cercles marseillais. Dans une première visite aux conseils d’administration des cercles de Bellevuf1. et Ariégeois, j’ai été dépouillé de ce que j’avais de bulletins d’adhésion ; ils me seront rendus aussitôt signés.
- Leydet
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- Givors, 30 janvier.
- Monsieur,
- Je me fais un devoir de vous signaler la bonne impression produite sur les délégués sénatoriaux du département du Rhône, réunis le 28 janvier, salle de la Bourse, à Lyon, par l’exposé de nos idées sur la substitution de l’arbitrage à la guerre.
- L’approbation générale, donnée à l’orateur qui a traité ce sujet, prouve que l’idée fait son chemin.
- Les idées belliqueuses n’existent plus que dans l’esprit des quelques rares partisans d’anciens préjugés qui voient encore la gloire séparée de ce qui est une honte pour l’humanité.
- L’erateur qui a courageusement soutenu cette question est le citoyen Lourd Benoit que vous connaissez déjà, sans doute, par le dévouement qu’il ne cesse d’apporter à cette cause.
- Je puis vous dire que, pour la première fois que cette question est posée devant une assemblée de ce genre, le succès est énorme.
- Je vous informe également qu’une conférence organisée par les membres de la société française des amis de la paix de cette ville,aura lieu le dimanche 22 février,à Givors.
- Le conférencier est le sympathique député de Vaucluse, M. Gaillard. Le sujet de la conférence est la guerre et l’arbitrage.
- On prévoit déjà un grand succès pour cette conférence; je tâcherai de vous en donner le compte rendu.
- J. P. Desgrange.
- Ile-Rousse, janvier 1885.
- Monsieur,
- Je m’empresse de répondre à votre appel relatif à la propagande de la Paix entre les individus et entre les peuples.
- En Corse, l’Ile-Rousse a pris l’initiative : l’idée sublime d’arbitrage rayonne dans l’arrondissement de Calvi ; elle ne peut tarder à se répandre dans l’île entière____
- Les individus de tout sexe et de toutes conditions que la civilisation progressive a élevé au-dessus des barbares savent que la guerre se nourrit de sang, de larmes, qu’elle est par conséquent l’ennemi des familles et des peuples : ils l’abho-rent autant qu’ils doivent aimer la réalisation de l’arbitrage, moyen puissant de défense commune.....
- La Corse, petite en étendue, grande dans l’histoire, a fait pendant plusieurs siècles la guerre défensive contre les exploiteurs puissants, cruels et insatiables.
- Avant 89, elle a proclamé le principe de la souveraineté du peuple. Vendue,par ses oppresseurs expulsés,au roi « après m°i le déluge,» soumisë ensuite par la force primant le droit, conquise enfin moralement par les bienfaits, seul moyen de gagner les âmes et les cœurs, la Corse, département français, n a jamais été la dernière sur les champs de bataille ; le serait-elle dans le mouvement vers la paix entre les individus et entre les peuples ?
- La presse insulaire, qui a tant crié, avec raison, contre le choléra, parlera avec plus d’ardeur contre la guerre qui est cause première du choléra et de tant d’autres maux.
- Le géant des batailles, lui-même, n’a-t-il pas dit, il y a 72 ans « ia gUerre es| un métier de barbares, où tout l’art con-Slste à être le plus fort sur uft point donné. »
- Je me plais à penser que le département de la Corse prête l’oreille à la voix retentissante du progrès pacifique et libérateur.
- P. A. Ambrogi.
- De nombreuses lettres venues de divers autres parties delà France, nous annoncent que, des hommes d*e bonne volonté se préparent à nous prêter un concours dévoué. Nos amis qui ont surmonté les difficultés si considérables des premières tentatives comprendront que leurs exemples, s’ils continuent à faire preuve delà même persévérance, seront de puissants encouragements pour les nouveaux venus.
- La Société française des Âmis de la Paix
- Dans l’une de ses dernières ré i nions, le conseil d’administration de la société française des Amis de la Paix a décidé l’envoi, à tous ses sociétaires, adhérents et correspondants, d’une circulaire réclamant, en vue des diverses élections législatives, qui auront lieu cette année, leur concours le plus actif. Voici le texte de cette circulaire :
- Le peuple est souverain, le corps électoral est le maître.
- Et c’est à un maître, c’est à celui qui subit tou tes les horreurs de la guerre, à celui qui en supporte tous les frais, que nous devons nous adresser.
- C’est donc à lui, à ce maître souverain, à ce corps électoral qui, cette année, fera légalement entendre sa voix toute-puissante, que nous devons nous adresser et dire :
- Si vous êtes las des charges que ce régime de guerres incessantes vous impose;
- Si vous ne voulez pas que la dette publique continue de croître;
- Si vous ne voulez pas que les impôts si lourds, que vous supportez, suivent la marche progressive qui, depuis un demi-siècle surtout, leur a été imprimée ;
- Si vous ne voulez pas que vos enfants continuent d’aller verser leur sang dans toutes les contrées du globe, sans que, ni vous ni eux, sachiez au juste pourquoi ;
- Si vous trouvez que les travaux de la guerre sont ruineux, tandis que les travaux de la paix sont productifs ; que le service militaire vous enlève chaque année les bras vigoureux de vos enfants et vous laisse, à vous seuls, la charge des plus débiles, des plus jeunes, qui vous seront enlevés à leur tour quand ils auront acquis la force de vous aider dans vos rudes travaux ;
- Si vous trouvez tout cela, si vous pensez que, de même que dans les contestations civiles, il vaut mieux reeourirà l’arbitre qu’aux procès, de même, dans les contestations internationales, il vaut mieux recourir à l’arbitrage qu’à la guerre.
- Eh bien ! dites-le ; dites aux candidats qui solliciteront vos suffrages, que vous exig z d’eux, avant tout, rengagement formel de ne voter aucune guerre, aucun subside, aucun emprunt des-
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- tiné à l’alimenter, sans que, au préalable, la question soulevée n’ait été soumise à un arbitrage international.
- Ce langage sera entendu, nous en avons l’assurance, et c’est pour attendre que la société française des amis de la paix adresse à tous ses amis l’appel je plus énergique. Que chacun s’efforce d’organiser, dans son entourage, un comité électoral pacifique et arbitragiste ; que chacun d’eux s’adresse aux journaux de sa localité pour obtenir leur appui ; que chacun d’eux enfin, convaincu delà vérité de cet adage : l’Union fait la Force, corresponde avec nous et nous tienne au couranl des bonnes volontés qu’il rencontrera.
- Nous ne fai dirons pas à la tâche, nous unirons nos efforts à tous les efforts, et, à cet efîut, nous saurons.constituer un ou plusieurs comités électoraux qui auront pour mission de centra’iser l’action commune, et de favoriser, par tous les moyens possibles la propagation des idées de paix, d’arbitrage, de justice, c’est-à-dire de civilisation et de véritable progrès.
- Pour le .conseil d’administration :
- Les membres présents à la séance,
- MM. Ad. Franck, membre de l’Institut, président honoraire ;
- Frédéric Passy, député, membre de l’Institut, président ;
- Emile Beaussire, membre de l’Institut, vice-président ;
- Henri Dumesnil, vice-président ;
- Eschenauer, administrateur délégué ;
- Jules Levallois, secrétaire-général ;
- Eugène Bonnemère, Marin Nottelle, Edmond Thiaudière.
- ......... - ———----------------------
- LES AMIS DE LA PAIX EN AMÉRIQUE
- Nous avons sous les yeux le compte rendu de la séance dans laquelle la Pennsylvania peace society a célébré il y a quelques semaines le dix-huitième anniversaire de sa fondation, sous la présidence de Mme Sarah Rogers. Après lecture d’une corres-dance dans laquelle nous trouvons mentionnée une lettre écrite par notre Ligue au sujet de la Conférence de Berlin, la société, après avoir entendu les rapports de ses différents comités, a pris dix résolutions, parmi lesquelles nous remarquons principalement les suivantes :
- } P Etablissement d’une Cour internationale d’arbitrage qui résolve pacifiquement tous les conflits que les peuples n’auront pu terminer amiablement entre eux.
- 2° Tribunaux d’arbitrage établis dans toutes les Communautés et Associations, pour la solution de tous différends commerciaux, civils, domestiques ; Création de Cours d’arbitrage dans toutes les Universités.
- 3° Déclaration que le principe de neutralisation des territoires,. des fleuves, des canaux, est un principe de paix ; confiance dans les résultats de la Conférence ouverte à Berlin.
- 5° Déclaration que la France et la Chine doivent accepter la médiation de l’Angleterre, et qu’à son tour l’Angleterre devrait cesser ses démonstrations belliqueuses en Egypte et partout ailleurs.
- Déclaration que l’intempérance est trop souvent une ennemie, cause de guerre, et que la tempérance doit être reconnue comme un facteur de la paix.
- L’assemblée s’est séparée après avoir teuu trois séances et nommé pour présidente Mme Sarah Rogers, pour Vice-présidents, MM. Alfred H. Love, T. Elxood, Longshore, T. Jüdson, Whitney, Lydia H. Prince, Clayton, B. Rogers.
- Adhésions aux principes d'arbitrage et de désarmement enropéen
- Jura. Mesnay — Guyot, Arthur. — Jouvenot, Jean-Eusèbe. — Gay. — Bernard, Félix. — Bœuf, Elisée. — Barbaud, Emile. — Jouvenot, Claude. — Lornet, François. — Lornet, Joseph. — Mervant, François. — Mer-vant, Hyppolyte. — Bigey, Cyprien, — Louvrier, Jules.
- — Papillard, Auguste. — Mandrillon, François. — Barbier, Jean-Baptiste. — Barbier, Hippolyte. — Fumey, Paul
- — Papillard, Louis. — Barbier, Marcellin. — Lyboy, Ernest. — Morin, Léon. — Jouvenot, Félix. — Jouvenot Henri. — Mattez, Jean-Baptiste. — Jouvenot, Auguste. — Barbier, Jean-Baptiste. — Barbier, Léopold. — Bélu, Alphonse. —Grand, Antoine. — Barbier, Jules. — Lan-quetin, Adrien. — Bolifraud, François. — Papillard, Auguste-Joseph. — Papillard, D. — Papillard, François. —- Papillard, Louis — Morin, Armand. — Morin. — Jouvenot, François.— Blanc, François. — Pagaux, Auguste. — Jouvenot, Félix. — Mouget, François. — Mou-get. — Jouvenot, Charles. — Jouvenot, Louis. — Mi-chaud, Paul. — Ducois, Jean-Simon1 — Géniset, Pros-per-GuYOT, Joseph.— Guyot, Emile.—Pondevaux, Elie. — Guyot, François. — Briffe, Jo&eph. — Marescot, Léan-dfe. — MaRESGOT, Paul. — Carrot, Jean. — Lornet, François. — Mervant, Elisée. — Lornet, Félix. — Faudot, Louis. — Liboz, Jules. — Leguay, Edmond. — Lornet, Jesn-Baptiste. — Mesvant, Eugène. — Jouvenot, François.
- — Barbaud, Albert. — Loysier, Hippolyte. — Bailleaud, Louis. — Loysier, Arsène, - Loysier, Auguste. — Bou-nareay, Auguste. — Dugois, François-Joseph. — Dugois, Antoine-Marie. — Dussonlter, Adolphe-Jean. — Jouvenot, François. — Baud, Henri. — Boussard, Jean-François. — Simon, Honoré. — Lornet, Alfred. — Jouvenot, Joseph. — Bonnin, Joseph. — Morin, Arthur. — Simon, Louis. — Loison, Jean-Baptiste. — Devenat, Jules — Houillon, Nicolas. — Legay, Alphonse. — Maire, Paul. — Maire, Etienne -— Brissard, Edouard. •— BEnoiT, Eugène. — Papillard, Auguste. — Papillard, Jules. — Matey, Aimé. Dunans, Auguste.
- Aisne. Fesmy, par Le Nouvion. — Gard, Emile-Henri, fermier.
- Algérie. Oran. — Ghillia, Louise, institutrice. — Lus ou ii e, Juliette, institutrice. — Lescure, Marie, institutrice. — Lescure, docteur en médecine. — Montader, Léon-François, ancien notaire, publiciste. — Damiot, Ber-tliot, typographe. — Garnier, Baoul, propriétaire.
- Corse. — Pigna. — Franceschinï, Jean-Joseph-Ma— rie, maire. — Savelli, Joseph, colporteur, —- Casabianca
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- Dominique-François, propriétaire. — Giacometti, F. — Gonsàbi, Baptiste. — Savelli, Joseph-Antoine, desservant.
- — Càsàlta, Jean-Baptiste. — Franceschini, Vincent, propriétaire. — Consalvi, Ange-Marie, propriétaire. — De Ferrari, Antoine, facteur d’orgues. — Amadei, Antoine, journalier. — Franceschini, François, propriétaire. — Franceschini, Jean-François, propriétaire. — Angeli, Pierre-François, instituteur. — Raffi, Grérôme, négociant. — Giacometti, Pierre-Paul, négociant.
- Allier. Aux Brosses, par Meaulne. — Saulnier, François — Plaveret, Céline, femme Saulnier, couturière.
- Puy-de-Dôme. — Monfey. — Gauthier, maire.
- — Coquille, Emile. — Hugot, Adrien, conseiller municipal.
- Clermont-Ferrand. —Barba, Antoine, rue Terrasse, 8. — Boulanger, J. journaliste, rue Prévôté, 2. — Brun, Martin, rue Grégoire de Tours, 7. — Bruyère, Baptiste, rue Saint-Eloi, troisième impasse, 3. — Bruyère, Félix, boulevard Lafayette, 13. — Chamalet, Jean, rue abbé Lacoste, 8.-Chamalet, Etienne, même rue. — Clair, Gilbert, place Delille, 19. — Coquèlle, Alexandre, rue Charretière, 23. — Drevet, Claudius, rue Saint-Eloi, 30 — Du-rel François, rue Terrasse, 2. — Duron, Gilbert, place Renoux, 4. — Faurie, Edmond, place Renoux, 8. — Fou-quet, Louis, journaliste, boulevard de la Pyramide, 7. — Fournier, Pierre, rue de l’Ange, 21. — Lejeune, Nicolas, rue Sainte-Eutrope, 4. — Monier, François, rue du Cheval Blanc, 12. — Plaveret, Jean-Marc, rue Torte, 3. — Renard, Jacques, place de Jaude, 49. — Robin, Jean, rue Saint-Eloi, 20. — Lebeau, Louise, femme Piavaret, couturière, rue Torte.
- Chamalière. — Roche, François, route de Bordeaux, 21. — Thonon, Laurent, route de Bordeaux, 33. — Trin-Quier, Romain, route de Bordeaux, 21.
- Le Mont-Dore. — Chabory, Etienne; docteur-médecin.
- Veyre-Mouton. — Chabory, Léon, conseiller général du canton de Veyre-Mouton, maire au Mont-Dore.
- Seine. — Paris. — ForEst, Fernand, mécanicien, passage Saint-Sébastien, 2.
- Bouches-du-Rhône. Marseille. — Basset, 4, rue Dumarsais. — Tressaud, 9, rue du Grand Puits. — Estienne, rue du Petit-Saint-Jean, 53. — Estienne, J. B. même rue. —Belleudy, Victor, rue du Muguet, 1. — Fournière, Eugène, rue Consolât, 23. — Serretti,Nicolas, rue des Consuls, 2. — Perret, Emile, rue de la Mure, 2
- Soldats de plomb, Tambours et Trompettes
- A PROPOS DU NOUVEL AN
- — Papa, papa, un sabre, un tambour, un fusil ! oh, un beau fusil qui parte !... n’est-ce pas père, j’aurai un fusil pour mes étrennes, et puis des épaulettes !
- Maman, dit la petite voix flûtée du cadet des Du-umlard, qui n’a que quatre ou cinq ans : moi, je veux . beaux soldats de plomb avec le canon : Pouf ! les Ÿuilà qui tombent.
- Et Dumolard et sa femme, à leur prochaine sortie sur les boulevards, s’arrêtent à la baraque ornée de drapeaux tricolores, baraque qui contient les vœux de leurs enfants, confectionnés en bois, cuir, plomb et zinc, tou* flambants neufs et qui développeront en eux dès le jeune âge la fibre patriotique.
- Arthur, l’aîné, en mettant les épaulettes à plaque de zinc verni, songera combien il sera fier, lorsque, grand, il pourra porter de véritables épaulettes.
- Et le petit Emile en abattant avec son canon et ses pois chiches ses soldats de plomb semblables aux sujets de Charles IX ou plutôt de Catherine, envoûtant une figure de cire qui représentait leur ennemi, le petit Emile donc rit de joie et frappe des mains quand il a pu attraper un ou plusieurs zouaves ou Prussiens, qu’importe au bébé: il ignore l’affreux apprentissage qu’il fait là sous les yeux de ses parents.
- Gale rend heureux lorsqu’il a été adroit, et s’il n’y avait que cela ce serait bien, mais petit Emile tu fais ton premier pas dans le dédale de l’éducation qui se prépare pour toi dans le pays civilisé que tu habites : France ou Italie, Espagne ou Prusse, Angleterre ou Autriche.
- Que deviendrait ton pauvre cerveau et ton pauvre cœur» au milieu des incohérences et des barbaries qui vous attendent ton frère et toi, vous qui jouez aujourd’hui au soldat sous les yeux de vos parents ravis !
- Ce qu’il arrivera, mon Dieu, ce qui est arrivé à votre papa et à votre maman, votre entendement, petit à petit, sans secousse, grâce aux jouets d’abord, aux livres ensuite, votre jugement en viendra à jouir de la complète aberration qui distingue la jugeote de vos procréateurs, lesquels ont cru bien faire en vous familiarisant déjà, grâce à leurs cadeaux de jour de l’an, avec le métier de tueur d’hommes, le noble métier des armes !
- Grand, rien ne vous étonnera. Vous, braves gens, tuer d’autres braves gens qui ne vous ont rien fait, cela au commandement, quoi de pins naturel : ils portent une tunique d’une autre couleur que la vôtre !
- Tu te rappelles Emile, qu’un jour maman t’a fouetté : hélas! sans le faire exprès, maladroitement, tu as cassé la patte au délicat oiseau ; pourtant tu ne lui voulais que du bien au cher petit ; le prenant dans la cage tu as , cherché à l’embrasser ! Eh bien, cher baby, cette même maman, si un jour tu reviens de la guerre les mains rouges de sang et la boutonnière rouge de ruban, cette même maman se jettera à ton cou, les larmes de joie aux yeux. Tu as tué beaucoup de tes semblables, — pour défendre tes foyers, demande-t-on ? Non, pour aller civiliser à la mode ceux qui ont survécu au massacre dans la colonie lointaine où tu as été porter la lumière... du feu de la mousqueterie et de la canonnade.
- Vrai, c’est là la même mère qui naguère te fouetta, cette femme si sensible qui aime tant les oiseaux et qui a voulu te faire souvenir de la cruauté involontaire de ta maladresse ? — Oui, c’est la même femme, produit voulu et accompli de l’enseignemeut dont les soldats de plomb du jour de l’an sont le prélude.
- Pontonié-Pierre.
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- ET
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- AVIS A NOS LECTEURS
- Les amis de la paix sont priés de compléter leur dossier de pétitionnement en intercalant dans une des feuilles imprimées autant de feuilles qu’il leur en faudra, en papier ordinaire, de mêmes dimensions ; ils pourront régler à la main ces feuilles et ils devront écrire en tête de la première page de chaque feuille ces mots :
- Pétition à la Chambre des Députés en faveur de rarbitrage international et de la paix.
- Lorsque les signatures seront obtenues, il faudra autant que possible demander la légalisation de chacune des feuilles à la mairie de la commune des signataires.
- Il est nécessaire d’écrire tous les noms lisiblement dans la première colonne, autrement de graves erreurs se commettent sur les noms propres:
- Retourner les pétitions,lorsque ces pré cautions seront prises, à l’adresse du journal « Le Devoir », à Guise, Aisne.
- Nous rappelons à nos amis qu’en vue de la propagande des idées de paix, le journal « Le Devoir » publie un numéro mensuel sous le titre : Le Désarmement européen et l’arbitrage international, bulletin de la paix.
- L’abonnement d’un an à ce bulletin est
- de....................... 2 fr. 50
- Nous tirons et livrons, en outre, les numéros demandés à l’avance, aux prix „ suivants :
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- de......................... . 0 fr. 75
- Nous donnerons ces bulletins de quatre pages franco, par la poste, aux conditions:
- 20 numéros .... . 1 fr. »»
- 100 *> . ... . 2 75
- 350 » . . . , . 7 75
- 500 » .... . il 25
- Errata du numéro du 4 Janvier 1885.
- Le premier article contient des coquilles regrettables auxquelles le lecteur aura suppléé. Néanmoins nous signalerons :
- A la T colonne, au lieu de l’arbitrage plus de 40 fois réalisé depuis 1873 : lire 1783.
- Au lieu de : les républicains du sud, lire les républiques du sud.
- Au lieu de ; entre eux, lire entre elles. ______________Le Directeur-Gérant : GODIN.
- Uuise.— lmp. B are
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- 9e Année, Tome 9. — N* 336 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 15 Février 1885
- le 3wmm
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. G0DIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
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- S’adresser à M. LEYMARIE daministrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Le Parlementarisme, le Suffrage universel et les Réformes urgentes. — Le Familistère en Amérique. — La coopération et la mutualité. — Aphorismes et préceptes sociaux. — Faits politiques et sociaux de la semaine.— De l'impôt sur le revenu. — Du Rôle des Radicaux. — Comment on colonise. — L’Unitèisme. — Les vins et les cidres en 1884. — Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement europén. — Maître Pierre.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE_PROPÂGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
- Le Parlementarisme, le Suffrage universel et les Réformes urgentes 01
- IV
- Le rapport de M. Constans sur le scrutin de liste contient le passage suivant :
- « Le scrutin de liste est, par son essence, le » procédé rationnel d’exercice clu suffrage univer-» sel. Dans une démocratie fondée sur la souveraineté nationale, la consultation populaire doit » être faite selon le mode le plus naturel. La lo-» gique idéale consisterait à découvrir et à mettre » en œuvre un procédé qui donnât à chaque ci-» toyen le droit d’intervenir dans le choix de tous » les mandataires du pays ; car, suivant l’expres-» sion de la Constitution de 1791,les députéssont » les représentants non d’une circonscription » mais de la France. »
- La consultation la plus naturelle du suffrage universel consiste à laisser au citoyen la faculté de voter en toute liberté, de choisir dans toute la nation la liste de ses candidats parmi les hommes qu’il croit capables de bien comprendre les affaires du pays ; et cela sans restriction et sans cir conscriptions, ni locales, ni départementales ; on nommerait ainsi des députés de la France.
- Le mode le plus naturel et le plus juste du suf-
- (C Lire «Le Devoir » des 18 et 25 janvier, et 1er février 1885.
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- frage universel consisterait encore à laisser à chaque citoyen le même droit de vote, le même droit devant l’urne ; il n’est pas juste de faire que dans un vote général de la nation les citoyens exercent leur droit d’une façon inégale dans différents départements, votant ici pour trois ou quatre représentants, là pour 10, 20 ou même 40. Tous les citoyens français doivent voter pour un même nombre de députés : voilà le véritable droit démocratique du suffrage universel ; l’inégalité des listes constitue un suffrage de privilège.
- Comme on le voit, l’idéal invoqué par M. Cons-tans est donc très-réalisable, très-pratique. Le scrutin de liste nationale de 10 à 12 noms, avec renouvellement annuel de la moitié de la Chambre, serait un mode d’élection réalisant complètement cet idéal.
- Pour atteindre ce but, il s’agit de faire disparaître d’abord de l’exercice du suffrage universel les restrictions inventées au coup d’Etat pour les besoins du despotisme de l’empire. Le scrutin de circonscription conçu à cette date néfaste a fait ses preuves ; il a montré le député asservi aux intérêts locaux, inféodé au pouvoir, abaissé aux complaisances les plus serviles ; la députation réduite à un simple métier dans lequel le député doit se prêter aux caprices de ses clients.
- Le scrutin de circonscription a poussé au plus haut point l’antagonisme entre les personnes et les parfis. Dans les luttes électorales du suffrage restreint, les intérêts nationaux, les intérêts d’Etat, les intérêts sociaux, les réformes utiles sont, en général, relégués àd’arrière-plan de toutes les préoccupations , on n’agite plus que des questions de personnes ; la critique passionnée et exagérée des adversaires se fait de part et d'autre de manière à s’avilir mutuellement le plus possible, à travestir les hommes et les choses ; le vrai se confond avec le faux et rien ne reste debout que la haine et le mépris des partis et des hommes les uns pour les autres : voilà le tableau très-abrégé des vices introduits par l’empire de Napoléon III dans l’exercice du suffrage universel. Il faut couper court à cette corruption qui conduit la France aux abîmes ; car, à force de se mépriser, les hommes s’habituent à ne plus tenir compte de la critique et ce sont les plus éhontés et les plus audacieux d’entre eux qui s’emparent de tous les ressorts de la vie publique. De là, tous les tripotages scandaleux qui se dissimulent à peine aujourd’hui au milieu des personnes investies des fonctions pu-
- bliques, fonctions qui ne devraient être remplie que par des hommes observant toujours la ligne droite du devoir et de l’honnêteté.
- A de tels maux il faut un remède ; le scrutin de liste départem entale, au point où nous en sommes arrivés, sera insuffisant ; les mêmes hommes et les mêmes faits se retrouveront sur le terrain de la lutte électorale ; le malest trop grave, il faut donner à fia France un souverain motif d’apaisement et de recueillement, il faut débarrasser le suffrage universel des entraves dont il est garroté.
- Si l’on reste dans le palliatif du scrutin de liste départementale, nous retomberons en plein dans les listes officielles de candidats; la candidature of-cielle de l’empire reflorira avec un caractère plus accentué que jamais ; l’apprentissage fait à ce sujet par l’autorité préfectorale mettra celle-ci en mesure de circonvenir les populations en plaçant les listes départementales sous le patronage d*une apparence d’intérêt local de département ; appuyée d’une forte partie de la presse qu’elle tient à sa dévotion, l’autorité préfectorale circonviendra les électeurs et fera échec aux candidatures sincères et indépendantes ; il y aura encore une représentation faussée dans son principe, et cela sur une plus grande échelle que jamais.
- La longue durée du mandat sera plus que jamais, pour les ministres et les monopoleurs, un moyen de circonvenir et d’accaparer les députés, de faire d’eux les instruments, conscients ou inconscients, de leurs vues ambitieuses et de leurs désirs de privilèges.
- Les compagnies financières, industrielles et autres, par des pots de vin, des actions, des faveurs de toutes sortes, distribués aux faiseurs parmi les mandataires du peuple et les agents officiels, pousseront les pouvoirs publics en plein privilège. Les députés honnêtes qui ne connaissent pas le dessous des cartes n’y voudront pas croire, mais les intérêts de l’Etat et du peuple n’en seront pas moins complètement sacrifiés à la curée des classes dirigeantes.
- Quel remède trouver à cette décomposition sociale ? Quel moyen réparateur adopter pour éviter que la France ne retombe bientôt dans les abîmes d’une monarchie orléaniste qui se prépare à mettre le comble à tous ces tripotages que les pouvoirs publics semblent, à l'envi, favoriser pour l’enterrement de la République ?
- Le scrutin de liste nationale de 10 ou 12 noms
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- avec renouvellement partiel et annuel de la Chambre serait ce remède.
- Le scrutin de liste nationale et le renouvellement annuel de la moitié des Chambres mettraient tin à toutes ces (rames odieuses, dont la conséquence serait encore une fois de confisquer les libertés publiques en vue de gorger l'aristocratie égoïste du capital, plongeant encore plus profondément le peuple dans la misère.
- Le scrutin de liste nationaleavec renouvellement annuel de la moitié de la Chambre aurait le mérite de faire table rase des rivalités, des haines suscitées par les élections locales ; il couperait court à toutes ces compétitions dissolvantes au sein du corps social, à ces luttes électorales dans lesquelles chacun se réjouit des blessures morales qu’il fait à ses adversaires, sans songerie moins du monde que le gouvernement d’un peuple doit avoir pour objet d’établir l’ordre, la tranquillité et de donner à chacun la paix et le bonheur, moralement autant que matériellement.
- Il est vrai qu’à notre époque de transition personne ne croit à la paix ni au bonheur social ; la lutte et la guerre apparaissent de tous les points de l’horizon; elles apparaissent dans les préparatifs de guerre de toute l’Europe; elles apparaissent dans la misère des populations à l’intérieur des nations. La guerre civile peut fondre un jour sur tout le monde civilisé, si les classes dirigeantes ne savent rien faire pour la prévenir, si elles ne savent organiser le suffrage universel de manière à donner une représentation sincère des besoins du pays.
- Organiser, voilà ce qu’il faut faire pour échapper aux catastrophes.
- Dans l’évolution sociale qui s’accomplit,le suffrage universel doit être la base de l’organisation, car il est en germe la base des institutions démocratiques de l’avenir. Tous les partis sont donc très-mal avisés de ne pas songer, si ce n’est à donner de suite au suffrage universel son organisation rationnelle, au moins à étudier cette organisation ; les classes dirigeantes surtout sont bien coupables de ne pas le faire.
- Quand tous les dynamitards du monde joints aux anarchistes de tous les pays en seraient arrivés à faire sauter tous les monuments, tous les pouvoirs publics, à supp’imer la bourgeoisie et àjtuer tous les rois, en serait-on plus avancé, si aucun plan d’institutions politiques et civiles n’était prêt à recp.ynir son application, si aucune règle n’était
- (racée pour l’exercice de la souveraineté et pour garantir les droits des citoyens ? Le pouvoir serait alors au tyran le plus terrible, le plus audacieux et sans doute le plus sanguinaire ; que gagnerait le peuple à de tels événements,si ce n’est beaucoup plus de misère et beaucoup moins de liberté ?
- A la période sociale où nous sommes arrivés, c’est le perfectionnement desinstitulions qu’il faut réaliser ; c’est le pouvoir démocratique qu’il faut savoir organiser et faire fonctionner. Or, le suffrage du peuple est le principe et la base de ce pouvoir; il nous faut donc étudier le fonctionnement démocratique du suffrage universel. Il ne suffit pas de chercher les moyens d’escalader Je pouvoir, il faut savoir en faire un bon usage quand on est appelé à l’exercer.
- Malheureusement, ceux qui arrivent en temps de calme ne font rien et ne savent rien faire pour améliorer la machine sociale. Sans théorie ni principe, ils subissent au jour le jour les événements plutôt qu’ils ne les dirigent. Que feraient ceux qui arriveraient au pouvoir au milieu de la tourmente, s’ils n’avaient pour tout bagage politique que les programmes des élus et des réunions publiques, programmes suffisants pour démolir mais impuissants à rien édifier.
- 11 serait donc bien plus rationnel de faire du suffrage universel la première puissance sociale pavée celle-là le peuple aurait un moyen pacifique de provoquer à coup sûr toutes les réformes utiles, dé’ qu’il se serait élevé à la compréhension de ces réformes ; car un peuple n’est capable de supporter que ce qu’il est en état de comprendre; c’est pourquoi il est si souvent l’adversaire de ses meilleurs amis.
- y.
- Le scrutin de circonscription et le scrutin de liste départementale faisant l’élection par la majorité absolue et la majorité relative sont des iniquités politiques qu’il faut réformer.
- Dans le cas de majorité absolue 51 électeurs peuvent imposer le silence aux 49 autres ; à plus forte raison cette majorité est-elle en mesure de faire taire les minorités plus faibles. Et pouriant qui ne sait que, toujours, les grandes vérités dans le monde ont eu pour elles les minorités sacrifiées d’abord.
- Dans le cas de majorité relative le fait est bien plus grave. Supposons cinq intérêts électoraux en présence de l’urne :
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- Le premier représente 300 voix
- Le deuxième — 250 »
- Le troisième — 200 «
- Le quatrième — 450 »
- Le cinquième — 100 »
- Total : 4000 »
- A la majorité relative, le groupe de 300 votants impose sa volonté aux 700 autres. Ce n’est pas la majorité, mais la minoritéqui gouverne. Dans une grande élection une majorité ne peut se former qu’à la condition qu’un grand nombre d’électeurs sacrifient leurs préférences et leurs intérêts électoraux ; le citoyen n’est plus représenté suivant ses désirs. La représentation est faussée dans son principe et dans ses effets.
- Le vote national annuel au bulletin de liste remédie à tous les inconvénients du scrutin de circonscription et de liste départementale.
- Il fait disparaître les rivalités et les haines locales fomentées par la délation, le dénigrement et la mauvaise foi employés, généralement, dans les procédés électoraux du scrutin de circonscription et de liste départeméntale.
- Le scrutin national annuel avec bulletin de liste élit les supériorités du pays ; car l’électeur est libre de son choix, puisqu’il peut prendre ses candidats partout où il les juge dignes de sa confiance.
- Le vote national annuel au bulletin de liste permet la représentation de toutes les opinions, de tous les intérêts dans leur^proportionnalité mathématique ; car les électeurs des minorités peuvent s’entendre, d’un bout de la France à l’autre, pour voter en faveur des candidats de leur choix et s’assurer ainsi d’être représentés.
- Par le scrutin national annuel au bulletin de liste le travail et les travailleurs, si privés jusqu’ici de la représentation, auront toute facilité pour nommer des députés de leur choix.
- L’électeur isolé pourra même donner son vote suivant ses préférences en recherchant, dans toutes les manifestations électorales qui se produiront en France, les personnalités répondant le mieux à ses désirs. L’année suivante si son attente a été trompée par des professions de foi ou des programmes mensongers, il portera ses voix sur d’autres candidats.
- Dans le numéro du 1er février de la France Libre, M. Maujan disait : « Le seul principe que nous reconnaissions est que les volontés électora-
- les soient représentées aussi exactement, aussi mathématiquement que possible.... avec répartition proportionnelle. »
- Le vote national annuel par bulletin de liste satisfait donc complètement au desiderata de M. A Maujan.
- Je dois aussi un mot de réponse aux réserves faites parM. Laisant dans un article de la République radicale du 31 janvier, article du reste très sympathique à mon projet et qui m’honore. Dans cet article, M. Laisant pense que je perds de vue la nécessité d’opérer la révision constitutionnelle. Non, je la désire tout autant que M. Laisant ; nous ne différons que dans la manière de procéder.
- Je crois qu’une révision constitutionnelle qui maintiendrait le vote de circonscription ou de liste départementale et, surtout, laisserait au mandat sa longue durée de trois ou quatre ans, ne remédierait en rien aux vices de notre régime parlementaire.
- Il faut, pour régénérer le suffrage universel et le régime parlementaire, le renouvellement annuel de la moitié de la Chambre des députés, avec faculté de réélection, si les électeurs reconnaissent leurs mandataires dignes de recevoir un nouveau mandat. La durée du mandat au-delà de deux ans sans réélection d’une partie de la Chambre sera une déférence envers les idées anti-démocratiques et le sacrifice des intérêts des électeurs aux intérêts des élus.
- Si les élections générales de cette année maintiennent le mandat de quatre ans au député et,surtout, si la réélection annuelle n’est pas adoptée, quel que soit le sens des élections, les faits parlementaires et gouvernementaux seront plus déplorables encoie qu’ils ne l’ont été jusqu’ici.
- Le vote national au scrutin de liste avec renouvellement partiel serait la révision constitutionnelle à très-court terme ; car les électeurs imposeraient cette révision à leurs mandataires et l’imposeraient de manière à lui faire porter ses fruits, les députés étant alors les mandataires de la France et non plus des députés de clocher.1
- Or, l’esprit de la France planant sur les élections serait diamétralement opposé à l’esprit étroit et égoïste des intérêts de circonscription. Je sais que beaucoup d’esprits pusillanimes redoutent le contraire; question de routine, d’habitude que les faits démentiront.
- Il nous reste à voir comment on pourrait mettre en pratique le scrutin de liste nationale, afin de
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- faire disparaître les craintes des personnes qui, tout en admettant l’efficacité de ce mode de scrutin pour remédier aux vices actuels de notre régime parlementaire et même en le déclarant irréprochable en principe, n’en conservent pas moins des doutes sur la possibilité de son application parce que les moyens n’en sont pas offerts à leur esprit.
- Pour faire cette démonstration, je donne ci-dessous l’article et la lettre que le Rappel vient de publier dans son numéro du 10 courant :
- L’Unité de Collège
- Le Rappel parlait l’autre jour des difficultés pratiques inhérentes au système de l’unité de collège, de beaucoup le meilleur en théorie.*
- En réponse aux objections de notre collaborateur Mon targis, M. Godin nous adresse la lettre suivante :
- Monsieur,
- Le Rappelme dit : « L’objection à votre système « est uniquement dans la difficulté pratique de « l’opération. Cette difficulté nous semble résider « dans le travail de dépouillement et être, selon « nous, de nature à toujours faire reculer le légiste lateur. »
- Je suis heureux que vous me donniez l’occasion d’élucider cette question, car je ne pensais pas qu’on pût en faire une objection au système, attendu que l’organisation d’une conception rationnelle est toujours possible et que, tous les jours, des difficultés plus grandes sont résolues dans des entreprises de tous ordres.
- Examinons donc comment un règlement d’administration publique pourrait résoudre le problème.
- Le vote se fait à la commune à la manière ordinaire. Chaque électeur dépose dans l’urne un bulletin contenant au plus 12 noms de son choix. Le droit électoral est égal pour tous les électeurs dans toute la France ; la liberté du choix des candidats est absolue.
- Le scrutin étant clos, les opérations du dépouil-ement se font par des groupes de scrutateurs ; groupes formés sur les indications du président du bureau, d’après les mesures pratiquées jusqu’ici.
- C’est seulement au moment de clore le dépouillement et de dresser le procès-verbal des opérations que le président doit faire prendre les mesures d’ordre suivantes, afin de dresser les listes par ordre alphabétique.
- Un groupe de scrutateurs totalise le nombrlTdës voix obtenues par chacun des candidats, on pointe ensuite tous les noms commençant par la lettre A s’il y en a ; puis, sur une feuille en tête de laquelle on met la majuscule A, on inscrit tous ces noms, en regard desquels on met le nombre de voix obtenues par chacun d’eux.
- 1 e relevé des noms commençant par la lettre A étant fait, on procède de la même manière sur une autre feuille portant la lettre B, pour tous les candidats dont les noms commencent par la lettre B; et ainsi de suite pour toutes les lettres de l’alphabet comprenant des candidats ayant obtenu des voix, de manière à avoir une liste distincte pour chaque lettre.
- Le procès-verbal des opérations indique le nom-bre d’électeurs inscrits, le nombre des votants, le nombre des bulletins blancs et nuis. Il contient tout particulièrement le nombre des candidats ayant obtenu des voix, le nombre de feuilles sur lesquelles ces candidats sont inscrits, le nombre de candidats indiqués sur chacune des feuilles.
- Ce procès-verbal et le dossier des feuilles de recensement communal est aussitôt envoyé à la Préfecture.
- La Préfecture est donc en possession, le lendemain du vote, de tous les dossiers du département, établis de la façon qui vient d’être indiquée.
- Le travail de dépouillement des votes des communes et de recensement des votes à faire à la Préfecture est, à peu près,le même que celui qui eut lieu quand les élections se firent sous le régime du scrutin de liste départementale. Avec les précautions prises dans les listes des communes, l’opération est certainement plus aisée.
- Si nous prenons pour exemple le département de l’Aisne, on est en présence des 850 dossiers des communes ; c’est certainement la partie la plus laborieuse du travail ; mais elle s’est opérée en 1848 lorsque aucune expérience n’avait encore été faite "du suffrage universel ; elle s’est répétée en 1871 au milieu des embarras de la guerre et de l’envahissement. Il u’y a donc aucune difficulté à redouter, surtout lorsqu’on peut préparer et méditera l’avance les moyens pratiques à employer.
- Ces moyens peuvent certainement varier dans bur forme, aussi les exemples que je donne ici n’ont-ils d’autre objet que de faire voir avec quelle facilité on peut réaliser le scrutin de liste nationale.
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- Après vérification delà régularité des dossiers sous les auspices du conseil général convoqué à cet elfet, du conseil de préfecture et des employés des bureaux, on procède à la réunion des feuilles A, à celle des feuilles B, à celle des feuilles G, et ainsi des feuilles de toutes les communes du département, afin d’en composer des dossiers alphabétiques.
- Ensuite, le conseil général, le conseil de Préfecture et les employés s’organisent en autant de groupes de dépouillement qu’il y a de dossiers alphabétiques.
- Les bureaux de scrutateurs s’établissent en nombre proportionné à l’importance du dossier de chaque série de lettres, les feuilles A ensemble, les feuilles B ensemble, les feuilles C ensemble et ainsi des autres. Les scrutateurs procèdent de manière à constituer de nouvelles listes alphabétiques comprenant les résultats généraux de l’élection dans le département, listes alphabétiques qui, étant dressées de la même manière dans tous les départements, font arriver à la Chambre les 85 séries alphabétiques de listes départementales en parfaite concordance d’ordre les unes avec les autres. Pour cela, il faut que les scrutateurs de la Préfecture en préparent les moyens pendant le dépouillement, sans autre préoccupation que de mettre en tête des feuilles les lettres capitales qui devront servir au classement alphabétique des noms comme dans un dictionnaire.
- Prenons, par exemple, le fonctionnement du groupe de la série 4, il en sera de même pour les autres lettres.
- Un premier scrutateur prend donc la première feuille du dossier A; il porte en tête de sa feuille de dépouillement, et en gros caractères ou lettres capitales, les trois premières lettres du premier nom qui est par exemple : API ; puis, il inscrit à droite, à côté, bien lisiblement, Apidan, nom du candidat et les prénoms ou autres désignations s’il y en a, et porte le nombre des voix dans une des colonnes ménagées sur la page pour l’addition des votes. Il ne faut pas o iblier qu’il peut y avoir 850 nombres à inscrire, si toutes les communes ont donné des voix au candidat.
- Gela fait, le scrutateur biffe, sur la feuille communale, le nom et le chiffre de voix qu’il a relevés, établissant ainsi que le dépouillement en est fait; puis, il passe cette feuille au second scrutateur qui, de son côté, fait la même opération sur une nouvelle feuille pour le second nom porté sur
- la liste, tandis que le premier scrutateur s’empare de la seconde feuille du dossier A et, si son candidat s’y trouve, n’a plus à relever cette fois que le nombre de voix portées à ce nom. Il biffe à nouveau le nom et le chiffre de voix relevés par lui, puis passe la feuille à son voisin. Le roulement s’étabiitainsi entre tous les scrutateurs d’un groupe quel qu’en soit le nombre ; chacun d’eux opérant de la même manière jusqu’au complet dépouillement des listes communales de la lettre A. Penda i tce temps d’autres scrutateurs opèrent d’après le même procédé le dépouillement des autres séries de lettres.
- Le dépouillement d’une série de feuilles étant opéré, on procède aux additions des voix de chaque candidat. On classe ensuite toutes les feuilles dans l’ordre alphabétique admis pour les dictionnaires, chose simple et facile à l’aide des trois lettres majuscules inscrites en tête de chaque feuille. Les feuilles de chaque série de lettres étant placées dans leur ordre alphabétique, on dresse la liste générale des candidats en mettant en regard de leurs noms, le chiffre de voix qu’ils ont obtenues dans le département.
- Ces listes classées en autant de dossiers qu’il y a de lettres sont, aussitôt, envoyées à la Chambre des députés,avec le procès-verbal de recensement régulièrement établi.
- Les préfectures devrontconserver les listes communales et les listes de dépouillement, afin de permettre, si la Chambre l’ordonnait, des vérifications partielles.
- Tous les noms que comportent les listes départementales arrivent à la Chambre avec leur nom» bre de voix, dans un même classement alphabétique pour toutes les listes, de façon que le recensement définitif à faire à la Chambre est le plus facile à opérer.
- La Chambre établit le recensement définitif des listes départementales et dresse la liste nationale en procédant comme il a été indiqué pour les listes départementales. Ainsi, la liste nationale donne, par ordre alphabétique, les noms des candidats avec le nombre des voix obtenues par chacun d’eux.
- Rien n’est plus facile que d’extraire de cette liste les candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix,jusqu’à concurrence des députés à proclamer.
- On peut aussi facilement extraire de ce recensement national la liste des candidats ayant obteni7
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- un nombre de voix suffisant pour être signalés à l’attention des électeurs.
- J’espère, Monsieur, malgré la brièveté de cet exposé, avoir répondu d’une façon suffisante aux craintes que vous m’avez exprimées sur les difficultés pratiques démon projet.
- Mais, je vous prie de ne pas per Ire vue que je considérerais l’Unité de collège comme un palliatif bien insuffisant, si l’on n’y ajoutait le renouvellement de la moitié de la Chambre tous les ans. C’est à ce point que je préférerais, aujourd’hui,le scrutin :ie liste départementale avec adjonction de cette mesure plutôt que l’Unité de collège sans le renouvellement annuel de la moitié de la Chambre.
- Veuillez agréer, etc.
- GODIN.
- Le Familistère e n Amérique
- Le Courrier des Etats-Unis,de New-York, a publié, dans son numéro du 11 janvier dernier, un intéressant article sur l’organisation générale de l’Association du Familistère.
- Quelques jours après, cet article était complété par Ch. Dadant, de Hamilton, Illinois, qui signalait aux lecteurs du « Courrier des Etats-Unis » notre brochure spéciale illustrée, à 40 centimes, sur Le Familistère.
- Nous remercions vivement les rédacteurs du Courrier des Etats-Unis de leur sympathique concours pour la propagande de nos idées.
- LÀ COOPÉRATION^ LA MUTUALITÉ
- La société de la boulangerie coopérative de Roubaix vien^ de publier son compte rendu annucd.
- Pendant l’année 1884, la Boulangerie coopérative a fait pour 359. 070 francs d’afaires. Les ventes ont eu lieu, à peu près exclusivement, au profit des associés ; celles qui ont été consenties à dés tiers ne participant pas aux bénéfices n’ont atteint, en effet, que 6.159 francs. Eh bien, le bénéfice total n’a pas été moindre de 100,393 francs, somme qui a été répartie de la manière suivante : aux sociétaires, à titre d’intérêts sur leurs dépôts et cotisations, 4.108 francs; aux associés, pour leur part dans les bénéfices, 88,153 francs, à raison de 25 0/0 du montant de leurs achats ; le solde de 95! francs, disponible après cette répartition, a été ajouté à la réserve.
- Ainsi, malgré remploi d’une somme totale de 8,132 francs au profit du fonds de réserve, la Boulangerie coopérative de Roubaix a pu rembourser à ses membres, l’armée dernière, le quart du prix de leurs achats. La Société comptait, au 1er janvier 1884, 646 membres participants. Elle en avait 898 au3l décembre 1884. En prenant un nombre moyen de 772 associés, on trouve que les achats de chacun d’eux ont dû
- s élever,en moyenne, à 450 francs, ce qui correspond à un dividende moyen de 112 fr. 50 par tête.
- En résumé la boulangerie de Roubaix a distribué environ 100,000 fr. aux familles des coopérateurs. Les coopérateurs de Roubaix retireraient des avantages beaucouppius appréciables s’ils renonçaient à la distribution des dividendes annuels. Les bénéfices de chaque année utilisés en dotations d’institutions de prévoyance et de mutualité procureraient aux sociétaires, après quelques années, des garan lies absolument sérieuses.
- En effet, par un accord avec la caisse des retraites de l’Etat, il suffirait du versement de quelques centaines de mille francs pour assurer une pension convenable aux coopérateurs devenus vieux.
- Après cette dotation rien n’empêchera les coopérateurs d’immobiliser des capitaux, de créer des revenus sociétaires assez élevés pour payer aux malades des indemnités de chômage, dépenses pharmaceutiques et leur procurer gratuitement les visites du médecin.
- La coopération est certainement le moyen de transition vers une société organisée le plus efficace et le plus progressiste. Mais il est regrettable de la voir convertie en un instrument de concurrence et de spéculation. Nous ne laisserons passer aucune occasion de relever cette erreur des coopérateurs, espérant qu’ils finiront par comprendre nos exhortations et par s’habituer à considérer la coopération comme un agent de réorganisation sociale. La coopération devra être la source la plus abondante des grands capitaux que réclame l’instauration de la mutualité nationale, mais elle n’atteindra ce but que d’autant que les revenus annuels seront sociétairement employés au lieu d’être répartis individuellement.
- L’abondance des matières nous oblige à renvoyer au prochain numéro la suite de la Crise Agricole.
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- LXXIII
- Répartition de la richesse.
- La répartition équitable de la richesse sera une réalité dès que la mutualité nationale donnera a chacun les garanties de l’existence, et que l’association du capital et du travail garantira à l'ouvrier les fruits de ses labeurs ou la juste part de bénéfices due au travail qu’il a fait.
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- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- Le Parlement. — Le Sénat poursuit l’examen des dossiers électoraux de ses nouveaux membres ; on ne signale encore aucune invalidation. La loi sur les récidivistes, dont le Sénat a adopté la plus grande partie des articles, a été l’ob-
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- jet de quelques modifications qui nécessiteront son renvoi à la Chambre.
- A la Chambre les protectionnistes et les libres-échangis-tes se livrent à d’interminables discours qui ne modifieront pas les intentions de la majorité résolue â sacrifier l’intérêt général à des combinaisons électorales. Les réclamations des ouvriers sans travail et la proposition de M. Tony Révillon demandant à l’Etat une subvention de 2,500,000 fr. ont été impitoyablement rejetées.
- La commission de la loi sur le recrutement a maintenu ses précédentes résolutions. Les projets du général Lewal ont été énergiquement repoussés.
- La commission saisie du projet de loi sur le scrutin de liste travaille sans conviction. Elle est composée,comme la Chambre,de députés sortis du scrutin d’arrondissement, qui, en grande majorité, seraient heureux de voir continuer ce mode de votation devant leur permettre de bénéficier des anciens marchandages noués avec les meneurs électoraux. Mais tous, ne trouvant aucun argument avouable pour défendre publiquement le scrutin uninominal d’arrondissement, se résignent à accepter docilement le vote par scrutin de liste. D’après l’attitude des meneurs, il est facile de comprendre que, si le ministère ou quelque député du centre introduisait dans le projet de loi quelques modifications pouvant fournir un prétexte admissible de rejet, beaucoup de députés influents tenteraient de profiter de l’occasion non pour repousser la proposition mauvaise, mais pour rejeter le principe du scrutin de liste. On ne paraît pas beaucoup se préoccuper de nos propositions concernant le renouvellement partiel et annuel de la Chambre. Cependant nous ne sommes pas disposé à renoncer à ces réformes, et si les députés oublient de s’en occuper à la Chambre, nous prendrons nos mesures pour en saisir les électeurs et les comités électoraux.
- Les agents provocateurs. — La crise ouvrière provoque de nombreuses manifestations qui donnent lieu à d’étranges constatations. A tort ou à raison on attribue une grande responsabilité à certaines personnalités que l’on accuse publiquement d’être des agents provocateurs subventionnés par la préfecture de police. Dans une lettre adressée au journal Le Matin, M. Ferdinand Xau a écrit les lignes suivantes qui ont été reproduites par les journaux de l’opposi tion et passées sous silence par les organes officieux.
- Voici ce que dit M. Xau :
- <r L’histoire de l’agent Br... m’a été rapportée par un avocat dont l’honorabilité et le talent sont tenus partout en haute estime, Me Eugène Billard, du barreau de Paris, qui m’a autorisé à citer son nom : il est exact qu’il y a peu de jours, le Président du Tribunal civil de Chabn, devant qui Me Eugène Billard venait de plaider, a dit à ce dernier que le principal accusé, dans l’affaire deMontceau-les-Mines, celui-là meme qui avait organisé le complot, était un policier à qui le ministère de l’Intérieur avait promis une somme de 5,000 francs. *
- Les personnes convaincues de l’honorabilité de M. Xau et de M8 Billard doivent attribuer une grave responsabilité aux hauts fonctionnaires coupables de ces scandales ; de même les amis du ministère « confiants en la loyauté du gouverne-
- : ment t> ne peuvent avoir assez de colère contre les auteurs de ces bruits. Tous ont un intérêt égal à faire la Inmiére complète. Le pouvoir du gouvernement n’autorise ses représentants, en aucun cas, à recourir à des procédés comparables à ceux signalés par M. Xau ; et la liberté de la presse ne réclame pas l’impunité de manœuvres aussi infâmes, s’il est vrai que ces racontars sont des inventions calomnieuses. Du côté des accusateurs, nous avons des noms qui ne se cachent pas ; du côté des accusés, il est facile de trouver des fonctionnaires responsables: les uns responsables d’avoir participé à cette organisation criminelle ; les autres coupables d’avoir ignoré les agissements d’un personnel placé sous leurs ordres.
- Ils seraient immoral de ne pas châtier les coupables quels qu’ils soient.
- ESPAGNE
- Crise ouvrière, — En Espagne, la crise ouvrière prend un caractère de plus en plus grave.De nombreuses manifestations ont eu lieu à Madrid, quelques-unes accompagnées d’arrestations, d’autres ayant conservé les allures pacifiques. On annonce que dans la Catalogne le nombre des ouvriers sans travail dépasse quarante mille.
- ¥ *
- Tremblements de terre. — Dans la province de Grenade le nombre total des maisons détruites par les tremblements de terre s’élève à 3,240, et celui des maisons plus ou moins lézardées à 749.
- Les villes qui ont le plus souffert sont :
- Alhama : 1,302 maisons détruites, 280 lézardées ;
- Albanuelas : 362 maisons détruites,, 146 lézardées ;
- Arenas : 160 maisons détruites, 16 lézardées ;
- Santa-Cruz: 164 maisons détruites, 46 lézardées ;
- Zafarraya : 72 maisons détruites, 103 lézardées ;
- Murchas : 805 maisons détruites, 9 lézardées ;
- Jayena : 100 maisons détruites, 18 lézardées ;
- Cacin : 87 maisons détruites, 12 lézardées ;
- Turro : 72 maisons détruites, 17 lézardées ;
- Yen tas : 96 maisons détruites, 53 lézardées.
- PORTUGAL
- Représentation des minorités. — Notre gouvernement républicain devrait s’inspirer de certaines réformes adoptées par les monarchies de l’Europe. La monarchie portugaise a accepté une loi électorale dans laquelle se trouve un article qui ferait honneur à un état républicain.
- D’après une disposition de la loi, tout candidat qui, sans être élu dans une circonscription déterminée, a obtenu dans l’ensemble des circonscriptions électorales un chiffre d’au moins 6,000 voix, peut réclamer son admission commedéputé élu « par acclamation. »
- La loi limite cependant â six le nombre des députés qui peuvent invoquer cette réserve faite en faveur du droit des minorités.
- ALLEMAGNE
- Durée de la journée de travail. — La durée delà journée de travail a été l’objet d'une discussion au parlement allemand, dans laquelle le chancelier a émis l’opinion suivante :
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- c II ne serait possible d’adopter une durée normale pour la durée du travail que si l’on pouvait conclure une entente avec le monde entier, établir une Union universelle de la journée de travail, analogue à l’Union postale universelle, en même temps qu’une Union universelle du salaire. Il faudrait que cette union comprit les Etats-Unis, l’Angleterre, tous les Etats industriels, et qu’aucun de ces Etats ne permit à ses surveillants et, par suite, aux ouvriers, de se soustraire le moins du monde aux prescriptions adop tées. Vous reconnaîtrez que cela n’est pas possible.
- » D’un autre côté, si nous voulions faire,à nous seuls, une tentative sur ce terrain, nous en supporterions seuls les conséquences, et je crois que nous ne pourrions pas engager un seul des Etats voisins à nous imiter. Ceux qui ont fait l’essai en question n’ont paru réussir que parce qu’ils n’ont pas exercé une surveillance aussi stricte que celle que nous exercerions. »
- Est-il bien certain que l’impossibilité de régler internationalement les questions de travail soit réelle ; ne résulte-t-elle pas de la mauvaise volonté des gouvernements à agir diplomatiquement suivant les intérêts des travailleurs ? Pourquoi ceux qui sanctionnent quotidiennement des couventions internationales entre capitalistes seraient-ils impuissants à agir d’une manière analogue dans les questions de travail ?
- ANGLETERRE
- Affaires d’Égypte. — Les Anglais ont trouvé au Soudan la correction qu’ils n’avaient pas volée en bombardant Alexandrie. Il est vraisemblable, car il serait téméraire de pîrler affirmativement lorsqu’il s’agit de Gordon, que cet il-ustre esclavagiste a perdu la vie en même temps que les Anglais ont perdu la place de Khartoum. Les sujets de la reine sont fort en colère, et tout fait supposer que le gouvernement anglais va entreprendre, contre les Soudanais, afin de venger Gordon, quelque chose d’analogue à ce que nous poursuivons au Tonkin pour venger la mort du commandant Rivière. Gomme cela va améliorer la situation des pauvres diables !
- ITALIE
- Diversions à l’extérieur. — Les Italiens ont éprouvé le besoin de coloniser : et les voilà partis en guerre sur les bords de la mer Rouge. On dit que cette entrée en campagne marquerait le commencement de l’exécution d’un traité intervenu entre l’Angleterre et l’Italie, dont voici la substance :
- « Outre qu'elle fera la police de cette grande étendue de côtes (environ 150 milles), l’Italie se chargera d’envoyer à Souakim un corps de troupes de 12,000 hommes qui opérera, de concert avec les Anglais, contre les insurgés du Soudan. En échange, elle recevra des compensations territoriales dans la mer Rouge et le bassin du Haut-Nil,
- » L’Angleterre s’engagera en outre, à appuyer l’expansion coloniale de l’Italie le long de la côte orientale de l’Afrique. »
- Tout cela ne fait pas le bonheur de la Turquie, et le gouvernement de Constantinople échange des notes graves avec le ministère italien. Espérons peur la tranquillité européenne
- que les deux gouvernements s’en tiendront à cet échange de conversations qui ne manquerait pas d’intérêt pour la galerie s’il devait nous apprendre à distinguer les faux prophètes des véritables, ou inversement.
- * *
- L’agitation agraire. — L’agitation agraire continue en Italie.
- Mais les cultivateurs italiens ne se méprennent pas, comme les propriétaires français, sur les causes de leurs souffrances et sur les remèdes qu’il y faut apporter.
- Ils ne demandent pas des < droits protecteurs » sur leurs produits, et voici les résolutions qu’a prises, à Mantoue, le Comité agraire :
- Demander au gouvernement :
- 1° La réduction du prix du sel ;
- 2° L’abolition de l’impôt sur le revenu des fermiers colons et métayers ;
- 3e L’abolition des trois décimes de guerre ;
- 4° La réduction de certains autres impôts.
- C’est en effet dans des réductions de charges et non pas dans des protections douanières qui augmentent la charge des pauvres au profit des riches, qu’il faut chercher la solution de la question agricole.
- Et les Italiens le comprennent mieux que certains de nos compatriotes, car toutes les associations agraires d’Italie pro -testent contre l’expédition italienne dans la mer Rouge, qui va augmenter les charges publiques.
- Le bon sens italien résistera-t-il à l’émotion que causera la mort du Gordon ou du commandant Rivière italien, événement qui ne peut manquer d’avoir lieu, si les chefs de l’expédition de la mer Rouge ont comme nos généraux et les généraux anglais le sentiment des devoirs que leur impose le service de la politique coloniale.
- DE L’IMPOT SUR LE REVEND
- ET DE
- L’IMPOT SUR LES REVENUS
- Les questions relatives aux impôts, malgré la haute importance qu’elles présentent au point de vue social, sont si peu, si superficiellement connues, qu’en dehors de la toute petite catégorie des hommes qui en ont fait l’objet d’études spéciales, il n’y a certainement pas cinq personnes sur cent qui, se prononçant en faveur de tel ou tel impôt,soient en mesure de justifier leur préférence, lorsqu’on les met en demeure de le faire.
- Cela est si vrai que la plupart de ceux qui reconnaissent et proclament la nécessité de substituer à l’impôt multiple actuel, un impôt unique sur le revenu, ou sur le capital, no savent pas, même approximativement, en quoi consiste au juste chacune de ces deux formes fiscales.
- Cette ignorance est d’autant plus fâcheuse qu’il devient plus évident chaque jour que nous touchons au moment où le suffrage universel va avoir à se prononcer sur cette grosse question.
- Il importe donc, plus que jamais, qu’il soit un peu éclairé
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- à cet égard, afin de savoir et de comprendre où il va, et de n’être pas exposé à tourner le dos au but qu’il veut atteindre :
- Or, il suffit pour cela de lui apprendre, en le lui démontrant, bien entendu :
- 1° Que Vimpôt unique sur le revenu, c’est-à-dire l’impôt frappant du même tant °f#, tous les revenus, abstraction faite de leurs sources, n’est pas plus admissible en théorie qu’il n’est- réalisable en pratique ;
- 2° Que l’impôt sur les revenus, de quelque façon qu’il fût établi, ne pourrait être qu’une simple refonte de notre système fiscal actuel, lequel — il n’est pas un économiste qui le conteste - n’est pas autre chose, en fait, qu’un impôt assis sur la rente, sur les bénéfices commerciaux et industriels et sur les salaires, c’est-à-dire sur les revenus de toute nature ;
- 3° Enfin, que seul l’impôt unique sur le capital est, à la fois, logique, juste et facilement applicable.
- Tels sont les points que je me propose d’établir d’une façon très succinte, très élémentaire, mais aussi précise que possible dans l’étude que je soumets aujourd’hui aux lecteurs du Réveil.
- Impôt sur le revenu
- Commençons par l’impôt sur le revenu :
- Son principe est des plus simples. Voici comment le formulent le plus ordinairement cenx qui en sont, ou pour parler plus exactement, ceux qui s’en croient les partisans.
- 11 est juste, disent-ils, que chacun contribue aux charges publiques dans la mesure de ses facultés, c’est-à-dire de ses ressources.
- Or, ces ressources consistant toujours en un revenu quelconque, il en résulte que chacun doit être taxé en proportion de ce revenu.
- Cette formule, au premier abord, n’a assurément rien qui choque. Je ne disconviens même pas qu’elle n’offre toutes les apparences de l’équité.
- Mais aussitôt que l'on passe du principe à son application, les apparences se dissipent et la réalité apparaît, réalité qui montre que l’impôt sur le revenu n’est ni juste, ni applicable.
- C’est ce que je vais prouver très facilement par quelques exemples.
- Tout d’abord voyons en quoi consistent les revenus des principales catégories de contribuables.
- Celui du rentier consiste dans ce qu’il retire de ses placements de fonds, du loyer de ses terres, de celui de ses immeubles.
- Celui de l’industriel, du commerçant, dans les bénéfices que lui procure son industrie, son commerce.
- Celui de l’employé, de l’ouvrier, du médecin, du savant, dans ce que lui rapporte son emploi, sa profession, son savoir, son métier.
- Cela posé, prenons pour premier exemple trois rentiers, le premier jouissant d’un revenu de clix mille fr., le second d’un revenu de vingt mille fr., le troisième d’un revenu de trente mille fr. ;
- Taxons les à raison de 10°{ode leurs revenus respectifs.
- Le premier paiera mille fr., le second deux mille fr.,
- le troisième trois mille fr. Ce sera parfaitement équitable et aucun d’eux n’aura lieu de se plaindre.
- On va voir qu’il n’en est plus du tout de même, lorsqu’au lieu de se trouver en présence de trois rentiers l’on se trouve en présence d’un médecin, par exemple, d’un industriel et d’un rentier.
- Supposons que le rentier ait dix mille francs de revenu ; que l’industriel fasse, dans son industrie, un bénéfice annuel moyen de dix mille fr., et en troisième lieu que le médecin de son côté gagne aussi dix mille fr. par an.
- Leurs revenus étant égaux, ils doivent, en vertu du principe, acquitter une taxe égale.
- Ces trois contribuables, au taux de 40 e[0, paieront donc chacun mille fr.
- Sera-ce équitable ?
- On sent très bien que non, avant même d’avoir comparé entre elles la situation du rentier, celle du médecin et celle de l’industriel.
- Mais l’iniquité devient flagrante lorsque, remontant à la source de ces divers revenus, l’on constate :
- 1° Que le rentier tire le sien d’un immeuble qui vaut deux cent cinquante mille fr. ;
- 2° Que l’industriel tire le sien d’une usine qui, — en y comprenant le fonds de roulement nécessaire à son exploitation, et l’outillage— représente un capital de cinquante mille fr. ;
- 3° Que le médecin, lui, ne possédant rien, tire exclusivement le sien de l’exercice de sa profession.
- Dans ces conditions, il tombe sous le sens, il est manifeste, que l’on demanderait relativement beaucoup plus au médecin qu’à l’industriel, et à l’industriel beaucoup plus qu’au rentier.
- Le plus atteint de ces trois contribuables serait celui qu se trouve dépourvu de tout capital.
- Le plus favorisé serait celui qui possède le plus et qui en même temps travaille le moins.
- On remarquera en passant que c’est justement ce qui a lieu sous l’empire de notre système fiscal actuel, qui épargne d’autant plus le capital qu’il est plus inerte et plus oisif, et qui pèse d’autant plus lourdement sur lui qu’il est plus actif et plus productif.
- Est-ce là le résultat que veulent atteindre les partisans de l’impôt sur le revenu ?
- Non, car s’il, en était ainsi, on ne comprendrait pas qu’ile réclamassent et poursuivissent la réforme de notre régime fiscal.
- Il est donc clair qu’en préconisant l’impôt sur le revenu ils se laissent séduire par une vaine formule dont ils ne comprennent pas la portée, parce qu’ils ont négligé d’en pénétrer le sens exact.
- En somme, l’impôt sur le re venu ne ferait que consacrer ouvertement et directement les iniquités auxquelles aboutit d’une façon subreptice et par de s voies détournées notre détestable système fiscal.
- Impôt sur les revenus
- L’impossibilité absolue de soumettre tous lés revenus indistinctement à une taxe unique étant admise, l’idée qui se présente toutna turcllement à 1*esprit est celle-ci : ne pour
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- rait-on pas diviser les revenus en catégories distinctes, et appliquer à chacune de ces catégories une taxe particulière ?
- Ce serait, non plus l’impôt sur le revenu, mais l’impôt sur les revenus.
- Théoriquement cet impôt est soutenable, au moins dans une certaine mesure. Mais je vais démontrer que son application rencontrerait des difficultés, que l’on peut, a priori, considérer comme insurmontables.
- Le premier écueil que rencontrerait l’établissement de l’impôt sur les revenus serait l’évaluation des taxes afférentes à chaque nature de revenu.
- Imposant, par exemple, le revenu du rentier, de l’oisif, à raison de 10 °[0, quel taux adopterait-on pour le revenu de l’industriel ? Serait-ce 9 *i»? Serait-ce 8, 8 lp2, 8 3{i ?
- Et pour celui de l'employé ? Et pour celui de l’avocat ? Et pour celui de l’ouvrier ? Et pour celui de l’artiste,..?
- De semblables évaluations ne sauraient être acceptables qu’à la condition d’être sérieuses. Et il est évident qu’elles ne pourraient l’être qu’autant quelles seraient as uses sur une base sérieuse elle-même, c’est-à-dire solide, invariable, ne comportant aucun arbitraire.
- Or, où est cette base ? Où la prendrait-on ? J’avoue très sincèrement que je ne le vois pas.
- Admettons pourtant qu’on la trouvât, et que l’échelle des taxes fut dressée d’une façon irréprochable. On n’aurait encore résolu que la moindre des difficultés à surmonter.
- Il ne suffirait pas, en effet, d’avoir décidé que le rentier paierait tant 0[0, 1 industriel tant Q[0, l’architecte, le fonctionnaire, l’ouvrier.... tant 0[0 : il faudrait encore arriver à déterminer ce que, — en vertu de ces diverses taxes, — chaque contribuable devrait payer au fisc.
- Il faudrait, en un mot, pouvoir calculer exactement le revenu de chacun d’eux.
- Pour la catégorie des propriétaires d’immeubles, ce serait facile ; un peu moins peut-être pour celle des propriétaires ruraux, mais non point impossible cependant.
- Assez facile encore pour tous ceux dont le revenu consiste en salaires, en appointements fixes.
- Mais le revenu de l’industriel, du commerçant, comment parviendrait-on à le connaître ?
- Pourrait-on s’en rapporter à la déclaration de l’industriel, du commerçant ?
- Non, car la déclaration fut-elle sincère, serait inévitablement soupçonnée de ne pas l’être, et par conséquent ne présenterait pas un caractère sérieux.
- Obligerait-on l’industriel, le commerçant à communiquer ses livres, ses comptes, à livrer le secret de ses affaires aux agents du fisc ?
- Non plus, car ce moyen tout inquisitorial offre à l’esprit quelque chose de si odieux et de si vexatoire qu’il ne supporte même pas l’examen, et doit être repoussé sans discussion.
- Il faudrait donc procéder par supposition, par présomption par induction, tâtonner et finalement se contenter d’un à peu près.
- Pour les médecins, les avocats, les artistes, etc., on se heurterait aux mêmes difficultés et les appréciations du fisc offriraient le même degré d’incertitude et par conséquent h’arbitraire.
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- Cela étant, on peut tenir pour certain que. l’impôt sur les revenus, plus acceptable en théorie que l’impôt sur le revenu, constituerait, à très-peu de choses près, une fiscalité tout aussi défectueuse et tout aussi abusive que celle qu’il s’agit de réformer.
- Partant du même principe et ne reposant pas sur une base ni plus déterminée, ni plus solide, elle ne pourrait pas ne pas avoir recours aux mêmes procédés ; elle aurait les mêmes tendances, les mêmes vices et elle aboutirait fatalement aux mêmes résultats.
- Les gros capitaux continueraient à être épargnés au détriment des pauvres ; l’inertie, l’oisiveté, la paresse, au détriment de l’activité, de la production, du travail.
- Ce serait purement et simplement une variante du régime fiscal actuel.
- Je démontrerai dans le prochain numéro du Réveil, qu’il en est tout autrement de l’impôt sur le capital, qui compte aujourd’hui de nombreux partisans, mais qui en compterait certainement beaucoup plus s’il était mieux connu.
- M. PEAUGER.
- Do Rôle des Radicaux
- Le directeur de la France Libre, M. Maujan, depuis plusieurs mois, adresse de chaleureux appels à ses collègues du radicalisme qu’il invite à provoquer l'union de tous les groupes socialistes. L’insistance de M. Maujan et la netteté de ses déclarations ne permettent pas de mettre en doute la sincérité du directeur politique delà France Libre. Si les radicaux comprenaient ces appels, s’ils s’empressaient d’agir selon ces aspirations, il n’est pas douteux qu’un nouveau parti, aussi virilement constitué, entraînerait bientôt la démocratie vers un avenir conforme aux aspirations et aux besoins, des classes laborieuses.
- « Ah ! le parti radical, dit M, Maujan, peut jouer un rôle utile et grand dans cette bataille sanglante de l’égoïsme et de la misère. —- C’est lui qui peut empêcher la ruine, c’est lui qui peut sauver la patrie.
- » Il appartient en effet aux radicaux de se mettre résolument à la tête des réformes, de formuler, dans un programme précis, les revendications complètes de la démocratie, et de constituer enfin le grand parti socialiste, dans lequel viendront logiquement se fondre, tôt ou tard, les écoles, les groupes et les fédérations de toutes sortes et de toutes nuances. »
- Ces paroles ne vont pas au-delà de ce qui serait possible par l’union des partis avancés.
- Mais, les moyens pratiques défaire cette union ne sont pas ceux que préconise le directeur de la France Libre. Après les lignes que nous venons de citer, M. Maujan conseille d’aller dans les réunions publiques demander aux masses de tracer le programme de cette alliance.
- C’est la tactique contraire qui devrait être adoptée.
- Les hommes qui sentent la nécessité de cette union doivent en avoir étudié les conditions ; ils connaissent le contenu du programme radical et les clauses du programme socialiste ; leur conscience doit leur interdire de rejeter certaines parties
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- de l’un et d’accepter certaines revendications de l’autre.
- Ne serait-il pas rationnel de voir ceux qui disposent de la presse écrire dans leurs journaux ce qu’ils pensent des divers articles des deux programmes ?
- Nous pensons, nous, qne ce travail doit précéder la campagne des réunions publiques.
- Nous ne croyons pas que les masses aient une maturité suffisante pour traduire spontanément,en un poogramme suffisamment précis, des revendications correspondant à leurs besoins réels.
- Cette tâche incombe aux hommes de bonne volonté suffisamment instruits des choses de la sociologie.
- L’état intellectuel et politique de notre démocratie ne permet pas d’attendre d’elle une initiative suffisamment féconde ; on ne peut lui demander davantage que de se rallier aux propositions conçues et vulgar isées par ses éléments les plus capables.
- Tous ceux qui veulent l’alliance entre les radicaux et les socialistes n’ont pas de temps à perdre ; il est urgent que chacun d’eux fasse connaître quelles concessions il accorde et celles qu’il réclame. Nous serions heureux de voir entrer la France Libre dans l’examen détaillé et précis des possibilités de conciliation entre les radicaux et les socialistes.
- Gomment on colonise
- Les Allemands sont la race la pins prolifique de l’Europe : en cent ans, ils peupleraient les deux hémisphères.
- Jusqu’à ces dernières années, n’ayant, ou à peu près, ni marine, ni commerce, ils avaient dû chercher dans les établissements transocéaniques fondés par les autres peuples un léversoir au trop plein de leur population. Mais leurs succès de 1870 ont éveillé chez les Allemands des appétits de domination qui ne se pouvaient satisfaire par ce moyen, en même temps que le subit développement de leur industrie les obligeait à se chercher au loin de nouveaux débouchés. M. de Bismark s’est donc avisé que son empire manquait de colonies, et, en homme qui connaît le prix du temps, il s’est immédiatement misa l’œuvre pour lui en procurer.
- Pour réaliser ses projets, comment a-t-il procédé? A-t-il, à notre exemple, prodigué les millions et les soldats ? A-t-il mis en branle tout le vaste appareil militaire dont il dispose? Pour se rendre un compte exact de la profonde différence qui sépare les deux méthodes, il suffit de lire les instructions adressées par le ch mcelier au docteur Nachtigal, commissaire général de l’Allemagne sur la côte occi fentale d’Afrique, instructions dont le texte est publié par un journal du matin. Il y a là des indications dont nous verrions avec plaisir nos belliqueux hommes d’Etat faire leur profit.
- Voici comment s’exprime M. de Bismark :
- « Pour assurer les sujets de l’Empire contre une expulsion par d’autres nations des possessions dont elles ont fait l’acquisition sur différents territoires et pour leur donner la facilité de l’étendre, S. M. l’Empereur a décidé de prendre, au nom de l’Empire, directement sous sa protection, les Al-emands et leur commerce sur certaines parties de la côte.
- Il n’est pas, cependant, dans ses intentions d’y introduire tout un système d’administration qui demanderait l’envoi d’un grand nombre de fonctionnaires allemands, ni d’y tenir une garnison de troupes allemandes, ni enfin de prendre l’obligation de protéger les Allemands y établis, leurs factoreries et leurs entreprises contre une guerre éventuelle avec une des grandes puissances maritimes. Pour le but que nous poursuivons, il suffit de conclure des traités d’amitié, de commerce et de protectorat, par lesquels nous acquerrons les droits nécessaires pour exercer une protection efficace des sujets allemands. »
- Ainsi, tandis que nous ne pouvons mettre le pied sur une terre, même dont la possession ne nous est pas disputée, sans l’inonder de soldats, de fonctionnaires galonnés sur toutes les coutures, sans la couvrir de casernes et de bureaux, sans y créer, avant qu’elle ait rapporté un sou, tout un vaste organisme administratif, dont le moindre défaut n’est pas de coûter les yeux de la tête, mais qui a, en outre, l’inconvénient d’y enchaîner tout essor commercial,toute initiative individuelle ; tan-d s que nous suivons cette méthode insensée qui rendrait stérile le sol le plus fécond, M.deBismark, l’homme des conquêtes et des batailles, résume,lui, tout son programme colonial dans cette formule :
- — Pas de soldats, pas de fonctionnaires, — des colons !
- Les colons! Oui, c’est là qu’en matière de colonisation est la vérité. Les colons ! C’était, pourtant, la vieille méthode française, au temps où nos aventureux compatriotes fondaient à la Louisiane, à l’île Maurice, au Canada, ces Frances lointaines que l’incapacité royale a détachées de la mère-patrie, mais dont la mémoire et les traditions vivent dans le cœur de leurs habitants.
- On dira que c’était le temps de l’ancien régime et du droit d’aînesse. Où sont ces cadets de famille qui, dépossédés par la loi du bien paternel, partaient gaillardement à la conquête de la fortune ?
- Eh ! — comme le disait M* E. About à la Société française de colonisation — ce sont bien, en vérité, les « cadets » qui nous manquent. 11 n’en manque pas, sur notre terre de France de fils qui n’ont pas trouvé de titres de rente dans leur berceau. Combien de malheurenx partiraient qui n’ont rien, ni toit, ni vivres, ni argent, ni travail, qui ne sont pas des malfaiteurs, qui n’ont jamais rien pris à personne, qui ne demanderaient qu’à faire souche d’honnêtes gens et qui resteraient tels, si vous leur ouvriez une autre porte que celle du dépôt de mendicité toute grande ouverte sur la prison.
- Mais voilà! Rien que pour partir, on demande aux émigrants cent quatre-vingts francs — cent pour le voyage jusqu’au port, quatre-vingts pour la nourriture à bord. Cent quatre-vigts francs : il en est plus d’un parmi les réguliers, travaillant sans chômage, qui ne réunirait pas facilement pareille somme. Où voulez-vous que les misérables la trouvent? Autant dire tout de suite qu’on ne veut pas de colons.
- Il est vrai que nous avons la loi sur les récidivistes. Ce serait, pourtant, moins cher de payer le voyage d’un ouvrier que de subvenir à l’entretien d’un forçat. Nous le verrons bien à l’user.
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- L'UNITÉISME (i)
- Un penseur dont la modestie égale le mérite, M. P. Géraud, a écrit sous le titre Unitéisme un intéressant traité d'organisation sociale, qui se recommande à l'attention des réformateurs.
- Le livre de M. Géraud est le produit d’un esprit mûr, fortement trempé par l’étude et par l’observation. M. P. Géraud, dans la préface de son livre, s’exprime ainsi sur les mobiles qui l’ont conduit à publier ce travail : « Cette expérience, nous l’avons acquise à force d’avoir vu, lu, entendu et médité. Après avoir passé par les différentes phases opposées de la prospérité et de l’adversité, après avoir vécu dans des conditions et milieux différents, nous avons souffert de nos propres souffrances et de celles de nos frères : et notre cœur débordant de tendresse et de compassion pour toutes les misères humaines, nous venons, si nous pouvons avoir ce bonheur, contribuer pour notre pai t à l’amélioration du sort du genre humain. »
- L’auteur appelle Unitéisme, le pur et réel universalisme : « No*re titre, dit-il, résume toute la pensée qui préside à cet ouvrage. Unitéisme, c’est-à-dire religion universelle basée sur la raison commune à tous les hommes et de tous les temps et de tous les lieux, sur ce qui est généralement admis et consenti ; organisation sociale et accomplissement progressif de la création de la société humaine. »
- M. Géraud comprend sous le nom d’Unitéisme la fusion de l’idéal chrétien et de l’idéal phalanstérien.
- Après un résumé succint de l’histoire du développement progressif de la création sociale de l’humanité, l’influence de la religion chrétienne est soigneusement dégagée ; puis vient un exposé de l’idéal unitéiste tendant à un ordre social harmonisé.
- A ce préambule succède un aperçu de l’état moral, passionnel et religieux dans la civilisation harmonienne dont l’auteur détaille ensuite le régime politique basé sur la souveraineté du peuple, et l’ordre économique lié à l’organisation universelle du travail.
- Dans la troisième partie sont exposés des moyens pratiques de transition, correspondant à chacune des divisions admises dans la description de la civilisation harmonienne.
- L’ouvrage de M. Géraud présente cette particularité, aussi rare que significative, de réunir à côté des vues théoriques les plus larges, des procédés transitoires tenant suffisamment compte des préjugés, des erreurs et des intérêts de l’heure présente.
- Nous ne voulons pas rechercher quelles parties de l’Unitéisme se rapprochent ou s’écartent plus ou moins de nos préférences. Nous laissons à chaque lecteur le soin d’apprécier quelles réserves ou quelles critiques com-
- (1). Volume de 500 pages, en vente chez l’auteur, 80, avenue Victor-Hugo, à Paris. Prix, 3 fr. 50.
- porte le travail de M. Géraud. Nous lui trouvons le mérite’ trop rare à notre époque, d’être profondément pensé et sincèrement écrit.
- Les vins et les cidres en 1884
- Depuis 4883, le mouvement vinicole s’est considérablement accru en France. Le rendement de l’année était supérieur de près de six millions d’hectolitres au chitfre correspondant à l’année 1882. Ce mouvement ascensionnel ne s’est pas maintenu en 1884.
- On a récolté 34,780,726hectolitres. Il y a un déficit déplus de 1,200,000 hectolitres surl883. Il y a toutefois encore un excédent de prés de 4 millions d’hectolitres sur le produit de 1882.
- . En prenant comme point de comparaison la moyenne des statistiques des six dernières années, on constate que la vendange de 1884 a laissé un déficit de 10,264,116 hectolitres.
- On sait que tous les départements français produisent du vin, à l’exception du Calvados, des Côtes-du-Nord, dn Finistère, de la Manche, du Nord, de l’Orne, du Pas-de-Calais, de la Seine-Inférieure et de la Somme.
- Par degré d’importance de la production en hectolitres, les principaux départements sont: l’Aude, avec 4,371,771 hectolitres ; l’Hérault, 2,575,704 hect. ; le Gers, 1 million 607.580 hect. ; les Pyrénées-Orientales, 1,407.477 hect.; la Loire-Inférieure, 1 million 395,000 hect. ; la Gironde, 1,338, 183 hect. ; la Haute-Garonne, 1,266,443 hect. ; la Vienne, 1,227,940 hect. ; la Charente-Inférieure, 1,144 ,819 hect.
- Les départements, dont le rendement, comparé à celui de l’année précédente, donne un excédent, sont au nombre de 39, parmi lesquels nous désignerons plus spécialement, en suivant l’ordre alphabétique : le Gard , le Gers, la Loire-Inférieure, le Maine-et-Loire, la Marne, les Pyrénées - Orientales et la Vienne.
- La diminution de la récolte dans les départements de l’Est et du Nord-Est est la conséquense des gelées du printemps dernier.
- Les Ardennes ont produit 15,923 hectolitres de vin et 16, 131 hectolitres de cidre.
- Pour les départements méridionaux, c’est en grande partie au développement du phyloxéra qu’il faut attribuer la baisse du rendement, auquel a nui d’ailleurs la sécheresse excessive qui s’est produite, pendant les mois de juillet et d’août,dans ces régions.
- Il a fallu,au cours de cette année, défricher 48,200 hectares devenus impropres à la production du raisin, dans les départements de la Charente, du Gers, de la Gironde, de l’Isère, du Rhône,de l’Ailier et des Deux - Sèvres.
- Par contre, la culture de la vigne en Algérie est en voie de constante extension. La superficie plantée en vigne s’est accrue de 7,1-7 hectares. La production totale a été de 896,391 hectolitres,contre 822,000 en 1883. Cette récolte se répartit de la façon suivante :
- Province d’Alger, 431,680 hectolitres ; province de Constantine, 103,942 ; province d’Oran, 360,769.
- Le chiffre total de la récolte des cidres a atteint 11,907
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- LE DEVOIR
- 177 hectolitres. Il présente donc une diminution considérable sur le total de 1883, lequel avait dépassé le chiffre énorme de 23 millions d’hectolitres. On sait, il est vrai, que le rendement des pommiers a lieu par phases bi-annuelles et, tel qu’il est, le résultat de la dernière campagne est encore relativement satisfaisant.
- C’est l’Ille-et-Vilaine qui fournit la plus forte récolte : 2,516,053 hect. Après viennent : les Côtes-du-Nord, 1,037, 227 hect. ; le Calvados, 931,777 hect. ; l’Orne, 911,906 hect. ; la Mayenne, 806,507 hect. ; l’Eure, 799,701 hect. ; la Manche, 780.246 hect. et la Sarthe, 703,327 hect.
- En somme, une année moyenne dont les produits néanmoins donneront satisfaction tant aux consommateurs qu’à notre commerce d’exportation.
- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen
- Indre-et-Loire. Azay-sur-Cher. — Besnard, François-Alexis, membre du bureau de bienfaisance, — Gautron, marchand. — Gautron, conseiller municipal. — Quillet, conseiller municipal. — Bourgal. — Bournais, tonnelier. — Dange, commissionnaire. — Dangé-Rogeret, marchand. — Volland, maréchal. — Baillet-Serrais, ancien conseiller, — Poupeau, Baptiste. — Dangé , Ch. membre du bureau de bienfaisance. — Goury, François, sabotier. — Rqsier-Blanghet, boulanger. — Viaulin, Louis, ferblantier. — Garguin-Mignot, ancien conseiller mu nici-pal —FAY-Guénault, marbrier.—Buureau-Labourieige, cordonnier. — Glvet-Chatâin, ancien conseiller, — Bou-reau, Hector, commissionnaire. — Loyeau.— Champion. — Bourdon.— Fouchaudt,cultivateur.— Méreau, Eugène. — Méreau, A. — Gillet, rentier. — Gautron, tonnelier.— Bournais, Alfred, tonnelier. — Moreau, propriétaire.
- Eure. — Anfrévüle-sur-Ston. — Legrand, An-thime, cordonnier, — Botté, Henri, charpentier. — Cocagne, Désiré, boulanger. — Selle, Eugène, menuisier.
- Houdouville-sur-Ston. — Cocagne, Désiré, boulanger. — Lançon, Gustave, ouvrier filateur.
- Jura. Poligny. — Grappe, Antoine.— Vandel. Jean-Joseph. — Jeannin, J.-Baptiste. — Bonjour, Louis. — Crevasses, Léon. — Martin, François. — Amyet, Joseph.
- — Amyet, François. — MAiTREJean, Eloi. — Groshenry, Jean-Baptiste. — Rodet, François. — Regard, Marcel. — Arnaud, Auguste, fils. — Arnaud, Auguste. — Perret, Léon. — Perret, Joseph. — Millon, Ernest. — Morel, Ferdinand. — Charisse. — Benoit, Pierre. — David, Joseph. — Amgon, Charles. — Blanchot, Lucien. — Pigiie-ry, Louis. — Dunant, Charles. — Dupont. — Dunant, fils. — Mouchot, Sylvestre. — Jacquet, Louis. — Dupont, fils. — Dupont, François. — Martin, François. — Prost, Jean-Antoine. — Guillaumey, Désiré. — Sombard, Joseph,
- — Saillard, Charles. — Voitier, Philibert. — Olivier, Louis-Paul. — Béal, Ferdinand. — Salin, Alphée. — Salin, Félix. — Poncet, Clovis. — Poux, Victor, — Per-reaud. — E. Monchot, Charles. — Monciiot, Charles, fils.
- — Pécaud. Charles. — Martinet,, fouis. — .Tahter, Jean-
- Baptiste. — Benoit, Léon. — Dessauge. — Mandrillon, Jules. — Pajet, fils. — Pajet, père. — Picard, Charles.
- — Tonnerre, Louis. — Romanet, J. — Maitrejean. — Vannoz. — Rodit, Jean-Claude. — Roy, Victor. — Dole, Désiré. — Midol, Jean-Baptiste. — Midol, Félix. — Mi-dol, Jean, fils. — Michaud, Arthur. —• Tavent. —. Provenat, André. — Fratt, Victor, Joseph, Félix. — Massonnet, Ch Jahier, Edmond. — Carrat, Gustave. Pianet, François. — Mouchot, Joseph. — Mouchot, Honoré. — Voitier, Joseph. — Coulaing, Eugène. — Bi-chet, Gaspard. — Vuillet, Luios. — Jahier, Paul, fils.
- — Regard, Charles.— Bouhain, François. — Dupont, Charles. — Bergère. — Soudagne. J. — Salin, Paul. — Soudagne, Hippoiyte. — Soudagne, Léon. — Margiau.
- — Etienne, Cyrile. — Cessain, Jean-Charles. — Lombard. — Lombard, Emile. — Fromageot, B. — Grappe, Louis. — Franciers, Jean. — Breyot. — Paillard. — Perret. — Bourgoin, A. — Dole. — Picaud, Paul. — Picaud, Léon. — Guyat, Louis. — Layy. — Albin, Simon. - Moine, Joseph. — Moine, Alfred, fils. — Cou-lardet, J, — Vagneur, Charles. — Gauthier, Léon. — Panniel. — Bouveret. — Hugon. — Hugom, Alphonse.
- — Meunier, Charles. — Cler, Perhard. — Jahier, Emile.
- — Mercier, André. — Poux, Louis. — Picard, Jean. — Bonnin. — Radoz, Eugène. — Carrat. — Loup, P. — Prost, Paul. — Vandel, Joseph. — Prost, E. — Coupet. Jean. — Poux,Léon. — Bouthioux. — Marexcot.
- ...- — ......— —— — — —— -———
- MAITRE PIERRE
- Peur Edmond ABOUT (Suite.)
- II
- LA CANAU
- Je lui contai ce que j’avais entendu chez le libraire ; il sourit. « Ce soir,dit-il, vous verrez l’homme. Vous lui frapperez dans la main, et vous reconnaîtrez que les symboles n’ont pas les os si durs. Mais commencez par déjeuner à fond, car l’aubergiste de La Canau n’est pas précisément un cordon bleu. Vous avez bien fait de laisser les livres : vous les lirez avec plus de profit au retour, après avoir vu. En attendant, feuilletez maître Pierre ; il ne s’en plaindra pas, ni vous non plus. »
- Il voulut lester mon estomac comme pour un voyage au long cours, alléguant que c’était un principe d’hygiène landaise. Le fait est que les habitants des Landes, lorsqu’ils ont de quoi manger, s’emplissent volontiers jusqu’à la bouche pour fermer la porte au mauvais air.
- Midi sonnant, j’escaladai le marchepied d’un de ces énormes carrosses qui sont les fiacres de Bordeaux. Les chevaux étaient deux bêtes imposantes, de la taille des chevaux du Carrousel. Et je sortis de cette ville monumentale, emporté par un monument.
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- LE DEVOIR
- m
- Le soleil était chaud, le vent frais ; un joli temps d'avril. Les bouchons se balançaient à la porte des guinguettes ; les lilas en boutons se dressaient derrière le mur des jardins ; les pelouses vertes souriaient au passant à travers les grilles ; on distinguait ça et là, dans un massif de marronniers ou de tilleuls, quelque monument de campagne, consacré aux plaisirs d’un négociant bordelais. Dans l'enclos des blanchisseuses, le long des grandes cordes mal tendues, les serviettes flottaient comme des étendards et les chemises se gonflaient au vent.
- Après une heure de banlieue, au sortir du village de Saint-Médard, je sentis pour la première fois l'odeur pé-nétr nte des pins maritimes. La route courait droit à l’Océan, sans détour, ni montée ni descente, comme un ruban gris tendu en ligne horizontale. Je traversai,, trois heures durant, au grand trot de mes deux grands chevaux, une plaine merveilleusement unie et monotone, sar s un seul accident de terrain. Deux fossés pleins d'eau suivaient la route de droite à gauche. Il me fut impossible de distinguer si cette eau était courante ou stagnante, tant elle coulait lentement. Les terrains qui bordent les fossés sont cultivés avec assez de soin. Le reste du pays, à perte de vue, est une lande rase, entrecoupée de quelques bouquets de pins. Les ajoncs fleurissaient partout, excepté dans les marécages où la terre trop humide les avait tués. On voyait miroiter çà et là de grandes flaques d’eau jaune. De temps en temps, on rencontrait un troupeau de moutons rabougris, gros comme des agneaux de deux mois. Derrière eux, un berger, monté sur de longues échasses, marchait comme un héron, en tricotant des bas.
- Longtemps avant d’arriver à La Canau, j’aperçus à l’horizon un rang de montagnes rondes dont les cimes se découpaient en festons sur le ciel bleu. C’est la chaîne des Dunes, qui sépare la Lande de l’Océan. Vues d’un peu loin, les dunes boisées paraissent noires, les autres montrent un sable jaune et presque blanc.
- Bientôt l'état des cultures qui bordaient la route me fit comprendre que le village n'était plus loin. Je vis de beaux seigles, des blés passables, et même une prairie artificielle semée en trèfle rouge. Un instant après, je distinguai un étang à ma gauche et un clocher à ma droite. Le village était caché dans les arbres : la verdure ne manquait point aux environs, et quelques vaches éparses dans les roseaux donnaient à ce coin des Landes un faux air de Normandie.
- Quand le fiacre eut dépassé les premières maisons, je regardai de tous mes yeux par toutes les portières, si mon héros et sa compagne n’accouraient pas au-devant de moi. J'étais sûr de les deviner au premier coup d’œil
- comme de vieilles connaissances. Mais je descendis dans la cour de l'auberge avant d’avoir rencontré personne qui leur ressemblât. L'hôtelier vint m'ôter son bonnet : je ne lui demandai ni chambre, ni souper ; je le priai de me servir maître Pierre.
- Il répondit en homme que la demande n'étonnait pas : « Vous venez donc voir les curiosités du pays ? Nous vous trouverons maître Pierre. Il était ce matin chez nous pour soigner une vache malade. On l'a fait demander à la fabrique de M. Tessier pour raccommoder quelque chose : voulez-vons que je l'envoi chercher ?
- (A Suivre).
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- La production agricole en France, son présent et son avenir, par L. Grandeau,suivie des dernières statistiques sur la question du blé,avec 2 caries, 2 diagrammes et 4 tableaux hors textes représentant, année par année, de 1815 à 1884, la production, la consommation, le prix moyen de l’hectolitre, l’importation, l’exportation et les droits d’entrée ou de sortie du froment, par M. E. Cheysson, ingénieur des ponts et chaussées, professeur à l’Ecole des sciences politiques, et d’une étude géologique sur le blé en France et en Angleterre, par M. Ronna, membre du conseil supérieur de l’agriculture. Un vol. in-8°, 128 pages, 5 cartes diagrammes et tableau hors texte. Prix, 3 'francs. Les éditeurs, pour répondre aux demandes qui leur ont été adressées par les associations, sociétés d’agriculture, etc., ont consenti une très forte réduction sur ce prix pour les commandes de 180 exemplaires et au-dessus qui leur seront adressées d’ici au 15 frévrier prochain.
- Théâtre du Familistère de Guise
- Samedi f4 Février 1885 Première Représentation de
- Comédie en TROIS ACTES de M. MORDONNEA. Distribution. — Godin, MM. Paillon ; Juglar, George ; Rebiffe, Darmental ; De l’Estrapade, Bruneton ; Prosper, Lureau ; Séraphin, Husson ; Un Inspecteur, Lassalle ; Un Passager, 1er Commis, Moens ; Fanny, Mmes Decourty ; Mme Maléchard, A. Brunet ; Céleste, George ; Jeanne, G. Brunet ; Césarine, L. Demoulin ; Clapotte, Alphonsine ; Gardien de la Paix, MM. Boulanger; Un Employé, 2e Commis, Denis; Une Passagère, Mme Savigny.
- Une DATE FATALE
- Comédie en UN ACTE de M. QUATRELLES
- Jouée par MM. GEORGE et Mlle J. DECOURTY
- Le Directeur-Gérant : GODIN
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- LIBRAIRIE DU FAMILISTÈRE
- GrTJISE (Aisne)
- ci-ynii^ryrjF* x\ rg^rsstg* SXÎ-
- Fondateur* du Familistôr*e
- Vient de paraître :
- Le Gouvernement, ce qu’il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action.
- Ce volume met en lumière le rôle des pouvoirs et des gouvernements, le principe des droits de l’homme, les garanties dues à la vie humaine, le perfectionnement du suffrage universel de façon à en faire l’expression de la souveraineté du peuple, l’organisation de là paix européenne, une nouvelle constitution du droit de propriété, la réforme des impôts, l’instruction publique première école de la souveraineté, l’association des ouvriers aux bénéfices de l’industrie, les habitations ouvrières, etc., etc.^
- L’ouvrage est terminé par une proposition de loi à la Chambre des députés sur l’organisation de 1 assurance nationale de tous les citoyens contre la misère.
- In-8° broché, avec portrait de l’auteur................................................°
- Solutions SOCiuloS. " Exposition philosophique et sociale de l’œuvre du Familistère avec la
- vue générale de l’établissement, les vues intérieures du palais, plans et nombreuses gravures :
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- Mutualité sociale et association du Capital et du Travail ou extinction du paupérisme
- par la consécration du droit naturel des faibles au nécessaire et du droit des travailleurs à bénéfices de la production.
- Ce volume contient les statuts et règlements de la Société du Familistère de Guise.
- In-8° broché, avec la vue générale des établissements de l’association..............
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- participer aux
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- Mutualité nationale contre la Misère. — Pétition et proposition de loi à la Chambre des députés
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- Les quatre ouvrages ci-dessus se trouvent également : Ubrairie Guillaumin et Cie, rue Richelieu, Paris.
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- Les Socialistes et les Droits du travail . . 0,40 cent. La Politique du travail et la Politique des privilèges. 0,40 La Richesse au service du peuple . . . . 0,40 cent. La Souveraineté et les Droits du peuple. . . . . 0,40
- OUVRAGES RECOMMANDÉS AUX COOPÉRATEURS Histoire de l USSOCintion Sgricole de Ruluhine (Irlande), Résumé des documents de
- M. E. T. Craig, secrétaire et administrateur de l’association. Ouvrage d’un intérêt dramatique, traduit par Marie Moret.......................................................0,75 cent.
- Histoire des équitables pionniers de Rochdale, de g. j. holyoake. Résumé traduit d«
- l’anglais, par Marie Moret............................................0,75 cent.
- ROMAN SOCIALISTE
- La Fille de son Père. Roman socialiste américain, de Mme Marie Howland, traduction de
- M. M., vol. broché............................................................3 fr. 50
- La première édition de ce roman publiée par M. John Jfwett, l’éditeur de « la Case de l’Oncle Tom », a eu un grand succès en Amérique. Ce Roman est aux questions sociales qui agitent le monde civilisé, ce que « la Case de l’Oncle Tom » fut pour la question de l’esclavage.
- Se vend aussi chez Ghio, 1,3, 5, 7, galerie du Palais-Royal, Paris.
- Guise. — lmp. BARÉ.
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- 9e Année, Tome 9. — N° 337 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 22 Février 1885
- BUREAU ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE ON S’ABONNE A PARIS 8, rue Neuve-des-Petits-Champs
- a GUISE (Aisne) par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont
- Tontes les communications le talon sert de quittance. Passage des Deux-Pavillons
- et réclamations France Union pestais
- doivent être adressées à Un an ... 10 fr. »» S’adresser à M. LEYMARIE
- M. GODIN, Directeur-Gérant Six mois. . . 6 »> Antres pays damiaistrateur delà Librairie des sciences
- Fondateur du Familistère Trois «ois. . 3 »» Un an. . . . 13 fr. «0 psychologiques.
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES & POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- i. —Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2- — Faire des garanties de la vie humaine et de la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur lavaleur des candidats.
- k. — Organisation du suffrage universel par l’unité de Collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur volant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement clans chaque commune, recensement à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile ;
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens;
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter ;
- La représentation par les supériorités.
- 3. — Renouvellement annuel de moitié de la Chambre des députés et de tous les corps élus. La volonté du peuple souverain toujours ainsi mise en évidence.
- 0. — Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues par le suffrage universel.
- 7. — Égalité civile et politique de l’homme et de là femme. •/
- 8' — Le mariage, lien d’affection.
- Faculté du divorce.
- 3- — Éducation et instruction primaires,gratuites et obligatoires pour tous les enfants.
- Les. examens et concours généralisés avec élection des élèves par leurs pairs dans toutes les écoles. Diplôme constatant la série des mérites intellectuels Qt moraux de chaque élève.
- 10. — Ecoles spéciales, nationales, corresqmn-dantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus clignes par les concours, les examens et les élections.
- 11. — Suppression du budget des cultes. Séparation de l’église et de l’État.
- 12. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 13. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit
- d’héritagemnational dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- lk. — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatérale à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dans une juste mesure, retour à la société qui a aidé a les produire.
- 15. — Remboursement des dettes publiques avec les ressources de l’hérédité.
- t 16. — Organisation nationale des garanties et de l’assurance mutuelles contre la misère.
- il. — Suppression des emprunts d’Etat.
- 19. — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 20. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21. — Libre échange entre les nations. «
- 22. — Abolition de la guerre offensive.
- 23. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 2k. — Désarmement européen.
- 25. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire.
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- LE DEVOIR
- SOMMAIRE
- Les Anglais au Familistère. — La représentation proportionnelle. — La question de désarmement, de paix et d’arbitrage international.
- — Propagande de la paix. — Renouvellement partiel et annuel. — La vérité sur les révisions douanières. — — La Crise Agricole. — Aphorismes et préceptes sociaux. — Faits politiques et sociaux de la semaine. — Liberté religieuse. — Les syndicats agricoles. — Bibliographie. — Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen. — Maître Pierre.
- — État-civil.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- —-———--------— "nniMi n HIHff/ii --——-— ----
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
- Les Anglais au Familistère
- Nos lecteurs se souviennent’ sans doute de la visite faite par un groupe de coopérateurs anglais, au Familistère, en août dernier. Dans « Le Devoir » du 31 août 1884, après avoir donné les noms de nos honorables amis et visiteurs, et indiqué d’une façon très-sommaire comment ils avaient procédé à l’examen de toutes choses dans l’association, nous terminions en faisant à nos lecteurs la promesse suivante :
- « Si le principal organe des Sociétés coopératives » anglaises fédérées, the co-operative news, de » Manchester, publie le compte rendu de l’étude
- » des coopérateurs, nous nous ferons un plaisir de » le transmettre à nos lecteurs. »
- Or, ce compte rendu est aujourd’hui terminé dans le Co-operative news. Il a été fait par M. E. O. Greening, de Londres, l’un de nos visiteurs. Nous regrettons de ne pouvoir donner in extenso ce remarquable travail, suivi depuis cinq mois avec le plus vif intérêt par les cent mille lecteurs du « Co-operative news, » mais son étendue dépasse les limites de ce que le Devoir peut contenir.
- Le travail de M. Greening est divisé en chapitres intitulés comme suit :
- I. — Les travaux des jours d’agrément.
- II. — Réunion des excursionnistes à Londres, Embarquement.
- III. — 1 a Tamise. Les côtes d’Angleterre.
- IV. — Le tunnel sous-marin anglo-français.
- V. -- Boulogne.
- VI. — Amiens.
- VU. — Tergnier. St-Quentin.
- VIII. — Guise et M. Godin.
- IX. —M. Godin.
- X. —• Le capital et le travail au Familistère de Guise.
- XI. — Les travailleurs participant aux bénéfices.
- XII. Les bénéfices de l’association.
- XIII. La grande fonderie coopérative de Guise.
- XIV. — Les magasins coopératifs.
- XV. — Les salles du premier âge.
- XVI. — Les Écoles de l’association.
- XVII. Les logements dans l’habitation unitaire.
- XVIII. — Encore l’habitation unitaire.
- XIX. — Toujours le Familistère.
- XX. — L’assurance mutuelle au Familistère.
- XXI. — Jardins, buanderies, théâtre.
- ' XXII. — M. Godin chez lui.
- Pour donner à nos lecteurs une idée, au moins, de la manière dont M. Greening a traité son sujet, nous publions ci-dessous la traduction du chapitre concernant l’arrivée des coopérateurs à Guise. M. Greening s’exprime ainsi :
- GUISE ET M. GODIN
- « Plus nous avançons vers Guise, plus le nom de M. Godin est fréquemment répété par nos compagnons déroulé, gens de la localité.Évidemment, l’homme et l’œuvre dont l’étude constitue le but de notre voyage, soulèvent de vives critiques et divisent profondément l’opinion dans leur voisinage le p'us rapproché.
- » Les coopéraJeurs anglais ne peuvent en être
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- grandement surpris. Nous sommes habitués à entendre les écrivains étrangers elles visiteurs de distinction apprécier nos sociétés coopératives dans les termes les moins éîogieux. Le même traitement est appliqué aux initiateurs et directeurs de ces sociétés. Pour la faible part pris*; par moi dans le mouvement coopératif, je me suis entendu apprécier, en plusieurs occasions, d’une façon telle que le seul point à résoudre ensuite était, de savoir si je devais être enfermé dans une prison de criminels ou dans un asile d’aliénés. Un des principaux journaux anglais me baptisa « l’apôtre de la discorde. »Un commerçant irrité me dit, à moi-même, naïvement, que je devrais être fusillé. Ma femme, se trouvant en voyage, entendit de moi une telle description qu’elle crût avoir épousé l’homonyme de celui dont on parlait. On m’accusa de vouloir enlever le pain delabouche des pauvres gens, moi adonné à une œuvre absolument opposée, tendant non-seulement à remplir jusqu’aux bords la coupe du pauvre, mais suivant la parole du Saint Livre : « à lui donner l’abondance et le rire. » Les mêmes faits se sont produits, j’en suis certain, pour tout agent actif du mouvement coopératif : orateur, écrivain, commissaire, directeur, secrétaire, etc.
- » Si l’établissement de nouveaux magasins et ateliers produit tant d’irritations personnelles parmi les personnes* qui se croient lésées dans leurs intérêts ; que de tempêtes doit soulever la fon iation d’une vaste société coopérative accomplissant toutes choses, humainement parlant, pour ses membres! La société française, but de notre visite, compiend non-seulement des magasins, coopératifs pour l’épicerie, la boulangerie, le vêtement, la draperie, les chaussures, les combustibles, la boucherie, et tous autres articles de première nécessité, mais elle fournit du travail à ses membres dans de gigantesques usines; elle donne à chaque famille des appartements dans des palais; elle nourrit et élève les petits enfants dans la mesure où cela plaît à la mère de famille ; elle assure l’éducation et l’instruction de tous les enfants jusqu’à l’apprentissage du travailprofessionnel; elle offre bibliothèques,salles de billard, casino,théâtre, professeurs de musique, service médical et pharmaceutique ; elle vient en aide dans les services domestiques par une vaste buanderie pourvue de machines à laver et à sécher; elle assure ses membres contre le dénûment en cas de vieillesse, d’accidents, d’infirmités, ou de perte du gagne-
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- pain dans la famille ; elle publie un journal consacré à la défense de ses principes; elle a enfin des salles de bains et autres instruments de bien-être et de luxe, y compris un magnifique jardin rempli de fruits et de fleurs.
- » Une telle rcciété abolit donc une quantité d’intermédiaires, depuis le vendeur ambulant avec son système de crédit à la semaine, jusqu’au vieux maître d’école, à moitié au courant des progrès de la science et armé d’une férule. Les gens protestent contre la suppression de leur emploi. Iis n’aiment pas ces modifications et encore moins l’initiateur d© ces mesures.
- » Cependant, leur objection fondamentale n’est pas toujours candidement exprimée par eux. J’ai connu un filateur de Rochdale fortement opposé à l’entreprise des illustres pionniers et cela, disait-il, dans un but absolument désintéressé : « Il était peiné de voir les coopérateurs mettre leurs capitaux en péril dans une opération absolument en désaccord avec la méthode coopérative et son mode de travail. »
- » Mais je reviens à nos Français, compagnons de roule. Un des plus véhéments critiques de M. Godin était un instituteur local. Sa principale objection était extraordinaire. Il n’aimait pas M. Godin à cause de son égoïsme ! Il admettait l’excellenco des écoles de M. Godin, mais ces écoles n’étaient-elles pas à l’usage exclusif des travailleurs du Familistère. 11 admettait également que M. Godin avait créé de nombreuses et très-bonnes institutions dans son œuvre coopérative, mais qu’avait-il fait pour la ville? Qu’avait-il fait pour Guise? C’était là le fond de sa critique.
- » Nous étions destinés à rencontrer une étrange réponse à cette querelleuse plainte. Durant notre séjour à Guise,un des journaux de la localité contenait l’annonce d’une offre faite par M. Godin pour doter à ses frais la ville de Guise d’écoles publiques aussi parfaitement installées que celles établies dans la Société du Familistère. La seule condition faite par M. Godin,et qui ne semblait pas trouver faveur chez les autorités locales, était d’instituer ces écoles sous le régime laïque et non sous le contrôle du clergé.
- » Au cours de notre visite, je dis quelques mots à M. Godin de cette opinion des gens de !a vide qui prétendaient avoir moins bénéficié delaSociété du Familistère qu’ils n’auraientdû le faire. M. Godin ne me dit pas un mot de son offre récente et magnifique pour les écoles de la ville, ni des bornes
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- choses déjà réalisées par lui dans la même voie et dont j’avais entendu parler par d’autres personnes. Mais il me répliqua avec un agréable sourire et un expressif mouvement d’épaules : « Je n’ai rien à dire de ce que la ville reçoit de nous, mais ce que nous recevons d’elle, c’est une masse régulière d’interprétations les plus inexactes et des feuilles périodiques de contributions locales. Nous avons à faire et à entretenir nos propres rues et nous payons, en outre, notre pleine charge pour l’entretien des voies de la ville. »
- » Je me suis écarté de mon sujet ; j’y reviens. M. Godin nous attendait à la station du chemin de fer. Les coopérateurs anglais seront heureux de connaître l’apparence de cette haute personnalité. Voici donc l’esquisse extérieure du premier fondateur d’une société coopérative complète :
- » M. Godin semble avoir 60 ans. Il en a, en réalité, 67, étant né le 26 janvier 1817. Il a la taille moyenne des Anglais, laquelle est d’un ou leux pouces plus élevée que la taille moyenne des Français. A première vue, il semble mesurer 5 pieds 8 pouces ( mesure anglaise ),quand il se tient bien droit, mais il perd habituellement un peu de sa taille par son attitude souvent penchée, ce qui indique ou faiblesse de santé ou surcharge de travaux de corps et d’esprit. La poitrine est large et le système musculaire, empreint d’une grande puissance, ne doit pas être facilement vaincu ni par la maladie, ni par une excessive application, ni par les deux combinés. Les traits énergiques du visage sont accentués par de sombres et larges sourcils ombrageant les yeux d’un bleu ravissant. Le contraste de ces deux traits est si frappant qu’il cause une impression immédiate et ineffaçable. Ce contraste,du reste,s’étend à l’aspect général de la physionomie. Celle-ci, la plupart du temps, est profondément sombre et triste, mais elle rayonne soudain, du plus charmant éclat à la fine appréciation de quelques traits humoristiques. Les cheveux, la barbe et les favoris sont gris-fer. La toilette est légère, aisée, simple, confortable, de bon goût, telle exactement qu’on l’attend, par ce beau mois d’août, d’un homme émancipé du joug tyrannique de la mode. Cette toilette est de nuance gris léger, et, comme toute chose appartenant à M. Godin, elle témoigne d’une soigneuse attention aux détails et de cette appréciation instinctive de l'harmonie des choses qui est l’âme du bon goût.
- » Voilà ce que ma mémoire, aidée d’une bonne
- lithographie et de trois photographies prises à différentes époques, me fournit sur l’aspect général de M. Godin. Les portraits dont je parle, je les dois à Mme Marie Moret, la compagne de M. Godin. J’aurai à parler du dévouement sans relâche de cette dame au développement du Familistère et aux institutions inhérentes à l’œuvre; pour l’instant, je ne puis qu’exprimer ici la profonde obligation dont mes compagnons de voyage et moi nous nous sentons redevables envers elle,pour le temps où nous avons eu le plaisir d’être les hôtes du Familistère.
- » Je :eviens à M. Godin pour essayer de rendre l’impression de ce qu’il est mentalement. Bien entendu c’est mon seul sentiment personnel que je puis donner ici. Mais les coopérateurs anglais fe-r *nt ainsi connaissance avec l’être intime, en réalité l’homme véritable, tel que le révèlent les faits extérieurs. C’est une connaissance indispensable pour comprendre l'œuvre. Rappelons ce mot de Charles Kingsley : « Si vous désirez comprendre l’histoire, efforcez-vous d’abord de bien connaître les hommes et les femmes. Car l’histoire est l’histoire des hommes et des femmes et rien autre; et quiconque connaît à fond les hommes et les femmes, comprendra le mieux le passé de l’humanité et sera le plus capable de marcher avec le monde présent. Remplissez donc votre esprit, » continue-t-il, « de figures humaines vivantes, d’hommes aux passions semblables aux vôtres, voyez comme chacun se meut et agit dons le temps et le lieu où Dieu l’a placé . . . Selon que vous comprendrez l’être humain et seulement ainsi, vous commencerez à comprendre les éléments de son action. » Voyons donc comment M. Godin impressionne l’observateur désireux de connaître les motifs, les pensées et les sentiments qui ont été les sources de l’action chez le fondateur du Familistère.
- » D’abord, il est essentiellement créateur et n’a rien d’un destructeur. S’il se fut trouvé dans la position de Cromwell, il n’eut jamais braqué de canons sur les admirables cathédrales gothiques de l’Angleterre, ni installé ses chevaux parmi les œuvres rares de pierre ou de bois qui ornaient les intérieurs de ces basiliques. M. Godin ne cesse, en pensée, de construire, d’arranger, d’organiser, de produire.de perfectionner.Mêmeau cours de la causerie dans le délicieux jardin de l’association, il trace des plans du bout de son ombrelle dans le sable des allées. M. Godin est républicain et socialiste dans le sens français des mots, deux qualifica-
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- lions qui sont la terreur de l’Angleterre ; il n’en réprouve pas moins toute pensée de désordre et de violence et trouve son plaisir uniquement dans la conservation et la création.
- » Le doute, la négation même lui est antipathique. Dans une de ses conférences traduites en Anglais par Ed. Vanssii tart Neale et publiée en brochure de propagande parle bureau central coopératif, M. Godin s’exprime ainsi :
- « Les réclamations basées uniquement sur la « haine des abus ne produisent que des sentiments « d’envie puissants pour détruire,mais impuissants « pour édifier. La haine laissée à elle même n’est € qu’un élément de destruction. Elle conduit à la « négation et la négation n’est pas un principe « créateur.
- « Les hommes, » continue-t-il, « ont critiqué « les choses existantes avant de comprendre com-« ment ils les pouvaient remplacer. Aujourd’hui, « à presque toutes les questions nous répondons « par la négation : négation du droit à la pro « priété individuelle, négation de la valeur du « sentiment religieux par suite des abus commis « sous le nom de religion, négation même d’une « Puissance directrice dans l’Univers, oui néga-€ tion même de Dieu.
- « Peut-être cette phase de négation est-elle « nécessaire à notre évolution sociale. Je ne m’ar-« rêterai pas à examiner ce qui peut être dit pour « ou contre. Tous les mouvements de la vie dans « l’humanité ont, j’en suis convaincu, leur utilité. « Je répétrai seulement que la négation ne peut « rien construire, elle ne peut qu’attaquer et dé-« truire et va souvent jusqu’à se frapper elle-« même. »
- » Les lecteurs oui auront pesé soigneusement ces paroles de M. Godin commenceront à reconnaître avec moi le second trait distinctif de cet homme : C’est une na ure éminemment religieuse. Achevons notre citation :
- » Ce qui est nécessité pour le véritable progrès « du monde moderne, c’est le remède aux maux « qui divisent la société. Ce remède, je le déclare « sans hésiter, a son principe dans le sentiment « religieux, par lequel je n’entends pas du tout ni « le fanatisme ni l’esprit de secte, mais le senti-. « ment qui a pour base le bien de la vie humaine « universelle. Sur ce sentiment religieux la société « de l’avenir doit être fondée ; elle doit reposer « sur l’amour de nos semblables, sur l’amour de « l’humanité, sur l’amour de la vie humaine en
- « général. Tant que cet amour ne sera pas le prin-« cipe même de nos prétendues réformes et de « nos instiiutions sociales, la société ne donnera « que d’imparfaits résultats. »
- » Après avoir lu ces lignes, vous ne serez pas surpris d’apprendre qu’en bâtissant la première aile du palais des travailleurs, M. Godin fit graver sur deux blocs de marbre noir ces légendes :
- Dieu nous soit en aide 1859.
- Hommes soyez-nous favorables 1859.
- Le compte rendu fait par M. Greening sur l’association du' Familistère est empreint d’un bout à l’autre du plus rare esprit d’observation et parsemé de traits d’humour qui en rendent la lecture des plus attrayantes.
- L’auteur dégage de chaque fait un enseignement social et nous avons la satisfaction de le voir conclure en faveur du principe de l’habitation unitaire, avec organisation de tous les services d’économie domestique, d’éducation, d’instruction, et d’assurance mutuelle, enfin en faveur de l’association du capital et du travail et de la répartition équitable des bénéfices, proportionnellement à la valeur du concours de chacun des éléments de la production.
- Nous remercions vivement notre visiteur et ami de son consciencieux et remarquable compte rendu dont nous recommandons l’étude à tous les socialistes en possession de la langue anglaise.
- Ils y verront, avec un plaisir certain, comment un coopérateur anglais apprécie en général les choses et les mœurs françaises, et quel est son sentiment en face de l’étude approfondie de la première association complète du capital et du travail.
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- La Représentation proportionnelle
- Nous lisons dans le Rappel, sous la signature de M. Montargis :
- « L’exposition que j’ai faite du système électoral imaginé par Emile de Girardin, el repris en même temps qu’amendé et développé par M. Godin (de Guise) m’a valu pas mal de lettres, entre autres une de l’honorable directeur du Familistère, que nous avons reproduite in extenso. Je viens d’en recevoir une autre de mon excellent coufrère, Ch.-M. Limousin ; elle concerne moins la question de l’unité de collège que celle de la
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- représentation proportionnelle : mais au fond les deux problèmes sont connexes ; de quoi s'agit-il en effet ? De faire que le système représentatif soit une vérité, que le suffrage universel soit réellement universel. »
- « Qu’est-ce qu’une assemblée élective ? dit très bien M. Limousin. C’est une délégation d’une collectivité, qui, étant trop nombreuse pour délibérer ou composée d’hommes ayant autre chose à faire, charge un certain nombre de ses membres d’agir au nom de tous. Quel est, par suite, l’idéal à poursuivre ? C’est que la délégation soit, autant que possible, une réduction du corps déléguant, c’est que les différents groupes d’opinions, d’intérêts ou de passions qui existent dans celui-ci, se trouvent dans celui-là dans les memes proportions, afin que dans la dis'ussion des intérêts généraux, chacun pèse du même poids que si la nation entière délibérait.
- » Voilà à quel résultat tend ce que l’on a appelé improprement « la représentation des minorités, » nom qui n est pas exact ; car, ainsi que l’a fort bien démontré Emile de Girardin, ce sont souvent les minorités des corps électoraux qui l’emportent, dans les corps élus, sur les majorités. »
- « Reste la question des voies et moyens. M. Limousin écarte le système de M. Godin et se rallie au système de M. Cantagrel, qui « à l’avantage de la facilité d’application joint celui d’une facilité non moins grande de compréhension. » Le voici en quelques mots, tel que l’expose M. Limousin : »
- « ïl repose sur le scrutin de liste départemental, complété par cette disposition accessoire : chaque liste a droit à un nombre d’élus, proportionnel au nombre de voix obtenu par elle.
- » Supposons un département ayant 100,000 votants et 10 députés à élire. La liste A obtient 40.000 voix, la liste B 30,000, la liste G 20,000 ; la liste  aura quatre députés, la liste B trois, la liste G deux.
- » Mais, demandera-t-on peut-être, lequel ou lesquels des candidats portés sur une liste sera ou seront élus? Ceux qui auront eu le plus de voix, car il est bien rare que deux candidats obtiennent exactement le même nombre ; dans le cas où cela se produirait, on appliquerait le procédé actuel de la pré férence au plus âgé. »
- Reprenons l’exemple de M. Limousin, et supposons une autre répartition des suffrages pouvant aussi facilement survenir que celle qu’il a admise. Dans notre exemple, qui ne contient, nous le répétons,aucune hypothèse incompatible avec le fonctionnement du système de M. Limousin, nous supposons : la liste A obtient 70,000 suffrages, la liste B 27,000, la liste C 3,000. Le département ayant le droit à dix représentants, nous comprenons facilement comment répartir les 9 premiers mandats; mais, pour le dernier, la chose devient plus difficile ; si nous prenons le titulaire dans la liste B, n ne reste rien pour la liste C ; voilà donc,dans un seul département, 3,000 électeurs non représentés; inversement, si nous accordons le dixième siège à la liste G, c’est 7,000 électeurs de la nuance B qui n© comptent pas dans la représentation nationale; et il ne faut pas oublier qu 1 des cas analogues peuvent se produire dans chacun des 85 départements. Nous pourrions attribuer à la liste A 96,000 voix ; à la liste B l,9ü0 ; à la liste G 2,100 ;
- c’est alors qu’il serait difficile de concilier la proportionnalité avec le droit des minorités.
- M. Limousin a supposé 3 listes; mais nous plaçant au point de Vue de la liberté d’opinion, nous ne voyons pas pourquoi il n’y en aurait pas 12; comment en pareil cas donner un député à chacune, si le département n’a pas droit à plus de dix sièges ; nous aurons même des départements, avec le scrutin de liste départementale, qui ne pourront nommer cinq députés.
- Nous engageons M. Limousin à méditer à fond son projet et celui de M. Godin, et nous sommes certain qu’il comprendra que le scrutin de liste nationale donne toutes les garanties désirables aux minorités et n’éprouve aucun embarras dans son fonctionnement, quel que soit le nombre des candidats et des nuances soumises aux électeurs.
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- La question de désarmement, de paix
- et d’arbitrage international
- Le 18 courant,M. Hodgson Pratt, l’ardent propagateur anglais de l’arbitrage international et de la paix, est venu voirM. Godin, à Guise, afin d’examiner avec lui sur quelles bases pourrait s’établir, en Europe, une organisation ayant pour objet d’asseoir d’une façon définitive les moyens de propagande nécessaires à la grande question de désarmement, de paix et d’arbitrage international.
- Tous deux sont tombés d’accord que tous les efforts devaient, d’abord, être dirigés en vue d’instituer un comité international dont les membres auraient mission de se concerter, entre eux, sur toutes les mesures à prendre pour arriver aux moyens de propagande les plus utiles à l’avancement de la question de paix et d’arbitrage.
- Ce comité serait constitué de groupes d’hommes dévoués et actifs, pris dans chacune des nations. Les groupes nationaux, en s® réunissant, formeraient le comité international.
- De cette façon, la propagande de la paix, abandonnée jusqu’à ce jour, à peu près, à l’initiative individuelle, aurait dans chaque nation des représentants avoués, dignes de la confian e de tous les partisans de la paix, et un comité international offrant toutes les garanties désirables pour organiser les moyens de propagande et d’informations. C© comité aviserait en outre auxmoyens de constituer une ou des caisses destinées à réunir les ressources nécessaires à cette propagande.
- Ainsi serait constituée la force d’impulsion qui a, jusqu’ici, fait défaut pour établir l’unité d’action dont a besoin l’idée de désarmement, de paix et d’arbitrage international.
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- PROPAGANDE DE LA PAIX
- Le dimanche 22 février, dans la salle dn Tivoli-Vauxha 11, rue de la Douane, à 2 heures très précises, aura lieu un meeting international ouvrier.
- Une délégation de l’association des ouvriers anglais amis de la paix — Workmen’speace association — conduite par son président, le citoyen Burt, qui représente au Parlement les mineurs d’Angleterre, viendra communiquer aux travailleurs de France une adresse en faveur de la paix et de l’unité d’action entre les travailleurs de tous les pays.
- Les ouvriers français se feront un devoir d’assister en grand nombre à cette réunion qui sera présidée par le citoyen Henry Maret, député de Paris, assisté des citoyens Jules Gaillard, F. Gam-bon, A. Laisant, Ch. Beauquier, députés ; A. Desmoulins, de Bouteiller etChabert, conseillers municipaux, et de plusieurs membres des syndicats ouvriers de Paris. — Entrée libre.
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- RENOUVELLEMENT PARTIEL ET ANNUEL
- Rien n’est plus probant à l’appui de la vulgarisation d’une idée que le fait de la voir acceptée et propagée par la presse quotidienne. Mous trouvons dans la France Libre une appt éciation exacte des conditions générales de la réforme électorale, et M. Marjan, l’auteur de l’article qui attiie notre attention,s’engage à exposer prochainement un système pratique, s’inspirant des données théoiiques que nous ne cessons de propager.
- M. Maujan semble craindre que l’opposition, dans la question de la réforme électorale, se laisse influencer par de mesquines considérations. Nous partageons les inquiétudes du directeur de la France-Libre, et nous nous associons aux exhortations qu’il adresse aux membres de la gauche. Voici la fin de l’article en question :
- « Le principe électoral que nous indiquons s’impose. Dé-fendez-le, cela vaudra mieux que de jouer aux tacticiens parlementaires.
- » Nous nous résumons : on ne fera une réforme électorale sérieuse que si l’on décide :
- y> 1° Que le nombre des représentants du peuple sera proportionnel aux votants ;
- » 2° Que la répar tition des députés se fera proportionnellement aux totaux des voix portées sur chaque liste.
- » 3° Que la Chamb re sera nommée pour trois ans et renouvelable par tiers.
- » Ce sont là des points essentiels d’une véritable réforme qui ne saurait être changée, pour la dignité du pays, en petite manœuvre électorale. »
- Ne connaissant pas l’énoncé des moyens pratiques que proposera M. Maujan pour concilier le scrutin de liste avec les droits des minorités, nous devons faire nos réserves sur ce point avant de donner noire entière approbation à l’ensemble des prépositif ns précédentes; et nous espérons que, si la cause du renouvellement partiel annuel échoue à la Chambre, nous
- serons aidés par la Fiance-Libre dans la campagne que nous ferons en vue de détei miner les comités électoraux à ns'crire cette clause dans les programmes.
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- La vérité sur les révisions douanières
- Une excellente déposition de M. A. Turbeau, devant la commission d’enquête sur l’agiiculture,nous peimet d’apprécier exactement combien de citoyens bénéficieront des nouveaux droits sur les blés et autres produits agricoles.
- Nous ne pouvons reproduire in extenso cette remarquable étude qu’apubliée la Critique Philosophique dans son premier numéro de cette année ; nous citerons quelques faits nettement établis par Turbeau sans donner les arguments justificatifs.
- « Il y a en France deux millions de paysans propriétaires du sol qu’ils cultivent.
- » Ces deux millions de paysans propriétaires ne possèdent en tout que la dixième partie du territoire ; les neuf autres dixièmes sont en des mains étrangères à l’agriculture.
- » Les trois quarts de la population agricole ne sont pas propriétaires du sol qu’ils arrrosent de leurs sueurs, et sont restés, sous le rapport de la propriété terrienne, exactement dans la même situation que les paysans d’avant 89 ( fermiers, métayers, journaliers, tâcherons ).
- » Propriétaires cultivant de leurs propres mains et ne cultivant que leurs biens. . . , . 4.754,944
- Le reste des prétendus propriétaires queM. Turbeau appelle des propriétaires douteux et que les statisticiens protectionnistes confondent avec les cultivateurs devant bénéficier des nouveaux tarifs, bien que la plupart possède à peine quelques petites parcelles de terrain, se divisent comme suit:
- Fermiers dits propriétaires...................... 648.836
- Métayers dits propriétaires...................... 203.860
- Journaliers dits propriétaires.............. 1.434 490
- Total des propriétaires douteux 1.987.186 Le nombre des exploitations dépassant une contenance de 20 hectares est inférieur à 430,000 ; et parmi celles-ci il n’y en a pas plus de 60,000 ayant une contenance supérieure à 200 hectares.
- » Sî l’on déduit du nombre de ces exploitations le nombre de celles qui appartiennent à des mains étrangères à la culture, on verra que la hausse des produits agricoles suscitée par l’élévation des tarifs douaniers profitera à quelques milliers d’agriculteurs, car cette hausse ne procurera aucun changement dans la situation de la majorité des agriculteurs produisant à peine leurs approvisionnements. »
- LA CRISE AGRICOLE.
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- Les moyens de crédit indiqués dans notre précédent article et ceux dont nous parlerons aujourd’hui appartiennent en grande partie à l’empirisme individualiste. Employés avec intelligence et
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- la volonté de bien faire, ils seraient d’excellents auxiliaires pendant une époque de transition vers une société organisée ; acceptés comme nouveaux éléments de concurrence et de spéculation, et leurs promoteurs ne les considèrent guère autrement, après quelques années de prospérité factice, ils créeront une situation plus tendue, en ce sens que l’évolution financière aura épuisé, sans profits sociaux, des palliatifs et des mesures difficiles à remplacer, ayant eu une valeur provisoire que l’on aura méconnue. Le projet Fleury, seul, a un caractère réellement progressiste ; même adopté avec l’intention d’en faire un instrument de spéculation, il ne peut être appliqué sans produire une amélioration sociale ; nous en parlerons de nouveau prochainement.
- Le fait dominant de l’heure présente est que l’agriculture a besoin de capitaux, soit qu’on veuille la maintenir dans les voies de la concurrence , soit qü’on veuille la transformer suivant les données de l’harmonie sociale.
- Les lois présentes permettent la constitution des sociétés agricoles anonymes dans des conditions suffisamment pratiques pour que les agriculteurs puissent trouver dans l’adoption de ces formes d’associations, à des conditions pratiques, les ressources nécessaires à une action énergique dans un sens ou dans l’autre.
- Dans le domaine ordinaire de la concurrence, la constitution des sociétés anonymes est restée le monopole de quelques faiseurs se souciant fort peu de la solidité de leurs entreprises, pourvu qu’elles produisent de gros bénéfices en très peu de temps.
- Dans un grand nombre d’affaires en sociétés anonymes, surtout dans celles de récente fondation, les bénéfices visés par les lanceurs n’ont aucun rapport avec la but avoué dans les prospectus. Ainsi, dans les sociétés immobilières fondées à Paris pendant les trois ou quatre dernières années, les bénéfices devant provenir des loyers étaient choses insignifiantes pour les fondateurs ; ceux-ci avaient pour principal mobile d’écouler,dans le public, des actions représentant une valeur deux ou trois fois plus élevée que les sommes employées en achats d’emplacements et de matériaux, en frais de constructions et en toutes autres fournitures. Ces affaires excellentes pour les fabricants d’actions ont été désastreuses pour les acquéreurs de ces titres majorés.
- En agriculture, l’établissement des sociétés ano-
- nymes, s’il est l’œuvre des spéculateurs, ne se fera pas sans que l’on majore la valeur des propriétés constituant les apports par des plus-value onéreuses; puis il est très facile dans une comptabilité agricole d’introduire des évaluations d® bénéfices, pouvant être victorieusement défendues devant un tribunal, bien qu’elles aient eu pour conséquences la distribution de dividendes fictifs..
- Etant donnée l’infériorité actuelle de notre agriculture, dès que notre sol sera livré aux méthodes perfectionnées inséparables de la formation des sociétés anonymes agricoles, chaque année il y aura lieu à porter à l’actif social la plus-value acquise par le sol,à la suite des fumures rationnelles et d’autres améliorations qui laissent une grande latitude aux exagérations. Deruême, suivant l’époque des inventaires, l’évaluation d@s récoltes en terre autorise de grandes variations.
- Suivant que l’on fera plus ou moins consciencieusement ces évaluations, on pourra réaliser des circonstances moins ou plus favorables à la distribution de gros dividendes pendant quelques années, période que les fondateurs sauront habilement utiliser pour écouler leurs titres.
- Si les propriétaires, par leur persévérance à ne rien entreprendre, ou bien par l’adoption des pratiques telles que les crédiis agricoles proposés par les financiers, laissent tomber le sol aux mains des financiers, il est fort à craindre que ceux-ci interviennent comme nous venons de le dire.
- Les propriétaires et les conservateurs de l’ordre social auraient avantage à ne pas se laisser devancer par les financiers dans la constitution dessociétés anonymes, en prenant eux-mêmes l’Initiative et en mettant de côté toutes les fraudes si chères à la spéculation.
- Prenons comme exemple une dizaine de propriétaires possédant ensemble 1000 hectares. Dans les circonstances générales, ces propriétaires, n’ont pas de capitaux; leurs bâtiments d’exploitation sont insuffisants ; leur outillage mécanique est presque nul: les cheptels sont trop réduits ; les pâturages n’ont pas une étendue proportionnée à l’importance des autres cultures ; en un mot, le propriétaire végète au milieu de cultures languissantes.
- Pour tenter d’améliorer leur situation par l’action individuelle, voilà chacun de nos particuliers réduit à empruntér par hypothèque 50,000 francs ; ensuite, ils vont acheter peut-être 40 charrues, une vingtaine de semoirs, beaucoup d’autres appa-
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- reils appropriés, dit-on, aux besoins des fermes de moyenne contenance ; chacun d’eux fera construire des bergeries, des étables et augmentera le nombre de ses animaux de labour et de renie.
- En définitive, nos dix propriétaires agissant individuellement auront passé dix contrats hypothécaires, acheté des appareils nombreux et légers qu’ils utiliseront très imparfaitement et qui s’useront ou se disloqueront très vite ; tous les achats faits séparément auront étépayésaux prix les plus élevés du détail ; ét chacun de ces agriculteurs vendant ses récoltes séparément s’en débarrassera naturellement au cours le plus bas.
- La construction des étables et des bâtiments dans chacune des dix propriétés aura coûté très cher ; le cheptel exigeant dans chaque ferme un certain nombre d’animaux de travail et de rente, il arrivera que le total des animaux de travail sera très élevé proportionnellement au nombre total des têtes de rente ; en outre, ces animaux, divisés dans chaque ferme en deux catégories suivant leur nature, donneront un ensemble de vingt services séparés : ils exigeront un nombreux personnel de travailleurs, et la surveillance sera très difficile.
- Si nous supposons que nos dix propriétaires se sont constitués en société anonyme, il ne sera pas difficile de comprendre que les mêmes améliorations exigeront un capital moindre. Il ne faudra plus 40 charrues ; une vingtaine parfaitement construites, coûtant moins que 25 des premières produiront un travail supérieur et dépenseront beaucoup moins l’entretien et d’amortissement; une puissante machine à battre, achetée avec le tiers de l’argent dépensé dans l’acquisition de dix machines de moyenne culture, rendra des services appréciables et durables ;il en sera de même pour les défonceuses, les scarificateurs,les semoirs. La concentration des animaux de ferme permettra de réduire au strict nécessaire le nombre des animaux de travail et d’augmenter d’autant le nombre des têtes de rente ; les constructions établies en vue de cette concentration coûteront moins cher que les bâtiments isolés ; des installations perfectionnées y réaliseront des économies d’outillage, de main-d’œuvre et de surveillance, impossibles,dans le premier cas. L’achat en gros des engrais et de toutes choses sera suivi de rabais appréciables ; la grande quantité des produits de même nature permettra, dans certains cas, d’organiser, dans les centres urbains des magasins au
- détail, tels que boulangeries,boucheries, etc. Enfin, il n’est pas douteux qu’un même capital,utilisé sur une contenance de 1,000 hectares exploités collectivement, produira une somme d’amélioration, beaucoup plus considérable que s’il a été employé dans dix fermes différentes, d’une contenance moyenne de 100 hectares chacune, individuellement exploitées.
- Les difficultés d’organisation d’une société d’après nos propositions sont presque nulles ; il suffit que les propriétaires se mettent d’accord sur la valeur de leurs apports et qu’il soit attribué à chacun une part d’action équivalente à l’évaluation de ses apports. Une société ainsi constituée,après l’accomplissement des formalités légales beaucoup plus simples que celles d’un contrat hypotécaire, trouvera certainement des sociétés financières sérieuses qui consentiront à lui faire des avances sur dépôt de titres, à des conditions acceptables. Si les évaluations ne majorent pas la valeur réelle, il est certain que cette société pourra payer en partie avec des titres ses achats de matériel, d’engrais, etc.
- Tout ce que nous avons dit jusqu’à ce moment n’a eu qu’un but, celui de démontrer que les agriculteurs, pour se tirer d’affaire sur le terrain de la concurrence n’ont pas besoin de lois nouvelles établissant à leur profit un tribut sur la masse des consommateurs. Nous avons voulu établir que les lois présentes donnent assez de latitude aux propriétaires pour permettre à la culture française de se mettre au niveau de l’étranger, et que si ces lois présentes ne paraissent pas suffisantes, il ne dépend que des intéressés d’en obtenir de nouvelles, telles que la sanction du projet Fleury,devant leur procurera un prix faible, fixé par la loi, tout le capital nécessaire à l’intronisation de la culture intensive.
- Maisnotre but réel n’est pas d’intervenir dans les heurts de la concurrence, pour en déplacer les avantages et les inconvénients au profit des uns et au détriment des autres. Si nous ne faisions preuve de compétence dans ces questions d’ordre immédiat, certains s’autoriseraient de notre silence pour écarter systématiquement nos projets de réformes,comme étant inspirés par un idéalisme dépourvu de bases positives. Maintenant que nous avons dit tout ce que pourrait dire un économiste, il nous appartient de faire e tendre le langage de la sociologie. Nous n’y manquerons pas.
- (A suivre.)
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- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- LXXIV
- Les garanties de l’ouvrier
- La, répartition équitable de la richesse sera une réalité dès que la mutualité nationale donnera à chacun les garanties de l’existence et que Vassociation du capital et du travail garantira à l’ouvrier les fruits de ses labeurs ou la juste part de bénéfice due au travail qu’il fait.
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- Les droits sur les blés. — M. Pochon, député de l’Ain, vient d’adresser au rédacteur d’un journal de ce département une lettre des plus énergiques au sujet de la loi relative aux droits sur les blés étrangers. Dans cette lettre l’honorable député s’élève contre le projet du gouvernement qui, pour favoriser quelques intéressés, voudrait prendre une mesure dont l’effet immédiat serait, comme nous n’avons cessé de le répéter, l’élévation du prix du pain. M. Pochon conclut en ces termes :
- « Je suis tout prêt à voter les diminutions d’impôts qui frappent tout le monde et tout ce qu’on peut réduire sur la propriété foncière.
- » Je fais partie de l’importante Commission qui s’occupe de l’établissement d’un Crédit agricole, spécial aux cultivateurs et j*y donnerai tous mes soins.
- » Je voudrais voir imposer aux Compagnies de chemins de fer des tarifs qui ne favoriseraient point les transports des produits étrangers au détriment des nôtres ; cela ferait plus que tous les droits protecteurs réunis.
- » Mais, en presence d’une situation générale semblable, je refuse de participer à la création de nouveaux impôts sur les objets de première nécessité. Qu’on le sache bien, ce n’est pas là un remède. Souvenez-vous de ce qui s’est passé pour le sucre, l’année dernière.
- » Et dussé-je, pour ce fait, être rendu pour toujours à la vie privée, jamais je n’associerai mon nom à l’enchérissement du pain ! »
- Voila une lettre qui fait honneur à celui qui l’a écrite. Ils sont malheureusement rares les députés qui, placés entre le devoir que leur dicte leur conscience et le soin d’assurer leur réélection, restent fidèles à leurs convictions. Mais M. Pochon a tort de supposer que son vote contre la taxe sur les blés le compromettra devant le suffrage universel : il se peut que les riches agriculteurs ne lui pardonnent pas d’avoir repoussé les droits protecteurs, mais la masse des électeurs lui sera reconnaissante de s’ètre élevé par son vote contre une loi qui n’améliorerait pas la situation des petits cultivateurs et qui ferait que le peuple devrait payer son pain plus cher.
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- Les chômages. — A Paris, une importante maison
- adjudicataire de fournitures militaires a diminué de 12 °f0 le prix delà journée. Une maison de fonderie et une grande menuiserie ont diminué les prix des façons.
- Au Mans, une fonderie a réduit de 25 °[0 la journée des ébarbeurs.
- A Charleville, le conseil syndical de la brosserie a prévenu les ouvriers que les salaires seraient réduits d’une façon notable ; les ouvriers ont déclaré qu’ils se mettraient en grève, si la mesure était appliquée.
- A Vierzon, la verrerie a éteint ses feux et renvoyé les ouvriers.
- A Saint-Fargeau (Yonne), la grève des bûcherons persiste; les patrons ont appelé des ouvriers étrangers travaillant au rabais II y a eu quelques arrestations à la suite d’une rixe entre les ouvriers du pays et tes nouveaux venus.
- A Limoges, la municipalité a renvoyé les ouvriers célibataires qu’elle occupait sur ses chantiers.
- A Alger, les ouvriers sans travail ont fait une manifestation à la suite de laquelle ils ont envoyé sans succès des délégués au gouverneur.
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- Le suffrage des Femmes. — La commission chargée de juger les réclamations en matière électorale dans le 9e arrondissement vient de refuser d’inscrire Mlle Huber-tine Auclert-comme électeur :
- Considérant que la qualité d’électeur dérive de la qualité de citoyen, aux termes de toutes les Constitutions et lois électoral s françaises ; que toutes les constitutions et lois ne reconnaissant qu’aux hommes la qualité de citoyen ; que notamment la Constitution du 22 frimaire an Vil le dit formellement dans son article 2...
- Considérant qu’en fait et par application de ce principe les femmes n’ont jamais été inscrites sur les listes électorales ;
- Considérant que l’application constante universelle et non contestée d’une loi en constitue la meilleure interprétation ;
- Considérant que, dans ces circonstances, la requête de Mlle Huberline Auclert, demeurant galerie Bergère, 8 (au cercle du Suffrage), tendant à son inscription sur la liste électorale ne saurait être admise par la commission du quartier du Faubourg-Montmartre,
- Rejette...
- Certifié pour extiait conforme :
- Le maire du 9e arrondissement.
- Un jugement du tribunal de la Seine a confiFmé cet arrêté. Parmi les considérants énumérés par le juge qui a rédigé ce jugement il est question des privilèges de la femme !
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- Logements à bon marché — La ville de Paris, dans le but d’établir des logements a bon marché, vient de décider qu’elle louerait quatre terrains communaux situés rue de Tolbiac, pour une durée de 75 ans.
- Bien que ces terrains soient fort étendus, le loyer n’en a été fixé qu’à 100 francs par an ; mais, en revanche, le preneur devra constiuire sur un plan donné les immeubles qui, à la fin du bail, deviendront la propriété do la ville de Paris.
- La mi se en adjudication des terrains aura lieu le mardi 8 mars prochain.
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- L’asphalte et ses effets. — Un journal signale, d’après M. Kœchlin-Schwartz, le singulier effet pioduit sur les ouvriers par le sol des ateliers quand ce sol est revêtu d’une couche d’asphalte. Lorsque les ateliers étaient pavés en bois, ou ne constatait rien d’anormal dans les pieds et les jambes des ouvriers des filatures, tandis que maintenant un grand nombre d’entre eux sont affligés d'enflures de jambes, et cependant la journée de travail, qui atteignait autrefois quinze heures, est réduite à dix heures, avec des conditions hygiéniques bien meilleures. Les ouvriers se rendent bien compte de ia situation, sans pouvoir l’expliquer; ils redoutent absolument le contact de l’asphalte ; on ne trouvera jamais un ouvrier pied nu sur l’asphalte, tandis qu’il y restera très bien sur le bois ou sur la brique. On les voit chercher pour poser les pieds sur un bout de planche ou une natte.
- D’après les ouvriers, le ciment serait mo ns à redouter que l’asphalte ; les carreaux et les briques seraient supportables. L’asphalte ferait positivement gonfler les jambes.
- On ne comprend guère cette influence de l’asphalte. L’affection produite n’est que pénible, sans être douloureuse ; elle ne parait tenir en rien à la goutte ou au rhumati me, c’est une simple enflure : mais on ne pressent guère quelle est son origine.
- TONKIN
- Victoires navales! Victoires sur terre ! Tous les bulletins arrivés du Tonkin proclament des succès énormes, Les Chinois nous tuent quelques centaines d’hommes ; mais il paraît que nous fauchons par milliers les fils du Céleste-Empire 11 y a quelques semaines on évaluait à 30,000 hommes les forces Chinoises occupant le Tonkin. Si on faisait l’addition des chinois tués, d’après les dépêches du général Brière, on trouverait probablement que ce nombre dépasse le total des contingents opposés à notre armée. D’après l avis des journaux officieux il ne s’agirait plus d’occuper Lang-Son ; nos troupes continueraient leur marche en avant. Il est fort a craindre que le résultat le plus clair de nos conquêtes soit l’agrandissement du gouffre où ont déjà disparu tant de millons de l’épargne française.
- ANGLETERRE
- Les ouvriers sans travail à Londres. —
- Deux mille individus sans travail se sont réunis mercredi, dans Downing-Street, pour faire une démonstration pendant la séance du cabinet. Les entrées des bureaux ministériels étaient gardées par un grand nombre de policemen.
- La foule qui s’était rassemblée dans Downing-Street a causé quelques désordres, mais la police a pu la disperser sans difficulté.
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- Ligue internationale de la Paix. — La Ligue internationale de la paix et d« la liberté adresse à M. Gladstone une lettre qui se résume ainsi :
- La mission de Gordon était de pacifier le Soudan en lui rendant son indépendance et en rapatriant les garnisons égyptiennes qui y sont encore engagées. Ce n’est point par des hécatombes humaines qu’il faut honorer sa mémoire, mais par la pleine exécution de son œuvre.
- Le devoir et l’honneur commandent donc au peuple anglais de préparer, de négocier et de conclure la paix.
- Que le Soudan soit indépendant et l’Egypte libre, autonome et neutre, que M. Gladstone s appuie sur ses propres paroles : « l’Egypte aux Egyptiens. »
- ♦ *
- Les Trades-Unions et la crise industrielle. — Rien selon nous n’est plus digne de notice que l’impuissance des Trades-Unions à parer aux maux croissa nts qui frappent les ouvriers sans ouvrage, membres pour la plupart des Trades-Unions. Ni chefs, ni simples membres ne semblent en état d’apporter le moindre remède à cet état de choses. Nous avons souvent dit que les Trades-Unions, avaient rendu de grands services dans le passé, mais qu’elles étaient insuffisantes aujourd'hui ; la crise actuelle est bien propre à convaincre les Trades-Unions elles-mêmes de la nécessité d’élargir considérablement le plan d’action combiné des travailleurs, si Ton veut arriver au contrôle et à la direction du régime actuel de la production.
- ALLEMAGNE
- Le Protectionnisme. - Dans une précédente séance du Reichstag le député socialiste Bcbel a vigoureusement combattu les projets de M.de Bismark :
- Des tarifs protecteurs ne peuveut être utiles qu’autant qu’ils provoquent un excès de production dans les branches d’iudustrie favorisées. L’augmentation des droits n’a pas non plus fait monter les salaires. Tous ces droits sont supportés par la ela&se pauvre ; c’est sur le petit industriel que tombe la charge de l’impôt sur les bois, et d’après les calculs de l’orateur plus de la moitié des familles d’agriculteurs seront atteintes par l’impôt sur les blés. (Voix à droite : Cela ne prouve rien.) Des mots prouvent encore moins, surtout venant d’intéressés. Qu’on pense qu’en Allemagne 17 familles possèdent ensemble 4ri0milles carrés de terres, soit un territotre à peu près égal au royaume de Saxe.
- C’est à ceux-là que profiteraient, avant tout, les impôts sur les céréales et les bois : ils ne serviraient en rien les pauvres et ne feraient que détourner de l’achat des terres. La statistique montre que le pain est la principale nourriturp des classes pauvres ; l’impôt sur les blés n’est donc qu’un impôt progressif sur la mEère. (Applaudissements à gauche.) On empêche l’ouvrier de travailler pour un salaire réduit, et Ton veut par ce moyen augmenter l’exportation ! On parle de la misère des propriétaires fonciers, et Ton se tait sur celle du petit paysan qui manque d’argent pour acheter des machines et dont les fils sont obligés de faire trois ans au service militaire ! En favorisant ainsi les grands propriétaires aux dépens des classes pauvres, on ne fait qu’élargir le gouffre social. «Avec votre politique économique, conclut l’orateur, vous nous amènerez des partisans pris dans les rangs de nos adversaires et vous préparerez notre victoire. »
- ESPAGNE
- Phénomènes géologiques des tremblements de terre d’Espagne.— M. Hébert a communiqué à l’académie des sciences une nouvelle lettre qu’il a reçue de M. Noguès sur les phénomènes géologiques qu’il a observés, à
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- la suite des tremblements de terre, dansJes environs de Gue-vasar, de Alhama et de Santa-Cruz. Il s’est produit une crevasse rectiligne, longue de quatre lieues, une autre, très profonde et sinueuse, de trois kilomètres. Près de Santa-Cruz, des gaz fétides se dégagent des fissures qui sillonnent le sol. A Alhama, la ville haute a été comme bousculée sur la ville basse. Ailleurs, on constate des mouvements de translation d’où résultent des amoncellements de 13 ou 15,000 mètres cubes de roches. A Santa-Cruz,des eaux thermales nouvelles sont apparues, jaillissant du sol. A Alhama, les sources thermales existantes sont devenues plus abondantes,leur température s’est élevée ; d’alcalines elles sont devenues sulfureuses. M. Noguès discerne clairement deux sortes de mouvements : des secousses de bas en haut (des tressautementsj, des secousses oscillatoires (balancements). Il a vu un olivier dont le tronc était fendu en deux ; une partie du tronc se dressait sur le bord d’une crevasse, l’autre partie du côté opposé.Des blocs de maçonnerie ont été divisés avec une netteté étrange: tout cela indique une rapidité et une violence de dislocation peu communes.
- M. Hébert regrette que M. Noguès n’ait pas encore eu le temps d’étudier les failles anciennes et des nouvelles. On trouvera, pense-t-il, dans cette comparaison des indices précieux pour établir la nature et peut-être la cause du redoutable phénomène. Les faits relatifs aux sources thermales sont importants : la température de ces sources marque la profondeur d’où elles viennent. On sait donc que les eaux d’Alhama et de Santa-Cruz ont leur origine dans les terrains tertiaires. Cette constatation n’est pas faite pour ôter de la gravité aux tremblements de terre du Sud de l’Espagne.
- ETATS-UNIS
- La misère. — L’année 1885 commence mal pour la population ouvrière aux Etats-Unis. De tous côtés il rfest bruit que de fermetures de manufactures, de fonderies, d’immenses ateliers de métallurgie, et de grèves qui jettent sur le pavé quelque chose comme 400,000 travailleurs. Dans le New-Jersey, la misère est extrême et écœurante parmi les tisseurs en soie, et les journaux parlent du dénûment de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants à prine recouverts de quelques guenilles et qui, en fait de nourriture animale, en sont réduits à vivre de chiens et de chats, laborieusement attrapés dans les quartiers excentriques. A New-York, dans le bas de la ville, centre de l’activité manufacturière, on se heurte chaque matin à des groupes de cordonniers, de chapeliers, de cigariers, de maçons, de charpentiers, de compositeurs, de graveurs, de monteurs de bijoux, etc., qui discutent avee animation et par fois avec colère la déplorable situation où les réduit le trop plein de tous les magasins que les clients ne viennent plus vider. Et il en est de même dans la Nouvelle-Angleterre, dans l’ouest, sur les côtes du Pacifique et jusqu’cà la Nouvelle-Orléans, où le directeur-général de l’exposition soi-disant universelle vient d’accuser déjà un déficit de 250,000 dollars, soit 1,250,000 francs. Tout cela ne présage rien de bon et ne parle pas très haut en faveur du fameux système de protection à outrance dont le parti républicain était si fier et qui a fort contribué à l’insuccès de M. Blaine. Le peuple est fatigué de ces terribles crises périodi-
- ques qui viennent tout mettre en question de dix en dix ans et ils réclament à grands cris une reforme du tarif qui limite les droits à percevoir à la somme nécessaire aux dépens du gouvernement fédéral. C’est la doctrine économique dontM. Cleveland s’est fait le champion et il n’est que temps de l’inaugurer, cette doctrine, si l’on veut éviter ici une catastrophe pire que celle de 93.
- CONGO
- On mande de Berlin à l’agence Havas que le colonel Strauch et le plénipotentiaire portugais devaient signer hier une convention de délimitation des frontières et de reconnaissance de l’Association internationale du Congo. L’ambassadeur de France signera aussi cette convention, au nom de la France et à titre de médiateur.
- La Gazette de la Croix, de Berlin, annonce aussi la signature d’une convention entre le Portugal et l’Association africaine. Ce journal ajoute que, lors même qu’en fait il n’y aurait plus d’obstacle à la clôture de la conférence, puisque la neutralité de l’Etat du Congo a été reconnue par la France et le Portugal par des conventions avec l’Association africaine, il existe néanmoins encore des difficultés de forme, parce que, dit-on, le plénipotentiaire anglais n’a pas encore reçu ses dernières instructions nécessaires.
- Enfin, le correspondant berlinois du Times donne les détails suivants sur les termes de cette convention :
- Le Portugal obtient toute la rive gauche du Congo jusqu’à Nokki, d’où la frontière se dirige vers l’est jusqu’à Kuango. De l’autre côté, au nord du fleuve, le territoire du Portugal est limité au district comprenant Massabé, Landana, Matem-bé, Kabinda et une étendue de 40 milles environ à l’intérieur.
- Tout le reste de la région située au sud de la frontière française appartiendra à l’Association, qui sera ainsi mai-tresse de la rive droite du fleuve, depuis Mananga jusqu’à Banane.
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- LIBERTÉ RELIGIEUSE
- Nous trouvons dans Y Ami des Travailleurs un article de M. Chambœuf dont nous reproduisons l’excellent extrait suivant, que nous reconmandons à l’attention des libres-penseurs.
- « Nous indiquerons, dit M. Chambœuf, un moyen de faire la séparation, ou plutôt de faire faire la séparation, car les citoyens la feront d’eux-mêmes et individuellement; ce sera une véritable consultation du suffrage universel, ce moyen est on ne peut plus conforme aux principes de l’équité et de la démocratie.
- » Le voici dans toute sa simplicité:
- » Inscrire sur l’avertissement pour l’acquit de la contribution de chaque contribuable un tout petit article de plus dans le détail de ses impositions. On met tant pour portes et fenêtres, tant pour ceci, tant pour cela; ajouter frais de culte, tant, avec un renvoi ainsi conçu : Tout contribuable
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- qui désirerait s’affranchir de cet impôt est tenu d’en faire la déclaration en payant le percepteur, il s’en trouvera degrévé l’année suivante.
- » Les frais de culte se trouveraient ainsi supprimés pour ceux qui n’en usent pas et ne seraient supportés que Dar ceux qui le voudraient bien et qui alors, loin de s’en plaindre, ne pourraient que s’en réjouir.
- » 11 serait ainsi facile de compter le nombre des partisans et des adversaires de la séparation et de faire peser cet impôt sur ceux qui sont intéressés à le conserver. »
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- Les Syndicats Agricoles
- Le principe syndical se répand parmi les agriculteurs. Voici le canton de Targon (Gironde) qui possède sa chambre syndicale agricole, dont le but est ainsi défini dans ses statuts :
- Art. 2. — Cette association a pour but l’achat en commun de toutes les matières premières utiles à l’agriculture, afin de les obten.r meilleures et à meilleur marché. Le syndicat ou association agricole aura aussi pour but l’étude et la défense de tous les intérêts économiques agricoles des syndiqués.
- Il pourra, en outre, embrasser l’organisation de caisses de secours, de crédit mutuel, de cours, bibliothèques, sociétés coopératives, bureaux de renseignements, de placement, de statistiques, de salaires, etc. . . . , le tout en conformité de la loi du 21 mars 1884.
- Il se propose surtout de réprimer la fraude dans le commerce des engrais.
- Le syndicat s’efforcera encore d’éclairer les cultivateurs sur le choix des matières fertilisantes convenables, suivant la nature du sol et les exigences diverses des cultures. A cet effet, les sociétaires devront adresser leurs commandes au président, avant le 1er août et le 1er décembre de chaque année pour les engrais, et avant le 15 mars pour les soufres. Ils devront indiquer la nature de leur sol, la culture à laquelle ils destinent l’engrais et la somme qu’ils désirent consacrer à son emploi.
- Pour les cultivateurs qui seront fixés sur l’espèce d’engrais qu’ils doivent employer, l’indication de la quantité suffira.
- Les engrais et matières fertilisantes que le syndicat se propose de fournir à ses adhérents comprendront :
- 1* Engrais complet pour céréales ;
- 2° Engrais à dominante d’acide phosphorique (phospho-guano) ;
- 3° Engrais complet pour prairies ;
- 4° Engrais complet pour vignes ;
- 5° Guano du Pérou ;
- 6° Superphosphates de chaux ;
- 7° Phosphates de chaux pulvérisés ;
- 8° Soufre pour vignes ;
- 9° Plâ're cnit ou sulfate de chaux anhydre ;
- 10° Engrais incomplets ;
- H° Matières premières pour la fabrication des engrais.
- _ Art. 4. — Des conférences trimestrielles seront faites, au Sl^ge de la société, les seconds lundis de janvier, avril, juillet
- t octobre. Elles auront pour but exclusif, l’étude de toutes les questions intéressant 1 agriculture, l’échange de communications sur les procédés de culture, l’introduction de plantes nouvelles ou améliorées, et l’examen des résultats obtenus.
- Art. 13.— Chaque année, et d’après les commandes faites par les syndiqués, il sera rédigé par les soins du bureau, un cahier des charges déterminant la quantité, la nature et le dosage des engrais à fournir au syndicat. Adjudication sera faite, d’après ce cahier des charges, entre tous fournisseurs.
- Art. 16.— Les poursuites à exercer contre les marchands d’engrais qui n’auraient pas loyalement rempli leurs engagement seront faites au nom de l’acheteur intéressé, mais aux frais et diligences du syndicat.
- Art. 17. — Aucun procès nejiourra être engagé sans l’assentiment du bureau.
- Nous avons tenu à citer tous ces articles des statuts, parce qu’ils sont de nature à déterminer d’autres cultivateurs non syndiqués à imiter leurs collègues du canton de Targon.
- Le président de ce syndicat est le maire de Targon. Les autres membres du bureau sont presque tous maires d’autres communes avoisinantes.
- Comme on le voit, le mouvement syndical se dessine très nettement dans le monde agricole. Nous avons déjà relaté la création du syndicat des agriculteurs de Brive (Corrèze) et des vignerons de Sancerre (Cher). Voici celui de Targon (Gironde).
- Nous recevons, en outre, un avis nous informant de la création, à Nancy (Meurthe-et-Moselle), d’un autre syndicat intitulé la « Ligne des cutilvateurs lorrains, » comptant déjà plus de 400 membres et embrassant une quarantaine de communes des arrondissements de Nancy et de Lunéville.
- A toute chose, malheur est bon, dit le proverbe. 11 a fallu la détresse de nos agriculteurs pour les faire sortir de leur indifférence devant les moyens à employer pour mettre leurs procédés de culture à la hauteur de ceux des agriculteurs étrangers.
- Nous avons reçu plusieurs lettres très interressantes de propriétaires et de cultivateurs ruraux, nous dépeignant en termes désolés leur situation précaire et demandant une sorte de providence, qu’elle soit l’Etat ou la température, pour les sortir du mauvais pas où ils sont engagés. Que ces personnes nous en croient : la meilleure providence qui puisse leur venir en aide consiste dans leurs propres efforts combinés avec ceux de leurs voisins. Ce qu’un seul ne peut faire, dix, cent, mille en viendront à bout. A l’étranger, les agriculteurs s’associent et arrivent, par leurs ressources collectives, à produire à meilleur marché que les agriculteurs français. Eh bien, que ceux-ci en fassent autant. Qu’à l’association ils opposent l’association, et nous ne doutons pas un seul instant du succès de notre génie national sur ce nouveau terrain. D’ailleurs, quand bien même le caractère de nos cultivateurs opposerait des difficultés à cette pratique, la force des choses les contraindra à l’adopter.
- Nous sommes absolument convaincu que l’exposé des motifs donnés par le syndicat des agriculteurs du canton de Targon contient une large amélioration, pour un avenir rapproché, dans le budget de ses sociétaires, dont l’esprit
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- s’est enfin rendu compte de la portée de l’adage qui dit : «Aide-toi et le ciel t’aidera. » Combien de misères pourraient être évitées par semblable énergie !
- Quoi qu’il en soit, l’exemple est donné, et nous ne doutons pas, pour notre part, qu’il ne soit suivi sur tous les points de la France. Si le gouvernement veut bien encourager cet élan, il y aura, d’ici la fin de l’année 1885, plus de 200 syndicats d’agriculteurs et de vignerons français, dont l’action simplifiera énormément la tâche du ministre de l’agriculture.
- (Le Globe.) Jacques thébart.
- " • • 1 • " 1 -- • ~~~*—----------------------
- BIBLIOGRAPHIE
- Dans notre précédent numéro, nous avons à tort indiqué que l’ouvrage l’Unitéisme était en vente chez son auteur. On nous informe que les demandes doivent être adressées à l’imprimerie Veuve Sabi-eha, numéro 9, rue Nicolas-Flamel, près la Tour S int-Jacques, Paris.
- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement enropéen
- Somme. Villers-Bretonneux. — Outrequin, ancien maire, conseiller municipal. — Ricquebourg, Théodore.
- — Savary Rieul, maître maçon. — Corbier, Auguste, employé. — Demarcy, plafonneur. - Pecquet, Amédée, maît,re-briquetier. — Ruuard, Alexis, garde-champètre. — Dufrertoy, Célinie, contre-maître. — Lesquiller, Victor, fabricant d'aiguilles. — HENNEQUEZ,Numa. — Clabeaux, Au-rèle, fabricant de bonneierie. — Mantel, Léon, entrepreneur,— Paul, facteur.— DELouARD,Wenceslas,ouvrier cordonnier. — Ruin, Nicolas, ouvrier cordonnier. — Magniez, Praxède, ouvrier cordonnier. — Godet, Armand. — Godet, Firmin. — Thierry, Léon, employé. — He\nequez, Atha-nase, rentier. — Lila, Vincent, maçon. — Ballet, Eugène. — Dargent, Arsène, marchand de fromages. Mesdames Clabaut, Céline.
- Lamothe-en-Santerre. — Landrieux, berger. — Hennequez, née Dupuis, épicier.
- Warfusée-Abancourt. — Allou, Jules, bonnetier.
- Morcourt. — Dérissart, bonnetier.
- Daours. — Renard-Deverit, conseiller municipal.
- Le Hamel. — Declé, Hubert, bonnetier. — Damade, bonnetier. — Sénéchal, bonnetier. — Déclé, Albert, bonnetier. — Noiret, bonnetier. — Acloque, ouvrier bonnetier.
- — Couture, Evariste. — Décle, Angilbert, ouvrier bonnetier. — Moiron, Eugène, ouvrier bonnetier. — Prévôt, fils, bonnetier. — Bouture, Victor, bonnetier. — Caron, Alfred, bonnetier. —Wargnier-Prevot, bonnetier. — Prévôt, CharleSs bonnetier. — Prommier, Hippolyte.
- Fouilloy, par Corbie. —- Lhomme, Âurèle, cultivateur. — Noiret, Arthur, bonnetier. — Bennard, Ernest, ouvrier bonnetier. — Labarbe, Gustave, cultivateur. — Roussel, Jules, étudiant. — Roussel, Arsène, tricotier.
- Nord. Dunkerque. — Lefebvre, Henri-Abraham, étudiant.
- Aisne. Guise. — Duchesne, Emile, mécanicien. — Demoulin, Joseph. — Beaucamp, Jules. — Jokowski, Paul, employé. — Point, Charles. — Gervais, Louis, père. — Gosse, Théophile.
- Seine-Inférieure. Sotteville-lez-Rouen. — Ga-hineau, Ernest, comptable, 212, rue de la République. — Lucas, Henri,— Lucas, Louis. 20, rue d’Eauplet.— Mesdames : veuve Lucas, même adresse. — Louise Gahineau, 212, rue de la République.
- Rouen. — Gavet, Auguste, 1, rue Thouret. — Mademoiselle E.Mergier, 1, rue Thouret.
- MAITRE PIERRE
- Par* Edmond ABOUT
- (Suite.)
- II
- LA CANAU
- — Non, lui dis-je, faites-moi conduire ; j’y vais moi-même. »
- On me conduisit à la fabrique de M. Tessier, et une forte odeur de téiébentine m’apprit dè« l’entrée ce qu’on y préparait. Un contre-maître fort poli vint au-devant de moi et offrit de me montrer l’établissement, depuis les alambic,s où l’on distille la résine jusqu’aux jarres où l’on conserve l’essence. En mute autre occasion, une offre si obligeante eut. alléché ma curiosité, mais je n’avais des yeux que pour chercher maître Pierre.
- « Il sort d’ici, me dit le contre-maître, mais je pense que vous le trouverez au moulin. »
- J’y courus. Le meunier me renvoya aux charbonniers qui travaillaient dans un bois du voisinage. Les charbonniers me conduisirent à la forge ; un forgeron m’assura que maître Pierre était à sa pêcherie, dans les marais. Un marinier m’y transporta dans sa barque, à travers un dédale de petits chenaux qui sont des sentiers aquatiques tracés dans les joncs et les herbages. J’en fus pour ma promenade. Les filets étaient levés, mais les pêcheurs étaient partis. Mon marinier me montra du doigt une petite voile qui filait sur l’étang dans la direction des dunes. « Les voila, me dit-il ; je reconnais le bateau : j’ai aidé maître Pierre à le construire. Ils coucheront ce soir au Moustique.
- — Et quand reviendront-ils ?
- — Qui le sait ? Peut-être demain, peut-être dans un mois. On les retient tant qu’on peut, mais on ne les a jamais autant qu’on voudr it. Malheureusement, il n’y a que le bon Dieu qui puisse être partout à la fois.
- — Ils sont donc bien aimés dans le pays ?
- — Monsieur, quelqu’un qui serait curieux de’ mfesuïef la profondeur de nos étangs il’aurait qu’à dire du mal de
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- maître Pierre, Il irait voir la tête en bas si c’est fond de vase ou fond de cailloux.
- Le brave homme se mit en devoir de me raconter ce que maitre Pierre avait fait pour lui, et pour son voisin, et pour la commune, et pour tout le pays des Landes; mais je profitai peu de ce qu’il me dit. Mes oreilles étaient distraites ; j’étais las d’avoir couru de Caïphe à Pilate, je compara' mon expédition à la chasse au chastre, je me sentais mystifié par le hasard, je regrettais ma journée perdue, je songeais que mon fiacre était retourné à Bordeaux : une fraîcheur humilie tombait avec la nuit sur mes épaules ; j’avais faim, j’avais sommeil, et une nuée de moustiques fraîchement éclos plantaient simultanément leurs trompes aiguës à travers toutes les coutures do mon habit. Je revins fort maussade à l’auberge de La Ganau. On me servit une soupe aux anguilles, suivie d’un plat d’anguilles, et je me couchai dans un grand lit à baldaquin dont la courte-poiote, exécutée d’après je ne sais quels tableaux de Le Brun, représentait cinq ou six apothéoses.
- Je rêvai que La Ganau était une ville aussi grande que Bordeaux, et qu’on y célébrait l’apothéose de maître Pierre. Le héros de la fête s’avançait sur ses échasses et sous la perruque de Louis XIV pour être admis au rang des dieux. Cet attirail inusité m’inspira je ne sais quelle réflexion malssnnante, et le peuple me prit par les jambes pour me jeter au fond de l’étang, la tête la première. Cependant, comme on ne voulait pas attrister la cérémonie, je fus déposé provisoirement dans un cachot humide où les anguilles rampaient par milliers. J’étais fort occupé à défendre mes jambes lorsqu’on frappa deux coups secs à la porte.
- « Entrez ! » criai-je en m’éveillant.
- La porte s’ouvrit, je me frottai les yeux, et je vis un petit homme très brun qui tenait un béret rouge à la main. Je le reconnus d’emblée, quoiqu’il n’eût pas ses échasses, et je m’écriai avec une joie bien naturelle:
- « Maître Pierre !
- — Lui-méme, monsieur, et tout à votre service.
- - Diable d’homme, allez ! vous ne savez pas le tracas que vous m’avez donné. Et Marinette ?
- — Elle nous attend à la cuisine, et je vous la présenterai quand vous serez habillé. »
- Je ne me le fis pas dire deux fois, je sautai dans un pantalon, et ma toilette fut bientôt finie. Maître Pierre me fit entrer dans la cuisine. Une petite brune aux yeux vifs se leva à notre approche, ef fit une révérence qui n’était pas maladroite : « Marinette, dit maître Pierre, voici ce monsieur qui a tant couru après nous. » Je saluai. « Monsieur, reprit-il, je vous présente Marinette Gujan, la reine de ce pays comme j’en suis le roi, et la
- meilleure fille du monde entier, comme j’en suis le meilleur homme. »
- C’est ainsi que je fis connaissance avec le seul défaut de maître Pierre ; mais qui n’a pas un grain de vanité ? La sienne était si naïve,assaisonnée d’une telle bonhomie, qu’elle n’a jamais donné sur les nerfs. La fausse modestie est odieuse, comme tous les genres d’hypocrisie. L’orgueil sonore et redondant, qui trompette à grand fracas ses propres loua iges, ne tarde pas longtemps à fatiguer les oreilles. Mais la vanité du brave homme avait je ne sais quoi de famillier et d’insinuant qui la rendait agréable au prochain. La gasconnade ne mes-seyait pàs à cette voix gasconne. D’ailleurs sa parole était si franche, si leste, si vivement lancée qn’il vous disait : « Moi, qui suis grand comme le monde, » sans qu’on eût le temps de s’en étonner.
- Au demeurant, c’était u joli couple que Marinette et maître Piérre. On aurait dit que la nature avait pris soin de les assortir et de les appareiller. Ils étaient de la même taille, à quelques centimètres près, et ils se ressem-blaientun peu. La jeune fille avait dix-huit ans et son compagnon trente-deux. Maître Pierre était large des épaules, trapu, solide, avec les jambes un peu trop courtes : mais les échasses corrigeaient ce défaut-là. Marinette était merveilleusement prise dans sa petite taille ; elle avait le pied le plus mignon, et ses menottes noires auraient ganté les mitaines d’un enfant. Toute sa per-sonneétait soignée dans le détail comme un ouvrage d’or-févrerie. La lumière du soleil glissait joyeusement sur sa peau fine et bien tendue ; sa chair était d’un grain serré, comme le bronze d’une statue florentine. Ni la maigreur, ni l’embonpoint, ni les rides de la vieillesse ne devaient trouver aucune prise sur cette svelte, sobre et gaillarde beauté. Sa figure n’était pas de celles qui font retourner les passants de la rue. On n’y remarquait à la première vue que deux grands yeux noirs et des sourcils dessinés comme au pinceau. Mais il ne fallait pas un bien long examen pour admirer le modelé de son front, la finesse de son petit nez aquili 1 serré entre les deux ailes, le contraste riant de ses dents blanches et de ses lèvres rouges, et la fossette mignonne qui lui piquait le menton. Cette fossette se retrouvait, mais plus large et plus profonde, sur le menton de maître Pierre. Ses traits étaient ceux de Marinette grossis au miscroscope. Si les lèvres de la jeune fille étaient un peu charnues, celles de son ami étaient épaisses. Un grand diable de nez aquilin, bien fait d’ailleurs, devançait sa figure. Ses dents aussi blanches que la nacre des perles étaient larges comme des planchettes, et ses beaux sourcils noirs pouvaient passer pour des buissons. Elle était brune, il était presque basané; Marinette avait les cheveux ondés sous
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- son foulard jaune, maître Pierre était frisé comme l’empereur Titus ; du reste, rasé comme un œuf.
- Ces deux jeunes gens, quoiqu’ils fussent d’une beauté peu commune, ne différaient pas sensiblement des piétons que j’avais rencontrés dans les rues de Bordeaux, ou des échassiers que j’avais rencontrés dans la lande. Mais le type national, diversement perfectionné chez l’un et l’autre, me parut prendre en eux une physionomie particulière. Je ne sais pourquoi, quand je les regardais un peu longtemps, je pensais aux Sarrasins qui ont envahi le sud de la France, et je me disais que Charles Martel ne les avait pas assommés tous.
- Après les premiers compliments, maître Pierre me dit qu’il était à mes ordres et que nous partirions quand je voudrais.
- « J’espère bien, répondis-je, que vous me ferez d’abord l’amitié de déjeuner avec moi. »
- Il sourit finement et reprit, avec une familiarité qui ne manquait pas de grandeur : .« Mon cher ami, nous allons d’abord traverser l’étang pour voir les dunes, et là tous déjeunerez avec nous. Laissez-moi vous dire une fois pour toutes, afin d’éviter les discussions inutiles, que depuis le moment où je vous ai rencontré jusqu’à l’heure où vous me direz adieu, vous êtes chez moi. Ne craignez pas que je me mette en dépense : mes sujets nous doivent l’hospitalité, et partout où nous irons, nous serons hébergés gratis. D’ailleurs, les anguilles et le pain noir que je vous ferai manger sont bien peu de chose en comparaison de la denrée précieuse que je vous donne : mon temps ! Songez que mes minutes valent de l’or pour ce malheureux pays. La fortune des Landes serait faite en dix ans si mes journées pouvaient avoir quarante-huit heures. Cependant, usez de moi. Je ne regarde pas comme perdus les instants que je passe à instruire les étrangers. Tout ce que je vous demande en retour, c’est de répéter à tout le monde ce que je vous aurai appris, et de raconter ce que vous aurez vu.
- — Volontiers; d’autant plus que je suis conteur de mon état. »
- 11 chercha un instant ce que j’avais voulu dire, puis il reprit vivement : « Est-ce que vous faites des livres ?
- J’en ai commencé quelques-uns, mais le temps m’a toujours manqué pour les finir.
- — Ah ! vous faites des livres î Marinette en lit quelquefois. Moi, j’apprendrai plus tard, quand ma besogne sera faite. »
- Il était six heures du matin lorsque nous sortîmes de l’auberge. Maître Pierre et Marinette prirent chacun sous son bras une paire bêchasses longues de deux mètres environ. C’était leur bagage. Je me figurais que ! Leurs Majestés Landaises devaient monter sur des échas-
- ses d’acajou, pour le moins, et je fus surpris de voir deux grandes lattes de pin, accompagnées d’un bâton du même bois.. ,
- Maître Pierre prit la tète et nous conduisit vers un petit embarcadère où son bateau nous attendait.
- (A Suivre).
- État-civil do Familistère
- Semaine du 9 au 45 Février 1885. Naissances :
- Le 12 février, de Arnold Mélanie, fille de Arnold Louis et de Knopf Virginie.
- Le 43 février, de Gordien Ildefonse, fils de Gordien Alphonse et de Dieux Louise.
- Le 1T février, de Duchange Hélène, fille de Duchange Adonis et de Delval Aurélie.
- Décès :
- Le 15 février, de Lemaire Auguste, âgé de 26 ans.
- La Revue socialiste, 96 pages. Ab. 3 m. 3 fr. ; 6 m. 6fr. ; un an 12 fr.; le numéro 1 fr. Paraît 12,rue du Croissant, le 15 de chaque mois.
- SOMMAIRE du numéro II, 15 février
- Socialisme, par Léonie Rouzade. — Les progrès de l’agiotage, par B. Malon. — Transformisme et soda-lisme, par L. Dramard.— Le Commerce de la France et de VAngleterre, par G. R.
- Mélange et Documents. — Correspondance. — Revue des faits sociaux. — Sociétés et Cours.-— Revue de la presse.— Revue des Livres.— Divers.
- L’astronomie,Revue mensuelle d.Astronomie populaire, de Météorologie et de Physique du globe, par M. Camille Flammarion. — N° de février 1885. — Observations nouvelles sur Saturne et sur ses anneaux, par M. Pratt. - Photographie directe d’une trombe.— Archéologie astronomique, par le Prince Paul Pnoti-atinn. — Construction des cadrans solaires, par M. Henry Amat. — La condensation de la nébuleuse solaire dans l’hypothèse de Laplace, pa1' M. Maurice Fouché. — Les tremblements de terre de l’Espagne, par M.Flammarion. — Nouvelles de la Science. Variétés : L’éclipse de Lune. Nuages singuliers. La comète d’Encke. Visibilité de Mercure. La lumière zodiacale. Recherches photométriques snr l’anneau de Saturne. Observations astronomiques, par M.E. Vimont. — Ce N° contient 16 figures —(Gauthier-Villars, quai des Augus-tins,t55, Paris.)
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- Guise — Imn René.
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- 9e Année, Tome 9. — N’ 338 Le numéro hebdomadaire 20 c.
- Dimanche 1er Mars 1885
- le rnswom
- REVUE DES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU
- a GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
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- Union postale Un an. . . . llfr. s» Autres pays
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- ON S’ABONNE
- A PARIS
- 5, rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE daministrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Les Programmes électoraux. — Propagande de la Paix. — Les Socialistes allemands. — Les Conventions.— La Crise agricole.— Aphorismes et Préceptes sociaux. — Faits politiques et sociaux de la semaine. — De l’Impôt sur le capital.— La Vaseline. — Instruction Publique. — Maître Pierre.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE_PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
- LES PROGRAMMES ÉLECTORAUX
- Conseils aux Électeurs
- Ces conseils s’adressent aux militants de tous les partis, à tous les électeurs convaincus de la nécessité d’une bonne représentation.
- Rien n’est plus écœurant en politique, pour l’électeur honnête, que se voir sans cesse trompé par son mandataire.
- Il arrive fréquemment à l’électeur d’avoir la conviction intime que le programme sur lequel il a voté n’est pas exécuté ; cependant, il lui est le plus souvent impossible de réunir des preuves suffisamment précises pour confondre le mandatait e infidèle et pour convaincre les autres électeurs.
- La pratique du suffrage universel aurait beaucoup à gagner de la vulgarisation d’une méthode simple destinée, sinon à prévenir les défaillances du mandataire, au moins à les rendre plus rares.
- On attribue généralement l’impossibilité pour l’électeur de contrôler son représentant à la longueur du programme du candidat et à la multiplicité des questions contenues dans ce programme ; de telle sorte que, lorsqu’on reproche à un député de ne pas avoir revendiq 6 telle ou telle réforme, il peut toujours invoquer qu’il s’est occupé d’autres questions contenues dans son programme, et que l’on ne peut pas tout faire à la fois.
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- Les griefs de l’électeur sont ordinairement basés sur l’inobservation des clauses principales ; les justifications de l’élu se rattachent généralement à des parties secondaires du programme. Mais que peuvent la franchise de l’électeur en face de la dialectique d’un parlementaire !
- Nous ne conseillons pas la réduction des programmes.
- L’électeur ne connaîtra jamais trop son candidat. Les déclarations de ce dernier doivent être assez explicites ponr ne laisser aucune équivoque sur ses convictions religieuses, politiques et économiques. Les programmes les plus longs de nos députés actuels ne vont pas au-delà de ce qui nous semble convenir.
- Pour couper court aux erreurs et aux ruses que permet un tel état de choses, nous conseillons aux électeurs, surtout aux membres des comités :
- 1° D’introduire dans chaque profession de foi une clause destinée à sauvegarder la souveraineté du suffrage universel ;
- 2° D’exiger la division en deux parties des programmes électoraux : la première contiendrait un aperçu théorique des aspirations du candidat ; la deuxième serait réservée a l’énoncé du minimum des réformes que le candidat considérerait absolument et immédiatement nécessaires.
- Nos conseils s’adressant à tous ceux qui acceptent le suffrage universel, nous nous abstiendrons d’émettre une opinion sur les projets de réformes des divers partis.
- Nous insisterons seulement sur la clause susceptible, selon nous, de donner une puissance effective au suffrage universel, progrès que doit dési-sirer tout partisan sincère de la souveraineté nationale.
- Voici l’énoncé de cet article contractuel, tel que nous désirerions le voir formulé dans tous les programmes :
- Dès la constitution de la nouvelle Chambre, le candidat s’engage à déposer ou à voter un projet de loi immédiatement applicable fixant à deux ans ou à trois ans au plus la durée du mandat, et établissant le renouvellement annuel par moitié ou par tiers de La Chambre ; le vote du renouvellement partiel ayant lieu, chaque année, à une époque prévue par la loi. Dans le cas de rejet de cette proposition par la majorité, le candidat promet de la présenter à nouveau au commencement de chaque législature.
- Le mandataire certain de revenir devant ses électeurs, après un délai relativement court, sur-
- veillerait mieux sa conduite politique. L’élection, à l’occasion de la moitié ou du tiers sortant, provoquerait chaque année une manifestation de l’opinion publique devant exercer une influence salutaire sur les autres représentants.
- La détermination par la loi d’une époque fixe pour les élections partielles annuelles éviterait les surprises ; et le peuple ne manquerait pas de se préparer sérieusement à l’accomplissement de ses devoirs électoraux. On verrait bientôt cette date se transformer en une fête civique. Pourquoi le suffrage universel n’aurait-il pas sa fête annuelle ?
- Toutes les objections, que lecasuisme politique pourra soulever au sujet de la réduction du mandat et du renouvellement partiel annuel, ne résistent pas à l’examen attentif de ce fait de règle générale dans la vie ordinaire : les salariés,-depuis l’ingénieur en chef des plus grandes entreprises, sont constamment à la merci de leurs mandants.
- Le député fidèle n’aura aucune crainte à reve-.nir devant ses électeurs. Seul, le représentant désireux de fausser le mandat trouvera des motifs pour combattre nos propositions.
- Avant d’attendre des progrès certains du suffrage universel, il est nécessaire d’établir sa souveraineté sur sa délégation. A l’heure présente, la démocratie française n’est pas maîtresse de sa représentation. Nos propositions tendent à corriger ce vice qui condamne le suffrage universel à l’impuissance absolue et rend illusoire la souveraineté du peuple.
- * *
- Nous avons parlé de diviser le programme électoral en deux parties.
- Comment le candidat et l’électeur reconnaîtront-ils qu’un énoncé de réforme doit être inscrit dans la première ou la deuxième partie du programme électoral ?
- Cette distinction sera facile, si on s’inspire de la considération suivante :
- Pour le candidat et l’électeur, les revendications nécessaires sont celles qu’ils déclareraient, l’un et l’autre, devoir immédiatement appliquer’, s’ils disposaient du pouvoir.
- Précisons par des exemples.
- Le radical et l’oppGrtuniste admettent théoriquement : la liberté des cultes, l’égalité devant la loi militaire, la liberté d’association, et la liberté de parole.
- Pratiquement, le radical soutient que ces réformes sont immédiatement applicables ; au contrai-
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- re, l’opportuniste croit qu’elles doivent être précédées d’une série de mesures transitoires.
- D’après la méthode que nous proposons, les candidats de ces deux partis pourront développer leur aspirations générales, en des termes identiques, dans la première partie du programme. Dans la deuxième partie, le radical spécifiera tontes ces réformes comme urgentes tandis que l’opportuniste déclarera qu’il est provisoirement partisan du maintien du budget des cultes ; que l’association ne doit pas encore donner la personnalité civile aux sociétés corporatives; que l’égalité delà loi militaire est compatible avec le volontariat d’un an, ou autres dispenses au profit de certains citoyens.
- * *
- Cette classification serait insuffisante, si on s'arrêtait là dans les modifications à introduire dans la rédaction des mandats.
- Le point essentiel serait de faire précéder la deuxième partie d’une déclaration engageant en termes formels chaque représentant à n’accepter, en aucune circonstance, un emploi dans l’Etat, autre qu’une fonction élective, sous un ministère ne voulant pas appliquer immédiatement les réformes indiquées dans la deuxième partie du programme adopté par le candidat.
- Voici les dispositions matérielles que l’on pourrait donner à cette partie contractuelle du programme :
- 2m® PARTIE
- Programme des réformes immédiates
- Le soussigné, candidat aux élections législatives,
- à..., s’engage à n’accepter aucun emploi public
- dans l’ordre politique et administratif sous un gouvernement qui repousserait l’application des réformes indiquées plus bas. Jusqu’à l’obtention de ces réformes, le soussigné s’engage à considérer son mandat comme l’obligeant à poursuivre au Parlement, dans la nation surtout, une action éducative tendant à préparer l’opinion publique en faveur de ces réformes.
- Au-dessous de cette déclaration seraient énoncées les réformes reconnues urgentes par le candidat et les électeurs.
- Sans des précautions de ce genre, il continuera à se produire ce qui arrive trop souvent dans le pêle-mêle des programmes électoraux ordinaires : 1 énoncé d’un projet de réformes qui, dans l’esprit du candidat, doivent être précédées de plusieurs mesures transitoires, est interprété par l’électeur comme une promesse formelle devant
- avoir un effet immédiat ; et, si ce malentendu a lieu entre des électeurs et un homme d’avenir qui parvient au pouvoir sans accomplir les réformes inscrites dans son programme, l’électeur se croit dupe, s’irrite contre le suffrage universel ; il finit même par ne plus vouloir voter.
- Quel homme sérieux niera la nécessité d’en finir avec des procédés électoraux permettant d’aussi graves erreurs.
- Ainsi, le catholique fervent sera malheureux d’avoir voté pour un mandataire qui accepte plus tard une situation l’obligeant à nommer des pasteurs, des rabbins, à veiller à l’exécution des mesures de laïcisation.
- De même, l’élec teur radical sera souverainement irrité de constater que des ministres, des sous-secrétaires d’Etat qu’il croyait décidés à réclamer l’urgence du programme radical, défendent le budget des cultes, nomment des évêques, votent des privilèges militaires, ou demandent des restrictions aux libertés de réunion et d’association.
- Tous les partis ont avantage à obtenir assez de précision dans les programmes pour éviter ces mécontentements.
- * *
- On objectera que le mandataire désireux d’éluder les obligations de son programme passera outre, parce que ces précautions ne pourront avoir aucune sanction.
- Nous ne pensons pas ainsi : nous trouvons la preuve de notre opinion dans les précautions ordinaires prises parles candidats, n’oubliant jamais d’introduire dans leurs programmes des moyens faciles de diversion.
- Les dirigeants savent trop .'bien qu’avec l’habileté on peut tromper les masses ; mais ils n’ignorent pas que les fourberies insolentes, les grossières tromperies ne résisteraient pas à la réélection annuelle.
- Supposez qu’un candidat ait inscrit,au-dessous de la formule que nous avons imprimée en italiques, qu’il veut immédiatement le suffrage universel, la liberté de conscience, l’égalité devant la loi militaire, la liberté d’association.
- Le jour où ce député deviendrait sous-secrétaire d’Etat, ministre d’un gouvernement défendant le concordat, le volontariat d’un an, refusant la liberté d’association, sa malhonnêteté deviendrait évidente pour tous ses électeurs.
- Il faut bien mal connaître le peuple français pour le sunn^ser capable d’acclamer un parjure, lorsque
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- la masse électorale a une preuve assortie à sa compréhension.
- * *
- Nous ne dirons pas aux électeurs de se méfier des ambitieux ; nous voulons leur apprendre à s’en servir.
- Il est indiscutable que la situation faite au député, qui n’a pas l’espoir de s’élever plus haut, est relativement précaire, lorsqu’on la compare aux positions que présente la grande industrie ou bien les hautes fonctions administratives.
- Donc il est très admissible, même cela est nécessaire, que l’homme intelligent et capable se consacrant à la politique et à l’administration du pays entrevoie des situations supérieures à celles des députés.
- Cette ambition sera un puissant moyen de progrès, si l’électeur sait empêcher son mandataire de parvenir si ce dernier oublie les promesses électorales,
- Voici, à notre avis, quel doit être le raisonnement de l’électeur enlace du candidat :
- Tu es candidat ;
- Tu veux être député;
- Tu veux être secrétaire d’Etat ;
- Tu veux être ministre ;
- Tu veux être président du conseil •
- Tu veux avoir la fonction suprême;
- Tu as raison ; je t’approuve ; je veux un représentant capable et désireux de parvenir ; mais moi, électeur, je veux des réformes , et je n'accepte pas ta candidature, à moins que tu ne me donnes des garanties capables d’arrêier ton essor, si tu essaies de te séparer de tes promesses électorales.
- Donc, ne me promets rien que tu ne te sentes capable de tenir ; énonce clairement et dans un langage simple les clauses de notre contrat ; surtout déclare-moi que tu n’accepteras aucun emploi public sous un gouvernemen t qui repoussera l’application des réformes que je veux; donne-moi c^Tle déclaration en des termes assez précis, afin que je puisse le convaincre de parjure auprès des plus naïfs, s’il l’arrive d’oublier, un instant, les promesses faites ;
- Fais cela; moi, électeur, je te respecterai, je te soutiendrai avec persévérance, parce que je serai certain que ton ambition personnelle ne pourra te conduire aux destinées que tu poursuis, sans faire passer dans la pratique sociale les réformes dont i’ai besoin.
- Le renouvellement partiel annuel moralisera le parlementarisme.
- L’électeur aura confiance en la puissance du suffrage universel, parce qu’il sera certain d’excercer un contrôle efficace.
- Le candidat évitera de promettre plus qu’il croira possible de réaliser à brève échéance.
- Les hommes d’initiative, les esprits fortement progressistes qui auront promis plus que le milieu comporte, au lieu de passer leur vie en marchandages incessants auprès des chefs du pouvoir, se retourneront vers la nation pour lui apprendre à vouloir les réformes sans lesquelles leur ambition ne peut être satisfaite.
- Que les électeurs généralisent l’application de ces précautions. Ils verront bientôt surgir, à côté des faiseurs de programmes électoraux, des hommes capables de concevoir des programmes de gouvernement.
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- PROPAGANDE DE LA PAIX
- La Conférence organisée Dimanche dernier, à Paris,par la Ligue internationale de la Paix et de l’arbitrage avait attiré près de cinq mille auditeurs désireux d’affirmer leur volonté de faire prévaloir la politique rationnelle.
- Malgré l’intervention d’une trentaine d’anarchistes résolus à troubler la réunion, l’affirmation des amis de la paix a produit une profonde impression.
- Nous donnerons 1@ compte rendu dans notre prochain numéro.
- Nos correspondants et les personnes qui s’intéressent à la propagande de la Paix sont invités à nous faire parvenir au plus tôt les renseignements concernant leurs régions.
- Nos lecteurs désireux d’acheter un certain nombre de numéros de notre prochain tirage réservé aux questions d’arbitrage et de désarmement sont priés de nous envoyer leurs commandes dès les premiers jours de la semaine prochaine.
- Les Socialistes allemands
- Le Reichstag allemand est saisi d’une série de propositions sur la protection du travail. L’une d’elles émane des députés socialistes : elle tend à modifier radicalement l’organisation actuelle de l’industrie et notamment les rapports existant pré-
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- sentement entre patrons et ouvriers. Nous allons en faire connaître les dispositions principales.
- Le projet de loi de la fraction socialiste du Reichstag demande la fixation à dix heures de la durée de la journée de travail — le samedi cette durée ne serait que de huit heures ; il interdit le travail de nuit, sauf les exceptions qui seraient déterminées par « l’Office du travail » avec l'adhésion de la « Chambre du travail » ; il ordonne l’introduction de règlements du travail dans les fabriques ; il interdit le travail des enfants avant l’âge de 14 ans.
- Ces diverses prescriptions ne s’éloignent pas sensiblement de celles qui sont contenues dans les autres propositions soumises au Parlement allemand relativement à la protection du travail. Ce qui est nouveau dans le projet socialiste, ce qui en fait l’originalité, c’est l’organisation de tout un système d’institutions nouvelles qui formeraient une sorte de pouvoir exécutit et de contrôle tout spécial pour l’exploitation industrielle.
- Il y aurait d’abord « l’Office impérial du travail», qui aurait son siège à Berlin et dont l’organisation serait arrêtée par le Conseil fédéral. Au-dessous de cet Office imnérial seraient formés une série « d’Offices du travail » comprenant des districts de 200,000 habitants au moins et de 400,000 au plus. Ces offices seraient composés d’nn « conseiller du travail », assisté d’un nombre nécessaire d’employés auxiliaires. Ce conseiller serait choisi par l’Office impérial entre deux candidats proposés par la « Chambre du travail » : les employés auxiliaires seraient choisis directement par cette Chambre, moitié par les patrons, moitié parmi les « personnes auxiliaires » ( le projet désigne sous ce nom les ouvriers ). Dans les districts où existent des industries occupant principalement des ouvriers du sexe féminin, un certain nombre de femmes devraient être choisies comme employés auxiliaires
- Les fonctionnaires de l’Office impérial et les conseillers du travail, ainsi que leurs employés auxiliaires, auraient le droit de procéder en tout temps à l’inspection des ateliers, qu’il s’agisse d’entreprises de l'Etat, des communes ou de personnes privées, et de prendre les mesuies qui leur paraîtraient nécessaires pour la vie et la santé des ouviiers.
- Dans chaque circonscription d’un office du travail, il y au rait une « chambre du travail » se composant, d apres le nombre des industries existant dans la circonscription, de 24 membres au moins et de 36 au plus. Le chifheoes mtmbres pour chaque district serait déterminé par l’Oifue impérial du travail. Les membres de la Chambre seraient élus moitié par les patrons majeurs et parmi eux, moitié par les ouvriers majeurs et parmi eux, à la simple majorité et sur la base d’un suffrage égal, direct et secret.
- Les Chambres du travail auraient à appuyer moralement et matériellement les offices du travail dans toutes les questions concernant la vie économique du district. Il leur appartiendrait, notamment, d’ouvrir des enquêtes sur l’effet des traités de commerce et de navigation, sur les droits de douane, sur les impôts, sur l’élévation des salaires, sur le prix des vivres, sur celui des locations, sur les conditions de la concurrence, sur l’état des logements, sur les conditions de santé et de moralité de la population ouvrière. Il leur appartiendrait, en outre, de soumettre aux autorités leurs plaintes sur les phénomènes fâcheux qui se produiraient dans la vie indus-
- trielle et leur avis sur les mesures et les projets de lois intéressant la vie économique de leur district. Elles formeraient, enfin, l’instance d’appel contre les jugements des tiibunaux d’arbitres. Elles auraient ainsi à fixer le salaire minimum de tous les ouvriers. Les plaintes sur la fixation des salaires minima seraient jugées par le « Congrès des Chambres du travail ».
- La Chambre du travail serait présidée par le conseiller du travail et, en cas d’empêchement, par un de ses employés auxiliaires.
- Pour trancher en première instance les litiges entre les patrons et ouvriers, la Chambre formrrait dans son sein un tribunal d’arbitres, composé de deux patrons et de deux ouvriers et présidé par le conseiller du travail ou un de ses employés auxiliaires ; les décisions du tribunal seraient prises à la majorité des voix ; les parties pourraient, dans le délai d’une semaine, interjeter appel auprès de la Chambre du travail.
- Les membres des chambres et des tribunaux d’arbitres auraient droit à une indemnité de tant par jour et au remboursement de leurs frais de voyage.
- L’Office impérial du travail aurait l’obligation de convoquer, une fois par an, les représentants de toutes les Chambres à une délibération générale sur les intérêts économiques. Chaque Chambre déléguerait à ce Congrès un représentant des patrons et un représentant des ouvriers.
- Telles sont les dispositions essentielles du projet de loi que les députés socialistes allemands ont soumis au Parlement.
- LES CONVENTIONS
- Nous détachons les lignes suivantes du bulletin financier du journal Le Temps :
- Le tableau suivant résume les résultats de l’exploitation de nos principaux réseaux pour les quatre pitmiéres semaines de l’année 1885, en indiquant les différences que ces résultats présentent sur ceux de l’année 1884 :
- RECETTES DU 1<* AU 28 JANVIER 1885
- Longueur Recettes
- Différentes dép.
- O a kil. totales le 1er, janvier
- RÉSEAUX dep. le
- 1884 488E > 1er janvier. Totales P' kil.
- P France : — — — — et 0/0
- Lyon. . . 7,084 7.507 18.519,206 — 2.757.400 - - 17.32
- Nord. . 3.322 3.370 10 824.938 — 1.007.974 - - 10.36
- Ouest. . 3.927 - 4.133 7.779.689 - 674.756 - - 12.87
- Orléans . 4.746 : 5.359 11.142.213 — 913.733 - - 18.35
- Est. . . . 3 858 4.028 7.792.703 — 905.796 - - 14.78
- Midi. . . 2.463 ' 2.584 6 484 295 - 182.997 - - 7.30
- Etat. . . 2.450 2.143 1.569.334 — 31.780 -f 12.70
- Moni-Cenis. 133 133 281.708 - 422.007 - - 30.22
- 3° Algérie : Ch.-Alg (Lyon)543 513 695.843 + 194.884 + 38.90
- Eù-Algérien. 372 372 181.416 -f- 55.679 + 44.28
- Boiintï-Gaelnia.
- et prolong . 463 521 170.785 — 17.210 - - 19.26
- Quesl-Algér. 52 52 66.693 - 8.228 - - 10.98
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- » Les recettes des quatre premières semaines de l’exercice en cours sont fort peu satisfaisantes. Le ralentissement des transports qu’elles accusent est dû, en partie, aux tempêtes de nejo-e qui ont marqué le début de l’année ; mais cette cause de diminution a cessé, et les transports ne se relèvent pas. L’état général des échanges commerciaux est, par suite, l’explication dominante du mouvement rétrograde que présentent les recettes de nos chemins de fer. On est en face d’une diminution qui rappelle un peu celle du portefeuille de la Banque. La surproduction a amené un engorgement des marchés qui se traduit par un ralentissement de toutes les affaires.
- » Ce n’est là, évidemment, qu’un phénomène tout passager ; mais on peut se demander si, au moment où la liquidation qui est en voie de s’accomplir serait sur le point de toucher a sa fin pour faire place à une nouvelle reprise des transactions,les relèvements de tarifs douaniers, qui sont à 1 ordre du jour, ne pourraient pas contrarier l’amélioration des échanges. Le chemin de fer, ce n’est autre chose, au fond, que l’échange libre. Tout ce qui peut entraver l’essor des affaires doit inévitablement lui nuire.
- » Les actionnaires des Compagnies s'en préoccupent peu. Pour eux, les actions de ces entreprises, grâce au minimum de revenu garanti par VEtat, constituent un placement en rentes. Si les circonstances redevenaient favorables, le revenu pourrait monter; mais il est à l’abri de toute diminution au-dessous du chiffre garanti. Ainsi la confiance des porteurs d’actions peut sembler naturelle. En revanche, celle de l’Etat le serait moins. Si, par des mesures mal combinées, il s’oppose à la reprise des transports et au développement du trafic, il devra puiser dans le budget pour couvrir les insuffisances de recettes qu’il aura causées. *
- Rien de plus instructif que la comparaison de ces aveux avec les articles écrits dans le meme journal au moment où les conventions venaient en discussion devant le Parlement.
- Alors, c’était un marché désintéressé consenti par les actionnaires des chemins de fer sur l’autel de la patrie.
- Comme les écrivains du Temps fustigeaient les caractères inquiets des gens jaloux et hargneux faisant une oppo sition systématique au ministère promoteur de ces bienheureuses conventions, qui allaient débarrasser l’Etat de charges considérables !
- Le Trésor devait accumuler excédents sur excédents; le ministère des finances allait dégrever sans jamais s’arrêter!
- Maintenant, on constate le bon tour joué à l’Etat par les capitalistes, et chaque semaine les journaux des classes riches apprennent à leurs lecteurs quels avantages considérables ils ont obtenu par les conventions.
- Les recettes des chemins de fer ont donné pendant le premier mois de l’année 1885 une diminu-
- tion de 6,500,000 fr. environ sur les recettes du même mois de l’année 1885. A ce compte, à la fin de l’année la diminution totale serait de 78,000,000; et, si l’on considère que, déjà, pendant l’année 1884, les recettes avaient été de 38,000,000 au-dessous des prévisions, la somme que l’Etat devrait payer aux gr nde s compagnies, à la fin de l'exercice 1885, ne serait pas inférieure cà 116,000,000.
- Si les propriétaires échouent, comme nous le souhaitons, dans leurs réclamations sur les modifications douanières devant leur procurer à eux aussi un revenu minimum, nous les engageons vivement à se liguer contre les conventions et à en poursuivre l'abrogation.
- LA CRISE AGRICOLE.
- VI
- Notre intention de ne pas nous écarter des voies pratiques et de tenir compte des intérêts présents ne nous autorise pas à préconiser des projets plus ou moins ingénieux qui ne seraient pas une atténuation du salariat et un acheminement vers le but final, l’harmonie sociale.
- On sait que nous demandons la rentrée progressive du sol au domaine social par l’effet de l’hérédité de l’Etat ; celui-ci frappant d’un revenu fixe toute propriété venue en sa possession et la vendant viagèrement, ou la louant temporairement pour en assurer l’exploitation. Les ressources annuelles provenant de l’hérédité de l'Etat, en même temps qu’elles dispenseraient les citoyens de tous les impôts, procureraient à la société la faculté de ne jamais céder à des particuliers des exploitations agricoles, sans les avoir préalablement agencées dans les conditions les plus favorables aux intérêts généraux.
- L’application de ce système exige une législation nouvelle, qu’on ne peut établir avant que le peuple ait une maturité suffisante pour être capable d’en apprécier les avantages.
- Ne voulant pas, momentanément, proposer plus qu’il n’est possible de réaliser avec les lois présentes complétées par quelques nouvelles dispositions légales répondant bien à l’état moral des populations actuelles, telles que les mesures propres à favoriser le crédit à bon marché, chose qui est dans l’esprit de tous, nous n’insisterons pas sur les réformes liées à l’instauration de l’hérédité de l’Etat.
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- Mais nous ne pou vons considérer,comme mesures progressistes, les applications tendant à perpétuer indéfiniment le salariat et le parasitisme du propriétaire non-cultivateur.
- Ceux qui rêvent de concilier définitivement les intérêts des ouvriers et des fermiers agriculteurs avec ceux des propriétaires n’exerçant aucune fonction dans la production agricole, ceux-là nous classeront dans la catégorie des utopistes ou des hommes dangereux suivant qu’ils auront l’intelligence plus ou moins fermée et le caractère plus ou moins bilieux.
- Notre opinion est que le salariat et la fonction de propriétaire non-cultivateur sont deux choses condamnées à disparaître.
- Partant de cette donnée,il nous est facile d’avoir un critérium précis : nous devons éviter que nos projets puissent être considérés par les salariés comme des ajournements indéfinis de leurs justes réclamations, et par les propriétaires comme des spoliations brutales ne tenant aucun compte des responsabilités et des complicités de la société qui leur a permis, jusqu’à ce jour, de considérer leur situation comme le résulat de droits imprescriptibles.
- Le point de départ est le salariat agricole et le droit de propriété selon l’adage du droit romain ; le but est la fusion de deux intérêts en un seul, par la possession des moyens de production par les travailleurs sous réserve d’aquitter les charges sociales; l’action pratique consiste dans l’application de moyens ni trop lents ni trop rapides.
- Nous ne voudrions pas laisser croire aux propriétaires actuels que cette expropriation finale,que nous venons de prévoir, est nécessairement liée à l’adoption de nos projets. Elle est un événement futurinévitable. Nos propositions n’ont d’autre but ^que de contribuer dans la mesure de nos forces à aire prévaloir les solutions progressistes et pacifiques. Nous sommes même convaincus que, conduite selon nos vues, elle sera très supportable pour ceux que sa perspective épouvante le plus.
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- En Agriculture, nous l’avons déjà dit, la condition principale d’une amélioration est l’introduction du grand outillage; et le grand outillage ne peut fructueusement fonctionner sans la constitution des vastes exploitations.
- Par l’association, sous n’importe quelle forme, les propriétaires pourront constituer des exploita-
- tions de 600 à 1000 hectares éminemment propres aux agencements de la grande culture.
- 11 sera certainement difficile dans un grand nombre de cas de réunir ces contenances dans les conditions les plus favorables, car on décidera difficilement le petit paysan cultivant son terrain à entrer dans ces associations. Souvent on pourra avoir raison des répugnances du paysan, en le décidant par des offres sérieuses à accepter une fonction dans l’association sous condition expresse qu’il louera ses parcelles.
- Ces difficultés et beaucoup d’autres empêcheraient certainement l’adoption générale de notre plan, si la classe des grands propriétaires comprenait l’urgence de ces réformes et se montrait disposée à vouloir les établir partout où elles seraient matériellement praticables. Néanmoins les cas où rien ne viendrait entraver l’initiative des propriétaires, s’ils étaient capables de sortir de la routine, seraient assez nombreux pour permettre des expérimentations, dont les bons résultats auraient une influence décisive. Il suffirait peut être, pour nous conduire bientôt à la commune sociétaire, d’un petit nombre d’exploitations conduites avec succès pendant quelques années d'après des données sincèrement progressistes
- Notre pensée est que l’entreprise agricole la plus prospère et la mieux conduite, même sous la forme associationniste, ne peut être considérée comme ayant un caractère progressiste au point de vue social, si elle n’admet la participation des travailleurs aux bénéfices, et si le contrat de louage ou les statuts de la société ne prévoient l’acquisition de l’exploitation par les travailleurs au moyen de leùrs titres de participation. *
- Il faut que cette participation soit réelle et donne chaque année des résultats appréciables. Il n’en sera ainsi que d’autant qu’on aura sagement évalué les propriétés constituant les apports des fondateurs.
- Si nous prenons pour type les terres de l’Aisne produisant en moyenne 25 hectolitres de froment à l’hectare, nous estimons que toute évaluation du capital ou de l’intérêt du capital, tendant à faire attribuer aux propriétaires un intérêt annuel plus élevé que 50 fr. par hectare, rendra illusoires les effets de la participation.
- Ce revenu maximum de 50 fr. par hectare serait, nous le reconnaisons, pour un grand nombre de propriétaires actuels un abaissement du taux des fermages ; mais, s’ils n’y prennent garde, avec la
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- culture routinière, ils sont à la veille de voir descendre les loyers des terres à des chiffres plus minimes. Déjà, des ventes récentes de grandes contenances de terres de qualité moyenne ont été réalisées à un prix inférieur à 1.000 fr. par hectare.
- Le capital mobilier, qu’il soit apporté par les fondateurs de la société ou bien qu’on l’obtienne par des arrangements avec des tiers, ne devra pas coûter plus de 5 °[0 par an.
- Les conditions des apports étant ainsi réglées, les statuts devront être complétés par un chapitre spécial contenant les clauses de la participation dont bénéficieraient les travailleurs soit à titre d’associés, ou de participants ou d’auxilliaires.
- Les travailleurs recevraient.les salaires suivant le cours de la main-d’œuvre; ils participeraient aux bénéfices d’après des règles également statutaires.
- Les conditions de la participation pratiquées au Familistère conviennent certainement à une exploitation agricole en harmonie avec les données du progrès social.
- D’après notre système, un franc de fermage et un franc de l’intérêt du capital mobilier auraient droit au même bénéfice que celui accordé à un franc de travail.
- La formation de ces sociétés n’atteindrait pas le but que nous poursuivons, si elle n’initiait les travailleurs ruraux aux devoirs de la mutualité en même temps qu’elle ferait passer dans leurs mains les titres do propriété.
- Il serait donc indispensable de constituer, dès le début, dans chaque exploitation, une société de •secours mutuels alimentée par les cotisations des travailleurs et par une partie des bénéfices produits par la participation aux bénéfices.
- La partie la plus grande des bénéfices revenant aux travailleurs serait convertie en titres d’épargnes nominatifs, proportionnels au travail de chacun, destinés à rembourser annuellement les propriétaires des apports.
- Des précautions devraient être prises, qui auraient pour but d’empêcher ces titres de tomber dans les mains de la spéculation qui ne manquerait pas de fausser la direction de ces entreprises.
- Il n’est pas douteux quedes exploitations agencées dans des conditions aussi favorables à l’application de bonnes méthodes de culture et à l’excitation au travail donneraient des «revenus satisfaisants, sans qu’il soit nécessaire de promulguer les nouveaux impôts réclamés par les grands
- propriétaires ; et ceux-ci verraient bientôt le loyer fixé statutairement à 50 francs l’hectare s’augmenter des bénéfices de la participation.
- Ces progrès réclament du dévouement de la r,art des grands propriétaires ; mais, à défaut de ce dévouement, leur clairvoyance devrait les porter à comprendre que la continuation du présent exige de la part des travailleurs une résignation qui n’est plus de notre époque.
- L’adoption de projets analogues amènerait in-sensiblemsnt les classes rurales à un haut degré de développement intellectuel, tel que le réclame impérieusement le régime républicain ; et les propriétaires, pendant la période d’expropriation ayant son échéance finale exactement prévue et se poursuivant progressivement, auraient tout le temps pour se préparer un nouvel avenir suivant leurs préférences.
- (A suivre.
- ------------- — r >—9- t ....
- APHORISMES â PRÉCEPTES SOCIAUX
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- Abolition de la guerre
- La conservation et la protection de la vie hu-maine sont les premiers et les plus grands des devoirs qui incombent aux hommes chargés du gouvernement des nations. Par quel renversement de toute notion de justice se font-ils les fomentateurs des destructions de la guerre ?
- Quand reconnaîtront-ils combien leur conduite est criminelle devant la sagesse et la raison.
- Que la volonté des peuples leur impose donc le respect de la vie humaine.
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- Le Sénat.— Les pères conscrits se livrent à des exercices d’équilibre budgétaires ; ils ont grand soin de rétablir les crédits repoussés par la Chambre, surtout ceux concernant le budget des cultes. Le célèbre pasteur de Pressensé, après s’être déclaré partisan de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, après avoir nettement rappelé qu’il pratiquait cette séparation puisqu’il était pasteur d’une église libre subventionnée par les fidèles qui font fondée, a énergiquement réclamé le maintien du budget des chanoinus ! On ne saurait être plus sénateur.
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- La Chambre.— Rien ne manquera désormais aux propriétaires ; ils ont voulu des droits protecteurs contre l’im-
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- LE DEVOIR
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- portation des céréales ; la Chambre a voté un impôt de 3 fr. par quintal par 360 voix contre 475. Au lieu de récriminer contre cette solution que nous avons repoussée de toutes nos forces ; nous prenons dès maintenant position avec l’intention de ne laisser échapper aucune occasion de démontrer l’impuissance de cette mesure. Les agriculteurs et leurs mandataires nous ont promis une agriculture prospère en échange de cette protection ; nous saurons leur rappeler cet engagement.
- * *
- La statue de Ledru-Rollin. — Les ministres qui ont mutilé le suffrage universel par le rétablissement du vote à deux degrés ont assisté à l’inauguration du monument sans oser prononcer aucun discours. Cette pudeur donnera une singulière idée de la petitesse des caractères à notre époque. Que signifient ces prétendus hommes de gouvernement qui se complaisent dans des situations qui ne ressemblent ni à l’abstention ni à l’affirmation ? Quel affaibli ssement moral indique la tacite acceptation de cette attitude par les masses résignées à subir toutes les compromissions d’une pareille politique. Les orateurs ne sont pas sortis des déclamations ordinaires que nous répètent sans cesse les impuissants de tous les partis.
- CAMBODGE
- On lit dans la Lanterne :
- Les exploits de M. Thomson au Cambodge r orient leurs fruits. Le Cambodge est en insurrection et nous voilà bientôt avec une nouvelle expédition sur les bras.
- Car l'insurrection est sérieuse ; c’est M. Thomson lui-même qui le constate. Le poste français de Sambor a été enlevé après trois heures de combat ; nous avons perdu un lieutenant, un quartier-maître et plusieurs hommes.
- De sorte que voilà maintenant le drapeau français engagé au Cambodge, par la mort du lieutenant Bellanger, comme il l’a été auTonkin par la mort du commandant Rivière.
- M. le ministre de la guerre peut préparer une « petite mobilisation » en grand ; et M. le ministre des finances peut chercher des millions. Sans avoir, comme les Anglais, un « Empire des Indes », nous allons avoir, comme ont eu les Anglais, une révolte à combattre dans toute lTndo-Chine.
- Il est vrai que M. Thomson a l’agrément de jouer au souverain et de distribuer des croix à tous venants. La France peut bien payer d’une centaine de millions et de quelques dizaines de mille hommes la gloire de M. Thomson.
- TONKIN
- On assure de divers côtés que des négociations sont indirectement engagées depuis quelques jours entre le gouvernement français et le gouvernement chinois en vue d’un arrangement pour la question du Tonkin.
- Nous ne savons sur quelles données reposent ces bruits reproduits par les journaux ; il ne dépendrait que de la volonté du peuple d’imposer au gouvernement une conduite conforme aux préoccupations qu’ils dénotent ; on ne peut laisser indéfiniment continuer des aventures aussi compromettantes et aussi onéreuses.
- BELGIQUE
- Les ouvriers sans travail.— Dimanche dernier a eu lieu, à Bruxelles, une grande manifestation des ouvriers sans travail.
- Après le meeting qui s’est tenu à quatre heures de l’après-midi, dix mille ouvriers environ se sont mis en marche et ont été déposer successivement des pétitions entre les mains du bourgmestre de Bruxelles et du président du conseil des ministres.
- Je vous ai dit précédemment l’objet de ces pétitions: celle qui a été remise à l’hôtel de ville constate que beaucoup de travaux qui ont été décrétés pour la capitale ou pour lesquels des fonds ont été votés ne sont pas même commencés ; elle rappelle qu’en 1855 M. de Brouckere, alors bourgmestre de Bruxelles, fit majorer dans le cahier des charges-type de la ville de Bruxelles le prix de la journée de l’ouvrier et y fit insérer l’obligation pour les patrons qu’elle employait de payer ce prix à leurs ouvriers.
- M. Buis a répondu à la délégation des ouvriers qu’il cherchait à constituer une Bourse du travail, et qu’il saisirait le conseil communal de la pétition qui lui était remise. Toutefois il a fait quelques réserves.
- Le chef du cabinet, M. Beernaert, s’est, paraît-il, montré plus explicite que le bourgmestre de Bruxelles ; on prétend qu’il a répondu que le gouvernement actuel ferait exécuter plus de travaux en six mois que le gouvernement précédent en six ans.
- Toute la police avait été mise sur pied. Un seul incident à signaler. A la hauteur de la place où se trouve le palais du roi, une partie des manifestants a voulu se détacher du cortège dans une intention que l’on devine ; la police l’a refoulée, en opérant six arrestations.
- Mineurs en grève.—Les grèves se généralisent en Belgique dans les centres houillers. Les dernières nouvelles évaluent le nombre des grévistes à plus de 10,000.
- ANGLETERRE
- Les dynamiteurs.— Par suite de la présence de plusieurs dynamiteurs à Londres, la garde du palais de Buckingham et celle du palais Saint- James ont été renforcées.
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- Affaires d’Egypte. — Les Anglais, d’après leurs journaux, viennent encore d’infliger une défaite aux troupes du Madhi. Les Soudaniens tués se compteraient par milliers. On continue à envoyer des renforts au général Wolseley.
- ITALIE
- Les Italiens en Afrique. — Le gouvernement italien a pensé qu’il ne pouvait laisser à la France et à l’Angleterre le monopole des expéditions lointaines ; lui aussi prend ses dispositions pour se couvrir de gloire. Voici qu’elle sera bientôt la situation de l’expédition italienne.
- Les forces italiennes dans la mer Rouge atteindront un total de 5,000 hommes avec 18 canons, force suffisante pour repousser toute attaque.
- On rétablit les fortifications de Massouah du côté de la terre. Du côté de la mer, la ville sera défendue par des torpilles qui seront expédiées à bord du Comte de Cavour.
- Quand les fortifications seront terminées, le commandant italien verra s’il est nécessaire d’occuper une certaine zone de territoire, comme par exemple du côté des Bogos.
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- Comme en France.— La Police italienne rivalise avec la police française dans l’organisation des complots. Les révolutionnaires italiens, plus adroits que leurs corréligion-naires français, au lieu de dénoncer les policiers démasqués ont essayé de les organiser en contre-police.
- La cour d*assises de Bologne aura a juger sous peu un procès qui ne manquera pas d avoir un grand retentissement.
- L’accusé est un nommé Marenari, qui faisait partie de la police secrète et avait pour mission spéciale d’organiser des complots et de provoquer des scissions entre le& diverses fractions de la démocratie révolutionnaire. f‘-On eut un jour la preuve qu’il était un faux frère et qu il avait livré à la police le secret les travaux de la secte. Il lut jugé, et on lui posa ce dilemme : ou être tué en punition de sa trahison, ou poignarder le déiégué Panzani, à qui il avait fait ses rapports. Marenari choisit naturellement cette dernière alternative. Il donna rendez-vous à M. Panzani dans une rue déserte de Bologne, et à une heure très avancée de la nuit, sous prétexte de lui faire des révélations importantes.
- M. Panzani s’y rendit sans défiance et fut reçu à coups de poignard par son agent. Fort heureusement, il eut assez de sang froid pour se défendre, et, grâce à sa force peu commune, il se tira de ce guet-apens tant bien que mal. Il avait reçu plusieurs bl essures qui n’ont pas entraîné la mort. Le procès sera surtout intéressant parce qu’il jettera une grande lumière sur les procédés de la police et sur les moyens qu’elle emploie pour exercer ses fonctions tutélaires.
- ALLEMAGNE
- Toujours Bismarck.— M. Schwenninger est un triste sire qui, après avoir été 1 objet d’une condamnation grave à la suite d’un attentat à la pudeur, a eu la bonne fortune de guérir M. de Bismarck de l’obésité. Le Chancelier, pour payer sa reconnaissance à son dégraisseur, la récompensé aux frais des contribuables en le nommant membre de l’Académie de médecine de Berlin. Depuis plusieurs mois,les vieux académiciens peu flattés de cette recrue s épuisent en vaines protestations.
- Le professeur Virchow, qui n est pas seulement un des savants les plus éminents de l’Allemagne, mais un des orateurs les plus éloquents du parti démocratique et progressiste, a tiré en pleine Chambre la moralité de cet incident :
- « C’est justement là, a-t-il dit, le côté dangereux de la situation que, parce que le prince de Bismark juge tous les hommes méchants et misérables, parce que le niveau de son estime pour ses semblables est très bas, tout devienne possible en Allemagne. Notre devoir à nous, représentants de la nation, est de lui répéter que ce mépris professé par un seul pour tous doit enfin cesser... »
- Cessera-t-il de sitôt? L’espoir exprimé par M. Virchow me paraît rentrer dans le domaine des figures de rhétorique. En tout cas, le régime inauguré il y a vingt ans par M. de Bismarck pourra, au point de vue scientifique, être défini ainsi : un régime qui a traduit Mommsen en cour d’assises et nommé M. Schwenninger professeur à l’université de Berlin.
- DE L’IMPOT SUD LE CAPITAL
- Principe de cet impôt
- J’ai démontré dans l’avant-dernier numéro du Réveil, que l'impôt sur le revenu ne pourrait être qu’un impôt sur les revenus, lequel ne serait lui-même que la reproduction, sous un nom nouveau, de notre système fiscal actuel.
- Les impôts existants, en effet, demandent à l’industriel, au commerçant, au travailleur, à tout homme qui produit, en un mot, quatre ou cinq fois plus ou moins, qu’au rentier, qu’à l’oisif, qu’à celui qui ne produit rien.
- C’est là un fait dont peuvent facilement se convaincre ceux qui seraient tentés d’en douter. Ils n’ont qu’à évaluer approximativement ce qu’un même capital de 100,000 fr., par exemple, paie d’impôt suivant qu’il se trouve entre les miins d’un rentier qui ne fait autre chose que de se promener boire, manger et dormir, ou entre celles d’un industriel, d’un commerçant qui produit, qui travaille et fait travailler autour de lui.
- Cette simple comparaison leur montrera toute l’iniquité d’un système dont le but inavoué, mais réel, est d’exploiter, de pressurer le travail et la production sous toutes leurs formes, au profit exclusif de l’improductivité et de l’oisiveté.
- L’impôt sur les revenus, s’inspirant du même principe, aurait inévitablement les mêmes conséquences.
- 11 frapperait, il rançonnerait l’homme, proportionnellement à son activité, à ses efforts, à son génie industriel ou commercial .
- A celui qui trouverait le moyen de faire produire six mille fr. à un capital de 25 mille fr., il demanderait deux fois plus qu’à celui qui, moins actif ou moins intelligent, ne retirerait que trois mille fr. de l’exploitation du même capital.
- Ce serait une véritable prime offerte à l'inertie, à l’improductivité, à la paresse ; et une amende, une sorte de punition infligée au travail, à l’activité, à l’esprit d’initiative.
- On va voir que l’impôt sur le capital procédant d’un principe opposé, aboutit à un résultat tout autre.
- L'impôt sur le capital, en effet, ne demande pas à chacun proportionnellement à ce qu’il gagne, mais proportionnellement à ce qu’il possède.
- Il ne considère pas le revenu, les bénéfices que réalise le contribuable, mais seulement le capital, c’est-à-dire l’instrument de production dont il dispose. .
- Il ne lui dit pas comme l’impôt sur le revenu : « plus tu travailleras, plus tu produiras, et plus tu paieras ; » il lui dit au contraire : «plus tu seras laborieux, appliqué, ingénieux, et moins les charges publiques te seront lourdes. » Ce qui est assurément plus sensé, plus moral et j plus équitable.
- Assimiliation de l’idée d’impôt à l’idée d’assurance
- Je vais d’ailleurs établir d’une façon très claire, et qui me paraît peu réfutable, que ce principe est bien l’expression la plus parfaite de la justice en matière fiscale.
- | Il me suffira, pour cela, d’examiner brièvement quelle est | la raison d’être de l’impôt, et quel doit être,son objet.
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- Qu’est-ce donc, en définitive que l’impôt; à quoi est-i destiné ?
- N’est-ce pas à rémunérer ce qu’on appelle les services publics, c’est-à-dire l’armée, la marine, les travaux publics, la justice... Cela n’est pas douteux.
- Or, — chacun le sait, — ces services ont tous pour but :
- Soit de faciliter la, mise en œuvre, l’exploitation des capitaux sociaux ;
- Soit de les protéger contre toute attaque et toute spoliation.
- Ils constituent donc, en somme, une véritable assurance dont la prime, — comme toutes les primes d’assurauces, — doit être proportionnelle, non pas au produit du capital protégé, mais à l’importance de ce capital, ou en d’autres termes, à sa valeur vénale. Et cela par l’excellente raison qu’il n’en coûte pas plus à l’Etat, et qu’il ne lui est pas plus difli ile de protéger un capital de 20,000 fr. (qui rapporte 5,000 fr. entre les mains d’un homme actif et industrieux), que de protéger un autre capital de 20,000 fr. (qui rapporte seulement 1,000 fr. entre les mains d’un homme moins laborieux ou moins intelligent).
- Ce point de vue est si simple et si logique, qu’il me paraît impossible que les adversaires eux-mêmes de l’impôt sur le capital, ou du moins ceux qui le repoussent sans l’avoir examiné, n’en soient pas frappés.
- Si donc, l’on admet l’identité complète qui existe entre la prime d’assurance et l’impôt, — et il ne me semble pas qu’on puisse la contester sérieusement, — on admettra aussi qu’en bonne équité l'impôt ne doit pas avoir pour assiette le revenu, les bénéfices du capital, mais le capital lui-même.
- Le principe de l’impôt sur le capital, ainsi posé et bien compris, passons à son application.
- Des capitaux fixes et des capitaux circulants
- Pour cela, la première chose que nous ayons à faire, est de bien distinguer les capitaux proprement dits, qui seuls doivent être imposés, de ceux que, dans le langage courant, on qualifie à tort du même nom, et qui ne doivent pas être imposés.
- Nous appellerons les premiers capitaux fixes, et les seconds capitaux circulants.
- Nous allons, par quelques exemples, établir très nettement les caractères distinctifs de ces deux catégories de -capitaux.
- Prenons une usine quelconque, un moulin à farine. Qu’y trouvons-nous ? Des meules destinées à la pulvérisation des grains, et des grains destinés à être transformés en farine.
- Eh bien, les meules appartiennent à la catégorie des ca-pitauxproprement dits, ou capitaux fixes.
- Les grains, au contraire, appartiennent à celle des capitaux circulants.
- La meule est capital fixe, parce qu’elle ne rend de service qu’à la condition de rester meule.
- Le grain est capital circulant parce qu’il n’est utile qu’à la condition de ne pas rester grain, c’est-à-dire de devenir farine.
- La meule, instrument de production est donc imposable ; le grain, matière qui ne deviendra utile qu’après sa transformation en farine, n’est pas imposable.
- Autre exemple. Voilà un bateau qui transporte du charbon de terre.
- Le bateau est un capital fixe, parce qu’il ne sera util e qu’autant qa’il restera bateau.
- Le charbon de terre, lui, est capital circulant, parce qu’il ne deviendra utile qu’autant qu’il ne restera pas charbon, et se transformera en calorique.
- Le bateau sera donc imposable ; le charbon ne le sera pas.
- Il ressort de ces deux exemples que l’on pourrait varier à l’infini :
- Que l’on doit considérer comme capital fixe, et par suite comme imposable, tout ce qui n’est et ne demeure utile, qu’à la condition de de pas se transformer.
- Et comme capital circulant, c’est-à-dire non imposable, tout ce qui ne devient utile qu’à la condition de se transformer....
- La catégorie des capitaux fixes se composera donc du sol, des machines de toutes sortes, des canaux, des chemins de fer, des voitures, des navires, des animaux servant à l’exploitation, des meubles et des objets d’art.
- Celle des capitaux circulants se composera des matières premières, des aliments, des boissons, de la monnaie et de tous les produits fabriqués qui sont dans le commerce, et ne deviendront capitaux fixes qu’après en être sortis.
- Comment certains capitaux fixes ont d’abord été capitaux circulants
- Un mot d’explication à ce sujet. On remarquera qu’à l’exception du sol, dfis mines et des voies de communication, tous les autres capitaux fixes ont nécessairement appartenu, — avant de recevoir leur destination définitive, — à la catégorie des capitaux circulants.
- Un exemple va rendre ce fait parfaitement sensible. Un constructeur de machines vient de confectionner un moteur quelconque. De ses ateliers, ce moteur passe dans un magasin, ou il demeurera jusqu’au moment où il aura trouvé un acheteur.
- Tant que cet acheteur ne se sera pas présenté, le moteur séjournera dans le hangar où on l’a placé et il appartiendra à la catégorie des capitaux circulants. Pourquoi ? Parce qu’en tant que moteur il ne rend aucun service au constructeur et qu’il ne lui deviendra utile qu’à la condition de se transformer en une somme d’argent.
- Le jour où le moteur en question est installé chez un industriel, il cesse d'être marchandise pour devenir instrument de production, c’est-à-dire capital fixe et il ne restera utile qu’autant qu’il demeurera moteur.
- Même remarque et même raisonnement pour les meubles, les ustensiles de ménage, qui sont capitaux circulants tant quils restent à l’état de marchandises chez l’ébéniste et chez le quincaillier et ne deviennent capitaux fixes que du moment où ils se trouvent entre les mains de ceux qui les ont achetés pour s’en servir.
- Il ne saurait donc y avoir, — o» le voit d’après les indi-
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- LE DEYOIR
- cations qui précédent, — le plus léger doute sur la détermination des capitaux qui doivent servir d’assiette à l’impôt sur le capital.
- Des avantages directs de l'impôt sur le capital
- La substitution d’un impôt unique, assis sur le capital, à tous les impôts existants présenterait des avantages que la brièveté de cette étude ne me permet pas d’analyser complètement, mais que je tiens au moins à indiquer.
- D’abord, et c’est un point sur lequel je ne saurais trop insister, c’est le seul impôt véritablement démocratique, puisque c’est aussi le seul qui, conformément à la justice :
- Ne demande rien à celui qui n’a rien ;
- Demande peu à celui qui a peu ;
- Et beaucoup à celui qui a beaucoup.
- Je dirai en second lieu, — et il n’est pas nécessaire pour le comprendre d’être très versé dans l’étude des questions fiscales, — qu’il n’est pas d’impôt dont le fonctionnement offre à la lois plus de facilité, de simplicité et de certitude. Avec lui, nulle fraude à craindre de la part du contribuable, nul arbitraire de la part du fisc. Les capitaux fixes qui constituent son assiette sont, en effet, parfaitement définis et aussi aisés à constater qu’à évaluer.
- Qu’il s'agisse, en effet, d’un immeuble, d’une propriété rurale ou d’une usine, autant la détermination du revenu de chacun de ces trois capitaux fixes serait embarrassante et douteuse, autant la détermination de leur valeur vénale présente de simplicité et de certitude.
- Or, c’est précisément cette valeur vénale qui constitue la base de l’impôt sur le capital.
- On remarquera encore que, — portant exclusivement sur les capitaux fixes, — il encouragerait la production, favoriserait la consommation, et leur imprimerait une ativité dont il nous est difficile de nous faire une idée, à nous qui vivons sous l’empire d’un régime fiscal qui paraît n’avoir d’autre but que d’entraver la production et la circulation et de rendre tout travail odieux à force d’exactions et de vexations.
- J’ai à peine besoin d’ajouter, après ce qu’on vient déliré, que Yimpôt sur le capital ne nécessiterait qu’un personnel peu nombreux, peu dispendieux par conséquent, et que ses frais de perception seraient presqu’insignifiants, comparés aux frais de perception qui grèvent les impôts actuels .
- Effets indirects de l’impôt sur le capital
- De plus, et indépendamment de ces avantages directs, l’impôt sur le capital présenterait l’avantage indirect que voici :
- Les classes riches qui ont été et seront toujours, — quoi qu’on pui-se dire et faire, — les classes dirigeantes, obligées de contribuer aux charges publiques proportionnellement aux immenses capitaux qu’elles possèdent, apporteraient, — sans qu’on eut besoin de les y inviter, — à l’administration de l'Etat, une prévoyance et une économie, dont elles profiteraient sans aucun doute pour leur propre compte, mais dont profiterait aussi la nation tout entière.
- Il est évident, par exemple, que sous le régime de l’impôt
- sur le capital, l’expédition du Tonkin n’aurait pas été entreprise, ou que si, par impossible, elle l’avait été, on ne l’eut pas laissé prendre les proportions qu elle a atteintes et qui en font un véritable danger national.
- On jette, en effet, beaucoup moins allègrement par les fenêtres, son argent que celui des autres.
- Quant à ceux qui travaillent soit de leur intelligence, soit de leurs bras, et qui s’appliquent à produire quelque chose d’utile ils ne pourraient qu’applaudir à l’établissement d’un impôt qui ne serait lourd qu’aux oisifs, aux flâneurs, aux viveurs, c’est-à-dire aux improductifs.
- Grâce à lui ces derniers se trouveraient dans l’alternative ou de se résigner à voir leur capital disparaître, ce dont personne ne les plaindrait ; ou de tirer parti de ce capital, ce dont tout le monde, eux compris, n’aurait qu’à se féliciter.
- Un précédent de l’impôt sur le capital
- L’impôt sur le capital ne serait pas, — comme quelque personnes pourraient être tentées de le croire,— une pure innovation. Cet argument, dont les habiles savent si bien user lorsqu’ils n’en ont pas d’autres à faire valoir, ne saurait être opposé au système fiscal que nous soutenons.
- 11 a eu, en effet, la singulière fortune d’avoir été expérimenté il y a quatre cent cinquante ans dans la République de Florence, et d’y avoir donné des preuves irrécusables de sa supériorité. Il fut institué au commencement du xve siècle par fun des fondatenrs de l’illustre famille de Médicis.
- « On convint, dit Machiavel, à ce propos, — que l’impôt fût égal pour tous proportionnellement aux richesses. On arrêta de l’établir sur la totalité des biens de chacun, de telle sorte que celui qui avait 100 florins de capital eut lj‘2 florin d’impôt. Les riches repoussèrent d’abord ce système, mais Jean de Médicis le fit prévaloir. Pour l’établir, on fit une masse de tous les biens des citoyens, et l’assiette de l’impôt fut appelée catasto (cadastre). Cette loi fut attaquée et défendue avec acharnement par les deux partis, et maintenue par l’énergie de Jean de Médicis. Les riches ne pouvaient plus entreprendre de guerre sans s’imposer eux-mêmes. Cette lutte est le fond de l’histoire sociale de la République florentine, au moyen-âge. Jean, Côme et Laurent de Médicis soutinrent ce système durant trois générations et fondèrent ainsi la puissance de leur famille et la prospérité de leur patrie.
- Conclusion pratique
- Il ressort de ce grand fait historique, non-seulement que l’impôt sur le capital peut être facilement établi, mais encore qu’il n’y a pas à concevoir le moindre doute sur l’excellence de ses résultats.
- Or, comme j’ai la certitude absolue que le système fiscal actuel est en train de s’écrouler sous le poids de ses propres excès, et qu’il entraînera dans sa chute toute la vieille organisation sociale de 1789 ;
- J’ai aussi la conviction que notre nouvelle organisation sociale, devant nécessairement profiter au plus grand nombre, c’est-à-dire à la bourgeoisie laborieuse, aussi bien qu’à la classe ouvrière, ne peut trouver une base plus solide ni plus avautageuse que l’impôt sur le capital.
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- LE DEVOIR
- Ui
- Les ouvriers, —je l’ai démontré à diverses reprises dans le Réveil, — sont de la part de notre système fiscal l’objet d’une exploitation odieuse, éhontée. Mais ce serait une erreur de croire que cette exploitation se limitât à la main-d’œuvre. Elle s’étend à tous les producteurs, sans exceptoin. Elle ne es atteint pas tous également, mais elle n’en épargne aucun.
- Les travailleurs de tous ordres, ouvriers, commerçants, industriels, agriculteurs, ont donc un intérêt direct, personnel, à s’entendre et à se coaliser contre tous les improductifs et contre tous les parasites sociaux.
- Or, s’ils veulent y réfléchir, tant soit, peu, ils reconnaîtront, avec nous, que l’impôt sur le capital est le terrain sur lequel leur union peut se faire le plus facilement et le plus utilement.
- M.PEAUGER.
- M. Peauger est d’accord avec nous sur ce point : que les ressources publiques doivent provenir delà richesse acquise et non du travail. Prochainement, nous ferons connaître les considérations qui nous déterminent à persévérer dans notre projet d’hérédité de l’Etat : institution plus libérale etatteignant mieux le but commun que l’impôt sur le capital.
- Xj a. vaseline
- La vaseline commence à faire parler d’elle, trop même. Bien que sa vogue soit en partie méritée, il ne faudrait cependant pas en faire une panacée. En pharmacie, dans la toilette journalière, dans la parfumerie, elle rend des services. Les élégantes emploient la vaseline en guise de pommade et surtout de savon, parce qu’elle blanchit et adoucit la peau : le lavage des mains à sec avec la vaseline, puis ensuite à l’eau, est souverain ; aucune main n’y résiste, même celle des charbonniers. Cette application est excellente, et nous ne pouvons qu’y applaudir ; mais voilà maintenant que, sous prétexte que la vaseline est une graisse qui ne rancit pas, les pâtissiers eux-mêmes veulent s’en servir ; il en est qui vendent des brioches à la vaseline. La vaseline remplace le beurre. Encore un peu, et l’on nous fera manger de la cuisine à la vaseline. C’est une falsification qui ne saurait être tolérée. La vaseline n’est pas une graisse ; elle n’en possède nullementdes propriétés nutritives, et son usage introduit dans l’alimentation pourrait avoir des conséquences funestes.
- Laissons la vaseline aux pharmaciens et aux parfumeurs.
- Qu’est-ce que la vaseline ? Quelques mots d’histoire. Son apparition dans le commerce remonte à 1873 ; elle se vendait en Amérique sous le nom de cosmeline; elle figure pour la première fois officiellement à l’Exposition de Philadelphie en 1876, et à Paris à l’Exposition de 1878, dans la section américaine et dans la section autrichienne. Elle n’a été importée en France que depuis 1879, sous les noms de cos-rooline, déodorine, pétroline, toutes substances qui ne différent que par leurs points d’ébullition.
- La vaseline se présente sous l’aspect d’une gelée blanche sans odeur, sans goût ; elle est insoluble dans l’eau, peu soluble dans l’alcool, mais très soluble dans l’éther, le sulfure de carbone, le chloroforme, les essences, les corps gras. Elle résiste à l’action de l’air humide, aux alcalis, aux acides éten-
- dus. Elle ne rancit pas et n’est pas saponifiable comme les corps gras, propriétés précieuses qui lui ont valu tant d’applications multiples dans la thérapeutique et dans l’industrie. Les pommades rancissent à la chaleur et à la lumière. La vaseline reste intacte.
- La vaseline américaine diffère un peu de la vaseline allemande qui diffère également de la vaseline russe. La vaseline américaine (Le Chesebrougt, de New-York) est plus molle que la vaseline allemande (deutsche Virginia Vaseline) ; elle fond à 33° et l’autre à 41°. La vaseline russe est intermédiaire. D’après M. Riche, qui a beaucoup étudié cette substance, la vaseline est un carbure d’hydrogène et ce ne serait qu’un mélange de paraffines dont les points de fusion seraient différents. Elle est extraite des pétroles. Et voici comment on la prépare d’après M. Riche.
- Au lieu de distiller le pétrole brut jusqu’à sec, comme si l’on veut en extraire les huiles d'éclairage, on arrête l’opération lorsqu il reste dans la cornue environ 15 p. c. d’huile propre à l’éclairage. Ce goudron demi-liquide est placé dans des chaudières ; on l’évapore lentement à l’air libre tant qu’il se dégage des vapeurs âcres. Le nouveau résidu est chauffé avec du noir animal et filtré sur cette matière. Pour cela, on dispose dans une étuve portée à 50e des cônes métalliques pleins de noir et l’on fait tomber sur eux le goudron qui se décolore et perd son odeur.
- Depuis quelque temps, on fabrique aussi la vaseline en France ; mais au lieu d’employer le noir animal seulement pour purifier le produit, on fait agir aussi des dissolvants, de l’alcool à 95 degrés bouillant. Dans le commerce on trouve la vaseline à trois états : blanche, c’est la plus» chère ; blonde, enfin brune, et cette dernière c’est la moins chère.
- En thérapeutique, on l’a substituée à l’axonge, parce que, ne rancissant pas, elle n'irrite pas les parties malades. Le docteur Galezowski la considère comme une préparation précieuse pour la thérapeutique oculaire. Elle possède, en outre, des propriétés curatives vis-à-vis de certaines maladies de la peau ; prurigo, eczéma, pytiriassis. En parfumerie, on s’en sert pour les opérations de l’enfleurage, réséda, violettes, orangers, roses. Les pommades sont d’une suavité parfaite, à la condition d’employer des vaselines très purifiées ; autrement, les produits ont une odeur âcre. Dans l’industrie, elle sert à lubrifier les surfaces métalliques des machines, les armes à feu, et les instruments de chirurgie ou de physique quelle préserve de la rouille.
- Donc, autant de vaseline que l’on voudra dans ces applications déjà multiples, mais surtout pas de vaseline dans la pâtisserie et dans l’art culinaire. C’est déjà bien assez de la margarine !
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- INSTRUCTION PUBLIQUE
- Le ministre de l’instruction publique vient d adresser aux recteurs une circulaire relative à la durée des études dans les lycées et collèges. Nous en détachons les principaux passages :
- Le conseil supérieur de l’instruction publique, après avoir réduit à vingt heures par semaine la durée totalé des classes
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- U2
- LE DEVOIR
- de l’enseignement secondaire classique, a exprimé le vœu que les études, consacrées au travail personnel des éléves, fussent coupées, quand elles peuvent paraître trop longues, par un temps de repos ou de récréation.
- Une étude dont la durée dépasse deux heures présente un double inconvénient : d’abord, il n’est pas bon, au point de vue hygiénique, de tenir trop longtemps nos élèves enfermés dans une même salle, où l’atmosphère est viciée par la présence de trente ou quarante personnes ; d’un autre côté, après deux heures de tension d’esprit, la forte de l’attention s’émousse ; la continuation de l’effort produit plus difficilement un travail utile ; le corps lui-même se fatigue de l’immobilité; quelques instants de rémission et d’exercice sont nécessaires pour alléger la tête et retremper les forces de l’intelligence. Ce qui est vrai pour des hommes faits l’est à plus forte raison pour des jeunes gens et surtout pour des enfants qui, par nature, ont besoin d’activité et de mouvement.
- J’ai décidé en conséquence que, pour les élèves des classes de grammaire, à partir de la quatrième, toute étude de plus de deux heures sera coupée par un repos de quinze ou vingt minutes. Les mêmes dispositions pourront ultérieurement, après expérience faite, être appliquées aux éléves des classes supérieures.
- La récréation sera prise dans la cour, toutes les fois que la saison le permettra; la salle du travail sera largement aérée.
- Pour lesjeunes enfants, ceux des cours primaires et élémentaires, la mesure s’appliquera même aux études de deux heures, qui seront coupées par un repos d’un quart d’heure, soit dans la salle d’étude, soit au dehors.
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- MAITRE PIERRE
- Par Edmond ABOUT
- (Suite.)
- III
- LES LANDES
- Chemin faisant, il s’arrêta au milieu d’un terrain stérile.
- « Venez ici, me dit-il ; il faut, avant tout autre propos, que je vous fasse faire connaissance avec la Lande. » Il prit une de ses échasses, dessina un carré sur le sol, et me dit : Regardez là dedans, vous y verrez la Lande tout entière,car le pays n’estpas très-varié.Cette plante épineuse à fleurs jaunes est un ajonc : on n’en fait rien. On pourrait la piler dans un mortier pour la faire manger aux bœufs, mais les bœufs aiment mieux autre chose, et je ne leur donne pas tort. Ces grandes tiges cassantes sont ce que nous appelons la brande. Les pâtissiers s’en servent pour chauffer leur four ; les paysans en font
- ne litière qui ne vaut rien et qui donne un détestable fumier, parce qu’elle ne pourrit pas. Ceci est une bruyère, vous en avez vu partout. Je dors là-dessus pour des raisons à moi connues et que je vous dirai plus tard, mais un autre s’y trouverait mal couché. Tâtez un peu
- le bois, et vous verrez que ce n’est pas le lit de tout le monde. Et maintenant baissez-vous pour voir ces quatre brins de verdure coriace qui sortent de terre comme des épingles : vous voyez l’herbe des Landes et la nourriture de nos moutons. Eh bien, monsieur, voilà plus de six mille ans que les Landes n’ont pas produit autre chose.
- Il arracha les plantes à pleines mains, sans craindre d’y laisser la moitié de ses doigts, et quand le sol fut dépouillé, il me dit : « Voyons la terre, » 11 se baissa et prit dans sa main une poignée de sable fin, noir, serré et plein de racines entortillées. J’en tâtai une pincée, et je me salis le bout des doigts. « C’est du sable pur, me dit-il. Les débris des plantes l’ont coloré en se décomposant. Le terrain est le même dans tout le pays ; en quelque endroit que vous le choisissiez, vous le trouverez partout aussi maigre. Sa profondeur varie entre 60 et 70 centimètres ; en moyenne, deux pieds. Voyez plutôt. » Use mit à creuser la terre avec une dextérité surprenante. A deux pieds de profondeur, il me montra une couche de grès rougeâtre qui avait l’aspect d’un minerai de fer. « Ceci, me dit-il, est ce que nous appelons l’alios. C’est encore du sable, mais collé ensemble par une sorte d’enduit végétal. L’a lios forme sous la lande une couche d’un pied d’épaisseur, assez dure pour émousser la pioche la mieux trempée. C’est ce grès maudit qui est cause de toutes nos misères. Vous comprenez qu’un champ ainsi pavé est comme un pot à fleurs auquel on n’aurait pas fait le trou. L’eau s’accumule au fond, et, comme il pleut ici pendant six mois de l’année, les racines prennent un bain de pied prolongé qui les tue. La terre est saturée d’eau pendant tout l'hiver ; l’eau regorge jusqu’à la surface, et comme le sol est plat, ou à peu près, les Landes sont une mare impraticable jusqu’au retour du beau temps. L’été venu, autre histoire. Vous pensez qu’une telle masse d’eau croupie ne s’évaoore pas sans empoisonner un peu le pays. Nous récoltons ici toutes les variétés connues delà fièvre, excepté la jaune. Nous avons de plus une maladie qui ne se trouve pas ailleurs et qui semble avoir été inventée tout exprès pour nous. La fièvre et la pellagre, voilà le plus cl air de notre revenu. Attendez ; vous n’ètes pas au bout. Quand l’eau s’est évaporée, nous jouissons d’un été caniculaire, et la sécheresse brûle ce que l’humidité n’a pas pourri. Or nous n’avons ni sources, ni eaux courantes. Comme il faut boire cependant et abreuver les bêtes, on va chercher de l’eau sous l’alios. On en irait chercher jusqu’au diable. En brisant la croûte, on trouve une nappe d’eau jaune qui s’est glissée là pendant l’hiver, à travers quelques déchirures. Mais quelle eau, monsieur! Je vous en ferai boire. C’est moins de l’eau qu’une infusion d’alios, qui manque absolument d’air et qui
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- LE DEVOIR
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- contient les poisons les plus -variés. Les hommes et les moutons la boivent sobrement,, comme vous pouvez croire, cependant les moutons en meurent quelquefois. On a pensé aux puits artésiens, et l’on a fouillé plus bas. On n’a trouvé que du sable et toujours du sable, jusqu’à cent mètres de profondeur ;-si bien qu’on s’est arrêté là.
- « Maintenant, monsieur, nous pouvons nous remettre en route : vous connaissez aussi bien que moi le sol de notre jardin. Un banc de sable, un banc de grès, une nappe d’eau sale, et puis du sable jusqu’en e îfer. Nous n’avons pas même de la pierre pour bâtir nos maisons, car l’alios, qui est si dur lorsqu’ils faut le percer, devient mou comme du coton lorsqu’on veut s’en servir. On trouve par-ci par-là, sous le sable, un peu d’argile pour faire des briques, mais on n’en a pas tant qu’on veut.
- « Si les Landes n’avaient qu’une lieue de long, il n’y aurait pas d’inconvénient à les laisser te!les que la nature les a faites. On cultiverait à côlé,et l’on irait les voir par curiosité, comme uu bel échantillion de mauvaise terre. Mais nous en avons plus de 600 ,000 hectares dans nos deux départements. Je ne vous demande pas si vous savez ce que c’est qu’un hectare ?
- — Sans doute. C’est une surface de dix mille mètres carrés.
- - Combien vend-on le mètre de terrain dans votre pays ?
- — On le vend ce qu’on peut, suivant la place. Dans les villages de la rive gauche, du côté de Sceaux, de Fonte-nay-aux-Roses, cela vaut trois francs. Sur la rive droite, dans les beaux quartiers de Nenilly, j’ai vu vendre des terrains à quarante frarcs le mètre. Dans Paris, les terrains de la rue de Vaugirard valent cent francs ; ceux des boulevards vont à cinq cents, et mime ju>qu’à mille.
- — Eh bien, monsieur, l’hectare de terre, qui vaut trente mille francs à Fontenay, quatre cent mille à Neuilly, un million rue de Vaugirard, et jusqu’à dix millions sur les boulevards de Paris, s’est vendu neuf francs dans les Lamies. J’ai vu ça, moi qui vous parle. Aujourd’hui, grâce à moi, il en vaudra mille. La France possédera un demi-milliard de plus qu’à présent ; et le plus beau de mon affaire, c’est que le gouvernement n’auri pas eu une centime à débourser. »
- Je ni pus m’empêcher de sourire; mais le singulier homme parut charmé de mon incrédulité.
- « Vous vous moquez de moi, dit-il ; tant mieux ! Ceux qui me croient sur parole sont des cerveaux mous ; l’idée ne mard pas sur eux. J’aime les esprits qui se défendent Parce qu’une fois qu’on les a pris, on tient quelque chose. Plus j’aurai de mal à vous persuader, plus vous serez capable de persuader les autres.
- « Je vous disais que, dans mon enfance, la lande rase
- valait neuf francs. Si elle se vend plus cher aujourd’hui, ce n’est pas qu’elle rapporte davantage ; c’est tout uniment parce que j’ai prouvé aux incrédules qu’on pouvait la cultiver.
- « Aujourd’hui, comme autrefois, l’hectare de lande fournit dans une année la nourriture d’un mouton. Autant d’hectares, autant de moutons. Un homme qui possède un hectare afferme son terrain à un homme qu1 possède un mouton. Au bout de l’année, le possesseur du mouton paye un fermage de dix sous au propriétaire de l’hectare. Sur cette somme, le propriétair e foncier coupe un centime en cinq et en dépose la cinquième part dans la caisse du gouvernement. M’avez-vous bien compris ? Voilà dix mille pauvres mètres de terrain qui vont travailler toute l’année, souffrir le froid et le chaud, le sec et l’humide, pour donner à l’Etat la vingt-cinquième parfie d’un sou, au propriétaire une somme ronde de cinquante centimes, et au fermier le peu de laine et de graisse qu’un mouton maigre et déplumé peut faire en un an !
- «C’est une mauvaise affaire pour tout le monde, pour l’Etat, ponr le propriétaire, pour le fermier et pour les moutons ! Les avez-vous vus nos moutons ? Leur laine est bonne à bourrer les matelas, leur viande n’est pas riche, et l’on ne s’est jamais amusé à faire du fromage avec le lait des brebis. Pauvres créatures ! avec quoi donc nourriraient-elles leurs agneaux ? Quand on les mène au m rché, la plus jolie bête du département vaut douze francs, pas d’avantage, eût-elle un ruban rose autour du cou. Ajoutez que quelquefois le mouton vient à crever avant d’avoir mangé son hectare. Quelquefois, c’est le fermier qui meurt des fièvres avant d’avoir vendu son mouton. En résumé, si l’on trouvait le moyen de nourrir le mouton sans lui faire mander un hectare,et d’employer un hectare à quelque chose de mieux que la nourriture d’un mouton, les hectares etles moutons auraient meilleure mine ; l’Etat, 1 e propriétaire et le fermier ne seraient plus réduits à la nécessité de couper des centimes en cinq. »
- {A Suivre).
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- État-civil dn Familistère
- Semaine du 16 au 22 Février 1885.
- Naissances :
- Le 22 février, de Lebeau Julien, fds de Lebeau César et de Thouart Zoé.
- Décès :
- Le 18 février, de Garbe Emile, âgé de 1 an et 2 meis.
- Le Directeur-Gérant : GODIN
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- LIBRAIRIE DU FAMILISTÈRE
- G-XJI SE (Aisne)
- nnna ry^ a~x nft.rasr^ rora £22* (^C1OO^ao>
- Fondateur du Familistèire Vient de paraître :
- Le Gouvernement, ce qu'il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action.
- Ce volume met en lumière le rôle des pouvoirs et des gouvernements, le principe des droits de
- l’homme, les garanties dues à la vie humaine, le perfectionnement du suffrage universel de façon à en
- faire l’expression de la souveraineté du peuple,_ l’organisation de là paix européenne, une nouvelle constitution du droit de propriété, la réforme des impôts, l’instruction publique première école de la souveraineté, l’association des ouvriers aux bénéfices de l’industrie, les habitations ouvrières, etc., etc.
- L’ouvrage est terminé par une proposition de loi à la Chambre des députés sur 1 organisation de 1 assurance nationale de tous les citoyens contre la misère.
- In-8° broché, avec portrait de l’auteur. . 8 fr.
- Solutions sociales. — Exposition philosophique et sociale de l’œuvre du Familistère avec la
- vue générale de l’établissement, les vues intérieures du palais, plans et nombreuses gravures :
- Éditi m in-8®...................................................................... 10 fr.
- Edition in-18.....................................................................5 fr.
- Mutualité sociale et association du Capital et du Travail ou extinction du paupérisme
- par la consécration du droit naturel des faibles au nécessaire et du droit des travailleurs à bénéfices de la production.
- Ce volume contient les statuts et règlements de la Société du Familistère de Guise. In-8° broché, avec la vue générale des établissements de l’association. . . . . .
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- contre la Misère.
- Pétition et proposition de loi à la Chambre des députés
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- M. E. T. Craig, secrétaire et administrateur de l’association. Ouvrage d’un intérêt dramatique, traduit par Marie Moret................................................................................0,75 cent.
- Histoire des ecjuits.Sil.6s pionniers do Rochdnlo, de g. j. holyoake. Résume traduit de
- l’anglais, par Marie Moret........................................................................ 0,75 cent.
- ROMAN SOCIALISTE
- La Fille de son Père. Roman socialiste américain, de Mme Marie Howland, traduction de
- M. M., vol. broché.......................................................... 3 fr. 50
- La première édition de ce roman publiée par M. John Jfwett, l’éditeur de « la Case de l’Oncle Tom », a eu un grand succès en Amérique. Ce Roman est aux questions sociales qui agitent le monde civilisé, ce que « la Case de l’Oncle Tom » fut pour la question de l’esclavage.
- Se vend aussi chez Ghio, 1,3, 5, 7, galerie du Palais-Royal, Paris.
- ( Suise. — lmp. BARÉ.
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- 9* Année. Tome 9. - N* 339 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 8 Mars 1885
- LE DEVOIR
- REVUE DES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU
- a GUISE (Aisne)
- Tsutti las eommnnloatiuu
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi j soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- et réclamation* doivent être adressées à U. GQDIN, Directeur-Gérant fondateur du Familistère
- Franee Un an ... Six met*. . . Trois mole. .
- 10 Ir. »» I ». S »
- Union pootalo
- Un an. ... 11 Ir.»
- Antros pays
- Un an. . . . 13fr.M
- OK S’ABOHHE
- A PARIS
- f, rao UeuTe-das-Petlts-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à X. LEYXARIE damiaistrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- La Paix avec la Chine. — Souscription pour la propagande de la Paix. — Bon exemple. — Le Comité de Paris de la Fédération internationale. — Pourquoi le travailleur\ ne doit pas se faire soldat. — Exploitation de la routine. —Le Congo. - Uu soldat, un cheval, le sergent Hoff.— Substitution de Varbitrage à la guerre. — L'arbitrage n’est pas une utopie. — Le Meeting Franco-Anglais. — Aphorismes et préceptes sociaux. — Le militarisme en action. — Ligue des travailleurs. — Pétition aux Chambres françaises. — Mouvement arbitragiste. — Rapprochement des peuples. — Propagande de la Paix. — Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen._________________________________
- La Paix avec la Chine.
- Des bruits vagues de paix avec la Chine ont été répandus par les journaux.
- Il serait désirable qu’une entente prochaine mît fin à l’aventure du Tonkia.
- La conclusion de la paix exigera de la part de la France beaucoup de modération.
- Le gouvernement allemand a un grand intérêt à ptolonger notre conflit avec la Chine; il est admirablement organisé pour exercer une grande influence sur les décisions du gouvernement de Pékin.
- L’Allemagne à intérêt à nous voir nous affaiblir flans les expéditions lointaines, en général. Dans 6 cas particulier de la guerre avec la Chine, plus es hostilités se prolongeront, plus deviendront il-usoires les possibilités futures jpour nous de commercer avec la Chine, et plus deviendront solides les relations déjà nouées entre Chinois et Germains.
- fo *rteS intérêts du gouvernement allemand se con-ndent avec ceux des aventuriers qui çomman-ies armées de la Chine.
- Les officiers allemands, liés par des traités sérieux stipulant de gros appointements mensuels pendant la durée de la guerre, feront tous leurs efforts pour la prolonger jusqu’à ce qu’ils aient acquis une certaine fortune. Ils sont en outre les courtiers des industriels qui livrent à la Chine des munitions et des armes. Ils ont besoin que la guerre se prolonge pour acquérir des capitaux et une influence morale qui leur permettront, après la pacification, d’avoir le monopole des affaires d’exportation et d’importation.
- L’Allemagne a déjà l’avantage du bon marché. Que pourrons-nous faire à ses côtés, lorsque les représentants de ses maisons de commerce seront des officiers sachant se recommander du concours qu’ils auront donné à la Chine pendant la guerre, et exagérant les ruines causées par nos soldats ?
- La paix est urgente.
- Dès qu’elle sera conclue, nous devrons surtout nous préoccuper de faire oublier les haines suscitées par nos appétits coloniaux.
- Aucune puissance, en Europe, ne pourrait mieux que l'Allemagne organiser des expéditions lointaines et en retirer profit, en dirigeant scs émigrants vers les points conquis par elle. Mais son gouvernement est résolu à ne pas dépasser les li -mites des campagnes d’explorations aboutissant à des relations commerciales et pacifiques.
- Sachons imiter les bons exemples.
- Après notre défaite nous n’avons pas hésité à introduire dans le costume de nos militaires plusieurs modifications empruntées à l’armée allemande.
- Notre talent d’imitation ne saurait-il aller plus loin que la contrefaçon des bottes ou des casques
- prussiens f
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- LE DEVOIR
- Toutes les considérations nous commandent de conclure la paix avec la Chine.
- La justice n’autorise pas les conquêtes.
- Nous n’avons rien à gagner en continuant la guerre.
- Les haines fomentées par notre corps expéditionnaire créent des relations de plus en plus amicales entre le grand empire asiatique et le gouvernement européen le plus intéressé à notre décadence.
- Il n’y a ni honte ni faiblesse à renoncer à une folle entreprise.
- Nous demandons la paix par un arbitrage international qui ménagera toutes les susceptibilités de l’honneur national et qui créera une situation d’autant plus solide que seront plus puissantes les nations appelées à se prononcer.
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- Souscription pour la propagande de la Paix
- Mme BOUSSUAT, née ROBERTSON, à Paris. . 100 00
- M. Alan BREBUER, Paris.......................... 1 00
- Total.................................401 00
- Listes précédentes.................... 23 75
- Totatàcejour..........................124 75
- BON EXEMPLE
- Le Ministère a pris la douce habitude d’annuler les votes du Conseil municipal de Paris avec une facilité surprenante.
- M. Jules Ferry, ayant dû faire son deuil de l’approbation parisienne, s’e^t décidé à gouverner contre la grande cité républicaine : par un décret, il écarte avec sa désinvolture accoutumée les décisions qui lui déplaisent.
- Toutefois, il doit être assez embarrassé pour faire annuler l’ordre du jour suivant voté par le Conseil municipal et dont voici le texte :
- « Le Conseil municipal réprouve la politique d'expéditions lointaines et les aventures coloniales; il émet le vœu que le Parlement y mette un terme le plus promptement possible,et adresse l’hommage de ses sympathies aux soldats et marins qui combattent dans VExtrême-Orient à l’ombre du drapeau de la France. »
- Cet ordre du jour se compose, comme on voit, d’une seule phrase.
- La première partie blâme les expéditions lointaines et les aventures coloniales ; la seconde adresse à nos troupes de terre et de mer l’hommage des sympathies les plus vives.
- Le Ministère va-t-il accepter le blâme ou effacer l’éloge envoyé aux braves soldats et marins qui combattent et meurent autour du drapeau national ?
- Va-t-il, au contraire, couper le texte en deux, supprimer le premier membre de phrase et conserver le deuxième ?
- Ce serait puéril et légèrement ridicule.
- LE
- Comité de Paris de la Fédération internationale
- de l’arbitrage et de la paix
- Les organisateurs du meeting de dimanche 22 Février se sont réunis hier sous la présidence de M. Hippolyte Destrem. Des membres des cinq sociétés de la Paix, représentées au meeting de la salle de Tivoli, assistaient à la réunion, dont l’objet était de donner suite aux trois résolutions préparées dimanche pour être soumises aux votes de l’assemblée, et dont une seule avait pu être adoptée.
- Les assistants ont fait ressortir ce fait que grâce au concours de la presse, l’éclatante manifestation de dimanche a produit tout l’effet désiré, en dépit de l’intervention plus ou moins spontanée de quelques anarchistes.
- Avant d’aborder l’ordre du jour, M. Desmoulins proteste énergiquement contre la décision par laquelle M. Waldeck-Rousseau expulse trois socialistes allemands. Il propose à tous les membres présents de s’associer à cette protestation, qui sera un acte de véritable patriotisme, car il ne faut pas oublier que c’est sur l’ordre de M. de Bismarck que se fait cette expulsion qui atteint chez nous les représentants d’un giand parti, lequel s’est toujours montré l’ami de notre France révolutionnaire, et s’est élevé, en 1871, contre l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine avec une énergie telle que les chefs du mouvement ont payé de leur liberté leur attachement à la justice internationale.
- M. Hodgson Pratt appuie la motion en disant : « je vais commencer ma troisième tournée en Allemagne, où j’ai déjà jeté les bases d’un comité d’arbitrage international. Ma tâche serait plus facile si je pouvais présenter aux Allemands une protestation qui preuve qu’il y a ici des esprits internationaux, disposées à tendre la main aux Allemands avancés.»
- A l’unanimité, la réunion s’associe à la protestation.
- On s’entend ensuite sur un certain nombre de mesures en vue de la distribution tant à Paris que dans les départements des 20 mille exemplaires de l’adre&se apportée par les ouvriers anglais amis de la paix.
- Quant à la suite à donner au deux autres résolutions relatives au programme électoral et à la visite à rendre à Londres, aux ouvriers anglais, on décide qu’elles seront examinées dans une prochaine réunion, laquelle sera dûment annoncée.
- Pourquoi le travailleur ne doit pas se faire soldat.
- 1° — Parce que la paix sur la terre est le but supérieur de la civilisation.
- 2° — Parce que je n’ai aucun droit de mettre en péril ni de détruire la vie des autres hommes.
- 3° — Parce qu’il n’y a aucune gloire dans le massacre des êtres humains, ni dans la destruction des œuvres d l’industrie.
- 4° — Parce que la Vie des casernes et des camps est démoralisante.
- 5e — Parce que c’est une folie de se battre et surtout contre des gens avec qui l’on n’a aucun sujet de querelle.
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- 6* — Parce qu’il faut quitter des occupations utiles pour se livrer à une vie d’oisiveté.
- 7° — Parce que le pauvre soldat n’a en perspective que l’œuvre sauvage du champ de bataille, et comme récompense que la mutilation, la misère et la dépendance.
- go — Parce que la guerre civile entre nations produit la ruine, la misère et le malheur; le gaspillage d’hommes et de richesses qui en résulte est principalement supporté par les classes industrieuses.
- 9° — Parce que la guerre ne détermine pas qui a droit ou tort, mais simplement qui est le plus fort.
- 10° — Parce que très-rarement la guerre résoud les litiges entre nations, puisque presque toujours une guerre en engendre une autre.
- H9 — Parce que si les travailleurs refusaient de se faire soldats, et de se -battre pour régler les différends d’autrui, les gouvernements seraient contraints de résoudre leurs différends par des moyens pacifiques.
- 12° — Parce que, en temps de guerre, les soldats peuvent être punis ou fusillés pour la plus légère désobéissance.
- \3° — Parce que, au commandement de mes supérieurs, je deis combattre, même pour une cause injuste et contre ma conscience et ma religion, et que je puis même être forcé de tuer père, mère et mes plus chers amis.
- î4° — Parce que, avec la loi des remplacements, les privilégiés peuvent payer des gens qui combattent à leur place, tandis que cette latitude est refusée au pauvre soldat.
- 15° — Parce que les officiers peuvent se marier à leur gré, tandis que sous la loi militaire le simple soldat ne peut se marier qu’avec le consentement de son officier.
- 46° Parce que les armées sont généralement entretenues par les gouvernants, pour maintenir écrasées les libertés du peuple.
- 47°— Parce que les forces militaires, au lieu d’assurer la paix, ont éminemment pour conséquence, l’histoire le démontre, de provoquer à la guerre.
- 18° — Parce que, si je me fais soldat, je fortifie l’armée dans une certaine mesure 'tandis qu’en refusant de m’enrôler je diminue cette force, j’accomplis mon devoir et j’offre un
- exemple à mes semblables. The arbitrator.
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- On sait que -pour procurer beaucoup de lecteurs à un journal, il suffit d’avoir une rédaction incolore, bien dressée à ne jamais attaquer les partis nombreux, sachant encourager et traduire les répugnances banales que les masses éprouvent contre les idées nouvelles. Le Petit Journal, avec ses Tranm et ses Grimai, a atteint le sublime du genre.
- Les réformateurs et les amis de la paix, encore peu nombreux, ne devaient pas échapper aux sarcasmes des petits grimaciers du petit journalisme.
- Voici une appréciation de l’un de ces messieurs cueillie dans le Petit Journal du 2 Mars :
- « Ces bons utopistes sont très peu gênants ; on peut les 5 laisser dans leurs douces rêveries, avec les poètes de Pla-* ton et les innocents prêcheurs de la paix universelle. »
- H serait difficile que des gens peu gênés et point innocents eussent une autre opinion des réformateurs ; mais il serait eonve-na le de la part des premiers de se gêner assez pour conserver
- cette opinion pour eux ; sans cela, ils pourraient provoquer des demandes d’explications concernant certaines émissions .d’obligations, peu scrupuleuses et peu faites pour honorer le petit journalisme.
- Les travaux de la conférence de Berlin ont été clos. Toutes les puissances représentées en ont signé les décisions, et le colonel Strauch, au nom de l’Association internationale africaine, y a fait adhésion et a signé également. On sait que le programme soumis à la conférence comportait trois points. Le premier point concernait la liberté de commerce et de la navigation sur le Congo. La liberté de commerce a été assurée par la création d’une zone de liberté commerciale qui comprend le bassin géographique du Congo tout entier, une bande de territoire entre ce bassin et l’océan Atlantique et une autre bande de territoire entre ce bassin et l’océan Indien. Aucun droit de douane ne pourra être établi dans cette zone sur les marchandises importées. L’exportation seule pourra être taxée. Cette zone a en outre été neutralisée, sans qu’il ait été fait de distinction entre les possessions des puissances européennes et celles de l’Association internationale qui pourra, avec le consentement des puissances, se charger de la police générale des rives des fleuves sur les territoires qui leur appartiennent-.
- Le second point concernait la liberté de navigation sur le Niger. La France et l’Angleterre ont seules des possessions sur le bord de ce fleuve ; aucune commission internationale n’a été instituée, et les deux puissances riveraines ont été chargées défaire exécuter les décisions qui les concernent chacune dans les régions soumises à leur influence.
- Le troisième point concernait les conditions à remplir pour l’occupation de nouveaux territoires en Afrique. A la suite d’un compromis entre la France et l’Allemagne, il a été résolu qu’après avoir déterminé les frontières sur la côte, la puissance occupante devrait faire adresser aux autres puissances une notification officielle de l’occupation.
- L’accord s’est fait aisément entre les plénipotentiaires sur ces trois points, et la conférence de Berlin serait depuis longtemps terminée si ses travaux n’avaient été retardés par les négociations entamées à côté d’elle pour la reconnaissance de l’Association internationale africaine, puissance nouvellement créée de fait en Afrique, mais encore sans existence officielle. Cette reconnaissance, facilement obtenue des puissances qui n’ont pas de droits souverains dans le bassin du Congo, se compliquait pour ce qui regardait la France et le Portugal de la nécessité de régler les frontières des possessions respectives fort enchevêtrées les unes dans les autres. L’arrangement entre la France et l’Association internationale africaine a été conclu le premier après des négociations laborieuses et plusieurs fois reprises ; les limites définitives que nous avons obtenues pour notre colonie de l’Ouest africain embrassent une superficie de 500,000 kilomètres, c’est-
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- à-dire à peu près égale à celle de la France elle-même. Grâce aux bons offices du gouvernement français, l’Association internationale africaine est parvenue à traiter également avec le Portugal, et toutes les difficultés que les revendications territoriales avaient fait naître dans le bassin du Congo se sont trouvées aplanies. L’Association internationale africaine est aujourd’hui reconnue par toutes les puissances comme souveraine de l’Etat du Congo, qui est d’une étendue de 2,500,000 kilomètres carrés environ; c’est-à-dire qu’il est grand comme cinq fois la France. La constitution de cet Etat nouveau, qui va fonctionner dans des conditions inusitées jusqu’à présent, est le résultat le plus important de la conférence de Berlin.
- UN SOLDAT, UN CHEVAL, LE SERGENT HOFF.
- A l’occasion de l’enterrement du général commandant de place à Lyon, les journaux militaires ont rappelé le testament du maréchal Castellane. Cet illustre guerrier avait demandé qu’on n’inscrivît sur sa tombe d’autre épitaphe que celle-ci :
- CI-GIT UN SOLDAT.
- Une rente annuelle de 1,800 francs était constituée pour pourvoir à l'entretien du cheval favori du maréchal.
- î^a patrie reconnaissante a accordé à peu près la même gratification au fameux sergent Hoff ; avec cette aggravation que ce dernier doit veiller toute la journée à la conservation de l’arc de Triomphe.
- Le Maréchal de Castellane qui avait été un grand sabreur devait connaître plus d’une infortune poignante née de dévouement au patriotisme militaire. Le fait d’avoir inscrit son cheval au nombre de ses légataires au lieu de venir en aide à d’anciens soldats malheureux, donne une singulière idée de l’amour de l’humanité chez ce vrai soldat.
- institution de l’Arbitrage à la Guerre
- 1° — Gréer et développer, parmi toutes les nations, un sentiment public amenant chaque peuple à comprendre que ses véritables intérêts résident dans la paix et trouvent dans le maintien de la paix leurs plus sures garanties.
- 2"— Encourager et étendre la liberté absolue de l’industrie et des relations entre les peuples de divers pays. Les préjugés seront ainsi écartés, les sentiments d’amitié stimulés et tous les membres de la famille humaine seront unis par les liens du commerce, de la fraternité et de la paix.
- 3° — Empêcher les gouvernements de s’attacher à leurs seuls intérêts dynastiques, au fantôme de la gloire militaire, à l’illusion de l’équilibre des puissances ; les pousser, au contraire, à développer le bien-être et la prospérité de la grande masse de leurs sujets.
- 4° — Cesser de considérer le métier des armes comme une des professions les plus recommandables ; donner la prééminence à toute occupation vraiment honorable en soi, comme concourant à la prospérité et au bonheur du genre humain.
- 5° — Que les ministres des différentes sectes chrétiennes
- se rallient aux divins principes du Christ : « Paix sur la terre ; Bienveillance parmi les hommes, » et ne se prêtent jamais à soutenir aucune guerre, eux les ministres d’un Évangile de Paix.
- 6° — Que les amis de la paix, en toute nation, démontrent à leurs gouvernements respectifs, la nécessité d’une réduction immédiate des énormes armements qui provoquent les rivalités, fomentent les jalousies et sont les plus fréquentes causes de guerre.
- 7° — Abolir le secret diplomatique, ce foyer de dissenti-timents et de provocations belliqueuses ; que tous les différends nationaux soient discutés à la lumière du jour, en face de l’opinion publique, de même que les dissentiments privés sont réglés par les tribunaux.
- 8° — Etablir un tribunal international composé des hommes les plus instruits, les plus sages, les plus remarquables de chaque nation. A ce tribunal seraient portés tous les différends internationaux jugés impossibles à résoudre par voie de négociations, afin d’être réglés selon les principes de la vérité et de la justice.
- La force ne pourrait plus aussi fréquemment que maintenant primer le droit.
- Le tribunal international serait composé de représentants, probablement deux par chaque gouvernement, choisis en raison de leur rang, de leur savoir et de leur sagesse, et pour une période fixe. D’une période à l’autre les vacances, s’ils en produisait, seraient comblées.
- Le tribunal siégerait à intervalles fixes, dans l’endroit qu’il jugerait le plus convenable ; ou bien on prourrait en appeler à lui quand ses services seraient nécessités.
- Il s’occuperait uniquement des différends internationaux. Toute question intéressant une nation seule échapperait à sa compétence et serait laissée à la solution du peuple intéressé.
- Le tribunal maintiendrait l’honneur, l’indépendance et tes droits de chaque Etat, aussi bien du plus faible que du plus puissant, et entendrait, examinerait, jugerait toute question selon la raison, la loi et la justice.
- Il obligerait les divers gouvernements à respecter le principe de la non-intervention dans les affaires intérieures de ses voisins, laissant à chaque nation le soin de déterminer sa forme de gouvernement et de régler ses affaires intérieures ;
- Il n’interviendrait dans aucune contestation internationale tant que les négociations préliminaires et les efforts de la diplomatie n’auraient été reconnus impuissants à donner la solution ; alors les questions en litige seraient portées devant le tribunal international.
- Les représentants des nations dissidentes ne siégeraient pas dans le jugement de leur propre cause ; celle-ci serait entendue et réglée par les autres membres du tribunal.
- Les décisions du tribunal seraient, autant que possible, basées sur les larges principes de la moralité et de la justice.
- Telle est la brève esquisse de la constitution et des fonctions d’un tribunal international. Les détails, mode d’élection, manière de procéder et autres matières incidentes, seraient aisément fixés, une fois le principe adopté et les gouvernements du monde résolus à le mettre en pratique.
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- L’arbitrage n’est pas une utopie
- Résumons les arguments ordinaires des partisans de la guerre :
- La guerre a toujours existé ; elle existera toujours ;
- Il est possible qu’à la longue les peuples trouvent un moyen préférable à la guerre pour régler les différends entre les nations, mais cette époque est tellement éloignée qu’il est utopique d’espérer une solution prochaine ;
- On ne commande pas le Progrès ;
- Les évolutions de l’humanité sont le fruit du temps.
- Les objections de cet ordre sont monnaie courante que l’on prodigue aux propagandistes de l’arbitrage.
- Notre pensée est que l’humanité est mûre pour cette réforme.
- Cette opinion trouve sa justification dans l’observation exacte des progrès scientifiques et industriels répandus sur toute la surface du globe depuis un siècle.
- Ceux qui exagèrent l’action du temps dans le développement de l’humanité ne se rendent pas compte des modifications profondes qui se succèdent avec une incroyable rapidité dans le domaine industriel.
- Quelque chose d’analogue doit s’accomplir dans les rapports individuels, familiaux et nationaux de l’humanité. Toute la question consiste à savoir par quoi commencer. Dès que ce commencement -sera trouvé, le progrès social marchera de front avec le mouvement scientifique et industriel.
- L’arbitrage est une de ces réformes encore plus bienfaisante par les autres, dont elle sera le prélude, que par elle-même.
- La vie des peuples ne permet pas de renvoyer à une longue échéance cette préparation à la paix universelle.
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- Qu’on nous permette une digression qui rendra plus facile l’expression de notre pensée.
- Depuis quelques années, les moyens de communication n’ont aucune ressemblance avec ceux qui, pendant plusieurs milliers de siècles, avaient été a la disposition des humains. De même les moy-eus de production ont subi un renouvellement non moins complet.
- °n s’imaginerait à tort que ces merveilleuses
- inventions sont le produit des générations qui les ont appliquées. Elles sont réellement le fruit de tous les siècles qui nous ont précédés.
- La fable de Promothée dérobant le feu n’est qu’un épisode de ce long enfantement.
- La veille de la construction des premières machines à vapeur, jugeant de l’avenir par le présent et le passé, on ne pouvait penser qu’à une date prochaine surgirait une transformation aussi complète.
- Cependant, avant cette époque, on avait cherché, toujours cherché. L’énumération des noms connus des inventeurs qui ont précédé l’application de la vapeur serait un travail interminable.
- Mais le progrès se faisait toujours lentement, parce qu’on avait pas encore fait la grande découverte qui contenait en elle toute une révolution économique,
- A peine a-t-on trouvé des procédés pratiques de régler la destribution de la vapeur, les transformations industrielles se multiplient e se généralisent suivant une progression tellement imprévue, que l’on dirait que la nouvelle découverte entraîne les hommes, malgré eux, vers un avenir inconnu.
- ¥ ¥
- , L’arbitrage est l’institution qni exercera dans l’ordre sociologique une influence analogue à celle'de la vapeur dans les faits économiques.
- Les -nouvelles conventions qui se nouent entre les anciens peuples contiennent presque toutes des clauses prévoyant la nécessité de régler par des arbitrages les différends que pourrait créer l’interprétation de ces traités.
- Nous pouvons présumer, d’après ce qui vient d’avoir lieu à la Conférence de Berlin, relativement au Congo, que les nouvelles nationalités que va constituer la colonisation seront liées, dès leur origine, à la pratique de l’arbitrage.
- Les conséquences bienfaisantes qui seront le fruit de ces récentes applications delà théorie de l’arbitrage feront bientôt saisir la nécessité de „ réviser les anciens traités etd’y introduire la clause arbitragiste.
- La généralisation de l’arbitrage aboutira certainement au désarmement progressif. Chaque pas dans cette voie libérera les nations d’une partie des servitudes écrasantes des budgets de la guerre.
- Les économies considérables réalisées par la diminution des armements donneront aux sociétés des ressources abondantes, avec lesquelles elles pourront doter les institutions garantistes qnn
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- réclame impérieusement le salut des classes laborieuses.
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- L’arbitrage n’est pas une utopie par ce qu’il est le moyen pratique de donner satisfaction aux aspirations pacifiques qui ont préoccupé les penseurs de toutes les époques.
- L’arbitrage a déjà été exceptionnellement appliqué; sa vulgarisation suit une progression ascendante très accusée. Nui de ceux qui ont analysé les effets des arbitrages internationaux n’ont pu s’empêcher de constater ses bienfaits.
- L’aibitrage ne fera pas exception à cette règle générale : que toute pratique qui donne de bons résultats, quelles qu’aient été les difficultés de son commencement, finit par devenir la règle générale,lorsqu’on a pu faire apprécier aux hommes ses salutaires effets.
- Si les hommes ont encore de la peine à désirer ardemment les institutions d’après les données théoriques, ils ne résistent pas longtemps à l’évidence des faits.
- L’arbitrage sera bientôt la règle générale, si ses vulgarisateurs veulent délaisser les abstractions théoriques pour faire l’éducation des masses, en leur apprenant à apprécier les bienfaits déjà obtenus et en leur répétant sans cesse quelles améliorations peuvent provenir des économies des budgets de la guerre, lorsqu’on voudra les-utiliser en fondations garantîtes.
- On peut encore tirer un puissant argument, en faveur de l’arbitrage, de la situation élevée des personnalités en vue dans les sociétés de propagande.
- M. de Lesseps est-il un utopiste, lui qui a su mettre en mouvement et faire converger vers ses vues la diplomatie de toutes les nations, procurer à ses entreprises les capitaux disponibles du monde entier, dompter sans aucune rigueur le fanatisme musulman, manœuvrer des armées internationales de travailleurs ?
- Est-il un utopiste le citoyen qui, parti de la plus infime condition, s’est élevé au sommet de la société, qui a fondé le Familistère de Guise, qui le maintient prospère au milieu des déchaînumerils de la concurrence, et qui bientôt aura imposé au monde l’examen d’une œuvre si féconde au point de vue sociologique ?
- M. Passy, que chacun classe parmi les hommes les plus éminents de notre époque, est-il un esprit superficiel que l’on ne puisse suivre?
- Les nombreux députés de notre pays qui ont adhéré publiquement à la propagande pacifique sont-ils des esprits chimériques incapables de conceptions pratiques ? Les situations qu’ils occupent ne sont-elles pas une preuve de la modéra-ration de leurs tendances?
- Quiconque hésite à renoncer à ces objections, à ces lieux communs vainement opposés à toutes les innovations, s’il ne comprend cet axiome de morale universelle « qu’il ne saurait y avoir pour les nationsune autre morale que celle qui convient à chaque individu qui les composent, qu’un tout ne saurait avoir d’autres droits que ceux de chacune de ses unités,» réfléchisse qu’il se fait, à lui-même, l’injure d’afficher d’avoir plus de capacités, plus de sens pratique que les hommes qui ont fait les plus grandes choses.
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- LE MEETING FRANCO-ANGLAIS
- La manifestation organisée en l’honneur des travailleurs amis de la paix venus d’Angleterre pour fraterniser avec les travailleurs français et resserrer les liens qui les unissent, a été imposante, malgré quelques incidents sans grande portée.
- Dès une heure, un grand nombre de citoyens attendaient dans la rue de la Douane, l’ouverture des portes du Tivoli Vauxhall. Il y axait là des représentants de toutes les écoles socialistes, de tous les groupes républicains.
- Aussi, dés que l’accès de la salle est donné par les commissaires portant un insigne rouge à la boutonnière, les abords de la tribune, où sont déjà les délégués anglais et les organisateurs de la réunion,sont envahis.
- Cinq mille personnes occupent bientôt les salles et les tribunes qui régnent tout autour. Beaucoup d’autres ne peuvent pas entrer.
- Sur l’estrade et près de la tribune,nous remarquons les citoyens Thomas Burt, ouvrier mineur, membre de la Chambre des communes; Howard Evans, Cremer, Baum, Lassassie, Morrisson, Matkin, Nieass, Proctor, Rowlands,Stainsby, ouvriers délégués delà Société des amis de la paix; Henry Maret, Talandier, Courmeaux, Laisant, Gambon, Beauquier, Gaillard, Giard, Brialou, députés; Desmoulins, Rouzé, Dariot, Gatiaux, conseillers municipaux.
- Notre ami Henry Maret, président de la réunion, après avoir exhorté l’assemblée au calme qui convient à des hommes de liberté, à des citoyens français venus pour témoigner le«J' simpathieàleurs frères d’Angleterre, continue en ces termes:
- « Je salue nos frères d’Angleterre.
- « Je les remercie, au nom de tous les travailleurs français, | « de leur démarche amicale, dont nous apprécions toute ri®' ] « portance dans la double crise politique et sociale que nous j « traversons.
- « La réunion des ouvriers d’Angleterre et de France, a$r> ! « mant leur solidarité, est un fait capital, et qui aura, croyez'
- « le, un immense retentissement.
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- « Au point de vue économique, c’est l’affirmation qu'un même « intérêt doit unir sur toute la terre ceux qui souffrent des « mêmes maux, ceux qui gémissent des mêmes iniquités.G’est « l’assurance donnée par delà la frontière, que partout la grande « masse humaine s'agite pour trouver le chemin de l’émanci-« pation universelle.
- « Au point de vue purement politique, c’est la protestation « de ceux qu’on a appelés la chair à canon, contre les gouver-« nements qui rêvent la guerre entre des citoyens qui n’ont nulle « raison de se haïr, contre les dirigeants toujours prêts à verte ser le sang des autres par fol amour-propre ou par cupidité.
- « Citoyens, il y a deux sortes de patriotisme.
- « Il y a le patriotisme du passé, étroit et féroce, se dévelop-« pant sur des cadavres, et regardant comme une suprême gloire a de répandre des flots de sang.
- « Puis il y a le patriotisme de l’avenir ; ce lui-là vit de paix « et de travail ; s’il lutte avec les peuples voisins, c’est par a sa production, par son labeur ; sa gloire à lui, c’est d’être « le plus industrieux, le plus libre, et ses batailles sont lesvic-« toires du progrès.
- « Ce patriotisme est le nôtre. Nouslaimons plus que personne «cette terre de France où nous vivons, et nous serons d’autant «plus fiers de notre drapeau qu’il abritera la civilisation et « la fraternité, au lieu de porter dans ses plis l’esclavage et
- « la mort.
- « C’est pourquoi, dans une commune indignation contre « ceux qui voudraient faire revivre les jours de massacres et « de deuils, afin de maintenir leur oppression et de retarder « l’heure de l’affranchissement, nous serrons la main de nos « frères d’Angleterre, qui viennent nous parler ici de justice « et de paix.»
- (Yifs applaudissements.)
- Pendant le discours du citoyen Maret et à plusieurs reprises, un petit groupe d’assistants interrompent l’orateur et provoquent .contre eux les protestations de la salle.
- Le citoyen Joffrin les prie de faire silence, « sinon pour les députés et pour ceux que l’on appelle à tort des chefs, mais au moins pour les étrangers qui, en 1871, ont donné l’hospitalité aux hommes de la Commune. »
- Le citoyen Desmoulins explique, en excellents termes, quelle est la situation de la Société des Amis de la paix en Angleterre. Elle comprend un très grand nombre d’adhérents, unis dans un pur sentiment de solidarité humaine et appartenant pour la plupart aux puissantes Trade’s Unions.
- Le président de cette société est le citoyen ThomasBurt, ouvrier mineur que ses camarades de travail ont nommé membre de la Chambre des Communes. Ses électeurs et lui ont d’au-tantplus de mérite, qu’en Angleterre, les membres du Parlement n’ont pas de traitement et qu’il faut que les ouvriers fassent les frais de son élection et lui donnent ce qui lui est nécessaire pour vivre et pour soutenir leurs intérêts.
- Le citoyen Burt fait un discours en anglais qui est traduit par M. Eschenauer, interprête.
- « Je viens â vous, dit-il, au nom d’une grande association, de quatre-vingt mille mineurs, comme simple ouvrier, quoique je sois membre de la Chambre des Communes, vous apporter témoignages de sympathie de tous ces hommes qui vivent de leur travail, qui souffrent comme vous et qui vous aiment, même au-delà du détroit.
- » Au lendemain de vos désastres, ils se sont cotisés pour vous envoyer, sur le prix de leur travail, quelques mille livres sterling. »
- S’il a pu s’élever dans la presse des voix discordantes, accusant des sentiments peu bienveillants, il se fait fort de déclarer que tout ce qui est quelqu’un en Angleterre, en Ecosse et en Irlande, manifeste la plus vive sympathie pour le peuple et surtout pour les travailleurs français.
- Les ouvriers qu’il représente sont persuadés que les différends entre nations doivent être vidés non plus par la violence mais par la justice. Il faut que les soldats puissent travailler à la culture et que l’arbitrage soit substitué à la violence (Applaudissements). Il lit ensuite l’adresse suivante :
- Frères,
- Nous avons remarqué avec une inquiétude de plus en plus grande le langage agressif qu’emploient lesjournalistes touchant les expéditions qui se font en Egypte, au Tonkin et ailleurs, parce que la mauvaise disposition qu’éveillent dans l’esprit public ces polémiques ardentes n’a été que trop souvent le prélude de luttes entre nations. Comme nous avons protesté de la manière la plus énergique contre les guerres de l’Afghanistan, du Zoulouland, du Transvaal et de l’Egypte, nous nous adressons à vous avec la confiance qu’inspire notre fidélité aux principes. Avant la guerre de Crimée, l’Europe a joui durant quarante années d’une paix relative, mais depuis cette lutte insensée, elle n’a eu qu’une tranquillité précaire ; les nations européennes luttent follement depuis cette époque en vue de la suprématie militaire. Sous prétexte de défendre leur pays, les hommes sont forcés les uns par la loi, les autres par le besoin, de quitter leurs familles et leurs ateliers pour grossir les hordes armées qui envahissent d’autres pays, détruisent les foyers et suppriment l’existence d’êtres semblables à eux, et à l’égard desquels ils n’ont aucun motif de haine. Vous savez aussi bien que nous que vainqueurs et vaincus se réjouiraient également si on leur donnait l’assurance que de pareilles horreurs vont cesser tout à coup et pour toujours.
- Pourquoi donc ce fléau continue-t-il ?
- Parce que les travailleurs ne suivent pas avec assez de vigilance les affaires étrangères, et laissent ainsi les politiciens et les financiers exciter, en vue de leurs dessins égoïstes, des jalousies internationales et des craintes chimériques d’invasion. La démocratie ne gouvernera jamais réellement tant qu’elle ne dirigera point les ministères des affaires étrangères et des colonies. Dans certains pays, le peuple n’a aucun moyen de réaliser ses désirs, parce qu’il ne possède que l’ombre du pouvoir politique ; mais il n’en est ainsi ni en France ni dans la Grande-Bretagne. Nous avons le pouvoir et nous devrions en user avec persistance jusqu’à ce que la victoire couronne nos efforts. Nous ne sommes pas découragés, parce-que les espérances que nous avions fondées sur notre gouvernement actuel n’ont pas été réalisées.
- Comme nous, vous avez été déçus.
- Votre empire était une cause permanente de troubles et vous l’avez renversé. Le ministère de Lord Beaconsfield était une imitation de l’impérialisme, nous l’avons balayé. Vous et nous, nous avions un égal désir de paix, mais nom
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- avons été désappointés. Nous n’entendons point dire, ni que la forme de gouvernement que vous avez établie n’est point meilleure que la précédente, ni que notre ministère actuel ne soit point préférable à celui auquel il a succédé ; cependant nous avons été désappointés ! Pourquoi ? Le suffrage universel, en France, et chez nous, le suffrage des locataires (Household suffrage), nous rendent, les uns et les autres maîtres de la situation, si nous voulons. Mais, qui sont les hommes à qui nous confions la tâche de faire nos lois, d’établir nos impôts et le pouvoir de faire nos guerres ? Sont-ce des hommes pris dans notre sein ? Non ; ce sont les membres mêmes des services militaires, des capitalistes et des journalistes sans scrupule, des banquiers, d’avides joueurs à la Bourse, des promoteurs de compagnies financières, des défenseurs rusés de l’extension coloniale, des nullités riches appartenant à la bourgeoisie : tels sont les hommes à qui, beaucoup trop souvent, nous livrons nos libertés. Comment s'étonner que le peuple soit si souvent forcé de répudier les actes de ses gouvernants et que les quelques hommes honnêtes qui siègent dans nos assemblées représentatives soient impuissants pour le bien ?
- Ces modernes artisans de guerres, par de belles promesses, par des stratagèmes inavouables, arrivent à se procurer l’influence et le pouvoir ; ils inventent des bruits de Bourse et les exploitent pour faire tour à tour la hausse ou la baisse des fonds, au grand préjudice des honnêtes gens, mais à leur propre avantage. Ils organisent des expéditions coloniales dans le but de voler les terres des indigènes et de former ces sociétés sans base réelle qui leur fournissent le moyen de piller la petite épargne. Sans ces spéculateurs, on aurait jamais entendu parler de vos expéditions de Tunis, de Madagascar et du TonKin, et votre République aurait suivi sans trouble la carrière pacifique dans laquelle elle était entrée dès ses premières années, i la 'grande joie de tous les amis du progrès. Nous avons appris avec douleur qu’il existe i cette heure une grande détresse parmi vos ouvriers sans travail ; et, cependant, votre chambre vote de nouveaux millions pour ce Tonkin qui a déjà englouti plus d’argent qu’il n’en faudrait pour nourrir durant toute une année tous les indigents de vos grandes villes. Malheureusement toute grande nation est exposée aux entreprises d’aventuriers de ce genre. C’est ainsi que nous avons été entraînés dans cette guerre inique d’Egypte qui nous a déjà coûté quelque chose comme vingt millions de livres sterling — un demi-milliard de francs — et qui nous expose à une collision avec l’Europe entière. Nos sympathies, à nous ouvriers, sont pour les malheureux fellahs; mais les bondholders, chez nous et sur le continent, exigeant d’être payés jusqu’au dernier centime, obligent notre gouvernement à jouer l’ignoble rôle d’huissier et à verser le sang de nos concitoyens pour appuyer les prétentions d’une bande d’usuriers. La presse de l’Europe est en grande partie dans les mains des financiers dont le concours ruineux est toujours demandé et ne manque jamais quand les gouvernements font la guerre.
- Ce sont ces hommes qui poussent les journalistes des deux pays à exciter des sentiments mutuels d’hostilité et de défiance. Nous pouvons déjà constater un résultat déplorable de ees relations moins cordiales, et de l’augmentation des armements en France et dans les autres contrées de l’Eurepe, o’est que
- notre gouvernement, cédant aux clameurs des alarmistes, a décidé de demander au Parlement un crédit supplémentaire de cinq millions et demi de livres sterling — 137 millions 500.000 francs—pour des cuirassés, des torpilleurs, des fortifications. Ce crédit voté, vous pouvez vous attendre à porter, à votre tour, le fardeau d’une nouvelle charge de guerre plus lourde encore.
- Pour étouffer à l’origine les pernicieuses influences qu’on met en jeu avec tant d’habileté, et pour resserrer entre les travailleurs des deux pays les liens de l’amitié, nous vous prions de vous joindre à nous pour déclarer que, ni les uns ni les autres, nous ne sommes dupes des artifices honteux auxquels les gouvernants ont eu recours si souvent, et avec trop de succès, pour faire naître des difficultés extérieures, afin de distraire l’attention du peuple qui aspire aux réforme* intérieures.
- Sous aucun prétexte les ouvriers des deux pays ne se feront la guerre.
- Nous n’avons entre nous aucun motif de querelle. Si no8 gouvernants veulent se disputer, qu’ils règlent leurs différends par voie d’arbitrage ou bien qu’ils se battent entre eux. Quant à nous, nous n’oublierons pas, à l’occasion, qu’il est de notre devoir de purger nos assemblées représentatives de tous les fauteurs de différends et de guerres. Nous inscrirons sur notre bannière, comme règle de notre politique étrangère, le beau précepte : « Fais à autrui comme tu veux qu’il te soit fait à toi-même. *
- Pratiquée par les nations, cette doctrine, base de tout droit, assurerait à tous la paix. Le pouvoir du peuple s’accroît de jour en jour, le peuple va devenir tout puissant.
- Cet accroissement de pouvoir ajoute à notre responsabilité • il nous impose le devoir de servir la cause de la paix par l’application pratique de la justice.
- Thomas Burt, M.-P., Président.
- Howard Evans, Président du Conseil.
- Benjamin Britten, Trésorier.
- W.-R. Cremer, Secrétaire,
- Après cette lecture une trentaine d’anarchistes envahissen la tribune, où ils débitent leurs déclamations ordinaires, malgré les protestations des membres du bureau et des audi-f teurs qui refusent de les entendre.
- Le citoyen Joffrin profite d’un moment de lassitude des anarchistes pour souhaiter aux délégués anglais la bienvenue, au nom des proscrits politiques qui rencontrèrent en Angleterre de si vives sympathies et une protection si généreuse.
- Il rappelle qu’il a vu à l’œuvre, à Londres, le citoyen Burt qui soutient avec un rare dévouement les revendications des travailleurs.
- Il l’a vu, pendant son exil, aller tirer de prison des ouvriers que la bourgeoisie anglaise avait enfermés pour avoir commis le crime de réclamer un peu de pain.
- « Assez de guerre de race, dit-il en terminant,émancipons les travailleurs et cessons les luttes sociales. »
- Les anarchistes essaient de reprendre la parole, mais ils ne peuvent se faire écouter du public.
- Enfin un citoyen vient proclamer à la -tribune la nécessité de l’isolementde la France et la continuation des armements.
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- Le public a unanimement protesté contre tant de chauvinisme.
- La séance a été terminée par le vote de l’ordre du jour suivant :
- Les travailleurs français, réunis aujourd’hui 22 février, dans la salle du Tivoli Vauxhall, protestent énergiquement contre toute politique de guerre et de conquête, reçoivent avec la plus vive satisfaction l’adresse des travailleurs anglais, amis de la paix, qui leur est communiquée par la délégation, et par le président de l’association, le citoyen Thomas Burt, membre du Parlement.
- Ils partagent les sentiments qui y sont exprimés. Ils souhaitent du fond du cœur la bienvenue à leurs frères anglais et leur donnent l’assurance que les ouvriers français feront tous leurs efforts pour resserrer les liens d’amitié entre les travailleurs de toutes les nations.
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- LXXVI
- Le régime de la guerre doit disparaître sous Vinfluence du progrès moral et intellectuel des peuples, pour faire place au règne de la justice et de la raison ; alors les différends entre les hommes se régleront par des décisions régulières,et les voies amiables de l’arbitrage mettront fin à l’emploi de la force remplacée par la pratique de la justice et par le respect du droit humain.
- LES ÉTUDIANTS
- L’enterrement de Jules Vallès a été le prétexte d’une manifestation des chauvins français.
- De jeunes étourdis qui n’ont pas réfléchi encore aux immoralités et aux horreurs de la guerre, dissimulées par les poètes et les historiens sous les grands mots consacrés à l’exaltation de la gloire militaire, ont cru donner une preuve de patriotisme en s’acharnant après un groupe de socialistes allemands portant une couronne à la suite du convoi funèbre de Jules Vallès.
- Cette manifestation que ses auteurs avaient la prétention de diriger contre l’Allemagne a été simplement un acte agréable au gouvernement de Bismarck. Car les socialistes, porteurs de la couronne que voulaient briser les étudiants, étaient des proscrits, des citoyens que le chancelier allemand a traité avec non moins de rigueur que s’ils eussent été des Alsaciens réfractaires. M. de Bismarck et tous les meneurs officiels de la polit ique allemande ont dû se réjouir de voir insulter par des Français les proscrits traqués par la police internationale des despotes.
- Si les manifestants n’avaient pas l’esprit assez ouvert
- pour comprendre qu’il existe en tous pays des hommes dégagés des préjugés, mettant au-dessus des querelles suscitées par les gouvernements leur amour de l’humanité, s’ils ne pouvaient s’élever au dessus des conceptions du patriotisme militaire, ils au raient dû avoir au moins le bon sens de penser qu’ils n’atteignaient pasl’Allemagne impériale en s’acharnant après ses proscrits. Une manifestation inverse aurait seule répondu aux sentiments qu’ils affichent, sentiments qu’on ne peut admettre comme sérieux, puisque ceux qui en font parade commettent une si grossière erreur.
- A défaut de bon sens, les étudiants auraient dû avoir quelque mémoire. Ils auraient dû se rappeler que, après la chute de l’empire, gouvernement fondé et soutenu par la majorité des pères des étudiants de l’époque, les socialistes allemands excitèrent les ouvriers à s’opposer à la guerre, par une circulaire publique adressée à tous les groupes ouvriers de l’Allemagne, dans .laquelle il s’élevèrent énergiquement contre la prolongation de la guerre qu’ils disaient devoir être close par une paix honorable pour la France.
- Voici un extrait du manifeste socialiste qui fut publié, le lendemain de la défaite de Sedan. On y lit des choses comme ceci :
- « Un hurrah à la république française ! Avec le nouvel
- état de choses, la fin de la guerre nous paraît certaine..
- Est-ce que c’est le peuple français qui nous a déclaré la guerre ? Non,c’est Napoléon... C’est maintenant le devoir du peuple allemand d’offrir une paix honorable à la Répu-plique française...
- « C’est surtout aux travailleurs allemands,qui ne voient que des frères dans les ouvriers français, qu’il appartiens de réclamer cette paix. Les ouvriers allemands déclarent donc qu’ils ne souffriront pas qu’on insulte le peuple français, aujourd’hui qu’il s’est délivré de celui qui, seul, a troublé l’harmonie des deux peuples. »
- Le manifeste dit, plus loin :
- « Nous protestons contre l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine ! »
- Pour finir :
- « Considérons la République française comme l’aurore de la liberté allemande ! »
- Des députés, amis des proscrits présents à l’enterrement de Vallès, protestèrent, en plein parlement,contre la guerre faite au peuple français, contre l’annexion de l’Alsace-Lorraine, contre la mutilation du pays qui le premier a proclamé la grande devise de Liberté, à’Égalité, de Fraternité.
- Ces députés s’appelaient Guillaume Liebknecht, Auguste Bebel et Jean Jacoby, et ils étaient les représentants autorisés et éminents du parti socialiste allemand.
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- Bebel s’écriait à la tribune : « Le roi de Prusse avait dit qu’il ne faisait pas la guerre au peuple français ; mais il a manqué à sa parole comme font souvent les monarques. »
- Liebknecht n’hésitait pas à proclamer « que ses amis et lui s’honoraient d’être les frères du peuple français. »
- Ces deux représentants furent condamnés pour crime de haute trahison, parce qu’ils avaient affirmé la fraternité des peuples et leur mépris à la face des tyrans.
- Voilà comment les socialistes allemands se sont montrés les ennemis de la France.
- A cette coupable démonstration que l’on aurait pu considérer comme une grave étourderie, les étudiants ont ajouté une résolution discutée et acceptée en réunion publique, dans laquelle ils se donnent les apparences d’éprouver les entraînements du patriotisme belliqueux.
- Tout cela ne fera pas oublier aux citoyens sensés que le quartier latin est peuplé de conditionnels d’un an et d’autres dispensés du service militaire, qui devraient avoir la pudeur de se taire, lorsqu’on prodigue au Ton-kin le sang de la France paysanne et ouvrière.
- En 1870, si quelques jeunes hommes des classes aisées firent bonne contenance devant l’invasion,on en trouva bien peu qui n’attendirent une loi les obligeant à mar-chér à l’ennemi. Si l’on faisait un relevé des étudiants tet des jeunes patriciens qui étaient enrôlés dans les administrations militaires, les ambulances et les corps de fan-aisie, on verrait que la balance ne serait pas en faveur de ceux qui, bravement, comme cela était leur devoir, se rangèrent volontairement dans l’armée nationale, dès que l’étranger eut franchi les frontières.
- Les étudiants français, ont manqué de bons sens, de mémoire, et de patriotisme ; Us ont obéi à une inspiration d’un chauvinisme ridicule et dangereux.
- Ces provocations stupides ont été relevées par la jeunesse des univérsités allemandes, qui, elle aussi, ne demande qu’a entretenir la haine entre les peuples, sans laquelle les aristocraties menteuses et frelatées ne pourraient exploiter les classes laborieuses.
- Voici comment ont été relevées les provocations de nos jeunes chauvins dans un discours prononcé par un professeur au milieu des acclamations des étudiants.
- « En lisant aujourd’hui, dans la protestation des étu-i> diants de Paris qui ont fait une manifestation contre * les socialistes allemands, que leurs cœurs traissaillent » au souvenir du passé, à l’espoir de l’avenir, je répon-» drai que nous sommes tout disposés à vivre en paix » avec la France ; mais je me porte garant que, si cela % est nécessaire, les étudiants allemands, eux aussi, se » souviendront du passé, et que leurs cœurs tressaillent » à l’espoir de l’avenir de l’Allemagne, qu’ils sauront a sauvegarder. »
- Fait remarquable, ceux qui affectent de prendre parti pour les socialistes , lorsque peuvent surgir de cette intervention des événements propres à bouleverser la sécurité du travail, sont ceux-là même qui acclament les proscripteurs.
- Heureusement, les ouvriers allemands et les ouvriers français n’ont pas été émus par ces querelles entre les dirigeants. Les socialistes des deux pays ont affirmé, à la suite de cet incident, l’étroite union de tous les amis de l’humanité.
- Si nos jeunes chauvins avaient un sentimeut réel du véritable patriotisme, au lieu de s’arrêter à de haineuses démonstrations, ils s’attacheraient à apporter leur part de bonne volonté, de travail et d’intelligence à la recherche des moyens pratiques d’apaiser la crise qui menace la sécurité de tous les citoyens.
- Nous n’avons pas encore entendu dire que le quartier latin se soit ému de la situation économique de notre pays ; aucun journal n’a parlé des efforts des étudiants pour conjurer les embarras intérieurs qui menacent de bouleverser le pays entier.
- Il y a pourtant là un danger public imminent.
- Les étudiants ne l’ignorent pas, et ils s’abstiennent de prendre position.
- On reconnaît les vrais patriotes à l’action.
- Nous avons le regret de constater que la jeunesse des écoles vit en dehors de toutes les préoccupations patriotiques inhérentes aux questions vitales que soulève le désordre économique.
- LE MILITARISME EN ACTION
- Le Transport «le Nantes. » — La justice cite une lettre écrite par un passager du transport affrété, « le Nantes, » qui transporte des troupes et des munitions au Tonkin :
- Nous sommes sur un malheureux bateau qui ne tient pas la mer. Partis le 2 février de Toulon, nous arrivions seulement à Port-Saïd le 20, quand nous aurions dû — y compris notre relâche à Alger — mettre neuf jours.
- La mer a été constamment très mauvaise ; les bâches qui abritaient les chevaux et mulets sur le pont ont été emportées ; les bétes sont couchées pêle-mêle au milieu des tonnes et des cordages ; 25 bêtes sont mortes, le reste est plus ou moins blessé ; 10 au plus sur 302 pourront, de l’avis du vétérinaire, débarquer à Haï-Pbong, si jamais nous y arrivons.
- Voyez combien l’administration a été coupable : elle a accepté un bâtiment qui ne peut faire le service et où rien n’à été aménagé. En voici une preuve : il y a quelques jours, un homme s’est cassé la jambe en roulant sur le pont. Le médecin que nous avons pris à Alger ouvre la boîte de chirurgie
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- pour faire le pansement. Pas de charpie ! En tout, une scie, deux bistouris, deux claviers à dents et deux forceps !
- Hier, pendant un fort roulis, nous voyons une ancre qui allait de bâbord à tribord, démolissant tout sur son passage, fauchant les chevaux et les mulets. Les munitions sont sous l’eau. Primitivement, nous avions six chaudières : trois sont détruites, de sorte que nous n’avançons presque pas.
- Le colonel Dugenne vient d’adresser un rapport à la marine, et le capitaine d’artillerie chargé des munitions, bêtes et canons, écrit aujourd’hui au ministre de la guerre pour lui annoncer la perte presque totale du chargement.
- Le ravitaillement du corps expéditionnaire. — Les lettres apportées par le dernier courrier du Tonkin donnent des renseignements sur l’organisation du convoi qu’a suivi nos troupes à Long-Son :
- Les coolies seront au nombre de 9,000 ; nous aurons, en plus, 400 charrettes, 300 bœufs bâtés, 400 chevaux, 100 mulets.
- Pour le recrutement des coolies, le général Irière de l’Isle a décidé que chaque village devait en fournir un nombre déterminé. En cas de désertion, le village serait imposé d’une forte amende.
- Le système a réussi. Les maires, redoutant leurs responsabilités, accompagnent eux-mêmes les contingents de leurs villages et ont l’œil sur leurs compatriotes. Ils sont d’ailleurs organisés militairement, par escouades de vingt hommes, par sections, ensuite par compagnies et par bataillons. On a détaché un certain nombre d’officiers et de sous- officiers pour maintenir la discipline de cette immense armée de convoyeurs.
- Chaque coolie touche 6 piastres par mois ( 28 fr. environ ) : le coolie chef d’escouade, 8 piastres ; le chef de section, 10 piastres.
- Que sont devenues les théories qui déclarent crime de droit international le fait d’employer les habitants d’un pays envahi aux travaux militaires ?
- Fraternité militaire. — H y a quelques semaines, un navire portant des troupes italiennes a croisé dans le canal de Suez un navire transportant des troupes au Tonkin.
- La rencontre a été fraternelle et touchante. Les soldats français et italiens se sont salués aux cris de : « Vive la France ! Vive l’Italie ! »
- A Port-Saïd, les officiers français ont offert un dîner aux officiers italiens.
- Des toasts ont été échangés à l’armée française, à l’armée italienne, à l’union fraternelle des deux nations latines.
- Touchante fraternité !
- S’il passait par la tête du roi Humbert une de ces fantaisies, comme il en pousse tant dans le cerveau des princes, de chercher un motif futile de querelle à notre gouvernement, tous ces banqueteurs de Port-Saïd (s’égorgeraient aux cris de Mort à la France ! Périsse l’Italie !
- Suppression de l’Epaulette. Les politiciens de métier ne nous ont donné et ne nous donneront guère de réformes d’un ordre plus élevé. Le ministère de la guerre
- a décidé, en effet, à la date du 31 janvier, que les épaulettes seraient supprimées pour la troupe au fur et à mesure de l’écoulement des approvisionnements.
- En conséquence, il ne sera plus passé de marchés pour la fourniture de cet effet.
- Cette supression entraîne l’adoption d’une patte légèrement rembourrée, destinée à préserver les épaules de la pression des courroies du sac.
- Les libérés par anticipation. — On se plaint de l’arbitraire qui a présidé à la libération des 25 000|hommes renvoyés dans leurs foyers. Des engagés volontaires ont été renvoyés malgré eux, tandis que des militaires ayant horreur de la vie des casernes ont été retenus au corps. Des hommes inhabiles ont bénéficié de cette mesure, que l’on n’a f pas appliquée à des soldats parfaitement instruits.
- Les chiffres suivants permettent, en effet, de croire qu«ces plaintes sont fondées.
- Les effectifs de troupes prévus au budget pour l'année 1885 comprennent 464,508 sous-officiers, caporaux et soldats.
- Or, voici dans quelle proportion les libérations ont été faites:
- Infanterie. — 600 libérations sur 290,909 hommes.
- Cavalerie.\ Artillerie. Génie. — Train. — Ouvriers
- — 820 »
- — 6,273 »
- 1,814 »
- 4,547 »
- d’admini stration
- et
- 65,182 »
- 67,959 »
- 10,611 » 11,441 »
- infirmiers. —
- 5,540 libérations sur 19,306 hommes.
- On le voit, ces chiffres ont leur éloquence et pas n’est besoin d’insister.
- Ajoutons que la plupart des ouvriers d’artillerie de la classe 1880, qui presque tous avaient devancé l’appel, n’ont pas bénéficié de cette libération.
- La pudeur à l’armée. — Le ministre de la guerre, à la suite des renseignements qui 1 ui sont parvenus sur la criminalité d’un trop grand nombre d’individus incorporés dans l’armée, a décidé que les maires devront exiger des engagés volontaires, soit au titre de l’armée de terre, soit au titre de l’armée de mer, un extrait du casier judiciaire constatant qu’ils n’ont jamais été condamnés â une peine correctionnelle pour vol, escroquerie, abus de confiance ou attentat aux mœurs.
- Le ministre de la marine à pris les mêmes mesures en ce qui concerne les équipages de la flotte.
- Des hommes forts, bien constitués, sains de corps et d’esprit, voilà ce que doit-être la chair à canon. Les autres, garnements et malandrins, goûteront librement les joies de la vie civile. Le ministre de la guerre devrait comprendre que parmi les enfants des classes riches, exempts des mauvaises inspirations de la misère, on trouverait en abondance des sujets purs des souillures correctionnelles ; la classe si intéressante des apprentis curés, élevés sur les genoux de l’Eglise, à une haute réputation de chasteté, dans certains milieux. Tous ces gens feraient très bien dans une armée comme le désire le ministre de la guerre. Mais on dispense les uns de tout service militaire, et pour les autres on réduit sa durée à un an. Pour répondre aux vues du ministère de la guerre,
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- LE DEVOIR
- nous engageons les maires à fonder pour les hommes des institutions analogues à celles des Rosières. Pourquoi n’y aurait-il pas les Rosiers du militarisme ?
- Ligue des travailleurs
- POUR LA PAIX INTERNATIONALE
- La Ligue des travailleurs nous envoie les deux résolutions suivantes :
- Les membres réunis en assemblée générale viennent d’élire, conformément aux statuts, un comité définitif à la place de la commission d’initiative.
- Il a été voté à l’unanimité que l’état actuel de l’Europe, avec ses quatre millons d’hommes armés, commandait plus que jamais à la Ligue de populariser l’idée de l’unité républicaine des peuples délivrés de leurs frontières ainsi que le recours à l’arbitrage international comme palliatif dans tous les cas où il pourrait être appliqué.
- La Ligue a confirmé que cette solution constitue le côté politique de la question sociale comme la propriété pour tous constitue le côté économique.
- La ligue ayant pour but l’unité républicaine des peuples, qui seule pourra mettre fin aux guerres internationales, et appuyant aussi comme transition le recours à l’arbitrage qui, dans les menaces de conflit, a rendu déjà et peut rendre encore de grands services :
- Considérant que le ministère Ferry vient d’expulser trois socialistes allemands qui, à l’occasion des obsèques de Jules Vallès, n’ont commis d’autre crime que de montrer leur sympathie pour la France par l’exhibition d’une couronne funéraire ;
- Considérant qu’ils ont suivi l’exemple glorieux des députés socialistes allemands qui se sont fait emprisonner pour avoir protesté contre l’annexion de F Alsace-Lorraine ;
- Considérant qu’un certain nombre d’étudiants, dont la plupart ne connaissaient pas même sans donte ce fait de l’histoire contemporaine, ont hué, injurié, assailli les porteurs de ladite couronne :
- Envoie son salut le plus cordial à ses amis les expulsés, en même temps qu’elle flétrit les ministres et les étudiants, leurs complices.
- Le Secrétaire,
- Henri Brissac.
- Comme on le verra plus loin,les décisions prises par la conférence de Berlin, concernant le Congo, sont en partie conformes aux tendances du Devoir. La protestation suivante remise, il y a quelques semaines, au gouvernement français par ses éminents signataires n’aura pas été sans réagir auprès de notre diplomatie contre les intentions anti-
- progressistes qu’elle avait manifestées au début de la conférence.
- PETITION AUX CHAMBRES FRANÇAISES par les sociétés de la paix et de l’arbitrage
- Paris, 20 Février 1885
- Considérant que toutes les puissances représentées à la conférence de Berlin étaient d’accord pour neutraliser la totalité des territoires compris dans le Bassin commercial du Congo, et pour stipuler que toute difficulté survenue entre elles dans ledit Bassin, serait, sans aucun recours à la guerre, résolue par voie de médiation ou par voix d’arbitrage; que l’opposition de M. deCourcel,représentant de la République Française, a seule fait ajourner la proposition ;
- Les sociétés soussignées, déplorent profondément cette attitude prise par le Représentant de la France, au sujet d’une mesure qui, aux applaudissements du monde entier, assurerait les bienfaits de la paix à des millions d’hommes ; ces sociétés espèrent que le gouvernement revenant aux traditions de justice et de liberté, dont la France a été la glorieuse initiatrice, aura donné, en temps utile, les ordres nécessaires pour faire cesser la résistance de son Représentant.
- Pour la Ligue internationale de la Paix et de la Liberté
- Le Président,
- Ch. Lemonnier.
- Pour le comité de Paris de la fédération internationale de la Paix et de l’Arbitrage :
- Le Président, Hyppolite Destrem.
- Le Secrétaire, A. Desmoulins.
- Pour la société française des amis de la Paix :
- Le Président, Frédéric Passy.
- Pour le comité de la Ligue des Travailleurs pour la Paix internationale :
- Le Président de séance, Griss-Traut.
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- MOUVEMENT ARBITRAGISTE
- Les adhésions publiées pendant le dernier mois s’élèvent à 423. Le total jusqu’à ce~jour est de 2,819. L’augmentation du nombre des signataires suit une progression remarquable. Dans le courant de l’année dernière nous avions recueilli moins de 2,000 adhésions ; dans les deux premiers mois de celle-ci nous avons dépassé le chiffre de ' 800.
- Voici la répartition générale par départements :
- Aisne. — Guise, 97. — Besmont, 2. — Hannappes, 2. — Lucy, par Ribemont, 1. — Noyai, 2. — Mennevret,par Wassigny, 1. — Petit-Verly, 1, — Rozoy-sur-Serre, 1. — Vadencourt, 1. — Vallée-aux-Bleds, 1. — Fesmy, par le Nouvion, 1.
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- LE DEVOIR
- Algérie. — Alger, 11. — Bône, 13. — Bonnifay, 1.
- — Bouzaréah, 1. — Djidjelli, 3. - Guelma, 9. — Mustapha, 1. — Oran, 21. — Sétif, 1.
- Allier. — Aux-Brosses, par Meaulne, 2. Alpes-Maritimes. — Nice, 1.
- Ardennes. — Haraucourt,par Raucourt, 6. — Petites-Armoises, par le Chesne, 1. — Haraucourt, 16.
- Aube. — Fontvannes, 1. — Clairvaux, 2.
- Bouches-du-Rhône. — Marseille, 23. — Gréas-que, 1. — Septémes, 1.
- Basses-Pyrénées. — Pau, 1. Charente-Inférieure. — Arnezai, 4. — Genouillé, 3. — Loire, 8. — Muron, A. — Rochefort, 3. — Saint-Jean-d’Angely, 5. — Sarnier, 1.
- Corse. — Avapessa, 3. — Colenzana, 9. — Carbara, 389 — Cassano, 4. — Costa, 5. — Casteri, 4. — Ile-Rousse, 152. — Lunghignano, 9. — Monteneggiore, 8. — Monticello, 8. — Muro, 6. — Pigna, 17. — Speloncato, 8. — Zilia, par Cabuzana, 4.
- Côte-d’Or. — Dijon, 9. — Semur, 1. Beux-Sèvres. — Linalongues, 2.
- Doubs. — Besançon, 3. — Beure, 59.
- Drôme. — Montbrun-les-Bains, 1. — Paul-les-Trois-Châteaux, 1. — Valence, 1.
- Eure. — Àutreville-sur-Ston, 4. — Aux Hogues, 1, — L’Ile-Dieu, 2. — Mesnil-Perruel, 2. — Iloudouville-sur-Ston, 2.
- Gers. — Mirande, 1.
- Gironde. — Blaye, 1. — Bordeaux, 1,— Villenave-de-Rioms, 12. — Targon, 3.— Montarouch, 1. — Faleyras, 1.
- — Créon, 1.— Blésignac, 4.— Daignac, 1.— Genouilhac,l.
- — Tizac-de-Curton, 1,—Moulon, 1. —Dardenac, 2. Haute-Garonne. —Toulouse, H. Haute-Loire. — Allègre, 57. — Chambérac, La
- Chaise-Dieu, 1. — Chomelin, 2. — FIx, St-Genès, 3. — Le Puy, 1. — Moulet, 23. — Monteyre-d’Allègre, 7. — Paulhaquet, 1. — Saint-Just, 5. — Varenne-St-Honorat, 2. Vornassal, 2.
- Haute-Marne. — Alliaville, 1. — Ancerville, 1. — Bainville, 1. — Bettaincourt, 3. — Bologne, 1. —Brousseval, 2. — Bussy, 3. — Cerfontaines-en-Ormois, 1. — Chaumont, 5. — Caulaincourt, 2. — Curel, 2. — Curville, 1. — Dommartin-le-Franc, 2. — Joinville, 66. — Langres, 1. —Magneux, 2. — Brienne-le-Château, 2. — Osne-le-Val, 4. — Prez-sur-laPlanche, 1.— Prez-sur-Marne, 1.— Sailly, 3. — Saint-Dizier, 8. — Sommeronne, 1. — Tho-mance-les-Joinville, 12. — Vassy, 13.
- Hautes-Pyrénées. — Bernac-Debat, 1. — Mon-tréjau, 1. — Ossun, 1. — Tarbes, 23.
- Haute-Saône. — Jean-les-Vignes, 1. — Plancher-Bas, 1.
- Hérault. — Cazouls-les-Béziers, 6. — Béziers, 2, — Montpellier, 1.
- Ile-et-Vilaine. — Le Sel, 1.
- Indre-et-Loire. — Pocé, Azay-sur-Cher, 30.
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- Jura. — Arbois, 71. — Lons-le-Saulnier, 26. — Mesnay. 99. — Morez, 315. — Passenans, 1. — Meura, 1. — Poligny, 95. — Saint-Amour, 1.
- Landes. — Monguilhem, 1.
- Loire. — Saint-Etienne, 1.
- Loiret. — Orléans, 14.
- Lot-et-Garonne. — Saumars, 1. Maine-et-Loire. — Angers, 3. — Saumur, 24. Manche.— Mortain, 2.
- Marne. — Châlons-sur-Marne, 19. — Epernay, 1.
- Meuse.—Aulnois-en-Serthois, 1.— Bar-le-Duc, 1. Lemont,par Revigny, 1.
- Nièvre. — Nevers, 3.
- Nord. — Lille, 15. — Anzin, 1. — Fives-Lille, 1. — Solesmes, 1. — Dunkerque, 1. — Saint-Souplet, par le Gâteau, 1.
- Oise. — Margny-lez-Compiégne, 1. — Dieudonné, 1. — Méru, 1.
- Pas-de-Calais. — Saint-Pierre-les-Calais, 1.
- Puy-de-Dôme. — Beaumont, 105. — Chamaliéres, 10. — Clermont-Ferrand, 189. — Echandelys, 1. — Martres-de-Veyre, 1. — Mezel, 1. — Ceyrat, 1. — Cham-peix, 1. — Coudes, 14. — Maringues, 1. — Montferrand, 3. — Montaigut-le-Blanc, 1. — Mont-Dore, 1. — Pionsat, 1. — Pontgibaud, 1. — La Roche-Blanche, 1. — Roma-gnat, 1. — Veyre-Monton, 1. — Vic-le-Comte, 1.
- Saône-et-Loire. — Montceau-les-mines, 7.
- Seine. — Paris, 66. - Àuteuil, 1. — Billancourt,
- 1. — Boulogne, 3. — Issy, 2. — Ivry-Port, 3. — Le Raincy, 3.— Levallois-Perret, 1. — Montreuil-sous-Bois, 1. — Pantin, 1. — Saint-Mandé, 6. — Saint-Maurice, 1.— Vincennes, 1.
- Seine-Inférieure. — Auzouville-sur-Ry, 15. — Bois-de-Neubourg, 1. — Croisy-Laye, 2. — Croisy-sur-Andelle, 1. — Elbeuf-sur-Andelle, 21. — Frêne-Splon,
- 1. — Grainville-sur-Ry, 42.—Le Havre, 1. — Au Héron, 3. — Saint-Aignan, 4. — Rouen, 6. — Ry, 255. — Saint-Denis-Thiboult, 10.
- Seine-et-Marne. — Ivry-sur-Seine, 1. — Saint-Tibaut, par Lagny, 1.
- Seine-et-Oise. — Argenteuil, 1. — Condé-sur-Veyres, 2. — Gagny, 1. —Meudon, 11.— Sèvres, 2. — Choisy-le-Roy, 14.
- Somme. — Ham, 1. — Pecquigny, 1. — Villers-Bre-tonneux, 74. — Moreuil, 5. — La Neuville-sire-Bernard,
- 2. — Cachy, 1. — Lamothe-en-Santerre, 2. — Warfulée-Âbancourt, 1. — Morcourt, 1. — Daours, 1. —Le Hamel, 15. — Fouilloy,par Cerbie, 6.
- Var. — Toulon, 1. — Vinon, 78.
- Vaucluse. — Avignon, 26, Courthezon, 2. — Mon-clar, 1.
- Vosges. — Neufchâteau, 3. — Villars, par Cire-court, 2.
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- Rapprochement des peuples.
- Congrès postal. — Le troisième Congrès postal universel s’est réuni le 4 février à Lisbonne. Soixante-trois Etats y sont représentés. Il y a dix ans, lorsque le premier Congrès, qui a eu l'honneur de fonder l’Union Postale Universelle, s’est assemblé à Berne, vingt-deux Etats seulement y prenaient part. Quatre ans plus tard, au Congrès de Paris,, trente-trois délégués seulement étaient présents.
- M. Barbosa de Biscaye, ministre des Affaires Etrangères, a ouvert le Congrès dont il a remis à M. de Barros, directeur général des Postes,des Télégraphes et des Phares du Portugal le soin de le remplacer dans les séances ultérieures. Parmi les mesures principales qu’étudie l’assemblée, nous trouvons l’échange international des lettres chargées avec déclaration d« valeur, le transport des colis postaux internationaux sans valeur déclarée, l’émission de bons postaux internationaux, le recouvrement par la poste de quittances, effets de commerce, etc. Notre Ligue a plusieurs fois déjà réclamé la création de timbres postaux internationaux. Nous appelons de nouveau 1 attention du Congrès sur la très grande utilité de cette mesure.
- Les attachés commerciaux. — Au ministère du commerce on s’occupe des modifications à apporter dans notre régime consulaire. Il est question de nommer dans nos principales ambassades à l’étranger des attachés commerciaux chargés de synthétiser toutes les données, tous les renseignements susceptibles d’intéresser notre commerce et notre industrie.
- Musées commerciaux. — On se propose d’ouvrir bientôt à [Paris un musée commercial central dans le quel seraient admis des produits étrangers transmis par nos Consuls.
- PROPAGANDE DE LA PAIX
- Dans le département du Puy-de-Dôme, la propagande s’affirme et s’organise d’une manière méthodique.
- Un journal de Clermont-Ferrand, l’Ami du travailleur, enregistre les formations de groupes, publie les communications des sociétés et les adhésions recueillies dans les communes du département. Nous sommes heureux de ce concours et nous félicitons nos confrères de l’Ami des travailleurs d’avoir donné cette preuve de leur indépendance et de leur,bonne volonté.
- Voici les derniers renseignements que publie l’Ami des travailleurs sous la signature de M. Pardoux, le zélé propagandiste qui s’est mis le premier à l’œuvre dans le Puy-de-Dôme
- L’idée fait son chemin.
- Après la commune de Beaumont dont nous avons publié les premières adhésions la semaine dernière, voici celle de Coudes qui entre en ligne avec une liste de 14 noms et cette circons-
- tance particulière que ces 14 adhérents ont décidé de donner un corps à leurs aspirations et une base sérieuse à la propagande, en constituant une société qui sera le noyau auquel viendront successivement s’agréger toutes les bonnes volontés de la commune, en même temps quelle sera la première fondée dans le département sous l’impulsion de cette idée.
- Cette société, dont nous nous proposons de publier les statuts aussitôt qu’ils auront été régulièrement adoptés, afin qu’ils puissent servir de modèle à d’autres localités, aura pour titre :
- La PROGRESSIVE dé COUDES ( Puy-de-Dome ), Société républicaine arbitragiste
- d’instruction et d’éducation civiques.
- Par ce titre, aussi bien que par son but et les moyens d’action quelle compte employer, elle se rattachera à la fois au Comité de l’Union Républicaine du Puy-de-Dôme, à la Ligue des Patriotes, à la Ligue de la Paix et à h Ligue de l’enseignement, en attendant que les quatre n’en fassent qu’une, ainsi que le voudrait la logique, car ces quatre formules ne sont en somme que la mention d’une seule et même idée : l’intérêt général (res publica).
- Et puisque l’occasion s’en présente nous la saisissons pour déclarer une fois de plus, au nom de tous les Amis de la Paix et avec la certitude de nôtre démenti par aucun, que nous comprendrions à la rigueur qu’il y eût une Ligue de l’Obscurantisme opposée à la Ligue de l’Enseignement, une Ligue de la Guerre opposée à la Ligue de la Paix,ou bien encore une Union Monarchique opposée à VUnionRépublicaine ; mais il est absolument impossible de comprendre que quelqu’un ose se dire républicain,s’il n’est pas en même temps et sincèrement ami de sa patrie, de la paix et de la lumière ; comme nous ne comprenons pas que 1 ’on se mêle d’enseignement si l’on ignore soi-même les leçons de l’histoire au point de ne pas enseigner avant toutes les choses à la jeunesse que la véritable grandeur et la véritable dignité d’une nation, aussi bien que d’une famille, doivent être cherchées non dans les sauvages exploits de la force brutale ou dans l’accroissement de son territoire, mais dans la valeur morale de ses membres, principalement de ceux qui la représentent, et aussi dans la pratique constante de la justice, à l’extérieur aussi bien qu’à l’intérieur, et dans la considération qui est la conséquence de cette pratique.
- Pendant que nous y sommes, répétons également que nous ne comprenons pas davantage qu’on ose se dire chrétien, ou même juif, pas plus que franc-maçon ou libre-penseur, tout en se refusant à désapprouver hautement la guerre offensive, quel qu’en soit le prétexte : représailles ou conquêtes ; comme si le Dieu des chrétiens et des juifs n’avait pas dit impérativement. « Tu ne tueras point » ; comme si la franc-maçonnerie n avait pas pour base la fraternité universelle des hommes ; comme s’il était logique de vouloir la liberté de penser pour soi-même et imposer par la force sa croyance à d’autres !
- Un autre organe de la presse départementale, le^ Travailleur de Marseille, promet un concours dévoué et publie les lignes suivantes :
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- Les idées progressistes en vue du désarmement européen ont du progrès à Marseille, grâce à l’activité et au dévoûment d’une petite phalange de citoyens.
- C’est ainsi que vendredi dernier, au Cercle Bellevue, et samedi, au Cercle républicain de l’Âriége, à la suite d’éloquents et chaleureux discours en faveur du désarmement et de l’institution d’un abitrage iuternational, les citoyens présents ont voté d’acclamation les résolutions qui leur ont été présentées dans ce sens.
- Inutile de dire que la rédaction du Travailleur associe pleinement.
- Nous avons reçu, en outre, de nombreux avis venant de divers départements dans lesquels nos amis espèrent prochainement des résultats satisfaisants.
- Nous attirons l’attention de tous sur l’excellente résolution des adhérents de Coudes, qui, dès le début ont constitué une société spéciale. On devrait procéder ainsi dans toutes les localités et nous tenir au courant des progrès du groupement, des résolutions des sociétés et de leurs manifestations.
- Adhésions aux principes d'arbitrage et de désarmement européen
- Nord. Saint-Souplet, par le Cateau. — Lefèvre Alcide, voyagéur de commerce.
- Aisne. Guise. — Marchand Arthur, mouleur; Marchand Gaston, employé ; Langrenne Paul.
- Algérie. Bône. — Court Eugène, maison Picon et Cie ; Fabri Jean, employé de commerce, rue Mesmer ; Mei-gnier Auguste, rue üamrémont ; Messimo, rue Lemercier ; Giovannoni Xavier, rue Mesmer ; Govolla Joseph, rue Dam-rémont ; Taboni Roch, destillateur, rue Damrémont ; Court Louis, étudiant en droit; Adam Jules, inspecteur-vérificateur de la maison Picon et Cie ; Robert, agent-voyer ; Veil, négociant, secrétaire de la Chambre de Commerce ; Salomon, inspecteur de la Compagnie d’assurances la Confiance.
- Seine. Paris. — Bodeau Emile, inspecteur général de la Cie d’assurances sur la vie la Confiance.
- Puy- de-Dôme. Clermont-Ferrand. — Fraisse Pierre, paveur, rue du Port, 22 ; Jules Henry de Kenwel, typographe, rue des Grands-Jours, 5 ; Lemort Benoît, cam-breur, rue St-Dominique, impasse de la Forge ; Thomas Antoine, paveur, rue du Cheval-Blanc, 37 ; Petit Vidal, place des Carmes-des-Chaux, 3 ; Pourcher Aventin, rue Saint-Eloi, 51.
- Beaumont. — Arnaud; Arnaud Joseph; Aubignat Pierre ; Ballet-Chassagne Jules ; Banière Pierre ; Barreyre Antoine ; autre Barreyre Antoine ; Barreyre Etienne ; Barreyre Guillaume ; Bellard-Baconnet ; Bayeron-Ganne ; Bayeron Jean ; Bayeron Michel ; autre Bayeron Michel ; autre Bayeron Michel ; Benoît Louis ; Bernard Jacques;
- Bertrandon Jean ; Bonne Antoine ; Bonne-Cohendy ; Bony-CellerierJVlichel ; Bouchet Amable ; Bouchet Antoine ; Bouchet Etienne ; Bouchet Michel ; Bouchet Roche ; Bouchet-Verav ; Brun-Bary Antoine fils ; Brun-Bary ; Jean Jargoile ; Celle-rier Annet ; Cellerier Marien ; Cohendy-Borel ; Cohendy-Chaput ; Cohendy François Delonchambon ; Cohendy Guillaume : CohendyJean; Cohendy-Pageix ; Cohendy Pierre; Courgoulet Jean ; Cournolet Antoine ; Cousserand Pierre ; Coustet André ; Coustet Pierre ; Cussat Jacquot ; Darrot Eugène ; Cussat Jean ; Darrot Pierre ; Daurière Michel ; Debas Etienne ; Dourdouille Antoine ; autre Dourdouille Antoine; Dourdouille-Bayeron ; Dourdouille Paul ; Duron Pierre; Emay Antoine ; Esparvier François ; Frégna’e François père ; Frégnale-Gaubet ; Ganne Etienne; Ganne-Defradat ; Guy-bert Jean-Baptiste ; Laforêt Jacques ; Lecointe Jean ; Madriasse-Gaudet ; Madriasse-Mozat ; Mallet Pierre ; Maradeix Baptiste ; Maradeix Maurice ; Maradeix Paul Courty ; Marsat Antoine ; Marsat Claude ; Martin Hugues ; Martin François ; Martin Guillaume ; Mozat Jean ; Mozat Mathieu ; Mozat Théophile ; Michel, ex sous-officier en retraite; Pageix Amable Dorère ; Quinsat Emile ; autre Quinsat Emile ; Quinsat Eugène ; Quinsat Michel ; Quinsat-Poughon-Léger ; Quinsat-Quinsat ; Renard-Brun-Bary Jean ; Renard Jacques ; Roux Antoine ; Senade-Mallet ; Siaume-Dégironde ; Siaume Jean ; Sujet Amable ; Tartarat Jean ; Tartarat Marien ; Tartarat Martin ; Tartarat Noël ; Tatry Guillaume ; Theillot François ; Valleix, Vedet Jacques ; Vedet Léger ; Veray Antoine Debas ; Yeray-Cohendy ; Vergnaud Biaise ; Vincent Senadre.
- Coudes. — Cavard Frédéric, marchand de bois ; Cha-brillat François, propriétaire ; Chabry, ferblantier; Courmier-Bohet, propriétaire et conseiller municipal ; Courmier Z-CL. propriétaire ; Manrot Léon, propriétaire ; Mosnier Marcelin, plâtrier ; Pailliargues Antoine, cordonnier ; Pallet Jean, propriétaire ; Pignol Jean, propriétaire et conseiller municipal; Savoureux Antoine, entrepreneur ; Servoir Etienne, restaurateur ; Thouard, négociant et conseiller municipal ; Vazeilles A. Manrot, propriétaire et conseiller municipal.
- Chamalières. — Barthés Joseph, c§rdonnier,rue Désaix, numéro 3.
- Champeix, — Fondary Etienne, ébéniste.
- Echandelys. — Genebrier Antoine, maire et notaire, ancien président de la chambre des notaires.
- Maringues. — Chaput Baptiste.
- Pionsat. — Chollet Michel.
- Var. Commune de Ninon. — Bourillon Félicien, cultivateur ; Pardigon Gustave, cultivateur ; Maurras Louis, cultivateur ; Jaubert André, cultivateur ; Blanc Auguste instituteur ; Gervais, cultivateur ; Blanc Roger, boulanger ; Augarde Nicaise, charron; Gontard Toussaint, tailleur; Féraud Joseph, cultivateur ; Jauffret Baptistin, limonadier; Magne Marius, cultivateur ; Pellas, tailleur ; Colon Roger ; Gouin Philibert Auguste, coiffeur ; Pallas, boulanger : Guoin Louis, cultivateur ; Pallas Jules, négociant ; Berne, cultivateur ; Gautier Joseph, cultivateur; Seisson Honoré, employé; Robert Isidore, cordonnier; Maillard, minotier; Martin Fortuné, instituteur ; Tarbonnez, propriétaire ; Aoust Eugène, maçon ; Saille Désiré, propriétaire ; Tiran Leuis,
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- LE DEVOIR
- boulanger ; Gleyse Désiré, cultivateur ; Jouven Gustave, cul-vateur ; A ngelvin, cultivateur ; Nègre Roger, cultivateur; Aoust Joseph, cultivateur ; Aoust Marius, épicier ; Pons Gustave, cultivateur ; Saille Gustave, cultivateur; Blanc Albert, chiffonnier; Coulomb Pierre, cultivateur; Aoust Constant, cultivateur ; Séraphin Lucien, coiffeur ; Pierrhugues Augustin, charretier; Philibert Henri, cultivateur ; Philibert Antoine, cultivateur ; Philibert Marius, cultivateur ; Pellas Baptistin; Pécoul Désiré, receveur.buraliste ; Gayte Jules propriétaire; Blanc Alphonse, voiturier; Aoust Areadius, maçon; Athénoux Marc, cafetier; Pardigon Auguste ; Burle Antoine, serrurier ; Martin Maurice, propriétaire ; Michel Casimir, propriétaire; Amiel Félix, maréchal; Gayde Baptistin, maître-d’hôtel ; Michel Henri, coiffeur; Guis Félicien, minotier; David Félicien, propriétaire; Hours Séraphin, boulanger; Galier Gustave, propriétaire; Gontard Isaïe, boulanger ; Pellàtion, ' maçon ; Gayde Joseph,* garçon d’écurie ; Àillaud; propriétaire rentier; Roux Uly sse,f menuisier ; Gayde Félicien,boucher-charcutier; GervaisBaptistin, berger; Gras François,'; marchand drapier : Guis Victor, négociant ; Pla Hippolyte, bourrelier ; Foucou Aimé, menuisier ; Gérard Martinien, sergent de ville; Gilby Baptistin, propriétaire.
- LIBRAIRIE DU FAMILISTÈRE
- SUFFRAGE UNIVERSEL Nous signalons à nos lecteurs,comme parfaitement appropriés aux besoins, en vue des élections prochaines, les ouvrages suivants de M. Godin : Au Suffrage universel . . 0fr.20 La politiqe du travail et la politique des privilèges . 0, 40 La réforme électorale et la révision constitutionnelle. 0, 25 Envoyer 25 centimes à la Librairie du Familistère pour recevoir franco la Brochure : L’ARBITRAGE INTERNATIONAL ET LE DÉSARMEMENT EUROPÉEN.
- AVIS A NOS LECTEURS
- Les amis de la paix sont priés de compléter leur dossier de pétitionnement en intercalant dans une des feuilles imprimées, que nous leur adressons sur leur demande, autant de feuilles qu’il leur en faudra, en papier ordinaire, de mêmes dimensions; ils pourront régler à la main ces feuilles et ils devront écrire en tête de la première page de chaque feuille ces mots :
- Pétition à la Chambre des Députés en faveur de ïarbitrage international et de la paix. Lorsque les signatures seront obtenues, il faudra autant que possible demander la légalisation de chacune des feuilles à la mairie de la commune des signataires.
- Il est nécessaire d’écrire tous les noms lisiblement dans la première colonne,autrement de graves erreurs se commettent sur les noms propres :
- Retourner les pétitions, lorsque ces précautions seront prises, à l’adresse du journal « Le Devoir », à Guise (Aisne).
- L’abonnement d’un an à ce bulletin est
- de............................-- Sfr. 50
- Nous tirons et livrons, en outre, les numéros demandés à l’avance, aux prix suivants :
- de 1 à 40 exemplaires à. 0 fr. 07 de 41 à 65 » à. 0 06
- de 66 à 90 » à. 0 05
- Enfin, nous livrons un bulletin de quatre pages dont l’abonnement annuel est
- de............................0 fr. 75
- Nous donnerons ces bulletins de quatre pages franco, par la poste, aux conditions suivantes :
- 20 numéros . . . . 1 fr.»»
- 100 »...................2 75
- 350 «...................7 75
- 500 » ..... 11 25
- Nota : Nous faisons observer ânes lecteurs que les pétition* remplacent avantageusement les bulletins d’adhésion à l’arbitrage, en ce sens qu’elles contiennent un grand nombre de signatures qui peuveut être légalisées en une seule fois.
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- Suite. — lmp. Baré.
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- 9e Année, Tome 9. — N’ 340 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 15 Mars 1SS5
- le wmùm
- BEVUE DES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU A GUISE (Aisne) ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont
- Toutes les communications le talon sert de quittance.
- et réclamations France Union postale
- doivent être adressées à Un an ... 10 ir. »» Un an. . . . 11 fr. »»
- M. GODIN, Directeur-Gérant Six mois. . . 6 »» Ant.rflç pays
- Fondateur du Familistère Trois mois. . 3 »» Un an. . . . 13 fr. 60
- ON S’ABONNE
- A PARIS
- 5, rue Neuv6-des-Petits-Champ s Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE daminlstrateur de la Librairie des scienoes psychologiques.
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- REFORMES SOCIALES & POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1. —Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- 4. — Organisation du suffrage universel par l’unité de Collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile ;
- L’égalité cle suffrage pour tous les citoyens,
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter ;
- La représentation par les supériorités.
- 5. — Renouvellement annuel de moitié de la Chambre des députés et de tous les corps élus. La volonté du peuple souverain toujours ainsimise en évidence.
- 6. — Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues par le suffrage universel.
- 1- — Égalité civile et politique de l’homme et de la femme. $
- 8" — Le mariage, lien d’affection.
- Faculté du divorce.
- 9.— Éducation et instruction primaires,gratuites et obligatoires pour tous les enfants.
- Les examens et concours généralisés avec élection des élèves par leurs pairs dans toutes les écoles. Diplôme constatant la série des mérites intellectuels et moraux de chaque élève.
- 10. — Ecoles spéciales, nationales, correspondantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- Il- — Suppression du, budget des cultes. Séparation de l’thglise et de U État, *
- 12. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 13• — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit d héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- 1k- — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatérale à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dansunejuste mesure, retour à la société qui a aidé à les produire.
- 15. — Remboursement clés dettes publiques avec les ressources de l’hérédité.
- t 16. — Organisation nationale des garanties et de l’assurance mutuelles contre la misère.
- 11. — Supjoression des emprunts d’Etat.
- _ 19. — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 20. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21. — Libre échange entre les nations. «
- 22. — Abolition de la guerre offensive.
- 23. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 24. — Désarmement européen.
- 25. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire.
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- LE DEVOIR
- SOMMAIRE
- Au journal l'Economiste français. —Ce qu'on peut en agrieulture. — La crise industrielle et le militarisme. — La crise agricole. — Faits politiques et sociaux de la semaine. — La politique et les Programmes électoraux. — Programme du Comité républicain démocratique des Vosges. — L’Hérédité de l’Etat. — Le meeting ouvrier. — Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen. — Echanges. — Maître Pierre.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
- Au journal « l’Economiste français »
- Le journal de M. Leroy-Beaulieu a publié, sur l'association du Familistère et sur son fondateur, un article assez favorable, en apparence, à l’oeuvre en elle-même, mais qui n'en contient pas moins un certain nombre de critiques et d’appréciations dans lesquelles on attribue, à la rédaction du Devoir et à M. Godin, un rôle qui n’est vrai ni pour l’une ni pour l’autre.
- Cet article de « l’Economiste français y> a été reproduit dans « La Cote libre », et ces deux journaux ont été envoyés à M. Godin. Enfin M. Godin a reçu encore, le 2 mars, le même article en placard; ce dernier envoi venait de Rome, Italie, sous le couvert de M. Ernest Brelay, signataire du document. Il est assez établi qu’on voulait attirer l’attention de M. Godin sur le contenu de l’article ; aussi M. Godin s’empressa-t-il d’envoyer sa réponse à « VEconomiste français » avec prière courtoise d’insérer.
- « L’Economiste français » n’a pas inséré cette réponse et n’a pas même accordé à M. Godin l’honneur de lui expliquer, les motifs de cette non-insertion. On ne peut être plus grand seigneur.
- L’article publié par « l’Economiste français » sur i’oeuvre d’association fondée par M. Godin serait-il
- donc un effort qui lui aurait été arraché par le besoin de satisfaire l’opinion, et les critiques renfermées en cet article seraient-elles dues à un certain dépit inspiré par le progrès de l’économie sociale et la reculade de l’économie politique ? C’est à voir. En attendant, voici l’article envoyé par M. Godin à « l’Economiste français : »
- L’Economiste français, dans son numéro du 21 février, consacre à .l’œuvre du Familistère un article qui, nous devons nous empresser de le reconnaître, est aussi favorable à l’œuvre en elle-même et à son fondateur en particulier, qu’il est possible de l’être dans un journal d’économie politique. L’auteur de cet article, M. Ernest Brelay, loue d’abord largement l’œuvre du Familistère, et me donne des coups d’encensoir à me tuméfier le visage, si cela pouvait m’atteindre. Assurément je serais un ingrat si je n’adiessais pas à M. Ernest Brelay ne sincères remerciements pour les appréciauons chaleureuses d^s qualités qu’il lui plait de m’attribuer ; mais comme, en même temps, M. Brelay me conseille la modestie, j e dois peut-être ne pas m’apercevoir de ces éloges.
- Prenons donc l’article en lui-même pour les pensées critiques qu’il éveille à la lecture, et commençons par rassurer son auteur sur la rédaction du Devoir. Quels que soient les interprètes qui participeront à cette rédaction, elle sera et restera conforme au programme inscrit en tête du Devoir.
- Le Devoir se donne, surtout, pour règle de ne jamais faire dégénérer les discussions en questions de personnes ; mais il se réserve de discuter les doctrines, et si, parfois, il se permet d’apprécier sévèrement l’économie politique, s’il tend à substituer à celle-ci l’économie sociale, il n’en professe pas moins le plus profond respect pour la personne même des écrivains en économie politique, malgré l’éloignement qu’ils ont conservé jusqu’ici à l’égard des principes d’association qu© nous professons.
- L’économie politique est notre aînée ; c’est à cause de cela, sans doute, qu’elle reste si indifférente à notre égard, ou que, si elle s’occupe, de nous, c’est avec des formes en contradiction avec la pensée qui préside à l’œuvre que j’ai fondée.
- Pourquoi, par exemple , lorsque nous appelons le Familistère palais social, l’Economiste l’appelle-t-il caserne humanitaire ?
- Gela peint en deux mots la différence des manières de voir et de comprendre.
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- LE DEVOIR
- Pour nous, le palais social signifie surtout la liberté, T association aux bénéfices, le bien-être, l’instruction, les satisfactions domestiques et le bonheur des familles à la portée de tous.
- La caserne humanitaire éveille la pensée de la contrainte, de la discipline, de l’autorité qui s’impose, de la subordination des travailleurs, du bon vouloir des patrons et des capitalistes, peut-être de la générosité de ceux-ci, quand le problème de l’avenir consiste, au contraire, à réaliser l’égalité sociale dans la liberté.
- On voit comment, peut-être avec les meilleures intentions du monde, on se heurte à des idées contradictoires qu’il faut pourtant faire disparaître par la discussion et, surtout, en éveillant dans tous les cœurs l’amour du bien général de la vie humaine.
- M. Ernest Brelay conseille à la rédaction du Devoir plus d’égards pour les hommes dignes d’attention. Je suis vraiment surpris de cette invitation, car mon plus grand désir est de ne blesser personne. Jamais le Devoir n’a agi dans un autre sentiment. Sans doute VEconomiste français, lui-même, n’entend pas déroger à ses bons conseils; pourtant, je ne puis me défendre de voir une certaine pointe d’ironie dans ce passage que je crois devoir relever :
- « L’association célèbre chaque année un certain « nombre de fêtes avec une solennité excepte tionnelle, notamment celles du Travail et de « l’Enfance. On sait que le socialisme a inventé « le travail et l’enfance, comme Rousseau la « Nature, Robespierre l’Etre suprême et les « jacobins la sensibilité»
- Non, éminent contradicteur, le socialisme n’a inventé ni le Travail ni l’Enfance, mais il invente les moyens de relever le premier de son abaissement, de ses douleurs et de ses misères, et de faire sortir de la seconde une humanité régénérée et heureuse.
- C’est à cette œuvre qu’un socialisme comme le nôtre convie très modestement les économistes ; c’est pour cette œuvre que les économistes devraient se séparer des politiciens qui la déclarent impossible, afin d’empêcher ceux-ci de se livrer, pour satisfaire leurs ambitions, à la cruelle spéculation de ruiner les peuples et de les faire se massacrer par la guerre.
- Une appréciation sur laquelle nous nous séparons encore complètement de l’Economiste français c’est lorsque qu’il dit :
- * U a plu à cet industriel hors ligne d’intéresser
- « d’abord tout son personnel à ses affaires, de lui « créer ensuite des installations confortables et « ingénieuses, enlin de l’associer et de lui assurer « selon toute vraisemblance la propriété ulté-« rieurede son immense capital immobilier. Nous « voyons là distinctement deux choses : d’abord « la générosité de M. Godin, ensuite son habileté « c’est-à-dire sa compréhension fort nette de l’in-« térêt bien entendu, ce qui 11e diminue en rien « la valeur morale de ses actes. On ne peut rien « prod lire d’important sans auxiliaires et l’on rô-« munère habituellement ceux-ci sous forme d’ap-« pointements ou de salaires librement consentis ;
- « après quoi l’on est quitte, car, de part et d’autre,
- « on ne doit que ce qu’on a promis.»
- Où sont les salaires librement consentis sous le régime actuel de l’industrie ? Est-ce qu’il y a contrat librement consenti quand les ouvriers épuisés, affamés par la grève, sont obligés de rentrer dans la mine ou l’usine aux conditions qu’on leur impose ? On n’est donc pas toujours quitte quand on a payé seulement ce qu’on a promis ; le consentement exigé par la force est, dans certains cas, qualifié d’extorsion. On n’est absolument quitte que si la promesse faite et remplie repose sur la justice et l’équité.
- Que l’on dise, si l’on veut, que l’œuvre du Familistère est une œuvre de générosité ; quant à nous, nous disons qu’elle est une œuvre de restitution équitable des droits sociaux des travailleurs, et cela en vertu de ceci que vous qualifiez de vérité de La Palisse :
- « Tout élément producteur doit participer aux bénéfices dans la proportion des services qu’il a rendus. »
- Les gratifications et les primes qui n’ont pas pour mesure le droit réel du travailleur ne. suffisent pas pour réhabiliter l’exploitation industrielle de notre régime actuel, et seront impuissantes à résoudre les questions sociales.
- Quand on croit que le capital 11’est pas violent , qu’il n’emploie que des procédés consentis en forme et en règle, on se trompe. Ce n’est pas parce qu’il sait employer des moyens si largement et si savamment combinés que peu de personnes comprennent ses exactions que ses agissements sont moins coupables.
- La guerre, par exemple, n’a-t-elle pas aujourd’hui pour principal objet d’imposer, par la force, aux peuples les plus faibles, des conditions qui, d’abord, font le malheur des belligérants et qui, ensuite, feront la misère des vaincus. Pourquoi?
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- Pour assouvir la soif de richesses des dominateurs. Oui, la finance exploite de nos jours le monde entier à l’aide de la spéculation et des hécatombes humaines; le travail de tous les peuples est asservi à sa puissance.
- En Egypte, en Chine, pourquoi fait-on massacrer les peuples ? F arce que le capital, roi, le de-amande. Voilà les grands moyens nécessaires à la ortune de quelques-uns ! La guerre d’abord, la protection et les privilèges ensuite.
- Une partie du peuple va se faire tuer sur les champs de bataille, l’autre partie paie les frais de la guerre, et le capital en retire les profits. Est-il quitte ainsi? Triste et terrible sera cette quittance 1
- Au demeurant c'est autre chose : un pauvre ouvrier attend le pain qui ne doit pas le faire vivre, mais l’empêcher de mourir lui et sa famille ; on lui impose de faire pour deux francs ce qui lui était payé quatre, hier; et il le fait pour atténuer la faim qui le torture et torture ses enfants, comme l’esclave, autrefois, travaillait au profit de ses maîtres pour éviter le châtiment.
- Mais le produit sorti des mains du travailleur, à deux francs de moins, ne donne-t-il pas le même usage que celui qui avait été payé deux francs de plus ?
- Ne voyons pas, si vous voulez, les choses d’une façon aussi sombre ; supposons l’industrie prospère : le travail abonde, les ouvriers créent la richesse moyennant salaire ; ils ont de quoi suffire aux besoins de tous les jours; les produits qu’ils font permettent au chef d’industrie des réserves ou de beaux bénéfices; le travail payé quatre francs à l’ouvrier donne autant de bénéfice au capital, de sorte que mille ouvriers reçoivent par jour quatre mille francs; mais ils dépensent ces salaires pour la vie de leurs familles, tandis que le capitaliste qui les occupe touche, à lui seul, quatre mille francs, qu’il met en réserve.
- Après l’année, les mille ouvriers ayant dépensé leurs salaires pour les besoins de la vie attendent du travail du lendemain leurs moyens d’existence. Le capitaliste, au contraire, a pu mettre de côté plus d’un million de francs ; il peut dormir sur l’or et les provisions amassées par le travail de la masse.
- Qui donc jouit de tous les avantages de la production sinon celui qui accapare le produit ? Et qui supporte les privations ou reste à la portion congrue, sinon celui qui a fait ou créé la riches» ?
- Considérons, maintenant, que la trop faible par accordée aux populations ne leur a pas permis de consommer assez pour écouler les produits que la machine et la fabrique ont su faire avec le concours des ouvriers. La surproduction ne permet plus de continuer de produire. Une crise industrielle en est la conséquence ; le chômage arrive. Le capitaliste a un million deux cent mille francs pour attendre; l’ouvrier est en face de la misère. Représentez-vous que celui-ci est la grande masse des travailleurs de toutes les nations, et que celui-là est la minorité des classes dirigeantes et capitalistes ; vous comprendrez ensuite que ceux qui meurent de faim peuvent trouver avec raison qu’on n’est pas quitte envers eux, et qu’indépen-damment de ce que j'ai fait, je puisse avoir de sérieux motifs de proposer quelque chose et de chercher à démontrer que des garanties sociales sont nécessaires à ces travailleurs, au risque de « pontifier » aux yeux de quelques personnes.
- Je ne puis donc partager l’opinion de M. Ernest Brelay qui, après avoir rapidement énuméré les institutions de l’association du Familistère, trouve étrange qu’un fabricant de fourneaux se soit mis à écrire. En effet, après avoir démontré par l’expérience la praticabilité de mes idées, j’ai écrit pour attirer l’attention sur une œuvre dont je crois utile de propager les institutions, afin de leur faire produire les fruits qu’elles comportent. Ne serait-il pas heureux que tant d’autres qui écrivent d’abord et ne font rien ensuite, imitassent mon exemple ?
- Mais, je ne sais sur quoi se fonde l’Économiste français pour dire que M. Godin, s’est mis «à « écouter des flatteurs, à feur passer la plume, à « dogmatiser, à pontifier et finalement à supper-« poser le socialisme à l’industrie... et à recom-« mander des expédients politiques et sociaux « qu’il eut été trop intelligent pour inventer tout « seul. »
- Les flatteurs ! Mais depuis que le Devoir existe, c’est-à-dire depuis le mois de mars 1878, jamais il n'a offert à M. Godin la centième partie de l’encens que l’Économiste me donne aujourd’hui dans ses colonnes; il est vrai qu’à côté se trouvent les critiques que nous relevons; nous aimons à croire qu’elles sont dictées par une pure erreur d’interprétation ; je tiens donc à dire à mon éminent confrère que toutes ses suppositions sont purement gratuites et mal fondées. Je revendique le programme du Devoir dans toute son étendue et les doctrines sociales qui en sont la conséquence,
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- quoiqu’il plaise à l’Économiste français de les qualifier si dédaigneusement et de les prêter à d’autres.
- L’Économiste demande : « Pourquoi essayer
- a prétentieusement de démontrer qu’il faut unir « le capital et le travail, lorsque, à moins d’être « un Iroquois, tout le monde sait que le capital « est la substance du travail, que l’un sans l’autre « n’exprime rien et que l’âme sans corps, l’esprit « sans substance sont, jusqu’ici, choses inconnues « des vulgaires humains ? Pour réaliser les idées « fondamentales de M. Godin, fort utiles, entière-« ment distinctes du fatras dont nous venons de « montrer une très-faible partie, il faut procéder « comme pour la légendaire production d’un canon:
- « Vous prenez un trou, vous mettez du bronze « autour, etc., etc. »
- N’en déplaise à l’Économiste français, il faut arriver à faire comprendre à tous ceux qui ne le comprennent pas que les capitalistes ne sont pas l’âme de la production, qu’ils n’en possèdent que l’instrument passif, que le capitaliste sans le travailleur périrait vite de misère, tandis que le travailleur, si le capitaliste ne lui liait les mains, serait immédiatement en état de créer l’abondance et la richesse.
- Oui, comme le dit l’Économiste français, il n’est pas plus difficile de réaliser les réformes sociales que de construire un canon, seulement pour l’un comme pour l’autre, fl faut étudier les questions, connaître les moyens d’exécution et avoir la volonté de les mettre en œuvre. Aussi M. Ernest Brelay se trompe-t-il en disant que pour faire un canon il faut prendre un trou et mettre du bronze autour, faisons lui remarquer qu’on ne met pas du bronze autour d’un trou, mais on coule le bronze dans un moule bien préparé ; de même pour opérer des réformes sociales il faut en savoir préparer le moule ou les institutions, et y faire circuler l’amour du bien-être des travailleurs. L'égoïsme est incapable d’une telle œuvre.
- Ce que nous contestons encore, c’est que l’autocratie soit nécessaire dans ce que notre contradicteur appelle la république industrielle. L’association du capital et du travail ne comporte pas plus l’autocratie que la république dans l’Etat. Il faut à l’industrie comme aux affaires publiques un pouvoir directeur, mais un pouvoir respectueux des règles que l’association se donne et assez fraternel pour se faire accepter et aimer; tout pouvoir despotique doit sombrer, là comme ailleurs.
- Mais ce que nous admettons avec l’Économiste, c’est que la république du Familistère comme la République de la France seront durables à la condition d’avoir des hommes pour les faire vivre. Néanmoins, si les hommes qui me succéderont étaient incapables de continuer l’association du Familistère, ou si les mauvais vouloirs d’intérêts puissants cherchaient à détruire cette association, cela prouverait-il plus contre l’œuvre elle-même que l’incapacité des gouvernants et les convoitises monarchiques peuvent prouver contre la République ?
- Nous n’avons pas dit et nous ne disons pas que les législateurs, les membres de l’Institut, les économistes soient des ânes, comme nous le fait dire notre contradicteur ; nous avons trop le respect des hommes éminents dont ces grands corps sont composés pour tenir un pareil langage ; pourtant nous sommes d’accord qu’ils ne font que recommander « ce qu’ils ont appris » ou garder un silence calculé sur ce qui n’entre pas dans leurs vues.
- Il nous est donc bien permis de constater que jusqu’ici iis sont restés, au sujet de l’association du Familistère, dans le silence le plus prudent, et que, si cette association ne faisait rien en vue de la propagation nécessaire des institutions salutaires dont elle donne l’exemple, un mutisme presque absolu régnerait encore en France sur leur existence.
- Pourquoi ce silence sur des faits aussi considérables pour l’avenir quand, tous les jours, les Chambres, les cœ.ps savants, les professeurs d’E-conomie politique et la presse s’occupent de choses et d’intérêts si éphémères ?
- Un mot avant de finir sur les conseils suivants que M. Brelay me donne en terminant son article :
- « Eh ! bien, puisque nous avons dit du Familistère « et de M. Godin tout le bien possible, nous « n’avons plus qu’une recommandation à faire à « l’éminent industriel. Puisse-t-il se souvenir que « la modestie sied à la véritable grandeur. Notre « siècle aime les parvenus du travail et il les « glorifie ; c’est une raison de plus pour ne pas « mettre sous ses pieds quiconque n’a pas eu la « bonne fortune de faire avec succès de la fumis-« terie. Cette profession, à laquelle on attache à « tort une idée comique, en vaut une autre ; mais « elle ne confère pas de lumières spéciales. Si, par « dessus le marché* on autorise son secrétaire à
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- « dire des choses plus ou moins piquantes aux « hommes qui composent l’élite de la nation, ces « légères offenses sont aisément pardonnées par « ceux dont elles atteignent tout au plus l’épi-« derme, mais elles leur rappellent en même « temps que le Père Duchesne, lui aussi, était « marchand de fourneaux, et pour faire une propa-« gande acceptable, il serait peut-être sage de « choisir un autre modèle. »
- Ces conseils de modestie et ces règles de conduite sont à mes yeux sans objet. Je fais une distinction profonde entre l’industriel et le fondateur du Familistère. Quoiqu’on en dise et qu’on en pense l’action industrielle n’est pas exclusive de l’action sociale.Ne serait-ce pas,au contraire,un événement heureux que tous les chefs d’industrie s’occupassent du sort de leurs ouvriers,c’est-à-dire des difficultés menaçantes que renferment les questions sociales.
- Je sais, du reste,parfaitement, que des fabricants de fourneaux peuvent valoir tout autant que les meilleurs écrivains et que des écrivains peuvent valoir certains fumistes. Ce que j e place au-dessus de tout, ce sont les hommes animés d’un sincère amour du bien général de la vie humaine. Aucune modestie n’égale à mes yeux cette vertu ; quant à dire des choses plus ou moins piquantes à l’adresse des personnes, je déclare que jamais je ne chercherai nia le faire par moi-même nia le laisser faire par aucun secrétaire ; mais à côté des hommes il y a des doctrines, et si celles-ci me paraissent avoir des conséquences funestes, rienne m’empêchera de les combattre,, tout en cherchant à y mettre toute la courtoisie possible. Ceci dit, nous comptons bien que l’Économiste français nous pardonnera les égratignures que nous avons pu faire à l’économie politique sans intention de toucher aux personnes, comme de mon côté je pardonne celles qu’il a pu faire tà ma modeste fonction d’écrivain socialiste, fabricant de fourneaux.
- GODIN.
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- Ce qu'on peut en apiculture
- M. Gagneur, député du Jura, a publié plusieurs articles intéressants à l’occasion de la crise agricole, que l’honorable député explique par des considérations analogues à celles que nous avons exposées. M. Gagneur se prononce énergiquement contre le protectionnisme. Dans l’un de ces articles, nous trouvons un fait qui dénote combien sont exagérées les plaintes des propriétaires et combien ils sont responsables d’une situation qu’il ne dépendait que d’eux d’éviter, en
- imitant les bons exemples donnés par quelques agriculteurs intelligents. M. Gagneur rapporte que la ferme de M. Mousseaux, située dans ce département de l’Aisne, où l’on crie le plus famine, ne produit pas moins de 20 0[0. Et ces renseignements, nous dit M. Gagneur, sont tirés du Journal cl’Agriculture pratique qui a dirigé cette croisade protectionniste avec les plus retentissants arguments.
- La crise industrielle et le militarisme
- Peu de chose, en fait d’évolution de l’opinion publique, n’est plus curieuse que la manière par laquelle des hommes éclairés et influents, sont habitués à l’éluder ou à ignorerles faits désagréables ou les vérités déplaisantes, dont la mention est en contradiction avec les idées reçues.
- Un exemple de cet aveuglement volontaire s’est manifesté au cours des récentes discussions sur les causes de la crise industrielle.
- Le moindre hommage que nos statisticiens et nos économistes eussent dû rendre à la vérité, eut • été de constater qu’en l’an de grâce 1884 les nations d’Europe engloutissent dans les frais de l’armée et de la marine 184 millions de livres sterling, soit quatre milliards six cent millions de francs, prélevés sur les produits de l’industrie et du commerce.
- Et ce n’est pas tout. Si l’on ajoute à ces frais militaires la charge annuelle des dettes nationales en Europe, on arrive au taux écrasant de 208 millions de livres sterling ( plus de cinq milliards de francs ).
- Les statisticiens peuvent s’exercer à des calculs sur cette formidable somme, mais nul économiste ne peut mesurer la portée de la perte impliquée par une attribution de cette importance à des buts improductifs.
- On parle de dépression du commerce et de l’industrie. Il est bien plus extraordinaire que les affaires puissent se soutenir encore sous cet intolérable fardeau ! Les esprits qui se refusent à voir au fond des choses diront que ce fardeau de plus de cinq milliards par an, étant une quantité constante, ne peut entrer aujourd’hui en ligne de compte pour expliquer la’ crise industrielle. A cela nous répondrons entre autres choses :
- 1® La crise est plus accentuée en France, et en Allemagne plus encore qu’en France, parce qu’en ces deux contrées le poids des charges militaires a été croissant toujours depuis dix ans.
- 2° Les mauvaises récoltes, les déperditions de capitaux dans de mauvaises entreprises sont des faits temporaires, mais l’absorption continue des ressources du peuple par le budget de la guerre et de la marine donne à ces faits temporaires leurs cruelles conséquences.
- Celui-là est donc un hâbleur qui veut expliquer les causes de la crise générale actuelle sans te-
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- nir compte de la part formidable qui en revient à l’organisation militaire des nations.
- (International arbitration and peace association. )
- La misère à Paris. — L’Evénement publie, sur la misère à Paris, une etude intéressante de laquelle nous extrayons les passages suivants :
- «: Ceux qui sont atteints de pauvreté chronique et incurable constituent à Paris une véritable population qui, hélas! va sans cîsse en croissant, ainsi que permet de le constater le tableau suivant des mouvements quelle a subi depuis 1861, époque de l’annexion des quartiers excentriques et de la consiitution du Paris actuel jusqu’en 1882 :
- En 1861, elle était de 90.287 personnes.
- En 1863, — 101,570 —
- En 1866, — 105,119 —
- En 1869, — 111,357 —
- En 1872, — 101,719 —
- En 1874, — 113,733 —
- Eu 1877, - 113,317 —
- En 1880, - 123,730 —
- En 1882, — 143,751 -
- Bien entendu, il n’est nullement question dans ce relevé des hôpitaux qui ont enregistré, en 1882, 4,628,502 journées de maladie dans leurs services de médecine et de chirurgie, ni des hospices et maisons de retraite qui en ont enregistré 4,257,980 ; il n’est tenu compte ici que des indigents, valides ou non, secourus par les bureaux de bienfaisance et dont le nombre, on le voit, en vingt ans, a augmenté de près des deux tiers. »
- Il est vrai que, dans le même espace de temps, la population générale de Paris a subi un mouvement ascensionnel rès rapide ; mais la comparaison proportionnelle est en faveur des indigents qui sont maintenant au nombre de 1 sur 16 habitants en moyenne.
- VII
- Tous les projets d’améliorations agricoles que nous avons proposés sont inséparables de la possibilité pour ces entreprises de se procurer à un taux modéré un capital mobilier abondant.
- Nous avons indiqué nos préférences pour le projet Fleury qui mettrait en quelques années à la disposition de l’agriculture un crédit, à 3 OpO, égal au quart de la valeur totale de la richesse agricole, soit 25 milliards.
- Les financiers, préoccupés de sauvegarder les privilèges de la haute banque, exagéreront les lenteurs que la prudence commande dans l’application du système Fleury.
- D’autres prétendront que la dette hypothécaire, étant de 18 milliards, absorbera la presque totalité
- des fonds provenant de cette mobilisation et qu’il ne restera pour les améliorations qu’une somme relativement insignifiante.
- A la suite de la guerre de 4870, nous avons vu notre dette s’élever de 12 milliards, et cet accroissement subit et excessif de titres de rente, loin de jeter la perturbation sur le marché, a été suivi d’un grand courant d’affaires. Nous voulons admettre que les ressources provenant du projet Fleury seront entièrement absorbées par le remboursement des dettes hypothécaires, il ne sera pas moins vrai que les milliards remboursés au moyen de ces nouvelles ressources seront des capitaux disponibles qui, pour trouver un nouvel emploi,s’offrirontàdes conditions moins onéreuses. On nous dira peut-être que nous ne comprenons pas que cet abaissement du taux de l’intérêt constituera le désordro prévu par les économistes.
- S’il en est ainsi, si l’abaissement du taux de l’intérêt équivaut à une catastrophepublique, nous avonons que nous ne voyons pas la possibilité de l’éviter et de procurer en même temps de l’argent à bon marché à l’agriculture.
- Si Rabaissement général du taux de l’intérêt est une calamité publique, nous n’avons plus qu’à demander aux défenseurs de cette théorie de le déclarer clairement et de nous dire que le Capital est Dieu, seul souverain, qu’il est infaillible, et qu’on ne peut diminuer ses prémices sans devenir sacrilège.
- Dans la pire hypothèse que l’on puisse examiner, hypothèse subordonnée néanmoins à l’acceptation du projet Fleury,que l’on emploierait les nouvelles ressources au remplacement des hypothèques, l’agriculture bénéficierait encore d’une somme annuelle supérieure à 400 millions. En effet, il ne faut pas perdre de vue que l’intérêt des prêts hypothécaires et les frais divers élevent le prix des capitaux à près de 6 OjO, tandis que le projet Fleury les procurerait à 3 OqO.
- Le projet Fleury, en outre, donne à l’Etat, progressivement, des revenus annuels de 600,000,000. Ces avantages permettraient de réduire, même de supprimer l’impôt foncier, et l’Etat aurait encore de beaux revenus ne coûtant rien au travail, revenus qui pourraient fournir les premières dotations de la Mutualité nationale.
- Le projet Fleury peut être considéré comme un premier pas vers le système qui consiste à trouver les ressources publiques dans le revenu des richesses naturelles au lieu de les prélever sur le
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- travail. A ce titre, il nous paraît mériter l’appui des socialistes. Mais nous le déclarons inacceptable par tous ceux qui promettent de procurer à l’agriculture le capital mobilier à bon marché, sans que ce bon marché provienne d un abaissement général du taux de l’intérêt.
- Toutes les mesures qui tendront à établir des conditions particulières en faveur de l’agriculture ou bien d’une industrie quelconque, seront considérées par nous comme des expédients dangereux, dérivés d’un protectionnisme injuste, sacrifiant les intérêts généraux du pays aux privilèges de quelques-uns.
- Après comme avant le vote des lois douanières, nous considérons la question agricole comme n’ayant rien perdu de son importance, et nous résumons ainsi nos appréciations.
- Le mauvais agencement de la propriété individuelle et l’ignorance du propriétaire sont les causes premières de notre infériorité. L’adjonction des capacités et l’emploi par elles des bonnes méthodes et des outils perfectionnés sont liés à la constitution de la grande propriété et à l’abondance du capital mobilier. Ces moyens sont inséparables de la formation de grandes associations agricoles. Ces associations ne feront qu’aggraver les excès de la concurrence et le désordre social par la création d’un prolétariat agricole dénué -de toute sécurité, si elles ne sont fondées d’après des données aboutissant à la suppression des intermédiaires, le propriétaire-rentier compris, que devront remplacer de puissantes associations solidarisées par les liens d’une mutualité convenablement dotée. Les moyens pratiques de transition consistent dans la participation aux bénéfices, telle que nous l’avons expliquée précédemment. Les bénéfices résultant de la participation seront généralement trop minimes pour exercer une influence réelle sur les travailleurs, si on ne prend en même temps des dispositions devant procurer à ces associations le capital mobilier à un taux modéré. La meilleure de ces dispositions sera celle qui, en procurant le capital mobilier aux sociétés agricoles, commencera à remplacer les produits des impôts par les revenus des richesses naturelles et des capitaux accumulés par les générations passées.
- Ces projets sont opposés aux appréciations de la masse, nous le savons ; mais nous sommes certain de leur efficacité. Nous laissons à d autres les responsabilités de défendre des propositions incertaines ou bien de poursuivre le progrès agricole Séparé du progrès social. Les complications se
- multiplient avec trop de rapidité peur que nous ne signalions aux dirigeants quelle faute ils commettront, si, dans l’espérance de gagner du ternes, ils s’attardent à des expérimentations inutiles.
- Le protectionnisme agricole est une duperie dont les classes laborieuses supporteront les conséquences. En agriculture, comme en tous genres de production, le progrès véritable est subordonné à l’association des individus et des intérêts. Le protectionnisme ne sauvera pas notre agriculture. Nous aurons bientôt à nous occuper des mécomptes des agriculteurs, avec cette aggravation que chaque déception politique est une poussée vers la démoralisation publique. ,
- Fin.
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- Le Parlement. Les députés ont supprimé presque tous les crédits rétablis par le Sénat. Le Sénat va-t-il persister dans ses résolutions ? Ou bien allons nous voir les sénateurs accepter deux ou trois des decisions des députés, renvoyer le budget à la chambre qui, à son tour, fera un pas vers le Sénat puis renverra de nouveau au Sénat, et ainsi de suite jusqu à ce que les députés aient accepté toutes les fantaisies du grand conseil des communes ? Après le septième ou huitième voyage, lorsque la capitulation aura été complète, on trouvera encore des politiciens pour discutera qui appartient la suprématie en matière de finances. Le système des douzièmes provisoires n’est pas fait pour relever le prestige _ de nos représentants. Bien que les rendements des impôts aient été inférieurs, pendant les premiers mois de 1885, aux prévisions budgétaires, on contiuue gravement dans les deux chambres à se repasser le budget sans modifier les chiffres pris pour bases des recettes. Jusqu’à ce jour toute discussion budgétaire avait pour principal objectif d’établir un budget en équilibre. Tout cela est changé ; maintenant on discute le budget pour se donner les apparences de faire quelque chose ; chacun des députés ne pouvant conserver l’illusion d équilibrer le budget, puisqu’on est en présence de déficits réels constates.
- *
- ,e scrutin de liste. Les députés se préoccupent vivement à l’heure actuelle du scrutin de liste ; une iagne très-active est poursuivie depuisquelques jours contre roposition de M. Constans ; c’est le groupe de l’union
- socratique qui soulève les plus nombreuses objections. M.
- s Develle, président de ce groupe, vient de le faire convo-pour vendredi, à l’effet de délibérer à ce sujet.
- Jules Develle compte soumettre à ses collègues une ïtique de laquelle il résulterait qu’avec le scrutin de une vingtaine de départements seraient perdus par le
- i républicain. ,
- 'autre part, plusieurs députés du même groupe fontob-er qu’avec le scrutin de liste les dépenses d’élections ient beaucoup plus considérables. bux qui ont peur de la souveraineté nationale trouveront
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- toutes sortes de mauvaises raisons pour écarter les progrès de notre mode électoral. Il n’est pas étonnant que l’on trouve de pareilles résistances dans le troupeau ministériel conduit par M. Develle. Les hommes qui se sont associés à toutes les fautes du ministère doivent éprouver des répugnances à comparaître devant un corps électoral porté à juger les questions politiques selon les intérêts généraux du pays.
- TONKIN
- Encore une victoire, chèrement payée, qui ne semble pas devoir nous rapprocher beaucoup de la fin de la guerre avec la Chine. Avec une dizaine de victoires comme celle de Tuyen-Quanon devra se préoccuper du remplacement des officiers du corps expéditionnaire. Dans ce combat on compte 16 officiers tués ou blessés pour moins de 200 soldats mis hors de combat. Le nombre de ces officiers est 4 fois plus fort proportionnellement que celui des soldats. Cela est un indice certain de la lassitude des troupes et du découragement des soldats que les officiers sont obligés d’entraîner par une hardiesse personnelle que condamne la discipline militaire dans les circonstances normales. Ce fait d’armes nous a permis néanmoins d’apprécier combien nous devons avoir confiance dans les nouvelles que nous communique le gouvernement. La ville de Tuyen-Quan est assiégée depuis un mois, sa garnison a repoussé sept assauts furieux ; jamais aucune de ces nouvelles n’a été publiée par les bulletins envoyés par les chefs de corps. En cachant les mauvaises nouvelles on s’expose à donner créance aux bruits qui prétendent que les autres sont des informations fantaisistes.
- SUISSE
- La petite république helvétique continue à opérer des arrestations pour le compte des puissances qui ont à se plaindre des réfugiés politiques. Naturellement, on dit que ces réfugiés politiques voulaient faire sauter le Palais fédéral. Vingt-cinq individus ont été arrêtés à Berne, sept à St-Gall, trois à Bienne et onze à Genève. Un journal a été saisi au nom de la liberté de la presse. Cela va de mieux en mieux.
- BELGIQUE
- Les mineurs du Borinage ont tenté de soutenir une grève afin d’arrêter l’avilissement des salaires. Plus de quinze mille mineurs avaient quitté le travail. Après quelques démonstrations, ils ont dû capituler devant le manque de pain.
- ANGLETERRE
- Au Soudan, les troupes anglaises opèrent une prudente retraite.
- En Asie, les conquêtes russes ne peuvent s'étendre sans forcer l’Angleterre à renoncer à une situation quelle parait ne pas vouloir abandonner avant d’avoir été contrainte par les armes.
- Le gouvernement anglais a informé la cour de St-Péters-bourg qu’il considérerait l’invasion de l’Afghanistan comme un cas de guerre. La diplomatie russe a répondu par de bonnes Paroles. Cela n’empêche pas le Czar d’envoyer de nouvelles troupes dans le centre de l’Asie, et de faire acheter en Amérique des navires de guerre et des munitions. Les ingénieurs
- anglais et des officiers de même nationalité sont dirigés vers l’Afghanistan pour y diriger l’exécution des travaux de défense. Russes et Anglais semblent s’engager dans une voie grosse de complications européennes.
- TURQUIE
- Les populations albanaises des districts de Prisrend et de Kossova se sont révoltées contre les autorités turques. La cause de ce soulèvement est due aux opérations de recensement. Des troupes ont été envoyées sur le théâtre des désordres.
- Le bruit court à Constantinople que la Russie fait des démarches pour pousser les puissances à faire une manifestation commune en faveur des droits souverains du sultan sur l’Egypte. L’Autriche, dit-on, aurait consenti à prêter son appui.
- La Porte a envoyé à Hassan-Fehmi-Pacha des instructions pour agir d’accord avec Musurus-Pacha et faire savoir à Lord Granville que le gouvernement ottoman regardait les répliques de l’Angleterre aux représentations de la T urquie à l’égard de l’Egypte, du Soudan et de i’Italie, comme d’un caractère vavme et contradictoire. La convention douanière conclue entre
- «a
- la Bulgarie et la Roumélie, portant atteinte aux prérogatives du Sultan, ne sera pas sanctionnée par la Porte.
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- LA POLITIQUE et les Programmes Electoraux
- Les comités électoraux et les électeurs soucieux de donner une autorité réelle aux manifestations du suffrage universel agiront prudemment en se hâtant d’élaborer les programmes électoraux.
- Les républicains ne sauraient mettre trop de soin à éviter toute surprise.
- Une préparation hâtive des programmes n’a aucun inconvénient; tandis qu’un escamotage électoral peut livrer la République aux aventuriers politiques.
- Le gouvernement s’abstient de prendre aucun engagement sur l’époque des élections. Il refuse formellement de laisser inscrire dans le nouveau projet de loi électorale une date précise.
- Pendant les mois chauds, au To .km, nos troupes étant forcément condamnées à l’inaction, le gouvernement n’aurait à redouter aucun incident de guerre susceplible de bouleverser l’opinion publique, s’il faisait coïncider les élections avec cette période de repos militaire; cette coïncidence serait éminemment favorable aux manœuvres des agents du gouvernement; les bruits de paix prochaine seraient justifiés en apparence par l’inaction du corps expéditionnaire ; les combinaisons officielles n’auraient pas à redouter les impressions
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- LE DEVOIR
- fâcheuses que pourrait produire la nouvelle d ’un insuccès de nos soldats.
- L’exécution d’un projet semblable exigerait des élections anticipées, conséquemment la dissolution de la Chambre.
- On sait que le président de la République ne prendra pas l'initiative d’une dissolution, à moins de circonstances graves, telles qu’un conflit inso-uble entre la Chambre et le Sénat.
- Cette éventualité n’est pas improbable ; au contraire, elle existe en germe. Si l’on juge d’après les apparences, le gouvernement aurait déjà pris une attitude peu faite pour inspirer confiance.
- Le Sénat a rétabli tous les crédits du budget des cultes, repoussés par la Chambre; il a augmenté de 750,000 fr. un crédit concernant les mesures à prendre contre l’envahissement du phylloxéra.
- Cette augmentation dénote de la part du Sénat une forte dose de rouerie politique. Si la Chambre repousse en bloc les modifications budgétaires introduites parle Sénat, ce dernier, en maintenant ses résolutions, provoque un conflit qui ne peut-être dénoué que par une consultation du suffrage universel. En ce cas, les candidats à la députation agréables au Sénat ne manqueraient pas d’exploiter contre les députés progressistes du midi le rejet du crédit visant le phylloxéra.
- Quoiqu’il en soit, le premier pas vers le conflit a été fait par le Sénat ; et la Chambre a supprimé presque tous les crédits rétablis par le Sénat; même, si elle avait suivi les conseils de M. Jules Roche, elle aurait accentué sa résistance.
- Les journaux officieux font mine de prêcher la conciliation; ces paroles nous semblent moins significatives que l’attitude de M. Jules Roche que l’on sait ne jamais agir dans les circonstances graves sans avoir préalablement pris te mot d’ordre des Ministres.
- De la réserve du gouvernement à ne prendre aucun engagement concernant l’époque des élections, des circonstances créées par l’expédition du Tonkin, des probabilités de conflit entre la Chambre et le Sénat, on peut c n dure qu’il n’est pas inutile de faire appel à la vigilance et au dévouement des partisans de la souveraineté nationale.
- Cette vigilance et ce dévouement .commandent la préparation immédiate des programmes électoraux.
- L’exemple a déjà été donné par les radicaux du département des Vosges, des citoyens qui savent par expérience quel compte on doit tenir des
- intentions manifestées par le président du conseil
- Les radicaux des Vosges ont constitué leur principal comité électoral, et rédigé leur programme que nous reproduisons plus bas tel qu’il a été publié par le Journal le Patriote de l’Est.
- Nous aurions beaucoup de réserves à faire sur ce programme, surtout en ce qui concerne la partie économique ; mais, sachant qu’on ne peut tout obtenir à la fois, nous ferons ressortir uniquement la clause concernant la durée du mandat et le renouvellement partiel.
- Le programme des républicains des Vosges impose aux candidats l’obligation de limiter à trois ans la durée du mandat et d'établir le renouvellement partiel et annuel de la Chambre.
- L’acceptation générale de cette clause par la majorité des comités électoraux serait un acte presque aussi important que la fondation du suffrage universel.
- Le renouvellement partiel annuel des corps élus est le véritable moyen pratique de faire sortir du suffrage universel les réformes que l’on attend depuis si longtemps.
- Sans ce moyen pratique, complété par la liberté de réunion, le suffrage universel peut être comparé à une puissante machine mise à la disposition d’ouvriers incapables de la faire fonctionner.
- A la suite des élections annuelles, il arrivera bientôt que la plupart des circonscriptions électorales se mettront d’accord chaque année sur un point quelconque des programmes. Celte unanimité sera une indication dont les nouveaux élus et les anciens mandataires ne pourront ne pas tenir compte.
- Nos amis comprendront que, quels que soient nos efforts, il serait chimérique de notre par d’espérer faire inscrire dans beaucoup de programmes nos projets de réformes visant la mutualité nationale-
- Nous pensons que tous ceux qui, comme nous, veulent une organisation sociale fondée sur le respect de la vie humaine comprendront que le renouvellement annuel des corps élus nous donnera, chaque année, une occasion inapréciable de fixer l’attention publique sur les réformes que nous préconisons. Sous l’influence de cet examen, il se dégagera bientôt de chaque projet un ensemble de vues communes, suffisamment claires pour amener l’adoption générale et successive de chacune des améliorations réclamées par les électeurs.
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- Mettons nous donc résolument à l’œuvre pou faire prévaloir le renouvellement partiel et annue-de la Chambre. Nous ne serons pas isolés dans cette tentative. Le programme des républicains des Vosges est un fait accompli ; emparons nous de cet exemple, portons le à la connaissance de tous les comités et ne négligeons aucune occasion de le propager.
- Les Journaux le Radical, la France Libre, défendent cette idée ; de nombreux membres des comités parisiens nous ont promis d’en réclamer l’inscription dans les mandats de leurs députés.
- Nous demandons à nos lecteurs de nous faire connaître les efforts qui seront tentés dans leurs circonscriptions en vue de faire adopter la clause du renouvellement partiel et annuel. Il suffira peut-être de quelques bons exemples, comme celui des radicaux des Vosges, pour entraîner les masses électorales vers des voies si fécondes. L’exemple est vivifiant, l’exemple est contagieux ; servons nous de sa puissance pour donner au suffrage universel sa force véritable contenue dans la manifestation permanente de ses volontés.
- PROGRAMME
- DU
- Comité répuplicain démocratique des Yoges
- Dans sa première réunion qui a eu lieu dimanche à Epinal, [eComitérépublicain démocratique des Voges a adopté le programme suivant qui sera d’abord discuté par les électeurs et ensuite soumis aux candidats :
- Ordre national.
- Politique de paix.
- Condamnation des expéditions avantureuses qui compromettent nos relations amicales avec les nations voisines et ne nous laissent pas la libre disposition de toutes nos forces.
- Application rigoureuse du service militaire obligatoire pour tous. Réduction de ce service au minimum possible et à un maximum de trois ans.
- Ordre économique.
- Révision du système fiscal tout entier dans le sens de la suppression des impôts de consommation et de la prépondérance budgétaire d’un impôt sur le revenu ou sur le capital.
- Suppression de tous les privilèges et monopoles.
- Suppression des octrois.
- Admission des syndicats ouvriers dans les travaux publics.
- Création de caisses de retraite pour les travailleurs. Création du crédit aux travailleurs de f industrie et de l’agriculture; invalides.
- Ordre moral.
- Organisation de l’enseignement national gratuit à tous les degrés et développement de l’enseignement professionnel.
- Gratuité de la justice. Suppression de l’inamovibilité. Elec-
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- tion des juges pour les affaires délictueuses et criminelles. Arbitrage pour les affaires d’intérêt. Réforme du Jury dans le sens démocratique. Simplification de la procédure. Séparation des églises et de l’Etat. Liberté de conscience absolue. Laïcisation de tous les services dépendant d’un ministère quelconque (écoles, assistance publique, etc.).
- Suppression du cumul.
- Incompatibilité entre le mandat de député et toute fonction publique élective ou non, ainsi qu’avec les fonctions de membre des Conseils d’administration et de directeur de compagnie in-dustreille ou financière.
- Ordre politique.
- Révision démocratique de la constitution et restitution au suffrage universel de sa souveraineté.
- Suppression du Sénat.
- Liberté de presse, de réunion et d’association.
- Autonomie communale aussi étendue que possible, c’est-à-dire n’ayant d’autres limites que ce qui pourrait amoindrir le principe d’unité nationale.
- Scrutin de liste et renouvellement, par tiers, tous les ans, de l’Assemblée.
- Ordre abministratif.
- Accession exclusive aux fonctions administratives de tous ordres par les concours.
- Responsabilité constante de tous les fonctionnaires, sous la sanction de la juridiction commune.
- Suppression des sous-préfectures.
- Organisation de 1 assistance médicale dans les campagnes.
- Après avoir voté ce programme, la réunion nomma dix-huit membres pour former le Comité d’action. Ce Comité va d’abord préparer nn manifeste qui sera envoyé à tous les électeurs du département et organisera ensuite dans les communes les plus importantes des réunions publiques où les différents points du programme seront discutés.
- Pour la période électorale les électeurs auront ainsi préparé leurs cahiers qui devront être acceptés par les candidats.
- L’Hérédité de l’Etat
- Nous trouvons parmi les adversaires de l’Hérédité de l’Etat un organe que nous n’aurions jamais cru capable d’une hostilité systématique contre ce projet de réforme.
- Le Moniteur des Syndicats ouvriers, se disant l’organe des Chambres syndicales ouvrières de France, a pris prétexte du rapport de M. G. mod sur le projet de la Mutualité nationale proposé par Messieurs Maret, Giard, Laguerre et Revillon, pour attaquer l’idée de l’Hérédité progressive de l’Etat destinée à fournir une partie des ressources de cette fondation.
- La rédaction du Moniteur des Syndicats ouvriers, accumule contre l’Hérédité de l’Etat toutes les préventions et les erreurs _ dont les ignorants entourent les conceptions qu’ils ne comprennent pas.
- Presque tous les progrès ont d’abord été considérés comme choses absurdes et antisociales. La malice* la méchanceté et l’ignorance des hommes,
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- ont rarement épargné les novateurs sincèrement dévoués à l’amélioration du sort des classes laborieuses.
- D’après le Moniteur des Syndicats, 1’Hérédité progressive de l’Etat présente toutes sortes d’inconvénients.
- Résumons les objections du journal ouvrier.
- 1° « Cette panacée serait une conséquence du socialisme d’Etat. »
- 2° « Elle porterait atteinte à l’action individuelle qui ne s’exercerait plus dès que l’individu verrait son existence ainsi assurée. »
- 3° « Les propriétés agricoles et industrielles perdraient immédiatement de 10 à 50 0[0 de leur valeur, parce que leurs possesseurs s’empresseraient de les réaliser en beaux écus sonnants et qui ne seraient pas susceptibles de retenues. »
- 1° Que vaut l’objection tirée du socialisme d’Etat ?
- Des mots et toujours des mots.
- A ce compte est aussi Socialisme d’Etat la loi qui défend à un citoyen de tuer son semblable. Dans le cas qui nous occupe, il s’agit simplement d’empêcher la société elle-même de s’arroger un droit qu’elle a usurpé et qu’elle ne peut avoir, celui de tolérer des institutions homicides. La société fait du socialisme d’Etat, dans le mauvais sens du mot, lorsqu’elle laisse livré sans compensation les citoyens pauvres à toutes les fluctuations et tous les chômages du salariat. Etablir une barrière infranchissable aux pires conséquences du salariat est une sage précaution que devraient accueillir avec empressement les ouvriers conscients.
- On nous dira peut-être que ce n’est pas l’idée de Mutualité que visent les critiques du journal en Question, mais le moyen proposé dans le but delà pourvoir.
- Nous ne pensons pas que l’on puisse établir une si grande institution sans des ressources importantes, et nous sommes certain qu’il n’y a aucun moyen plus pratique que celui qui consiste à prendre ces ressources là où elles se trouvent, en ne les réclamant qu’après la mort de ceux qui les ont accumulées, sous réserve de ne pas dépasser un quantum rationnel.
- 2° Quelle singulière idée de supposer que l’initiative individuelle est subordonnée à la crainte de la mort de misère.
- Il est vrai que l’on cite des cas de grandes inventions découvertes par des malheureux. Il ne serait pas difficile de prouver que la plupart de ces inventeurs étaient misérables parce qu’ils étaient inventeurs, et non inventeurs parce qu’ils étaient misérables.
- Mais la deuxième proposition étant plus convenable pour justifier une morale favorable à la conservation des privilèges, de sinistres farceurs ont suffisamment barbouillé de papier et répandu d’encre et de salive pour la vulgariser parmi les victimes mêmes de cet empirisme.
- Les argument ' du Moniteur des Syndicats sont évidemment un produit de cette fausse éducation.
- Il faut avoir une bien triste opinion de l’humanité pour s’imaginer que les hommes, d’action n’ont d’autre propulseur que l’affreuse misère !
- 3* La troisième objection est simplement d’une naïveté qui ne permet pas d’accuser le mauvais vouloir de ceux qui l’ont formulée. Elle peut se
- traduire ainsi : Ah, vous voulez intervenir, après la mort des citoyens, dans leurs su cessions,pour une part variant de 10 à 50 OjO ! Eh bien, les propriétaires et les industriels vendront immédiatement leurs terrains et leurs usines à un prix de 10 et de 50 0x0 au-dessous de la valeur actuelle.
- Gribouille se jetait à l’eau pour éviter d’être mouillé, parce qu’il était Gribouille. Mais nous ne faisons pas l’injure aux industriels et aux commerçants de les supposer capables d’amoindrir au plus tôt leurs fortunes de 10 à 50 0[0 pour éviter qu’on fasse après leur mort un prélèvement égal, surtout lorsque l’Hérédité de l’Etat les dispenserait de toutes sortes d’impôts pendant leur vie.
- Le Moniteur des Syndicats considère l’Hérédité de l’Etat comme une élévation des droits de mutation. Les rédacteurs ne comprennent pas que l’Etat interviendrait comme un simple héritier, avec les mêmes droits, n’ayant aucune autre action, que tout autre héritier qui serait à sa place.
- Mais nous avons lu fréquemment, dans le Moniteur des Syndicats ou dans d’autres organes de même nuance,des reproches adressés aux familles des classes aisées concernant leur malthusianisme. L’Hérédité de l’Etat établirait dans chaque cas une situation correspondant exactement à ce qui arriverait si les familles riches, obéissant aux excellents conseils de ceux q ii réclament l’augmentation de la population, élevaient chacune un enfant en plus ; et cette portion d’héritage serait celle des déshérités. Nous ne voyons en cela rien de subservif ; il nous semble au contraire que ce projet devrait-être considéré comme une mesure tutélaire par les ouvriers syndiqués et non syndiqués.
- Ttdles sont les banales objections que fait au projet de loi le Moniteur des Syndicats ouvriers.
- Singulière déception pour nous. Ce journal reçoit le Devoir, il doit connaître les réponses que nous avons faites à ces objections.
- Si les rédacteurs du journal des Syndicats avaient étudié sérieusement. l’Hérédité de l’Etat, ils reconnaîtraient qu’il serait difficile de présenter une réforme plus progressiste et plus conforme aux besoins des classes ouvrières. S’il en était autrement, nous serions tenté de considérer le titre du journal ouvrier comme mensonger, comme une fausse enseigne. On ne pourrait en effet s’intituler le Moniteur des Syndicats ouvriers, se dire une oeuvre ouvrière, et se confiner en même temps dans une opposition aussi ignorante et aussi peu de bonne foi.
- Le Moniteur des Syndicats ouvriers pense-t-il qu’il n’y a rien à faire en faveur des classes laborieuses, que tout est pour le mieux? Nous étions porté à croire que le rôle de ce journal consistait à rechercher les réformes propres à concilier les intérêts des travailleurs et des capitalistes, en remédiant aux abus du capital et de la propriété, et en assurant aux travailleurs, par de sages réformes, la réalité de leurs droits.
- Vouloir maintenir les classes laborieuses dans l’état de servage intellectuel produit par la fausse éducation dont nous avons parlé plus haut serait l’oeuvre d’un endormeur. Il nous semble que le titre de Moniteur des Syndicats ouvriers commande une autre attitude.
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- LE DEVOIR
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- Le meeting ouvrier
- Franco - Anglais
- Le comité de la ligue de la Paix nous envoie la communication suivante destinée à compléter le compte rendu de la conférence anglo-française, que nous avons pnbliè dans le précédent numéro du Devoir.
- Il ne faut pas croire que les anarchistes aient triomphé des amis delà Paix, en retardant le 22 Février dernier l’adoption des résolutions préparées de concert entre les délégués anglais et les organisateurs du Meeting au Tivoli-Vauxall. Déjà le 27 Février, cinq jours après le Meeting, les représentants des diverses sociétés de la paix qui avaient siégé sur l’estrade du Tivoli-Vauxhall, s’étaient réunis dans le but de donner suite aux résolutions préparées pour le 22 Février. Samedi dernier,? courant,une seconde réunion s’est tenue à la salle des deux-Pavibons, 5 rue des Petits Champs. L’assistance était nombreuse, il y avait beaucoup de dames. Le citoyen Hippolyte Destrem présidait. Le secrétaire, le citoyen A. Desmoulins a lu le procès verbal de la réunion du 27 Février, qui rappelle la protestation énergique faite à l’unanimité par cette réunion sur la proposition du citoyen Desmoulins, contre la décision par laquelle M. Waldeck-Rousseau expulse trois socialistes allemands. Il propose à tous les membres présents de s’associer à cette protestation, qui sera un acte de véritable patriotisme, car il ne faut pas oublier que c’est sur l’ordre de M. de Bismarck que se fait cette expulsion, qui atteint les représentants d’un grand parti, lequel s’est montré l’ami de la France révolutionnaire, et s’est levé, en 1871, contre l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine avec une énergie telle que les chefs du mouvement ont payé de leur liberté leur attachement à la justice internationale.
- Le citoyen président rappelle la résolution votée au Tivoli-Vauxhall, ainsi conçue ;
- « Les travailleurs français, réunis aujourd’hui 22 Février dans la salle du Tivoli-Vauxhall, protestent énergiquement contre toute politique de guerre et de conquête, reçoivent avec la plus vive satisfaction l’adresse des travailleurs anglais, amis de la Paix, qui leur est communiquée par la délégation, et par le président de l’asociation, le citoyen Thomas Burt, membre du parlement.
- Ils partagent les sentiments qui y sont exprimés. Ils souhaitent du fond du cœur la bienvenue à leurs frères anglais et leur donnent l’assurance que les ouvriers français feront tous leurs efforts pour resserrer les liens d’amitié entre les travailleurs de toutes les nations.
- Le citoyen Destrem ajoute qu’il importe que les deux résolutions supplémentaires soient portées devant le public. En conséquence il les soumet à la réunion. Voici la teneur de la deuxième résolution :
- « La réunion engage les électeurs des classes laborieuses des diverses nations de l’Europe à exclure des Chambres représentatives tout candidat qui, aux divers titres de militai-res> de spéculateurs financiers, ou de fonctionnaires officiels
- seraient intéressés à provoquer une politique agressive ; elle les invite à ne donner leur voix qu’à des hommes qui prendront l’engagement formel de soutenir une politique de paix, car les travailleurs de tous des pays n’ont qu’un seul et même intérêt, le travail et la paix. »
- Après une courte discussion,l’assemblée adopte à l’unanimité cette seconde résolution.
- La troisième résolution est ainsi formulée :
- « Le meeting désigne un comité permanent qui aura pour mission de propager en France l’adresse des ouvriers anglais amis delà paix, et de préparer, pour le printemps prochain, le voyage à Londres d’un certain nombre d’ouvriers français^ chargés de rendre à nos frères anglais leur visite, et de porter à tous les travailleurs du Royaume-Uni le témoignage des sentiments fraternels qui unissent tous les travailleurs du monde. »
- L’assemblée vote à l’unanimité cette résolution.
- En conséquense, le comité permanent sera formé de membres appartenant aux diverses sociétés de la paix.
- Avant de se séparer, les personnes présentes signent la pétition formulée par le citoyen Godin de Guise en faveur de l’arbitrage et du désarmement.
- Une réunion nouvelle aura lieu prochainement pour poursuivre l’œuvre internationale.
- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen
- Var. Vinon.— Fouque Daniel, cultivateur ; Hours, boulanger ; Maillet François, bûcheron ; Artaud Lucien, meunier; Perdigon Fortuné, cultivateur; Pellas Romain, Cultivateur; Tassi Marcellin,cultivateur ; Lazarin Maurice,cultivateur ; Philibert Célestin, cultivateur ; Coulomb Antoine, cultivateur ; Mauras Damase, cultivateur ; Reyneaud Félix, cultivateur; Bouffier Jean, cultivateur; Tassy Joseph, cultivateur ; Roux Victor, cultivateur ; Aubert Joseph, cultivateur ; Serre Pierre, maréchal; Hours Siméon, cultivateur; Rome Joseph, meunier ; Gras Joseph, propriétaire ; Mégis Auguste, cultivateur; Serre Prosper, maréchal-ferrant; Pons Joseph, cultivateur ; Guis Joseph, cultivateur ; Pellas Henri, cultivateur ; Philibert Laurent, cultivateur; Francoul Antoine, cultivateur ; Martin Julien, propriétaire ; Maurros, cultivateur ; Robert Pierre, cultivateur; Coquillat Emile, voiturier ; Guis Julien, propriétaire ; Verne Marius, épicier ; Aubert Antoine, cultivateur ; Mégis Joseph, cultivateur; Burles Louis, cultivateur; Philibert Casimir, cultivateur ; Aubert Auguste, cultivateur ; Mathieu Joseph, cultivateur; Constantin Joseph, cultivateur; Baillet Baptistin, cultivateur ; Jouven Maximin, cultivateur ; Reynier Benoit, cultivateur; Roux Marius, berger; Arbaud Siméon, cultivateur ; David Joseph, bûcheron ; Artaud Pierre, cultivateur; Perdigon Célestin, cultivateur ; Philibert Sébastien, cukiv.ateur ; Serre Victor, maréchal-ferrant ; ReînoT Auguste, bûcheron ; Michel Antoine, voiturier ; Damiens Constantin, boulanger ; Saille Bantistin, cultivateur; Gauthier Henri, cultivateur; Chéglan César, cultivateur; Mourras, cultivateur; Pellas, cultivateur; Gouin Ferdinand, cultivateur.
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- Haute Vienne. Thiat. - - Desbrousses Sylvain ; Labarre Pierre ; Rabette Mathieu ; Prot René ; Lussat Mathieu ; Lussat Louis ; Maimin Nicolas; De-brousses ; Herbert, conseiller municipal et ancien maire ; Dcsbrousses Pierre ; Rouzat Eugène ; Giraud ; Dupuydoby ; Bauchage Clément ; Neveu Nicolas ; Lavergne ; Gailledrat Jules ; Desbrousses Louis ; Trichard Pierre ; Larant François ; Maisonnier Jean ; Bonnet ; Rousseau ; Desbrousses Pierre, maire; Bontet fils; Devaud, S. ; Devillard François ; Escande Jean, pasteur protestant ; Soirat ; Mallet ; Lemaire, instituteur protestant ; Gailledrat Jean ; Roy Pierre ; Baudet,
- Aisne. Guise. — Sarrazin Jules Ernest.
- Chigny. — Sarrazin, propriétaire ; Leloup Léon; Waret Engène, vannier; Hiet Apollinaire, menuisier.
- Corse. Ile-Rousse. — Mesdames Degovianni Antoinette, ménagère ; Ve Hert, ménagère; Rossi Louise; MM. Padovani Louis ; Riesi Arlando, patron pêcheur ; Padovan Dominique ; Crocé Lazare ; Artuoni Philippe ; Degovianni Edouard, propriétaire ; Bertoni Gervais ; Cruciani Joseph ; Manouelli Charles.
- Roumanie. — Craiova Silberling, ingénieur, alsacien victime de la guerre.
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- Echanges
- Le Devoir offre ses remerciements aux journaux dont la liste suit .
- Le Droit des femmes, le Rippel, la. Revue spirite, le Messager, la Critique philosophique, le Courrier le l’Aisne, Central coopérative Board, le Guetteur de St-Quentin, la Société contre l’abus du tabac. L’Arbitrator, Prenological journal, la Revue du mouvement social, les Etats-Unis d’Europe, il Secolo, le Nord de la Thiérache, the Medium and Daybreak, la Société d’études pour la participation dans les bénéfices, le Globe, l’École revue de l’instruction primaire, Women’s suffrage journal, l’Electeur Libre, la Lumière, le Moniteur des Syndicats, l’Astronomie populaire, le Bulletin des Basses-Pyrénées,Lumière et Liberté, le Spiritisme, the Women’ s union journal, le Mont-Atlas, el Tempo, El Criterio espiritista, la Revista de estu-dios psicologicos, The Hérald of Peace and international, le Prolétariat, la Tribune, le Travailleur, le Progrès de la Hte-Marne, le Patriote de l’Est, la Voix de l’ouvrier, l’Ami des Travailleurs, le Drapeau national, le Bulletin municipal de la ville de Paris,le Réveil républicain, le Thouarçais, le Carougeois, la Gazette populaire, International arbitration and peace association, the Peace Maher, l’Europe, le Courrier des Etats-Unis, le Radical, la République radicale, Sozial Démocrat.
- MAITRE PIERRE
- Par* Edmond ABOUT (Suite.)
- III
- LES LANDES.
- Cette dissertation nous avait conduits jusqu’à l’entrée des marais. Maître Pierre détacha un joli bateau bien construit, marchant à la rame et à la voile, et portant à Carrière un nom de bon augure : l’Avenir. Mariaette prit le gouvernail et me fit asseoir à son côté, tandis que maître Pierre, debout à Pavant, nous poussait à grands coups de gaffe entre les rives étroites du chenal. On voyait à droite et à gauche,parmi les ajoncs et les roseaux, une vingtaine de vaches blanches et rousses, plongées dans la vase jusqu’aux genoux, et ensanglantées çà et là par la piqûre des sangsues.
- Au bout d’un quart d’heure, le chenal déboucha dans l’étang de La Canau, et je vis un spectacle dont je me souviendrai toute ma vie.
- Nous étions bien loin des plates horreurs que maître Pierre m’avait décrites. Sous le beau soleil du matin, s’étendait une vaste nappe d’eau bleue, transparente jusque dans ses profondeurs. Les rives de l’étang s’élevaient en amphithéâtre. Les vieilles forêts de pin habillaient de noir la masse énorme des dunes, Quelques montagnes de sable nu imitaient ces sommets couverts de neige qui dominent les Alpes et les Pyrénées. Nous avions changé de place ; j’étais étendu à Pavant ; maître Pierre et Marinette, assis côte à côte, se tenaient à l'arrière. La voile s’était déployée, et la gaffe reposait le long du bord avec les avirons et les échasses. Une petite brise nous promenait doucement au pied des bois déserts. Nul bruit de voix, nulle trace de culture, nul travail des hommes ne me rappelait que j’étais en pays civilisé, à quelques heures de Tortoni. On ne voyait que le vol effarouché des sarcelles ; on n’entendait que la dent desécureuils qui croquaient les pommes de pin, ou le bec du pivert frappant à coups redoublés le roue vermoulu des grands arbres. Le costume de mes compagnons, leur attitude et leur silence étaient en harmonie avec le paysage : maître Pierre portait sur ses épaules une peau de mouton hérissée en dehors ; deux longues guêtres de même étoffe descendaient sur ses pieds nus. H tenait l’écoute d’une main, la barre de l’autre, et il allait de Pavant, sérieux comme un sauvage, sans abaisser le regard vers Marinette qui lui souriait tristement, comme une Indienne douce et résignée. La jeune fille était vêtue de gros drap noir. Sa jupe laissait voir un pantalon serré sous
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- LE DEVOIR
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- es genoux et des guêtres de cuir lacées. Son petit pied reposait dans un gros sabot rond, comme un enfant dans un berceau.
- J’hésitai quelque temps à rompre le silence, mais je rencontrai les yeux de maître Pierre qui semblaient m’interroger, et je lui dis à brûle pourpoint : « Que chantiez-vous donc tout à l’heure ? Vous avez calomnié votre royaume. Vous me promettez des pays affreux, et vous m’en mon-rez de magnifiques ! »
- Il m’examina d’un regard inquiet pour voir si je ne me moquais point. La défiance du paysan luisait dans ses yeux noirs. Je repris sérieusement : « Mon nouvel ami,j’ai vu de beaux pays en ma vie, et je m’en rappelle bien peu qui m’aient fait autant de plaisir. »
- Lorsqu’il vit que j’étais de bonne foi, sa figure s’illumina, ses narines se dilatèrent et il huma voluptueusement es parfums sauvages de la solitude. « Qui, dit-il, c’est une bede terre et je l’ai bien aimée. Les montagnes qui marchent sur les villages, les étangs qui rampent dans la plaine, les sables mouvants où l’on se noie, le vent salé de l’Océan qu’on respire à pleine goulée, les grands pins qui tombent de vieillesse et de pourriture, la tête dans l’eau, les racines en l’air, ont été mes meilleurs compagnons et mes plus chers amis. La Lande a ses beautés aussi, mais tout le monde ne peut pas les comprendre. En hiver, quand tout nage dans l’eau, on voit les nuages blancs et gris se mirer dans les champs comme des demoiselles dans leur miroir. En été, quand tout brûle, on voit l’air onduler sur la campagne en petites vagues minces et transparentes. Les yeux sont comme ivres de jour ; il semble que tout se mette à tourner autour de vous, et au milieu de la plaine déserte on voit croître des châteaux, des jardins et des lacs immenses. Et puis on est grand, ona quinze pieds de haut, on cueille des fleurs sur les toits des maisons; on s’arrête au milieu du chemin comme un géant, tandis que le troupeau défile entre vos jambes. Et lâchasse, monsieur ! On dit que les rois ont de beaux parcs où le gibier complaisant vient se poser en ligne au bout d’un fusil. Eh bien, je les défie tous de se procurer des récréations plus royales que les miennes. Mais c’est de l’histoire ancienne : je ne suis plus cet homme-là. Il y a quinze ans, je n’étais qu’un bambin, et pourtant si j’avais vu les défricheurs venir ici pour arracher mes ajoncs et mes bruyères, je me serais mis en travers. C’est comme si l’on venait maintenant arracher un cheveu à Marinette ! »
- Marinette le remercia des yeux ; il fit une moue singulière et détourna la tête avec un geste boudeur.
- (( Monsieur, me dit-il, est-ce qu’on vous a raconté mon histoire ?
- Non, mais on m’a donné grande envie de la savoir.
- —Ils vous ont bien dit que j’étais enfant trouvé ? C’est
- drôle, n’est-ce pas, pour un roi ? Eh bien, oui, monsieur f on m’a ramassé, à terre, par une belle pluie de janvier, e n l’an de froidure 1825. C’est une chose qui n’arrive pas souvent dans ces pays-ci, parce que lesfilles aiment mieux nourrir leurs enfants que de les jeter dans la rue. Notre Jeunesse ne vit pas mieux qu’ailleurs ; elle vit même un peu plus mal, car l’instruction manque et les bons conseils aussi. Les filles sont farouches avec les étrangers et poin avec les gens du village. Un monsieur de Bordeaux qu viendrait leur conter des douceurs ouleur offrir des boucles d’oreilles se ferait reconduire à grands coups d’échasses. Mais quand on est ensemble du matin au soir, filles et garçons, perdus dans la Lande, loin des parents et de tout, au milieu du ménage des brebis, vous pouvez croire qu’on en sait long, et les malheurs sont vite arrivés. Je n’ai jamais su par quelle nécessité mapauvre mère m’a jeté là à la porte de M. Blaquière, le médecin de la commune de Bulos. À coup sûr, elle ne voulait pas ma mort, puisqu’elle me mettait sous la protection d’un docteur et d’un brave homme ; et pourtant je l’ai échappé belle. Qnand la servante du docteur ouvrit la porte, elle trouva un marmot gros comme deux sous de pain, transi jusqu’aux os, rouge comme une écrevisse, et qui aurait claqué des dents, s’il en avait eu. Elle me porta dans la maison, sans savoir qu’elle tenait dans son tablier la fortune des Landes et tout l’avenir de nos pays. Le docteur aurait pu m’envoyer à l’hos-ce : il était jeune, nouveau venu dans la commune, il gagnait bien juste pour nourrir sa servante et son cheval. Cependant il fit la dépense d’unechèvre, et je devins grand et fort en tétant ce lait sauvage et capricieux. Du plus loin qu’il me souvienne, je me vois cabriolant dans les bruyères avec ma nourrice et deux jeunes boucs, mes frères de lait.
- « J’avais quatre ans et demi quand M. Blaquière partit de Bulos pour se marier en Espagne. Vous devinez bien que je ne fus pas compris dans ses bagages, un ourson comme moi n’était pas un cadeau de noce à porter à une jeune femme. Mais avant de s’en aller, il voulut pour voir à mon sort. Il me fit mettre mes plus beaux habits et me con duisit chez un propriétaire de la commune qu’on appelait le Sergent. Je me rappelle tous les détails de cette visite, parce que c’est la première fois que j’entendis deux hommes se quereller. Le sergent agitait son bras de droite et donnait de grands coups de poing sur la table : quant au bras gauche, il l’avait laissé dans les Pyrénées en 1823. Le docteur, homme doux et pacifique, criait pourtant duhau* de sa tète.
- « Je n’en ferai rien ! disait le sergent.
- « — Vous le devez, répondait le docteur.
- « — Mêlez-vous de vos affaires !
- o — Commencez par réparer vos fautes ! »
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- LE DEVOIR
- « Le sergent cria plusieurs fois : « La recherche de la « paternité ! la recherche de la paternité ! » Au milieu de la dispute, le docteur, qui s’était fort échauffé, me jeta sur les genoux du sergent en disant : « C’est tout votre portrait. » Ce mot de portrait m’intrigua beaucoup, parce que j’avais vu chez M. Blaquière cinq ou six cadres renfermant des batailles, des arbres et des figures, et la servante m’avait appris que cela s’appelait des portraits. Finalement, le sergent se leva et dit : «J’enferai un berger. » Je n’entendis pas bien ce que le docteur lui répondait. Il parla assez longtemps d’un ton moins sévère, puis il m’embrassa sur les deux joues et sortit. Le sergent le reconduisit jusqu’à la porte, et je l’entendis répéter à plusieurs reprises : « Un berger ! rien qu’un berger ! » Lorsqu’il revint vers moi, je me jetai dans ses jambes et je lui distribuai une grêle de coups de pied. C’était mon père.
- (A Suivre).
- État-civil du Familistère
- du 18 Février au 8 Mars 1885.
- Naissances :
- Le 16 février, de Legrand Eugénie-Mathilde, fille de Legrand Achille et de Ducherain Clémence.
- Le 18 février, de Lemaire Auguste-Paul, fils de Lemaire Louis et de Lebon Sophie.
- Le 22 février, de Holot Louise-Blanche, fille de Holot Louis et de Lamant Blanche.
- Le 24 février, de Vaudois Émile-Constant, fils de Vaudois Émile et de Dagnicourt Rosalie.
- Le 23 février, de Roger Adèle-Aurélie, fille de Roger Ernest et de Lebègue Marie.
- Le 26 février, de Favéreaux Léa, fille de Favéreaux Antoni et de Hazard Léonie.
- Le 27 février, de Magnier Alice-Louise, fille de Magnier Louis et de Ribeau Marie.
- Le Ier mars, de Tardier Victor-Jules-François, fils de Tardier Jules et de Bray Louise.
- Le 3 mars, de Lardier Charles, fils de Lardier Prosper et de Langlois Léonie.
- Le 4 mars, de Bernardot René-Georges, fils de Bernardot François et de Morisseau Angélina.
- Décès :
- Le 8 mars, de Dutailly Mélanie, âgée de 11 mois.
- L’Astronomie, Revue mensuelle d’Astronomie populaire, de Météorologie et de Physique du globe, par M. Camille Flammarion.— N° de Mars 1885. — Les tremblements de terre, par M. G. Flammarion. — Nouvelles observa-vations sur Jupiter, par M. W.-F. Denning, astronome à Bristol. — Mouvement propre d’une étoile de 11e grandeur. — Etude océanographique, par le colonel j H. Mathiesen. — Nouvelles de la Science. Variétés : 4
- Six trombes marines observeés dans l’espace d’une demi-heure Halo et parhélie observés à Orléans. — Observations astronomiques, par M, E. Vimont. — Ce N° contient 18 figures.— (gauthier-Villars, quai des Augustins, 55, Paris.)
- Le numéro de février de la Revue du Mouvement social contient un curieux article d’un homme qui fit beau-de bruit, il y a quarante ans, Victor Considérant, le chef de l’école fouriériste. M. Considérant est resté l’écrivain vigoureux d’autrefois; il est toujours phalanstérien, bien qu’il ai évolué en suivant le développement de la science et de la philosophie. Le siège de la Revue du Mouvement social, organe de la nouvelle école fouriériste, est rue Hautefeuille, 1 bis.
- VIENT DE PARAITRE
- LA QUESTION SOCIALE, revue des idées socialistes et du mouvement révolutionnaire des deux mondes.
- (Mensuelle.)
- Sommaire du Troisième Numéro :
- Collectivisme ou Communisme, P. Argyriadès. — Une Légende à détruire ( suite et fin ), G. Lefrançais. — La Crise, Eugène Pottier. — Mariage et Prostitution, Lucien Victor Meunier.— Patrie-Patriotisme, Gaillard fils. — Le Brigandage en Italie, Gasparone. — De l’anarchie, Gardrat.— Caméléons politiques : III. Félix Pyat, Gaillard fils. — Anniversaire du 18 mars, G. F. — Mouvement socialiste révolutionnaire des deux mondes : Macédoine ; Funérailles de Jules Vallès , Etats-Unis ; Indes Néerlandaises ; Espagne ; etc. — Bibliographie ;
- On s’abonne sans frais à la Question Sociale dans tous les bureaux de poste. 3 fr. par an.
- Administration de la Revue : 52, rue Monge, Paris.
- On y trouve en vente tous les livres socialistes.
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- S’adresser à l’Economat du Familistère de Guise (Aisne).
- Le Directeur-Gérant : GGDIN
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- 9* Année, Tome 9. - N* 341 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 22 Mars 1885
- LE DEVOIE
- REVUE DES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU
- à GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par l’envoi, soit an bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
- Un an ... 10 Ir. ïï
- Union postale Un an. . . . llfr. »»
- M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- Six mois. . . C ï» Trois mois. . 3 »»
- Antres pays
- Un an. . . . 13 fr. 60
- ON S’ABONNE
- A PARIS
- S, rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE daministrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Le renouvellement partiel et la représentation proportionnelle. — L’article 755. — Le Familistère et la Presse étrangère. — Le Pain cher.
- — Les tortures anglaises. — Les prochaines élections et le progrès social. — Aphorismes et préceptes sociaux. — Faits politiques et sociaux de la semaine. — L’impôt sur le revenu et l'hérédité de l’État. — L’effectif des marines marchandes. — La police en France. — Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen. — Bibliothèque du Familistère.
- — Maître Pierre.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
- Le renouvellement partiel et la représentation proportionnelle
- La presse s’occupe depuis quelque temps des moyens de remédier au grave inconvénient de la majorité absolue dans les élections ; inconvénient qui consiste en ce que 51 électeurs sur 400 privent les 49 autres du droit à la représentation. Cette pratique est arbitraire et antidémocratique parce qu’elle est oppressive des minorités.
- Nous avons depuis longtemps fait des efforts pour mettre en évidence l’état d'imperfection dans lequel se trouve l’organisation du suffrage universel, les abus et la démoralisation politique qui en sont la conséquence.
- Les remèdes proposés par le Devoir se résument de la façon suivante :
- Renouvellement partiel et annuel des Chambres et de tous les conseils élus ;
- Représentation proportionnelle des opinions.
- L’idée de la représentation proportionnelle a déjà donné lieu à diverses théories qui, pour avoir négligé deux conditions essentielles à l’usage démocratique du suffrage universel, sont fautives par la base. Ces deux conditions sont :
- La liberté de l’électeur dans le choix de ses candidats partout la nation ;
- La liberté permanente du concert et de l’entente électorale.
- Le scrutin d’arrondissement et le scrutin de liste départementale enlèvent à l’électeur ces
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- libertés. L'électeur qui n’est pas absolument libre dans son choix n’est pas un membre sérieux du souverain. Quoiqu’on fasse il ne peut y avoir pour les assemblées législatives de représentation ni vraie ni proportionnelle avec les systèmes de votation par liste départementale ; toujours des listes s’imposent par les comités électoraux ; c’est un déguisement de l’élection à plusieurs degrés, déguisement imposé par,une minorité imperceptible.
- Gomme théorie de répartition proportionnelle, M. Maujan suppose dans la France libre trois partis politiques en présence : des radicaux, des opportunistes et des réactionnaires ; mais la France, mais le suffrage universel ne se confond pas dans trois nuances éphémères de l’opinion présente.
- Le suffrage universel estl’aspiration permanente du peuple vers le progrès social, aspiration qui se manifeste d’abord chez les minorités.
- Faibles, d’abord, les minorités ne peuvent se faire place qu’à force de lutte et de patience, souvent même à l’aide de la force et de la violence ! Le perfectionnement de notre système électoral devrait surtout avoir pour objet de nous soustraire à de nouvelles perspectives de cette nature, et de pacifier les partis en accordant aux minorités l’usage de leurs droits politiques et sociaux, au lieu de les soumettre à l’écrasement des majorités.
- Or, je le répète, le scrutin de liste départementale ne peut atteindre ce résultat.
- Quoi qu’on fasse pour donner aux minorités un semblant de satisfaction, on laissera toujours les plus intéressantes sous le coup de l’ostracisme.
- Ne sait-on pas combien les opinions les plus saines et les meilleures ont de peine à faire leur entrée dans le monde ! Combien elles ont eu de proscrits et de martyrs avant d’être adoptées 1 Le suffrage universel, démocratiquement appliqué, conjurerait ces dangers pour l’avenir.
- Si l’on y fait attention on verra, d’un autre côté, que les minorités ont d’autant plus de tendance à l’union qu’elles sont plus faibles. Supposons, par exemple, une opinion ou un intérêt ayant 200.000 électeurs disséminés par toute la France, ce n’est pas deux mille électeurs par département; avec le scrutin de circonscription ou le scrutin de liste départementale, ces deux cent mille électeurs sont impuissants à faire passer un seul député.
- Au contraire, rwr la possibilité do l’entente
- dans une élection générale, ils peuvent adopter une même liste et porter leurs 200.000 voix sur douze candidats de leur choix ; de sorte que cette minorité infime et complètement impuissante devient, par le bulletin de liste nationale, une minorité intéressante.
- Nul autre mode ne donne semblable satisfaction à la représentation proportionnelle ; tous les moyens proposés jusqu’ici ont l’inconvénient de ne pas laissera l’électeur la liberté de son choix, de lui imposer une liste dans laquelle les candidats sont plus ou moins en désaccord avec ses opinions ou ses intérêts ; il n’en est plus ainsi lorsque la liberté du concert et de l’entente électorale s’étend à toute la nation.
- Donc, ne nous attardons pas à de vains palliatifs de prétendue représentation proportionnelle ; reconnaissons que le régime parlementaire actuel est à bout, qu’il a besoin d’une transformation complète,laquelle ne s’opérera que par l’affranchissement du suffrage universel.
- Cet affranchissement serait un élément considérable de pacification ; faute de l’adopter, les classes dirigeantes précipiteront les catastrophes.
- A quoi donc se réduiraient les mesures assurant l’émancipation du suffrage universel, lui permettant d’exercer réellement la souveraineté? le voici :
- 1° Tous les corps élus soumis annuellement au suffrage des citoyens, soit par moitié, soit par tiers ;
- 2° Le bulletin de liste de 12 noms adopté pour toutes les élections, soit de la chambre des députés, des conseils généraux, ou des conseils municipaux ;
- 3° Liberté pour l’électeur de porter sur son bulletin les douze noms qu’il préfère ;
- 4° Vote à la commune pour toutes les élections.
- Le bulletin de liste est communal pour l’élection des conseils municipaux ;
- Le bulletin de liste est départemental pour l’élection des conseils généraux ;
- Le bulletin de liste est national pour l’élection des députés ;
- 5° Après dépouillement du scrutin, proclamation à titre d’élus de ceux qui ont obtenu le plus de voix jusqu’à concurrence du nombre de députés ou de conseillers à élire.
- Au moyen de ces franchises, de cette réforme si claire et si simple, la corruption politique qui gansrrène la France disoaraîtrait rapidement sous
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- l’influence des élections annuelles, et toutes Es opinions comme tous les intérêts seraient représentés dans leur proportionnalité.
- Quant aux procédés de dépouillement et de recensement, j’ai démontré, dans le Rappel du 10 février dernier et dans le Devoir du 15 du même mois, avec quelle simplicité et quelle praticabilité ils peuvent s’effectuer.
- L’article 755
- « Il faut avoir les yeux ouverts aux commencements ; car, comme lors en sa petitesse on n’en descouvre pas le danger, quand il s’est atcreu on n’en découvre pas le remède. » Ce souvenir de Montaigne est venu tout naturellement à l’esprit de la Gazette des Tribunaux, en lisant le projet de loi ayant pour objet la protection des enfants abandonnés, délaissés ou maltraités. Ce projet ne tend, en effet, à rien moins, si nous en croyons le numéro 1 7992 de la docte Gazette, qu’à la destruction de la famille et à la ruine de la société.
- Voici comment. Pour recueillir ces malheureux petits êtres, victimes de la brutalité ou de l’indignité de leurs parents, pour les soustraire à la contagion des mauvais conseils et des mauvais exemples, pour les élever, pour les nourrir, pour les instruire, leur apprendre un état, les mettre à môme de gagner honorablement leur vie, il faut de l’argent, et aux dispositions législatives, la commission a jugé bon d’annexer des disposition s financières. L’article 47 institue une caisse de dotation qui, entre autres sources de revenus, s’alimentera du produit des successions en déshérence dans les termes des articles 755 et 768 du Code civil, modifiés ainsi qu’il suit :
- « Article 755. — Les parents au-delà du 6e degré ne succèdent pas ; à défaut de parents au degré successible dans une ligne, les parents de l’autre ligne succèdent pour le tout. »
- * Article 768.— A défaut du conjoint survivant, la succession est acquise à rEtat, avec affectation spéciale à la caisse de dotation pour les enfants abandonnés, délaissés ou mal-raités. »
- Toute la différence entre l’article 755 actuel et l’article 755 avenir, est en ce point: à l’heure qu’il est, les parents au-delà du douzième degré ne succèdent pas ; le projet dit au-tdelà du sixième degré.
- 11 n’en faut pas plus pour que la Gazette crie au socialisme, au collectivisme, à la spoliation. La Gazette n’oublie qu’une chose, c’est qu’il existe un certain acte de la vie civile appelé testament et par lequel le Français majeur, et môme dans certains cas le mineur, peut disposer de sa fortune au profit de qui bon lui semble, sauf certaines exceptions prévues par la
- ; je puis tester en faveur d’un ami, à plus forte raison en faveur d’un cousin issu de germains. L’article 755 modifié Rapporte aucune restriction à l’expression de mes volontés dernières, seulement il me prévient que,si je néglige de faire connaître ces volontés, mon bien ira grossir la caisse des enfants mora^ment abandonnés.
- ^ans cela où est le mal ? Si j’éprouve pour lespetits-en* ants de mon grand-oncle ou de ma grand’tante un sentiment affection quelconque, rien de plus simple que d’aller chez un
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- notaire, de le prier d’enregistrer en bonne et due forme mes intentions ; je n’ai même pas besoin de me déranger, je n’ai ffu’à prendre une feuille de papier, à signer, dater, cacheter. Si, au contraire, comme il arrive dans tant de cas, j’ai perdu absolument de vue ce qui subsiste de ma famille, si je n’ai que des parents éloignés n’est-il pas naturel et légitime que ma fortuno revienne à cette grande famille qui est l’Etat, surtout si elle doit servir à soulager des misères et à transformer des vagabonds en citoyens?
- Encore une fois, l’article 755, non plus que la loi sur le divorce, ne contraint personne. Il ne vous prend pas en traître. C’est une mesure de haute solidarité sociale qui ne viole pas un seul droit et ne porte pas atteinte à une seule liberté.
- {Rappel) FRÉDÉRIC MONTARGIS.'
- Le Familistère et la presse étrangère
- Depuis trois ou quatre mois, d’importants articles sur le Familistère paraissent dans divers journaux des Etats-Unis :
- The Dispatch.
- The Rostrum, de Vineland.
- Le Courrier des Etats-Unis, de New-York.*
- Le Patriote, de St-Louis.
- Nous remercions vivement nos amis de l’étranger de la sympathie qu’ils nous témoignent et de leur remarquable propagande en faveur de la vulgarisation du principe d’association entre le capital et le travail.
- LE PAIN CHER
- La discussion est épuisée. A la chambre, dans les réunions, dans la presse, quiconque pensait pouvoir émettre un argument pour ou contre le libre-échange, a apporté son contingent de bonnes ou mauvaises raisons. Le Sénat, il est vrai, ne s’est pas encore prononcé en faveur de la protection. Les antécédents de la Chambre haute ne permettent pas de supposer que ses membres se départiront, cette circonstance, de la ligne de conduite que leur a toujours inspirée ce que Ton est convenu d’appeler la politique des intérêts.
- Au Sénat, on n’apportera aucun nouvel argument, on ne tiendra aucun compte des faits déjà acquis depuis le vote des députés.
- Le droit de 3 fr., nouvellement voté, sur chaque quintal de blé entrant en France, devait infailliblement amener une hausse de cette denrée, hausse dont les classes laborieuses supporteraient toutes les charges.
- Si nous admettons que le quintal de blé se
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- vend 18 fr., l’impôt de 3 fr. équivaut à une augmentation d’un sixième, soit de plus de 16 0/0.
- A notre époque de concurrence outrancière, il faut avoir perdu toute notion du vulgaire bon sens,pour oser soutenir que l’on peut impunément augmenter de 16 0/0 le prix d’une matière première quelconque, sans amener une hausse à peu près proportionnelle dans la vente des produits obtenus par la manipulation de cette matière.
- Cette considération théorique si élémentaire a été mise de côté par tous les partisans de la protection.
- La spéculation n’a pas même attendu la promulgation de la nouvelle loi pour en escompter les bénéfices. Bien que plusieurs mois nous séparent de l’application de la loi, le prix des farines a été suffisamment élevé pour que les boulangers de Paris aient été contraints à hauser le prix du pain de 5 centimes par kilogramme.
- En définitive, une famille ouvrière consommant 3 kilos de pain par jour va payer au privilège propriétaire un tribut quotidien de 45 centimes soit annuellement 55 francs environ.
- Même, si l’on achetait à ce prix l’amélioration de notre agriculture nationale, il y aurait injustice à faire supporter tous les frais à la population industrielle.
- Mais après comme avant la nouvelle loi, notre agriculture restera routinière et impuissante à reprendre rang dans la concurrence internationale ; seuls, les propriétaires continueront à percevoir des fermages excessifs qu’ils dépenseront autrement qu’en améliorations agricoles.
- Nous ne nions pas que la situation des propriétaires n’ait été meilleure autrefois. Quel propriétaire osera prétendre que la sécurité des populations industrielles n’ait été, elle aussi, fortement diminuée depuis quelques années ?
- Pourquoi impose-t-on à ces dernières, dépourvues de toutes avances, de combler les déficits des revenus des possesseurs du sol ?
- Cet oubli des principes et des données les plus élémentaires de la justice aurait de fâcheuses conséquences, si les travailleurs se laissaient entraîner aux sentiments de colère que ne peuvent manquer de soulever chez eux de si flagrantes vexations.
- La colère est une mauvaise conseillère ; rarement elle inspire des actions véritablement viriles.
- Nous conseillons aux populations ouvrières de ne pas oublier qu’elles sont à la veille d’une pé-sode électorale.
- Quelques mois d’une patience raisonnée peuvent suffire à la préparation des élections ; et rien n’empêche les travailleurs de ne voter pour aucun candidat qui refusera de s’engagera demander la suppression de l’impôt sur le blé.
- La politique du pain cher provient certainement des inspirations des partis désireux de faire détester le régime républicain,en vue de préparer un retour vers des institutions détestables enlevant toute autorité aux masses électorales.
- Le pain cher équivaut à rabaissement du taux des salaires, sans profit pour la fabrication.
- A une époque où notre industrie ne peut lutter avantageusement sur le marché général, lorsque les ouvriers se plaignent justement de chômages onéreux, l’élévation du prix des denrées de première nécessité a l’importance d’une calamité publique.
- Les Tortures anglaises — Il y a quelques jours, à propos de l’attentat dirigé contré O’Donovan Rossa, à New-York, on rappelait les atroces tortures subies par l’agitateur irlandais dans les cachots de l’Angleterre.
- Un numéro récent du journal The Irishmen United, renferme précisément une lettre d’O’Donovan Rossa, où le chef du parti révolutionnaire d’Irlande raconte ce qu’il a souffert.
- Voici la traduction d’un passage de cette lettre :
- « J’ai des raisons de croire que les Anglais voulaient me faire mourir dans ma prison.
- » Sans parler de la faim dont j’ai eu à souffrir, au point que réduit à l’état de squelette, le corps couvert de plaies, ma peau tombait en pourriture et me restait dans les mains, je raconterai tous les supplices auxquels je fus soumis à la prison de Chatham.
- » Je gisais au milieu de l’obscurité la plus profonde, dans un cachot souterrain, au régime du pain et de l’eau. N’ayant ni matelas, ni oreiller, toute maliterie se composait d’une couverture grossière. Ces supplices ne suffisaient pas à la férocité anglaise, Une nuit, mes geôliers entrent dans ma cellule et m’ordonnent de me déshabiller.
- » — Pourquoi? demandai-je.
- y> — Obéissez ! répondirent-ils.
- » — Je ne vous donnerai mes vêtements, dis-je, que si vous me donnez un lit, car faire coucher un homme nu sur la terre est la torture la plus odieuse que l’on puisse imaginer.
- > Les trois geôliers, Allison, Giddings et Hibbert, se jetèrent aussitôt sur moi, me renversèrent sur le sol et tandis que l’un d’eux me maintenait par la gorge, les autres me dépouillèrent de mes vêtements.
- » Je pensais que là se terminerait leur besogne.
- » Epuisé de fatigue, je restai étendu par terre sur le dos. Allison et Giddings avaient quitté ma cellule laissant Hibbert seul avec moi. Hibbert, alors, prenant son élan, bondit au-dessus de moi, les jambes repliées sous lui, et retomba de tout son poids, les deux genoux sur ma poitrine. Je suis absolument
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- certain qu’il fit cela pour me tuer et que Allison et Giddings s'étaient retirés afin de pouvoir jurer à l’enquête n’avoir pas vu que l’on eût usé à mon égard d’aucune violence répréhensible
- Lorsque Hibbert retomba sur moi, il me sembla que les o de ma poitrine heurtaient ceux de mon dos.
- » Le lendemain, le docteur me fit entourer la poitrine de bandages et je fus inscrit comme malade pendant un mois.
- » Kick, Burke et Castello étaient enfermés dans des cellules situées au-dessus de la mienne; l’un et l’autre ont entendu la scène qui s’était passée au-dessous d’eux, dans le trou noir qui me servait de cachot.
- j> Les mêmes geôliers ont tué ainsi plusieurs de mes compatriotes.
- «Daniel Deasy est mort assassiné dans les prisons anglaises de même que Daniel Reddin, William Darragb, John Lynch, Brian, Dilion et nombre d’autres. Un jour, dans la prison de Pontorsville, à Londres, passant devant la cellule de John Lynch, je l’entendis me crier: «Oh ! Rossa, le froid me tue ! » Quelques jours après, le malheureux était mort. »
- Quelles choses épouvantables ! Et comme on comprend les révoltes irlandaises ! Après de telle tortures, comment pourrait-on espérer qu’un peuple désarme ?
- LES PROCHAINES ÉLECTIONS
- et le Progrès Social
- Les tiommes de progrès commettront une faute capitale, s’ils ne savent utiliser la prochaine période électorale.
- Peu de circonscriptions électorales ont assez de maturité pour nommer des candidats acquis aux idées de progrès social. U serait regrettable de trop sacrifier au désir de faciliter les succès électoraux par un amoindrissement des programmes.
- Les périodes électorales donnent aux masses, passagèrement, quelques-unes des qualités de la vie républicaine. Pendant la quinzaine qui précède le vote, les électeurs ont le sentiment de leur souveraineté ; ils s’occupent alors volontiers des intérêts généraux du pays ; ils consentent à examiner d’une manière très-imparfaite, il est vrai, les aspirations et le desiderata des partis.
- On ne peut guère demander plus dans un pays où. la longue durée des législatures crée, à peine tous les quatre ans, des circonstances favorables auxmanifestationsderopinion publique.
- Malgré tous les inconvénients provenant de l’imperfection du fonctionnement du suffrage universel, de l’ignorance des électeurs et de la mauvaise foi d’une partie des candidats, les périodes électorales sont relativement favorables a diffusion des idées.
- Cette considération milite puissamment en faveur du renouvellement partiel et annuel des corps élus ; renouvellement qui nous donnera Chaque année ces quelques jours de vie publique que nous devons attendre maintenant pendant quatre années.
- Il ne faut pas croire que le seul avantage des élections annuelles sera d’augmenter le nombre des occasions de consulter l’opinion publique ; chacune de ces consultations sera beaucoup plus sérieuse. Leur fréquenece ne laissera pas aux électeurs le temps d’oublier les leçons de l’expérience contenues dans chacune de ces manifestations.
- Cette réforme est en apparence purement politique ; en réalité, il convient de la classer parmi les plus importantes ; c’est elle qui permettra aux divers partis de tenir l'attention publique continuellement fixée sur leurs projets de réformes.
- Tous les hommes de bonne volonté ne possèdent pas les capitaux nécessaires aux grandes fondations expérimentales; il leur incombe de savoir utiliser les moyens d’action dont ils disposent. La préparation des. élections mérite leur concours : elle offre un vaste champ à leur activité et à leur volonté de servir la cause publique.
- L’œuvre présente des initiateurs ne consiste pas à vouloir nommer des députés capables de réorganiser la société ; on ne trouverait ni assez de candidats ni assez d’électeurs pour corriger immédiatement les vices fondamentaux de l’ordre établi.
- Les esprits pratiques comprendront qu’ils ne peuvent faire plus qu’exercer une action éducative.
- Une politique véritablement conforme aux intérêts des classes laborieuses ne saurait s’inspirer d’un autre critérium..
- En face de chacun des incidents que va créer la préparation des élections, les citoyens dévoués, s’ils veulent tirer le meilleur parti des circonstances, auront à examiner quel est la tactique qui permet le mieux de dégager des faits l’influence éducative.
- Après cet examen, ils seraient au-dessous de leur mission, si, dominés par la volonté d’assurer le succès de quelques personnalités, ils hésitaient à adopter les mesures les plus propres à développer l’éducation populaire.
- On voit que cette manière d’envisager la question électorale impose beaucoup de netteté et de
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- franchisedans 1 aTédactiôndFiiTparrieprôgressîste du programme, qu’on ne peut trop réduire sous peine de ne pas atteindre le but véritable, l’élévation de la conscience populaire.
- Il serait cependant fâcheux de pousser l'interprétation de ces idées générales au point de croire qu’il est nécessaire d’appeler les électeurs à se prononcer sur l'intégralité des réformes sociales.
- Un excès de projets, nouveaux pour le plus grand nombre des citoyens, ne manquerait pas de détourner les masses électorales et de les éloigner d’hommes assez maladroits pour agir comme s’ils ignoraient qu’on ne peut modifier les peuples tout d’un coup. Au lieu d’une influence attractive, on exercerait de la sorte une action répulsive. Dans les circonscriptions les plus avancées on ôterait aux candidats les chances de succès ; dans les autres, on aurait peine à ébranler quelques consciences despartisles plus rapprochés, en vue de préparer des éléments sympathiques aux aspirations des minorités progressistes.
- Il ne faut ni sacrifier lasincérité des programmes aux candidats, ni annuler les avantages d’avoir des élus par un rigorisme intempestif.
- Si les périodes électorales sont profitables à la vulgarisation des idées nouvelles, une sage intervention d’hommes conscients de l’avenir, sachant habilement donner leur opinion dans les discussions quotidiennes du Parlement, n’eût cette intervention aucune influence sur la confection des lois, maintiendrait quand même l’opinion publique constamment préoccupée des interprétations et des projets des réformateurst Souvent le député le moins influent à la Chambre, où l’on ne tient compte des opinions qu’en raison du nombre des représentants qu’elles y réunissent, est plus puissant sur l’opinion publique que la coalition de. tous ses collègues, qu’il ne peut déjouer sur le terrain parlementaire.
- Les députés véritablement pénétrés des nécessités du progrès social serviront utilement la cause populaire s’ils savent convenablement manœuvrer dans la nation. Libérés, par la situation faite aux élus,des occupations serviles, ils devront donner à leur parti tout leur temps, et ne laisser échapper aucune des nombreuses occasions présentées par le mouvement ouvrier de répandre la bonne parole. •
- Le titre de député, de mandataire, donne à son titulaire une autorité morale considérable. La
- vérité proclamée par un député s’impose plus facilement que par l’organe d’un simple électeur. Il viendra certainement un temps, où il importera peu qu’une vérité soit répandue par un homme ou par un autre ; mais nous n’en sommes pas encore là ; en attendant, il est bon de savoir tenir compte de ces nuances. Aux yeux de la foule, le député est presque un homme d’une nature supérieure; on attend de lui des idées plus élevées que celles des autres hommes ; on est disposé à le croire moins faillible et à accepter de confiance les enseignements de sa parole. La soumission et les témoignages de déférences, que lui accordent les représentants ordinaires de l’autorité, souvent grossiers avec le commun des mortels, contribuent aussi à entretenir le prestige de sa personne et son autorité morale.
- 11 est donc important que les citoyens soucieux de préparer l’avenir se préoccupent de l’imminence de la période électorale,avec la volonté de l’utiliser en vue de la vulgarisation des idées de réorganisation sociale.
- La franchise et la modération des programmes, deux qualités qui ne sont pas exclusives l’une de l’autre,sont les premières conditions d’une tactique électorale, correspondant aux besoins réels du moment. L’obtention de quelques sièges législatifs assurerait l’influence permanente des réformateurs.
- Il ne suffit pas de s’arrêter à ces généralités ; il est urgent de préciser les termes de ces programmes, au moins le sens des clauses principales.
- Il n’est pas dans les habitudes de la rédaction du Devoir de dire à moitié son opinion sur les questions, soit qu’elle prenne l’initiative de les mettre en discussion, soit qu’elle intervienne dans un débat ouvert par d’autres. Cette précision i n’implique pas chez elle la prétention d’avoir le monopole de la vérité et des saines appréciations ; mais nous croyons que beaucoup de sujets encore obscurs seraient depuis longtemps élucidés, si chacun de ceux qui font mine de les étudier avait assez de volonté, de désintéressement et d’indépendance pour dire exactement tout ce qu’il sait en la matière. Des journaux parisiens ont déjà paru se préoccuper de la question ; ils en sont encore aux grandesffignes. Nous les convions à prendre acte de notre engagement ; et, s’ils ne consentent à nous devancer, nous espérons qu’à leur heure ils ne seront pas moins catégoriques. Nous ne doutons pas qu’une telle élaboration col-
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- lective, franchement conduite par chacun des participants, dissiperait de nombreuses méfiances et aboutirait à une union profitable à l’intérêt public.
- Messieurs Rivet et Giard ont déposé un amendement au projet de loi électorale, visant le renouvellement partiel et annuel de la Chambre.
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
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- Education et instruction
- L’instruction est nécessaire à l’esprit comme la nourriture est nécessaire au corps. Dans une société organisée suivant le re spect des droits de la vie humaine, les hommes doivent mutuellement s’accorder ce qui est nécessaire au développement de l’esprit et ce qui est nécessaire au soin du corps. Lorsque cela n’est pas fait, une partie du corps social opprime l’autre et accapare les biens des opprimés.
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- Faits politiques et sociaux de la semaine
- Le Parlement.— Le Sénat ne s’est pas encore prononcé sur les crédits réformés par la Chambre. La commission chargée d’examiner la question propose une transaction qui consister ait à donner satisfaction à une partie des volontés des députés mais à affirmer par le maintien de quelques crédits le droit du Sénat en matière d’initiative financière.
- A la Chambre on a voté tous les droits protecteurs réclamés par le gouverne ment. Les fantaisies des protectionnistes nous transportent dans le domaine de l'incroyable ; c est à ne pas savoir quels sont les plus fous de ceux qui apportent des arguments comparables à ceux de M. Méline ou bien de ceux qui écoutent de sang froid des énormitéss si étranges, Un homme de bon sens, voulant plaider la cause de la protection de la viande, essaierait d’établir qu en France le bétail est moins cher que dans tous les autres pays où l’on accepte la situation présenté. Chez le peuple lepius spirituel du monde, le citoyen le plus spirituel de ce pays dit : Il faut protéger le prix de la viande en France parce que un bœuf vaut en ce moment480fr. à Paris, 438 fr. àBerlin, 420 fr. à Alexandrie, 390 fr. à Vienne ; parce qu’un mouton vaut 40 fr. à Paris, 30fr. à Vienne, 27 fr. à Berlin, 26 fr. à Alexendrie, 17 fr. à Chicago. De même si l’on prouvait à un individu à peu près sensé que l’importation de la viande en Franee suit unmou-vement descendant assez prononcé, il serait d’avis quelemoment n’est pas opportun de prendre des -mesures exceptionnelles. Nos ministres s’élèvent au-dessus de ces vulgaires inspirations du sens commun ; ils disent : il faut protéger le bétail français parce que l’importation des bœufs, qui était de 76,000 têtes en
- 1883, est tombée à 66,000 en 1884; celle des veaux, qui était de 60,000, est tombée à 50,000, et celle des moutons qui, était de 2 millions 277,000 têtes, est tombée à 2 millions 100,000.
- Tous ces chiffres sont tirés du discours de M. Méline.
- Enfin, que dire de plus pour faire justice des étonantes prétentions des agriculteurs et des audacieuses complaisances des politiciens ; On choisit pour protéger le prix du bétail une époque où l’on paie la viande plus cher que jamais. Il est probable que si les ménagères avaient le droit de vote elles donneraient à cette occasion une bonne leçon aux hommes qui les disent incompétentes en matière politique.
- Pensions à des veuves.— On vient de transfor mer en pension la somme de 500 francs, que Mm<s Niepce de Saint -Victor, veuve de l’inventeur de la photographie, touchait jusqu’ici à titre de secours.
- Niepce de Saint-Victor a doté son pays et le monde d’une des plus grandes découvertes de ce siècle. Il est mort ne laissant rien à sa veuve, aujourd’hui presque septuagénaire.
- Le ministre de l’intérieur a déposé, de son côté, un projet de loi relatif à la concession d’une pension annuelle et viagère de 6,000 francs, à titre dè récompense nationale, à la veuve d’Eugène Pelletan.
- BELGIQUE
- Les nouvelles de la grève sont de plus en plus inquiétantes. On évalue à 18,000,000 fr. les salaires perdus depuis quelle a commencé. C’est la ruine pour les houilleurs et pour tout le petit commerce de la contrée. Les grévistes se montrent de jour en jour plus violents, et les gendarmes sont exaspérés.
- De nombreux meetings se succèdent. Les houilleurs affamés trouvent dix centimes pour payer leur entrée au meeting, et les cabaretiers qui les craignent leur donnent du genièvre à crédit. Dans toute la contrée on rencontre des milliers de ces malheureux, tous armés de bâton et qui exercent un véritable terrorisme sur les ouvriers désireux de travailler.
- Le travail avait été repris au puits n° 6 du charbonnage d’Hornu-et-Wasmes. Vendredi, les grévistes sont venus en masse,poussant des hurlements, proférant des menaces, et samedi il n’y avait plus personne à l’ouvrage. « Les bandes nous casseraient les reins, » disent les ouvriers à qui Ton demande pourquoi ils font grève.
- La misère est tellement grande que les femmes des grévistes vont mendier jusqu’à Ath. A Mons, les autorités communales ont entouré la ville d’un cordon d’agents ds police, de pompiers et de fontainiers qui ne laissent entrer ni les grévistes, ni leurs femmes, ni leurs enfants.
- Un dernier télégramme de Mons annonce que le chômage a recommencé à Wasmes et qu’on a fait sauter à la dynamite une fenêtre des ateliers d’Hornu-et-Wasmes. Les dégâts sont assez importants.
- ESPAGNE
- On a présenté à la Chambre des députés le rapport amendé sur le modus vivendi qui accorde à l’Angleterre le traitement de la nation la plus favorisée, en échange de l’extension
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- aux vins de 30 degrés, du droit d’entrée d’un shilling par gallon que l’Angleterre fait payer aux vins espagnols. Dans les préliminaires de ce rapport, la commission qui l’a présenté se réserve le droit de déposer un autre rapport ayant trait aux nouvelles concessions proposées.
- Un meeting de libre-éehangistes a eu lieu à Madrid, et des résolutions #nt été adoptées qui sont favorables au modus vivendi commercial avec la Grande-Bretagne.
- HOLLANDE
- * Progrès du socialisme. — Le mouvement socialiste fait de grands progrès en Hollande. Les socialistes chrétiens, la fédération générale des travailleurs hollandais et le parti social démocrate s’emploient activement en faveur de l’émancipation du travail et chacun de ces part is a son organe dans la presse.
- Les notabilités engagées dans le mouvement sont MM. Beerman, Held, Domela-Nieuwenhuis, Gerhard, Krithje, Muller, Van der Stad, etc... Le dernier groupe à la tête duquel est M. Nieuwenhuis gagne largement du terrain parmi les ouvriers.
- AMÉRIQUE
- L’évêque de Montréal est bien l’homme le pins drôle qu’il soit possible d’imaginer. Les Canadiens-Français manifestant de la répugnance pour certain curé qu’on veut leur imposer, le digne évêque a fait fermer et clouer les portes de son église. Si les fidèles veulent nous croire, ces portes s’ouvriront d’elles-mêmes, s’ils savent rester chez eux et fermer leur bourse pendant six mois.
- Sir Léonard Tilley, ministre des finances, a donné au Parlement du Canada le budget amendé pour l’année fiscale courante. Les revenus des douanes ont diminué de 500,000 dollars par suite de la diminution des importations. Les revenus des droits sur les spiritueux out baissé de 100,000 dollars par suite de l’adoption du Permissive au Scott Act. Les recettes pour 1886 sont estimées à 33 millions de dollars et les dépenses à 31,750,000 dollars. Une augmentation de 3 dollars par 1,000 est proposée sur le droit qui frappe déjà les cigares.
- D’autres droits d’entrée sont proposés sur le poisson, sur la coutellerie, la porcelaine, les piekles, les sauces, etc. Les produits manufacturés dans les prisons seront prohibés.
- Aux Etats-Unis, les Irlandais se disposent à aller renforcer le Mahdi ; 1,000 hommes bien armés et muais de dynamite partiront prochainement pour le Soudan, sous la conduite d’officiers qui viennent d’être désignés par vote. D’un autre côté, des souscriptions ont lieu pour venir en aide à l’adversaire de de l’Angleterre. Ces souscriptions ont déjà atteint le chiffre de 375,000 francs.
- Le capitaine Phélan qui, on s’en souvient, a failli être assassiné dans les bureaux d’O’Donovan Rossa, est rentré à Kansas City. On pense qu’il renoncera à presser les poursuites dirigées contre son assassin, le boucher Short.
- Mme Dudley a été autorisée à plaider non coupable. Très drôle, la justice américaine.
- Les anarchistes de St-Louis se remuent. Ils ont organisé cette semaine un meeting dans lequel ils ont fait l’apologie de Reinsdorf et de Küchler, et ont déclaré que les rois et les princes devraient tous être massacrés. Il est superflu d'ajouter
- qu’ils ont trouvé fort réussi l’assassinat du policier Rumpff, de Francfort.
- On dément, à New-York,l’histoire publiée dernièrement dans un journal de Buffalo, au sujet de l’invasion du Canada projetée par les Irlandais.
- Le Sénat, malgré l’avis de M. Cleveland, a refusé de prendre en considération la question de la suspension du monnayage de l’argent.
- Un rapport de la commission des affaires étrangères de la Chambre des députés déclare que la participation des Etats-Unis à la conférence du Congo est regrettable.
- Le théâtre national de Washington a été détruit par un incendie. Les pertes sont évaluées à 150,000 dollars.
- Le montant de la réduction de la Dette publique pour le mois dernier est estimé à 3 millions de dollars.
- La révolutiou s’étend en Colombie. Les troupes du gouvernement sont sans cesse battues par ce que l’on est convenu d’appeler les insurgés. Ceux-ci assiègent actuellement Carthagéne qui sert de base aux opérations du gouvernement.
- L'Impôt sur le revenu
- ET
- l’Hérédité de l’État
- Nous qui ne sommes pas des économistes, avant de critiquer les projets d’impôts sur le capital proposés par M. Peauger rédacteur du Réveil de Limoges, nous avons publié intégralement l’exposé de l’auteur.
- Dans le Devoir du 15 février, nous avons donné la première partie du travail de M. Peauger contenant une excellente réfutation de la théorie des impôts sur les revenus. Nous n’avons rien à reprendre dans l’argumentation de M. Peauger contre l’impôt sur les revenus ; nous la compléterons même par des exemples tirés des propositions de M. P. Bert qui s’est déclaré récemment partisan de l’impôt sur les revenus, comme moyen pratique de dénouer la crise économique !
- Certainement M. P. Bert, lorsqu’il a réuni les documents que nous allons reproduire,ne se doutait pas qu’ils seraient interprétés comme une preuve indiscutable de l’impuissance de l’impôt sur les revenus au point de vue de l’amélioration de la situation économique.
- Voici ce que nous dit M. P. Bert :
- € L’Angleterre tire de cet impôt un reniement de 250 à 300 millions par an. Le taux du prélèvement varie d’année en année, selon les dépenses extraordinaires, de guerre ou autres, qui ont lieu dans l’exercice. Il a été parfois de i shilling 4 pence par livre, soit 13 pourcent; il est, depuis plusieurs années, de 5 pence par livre, soit 4 pour cent.
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- . -1 .à&m
- » En Italie, l’impôt sur le revenu est de 12 pour cent, et même, à cause d’un décime additionnel, de 13.2 pour cent; il donne à peu près j 95 millions par an.
- » L’Autriche-Hongrie obtient, d’un impôt analogue, 67 millions de francs; la Suède et la Norvège, 4 millions et demi ; le Portugal, 4 millions.
- » La Prusse a l’impôt sur le revenu sous deux formes : l’impôt sur les revenus supérieurs à 3,750 francs et l’impôt des classes sur les revenus allant de 530 à 3,750 francs. Le produit du premier est, en moyenne, de 40 millions. Celui du second de 56 millions. Total : 96 millions.
- » Les Etats-Unis ont établi, en 1863, l’impôt sur le revenu : ils l’ont fixé d’abord à 10 pourcent et en ont tiré jusqu’à 600 millions par an ; depuis, il est modéré et fournit à peine le tiers de son rendement primitif.
- » Le Grand-Duché de Luxembourg, les villes d’Amsterdam, de Berne, de Neufchâtel et de Zurich appliquent aussi l’impôt sur le revenu. »
- Nous en appelons à M. P. Bert, le savant, pour faire justice des arguments de M. P. Bert, politicien.
- M. Paul Bert, le savant, en présence de dix, de quinze, de cinquante liquides qui rougiraient le papier de tournesol, dirait : ces cinquante liquides sont acides, ils sont impropres à jouer le rôle de corps neutres.
- Comment se fait-il que M. Paul Bert, le député, en présence de huit, de dix Etats soumis à tous les bouleversements économiques que nous constatons en France, et appliquant tous le système des impôts sur les revenus, présente ces modifications fiscales comme susceptibles de produire en France des effets salutaires qu’elles n’ont jamais donnés dans les pays où elles sont depuis longtemps généralisées ?
- Nous n’en dirons pas davantage à l’appui des conclusions de M. Peauger relativement à l’article que nous avons reproduit dans notre numéro du 15 février.
- Nous ne pouvons approuver, aussi complètement, la partie positive des théories de M. Peauger. en ce qui concerne l’impôt sur le capital, étude Que nous avons donnée dans le Devoir du 1er mars.
- Comme M. Peauger, nous proclamons la nécessité de prélever l’impôt sur la richesse acquise, au üeu de le prendre sur le travail, comme cela arrive maintenant; comme lui nous réclamons cette j
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- réforme au nom des droits et de l’indépendance du travail. Mais, c’est au nom de cette liberté même du travail que nous préférons le prélèvement après la mort des gens riches aux contributions annuelles que propose M. Peauger sous le nom d’impôt sur le capital.
- L’impôt sur le capital serait perturbateur, tan_ dis que l’Hérédité progressive de l’Etat nous conduirait sagement à l’établissement du revenu national.
- ""fin effet, la plus grande partie des capitaux fixes sont représentés par la valeur des propriétés et constructions estimées à 170 milliards environ.
- A 1 0/0 ce capital produirait à l’Etat 1,700 millions, à 2 0/0 » » 3,400 »
- à 2 1/2 0/0 » » 4,250 »
- Il faudrait donc frapper les capitaux fixes d’un droit annuel de 2 1/2 0/0 pour avoir l’équivalent du budget de la France.
- Dansbeauconp.de cas, en agriculture surtout, les revenus des propriétaires dépassent à peine ce taux ; il y aurait donc impossibilité absolue à prévoir l’application unique de ce système. Pour acquitter de pareilles charges, le propriétaire serait contraint, chaque année, de vendre une partie de ses terres. De ce fait résulterait l’avilissement du prix de la propriété et une situation intolérable pour les propriétaires.
- En outre, à une époque où les fortunes se modi-j fient avec tant de rapidité, la perception annuelle ' exigerait des inventaires constants et une immixtion permanente de l’Etat dans les fortunes des particuliers.
- Ce dernier inconvénient est entièrement 'éliminé par l’Hérédité de l’Etat. Cette réforme n’introduit aucune formalité nouvelle dans la manière d’être de l’Etat vis-à-vis des citoyens. Elle n’exige aucun autre inventaire que celui que l’on fait aujourd’hui après la mort des personnes laissant un avoir quelconque.
- Nous venons de voir combien il serait difficile d’arriver à pourvoir le budget, uniquement, avec les produits de l’impôt sur le capital, à cause des embarras qu’il occasionnerait aux particuliers et à l’Etat.
- L’impôt sur le capital, élevé au point d’alimenter l’ensemble du budget équivaudrait à une ex. propriation sans transition ; tandis que l’Hérédité de l’Etat opérant progressivement la rentrére au domaine national des capitaux fixes,il n’existe plus aucun inconvénient pour l’Etat à les frapper d’un
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- revenu annuel, ce revenu fût-il aussi élevé que celui perçu par les propriétaires.
- A titre d’exemple, nous allons résoudre un problème budgétaire d’après les deux méthodes, afin de mieux faire ressortir la supériorité de l’Hérédité de l’Etat.
- Problème : Nous voulons diminuer les impôts actuels de un milliard sept cent millions.
- Avec l’impôt sur le capital, nous obtenons le résultat du premier coup : nous décrétons q u’il sera prélevé 1 0/0 sur les capitaux fixes et nous diminuons d’autant les charges générales résultant des impôts actuels. Aussitôt commencent les évaluations des capitaux fixes possédés par chaque citoyen. La deuxième année, la troisième, et chaque année suivante, il faut inventorier de nouveau afin de tenir compte des modifications survenues dans les fortunes des citoyens. On continue de la sorte indéfiniment sans avoir créé un organisation sociale génératrice par elle-même de progrès constants, comme le gâchis présent est en enfantement perpétuel de perturbations susces-sives. Enfin, si l’on veut généraliser le système il faut arriver aux conséquences extrêmes que nous avons signalées plus haut.
- Réalisons maintenant cette réforme d’après les données de l’Hérédité de l’Etat, données dont nous rappelons sommairement les bases, telles qu’elles ont été définies dans le Devoir, numéro du 12 octobre 1884 : Les propriétés bâties et non bâties sont évaluées à 170 milliards ; les valeurs commerciales industrielles et financières sont représentées par 164 milliards; les droits d’Héré-dité de l’Etat,variant de 1 à 50 0/0,donnent annuellement 2 milliards quatre cent millions.
- Le principe de l’Hérédité de l’Etat est que l’Etat intervient en bon père de famille, qu’il vend au cours ses parts d’héritage ou bien qu’il les loue à des associations de travailleurs.
- Précisons d’abord qu’elle est la latitude de l’Etat; elle pourra osciller entre ces deux extrêmes : ou l’Etat vend tout ce qu’il recueille par héritage, ou il ne vend rien. Entre ces deux extrêmes théoriques, la pratique du passé et du présent nous permettra de dégager des probabilités suffisamment confirmées par les faits quotidiens pour nous permettre de donner une solution au problème budgétaire que nous venons de résoudre d’abord par l’impôt sur le capital.
- Revenant à ce problème, et tenant compte que l’hérédité nous donne annuellement 2 milliards
- 400 millions, si nous cherchions simplement une solution théorique conforme à nos aspirations, nous dirions : nous frappons chaque année ces 2 milliards 400 millions d’un revenu annuel,à payer à l’Etat, assez faible pour ne pas faire descendre le prix de vente de ces héritages à un taux moindre que 17 millions sept cent mille fr. ; avec cette somme qui nous rentrera chaque année nous maintiendrons la réforme budgétaire projetée.; et avec le revenu .national de ces héritages revendus, revenu s’augmentant chaque année, nous avons ^ des ressources continuellement ascendantes nous permettant progressivement d’incessantes modifications avantageuses.
- Mais la pratique ne nous permet pas de procéder d’une manière aussi commode. Les faits acquis nous permettent d’établir les chiffres suivants que nous ne justifierons pas aujourd’hui pour ne pas trop allonger notre article. Dans 2 milliards 400 millions provenant d’un prélèvement général sur les héritages, nous aurons approximativement :
- A. En valeurs cotées et marchandises immédiatement réalisables .... 30 0/0 720,000,000
- B. En immeubles et outillages industriels 30 0/0 720,000,000
- C. En propriétés foncières rurales. 40 0/0 960,000,000
- Total. 2,400,000,000 Les ressources A sont réalisables à brève échéance ; elle nous donnent donc un dégrèvement immédiat de........................... 720,000,000
- B. La pratique nous permet encore
- d’établir que nous pouvons vendre annuellement 2 0/0 des immeubles et des propriétés rurales sans faire baisser le cours général de ces choses, nous aurons donc de ce fait: 2 0/0 de 720.000,000, immeubles, soit.......................
- C. 2 0/0 sur 960,000,000 propriétés
- rurales, soit.......................
- Nous n’aurons aucun mécompte en supposant que nous louerons ce qui nous reste de propriétés immobilières, 705,600,000, au taux de 4 0/0 net...........................
- De même nous supposons avec raison qu’il sera facile de louer à 2 0/0 nos propriétés foncières invendues ayant une valeur de 940,000,000 ; nous aurons . ......................
- 14,400,000
- 19,200,000
- 28,200,000
- 18 ,800.000
- Total. 800,600,000
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- Les probabilités basées sur des évaluations modérées nenous donnent pas plus de 800,000,000, pendant le premier exercice. Nous ne pourrons donc atteindre du premier coup la solution demandée ; nous n’aurons qu’une demi-satisfaction immédiate; mais, à dater de cette première année, à chaque nouvel exercice nous avançons vers le but selon une progression minima de 50,000,000 environ, revenus des propriétés invendues restées au domaine national, et, lorsque nous sommes parvenus à disposer des 17,000,000 primitivement visés, notre progression suit sa marche ascendante et nous conduit insensiblement à la substitution du revenu national et des produits de l’Hérédité de l’Etat, toutes ressources prélevées sur les richesses acquises, au système unique des impôts actuels extorqués au travail.
- Nous ouvrons donc par l’Hérédité de l’Etat l’ère des réformes progressives, sans inaugurer aucun système inquisitorial, car, nous l’avons prouvé, nous n’avons besoin d’autres inventaires que ceux en usage à la mort des individus; nos ventes de valeurs immédiatement réalisables se font par la voie des agents ordinaires de ces sortes d’affaires, selon les méthodes admises par les particuliers ; nos locations à long bail des choses appartenant au domaine national ne nécessitent aucune pratique avec laquelle ne soient familiarisés les propriétaires et les fermiers actuels ; enfin, nos acquéreurs et nos fermiers moyennant l’acquit des revenus annuels échappent à tous les ennuis des impôts présents, l’Etat n’intervient qu’après leur mort pour recouvrer, dans les richesses accumulées par eux, le prix des services qu’ils ont retirés de l’ordre, des services publics et du concours de la population.
- L’Hérédité de l’Etat supprime les impôts sur le travail, sur la consommation ; elle laisse aux citoyens la libre jouissance de tous les fruits de leur activité.
- C’est la disparition complète de toute espèce de parasitisme.
- Combien d’autres motifs à faire valoir au sujet de ta liberté et de l’indépendance des citoyens auxquels l’impôt, quels que soient sa nature et son n°m, sera toujours un obstacle, tandis que l’Hérédité de l’Etat affranchit le citoyen de toute servitude.
- Nous, et beaucoup d’autres, avant de nous ar-rêter à l’idée de l’Hérédité de l’Etat, nous avons eu 1 illusion de croire à l’efficacité des impôts sur
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- les revenus et sur le capital. Mais nous avons dû reconnaître que les droits primordiaux de l’homme au sol s’opposaient à l’appropriation perpétuelle des capitaux fixes par les citoyens, et que l’Hérédité de l’Etat conciliait le droit et la liberté individuelles avec le droit et la liberté collectives.
- La crise. — D’après l’Economiste londonien, organe périodique, le nombre des faillites dans le nord de l’Amérique pour chaque année, se répartit ainsi :
- Nombre des faillites passif
- 1870 4100 408,415,420 dollars
- 1877 4149 99,696,171 *
- 1878 5825 430,832,766 »
- 1879 4068 65,797,390 »
- 4880 2497 32‘888,763 %
- 1881 9866 41.240,644 »
- 1882 3597 50,580,920 »
- 1883 4637 66,189,034 »
- 1884 5510 123,391,282 »
- Et dire que nous sommes seulement au commencement de la crise finale.
- ---------— m » "• ------------——
- L’effectif des Marines marchandes
- Le bureau Veritas vient de publier le relevé de l’effectif des marines marchandes des principales puissances pour l’année 1884 — 1885 :
- Cet effectif se compose de 53, 167 navires jaugeant ensemble 19,685,902 tonnes.
- La navigation à vapeur comprend 8,433 navires pour 6, 675,023 tonnes.
- La marine à voiles compte 44,734 bâtiments avec un tannage de 13,010,879 tonnes.
- La marine à vapeur représente donc, comme tonnage, à peu près la moitié de la marine à voiles.
- La crise économique qui sévit dans les deux mondes laisse sans emploi une grande partie de ce matériel. Les frets sont partout avilis et les bassins de la plupart des ports sont encombrés de bâtiments sans cargaison.
- Les grands États maritimes se classent dans l’ordre suivant au point de vue de l’importance de leur outillage naval à vapeur :
- NAVIRES TONNEAUX
- Angleterre . 5.090 4.247.748
- France. ..... 493 490.559
- Allemagne 488 397.573
- Etats-Unis .... 350 347.682
- Ces Etats, comparés sous le rapport de l’effectif de leur
- irine à voiles, se classent ainsi
- NAVIRES TONNEAUX
- Angleterre .... 15,384 4,752,059
- Etats-Unis 6,344 2,161,460
- Allemagne 2,471 864,661
- France . 2,343 431,495
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- II ne faut pas nous plaindre d’occuper le dernier rang comme nombre et tonnage de bâtiments à voiles. Dans les transports maritimes, ce genre de navires est un élément suranné qui doit de plus en plus disparaître. Le véritable facteur de la puissance navale est désormais le navire à vapeur. Or, nous venons immédiatement après l’Angleterre comme nombre de paquebots et comme tonnage.
- L’Allemagne est bien près de nous égaler. L’importauce de gon effectif à valeur est d’autant plus digne d’attention que ses c6tes sont beaucoup moins développées que les nôtres. Notre flotte marchande de paquebots n’est certainement pas proportionnée à l’étendue de notre littoral.
- • Depuis quelques mois, en Europe et en Amérique, les constructions navales subissent un ralentissement marqué. C’est une conséquence de la baisse des frets. Sur tous les points du globe le tonnage disponible dépasse les besoins des expédi. teurs.
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- LA POLICE EN FRANCE
- Nous reproduisons plus bas un passade des mémoires de M. Andrieux,relatif à l’apparition du j ournal la Révolution sociale et à l’attentat à la statue de M. Thiers.
- Mais l’homme capable de pareilles énormités n’a-t-il pas dépassé les limites qu’il avoue et ne peut-on pas voir dans de tels moyens des dangers menaçant les plus honnêtes citoyens ?
- « Les anarchistes devenaient dangereux; il fallai t les surveiller, et le moyen le plus facile était d’organiser un journal souricière auquel arriveraient toutes les nouvelles des divers groupes, » telle est à peu prés la version donnée par M. Andrieux.
- Ce fait considérable d’un ancien agent du pouvoir révélant avec une apparence de satifaction les turpitudes administratives auxquelles il a pris part peint l’état de décomposition sociale dans lequel le paysest engagé par ses propres gouvernants. Il est inoui autant qu’il est triste de voir des hommes chargés du pouvoir se livrer à la provocation pour se donner l’honneur, le malin plaisir de réprimer ensuite et de faire ainsi des victimes de ceux qu’ils ont entraînés à se compromettre par des moyens perfides et monstrueux.
- Les révélations de M. Andrieux nous donnent la mesure de ce qu’on peut attendre de gouvernants sans moralité; elles font voir combien les ouvriers malheureux, qui,de bonne foi et en toute sincérité, veulent revendiquer les droits des travailleurs, doivent se mettre en garde contre les excitations n’ayant d’autre objet que la violence, au lieu de proposer clairement les moyens d’améliorer leur sort.
- Laissons 1 a parole à M. Andrieux :
- Les socialistes révolutionnaires ne se bornaient plus à des déclamations dans les réunions publiques ou privées. La dynamite des nihilistes les empêchait de dormir et, pour stimuler le zèle des compagnons, ils se proposaient, eux aussi, de faire entendre la grande voix des explosions : ultima ratio popu-lorum.
- Il était question de faire sauter le Palais-Bourbon; M. Gambetta en avait été avisé, et quelques précautions avaient été prises.
- Mais, en même temps qu’ils songeaient à étonner le monde par la destruction de mon honorable ami M. Truelle, les compagnons voulaient avoir un journal pour propager leurs doctrines.
- Si j’ai combattu leurs projets de propagande par le fait, j’ai du moins favorisé la divulgation de leurs doctrines par la voie de la presse, et je n’ai pas de raisons pour me soustraire plus longtemps à leur reconnaissance.
- Les compagnons cherchaient un bailleur de fonds ; mais l’infâme capital ne mettait aucun empressement à répondre à leur appel.
- Je poussai par les épaule l’infâme capital, et je parvins àlui persuader qu’il était desonintérêt de favoriser la publication d’un journal anarchiste.
- On ne supprime pas les doctrines en les empêchant de se produire, et celles dont il s’agit ne gagnent point à être connues.
- Donner un journal aux anarchistes, c’étaitd’ailleurs placer un téléphone entre la salle des conspiratious et le cabinet du préfet de police.
- On n’a pas de secrets pour un bailleur de fonds, et j’allais connaître, jour par jour, les plus mystérieux desseins. Le Palais-Bourbon allait être sauvé ; les représentants du peuple pouvaient délibérer en paix.
- Ne croyez pas, d’ailleurs, que j’offris brutalement aux anarchistes les encouiagements du préfet de police.
- J’envoyai un bourgeois, bien vêtu, trouver un des plus actifs et des plus intelligents d’entre eux. Il expliqua qu’ayant acquis quelque fortune dans le commerce de la droguerie il désirait consacrer une partie de ses revenus à favoriser la propagande socialiste.
- Ce bourgeois qui voulait être mangé n’inspira aucune suspicion aux compagnons. Par ses mains, je déposai un cautionnement dans les caisses de l’État, et le journal la Révolution sociale fit son apparition.
- C’était un journal hebdomadaire, ma générosité de droguiste n’allant pas jusqu’à faire les frais d’un journal quotidien.
- Mlle Louise Michel était l’étoile de ma rédaction. Je n’ai pas besoin de dire que « la grande citoyenne » était inconsciente du rôle qu’on lui faisait jouer, et je n’avoue pas sans quelque confusion le piège que nous avions te n lu à l’innocence de quelques compagnons des deux sexes.
- Tous les jours,autourd’une table de rédaction,se réunissaient les représentants les plus autorisés du parti de l’action ; on dépouillait en commun la correspondance internationale; on délibérait sur les mesures à prendre pour en finir avec « l’ex-ploitrtion de l’homme par l’homme » ; on se communiquait les recettes que la science met au service de la révolution.
- J’étais toujours représenté dans les conseils, et je donnais au besoin mon avis.
- Mon but était surtout de surveiller plus facilement les honorables compagnons, en les groupant autour d’un journal.
- Cependant la Révolution sociale me rendait encore quelques petits services accessoires.
- Vous croyez que j’y attaquais les adversaires de nion administration ? En vérité, puisque je fais une œuvre de bonne foi et puisque les erreurs qui s’y peuvent giiSSep ne sont
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- jamais volontaires, j’en fais l’aveu : je n’ai pas été étranger aux articles publiés contre M, Yves Guyot et contre ses amis au moment des élections municipales.
- J’aurais certainement préféré avoir pour conseillers municipaux les rédacteurs du Prolétaire plutôt que ceux de la lanterne.
- Di tous temps, l’administration, dans les questions électorales, a été du côté des candidatures socialistes, quand elle a dû choisir entre celles-ci et les candidatures radicales.
- Ma tâche eût été certainemenet plus facile si j’avais . eu au pavillon .de Flore une douzaine de bons anarchistes traitant les radicaux de réactionnaires et discréditant leurs collègues par leurs propres excentricités.
- Mais la Révolution sociale faisait mieux que d’attaquer mes adversaires et de prêcher l’abstention au profit des candidatures les plus modérées : — elle m’adressait à moi-même les outrages les plus véhéments.
- Je le rappelle en passant, afin de montrer à mes adversaires combien ils perdent leur temps, leur encre, leur imagination et leur peine quand ils croient m’être désagréables en inventant sur mon compte des anecdotes bien innocentes, si on les compare à celles que j’ai payées à la ligne.
- M. Andrieux continue par le récit d*une aventure dont, dit-il, « je ris encore » :
- Le héros s’appelle Clausel ou Clozel. Je ne me rappelle pas très exactement d’orthographe de son nom.
- Quanta lui, il n’avait jamais oublié l’orthographe, par cette bonne raison qu’il ne l’avait jamais sue.
- Il était d’ailleurs officier d’académie ; s’il eût étécom-plétement ignorant de l’art de lire et d’écrire, on l’eût fait officier de l’Université.
- Clauzel était un personnage important de ma circonscription électorale ; c’était un politicien de village, comme tous les députés en ont connu ; un borgne parmi les aveugles.
- Ce brave homme avait porté ses armes et ses bagages à un conseiller général, appartenant au grand parti des « remplaçants ».
- Donc, il occupait ses loisirs à démolir le crédit du député âTasrin-la-Demi-Lune, à l’Arbresle et dans les autres lieux circonvoisin s.
- population électorale de nos cantons ruraux, dans le département du Rhône, est très radicale, mais elle n’est pas P&rtageuse et l’anarchie y compte peu de partisans.
- J’envoyai à Clauzel un journaliste qui avait envers moi quelques obligations. Il lui récita quelque chose comme la feble le Renard et le Corbeau :
- Eh ! bonjour, monsieur du Corbeau,
- Que vous êtes joli, que vous me semblez beau !
- ~~Eh ! bonjour, monsieur l’officier d’académie, comme ce ruban violet sied bien à votre boutonnière, et comme vous éloquent lorsque vous vous écriez, dans les réunions Pavées : « Jusques à quand, ô Catilina, abuseras-tu de notre patience ! » Mais pourquoi vos catilinaires contre le député Andrieux ne se produisent-elles que sur un théâtre de Province ? Je suis à votre service pour livrer votre éloquence a “Ous les échos de la presse parisienne.
- A ces inot% le corbeau Clauzel ne se sent de joie. Il ouvre Un large bec et ! ;isse tomber plusieurs pages de diatribes c°fitre le député préfet de police.
- Je fis insérer l’article, signé : Clauzel, dans la,Révolution sociale, entre un morceau oratoire de Mlle Louise Michel e une recette pour la fabrication delà dynamite.
- Je fis envoyer le numéro à tous les maires de ma circonscription.
- — Comment, dirent-ils, Clauzel écrit dans le journal de Louise Michel ? Il veut faire sauter le Palais-Bourbon ? I veut nationaliser la propriété? Ah ! ah! nous le connaissons maintenant ; qu’il vienne nous dire du mal de notre député ; il verra comme il sera reçu !
- Pauvre Clauzel ! je lui fais ici mes excuses, et je souhaite bien sincèrement qu’il trouve dans l’estime de son conseiller général la réparation du tort que je lui ai causé.
- Adhésions anx principes d’arbitrage et de désarmement européen
- Seine. Paris. — Eberhard Albert, 48, rue Curial ; — Orban Isidore-Joseph, 78, rue de Flandre ; — Joseph d’Ou-reppe de Bouvette, 49, avenue de Choisy; — Denise Alexandre, 14, boulevard de Belleville ; — Simonet Léon, 73, rue de l’Ourcq ; — Àubet Jules, 58, rue de l’Ourcq;
- — Bischoff Auguste, 64, rue de Meaux ; — Ramus, 62, rue de Meaux ; — Leroux Léon, 106, rue de Flandre ; — Pierre Paul, 45, rue Grange-aux-Belles Egloff Jean, 25, rue Solférino, Aubervillers ; — Blanc, 76, rue d’Allemagne ;
- — SteinkistHenry, 71, rue de Flandre; — Masson Gaspard, 48, rue Curial; — Breton Ed. 91, rue de Flandre;
- — Aubet Léon, 48 rue de l’Ourcq ; — Eberhard Gustave, 48, rue Curial ; — Sergent Amédé, 58, rue de Flandre ; — Wendling Emile, 14, rue de Rouen ;— Blanche Auguste, 54, rue de Flandre; Schemel George, 36, rue Curial; — Gennesson Adolphe, 62, rue Riquet ; — Bégel Philippe, 114, rue de Crimée; — Petiteau Jean, 80, rue Curial ; — Peynon Charles, 79, rue de Flandre ; — Mouly Frédéric, 8, rue des Pruniers ; —- Muller Frédéric, 23, rue Secre-tan;—Desbordes Hippolyte, 9, Passage de la Reus; — Delpuech Jules, 179, rue de Crimée ; — Werler Léon, 80, rue Manin ; — Martin Théodore, 9, rue Daris ; — Cour-saget Léon, 28, rue de l’Ourcq ; — Ilg Charles, 32, rue d’Aubervillers ; — Duguet Marius, 55, rue Doudeauville; — David Marcellin, 20, rue du Maroc ; — Leclercq Ernest, 102, rue de Flandre ; — Boudet Louis-Philippe, 3, Passage de Flandre ; — Bourbon Jules, 11, rue Chevert ; — Béatrix Louis-Auguste, 55, rue Myrha ; — Souflet Alphonse-Dominique, 63, rue Myrha.
- Corse. Moncali. — Bisoni, cultivateur.
- Santo-Antonino. — Tomasini, M. A., cultivateur ; — Tomasini, muletier; — Savelli Jean, propriétaire; — Quilici Antoine, propriétaire ; — Allegeini Tarquin, bergei ;
- — Guidi, cultivateur ; — Antonini Louis, propriétaire ; — AntoniniJ. Ch. négociant ;—Reineri François, journalier;
- — Marcelli V., propriétaire ; Savefli J. A., propriétaire ; — Savelli Charles-Philippe, propriétaire ; — Antonini A. Y., laboureur; — Antonini François, propriétaire; — Tomasini J., cultivateur ; — Commis voyageurs de passe à Santo-Antonino.—Briquas,de Tarrare;—Roche.de Blidab;
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- — Ormin, de Lyon ; — Baccicabuli, de Marseille ; — Cas-querite, de Ste-Marie, Var; Naquet, de Groupe,Gard.
- Haute-Vienne. Thiat,— Riffaud Louis ; — Pêcher Pierre, conseiller municipal ;— Nouhaud, cantonnier; — Yosel Jean ; — Paiilit François ; — Nouhaud Michel ; — Guillemot Baptiste, conseiller municipal ; — Nouhaud François ; — Desjacques Jules ; — Petit Jean ; — Bourgadier Jean-Baptiste, conseiller municipal; Jouillat Jean-Baptiste, conseiller municipal ; — Jouillat Jean Dupond Jacques ;
- — Monneron Louis ; — Desbrousses ; — Rouzot Louis ; — Mesdames. Martin Adèle ; — Escande Léa;— Jouillat Emilie; — Desjacques Marie;— Prot Marie;— Desbrousses Marie ; — autre Desbrousses Marie ; — Rouzat Evangéline ; — Desbrousses Mélanie ; — Desbrousses Victoire.
- Var, Vinon. — Tournel Rollin, coiffeur ; — Gonthard Toussaint, tailleur ; — Paper Isidore, fabricant de chaises ;
- — Thumin Justinien, retraité ; — Gomhert Henry, propriétaire ; — Férévoux Louis, ferblantier ; — Pardigon Gardun, propriétaire ; — Maurel Eugène, propriétaire ; — Tartonne Henry, propriétaire ; — Arnaud Hilarion, propriétaire; — Agnel Théodore, maréchal ; Dutthoith Clément, maréchal ; — Tartonnez Gustave, cultivateur ; Coulomb Daniel, cultivateur;
- — Brémond, cordonner; — Coulomb Théodore, cafatier ; — Coulomb Adolphe, négociant; — Turrier Joseph, propriétaire; — Mouron Toussaint,menuisier ;— Régnier Edmond, cultivateur ; — Coulomb Eugène, maître-d’hôtel ; — Maurras Désiré, propriétaire.
- Bibliothèque du Familistère.
- Ouvrages reçus
- An analysis of the principles of économies, par Patrick Geddes.
- Manuel d’instruction nationale, par Emmanuel Vauchez, en venle chez Hachette et Cie, Paris.
- La Femme et le Droit, étude historique sur la condition des femmes, par Louis Bridel, 1 volume,
- 3 fr., chez Pichon, 24, rue Soufïlot, Paris.
- Le Travail ancien et le Travail moderne, par J. B. Gauthier, en vente Imprimerie Ghaix, Paris.
- Essai sur les réformes organiques de la France, par E. Illy, 1 volume, 1 fr., chez Camoin, rue Cannebière, Marseille.
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- MAITRE PIERRE
- Par Edmond ABOUT
- (Suite.)
- III
- LES LANDES.
- « Il vivait petitement de sa retraite et de sa croix,car les biens qu’il avait dans le pays ne rapportaient pas cent francs de rente. Je l’entendais maugréer matin et soir
- contre la cherté des vivres,la bêtise des gens, l’ingratitude des rois, et le boulet qui l’avait fait invalide à vingt-cinq ans. Il paraissait plus vieux que son âge, parce qu’il était souvent malade et toujours de mauvaise humeur. Il passait une partie du jour au cabaret, et le soir, après souper, il fumait dans une pipe en buvant de l’eau-de- vie.
- « Son premier soin fut de m’expédier aux champs avec son berger. Il m’habilla comme vous me voyez aujourd’hui, car je suis resté fidèle à mon premier costume.Le vieux berger me battait ; les autres enfants qui menaient paître des -bêtes ine faisaient des niches et me donnaient de vilains noms. Le sergent me traitait tantôt bien, tantôt mal, car il était d’humeur très-variable, comme les gens inoccupés. 11 me nourrissait de mauvais maïs, de millet mal cuit et de sardines rances ; le tout arrosé de l’eau jaune que vous savez. Mais quelquefois, lorsqu’il se sentait en gaieté, il me prenait sur ses genoux, me bourrait d’anguilles frites etde pain blanc, me faisait avaler un demi-verred’eau-de-vie, riait de ma grimace et me tirait les oreilles pour dessert. Dans un de ces accès d’amitié, il mit le vieux berger à la porte, et me nomma général en chef de ses quarante moutons. J’avais huit ans. Je commençai d’être heureux dès que je pus vivre seul. Pour éviter la compagnie des autres enfants, je menais ïm„ bêtes bien loin du village, tout au bout du communal. Les petits bergers, pour être ensemble et se désennuyer, réunissent cinq ou six troupeaux en un seul. Tout se démêle le soir, au premier coup de cornet, et chaque mouton rejoint sa bande. Moi, je faisais bande à part avec mes bêtes, et je n’étais jamais sicontentque lorsque je ne voyais personne aux environs. Il me semblait alors que j’étais le maître du pays, et que les Landes m’appartenaient. Vous voyez que j’avais mes petits instincts de roi.
- « Dans la solitude où je vivais, je fis bientôt connaissance avec les lièvres,les lapins et les perdrix rouges. J’appris» à guetter le gibier et à tendre des collets sur son passage • Il aurait fallu se lever bien matin ponr trouver ma sacoche vide, et je rapportais toujours quelque chose à la maison. Le sergent se régalait de mon petit braconnage, et il m’en faisait profiter quelquefois ; mais il ne se décida jamais à meyionfier son fusil.
- Cétait une arme à deux coups,un bon outil, bien solides qni a servi longtemps et qui a fait diablement d’ouvrage entremes doigts. En ce temps-là,jele regardais avec convoitise, derrière le poêle où le sergent l’avait suspendu. Quand je faisais mine d’y porter la main, j’entendais un juronterriblesuivi deces mots sacramentels: «Touchepas ! ça brûle. » J’avais beau alléguer les loups qui descendaient quelquefois dans la lande et qui faisaient de
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- jolies récoltes de brebis,le sergent ne voulait pas que son fusil servit à personne, depuis qu'il ne pouvait plus lu* servir.
- « Je pensais bien quelquefois à en acheter un autre, mais on n’en trouvait qu’à Bordeaux, et j’étais bien pauvre pour payer un meuble si précieux. Le sergent, tant qu’il vécut, me traita comme son berger et non comme son fils : il me donnait des gages. Je reçus d’abord trois écus par an, puis quatre;j’avais quarante soiis d’étrennes au lw janvier. Comme j’étais logé, vêtu et nourri, et que ma seule passion, la chasse, ne me coûtait rien, j’économisais tout mon argent et je le serrais dans un trou. A douze ans j’avais mis de côté cinq années de gage à douze? francs, deux années à seize, et quatorze francs d’étrennes total 106 francs que je recomptais en cachette, sans oser demander à personne quel est le prix d’un fusil. Je savais que la moindre maison coûte plusieurs centaines d’écus, et je ne pouvais croire qu’un fusil fût moins cher qu’une maison.
- « Sur ces entrefaites, le sergent, qui ne s’était jamais trop bien porté, tomba malade à garder le lit. Il avait la manie de soigner ses fièvres lui-même, et il se droguait tout de travers, tantôt laissant reposer la maladie ; tantôt prenant des médecines de cheval. Quand je vis qu’il n’en avait plus pour longtemps, je me sentis un peu triste et embarrassé. Jo ne savais pourtant pas qu’il fût mon père ; c’est une chose que j’ai comprise depuis sa mort. Je me demandais ce que j’allais devenir sans lui, et cette idée-là me brouillait la tète ; mais je ne pouvais pas m’empêcher de sourire en pensant que,lui mort, personne ne me défendrait plus de toucher au fusil. Voilà les idées que j’avais sur la propriété !
- « Il me garda auprès de lui pendant les derniers jours. Mes moutons s’en furent a ux champs avec un autre, et je fus grandement privé de ne plus voiries landes ni compter mon argent. Un matin, il me cria, de sa grosse voix que la mort avait bien radoucie : « Hé, clampin ! va-t’en au Porge chercher le notaire et ne laisse pas entrer le curé ! H est temps de boucler mon sac ; ou bat le rappel.» Je fus bientôt revenu: le village de Bulos est entre le Porge et La Ganau. Mon pauvre sergent eut à peine le temps designer les écritures: il trépassa entre les bras du notaire. Moi, j’attendais à côté, dans la cuisine.
- « On me mit, pour garder son corps, durant la nuit suivante, avec une vieille femme du village. Toutes les fois que la garde ronflait sur ses prières, j’étais tenté de prendre le fusil et de me sauver par la fenêtre ; mais elle s’éveillait au moindre mouvement, parce que les vieilles gens ont le sommeil léger. «Attendez que je vire de bord. Pare à virer, Marinette 1 »
- (A suivre.
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- État-civil du Familistère
- Semaine du 9 au 15 Mars 1885.
- Naissance:
- Le 11 Mars, de Thoret Eugène-Alfred, fils de Thoret Emile et de Lecompte Augustine.
- Décès :
- Le 9 Mars, de Routier Fernande-Georgina décédée à l’âge de 1 an et 8 mois.
- Le 14 Mars, deChimotLouise, épouse de Hutin Théophile, âgée de 34 ans 1/2.
- REVUE SOCIALISTE
- La Revue socialiste, publication mensuelle de 96 pages. Abonnement, administration, 12, rue du Croissant ; abonnements pour la France, la Suisse et la Belgique, 3 mois, 3 fr. ;
- 6 mois, 6 fr. ; 12 mois, 12 fr.; Union postale, 6 mois,
- 7 fr. ; un an, 14 fr.
- Vient de paraître le numéro 3 dont voici le sommaire. Les nécessités agricoles, par G. Rouanet.— Les progrès de l’agiotage (suite),par B. Malon. La paix européenne,par A. Brissac. — Karl Marx, par E. Halpérine. — Un martyr russe (Mysekine). — Jules Vallès, par Paul Gassard. — Un chansonnier socialiste (J. B. Clément). — Mélanges et documents. — Revue économique. — Revue des faits sociaux. — Sociétés savantes et cours d’économie sociale. — Revue de la presse. — Revue des livres.— Divers.
- Société du Familistère de Guise
- Bureaux à 7 heures. — Rideau à 7 heures et demie Dimanche 22 Mars 1885 REPRÉSENTATION EXTRAORDINAIRE
- AVEC LE CONCOURS DE M11® Clémence DEM0UL1N, lre Chanteuse, Ir0 Dngazon M. BOUE, lre Basse du Théâtre-Lyrique, engagé spécialement. Mme GEORGE, Seconde Chanteuse. M. L. MARTY, Ténor léger.
- MIGNON
- Opéra-comique eu trois actes et quatre tableaux Paroles de M. J. BARLIER. - Musique d’Ambroise THOMAS
- !«• Tableau : LA TAVERNE DU COQ GAULOIS. - 2® Tableau : LE BOUDOIR DE PHIL1NE. 3e Tableau : L’INCENDIE. — 4e Tableau : L’ENFANT RETROUVÉ.
- MUe Clémence DEMOULIN jouera le rôle de Mignon.
- M. BOUÉ jouera le rôle de Lothario.
- Le spectacle commencera par
- LES FORFAITS DE PIPERMANS
- Comédie-Vaudeville en un acte de MM. GHIVOT et DURU Le Directeur-Gérant : GODIN
- — ta».
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- LIBRAIRIE DU FAMILISTERE
- GUISE (Aisne)
- nrvr^ 3EES. C3â-C0£0£î&3r
- Fondateur* du Familistère Vient de paraître :
- Le Gouvernement, ce qu’il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action.
- Ce volume met en lumière le rôle des pouvoirs et des gouvernements, le principe des droits de
- ouvrage est terminé par une proposition surance nationale de tous les citoyens contre la misère.
- In-8° broché, avec portrait de l’auteur. . . . ........................................8 fr.
- Solutions sociales. --- Exposition philosophique et sociale de l’œuvre du Familistère avec la
- vue générale de l’établissement, les vues intérieures du palais, plans et nombreuses gravures :
- Éditi m in-8® . ..............................................................................10 fr.
- Edition in-18.................................................................................. 5 fr.
- Mutualité sociale et association du Capital et du Travail ou extinction du, paupérisme
- par la consécration du droit naturel des faibles au nécessaire et du droit des travailleurs à participer aux bénéfices de la production.
- Ce volume contient les statuts et règlements de la Société du Familistère de Guise. ï
- In-8° broché, avec la vue générale des établissements de l’association..........................5 fr.
- Sans la vue.....................................................................................4 fr.
- Mutualité nationale contre la Misère. — Pétition et proposition de loi à la Chambre des députés
- Brochure in-8°, extraite du volume « Le Gouvernement »......................................1 fr. 50
- Les quatre ouvrages ci-dessus se trouvent également :
- Librairie Guillaumin et Cie, 14, rue Richelieu, Paris.
- Librairie Ghio, 1, 3, 5, 7, galerie d’Orléans, Palais-Royal, Pans.
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- Les Socialistes et les Droits du travail . . 0,40 cent. La Politique du travail et la Politique des privilèges. 0,40 La Richesse au service du peuple .... 0,40 cent. La Souveraineté et les Droits du peuple.......................0,40
- OUVRAGES RECOMMANDÉS AUX COOPÉRATEURS Histoire de l’association apicole de Ralahine (Irlande), Résumé des documents de
- M. E. T. Craig, secrétaire et administrateur de l’association. Ouvrage d’un intérêt dramatique, traduit par Marie Moret.........................................................................0,75 cent.
- Histoire des équitables pionniers de Rochdale, de a. j. holyoake. Résumé traduit de
- l’anglais, par Marie Moret..............................................................0,75 cent.
- ROMAN SOCIALISTE
- La Fille de son Père. Roman socialiste américain, de Mm« Marie Howland, traduction de
- M. M., vol. broché............................................................3 fr. 50
- La première édition de ce roman publiée par M. John Jfwett, l’éditeur de « la Case de l’Oncle Tom », a eu un grand succès en Amérique. Ce Roman est aux questions sociales qui agitent le monde civilisé, ce que « la Case de l’Oncle Tom » fut pour la question de l’esclavage.
- Se vend aussi chez Ghio, 1,3, 5, 7, galerie du Palais-Royal, Paris.
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- Année, Tome 9. — N* 342 Le numéro hebdomadaire %0 c.
- Dimanche 29 Mars 1885
- le wmmrn,
- BEVUE DES QUESTIONS SOCIALES
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- BUREAU
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- Toutes les communications
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit aubureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant fondateur du Familistère
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- 5, rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE daministrateur de la Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- La, Crise et les Enquêtes. - L'Hospitalité de nuit a Paris. — Le Renouvellement annuel et partiel.
- — Propagande de la Paix. — La Question du pain à Lyon. — La Taxe du pain et la commandite municipale. — Faits politiques et sociaux de la semaine. — L'Élite de la Nation. — Les progrès de l'agiotage.— Curiosité historique.
- — Le chômage aux États-Unis. — Les anarchistes en Amérique. — Nos Échanges. — Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen. — Maître* Pierre.
- AVIS
- Le journal a Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
- LA CRISE ET LES ENQUÊTES
- Lettre aux conseillers municipaux de Paris
- Messieurs les Conseillers,
- La rédacti on du Devoir, à tort ou à raison, a pensé qu’il était urgent d’attirer votre attention sur quelques questions dignes de votre sollicitude. Ses réflexions sont contenues en partie dans cette lettre et dans l’article « La Taxe du Pain et la Commandite municipale, » article publié dans ce numéro que nous adressons à chacun de vous.
- Vous faites une enquête sur la crise ouvrière, comme vos grands frères du Palais-Bourbon !
- Les Compagnons du Devoir, les Loups, les Drilles, les Devoirants, les Renards de la Liberté feront défiler devant votre commission du tra' vail leurs représentants les plus autorisés. Us vous répéteront ce qu’ils ont dit devant la commission des 44, ce qui a été écrit dans tous les journaux, ce qui ne cesse de retentir dans toutes les réunions, ce que vous savez vous même : que le travailleur manque de sécurité par l’irrégularité du travail, que la fréquence des chômages crée une situation intolérable ; iis vous demanderont enfin de faire tout ce qui dépend de vous pour remédier à ce présent déplorable.
- Si votre clairvoyance ne sait dégager la définition exacte de la situation, après votre enquête, vous serez au même point que les députés et les journalistes qui, à la suite de l’enquête des 44, se
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- LE DEVOIR
- montrent incapables de dire affirmativement si les embarras économiques actuels proviennent d’une erreur passagère dans la direction de la production, ou bien s’ils sont les prodromes d’un désordre général attribuable à la mauvaise organisation sociale.
- Cette distinction est cependant capitale.
- Si nous sommes aux prises avec une crise passagère, des expédients, des palliatifs nous conduiront au rétablissement de l’ordre économique.
- Si le désordre découle de la mauvaise organisation sociale, les palliatifs, les expédients, seront sans effets durables; et vous ne pourrez arriver aux lins désirées par tous sans vous préoccuper d’organiser la société sur de nouvelles bases.
- Ce désordre économique, que vous appelez improprement une crise, est uniquement imputable à la mauvaise organisation sociale.
- C’est ce que nous voulons vous démontrer par A + B.
- Les chômages, qui désespèrent les ouvriers et déroutent les politiciens, ont été précédés d’une période d’activité générale : de 1871 à 1878, les salariés ont été constamment occupés; de 1878 à 1883, de fréquentes intermittences ont étéconsta- , tées dans la demande des bras ; maintenant, des chômages périodiques se renouvellent à brève échéance.
- Le fait apparent, proclamé par tous, est que les magasins sont encombrés et qu’on ne peut les approvisionner à nouveau qu’à mesure qu’on les vide.
- Considérons les trois phases de 1871 à 1885, dont nous venons de parler, comme formant une seule période.
- En 1871, au point de départ, une partie du pays était ravagée, les magasins étaient vides.
- Avant d’arriver à l’engorgement actuellement constaté, les salariés ont exécuté un ensemble de travaux que l’on peut ainsi classer :
- A. — Production des choses nécessaires à la consommation immédiate ;
- B. — Travaux de réparations de nos villes envahies, de nos lignes de chemin de fer ravagées,réfection du matériel roulant et de l’outillage militaire ;
- G. — Production des marchandises nécessaires à rétablir le stock normal de nos magasinages ;
- D. —Production d’un excédant de marchandises de magasinage dépassant les approvisionnements
- • linaires, excédant que les patrons, directeurs
- de la production, onfaccumulé,soit parce qu’il leur répugnait de remercier des ouvriers laborieux, soit parce qu’ils ignoraient le niveau du stock général, ou bien parce qu’ils considéraient cet encombrement comme devant avoir une courte durée.
- Maintenant, les travaux analogues à ceux désignés par les lettres B, C, sont terminés ; ceux de la catégorie D ont été suspendus, et tous les salariés antérieurement employés dans ces catégories sont venus grossir d’autant les contingents des travailleurs de la catégorie A, qui suffisaient à leur besogne; de là . surabondance de produits A ; finalement, chômages; chômages qui se répéteront aussi longtemps que les travailleurs des catégories B, C, D, resteront confondus avec ceux de la catégorie A, à moins que l’on augmente la consommation ouvrière, chose qui ne peut être faite sans briser la loi économique du salariat.
- En effet, lorsque les salariés étaient répartis et constamment employés dans les quatre catégories A, B, G, D, au moment où chacune de ces catégories atteignait son maximum de prospérité, on pouvait représenter les salaires payés à ces divers travailleurs par a, b, c, d.
- Dans ces circonstances, l’ensemble des salaires, soit la puissance de consommation des classes laborieuses, représenté par a + b + c + d,portait au maximum les salaires a des ouvriers de la catégorie A. Mais, à mesure que les travaux B, C, D s’achevaient, les salaires b, c, d diminuaient proportionnellement et finissaient par disparaître à la fin de ces entreprises. Alors la consommation ouvrière devait commencer à se restreindre, et l’augmentation du nombre des travailleurs dans la catégorie A, coïncidant avec la diminution de la consommation, devait amener l’avilissement des salaires, les chômages incessants. Tout cela est arrivé.
- Maintenant, l’ensemble des classes laborieuses, qui recevaient en 1876, époque de grande activité, une somme de salaires représentée par a + b + c + d, doivent se partager moins que les salaires a, situation difficilement acceptable, car les classes renoncent rarement aux habitudes de bien-être.
- Vous savez, Messieurs les conseillers, que l’on a imaginé la théorie des débouchés extérieurs, comme moyen d’écouler les excédants de production. Mais vous n’ignorez pas que, grâce au déve-
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- loppement in tellectuel desjindividus et à l’abondance des capitaux dans quelques mains, les contrées nouvellement ouvertes sont aussitôt transformées en centres de production, et qu’elles arrivent au premier coup à niveler leurs importations par leurs exportations, ce qui ne change pas beaucoup la situation des peuples parvenus à la période de la surproduction.
- Vous nie direz, peut-être, qu’en maintenant par des travaux publics les ouvriers de la catégorie B, travaux que l’on développerait proportionnellement au nombre d’ouvriers délaissés par les travaux G et D, on éviterait les chômages sans toucher au principe social.
- Si vous répondiez ainsi, nous vous ferions re-mar mer que les travaux publics sont faits au moyen d’emprunts, et que les emprunts augmentent, chaque année, les charges prélevées sur le travail. Au reste, il n’est pas soutenable qu’une société puisse accepter comme définitive une mesure à laquelle jamais personne n’a attribué une autre valeur que celle d’un expédient.
- Jusqu’à présent, notre démonstration n’a eu d’autre visée que celle de vous prouver que vous étiez en plein gâchis et que vous ne pouviez vous en tirer par les procédés possibles dans l’ordre économique présent.
- Serrons davantage la discussion ; peut-être arriverons nous à vous faire mettre le doigt sur la cause première.
- D’une manière générale, deux facteurs concourent à la production, le capital et le travail. Le capital perçoit les loyers, les intérêts, les prix nets des matières premières, les bénéfices, etc., etc. ; le travail reçoit les salaires.
- La valeur totale des produits obtenus par une nation, pendant une période quelconque, sera représentée par l’addition des prélèvements faits par les capitalistes et des salaires payés aux ouvriers.
- Revenons à ce que vous appelez la crise : Les magasins sont engorgés, les ouvriers manquent de travail et Usent dépensé tous les salaires reçus pendant la période d’activité.
- Vous devez conclure, Messieurs les conseillers, <iue les classes laborieuses ont fait tout ce qu’elles pouvaient faire pour éviter cet engorgement, Puisqu’elles ont retiré des magasins une quantité produits exactement égale aux salaires; la Preuve matérielle de cette vérité résulte de ce
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- fait que les travailleurs sont dans le dénuement.
- L’engorgement provient donc uniquement de ceci : que les classes capitalistes se sont attribuées une part de la production, qu’elles ne peuvent consommer dans les mêmes délais que ceux employés par les travailleurs pour consommer la part qui leur a été faite.
- Cette constatation vous fera comprendre encore que toute nouvelle capitalisation par les classes aisées, chez un peuple arrivé au point où nous en sommes, soit qu’elle résulte d’emprunts d’État ou d’une augmentation du capital engagé dans la production, tendra à allonger encore les délais des capitalistes pour retirer des magasins une part de marchandises équivalente à leurs revenus devenus plus grands. Toujours le désordre !
- Il ne faudrait pas prétendre que les travailleurs auraient pu prolonger par l’épargne ces délais, car, s’ils avaient eu cette prétendue sagesse, l’engorgement se serait manifesté beaucoup plus lot.
- En un mot, les embarras économiques proviennent de ce que la part de production accordée aux travailleurs par le salariat est sans proportion avec celle retenue par les classes capitalistes.
- De cette première conclusion se dégage nettement une indication sur la nature du remède efficace : Ce remède doit tendre à augmenter la puissance de consommation des classes laborieuses.
- Gela est possible sans aucune violence.
- Il suffit de mettre les classes laborieusss en situation de pouvoir devenir leurs propres capitalistes.
- La possession, par les travailleurs, des moyens de production, capitaux, outils et matières premières, c’est-à-dire la fusion des capitalistes et des salariés en une seule classe de producteurs associés est un problème immense, aux apparences dépassant les forces de nos générations gangrenées, si on l’envisage comme devant être résolu tout d’une pièce. Mais ramenée aux proportions du progrès rationnel,cette fusion des classes, cette association des intérêts se produira d’elle-même au bout d’une évolution dont le point de départ et chacune des phases ne présentent aucune difficulté insurmontable :
- J a mutualité nationale mettra un frein aux excès du désordre économique ;
- La participation aux bénéfices et la coopération prépareront l’avenir, en ménageant la transition et en initiant, nar leur action éducative, les travail-
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- leurs aux règles de la production et de l’échange.
- Vous pouvez, Messieurs les conseillers municipaux de Paris, exercer une influence décisive en adoptant des projets analogues à celui que nous vous proposons plus loin, sous le titre « La taxe du pain et la commandite municipale. »
- Croyez-nous, abondonnez votre enquête sur la gravité dù mal ; vous en savez assez sur ce sujet. Transformez votre commission en un bureau ouvert à toutes les propositions sur les moyens pratiques d’établir un équilibre permanent entre la consommation des classes laborieuses et celle des classes capitalistes, afin d’éviter que les premières soient privées de la possibilité d’aller aux approvisionnements, tandis que les secondes conservent pour elles la faculté de pouvoir acheter pendant de longs termes sans faire travailler à nouveau.
- Si vous faites cela, vous serez bientôt mis en possession de pondérateurs capablés de créer cet équilibre et de le maintenir i définiment, quels que soient le nombre des travailleurs et la puissance de production des nouveaux engins que nous promet le progrès mécanique.
- Commencez,Messieurs,cette, enquête ; nous vous enverrons aussitôt une deuxième lettre contenant notre déposition.
- L’Hospitalité de nuit à Paris
- Le compte rendu du dernier exercice devrait inspirer de sages réflexions à ceux qui ont la prétention d’aller civiliser les peuplades de l’Extrême-Orient et à tous les économistes qui attribuentla misère à la surproduction au lieu de reconnaître que la cause première est la mauvaise répartition des produits du travail.
- Comme les années précédentes,, le résumé des travaux de l’œuvre, pendant le dernier exercice, a été fait par M. le baron de Livois d’une façon très intéressante.
- L’œuvre a recueilli, en 1884, dans les trois asiles actuellement ouverts, 50,430 pensionnaires, qui ont couché pendant 133,215 nuits, ce qui consistue une augmentation de 13,389 pensionnaires de plus qu’en 1883.
- Ces chiffres sont d’une éloquence navrante. Le classement par profession de ces cinquante mille infortunés est urx commentaire saisissant.
- Les journaliers, terrassiers et ouvriers du sol figurent pour un chiffre de 22,580.
- Le nombre des ouvriers du bâtiment proprement dit, monte à 4,689, sur lesquels 1,928 maçons et 2,347 peintres en bâtiment.
- Toutes les professions, presque sans exception, ont fourni leur malheureux contingent aux asiles de l’œuvre.
- Cette nomenclature de misères fait peine à parcourri, Contentons-nous d’indiquer sur quelles professions porte surtout l’augmentation de 13,000 hôtes recueiihs par l’œuvre en 1884 :
- 7,636 ouvriers du sol ;
- 3.245 en bâtiments ;
- 2,003 garçons de cuisine, de café, de magasin ;
- 240 employés.
- Au point de vue de la nationalité, les pensionnaires recueillis se subdivisent ainsi : 44, 489 Français ; 2,073 Belges ; 1,875 Allemands ; 444 Italiens ; 891 Suisses ; 586 Européens d’autre nationalité ; 61 Africains; 40Américains ; 8 Asiastiques et 3 Océaniens.
- Depuis le 2 juin 1878 jusqu’au 31 décembre 1884, cela fait un total de 196, 668 pauvres qui ont passé 570,688 nuits dans les asiles de l’Œuvre.
- Aux pauvres de l’année dernière, l’Œuvre a en outre distribué 63,377 bons de pain ;27 759 bons de fourneau ; 1,037 paletots; 988 pantalons; 1,212 chemises; 4,938 paires de chaussures et 4,714 menus effets.
- Il semble qu’il faille un énorme budget pour secourir tant de misères, pour tendre la main à de si nombreuses infortunes.
- L’œuvre n’a cependant dépensé en 1884 que 54,000 francs. Ce qui coûte cher, c’est surtout l’installation de nouvelles maisons d’hospitalité. Certains quartiers de Paris auraient bien besoin de semblables asiles, mais pour cela il faut de l’argent, beaucoup d’argent.
- Comme cette déclaration contraste péniblement avec ce fait consigné plus haut que l’œuvre a recueilli 3,245 ouvriers en bâtiments !
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- Le renouvellement annuel et partiel
- Les procédés pratiques proposés par le Devoir en vue de rendre effective la souveraineté du suffrage universel font de rapides progrès dans l'opinion publique.
- Le République Radicule, dans divers articles signés de son directeur, M. Lâisant, a signalé les avantages du mode électoral proposé par M. Godin. D’autres organes delà presse parisienne, notamment l’Opinion, viennent de se prononcer en faveur du renouvellement partiel annuel.
- Cette dernière idée semble devoir être facilement acceptée, si on veut se donner la peine de faire quelques efforts pour la propager et la faire comprendre par les électeurs.
- La vulgarisation de ce projet d’amélioration de la loi électorale n’est pas une œuvre de vaine politique ; elle ne vise les personnalités d’aucun parti ; elle est la consécration du principe de la souveraineté nationale.
- Aucune époque ne peut être plus favorable à l’examen du renouvellement partiel et annuel, que la période qui nous sépare des prochaines élections.
- Lorsque l’heure des réalisations approche, on doit sa'
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- voir descendre des hauteurs théoriques pour se tenir à un niveau qui permette de faire entrer dans la pratique quelque chose des principes.
- Le renouvellement partiel annuel a été écarté de la nouvelle loi électorale, tâchons de le faire inscrire dans ja partie contractuelle des programmes; nous aurons fait ainsi quelque chose pour le principe de la souveraineté nationale.
- PROPAGANDE DE LA PAIX
- Nos correspondants et les personnes qui s’intéressent à la propagande de la paix sont invités à nous faire parvenir au plus tôt les renseignements concernant leurs régions. Nos lecteurs, désireux d’acheter un certain nombre d’exemplaires de notre prochain tirage réservé aux questions d’arbitrage et de désarmement, sont priés de nous envoyer immédiatement leurs commandes.
- , .. i — ------..............- ...
- La question du pain à Lyon
- La question du pain vient de se poser à Lyon dans des conditions particulières.
- Les boulangers, réunis en syndicat, ont augmenté le prix du pain de 2 centimes par kilogramme. L’administration s’est alors émue de ce fait et, appuyée par un vote du conseil municipal, s’est proposée de rétablir la taxe sur les bases suivantes : Les frais de panification seraient fixés à 10 fr. par 100 kilos de farine, et le rapport entre le poids du pain produit et le poids de la farine employée serait évalué à i25 0/0. A Paris, on le sait, la préfecture de la Seine a fixé ce rapport à 130 0/0 et les frais de panification à 12 fr. 223.
- Le syndicat de la boulangerie se réunit et déclara que les boulangers se mettraient en grève si l’administration persistait dans son projet.
- C’est alors que la municipalité convoqua, à l’Hôtel de Ville, les présidents de douze sociétés coopératives pour leur demander leur appui dans le conflit qui venait de s’élever.
- Les présidents des sociétés ont répondu affirmativement. Avec leur personnel actuel, ils peuvent fournir 20,000 kilos de pain par jour, et avec un personnel supplémentaire ce chiffre pouri ait être porté beaucoup plus haut ; ils ont ajouté de plus qu’ils pourraient fournir le pain à 30 centimes, prix Auquel ils le donnent actuellement.
- De leur côté, les membres du syndicat de la boulangerie ont eu égaleme nt une entrevue avec les adjoints.
- Le syrL'cat a maintenu ses prétentions de vendre le pain à 34 centimes le kilogr., et a renouvelé sera craintes de voir h corporation se mettre en grève si la ta xe était rétablie.
- Après une longue discussion, M. Maynard a déclaré, au nom de l’administration, que si le syndicat n’acceptait pas le prix de 33 centimes comme prix du kilogramme de pain, la taxe serait rétablie d’office. Le syndicat s’est alors engagé à soumettre les conditions de l’administration à une réunion générale de ses adhérents.
- Cette réunion a eu lieu hier lundi, dans la salle de l’Al-cazar. Les boulangers étaient au nombre de 350. Après une longue discussion, ils ont adopté, à funanimité, un ordre du jour dans lequel ils protestent contre la loi de 1791 et déclarent ne pouvoir accepter la taxation au-dessous de 34 centimes, à cause du prix actuel des farines. Ils demandent, en outre, à l’administration, la nomination, d’une commission prise par moitié dans la corporation et dans la municipalité. Cette commission aurait pour mandat de réviser les bases de l'établissement de la taxe par essais qui seraient faits dans le plus bref délai possible.
- La municipalité discutera aujourd’hui ces propositions. Si, comme il est probable, elle ne les accepte pas, on doit s’attendre à une grève des boulangers. Les sociétés coopératives auraient déjà pris leurs mesures en conséquence.
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- Taxe du Pain et la Commandite municipale.
- La hausse du pain, que devait inévitablement causer l’élévation des tarifs douaniers appliqués aux blés importés, a remis à l’ordre du jour la question de la taxe.
- Ce n’est pas sans étonnement que l’on compte, à Paris, parmi les plus intrépides partisans de la taxe, des hommes jaloux de servir le progrès social.
- Cet illogisme mérite d’être signalé.
- Avant les nouveaux tarifs, le marché du pain n’était soumis à aucune taxe; il serait actuellement dérisoire de vouloir contraindre les boulangers à vendre au même prix une denrée provenant d’une matière premier e dont on vient d’augmenter la valeur de 15 0/0.
- La taxe du pain, pour être rationnelle, impliquerait la taxe des loyers du sol, du prix des engrais, des salaires, de la main-d’œuvre, des intérêts des capitaux, des bénéfices des minotiers et des marchands de farines, des loyers des boutiques et des installations des boulangers, la taxe enfin de tout élément concourant à la fabrication du pain.
- Vouloir attaquer la question dans son ensemble n’est pas même venu à l’idée de ceux qui réclament la taxo de la boulangerie, et nous le comprenons.
- Pourquoi des nombreux concours qui participent à la production du pain viser le boulanger plutôt
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- que le marchand de farines, que le propriétaire ou tout autre ?
- C’est s’attaquer à ce qu’on voit, sans être certain de faire œuvre véritablement réformatrice C’est obéir aux inspirations de la foule, qu’un long passé à habituée à considérer cet expédient comme la solution naturelle à opposera l’enchérissement du pain.
- Les hommes de progrès ont le devoir de ne pas se désintéresser de la question ; ils feraient preuve d’incapacité, s’ils ne savaient concevoir des remèdes efficaces, en parfaite concordance avec la sociologie.
- La taxe du prix du pain chez le boulanger appartient à l’empirisme. Son application est illogique; elle perpétuera dans l’esprit des citoyens des erreurs que l’on aurait dû depuis longtemps corriger par une éducation positive.Elle n’est qu’un expédient politique qui peut aider les politiciens à capter la confiance des masses.
- Dans ces conditions, les meilleures volontés qui usent de ces moyens pour obtenir la domination n’ont que les apparences de la puissance, car elles sont prisonnières de ces préjugés ; elles ne conservent les hautes fonctions qu’en restant esclaves des erreurs qu’elles ont contribué à consolider.
- Le progrès social condamne la taxe du pain chez le boulanger.
- Le progrès social tend à l’association des intérêts par la liberté ; c’est dans cette voie que l’on doit chercher l’amélioration de la situation des classes laborieuses.
- Deux obstacles s’opposent au libre rapprochement des intérêts dans les milieux ouvriers. Ces deux difficultés sont le manque de capitaux et le défaut de capacités administratives.
- Ces deux obstacles ne sont pas insurmontables, surtout à Paris, où la question du pain a une importance exceptionnelle.
- La municipalité de Paris peut procurer aux groupes ouvriers les capitaux et les services administratifs sans substituer sa gestion à celle des groupes.
- Voici comment peut-être comprise cette intervention de la municipalité parisienne :
- Délibération de la municipalité engageant la ville à reconnaître et à commanditer, comme société coopérative de boulangerie, tout groupement réunissant dans un quartier de Paris un
- minimum de 200 citoyens jouissant de leurs droits civils et politiques, acceptant des obligations analogues aux suivantes ;
- Dans une première réunion, les promoteurs nomment une commission d’initiative de 11 membres, ayant mandat de veiller à l’exécution des formalités préliminaires;
- La société est constituée lorsqu’elle a substitué à sa commission d’initiative une commission administrative composée de 9 membres, nommés par une assemblée générale des adhérents ;
- Les administrateurs sont choisis parmi des citoyens ayant acquis le droit d’être candidats par une enquête publique sur leurs antécédents et prouvé par le concours leurs capacités, d’après une méthode que nous allons exposer ;
- Une commune ne peut disposer des fonds sociaux sans être certaine de la valeur morale et intellectuelle de ceux qui géreront ce dépôt.
- Dès sa nomination, la commission d’initiative reçoit, pendant un mois, les noms, qualités adresses présentes et anciennes des candidats à la commission administrative. Ceux-ci sont informés aussitôt qu’ils devront remettre, dans un délai déterminé, un travail spécial sur la boulangerie et sur les questions connexes. La commission d’initiative délègue trois de ses membres à l’effet de faire une enquête sérieuse sur les antécédents de chaque candidat. A l’expiration des délais pour la remise les rapports, la commission d’initiative convoque les adhérents en assemblée générale. Les enquêteurs lisent les procès-verbaux de leurs démarches. Les candidats donnent lecture de leurs rapports. Après ces lectures les sociétaires interrogent les candidats. Lorsque les questions sont épuisées, la réunion s’ajourne à huitaine pour nommer à la majorité relative les membres de la commission administrative choisis parmi les citoyens ayant subi l’enquête et le concours. Deux cents adhérents, au moins, doivent prendre part au vote, et le procès-verbal de cette séance est signé par les votants. Pendant les huit jours entre la séance de lecture des rapports et la réunion pour la nomination, les adhérents ont le droit de venir au siège de la commission d’initiative prendre connaissance des rapports des candidats et des pièces des enquêtes ;
- La commission administraiive est nommée pour trois ans : elle est annuellement renouvelable par tiers ;
- Les conseillers municipaux de l’arrondissement
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- assistent de droit à toutes les séances des adhérents et des commissions, ayant toujours voix consultative ;
- La commission administrative se réunit une f ois, au moins, par semaii e ; elle convoque trimestriellement les membres fondateurs en réunion plénière pour les informer de la marche de l’entreprise ;
- La Ville étant le bailleur de fonds, au nom de l’intérêt général,impose l’obligation des opérations au comptant ; elle nomme le fonctionnaire comptable astreint à fournir,aux réunions hebdomadaires de la commission, un état du mouvement commercial pendant la semaine précédente, et, à la première réunion de chaque mois, un bilan arrêté à la fin du dernier mois. Le comptable n’a aucun pouvoir administratif ; il signale aux conseillers municipaux de l’arrondissement les infractions au contrat. Ces derniers en réfèrent à la municipalité ;
- Le capital avancé par la Ville reçoit 6 0/0, afin découvrir les frais d’intérêts, d’emprunt, et les risques ;
- La commission administrative fixe le prix de vente qui ne peut être évalué au-dessous du prix de revient ni être majoré de plus d’un tantième 0/0 prévu par le contrat, supposons 15 0/0 ;
- Tous les clients ont droit de faire inscrire leurs achats sur un carnet,afin de pouvoir participer à la répartition des bénéfices ;
- A la tin de chaque exercice, au total des ventes inscrites sur carnet est ajouté le total des salaires payés par la boulangerie ; chaque franc de ce total adroit à une égale part des bénéfices. Chaque part des bénéfices est destribuée sous deux formes: une moitié comptant, l’autre moitié en un titre de la caisse des retraites au nom d’une personne désignée par le porteur du carnet. Chaque participant, désireux de recevoir la totalité de son bénéfice en un versement à la caisse des retraites, informe le comité administratif qui faitle nécessaire; en aucun cas, le participant ne peut éviter de donner cette destination à la moitié au moins de ses bénéfices ;
- Les placements à la caisse des retraites sont à capitaux réservés devant retourner à la Ville après les décès des titulaires pour être utilisés en d’autres fondations garantistes.
- Il nous semble que l’observation de ces grandes lignes suffirait à mettre un frein aux excès de la spéculation et à préparer la transition vers l’avenir.
- Les garanties tirées de l’observation des préliminaires de la fondation des sociétés coopératives commanditées par la municipalité seront peut-être considérées comme excessives.
- Elles seront une mesure du dévouement et de la solidité morale et intellectuelle des coopérateurs, qualités sans lesquelles les entreprises les mieux conçues échouent pitoyablement.
- Si on recherche les causes des nombreux échecs des sociétés coopératives ouvrières, on trouve toujours au sommet le défaut de capacités administratives, les insuffisances de capitaux, et bien souvent le manque de dévouement de la pari des administrateurs de ces sociétés.
- Demandant à la municipalité parisienne de sortir des errements du passé, nous n’avons pas cru devoir émettre cette proposition sans l’entourer de conditions pratiques, propres à démontrer que les citoyens aussi renonceront à l’indolence et à leur indifférence ordinaires.
- Après réussite de quelques tentatives partielles, on serait amené insensiblement à fédérer ces groupes unitaires et à les compléter par des comités spéciaux mandatés à l’effet de constituer des minoteries, des ateliers pour la fabrication et l’entretien des outillages de ces boulangeries et de ces minoteries, etc.
- La municipalité parisienne, composée de mandataires habitués à des relations assez fréquentes avec les électeurs, aurait bientôt préparé un terrain favorable à des expérimentations de cet ordre.
- Cette méthode est certainement plus compliquée que l’application pure et simple de 1a, taxe ; elle est moins désirée par les masses que la réglementation du prix du pain.
- Gela n’est pas contestable.
- En soumettant nos propositions aux membres du conseil municipal, nous nous adressons aux hommes qui préfèrent à l’exploitation de l’ignorance publique, les labeurs qui s’imposent aux véritables républicains.
- Le devoir républicain ne consiste pas dans une aveugle soumission aux fantaisies et aux volontés de la masse.
- Les politiciens se plient à tous les caprices des foules ; le républicain ne propose et n’accepte qu’un mandat que sa conscience approuve.
- La taxa du pain est une conception politique; elle ne vaut pas plus que les autres expédients tour à tour usés et repris par les partis qui ont occupé le pouvoir depuis un siècle.
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- La commandite municipale basée sur la coopération est un acheminement vers l’harmonie sociale.
- Suivant que la municipalité parisienne adoptera la taxe ou la commandite municipale, elle donnera la mesure de son ignorance ou bien la preuve de son intelligence de la situation et de sa ferme volonté de concourir selon ses forces à l’édification de l’avenir.
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- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- Le Parlement. — Le Sénat continue l’examen des tarifs douaniers sans modifier les votes de la Chambre.
- La Chambre vient de nous doter d’une nouvelle loi électorale dont voici les principales dispositions.
- Article premier.— Les membres de la Chambre des députés sont élus au scrutin de liste.
- Art. 2. __ Chaque département élit un député par soi-
- xante-dix mille habitants ; néanmoins, il sera tenu compte de toute fraction inféiieure à soixante-dix mille.
- Art. 2, — Chaque département forme une seule circonscription électorale.
- Art. 4. __ Nul n’est élu député au premier tour de scrutin s’il n’a réuni la majorité absolue des suffrages exprimés et si le nombre des suffrages n’est pas égal au quart des électeurs inscrits.
- En outre, la Chambre a adopté la résolution suivante :
- « Sauf le cas de dissolution prévu et réglé par la Constitution, les élections générales auront lieu dans les soixante jours qui précèdent le 14 octobre, date ou expirent les pouvoirs de la Chambre.»
- L’expiration des mandats des députés devant avoir lieu le 14 octobre prochain, le ministre ne peut donc devancer la date du 14 août pour ouvrir la période électorale. Les populations ont cinq mois pour se préparer aux élections prochaines ; ce délai est suffisant, si les électeurs savent se mettre à l’œuvre dès maintenant.
- Les nouveaux crédits pour Madagascar.
- __Le ministre de la Marine a déposé sur le bureau de la
- Chambre une nouvelle demande de crédits pour 1 expédition de Madagascar ; ces crédits s’élèvent à 12,190,000 francs.
- Dans l’exposé des motifs, le Ministre dit que, depuis le vote des crédits de 1884, par suite d’opérations militaires et navales, nos troupes ont occupé certains points delà partie septentrionale de Madagascar.
- Après Passadanva, elles ont pris Vohémar, qui doit être relié par une route à Tintingue, Foulepointe et Tamatave.
- D’autre pari, depuis le combat du 5 décembre dernier, livré aux Hovas, nous sommes maîtres de toute la région qui s’étend du cap d’Ambre au 14e degré de latitude.
- Le ministre indique ensuite le chiffre des forces militaires et navales qu’il y a lieu d’entretenir à Madagascar durant l’année 1885.
- En ce qui concerne les forces navales, outre les cinq bâtiments de la division permanente de la mer des Indes, qui ont 900 hommes d’équipage, il y a, à Madagascar, 13 bâtiments, dont 7 transports, qui, avec un bataillon de fusiliers marins et 100 matelots malgaches, ont un effectif de 2,250 hommes.
- Les forces militaires comprennent 1,415 hommes d’infanterie ou d’artillerie de marine, 625 volontaires de l’Ile de la Réunion et une compagnie de disciplinaires.
- Le total de nos troupes à Madagascar est donc de 18 bâtiments, 3,150 hommes d’équipage et 2,280 hommes de troupes de terre.
- L’instruction publique . — M. Durand, sous-secrétaire d’Etat au ministère de l’instruction publique et des beaux-arts, vient d’adresser à M. Escande, député, une lettre au sujet des départements où l’on réclame des instituteurs et des institutrices.
- Dans cette lettre, le sous-secrétaire d’Etat dit que d’après des renseignements fournis au mois d’octobre 1884 c’est-à dire après l’applicatiop rigoureuse de la loi du 16 juin 1881, le personnel enseignant primaire est actuellement au complet dans toute la France et en Algérie.
- Dans presque tous les départements, un certain nombre d’aspirants et surtout d’aspirantes, tous munis du brevet, quelques-uns même anciens élèves d’écoles normales, sont en instance pour être pourvus d’un emploi.
- Le nombre de ces candidats non placés s’élève environ j 10,000.
- Précisément en raison de cette situation, les demandes d’emploi affluent à l’administration centrale, qui, n’ayant ni le droit ni le pouvoir d’v satisfaire, s# voit réduite à indiquer simplement aux solliciteurs les départements signalés comme ayant un moins grand nombre de candidats à pourvoir.
- Ces départements sont, pour les instituteurs : l’Ailier, le Cher, la Drôme, l’Eure-et-Loir, l’Indre, l’Indre-et-Loire, le Loir-et-Cher, la Loire-Inférieure, le Loiret, le Maine-et-Loire, la Mayenne, le Morbihan, la Nièvre et la Savoie ; pour les institutrices : l’Ailier, le Cher, l’Eure-et-Loir le Loir-et-Cher, le Loiret, La Marne, la Mayenne, la Meurthe-et-Moselle et la Savoie.
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- Le Proj et Fleury. — La com mission relative à la mobilisation partielle de la propriété foncière entendra mercredi prochain M. Magnin, sénateur, gouverneur de la Banque de France, sur la proposition de loi de M. Fleury.
- On sait que cette proposition tend à la création d’un nouveau papier-monnaie dont la valeur serait garantie par la propriété foncière.
- MM. Faure, sous-secrétaire d’Etat, et Christophle, gouverneur du Crédit foncier, s’étant déjà prononcés contre le principe de la proposition, il est à prévoir que M. Magnin la combattra également. ,
- Dans ce cas et en raison du monopole de la Banque France en matière de papier-monnaie, la commission ® mobilisation de la propriété foncière sera obligée de renvoi® la proposition de M. Fleury au gouvernement, en l’invitan a
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- LE DEVOIR
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- modifier la convention passée avec la Banque de France lorsque son monopole viendra à expiration.
- Rappelons à ce sujet que le monopole n’expire qu’en 1896.
- TONKIN
- Notre situation reste la même ; notre marche en avant est lente et nos succès partiels ne produisent aucun découragement parmi les Chinois que l’on dit toujours très actifs dans 'augmentation de leurs moyens de défense.
- Des bruits venus de Berlin permettraient de supposer qu’à Pékinon se préoccupe sérieusement de trouver les bases d’un accord acceptable par les deux parties.
- BELGIQUE
- Suffrage universel. — On nous écrit de Bruxelles que l’Association belge pour la représentation proportionnelle a décidé, dans sa dernière séance de provoquer pour le mois d'août prochain, à l’occasion de l’Exposition internationale d’Anvers, la réunion d’une conférence internationale des délégués de tous les cercles et sociétés s’occupant de la question de la représentation des minorités.
- Espérons que l’initiative de l’association belge portera ses fruits.
- ESPAGNE
- Agitation républicaine. — On télégraphie de Londres au Gallignani’ s Messenger que, d’après les dernières dépêches de Madrid, l’atittude de l’armée cause de vives inquiétudes dans les cercles officiels. Ainsi, à Badajoz, le colonel Berrez, commandant d’un régiment de cavalerie de réserve, a été arrêté comme impliqué dans un complot ayant pour but d’établir un régime républicain à Pampelune. Un caporal et deux agents de police sont aussi accusés d’avoir participé à ce complot. D’après les renseignements fournis par l’enquête, l’organisation révolutionnaire est très étendue et dirigée avec une grande énergie. Des troupes ont été concentrées dans le district de Gérone, où l’on s’attend à un coup de main républicain.
- ITALIE
- La politique coloniale de l’Italie.—Interpellé, au sénat, sur la politique coloniale de l’Italie, M. Mancini, ministre des affaires étrangères, a donné les explications suivantes :
- L’initiative que l’Italie a prise sur le littoral de la mer Rouge — a dit le ministre — ne constitue pas un changement à son programme politique. Il est conforme aux grandes traditions et à la position géographique de l’Italie. L’Italie ne doit pas viser à des conquêtes territoriales, mais à l’extension de son influence politique et commerciale et de son action civilisatrice.
- L’alliance de l’Italie avec les puissances centrales, a dit ensuite M. Mancini, et l’alliance — ou du moins le bon accord — avec l’Angleterre en ce qui concerne les intérêts maritimes méditerrannéens, ont toujours été le programme préconisé par le cabinet. Nous avons réalisé ce programme. La communauté d’une action spéciale avec l’Angleterre ne contredit pas notre alliance avec l’Allemagne et l’Autriche.
- Elle la complète au contraire et constitue la meilleure garantie pour la paix européenne.
- L’orateur ajoute que, s’il n’a pas accepté, en 4882, les propositions d’intervenir sans conditions en Egypte, c’est parce qu’il avait résolu de ne prendre aucun engagement pouvant léser les pactes conclus avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. Le cabinet italien a atteint ce but. Dernièrement encore, on a vu l’Angleterre et l’Allemagne se rapprocher pacifiquement. On doit à cette politique la présence aux fêtes de Berlin d’un prince italien qui, avec les princes anglais, participe à la fête de famille du glorieux empereur, qui représente non seulement les victoires de son peuple, mais aussi la paix de l’Europe.
- Les occpations de l’Italie sur le littoral de la mer Rouge concourent à la pacification de l’Egypte, exercent une influence sur la solution définitive de la question égyptienne et consolident, parles services quelles rendent, les relations de l’Italie avec l'Angleterre.
- Néanmoins — reprend l’orateur — il n’existe pas d’engagement anglo-italien. S’il y en avait un dans l’avenir, le Parlement serait consulté. Si les troupes envoyées pour garantir la sécurité des territoires occupés et des régions voisines ne suffisaient pas, le gouvernement enverrait les renforts absolument nécessaires. L’Angleterre vient de consentir à ce que l’italie adhère au traité anglo-égyptien de 1877 pour la répression du commerce des esclaves. L’Italie conclura une convention ad hoc. Quant à Keren et aux autres territoires indiqués comme devant être le quartier d’été des troupes italiennes, M. Mancini fait observer qu’ils sont encore au pouvoir des Egyptiens quoiqu’ils aient été cédés à l’Abyssinie.
- La conduite du gouvernement — dit en terminant le ministre — tend à éviter toute complication avec l’Abyssinie et à résoudre toutes les questions d’un commun accord.
- Les paroles de M. Mancini témoignent certainement de beaucoup de bonne volonté ; mais elles sont paroles de ministre !
- ANGLETERRE
- Irlandais et Anglais, — Environ 15,000 Ir landais se sont réunis dimanche après-midi dans Phoenix Park, à Dublin, sous la présidence du lord-maire, pour protester contre la suspension, prononcée par le speaker delà Chambre des Communes, dans la séance de mardi, contre M. W. O’Brien, membre du Parlement.
- « L’Irlande et l’Angleterre, a dit M. O’Brien dans cette réunion, sont divisées par des relations de guerre civile tempérées par le manque d’armes à feu. Qui donc a demandé au prince de Galles à venir en Irlande, et qu’a-t-il jamais fait pour le peuple irlandais? Nous ne lui manquerons pas de respect, mais, d’autre part, il n’y a pas lieu non plus de lui manifester aucune amitié. En nous abstenant, nous prouverons que nous nous respectons nous-mêmes ; ceia vaudra mieux que de manifester des sentiments de loyauté qui ne sont pas dans notre cœur. Le peuple anglais hait les Irlandais et le peuple irlandais hait les Anglais.
- Le lord-maire de Dublin a également pris la parole. « Depuis qu’il est question d’une visite du prince de Galles en Irlande, a-t-il dit, plusieurs maisons de commerce de Leeds,
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- de Liverpool et d’autres villes d’Angleterre m’ont écrit pour m’offrir desdrapeaux, des bannières et d’autres ornements, mais jamais aucune d’elles ne recevra un penny de moi pour un te' objet. Depuis mon installation à Mansion House, le drapeau civique n’a cessé d’y flotter, mais je l’arracherai le jour où le prince de Galles débarquera à Kingstown. Si j’ai un conseil à donner au commerce de D iblin, c’est de s’abstenir d’offrir en vente des médailles ou quoi que ce soit qui puisse rappeler aux Irlandais la visite du prince de Galles en Irlande. Laissez ces démonstrations aux Anglais. »
- Ce discours et celui de M. O’Brien ont été vivement applaudis par les auditeurs enthousiastes.
- L’Élite de la Nation
- Les économistes constituent l’élite de la nation-Nous ne voulons pas les contrarier. Acceptons leur dire, et voyons comment ils parient des choses intéressant la masse.
- M. de Molinari, dans le dernier numéro du journal des Économistes, a publié une étude intitulée « Les lois naturelles de l’Economie politique. »
- Le procédé de M. de Molinari peut se formuler ainsi :
- Le savant économiste expose avec un rare talent d’observation tous les phénomènes de la production dominée par la concurrence ; puis, fort de l’exactitude de son exposé, il conclut que ces faits sont les règles immuables de la production.
- Nous ne nierons pas l’existence des particularités si bien défiriies par M. de Molinari, mais nous prierons M. de Molinari et les autres membres de l’élite de la nation d’observer qu’il a existé des époques, pendant lesquelles la production subissait des influences sans analogie avec celles prônées par les économistes. Rien n’empêchait les sophistes d’alors de classer ces influences, de prendre acte de leur existence pour les déclarer naturelles et immuables.
- Ces constatations n’auraient pas empêché l’éclosion des économistes, pas plus que les observations de M. de Molinari arrêteront l’avénement de l’économie sociale.
- Nous rappellerons à M. de Molinari que la terre a été primitivement une planète inhabitée et inhabitable, qu’elle a été successivement peuplée de plantes et d’animaux n’ayant aucune ressemblance avec ceux de notre époque, et que ces états, quoique complètement dissemblables, étaient néanmoins des phénomènes naturels, puisqu’ils étaient le produit de l’action de la nature qui agissait sans prendre l’avis des économistes ?
- L’avénement de l’économie sociale, sera aussi un phénomène naturel, comme l’économie politique. Et le fait des hommes de remplacer celle-ci par celle-là sera une manifestation de cet autre phénomène naturel qui donne aux hommes la faculté de pouvoir choisir dans une certaine limite, i-mite qui s’agrandit chaque jour,les productions de la nature les plus conformes aux besoins de la vie humaine et de pouvoir les substituer aux pratiques antérieures moins favorables, quoique naturelles, au développement de l’humanité.
- Le langage de M, de Molinari est aussi un fait naturel, bien qu’il exprime des aberrations déplorables.
- Voici un passage de l’étude qui nous a inspiré ces réflexions :
- « On voit donc que les lois naturelles agissent à la manière d’un crible qui sépare le bon grain d’avec le mauvais, mais ce n'est pas sans infliger de cruelles pénalités et de douloureuses souffrances. Les entreprises qui succombent entraînen dans leur chute tout un personnel souvent digne d’intérêt et dont une partie n’a point mérité son sort. Les capitalistes perdent les fonds qu’ils y ont engagés, et s’ils ont commis l’imprudence d’y immobiliser tout leur avoir, ils sont réduits à la misère d’autant plus dure à supporter qu’elle succède à la richesse ou à l’aisance. Grâce à la bienfaisante assurance du salariat que des novateurs imbéciles voudraient remplacer par la participation, les ouvriers ne supportent qu’une part limitée dans ce désastre; tout au plus perdent-ils le salaire d’une semaine ou d’un mois, mais ils sont obligés de chercher d’autres emplois, et, s’ils sont vieux ou gâtés par une discipline relâchée,ils sont exposés à ne pas les trouver et à subir les plus dures extrémités de la misère.»
- L’écrivain, qui, disons le en passant, à la réputation d’avoir le plus de tact et d’urbanité parmi les économistes, continue son article en prétendant prouver que tout cela est très juste et ne saurait être changé.
- Que l’éminent directeur de l’Economiste déclare les partisans de la participation êfre des imbéciles, cela nous importe peu. Mais il doit comprendre que ceux qui ont pitié des esclaves de la faim usant leur santé et leur vie à créer la richesse d’une société» qui ne leur donne en échange que l’affreuse misère, soient d’avis que certaines des doctrines imper-tubablement professées par l’élite des économistes»
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- si elles ne sont pas imbéciles, ont le défaut d’étre monstrueuses. La doctrine que nous venons de ci-ler est de ce nombre.
- Quant à nous, nous déclarons que la société doit organiser la mutualité et la solidarité sociales de façon à ce que les capitalistes qui succombent ne soient pas plus condamnés à la misère que les simples travailleurs ne doivent l’être de leur côté. Apprenez donc, économistes, que la vie humaine est la chose la plus précieuse que la société doit s’attacher à conserver, et que c’est sur la richesse créée par le travail que les réserves nécessaires doivent-être prélevées au profit de tous.
- Que M. de Molinari l’apprenne, s’il ne le sait déjà, les partisans de la participation n’ont jamais proposé ce progrès en vue de remplacer le salariat ; ils ont simplement demandé que l’on complète le salariat par la participation, afin de créer avec le> produits de cette participation des institutions garantistes et de faciliter aux travailleurs l’accession au régime de l’association.
- La participation aux bénéfices n’a jamais été considérée par ses défenseurs comme devant exposer les travailleurs à recevoir moins que le salaire nécessaire à leur entretien et à leur conservation.Car les novateurs imbéciles ne comprennent pas que les travailleurs devenus vieux, souvent prématurément vieillis par les lois de la production telles que les prônent b'S intelligents économistes, aient à subir les plus dures extrémités de la misère.
- Si le directeur du Journal des Économistes fausse iesdoctrines de ses adversaires, il rachète ce défaut par une incomparable franchise dans l’exposé des conséquences des institutions conçues selon l’esprit de l’économie politique. Jamais les socialistes n’ont établi avec plus de netteté la fatalité d’une aveugle misère sous le régime de l’économie politique.
- La citation cynique que nous avons tirée du Journal des Économistes exprime exactement les secrètes préoccupations de ceux qui veulent maintenir une élite dans la nation par l’oppression et par l’abaissement des masses.
- Nous aussi nous voulons une élite dans la nation;' mais nous savons que le véritable moyen d’y parvenir est de garantir l’existence à tous les êtres, afin que, du la possibilité pour chacun de pouvoir selcver, nous soyons certain d’avoir au sommet de la société les plus méritants et les plus dignes.
- On se demande quelle place occuperont alors les ^oins imbéciles des économistes.
- Les Progrès de l’Agiotage
- Sous ce titre, M. B. Malon, a publié dans les 2e et 3me numéros de la Revue socialiste un remarquable historique de la spéculation financière.
- Disons d’abord que les premiers numéros de la Revue socialiste la placent au premier rang des publications sérieuses. Gela gênera, peut-être, Messieurs les économistes qui seront désormais obligés de tenir compte de certaines idées et de certains faits qu’ils n’auront plus le droit d’ignorer, puisque d’auties en parleront avec une impartialité justifiée par la volonté du directeur de la Revue socialiste d’en faire une tribune ouverte à tous les réformateurs.
- M. Malon s’est inspiré aux meilleures sources. Son étude sur l’agiotage est sobre d’appréciation,elle est surtout une accumulation de faits suffisamment concluants par eux-mêmes. La clarté de l’exposition rend si évidentes les spoliations successives accomplies par les meneurs de la finance, que les commentaires n’auraient rien ajouté aux réflexions qui se présentent spontanément à l’esprit du lecteur, même le plus inexpérimenté en matière financière. Il était difficile d’être plus complet, plus précis, plus instructif et plus bref.
- Après quelques mots sur les précurseurs de Law, M. Malon passe en revue le système de Law, l’agiotage sous Louis XV et Louis XVI, pendant la révolution, sous l’empire, et sous tous les régimes qui ont précédé notre troisième république.
- Le deuxième article de M. Malon paru dans le numéro 3 de la Revue socialiste se termine ainsi :
- « L’effondrement de l’Empire vint, entraînant la mutilation, la luine et le déshonneur de la France. Mais, comme nous allons le voir, de liquidation libératrice, il n’en fut pas question, et les écumeurs, un moment mis au second plan, subitement relevés par le sinistre et abominable Thiers, purent se préparer à de nouveaux exploits, aux dépens de l’incorrigible plèbe actionnaire, au détriment de la moralité publique et de la population travailleuse qui n’en peut mais et en souffre le plus.
- » Il nous reste maintenant à saluer les grands faiseurs eu-ropéo-américains et à raconter les audacieuses et colossales opérations des écumeurs de la troisième république, de 1872 au grand Krach du 1er janvier 1883. »
- Cette troisième partie devra enregistrer de non moins grands méfaits, de non moins colossales pirateries financières que celles des époques précédentes. Mais l’historien trouvera-t-il, à côté des chevaliers de la finance, de là troisième république , d’aussi vaillants lutteurs que ceux dont-il cite les noms et qui ont dépensé tant de verve,d’énergie et de courage à braver les corruptions de l’agiotage et les verges des pouvoirs complices ?
- CURIOSITÉ HISTORIQUE
- La Révolution française fut prédite en 1414 par l’évêque de Cambrai, Pierre d’Ailly, surnommé le Marteau des hérétiques.
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- Il était aumônier de Charles VI et légat du pape. Né en 1330, il était, comme on voit, fort âgé lorsqu’il fit cette prédiction.
- Il avait toute sa vie étudié l’astrologie — science aujourd’hui fort négligée — et signalait comme absolument re dou-labledes révolutions de la planète Saturne — surtout dans ses conjonctions avec Jupiter.
- « Or, écrit-il, la huitième de ces grandes conjonctions aura lieu Fan du monde 7040 et, après elle, dans l’année 1789 de notre ère^une des grandes périodes de Saturne sera accomplie-Dès lors, si le monde existe encore en ce temps-là (ce que Dieu seul peut savoir) il y' aura de nombreux, de grands, d’extraordinaires changements et troubles dans le monde. «Pierre d’Ailly ajoute qu’il ne peut préciser exactement combien le mondepourra survivre à cette épouvantable année 1789 ;il croit cependant qu’à la suite « l’Antéchrist et son abominable gouvernement ne tarderont pas à paraître».
- Cette prédiction singulière n’est point de celles que l’ambiguïté ou le vague des expressions permettent d’interpréter de différentes manières. Tout lecteur incrédule peut la vérifier dans le texte de Pierre d’Ailly, imprimé à Louvain en 1490, avec les œuvres de Gerson : Tmctatus de con-cordia astronomicœ veritatis cum narratione histo-rica (pages!47 et suivantes).
- Nous reproduisons une série d’informations tirées de divers journaux américains, notamment du Courrier des Etats-Unis.Nous les publions sans aucun commentaire ; elles donneront aux lecteurs du Devoir une idée exacte du désordre social que la mauvaise répartition des richesses fait surgir au sein de la république américaine. Il est grand temps que, là-bas comme ici, ies hommes sensés se mettent à l’œuvre.
- Le Chômage aux Etats-Unis
- Cette année s’ouvre en face d’une situation économique qui n’est rien moins que rassurante, et dont se préoccupe justement la presse de toutes les nuances politiques. Ces préoccupations ont trouvé une expression précise et significative dans un article sérieusement étudié, statistiques en main, publié par le Bradstreet, qui portait à 350,000 le nombre des ouvriers de fabrique sans travail aux Etats-Unis. Cette révélation, bien que formulant simplement en chiffres le sentiment de malaise général qui n’était un secret pour personne, n’en a pas moins causé une profonde sensation, et les observateurs consciencieux ont voulu se rendre compte des éléments qui constituent une situation très anormale. Or, il' résulte des enquêtes partielles qui ont été faites de divers côtés que non seulement la quantité de bras employés a été considérablement réduite, mais encore la quotité des salaires a été notablement abaissée pour la plupart des ouvriers qui ont conservé leurs emplois, sauf dans un petit nombre de spécilalités exigeant des connaissances et une habileté d’un ordre déterminé.
- U est admis sans conteste que le travail est restreint à ce moment plus qu’il ne l’a été depuis des années, et ce fait a servi à accréditer cette opinion, que nous voyons reproduite
- de divers côtés, que le malaise des classes ouvrières est dû en grande partie à la concurrence illimitée, théorie qui, si elle était justifiée, devrait ramener le système des jurandes et des maîtrises, qui est précisément le contraire de la liberté du travail. La concurrence illimitée, dit-on, a pour résultat inévitable de faire baisser les salaires. « Supposons, dit M. John Swinton dans un entretien rapporté par le Star de New-York, qu’un mécanicien ou un menuisier gagne 3 1, par jour, tandis que mille mécaniciens ou menuisiers sans travail attendent de l’ouvrage de semaine en semaine. Pensez-vous que le salaire puisse rester aux taux où il est quand un millier d’oisifs sont forcés d’accepter del’oecupation à tout prix? Pensez-vous que les patrons continuent à payer des hommes 3 1. par jour quand ils peuvent en trouver d’aussi bons à 2 1. ? »
- Non, sans doute ; mais qu’y faire ? Dans un moment de pénurie comme celui-ci mieux vaut un abaissement des salaires que la suppression du travail. Et on tourne ici dans un cercle vicieux, car l’élévation des salaires est incontestablement pour une grande part dans la diminution du travail. La main-d’œuvre est un des éléments essentiels, souvent même le plus considérable dans le prix de la production, et le fabricant diminue nécessairement sa production quand, pour une cause quelconque, sa marchandise n’est plus demandée au prix auquel elle lui revient.
- La cause de la crise actuelle n’est pas, en somme, dans la concurrence illimitée du travail ; mais dans un ensemble de causes parmi lesquelles, au contraire, l’élévation arbitraire et artificielle de la main-d’œuvre entre pour une part considérable. On fait observer que les professions pourvues d’organisations disciplinées et que les Trade-Unions empêchent la dépression. C’est possible, quoique ce ne soit pas absolument vrai, à preuve l’industrie métallurgique, qui possède de vastes et puissantes organisations, et qui n’en est pas moins celle qui soufre le plus de l’insuffisance de la rétribution des ouvriers. Mais, cela fût-il vrai absolument quant au prix du travail, cela serait néanmoins le contraire de la vérité quant à la quantité du travail. Cela pourrait se démontrer mathématiquement.
- Ainsi, dans les douze corps d’état du bâtiment comprenant les maçons, briquetiers, les menuisiers, les peintres, etc., les salaires n’ont pas baissé, mais un quart des ouvriers sont sans ouvrage,et les briquetiers ont été en grève presque toute l’année. A New-York seulement, il y a en ce moment 55,000 ou. vriers de fabrique sur le pavé. A Paterson, la fabrique de soie occupe 2,000 personnes, soit 16 p. c. de moins que l’année dernière. Dans les Etats de New-York, de la Pennsylvanie, de l’Ohio et du Kentucky, 12,000 de moins qu’en 1883 sont employés à la man ufacture des tabacs ; et il en est de même dans la généralité des industries.
- Un autre exemple de la stagnation universelle. On constate une augmentation énorme dans le nombre des femmes ou filles qui, n’ayant plus d’emploi dans les ateliers, recherche^ des places de domestiques. On compte au minimum 50 p-c; de femmes inoccupées de plus qu’en 1883. On constate aussi que 10 p. c. de commis, vendeurs et employés de toute sorte dans les maisons de commerce ou les bureaux, ont été congo-diés à la fin de l’année.
- En résumé, des relevés aussi exacts que possible fournissent le dénombrement suivant de personnes de profession régulière)
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- actuellement sans emploi, en moins que pendant l’année précédente, dans la seule ville de New-York :
- Tailleurs, 20,000 ; bâtiment, 12,000 ; tabac et cigares, 11,000; articles de toillette, lingerie,fleurs artificielles, etc., 3,000; bottes et souliers, 3,300; ouvrages en fer et machines, 2,500; instruments de musique, 1,500; pâtisserie et confiserie, 350; libraires et imprimeurs, 1,000; en tout, 54, 650, et, en y comprenant les commis, employés de commerce etc., au minimum 60,000.
- Comme nous l’avons dit, les causes de cette situation sont multiples, et il ne dépend de personne, ni d’aucun système quelles disparaissent promptement. C’est l’histoire de toutes les crises qui affligent l’industrie, dont tout le monde souffre, mais qui pèsent lourdement surtout sur les classes ouvrières. 11 n’en a pas été autrement de la grande crise de 1875, qui a duré quatre ans, et dont beaucoup de gens ne se sont pas encore relevés. Celle-ci ne durera pas aussi longtemps, il faut l’espérer, et nous ajouterons que beaucoup de personnes bien placées expriment la confiance qu’il se fera une reprise énergique au printemps. En somme,, il n’y a aucune raison sérieuse pour quelle se prolonge. L’argent est abondant, surabondant même, comme nous l'avons montré dernièrement par l’encaisse des banques et des établissements de crédit. Les capitaux ne peuvent pas rester longtemps inactifs et, par conséquent, improductifs, alors qu’il n’y a pas de cause particulière, pas de motif d’alarme pour qu’il s’obstinent à rester en dehors de la circulation. La seule raison absolue à ce malaise profond qui revient périodiquement est dans un système économique vicieux qui fausse les rouages de l’activité publique; pour tout dire en un mot, la production excède la consommation et les débouchés manquent au trop plein. Là est le mal ; aux hommes d’état et aux législateurs appartient le remède. Aux électeurs de les bien choisir.
- La misère dans le New Jersey
- Au dire d’un reporter qui a visité le petit village de Wor-tendyke, New Jersey, dontpresque toute la population, employée dans les fabriques de Paterson, est en proie à la misère depuis que le travail est totalement ou partiellement suspendu dans ces établissements, toutes les personnes qu’il a vues, hommes, femmes et enfants, ont l’air exténué, les joues creuses, les yeux hagards, en un mot l’apparence de gens dont la faim non assouvie est la condition habituelle. Des petits enfants en guenilles sont devant toutes les portes, harcelant les passants pour en obtenir quelques chose à manger. La plupart, faute de chaussures, ont les pieds enveloppés dans du linge. Filles et garçons sont couverts des mêmes haillons, et il est difficile de les distinguer les uns des autres. Les appartements dans lesquels le reporter est entré étaient vides d’autres meubles que de misérables lits, souvent dépourvus de couvertures, et il n’y aYait de feu presque nulle part. Femmes et enfants étaient accroupis sur le plancher nu. Le chef d’une famille de six personnes, y compris unbaby qui s’efforçait de tirer quelques gouttes
- lait du sein tari de sa mère, a dit que depuis trois semaines Personne chez lui n’avait rien mangé, sauf des croûtes de pain obtenues de la charité des voisins. Une autre famille vivait depuis une semaine de viande de chien.
- Des secours sont instamment demandés aux églises, écoles
- particuliers de Passaic et de Paterson. La population deWor-
- tendyke est exposée à mourir de faim, comme une tribu indienne dent les agents du gouvernement ont volé les approvisionnements.
- Une ville en danger
- Un journal de Défiance, Ohio,publie une lettre condensant les résultats d’une série de meetings tenus récemment par une société secrète composée de quatre-vingts membres, tous travailleurs maintenant sans ouvrage. Les auteurs de la lettre déclarent qu’ils sont dans le dénuement, qu’on leur refuse crédit, qu’il leur faut du travail ou du sang, et que de prompts secours pourront seuls sauver la ville de la destruction par le feu.
- Il y a environ 500 ouvriers sans emploi à Défiance.
- Les mineurs de la vallée Hoeking
- On télégraphie de Golumbus que l’appel suivant a été affiché mardi devant le bâtiment des Knights of Labor à Shawnee :
- «c Ayant reçu l’invitation de Straitsville et d’autres parties de la vallée Hoeking de participer à une grande parade et exhibition d’exercices militaires qui doit avoir lieu prochainement, nous désirons enrôler 300 hommes en trois compagnies de 100 hommes chacune. On désire que les hommes se présentant à l’enrôlement soient dans une bonne condition physique, en état de faire une marche d’un jour s’il est nécessaire. Pour plus amples informations s’adresser à Neil McEacheon.»
- Cette proclamation est considérée comme la préface d’une émeute, et le gouverneur de l’Ohio a donné l’ordre à plusieurs compagnies de milice de se tenir prêtes à marcher au premier signal.
- On mande de Golumbus que les avis de la vallée Hoeking ne sont rien moins que rassurants. Les grévistes se sont procurés des armes et s’exercent à leur maniement , mais l’avenir Seul révélera quelles sont leurs intentions. La mine Troy, à laquelle on a mis le feu dimanche dernier et qui continue à brûler, était la plus importante de la vallée et donnait un rendement quotidien de 120 wagons de 16 tonnes l’un. M. Ban-croft, inspecteur des mines, a parcouru la val’ée sans pouvoir rien apprendre des projets des grévistes. Son opinion est qu’il se soulèveront soudain, de façon à accomplir leur objet, quel qu’il soit, avant que les troupes aient le temps d’arriver. Le tunnel de Bristole est ruiné, ce qui constitue une perte de 500, 000 livres pour le Baltimore and Ohio. Les ingénieurs de cette compagnie étudient une nouvelle route.
- Les socialistes à Chicago
- On mande de Chicago :
- La Working People’s International Association a convoqué un mass-meeting dans Turner Hall pour dimanche prochain, en vue de discuter les principes du socialisme, Les adversaires des doctrines socialistes sont mis au défi de les réfuter, et un temps égal sera accordé pour la présentation des arguments pour et contre.
- On estime qu’il y a dans cette ville 2,000 socialistes armés. Suivant les déclarations d’un de leurs chefs, le socialisme militant de Chicago est divisé en trois sections, le Lehr und wehr Verein, les Bohemian Sharpshooters et le Jaeger Yerein. La première de ces sections est la plus nombreuse et la plus importante des trois. Quand fut édictée la loi de 1879 interdisant les manifestations en armes dans les rues, elle comptait 4,000 membres actifs,
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- plus une réserve de 500 hommes. L’association s’est maintenue malgré la loi, et elle s’exerce régulièrement dans les salles dont la location est changée presque chaque fois. Depuis un an, cette société s’est augmentée d’un grand nombre de membres nouveaux. Ses manœuvres et exercices militaires sont un composé de ce qu’il y a de mieux dans les systèmes français, anglais et américain. Chaque homme est propriétaire de sou équipement et le garde chez lui, y compris le fusil et les munitions. Le Jeager Verein et les Bohemian Sharpshooters forment aussi deux associations parfaitement armées et exercées.
- La personne qui fournit ces informations ne peut pas dire cà quelle époque le soulèvement socialiste se produira à Chicago, mais il ne tardera guère si les choses continuent à aller du train dont elles marchent depuis quelques temps. Les socialistes sont bien décidés à ne plus permettre à la garde nationale d’abattre les travailleurs à coup de fusil dans les rues, comme la chose s’est déjà faite. La prochaine fois que les autorités croiront devoir recourir encore cà l’aide de la garde nationale, celle-ci se trouvera en face d’une résistance quelle n’a jamais rencontrée dans le passé.
- Ler arnachistes en Amérique
- Les anarchistes de Cincinnati, Ohio, ont fait une manifestation dans les rues de cette ville. De cinquante à soixante-quinze individus précédés par un tambour et un fifre ont parcouru processionnellement les rues, le soir, portant un drapeau noir et un drapeau rouge ainsi que des transoarents grossièrement façonnés sur lesquels on pouvait lire les devises les plus incendiaires. Sur TEsplanade, l’un d’eux a pris la parole et, s’adressant aux nombreux ouvriers de Cincinnati sans travail, leur a insinué qu’il faudrait bientôt avoir recours à des moyens désespérés. L’orateur a terminé en faisant allusion à MM Krohn, Fleiss & Co., fabricants de cigares, et a déclaré que les ouvriers en grève, ne tarderaient pas à prendre leur revanche.
- — A New York, le citoyen Most a pris la parole devant une nombreuse assemblée de la Société internationale des travailleurs, au local ordinaire de ses réunions, No. 8à Bond Street. L’orateur avait choisi pour sujet de son discours l’assassinat de M. Rumpf, l’ancien commissaire de police de Francfort, qui a été mêlé au procès des anarchistes du Niederwald.
- « Cet acte,» a dit Most,« quoique tardif, est digne de tous nos éloges et aura pour résultat d’encourager un grand nombre de personnes désireuses de prendre part aux travaux de l’amélioration de la condition générale de la race humaine. Il prouve que le poignard et le couteau peuvent rendre encore de bons services et ne devraient pas, après tout, être mis de côté pour la dynamite qui est plus moderne. En effet, à moins qu’il n’y ait toute une masse de personnes à annihiler, je recommanderai tout particulièrement l’usage du couteau, qui a cet avantage de ne pas faire de bruit. »
- L’orateur a fait ensuite en détail l’historique de la vie de Rumpf, démontrant combien l’activité et la ténacité du policier ont été nuisibles à la cause socialiste.« Si ce n’eut été cet homme » a-t-il dit, « ce persécutenr infatigable, un grand nombre de nos braves compagnons qui languissent dans quelque infecte cellule de prison, respireraieut maintenant l’air pur du ciel, et beaucoup qui sont morts seraient encore en vie. Il n’y a pas de danger que les auteurs de ce brillant exploit, qui me
- réjouit jusqu’au fond du cœur, tombent entre les mains de l’injustice et je m3 fais un plaisir de vous annoncer que les exécuteurs de Rumpf sont maintenant en sûreté. (Applaudissements frénétiques.)
- » Un grand coup a été frappé et avant que le fer ne refroidisse, il en sera frappé de plus terribles encore. L’empereur tremble dans son palais, le banquier dans son hôtel et tous deux ont raison d’avoir peur.»
- Dans sa conclusion, Most a reproché à la presse américaine d’avoir versé des larmes de crocodile sur la meurtre de Rumpf.
- « Le temps est venu pour nous,» a-t-il ajouté en terminant, a d’inaugurer la commune de ce côté-ci de l’océan. Les réverbères ne manquent pas et la corde est à bon marché. Lorsque nous commencerons, il faudra d’abord nous occuper de ces journalistes mercenaires.»
- -------- ---------- 11 flflpIV'iiiin — ——
- Nos Echanges
- France
- ' La Revue socialiste;— la Revue du Mouvement social ; — le Bulletin de la Participation aux bénéfices ; — le Moniteur des Syndicats ; — le Rappel ; — le Globe : — la Lanterne ; — le Progrès de Bercy ; — le Radical ; — la République radicale ; — le Prolétariat ; — le Progrès de la Hte-Marne;— le Thouarçais ; — le Drapeau national ; le Patriote de l’Est ; — le Nord de la Thiérache ; — le Courrier de l’Aisne; — le Carougeois; — la . Gazette populaire ;— le Guetteur de St-Quentin; — la Tribune ; — la Réforme du Nord ;— l’Ami du Peuple; — le Réveil républicain ; — l’Ami des Travailleurs ; — le Mont-Atlas ; — le Bulletin d’É-ducation des Basses-Pyrénées ; — le Progrès social; — le Travailleur ; — le Travailleur journal de la classe ouvrière; — le Vouzinois; — le Bulletin municipal de la ville de Paris ; — le Droit des Femmes ; — la Critique philosophique ; — la Philosophie de l’Avenir; — le Bulletin de la Société contre l’abus du tabac ; — la Revue spirite ; — l& Lumière; — V Anti-matériatiste ; — l’Astronomie populaire.
- Belgique
- La Voix de l’ouvrier ; — le Messager ; — l’Education populaire ; - - le National belge.
- Suisse
- Les Etats-Unis d’Europe ; — Lumière et Liberté.
- Allemagne
- Sozial Démocrat.
- Italie
- Il Secolo ; — Il Tempo.
- Espagne
- El Criterio espiritista ; — la Revista dejestudios psicologicos.
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- LE DEVOIR
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- Angleterre
- The co-operative New ; — the Hérald of Peace ;
- — VArbitrator ; — International arbitration and peace association ; — Women’ s suffrage journal;
- — the Women’s union journal ;— l’Europe; — the Medium and Daybreak.
- Etats-Unis d’Amérique Le Patriote et le Phare des Sacs réunis ; — la Croix fédérale; — Prenological Journal; — la Revue icarienne.
- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen
- Seine-Inférieure. Sotteville-lez-Rouen.—Degoy Louis, 103, rue de Paris ; — Robine Auguste-François, rue Raspail, 77 ; — Grisel Eugène, rue Victor-Hugo, 27 ;
- — Meylli Constant, rue du Pin, 4 ; — Bon Alix, rue Raspail ;
- — Barthet Eugène, rue de Paris, 115 ; — Cresson, 86, rue Victor-Hugo ; — Vocher, propriétaire, rue Garibaldi, 189 ;
- — Meret, 27, rue Victor-Hugo ; — Masson, 47, rue Léon-Salva ; — E. Cotin, rue de Paris, 534 ; — Richard, rue Benjamin-Franklin, 21 ; — Dufour, impasse Méridienne, 4 ,
- — Hendebourg, impasse Bazin, 20 ; — Caron Louis, rue de Paris, 339 ; — Boulé Augustin, rue de Paris, 380 ; — Paris Emile, rue Godefroy-Cavaignac, 59.
- Petit-Quevilly. — Lecoq Jules-Charles, 7, rue Léon-Malétra.
- Rouen. — Morel Charles, rue St-Gervais, 67, Rouen ; — Meilly François, 54, rue Louis-Blanc ; — Thomerel, même adresse.
- Haute-Vienne. Thiat.— CharrotRené ; — Gladel;
- — Peyraud Albert ; — Degude Pierre ; — Peyraud Baptiste;
- — Lussat Siméon ; — Laboudonnière François ; • Guil-
- emot.
- Sarthe. Le Mans. — Brissieux, rue d’Anjou, 12 ; — Cochon, cafetier, rue de la Verrerie ; — Durand, cordonnier ;
- — Régouin, rue de la Verrerie ; — Blanchard, cordonnier ;
- — Bouleux, rue du Bouquet ; — Brochar, boulevard de la Gare ; — Auger Julien, tisserand ; — Foulard, fabricant de oile ; — Trouvé A., rue d’Alère, 57 ; — Goutard Victor-Louis, rue du Grand Pont-Neuf, 25 ; — Niepceron Louis, rue Basse, 164 ; — Hubert Pierre, rue St-Martin, 18; — Renault Désiré, 52, rue de la Rivière.
- Maine-et-Loire. Nucil Soupassevant.— Jousset Pierre, maréchal.
- MAITRE PIERRE
- Par1 Edmond ABOUT
- (Suite.)
- IV
- UNE ENFANCE ORAGEUSE
- La barque partit au large de l’étang, et maître Pierre le cap sur une habitation assez importante qui venait
- d’apparaître au pied des dunes, sur la rive opposée" «Nous déjeunerons là-bas, medit-il,au Moustique. C’est là que nous avons couché hier soir. La maison appartient aux ponts etchaussées ; l’homme qui l’occupe est un de nos amis. Vous verrez à sa cheminée le fusil en question. Mais où en étais-je de ma belle jeunesse ?
- — Vous étiez à la mort du sergent.
- — C’est juste. Eh bien, lorsqu’il fut mort on le porta en terre. Autant nous en • pend à l’œil. Après la cérémonie, le juge de paix, le notaire et les voisins me ramenèrentà la maison. On fit l’ouverture du testament, et l’on vit que le Sergent léguait tous ses biens, meubleg et immeubles, à son petit berger. Mon premier mouvement fut de sauter au fusil.
- « L’inventaire ne dura pas longtemps. Le Sergent possédait en biens-fonds 50 hectares de lande sis à Bulos et 200 hectares de marais sur la commune de La Canau La lande valait bien peu de chose et rapportait 25 francs par an; le marais était loué vingt écus, grâce à la pêcherie qu’on vous a montrée hier soir. La maison n’était pas à nous, le mobilier était en bois de pin ; on trouva six francs dans les tiroirs, et la vente des quarante moutons devai* servir à payer les frais. Lejuge de paix nomma unconseil de famille pour administrer mes biens; il fut question d’école, de frais d’éducation, de tuteurs et de subrogés tuteurs; mais le lendemain au point du jour, je pris le pusil, je déterrai mon argent et je partis.
- « Vous avez peut-être vu des gens qui pleuraient en quittant leur village. Eh bien, ceux qui m’ont rencontré ce jour-là ont vu un gaillard qui >n’engendrait pas mé lancolie. Etpourquoi diable aurais-je pleuré? Je ne quittais rien, ni un parent, ni un ami, ni le souvenir d’un bon quart d’heure. La maison du Sergent ne me rappelait que le pain de maïs,les sardines pourries,et mesoreil-les tirées. Mon vrai domicile était la lande, et j’entrais en possession. Partout où fleurissaient les ajoncs, j’avais le droit de planter mes échasses; je pouvais faire plus de vingt-cinq lieues sans sortir de chez-moi! Non, je n’oublierai jamais le premeir matin de cette grande et joyeuse escapade qui dura plus de sept années. J’avais douze ans et demi ; j’étais fort comme un homme ; il faisait beau; l’argent sonnait dans mes poches,mon fusil battait sur mes épaules, et la liberté chantait dans mon cœur.
- « Malgré tout je n’aurais été heureux qu’à demi s’il avait fallu me cacher comme un écolier en fuite. Car r'étais déjà fier, quoique je n’eusse pas encore acquis le droit de l’être. Je me disais, en arpentant le pays à grandes enjambées: Tu ne dépends d’aucun homme; ni le gendarme, ni le maître d’école n’ont rien à te dire ; tu n’es pas un vagabond, mais un propriétaire, un rentier voyageant pour son agrément ! Je me promettais de ne répondre aux questions et de ne parler aux personnes que
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- LE DEVOIR
- lorsque la chose me conviendrait. Je n’étais en peine n de mon logement, ni de ma nourriture, car je trouverais partout un fagot de bruyères à mettre sous ma tête et un rôti de gibier à mettre sous ma dent.
- « Je m’arrêtai au village du Porge pour acheter des munitions. Notez, monsieur, que je ne savais pas seulement comment on charge une arme à feu. J’entrai hardiment dans le bureau de tabac, et je demandai d’un ton délibéré : « Une livre de poudre, et tout ce qui s’ensuit! d On me servit de la poudre; on me fit choisir du plomb, et je ne pris pas du plus petit. Je me laissai donner une boîte de capsules, quoique mon fusil ne lût pas à percussion, et je m’informai s’il ne fallait pas d’autre assaisonnement. La buraliste se mit à rire et je sortis de male humeur. Je craignais de passer pour un homme qui possède un fusil et qui ne sait pas s’en servir.
- « Pour me réconcilier avec moi-même, je ne fis qu’un saut jusqu’au cabaret. Il s’agissait d’une cérémonie importante, d’un événement longtemps attendu, d’une promesse que je m’étais faite dès la plus tendre enfance, J’allais boire du vin ! Les Landais de nos côtés en usent fort peu,mais en ce temps-là ils en usaient encore moins. M. Blaquiére ne m’en avait jamais donné, n’en prenant pas lui-même. Il buvait de l’eau vinaigrée, comme les pauvres gens du pays. Le Sergent ne se régalait qu’avec de l’eau-de-vie, mais il parlait du vin avec admiration, il chantait des couplets en l’honneur du vin, et lorsqu’il racontait les garnisons qu’il avait faites, il disait, en faisant claquer sa langue : c’est là que le vin était bon ! Sur ce qu’il m’avait dit, je me représentais le vin comme une essence miraculeuse qui donnait la force et faisait pousser la barbe, et je ne pensais pas qn’on pût être un homme avant d’avoir bu du vin.
- « Je m’assis au cabaret, je frappai du poing sur la table et je demandai une bouteille, en faisant sonner négligemment les écus de toutes mes poches. Le goût du vin ne me plut guère, quoique je fusse décidé aie trouver excellent; mais j’avais trop d’amour-propre pour faire la grimace. Il me semblait que tout le monde devait avoir les yeux sur mon verre, et je m’étais condamné à vider la bouteille jusqu’au fond, de peur de passer pour un homme qui boit pour la première fois. L’opération fut longue et difficile, d’autant plus que mon gosier se serrait à chaque gorgée, comme si l’on m’avait introduit une râpe dans la bouche. Je tenais mon verre de la main droite et le pied delà table de la main gauche; je fermais les yeux et j’avalais vite, comme celui qui boit une médecine amère. Mais la potion n’était pas plus tôt entrée que je tâchais de tousser militairement et de pousser un bon hum! du fond de ma poitrine, suivant l’exemple que le Sergent m’avais donné. C’est égal; la bouteille me
- parut joliment grande. Depuis, j’ai vu le temps où je les trouvais trop petites. Maintenant, qu’elles soient petites ou grandes, je m’en moque. Je ne bois plus de ce poison-là.
- « Je payai les dix sous et je remonta is sur mes échasses, plus content de moi que si javais gagné bataille Je me promenai dans tout le Porge, espérant y rencontrer des gens de connaissance, et comme personne ne faisait attention à moi, je passai et repassai plus de dix fois devant la boutique du notaire où j’étais entré l’avant-veille, et je m’essuyais la bouche avec ma manche, pour faire voir que j’avais bu du vin.
- « Mais voilà que le vin se mit à me t ravailler la tête, et je sentis ma cervelle qui fermentait. Je fus pris d’un besoin insatiable de parler, de rire, de crier, de mouvoir les bras et les jambes, et de courir contre le vent â travers l’immensité des landes. Je partis comme un échappé, chancelant ici, trébuchant là, sautant les fossés, faisant des tours de force, et cherchant à cueillir les hirondelles dans l’air. Quand je rencontrais un troupeau, je courais sur les moutons et je les mettais en déroute, je rossais les petits bergers qui ne m’avaient rien fait, et je ven“ gais sur eux les sottises que les autres m’avaient dites; je donnais la chasse aux petites filles; et quand j’en attrapais une par le cou, j’embrassais comme du pain sa figure noire et mal mouchée.Je n’y trouvais qu’un plaisir de rage, mais je me régalais de les voir fuir et de les entendre crier ; je repartais de plus belle, et je disais à travers champs : « Je suis un enfant trouvé; mes père et mère ont pris du bon temps ; eh bien, tant pis ! je ferai comme eux ? »
- « Je m’éveillai le lendemain matin en pleine lande, de l’autre côté du bassin d’Arcachon : j’avais fait plus de dix lieues dans la journée. La figure me cuisait un peu, d’où je conclus que je n’avais pas été vainqueur sur toute la ligne, et qu’on m’avait administré quelques gourmades. Mes jambes étaient fatiguées, et mon estomac encore plus' J’aurais donné ma peau pour bien peu de chose, tant j’étais mou, faible et découragé. En me soulevant, jesen-, tis comme une longue meurtrissure au milieu du dos, et je vis que, dans la crainte de perdre mon fusil, je m’étais couché dessus. L’idée que je n’étais pas seul et que mon fusil me restait me raccommoda avec la vie. Je me traînai jusqu’au bourg de Mios, et je déjeunai à l’auberge, mais je n’y pris pas de vin.
- [A Suivre).
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- Guise. — lmp. Baré.
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- Dimanche 5 Avril 1885
- Année, Tome 9. — N” 343 Le numéro hebdomadaire 20 c.
- LElëwom
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant fondateur du Familistère
- France
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- Union postale Un an. . . . 11 fr. ȕ Autres pays
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- ON S’ABONNE
- A PARIS
- , rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE daministrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Aphorismes et préceptes sociaux. — Les maux de la guerre. — Propagande de la paix.— Les frais de la guerre et ceux de Venseignement public. — L’arbitrage international et la franc-maçonnerie en Italie. Humanité et Enfantillage. — Comité de Paris. — Inepties.— L’Eglise et l’effusion du sang.— La paix ! Quand même !.— La mobilisation — Le traité espagnol-américain. — L’internationalisme capitaliste . — La société anglaise de la paix et le Soudan. — Les obus à dynamite. — Le Congo, résolution de la conférence de Berlin. — Aux propagandistes.— Souscription pour la propagande de la paix. — Le partage de l’océan Pacifique. — Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen.— Un duel modèle.
- APHORISMES S PRÉCEPTES SOCIAUX
- LXXVIII
- La guerre est un reste des instincts brutaux de la barbarie qui poussent les hommes à la lutte, aux représailles, à la vengeance, au meurtre, à la dévastation ; c'est l’essor donné à tous les sentiments réprouvés par la justice et la raison:
- Il faut abolir la guerre.
- Les maux de la guerre
- Gouvernants de toutes les puissances, vous avancez de plus en plus dans les folies criminelles la guerre. De toutes parts, on voit poindre le fr°t débordant des conveiitises que vous avez suscitées en livrant la richesse publique à
- Taccaparement des agioteurs et des spéculateurs. Et ceux-ci, après avoir concentré entre leurs mains les fruits du travail du peuple, ne savent que faire de leur richesse ; il leur faut des entreprises aventureuses et vous cherchez encore les moyens de les satisfaire en entreprenant d’asservir, par la guerre, d’autres peuples à leur rapacité.
- C’est d’abord la Tunisie que vous livrez aux mains des banquiers ; c’est ensuite le malheureux fellah d’Egvpte qui, succombant depuis longtemps sous le poids de sesanciens exploiteurs, va être obligé de payer aux capitalistes européens les sommes énormes des emprunts que vous avez engloutis dans les ruines, les dévastations et les massacres de la guerre.
- Puis, c’est la guerre du Tonkin, c'est la guerre de Chine que vous entreprenez pour satisfaire la rapacité de gens amateurs d’entreprises lointaines, parce qu’ils ne savent pas entreprendre les choses utiles à notre pays.
- Avec quoi faites-vous toutes ces folles entreprises guerrières ? Gouvernants insensés, c*est avec l’argent du peuple, c’est avec le sang du peuple. C’est le travail, c’est le sang irlandais qui sert à ruiner l’Egypte ; c’est le travail, c’est le sang français qui sert à porter la dévastation au Tonkin et en Chine ! Que sortira-t-il de toutes ces criminelles équipées ? La souffrance et la misère, d’abord pour les ouvriers français, et pour les antres peuples que vous aurez désolés et ruinés dans de plus grandes proportions encore.
- Combien les événements nous donnent raison.
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- LE DEVOIR
- Le gouffre ouvert de la dette publique, les emprunts, les déficits, l’arrêt du travail et des affaires, les souffrances du peuple, la misère, l’abandon de l’instruction publique, l’augmentation des impôts, l’absence de toute réforme utile : voilà les conséquences obligées de la politique d’hostilité et de guerre.
- Conséquences diamétralement contraires à celles qu’engendrerait une politique intelligente de paix et d’entente entre les nations, d’amour des réformes utiles à l’intérieur et de propagande civilisatrice, pacifique et amicale à l’extérieur. Eh bien, nos revers au Tonkin vont-ils ouvrir les yeux à nos ministres et à nos députés ? Il est bien à craindre qu’il n’en soit pas ainsi.
- Les préjugésde l’honneur national,les amours-propre sengagés,les ambitions compromise ne feront qu’encouragé par le chauvinisme il est fort à craindre que le gouvernement compromette plus grandement encore les intérêts de la France.
- N’avions-nous pas raison de dire, lors de la guerre de Tunisie, au commencement des guerres d’Egypte et du Tonkin, que c'était là des entreprises coupables et insensées, que la mission des nations européennes ne devrait plus être de chercher à spolier les autres nations, ni à coloniser par les armes, mais de fonder l’union et l’amitié entre les peuples par des bienfaits et des sacrifices ; que si la moitié des folles et criminelles dépenses que le chauvinisme révoltant des gouvernants sait consacrer encore à massacrer et à ruiner les peuples étaient employées à conquérir des amitiés entre les nations, cela vaudrait infiniment mieux pour le bonheur du monde I
- Ah! pourquoi donc, Ministres, Députés,Sénateurs et Gouvernants de toutes les nations êtes-vous toujours prêts à jeter les millions dans le gouffre maudit de la guerre ? Pourquoi êtes-vous toujours prêts à faire l’impossible lorsqu’il s’agit de porter la ruine et la dévastation sur un point quelconque du globe et d’y massacrer les peuples ? Pourquoi, si prodigues dans la dépense en vue du mal, êtes-vous si impuissants à faire le moindre sacrifice en vue du bien ?
- Combien, pourtant, il serait plus glorieux pour vous de consacrer aux réformes utiles les fonds gaspillés pour la guerre, de travailler au bonheur des peuples que vous gouvernez, chose qu’il serait si facile de faire si vous aviez au cœur le moindre amour de l’existence des autres hommes.
- ^i vous saviez intelligemment dépenser, en insti-
- tutions utiles, le quart des sommes que vous engloutissez à la guerre, vous seriez capables de réaliser le bonheur universel, tandis que vous allez dévaster l’Europe et le monde, à moins qu’une salutaire évolution de l’esprit public ne nous délivre de la malheureuse influence guerrière des gouvernants, en substituant dans toutes les nations européennes à l’idée de guerre celle du désarmement générai et de l’arbitrage international.
- PROPAGANDE DE LA PAIX
- Les adhésions recueillies pendant le mois de mars s’élèvent au nombre de 309. Elles sont ainsi reparties :
- Aisne 10. — Haute-Marne 9. — Charente-Inférieure 7.— Loire-et-Cher 12. — Var 81. — Haute-Vienne 69.— Corse 32. — Seine 40. — Seine-Inférieure 21. — Sarthe 14. — Maine-et-Loire 1. — Puy-de-Dôme 13.
- Les signataires des pétitions des amis de la paix auront la satisfaction morale de pouvoir dégager leur responsabilité des graves événements survenus dans l’Extrême-Orient ; ils auront le droit de dire à ceux qui ont refusé d’écouter leurs conseils quels malheurs auraient été épargnés à la France, si l’on eut mis quelque empressement à accueillir leur propagande pacifique.
- Les frais de la Guerre et ceux de l’Enseignement public
- Les chiffres suivants, compilés par un statisticien belge bien connu, montrent le coûl par tête de la Guerre et de l’Enseignement public dans les principales contrées de l’Europe.
- Guerre Enseignement public
- France . . . 25fr.» par tête lf.75 par tête
- Angleterre . . 23 10 » 3 85 «
- Hollande . . . 22 15 » 3 95 »
- Saxe .... 14 65 » 4 15 »
- Wurtemberg. . 14 65 » 2 15 »
- Bavière . . . 14 65 » 3 10 »
- Prusse , . . 13 60 » 3 00 »
- Russie . . . 12 70 » 0 15 »
- Danemarck . . 10 80 » 5 70 »
- Italie .... 9 35 » 0 80 »
- Belgique . . . 8 40 » 2 80 »
- Autriche. . . 8 30 » 4 85 »
- Suisse . . . 6 00 » 5 20 »
- En prenant toutes les contrées ensemble la Guerre est cinq fois aussi onéreuse que l’enseignement : en Angleterre elle l’est exactement six fois ; et tant de gens qui ne veulent pas s’apercevoir du côut effroyable de la Guerre viendront encore plaindre de ce qu’ils appellent l’extravagance des dépenses de l’enseignement!
- ( International arbitration and peace association.)
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- LE DEVOIR
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- L'arbitrage international et la franc-maçonnerie en Italie
- Nous trouvons dans le journal : « International grbitration and peace association » le texte des intéressantes propositions en faveur des associations de paix et d’arbitrage international présentées à la Loge maçonnique « La Cisalpina », de Milan, par notre ami l’éminent professeur Francesco Vigano, et qui ont été votées à l’unanimité.
- En voici le texte :
- 1® Adhérer formellement à la société de l’arbitrage constituée à Londres, et nous inscrire comme membres de cette société.
- 2° Envoyer au prochain meeting international de la dite société un délégué spécial pour nous représenter ; ou tout au moins envoyer un rapport répondant à toutes les questions proposées.
- 3° Souscrire au journal publié par le comité de Londres et collaborer au besoin à cette publication.
- 4° Nommer une commission permanente de trois membres, dont le devoir spécial sera de suivre le mouvement international, et de nous informer, tous les trois mois, au moins, du résultat de leurs efforts.
- 59 Recruter des adhérents aux principes de la dite société parmi le monde profane, et former à Milan un centre d’adhérents, qui travailleront activement à la réalisation de l’idée de désarmement et d’arbitrage international.
- Pour la commission,
- Signé : Professeur Francesco Vigano Luigi Scandala Vittorio Belleli, rapporteur.
- ——-— -------------iiUdEli i|Ji flflTjfljTini"1 --— ---
- Humanité et Enfantillage
- Le directeur de l’assistance publique a reçu la somme de 1,000 francs, offerte par les fonctionnaires et les élèves du Lycée Charlemagne, pour les enfants moralement abondonnés. Puisse cet acte de solidarité accompli par des enfants élevés dans l’aisance, en faveur d’autres plus malheureux, être un gage d’avenir ; espérons que les lycéens de Charlemagne devenus des hommes sauront se souvenir des déshérités et leur préparer dans la société une place conforme aux droits de foute créature humaine.
- Les élèves de philosophie de Niort viennent d’avoir une initiative d’un autre ordre ; ils adressent à leurs camarades de Philosophie des lycées de France une circulaire dans laquelle
- proposent d’affecter le montant de leurs prix de fin d’année a 1 envoi de secours aux soldais du Tonkin. Ce désintéies-semetit est certainement louable, mais il dénote de la part de sesPromoteurs une grande étroitesse de vues. Si nos blessés au T°nlûn manquent de quelques soins, c’est au gouverne-toent qu’il faut s’en prendre, et on doit leur envoyer des secours prélevés sur la fortune publique.
- * ais, ces jeunes gens ont des frères, des amis que le pri-
- ege du volontariat a soustraits aux dangers de la politique
- 0 °niale ; leur classe entière doit aux blessés du Tonkin plus
- que ces mesquines compensations. Nous comprendrions que la jeunesse des écoles provoquât un mouvement d’opinion tendant à faire accorder aux mutilés du Tonkin et aux familles privées de leurs soutiens de larges pensions et des dotations assez élevées pour les mettre à l’abri de la misère, même pour leur procurer l’aisance en réparation des souffrances qu’on leur fait injustement supporter.
- ---------------—--li n ii^i^iii g miiniii mu----------
- COMITÉ DE PARIS
- DE LA
- Fédération internationale de l’Arbitrage
- ET DE LA PAIX
- Le Lundi 23 Mars, une importante réunion a en heu dans la salle du passage des Deux -Pavillons, sous la présidence du citoyen Beauquier, député.
- Il s’agissait, en vue des élections générales prochaines, d’organiser la propagande pour la paix et de donner suite aux résolutions adoptées dans le meeting international du 22 février. Des représentants de cinq sociétés de la Paix assistaient à la réunion.
- Le citoyen Laissant, député, présente les excuses de son collègue Jules Gaillard, empêché.
- Un citoyen du dixième arrondissement annonce qu’il forme un comité de propagande, qui se réunira le 4 Avril. La réunion accueille avec satisfaction cette nouvelle et encourage tous les adhérents à imiter cet exemple.
- Le citoyen Nottelle dit- que, le 30 mars, la Société des amis de la paix tiendra sa réunion annuelle àla mairie du premier arrondissement, et que le citoyen Jules Gaillard, député, frra une conférence sur l’arbitrage.
- Le citoyen Desmpulins aborde ensuite la question à l’ordre du jour : La paix avec la Chine. 11 s’attache à montrer que la politique coloniale n’a jamais eu d’autre objet réel que de donner satisfaction à l’égoïsme çdss classes capitalistes en détournant l’attention publique des réformes fiscales qui obligeraient ces mêmes classes à supporter leur part proportionelle des charges nationales. Ces classes ont un autre intérêt à la guerre, c’est d’ouvrir des débouchés à l’activité des fonctionnaires de l’armée, de la marine et du clergé, lesquels se recrutent tous dans les familles qui répugnent au travail utile. Il explique ainsi les diverses campagnes faites par Louis-Philippe en Algérie, par Louis-Napoléon en Crimée et au Mexique et par l’opportunisme à Tunis, à Madagascar, au Tonkin et â Formose.
- Rien n’était plus aisé que de rester en paix avec la Chine/le traité Bourée en fournissait le moyen et nous serions bien heureux aujourd’hui de pouvoir signer un pareil traité. Le crime du présent gouvernement sera non seulement d’avoir écarté ce traité mais d’avoir créé un état de guerre, source de sacrifices et de difficultés inextricables.
- Le citoyen Laisant montre toute la différence qu’il y a entre le chauvinisme de la bourgeoisie et le patriotisme réel; il insiste pour que les électeurs fassent triompher eux-mêmes la politique de paix. Tous les membres de la majorité qui ont voté la guerre doivent être écartés du prêchairt scrutin.
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- Le citoyen Morin approuve, aux applaudissements de l’assemblée tout entière l’initiative prise par les journaux radicaux, qui clouent au pilori électoral les noms de tous les députés qui ont entraîné le pays par leur conplaisance intéressée et lâche dans cette guerre de Chine aussi insensée que criminelle.
- Les membres présents se chargent de distribuer les circulaires pacifiques et s’engagent à les communiquer aux divers comités électoraux de Paris et de la province.
- Le président du Comité de Paris.
- H. Destrem.
- Le secrétaire,
- A. Desmoülins
- L’assemblée annuelle de la société française des amis de la Paix à la mairie du 1er arrondissement a été extrêmement brillante. Après le rapport du secrétaire général, M. Jules Levallois, on a entendu des discours fort remarquables du Président, M. Frédéric Passy, de M.M. Nottelle, Auguste Desmoulins, conseiller municipal, Achard, Député de la Gironde. Aux applaudissements qui ont accueilli les orateurs, il est aisé de constater que le mouvement pacifique s’accentue.
- Inepties
- Pendant que nos soldats succombent héroïquement accablés par les masses chinoises, au ministère de la guerre on se préoccupe de modifier la tenue des troupes.
- On étudie en ce moment d’importants changements dans la tenue des troupes. D’abord, M. le général Lewal a prescrit de mettre à l’essai un casque en feutre pour les troupes à pied ; la forme de ce casque sera analogue à celle du casque des cuirassiers et des dragons , seulement, la bombe et le cimier auront naturellement des dimensions très restreintes.
- Le ministre de la Guerre vient de décider que la botte à l’écuyère ainsi que la culotte allaient être données à la cavalerie.
- Différents changements vont aussi être introduits dans l’uniforme des officiers d’infanterie : le dolman de grande tenue sera orné de brandebourgs, mi-partie soie noire et or mah pour l’infanterie de ligne, et soie noire et argent pour les officiers de chasseurs à pied.
- On vient également de mettre â l'essai, pour la grande tenue des offic'ers, un nouveau képi à carcasse baleinée, recouvert de drap bleu noir avec bande d’or au sommet, et les galons distinctifs du grade comme pour la coiffure actuelle ; un plumet rouge écarlate en plumes de coq retombant sur la visière complète ce nouveau képi.
- M. Gaillard, député de Vaucluse, fait preuve d’un zèle infatigable au service de la cause de la Paix. Ses conférences, en province età Paris, sont très-suivies et unanimement approuvées parles auditeurs de jour en jour plus nombreux. Pendant le mois de mars, le sympathique député a eu l’occasion de parler successivement au vingtième arrondissement de PariSj sous la présidence de M. Tony l villon, età la salle des Capucines. Partout ses paroles
- ont rencontré une entière approbation, et l’enthousiasm qu’elles ont faitnaitre n’a pas étémoins grand dans lequar-tier de l’aristocratie que parmi les prolétaires de Belleville.
- L'Église et l’effusion du sang
- Notre ami, M. de Wington, publie dans The Weekly Dispatch, de Londres, 22 février, une lettre dont nous extrayons les passages suivants :
- Un plaidoyer pour les évêques
- Monsieur le Rédacteur,
- Le ton militant des prières « composées par nos prélats en temps de guerres et de troubles » a souvent provoqué la surprise ; mais un peu de réflexion nous convaincra qu’ici les évêques sont logiques et fidèles à leur état.
- La religion catholique et en vérité presque toutes les religions telles que les prêtres les enseignent font du sacrifice la première condition du salut : « le sang est versé pour la rémission de nos fautes. »
- Dans les âges barbares cette doctrine trouva des disciples tout prêts parce qu’elle sanctionnait l’immolation des ennemis ; aussi l’ancien testament abonde-t-il en récits de massacres non seulement sanctionnés mais ordonnés parles prêtres, au nom de la Divinité, et surtout en vue de leurs propres intérêts.
- La civilisation progressant et il devint évident pour la caste sacerdotale que ces rites sanguinaires devaient être modifiés proportionnellement àl’intelligence croissante du peuple, et qu’à l’artifice grossier par lequel le pardon des offenses était accordé, à la con iition que le pêcheur offrît en sacrifice un bœuf ou un bélier— dont l’odeur était ostensiblement agréable aux sens de la Divinité— devait faire place un rite moins répugnant à la raison.
- Les offrandes symboliques furent donc’graduelle-mentsubstituées aux réalités; mais la doctrine du salut par le sang versé, l’autel et les présents aux ministres de l’autel furent précieusement conservés, et aujourd’hui l’autel est la clef de voûte de ce l’Eglise », la source des profits du prêtre.
- Otez l’autel et les rites du sacrifice, l’édifice s’écroule : prêtres, prétentions et profits s’éteignent en même temps. Les prêtres étant par éducation et par intérêt attachés à l’autel, il n’est pas surprenant qu’ils en arrivent à croire que les guerres entre nations de croyances différentes ne sont que l’extension des rites du sacrifice, qu’il est de leur mission non d’arrêter de telles tendances mais plutôt de les encourager, pour « la plus grande gloire » du Dieu dont ils desservent l’autel.
- Des pages des livres sacrés, des enseignements donnés par les prêtres de tous les âges, les partisans de la paix peuvent recueillir l’instructive leÇ01} qu’ils ont à s’adresser à la raison des peuples non aux prescriptions des religions pour réalisé leurs espérances.
- G. de Wington
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- La Paix ! Quand même !
- Les Chinois repousseront-ils nos troupes jusque dans les navires qui les ont portées au Tonkin ?
- Nos soldats,concentrés par le refoulement, vont-ils dans un élan de furia française se précipiter, foilem ent, en colonnes serrées, contre les masses chinoises et conquérir dans un affreux carnage un prestige qui n’ajoutera rien à leur honneur ?
- Victorieuses ou vaincues, les troupes françaises, au Tonkin, ne cesseront d’être les victimes innocentes d’üne cause injuste.
- Avant la mort du commandant Rivièrs, le non droit justifiait-il une intervention militaire aussi agressive ?
- Juste ou injuste, notre cause reste ce qu’elle était au début. La mort du commandant Rivière, les victoires et les défaites, les événements heureux et malheureux survenus apres elle jusqu’au désastre d’hier, n’ont rien changé au principe de notre intervention dans l’Extrême-Orient.
- Ceux qui croyaient juste la conquête du Tonkin ont été coupables de ne pas la commencer loyalement, par une solennelle déclaration de guerre rendant évidente pour tous la légitimité de nos revendications ; déclaration que devait suivre immédiatement une action militaire méthodiquement énergique et confondant dans les rangs des justiciers les jeunes citoyens de toutes les classes, sans aucune dispense pour les conditionnels d’un an.
- Nous n’avons cessé d’être de ceux qui pensaient et qui disaient hautement que cette maudite campagne n’était qu’une brutale agression uniquement basée sur de folles convoitises.
- Sachant combien sont peu écoutées les paroles de raison, tenant compte des divers degrés de corruption des couches françaises, nous avons parlé, à chacune, un langage à sa portée, en des termes tels qu’elle ne pouvait manquer de comprendre.
- Mais nos efforts ont été presque stériles ; nous n’avons pu vaincre le pire mal de notre époque, 1 apathie et l’indolence des meilleurs et des moins bons. Les meilleurs des citoyens n’ont pas eu le courage de leurs aspirations ; les autres n’ont pas eu tes audaces de leurs vices.
- A cette heure,où semble souffler un vent de folie, où nous entendons les hommes les plus froids par-ne d honneur national compromis, où nous les
- voyons échaffauder des plans insensés de revanche nous ne nous départirons pas de notre calme et, tenant à chacun le langage qu’il est capable de comprendre, nous répéterons les mots : Paix par l’arbitrage — Paix, quand même !
- Citoyens honnêtes, vous qui croyez en la justice ayez donc le courage de réclamer la paix avec nous, parce que vous savez qu’a l’origine du conflit franco-chinois notre armée était mise au service d’intérêts inavouables.
- Vous, qui acceptez tout ce que sanctionne la force, montrez donc que vous avez quelque intelligence dans votre perversité; demandez la paix avec nous, parce que vous n’ignorez pas que les orientaux ont le mépris de la mort, et que les hommes doués de cette vertu, lorsqu’ils* sont armés également comme leurs adversaires, ne peuvent être vaincus que par des forces à peu près égales numériquement ; parce que vous êtes certains qu’une nation de trente-six millions d’habitants ne peut opposer le nombre sur des champs de bataille distants de plusieurs milliers de lieues, au milieu d’une population de 400,000,000 d’individus se défendant chez eux. Nous ne vous disons pas aujourd’hui que vous avez tort d’en référer à la force ; nous vous sommons,au contraire,de juger avec votre critérium et d’agir en conséquence, car vous reconnaîtrez que la force est contre nous ; mais agissez 1
- Pourquoi les spéculateurs ne seraient-ils pas aussi avec nous pour réclamer impérieusement la paix ? La Bourse a suffisamment baissé pour que la finance ait beaucoup à gagner dans le rétablissement de la paix. La spéculation ne peut vouloir la ruine définitive de la France. Ce serait de sa part se priver volontairement des saignées qu’elle sait lui appliquer périodiquement en passant par le Mexique, la Tunisie, l’Egypte et le Tonkin.
- Vous, pères, mères, dont on n’a pas encore marqué les enfants pour la boucherie, vous qui n’avez pas eu la générosité de compatir aux douleurs des familles qui ont nourri et maternellement soigné pendant vingt ans les premières victimes, demandez donc la paix ; le temps presse ; on va vous prendre vos fils par cent mille.
- Vous aussi, pères et mères d’enfants soustraits aux hasards de la politique coloniale par les privilèges du volontariat, sauvez vos fils par la paix ; car les misérables auront été bientôt suffisamment maltraités pour ne plus vouloir supporter toutes les charges militaires de cette extravagante expé-\ dition.
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- Et vous, pusillanimes, chauvins, naïfs, gobeurs, vous tous qui pensez qu’il y a déshonneur pour une nation à ranoncer volontairement à une injustice d’abord défendue par la force, vous pouvaz réclamer la paix et sauver les apparences en vous retranchant derrière la nécessité d’un arbitrage international. Le gouvernement de la République américaine est suffisamment dévoué aux idées de progrès pour trouver les motifs d’un arbitrage honorable, malgré les difficultés créées par nos récentes défaites. S’ils vous faut des antécédents, l’exemple des autres, pour calmer vos hésitations et vos scrupules absurdes, rappelez-vous comment l’Angleterre a su opérer une sage retraite du sud de l’Afrique devant l’énergique défense des Bauers.
- Pour réclamer la paix, on le voit, il n’est pas nécessaire de se confondre avec les utopistes ouïes voyants en avance de plusieurs siècles, comme on qualifie assez fréquemment les serviteurs de l’humanité ; chacun, maintenant, peut affirmer des intentions et des volontés pacifiques sans renoncer à aucune de ses illusions, de ses préférences ou de ses erreurs.
- Mais nous ne laisserons à aucun la quiétude de se croire dégagé de sa part de responsabilité, parce qu’il fera chorus avec les politiciens qui vont accabler des ministres indignes et tenter de leur faire supporter tout le poids d’une faute nationale.
- Faute nationale, parce que les honnêtes gens n’ont pas eu le courage de leur honnêteté; parce que les sectaires de la force n’en ont pas eu l’intelli-gence; parce que les spéculateurs n’ont pas eu 1a, clairvoyance d’apprécier les avantages qu’ils pouvaient tirer des œuvres de la paix ; parce que notre France n’est plus qu’un peuple d’enfants se laissant gouverner par des mercenaires, lorsqu’elle s’est donnée des lois proclamant le gouvernement du peuple par le peuple.
- La guerre du Tonkin est une faute nationale.
- La France a suffisamment expié cette erreur.
- Ceux qui veulent rejeter toutes les responsabilités sur quelques hommes manquent de dignité ; ils trompent le peuple en atténuant sa part de culpabilité.
- Nous élevant au-dessus des personnalités et des appétits des politiciens, nous demandons au peuple de vouloir et de faire la paix, comme nous lui avons sévèrement reproché d’avoir entrepris une guerre injuste et néfaste.
- LA MOBILISATION
- La phrase suivante extraite du discours de M. Clemenceau, prononcé à l’occasion des affaires dn Tonkin, reproduit une idée que nous retrouvons fréquemment émise par les organes de l’Extréme-Gauche.
- Voici ce qu’a dit M. Clémenceau :
- « Tout Le monde sait aujourd’hui que la France est arrivée à peu près à la limite de l’effort militaire qu’elle peut fournir sans compromettre la mobilisation, et cela dans un moment où la situation de l’Europe nous commande d’avoir toutes nos forces disponibles. »
- Nous demandons plus de précision. En parlant ainsi fait-on allusion à l’éventualité de certaines complications européennes auxquelles la France viendrait se mêler sans être mise directement en cause espérant tirer profit d’une conflagration générale ? On bien a-t-on quelque raison de supposer que notre pays est menacé d’une agression brutale par quelqu’un de ses voisins?
- Nous demandons une réponse à ces questions, pour combattre le langage qui les a motivées, s’il a pour but de nous pousser à chercher une revanche dans les catastrophes d’uoe guerre européenne. Mais, si ces paroles expriment des craintes jnstifiées par des faits permettant de supposer que l’on prépare un attentat contre le pays, nous regretterions de ne pas être mieux éclairé ; car, s’il en était ainsi, nous partagerions ces inquiétudes et nous serions partisan des précautions qui jusqu’à nouvel' ordre nous sembleront dictées par les inspirations d’une mauvaise politique.
- Des aventures en Europe seraient encore plus fatales que les extravagances du Tonkin.
- Le traité Espagnol-Américain
- Tous les amis de la paix et de l’harmonie internationale seront contents d’apprendre qu'une clause concernant l’arbitrage a été introduite dans le nouveau traité entre les Etats-Unis et .l’Espagne. Nos remerciments pour ce très brillant résultat sont spécialement dus à l’union universelle de la Paix, et aussi, dans une large mesure, à son excellence Don Arturo de Marcoartu, dont les efforts infatigables pour cette cause de la Paix sont bien connus. Nous extrayons du « Peace maker, » Philadelphie, le texte de la clause qui nous occupe :
- « Article 25. — Les deux hautes puissances contractantes prennent formellement l’engagement qui suit : Dans le cas où des doutes s’élèveraient entre elles quant à l’interprétation ou l’exécution du présent traité, ou s’il surgissait entre elles quelques réclamations provoquées par la violation du même traité, les deux puissances re-coureraient dahord à tous les moyens de régler amiable-ment leur différend ; et si elles ne pouvaient arriver à un accord amiable elles recoureraient à un simple arbitre, lequel serait un citoyen de l’une ou de l’autre des deux nations, et désigné par le consentement commun des deux ^Gouvernements. En cas de désaccord, cet arbitre sera l’u11
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- des citoyens d'une troisième puissance choisi par consentement commun avec ce troisième gouvernement. A défaut de cet accord, la désignation de l'arbitre sera confiée au Président de la confédération suisse.
- « Les parties contractantes s'engagent à faciliter ]e dit arbitrage en établissant tous les faits, dates et témoignages nécessaires. Sur les points en litige, la déci-gion de l'arbitre sera finale et exécutive ; elle sera consentie sans échappatoire ni dificulté.
- La dépense causée par l’arbitrage sera supportée conjointement et par moitié entre les parties contractantes. » (International arbitration and peace association.) _—---------------------------------------------
- L’Internationalisme Capitaliste
- Si les citoyens savaient s’inspirer des exemples du capitalisme international venant à bout de toutes les difficultés, chaque fois qu’il s’agit de nouer des conventions internationales favorables à ses privilèges, ils amèneraient bientôt les gouvernements à trouver les bases des conventions analogues profitables aux intérêts des classes laborieuses.
- Les faux sentiments de prépondérance nationale, de patriotisme mesquin, toutes ces vaines théories si puissantes encore sur la conscience du peuple, ne soulèvent aucune hésitation de la part des grands financiers, lorsqu’il s’agit de contraindre les gouvernements à renoncer, au profit de la spéculation, aux décisions que dicteraient ces vieilles théories, encore bonnes pour amuser les pauvres gens et les naïfs de toutes conditions.
- Nous donnons plus loin une partie de la convention internationale réglant par un contrat des grandes puissances la manière d’être de la nouvelle nation du Congo. Elle est une négation des théories du nationalisme qui inspire la morale patriotique des vieux peuples de l’Europe.
- Les idées d’indépendance nationale, de prestige politique, tout cela a été impitoyablement sacrifié à l’esprit de spéculation et de commerce. Mais, si l’on se pose cette question : Le travail aura-t-il une plus grande sécurité au Congo, que dans les états civilisés ? On est obligé de reconnaître que l’exemption des charges du militarisme en faveur des classes laborieuses n’atténuera en rien la pression économique qu’elles subissent ailleurs.
- Sous le régime de cette convention, le travailleur congien ne tardera pas à n’être mieux traité que 1 ouvrier américain exempt, lui aussi, en grande Partie, des charges militaires,mais soumis a toutes los variations de l’offre et de la demande des bras.
- L’organisation du CoBgo tient uniquement compte des besoins de la finance et du commerce, parce qu’elle a été délibérée par des représentants de gouvernements dominés parles classes vivant des spéculations financières et commerciales.
- D’autres exemples non moins probants de ce que sait faire l’internationalisme financier se dégagent des événements d’Egypte.
- Il fut une époque où la protection de la neutralité du canal de Suez était une question uniquement anglaise.
- On savait alors l’Angleterre suffisamment puissante pour garantir cette neutralité, nul ne s’inquiétait de protester sérieusement contre la prétention des lords et des plébéiens anglais de considérer la neutralité du canal de Suez comme une question exclusivement nationale. Les grands capitalistes, propriétaires du canal, appréciaient que leurs valeurs étaient suffisamment garanties; et peu leur importaient les fantaisies du nationalisme anglais.
- Mais, dès que l’on a vu l’action de l’Angleterre s’affaiblir en Egypte, dès qu’on a soupçonné qu’elle pouvait être impuissante à défendre le canal contre toute agression, les diplomaties des autres peuples, mises en mouvement par les financiers, n’ont pas tardé à faire prompte justice des prétentions anglaises ; aussitôt l’on a déclaré que la question de Suez devenait entièrement internationale ; et les lords, eux-mêmes, en bons capitalistes, n’ont pas protesté.
- Nous sommes, en outre, à la veille d’un accord entre la Turquie, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la France et la Grande-Bretagne, l’Italië et la Russie-, dans le but de faciliter au gouvernement égyptien la conclusion d’un emprunt destiné, pour partie, à pourvoir aux indemnités d’Alexandrie dont le règlement présente un caractère particulier d’urgence, et pour le surplus à liquider la situation financière et à assurer le service de certaines dépenses extraordinaires.
- Les lignes soulignées font partie de la rédaction du projet soumis aux puissances. La situation financière de l’Egypte est la conséquence des orgies financières de tous les tripoteurs européens quiout assailli ce pays sans aucune pitié. Il s’agit maintenant de mettre en sécurité les produits de ces exactions, de ces brigandages.
- On pouvait essayer de faire donner ces garanties par un gouvernement européen ; l’Angleterre était la nation naturellement désignée pour faire en
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- Egypte ce que notre gouvernement a fait à Tunis. Mais les intérêts financiers engagés en Egypte étaient beaucoup plus grands que ceux sauvés par notreintervéntion à Tunis; puis, il était difficile de les considérer autrement que les affaires relatives au canal de Suez. On a donc décidé que la situation financière de l’Egypte était une question internationale; et voici comment on propose de la résoudre. On fera un emprunt, garanti par une convention européenne, et 1 article 7 stipule que . Les gouvernements d’Allemagne, d Autriche-Hongrie, de France, de la Grande-Bretagne, d’Italie et de Russie s’engagent, soit à garantir conjointement et solidairement, soit à demander à leurs parlements l’autorisation de garantir, conjointement et solidairement, le service régulier de l annuité de cet emprunt.
- Gela signifie simplement que les capitaux appelés à régler la situation financière de l’Egypte se trouveront réunir une somme de garanties dépassant toutes celles accordées aux emprunts des états européens.Lesjfonds français,anglais, italiens, russes ont chacnn la garantie de leur gouvernement, et rien qu’elle ; tandis que tous ces peuples seront solidaires des obligations égyptiennes.
- Voilà comment opèrent ceux qui entretiennent la grande presse, dont la principale mission consiste à perpétuer dans la masse les idées insensées de chauvinisme. Les mêmes qui ridiculisent les aspirations de la paix, qui dénoncent comme dangereuses les intentions des partis voués à la préparation d’un internationalisme tenant compte des besoins des individus en général, sont ceux qui ont ourdi et qui feront prévaloir cette combinaison audacieuse, destinée à unir toutes les forces de la civilisation en vue de consolider, au profit de quelques uns, un tribut qui a déjà ruiné le peuple égyptien.
- Ces choses là sont certainement immorales et condamnables.
- Cependant, lorsqu’on considère l’indolence des classes laborieuses, leur indifférence pour tout ce qui concerne la vie des peuples, leur ignorance et leur parti-pris de ne faire aucun effort pour devenir conscientes, on est obligé d’interpréter ces misérables combinaisons comme des moyens de progrès.
- Cette tactique de la finance à faire légitimer les résultats de la spéculation par l’intervention des gouvernements civilisés initiera les peuples aux relations internationales. Lorsqu’ils auront vu plu-
- sieurs fois les gouvernements se concerter en vue de consolider les institutions capitalistes, les travailleurs finiront bien par comprendre qu’il ne serait pas plus difficile d’aboutir par les mêmes procédés à la véritable protection du travail.
- Mais les conséquences de cette convention peuvent aller jusqu’à la saisie, par les puissances européennes, des ressources égyptiennes et jusqu’à leur gestion intégrale par une adminisration internationale ; car les puissances garantes ne consentiront à payer les obligations égyptiennes avant d’avoir épuisé tous les moyens de les faire supporter à l’Egypte même.
- Cette imixtion de l’Europe en Egypte dérive d’un principe que l’on peut appliquer à toutes les questions d’ordre général. Car on se garde bien de proclamer que cette intervention a pour but de servir des intérêts privés. Les promoteurs de la convention égyptienne et ses défenseurs soutiennent qu’elle est nécessaire en s’appuyant sur des considérations d’ordre public.
- Mais le respect des frontières est au premierchef une question d’ordre public.
- Pourquoi ne la soumettrait-on aux procédés reconnus bons pour les emprunts ?
- Si le droit international permet aux gouvernements de contraindre un peuple à payer les intérêts de ses dettes, et si ce même droit les autorise, en cas de ruine du peuple débiteur, à adopter les charges contractées par lui, et n’avons nous pas mille fois raison de soutenir, au nom du du même principe, qu’une nation ne peut violer les frontières de ses voisins, sans qu’il y ait obligation pour les autres delà repousser chez elle et de la châtier sévèrement ?
- Quel homme de bon sens osera répondre négativement à cette question ?
- Si le capital intrigue pour mettre ses œuvres sous la protection de l’internationalisme, c’est une preuve qu’il donne aux travailleurs de la valeur pratique de la politique basée sur l’entente des gouvernements.
- Cette protection internationale ne doit pas être limitée aux entreprises captalistes ; elle doit s’étendre à tout ce qui intéresse le maintien de la paix entre les nations ; il revient aux travailleurs de ne pas la laisser accaparer exclusivement par la spéculation et de l’appliquer surtout à la conservation et au développement des relations amicales des peuples, sans lesquelles le travail n’aura jamais une sécurité certaine.
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- Pendant que les citoyens des classes laborieuses se divisent sous l’influence des idées étroites du patriotisme militaire, l’internationalisme capitaliste consolide ses œuvres par l’action commune de tous les gouvernements.
- La Société anglaise de la Paix et le Soudan
- Le comité de la société anglaise de la Paix réuni à Londres, le 10 février dernier, a voté les résolutions suivantes :
- 1° « Le comité proteste, solennellement, contre la pro-ongation des hostilités dans le Sou'''an. Selon lui, il serait monstrueux de soutenir plus longtemps la guerre , soit par esprit de revanche contre un peuple qui n’a été coupable d’aucune offense, si ce n’est de s’être simplement défendu contre une invasion injustifiée, soit pour maintenir le prestige militaire et politique anglais, lequel, s’il est en danger, y est par notre propre faute, et ne doit pas être relevé par le massacre d’un peuple innocent.
- 2" « Au simple point de vue politique le comité croit que la prompte retraite des troupes anglaises serait la conduite la plus sage et la plus salutaire ; rien ne pouvant être plus préjudiciable que de s’abandonner à une guerre de conquête, dans ces régions lointaines à peine accessibles, et contre de fécondes tribus d’hommes résolus et désespérés, inspirés à la fois par le patriotisme et le fanatisme. Suivre une telle voie serait exposer les troupes anglaises à tous les dangers du climat, aux maladies, au manque d’approvisionnements et, en même temps, engager la nation dans d’immenses responsabilités dont nul ne peut prévoir l’étendue ni la fin. »
- M Alfred H. Love, Président de la Universal Peace Union de Philadelphie, écrit : « Nous sommes en bonn es relations avec le nouveau Président, M. Gleveland. Son secrétaire nous a écrit qu’il se montrerait favorable à nos vues, et l’un de nos vice-présidents, M. Willcox, a eu une entrevue avec lui. J’ai de mon côté écrit au Président pour lui demander de recevoir les Amis de la paix quand il visiterait Philadelphie, mais nous ne croyons pas qu’il doive venir quant à présent.
- Les obus à dynamite
- U se fait en ce moment, à Washington, des expériences marit 6r'e ^ Prome^ent de révolutionner la guerre
- J1 saga des obus chargés de dynamite, que le Com naire du Sénat a pris sous son patronage. nitr: ***” obus de 6 pouces, chargés de 11 livres -glycérine. Une muraille de rochers, ayant 100 pieds
- faitg!eUf SU/ 60 de hauteuU fcert de cible. Chaque explos auter des tonnes de ce roc dur et massif, et y crei
- des trous de 23 pieds de diamètre et de 6 de profondeur ; les portions détachées sont réduites en fragments et projetées à un demi-mille de distance.
- Les officiers présents expriment la conviction qu’un obus de ce type détruirait entièrement le plus solide des navires non cuirassés et causerait de très sérieux dommages à un cuirassé.
- Les deux expériences faites jusqu’à présent ont démontré que le projectile chaigé de dynamite peut tout aussi bien sortir du canon sans éclater prématurément qu’un obus chargé de poudre ordinaire.
- Parmi les spectateurs qui assistaient aux dernières expériences, on remarquait le ministre de Russie et les attachés militaires des Légations de France, d’Allemagne et d’Italie.
- LE CONGO
- RÉSOLUTION DE LA CONFÉRENCE DE BERLIN
- La convention sortie de la conférence de B -riin a une importance capitale par les innovations qu’elle introduit dans la vie d’un Etat destiné à un grand développement.
- De toutes les parties de l’Afrique, les immenses territoires formant le bassin du Congo seront les plus recherchés par les émigrants de toute nationalité,
- . La colonisation de ce nouvel Etat sera débarrassée,dès ses débuts,des difficultés qui ont rendu si laborieuses les premières entreprises coloniales dans les autres continents.
- Déjà, de nombreux bateaux à vapeur parcourent le fleuve e t ses principaux affluents ; on se dispose à construire des chemins de fer.
- Les colons, dè leur arrivée, auront les facilités de transport pour introduire l’outillage perfectionné et pour écouler les produits du sol et des industries.
- Les traités de commerce, noués sur les hases du libre-échange avec toutes les puissances ayant participé à la Conférence de Berlin, s’opposeront à ce qu’on puisse élever aucune barrière contre l’entrée des produits, machines ou objets de consommation, fabriqués dans les pays civilisés.
- En môme temps que le Congo va devenir le principal objectif de l’émigration des civilisés, les capitaux disponibles du monde entier vont être appelés à donner leur puissant concours à la colonisation.
- Mais le fait principal est la constitution d’un nouvel Etat dont la neutralité sera garantie par les gouvernements des principales nations. Non
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- seulement la Convention de Berlin est signée par les représentants des puissances européennes, mais elle a été acceptée par le gouvernement des Etats-Unis, quia exercé une infïluence décisive dans le sens des théories des amis de la paix.
- Maintenant cette convention nous permet de réclamer la généralisation de ses clauses les plus humanitaires. Nous pouvons dire aux autres gouvernements qu’ils n’avaient pas le droit d’imposer à un autre peuple une manière d’être qu’ils trouveraient mauvaise pour les nations soumises à leur pouvoir.
- En présence de ce fait accompli, va-t-on continuer à considérer les amis de la paix comme d’incombles utopistes ?
- Nous ne nous arrêterons pas aujourd’hui à faire ressortir les principaux articles de la convention qui a terminé la conférence de Berlin. Plus tard nous noterons spécialement les points plus particulièrement dignes de l’attention des amis de la paix.
- Voici la première partie du procès-verbal de cette mémorable assemblée :
- CHAPITRE I
- Déclaration relative à la liberté du commerce dans
- le bassin du Congo, ses embouchures et pays cir-
- convoisins, et dispositions connexes.
- Art. 1er. — Le commerce de toutes les nations jouira d’une complète liberté :
- 1° Dans tous les territoires constituant le bassin du Congo et de ses affluents. Ce bassin est délimité par les crêtes des bassins contigus, à savoir notamment les bassins du Niari, de l’Ogooué, du Schari et du Nil, au nord ; par la ligne de faîte orientale des affluents du lac Tanganika à l’est; par les crêtes des bassins du Zambèze et de la Logé, au sud. Il embrasse, en conséquence, tous les territoires drainés par le Congo et ses affluents, y compris le lac Tanganika et ses tributaires orientaux ;
- 2° Dans h zone maritime s’étendant sur l’océan Atlantique depuis le parallèle situé par 2'30’ de latitude sud jusqu’à l’embouchure de la Logé.
- La limite septentrionale suivra le parallèle situé par 2°30’ depuis la côte jusqu’au point où il rencontre le bassin géographique du Congo, en évitant le bassin de l’Ogooué, auquel ne s’appliquent pas les stipulations du présent acte.
- La limite méridionale suivra le cours de la Logé jusqu’à la source de cette rivière et se dirigera de là vers l’est jusqu’à la jonction avec le bassin géographique du Congo;
- 3“ Dans la zone se prolongeant à l’est du bassin du Congo tel qu’il est délimité ci-dessus, jusqu’à l’océan Indien, depuis
- le cinquième degré de latitude nord jusqu’à l’embouchure du Zambèse au sud; de ce point la ligne de démarcation suivra le Zambèse jusqu’à cinq milles en amont du confluent du Shirs et continuera par la ligne de faîte séparant les eaux qui coulent vers le lac Nyassa des eaux tributaires du Zambèse, pour rejoindre enfin la ligne de partage des eaux du Zambèse et du Congo.
- Il est expressément entendu qu’en étendaut à cette zone orientale le principe de la liberté commerciale, les puissances représentées à la conférence ne s’engagent que pour elles-mêmes et que ce principe ne s’appliquera aux territoires appartenant actuellement à quelque Etat indépendant et souverain qu’autant que celui-ci y donnera son consentement. Les puissances conviennent d’employer leurs bons offices auprès des gouvernemeuts établis sur le littoral africain de la mer des Indes afin d’obtenir ledit consentement et en tont cas d’assurer au transit de toutes les nations les conditions les plus favorables.
- Art.. 2 — Tous les pavillons, sans distinction de nationalité, auront libre accès à tout le littoral des territoires énumérés ci-dessus, aux rivières qui s’y déversent dans la mer, à toutes les eaux du Congo et de ses affluents, y compris les lacs, à tous les ports situés sur les bords de ces eaux, ains qu’à tous les canaux qui pourraient être creusés à l’avenir dans le but de relier entre eux les cou rs d’eau ou les lacs compris dans toute l’étendue des territoires décrits à l’article 1er. Ils pourront entreprendre toute espèce de transport et exercer le cabotage maritime et fluvial, ainsi que la batellerie sur le même pied que les nationaux.
- Art. 3. — Les marchandises de tonte provenance importées dans ces territoires, sous quelque pavillon que ce soit, parla voie maritime ou fluviale ou par celle de terre, n’auront à acquitter d’autres taxes que celles qui pourraient être perçues comme une équitable compensation de dépenses utiles pour le commerce et qui, à ce titre, devront être également supportées par les nationaux et par les étrangers de toute nationalité.
- Tout traitement différentiel est inter dit à l’égard des navires comme des marchandises.
- Art. 4. — Les marchandises importées dans ces territoires resteront affranchies de droits d’entrée et de transit.
- Lss puissances se réservent de décider, au terme d’une période de vingt années, si la franchise d’entrée sera ou non maintenue.
- Art. 5. — Toute puissance qui exerce ou exercera des droits de souveraineté dans les territoires susvisés ne pourra y concéder ni monopole ni privilège d’aucune espèce en matière commerciale.
- Les étrangers y jouiront indistinctement, pour la protection
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- de leurs personnes et de leurs biens, l’acquisition et la transmission de leurs propriétés mobilières et immobilières et pour l'exercice des professions, du môme traitement et de mêmes droits que les nationaux.
- Dispositions relatives à la protection des indigènes, des missionnaires et des voyageurs, ainsi qu’à la liberté religieuse.
- 6. — Toutes les puissances exerçant les droits de souveraineté ou une influence dans lesdits territoires s’engagent à veiller à la conservation des populations indigènes et à l’amélioration de leurs conditions morales et matérielles d’existence et à concourir à la suppression de l’esclavage et surtout de la traite des noirs. Elles protégeront et favoriseront sans distinction de nationalités ni de cultes, toutes les institutions et entreprises religieuses, scientifiques ou charitables créées et organisées à ces fins ou tendant à instruire les indigènes et à leur faire comprendre et apprécier les avantages de la civilisation.
- Les missionnaires chrétiens, les savants, les explorateurs, leurs escortes, avoir et collections seront également ^ l’objet d’une protection spéciale.
- La liberté de conscience et la tolérance religieuse son t expressément garanties aux indigènes comme aux nationaux et aux étrangers. Le libre et public exercice de tous les cultes, le droit d’ériger des édifices religieux et d’organiser des missions appartenant à tous les cultes ne seront soumis à aucune restriction ni entraves.
- Régime postal
- Art. 7.— La convention de l’Union postale universelle, révisée à Paris le 1er juin 1878,sera appliquée au bassin conventionnel du Congo.
- Les puissances qui y exercent ou exerceront des droits de souveraineté ou de protectorat s’engtgent à prendre, aussitôt que les circonstances le permettront, les mesures, nécessaires poui l’exécution de la disposition qui précède,
- Droit de surveillance attribué à la commission internationale de navigation du Congo
- Art. 8. —Dans toutes les parties du territoire visé par la présente déclaration où aucune puissance n’exercerait des droits de souveraineté ou de protectorat, la commission internationale de navigation du Congo, instituée en vertu de l’article 17, sera chargée de surveiller l’application des principes proclamés et consacrés par cette déclaration.
- Pour tous les cas où des difficultés relatives à l’application des principes établis par la présente déclaration viendraient à surgir, les gouvernements intéressés pourront convenir de foire appel aux bons offices de la commission internationale en *ul déférant l’examen des faits qui auront donné lieu à ces difficultés.
- CHAPITRE II
- Déclaration concernant la traite des esclaves
- Art. 9.— Conformément aux principes du droit des gens, tels qu’ils sont reconnus par les puissances signataires, la traite des esclaves étant interdite, et les opérations qui, sur terre ou sur mer, fournissent des esclaves à la traite devant êire également considérées comme inter dites, les puissances qui exercent ou exerceront des droits de souveraineté ou une influence dans lès territoires formant le bassin conventionnel du Congo déclarent que ces territoires ne pourront servir ni de marché ni de voie de transit pour la traite des esclaves de quelque race que ce soit. Chacune de ces puissances s’engage à employer tous les moyens en son pouvoir pour mettre fin à ce commerce et pour punir ceux qui s’en occupent.
- CHAPITRE 111
- Déclaration relative à la neutralité des territoires compris dans le bassin conventionnel £du Congo
- Art. 10. — Afin de donner une garantie nouvelle de sécurité au commerce et à l’indust ie et de favoriser, par le maintien de la pa;x, le développement de la civilisation dans les contrées menti mnées à l’diticle 1er et placées sous le régime de la liberté cornmerciaie, les hautes parties signataires du présent acte et celles qui y aduéreront par la suite s’engagent à respecter la neutralité des territoires ou parties de territoires dépendant desd tes contrées, y compris les eaux territoriales, aussi longtemps que les puissances qui exeicent ou qui exerceiont des droits de souveraineté ou de protectorat sur ces territoires, usant de la faculté de se proclamer neutres, rempliront les devoirs que la neutralité comporte.
- Art. 11. — Dans le cas où une puissance exerçant des droits de souveraineté ou de protectorat dans les contrées mentionnées à l’article 1er et placées sous le régime de la liberté commerciale serait impliquée dans uni-guerre, les hautes parties signataires da présent acte et celles qui y adhéreront par la suite s’engagent à prêter leurs bons offices pour que les territoires appartenant à cette puissance et compris dans la zone conventionnelle de la liberté commerciale soient, du consentement commun de cette puissance et de l’autre ou des autres parties belligérantes, placés pour la durée de la guerre sous le régime de la neutralité et considérés comme appartenant à un Etat non belligérant ; les parties belligérantes renonceraient dès lors, à étendre les hostilités aux territoires ainsi neutralisés, aussi bien qu’à les faire servir de base à des opérations de guerre.
- Art. 12. — Dans le cas où un dissentiment sérieux, ayant pris naissance au sujet ou dans les limites des territoires mentionnés à l’article premier et placés sous le régime de la liberté commerciale, viendrait à s’élever entre des puissances signataires du présent acte,ou des puissances qui y adhéreraient par la suite, ces puissances s’engagent, avant d’en appeler aux
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- armes,à recourir à la médiation d’une ou de plusieurs puissances amies.
- Pour le môme cas, les mômes puissances se réservent le recours facultatif à la procédure de l’arbitrage.
- (A Suivre).
- AUX PROPAGANDISTES
- Lorsque nous avons co mmencé à insister sur la nécessité d’activer la propagande de la paix, nous étions dominé par la pensée de faire comprendre à la masse la nécessité de réagir contre les tendances agressives de la politique coloniale.
- Nos pressentiments n’allaient pas jusqu’à nous faire croire qu’elle nous conduirait si vite aux désastres que nous signalent les dépêches du Tonkin.,
- Ces tristes événements doivent encourager nos amis à redoubler de zèle et d’ardeur.
- Ne perdons pas notre temps en récriminations outrées ; poursuivons notre œuvre avec plus de ténacité.
- Il ne suffit plus de recueillir des adhésions.
- L’organisation en groupes des partisans de l’arbitrage international devient une impérieuse nécessité.
- La formation de ces sociétés est urgente, à tous les points de vue. La cohésion entre les divers adhérents au principe d’arbitrage donnera à chacun d’eux plus de force et plus de confiance. Sans le groupement, les manifestations pacifiques sont presque impossibles ; et l’on ne peut se passer de cette manière de saisir le public, tant e:4 grande l’indifférence des plus intéressés au maintien de la paix.
- Ayons au moins l’énergie des sectaires de la guerre. Si nous savions imiter leur exemple, nous serions bientôt une force avec laquelle devraient compter les gouvernements les plus aventureux.
- Partout ils organisent des groupes ; partout ils recueillent des souscriptions; tous les moyens leur paraissent bons pourvu qu’ils aboutissent à maintenir la masse dans son ignorance et son fanatisme. Lorsque les troupes remportent quelques succès,ils organisent des bals en. l’honneur des généraux ; lorsque les armées sont vaincues, ils dansent encore sous prétexte de récolter de l’argent pour venir en aide aux blessés.
- Si les amis de la paix savaient agir selon les circonstances, ils compteraient bientôt, eux aussi, de nombreuses associations sachant s’affirmer cha-
- que fois que le demanderaient les besoins de notre cause.
- Des divers centres d’où nous ont été envoyées des adhésions,nous n’entendons guère parler d’or ganisation que dans le département du Puy-de-Dôme, et à Marseille.
- Les derniers événements vont procurer à la propagande de la paix de nombreuses occasions de répandre ses bienfaisantes doctrines.
- A Paris et dans un grand nombre de villes, on signale une certaine animation provoquée par les nouvelles duTonkin. Il faut savoir profiter de cette situation, et faire le nécessaire pour rallier à notre cause ceux qui ont été jusqu’à présent indifférents à notre propagande.
- On ne doit pas hésiter à dire partout que cette surexcitation passagère est inutile, qu’elle est même dangereuse, si elle n’est le point de départ d’une agitation moins turbulente et plus régulière.
- On ne réalise aucune œuvre durable lorsqu’on est incapable d’une action progressive et soutenue.
- Ce sont ces choses qu’il faut dire et répéter sans cesse, surtout aux heures auxquelles la masse semble disposée à prêter une attention qu’elle refuse dans les circonstances ordinaires.
- L’expédition du Tonkin, aurait-elle la fin la plus malheureuse, ne sera pas la dernière entreprise de ce genre que tenteront les gouvernants à la remorque de la spéculation.
- Cette aventure n’est pas l’objectif des véritables amis de la paix : elle n’est pour eux qu’un accident.Ce qu’ils doivent neutraliser c’est cet esprit de guerre qui nous conduit un jour au Mexique, en Egypte, au Tonkin, qui nous prépare déjà à Madagascar de nouveaux déboires et qui nous mettra aux prises avec une conflagation européenne si nous n’y prenons garde.
- L’œuvre des amis de la paix est essentiellement prévoyante ; leur devoir n’est pas de s’acharner après les fautes de la veille ; il leur incombe de préparer l’aveni’. ; ils n’y réussiront que d’autant qu’ils apprendront au peuple à ne pas attendre la guerre pour manifester ses intentions pacifiques.
- Samedi, au café Riche, à Paris, a eu lieu le trente-septième banquet des membres de la presse scientifique.
- M. Louis Capazza a présenté un projet d’aérostat, basé sur des principes tout nouveaux.
- Voici, du reste, quelle est la base de se système d’aérostation, breveté en France et à l’étranger.
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- L’appareil est composé de deux cônes très aplatis, reliés à leurs bases par un soufflet annulaire ; la nacelle forme le sommet du cône inférieur, le tout est métallique, d’une étanchéité et d’une rigidité parfaites. Au moyen de poids, on déplace le centre de gravité de l’aérostat Capazza, qui peut ainsi s’incliner vers n’importe quel point de l’horizon.
- Ce qui fait qu’un ballon ordinaire monte ou descend, c’est un changement dans sa densité.
- Jamais on n’a pensé à garder le poids et à changer le volume pour arriver au même résultat.
- Or, si l’on considère que l’on peut produire le même effet, en augmentant le volume d’un mètre cube qu’en jetant un kilogramme de lest, on se trouve forcé de convenir que depuis longtemps on tournait, sans s’en douter, autour d’une précieuse vérité.
- Donc, monter et descendre sans déperdition aucune, et profiter de ces ascensions et descensions pour avancer au moyen d’inclinaisons combinées de son aérostat de forme lenticulaire : voilà l’œuvre deM. Louis Capazza.
- Pour arriver à ces résultats, les moyens sont nombreux ; M, Capazza a trouvé le plus économique.
- C’est la pression atmosphérique, plus ou moins forte suivant la hauteur, qui, en comprimant le gaz, réduira le volume de l’aérostat ; ou bien lui permettra de se dilater pour l’augmenter.
- Comme on le voit, tout est nouveau dans ce projet.
- Souscription pour la propagande de la Paix
- Mlle Goûté Héloïse à Ouchamps, Loir-et-Cher. 5»»
- Listes précédentes.................. . . . .124,75
- Total ce jour. 127,75
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- La situation en Portugal.— Le Portugal est en proie à une agitation profonde, et la situation du gouvernement et des plus préçaires. Les aspirations démocratiques du peuple, les dfficultés qui résultent des questions coloniales, les passions parlementaires mettent en péril son existence. La moindre mesure fiscale menace comme une”étincelle tombant sur de la poudre de déterminer une explosion.
- Une taxe d’octroi a déterminé des troubles assez graves à Porto ; le moindre prétexte en ferait éclater à L’isbonne. Le ministère est si convaincu du danger qu’il a interdit un cortège que les journaux, sans distinction de partis, voulaient organiser pour recueillir une souscription en faveur des victimes des tremblements de terre d’Espagne.
- Le gouvernement prévoyait que cette manifestation pourrait entraîner une démonstration hostile à son égard. Il ne l’évitera pas pour cela. Cette interdiction doit faire, assure-t-on, l’objet d’une interpellation, et rien n’est moins sûr que le succès du cabinet à la suite de cette attaque.
- Les défaites subies par la France dans ses entreprises coloniales inspirent de salutaires réflexions aux habitants du Portugal. Ils préféreront probablement renverser leur gouvernement avant d’y être contraints par des événements que ne peuvent modifier les tardifs regrets. Les insuccès de la France feront réfléchir plus d’un gouvernement.
- LE PARTAGE DE J/OCÉAN PACIFIQUE
- Le Times publie sous ce titre un article où il s’occupe de la répartition des îles et archipels sans maîtres de l’océan Pacifique entre les diverses puissances européennes.
- Les puissances directement intéressées dans le Pacifique, dit le Times, sont l’Angleterre, la Hollande, l’Espagne, le Portugal, la France, l’Allemagne et les Etats-Unis. En ce qui concerne l’Australie, l’Angleterre peut se féliciter de son annexion complète avant que la fièvre colonisatrice y ait pénétré ; sans quoi l’on aurait assurément assisté à une répétition de la lutte dont l’Afrique a été le théâtre.
- Les possessions hollandaises s’étendent depuis Singapour jusqu’à l’Australie, mais, à l’exception de leurs limites orientales, elles ne pouvaient être affectées par les arrangements que devait décréter la conférence de Berlin. Dernièrement encore l’Angleterre a tacitement admis les droits de là Hollande sur la moitié occidentale de la Nouvelle-Guinée, à l’ouest du 441e degré.
- Suivant l’avis émis par M. Markham, les droits de la Hollande sur la Nouvelle-Guinée occidentale ont pour base les droits du sultan de Fidore qui reconnaît la souveraineté des Pays-Bas, un acte de possession formel et surtout des relations commerciales et autres qui existent sans relâche entre la Nouvelle-Guinée occidentale et les autres possessions hollandaises.
- Si l’Angleterre et l’Allemagne songeaient à saisir une conférence de la question du partage de la Nouvelle-Guinée, elles pourraient difficilement se passer de la participation du gouvernement hollandais aux débats sur ce sujet, et, s’il en est ainsi, il devient évidentque les prétentions de ce gouvernement sur la partie occidentale de la Nouvelle-Guinée doiven être soigneusement examinées, mais à un point de vue en partie défavorable à l’extension des droits de la Hollande.
- Quant aux possessions espagnoles dans les îles Philippines, il n’y a que les côtes de l’extrême sud-est qui peuvent être l’objet d’une discussion.Les possessions portugaises n’ont qu’une étendue peu considérable, mais elles en ont suffisamment pour que le Portugal possède des intérêts dans le commerce des Indes orientales.
- Les îles qui devront naturellement être l’objet du partage sont disséminées sur une étendue de 3,000 milles environ du nord au sud et de 6,000 milles environ de l’est à l’ouest. Quelques groupes de ces îles forment déjà aujourd’hui les possessions de puissances européennes, mais ils donneront lieu quand même à des débats.
- Dans l’océan Pacifique, il existe trois grands groupes naturels qui embrassent chacun plusieurs groupes de deuxième ordre.
- Le premier de ces grands groupes, le plus proche des possessions anglaises et formant aussi la suite, à l’ouest, des îles hollandaises, c’est la Mélanésie ou le groupe Papuan.
- Le deuxième, c’est la Polynésie, groupe des plus disséminés, ne comprenant que des royaumes indigènes : Hawaï, Samoa, Fonga etTaïti.
- Le troisième groupe, la Micronésie, comprend les îles de l’extrême est des Indes espagnoles ; c’est celui qui offre le moins d’intérêt dans la question.
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- Voici à présent un apperçu des droits qu’exercent diverses puissances sur les îles de chacun des trois principaux groupes Dans le groupe Papuan, ou Mélanésie, la Nouvelle-Guinée, avec les îles situées au sud et à l’est, a été annexée par l’Angleterre, et quoique la proclamation lancée à cet effet ne mentionne que la côte méridionale à l’est du 141e méridien, la colonisation de toute cette côte implique nécessairement une possession beaucoup plus étendue. Les îles Fidji et Rotuma, à l’extrémité orientale du groupe, appartiennent aussi à l’Angleterre.
- l’Allemagne a annexé l’île Hermit et l’île Duke of York, ainsi que Mioko, Baie-Blanche et Port- Weber, à l’extrémité orientale de la Nouvelle-Bretagne.
- Les îles Salomon ne sont pas actuellement occupées par les Européens, ainsi que Santa-Gruz, Banks, et les Nouvelles-Hébrides, mais ces dernières ne jouissent de leur indépendance que grâce à une entente entre la France et l’Angleterre.
- Enfin, dans la Mélanésie, la France est en possession de la Nouvelle-Calédonie et des îles Loyalty.
- Dans le deuxième groupe, la Polynésie, l’Angleterre ne possède que la Nouvelle-Zélande et les îles désertes de Malden et Starbuck. Il y a encore les îles Pitcairn et Easter qui sont de fait des îles anglaises, quoiqu’elles ne soient pas formellement comprises dans les possessions de l’Angleterre.
- La France exerce le protectorat sur l’archipel Low, les îles de la Société, avec une reine indigène à Taïti, et sur les îles Marquises.
- L’inflnence prédominante, des Etats-Unis s’étend sur les îles Sandwich et Somoa, où ils ont une station navale à Pango.
- l’Allemagne a un dépôt de charbon aux îles Tongo (un royaume indigène), et il est probable quelle achètera ces îles ou y établira son proctectorat.
- Par conséquent, dans toute la Polynésie, les seuls groupes indépendants sont aujourd’hui les îles Tokalau, Ellice et Phénix, ainsi que les groupes Gook et Austral avec quelques autres petites villes.
- Enfin, dans le troisième grand groupe, la Micronésie, les les Gilbert, Marsall et Caroline se trouvent sous la d-omina-ton des Etats-Unis, grâce à l’influence dont y jouissent les missionnaires américains. Quant aux îles Marianne ou Ladrone, elles font partie des possessions espagnoles dans les Indes orientales.
- Il faut constater ensuite que surles groupes les plus importants des îles indépendentes de l’océan Pacifique, l’Angleterre, l’Allemagne et les Etats-Unis ont actuellement des vues identiques relativement à l’établissement de dépôts de charbon. Ainsi, dans les îles Samoa, toutes les trois puissances ont des traités leur accordant les droits de la nation la plus favorisée, et les Etats-Unis ont même sur ces îles certains droits de protectorat.
- Comme lieux de dépôts de charbon, les îles de l’océan Pacifique ne manquent pas d’importance. Il est vrai que la Nouvelle-Guinée pourrait en gagner avec le temps, et, en vue de cette éventualité, l’Angleterre s’est rendue maîtresse des principales voies de communication de l’intérieur. De plus, sur la côte du Nord, qui paraît être l’objet des vues de l’Allemagne, les indigènes sont beaucoup plus intraitables que sur la côte méridionale. Cette dernière, ainsi que la côte sud-est de la Nouvelle-Guinée, a été maintes fois visitée par les
- bâtiments anglais et, il y a trente-cinq ans,le lieutenant Jule prit formellement possession, au nom de l’Angleterre, d’une partie de la côte et de l’î'e Jule, destinée à acquérir une sérieuse importance, lorsque la colonisation de la Nouvelle-Guinée deviendra un fait accompli. Enfin les peuplades du groupe Papuan ne sont pas aussi faciles à traiter que les vrais Polynésiens, dont on trouve le type pur aux îles Somoa.
- Mais — fit en terminant le Time s — une fois que toutes les îles aujourd’hui indépendantes seront devenues possessions de diverses puissances, de sorte que toute annexion ultérieure soit matériellement impossible, qu’adviendra-t-il ? A moins d’une entente universelle ou de l’établissement d’une tyrannie universelle, ce sera le vrai commencement de la lutte.
- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen
- Puy-de-Dôme. Coude s. — MM. Bordessol Nicolas, propriétaire;— Borel-Courtial, perruquier ; - Ghabrillat, marchand de fruits, conseiller municipal ; — Coulaugras Paul, propriétaire , — Courmier Jean, propriétaire ; — Lassier Jean, propriétaire ; — Montagne Antoine, facteur local ; — Pignol-Dubois, propriétaire; — Pomel Autoine, commis-voyageur;— Sicart Pierre, propriétaire; — Savoureux-Bonfils, distillateur ; — Tombel-Duru, boucher ; — Pignol Jules, propriétaire.
- Aisne. Lemé. — Sueur Louis ; — Jourdain Jean-Baptiste.
- Laigny. — Dufour Théophile.
- La Vallée-aux-Bleds. —Sandra Albert.
- Essigny-le-Grand. —• Garin Moïse, mécanicien.
- Haute-Marne. Perthes. — Roussel Claude-Léon, agent général de l’Abeille ; — Dallemagne-Barrois, fabricant de chapeaux de paille.
- Osne-le-Val.— Viard Maria;— Viard Achille, cultivateur ; — Viard Augustin, cultivateur ; — Céiinie Milliot.
- Wassy. — Schreyer, Charles, libraire.
- Eurvéel. — Michel Victor
- Prez-sur-Marne. — Yard Lucien, mécanicien,
- Charente Inférieure. Breuil-le-Magne.—G&u-treau Paul, conseiller municipal.
- Loire. — Garraud Pierre; — Dervoir Simon, propriétaire à Chiron ; — Moinier Alcide, à la Grève.
- Bords. — Lévèque Léopold, négociant.
- Rochefort.— Mme Guérineau, fermière à Bel-air ; — Guérineau Henri, fermier à Bel-air.
- Loire-et-Cher. Ouchamps. — Mme Héloïse Goûté, née Coudray, propriétaire aux Landes ;— Mrne Gallier Galber Louis;—Goûté Charles-Alexandre, propriétaire,conseiller municipal ;— Brisemur Alcide, vigneron Brochet Antoine tonnelier, propriétaire ; — Boucher Joseph, propriétaire, vigneron ; — Pinault-Lespagnol, tonnelier; —- Goutte A., vigneron ; — Mâchefer Louis, vigneron ; — Mme Pinault, propriétaire ; — Mme Mâchefer, vigneronne.
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- UN DUEL MODÈLE
- Accepter crânement un duel, aller sur le terrain, mettre flamberge au vent, satisfaire finalement à ce qu’on appelle si sottement « les lois de l’honneur, » et cela sans aucun danger ! Voilà le bouquet que va vous offrir l’aventure suivante :
- Un avocat se prend un jour de querelle avec un honorable et pacifique campagnard, et les choses vont si loin qu’il en résulte une provocation en duel, avec serment de n’admettre aucun arrangement.
- Comme notre avocat n’avait jamais manié une épée, et qu’il croyait son adversaire de première force à l’escrime, il alla demander les conseils d’un maître d’armes renommé.
- — Etes-vous fort des reins et des bras ? demanda le prévôt.
- — Vous êtes bien aimable : je me sens assez solide, Dieu merci !
- — Très bien !... Comme je suppose que vous avez du sang-froid, je vous engage à tenir ferme votre épée la pointe à la hauteur de l’œil de votre adversaire, et à ne jamais attaquer. Evitez tout croisement de fer et attendez que, impatienté de vous voir ainsi immobile, votre homme se précipite de lui-même sur votre épée.
- — Vous croyez qu’il le fera ?
- — C’est probable. Dans tous les cas, vous ne risquez pas grand’chose dans cette position expectante.
- — Mais si mcn adversaire, qui est un véritable lion, avance ?
- — S’il avance, reculez.
- — Fort bien. Mais s’il recule ?
- — S’il recule, n’avancez pas.
- L’avocat sortit et alla mettre ordre à ses affaires en vue d’un dénoûment fatal, toujours à craindre en pareil cas.
- Une heure après que maître C... avait demandé les conseils du maître d’armes, celui-ci recevait la visite de l’adversaire de l’avocat.
- — Hélas ! Monsieur, lui dit ce nouveau visiteur, moi qui suis l’homme le plus pacifique, je me bats demain avec un duelliste des plus redoutables, m’a-t-on dit, l’avocat C....
- Le prévôt fit un tour sur lui même pour dissimuler un éclat de rire, puis s’arrêtant devant son homme :
- — Je vous en fais mon compliment, monsieur ; et qu’y a-t-il pour votre service ?
- — Je venais, monsieur le professeur, vous prier de m’indiquer une botte secrète. Je n’ai jamais eu l’occasion de mettre l’épée à la main. Sans vouloir devenir un assassin, il est juste que j’égalise autant que possible les
- chances d’un combat inégal avec cet habile buveur de sang.
- — Les bottes secrètes, dit le maître d’armes, ne sont pas sans danger, quand elles sont mises en pratique par Un homme qui, comme vous, ne connaît pas même les
- premiers éléments du noble art d’escrime. Je ne vous apprendrai donc aucun coup de ce genre. Mais suivez mon conseil et vous ne vous en trouverez pas mal.
- — Je le suivrai, monsieur le prévôt.
- — Mettez-vous en garde fièrement, à une certaine distance de votre adversaire, de manière à ce que le bout de votre épée soit éloigné de la sienne d’une dizaine de pouces environ et restez immobile. Il est probable que, impatienté de votre immobilité, il se précipitera de lui-même sur votre fer. Surtout, n’attaquez pas.
- — Mais s’il avance !
- — S’il avance, reculez.
- — Et s’il recule ?
- — S’il recule, ne bougez pas.
- Le lendemain le duel eut lieu.
- Chacun des adversaires avait amené sur le terrain, outre les deux témoins d’usage, un chirurgien de sa connaissance.
- Suivant à la lettre les conseils du prévôt, l’avocat et le propriétaire tombèrent en garde à une distance respectueuse l’un de l’autre, bien résolus à ne plus bouger.
- Us se regardaient d’un air de défi, mais pas un ne faisait le plus léger mouvement. Chacun attendait que, impatienté, son adversaire vint enfin, comme l’avait annoncé le prévôt, se précipiter sur son épée.
- Cinq minutes se passèrent ainsi, et rien dans l’attitude des combattants n’avait changé.
- L’avocat et le propriétaire se toisaient toujours dumême regard de défi, et leurs épées, toujours tendues à dis tance,. semblaient scellées dans la main des deux duellistes pétrifiés.
- — Quelle patience ! pensait l’avocat... Il veut me lasser et me forcer d’attaquer, mais pas si bête ! je tiendrai jusqu’au dernier moment... C’est lourd néanmoins, une épée qu’on tient si longtemps à bras tendu ! Quand donc viendra-t-il s’y précipiter ? Il tarde beaucoup.
- — Comme il se possède, se disait le propriétaire. Ces bretteurs ont un admirable sang-froid... Il attend que je l’attaque... Il attendra longtemps !... Mais toute chose a une fin, et il est probable que sa patience sera bientôt à bout... Je crains seulement que le rhumatisme dont je souffre au bras ne me force à lâcher l’épée juste au moment où ce furieux viendra s’y jeter, comme me l’a annoncé le prévôt.
- On ne sait de quelle énergie passive l’homme est susceptible dans certaines circonstances. Les deux combattants purent tenir, sans autre signe de lassitude, qu’une certaine altération dans le visage, pendant treize minutes, leur épée à bras tendu, impassibles comme des stoïciens.
- — Messieurs, dit alors un des témoins impatienté, voilà près d’un quart d’heure que vous ferraillez... l’honneur est satisfait. Abaissez donc vos épées et donnez-vous la main.
- — Ah ! s’écria maître C.., que le métier des armes est fatiguant ! J’aimerais mieux plaider trois causes que de me battre dix minutes.
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- LE DEVOIR
- Les Etats-Unis d’Europe commencent leur dix-septième année le Ier avril 1883. Publié chaque semaine sous le contrôle du Comité central de la Ligue internationale de la Paix et de la Liberté de Genève composé de Membres appartenant à des nations différentes, ce journal juge tous les faits sociaux et politiques du point de vue européen. Son but est d’arriver à l’Arbitrage par la neutralisation, par la fédération, par l’établissement de Juridictions internationales. Subordonner la politique à la morale, viser le juste pour trouver l’utile, créer la Paix par la Liberté pour la JusGce, telles sons ses maximes. U tient la question sociale au meme planque la question politique; il met ses lecteurs au courant des travaux des principales Sociétés de la paix. — Directeur, Ch. Lemonnier. — Abonnements : 8 fr. pour la Suisse, 10 fr. 6) pour les pays de l’Union postale. S’adresser : à Genève, chez madame Marie Gœgg, \ quai des Bergues ; à Paris, chez Fisehbacher et Comp. 33 rue de Seine; en tous pays, chez les principaux libraires.
- LIBRAIRIE DU FAMILISTÈRE
- SUFFRAGE UNIVERSEL Nous signalons à nos lecteurs,comme parfaitement appropriés aux besoins, en vue des élections prochaines, les ouvrages suivants de M. Godin : Au Suffrage universel . . 0fr.20 La politiqe du travail et la politique des privilèges . O, 40 La réforme électorale et la révision constitutionnelle. 0, 25 Envoyer 25 centimes à la Librairie du Familistère pour recevoir franco la Brochure : L’ARBITRAGE INTERNATIONAL ET LE DÉSARMENT EUROPÉEN.
- AVIS A NOS LECTEURS
- Les amis de la paix sont priés de compléter leur dossier de pétitionnement en intercalant dans une des feuilles imprimées,que nous leur adressons sur leur demande, autant de feuilles qu’il leur en faudra, en papier ordinaire, de mêmes dimensions ; ils pourront régler à la main ces feuilles et ils devront écrire en tête de la première page de chaque feuille ces mots :
- Pétition à la Chambre des Députés en faveur de Varbitrage international et de lapaix.
- Lorsque les signatures seront obtenues, il faudra autant que possible demander la légalisation de chacune des feuilles à la mairie de la commune des signataires.
- 11 est nécessaire d’écrire tous les noms lisiblement dans la première colonne, autrement de graves erreurs se commettent sur les noms propres :
- Retourner les pétitions, lorsque ces précautions seront prises, à l’adresse du journal « Le Devoir », à Guise (Aisne).
- L’abonnement d’un an à ce bulletin est
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- Nous tirons et livrons, en outre, les numéros demandés à l’avance, aux prix suivants :
- de i à 40 exemplaires à. 0 fr. 07 de 41 à 65 » à. 0 06
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- Enfin, nous livrons un bulletin de quatre pages dont l’abonnement annuel est
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- Nous donnerons ces bulletins de quatre pages franco, par la poste, aux conditions suivantes :
- 20 numéros . . . . 1 fr.»”
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- Nota : Nous faisons observer à nos lecteurs que les pétitions remplacé avantageusement les bulletins d’adhésiom à l'arbitrage, en ce sens qu’elles contiennent un grand nomore de signatures qui peuvent être légalisées en une seule fois.
- Le Directeur-Gérant : GODIN_,
- Guise. — lmp. Bané.
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- Année, Tome 9. — N” 344 Le numéro hebdomadaire 20 c.
- Dimanche 12 Avril 1885
- LE DEVOIR
- REVUE DES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU A GUISE (Aisne) ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris,
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- Toutes les communications le talon sert de quittance.
- et réclamations France Union postale
- doivent être adressées à Un an ... 10 fr. »» Un an. . . . 11 fr.»»
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- Fondateur du Familistère Trois mois. . 3 »» Un an. . . . 13 fr. 60
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- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- REFORMES SOCIALES & POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1. — Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de la. liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- 4. — Organisation du suffrage universel par l’unité de Collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile ; L’égalité de suffrage pour tous les citoyens,
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter;
- La représentation par les supériorités.
- 5. — Renouvellement annuel de moitié de la Chambre des députés et de tous les corps élus. La volonté du peuple souverain toujours ainsi mise en évidence.
- 6. — Rétribution de toutes les fonctions publiques devolueS' par le suffrage universel.
- 7. — Égalité civile et politique de l’homme et de ta femme.
- ^ — Le mariage, lien d’affection, h acuité du divorce.
- ^-r~: Éducation et instruction primaires,gratuites et obligatoires pour tous les enfants.
- Les, examens et concours généralisés avec élection es elèves par leurs pairs dans toutes les écoles. }plome constatant la série des mérites intellectuels moraux de chaque élève.
- 10. — Ecoles spéciales, nationales, correspondantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- 11. — Suppression du budget des cultes. Séparation de l’église et de l’Etat. *
- 12. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 13. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit
- d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- lh. — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatérale à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dans une juste mesure, retour à la société qui a aidé à les produire.
- 15. — Remboursement des dettes publiques avec les ressources de l’hérédité.
- 16. — Organisation nationale des garanties et de l’assurance mutuelles contre la misère.
- il. — Suppression des emprunts d’Etat.
- 19. — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 20. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21. — Libre échange entre les nations. 4
- 22. — Abolition de la guerre offensive.
- 23. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 24. — Désarmement européen.
- 25. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire
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- SOMMAIRE
- Organisation du suffrage universel. — Le Ministère. — La crise et les revenus capitalistes. -* Aphorismes et préceptes sociaux. — Faits politiques et sociaux de la semaine. — Les voyages scolaires.— Une rivière d’huile. — Typographie
- — Machine à composer. — Transformation. — Participation aux bénéfices. — Lettre d’Espagne.
- — Maître Pierre.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à vitre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
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- ORGANISATION
- DU
- Suffrage Universel
- M. Thauvin, ancien notaire à Orléans, m’adresse quelques observations sur le système de votation que j’ai proposé dans le but d’assurer, aux. citoyens français, le libre exercice du suffrage universel.
- Les hommes qui s’attachent à examiner sérieusement une idée avant d’en faire la critique sont si rares aujourd’hui que la lettre de M. Thauvin mérite, à ce titre, une attention particulière. Je vais donc prendre chacune à son tour les objections qu’elle renferme, afin de mettre plus de clarté dans ma réponse. M. Thauvin m’écrit :
- « Permettez-moi d’appeler votre attention sur l’une des « difficultés que me semble offrir l’application de votre sys-« tème de vote.
- « Assurément, ce système est séduisant; il répond à cer-« taines aspirations légitimes et annule les côtés mesquins et « personnels que le suffrage, restreint à l’arrondissement ou
- m département, comporte nécessairement. »
- En effet, le vote national par bulletin de liste de 12 noms donne à l’électeur la liberté de voter pour un député en vue de chacune des divisions ministérielles des affaires du pays. Ce vote, l’électeur le donne en toute indépendance, en dehors des coteries et des partis, avec la presque certitude que son bulletin entrera dans le nombre des voix données utilement.
- Libre de son vote,libre dansson choix, l’électeur est, en outre, débarrassé des considérations étroites que fait naître le suffrage restreint. Le vote national agrandit l’horizon social du citoyen et le porte à voter en vue du plus grand bien de la nation. L’électeur ne peut faire autrement que de choisir ses mandataires parmi les hommes qu’il croit les plus capables de bien comprendre et servir les véritables intérêts du pays.
- Tous les électeurs sont égaux devant l’urne. Chaque citoyen français vote pour un même nombre de députés, tandis qu’avec le vote adopté récemment par les Chambres, les citoyens de Paris auront un droit de vote 10 à 12 fois supérieur à celui d’autres citoyens français.
- « Mais, d’un autre côté, » poursuit M. Thauvin, a n’y au-« rait-il pas, dans les manifestations du suffrage universel « par bulletin de 12 noms, une véritable confusion ? »
- Il ne peut y avoir confusion ni dans le dépouillement,ni dans le recensement. J’ai démontré,dans le Rappel du 40 et dans le Devoir du 15 février dernier, que le dépouillement et le recensement des votes par bulletin de liste nationale né présentent pas plus de difficulté que le dépouillement et le recensement des votes par bulletin de liste départementale ; j’ai fait voir que le scrutin national permet même d’introduire dans ces opérations plus de méthode qu’on n’en a mis jusqu’ici et, assurément, les élections prochaines seront, à Pans, beaucoup plus difficiles que ne le serait pour toute la France l’élection nationale par bulletin de liste de 42 noms, selon le système que j’ai proposé.
- « Comment chaque électeur pourra-t-il se diriger d’un « bout à l’autre du pays ? Et comment arriverait-on à force muler un résultat qui fût en rapport avec le sentiment général
- « des majorités ? »
- D’un bout à l’autre du pays, la liberté permettra aux électeurs de s’unir sur des programmes et de voter pour les candidats qui accepteront ces pr0' grammes. Mais que faut-il entendre par le senti'
- ment des majorités ? Est-ce à dire que la moiü6
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- plus un doit imposer silence au reste ? Non, dans une démocratie véritable il y a, avant tout, des citoyens auxquels l’Etat doit une égale protection.
- « N’arriverait-il pas forcément que certains noms réuni-« raient des centaines de milliers, des millions de voix, et « d’autres seulement quelques milliers et que les uns et les « autres fussent élus ?
- et Et cela dans de telles proportions que les élus n’ayant « obtenu qu’un petit nombre de suffrages l’emporteraient en « grande majorité sur les élus qui auraient réuni le plus « grand nombre de voix.
- « Nous pouvons supposer 40 députés élus, chacun, par « deux, trois ou quatre millions de suffrages, absolument an-« nihilés par cinq cents autres qui n’en auraient recueilli que :« chacun 10 à 15 mille ! »
- Ces chiffres ne tiennent certainement pas compte de tous les éléments de la question ; mais, pour ne rien atténuer des craintes exprimées, admettons que, pour le début, il en soit ainsi,faute de moyens d’informations pour les électeurs.
- Quelles seraient les conséquences d’une élection faite dans ces conditions : 40 députés élus avec des millions de voix et 500 élus avec 15 mille voix environ ? Quant à ce dernier cas, disons de suite qu’il est facile de l’éviter; un minimum de voix peut être assigné pour la validité de l’élection.
- Admettons, d’abord, la possibilité d’un second tour de scrutin; j’ai indiqué, à ce propos, dans le Devoir du 15 février que la liste de recensement général faite à Paris, permettrait de signaler, à l’attention des électeurs, les candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix, après les députés proclamés. Si je ne me suis pas davantage arrêté à la question, c’est qu’avec le renouvellement annuel le second tour sera, inutile ; néanmoins, il appartient au législateur de le prévoir et d’en fixer les conditions.
- Posons des chiffres et examinons :
- Le suffrage universel présente environ dix millions d’électeurs; à raison de 12 voix par électeur, c’est 120 millions de suffrages à répartir. Si l’on divise 120 millions de suffrages par 550 députés, c’est environ 218 mille voix pour chacun d’eux.
- Admettons que la loi fixe à 100 mille voix, ou tout autre chiffre, le nombre des suffrages nécessaires pour la validité de l’élection, au premier tour de scrutin.
- Pour que 40 députés obtinssent plusieurs millions de voix, soit par exemple trois millions, il faudrait Çüe le corps électoral tout entier votât seulement Pour 40 noms, puisque 40 députés à 3.000.000 de v°ix, chacun, forment les 120 millions de voix dont
- dispose le corps électoral. On comprend de suite combien est impossible une telle supposition, si l’on tient compte que les électeurs, en grande majorité, voteront pour un certain nombre de candidats de leurs contrées propres ; car, le scrutin national n’empêchera pas les réunions électorales départementales dans lesquelles se discuteront les candidatures de la contrée, en même temps que les candidatures générales.
- Je veux bien admettre, pour un instant, malgré son impossibilité, l’élection supposée par M. Thau-vin ; quel inconvénient y aurait-il à ce que le corps électoral eût su mettre en évidence les notoriétés principales de la France ? Nommés pour deux ans et renouvelables par moitié chaque année, ces députés n’en seraient que plus désireux de se maintenir à la hauteur de leur renommée et du mandat qu’ils auraient reçu de la France entière, non pas en se bornant au terre à te’re de leurs intérêts mesquins comme le font nos députés actuels, mais en faisant preuve de dévouement à la chose publique et de capacité dans la direction des affaires du pays. Élant plus en vue, ils sauraient qu’on attend d’eux davantage; et ils voudraient répondre à cette attente sous peine, s’ils n’y arrivaient pas, de perdre la confiance des électeurs et de ne pouvoir plus se représenter au suffrage de la France.
- Qu’arriverait-il si une telle élection avait lieu et si le minimum de 100 mille voix, ou tout autre fixé comme nécessaire à l’é'ection, était à peine atteint par quelques candidats ? On procéderait à un second tour de scrutin et, cette fois, si l’on veut bien faire attention qu’avec le scrutin de liste nationale les électeurs conservent toute facilité de voter pour les citoyens recommandables de leur département ou de leur région, on comprend qu’il y a là de sérieux motifs à opposer aux objections soulevées, et que les faits auraient un tout autre caractère que ceux résultant de l’hypothèse que je vieus d’examiner.
- Nous avons vu, du reste, que la loi électorale peut raisonnablement exiger 100 à 150 mille voix pour la validité de l’élection, mais, admise même en ce qu’elle a d’impossible, quand l’élection donnerait 500 députés nommés avec 15 mille voix et 40 députés nommés à des majorités formidables, cela vaudrait infiniment mieux que les députés du suffrage restreint nommés avec 5 à 10 mille voix ; à plus forte raison si la loi exigeait un minimum de 100 mille «roix.
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- Concernant le nombre des suffrages, il y a une autre objection queM. Thauvin ne fait pas, mais que je puis signaler ici. Certaines personnes disent : « Le scrutin national serait une sorte de plébiscite donnant une autorité considérable à l’un des élus, s’il arrivait que l’un d’eux recueillît la presque totalité des suffrages. »
- Le plébiscite, dans le sens redouté de ceux qui font cette objection, est un acte de despotisme par lequel un tyran pose, à son profit, une question à la sanction du peuple. Il n’est pas possible de considérer comme telle l’élection de 550 députés par la volonté nationale. Tous les représentants arriveraient en même temps à la Chambre, en vertu de la loi fondamentale du pays et de la volonté du suffrage universel, avec les mêmes pouvoirs et les mêmes droits.
- Comment admettre que 549 d’entre eux puissent se résoudre à violer leur mandat, au profit de celui-là même qui doit le plus vivement sentir son honneur engagé dans le parfait accomplissement du mandat qu’il a reçu de la nation. De telles objections sont le résultat de pensées irréfléchies et ne peuvent se soutenir dès qu’elles sont examinées à fond.
- L’élection nationale donnerait au député la supériorité attachée à son principe.
- Ce n’est pas, du reste, le nombre des voix obtenues par un candidat qui constitue la valeur du député, cette valeur se trouve dans l’intelligence de celui-ci, dans sa capacité, son dévouement à la chose publique et dans son honnêteté. Or, ces qualités et ces vertus seraient vite établies et appréciées par le renouvellement partiel et annuel ; les incapables et les indignes seraient vite éliminés de la représentation, auraient-ils d’abord obtenu des millions de voix.
- Une autre crainte est exprimée en ces termes par mon honorable correspondant :
- » Ne pourrait-on voir ce spectacle d’une minorité discipliné® » réussissant à obtenir la majorité des représentants ? »
- C’est là une supposition sans fondement. Il est facile à une minorité disciplinée de voter pour 12 noms, mais dès qu’elle veut en nommer davantage, elle est obligée de diviser ses forces et tombe dans la confusion des listes. Les partis pourront proposer des candidats, ils pourront même proposer plusieurs listes de 12 noms, mais ils ne pourront influencer ni directement, ni indirec-'ement l’éléction dans son ensemble. Les électeurs * “ont dans la nécessité de choisir eux-mêmes
- leurs candidats, et l’on verra cet heureux résultat : chaque citoyen décidant son bulletin lui même.
- « Vous voudrez bien remarquer, » ajoute M. Thauvin, « que » l’état de division des républicains, leur fractionnement en « groupes nombreux trop souvent opposés et non pas seule-« ment différents, rendrait indubitable et formidable l’épar-« pillementdes voix républicaines,alors que la discipline de nos « adversaires leur faciliterait singulièrement la tâche de la « répartition des noms,»
- La répartition des noms ! Ici, M. Thauvin accorde à l’influence locale la possibilité d’agir sur les élections. C’est une crainte bien ou mal fondée mais qui ne se justifie pas par des chiffres.
- Car mon honorable contradicteur dit lui-même •’
- « Sans aller aux chiffres extrêmes que j’ai supposés plus « haut, j’estime qu’il est infiniment propable que les députés « monarchistes, représentant trois millions de suffrages, pour-« raient être en plus grand nombre que les députés républi-« cains qui en représenteraient sept millions ! »
- Supposer que trois millions de monarchistes l'emporteraient sur sept millions de républicains, c’est, on en conviendra, bien fantaisiste.
- Pourquoi la liberté du suffrage ne serait-elle pas favorable à la démocratie qui, jusqu’ici, a été sous la pression des classes monarchiques. Lorsque le suffrage universel sera débarrassé des influences officielles des classes aristocratiques et que la libre discussion sera ouverte sur des élections à faire tous les ans, l’esprit démocratique vibrera alors à l’unisson dans tous les esprits, le peuple comprendra qu’il peut agir pour le bien de la chose publique, l’heure du réveil de la nation aura sonné.
- Quant à moi, je suis certain que les monarchistes ne seront pas de l’opinion de M. Thauvin, ils repousseront de toutes leurs forces et scrutin de liste nationale et renouvellement partiel annuel.
- M. Thauvin termine en disant :
- » Il faudrait donc trouver un moyen de remédier à cela et » j’avoue qu’il ne me paraît pas facile d’y arriver.
- » Peut-être trouverait-on le moyen par la fixation d’un » minimum de suffrages, obligeant à un second et même a » un troisième tour de scrutin, mais cela pourrait conduire au » résultat opposé, c’est-à-dire à la disparition obsolue des mi-» norités et puis ce serait gros de difficultés matérielles et » cela pousserait à l’abstention. »
- Un second et même un troisième tour de scrutin ne présenteraient aucun inconvénient. Ils n’apporteraient aucune modification dans la manière de procéder. Le deuxième tour serait même pluS éclairé que le premier ; car le résultat des suf*
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- frages obtenus par chacun des candidats qui n’auraient pas réuni le nombre des voix nécessaire à la validation de l’élection, pourrait être publié par les journaux et affiché dans toute la Fiance avant le second tour. Devant cette liste, toutes les opinions pourraient concerter leurs votes, sans surprise, sans pression et avec certitude de donner leur suffrage d’une manière conlorme à leur conscience et à leurs intérêts.
- Je crois avoir démontré dans la brochure Etudes sociales, N° 2, en date de mai 4881, intitulée : La réforme électorale et la révision constitutionnelle, et dans le Devoir, en date des 18 et 25 janvier, 1 et 15 février de cette année, que le vote national, même à plusieurs tours de scrutin, ne présente aucune difficulté pratique, que le scrutin national satisfait aux besoins des minorités aussi bien qu’à ceux des majorités.
- En effet, dès que les citoyens ont la liberté de l’entente sur tous les points de la République, qu’ils peuvent concerter leurs votes, que tous les groupements sont possibles aussi bien en faveur des minorités qu’en faveur des majorités, tous les droits peuvent s’exprimer. Seules, les personnes disposées à méconnaître le droit de tous à la liberté, et à ne vouloir de liberté que pour elles-mêmes pourraient alors déclarer que le système le plus vrai et le meilleur est le moins acceptable, parce qu’il consacre le droit de tous.
- Tout jugement par lequel on condamnerait le système d’organisation du suffrage universel national avec bulletin de liste, parce que ce système laisserait à un parti dont on est l’adversaire la liberté dont les autres partis peuvent jouir, serait un jugement liberticide. Lorsque la démocratie et la liberté du suffrage sont établies, les citoyens qui ne veulent pas s’en servir ou qui sont incapables de le faire laissent le gouvernement aux plus capables, et c’est justice; mais ceux-ci ont pour devoir de ne pas abuser de la situation, de rèspecter et de protéger le droit de tous.
- Quant à la crainte de voir l’abstention être la conséquence du mouvement donné à la vie publique par le scrutin national renouvelé annuellement, die me paraît de tout point mal fondée. L’absten-bon a lieu de la part de l’électeur, quand il a le sentiment de ne pouvoir donner un vote utile à son opinion et à son intérêt; il s’abstient quand il sait Que son suffrage sera perdu, s’il ne vote pour des candidats que le suffrage restreint lui impose et qui ne lui conviennent à aucun titre.
- Mais, lorsque l’électeur jouira de la liberté électorale, lorsqu’il aura la certitude de pouvoir donner son vote à un candidat partageant ses vues et ses opinions, avec espoir de voir triompher son candidat, alors le citoyen se passionnera pour la défense de ses droits ; les élections seront considérées comme le moyen le plus certain d’arriver à toutes les réformes et à toutes les lois utiles ; tous les citoyens se rendront aux urnes avec empressement.
- L’abstention électorale est due à une mauvaise organisation du suffrage universel ; elle n’aura plus lieu dès que le scrutin national aura consacré la véritable liberté électorale ; alors le jour des élections sera un jour de fête.
- Ai-je satisfait au vœu que M. Thauvin exprime ainsi :
- «Je serais bien désireux de vous voir démontrer par des » exemples comment vous arriveriez à mettre le résultat en rap-» port avec la réalité, dans la manifestation des opinions, e' » je pense que votre système aura fait un grand pas quand » vous aurez établi cette démonstration.
- » Le renouvellement partiel sera évidemment un progrès » immense, ce principe doit être la base de toutes les élec-» tions : il est inconcevable qu’il ne soit pas encore géné-» ralisé. »
- C’est beaucoup demander que de vouloir des exemples en pareille matière. Tout ce qu’on peut faire, c’est de raisonner sur des hypothèses ; c’est ce que j’ai fait en examinant celles de M Thau-vin. Je serais heureux que ces explications pussen l, comme il le désire, faire avancer la question; mais il est, à mon sens, un terrain plus sûr de vérification de la valeur de ma proposition, c’est de mettre en parallèle son but évident, avec celui des autres systèmes électoraux, et de voir si le scrutin national, n’est pas seul en état de donner :
- La liberté de l’électeur dans le choix des personnes qu’il juge dignes de le représenter, avec l’espoir fondé de donner un vote utile.
- L’égalité des électeurs devant le scrutin, tout citoyen ayant le droit de voter pour un même nombre de députés.
- La liberté pour Uélecteur de voter par bulletin de liste pour autant de députés qu’il y a de ministères ou de départements des affaires du pays.
- Le droit pour le corps électoral de manifester son jugement chaque année, sur la direction des affaires du pays, par la réélection partielle des corps élus.
- i Le droit permanent des comités électoraux d’ex
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- ister, de se concerter, et celui de discuter et de préparer les élections annuelles.
- L’absence de ces libertés dénote l’existence, à un titre quelconque, d’un pouvoir despotique qui annihile la liberté et le droit des citoyens, au profit d’une aristocratie avouée ou occulte. La conscience humaine et surtout celle des masses déshéritées tendra toujours à se révolter contre une telle oppression.
- Le Ministère
- Le nouveau cabinet est définitivement constitué. Il est ainsi
- composé : _
- Présidence du conseil et Justice.— M. BRISSON.
- Affaires étrangères. — M. de FREYCINET.
- Guerre. — Le général GAMPENON.
- Marine. — Amiral GALIBER.
- Intérieur. — M. ALLAIN-TARGÉ.
- Finances. — M. CLAMAGERAN,
- Commerce. — M. PIERRE LEGRAND.
- Agriculture.. - HERVÉ-MANGON.
- Inst, publique et Cultes. — M. GOBLET.
- Postes. — M. SARR1EN.
- Travaux publics. — M. SADI-CARNOT.
- * *
- Déclaration du Gouvernement
- « Dans les circonstances où le Président de la République nous appelle aux affaires, vous n’attendez pas de nous un programme étendu.
- » Nous avons essayé, dans un intérêt national et en négligeant toute considération secondaire, de former un Cabinet de conciliation et d’union, de grouper le plus de bonnes volontés possible, afin de mettre un plus grand secours de forces au service de la France et de la République. [Applaudissements.)
- » Nous demanderons à la Chine le respect de nos droits, tels qu’ils résultent des traités, tels quelle les a reconnus elle-même dans la Convention du 11 mai 1884, — heureux si des négociations suffisent pour atteindre ce but,mais résolus à le poursuivre par les armes, décidés aussi à ne pa& modifier le caractère de l’expédition sans le consentement du Parlement. (Applaudissements.)
- » Le sentiment de ce que nous devons à nos héroïques troupes de terre et de mer et à leurs chefs, nous trouvera, d’ailleurs, facilement unanimes.
- » Nous aurons, en second lieu, par une politique attentive et circonspecte, à garantir notre situation générale au milieu des questions qui préoccupent l’Europe. Elles ne sauraient nous laisser indifférents. Mais quels que soient les intérêts quelles mettent en jeu, nous réglerons toujours notre attitude sur l’intérêt direct et supérieur de la France !
- » A l’intérieur, nous obéirons à la même pensée d’union et de concorde et — si vous permettez l’expression, — de « concentration libre et naturelle des forces républicaines.» 1
- » C’est dans cet esprit que nous aborderons l’examen des lois urgentes et la discussion du Budget, que vous tiendrez à voter dans la législature actuelle.
- » La parole sera bientôt au pays : nous mettrons notre honneur à assurer des élections libres, loyales et sincères. Plus cette manifestation du Suffrage universel sera spontanée et indépendante, plus la République en sera fortifiée, et plus puissamment sera cimentée l’union entre les républicains !
- » De même qu’à l’extérieur, nous ne regardons que le drapeau, nous ne voulons servir a l'intérieur que la souveraineté nationale.
- ' » Nous convions à nous aider dans cette tâche tous les
- amis de la démocratie et de cette noble forme de gouvernement à laquelle nous avons donné notre vie ! »
- (Nombreux applaudissements.)
- * *
- Ij n’est pas inutile de reproduire, au moment où M. Brisson vient d’être appelé au ministère, les clauses essentielles de son programme électoral aux élections de 21 août 1881.
- Révision de la Constitution : le Sénat sera réformateur, ou il ne sera pas ;
- Liberté de presse, de réunion et d’associatiou ;
- Séparation de l’Eglise et de l’Etat;
- Sécularisation des biens détenus par les congrégations, de façon à les remettre dans la circulation ou à les affecter à des œuvres d’instruction et d’assistance publique ;
- Réforme de la Magistrature : extension de la juridiction du Jury ; réduction des frais de justice ;
- Réduction du service militaire à trois ans ; suppression du volontariat ;
- Extension des libertés municipales ;
- Impôt sur le revenu ; dégrèvements des impôts de consommation et des droits de mutation sur les petites successions et les petites ventes ;
- Révision des tarifs de chemins de fer ;
- Caisse de retraites pour les ouvriers.
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- L’entreprise du Tonkin n’est pas la seule folie du précédent gouvernement ; nous devons aussi compter avec la situation çréée à Madagascar. L’an dernier la Chambre accorda un crédit de 5,000,000 ; récemment elle à voté un nouveau crédit de 12,000,000. Espérons qu’on s’arrêtera à temps et que le gouvernement se rangera à l’opinion émise autrefois par le nouveau ministre de la Marine.
- Au mois d’août 1883, après la mort de l’amiral Pierre, l’amiral Galiber, le nouveau ministre de la Marine, avait été envoyé en mission temporaire dans la mer des Indes et avait pris le commandement de la division navale et du corps de débarquement à Madagascar jusqu’à son remplacement par l’amiral Miot.
- Rentré en France, l’amiral Galiber fut appelé devant la Commission chargée par la Chambre d’examiner les demandes de crédit pour l’expédition de Madagascar et il ne cacha pas combien il déplorait cette expédition, dont il avait pu apprécier sur les lieux toutes les difficultés.
- L’amiral Galiber se prononça pour un arrangement avec les Howas et la limitation à quelques points de la côte de notre occupation.
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- La plupart des journaux n’hésitent pas à proclamer que nous possédons- maintenant un gouvernement aussi prudent que le précédent était aventureux.
- Nos vœux sont conformes à ces espérances, et nous pensons que la prospérité nationale et le prestige de l’idée républicaine auraient beaucoup à gagner à une loyale application îles idées contenues dans la déclaration gouvernementale, et dans le programme du président du conseil.
- Nous auiions ainsi un gouvernement ayant des tendances diamétralement opposées à celles du précédent ministère.
- Nous devons prendre acte de cette possibilité pour faire ressortir la supériorité du gouvernement républicain, qui permet des changements politiques aussi absolus sans qu’il s’en suive aucun trouble dans la marche des affaires et l’administration du pays.
- Nous ne saurions demander au nouveau gouvernement plus qu’il n’a promis dans sa déclaration ; la liquidation de la situation présente est une œuvre suffisamment difficile pour qu’elle absorbe la bonne volonté d’un ministère nommé la veille d’une période électorale.
- Mais nous prenons acte de l’engagement du ministère : « de mettre son honneur à assurer des élections libres, loyales et sincères. »
- La Crise et les Revenus capitalistes
- Dans nue récente lettre au Conseil municipal de Paris, nous avons montré que les difficultés économiques avaient pour principale cause le défaut d’équilibre entre la puissance de consommation procurée aux classes laborieuses par les salaires et celle attribuée aux classses capilalistes par la perception des revenus du capital prélevés sur le travail.
- Nous avons prouvé que, dès que se manifestaient les premières perturbations économiques,les salaires subissaient des fluctuations les ramenant sans cesse au-dessous du taux moyen, lorsqu’on aurait besoin, au contraire, que leur élévation ’vmt faciliter l'écoulement des produits surabondants.
- Si nous parvenons à établir que, parallèlement a cette diminution du total des salaires payés aux travailleurs, notre mécanisme économique nous conduit à une augmentation continue des revenus capitalistes, il deviendra évident que l’équilibre cherché ne sera jamais atteint, puisque la différence entre les puissances de consommation des cesses laborieuses et des classes capitalistes ira sans cesse grandissant.
- Cette démonstration ressortira d’un examen
- sommaire des rôles successifs du capital dans la production.
- Au début des civilisations , les hommes ont peine à pourvoir à leur entretien quotidien ; l’incessante préoccupation de satisfaire leurs besoin immédiats,, ne leur laisse presque aucun temps pour pouvoir immobiliser du travail dans des habitations solides, dans la recherche et la construction d’un outillage avantageux, dans la mise en culture du sol par des défrichements convenablement exécutés.
- Enfin, au milieu de vicissitudes sans nombre dont l’histoire enlière nous retrace les faits principaux, les peuples parviennent à un développement d’autant plus perfectionné qu’ils ont pu immobiliser une plus grande quantité de travail dans l’installation de leurs logements, de leurs cultures et de leurs industries.
- A cette époque succède une période pendant laquelle s’ajoute au travail immobilisé l’épargne en monnaie, que l’on accumv le lenU ment el que l’on, cache avec soin ; puis, le prêt avec intérêt rentre insensiblement dans les mœurs ; enfin le crédit s’organise et acquiert bientôt les formes géantes de nos grandes insti'utions financières.
- De la genèse si tourmentée du capital nous ne retiendrons qu’un fait, celui ci : Dès que les hommes ont compris la nécessité de l’épargne et dès qu’ils ont su en appliquer les fruits à la création de nouveaux moyens de production, le progrès s’est développé suivant une progression dépassanttoutes les prévisions.
- Frappés par ce fait, les esprits superficiels ont sanctifié l’épargne et déifié 'le crédit ; les économistes, éblouis par la fécondité de ces deux agents, n’ont pas même soupçonné que cette fécondité, se manifestant d’une manière désordonnée, pouvait peidre beaucoup de sa puissance, même devenir génératrice de désordres sociaux. Ils ont poussé si loin leurs affirmations sur la perpétuité et l’infaillibilité de l’action bienfaisante de l’épargne et du crédit, qu’ils ont créé une croyance véritable, aussi difficile à déraciner que la superstition, même lorsque les pratiques qu’elle glorifie nous conduisent à un eflroyable gâchis social.
- Nous ne voulons pas atténuer la puissance de l’épargne et du crédit, mais nous ne pouvons conclure, des immenses services rendus à l’humanité par ces deux agents de la civilisation, que leur action ait trouvé sa forme la plus parfaite et qu’elle soit exempte de toutes règles autres que les caprices des individus.
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- Dès que le capital a eu pris une part marquée dans la production, il s’est fait accorder une rémunération abusive ; cette participation du capital, 1d’abord si infime et si lente à atteindre un degré mportant, dès qu’elle a été venue à ce point, s’est multipliée avec une incroyable rapidité. Pendant que cette progression se développait presque sans interruption, le nombre des travailleurs restait le meme et la somme des salaires atiribués aux classes laborieuses augmentait péniblement.
- Certainement les travaillevrs ont bénéficié de l’abaissement du prix des produits et d’une hausse des salaires ; mais les capitalistes, dont le nombre aussi était resté le même, bénéficiaient de cet abaissement du prix des choses et, en plus, ils augmentaient sans cesse leurs revenus, puisqu’ils avaient peut-être décuplé la quantité des capitaux engagés dans la production, pendant une péri ode durant laquelle les salaires avaient à peine été doublés.
- Enfin le taux des salaires est devenu stationnaire, même il tend à baisser, et les classes capitalistes engagent de plus en plus des capitaux dans la production, au point que l’on évalue à près de deux milliards l’épargne annuelle.
- Afin de contrôler ces affirmations théoriques par des faits, faisons l’analyse de l’action de l’épargne de 1860 à 1885.
- En 1860, les salaires avaient atteint le taux moyen qu’ils ont encore. Nous pouvons désigner par P la production de cette époque, par R les revenus du capital, et par S les salaires du travail ; nous avons l’égalité P — R + S.
- Depuis 1860 la production a été considérablement accrue et les salaires ont été stationnaires ; nous devons donc conclure que l’augmentation de la production a été le fait d’une participation plus active et plus considérable de l’agent capital. Nous pouvons figurer la production actuelle par P’ plus grand que P; les revenus présents du capital par R’, plus grand que R, et les salaires sont toujours représentés par S ; l’égalité résumant la production devient P’ — R’+ S.
- Nous voyons les travailleurs dépourvus de toute épargne et les magasins engorgés ; cela prouve évidemment que l’épargne des revenus capitalistes a été trop considérable, car si les prossesseurs de ces revenus avaient retiré des magasins des quantités de produits équivalentes à ces revenus, le stock serait nul et chacun éprouverait la nécessité de mettre en œuvre, activement, tous les bras disponibles.
- Malgré ces encombrements provenant de l’excès des revenus capitalistes, notre mécanisme économique est ainsi fait qu'il n’est pas possible, sous son impulsion,d’éviter d’augmenter encore la quantité des capitaux engagés dans la production.
- En effet, à mesure que la surproduction relative, relative puisque des gens meurent de faim à côté des magasins engorgés, vient de plus en plus encombrante, le facteur capital tend à prendre une place plus grande dans la production, parce que les puissantes machines et les grandes installations, qui sont des manières d’être du capital, sont plus économiques que l’emploi des travailleurs.
- Plus s’aggravent les embarras de la surproduction, plus la concurrènce devient une affaire de capitaux.
- D’un autre côté, les classes dirigeantes affolées par ces phénomènes, dont elles ne comprennent pas les causes, demandent impérieusement à des gouvernants aussi ignorants de perfectionner l’outillage national ; alors on entreprend, à tort et à travers, des travaux ; on cherche partout des débouchés ; on crée des écoles commerciales, coloniales, industrielles, et une infinité d’autres affaires de même genre,toutes choses aboutissant à des emprunts énormes, le pire moyen d’engager les nouveaux capitaux dans la production ; car ces emprunts sont contractés à revenus fixes et ne peuvent être liquidés autrement que par remboursement, puisqu’ils sont garantis par la totalité de la richesse nationale.
- On le voit, sous l’impulsion de notre mécanisme économique, les salaires ont une tendance à baisser et les revenus capitalistes une tendance à augmenter, d’autant plus accusées l’une et l’autre, que la raison nous montre l'urgence d’une progression inverse.
- Les pondérateurs naturels qui ramèneront un équilibre stable sont la coopération, l’Hérédité de l’Etat,la Mutualité nationale,et la Participation aux bénéfices conduisant à l’Association.
- La Coopération bien comprise, peut conserver dans les mains des classes laborieuses des revenus qui sont actuellement le monopole des capitalistes; elle est donc un pas vers la véritable solution, puisque, sans léser les classes riches,elle augmente les ressources des salariés.
- L’Hérédité de l’Etat, en demanlant à la richesse accumulée les ressources publiques actuellement supportées par les travailleurs, libérera ceux-ci d’un lourd tribut annuel.
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- La Mutualité nationale, en appliquant à l’entretien des faibles, des vieillards, des sommes qui vont maintenant se concentrer dans les caisses capitalistes, deviendra un puissant moyen d’éviter les effets de la surproduction relative.
- La participation conduira les travailleurs à l’association et, sous ce nouveau régime, les intérêts capitalistes et ouvriers étant confondus,les sociétés jouiront d’un ordre social engendrant de lui même le bien, comme notre mécanisme économique présent nous mène, malgré nos aspirations, de bouleversements en bouleversements.
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- LXXIX
- Économie politique
- L’économie politique est la, science de la création de la richesse par tous les moyens sans égard aux hommes, tandis que la science de l’économie sociale est non seulement la science de la création de la richesse en observant le respect dû à la personne humaine mais aussi la science de la juste et équitable répartition des biens entre les hommes.
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- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- La Paix avec la Chine. — l’aventure franco-chinoise est près de finir par un traité de paix dont les préliminaires ont été acceptés par les deux gouvernements. Voici les conditions générales de la cessation des hostilités, publiées par le journal le Temps :
- L’arrangement qui vient d’être signé contient:
- 1° Des préliminaires de paix ;
- 2° Une suspension d’hostilités ;
- 3° Le règlement de toutes les questions militaires.
- La stipulation fondamentale constate que la Chine consent a ratifier la convention du 11 mai 1884 et que, d’autre part, la France ne poursuit pas d’autre but que l’exécution pleine et entière de cette convention.
- Le premier acte d’exécution doit venir du gouvernement chinois. Cet acte est un édit impérial ordonnant la mise à exécution du traité de Tien-Tsin et enjoignant, en conséquence, aux troupes chinoises actuellement au Tonkin de se retirer derrière la frontière.
- Aussitôt ce décret rendu, le blocus de Formose et de Pak-Hoï sera levé, sousréserve, quant à Formose, que, juspu’à la conclusion du traité définitif, les deux parties s’interdisent d y porter des troupes nouvelles ou des munitions de guerre.
- Des négociations seront immédiatement ouvertes entre le ministre de France en Chine et les plénipoteniaires chinois
- pour la conclusion d’un traité définitif de paix et de commerce sur les bases arrêtées le 11 mai 1884.
- Le gouvernement chinois a proposé au gouvernement français, qui a accepté, de fix er trois dates :
- lu Une date pour la cessation des hostilités ;
- 2° Une date pour le commencement de l’évacuation ;
- 3° Une date pour la fin de l’évacuation.
- Ces dates différent pour les deux armées suivant les régions, les mo yens de transport et de communication.
- Pour l’armée de Quang-Si, ces dates sont les suivantes : Suspension des hostilités, 10 avril ; commencement de l’évacuation, 20 avril ; fin de l’évacuation. 30 avril.
- Pour l’armée du Yunnan, ces dates sont les suivantes : susp ension des hostilités, 20 avril ; commencement de l’év acuation 30 avril ; fin de l’évacuation, 30 mai.
- Enfin lorsque le traité définitif sera conclu, le gouve rnement français cessera d’exercer le droit de visite sur les vaisseaux neutres en haute mer.
- C’est également le traité définitif qui fixera la date à laquelle les troupes françaises évacueront le nord de Formose.
- Le protocole renfermant ces divers arrangements a été signé le 3 avril au ministère des affaires étrangères, à Paris, par M. Billot, directeur des affaires politiques, muni à cet effet de pleins pouvoirs par M. le président de la République.
- Une dépêche de sir Robert Hart, arivée hier à Paris, a annoncé que l’édit impérial avait paru le 6 avril et qu’il allait être notifié au consul à Tien-Tsin,
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- La Chambre. — M. Floqnet a été nommé président d e la Chambre. Le candidat opportuniste n’a pu réunir un nombre de voix assez élevé malgré les efforts des membres de l’union républicaine, qui ont donné leurs voix à M Fallières dans les trois scrutins qu’à nécessités le choix du successeur de M. Brisson.
- D’après les commissaires nommés dans la nouvelle commission du budget, on prévoit que le groupe opportuniste se prépare à faire échec au nouveau ministère : Messieurs Bouvier Charles Ferry, Baïhaut, Cochery et plusieurs de leurs amis, viennent d’être nommés membres de la commission du budget.
- La Chambre a voté un crédit de 150,000,000 pour les affaires du Tonkin, malgré l’opposition de M Périn qui a profité de l’occasion pour faire bonne justice de la politique coloniale. M. Gaillard a prononcé un excellent discours en faveurde l’arbitrage,malgré les interruptions et les protestations des députés qui préfèrent les aventures au triomphe de la Justice.
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- Extrême-gauche et la question de la Paix. — Les partis politiques font avec la question de la Paix avec la Chine ce qu’ils ont fait de tout temps de toutes choses. Momentanément l’agitation en faveur de la paix leur a semblé devoir servir leurs visées personnelles; et les politiciens se répandent en imprécations contre la guerre et contre les gouvernements qui la suscitent ; leurs bruyantes protestations trouvent de l’écho dans tous les journaux parisiens qui n’ont cessé de faire le silence sur la propagande des véritables amis de la paix. Les groupes révolutionnaires ont même sommé l’Extrême-gauche de prendre l’initiative d’une démonstration
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- dans la rue en faveur de la paix. Les députés de ce groupe ont formellement refusé de se prêter à cette fantaisie qui n’aurait guère fait avancer la question.
- Les députés qui ont refusé de se mêler à cette manifestation nous semblent mériter les félicitations des gens sérieux, si ce te abstention n’est que la condamnation < 'un mauvais moyen d’action dans le milieu parisien que la police sait si bien entraîner vers les excès qu’elle se donne ensuite la mission de réprimer. On ne peut interpré'er différemment cette attitude, car t;armi ceux qui ont combattu ce projet avec le plus d’ardeur nous trouvons les noms de deux députés, MM. Giard et Laissant, qui servent ordinairement la cause de la paix avec le plus de persévérance et de dévouement.
- La paix avec la Chine ou avec tout autre peuple n’est qu’une chose insignifiante, si elle est acceptée comme un moyen de mieux se préparer à faire la guerre ailleurs. Le but véritable est le désarmement européen etla substitution de l’arbitrage à la guerre.
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- Les amis de la Paix à Clermont-Ferrand. — Les groupes amis de la Paix,à Clermont-Ferrand, donnent en ce moment une grande leçon de sagesse et de patriotisme au reste de la France.Ils activent le pétitionnement et prennent les meilleures dispositions pour organiser une agitation durable et raisonnée en faveur de la paix ; ils viennent de faire répandre à un grand nombre d’exemplaires, dans tout le département du Puy-de-Dôme, une circulaire dont nous détachons les passages suivants :
- « Il est heureusement,,pour les citoyens paisibles à qui répugne le bruit, un moyen absolument légal de se faire entendre et obéir sans s’égosiller, sans risquer d’attraper des horions, sans même sortir de chez eux, et sans perdre de temps : ce moyen c’est le pétitionnement.
- « Ce moyen a même sur les autres un avantage, c’est de ne laisser aucun prétexte à fausse interprétation.
- « Le moment est venu d’y avoir recours.
- « En conséquence,nous invitons tous les cit yens sincèrement désireux de voir mettre un terme à cette espèce d’affolement dont tous les peuples de d’Europe semblent atteints et quipeut aboutir à quelque épouvantable catastrophe, à signer et à faire signer autour d’eux la pétition que nous mettons aujourd’hui même en circulation et qui a pour objet d’inviter le gouvernement à remplacer, d’une manière générale et autant que cela dépendra de lui, l’usage de la guerre par celui de l’arbitrage pour le réglement des difficultés internationales, seul moyen de dégager à la fois l’honneur national et celui du drapeau sans sacrifier l’un à l’autre.
- Pour les divers groupes des Amisde la Paix du Puy-de-Dôme: Le Secrétaire du Groupe Clermontois.
- A. Pardoux.
- Rue Saint-Eloi, 5, ( Clermont-Fd.)
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- L’élection de Saint Etienne.—Une élection législative a eu lieu dans l’arrondissement de Saint-Etienne, où il s’agissait de remplacer un républicain, M. Bertholon,
- décédé. M. Amouroux, socialiste, a été élu par 7,360 voix contre 6,363 réunies par M. Duché, républicain opportuniste.
- Un candidat manarchiste n’a recueilli que 527 suffrages
- Cette élection est très significative ; en choisissait M. Amouroux, les électeurs stéphanois qui sont particulièrement atteints par la crise économique, ont vouiu montrer qu’ils n’attendaient pas l’amélioration de leur sort d’un retour vers le passé, mais qu’ils espéraient trouver une solution dans l’établissement de la république socialiste.
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- L’Hérédité de l’Etat. — Les hospices de Lille viennent d’être gratifiés d’un legs considérable : la veuve d’un ancien représentant de commerce de cette ville, morte récemment, leur lègue sa fortune, qui s’élève à 600,000 francs.
- Combien de personnes, qui laissent leurs fortunes à des fondations d’utilité publique, etqui ignorent quels services elles rendraient aux déshérités en général, si pendant leur vie elles se donnaient quelque peine pour vulgariser l’idée de l’Hérédité de l’Etat ?
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- Pauvre femme.— Pendant qu’on jette l'or aux quatre coins du monde, les vieux travailleurs meurent de misère en plein Paris.
- Une marchande de quatre saisons, Mme Vve Alexandre, occupant une petite chambre d’un hôtel garni de la rue Landry 48, s’est suicidée, hier, à l’aide du gaz acide carbonique.
- Le logeur, M. Wetzman, étonné de ne pas voir sa locataire depuis quatre jours, alla frapper à sa porte, et, n’obtenant pas de réponse, il prévint le commissaire de police.
- Ce magistrat fit ouvrir la porte par un serrurier ; un terrible spectacle s’offrit à sa vue, la pauvre femme était étendue mor te sur son lit.
- Cette malheureuse, trop âgée pour gagner sa vie, s’était suicidée pour échapper à la misère qui l’accablait.
- BELGIQUE
- L’indifférence des classes dirigeantes est à la veille de produire en Belgique des effets analogues à ceux qui ont déjà été constatés en France. Les sociétés ouvrières belges cherchent les bases d’un groupement acceptables par les diverses nuances ouvrières, en vue de constituer un parti ouvrier dLtinct. Que l’on y prenne garde.cette formation d’un parti ouvrier distinct, incapable par son exclusivisme et par le manque de capacités dirigeantes de résoudre la question sociale, peut réunir des éléments assez puissants pour empêcher tout fonctionnement régulier des sociétés. Voici le résumé des résolutions acceptées par cent trois sociétés d’ouvriers belges réunies en Congrès :
- 1° Une fédération des sociétés ouvrières belges est fondée à Bruxelles sous le nom de Parti ouvrier. ( Adopté à l’unanimité des sociétés présentes moins deux abstentions : l'Avenir, de Pepinster, sans motifs et les Solidaires, de Bruxelles, par défaut de mandat à ce sujet.)
- 2° Le Comité central du Parti ouvrier aura son siège â Bruxelles et sera composé de membres des 18 sociétés ouvrières de l’agglomération bruxelloise.
- 3° Ce Comité est chargé de rédiger un programme et des
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- statuts qui seront soumis à l’approbation du prochain Congrès ouvrier.
- 4» II sera envoyé par le secrétaire du comité aux associations tant adhérentes que non encore adhérentes une circulaire leur faisant connaître le programme provisoire qui aura été élaboré ainsi qu’une liste de souscription au compte rendu des travaux du Congrès.
- 50 Le comité décidera de la date et du lieu de réunion du prochain Congrès. Celui-ci pourrait avoir lieu dans trois mois à Anvers.
- 6° Les employés étant considérés comme des salariés seront admis au même titre que les ouvriers dans les associations fédérées du Parti ouvrier provisoire.
- Après plusieurs discours, énergiquement applaudis, les délégués votent une cotisation immédiate de deux francs par groupe, afin de subvenir aux premiers frais de propagande.
- ESPAGNE
- Le choléra vient de faire son apparition à Jativa, ville de U,000 habitants, située à 9 kilométrés de Valence. Le gouverneur de cette dernière ville à visité Jativa et a pris des mesures sanitaires sévères pour désinfecter les maisons, isoler les malades et leurs familles et empêcher la propagation de l’épidémie.
- ITALIE
- L’agitation républicaine s’est manifestée dans plusieurs villes avec assez d’intensité pour donner la peur au gouvernement italien. On signale de nombreuses arrestations dans plusieurs provinces. Le gouvernement a fait saisir plusieurs dépet lies adressées aux journaux, annonçant que le ministère de la guerre avait commandé une quantité de fusils aux fabriques d Angleterre et de l’Allemagne, qui devront être livrés dans deux mois.
- TURQUIE
- Des combats ont eu lieu récemment dans la province du Yemen entre les troupes turques et les insurgés qui se disent partisans du Mahdi. Les rebelles ont été dispersés et les communications entre Hedjazet Savaont été rétablies. Néanmoins, en vue de l’attitude hostile de quelques puissantes tribus, le gouverneur de la province de Yemen a demandé à la Porte des renforts,
- ANGLETERRE
- Les affaires du Soudan ne s'améliorent pas sensiblement ; on parle d’abandonner cette campagne malheureuse et d’envoyer aux Indes les contingents immobilisés en face des troupes du Madhi.
- Les difficultés survenues entre l’Angleterre et la Russie maintiennent les deux nations dans une situation respective qui fait craindre une rupture entre les deux gouvernements. Les amis de la paix, en Angleterre, s’agitent en vue d’empêcher ta guerre.
- Les journaux anglais publient l’adresse suivante, remise a M. Gladstone par M Henry Richard, membre de la Chambre tas Communes, et portant les signatures de quatre-vingts députés du parti libéral :
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- « Nous prenons la liberté de vous demander respectueusement si, dans le cas ou les négociations diplomatiques usitées 11’aboutissaient pas à un règlement satisfaisant de la question en litige entre notre pays et la Russie, il ne serait pas opportun d’avoir recours à la recommandation adoptée à l’unanimité par les plénipotentiaires des grandes puissances au congrès de Paris en 1856, et disant que les Etats entre lesquels pourrait surgir un malentendu sérieux devraient, avant de recourir aux armes,faire appel aux bons offices d’une puissance amie.»
- M. Gladstone, par l’entremise de son secrétaire, a répondu à cette adresse en ces termes :
- « M. Gladstone a reçu votre lettre, accompagnée d’un mémoire dans lequel quelques membres du Patientent recommandent d’avoir recours aux bons offices d’une puissance neutre et amie dans le cas où le différend entre l’Angleterre et la Russie ne pourrait être réglé d’une autre manière. M. Gladstone m’a chargé de vous dire qu’il ne manquera pas de porter cette recommandation à la connaissance de ses collègues, mais que, jusqu’à présent, il ne voit pas de raisons pour abandonner l’espoir d’aboutir à une solution satisfaisante par des procédés diplomatiques usités.»
- AMERIQUE CENTRALE
- Le projet du général Barrios président de la république du Guatemala,de réunir en un seul État les cinq petites républiques de San-Salvador,du Nicaragua,de Costa-Rica et de Honduras, vient d’échouer par la défaite de son promoteur qui a été tué à la bataille de Chalchuapa.
- Le général Rufino Barrios en essayant de s’emparer de la dictature sur les petites républiques de l’amérique centrale, dont il voulait faire un seul Etat, était âgé de cinquante ans et président du Guatemala depuis 1874. Avant d’arriver au pouvoir, il avait été mêlé à plusieurs conjurations et émeutes : chassé de son pays, il y est rentré, grâce à un coup de violence dirigé par le général Garcia Grarmdos, qui s’empara de la présidence, et auquel il ne tarda pas à succéder. Les fonctions présidentielles étaient tombées, grâce aux révolutions qui s’étaient succédé, dans un complet discrédit. Barrios essaya de les relever : l’énergie qu’il déploya pour assurer son autorité lui créa de nombreux ennemis et lui valut une réputation de cruauté et d’ambition peut-être exagérée.
- Nous apprenons que le fils naturel du président Barrios, le général Yenancio Barrios, ancien élève de l’Ecole de Saint-Cyr, a aussi péri dans la bataille de Chalchuapa.
- Le général Bogran, président du Honduras, qui avait pris fait et cause pour le dictateur, a fait des ouvertures de paix ux gouvernements des républiques alliées, a
- LES VOYAGES SCOLAIRES
- L’an dernier, notre collaborateur Jean Frollo s’occupa d’une œuvre tout à fait méritoire, créée par M. Edmond Cottinet, administrateur de la Caisse des écolesjju neuvième arrondissement. Nous parlons des « Colonies scolaires de vacances », c'est-à-dire de ces petites expéditions qui per-
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- mettent aux enfants pauvres üe quitter Paris un instant, pour courir à travers champs et humer l’odeur des forêts ou le vent de mer.
- Dans le Temps, M. Jules Glaretie consacre à son tour un article à l’œuvre des « Colonies scolaires de vacances.» Les enfants choisis des Ecoles primaires désignés pour les ^expéditions organisées sont les plus pauvres parmi les plus débiles, et les plus méritants parmi les plus pauvres. Ces enfants, garçons et filles, en petits groupes dirigés par leurs maîtres et maîtresses habituels, passent un mois à la compagne, sur les hauteurs de l’Est de la France. Ils en reviennent approvisionnés de nourriture, fortifiés d’air pur et d’exercice, développés, instruits par le spectacle de la vie des champs.
- C’est là vraiment une institution utile, généreuse entre toutes ; la taille de l’enfant pauvre y gagne, ses membres frêles s’y fortifient et son thorax— cette grêle poitrine de poulet du gamin de Paris— s’y élargit.
- La Compagnie de l’Est a accordé une réduction de tarifs pour les jeunes voyageurs et de grandes administrations, en même temps que des particuliers, des auteurs dramatiques, des musiciens, des peintres, ont apporté leur obole à l’œuvre des « Colonies scolaires. »
- M. Cottinet nous annonce, dans le rapport de cette année, que ses petits colons de onze à treize ans envoyés en 1884, soit à Chaumont, soit à Saint-Dié, soit à Luxeuil, ont gagné :
- Augmentation moyenne du poids. 2 k. 833 gr.
- — — de la taille 48 millim.
- — — du thorax 33 millim.
- Les petites filles ont, du reste, bénéficié plus que
- les garçons de cet accroissement de santé et de force. Elles étaient plus jeunes, elles ont fait plus de gymnastique. Du reste, sur ces cent enfants envoyés dans les Vosges et escortés par des médecins, pas un n’a été malade. Et sur leur route tout leur a été ouvert : les musées, les usines, les chantiers, les collections particulières, etc. Partout, bon accueil aux petits voyageurs ! Des hôtesses, de braves paysannes, ajoutaient au pain qu’on leur payait du beurre ou du lait qu’elles ne vou_ laient pas vendre, et un baiser qu’elles tenaient à donner !
- Ce qu’il y a de plus curieux dans le rapport du délégué du comité des « Colonies scolaires, » c’est tout ce que M. Cottinet cite du Journal de Marche de ses protégés. On fait aces enfants écrire leurs impressions chaque jour. Et que l’on a raison 1
- C’est charmant, ces confidences. Le style de ces gamines a parfois une fraîeheur . d’avril. Elles éprouvent, les pauvres petites parisiennes anémiques, des joies de prisonnières affranchies devant les fleurs, devant les bois.
- Les fillettes, pesées et mesurées la veille du départ, avaient gagné en poids, au retour, en moyenne 2,055 grammes et 17 millimètres d’élargissement du thorax ; la taille avait grandi de 11 ou 12 millimètres.
- Vraiment, il serait à désirer que l’œuvre des « Colonies scolaires de vacances » se répandît. Il faudrait que dans toutes les écoles de Paris ou pût prendre les élèves débiles et pauvres pour les envoyer, à l’époque des congés, respirer l’air salubre des campagnes ! Les pauvres petits reviendraient sains et forts et leur parents seraient heureux de les voir avec de bonnes couleurs rouges à leurs joues si pâles au départ!
- (Petit Parisien.)
- Une Rivière d’Huile.—On écrit de Titusville (Pensylvanie) : « L’un des événements les plus extraordinaires, et jusqu’ici unique dans les fastes du pays de l’huile, s’est produit dernièrement et a vivement impressionné le marché. Le puits Armstrong a été foré à travers une couche d’ardoise qui ne semblait que trop sèche, ce qui avait maintenu la hausse des cours. Mais un matin, les propriétaires ayant eu l’idée d’essayer une torpille, dans ce puits, y brûlèrent 59 quarts de nitro-glycérine. Aussitôt le puits répondit à cette explosion par un flot d’huile gigantesque qui, franchissant le sommet du talus,s’est précipité dans cirque le du Thorn. Aucune prépration n’ayant pu être faite pour un résultat si inattendu, cette véritable rivière d’huile s’est écoulée en pure perte pendant un certain temps; mais bientôt une escouade d’ouvriers s’est mise à f œuvre et l’huile a été dirigée vers des réservoirs où elle coule par 400 barils à l’heure ou 9,000 barils par jour, quantité qui dépasse de 3,000 barils le rendement des puits les plus favorisés jusqu’à ce jour.»
- TYPOGRAPHIE. — MACHINE A COMPOSER
- Il vient de nous arriver en droite ligne, de Stockholm, une invention bien remarquable, qui pourrait décidément faire pressentir une prochaine révolution dans les procédés de la typographie. C’est en tout cas une petite merveille de mécanique ! Il y a longtemps que l’on cherche à faire effectuer automatiquement, par une machine, le travail délicat de Vou-vrier typographe. On a bien inventé les machines à coudre, à broder, etc. ; pourquoi, a-t-on dit, ne parviendrait-on pas à réaliser des machines à composer ? Le parallèle est séduisant mais manque d’exactitude. Bien autrement compliqué est le travail du compositeur que celui de l’ouvrier qui coud ; c’est si vrai que les tentatives jusqu’ici ont échoué ; à chaque exposition on nous a montré des machines à composer ; il en exis-
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- te une, dit-on, à l’imprimerie du Times ; en 1880 on en avait exposé une autre au Cercle de la Librairie. En réalité, aucune de ces machines n’est pratique ; personne ne les emploie.
- Le travail de l’ouvrier compositeur est multiple, et il est difficile de le faire effectuer mécaniquement. Un compositeur va chercher ses caractères dans différentes cases, et les assemble lettre par lettre, il sépare les mots ; puis, après la composition des phrases, il procède à la justification, c’est-à-dire qu’il doit agrandir ou diminuer les espaces libres pour donner à la ligne strictement la longueur voulue.Les lignes rassemblées par groupe, les unes au-dessous des autres, on forme des paquets que l’on assujettit avec des ficelles, et ces paquets réunis donnent ensuite les pages ou les colonnes. Enfin, quand les caractères ont servi à l’impression, il faut les rendre libres, les retirer un à un pour les replacer dans leurs cases respectives. C’est la distribution.
- Or, pour la première fois, on a créé de toutes pièces une machine qui, dans le même temps, compose, justifie et distribue avec une vitesse à défier les mains les plus expérimentées. L’auteur de cette merveille est M. Lagerman, ingénieur en chef de la fabrique d’allumettes de Jonkoping. Nous essaierons de faire comprendre, en quelques lignes, le principe de la nouvelle machine à composer.
- On a devant soi, placée sur un support en fonte comme un tableau sur un chevalet, une large plaque métallique sillonnée du haut en bas par une série de rainures parallèles. Chaque rainure longitudinale remplace la case ordinaire du compositeur ; les mêmes caractères l’emplissent bien rangés du sommet à la base comme des livres sur les rayons d’une bibliothèque ; cette disposition est excellente car d’un coup d’œil on peut s’assurer qu’une lettre ne s’est pas trompée de rainure et quelle est bien à sa place. Il existe naturellement autant de rainures que de lettres, de signes typographiques, de blancs à intercaler, etc. C’est un magasin général.
- A la partie inférieure de la plaque aux rainures est installé une sorte de long chariot crémaillère qui peut se déplacer horizontalement et courir de droite à gauche et inversement. Ce chariot se termine à son extrémité droite par trois anneaux qui rappellent les anneaux de ciseaux ; on y passe les doigts pour le mouvoir. Un peu au-dessous de la crémaillère et dans toute la largeur existe une bande métallique sur laquelle sont inscrits en très gros caractères toutes les lettres et tous les signes typographiques, groupés trois par trois en face de petites encoches. Du doigt on pousse le premier anneau de la crémaillère dans l’encoche qui correspond à la lettre dont on a besoin. Ainsi, on veut faire sortir la lettre B, on place le doigtier sur l’encoche B, A ce moment exact, 1 extrémité de gauche de la crémaillère se trouve précisément devant la rainure qui renferme les B. En enfonçant le doigtier dans l’encoche, on a fait du même coup ouvrir la porte de la rainure ; alors, et comme par magie, une pince minuscule saisit la lettre et vient l’installer solidement entre deux guides verticaux encastrés dans la crémaillère ; ces guides ont la hauteur d’une ligne; quand l’intervalle est rempli, la %ne est composée.
- La même opération se renouvelle sans cesse ; ou pousse le
- oigtier dans l’encocbe correspondant à chaque lettre et toujours à l’autre bout la rainure s’ouvre et la pince place la
- ettre au-dessus de la Précédente : en un clin d’œil la lisrne
- est composée. L’opérateur, tranquillement assis devant la la machine, n’a qu’à lire la copie qui est déroulée s us ses yeux sur un pet t pupitre et à jouer du doigtier pour remplir la ligne, un peu comme un pianiste touche ses notes.
- La ligne terminée, d’un mouvement rapide de recul, le chariot crémaillère s’en va à droite porter son petit chargement sous un ressort qui le soulève et l’introduit dans le justificateur. On voit alors un étonnant petit mécanisme qui, avec une rapidité vertigineuse, égalise la ligne, serre ou écarte les lettres, place des intervalles jusqu’à ce que la ligne ait strictement la longueur voulue ; c’est de la prestidigitation ; en une seconde, la besogne est faite, et la ligne poussée en avant va prendre sa place dans le paquet déjà justifié. Quand le paquet est complet, on le retire saisi et maintenu entre des guides métalliques, et ainsi de suite. C’est inoui de dextérité.
- Tous ces mouvements sont obtenus simplement, à l’aide du jeu d’une pédale et d’un petit volant. Tous les organes, bien que finement combinés, sont extrêmement solides et groupés de façon à être facilement surveillés et graissés.
- Quant à la distribution, elle se fait par en haut, soit par le même ouvrier quand il a fini de composer soit pendant le travail de composition par un auxiliaire L’opération est inverse de celle de la composition. Chaque lettre de la ligne est dis-tribuéé par un second chariot crémaillère placé à la partie supérieure ; le chariot saisit le caractère par l’intermédiaire d’une pince et va le déposer dans la rainure à laquelle il appartient.
- Nous avons esquissé le principe ; Userait impossible, en quelques lignes, de faire ressortir la délicatesse et l’ingéniosité de tous les détails de la machine de M. Lagerman.
- Nous avons voulu apprécier la vitesse du fonctionnement. Un jeune opérateur qui n’est nullement typographe, a composé, sous nos yeux, quatre lignes de 48 lettres en 59 secondes. Il parait qu’un opérateur exercé compose jusqu’à 7,000 â8,000 lettres à l’heure. On peut admettre, sans exagération, qu’une machine Lagerman peut amplement remplacer quatre compositeurs. On estime à trois mois le temps nécessaire pour former un bon opérateur, alors qu’on ne devient guère habile compositeur à la main qu’après un apprentissage d’au moins d eux ans.
- TRANSFORMATION
- DES
- Armées destructives en Armées productives
- Toast prononcé au banquet de la Libre-Pensée du VIL arrondissement, 3 avril 1885 par Mme GRIESS-TRAUT
- Citoyens, Citoyennes !
- Je porte un toast à la transformation des armées destructives en armées productives ; l’avenir appartient à la paix, au travail ; la guerre a fait son temps.
- La société qui s’éteint, oppressive et belliqueuse, a créé les armées qui détruisent , la société nouvelle qui s’élève à sa place, libérale et pacifique, devra créer les armées qui produisent.
- Nous femmes, à qui la guerre n’épargne ni la mort ni les plus cruels outrages, nous qu’elle prive de tout ce mil nous est cher ; père, époux, fils, foyer, nous avons
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- tout intérêt à combattre la guerre ; ce fléau des temps barbares, qui enlève aux nations le plus clair de leurs ressources,à la patrie, ses fils les plus vaillants et les plus vigoureux, ne laissant au foyer pour propager la race que les chétifs et les malingres.
- La besogne ne manquera pas à ses nobles armées, qui payeront au décuple le prix de leur entretien, aujourd’hui chiffré par milliards !
- Sans sortir de France, à quelques lieues de Paris seulement, nous avons la Sologne et ses marais à dessécher, les Landes encore incultes, en Bretagne, en Limousin, dans la Gironde et dans la Dordogne; elles couvrent de vastes espaces qui, ren lus productifs, répandraient le bien-être parmi les habita its.
- L'a itique malédiction qui frappait le travail « tu mangeras ton pain à la sueur de tou front » a fait son temps, le travail est réhabilité. Il est la plus sainte des prières et nous devons, comme citoyens, voir en lui la source de toutes nos richesses et la puissance de notre pays.
- La transformation des armées destructives, en armées productives, n’affaiblira en rien les forces de la défense, encore nécessaires malheureusement,peut-être,pour longtemps. Mais il dépend de vous, citoyens, d’en abréger le terme, vous êtes souverains, et nous femmes, nous sommes encore sujettes. Vous pouvez éviter la guerre, en imposant à vos candidats « l’arbitrage » pour régler les différends « entre gouvernements »; je dis, ce ne sont pas les peuples qui se font la guerre, ils n’ont rien ày gagner.
- Les sociétés antiques avaient, pour état normal, la guerre; l'état de paix n’était qu’une halte nécessaire pour laisser au peuple le temps d’élever de nouveaux soldats.
- Tandis que chez les sociétés modernes, où les intérêts des peuples sont solidaires, où les nations ont besoin les unes des autres, où les engins de destruction ont atteint un tel degré de puissance et de perfection,qu’ils finiraient par décimer les nations, la paix est devenue une impérieuse nécessité.
- La solidarité d’intérêts qui crée des relations intimes, des liens, des entrevuts, de fréquents voyages entre les hommes des differentes nations, cette solidarité tend, de plus en plus, à faire disparaître les vieilles haine? si habilement surexcitées et exploitées par les intéressés.
- Et, à leur place, de jeunes et vivaces affections viennent cimenter cette solidarité qui, bientôt espérons de s’appellera — fraternité !
- Participation aux bénéfices
- L’assemblée annuelle des participants aux bénéfices de l’imprimerie Chaix a eue lieu, suivant l’usage, le jour de Pâques. La réunion, présidée par M. Ghaix, se composait des chefs de service de la mai-on, des membres du comité consultatif de la participation, et des employés, ouvriers et ouvrière* intéressés, au nombre d’environ trois cent cinquante.
- Un délégué du comité consultatif a donné lecture d’un rapport sur les travaux de* ce comité penoant l’année 1884 et sur les résultats qu’ont produit les épargnes volontaires faites par le personnel.
- Cent douze employés, ouvriers, ouvrières, ou anciens apprentis ont effectué à la caisse des retraites pour la vieillesse, instituée par l’Etat, des versements s’élevant au
- chiffre total de 9,899 francs ; — vingt autres ont versé à la caisse des dépôts et consignations une somne de 515 fr. 73 c. pour primes d’assurances eu cas de décès; enfin quarante-huit anciens apprentis ont continué à leurs frais des contrats d’assurances contre les accidents dont la maison avait pris la charge pendant leur temps d’apprentissage. Les économies personnelles faites en 1884. sous ces differentes formes, par les membres participants,s’élèvent à la somme de 10,828 fr.73.
- M. Chaix a fait connaître ensuite que la somme attribuée, pour l’année 1884, à la caisse de la Participation, était de 29,635 fr. 68 c., qui sera répartie à raison de 3 fr 60 pour 100 francs d’appointements ou de salaires. Le compte de chaque participant sera en outre bonifié d’environ 6 0/0 de son montant, du chef des déchéances encourue*, pendant l’année, par les membres qui sont sortis de la maison avant d’avoir atteint 1 âge de soixante ans ou vingt années de présence consécutive.
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- LETTRES D’ESPAGNE
- Barcelone, 3 avril 1885.
- C’est aujourd’hui vendredi, dit «Saint ». Il fait, depuis hier un temps horrible : pluie, vent, bourrasque, tempête, rien ne manque. Et comma, dans cet heureux pays d’Espagne, il y a une loi qui interdit, pendant ces deux saints jours, tout commerce ou travail extérieur, depuis hier il n’y a, dans notre bonne bête de ville, ni tramways, m omnibus, ni voitures pour le transport des gens, ni cantonniers, ni balayeurs pour le nettoyage des voies ; on ne peut sortir de chez soi. Aussi est-ce d’un gai !...
- Par exemple, il y a, à ce désagrément, une compensation qui a bien sa valeur : On n’entend aucun piano — car la loi interdit également l’usage des instruments de musique, pendant ces deux jours, la captivité que nous imposent les rigueurs du ciel est-elle donc un peu moins amère.
- Mais par exemple, c’est notre clergé qui fait un nez ! Songez donc ! L’impossibilité de mettre les pieds dehors a nui consi lérablement aux cérémonies des « stations ». Quelque bon catholique qu’on soit, il est permis d’hésiter avant de risquer à *e voir ensevelir dans une mer d’imimon lices ; et nos jolies pécheresses, pour pieuesqu’elles soient, n’aiment guère à jouer le rôle de barbets. Aussi les recettes de nos trente huit établissements de prières ont-elles dù bigrement se ressentir de cette inclémence du temps.
- Le bon Dieu leur a fait faux bond.
- En vérité, là gent cléricale n’a pas de veine depuis quelque jours.
- Déjà la procession « de Rosario de la aurora » qui devait avoir lieu le jour de l’Annonciation (25 mars) ne put avoir lieu par suite d’une contre-manifestation populaire qui s’organisa ce même jour. On comptait se rattrapper pendant la semaine Sainte, et puis.patatras? voici venir le déluge ! C’est à donner sa démission de catolico apostolico-romano, ma parole d’honneur !
- Si encore il ne s’était produit que ce contre-temps, on pourrait, armé de l’évangéli [ue proverbe : Dieu afflige ceux qu’il aime, se blinder de ré-ignit oi, Miis non, de toutes parts ce n’est que calamité sur calamité.
- On n’entend parler que de malheurs.
- Oyez plutôt.
- D’abord, le « modus vivendi », approuvé par la Chambre, et
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- que le Sénat est en train de réapproirver comme un seul homme.
- Ensuite, l’incident du marquis de la Iglesia au banquet de Musurus Pacha ;
- Après, l’autre incident — plus grave — de Alhucemas, cette île minuscule qui a failli susciter un gros conflit diplomatique. J’ai dit « île minuscule », jugez-en par les détails suivants qui sont absolument authentiques :
- Alhucemas, place forte, est un îlot de 162 mètres de ong, 82 de large dans son maximum de largeur et 418 de circonférence; elle est située à I3ü9 mètres de la côte du Riff, deux milles et demi du cap du Maure, cinq du cap de Quilates (Maroc) et 90 S. SE de Malaga. Sa population est de 277 habitants : 224 mâles et 53 de l’autre sexe. Elle fut conquise le 28 août 1673 par les équipages de deux basques nommés « San Augustin » et « San Carlos. » Elle sert de bagne à environ 80 condamnés qu’on emploie aux travaux de fortification, et elle a pour « gouverneur » un commandant d’état major de place.
- Mais cette digression m’a fait oublier nos calamités. J’y reviens.
- A Jativa, province de Valence, il y a le choléra. La semaine dernière on y a constaté plusieurs cas qu’on essaie de qualifier d’affections gastralgiques colico- cholériforme quelconques, mais que les témoignages les plus sérieux permettent de définir sans ambages. Le gouverneur de Valence se fait donner télégraphiquement et plusieurs fois par jour, des nouvelles. Les journaux les plus dignes de foi : Las Provinces et El Mercantil Valencias ont donné des détails les plus probants. Le 27 mars, il y a eu quatre cas suivis de décès. Depuis, il a été pris des mesures pour empêcher la publicité, mais les nouvelles privées annoncent que le fléau sévit toujours.
- A Grenade et dans les environs, les tremblements de terre ne discontinuent pas. Ces populations sont terrifiées ; la misère y est immense et elle augmente chaque jour. Quant à la souscription pour secourir ces infortunes, on n’en parle plus. Nos richards se sont fendus une fois ... c’est beaucoup ! Ils songent maintenant à se détendre de se refendre.
- Enfin, les accidents maritimes se multiplient. Chaque jour amène son sinistre.
- Un de> principaux faits qui se sont dernièrement produits a été le naufrage du vapeur « Apolo, » qui s’est perdu corps et biens. Ce navire, qui portait 1500 tonnes de sucre et eau-de-vie de canne, avait à son bord les Cuadrillas des espadas Frascuelo et Mateito, qui revenaient de donner des courses de taureaux à la Havane. Tous ces « artistes,» Frascuelo excepté, ont péri victimes de leur bon cœur. En effet, ils devaient s’embarquer sur le vapeur-courrier précédent, mais ils retardèrent leur départ pour donner une course au bénéfice des victimes d’Andalousie. Frascuelo seul trouva un prétexte pour esquiver cet acte de bienfaisance. Il est arrivé sain et sauf à la Péninsule. Où donc est la Providence ?
- La providence ! tenez, elle vient de se manifester à Santa Ooloma de Farnès, petite ville qu’on a rendue tristement célèbre dernièrement par l’exécution de deux officiers condamnes pour faits de la dernière insurrection,
- A 1 endioitoù cette exécution eut lieu, on vient de faire des ouilles et de découvrir des restes — admirables dit-on — de constructions romaines.
- Là même où il a fait implacablement répandre le sang de martyrs, le gouvernement récolte un trésor archéologique !
- TALBER.
- MAITRE PIERRE
- Par Edmond ABOUT
- (Suite.)
- UNE ENFANCE ORAGEUSE
- IV
- « Ce jour-là et les suivants, je cherchai un homme qui m’apprît à charger mon fusil. La chose n’était pas facile ; car, d’un côté, j’avais honte de confesser mon ignorance, et de l’autre, j’étais trop prudent pour livrer une arme si chère aux mains du premier venu. Je suivais les chasseurs dans la lande et les gardes forestiers sur les dunes, pour observer de loin comment ils s’y prenaient ; mais, pour rien au monde, je ne leur aurais demandé conseil ; leurs fusils étaient chargés, et ils pourraient me voler le mien, lorsqu’ils sauraient qu’il ne l’était pas. Les bergers et tous ceux que je rencontrais sans armes ne m’inspiraient guère plus de confiance. D’abord, ils n’étaient pent-ètre pas plus savants que moi ; ensuite, ils ne manqueraient pas de me faire des questions embarrassantes ; enfin, une fois qu’ils auraient chargé mon fusil, rien ne les empêchait de l’emporter en me couchant en joue. Je me représentais le monde comme une vaste lande où tous les hommes cherchaient à se procurer un fusil. Je songeai un moment à m’en aller à Bordeaux prendre une leçon chez un armurier ; mais la prudence m’arrêta en chemin : quand mon fusil serait dans la boutique, l’armurier voudrait-il me le rendre ? Comment ferais-je pour prouver qu’il était à moi ?
- « A la fin de tout, un vieux berger me tira d’affaire : Il me vit passer au loin, et me fit signe de venir à lui: » Petit, me dit-il, je saic un lièvre au gîte ; si tu veux me prêter ton fusil, je le tuerai, nous le mangerons ensemble, et la peau sera pour moi. » Je le regardai eutre les deux yeux, et je vis qu’il avait la figure d’un honnête homme : « Prenez le fusil, lui répondis-je ; mais il faudra que vous le chargiez : je viens de tirer les deux coups sur une perdrix. » Je lui donnai la poudre et le reste. Heureusement, il ne connaissait pas l’emploi des capsules ; sans quoi il aurait bien vu que j’avais menti. Comme je n’avais pas de bourre, il en prit une poignée sur le dos d’un de ses moulons. J’observais tous ses mouvements avec une curiosité ardente, et j’ai presque compté les grains de plomb qu’il mesurait à la main. Pendant ce temps, malgré toute la confiance que j’avais en lui, je tenais mon couteau ouvert à la hauteur de son ventre : s’il avait fait mine de s’enfuir, il était mort.
- « Ce fut le lièvre qui mourut. Je rechargeai moi-mê -
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- LE DEVOIR
- me, sous les yeux de mon professeur, et je vis que je savais. Mais je ne goûtai pas au rôti ; j’étais trop content, je n’avais plus faim. Je m’enfuis vers les étangs, je tirai sur une sar celle, et je tombai de toute la hauteur de mes échasses : le fusil du Sergent reculait un peu.
- « Depuis celte sarcelle-là, monsieur, jusqu’au jour où j’ai rencontré Marinette, mon fusil et moi nous n’avons fait qu’un . Vous jugez si en sept ans nous avons pu nous habituer l’un à l’autre. Au bout d’un mois ou deux, il ne me donna plus de taloches, ou je ne les sentis plus, ce qui revient au même. A la fin de l’année, j’étais le plus joli tireur des deux départements ; je tuais tout ce que je voulais. J’ai commencé par guetter le lièvre au gîte, mais bientôt je n’ai plus manqué la perdrix au vol. On m’a souvent offert de me donner des chiens ; je n’en ai jamais voulu : c’est moi qui étais mon chien. Ces animaux-là ne servent qu’à gêner les hommes : je n’en veux pas ; j’aimerais autant chasser avec un monsieur de Bordeaux ! J’allais toujours seul, et voilà comme il faut être. Je voyais le gibier de si loin, et je le devinais si subtilement que j’ai cru un moment que j’avais du nez ! Le fait est que seul, sans chien ni camarade, je n’ai manqué de rien pendant sept ans, et c’est le gibier qui a payé tout. Non-, seulement j’avais le rôti à discrétion, mais je trouvais toujours quelques écus dans mes poches. Je vendais mon superflu, j’approvisionnais Bordeaux ! Si vous connaissez M. Lafont, du village de Lége, il vous dira si nous avons fait des affaires ensemble. C’était lui qui portait mon gibier à la ville, et il m’a donné quelquefois plus de trente francs d’un coup.
- « Ce qui vous paraîtra peut-être singulier, c’est qu’il reste encore à chasser sur nos terres, et qu’un bourreau de gibier comme moi n’ait pas tout détruit. Mais n’oubliez pas, s’il vous plaît, que mon parc s’étendait depuis la Gironde jusqu’à l’Adour, sur une largeur de plus de dix lieues. Entre la mer et les champs cultivés j’exploitais à coup de fusil troisgrandes régions, trois longuesban-des de pays variés où le gibier ne tarissait pas : j’avais les dunes au bord de l’Océan, les étangs au pied des dunes, et la lande derrière les étangs. Ne croyez pas que la lande ne nourrisse que les lièvres et des perdrix rouges ; j’y ai tué des faisans et des outardes. Vous n’avez jamais vu d’outardes ? voilà ce que j’appelle un beau coup de fusil ! J’en ai abattu plus de dix, et les messieurs qui en ont mangé ont su ce que ça leur coûtait. Mais je ne les vendais pas toutes, non ; j’avais des fantaisies de riche, et je m’offrais de temps en temps un morceau de roi. Sur les étangs, dans les marais,on trouve de tout, jusqu’à de.' cygnes. Je ne compte ni les canards, ni les oies, ni les sarcelles, ni les bécasses, ni les bécassines, ni les couilis. Si vous étiez homme à venir vous enrhumer ici l’hiver prochain, vous
- feriez de jolies collections d’oiseaux dans votre carnassière. On vous montrerait des hérons comme on n’en rencontre guère, des grues et des but ors comme vous n’en avez jamais vu. Mais le plus beau de tout, c’est la chasse dans les dunes. Du moins, c’était, car j’ai un peu changé tout ça. La première fois que j’y suis monté avec mon fusil, j’ai manqué un chevreuil; le lendemain, j’ai failli me faire éventrer par une laie magnifique, suivie de ses marcassins. Je vous montrerai ici la trace d’un coup de corne ; c’est un souvenir de nos taureaux sauvages. Et que de choses ! Si vous ne savez pas l’histoire du petit cheval gris je vous la raconterai un de ces jours.
- « Nous avions notre bonne part de bêtes malfaisantes, mais en ce temps-là je leur faisais plus de tort que de mal. J’aurais trouvé un renard en arrêt devant une perdrix j’aurais mangé la perdrix et épargné le renard. Entre chasseurs !... Je ne m’amusais pas à jeter ma poudre aux éperviers, et je laissais les loups courir à leurs affaires Ils comprenaient cela, ces braves animaux, et il ne s’enfuyaient pas de moi comme d’un autre. J’ai caressé des chats sauvages qui rentraient leur griffe et qui faisaient ron ron sous ma main.
- (A Suivre).
- État-civil du Familistère
- Du 23 Mars au 5 Avril 1885.
- Naissances :
- 1° Le 25 mars, de Locqueneux Victor-Henri, fils de Locqueneux Georges et de Haye Arthémise.
- 2° Le lre avril, de Froissard Blanche-Henriette, fille de Froissard Firmin et de Vandervausven Mathilde.
- 38 Le 4 avril, de Minette Lucien, fils de Minette Charles et de Bray Ëmilienne.
- 4° Le même jour, de Lamy Ernestine-Louise, fille de Lamy Irma.
- L’Astronomie, Revue mensuelle d’Astronomie populaire, de Météor dogie et de Physique du globe, par M. Camille Flammarion. — N° d’Avril 1885.
- — Les tremblements de terre, par M. C. Flammarion (fin). — Les grands instruments de l’Astronomie, par M. Cérigny. — Le tornado de l’Orne, par M. Vimont. — Nouvelles de la Science. Variétés Influence des marées sur la durée de la rotation de la terre. Satellites de Jupiter visibles à l’oeil nu. Magnétisme terrestre. — Observations astronomiques, par M. E. Vimont. — Ce N° contient 16figures.
- — (Gautiiier-Villars, quai des Augustins, 55, Paris. )
- Le Directeur-Gérant : CÜDIN
- Suis». — lmp. Baré.
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- Année, Tome 9. — N* 345 Le numéro hebdomadaire 20 e.
- Dimanche 19 Avril 1885
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- LE ©EW©1
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à H. fiODIN, Directeur-Gérant Foadatenr du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
- Dn an ... 10 ir. »» Six mois. . . 6 ». Trois mois. . 3 »»
- Union postale Un an. . . . 11 fr. »» Autres pays
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- ON S’ABONNE
- A PARIS
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- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Notre politique. — Le cumul des fonctions électives.— Un bon discours.— Mouvement associa-tionniste. — Lettre de M. Godin. — Aphorismes elpréceptes sociaux. — Faits poliliques et sociaux de la semaine. — La crise et la solution.— Remède contre le Croup. — L’agriculture aux Etats-Unis. — Les Chiffres. — Adhésions au principe d’arbitrage et de désarmement européen. — La mort est-elle douloureuse ? — Maître Pierre
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à litre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, Vadministration fait présenter une quittance d abonnement.
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- administration du Devoir envoie ranco des numéros de propagande de ^aque tirage hebdomadaire au prix de 0 centimes les dix exemplaires.
- Adiesser les demandes à la Librairie du arhilistère.
- NOTRE POLITIQUE
- Le journal le Devoir est essentiellement un organe du progrès social. Jamais on ne l’a vu s’occuper de ces questions desquelles dépendent la popularité des hommes et des partis.
- Créé pour propager les réformes indiqué s dans le programme que nous reproduisons fréquemment en tête du journal, notre organe poursuivra son but sans se laisser arrêter par aucune considération.
- Mais de ce que notre programme reste constamment le même, il ne doit pas s’en suivre que notre attitude soit elle-même immuable ; ce serait méconnaître les conditions du progrès.
- Pendant tout le temps que nous avons été seuls à défendre les idées contenues dans notre programme, il aurait été inutile de faire autre chose que de répéter les affirmations théoriques; il fallait alors revenir fréquemment sur les mêmes sujets, et redire sans cesse que les véritables bases de la constitution nationale sont les garanties de la vie humaine et de la liberté.
- Cette œuvre laborieuse a été continuée sans faiblesse par notre journal.
- Maintenant que la presse examine parfois nos idées fondamentales et nos projets de réforme, et que quelques parcelles de notre programme sont l’objet de projets de lois déposés devant les Chambres, il nous incombe de suivre ces manifestations, d’en étudier tous les détails, et de les signaler à nos lecteurs.
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- LE DEVOIR
- Il arrive fréquemment que des écrivains de bonne foi, peu versés dans l’étude des théories sociales, se préoccupent d’analyser nos doctrines. Nous ne pouvons éviter alors de relever les erreurs d’interprétation, de noter les nuances et d’opposer la vérité aux fausses conceptions.
- Lorsque nous agissons de la sorte, nous ne pensons pas qu’on puisse comparer ces discussions sérieuses aux polémiques oiseuses et souvent captieuses de la vulgaire politique.
- De même, lorsque des législateurs formulent des projets de lois conformes à nos aspirations, nous manquerions à notre tâche, si nous n’encouragions ces actes d’initiative, et si nous ne cherchions à apprendre aux électeurs à distinguer, entre-les hommes, ceux qui s’efforcent de les servir suivant les besoins de la vie humaine et ceux qui exploitent la crédulité en vue d’avantages personnels.
- Pouvons nous laisser passer une discussion au Parlement dans laquelle il sera question de Souveraineté du peuple, de Suffrage universel, d’Héré-dité de l’Etat, de Mutualité nationale, de Paix et d’Arbitrage entre les nations, etc., sans approuver les hommes qui défendent courageusement ces réformes contre dès majorités intolérantes, et sans blâmer ces majorités serviles qui considèrent uniquement le pouvoir législatif comme un moyen d’obtenir pour leurs membres les hautes fonctions de l’Etat.
- Dans un milieu ignorant, il ne suffît pas toujours de dire nettement ce qui est la vérité ; il faut aussi savoir, dans bien des cas, attaquer l’erreur pour préparer les esprits à entendre et à comprendre de nouveaux enseignements.
- Pour qui a observé la manière d’être de l’opinjon publique, il importe beaucoup pour hâter la vulgarisation d’une idée de savoir choisir les moments propices pour en parler fructueusement.
- Si l’on était au milieu de masses véritablement préoccupées de la recherche de la vérité, toutes ces précautions seraient choses inutiles ; il suffirait d’exposer simplement les questions ; elles seraient d’autant plus rapidement acceptées qu’on aurait mis plus de soin à les séparer de toutes considérations incidentes.
- Malheureusement le milieu actuel est bien loin d’avoir une telle propension à l’étude ; il est incapable de recevoir la vérité à fortes doses et à toutes les heures. Généralement il faut savoir s’inspirer des préférences quotidiennes du publient ne point lii parler des choses qui ne se rattachent pas aux
- questions générales qui ont la faveur de l’émouvoir un peu momentanément.
- Lorsque nous voyons les législateurs aux prises avec les difficultés financières, à la veille des emprunts, nous nous empressons de développer avec plus de soins que d’habitude les détails de l’Hérédité de l’Etat.
- Lorsque l’esprit de guerre nous conduit au Ton-kin, et vise d’autres aventures, nous faisons campagne avec plus d’ardeur en faveur de l’Arbitrage.
- A mesure que les chômages et les manifestations de la misère deviennent plus intenses, nous insistons davantage sur les bienfaits que promet la Mutualité nationale.
- Maintenant que nous sommes à la veille d’une période électorale, nous croyons le moment exceptionnellement favorable pour nous inquiéter du perfectionnement du suffrage universel, et nous avons sans cesse présent à l’esprit la partie de notre programme qui dit :
- « Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats. »
- « Organisation du suffrage universel par l’unité de collège pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement à Paris. »
- « Renouvellement annuel de moitié de la Chambre des députés et de tous les corps élus. La volonté du peuple souverain toujours ainsi mise en évidence. »
- « Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues par le suffrage universel. »
- a Egalité civile et politique delà femme. »
- Nous savons que nous ne pouvons obtenir du premier coup l’intégralité des progrès contenus dans ces articles du programme du Devoir ; c’est pour cela qu’à côté des développements théoriques, nous faisons une part à la pratique ; et notre politique tend à rechercher ce qui est immédiatement applicable et à le faire accepter par les masses électorales.
- Ainsi, dans la question du suffrage universel, jusqu’au moment du vote au scrutin de liste dépaf' tementale, nous avons longuement développé la théorie du scrutin de liste nationale ; et nous avons eu la satisfaction de voir plusieurs grands journaux s’arrêter quelques instants à l’examen de nohe thèse.
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- A mesure que nous approchons de l’heure de l’application, nous pensons qu’il est de bonne politique de réduire momentanément nos réclamations le plus possible, sans cependant jamais abandonner leur principe, et défaire des efforts soutenus en vue de faire inscrire ces minima dans les prochains programmes électoraux.
- En ce qui concerne le suffrage universel lui-même, jusqu’au moment du vote, notre politique nous commande de ne pas abandonner un seul instant le principe du renouvellement partiel annuel, parce que l’adoption de cette réforme donnerait chaque année, à certains moments, une actualité exceptionnelle à tout ce qui intéresse la souveraineté nationale.
- Alors l’opinion publique manifesterait mieux ses aspirations ; nous sentirions avec plus de force quels sont les moments les plus propices aux démonstrations théoriques. Nous aurions de nombreuses occasions d’augmenter insensiblement nos revendications minima ; et nous verrions bientôt les programmes électoraux réclamer l’ensemble des réformes que nous poursuivons.
- Le renouvellement partiel et annuel est une réforme majeure ; if contient le germe de la vie publique ; il dissipera l’indifférence générale dont Dons mourons.
- La politique qui tend à faire prévaloir le renouvellement partiel et annuel des corps élus ne ressemble en rien à ces trafics honteux usités dans la lutte des partis; elle est, à cette heure, un devoir national, dont nous comprenons toute la grandeur, et qui mérite le concours de toute la bonne volonté des hommes indépendants et dévoués aux progrès de l’humanité.
- Le Cumul des Fonctions électives
- La commission du Budget s’était ajournée au 27 avril pour commencer ses délibérations.
- Cette commission se voit arrêtée au début de ses travaux par la session des Conseils généraux : quatorze de ses membres* effet, font partie de ces Assemblées, où ils devront'se ren-re pendant les huit jours environ que durera la session.
- C est toujours ce même inconvénient du cumul des mandats e ectifs que nous avons tant de fois sigalé : comme on ne peut j^s ètie à la fois à la Chambre et au Conseil général de son ^Partement, il s'ensuit qu’on néglige soit les affaires d’intérêt eneral, soit les affaires d’intérêt départemental.
- U ® cumul paralyse la marche des travaux parlementaires ; yj06s Un accaparement dangereux des influences dirigeantes. Us comprenons que les députés passent par les conseils gé-
- néraux; nous pensons même qué ces assemblées sont une excellente école pour les préparer aux fonctions de législateurs. Mais le titre de député devrait entraîner la démission de membre du conseil général. Ce cumul est un obstacle au recrutement du personnel électif. Si les situations des conseillers généraux accaparées par des députés étaient résérvées à d’autres citoyens, il ne manquerait pas de se révéler parmi ces nouveaux administrateurs des capacités dont l’intervention serait profitable aux intérêts généraux du pays.
- Il est temps de réagir contre cet accaparement des politiciens qui cumulent les fonctions de maire, de conseiller général, de député ou de sénateur, d’ambassadeur. L’exécution du mandat ne peut qu’être affaiblie par ces abus. Nous en avons aujourd’hui une preuve dans le chômage des commissaires du budget.
- Ces cumulards savent très bien quels inconvénients en résultent pour le pays ; mais ils se cramponnent à ces fonctions, pour éviter la concurrence des capacités et pour conserver sans partage l’action dirigeante ; ils ne s’en départiront pas d’eux-mêmes.
- Les électeurs mettront fin à ces abus en réclamant l’insertion dans les programmes électoraux d’une clause interdisant le cumul des foncfions électives .
- Un Bon discours
- Voici le discours par lequel dans la séance du 7 de ce mois M. J. Gaillard, député de Vaucluse, a motivé devant la Chambre française son refus de voter le crédit de 150,000,000 demandé pour la guerre de Chine.
- Messieurs, je veux avant toutes choses saluer les hommes déloyauté et de patriotisme que je vois siéger sur ces bancs... (L’orateur indique le banc des ministres.)
- A l’extrême gauche : Très bien, très bien !
- M. Gaillard (Vaucluse). J’ai éprouvé le besoin d’adresser ce salut afin de vous prouver, messieurs, qu’aucun sentiment d’hostilité personnelle ne m’anime a leur égard.
- Je constate seulement, messieurs, que dans les discours que nous venons d’entendre on a bien parlé de l’intérêt de la France ; on s’est demandé s’il était bon, au nom de cet intérêt, que le Tonkin fût occupé par nous, ou si, au contraire, il était préférable, au nom de ce même intérêt, que cette occupation ne fût pas maintenue. On a donc parlé de l’intérêt de la France. Je viens ici un seul instant vous parler de sa justice. (Mouvements divers). La guerre qui a lieu en ce moment à quatre raille lieues du pays est une guerre qui, à mon sens, blesse l’humanité comme elle blesse le droit. (Murmures sur divers bancs à gauche et au centre.)
- Murmurez, messieurs, au moment où il est question d’humanité ! (Bruit.)
- Je dis que cette guerre blesse l’humanité, par ce que c’est une guerre sans quartier ; oui, dans les deux camps ennemis, ce triste spectacle est donné : des prisonniers décapités par les uns, des prisonniers fusillés par les autres. Voilà en quoi cette guerre blesse l’humanité. Elle blesse le droit à un autre point de vue, car cette guerre a été entreprise, comme font été malheureusement presque tontes les guerres du passé et
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- comme le sont toutes les guerres contemporaines, sans que l’esprit de justice ait porté ses investigations sur le conflit originaire. (Bruit croissant). M. le président du conseil vous convie à voter un crédit de 150 millions, legs du cabinet anté-térieur, afin de permettre à notre pays de reconquérir son rang en face de son ennemi et aux yeux du monde ; eh bien ! le même souci qui animait M. le président du conseil m’anime en ce moment. (Rumeurs.) Mais si le but est le même, les moyens sont différents.
- M. le président du conseil estime — obéissant à un préjugé qui sévit chez toutes les nations de l’Europe.— que le moyen de reconquérir le prestige de la France, c’est de déployer ses forces militaires sur les champs de bataille. Eh bien, je viens, animé par le même amour du pays, demander également que notre pays reconquière le prestige que je désire lui voir aux yeux du monde, mais ce prestige ne sera plus un prestige de force, ce sera un prestige de justice. Ne l’oublions pas, messieurs, nous sommes la nation qui a proclamé les droits de l’homme et, par là même, les droits des peuples. Nous avons des traditions historiques à ce point de vue, et elles se sont affirmées non seulement en 1789 et dans les années ultérieures, mais encore en 18-48. Ce sont des traditions de paix et de justice.
- Nous qni avons subi l’invasion, nous sommes aujourd’hui, dans un lointain pays,des envahisseurs ; et nous, dont la frontière saigne encore à l’Est, nous sommes en voie d’opérer là-bas aussi des mutilations de territoire ; nous, enfin, qui avons subi une politique de force et de proie, nous persistons dans une politique de force. Voilà contre quoi je viens protester ici. (Très bien ! sur quelques bancs à l’extrême gauche. — Interruptions et rumeurs au centre.) Le vrai moyen pour des ré- ’ publicains, pour des hommes d’Etat ayant la prétention de servir la cause de la justice et de la République, c’est de rompre avec une politique de violence et de force, substituant à cette politique de force une politique de justice,
- J’ajoute que le moment est bien choisi pour inaugurer cette politique. Je vois devant moi des hommes de loyauté, de probité et d’honneur; je vois des hommes qui ont le rare bonheur de n’être pas liés avec cette politique de force et de violence; je les vois les mains libres et nettes, comme nette est leur conscience. Or. pourquoi nos ministres nouveaux ne parleraient-ils paslelan-gagede la justice à la Chine qui, elle, accepte et a toujours accepté la solution du conflit par la justice, par l’arbitrage? Pourquoi ne profitent-ils pas de ce qu’ils sont sans liens avec la politique néfaste qui est venue s’échouer ici, pour se présenter à la Chine en lui disant : Vou» êtes une nation qui vient de faire ses preuves de force et de bravoure sur les champs de bataille; la nôtre n’a jamais été contestée ; donc, plus de violence ni d’un côté ni de l’autre ; c’est la justice qui va résoudre le conflit qui nous a mis les armes à la main. (Rumeurs et interruptions à gauche.)
- Ceux qui protestent en ce moment ne voudraient pas voir leurs noms inscrits à Y Officiel. S’il suffisait d’avoir eu quelque clairvoyance dans l’examen de cette question tonkino-chi-noise,l’homme qui est à cette tribune aurait certes le droit de réclamer le silence, car, le 10 décembre 1883, il est venu Jeter un cri d’alarme devant vos consciences et réclamer la fin de la guerre par l’arbitrage. A ce moment, on lui disait :
- '( Vous êtes rapporteur d’une pétition qui viendra en discus-
- m prochainement. D’ici là, attendez. » A ce moment, je me
- bornais à répondre : « Monsieur le président, il sera peut-être rop tard ! » (Aux voix ! aux voix !)
- Il y a un an et demi que j’ai fait entendre ces paroles et j’ai le régi et de retrouver la même méfiance, pour ne pas dire la même ignorance en face de moi.
- La Chine, à diverses reprises, a sollicité une solution honorable pour les deux pays et pacifique. Elle a demandé la médiation, elle a, ce qui est mieux, ce que n’avait pas compris le président du conseil qui était sur ces bancs il y a quelques jours encore, pour le malheur du pays, demandé non seulement la médiation, mais l’arbitrage. (Exclamations et lires sur divers bancs.)
- Si mes interrupteurs me permettent de finir, car je vais conclure, j’ajouterai que la Chine ayant demandé la médiation et l’arbitrage à diverses reprises par voie diplomatique et par l’intermédiaire des Etats-Unis d’Amérique, nous, Français, nation puissante, nous, nation civilisée, nation républicaine, nous sommes engagés d’honneur à accepter cette solution du conflit franco-chinois par l’arbitrage. Je dis enfin, que vous n’avez pas besoin de demander pour arbitre une nation tierce,' vous n’avez qu’à prendre trois hommes d’Etat, trois hommes politiques, trois jurisconsultes. La France nommera son arbitre, la Chine nommera son arbitre ; ces deux arbitres en nommeront utr, roisième;— celui-ci sera désigné par un tiers si les deux premiers ne peuvent s’entendre ; et alors vous aurez constitué un tribunal qui saura terminer le conflit franco-chinois, non pas par la force, ce qui serait indigne de la nation française, mais par la justice. Voilà la solution que j’appelle, quant à moi, de tous mes vœux. Et si elle n’est pas acceptée par la Chambre, j’aurai le regret de me voir obligé de refuser à ces hommes, dont j’honore cependant le caractère, dont j’applaudis à la présence sur ces bancs, les crédits qu’ils nous demandent de voter. (Très bien ! sur divers bancs à l’extrême-gauche.)
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- Mouvement associationniste
- La chambre syndicale des ouvriers tisserands de Riols (Hérault) va fonder une association coopérative ouvrière pour établir, dans cette ville, une fabrique de draperie.
- Les chambres syndicales des ouvriers maçons et tail" leurs de pierre de Chalon et de Saint -Etienne viennent de se transformer en Société coopérative de production pour l’entreprise directe des travaux concernant leur industrie.
- Cette décision a été provoquée par la conduite des entrepreneurs maçons de cette ville qui renvoient de leurs ateliers les ouvr iers syndiqués.
- Un groupe d’habitants de Saint-Ouen a tenu plusieurs réunions pour étudier les voies et moyens de fonder une boulangerie coopérative. Dimanche dernier, dans une nouvelle réunion tenue à la mairie, les assistants ont nommé le conseil d’administration et la commission de cou*
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- frôle de cette boulangerie, qui est devenue un fait accompli moment où les marchands boulangers s’apprêtent à augmenter le prix du pain, il est boa que le public lui réponde par la fabrication directe de cette marchandise de première nécessité.
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- Chaque fois que nous aurons à parler de tentatives de ce genre, nous répéterons sans jamais nous lasser que ces essais d’associations partielles, pour être fructueux, ne doivent pas viser l’avilisement du prix des choses. Les sociétés coopératives de production ont besoin d’encaisser des bénéfices ; et plus elles immobiliseront de ces bénéfi-cesen fondations garantistes, en faveur de l’enfance, des aibles, des malades, des vieillards, plus elles se rapproche • ront du but de la sociologie,qui est l’organisation des sociétés suivant les besoins de la vie.
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- Lettre de M. GODIN
- Nous reproduisons la lettre suivante de M Godin, publiée par la République radicale du 44 courant.
- Monsieur le Rédacteur,
- La République radicale, numéro du 7 avril, dans un article intitulé: «Capital et Travail.» s’occupe de la participation des travailleurs aux bénéfices, et cite à ce sujet l’association du Familistère, que j’ai fondée à Guise, entre le Capital et le Travail. Un des premiers, vous affirmez l’importance du mode de répartition que j’ai introduit dans cette association, laquelle reconnaît trois facteurs dans la production :
- 1° L’action et les éléments gratuits de la nature ainsi que le domame public ;
- 2° Le travail, ou l’activité de l’homme ;
- 3° Le capital.
- Suivant cette formule, la répartition donne lieu à un prélèvement en faveur de la mutualité sociale, prélèvement équivalent à ce qui est donné par le concours de la nature et de la société dans l’œuvre de la production. Ge prélèvement est destiné à garantir tous les membres de la société contre la misère et le dénuement.
- Le reste des bénéfices revient ensuite au capital et au travail, dans la proportion de la valeur des services reconnus de chacun d’eux, services évalués par les intérêts accordés au capital et par les salaires payés au travail.
- Tels sont les principes qui président à la répartition des fruits de la production dans l’association du Familistère.
- Au nom des droits naturels de chacun aux garanties indispensables à l’existence, les assu-
- rances mutuelles sont donc dotées, avant tout partage des bénéfices, d'un prélèvement de 2 0/0 de l’importance des salaires payés annuellement.Les ouvriers cotisent pour une somme à peu près égale.
- Quant au reste des bénéfices, après défalcation des amortissements, des frais d’assurances et des frais généraux de toutes sortes, il est réparti entre le travail et le capital, suivant les règles posées ci-dessus.
- L’auteur de l’article de la République radicale constate que cette répartition se fait par catégories de travailleurs, lesquelles ne sont, en fin de compte, qu’une détermination de la valeur du travail et de la capacité d e chacun des membres de l’association ; mais l’auteur dit ceci :
- « Nous ne comprenons pas pourquoi les ouvriers « qu’il (M. Godin) appelle auxiliaires sont compléte-« ment exlusde la répartition. Ceci n’est pas une « critique, c’est un point qui reste obscur, faute « de renseignements. »
- Ces renseignements se trouvent aux articles 9, 22, 34, 35, 36, 120 & 129 des statuts de la Société et à ses règlements Constatons tout d’abord que le travail des auxiliaires n’est pas exclu de la répartition, comme le pense la République radicale ; il entre en compte sous ce rapport comme celui des autres travailleurs de l’association ; seulement, la part qui reviendrait aux auxiliaires, au lien d’être distribuée à chacun d’eux en titres de propriété sur le fonds social, est versée au fonds des assurances mutuelles qui servent des pensions à tous les invalides du travail indistinctement, auxiliaires ou autres membres de l’association, et garantissent l’indispensable à la subsistance pour toutes les personnes et familles tombant dans le besoin.
- L’auteur de l’article n’a donc pas bien interprété l’application faite dans notre association du principe de répartition cité ci-dessus. Il n’y a pas de dérogation au principe, mais il y une destination différente, bien que toujours au profit des travailleurs, de la part de bénéfices représentée par le travail des auxiliaires.
- Peut-être demandera-t-on le pourquoi de cette exception dans l’application ? — Je puis en résumer ici les motifs. D’abord, l’Association du Familistère est fondée sur le principe du respect absolue de la liberté de tous ceux qu’elle emploie; elle devait donc prévoir que, par des motifs divers, des individus pourraient lui demander de travail"
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- 1er passagèrement pour elle, sans vouloir faire partie de l’association. Ensuite, il faut tenir compte de l’état actuel des choses en industrie : notre association, faite entre travailleurs pour l’exploitation d’une industrie, ne peut comprendre plus de membres que ses travaux n’en exigent en temps ordinaire ; mais, il lui arrive parfois des commandes permettant d’occuper, en plus du personnel ordinaire, un tiers de travailleurs étrangers. Il est évident que l’association ne peut d’emblée les admettre comme associés au même titre que les ouvriers fondateurs qui ont 10, 20, ou 30 ans d’expérience et de services rendus. 1/association ne peut consentir à admettre dans son sein que ceux qui lui offrent les garanties nécessaires.
- Les nouveaux arrivants sont inconnus, on les admet au travail sur leur demande, sans exiger d’eux aucune preuve de moralité ni de bonne conduite ; néanmoins, l’association les place immédiatement sous sa protection en ce sens que, s’ils tombent malades, elle leur assure les soins nécessaires et les moyens d’existence.
- Une autre considération à signaler touchant les auxiliaires est celle-ci: Admis les derniers au travail, ils sont les premiers congédiés en cas de pénurie des travaux. On comprend donc qu’il n’est pas possible de leur faire, en cours d’exercice, une attribution de bénéfices, avant de savoir si l’année sera prospère, et même s’ils restent jusqu’au jour de la répartition, doivent-ils y arriver au même titre que les anciens, et recevoir comme eux des titres d’épargnes dans la Société ? Cela n’est pas possible, car il faudrait faire à ces auxiliaires une distribution en espèces et détourner ainsi les ressources de l’association de leur véritable rôle, celui d’entretenir du travail au personnel stationnaire et de lui constituer des moyens d’épargne.
- Ce qu’il faudrait à ce sujet, c’est que l’Etat fût assez sage pour prendre la tutelle du capital revenant ainsi aux travailleurs, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, afin d’assurer à tous les travailleurs, les bienfaits et les garanties d’une mutualité nationale, dont le capital serait à l’abri des responsabilités individuelles.
- L’Etat n’étant pas encore entré dans cette voie, notre association donne ces garanties dans la mesure du possible aux travailleurs qu’elle occupe, mais c’est à l’Etat à organiser la mutualité générale en faveur de tous les citoyens.
- L association du Familistère ouvre donc la porte à l’organisation de la mutualité nationale, en combi-
- nant le fonds de participation de ses auxiliaires avec le fonds de retraite. Mais, ce qui prouve l’état d’imprévoyance dans lequel tout ce qui toucheaux intérêts des travailleurs a été laissé jusqu’ici, c’est que notre association, désireuse de placer son capital de mutualité, soit sept cent mille francs environ, sous la protection de la loi et de l’Etat ne peut le faire, rien n’étant institué encore pour donner aux travailleurs cette sécurité.
- Mon sentiment, quant à la participation des ouvriers aux bénéfices, est qu’il conviendrait, lorsqu’on en adoptera le principe, d’éviter la répartition individuelle et de commencer par organiser la mutualité nationale et assurer tous les travailleurs contre le dénuement et la misère, au moyen de l’association nationale des ressources.
- Veuillez agréer, Monsieur le rédacteur, l’assurance de mon entière considération.
- Godin.
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIÂÜX
- LXXX
- La répartition de la richesse
- La répartition de s ressources provenant de la production doit se faire proportionnellement à l’utilité reconnue de l’action de chacun des agents producteurs ; mais, avant tout partage de bénéfices, des réserves suffisantes doivent faire qu’au nom de l'action de la nature dans la production, nul être humain ne puisse manquer du nécessaire.
- La solidarité, la mutualité et U association organisées entre les hommes donneront ces résultats, lorsque les gouvernants et les classes dirigeantes seront assez sages pour en faire la base des institutions.
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- La suppression des sinécures. — Le nouveau ministre des Finances va mettre à l’étude, assure-t-on, un certain nombre de réformes touchant le personnel départemental.
- La première et la plus importante serait la suppression des trésoriers-payeurs généraux qui perçoivent actuellement des remises considérables sur toutes les sommes passant entre leurs mains et qui arrivent ainsi à toucher chaque année des appointements énormes.
- On les remplacerait par des payeurs, à traitement fixe, ce
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- LE DEVOIR
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- curs.
- . instituerait pour l’Etat une notable économie, et les rentes seraient opérées par la banque de France, dont les suc-ce aies pourraient très bien remplir ce service, kes trésoriers-payeurs généraux sont restés, dans notre 0 démocratique, une épave de l’ancien régime : sous un ^utre nom, ils sont les héritiers des fameux fermiers-généraux 1 la Révolution avait supprimés, et dont l’odieux souvenir revient à la mémoire quand on parle de fortunes scanda7
- leuses-
- Aujourd'hui, la faveur et la protection donnent seules ces laees, qui n’exigent ni aptitude spéciale ni valeur quelconque : en les supprimant, la République ferait donc un acte très-
- 5igc*
- Si on entre dans cette voie des suppressions des fonctions inutiles, il ne faut pas s’arrêter en chemin : partout, il y a des abus à supprimer, des sinécures à détruire, — à commencer par ces inutiles sous-préfets qui ne servent qu’à retarder les affaires.
- Ne décidant rien, ne sachant pas grand’chose, les sous -préfets se bornent à transmettre aux préfets, avec retard, les lettres des maires : la poste ferait parfaitement ce service à elle seule.
- Seulement, les sous-préfectures sont des refuges pour de jeunes protégés : il faudra un gros effort pour y toucher !
- ♦ *
- Le recouvrement des impôts. — Si la commission du budget ne fonctionne pas, à cause des sessions des conseils généraux, ce n’est pas qu’elle manque de graves sujets d’études. Le premier trimestre de 1885 donne une insuffisance de recettes de 7,980,200 fr.; si nous ajoutons à cette somme le déficit des recettes des chemins de fer, déficits qui, en vertu des conventions seront remboursés aux compagnies, nous trouvons une insuffisance de recettes de près de 20,000,000 pour trois mois. L’an dernier, nos honorables représentants avaient employé plusieurs mois à équilibrer le budget. Qu’arrivera-t-il pour le budget de 1886, dont personne ne semble se préoccuper ?
- ♦ *
- Les revenus en Cochinchine. — La Cochin-•foine avait produit pendant quelques années, quelques censés de mille francs en plus des frais d’administration, les dépenses militaires restant à la charge de la métro pôle ; sans N ces excédents auraient été de graves déficits.Il n’en fallait néanmoins pas davantage pour mettre en belle humeur les partisans de la politique coloniale, et tous prônaient les résultats satisfaisants obtenus dans la Cochinchine, la perle de Extrême-Orient etc., etc.
- Ees documents suivants nous montrent les choses sous un autre jour :
- Le Journal officiel de la Cochinchine publie le produit ns contributions indirectes pendant le mois de janvier, Le jj Cltsur les prévisions pour l’opium, l'alcool et la sortie du ^atteint la somme énorme de 52, 792 piastres. L’ensemble
- 5 recettes du mois n’est que de . . . 227,000 piastres
- était ^ern^re à pareille époque, il
- Ue-....................................... 320,000 —
- S°it une différence en moins de . . . 93,000 piastres
- Au cours de 4 fr. 60 la piastre, ces 93,000 piastres représentent 427, 800 fr.; soit pour douze mois, en supposant a même proportion, cinq millions cent trente-trois mille six cents francs.
- Les causes principales de cette diminution des produits sont les troubles qui ont éclaté en Cochinchine, et le blocus du Petchili qui a fermé un des marchés les plus importants de notre colonie.
- Tout fait craindre que le déficit ne soit plus considérable en février.
- Au Cambodge, la situation est plus grave encore : Les impôts ne rentrent plus, et i! faut reconnaître que les habitants ruinés par le brigandage ne peuvent plus payer les taxes.
- Si l’ordre n’est pas rétabli à bref délai, nos établissements d’Indo-Chine ne seront pas en mesure de payer leurs frais d’administration, et la France sera forcée de venir à leur secours par de larges subventions. Et pour rétablir l’ordre il nous faudrait faire de nouvelles dépenses militaires et aussitôt que nous diminuerions le corps d’occupation, ces prétendus désordres recommenceraient par l’excellente raison que les Gochinchinois aussi bien que les Français, et nous ne saurions blâmer de cela les uns ou les autres, ne sont pas gens à payer, sans tâcher de s’y soustraire, les taxes injustes et exhorbitantes qu’on leur impose par la force.
- w
- Caisses d’épargne scolaires. En Europe et en Asie tout n’est pas exclusivement chinois. Mais combien il est difficile défaire prospérer les institutions rationnelles. Pendant que les millions sont engloutis par centaines, à la suite d’aventures insensées, les caisses d’épargne scolaires réunissent à peine quelques millions. Cependant comme il serait plus sage, d’agir inversement. Voici le tableau comparatif des recettes des caisses d’épargne scolaires depuis 1877.
- Dates -des relevés statistiques (en janvier) Nombre des caisses d’épargne scolaires Nombre des livrets, soit des écoliers épargnants ayant atteint le grand livret de caisse d’épargne Total des épargnes en dépôt inscrites sur ces livrets à la date du relevé
- CAISSES LIVRETS FRANCS
- 1877 8.033 177.040 2.983.352
- 1879 10.440 224.200 3.602.621
- 1881 14.372 302.841 6.403.773
- 1883 19.433 395.869 9.064.583
- 1885 23.222 488.624 11.285.046
- Une lettre sensée.— La lettre suivante a été [dressée par M. le ministre de l’instruction publique à M. le vice-recteur de l’Académie de Paris:
- > Paris, le 13 avril 1885.
- » Par votre dépêche du 13 mars, vous m’informez que les élèves du lycée Louis-le-Grand demandent que l’on consacre à nos soldats blessés dans l’expéditiou du Tonkin la somme qui est ordinairement affectée à l’acquisition de livres pour la distribution des prix.
- » Le gouvernement et l’administration de l’instruction publi-
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- que ne peuvent qu'applaudir aux sentiments dont s est inspirée, dans l’expression de ce vœu, 1; jeunesse des écoles.
- » Mais c’est à l’Etat qu’il appartient de soulager les souffrances et de subvenir aux besoins de ceux qui défendent au loin le drapeau de la France. Ce devoir, le gouvernement tient à le remplir. 11 dispose des moyens nécessaires, auxquels viennent s’ajouter les offrandes privées; et les événements du Tonkin ne paraissent pas justifier l’adoption d’une mesure exceptionnelle qui pourrait d’ailleurs avoir pour effet de porter atteinte aux intérêts de plusieurs industries.
- « J’estime, enfin, à un autre poiut de vue, qu’il ^ convient de maintenir la régie toujours suivie jusqu’ici de n autoriser d’autres souscriptions dans les lycées que celles qui ont lieu chaque année en faveur des pauvres.
- En vous faisant connaître les motifs de la décision que j ai cru devoir prendre, je vous prie de remercier en mon nom les jeunes gens de nos lycées de leur généreuse proposition et de les assurer de la satisfaction avec laquelle j’y vois un touchant témoignage de leur patriotisme et de leur sympathie pour
- l’armée.
- » Recevez, etc.
- » Le ministre, etc,
- » Signé : René Goblet.
- * *
- Les petits loyers à Paris. Voici quelques détails sur le mouvement des petits loyers du 8 avril ;
- Il y a eu 4,680 déménagements dans les vingt arrondissements et seulement 3,450 emménagements ; 75 locataires ont été expulsés par ministère d’huissier.
- La différence considérable qui existe entre les déménagements et les emménagements s’explique par ce fait que beaucoup de familles sont allées se réfugier dans la banlieue où les loyers et les vivres sont moins chers qu’à Paris.
- ***
- Un projet de métropolitain : La dernière séance des ingénieurs civils, qui s'est tenue hier soir, a été consacrée à l’étude du projet de Métropolitain aérien dû à M. Haag, ingénieur en chef des ponts et chaussées.
- L’éminent ingénieur complétait les communications qu’il avait déjà faites à ce sujet à la Société. Il a exposé l’économie entière de son projet, et a démontré que la solution aérienne, qu’on prétendait devoir coûter cent millitons et plus le kilomètre, reviendrait tout au plus à dix-sept millions par kilomètre.
- * *
- La prédiction du temps—Le Journal officiel publie le rapport de 1 amiral Cloue, vice—president du bureau central météorologique de France, sur les travaux de ce bureau pendant l’année 1884.
- Voici quelques indications extraites de ce rapport :
- Le service des avertissements a reçu régulièrement chaque jour 152 dépêches télégraphiques et en a expédié 31, non compris les prévisions de tempêtes aux ports maritimes.
- La moyenne générale des réussites des prévisions du bureau qui était de 81 O/o en 1880, de 83 0/q en 1882 et de 87 O/o en 1883, s’est élevée en 1884 à 90 0/q.
- Sur 189 avis de mauvais temps expédiés aux ports maritimes, 128 ont été pleinement vérifiés, 24 ont été assez bons, 37 inexacts, et deux tempêtes seulement n’ont pas été annon-
- cées. La proportion des avis bons ou assez bons a donc été de 76 O/o, résultat un peu supérieur à celui des années précédentes.
- Le rapport signale une intéressante innovation : grâce à une entente établie entre le Signal Office de Washington et les bureaux météorologiques de Londres et de Paris, on commence depuis quelques semaines à recevoir de New-York à Paris des dépêches qui fournissent des renseignements d’un caractère officiel, que le commerce maritime pourra accepter avec toute confiance. L’indication des points précis où des glaces flottantes ont été rencontrées est l’objet d’une mention toute spéciale.
- Avant peu on pourra, au dépari de France, savoir la probabilité de la rencontre des glaces, et la quantité dont il faudra redescendre au sud, pour éviter ces écueils flottants que les brouillards fréquents de ces parages rendent si dangereux.
- Les armateurs trouveront ainsi des indications précieuses pour retarder ou avancer le départ des navires qui font la pê-che à Terre-Neuve.
- BELGIQUE
- Le Cléricalisme. Le Ministère clérical va bien en Belgique. Vous allez eu juger. On nous communique une circulaire adressée aux chefs de service des administrations des Postes et des Chemins de fer où nous lisons ceci :
- 1° Noms des agents qui peuvent assister tous les Dimanches matin aux services religieux ;
- 2° Heure de l’office auquel l’agent peut assister ;
- 3° Agents qui peuvent assister aux offices un dimanche sur deux ;
- 4° Agents qui ne peuvent jamais assister aux offices religieux.
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- ¥ ♦
- Les chômages. — La municipalité de Bruxelles et le gouvernement Belge, a la suite des pressantes réclamations des ouvriers en chômage, organisent à leur tour une enquête, suivant l’exemple de ce qui se passe en France. Selon toute probabilité les résultats seront identiques dans les deux pays.
- ITALIE
- L’Italie a eu,comme l’Espagne, son agitation universitaire. Les vélléités de révolte des étudiants contre la police se soo évanouies devant la fermeté du gouvernement..
- Bien autrement grave et menaçante est l’agitation agraire qui commence à s’accentuer dans les provinces de Crémone e de Mantoue. Des grèves importantes ont coalisé presque tou le prolétariat agricole contre les grands propriétaires de ces provinces. Le gouvernement a cru devoir intervenir. .
- Non seulement il a poursuivi tous les journaux qui de en-daient la cause des paysans, mais il a fait occuper mi i ^ ment toutes les provinces troublées, et il a donné l’ordre procéder à l’arrestation des meneurs de la grève. Les pns de Mantoue regorgent de prisonniers ; les tribunaux sieg en permanence pour juger les coupables. {
- Aucune de ces mesures de rigueur ne semble po . intimider ou décourager les grévistes qui avaient ^on des comités de résistance, et qui n’ont pas hésité a a * de nouveaux chefs pour remplacer ceux qui ont été arr
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- ALLEMAGNE
- Une dépêche de Berlin annonce qu’il y a eu avant-hier aux environs de cette ville, à Weissensée, une imposante manifestation socialiste.
- Plus de mille socialistes accompagnaient un de leurs compagnons à sa demeure dernière.
- La police empêcha qu’aucun discours fût prononcé, mais à la descente de la bière dans la fosse, les cris de « Vive la liberté ! » retentirent.
- Puis, l’assistance, divisée par sections, regagna la ville en chantant \a «Marseillaise des travailleurs ».
- ANGLETERRE
- Voyage du Prince de Galles.— Le voyage en Irlande du prince de Galles a provoqué de nombreuses manifestations hostiles. Dans plusieurs localités la police a dû faire évacuer les abords des gares par la population afin d’éviter des collisions entre les habitants et le cortège du prince.
- Evacuation du Soudan. —- Les journaux annoncent que le gouvernement a donné ordre à quelques régiments envoyés au Soudan de commencer une retraite. Le parti radical entretient à Londres une grande agitation en vue d’imposer au gouvernement l’évacuation du Soudan. Voici quelques extraits d’un récent discours de M. Brandlaugh, prononcé dans un grand meeting :
- « La poudre à canon, les bombes, les foins détruits, la farine perdue, le vol à chameaux, le peuple anglais paie tout cela sur ses gains,et le fouet avec lequel on vent cingler le Madh1 se retourne vers lui pour le déchirer.
- » On a dit que si nous quittions le Soudan, nous perdrions notre prestige, comme si notre prestige n’avait pas d’autres fondements que la guerre. La gloire militaire est une fausse gloire, et ceux qui en parlent le plus, sont ceux qui restent chez eux et qui, au premier coup de canon, iraient se ramasser tremblants dans la mansarde de Jingo.
- » Ce qui fait la grandeur de notre pays, ce sont ses hautes cheminées et uon la gueule de ses canons ; ce ne sont pas ses cuirassés, mais ses produits, envoyés dans toutes les parties du monde, sur des navires qui portent le pavillon de la paix, et non celui de la guerre ; c’est la liberté qui a permis à l’habileté de nos travailleurs d’étendre notre pouvoir et d’acquérir notre bien-être.
- » Quelles sont les conséquences de la guerre ? Pour le vaincu, des villages brûlés, des villes en ruines, des femmes outragées, le désespoir compensé par l’espoir de la vengeance ; pour le vainqueur, la dette, le discrédit, la démoralisation, et sa brutalité introduite dans les mœurs. C’est une honte que les peuples élèvent des monuments aux hommes qui ont foulé l’humanité sous leurs pieds. »
- M. Thorold Royen, professeur d’économie politique et membre du Parlement, M. Labouchère, membre du Parlement, ont parlé dans le même sens.
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- Le Conflit avec la Russie. — Le conflit qui divise aujourd’hui la Russie et l’Angleterre et qui préoccupe a un si haut degré l’Europe date, à vrai dire, du iour où les
- Russes ont occupé Merv, c’est-à-dire de fin fé 1er 1883, Peu de jours après, l’Angleterre interpellait le gouvernement russe sur ce qu’il comptait faire en Asie et si l’étappe qui venait d’être franchie par les troupes du tsar serait la dernière. La réponse de la Russie fut assez hautaine et en somme évasive. Cependant les négociations entamées aboutirent,le 25 avril, à la nomination d’une commission chargée de délimiter les territoires soumis à l’Angleterre d’une part et à la Russie de l’autre. Mais avant que les commissions ne fussent arrivées sur place, l’émir de Caboul obéissant aux invitations du gouvernement de l’Inde fit occuper la ville de Penjdeh.
- Aussitôt M. de Giers protesta avec énergie à Londres contre cette mesure, et lorsque le commissaire anglais, sir Peter Lumsdale, passant par Tiflisfut reçu parle prince Dondoukoff-Korsakow, gouverneur du Caucase, celui-ci confirma la pro. testation officielle de son gouvernement. Depuis cette époque, c’est-à-dire depuis 1884, les marches et contre-marches des troupes anglaises d’un côté et russes de l’autre font l’objet de réclamations incessantes ; enfin, les Russes ayant occupé certaines positions en face de Penjdeh même, le conflit est entré dans la période aiguë qu’il traverse en ce moment.
- Parmi les griefs du gouvernement anglais, il faut noter une carte éditée par l’état-major russe où une partie de l’Afghanistan figure parmi les possessions du tsar en Asie.
- CANADA
- Les dernières dépêches reçues d’Ottawa indiquent une situation toujours fort tendue dans le Nord-Ouest canadien. Tandis que les métis révoltés coupent les fils télégraphiques et que les bruits les plus contradictoires continuent à circuler relative-; ment à l'attitude des diverses tribus indiennes, il semble que les fenians irlandais des Etats-Unis veuillent profiter de la circonstance pour tenter des incursions sur le territoire canadien — possession anglaise. Le gouvernement américain manifeste l’intention de s’opposer à toute violation de la frontière.
- Ainsi, à Pembina, la dernière localité américaine que l’on rencontre en descendant la rivière Rouge, il a été pris des mesures militaires à la suite d’un meeting tenu parles fenians pour empêcher ceux-ci d’attaquer le « seulement » canadien d’Emerson, situé un peu plus au nord,
- Mais, sur une frontière aussi étendue, aussi peu peuplée et aussi peu protégée par des lignes de démarcation naturelle que celle qui sépare les possessions britanniques et américaines depuis le lac des Bois jusqu’à l’océan Pacifique (on sait que cette frontière suit variablement le 49° de latitude nord ), on ne saurait exercer une surveillance vraiment efficace.
- Il ne faut pas oublier que les territoires du Dakotah, du Montana, de l’Idaho, du Wyoming et de Washington renferment un grand nombre de métis franco-canadiens qui pourraient être tentés de prêter main-forte à leurs congénères du territoire britannique. Les dépêches de source canadienne affirment cependant que ceux de Montana ne paraissent pas devoir s’unir aux partisans de Riel.
- ETATS-UNIS D’AMÉRIQUE
- Les chômages. —La chambre de commerce de New-York déconseille officiellement d’émigrer en Amérique. Dans une circulaire adressée à tous les consulats à l’étranger, la chambre dit que 45,000 familles, composées de 180,000 personnes
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- sont, à l’heure qu’il est, à la charge de la municipalité de New-York, que la misère est terrible dans l’intérieur et qu’émigrer à l’heure qu’il est pour l’Amérique, c’eSt aller directement à la pauvreté. Le consul général d’Autriche-Hongrie à New-York écrit en termes à peu près identiques à son gouvernement.
- LA CRISE ET LA
- Le journal La France libre a publié quelques articles sous le titre la Crise et la Solution, dont nous publions les conclusions qui seront une attestation pour nos lecteurs des progrès accomplis par l’idée de l’Hérédité de 1 Etat, que nous avons défendue pendant si longtemps sans renconrer l’approbation de la presse parisienne:
- Franchement ne croyez-vous pas qu’il serait temps d’arrêter les dépenses toujours croissantes ? Ne croyez-vous pas qu’il serait indispensable même de faire des économies ? Ne pensez-vous pas qu’il serait facile de diminuer de quelques dizaines de millions ce milliard 13 millions de francs que coûte cette si belle administration enviée par l’Europe ? Croyez-vous que le travail national pourra longtemps encore supporter de telles dépenses ? Je vous le demande, que ferez-vous quand on ne voudra plus vous prêter ou bien quand il vous sera impossible de payer les arrérages aux rentiers ?
- Si vous ne prenez des résolutions viriles, ce moment est proche.
- Vos recettes, étant principalement établies sur les impôts de consommation, se chiffrent par plusieurs dizaines de millions de moins-value. Le peuple ne peut plus consommer, l’industrie fabriquer, le commerce échanger. De plus, votre dette s’accroît annuellement de plusieurs centaines de millions employés en travaux publics ou en armements.
- Où a lions-nous ? Qu’allons-nous devenir ?
- Debout ! en République rien ne doit être impossible pour le salut du peuple !
- Du patriotisme, de l’énergie et tout s’améliore Le travail allégé reprend son essor, l’industrie fabrique, le commerce échange et la vie nationale renaît.
- Que faut-il pour cela ? Changer l’assiette de l’impôt, faire passer sur le capital ce qu’il y a de trop sur le travail. Appliquer hardiment et sincèrement l’impôt progressif.
- Oui, cessez d’appliquer cet impôt fixe si injuste et si barbare qui, frappant d’une taxe uniforme des êtres et des objets de valeur différente, fait payer à un bœuf maigre autant de droits qu’à un bœuf gras, fait payera une barrique de mauvaise piquette autant de droits qu’à une barrique d’excellent Sau-
- t erne. Cessez d’appliquer cet impôt proportionnel qui n’a de juste que l’apparence. Oui, appliquez hardiment l’impôt progressif parce que c’est le seu qui ne demande rien ou presque rien à qui ne possède que le nécessaire ; demandant un peu à l’aisance, un peu plus à la richesse, et encore davantage à l’opulence. Oui, appliquez hardiment l’impôt progressif parce que, ménageant tout particulièrement les nécessiteux, il répartit plus équitablement les charges sociales et diminue ainsi les inégalités créées par les hasards de la naissance ou de la fortune.
- Appliquez un impôt progressif sur les héritages et sur les revenus et vous aurez les ressources nécessaires pour supprimer les impôts de consommation dont, tout à l’heure, je vous ai démontré les terribles effets.
- « L’impôt sur les héritages n’existe-t-il pas déjà, « et cet impôt n’augmente-t-il pas à mesure que « l’héritier s’éloigne du décédé par le degré de pa-« renté ! » Oui, l’impôt progressif existe déjà sous cette forme.
- « Que voulez-vous donc ! «changer simplement la base delà progression. « Comment! » au lieu de prendre comme aujourd’hui la ligne pour base de la progression, « il faut prendre la quotité de l’héritage considérée en elle-même et la ligne comme modérateur de la progression. »
- « Vous croyez que par cette simple substitution dans la base de la progression et par l’impôt progressif sur le revenu, l’Etat aurait les ressources nécessaires pour supprimer les impôts de consommation. »
- Oui, et déjà depuis bien longtemps dans plusieurs conférences et il y a plusieurs mois par un dépôt fait à l’Académie des sciences morales et politiques, j’en ai établi les preuves que voici :
- D’abord les héritages, puis les revenus.
- Aujourd’hui par plusieurs statistiques, il est incontestablement établi que la richesse de la France, répartie en diverses mains, s’élève à 200 milliards de francs. Or, les statistiques de la mortalité prouvent que dans un siècle trois générations se succèdent.
- Donc dans un siècle l’ensemble de la richesse nationale passe successivement en trois mains différentes.
- Donc dans un siècle l’ensemble de la valeur transmise par décès égale 200 milliards de francs multipliés par trois, soit 600 milliards de francs.
- Divisons cette somme de 600 milliards par ce n
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- et nous aurons le chiffre moyen de la transmission annuelle soit 6 milliards de francs.
- Si sur cette somme de 6 milliards de francs, l’Etat, en tenant compte de la quotité de l’héritage et de la ligne, percevait un impôt progressif de 20 0/0 en moyenne, cet impôt lui donnerait un rendement annuel de 1 milliard 200 millions de francs.
- 20 0/0 en moyenne, dites-vous ; oui, et cet impôt serait encore très bénin ; car en admettant même que le grand nombre des petites fortunes forme une somme égale à celle des grosses fortunes, il suffirait à l’Etat de percevoir un impôt maximum de 10 0/0 sur les premières et de 30 0/0 sur les secondes pour avoir un rendement moyen de 20 0/0.
- « Par un impôt progressif de 20 0/0 en moyenne qui frapperez-vous donc ? »
- Les héritiers indirects des très grosses fortunes en ménageant surtout les héritiers directs de la petite aisance et les héritiers indirects eux-mêmes ne seraient pas trop à plaindre avec ce qui leur resterait après l’impôt perçu par l’Etat
- « Qui, dans cette circonstance, pourrait réclamer pour eux sinon un ultra conservateur. » Voici ce que l’un d’eux et des plus autorisés a non pas dit mais écrit « moins la succession est naturelle plus elle est « une œuvre des conventions sociales » qui protègent la propriété, plus elle »doit« à la société c’est-à-dire au fisc qui la représente. » « Par qui ces lignes ont-elles été écrites ? Par M. Thiers à la page 373 de son livre sur la propriété.
- Du reste, rassurez-vous ! l’Etat ne perçoit l'impôt que pour subvenir à ses charges. Or, ce que l’Etat percevra par l’impôt progressif sur les héritages diminuera d’autant ce qu’il aurait à percevoir par un autre impôt.
- Donc qui paiera sous cette forme n’aura pas à payer sous une autre, voilà tout.
- —------------------^ ---------------------
- Remède contre le croup
- Aux succès déjà enregistrés du traitement du croup par les vapeurs de térébenthine, ajoutons celui-ci qui, d’après une communication de M. Dujardin-Beaumetz à la Société de chirurgie, vient d’être obtenu par M. le docteur Maréchal. Appelé au fort de Montrouge près d’un enfant de cinq ans malade depuis six jours, il constate que les amygdales sont recouvertes de fausses membranes. Le tirage respiratoire est déjà considérable. Le docteur prévoyant qu’il lui faudra pratiquer la trachéotomie annonce qu’il reviendra dans la journée. En attendant, il Prescrit le traitement du docteur Deitil (par inhalations de vapeurs de térébenthine).
- A. dix heures du soir, M. Maréchal revient. L’enfant est
- calme. Ni dyspnée (difficulté de respirer), ni tirage. Il a rendu ses fausses membranes avec un anneau complet. On continua les fumigations. Le petit malade alla de mieux en mieux et guérit assez promptement.
- Quelques jours après cependant, les accidents reparurent, aussi intenses, aussi graves que la première fois. Gomme la première fois aussi on recourut à la térébenthine et aux vomitifs. L’enfant guérit de nouveau et définitivement.
- • - ---------------- « » » ----------------------
- L’Agriculture aux États-Unis
- Le journal Y Emigration vient de publier d’intéressants renseignements sur la grande culture des Etats-Unis. Ils confirment tout ce que nous avons écrit lorsque nous avons attribué la crise agricole au défaut d’organisation de la propriété et à l’insuffisance de l’outillage. Le bon marché des terrains en Amérique et f’abondance des capitaux ont favorisé la constitution de la grande propriété. En Europe, on peut suppléer à ces avantages par l’associalion, sans laquelle notre agriculture est condamnée à rester inférieure, malgré le relèvement des tarifs d’importation. L’organisation de la grande propriété, en France, mettra notre agriculture en état de produire suffisamment pour notre consommation, et, complétée par la participation aux bénéfices et les institutions garantîtes, elle deviendra un des éléments les plus propices à la solution pacifique de la question sociale.
- Voici les faits que cite l'Emigration :
- Depuis 1874, M. Dalrymple dirige six fermes appartenant à une compagnie financière et d’une contenance de 30,000 hectares. Il les a divisées en sections de 800 hectares, subdivisées en trois lots de 267 hectares ; chaque lot est sous le contrôle d’un contre-maître, et chaque section sous celui d’un surveillant; sur chaque section il a construit des baraquements pour loger 50 hommes et autant de chevaux et mulets, des cuisines, des magasins d’approvisionnements pour la nourriture des hommes, ues greniers de maïs, d’orge pour celle du bétail, des hangars pour abriter les instruments, des ateliers et des forges pour entretenir et réparer les bâtiments et les machines.
- Chaque section est pourvue d’un outillage complet : 20 paires de chevaux, 8 chariots doubles, 12 semoirs à cheval,12 rateaux attelés à dents d’acier, 12 moissonneuses-lieuses, 2 batteuses et 16 wagons ; toutes les précautions sont prises pour que machines et bêtes soient en bonne condition et capables de fournir la plus grande somme de travail. Toutes les sections communiquent entre elles et avec l’administration centrale à J’aide de fils téléphoniques.
- Les six fermes de 30,000 hectares sont cultivées
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- par un gros bataillon de 600 journaliers, organisés militairement : à l’époque de la moisson, l’administration centrale embauche 500 ou 600 travailleurs supplémentaires, qu'elle distribue entre les sections. Dès que les travaux d’automne sont terminés, ils sont licenciés, à l’exception des contremaîtres et de 10 hommes par section.
- Des mécaniciens à cheval accompagnent au travail les charrues, les semoirs, les moissonneuses : au moindre dérangement, en un temps de galop, un mécanicien est auprès de la machine pour la réparer et la mettre en marche. Les blés sont transportés aux batteuses qui travaillent nuit e t jour; elles sont chaufiées avec des bottes de paille, que l’on enfourne à l'aide de tuyaux de tôle. Les grains, battus, vannés, pesés et ensachés automatiquement, sont transportés au chemin de fer qui longe la ferme, et de là à Duluth ou Buffalo. Chaque année, M. Dalrymple augmente ses emblavures de 2,000 hectares; en 1880 elles étaient de t0,000 hectares -, elles ont dû augmenter dans les années suivantes.
- Dans les Etats de l’Ouest (Dakota, Minnesota, Orégon, Washington, Californie, etc.) existent des fermes semblables,plus ou moins bien administrées plus ou moins considérables; dans le Colussa county (Californie), en 1879, le docteur Glen avait 14,000 hectares ensemencés de froment; dans la vallée de Walla-Walla (Washington), une compagnie financière, en 1880, avait emblavé 17,500 hectares.
- C’est surtout aux machines que l’on doit ces résultats, et on les emploie largement. On renonce à celles qui ne suffisent pas et on y substitue de plus puissantes, sans compter. A la grande charrue Moline de l’ouest, les Californiens substituèrent la charrue à six socs traînée par cinq chevaux ou mulets; aux semoirs ordinaires, le semoir centrifuge, qui lance le grain à 10 ou 12 mètres de distance ; dernièrement ils attachèrent des semoirs et des hersoirs aux charrues multiples, afin de labourer, semer et herser en une seule opération.
- La moissonneuse-lieuse, qui fauche 6 hectares et en lie le produit par jour, a été remplacée par le géant êtateur, que pousse un attelage de quatre et huit chevaux ; ses lames vibrantes, en un seul mouvement, fauchent les épis à deux pouces de leur base, sur une surface de 16 et 28 pieds carrés, un tablier tournant les ramasse et les déverse dans des chariots qui suivent la formidable machine et les transportent à la batteuse. Et la moisson qui, il y a une demi-heure, ondulait aux brises du matin, est coupée, dépiquée, vannée et prête à être consignée pour Le Havre.
- Mais quel est le résultat définitif? Un agronome anglais, M. Finlay-Dun, l’a dit au Times, après avoir relevé avec le plus grand soin les dépenses de culture des fermes financières et des petites fermes de l’ouest. Les fermiers financiers du
- Minnesota et du Dakota cultivent l’hectare de froment avec un déboursé moyen de 100 à 125 francs et obtiennent un rendement moyen de 18 à 20 hectolitres ; les petits fermiers de l’Ohio dépensent 215 francs et ne récoltent pas 10 à 12 hectolitres.
- Tavellier.
- Les Chiffres
- Quand M. Bourée, l’ancien ministre de France en Chine, qui avait si bien prévu tous les événements du Tonkin et qu’on n’a point voulu écouter, conclut avec la Chine les préliminaires d’un traité de paix, nous avions dépensé pour l’expédition dans l’Extrême-Orient 2,487,850 fr.
- On trouva que ce n’était pas assez ; on désavoua M. Bourée
- et les Chambres votèrent :
- En 1883, le 26 mai................... 5,300,000 fr.
- En 1883, le 22 décembre.............. 9,000,000
- En 1884, le 18 août................. 33,363,884
- A ce moment, le commandant Fournier, représentant la France, signa à Tien-Tsin une Convention avec le général Li-Hung-Chang, représentant le gouvernement chinois. Arriva le combat de Bac-Lé. La Chine offrit de payer une indemnité de plus de trois millions pour les familles des victimes de ce combat ; elle offrit aussi d’évacuer le Tonkin. On ne voulut pas accepter d’arrangement, et les Chambres votèrent, le 17 novembre 1884, un nouveau crédit de 16,147,368 francs.
- Enfin on vient de voter un nouveau crédit de 200,000,000.
- Cela fait près de 300,000,000 auxquels il faut ajouter toutes les dépenses imputées au budget ordinaire et les charges nationales qui en résulteront pour pensions aux veuves de nos soldats, aux blessés et aux invalides.
- Tout cela doit faire un total atteignant presque le demi-milliard. A ce compte nous devrons porter chaque année au budget du Tonkin une dépense de 20,000,000 sans compter les frais d’occupation et d’administration.
- Et où en sommes nous ?
- A tacher d’obtenir un traité de paix qui ressemble à celui que proposait M. Bourée et qui ne nous aurait coûté que deux millions et demi.
- ---------------- . « -------------------------------—
- Adhésions au principe d’arbitrage et de désarmement européen
- Sarthe. Le Mans.-Pavial, rue de laTonnelle 15; — Bribard Auguste, sabotier, rue de la Tonnelle 15 ; — jqme Bribard ; — M. et Mme Bonfil d Huiloton, 15 rue de la Tonnelle; — M. et Mme Braiteau, épiciers, rue d’Orléans 14 ; — M. et Mme Agoulon, rue d’Orléans 14 ; — Metle Common,
- rue St- Jean 23.
- Jura. La Mouille. — Lamy Louis, maire ; — Bussod Jules, adjoint; — Guret Aimé ; — Malfroy Jean-Aimé ; -y Thévenin Louis-Alphonse ; — Grenier Henri ; — Tharin Théophile ; — Thevenin Albin ; — Tavin Camille ; — Lamy
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- Jérémie; — Thévenin Jules, cmjseillers municipaux; — Girod Sylvain ; — Chavin Lucien, forgeron; — Baud Lucien, forgeron ; — Robez chartes, forgeron ; — Pros Aimé, lunet-tier ; — Lamy Gustave, forgeron; — Grenier Louis-Prosper, forgeron ; — Genet germain, forgeron ; — Thévenin Emile, fabricant de toupies Girod séraphin, forgeron ; — Robez Aimé ; — Grenier Elie, fogeron ; — Grenier Joseph, propriétaire; — Perrier zéphirin, curé de la Mouille; — Genet Arsène ; — Girod Henri ; — Beaud Aimé, forgeron ; — Genet Aimé-Joseph ; — Girod Louis ; — Albin, mécanicien ; — Genet Louis, forgeron ; — Girod célestin, menuisier ; — Thavin Louis, forgeron ; — Girod Emile ; — Genet Louis; — Thévenin Désiré; — Genet Jules; — Thévenin Henri, — Thévenin Casimir ; — Dayet Charles ; — Thévenin Gustave ; — Thévenin Léon ; — Thévenin Cément ; — Thévenin Louis ; — Thévenin Camille ; — Robez Jules ; — Malfroy Eugène ; — Thévenin Elie : — Thévenin Alphonse ; — Goguely, brigadier agent des Douannes ; — Lacroix François-Auguste, brigadier; — Richet Charles; — David Joseph; — Favre Camille; — Odobez Vital; — Sibos Ernest-Alphonse ; — Métra Léon-Armand ; — Pécaud Albert, — préposés des Douanes; — Lavenne Jules forgeron ; — Thévenin Emile ; — Robez auguste, forgeron ; — Thévenin Clément, cultivateur ; — Robez Auguste, forgeron ;— Thévenin Clément, cultivateur ; — Thévenin Elie, cultivateur ; — Gradot Emile,cultivateur ; —Malfroy Emile, menuisier ; —Grenier J. Désiré, cultivateur; — Thévenin Auguste, cultivateur ; — Giraud Augustin ; — Girod rentier ; — Grenier Clément.
- Corse. Castifao. — Ferrandi M. Aristote, instituteur; —- Pitréra Antoine, ancien conseiller municipal ; — Grimaldi d’Esdra, propriétaire ; — Costa Savelli Pierre, propriétaire ; — Salveti Barthélemy, propriétaire ; — Colom-bani Pierre ; — Leca Antoine, conseiller municipal ; --Grimaldi d’Esdra, Charles-Félix ; — Don Jean, Colombani, ancien militaire ; — Costa, Pierre ; — Costa François ; — Troyani Dominique ; — Stuart Paul-Jean, Propriétaire ; — Grimaldi Dominique, directenr de mines; — Grimaldi Padovani Jean-Charles, ancien militaire ; — Grimaldi d’Esdra Jean-Valére, propriétaire ; — Paoletti Roch, propriétaire ,— Vadella Jean-Félix, cultivateur ; — Grimaldi d’Esdra Jean-André, propriétaire ; — Arnos Ignace, propriétaire ; — Saloetti, François, propriétaire ; — Costa Savelli, Antoine, propriétaire.
- Asco.— Corini, Instituteur ; — Guerrini François ; — Guidoni P, M. ; — Corsini R. ; — Grimaldi P. J. ; — Corsini B. ; — Guerrini P. ; — Guerrini Paul ; — Guidoni François-Marie; — Voitti J.-Bte ; — DoncarliMathieu ; — Garboni, Antoine-François ; — Carboni Toussaint ; — Guerrini Noël ; — Franceschetti Paul ; — Franceschetti, Pierre-Félix; — Franceschetti Pierre-Félix fds, Maestrali Ours-Marie ; Mercuri Joseph ; — Maestrali Jacques-Toussaint ; — Carboni, François-Marie ; — Parsi Joseph ; •—• Vitti Dominique ; — Maestrali, Antoine François ; — Mercuri Marc-Marie ; — Carboni Pietrin ; — Carboni F. A ; Guerrini Paul ; — parsj Guérin ; — Martini P.-Marie ; — Doncarli Benjamin ; — Martini François; —Martini Pierre ; —
- * rancesheiti Marie ; — Guerrini Charles ; — Franceschetti
- asquin ; — Franceshetti Antoine; — Massini Dominique ; —
- Vesperini, Pierre-André ; — Franceschetti Thomas; — Guerrini Marie ; — Guidoni Ulysse ; Trojani J.-Etienne ; — Parsi Martin.
- Etats-Unis. Dallas, County, Texas. — M. et M* Michel, fabricants de briques ; — Grétien Emile, agriculteur ; — Grétien Eugène ; — Grétien Louise ; — Grétien Léa ; — Favine Nicolas, Agriculteur , — Joffre Eugène ; — LamotteJohn L. ; — Lamotte François ; —Roger Joseph; — Joffre Christophe ; — Charpentier Julie ; — Rousseau Farmy.
- Parmi les adhésions que nous venons de publier, celles recueillies à La Mouille, dont nous donnerons la suite dans notre prochain numéro, méritent une mention particulière. Touies les signatures sont légalisées ; elles représentent la presque totalité des électeurs, car la population de cette commune est de 505 habitants. Maire, Adjoint, Conseillers municipaux, Curé, Agents du gouver-ment, chacun à voulu affirmer publiquement ses sympathies pour la paix et le (désarment européen.
- C’est ainsi que l’on devrait faire partout. Si tous les gens qui désirent la paix avaient assez d’énergie pour le proclamer avec autant d’unanimité que les citoyens dont nous publions les noms, il faudrait à peine quelques mois pour créer en Europe un courant d’opinion qui contraindraitlesgouvernements despotiques à compter avec les volontés des citoyens.
- Cet empressement des personnes des professions les plus diverses à signer nos pétitions, partout où il se trouve un homme d’initiative assez émancipé des préjugés pour colporter les listes, est un indice certain pour la presse qu’elle peut hardiment discuter les questions de paix et de désarmement, sans craindre de se heurter à un public hostile.
- Les prêtres surtout devraient imiter l’exemple de l’honorable curé de la Mouille, et ne pas craindre de se servir de la chaire pour engager les fidèles à réclamer l’abolition de la guerre; ils se conduiraient ainsi suivant l’esprit de l’évangile, qui veut la paix entre les hommes et les nations.
- La Mort est-elle douloureuse?
- Un médecin d’outre-Manche, le docteur Beardsley, se demande quelle est la raison qui fait de la crainte de la mort un sentiment aussi général dans l’humanité. Il conclut que c’est, avec l’instinct de conservation universel chez les êtres vivants, l’opinion très répandue que la mort est ordinairement douloureuse.
- S’il faut l’en croire, celte opinion est des plus mal fondées. La mort est, dans le plus grand nombre des cas, sinon dans tous les cas, un acte purement végétatif. L’homme, selon son expression, tombe en pièces commeune fleur fanée. S’il savait à quel point cet événement est peu pénible, il en regarderait l’approche non pas avec terreur, mais bien souvent avec plaisir, et tout au moins avec curiosité.
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- LE DEVOIR
- Il faut considérer que le degré de sensibilité des tissus est ordinairement proportionnel à leur intégrité. L’inflammation, qui exalte d’abord cette sensibilité, finit par la diminuer et la vieillesse 1 abolit. Tout obstacle à la nutrition a pour effet de troubler le bien-être général de l’individu, jusqu’à ce que l’acide carbonique, résultant de la dévitalisation du sang, se fixe dans les éléments anatomiques ou cesse de se déplacer. Bientôt, par l’effet de ce poison, les ganglions sensoriaux perdent leur irritabilité et cessent de laisser passer les courants nerveux. C’est alors que la mort s’établit.
- Pendant les progrès de cette abolition de la force nerveuse, qui conduisent peu à peu le sujet à l’engourdissement définitif, il doit éprouver une sensation de repos analogue à celle qui précédé le sommeil, et au lieu des tortures ou des angoisses qu’on se représente vulgairement, une sorte de satisfaction obscure. Très probablement, les impressions produites par l’emploi thérapeutique de l’opium, de Véther et de tous les narcotiques se rapprochent beaucoup de celles du mourant. Si Ton excepte les hallucinations qui doivent résulter parfois de i activité incomplète du cerveau, ces impressions ne peuvent avoir rien de douloureux. L’acide carbonique a empoisonné, anesthésié la plupart des ganglions, Jes actions réflexes sont impossibles, une analgésie générale tend à s’établir.
- Au total, le sentiment de la douleur ne saurait exister, puisque les stimulants sont impuissant à exciter une réponse.
- La condition formelle de l’irritabilité est, en effet, que les centres nerveux comme les conducteurs soient à l’état normal. Du moment où leur activité s’arrête, les phénomènes réflexes s’arrêtent aussi,et la souffrance devient physiologiquement impossible, le grand sympathique ne fonctionnant plus.
- L’expérience confirme pleinement ces vues théoriques. Les vivisections, aussi bien que le témoignage des gens qui, après avoir été supposés mort, ont été rappelés à la vie, et les affirmations des mourants en état de répondre aux questions qu’on leur pose à cet égard, démontrent que la mort n’a rien de douloureux. Burney lutta vigoureusement contre ceux qui s’efforçaient de le ressusciter après sa noyade, tant il trouvait de charme à son état d’asphyxie. Le grand voyageur Solander avait jugé la sensation du froid excessif si délicieuse, qu’il fut le premier de sa troupe à se coucher dans la neige, pour se donner le luxe de ce genre de mort. William Hunter regrettait en expirant de ne pouvoir écrire « comme il est aisé et agréable de s’en aller. » Les enfants en bas âge meurent avec la même sérénité qu’ils ont en dormant. Combien de vieillards et d’infirmes devraient considérer la mort comme une délivrance ! La pendaison passe généralement avec la crucifixion pour un des supplices les plus terribles. 11 résulte pourtant des déclarations de ceux qui en sont revenus qu’à une agonie très courte succèdent presque immédiatement les hallucinations les plus exquises.
- En somme, on peut conclure que la mort est aussi peu douloureuse pour l’homme que la naissance. Shakespeare l’avait deviné, le jour où il a dit que la crainte de la mort gît surtout dans l’appréhension de l’inconnu. C’est l’approche de la solitude et de la nuit, et non pas les révoltes de la chair, qui nous rend ordinairement pénible l’idée de ce départ inévitable.
- MAITRE PIERRE
- Par Edmond ABOUT
- UNE ENF AN CE ORAGEUSE
- (Suite.)
- IV
- « Je vivais au jour le jour, comme les loups, les renards et les autres confrères. Avec un peu d’ordre et d’économie, j’aurais pu mettre quelque chose de côté, mais je n’aurais pas été uu chasseur. Je serrais ma ceinture dans les mortes saisons, je menais grand train dans la saison des passages.
- « L’arrivée des cailles, le retour des palombes, les bandes de canards qui s’abattent sur le bassin d’Arcachon, les nuées de petits oiseaux que l’automne sème à travers les dunes, m’apportaient des jours de bambances dont je faisais profiter mes amis. Je n’invitais pas les gens à dîner mais je m’invitais chez les autres et j’apportais tout, sauf la table et le pain, C’est depuis ce temps-là que mon couvert est mis partout et que j’ai mon écuelle dans chaque maison du pays. J’ai fait manger du faisan et des becfigues à plus de quatre pauvres diables qui n’avaien jamais goûté la viande de leurs moutons. Nous buvions sec ; mon gosier s’était accoutumé à la râpe, et un pot do vin ne me faisait pas peur. Lorsqu’on me voyait entrer avec une cruche dans la main droite et unchapelet de canards sous le bras gauche, jeunes et vieux courraient à moi, la bouche enfarinée. Les jolies filles riaient jusqu’aux oreilles, comme pour m’inviter à compter leurs dents. Elles me connaissaient bien ; elles savaient que je n’étais pas homme à leur refuser un foulard rouge, et que je n’avais pas mon pareil pour vider le ballot du colporteur. Depuis Lesparre jusqu’à Bayonne, j’étais connu comme le loup blanc. Les uns m’appelaient petit Pierre, par amitié ; les autres me donnaient déjà du monsieur Pierre ; je n’ai été maître Pierre qu’après avoir mérité 1 admiration des savants. Je ne tenais pas longtemps en place : un vrai chasseur ne se repose que si les jam -bes lui rentrent au corps. J’allais, je venais, je faisais mes dix lieues par jour, pas plus gêné qu’un bourgeois qui se promène dans sa chambre. Mais j’aimais à repasser souvent par Bulos, à la seule fin de m’y montrer dans toute ma gloire. Quandje rencontrais mon tuteur avec son troupeau, je lui disais du haut de mes échasses r « Hé bien,quel jour me mettez-vous à l’école? » Je ne le chicanais pas sur le revenu de mes landes et de mes marais ; et je lui euvoyais de temps en temps un cuissot de chevreuil ou un quartier de taureau sauvage.
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- LE DEVOIR
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- «Vous m’excuserez, monsieur, si tous ces détails vous ennuient : pourquoi m’avez-vous mis sur ce chapitre-là ? Je n’y repense pas souvent, et il fallait une occasion comme celle-ci pour me faire dévider toute la pelote ; mais une fois que je commence, je n’en finis plus. La chose a duré sept ans : j’ai eu froid, j’ai eu chaud, j’ai reçu des averses, des coups de boutoir et des coups de corne, mais je ne me suis par ennuyé un quart d’heure, aussi vrai que voici une maison là-bas. Certainement je n’étais pas le roi des landes, je n’étais pas même un grand homme, et pourtant je n’aurais pas échangé mon sort contre une place de statue devant le théâtre de Bordeaux !
- — Après ? lui dis-je.
- — Après ? vous en voulez encore ?
- — Parbleu ! je veux tout, sans excepter l’histoire du petit cheval gris que vous m’avez promise. »
- Son front se rembrunit, et un souvenir pénible passa sur sa figure, comme un nuage. Il se tourna vers Mari-nette, et dit : « Jai donc parlé de ça ? » Marinette, qui n’étais pas causeuse, répondit par un petit signe affirmatif. Il reprit avec un effort visible :
- « Eh bien, puisque c’est commencé, vous saurez tout, C’est l’histoire d’un meurtre que j’ai commis. Je sais bien qu’il le fallait. Le maire m’en avait prié; tous les conseils municipaux des environs le demandaient depuis longtemps ; je devais le faire. Fais ce que dois ! c’est bientôt dit ; mais tout n’est pas rose dans le devoir. Tenez ! depuis ce temps-là, j’ai mis le feu à une forêt et brûlé plus de vingt hectares de beau bois : je n’en ai pas de remords : tandis que dans l’affaire du petit cheval gris, je crains d’avoir été trop loin. »
- Peste ! répondis-je en moi-même. Je pensais, à part moi, que mon nouvel ami avait eu de singuliers devoirs à remplir. Cependant je ne pouvais supposer qu’un homme honorable m’eût placé sous la protection d’un scélérat, et j’attendis à le juger qu’il eût fini son histoire.
- Mais le narrateur s’interrompit forcément pour carguer sa voile et prendre les rames : nous étions arrivés.
- L’établissement du Moustique, assis au bord de l’étang sur une petite dune, est la Thébaïde d’un conducteur des ponts et chaussées. Il habite une jolie maison, solide, quoique bâtie sur le sable. De grandes forêts de pins la protègent contre le vent de la mer ; elle ouvre ses fenêtres sur l’étang, les marais et les landes. Dans cette résidence, un mondain périrait d’ennui ; un sage y vit heureux. Son bonheur se compose de tous les plaisirs innocents qu’on voit décrits dans les romans de Fénelon : ménagère avenante,habitation commode,jardin richement planté, basse-cour populeuse et table bien servie. Si com-
- me le poète Lucrèce il pensait qu’il est deux de s’asseoir au bord de l’eau pour voir le prochain faire naufrage, rien ne l’empêcherait de contempler de jolies tempêtes et des naufrages parfaits sur le modeste étang de La Ca-nau. L’importunité des moustiques est comme une goutte d’absinthe dans cette coupe de miel, mais les moustiques ne renaissent qu’au printemps, est ce n’est que le soir qu’ils sont vraiment insupportables.
- Ce qui me surprit au premier abord, c’est de trouver un employé des ponts et chaussées logé si confortablement dans un pays où il n’existe ni ponts ni chaussées. Maitre Pierre m’eu donna les raisons, mais plus tard.
- Les maîtres du logis nous attendaient au rivage, car on nous avait signalés de loin. Comme je cherchais des yeux le port où nous allions descendre, maître Pierre me tira d’embarras en m’apprenant que le port du moustique était encore à construire ; on aborde pas, on échoue. Lorsque la proue a touché le sable, un homme de l’équipage se jette à l’eau et tire le bateau aussi loin qu’il peut aller. Les autres débarquent en bondissant, comme les moutons de Panurge. Marinette me donna l’exemple : un grillon ne saute pas mieux.
- (.A Suivre).
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- r
- Etat-civil du Familistère
- Semaine du 6 au 12 Avril 1885.
- Naissances :
- Néant.
- Décès :
- 1° Le 9 avril, de Hédinj Jeanne, âgée de 1 an 3 mois.
- 2° Le 12 avril, de Yenet Uranie-Angélina, épouse de Abraham Ulysse, âgée de 29ans et 6 mois.
- Vient de paraître le n° 4 de la Revue socialiste, dont voici le sommaire :
- De la méthode en sociologie (G. Degreel). Les derniers arguments de l’économie politique (S. Deynaud). Les huit heures de traxail (V. Delahaye). Les formes de l’art dans le socialisme (J. Lombard). Le mouvement révolutionnaire en Espagne (F. Stackel-berg). L’éducation de l’avenir (E. Pottier). Correspondance. Mélanges et documents. Revue économique, Revue des faits sociaux. Revue des sociétés savantes et d’économie sociale. Revue de la presse.IRevue des livres. Divers.
- Brochure de 96 pages. Abonnement, 12,rue du Croissant : l’an, 12 fr, 6 m., 6 fr., le numéro : 1 franc.
- Le Directeur-Gérant : GODIN
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- Le Gouvernement, ce qu'il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action.
- Ce volume met en lumière le rôle des pouvoirs et des gouvernements, le principe des droits de
- L’ouvrage est terminé par une proposition de loi à la Chambre des députés sur l’organisation de l’assurance nationale de tous les citoyens contre la misère.
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- Ce volume contient les statuts et règlements de la Société du Familistère de Guise.
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- N° 3 - L’Arbitrage international et le Désarmement européen ....... 0 fr. 2»
- N" 4 - L’Hérédité de l’État ou la Réforme des impôts . . . . . . . 0fr.25
- N° 5 - Associations ouvrières. — Enquête de la commission extra-parlementaire au ministère
- de l’Intérieur. Déposition de M. GODIN, fondateur de la Société du Familistère de Guise.
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- La première édition de ce roman publiée par M. John Jfwett, l’éditeur de « la Case de l’Oncle Tom», a eu un grand succès en Amérique. Ce Roman est aux questions sociales qui agitent le monde civilisé, ce que « la Case de l’Oncle Tom » fut pour la question de l’esclavage.
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- Année, Tome 9. — R' 346 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 26 Avril 1885
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- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
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- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- REFORMES SOCIALES & POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1. —Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et clans la protection sociale.
- , 2- — Fah'e des garanties de la vie humaine et de ta liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur lavaleur des candidats.
- b. — Organisation du suffrage universel par Vu-nitede Collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur volant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu'il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile ;
- L égalité de suffrage pour tous les citoyens,
- La possibilité pour les minorités de sel air*$ représenter; y
- La représentation par les supériorLés.
- o. — Renouvellement annuel de moitié d& la C.hambre des députés et de tous ?jes corps élus. La volonté du peuple souverain toujours ainsimise en évidence.
- G. — Rétribution de toutes les fondions publiques dévolues par le suffrage universel.
- 7- — Égalité civile et politique de l’homme et de la femme.
- S_ — Le mariage, lien d’affection.
- Faculté du divorce.
- 9-~~. Éducation et instruction primaires,gratuites et obligatoires pour tous les enfants.
- Les examens et concours généralisés avec élection des élèves par leurs pairs dans toutes les écoles, diplôme constatant la série des mérites intellectuels Ci moraux de charpie élève.
- 10. — Ecoles spéciales, nationales, correspondantes aux grandes divisions des connaissances et de l'activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- 11. — Suppression du budget des cultes. Séparation de l’tiglise et de l’Etat. *
- 12. — Réforme des imjiôts et suppression des impôts indirects.
- 43. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit
- d héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- 44. — Hérédité progressive de VEtat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collaterale à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dans une juste mesure, retour h la société qui a aidé a les produire.
- 15. — Remboursement des dettes publiques avec les ressources de l’hérédité.
- 16. — Organisation nationale des garanties et de I assurance mutuelles contre la misère.
- 17 ~ Suppression des emprunts d’Etat.
- 19. — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéficesde laproduc-tion.
- 20. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21. — Libre échange entre les nations. m
- 22. — Abolition de la guerre offensive.
- 23. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 24. — Désarmement européen.
- 25. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire
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- LE DEVOIR
- SOMMAIRE
- Les abus administratifs et la retraite de M. Cla-mageran.— Les spéculateurs et la guerre.— Les Trésoriers-payeurs généraux.— Les Bibliothèques municipales. — Progrès de l’association. — Les Programmes électoraux. — Propagande de la Paix. — Aphorismes et préceptes sociaux. — Faits politiques et sociaux de la semaine. — Les Etats-Unis d’Europe et l’Afghanistan. — La femme en Hollande. — Lettre de faire part. — Le comité Anglo-Russe. — Adhésions au principe d’arbitrage et de désarmement européen. — Le monde avant la création. — Maître Pierre. — Etat-civil du Familistère.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
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- Les abns administratifs
- et la retraite de M. Clamageran
- Il paraît avéré qu’un ministre des finances désireux d’opérer des réformes dans les abus de notre administration n’a pu rester au pouvoir.
- M. Glamageran n’a pas voulu prendre la responsabilité de suivre les errements qui conduisent la France aux abîmes, ou plutôt on n’a pas voulu lui laisser porter remède à cet état de choses. 11 a été, en raison de ses bonnes intentions, obligé de se retirer devant l’éternel ajournement que les eunuques sociaux opposent à toute idée de réforme. Voici en quels termes « Le Temps > traduit les motifs de cet ajournement :
- « En finances la victoire ne s’improvise pas ; on ne commande pas au crédit public comme à un
- » bataillon. Toute innovation exige non seule** » ment qu’on fait méditée et mûrie, mais qu’on » y ait habitué l’opinion. »
- Quelles seront, Messieurs les conservateurs-bornes, les études mûries et méditées que vous considôrerezjamais comme telles, vous qui, jamais, ne vous donnerez la peine, non pas d’étudier ni de mûrir quelque chose, mais d’examiner môme les études qui s’offrent à vous toutes faites et toutes mûries ?
- Nous ne sommes pas en mesure de discuter les réformes que pouvait vouloir faire M. Clamageran; il nous -ufSfc de savoir qu’il voulait écarter des abus et que cela a motivé sa retraite, pour regretter profondément la décision qu’a prise le ministre. Car nous savons, à n’en pas douter, que les hommes disposés à laisser tout faire sont mille fois plus dangereux au pouvoir que ceux qui veulent y apporter n’importe quelle réforme, dès qu’il s’agit de supprimer des abus.
- En se reportant aux lignes publiées plus loin sous le titre de Retraite deM. Clamageran, on verra que le nouveau ministre était formellement opposé au système des budgets fictifs, qui semble être devenu la règle générale de nos ministres des finances. Cette intention louable de faire connaître toute la vérité, présageait des pratiques administratives trop différentes de celles en honneur aujourd’hui, pour ne pas coaliser les politiciens contre les promoteurs de ces projets.
- Le ministre démissionnaire a motivé sa conduite en déclarant qu’il n’admettait pas de faire acte de gouvernant et de renoncer aux idées qu’il avait défendues et propagées jusqu’à ce jour.Cette décision est trop conforme à l’honnêteté politique que nous réclamons depuis si longtemps de la part de tous les hommes publics, sans avoir eu le bonheur de rencontrer encore un seul ministre se faisant une règle de conduite de ne pas mentir à son passé. M. Clamageran a donné un grand exemple de probité politique; il est désirable qu’il trouve des imitateurs et que sa fermeté devienne un cas général.
- On attribue à M. Clamageran, outre la volonté d’apporter des réformes dans l’administration l’intention de créer de nouveaux impôts. 1 a question a besoin d’être bien précisée. Nous ne pourrions nous associera l’expression d’impôts; nous sommes scientifiquement contraires à toute création d’impôts ; la France râle, l’industrie périclite, l’agriculture est aux abois, le travailleur
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- chôme sous le poids des impôts et des charges publiques. Mais, en cela comme en toute autre chose, il faut s’entendre.
- Oui, la France a besoin de ressources nouvelles et il les lui faut larges et copieuses pour faire face à ses besoins; car elle n’a pas seulement à équilibrer son budget, elle doit aussi dégrever les impôts qui pèsent sur la consommation et le travail.
- Malgré cela, nous disons : Non, la France ne doit plus créer de nouveaux impôts, elle doit cesser pour toujours de porter de nouvelles atteintes à la libre activité des citoyens; car l’impôt quel qu’il soit, est une gêne, une entrave, une préoccupation inutile, une cause incessante de conflits, de contraventions qu’il faut faire disparaître pour la tranquillité de tout le monde.
- Nous disons encore : Non, la France ne doit plus davantage livrer les ressources publiques aux agioteurs et aux usuriers.
- Où donc prendre ces ressources nouvelles? Le moyen est bien simple : Ne rieu demander aux citoyens de lëur vivant, les laisser libres de travailler, de produire, d’échanger, de thésauriser, de faire fortune, sans ajouter aucune charge nouvelle à celle qu’ils ont déjà à supporter, mais prélever les ressources nécessaires à l’Etat sur la fortune acquise, après la mort des détenteurs delariohesse. -Voila le moyen bien simple, trop simple pour être accepté par les routiniers de notre temps, par les pêcheurs en eau trouble du monde financier, par les accapareurs de la richesse générale.
- Le droit de l’Etat à une part de la richesse créée franchement établi ; ce droit perçu en une seule fois sur la richesse acquise après le décès des personnes , voilà le seul impôt qui convienne à une civilisation avancée comme la nôtre. Tous les autres moyens accumulés dans la multiplicité des ]napôts pour arriver à tirer du peuple les ressources nécessaires à la marche des services publics, S0Qt des moyens abusifs, à nous légués par la féodalité, l’exploitation des peuples et la routine.
- Le remède pacifique à ces abus est dans l’exer-cice du droit d’hérédité de l’Etat.
- ,^ans cela on n’évitera pas le cataclysme d’une Solution violente.
- ne remédiera pas à tous les abus, en y joutant de nouveaux abus.
- les ar ^acr®a^on nouveaux impôts, on aggravera
- s charges sur ce qui est l’aliment de notre activité e notre existence.
- Il faut, en politique comme en tout le reste, savoir s’élever au dessus des préjugés. L’impôt estla charge séculaire toujours imposée au.faible par le fort, au vaincu par le .vainqueur, au peuple parle despotisme. Il faut que le peuple soit rendu à la liberté. L’impôt c’est l’oppression, c’est la contrainte ; ce n’est pas la liberté.
- Le remède pacifique aux dangers de la situation réside dans le droit de l’Etat à prélever, au décès des ci toyens,une part surla richesse acquise par ceux-ci ; il consiste à faire payer à la richesse laissée sans emploi à la mort ce qu’on exige maintenant du vivant des personnes.
- L’hérédité de l’Etat est le remède à la situation ; l’hérédité de l’Etat est le véritable moyen de nous sauver d’un profond cataclysme social.
- Au moment de mettre sous presse, nous lisons dans les journaux intéressés certaines interprétations d’une lettre deM. Glamageran insérée dans le journal Le Temps, lettre que l’on voudrait faire accepter comme une négation du reportage du journaliste du National, que nous reproduisons plus loin. En réalité, la lettre de M. Glamageran précise quelques points de son programme réformateur, elle explique que certains projets du ministre n’étaient pas présentés avec le caractère d’urgence qui leur a été attribué, mais elle ne contient aucune négation catégorique_ qui puisse modifier les réflexions que nous a inspirées la conduite du ministre démissionnaire.
- Les Spéculateurs et la Guerre
- Les guerres et les bruits de guerre si funestes au travail sont habilement-entretenus et exploités par les spéculateurs. Les désastres financiers qui ont marqué la liquidation du dernier mois nous donnent une faible idée des audaces de la spéculation.
- Dans une même semaine nos titres de rente ont varié de 1 fr. 40, et les autres valeurs cotées en Bourse ont suivi des fluctuations analogues. Sur la totalité des titres de rente, cette différence correspond à une somme de 500,000,000 environ. On peut évaluer à plus d’un milliard la dépréciation des valeurs de Bourse.
- Cependant rien n’a été changé dans la fortune des nations. Ces variations des valeurs cotées ne sont justifiées par aucune modification de la fortune réelle des peuples.
- On cite un seul financier dont les pertes dépassent une douzaine de millions.
- Les pertes de ce genre représentent une somme égale de gains encaissés par d’autres spéculateurs.
- Ces centaines de millions, ces milliards que déplacent les complications.politiques, sont recueillis par quelques centaines de familles ayant le monopole de la direction financière dans toute l’Europe.
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- On évalue en France la totalité des salaires' annuels pour l’ensemble des salariés à 12 milliards environ.
- Si l’on compare la totalité des salaires accordés aux travailleurs créateurs de toutes richesses, et le butin des financiers qui spéculent sur les richesses créées par le travail, on verra que la part individuelle de chacun des premiers est une quantité négligeable à côté des profits scandaleux encaissés par chaque famille de spéculateurs.
- Aussi longtemps que les bruits de guerre auront de semblables effets, on conçoit que ceux qui sont organiséspour bénéficier de ces circonstances ne reculeront devant aucun moyen pour susciter des haines et des inimitiés entre les peuples.
- L’union des travailleurs résolus à affirmer a tout propos leurs volontés pacifiques pourra seule avoir raison des calculs et des conspirations de la finance.
- On prêtait au nouveau ministre des finances, M. Clamage-ran, l’intention de supprimer les trésoriers-payeurs généraux et probablement aussi les receveurs particuliers. Il n’est pas étonnant que la dévulgation de ces projets ait soulevé contre leur auteur ies puissants intérêts que vise cette réforme. Ces sinécures donnent droit à leurs titulaires à des appointements dépassant toutes les limites permises dans une démocratie ; ainsi la trésorerie générale de Versailles rapporte la modique somme de cent mille sept cents francs, sans compter dift'érents autres revenus que nous énumérerons plus loin.
- Les traitements et émoluments des trésoriers-payeurs généraux et des receveurs particuliers des finances, figurent au budget de 1885, pour une somme de 6,3il,700 francs; soit une réduction de 375,000 francs sur les années précéd ntes qui devra porter exclusivement sur les trésoreries générales, dont le produit dépasse 30,000 francs.
- Or,celles-ci, étant seulement au nombre de deux, la réduction de 475,000 fr. portera donc sur 85 trésoriers généraux; ce qui fait en moyenne une diminution de 5.580 francs pour ces derniers.
- Qu’est-ce qu’une réduction aussi peu sensible pour les trésoriers généraux du Nord, de la Seine-Inférieure, des Bouches-du-Rhône, du Rhône, de la Seine, etc., dont les émoluments s’élèvent à 102 900 fi., 157,800 fr., 142,800 fr., 139,400 fr.?
- Et ce ne sont pas là, comme nous le disions tout à l’heure, les seuls produits des trésoreries générales.
- En 1883,voici comment se décomposaient les 3,800,000 fr. attribués aux trésoriers-payeurs généraux.
- Traitements fixes......................... 537.000fr.
- Commissions sur les recettes.............. 1.435 481
- Commissions sur les dépenses.............. 1.761.591
- Remises sur les produits des bois de l’Etat 65,928
- Mais, outre cette somme, les trésoriers généraux ont encore reçu, en 1883, à titre d’émoluments pour service hors budget, une somme de 1,268,081 francs, se décomposant fi nsi:
- Remises sur placements des communes . . 221,828 ff
- Taxations allouées par la Caisse des Dépôts
- et Consignations........................... • • 993,788
- Taxations allouées par la Légion d’honneur 32,278 Remises sur coupes de bois extraordinaires
- des communes................................. 38,181
- Soit................................. 1,280^8??,
- A ces émoluments, sont encore venus s’ajouter :
- 1° A titre d’intérêts en comptes courants,
- une somme de .... ........................ 6.312.965 69
- 2® Pour commissions allouées par le
- Crédit foncier. ,......................... 1.572.195 44
- 3° Pour commissions allouées par la Ville
- de Paris.................................. 97.840 56
- L’ensemble des émoluments des trésoriers-payeurs généraux s’est donc élevé,en 1883, à la somme totale de i3,069,-082 francs 69, de laquelle il y a lieu de déduire une somme de 6,125,929 francs 78, représentant les frais de personnel et de matériel ; ies remises aux receveurs particuliers pour les achtts de rentes ; les intérêts calculés à raison de 2 1/2 0/0 sur les sommes versées, à titre de fonds de dépôt, et enfle ]es intérêts sur le montant des fonds personnels des trésoriers généraux engagés dans le service, calculés à 6 0/0.
- 11 en résulte donc qu’en déduisant les d‘penses des recettes, 1 ensemble des bénéfices des tré. ore, ies générales s’est élevé en 1883, à 6.943,152 francs 99 centimes, représentant une moyenne nette de 80.133 francs par trésorerie générale!!
- Comment prétendre ensuite que les trésoriers-payeurs généraux sont des comptables des deniers publics dans tonif l’acception du mot ?. Mais ce sont de véritables banquiers, doublés des anciens fermiers généraux d’avant la Révolution.
- Tout en percevant l’impôt direct et en effectuant des dépen. ses publiques pour le compte de l’Etat, ils prêtent leur cou. cours aussi bien aux étab ossements publics et privés qu’aux communes et qu’aux particuliers, car ils se livrent même s l’escompte du papier de commerce.
- Les Bibliothèques municipales
- Le cabinet du préfet de la Seine vient de préparer et publier un curieux rapport sur les bibliothèques municipale L’institution de ces bibliothèques est, on peut le dire, une création de la République : il y en avait une sous l’empirep°uf tout Paris; à l’heure qu’il est, il en existe quarante-511 pourvues, en général, d’une salle publique pour la lecture sur place et d’un service de prêts au dehors. La ^ volonté du conseil municipal est que chaque quartier ait bibliothèque installée tantôt dans une salle delà mairie, tan dans une école, et il est permis de croire que, d’ici a PeU temps, ce programme sera exécuté. ^
- 11 faut en effet que les bibliothèques ne manquent paS lecteurs, car les lecteurs ne font pas défaut aux biblioW Le nombre des ouvrages lus dans l’année 1884 a été de ' 000, c’est à-dire 100,009; de plus qu’en 1883. Le c'^ des \U res prêtés dépasse de beaucoup celui des livres la»
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- Igre 600, 000 contre 100, 100 ; et il faut bien qu’il en soit P. • car dan- pas mal de bibliothèques encore, celles du 8e, ; .7,y) des rues d’Argenteuil, Saint-Denis, de Vaugirard, etc., il n’a Pas encore été permis d'aménager un local pour les ecteurs.
- Il est intéressant de savoir comment se repartissent ces '00 000 ouvrages. Les sciences et les arts comptent pour 65 000, l’histoire pour 58,000, la géographie pour 64,000 la littérature, la poésie et le' théâue pour 84,000 et — detail à noter et qui prouve quels progrès fait chez nous l’étude des loties vivantes, — les littératures étrangères pour 3, 000. l^roman, comme il faut s’y attendre, fournit le plus fort contingent, plus de la moitié, 400,000. Ce chiffre n’est pas pour nous effrayer. D’abord il est des romans qui sont des chefs-d’œuvre et il ne nous semble pas que le temps passé à lire Victor Hugo, George Sand, Balzac, Gustave Flaubert, Stendhal soit du temps perdu. Nous savons que les commissions locales chargées du choix des livres s’acquittent de leur tâche avec zèle et intelligence et n’admettent un ouvrage qu’à bon escient. Aussi bien faut-il se rappeler que ces bibliothèques sont des bibliothèques populaires, que le public qui les fréquente est en grande majorité composé de travailleurs qui y viennent chercher avant tout un délassement. C’est déjà quelque chose que de savoir s’amuser d’une façon intelligente. Sans doute le choix des lectures importe, mais le principal est de lire et d’y prendre goût. On commence par Ponson du Terrail et l’on finit par Victor Hugo et Michelet.
- Notons un chiffre qui fera plaisir aux amis de la musique : il y a eu 23,000 prêts de morceaux et partitions. A ce propos, nous recommandons aux commissions nos vieux maîtres français, tombés aujourd’hui dans un oubli immérité, et sacrifiés aux modes exotiques, les vrais inventeurs du drame lyrique, les Rameau, les Saccliini, lesMihul, les Dalayr ac, les Berton, et Bétonnant Spontini, presque aussi grand que Gluck.
- Cette statistique est du meilleur augure pour l’avenir. Elle nous prouve que, quoi qu’on dise, l’amour des plaisirs délicats, des distractions esthétiques ne diminue pas dans la population parisienne, mais bien au contraire va chaque jour se développant, faisant de nouvelles recrues et achevant pour l’adulte au moyen de la bibliothèque l’éducation que l’école a ébauchée pour l’enfant.
- Frédéric montargis.
- Progrès de l’Association.
- h association s’impose malgré toutes les préoccupations con-tfaires dans les milieux les plus opposés à ses tendances finales.
- Sent assemblées départementales du midi ont voté la Ormation d’un syndicat de ces départements pour l’exécution en commun des canaux d’irrigation et de transport sur leurs territoires.
- En Allemagne, il vient de se former, sous le nom de eu^her Zncker-Exportverein, zu Magdebourg, une ‘ 0 lal*°n qui a pour but de former un lien commun entre les
- ^portateurs de sucre des rayons de Magdebouiget de Bruns-Wick n J . ^ c
- • _ un pense que les négociants exportateurs des autres
- rc‘ies sucriers de l’Allemagne adhéreront sous peu à cette
- même association, dont la première assemblée ordinaire a eu lieu le 3i mars.
- L’a-sociation se propose d’élaborer un règlement plus pratique pour la liquidation des contrats des place; de se mettre en rapport avec les comités sucriers de l’étranger, et principalement avec le Beetroot - Sugar - Association de l’Angleterre, en vue d’amender les conditions des contrats; et, enfin, de nommer une commission d’arbitrage pour vider, sans l’intervention onéreuse de la justice ordinaire, les différends pouvant surgir entre les vendeurs et les acheteurs. L’assemblée du 31 mai s a nommé sa première commission exécutive.
- Ces associations poursuivent certainement un but opposé aux théories socialistes ; elles sont créées pour activer la concurrence ; mais lorsqu’elles seront parvenues à la rendre trop aigtîe, elles auront une force réelle pour la pondérer selon les besoins de la vie humaine.
- L’union des sucriers allemands va certainement aggraver la concurrence internationale ; mais elle sera en même temps l’atténuation de cette même concurrence dans la nation allemande.
- Nos industriels n’ont d’autre moyen de faire face à la situation sortie de l’entente des fabricants étrangers que de constituer un syndicat opposant la totalité des fabricants français à l’ensemble des sucriers allemands. Du même coup la concurrence entre nos nationaux se trouvera perdre de son intensité.
- Enfin lorsque les intérêts industriels seront unis dans les nations, il ne tardera pas à devenir évident partout qu’il est nécessaire d’harmoniser ces intérêts avec les garanties de la vie humaine ; ce qu’on ne pourra faire autrement que par des accords internationaux visant l’organisation universelle du travail.
- Les Programmes électoraux
- Quelques mois à peine nous séparent de l’époque des élections générales.
- Nul ne semble avoir souci de rechercher à temps quelle doit être l’œuvre de la prochaine législature.
- On parle vaguement d’union entre les républicains des diverses nuances ; mais on se garde d’insister sur les conditions de cette union.
- Les masses électorales, jusqu’à présent, n’ont pas su se mettre en mouvement d’elles-mêmes ; elles ont toujours attendu le mot d’ordre des chefs du gouvernement ou des meneurs des partis.
- C’est à cette indifférence que nous devons nos désastres ; c’est elle qui est la sauvegarde des abus qui nous accablent.
- Il est grand temps d’inaugurer d’autres pratiques.
- Si l’on continue à attendre le mot d’ordre des intrigants, ceux-ci choisiront toujours le moment le plus favorable à la satisfaction de leurs intérêts personnels.
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- Les comités ne doivent pas attendre que les candidats donnent le signal de l’agitation électorale,ni accepter,sans examen,les avis des hommes politiques sur le meilleur mode d’action électorale.
- En mettant les membres des comités en garde contre l’apparente indifférence des candidats, nous confondons avec ces il erniers les finauds que l’on rencontre dans presque tous les comités et qui s’y emploient à les faire manœuvrer suivant les indications des ambitieux, dont ils escomptent les nominations dans le but d’en retirer des avantages particuliers.
- A cette heure, quiconque fait partie d’un comité électoral et en empêche le fonctionnement, sous prétexte qu’il est prématuré de s’occuper de la question électorale, fait preuve d’un grand aveuglement, ou bien se laisse guider par des considérations inavouables.
- Les citoyens dévoués à la chose publique déjoueront ces calculs en hâtant l’étude des programmes.
- Nous les engageons à ne pas attendre plus longtemps; il est urgent d’apprendre au peuple à savoir se servir du suffrage universel.
- Nous avons déjà indiqué, comme réforme première, le renouvellement partiel et annuel des corps élus. Les manifestations fréquentes du suffrage, universel, qui sont la conséquence de l’adoption du renouvellement partiel et annuel, ont une valeur éducative dont personne ne peut nier l’efficacité et contester l’utilité.
- Il n’est pas raisonnable d’espérer des résultats satisfaisants d’un système trop imparfait.
- Lorsqu’on réfléchit aux nombreuses et profondes réformes indispensables à nos sociétés si tourmentées, on est porté à se préoccuper avant tout d’un bon fonctionnement du pouvoir souverain.
- * *
- Parmi les questions que peut et que doit résoudre le suffrage universel aucune n'est plus importante que la réforme financière.
- Dans la situation présente, il serait téméraire de soutenir que le suffrage universel est suffisamment conscient pour donner une solution dans sa prochaine consultation.
- Il faut cependant attaquer ce problème et ne pas l’abandonner avant qu’il soit résolu ; le renouvellement annuel et partiel sera un moyen de le remettre fréquemment à l’étude ; chaque année la discussion de l’ensemble fera la lumière sur quelque partie de la question.
- Nous ne voulons pas insister ici sur l’immensité du désastre financier qui se prépare,si on continUe à laisser aller les choses suivant les ha bitudes prp ses.
- Les difficultés financières sont susceptibles d’être envisagées d’après deux point de vue :
- — Politiquement, il est nécessaire d’équilibrer les budgets et de mettre une limite aux dépenses croissantes ; les gouvernants responsables de la direction de la nation ont déjà encouru une trop grande culpabilité en laissant accumuler les déficits budgétaires.
- — Socialement, il convient de délivrer le travail de toutes les charges d’une fiscalité écrasante et de chercher quel est le meilleur moyen de prélever les ressources publiques sur la richesse acquise.
- Si nous reconnaissons que notre éducation publique n’est pas encore assez avancée pour être capable de dénouer la question financière suivant nos préférences, nous pensons qu’elle est suffisam. ment mûre pour comprendre la nécessité de la division que nous venons d’indiquer.
- Les comités électoraux ont mission d’examiner, dès maintenant, comment ils veulent envisager le problème financier. Ceux qui ne veulent pas sortir des ornières de la politique et de la routine doivent avoir l’honnêteté de faire connaître nettement leur opinion et de proposer des moyens propres à sauver l’Etat de la banqueroute. Ceux qui ont la prétention d’intervenir suivant l’intérêt social, ceux-là devront affirmer leur principe et formuler des projets atteignant véritablement le but qu’ils annoncent. Mais, nous devons le constater avec regret, combien peu d’hommes sont capables, en France et ailleurs,quoique animés des meilleures intentions, de discerner entre les mesures purement politiques et les réformes véritablement sociales.
- La tâche des politiciens est beaucoup plus facile que celle des socialistes.
- Les premiers n’ont qu’à choisir entre des procédés connus et pratiqués. Même, ils n’ont pas rigoureusement besoin d’innover; ils n’ont qu’a équilibrer des dépenses par des recettes ; et les impôts actuels, que la masse supporte sans protester, suffiront à l’équilibre budgétaire, si la délégation du suffrage universel reçoit le mandat d’élimiuer les dépenses inutiles, et si on lui interdit de se lancer dans les aventures.
- Que l’on supprime le budget des cultes, que 1°D
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- se débarrasse par voie d’extinction et demise à la retraite de tous les fonctionnaires inutiles dans l’ordre politique, administratif et militaire. Que l’on renonce à la politique coloniale et à ses pompes beaucoup trop aspirantes. L’Etat aura aussitôt un bon budget de père de famille : comparaison qui nous vient sous la plume comme par hasard et qui nous semble cependant assez juste pour que nous
- larelevionsincidemment.Oui,d’aprèslaméthodeque nous venons d’exposeï,l’Etat aura un budget de père de famille, tout-à-fait comme le père dans la famille de notreépoque où la plusgrande partie des revenus familiaux sont absorbés par le chef de la prétendue communauté, souvent au détriment de la mère et des enfants ; c’est-à-dire que l’Etat aura un budget selon les convenances des classes capitalistes et privilégiées maîtresses du gouvernement, qui, elles, ne veulent pas du renouvellement partiel et annuel, parce qu’elles ont peur d’user trop vite des ruses électorales qui n’ont d’effet que d’autant qu’on pratique.
- Avec les économies que nous venons de signaler, en écartant tous nouveaux projets de dépenses on aura des budgets juste selon les intérêts des classes aisées, et rien de plus.
- Il faut que ces économies et ces suppressions de dépenses dépassent au moins cent millions. Les expédients des derniers gouvernements, les aventures coloniales, et toutes les fantaisies politiques de gouvernants insensés ont accumulé des déficits dont le total n’est pas moindre d’un milliard et demi. On ne pourra payer ces déficits sans faire un emprunt dont la dotation excédera les ressources que l’on rendrait disponibles par la suppression du budget des cultes. Les autres économies, si l’on évalue à cent millions l’ensemble des diminutions possibles,compenseront à peine les réductions qui s’imposent dans les évaluations des recettes pour avoir des budgets offrant un équilibre véritable. .
- Dans les exercices suivants les nouvelles recettes provenant du développement de la fortune publique suffiront à peine aux améliorations que l’on ne peut refuser au département de l’insiruction primaire.
- Avant de nous adresser aux électeurs et aux candidats entraînés par de vagues aspirations socialistes, nous avons voulu indiquer aux conservateurs ce qu’ils avaient à faire de plus sage pour durer le plus de temps possible ; car s’ils continuent a ne pas surveiller la gestion de leurs mandataires,
- ils fatigueront le peuple et s’exposeront à des attentats révolutionnaires dont ils auront beaucoup à souffrir.
- Les socialistes eux-mêmes ont intérêt à laisser l’ordre social présent faire lui-même la démonstration de son insuffisance.
- En dehors de ce que nous avons proposé, les conservateurs républicains ne trouveront qu’ag-gravation immédiate.
- Ils n’ont pas le droit d’aller aux urnes sans tenir compte de l’emprunt énorme qu’ils ne peuvent retarder plus longtemps. Et cet emprunt pose le dilemme de l’augmentation des impôts, ou de grosses économies.
- Nul n’osera soutenir ouvertement que le peuple travailleur est en état de supporter de nouveaux, impôts. C’est cependant ce que voteront les députés aussitôt qu’ils seront réunis, si les électeurs ne déclarent catégoriquement dans les programmes électoraux qu’ils repoussent toute augmentation des charges fiscales. Les conservateurs républicains qui ne veulent pas provoquer le peuple à la révolte, les travailleurs qui trouvent déjà trop onéreux les prélèvements de l’Etat sur le produit de leur travail, tous les gens sensés doivent être unanimes pour inscrire dans les programmes ces trois mots :
- Budgets en Equilibre ;
- Economie rigoureuse ;
- Pas de nouveaux impôts ou d’augmentation des anciens.
- Mais il ne suffit pas aux électeurs de se limiter à ces vagues affirmations; ils devront encore se préoccuper de la forme à donner aux impôts. Ils n’ignorent pas que certains impôts coûtent beaucoup plus à percevoir que d’autres.
- Nous avons d’abord mis en évidence les idées générales qui nous semblent devoir être acceptées par les républicains de toutes nuances. Nous signalerons prochainement les divergences de vues en ce qui concerne la nature des impôts et la manière de les percevoir et nous réduirons au minimum les clauses visant la question financière, clauses qui pourraient selon nous rallier toutes les fractions socialistes.
- PROPAGANDE DE LA PAIX
- Nos correspondants et les personnes qui s’intéressent à la propagande de lo
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- paix sont invités à nous faire parvenir au plus tôt les renseignements concernant leurs régions. Nos lecteurs, désireux d a-cheterun certain nombre d’exemplaires de notre prochain tirage réservé aux questions d’arbitrage et de désarmement, sont priés de nous envoyer inmédiatement leurs commandes.
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- LXXXI
- La répartition de la richesse
- Tout précepte de morale politique et sociale pêche par la base s’il ne conduit à une juste répartition des biens naturels et des produits du travail humain dans les sociétés.
- FAITS POLITIQUES ET SOCIAUX
- IDE LA. SBIÆA-IÜSrE
- FRANGE
- La retraite de M. Clamageran. — Un rédacteur du Nationale, eu une entrevue avec M. Clamageran et rend compte de l’entretien qu’il a eu avec lui, et au cours duquel l’honorable sénateur a fait connaître les motifs qui l’avaient déterminé à abandonner le ministère des finances.
- Voici comment s’est exprimé M. Clamageran :
- J’avais en effet l’intention de faire toutes les réformes possibles dans le personnel des perceptions et, surtout, dans le personnel de l’administration centrale, où des économies sérieuses peuvent être réalisées tout en assurant l’expédition plus rapide des affaires.
- Ces réformes avaient été mûrement étudiées par moi depuis quelques années au conseil d’Etat, où j’avais été chargé de la rédaction du rapport sur le projet de réorganisation du personnel des finances, proposé en 1877 par M. Marcel Barthe, et renvoyé par la Chambre au conseil d’Etat, qui n’en est pas encore dessaisi.
- En acceptant le portefeuille des finances, je oensais que le moment était venu de réaliser celles de ces réformes qui me paraissaient immédiatement réalisables, et nul doute que je n’y lusse parvenu, si je ne m’étais pas trouvé en désaccord avec mes collègues sur d’autres points.
- J’ai toujours pensé que les intérêts d’un grand pays et la prospérité des affaires étaient directement intéressés à la bonne administration des finances.
- Pour mettre mes actes en rapport avec ce que j’ai toujours dit et pensé, je voulais un budget en équilibre, non cet équilibre factice qu’on présente chaque année au pays lors du vote du budget, et qui se change invariablement, à la fin de chaque exercice, en un déficit plus ou moins considérable qui vient sans cesse grossir les charges si lourdes du pays.
- Mon intention était donc d’apporter de profondes modifications au budget de mon prédécesseur, et, je dois l’avouer, l’état de ma santé m’a fait reculer devant la lutte que j’allais être forcé d’entreprendre contre la commission du budget, qui ne m’a que trop montré la hâte qu’elle veut mettre cette année dans l’examen du budget de 1886.
- J’étais notamment opposé à la création du compte spécial des chemins de fer, et, en général, à tous les petits budgets qui viennent, en dehors du budget ordinaire, grossir outre mesure la dette flottante.
- J’avais, en outre, l’intention de demander l’établissement de nouvelles taxes, et je visais spécialement sur les alcools pour équilibre! les recettes et les dépenses, en attendant que les circonstances permissent la souscription d’un emprunt inévitable destiné à combler le déficit. Il faut, à tout prix, ramener le budget cà des conditions normales, et le maintenir à l’avenir dans des conditions rigoureuses d’équilibre.
- Tels étaient mes projets, a dit en terminant M. Clamageran. Dans l’esprit de mes collègues, le moment n’était pas encore venu de les réaliser, et c’est là le motif véritable de ma retraite. J’espère qu’ils pourront être réalisés bientôt, mais pour cela, il faut que l’opinion du pays se manifeste dans les prochaines élections.
- Entre les révolutionnaires qui veulent des réformes radicales irréalisables et les conservateurs qui n’osent toucher à rien, il faut que le pays choisisse des mandataires dont le programme ne renferme que de sages réformes immédiatement réalisables. Les ministres, forts de l’opinion publique qui se sera manifestée dans les collèges électoraux, pourront alors vaincre tous les obstacles et réaliser enfin les espérances qu’avait fait naître le rétablissement du régime républicain.
- Que la presse fasse son devoir, qu’elle éclaire le pays, et j’espère que mes idées triompheront dans la prochaine législature.
- M. Clamageran a clos l’entretien par ces mots :
- J’estime qu’un honnête homme ne peut accepter le pouvoir qu’à la condilion d’y applijuer les idées qu'l a défendues, soit dans l’opposition, soit par la parole, soit par la plume.
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- * ¥
- Préparation électorale dans le Puy-de-Dôme.— Les conseillers généraux du Puy-leDôm* se sont réunis, afin de prendre les mesures nécessaires pour assurer au département une députation républicaine.
- Il a été décidé :
- 1 Qu’un Comité serait formé dans chacun des cantons du département. Ce Comité aura pour président le conseiller général républicain ; à défuit de conseiller général républicains, le conseiller d’arrond.sseme t républicain ; à défaut de conseiller général et de conseiller d’arrondissement républicain, le maire du canton ou tout autre maire, délégué par le comité d’initiative dont il sera question ci-après ;
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- 2. Que le comité Canton il comprendrait, outre le conseiller général, le conseiller d’arrondissement et les maires républicains de toutes les communes, on à défaut de mare républicains, un électeur de la commune délégué parla commission d’initiative ;
- 3. Que ce comité cantonal aurait pour mission d’organiser, sur l’invitation du comité d’initiative, une réunion publique de tous les électeurs républicains du canton chargée de fixer les grandes lignes du programme que devrontaccepter les candidats et de nommer les délégués qui devront se rendre à Clermont pour y former la réunion plénière qui arrêtera la liste des candidats républicains ;
- 4. Que le nombre de ces délégués serait de un par mille habitants, chaque fraction supérieure à cinq cents habitants donnant droit à un délégué de plus ;
- 5. Qu’un comité d’initiative à la formation duquel il a été procédé, serait chargé de prendre toutes les mesures matérielles que comportera la convocation des comités cantonaux, des électeurs républicains et des délégués ;
- 6. Que le Comité d’initiative se c imposerait de cinq conseillers généraux, de cinq citoyens notables.
- Réunion électorale à Ghateauroux. — Dans le département de l’Indre on commence aussi à organiser en vue des prochaines élections ; mais, comme ailleurs, on semble beaucoup plus disposé à faire échec aux candidats monarchistes qu’à combattre résolument les idées routinières.
- Une réunion préparatoire de tous les conseillers généraux, conseillers d’arondissement, maires ou délégués républicains des chefs-lieux de canton de l'Indre a eu lieu mercredi à Châteauroux.
- M. Deconrteix, maire de La Châtre, a été élu président. Après discussion, la réunion a décidé la formation d’un congrès départemental chargé d’arrêter la composition d’une liste unique de canditats républicains.
- Ce congrès se composera des députés, conseillers généraux, conseillers d’arrondissement et de tous les maires républicains du département.
- Il sera, en outre, choisi un délégué républicain par 500 habitants ou fraction de 500 habitants, sans que le nombre total des délégués pour le département puisse être inferieur au nombre des communes.
- Il est institué une commission d’initiative de dix membres, dont la mission sera de régler tous les détails d’organisation, d’action et de propagande.
- A Toulouse, les sénateurs, députés, conseillers généraux et conseillers d’arrondissement républicains se sont réunis en vue des prochaines élections législatives.
- Après une longue discussion, il a été décidé que les conseillers généraux et les conseillers d’ar ondissement réuniraient, dans leurs cantons respectifs, les maires républicains et provoqueraient la formation d’un comité cantonal.
- Le comité nommera des délégués à raison de un par cent électeurs républicains, et ces délégués, réunis à leur tour, feront choix des candidats.
- Les opérations auront lieu dans tout le département huit 0urs avant l’ouverture de la période électorale. Les votes
- seront dépouillés au cunton, puis centralisés et additionnés an chef-lieu, où le résultat généralsera proclamé.
- On évalue à six cents environ le nombre des délégués qui participeront à la formation de la lLte.
- Dans les cantons où ii n’existe pas de conseiller général ou de conseiller d’arrondissement républicain, l’ancien candidat qui se présenta au dernier scrutin contre le candidat réactionnaire élu prendra l’initiative du comité, d’accord avec les notables républicains.
- Tous les membres de la réunion ont affirmé leur vif désir de faire échec, par une entente solide et une action soutenue, aux candidats réactionnaires.
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- Associations coopératives. — M. Allain-Targé, ministre de l’intérieur, a reçu une délégation de la chambre consultative des associations coopératives ouvrières de production.
- L’entrevue a porté principalement sur la question du sectionnement des lots, des cautionnements, des crédits, des facilités pour la soumission aux travaux de l’Etat et des villes, des certificats d’aptitude de l’exposition du travail.
- An sujet du sectionnement des lots, M. Allain-Targé a déclaré qu’il allait mettre à l’étude un projet de loi qui sera déposé prochainement sur le bureau de la Chambre.
- Les délégués se sont plaints des retards apportés par les administrations publiques au règlements des comptes. l’Etat et les villes ne favorisent pas assez les associations coopératives ouvrières.
- M. Allain-Targé a promis de rechercher la solution des difficultés qui se produisent. Il s’est engagé à donner son appui à l’organisation d’une exposition du travail pour 1889.
- Canal de Suez. — La sous-commission du canal de Suez a consacré la plus grande partie de sa séance d’hier à discuter les conditions dans lesquelles il conviendrait d’étendre au canal d’eau douce qui relie Ismaïlia au Caire les principes de protection et d’inviolabilité qui doivent assurer la liberté de navigation du canal maritime proprement dit.
- M. Ferdinand deLesseps et son fils, M. Charles de Lesseps, qui assistaient à la séance, ont été priés de donner leur avis sur cette question. Ils ont répondu que, du moment que les puissances avaient décidé de réglementer, par une convention internationale, la neutralité du canal déjà in-crite dans le firman de concession du sultan, il y avait lieu détendre les mêmes garanties d’inviolabilité au canal par lequel la voie maritime et les villes situées sur son parcours sont alimentées d’eau douce.
- Ils ont seulement fait observer que le canal d’ismaïlia au Caire n’était pas seulement destiné à assurer cette alimentation, mais qu’il constituait encore une voie de communication intérieure entre ces deux villes. 11 s’ensuit, d’une part, que s’il est juste de lui appliquer les mêmes principes d’inviolabilité qu’a la voie maritime, en raison de sa dépendance, il n’y a plus lieu, d’autre part, de le soum°ttre, en tant que voie de communication intérieure, aux règlements destinés à
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- assurer la liberté de navigation aux pavillons de toutes les puissances.
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- La commission, tenant compte de ces explications, est tombée d'accord sur une rédaction qui, tout en étendant au canal d’eau douce la même neutralité effective que celle du canal maritime, laisse cependant subsister tous les droits et privilèges du gouvernement égyptien sur le batelage qui sera effectué sur son parcours.
- ALLEMAGNE
- Le Reichstag a voté, par 122 voix contre 111, après six heures de débats, l’augmentation proposée à la taxe sur les bœufs étrangers, qui se trouve portée de 20 à 30 marcs. Au cours de la discussion, un député bavarois, M. Dieudorfer (centre), professeur à Passau, a appelé l’impôt sur les bestiaux une « tyrannie inouïe » et l’a condamné, ainsi que la taxe sur les céréales, comme une mesure nuisible au peuple. M. Rickerta fait allusion à la possibilité de représailles de la part de l’Autriche. M. Eugène Richter a été empêché de parler par un vote de clôture.
- Le Reichstag a aussi porté de 10 à 20 marcs les droits sur les chevaux et a fixé à 9 marcs la taxe sur les vaches et les taureaux, à 6 marcs celle sur le jeune bétail, et a 3 marcs celle sur les veaux au dessous de six semaines.
- ETATS-UNIS D’AMÉRIQUE
- On lit dans le Temps : Des ouvriers employés à creuser un puits de mine près de Moberly, Missouri, viennent de découvrir à 360 pieds de profondeur une antique cité restée intacte grâce à une couche épaisse de lave durcie qui forme voûte au-dessus d’elle. Avis de cette merveilleuse découverte a été envoyé à Moberly, et un certain nombre de notables de cette ville ont entrepris immédiatement une première exploration, qui a duré douze heures. Les explorateurs croient n’avoir vu dans cet espace de temps qu’une petite portion de la ville ensevelie.
- Les rues qu’ils ont parcurues étaient régulièrement tiacéeset bordées de murs en maçonnerie grossière. Ils sont entrés dans une salle de trente pieds sur cent garnie de bancs de pierre et où il y avait une quantité d’outils pour travaux mécaniques. Dans plusieurs bâtiments sont des statues faites d’une composition ressemblant au bronze, mais plus terne. Au milieu d’une vaste cour ou place se dresse une fontaine de pierre d’où coule une eau que les explorateurs out goûtée ; ils lui ont trouvé un goût prononcé de chaux. Près de la fontaine gisaient des portions d’un squelette humain. Les os d’une jambe ont été mesurés par le recorder ; le fémur est long de quatre pieds et demi, et le tibia de quatre pieds trois pouces; d’où l’on déduit que l’homme devait avoir une taille triple de la taille moyenne de nos jours. Les explorateurs ont trouvé aussi des couteaux de bronze et de silex, des scies métalliques et beaucoup d’autres outils dont le travail, quoique grossier comparé à celui des fabricants d’aujourd’hui, dénote un état avancé de civilisation. Une seconde exploration sera faite avant la fin de la semaine.
- On lit dans « Il Secolo » de Milan, en date des 17-18 courant :
- LES ETATS-UNIS D’EUROPE ET L’AFGHANISTAN
- S’il y a dans toutes les nations une sorte de recrudescence à rechercher ses intérêts propres, chaque jour, des événements nous rappellent qu’au lieu d’être citoyens d’une seule patrie nous sommes, en Europe, membres de la grande famille européenne,
- Tout événement qui trouble profondément la vie politique de l’un des Etats d’Europe est ressenti subitement par contre-coup dans tous les autres.
- L’idée des États-Unis d'Europe proclamée depuis des années comme garantie de paix, par la démocratie humanitaire, obtient chaque jour, des événements, une lumineuse démonstration en sa faveur.
- Les partisans mêmes des grands monopoles économiques et politiques, ceux qui rient du principe du concert européen et en contrecarrent la réalisation, sont amenés à y recourir chaque jour pour des cas spéciaux.
- Que fut le dernier traité de Berlin réglant la question d’Orient, sinon une application de ce principe, bien que cette application fut déguisée sous de vieux raisonnements ?
- Et les maximes générales adoptées également à Berlin pour la colonisation du Congo, et les idées déjà échangées entre les cabinets des grandes puissances européennes et qui bien vite ont donné lieu à une conférence internationale pour la neutralisation du canal de Suez, et les décisions prises pour la navigation du Danube, ne sont-ce pas là toutes preuves de la multitude des intérêts communs aujourd’hui à tous les pays d’Europe ?
- Le commerce et l’industrie sont appelés à accroître chaque jour ces intérêts communs et à nécessiter ainsi, de plus en plus, des conférences internationales européennes.
- Sachons faire un nouveau pas, donner une forme stable à ces congrès temporaires, et la grande idée humanitaire sera un fait accompli.
- Comme un tel événement donnerait des garanties de durée à toutes ou presque toutes les institutions civiles; nous pouvons, avec la certitude du naturaliste, prédire qu’en un temps rapproché, peut-être au XXe siècle, la sublime idée de Carlo Cattaneo, Mazzini et Victor Hugo aura cessé d’être une utopie.
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- En attendant,l’heure actuelle est difficile. Rarement l’Europe s’est trouvée dans une passe plus ardue; le retour de la lutte d’il y a un siècle semble imminente.
- La «Baleine» s’est rencontrée avec «l’Eléphant» ; gare au heurt des deux monstres.
- Les conséquences du conflit commencé dans les plaines de l’Afganistan seraient tellement terribles, non seulement pour les combattants mais pour les neutres, qu’on veut et qu’on espère encore empêcher de recourir aux armes.
- Le cabinet de Rome semblant disposé à occuper l’Egypte pour le compte des Anglais afin de permettre à ceux-ci de courir sus aux Russes, Bismark intervint diplomatiquement et avertit l’Italie que tout acte tendant à soutenir les Anglais en Egypte serait considéré comme une intervention hostile à la Russie ; cet avertissement semble avoir porté ses fruits.
- En même temps se sont produites les premières ouvertures concernant la médiation germanique ; personne, en effet, plus que l’octogénaire empereur allemand ne pouvait naturellement s’interposer entre le Gzar et l’Impératrice des Indes.
- L’Angleterre regimba aux premiers mots en mordant son frein ; mais on peut dire que la médiation allemande se prépare et que l’Angleterre après réflexion la considérera comme le parti le meilleur pour elle.
- L’intervention tudesque à Rome et à Londres a pour origine un état de choses récent, qui réclame notre attention ; il prouve une-Europe solidaire malgré les divisions,les variations,les malentendus intéressés et les haines de races.
- Laissons certains publicistes commenter, avec plus ou moins de malice, les intentions de Bismark, attribuer au chancelier un dessin unique : diviser pour régner, et le montrer occupant toutes les nations européennes dans l’Extrême-Orient, afin d’empêcher les collisions éventuelles qui pourraient, en quelque façon, menacer l’Unité germanique.
- Quel que soit le but vers lequel tend Bismark, y a-t-il à répudier le concours de cet homme d’Etat, si, par lui, les Etats d’Europe peuvent s’habituer à soumettre leurs différends à un conseil d’arbitres et à accepter et éxécuter les décisions d’un tel conseil ?
- Bu reste, Bismark a intérêt à la paix, et cet intérêt est la meilleure explication de son action en aveur d’un arbitrage européen.
- Un conflit entre l’Angleterre et la Russie ne pourrait être que dangereux pour l’Allemagne.
- La Russie victorieuse, c’est l’empire du Czar plus formidable et le voisin plus dangereux. La Russie vaincue, c’est la défaite, peut-être la ruine des armées russes, et qui sait ? Les socialistes, les nihilistes, tous les mécontents du vaste empire conspirant à la révolte d’un peuple opprimé aspirant à toutes les institutions libres, dont jouit le reste de l’Europe.
- La médiation allemande dans le conflit anglo-russe est un pas de plus dans la voie des accords européens. Si contre notre attente elle échouait à conjurer le conflit, le dommage de la non-existence d’un tribunal international d’arbitres n’en resterait pas moins démontré.
- Oui, le devoir de toutes les nations est de s’employer au maintien de la paix, et s’il arrivait que celle-ci ne fût plus possible, de circonscrire la guerre entre limites inviolables, en pratiquant — chacune de son côté et à l’égard de toutes — la plus loyale et la plus rigouseuse neutralité.
- La Femme en Hollande, (1)
- PAR Mra* ELISE VAN GALGAR.
- Quand l’écho du mouvement en faveur des droits des femmes arriva des Etats-Unis d’Amérique sur les côtes de la Hollande, nos femmes furent d’abord offensées de voir appliquer à leur condition le mot émancipation. Sommes-nous donc des esclaves ayant besoin de délivrance ? disaient-elles , ainsi l’oiseau né en cage demanderait : quel bonheur y a-t-il en dehors de ces barreaux ? Ne puis-je faire tout ce que je souhaite : sauter d’un bâton à l’autre ?
- La femme hollandaise est fière de son origine. Elle se souvient que la première entre les femmes d’Europe, elle vit la lumière sur un sol délivré de la tyrannie religieuse, et, comme une véritable enfant de la réforme, elle regarde avec mépris ses sœurs catholiques condamnées à l’ignorance, élevées dans l’étroitesse d’esprit et la superstition des couvents. Combattre pour les droits des femmes lui parut tout à fait inutile. Les hommes de leur côté s’élèvent fortement contre le mot émancipation.
- L’idée d’une égalité entre l’homme et la femme leur semblait dangereuse et ridicule ; aussi dans tous les journaux et dans les discours publics l’idée de l’émancipation féminine fut-elle flétrie comme le fruit d’une aliénation mentale et rangée parmi les symptômes de la maladie du siècle, maladie dont on doit se garer comme d’une épidémie.
- Toutefois, même dans la Hollande si conservatrice à beaucoup d’égards, il se trouva quelques ardents penseurs qui envisagèrent plus largement la question, et des femmes douées de
- (1) Extrait du livre de M. Stauton • The womm question in Europe.
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- talents trop brillants pour se confiner indéfiniment dans le» soit s de la cuisine ou dans les petits dévoies de a tamilie.
- Longtemps, on débattit la question de savoir si la femme possédait réellement la capacité mentale nécessaire pour être placée au même niveau que l’homme et constituer véritablement la compagne intellectuelle de sa vie.
- Le plus grand nombre des hommes craignaient d’approfondir le problème. En attendant, beaucoup de femmes prouvaient par des faits, la valeur éminente de leurs dons intellectuels, en dépit des circonstances adverses dans lesquelles leurs facultés s’étaient développées.
- En dehors des besoins du ménage, le seul champ d’action qui n’ait pas été contesté aux femmes, c’est la charité ! Elles firent en Hollande ample usage de cette liberté; et ce fut souvent pour elles l’occasion de se pénétrer de l’insuffisance de leurs connaissances, en découvrant que même pour cette œuvre, elles n’avaient pas reçu toute l’instruction convenable.
- Des institutions charitables furent fondées de toutes parts : hôpitaux, asiles pour les femmes tombées et pour les enfants, abandonnés ; d es écoles de couture et de tricot s’élevèrent aussi en grand nombre.
- Mais, quoiqu’il y ait vingt ans passé depuis cette époque, le plaidoyer pour l’admission des femmes à d’autres fonctions n’a pas encore triomphé.
- Cependant, nous avous eu un auteur, M. Geertruida Bosboom Toussaint, qui, par ses remarquables romans tirés habituellement de notre histoire nationale, montra quel talent et quelle science une femme pouvait posséder.
- D’autres jeunes femmes écrivains se signalèrent bientôt, n’égalant pas la première en vigueur morale ni en érudition, mais combattant puissamment le préjugé qui déniait à la femme un plus grand exercice de ses facultés intellectuelles.
- En 1856, Ëertha von Marenholz, Comtesse de Bulow, âme noble et hautement douée, vint propager en Hollande, le système d’éducation des enfants imaginé par Froebel.
- Elle nous exhorta a être non-seulement les mères physiques, mais aussi les mères morales et intellectuelles de nos enfants, plaidant ainsi en faveur de la cause des droits des femmes. La veuue de Bertha von Marenholz donna une évolution nouvelle au mouvement féminin en Hollande.
- Une femme professeur y était une merveille et cette femme parlait si bien quelle commandait l’attention et désarmait le préjugé. Son éloquence, sa simplicité, son zèle battirent en brèche les épaisses murailles du vieux conservatisme hollandais concernant l’instruction supérieure des femmes. Béni soit son nom glorieux entre tous ceux des apôtres de notre réel progrès.
- Quand cette aimable et sage réformatrice quitta notre pays, je sentis que son manteau de prophète était tombé sur mes épaules. J’acceptai l’apostolat et me consacrai au travail d’éducation auquel elle m’avait initié. On vit pour la première fois une femme hollandaise se consacrer publiquement a semblable tâche. Je professai dans nos principales cités, appe.ant les femmes à se perfectionner pour elles-mêmes et pour l’amour de leurs enfants.
- Je proposai un plan de collège pour l’éducation supérieure des filles ; ce plan fut soumis à la reine Soptiie, au premier ministre Torbeeke, et autres éminents personnages. Mais c’est en vain que je demandai des subsides à tous les établissements
- financiers ; personne pe semblait partager mon enthousiasme.
- Je commentais à craindre que mon projet ne fut jamais réalisé, quand la société universelle dn bienfaisance ouvrit à Arnheim la première école normale de filles. Bien que la nouvelle instilu.ion fut de beaucoup au-dessous de mon propre projet, c’était un bon commencement.
- Sur ces entrefaites Mme Storm, veuve d’un ecclésiastique, nous rapporta d’Amérique, où elle avait passé plusieurs années, de brillants rapports sur l’excellente éducation donnée là-bas aux jeunes filles. Elle fit des conférences sur ce sujet, nous pressant de suivre l’exemple des Etats-Unis et de fonder des écoles industrielles et supérieures. Quelques établissements lurent fondés alors et subsistent aujourd’hui.
- Il y a vingt ans, personne n’eût cru que les femmes pourraient jamais être pharmaciens, horlogers, employés des postes, des chemins de fer et des télégraphes, ni par-dessus tout médecins.Cependant on trouve aujourd’hui dans toutes ces professions, un nombre croissant de femmes.
- Il y a plusieurs années l’école nationale des Beaux-Arts fut ouverte également aux deux sexes, à la suite d’une demande adressée par des femmes au Gouvernement.Les étudiants furent d’abord mécontents de cette innovation; aujourd’hui, les femmes suivent les cours et travaillent d’après des modèles vivants, dans h s ateliers de sculpture et de dessin, avec la même tranquillité que les jeunes gens.
- Parmi les autres signes de progrès, je puis mentionner l’exposition féminine des arts et de l’industrie tenue il y a quelques années à Leeuwarden.
- Des cabinets de leetnre pou;' les femmes ont, en outre, été ouverts à Amsterdam et à Rotterdam.
- La presse s’étant toujours montrée hostile à notre mouvement, les femmes se déterminèrent à avoir un organe à elles. Miss Betsy Perk fonda à cet effet et édita pendant deux ans « Notre vocation », journal mensuel qui était une sorte d’annexe à une autre feuille périodique en faveur des femmes,
- « Notre entreprise »; ces deux feuilles étaient trop timides pour vivre longtemps.
- En s’éteignant, le journal de Miss Perk laissa derrière lui une admirable création, une société des femmes dont la devise était : « Ennoblir le travail », cette société qui avait pour but de fournir aux pauvres femmes de bonne famille du travail à faire à la maison ; ce travail était ensuite vqndu dans des boutiques établies à cet effet. Cette bienfaisante institution existe encore.
- Un troisième journal « La Maîtresse de maison » édité par Mme Van Amstel, est, comme son nom l’indique, plus consacré aux matières domestiques qu’à la questisn générale des droits de la femme.
- Miss Alberdingh Thym jeune auteur d’un talent remarquable, vient de commencer à Rotterdam la publication d’une feuille périodique adressée anx jeunes filles.
- Ces journaux bien que n’étant pas à tous égards ce qu’on pourrait, souhaiter, sontcepentant un gage de l’évolution féminine. Parmi les femmes écrivons nous citerons encore Miss Catharina Van Rees, remarquable non-seulement par ses productions littéraires, mais aussi par son talent musical, et Miss Emy de Leeuw notée pour ses connaissances en botanique et son habileté à rendre, la s ience attrayante. El e est actuellement l’éditeur d’une publication populaire hebdomadaire.
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- Quelques femmes hollandaises ont montré un talent considérable pour les beaux-arts. Mentionnons dans la peinture les noms de Vos, Haanen, Schwartre, Bisschop, Roosboom, Van der Sande Bakuyzeu, Van Bosse, etc. En ce qui concerne la musique,je ne puis citer tous les professeurs féminins, mais je dois au moins signaler un amateur,.Vlmtî Amersfoot, qui s’est distinguée par la composition d’un oratorio et d’autres belles œuvres.
- La condition légale de la femme est la même en Hollande qu’en France : nous sommes encore assujetties aux rigueurs du Code Napoléon.
- L’tdée de l’égalité des droits politiques pour les deux sexes commence pourtant à être acceptée par un très petit nombre de personnes. Les femmes de nos grands propriétaires terriens surtout sentent l’infériorité de leur position : car aux yeux de la loi elles importent moins que le dernier pays?n de leurs fermes, celui-ci exerçant les franchises électorales dont les femmes sont exclues. Aussi pensent-elles souvent que la distinction est fausse, absurde, mais elles manquent encore de courage pour demander une réforme.
- Les femmes sont si peu conscientes de leurs facultés et de leurs forces qu’elles n’osent former une société ni fonder une institution philanthropique sans choisir un homme comme président, secrétaire ou administrateur.
- Un terrible obstacle au progrès en Hollande est l’étrange obstination des classes supérieures à rester attachées aux vieilles traditions et coutumes.
- L’instruction a fait de grands progrès pendant les vingt dernières armées, et nos écoles peuvent à présent rivaliser avec celles de tous les pays. Mais qui en bénéficie ? Les classes moyennes seules. Les plus hautes classes aussi bien que les plus pauvres ne les utilisent que fort peu. Aussi longtemps que l’instruction ne sera pas obligatoire, il restera au bas de l’échelle sociale une masse de prolétaires rampant dans les ténèbres de l’ignorance, t mdi qu'au sommet on trouvera un groupe d’aristocrates raffinés profitant à peine de cette instruction pour les garçons et encore moins pour les jeunes filles.
- Les enfants de nos meilleures familles ne sont pas envoyés aux écoles ni enseignés dans leur intérieur par des maîtres hollandais ; ils sont confiés, en vue de leur faire prononcer convenablement les langues modernes, à des étrangers qui dans beaucoup de cas sont ne simples aventuriers.
- C’est que les convictions politiques et religieuses les plus fanatiques, tomioent dans cette couche de la société ; l’aristo-cruie, sauf quelques exceptions, est bigote aujourd’hui' comme autrefois, et tient fortement à toutes sortes de préjugés sociaux et cléricaux.
- Dès que l’instruction nouvelle aura pénétré dans ce cercle étroit, nous espérons y trouver de puissants amis du mouvement des femmes, mais en attendant ce jour, le travail sérieux, le progrès et la lumière intellectuelle c< ntinueront à surgir des classes moyennes les plus libérales de toutes.
- Pour conclure, je confesse à regret que nous avons peu fait encore en Hollande pour l’émancipation des femmes. Notre œuvre est indirecte ; nous proclamons seulement l’injustice de notre position. Notre éminente écrivain Catharina Van Rees & montré 1 iniquité des lois et de l’opinion publique en ce qui concerne les fautes commises par les femmes. Elle a fait ressortir combien est lourde la punition infligée à la femme cou-
- pable, et avec quelle facilité l’homme également coupable échappe même à une réprimande.
- Nous ne réclamons que notre bon droit, place légitime dans le monde, et champ libre pour le développement de toutes nos facultés. Nous souhaitons de devenir plus habiles, plus sages et meilleures afin de répondre plus pleinement à notre destinée, d’arriver ainsi à des relations plus nobles et plus pures avec l’aufre sexe, et de concourir enfin à atteindre avec l’homme, notre compagnon dans la vie, l’idéal d’une humanité parfaite.
- Les vers qui suivent expriment les dernières pensées d’un philosophe dont tonte la vie a été usée à la recherche de la vérité. Cahagnet à voulu marquer sa dernière heure par un acte d’indépendance, véritable protestation contre les usages, contre les tendances désordonnées de la civilisation, contre les préjugés de toutes sortes. Saluons le départ de notre monde d’un homme de bien, d’un esprit convaincu dont les investigations ont abouti souvent à de lumineuses conceptions et souhaitons qu’il ait de nombreux continuateurs.
- LETTRE DE FAIRE PART
- A mes Parents et à mes Amis(l)
- LOUIS-ALPHONSE CAHAGNET
- La Mort dans cet instant vient me fermer les yeux, M’engageant de quitter sans murmurer ces lieux Où j’ai vécu, souffrant toute mon existence !
- Où j’ai tant recherché qu’est l’homme ? en lui qui pense? Qui créa ces beaux cieux et ces mondes divers Qui nous sont inconnus et forment l’univers ?
- Sur ces faits j’ai passé jours et nuits en étude,
- Sans être satisfait je meurs de lassitude !
- T’ai voulu définir ce qu’est l’attraction?
- Quel rôle dans la vie a la nutrition?
- Que sont logiquement l’esprit et la matière,
- La force agrégatrice, et l’air et la lumière?
- Que sont l’amour, la haine, et la vie, et la mort;
- Que sommes-nous enfin, et quel est notre sort?
- Qu’est l’électricité? Qu’est bien au fond l’orage?
- Qu’est la terre, et de tout, quel est le premier âge ?
- Qui pré-ide aux saisons, aux courants dans les mers Aux charmantes Oasis, aux repoussants déserts?
- Qui suscite les vents, et l’heure des marées;
- Le froid et la chaleur des Plaines Ethérées?
- Qu’est la pensée? a-t-elle une forme et un moi?
- Et la parole hélas! qui la produit en soi?
- Où le germe a-t-il son vaste savoir-faire?
- Quand on ne peut répondre, il faut savoir se taire.
- Je n’ai pas mieux compris l’utilité des rois,
- Des p êtres, des soldats, de ces cent mille lois
- (1) Je prie mes Amis de faire imprimer cette lettre après mon décès, et de l’envoyer comme seule lettre de faire part à mes Correspondants, Parents et Amis.
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- LE DVEOIR
- Qui fournissent hélas! pâture à la chicane Gomme le prêtre, au feu, le béat qu’il condamne !
- L’on m’a dit le Soldat, c’est la sécurité,
- 11 défend notre sol et notre liberté.
- Le Roi, c’est le suprême agent de la patrie,
- Le Juge par la loi punit qui l’injurie.
- Le Prêtre est le soutien du cœur désespéré,
- Son rôle est parmi nous aussi grand que sacré !
- Je n’ai vu que des rois aux règnes détestables,
- Des juges ergoteurs... des prêtres intraitables.
- Des soldats fusillant leurs frères, leurs amis,
- Etant à l’idiotisme entièrement soumis.
- L’orgueil et le pour-soi primer dans toute affaire..
- Tout exploitant autrui, le forcer à se taire.
- En amour, je n’ai vu que s'unir un moment Des enfants éviter la charge et le tourment.
- En famille viser, avant tout, l’héritage L’amitié n’étant plus du foyer le partage !
- J’ai vu Représentants, Ministres et Préfets Paralyser des lois les rassurants effets !
- Princes, Ducs et Barons être des plus serviles,
- Faisant, sans honte au cœur, les choses 1 es plus viles ! Partout un commandant, partout'un exploité,
- Au nom d’un Dieu, d’un Roi, de la Fraternité!
- En tout cœur, en tout lieu encenser l’Egoïsme,
- N’avoir plus de pudeur, plus de patriotisme ;
- Au luxe, demander d’être ce qu’on n’est pas,
- De l’honnête labeur ne plus faire aucun cas ;
- Mais au seigneur jouer, comme au propriétaire,
- Pour avoir seul le droit de tout dire et tout faire !
- Chez tous les animaux, j’ai vu les mêmes faits.
- Coups de dents... coups de becs... amour... haine... méfaits. Je ne peux envier que de quitter ce monde,
- Sur lequel je n’ai fait qu’une pénible ronde ;
- Je le quitte, espérant ces faits résoudre mieux -Dans le Monde Ethéré de nos nobles aïeux ?
- Au revoir, mes Amis, n’ayez d’inquiétude,
- Mourir, c’est naître hélas ! à plus lucide Etude !
- Louis-Alphonse CAHAGNET Né à Caen le 18 avril, Enregistré le 20 en 1809. Spiritualisé le 10 avril 1885.
- Conflit anglo-russe
- DÉCLARATION
- Paris, 16 avril 1885,
- Les cinq Sociétés de la paix dont les noms suivent :
- International arbitration and peace Association, de Londres ;
- Fédération internationale de Varbitrage et de la paix, de Paris ;
- Ligue internationale de la paix et de la liberté, de Genève ;
- Ligue internationale des Travailleurs pour la paix, de Pans ;
- Universal peace Union, de Philadelphie.
- Considérant que la guerre qui menace d’éclater entre l’Angleterre et la Russie serait une calamité universelle ;
- Qu’il est du devoir impérieux de tous les amis de la paix, de la justice et de la liberté, quels que soient le gouvernement sous lequel ils vivent et la nation à laquelle ils appartiennent, de réunir leurs efforts pour en conjurer le fléau ;
- Considérant que, bien qu’on puisse regarder la solution par la voie d’un arbitrage spécial de la difficulté actuelle, qui consiste uniquement dans la délimitation immédiate des frontières de l’Afghanistan, comme une satisfaction suffisante pour l’instant, il est d’intérêt universel de mettre, pour l’avenir, les choses en tel état que, l’indépendance et l’intérêt des Afghans étant avant tout sauvegardés, toutes difficultés ultérieures entre l’Angleterre et la Russie soient, autant que possible, écartées, et celles qui viendraient à se produire résolues pacifiquement ;
- Que L neutralisation de l’Afghanistan, garantie comme l’est déjà celle de la Suisse, de la Belgique et du Luxembourg, par les nations européennes, et sanctionnée par la création d’un tribunal arbitral spécial et permanent, paraît le moyen le plus certain d’atteindre un but si désirable ;
- Par ces motifs :
- Les Sociétés soussignées,
- Prenant acte de ce que le gouvernement allemand a déjà offert à l’Angleterre et à la Russie sa médiation en faveur d’un arbitrage destiné à résoudre les difficultés pendantes ;
- Emettent le vœu de la convocation immédiate d’une Conférence internationale appelée à régler la situation respective de la Russie, de l’Angleterre et de l’Afghanistan, au moyen d’une convention qui déclare ce dernier pays neutre, et qui sanctionne cette neutralisation par la création d’un tribunal d’; rbitrage international permanent ;
- Décident que la présente .Déclaration sera, au nom des Sociétés soussignées, adressée à tous les Gouvernements, à tous les Parlements et aux principaux murnaux.
- Ont signé :
- Pour l’International arbitration and peace Association :
- Hodgson-Pratt, Président.
- Pour la Fédération internationale de l’arbitrage et de la paix- : A. Desmoulins, Secrétaire.
- Pour la Ligue internationale de la prix et de la liberté :
- Ch. Lemonnier, Président.
- Pour la Ligue internationale des travailleurs pour la paix :
- Mmô Griess-Traut , Déléguée.
- Pour la Universal peace Union
- Ch. Lemonnier, L’un des Vice-Présidents.
- Adhésions aux principes d'arbitrage et de désarmement européen
- Maine-et-Loire. Saumuv. — Bribard Auguste, sabotier; — Pavial Julien, sabotier ; — Mme Bribard, 15, rue de la Tonnelle ; — Melle Léonide Common, rue St-Jean 23 ; — Agoulon, tailleur de pierres, Mrae Agoulon, 14, rue d’Orléans; — M. Braiteau, épicier, Mm0 Braiteau, rue
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- d’Orléans, 14 ;— Bouffîl d’Huiloton, doreur, Mm0 Bouffil d’Huiloton, 44, rue St-Jean.
- Jura. La Mouille. — Thévenin Henri ; — Thévenin Auguste, forgeron ; — Maffroy Jean-Louis ; — Elie-Au-gustin Maffroy ; — Genet Désiré ; — Jean-A. Maffroy, propriétaires ; — Grenier Louis ; — Maffroy Charles ; — Maffroy Théodore, Junettiers ; — Maffroy Jean, épicier ; — Maffroy Louis;— Maffroy Jules,cloutier ;— Maffroy Charles ;
- — Robert Gharles-Célestin, forgeron Thévenin Séraphin ;
- — Girod Aimé ; — Girod François-Louis ; — Girod Désiré ;
- — Girod Alphonse, forgeron ; — Maffroy Sylvain ; — Maffroy Aimé ; — Geniet ; — Girod Aimé ; — Girod Clément ; — Thévenin Jean ; — Dayet Jules, cloutier ; — Genet Albin, cantonnier ; — Girod Séraphin, voiturier ; — Genet Philippe-Albert;— Genet Jean, propriétaire;— Thévenin Jean.
- — ------------- • « ♦ » > ------------——--------
- LE MONDE
- AVANT LA
- CRÉATION DE L’HOMME
- Tel est le titre du nouvel ouvrage de CAMILLE FLAMMARION
- S’il est une question qui ait toujours intrigué et même passionné la curiosité humaine, c’est assurément celle de l’origine du Monde, l’origine des Êtres et de l’Humanité elle-même. Il semble aujourd’hui qu’à l’ordre du génie humain tous les monstres antédiluviens aient tressailli dans leurs tombeaux et qu’ils se soient levés pour venir reconstituer eux-mêmes les scènes grandioses des âges disparus et montrer à l’Homme ses lointains ancêtres.
- Ce tableau du Monde avant la création de l’homme, Zimmermann avait entrepris de le tracer dans un ouvrage qui est resté célèbre, mais qui est depuis longtemps épuisé en librairie. Depuis vingt-cinq ans que cette œuvre a été écrite, la science a fait d’ailleurs des pas de géant. Aussi, les nouveaux Éditeurs de cet ouvrage ont-ils prié M. Camille Flammarion de l’examiner avec soin et d’en donner une édition élevée au niveau des progrès de la science. Le savant Astronome, auquel ces études de cosmogonie ont toujours été familières par la parenté qu’elles offrent avec les bases mêmes de la doctrine de la Pluralité des Mondes, avait à peine commencé ce travail de révision qu’il s’est aperçu que l’œuvre déjà si belle de Zimmermann méritait d’être entièrement refondue.
- Le succès de l’ouvrage était dès lors doublement assuré, et pour satisfaire à tous les désirs déjà exprimés, les Éditeurs lui ont donné la forme populaire qui a été accueillie avec tant d’enthousiasme par les innombrables lecteurs de l Astronomie populaire et des Terres du Ciel.
- L’ouvrage parait en livraisons à 10 centimes et en Senes à 50 centimes. Il sera illustré d’environ 300 figu-res> représentant les paysages du monde primitif, et de Nombreuses planches en couleur.
- On peui s’abonner h l’ouvrage complet reçu
- ranco au. fur et à mesure de Vapparition des séries,
- c°rttre un mandat de dix francs envoyé aux édi-
- e.Urs Marpon et Flammarion a Paris, 26, rue Racine.
- MAITRE PIERRE
- Par Edmond ABOUT
- (Suite.)
- LA PELLAGRE.
- V
- « C’est encore nous ! dit maître Pierre.
- — Et nous rendons grâce au bon vent qui vous amène! » répondit son hôte en lui serrant la main. Les deux femmes s’embrassaient comme après six mois d’absence.
- Maître Pierre me poussa sur le premier plan : « Je vous présente monsieur, dit-il à ses amis. Il vient visiter nos déserts, pour redire à Paris ce qu’il aura vu.
- — Nos déserts le remercient. Plût au ciel que la France entière pût le voir ! Monsieur, vous êtes chez vous. »
- Cet accueil me prouva que maître Pierre avait le privilège d’être prophète en son pays.
- Marinette et la maîtresse de la maison coururent en avant, donner un coup d’œil au déjeuner. On me conduisit parle chemin le plus long, pour me montrer les jardins. L’habitation en a deux ; l’un couché au pied de la montagne, l’autre étagé de bas en haut. Vous sivez apparemment que toutes les dunes sont uni’ormes, et ressemblent à des pains de sucre. Celle du Moustique est un pain de sucre dont on a coupé la tète. Le sommet, la circonférence et la base, tout est planté et brillant de verdure. Le maître de ces plantations nous montra son domaine avec une complaisance qui sentait plus l’enthousiasme du novateur que la vanité banale du propriétaire. Il me fit observer que le terrain se composait exclusivement de sable pur, de ce même sable dont j’avais pu admirer la stérilité dans les Landes.
- Ceci posé, il ajouta : « Le sable a une réputation d’ingratitude assez bien établie. Vous n’êtes pas sans avoir entendu dire que l’engrais jeté dans le sable est du bien perdu. Je l’ai cru comme tout le monde, jusqu’au jour où maître Pierre m’a converti. Nous avons ici des bœufs par douzaines. Pendant le jour, ils transportent des semences dans les dunes ; le soir, ils rentent à l’étable : aussi l’engrais abonde chez nous. Maître Pierre m’a persuadé de fumer les grands terrains plats qui s’étenden au pied de ma montagne. J’ai suivi son conseil, et quan au résultat, le voici. »
- Il me fit voir une prairie artificielle où la luzerne avait déjà un pied de haut ; un potager où les artichauts, les pommes de terre et les asperges croissaient abondamment derrière une large bordure de fraisiers en fleur ; un verger où deux cents arbres de sept ou huit ans, poudrant leurs jeunes fronts d’une neige blanche et rose, promettaient un automne chargé de fruits. N’oubliez pas, s’il vous plaît, que nous étions au 5 avril.
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- Vers une extrémité de - ce lieu de plaisance, maître ! Pierre me montra malicieusement un petit coin désolé où tous les arbres étaient- morts, a Qu’en pensez-vous ? me dit-il. Croyez-vous qu’on ait oublié d’y mettre de l’engrais ? Pas du tout : il y en a plus que partout ailleurs. Si les racines ont pourri, c’est qu’il reste de l’eau là-dessous. » Il donna du pied sur la terre, le sable fit une grimace, et l’eau vint remplir le vide que son talon avait laissé.
- Notre hôte nous proposa de monter à la salle à manger : peut-être avait-il entendu les cris désespérés de mon estomac. Chemin faisant, il me dit : « Vous avez vu comme le sable profite des engrais lorsqu’on a pris soin de l’assainir en le désséchant. Maintenant, examinez ces arbres forestiers qui poussent sur la dune et qui semblent grimper avec nous : ils vous montrent ce que le sable peut produire à lui seul, sans une parcelle d’engrais. »
- Une surprise m’attendait au seuil de la maison. Maître Pierre me montra du doigt un chêne vert de la plus belle venue, aussi grand que les vieux maronniers du Luxembourg. Je m’arrêtai tout court, comme on fait en pays étranger, lorsqu’on rencontre un ancien ami qu’on ne s’attendait pas à trouver là. Il y avait longtemps que je ne les avais vus, ces beaux chênes des forêts d’Italie. La dernière fois que je m’étais couché sous leur ombre, c’était à Rome, sur le Pincio, dans les jardins de la villa Médicis. Ils sont là quelques centaines d’antiques compagnons qui s’appuient les uns contre les autres pour ne pas tomber de vieillesse. Derrière leurs troncs éventrés, au coin des allées étroites, on entend ricaner les faunes de marbre blanc, barbus de mousse jaune ; et dans les taches de soleil qu’ils laissent tomber sur l’herbe, on voit passer de temps en temps quelque large servante romaine, suivie de trois ou quatre enfants babillards.
- Le déjeuner était sur la table. Je regardai le bel arbre, je cueillis machinalement une de ses feuilles luisantes, et je ne sais quoi de doux et de triste me sera le cœur.
- Maître Pierre mangea de bel appétit, et les petites dents de Marinette travaillèrent comme de grandes personnes. Je remarquai que l’ancien chasseur s’abstenait de vin et buvait de l’eau vinaigrée. Cependant on nous avait servi du vin de Médoc qui ne venait pas de la Charente.
- La maîtresse du logis me demanda ce que je pensais de ses jardins. Elle nous raconta que, lorsqu’elle était entrée en possession de son domaine, elle avait déchiré bien des robes aux broussailles qui cernaient la maison, et tiré quelques coups de fusil contre les serpents qui réclamaient leur place au feu. La jeuue dame était d’autant plus fière de ses petits exploits qu’elle avait toutes les apparences d’une nature frêle et délicate. La méta-
- morphose du désert en jardin lui faisait autant d’honneur qu’à son mari, et elle n’était pas fâchée d’avoir un peu payé de sa personne.
- Elle me répéta à deux reprises, comme maître Pierre, et comme son mari, que tout ce qu’on m’avait fait voir avait poussé dans le sable. Je ne’ m’expliquais pas fort bien cette insistance, et je finis par demander timidement la clef de cette question des sables. Le sable ne m’avait rien fait ; je ne nourrissais aucune animosilé contre lui ; je n’en disais de mal à personne, et tout le monde paraissait avoir à cœur de me réconcilier avec le sable !
- La jeune dame me répondit : « Si nous aimons à montrer nos jardins, si nous répétons à tout venant que nos légumes, nos fruits, notre pain, notre bois, tout a poussé dans le sable, c’est moins pour faire admirer les résultats de notre travail, qne pour faire deviner l’avenir de tout ce pays. En faisant l’apolcgie du sable, nous plaidons la cause des Landes ; car enfin, qu’est-ce que les Landes ? Une plaine de sable trempé. Lorsque maître Pierre l’aura desséchée dans toute son étendue (et il le fera sans débourser un centime), le sable fournira des grains, des légumes et des fourrages, partoutoù l’on pourra lui donner de l’engrais ; il nourrira sans engrais les arbres forestiers que vous avez admirés tout à l’heure, et vous verrez, sur 600000 hectares de sable, la reproduction exate de nos deux Jardins. N’est-il pas vrai, maître Pierre ? »
- Le bonhomme était familièrement accoudé sur la nappe, et ses yeux, tournés vers l’avenir, visitaient je ne sais quels pays inconnus. Mais son esprit ne s’était pas envulébien loin de la terre, car il revint sans effort à la conversation : « Ma foi ! oui, madame, répondit-il ; vous avez bien parlé : nous verrous ces choses-là avant qu’il soit longtemps. Je ne demande qu’une vingtaine d’années pour prolonger vos jardins jusqu’à Mont-de-Marsan. Ah ! ceux qui voient les Landes aujourd’hui ne les reconnaîtront plus guère !
- — Certainement, dit Marinette. Moi, qui suis née à Bulos, quand je retourne au village, je ne m’y reconnais déjà plus. »
- (.4 Suivre.)
- État-civil dn Familistère
- Semaine du 13 au 19 avril 1885.
- Naissances :
- Néant.
- Décès :
- Le 14 avril, de Gravet Blanche-Marguerite, âgée de 10 mois. . . 9
- Le 15 avril, de Lardier Jeanne-Elisa, âgée de 7 mois lp-
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- Guise. — imp. Bu ré.
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- 9e Année, Tome 9. — N° 347 Le numéro hebdomadaire W c. Dimanche 3 Mai 1885
- LE DEVOIR
- REVUE DES «UEST10NS SOCIALES
- BUREAU
- a GUISE (Aisne)
- Toutes les communications
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- France Un an ... Six mois. . . Trois mois. .
- 10fr. »ï 6 j» 3 »»
- Union postale Un an. . . . 11 fr. ss Autres pays
- Un an. . . . 13 fr. 60
- ON S’ABONNE
- A PARIS
- 5, rne Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Le nerf de la propagande. — Sujet de méditation.
- — Les Pépites. — Bilan de la guerre. — Souscription pour la propagande de la paix. — L’association internationale de l’arbitrage et de la presse. — Bizarreries du Vulgaire Patiotisme.— L’Europe et VAsie. — La politique commerciale.
- — Appel au vrai patriotisme pour l’enfant. — Proposition de loi. — L’arbitrage et la presse. — Beautés des mœurs militaires. — Pétition de l’homme à la figure de cire. — Le progrès du mal. — L’arbitrage à Marseille. — Le Congo. — Etat-civil du Familistère.
- LE NERF DE LA PROPAGANDE
- « Si tu veux la paix, prépare la guerre, » dit un vieux proverbe.
- Nous disons, nous : « Si tu veux la paix, organise fa propagande des idées pacifiques. »
- Cette organisation est chose facile et des plus simples ; elle se réduit à une question d’argent et a l’action de quelques hommes de bonne volonté.
- Quant à l’emploi à faire de l’argent et des bonnes volontés, il est naturellement indiqué ; il suffît de faire dans le sens de la paix ce que les belliqueux faut pour entretenir l’esprit de guerre.
- Le journal Le Drapeau, organe des patriotes qui ont horreur du rouge et qui réclament des torrents de sang, contient dans son dernier numéro quelques indications bonnes à être méditées par les citoyens aux aspirations pacifiques.
- La, ligue de ces patriotes compte 82,000 adhérents cotisants. Elle publie chaque semaine un journal
- vendu 40 centimes le numéro. Depuis sa fondation, ses comités directeurs ont fait plus de 300 conférences dans plus de 60 villes de France ; elle a fondé 52 comités régionaux dans les départements et distribué plus de 250,000 francs de dons, d© subventions et de récompenses aux sociétés de gymnastique et de tir, dont le 'nombre a quadruplé depuis cette époque. Elle a fait imprimer, graver, frapper et distribuer plus de 200,000 brochures patriotiques, plus de 100,000 cartes extraites de l’atlas allemand de Habenicht, plus de 10,000 gravures et de 150,000 médailles représentant F Alsace-Lorraine.
- Que ne feront pas les amis de la Paix, lorsqu’ils auront eux aussi constitué un premier noyau assez fort pour donner à leur propagande une impulsion régulière aussi bien organisée ?
- La force des belliqueux réside dans leur homogénéité et dans leurs incessantes manifestations.
- Mais on ne parvient à cette puissance que d’autant que les groupes se constituent méthodiquement et que leurs membres, dès le début, s’imposent le devoir de payer régulièrement une cotisation.
- La propagande, en France, à fait beaucoup depuis quelques mois, bien qu’elle n’ait jamais eu une direction convenablement coordonnée.
- On ne peut continuer à développer l’action pacifique d’une manière réellement fructueuse si l’on ne réalise l’unité de direction.
- Nous avons, à Paris, trois ou quatres sociétés principales dont les bureaux se réunissent fréquemment en vue d’une action commune. Cela tes
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- déjà un commencement ; mais les adhérents à la propagande de la paix sont suffisamment nombreux pour rendre indispensable la formation d’un comité central permanent.
- Lorsqu’on pose la question d’un comité central permanent réprésentant la fédération des sociétés constituées, on ne peut s’empêcher de reconnaître que des divergences individuelles sur les détails sont les seules difficultés à surmonter.
- Cette proposition est donc inséparable de la recherche d’un minimum acceptable par tous, au delà duquel chacun pourrait conserver sa liberté d’allure sans s’exposer à être taxé de manquer aux obligations de la propagande.
- Ces points communs pourraient se résumer, il nous semble, dans une résolution conforme à la suivante :
- Tout adhérent déclare que la paix est l’intérêt supérieur de toutes les nations et la guerre la cause des malheurs et des misères des peuples ;
- Il s’engage à se montrer systématiquement hostile à toute guerre dont la déclaration n’aura pas été précédée d’une demande d’arbitrage, par l’une des parties ;
- Il doit pousser les gouvernements à se concerter pour constituer un congrès d’arbitrage universel de la paix, chargé de faire respecter les décisions des puissances unies ; son influence devra tendre à maintenir les puissances unies fédérées dans une ligue permanente contre les gouvernements fomen-tateurs de guerres, jusqu’h ce qu’elles les aient mis dans l’impossibilité de troubler la paix entre les nations.
- Nous présentons cette proposition comme une simple base de délibération. Nous qui voulons le plus, nous accepterons le moins, pourvu que l’on agisse.
- Mais point d’organisation sans direction, et point de direction sans communauté de vues. Les cotisations ne seront profitables que d’autant que l’on aura résolu les questions d’organisation ; et les cotisations sont le nerf de la propagande.
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- Sujet de méditation
- M. Lewis Appleton, â la conférence de Berne, déclarait que les armées permanentes en Europe comptaient 3. 902.000 hommes et 13.841.000 en cas de mobilisation.
- Durant une période de 20 ans, la dépense publique s’est élevée de 9.725.000.000 de francs à 18.225.000. 000 de francs et durant la même période, les dettes na-t males des Etats européensse sont élevées de 65.650.000.
- 000 de francs à 140.308.150.000 francs. Et ces formidables armées n’ont pas réussi à maintenir la paix en Europe !
- LES PÉPITES
- Le Temps que l’on ne saurait accuser d’animosité à l’égard des politiciens coloniaux publie sur l’organisation économique du Tonkin l’article d’un homme qui :
- « Par la situation importante qu’il a longtemps occupée dans une de nos grandes administrations et par ses études personnelles, est tout à fait qualifié pour traiter ce sujet. »
- Ecoutons l’oracle :
- 1° Le Tonkin peut-il être utilisé au point de vue agricole et minier ?
- Réponse. — Du Tonkin considéré comme producteur, il y a peu de chose à dire, il serait peu sage de fonder des espérances considérables sur les profits qu’en retirera la France à ce point de vue spécial. Admettons, en effet, qu’on parvienne à substituer en partie à la culture du riz un certain nombre de cultures riches, que l’on mette en valeur les mines de charbon et autres, il n’est guère possible de compter y employer nos compatriotes, autrement que pour la direction de ces exploitations et de ces travaux.
- L’Européen ne doit pas songer à travailler lui-même : quand 2,000 Français seront occupés dans l’exploitation du sol ou de ses richesses, dans quelques industries à créer (?}, ce sera là un grand maximum qu’il parait même peu probable d’atteindre jamais. Ce ne sera pas un débouché efficace, sérieux, pour le trop plein de notre population. De ce côté, il faut bien être persuadé que la nouvelle colonie n’apportera aucun profit direct.
- 2° Le Tonkin nous rendra-t-il service comme pays consommateur de nos produits ?
- Ecoutons toujours :
- « Certes, il n’est pas possible de fermer complètement le marché du Tonkin aux marchandises étrangères, mais il faut, par des droits de douane, assurer à nos produits une protection suffisante pour leur permettre de lutter avec succès, malgré les charges considérables qu’ils ont à supporter.
- Une protection de 10 0[0 en faveur de notre industrie est facile avec l’union douanière que le gouvernement a eu la sage pensée d’établir dans l’Indo-Chine ; elle ne pèserait que bien peu d’ailleurs sur les Tonkinois ; car, pendant la période où elle serait indispensable pour habituer les indigènes uniquement à nos produits, la consommation de marchandises introduites sera peu considérable.
- L’effet de la guerre actuelle se fera sentir pendant longtemps sur les populations, et ce ne sera que peu à peu qu’elles feront appel aux importations. »
- Joli cadeau à faire là aux Tonkinois, on augmentera de 10 Ojo la taxe des objets qu’ils consommeront, et malgré cette augmentation, nous ne pourrons lutter avec la concurrence anglaise, à
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- cause des charges considérables que nos nationaux auront à supporter.
- D’un autre côté, la consommation des marchandises introduites devra être peu considérable, le pays étant ruiné pour longtemps et d’une façon épouvantable.
- 3® Les exportations ne seront pas non plus brillantes.
- « Elles sont aujourd’hui nulles.Malgré une avance cb deux millions de taëls et une contribution annuelle de un million de taëls, accordées par le gouvernement de Pékin, les mines de cuivre du Yunam ont envoyé annuellement seulement 300 tonnes de cuivre, alors qu’on avait espéré obtenir, et que l’on reconnaît encore possible d’arriver à ce résultat, une production annuelle de plus de 3.800 tonnes. Le rapport de OLo-Ho-Pu, auquel nous empruntons ce renseignement, insiste sur la nécessité de créer des compagnies particulières pour l’exploitation des mines non seulement de cuivre, mais encore d’autres métaux. Pour créer ces sociétés, il faut qu'elles aient des débouchés. Or, un rapport de Tsen-Yu-Yeng, gouverneur général du Yunam, déclare à son tour que l’impossibilité dans laquelle on se trouve d’exporter par eau les produits du sol enlève toute activité à l’exploitation minière. »
- Nous nous arrêtons. Le tableau n’est guère séduisant.
- La politique coloniale, comprise ainsi, mène tout simplement le pays à la banqueroute.
- Bilan de la guerre
- Voulez- vous savoir ce que nous a coûté, argent comptant, la guerre de 1870-71 déchaînée sur notre pays par l’Empire. Ce formidable bilan s’établit ainsi :
- Dépenses extraordinaires de la guerre en sus du budget
- militaire annuel........................ 1.315.000.000
- Indemnité à l’Allemagne, capital et intérêts 5.315.000.000 Entretien des troupes allemandes sur notre territoire............................ . 340.000.000
- Indemnités aux départements, aux eonT
- munes et aux particuliers................
- Perte des impôts pendant la guerre . Reconstitution du matériel de guerre . , Pensions militaires, revenus divers enlevés par l’annexion des canaux.
- 1.487.000.000
- 2.024.000.000
- 2.144.000.000
- 1.314.000.000
- Total général : quatorze mülards quatre-cent-cin-quante six millions.
- Dans ce chiffre ne sont pas compris les intérêts aux particuliers, les pertes faites par les industriels, les commerçants.
- Remontant des emprunts faits pour couvrir de si fortes épenses a entraîné une augmentation d’intérêts de 663,800, U00 francs.
- En résumé, la guerre de 1870 a coûté à la France près e quinze millards d’argent comptant. Les charges annuelles n augmenté de 632 millions.
- ne bonne réclame pour le troisième Empireront Plon-Plon voudrait être le chef.
- Extrait du rapport sur la défense de la garnison de Tuyen-Quan :
- « A cinq heures et demie du matin,les tirailleurs » tonkinois constatent l’abandon presque complet » des tranchées rapprochées ; quelques Chinois » sont restés au mamelon qui domine la face ouest. » Ils se réfugient dans une casemate où ils sont. » enfumés par une section de la lrs compagnie. »
- « Voilà les faits principaux de cette ! belle I défense. »
- Consultons notre dictionnaire : Beau ou Belle, adj. Doué de la beauté; majestueux ; noble ; admirable ; s. m. ce qui est excellent,ce qui élève Pâme î
- Souscription pour la propagande de la paix
- M. Priqueler à Plancher-Bas. ... 3 »»
- M. Michel à Dallas, Etats-Unis ... 2 »»
- M. Eugène Joffre » » ... \ »»
- M. Christophe Jofïre » » ... i »»
- M. Joseph Royer » » . . . 1 »»
- M. A. Crétien » » ... 1 »»
- Listes précédentes . . 127 75
- Total ce jour 136 75
- Nous lisons dans l'International Arbitration and peace association.
- « Il faudrait fonder une vaste Association Internationale, ayant pour but unique de faire prévaloir un système International d'Ar-iltrage.--Lksu.mz.it
- L’Association Internationale de l’Arbitrage et de la paix.
- 38. Parlement Street, Londres. S. W ., 30 Mars, 1885.
- Monsieur,
- Nous avons l’honneur de vous informer que nous nous proposons de convoquer une réunion de personnes de différents pays dans six ou sept semaines d’ici environ, et probablement à Bale (Suisse).
- L’objet de la réunion sera d’examiner les mesures qu’il y aurait à prendre pour organiser la fédération des Sociétés d’Arbitrage et de Paix établies ou à établir dans les divers états de l’Europe, en exécution d’une résolution adoptée au Congrès International^ tenu à Berne au mois d’aoùt dernier.
- Plusieurs questions auront à être discutées en suite de la résolution à laquelle nous venons de faire allusion. Parmi ces questions sera celle d’appointer des personnes individuellement ou des groupes de personnes dans les diverses villes d’Europe ; ces individus ou groupes formant les noyaux de sociétés futures et étant unis entre eux par une fédératiou commune»
- Peu après la Conférence de Berne, un de nos adhérents qui avait pris une part active à ses travaux, dressa, à la demande du Président de notre. Comité un projet d’organisation pour la Fédération future. Toutefois comme il y eut divergence d’opinion sur la valeur pratique du projet eu question, il fut trouvé préférable de le soumettre à une Confèrence comme base de discussion.
- Les soussignés regrettent le délai dans la convocation de cette Conférence, mais pendant l’automne, le Président de nôtre Comité a eu tout son temps pris par des voyages pour l’œuvre de l’Association, et nous avons pensé qu’il ne conviendrait pas à beaucoup de personnes de faire un long voyage en hiver. Cette circulaire sera adressée aux personnes qui ont témoigné le plus d’intérêt et pris la part la plus active aux Congrès tenus à Bruxelles et à Berne, respectivement en 1882 et en 1884.
- Nons avous le ferme espoir que tous ceux qui recevront cette circulaire feront de leur mieux pour assister à la Conférence projetée, et nons prions tous ceux qui ne pourraient pas y assister de nous donner le nom et l'adresse d’un compatriote compétent qui puisse probablement y assister à leur place.
- Nons vous prions instamment de vouloir répondre dans le plus bref délai à cette communication et de nous dire ;
- 1° S’il vous est possible d’assister à la Conférence.
- 2® Si vous avez quelque proposition à faire relativement au lieu et l’époque de la Conférence proposée.
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- 3° (Si vous ne pouvez y assister) nous nous prions d’honorer le Comité de votre opinion sur chacune des questions proposées dans le programme ci-joint.
- Le Comité de l’Association a eu à examiner la proposition de créer nn fonds international dans le but de défrayer les diverses dépenses relatives à la Fédération ; parmi lesquelles nous mentionnerons les frais de voyage et d’hôtel de ceux des membres qui ne pourraient les supporter eux-mêmes.
- Notre Comité n’exprime aucune opinion sur ce point, actuellement, mais il voudrait connaître les vues de ses amis de l’étranger à cet égard. Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de notre parfaite considération.
- Signataires:
- Hodgson Pratt, Président.
- G. B. Clark, Vice-Président.
- Geo Buchanan, Trésorier.
- Wm Phillips, Secrétaire Honoraire.
- J.Rkmght, Secrétaire-Adjoint.
- Éd. Martin Wood, Secrétaire.
- Programme des Objets qui seraient à examiner par la Conférence projetée et réunie dans le but de constituer une Fédération Internationale pour l’Arbitrage et la Paix.
- 1° Choix et nomination d’” Agents, ” Délégués” eu ”Coriespon-dants ” de la Fédération dans les diverses capitales de l’Europe.
- 2° Mesures à prendre pour la fondation et la fédération de toutes sociétés fondées dans le but de répandre les mêmex idées.
- 3° Constitution et règlement de la Fédération projetée.
- 4° Proposition de créer un ” fonds international,” et, si cette idée est approuvée, examen des règles à suivre pour recueillir et dépenser le dit fonds.
- 5° Proposition de réunir un Congrès International cette année ou l’an prochain, et dans quelle ville.
- 6° Objets à discuter dans un semblable Congrès et règlement pour la direction du Congrès.
- -------------------.«».».—---------------------------------
- Bizarreries du Vulpire Patriotisme
- Le patriotisme militaire a ses commandements, ses articles de foi et sa morale, plutôt ses morales.
- Expliquons nous par une comparaison avec la religion.
- Le peuple doit accepter la souffrance avec résignation, maudire les infidèles, observer les jours maigres ; tout cela pour honorer Dieu.
- Les hauts fonctionnaires de l'Eglise, pour convenablement honorer ce même Dieu, ' sont bien logés, bien vêtus, festinent avec tous autres hauts fonctionnaires des religions vouées à la malédiction populaire ; ils font maigre, en savourant sarcelles, langoustes, lamproies.
- Ainsi, le patriotisme militaire impose au peuple la haine de ses voisins; un citoyen du commun ne doit pas se commettre avec un allemand ordinaire; s’il réfléchit à l’Allemagne sans la maudire, il manque à tous ses devoirs ; à la pensée de Bismark, la main du vulgaire patriote doit chercher un poignard.
- En haut lieu, tout change ; les congratulations réciproques, les invitations à des festins plantureux, à des soirées luxueuses, sont absolument de ligueur , le haut dignitaire qui refuserait de don»
- ner un coup de fourchette en compagnie du grand chancelier et de vider avec lui quelques bouteilles du meilleur champagne serait considéré parmi ses pairs comme un traître et un goujat.
- Ces erreurs au reste n’arrivent jamais; le patriotisme des grands est trop éclairé pour commettre de pareilles fautes.
- Un des représentants de l’Aisne, l’honorable M. de St-Yallier, auquel sa haute situation impose le patriotisme des grandes gens, s’est conformé à ces rigueurs en envoyant un télégramme de félicitations à M. de Bismark à l’occasion de son 70e anniversaire.
- Des patriotes d’en bas ont été scandalisés. Us ont adressé une lettre de remontrance au représentant de l’Aisne. Les journaux ont donné tort aux petits.
- Braves gens, qu’en pensez-vous ?
- L’heure ne serait-elle pas venue de nous aristo-cratiser tous et d’accepter à l’unanimité les obligations du patriotisme qui s’assied aux bonnes tables et classe pami ses plus terribles engins la fourchette et la coupe.
- *
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- On a fait beaucoup de bruit à l’occasion d’un nouvel atlas allemand, dans lequel l'auteur à compris la Bourgogne dans les frontières de l’empire germanique.
- Si cette entreprise est l’œuvre de ces abominables tripoteurs qui excitent les peuples à se haïr pour écumer les valeurs de bourse pendant les troubles que suscitent ces haines, il suffira de quelques appels au bon sens pour habituer les masses à ne pas se laisser prendre aux pièges de la spéculation.
- Mais il y a toute raison de penser que la chose n’est pas aussi compliquée.
- Nos chauvins ont été simplement les dupes d’une mystification commerciale.
- Le libraire berlinois a escompté la publicité qui devait résulter des protestations françaises et l’envie qu’aurait tout bon patriote de posséder une preuve matérielle des sombres projets des Germains. Le tour est assez bien joué, de la part d’un commerçant allemand, d’avoir su se procurer des courtiers gratuits et des acheteurs parmi les adversaires les plus acharnés du commerce ger' manique.
- Us doivent rire à Berlin.
- Nous, nous pouvons dormir tranquilles ; notre capitole est bien gardé.
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- LE
- L’EUROPE ET L’ASIE
- Nous pourrons écrire sans injustice « la Folie et la Barbarie. »
- On ne peut qualifier autrement, avec quelque apparence de raison, l’Etat social des deux continents.
- Nous voulons essayer de prévoir et de prévenir les cataclysmes en germes dans les événements tendant à imposer aux asiastiques l’adoption de la pire erreur de notre civilisation insensée, le militarisme.
- Cette accusation d’insenséisme, dirigée contre des sociétés servies et défendues par des prêtres, dès moralistes, des économistes des historiens et des poètes inépuisables dans la glorification des institutions de la civilisation, sera probablement interprétée par le vulgaire comme une preuve de misanthropie.
- Quoi donc serait beau, grand, digne d’admiration, si ce n’est cette vieille Europe ayant élevé partout d’immenses usines, couvert son territoire d’un réseau télégraphique, construit dans les contrées les plus inaccessibles des voies ferrées constamment entretenues dans un parfait état d’exploitation !
- Faut-il avoir l’esprit de travers pour refuser son admiration à cette civilisationsiféconde en inventions mécaniques, en grandes entreprises, en ingénieurs, en savants, au moment même où les maîtres de la science vont découvrir les lois majeures de l’électricité dynamique 1
- Ils n’ont donc pas d’yeux pour voir, d’oreilles pour entendre, ceux qui, comme nous, ne sont pas éblouis par les rayons projetés par les grands centres européens, et qui ne sont pas étourdis par les retentissantes et fréquentes manifestations en l’honneur du progrès et de la science !
- Rien de tout cela ne nous échappe.
- Nous savons quelles sommes immenses d’intelli-gence, de savoir, sont le lot des savants de Paris, de Londres, de Berlin, de Vienne, de S^Petersbourg, de Rome.
- Nous n’avons aucun doute sur la fécondité des artistes de notre époque.
- Nous sommes convaincus que nos chirurgiens SOnt aptes à faire des cures merveilleuses.
- Nous n’ignorons pas que nos ingénieurs sont Capables de construire de nouveaux engins de Production, dont la puissance pourra centupler le
- rendement de notre outillage industriel.
- Nous voyons les formes colossales de l’industrie de demain.
- Nous savons que. bientôt la force motrice coulera par toute l’Europe, escaladant les sommets les plus escarpés avec autant de facilité qu’elle descendra les plans les plus irrégulièrement inclinés
- Nous voyons l’air sillonné d’appareils aériens transportant les hommes et les choses, suivant les voies les plus directes, en des espaces de temps à peine appréciables.
- Un progrès industriel encore plus important ne saurait nous surprendre ; car nous entrevoyons, avec tout cela, une ère de progrès social et d’harmonie ûniverselle déniée par la plupart des hommes qui partagent notre confiance dans l’avancement des sciences théoriques et des applications mécaniques.
- Mais, voyant au delà du perfectionnement des théories abstraites et des améliorations mécaniques, nous n’éprouvons aucune hésitation à appeler insensés les négateurs du progrès social.
- Les peuples de l’Europe sont insensés, parce que, jusqu à présent, ils ont été guidés, surtout, par les besoins de la stratégie dans l’amélioration de leurs voies de communication et de transports; parce que, nulle part, ils n’ont apporté tant de souci à l’application du grand machinisme, comme dans la fabrication des engins de destruction.
- Us étudient la lumière électrique pour éclairer des champs de carnage.
- Us étendent la télégraphie, la téléphonie, pour transmettre les bruits de guerre, les ordres de massacres, des nouvelles à sensation destinées à bouleverser les sociétés par les oscillations de la spéculation.
- L’idéal de ces insensés est de découvrir des torpilles suffisamment terribles pour détruire des flottes entières.
- Nul gouvernement en particulier n’encouragerait les recherches d’où sortira la navigation aérienne, s’il n’espérait aboutir à un moyen de destruction défiant tous les autres.
- Quel homme réfîléchi nous reprochera de juger aussi sévèrement des sociétés pourvues de moyens de production d’une puissance presqu’illimitée, et qui n’ont pas eu l’intelligence de comprendre que chaque nouvelle force devait être utilisée, uniquement, en vue de mieux satisfaire les besoins concourant au perfectionnement de l’être humain.
- Ces immenses arsenaux militaires comparés
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- minuscules ateliers des usines agricoles ne sont-ils pas un outrage au bon sens ?
- L’être raisonnable souhaite l’abondance générale de la force motrice pour alléger en tous lieux les efforts humains.
- La lumière électrique n’est pas faite pour servir la guerre ; son rôle est d’obéir au travail, de procurer la clarté à tous les élans bienfaisants de l’être humain.
- Le citoyen sensé veut le télégraphe,le téléphone, pour nous informer à temps des tempêtes qui nous menacent, pour nous rendre facile la distribution des ordres utiles à notre bon approvisionnement, pour augmenter et agrémenter nos relations avec les personnes qui nous sont chères, pour nous faire connaître, à chaque instant, tout événement intéressant le bonheur de l’humanité, survenu en un point quelconque du globe.
- L’Europe est en possession de découvertes incomparables, d’agents formidables par leur puissance ; elle est insensée en les laissant se mouvoir, s’entrechoquer, suivant les caprices les faiblesses, les erreurs des individus. Leur action bienfaisante est convertie en dangers permanents, parce que au-dessus de ces immenses leviers il n’existe aucun esprit de direction.
- La civilisation européenne, si elle n’était insensée, aurait depuis longtemps créé des gouvernements capables de saisir les corrélations du progrès mécanique avec le progrès social. Elle s’attarde vainement à maintenir des pouvoirs plus ou moins despotiques préoccupés de régir les individus, quand il faudrait des gouvernements assez intelligents pour équilibrer des institutions.
- L’Europe ressemble à ces grandes machines démontées, dont les pièces de chaque organes disjoints sont choses encombrantes et inutiles, qui, mal ajustées, deviennent dangereuses en raison directe de la quantité de bon travail qu’elles pourraient produire, si une main expérimentée les avait placées chacune dans les conditions rigoureuses déterminées par la science.
- Loin de chercher les lois de cette direction générale, les peuples de l’Europe honorent et proclament illustres les négateurs de cette harmonie universelle.
- Les princes de l’économie politique, les interprètes des sentiments des classes dirigeantes, aux applaudissements des gens réputés raisonnables,
- appellent « novateurs imbéciles » les penseurs convaincus de la nécessité de solidariser le progrès social avec le progrès industriel.
- Que l’on examine notre France et son Paris tant vanté.
- Nul ne semble s’apercevoir du trouble provenant du défaut de connaissance des lois du progrès social ; l’on ridiculise et l’on flétrit quiconque se livre à cette recherche.
- Dans la confusion des luttes des partis, aucun citoyen ne consent à soumettre son opinion à un critérium d’ordre universel.
- Les uns sont pour la politique coloniale, parce qu’ils espèrent en tirer des profits directs, ou bien dans l’attente de perpétuer au pouvoir des hommes dont ils attendent des fonctions et des faveurs.
- Parmi les adversaires de cette politique, le plus grand nombre obéit à des sentiments analogues J beaucoup n’ont d’autre but que de chasser du pouvoir des hommes qu’ils ne peuvent ou n’osent solliciter, et de les remplacer par des amis complaisants disposés à les faire bénéficier des grati-tu.ies gouvernementales.
- Combien est petit, dans les deux camps le nombre d’hommes motivant leur opinion d’après des considérations tirées de cette vérité supérieure que la race humaine est une, que chaque individu a les mêmes droits.
- Nous avons aussi les patriotes, les sectaires de la revanche qui mettraient l’Europe à feu et à sang pour disputer l’Alsace-Lorraine à l’Allemagne, sans réfléchir que les vies humaines et les richesses innombrables sacrifiées n’amélioreraient pas d’un atome le bien-être des travailleurs prolétaires de ces malheureuses provinces, que deux peuples larrons se volent tour à tour, sans jamais renoncer, l’un et l’autre, à des prétentions que rien ne justifie loyalement.
- A l’intérieur, toutes les divergences des partis naissent d’ambitions inassouvies et de la dispute du pouvoir.
- Les capitalistes, les rentiers acclament l’Etat emprunteur, pourvu que les travailleurs paient les impôts destinés au service des intérêts.
- Les industriels édifieraient la prospérité de leurs métiers sur l’appauvrissement du travail.
- Les propriétaires, pour éviter les conséquences de leur paresse et de leur ignorance, affameraient la moitié de la population.
- Les meneurs de ces partis, de ces coteries, de ces bandes, tous ces affolés de jouissance n0
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- s’aperçoivent pas que, pendant leurs querelles jalouses, ce bien-être dont ils sont si friands est prêt à leur échapper par la révolte des masses déshéritées, sans profit pour personne.
- En Angleterre, les classes dirigeantes ne sont pas mieux inspirées.
- pour le bonheur de quelques centaines de lords, l’Irlande et l’Ecosse sont brutalement maintenues dans un servage économique atroce.
- Les gouvernants passent le temps à supputer quelles forces ils peuvent réunir et quelles résistances ils rencontreront, en vue d’étendre ou de conserver une action extérieure visant uniquement l’exploitation des autres peuples.
- Là, comme en France, comme à Berlin, lorsqu’ils supposent avoir la force pour eux, ils ont, prêtes, des légions de moralistes, de publicistes toujours disposées à prouver que l’honneur national, l’intérêt du peuple et le bonheur de l’humanité sont liés à l’exécution de leurs plans abominables.
- Peu leur importent les gémissements de la masse ; ils comptent qu’ils ont encore suffisamment d'argousins et de prétoriens pour noyer dans le sang les réclamations des déshérités. •
- A Berlin, l’insolence de la force brutale s’étale dans toute son exubérante laiueur. Gouvernants et dirigeants s’imaginent volontiers que l’humanité entière est sortie des évolutions de la planète pour faire la grandeur de la dynastie des Hohenzol-lern et des quelques ducs de Gérolstein, ses satellites.
- Les commerçants, les industriels allemands se soucient fort peu de rechercher dans l’abondance de certaines matières premières l’amélioration du sort des travailleurs allemands ; ces gens là croient très sérieusement que ces dons naturels sont uniquement créés pour assurer la suprématie commerciale et industrielle de la poignée des capitalistes allemands.
- Là aussi, lorsque le peuple accepte docilement les vues du gouvernement, on lui distribue avec prodigalité les épithètes de valeureux, de magnanime, de héroïque, et rien de plus ; s’il réclame sa part au banquet delà vie, on.l’emprisonne, on le mitraille sans pitié.
- En Autriche, tout le progrès social, d’après les directeurs de l’opinion publique, consisterai main, tenir sous le sceptre viennois les éléments disparates qui ont accepté, plus ou moins contraints, la suzeraineté autrichienne.
- En Russie, la morale en faveur en haut lieu enseigne que l’intérêt national et le bonheur du peuple russe et de l’humanité entière résident dans l’obéissance absolue aux ukases de l’empereur et pape Alexandre II.
- Partout ces erreurs grossières sont protégées par des institutions défendues par la force armée, que l’on oppose, en toutes circonstances, aux réclamations des travailleurs.
- ♦**
- L’absence d’une direction sensée dans une partie de l’Europe, et le despotisme monarchique mis ouvertement au service des privilèges aristocratiques dans l’autre partie perpétuent les coalitions entre les peuples et les discordes entre les classes.
- A ces antagonismes politiques s’ajoutent maintenant les luttes commerciales et industrielles, où h; victoire appartient aux nations les mieux organisées pour l’exploitation du travail.
- Ces complications imposeraient à des peuples conscients une plus grande attention dans l’observation des phénomènes sociaux.
- Au lieu de se répandre davantage et d’étendre leur plus malfaisante institution, le militarisme, les peuples européens, s’ils étaient raisonnables, s’efforceraient d’organiser chez eux l’union des classes par la solidarité des intérêts.
- Mais aucun d’eux, République ou Monarchie, ne semble s’apercevoir de l’aggravation du désordre social engendré par l’action combinée des compétitions politiques et des luttes commerciales.
- Sous la double impulsion de la politique et de la concurrence, l’Europe exagère encore son organisation militaire déjà excessive, lorsque le bon sens commande d’appliquer toutes les forces humaines aux œuvres de la paix et du travail fécond.
- La guerre commerciale, ouvertement pratiquée par toutes les nations, sème ses champs de bataille sur la surface entière du globe.
- Le militarisme, au service de la monarchie et de la religion, a limité ses ravages à des horizons circonscrits ; le militarisme, aux ordres de la politique financière, n’épargne aucun pays.
- Le pire résultat de cet entraînement sera la généralisation des vices les plus condamnables de notre civilisation.
- Si l’on n’y prend garde, d’après les tendances européennes à l’heure présente, on contraindra les barbares àadopter nos armements et notre tactique, avant que notre civilisation ait usé leurs énergiques résolutions et leurs sauvages emportements.
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- Au lieu d’essayer de corriger les abus de nos sociétés et d’y substituer les pratiques susceptibles d’atténuer et de faire disparaître insensiblement les absurdités de la civilisation, la France s’ingénie à trouver des prétextes d’intervenir violemment en Chine, à Madagascar, en Afrique; l’Allemagne, pas plus raisonnable, envoie ses officiers inilier les hordes Chinoises au maniement de nos armes; des ingénieurs civils et militaires livrent au 400,000,000 de chinois les secrets d’une puissance militaire effroyable, alors qu’elle est le monopole de 300,000,000 d’Européens amollis par la civilisation. La Russie pénètre brutalement au cœur de l’Asie en encadrant dans son organisation militaire les populations conquises. L’Angleterre, obéissant aux intérêts égoïstes de sa politique commerciale, fournit des canons, des armes, des instructeurs au reste de l’Asie.
- Voilà l’œuvre de la civilisation 1
- La folie pourrait-elle en concevoir une autre plus stupide ?
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- * *
- L’Exemple du Japon devenu,en quelques années, une puissance militaire avec des armées organisées à l’européenne, avec une flotte de navires cuirassés parfaitement construits et de torpilleurs habilement agencés, nous fait prévoir à brève échéance que le continent asiatique aura bientôt son milliard d’habitants capable d’opposer à l’Europe une armée plusieurs fois plus nombreuse que les contingents des civilisés.
- Cette prévision n’est point vaine; elle sera bientôt une réalité, si l’Europe persévère dans la politique que la France et Allemagne viennent de pratiquer en Cochinchine, que l’Angleterre et la Russie s’apprêtent à exagérer encore tôt ou tard.
- Plus tard, ne pourrait-il arriver qu’un Madhi quelconque,favorisé par une explosion du fanatisme religieux, par un de ces événements toujours possible chez des peuples se sentant courageux et fortement armés, précipite contre l’Europe les masses asiatiques cohésionnées en armées solidement organisées et puissamment outillées.
- Même, qui nous garantit que la Russie, voulant résister au courant démocratique qui conquiert l’Europe et résoudre certaines questions d’ordre continental suivant les vues constamment avouées par les descendants de Pierre-le-Grand, ne cherche un appui suprême dans le concours des asiatiques ?
- On parle déjà des projets du Tsar de se rendre prochainement à Samarkan, dans l’ancien palais de Tamerlan, et de s’y faire couronner empereur de l’Asie centrale,
- Ne peut-on, dès maintenant, considérer ce projet et le choix du lieu comme une menace directe adressée à l’Europe occidentale ?
- Menace terrible, si elle aboutissait à mettre en présence des troupes également nombreuses et également armées ; car, dans ces conditions d’égalité, jamais les civilisés ne triompheraient des barbares; encore, dans un pareil choc, le nombre serait du côté des asiatiques.
- On ne trouvera dans aucune armée européenne des bataillons faisant massacrer jusqu’à leur dernier soldat, comme cela vient d’avoir lieu dans un récent combat entre Russes et Afghans. Deux compagnies d’Afghans armés de fusils à pierre ont eu la sauvage énergie de ne pas abandonner leurs tranchées à des assaillants munis de fusils à tir rapide; tous ont préféré la mort à la capitulation.
- Quand même l’on écarterait cette évantualité d’une guerre intercontinentale suivie de la défaite des peuples civilisés, n’est il pas absurde d’aller apprendre aux asiatiques à s’épuiser dans les efforts stériles et destructeurs du militarisme. Mieux vaudrait les laisser abandonnés à eux-mêmes, si l’intervention européenne ne doit pas avoir d’autres résultats ? Elle ne peut en avoir d’autres si on la
- continue, comme on l’a commencée.
- *
- ♦ *
- Si les gouvernements européens avaient quelque sagesse, ils s’appliqueraient uniquement à mettre leur constitution sociale en harmonie avec la raison. Au lieu de compliquer cet immense problème par la conquête des peuples barbares, ils s’adonneraient entièrement à la solution des questions nationales et à la formation d’une solide fédération européenne ; ils n’auraient pas la folle prétention de dominer les autres continents avant d’avoir implanté chez eux un ordre social donnant le bien-être à la généralité des citoyens.
- N’est-ce pas un acte de démence d’armer les peuplades barbares, quand la seule action protectrice à exercer sur ces peuplades serait de les préserver de la dangereuse possession des armes de guerre -, possession dangereuse pour eux-mêmes et pour la sécurité des civilisés.
- Au point où en est l’intervention européenne en Asie, tous les gouvernements influents du vieux monde ayant déjà créé des intérêts correspondants
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- aux rivalités et aux antagonismes existant sur notre continent, il serait inutile de vouloir la cessation immédiate de cette intervention.
- Tout ce qu’on peut faire de rationnel, à cette heure, est de demander aux puissances de coordonner cette intervention, et de la limiter à l’action strictement pacifique.
- La question de l’Asie devrait être réglée par une grande conférence internationale qui proclamerait la neutralisation de ce continent, comme la conférence de Berlin, a récemment décrété la neutralité du Congo. Toute action répressive ou expansive ne pourrait être poursuivie sans le consentement des gouvernements européens.
- Nous ne voulons pas nous arrêter à rechercher les clauses d’un pacte aussi humain ; il nous suffit d’avoir émis une idée que l’on dira utopique d’abord, mais que l’on ne pourra examiner sérieusement sans la trouver de plus en plus rationnelle à mesure qu’on la discutera davantage.
- Cependant nous croirions mentir à notre titre d’organe de la paix, si, dès maintenant, nous ne signalions aux puissances européennes la véritable signification de notre proposition.
- — Les puissances civilisées devraient, par un accord international, déclarer qu’aucune d’elles ne pourra désormais étendre ses possessions chez aucun peuples sans l’assentiment du concert européen ; que les citoyens entraînés dans les pays inexplorés par l’amour des voyages, de la science, du lucre relèvent de la protection collective des gouvernements européens ; que toute l’importation et fabrication des armes de guerre est absolument interdite dans ces contrées.—
- Notre proposition est en contradiction avec le faux sentimentalisme qui réclame en faveur de l’inconscient une liberté égale â celle permise à l’homme développé.
- Mais nous n’admettons pas qu’un être humain puisse raisonnablement revendiquer la faculté de pouvoir nuire aux autres hommes.
- Ce que nous proposons est conforme aux besoins de la vie humaine ; cela nous suffit. Peu nous importent les croyances et les préjugés opposés à cet ordre d’idées. A tous ceux qui verront dans nos intentions un attentat à la liberté individuelle,no us leur répondrons par le défi de prouver que nos projets ne sont pas favorables au perfectionnement de l’être humain. Toutes les objections seront vaines pour nous, parce que la raison nous dit qu’il est insensé de mettre à la disposition des barbares
- la vapeur, l’électricité, les matières explosibles, lorsque les civilisés sont encore assez criminels pour employer à la destruction la plus grande partie de ces forces incalculables.
- La Politique Commerciale
- Aux yeux de certaines gens, lorqu’on reproche aux gouvernements actuels de partir en guerre au nom du lucre, du commerce, de la finance, comme autrefois on invoquait les mots Dieu, le Roy, la religion, l’honneur, la gloire, on passe pour mal juger et critiquer injustement. Ceux qui pensent de la sorte nous les engageons à méditer les lignes suivantes extraites de la Gazette de Cologne, organe officieux du gouvernement allemand, un article examinant quelle doit-être l’attitude de l’Allemagne dans le cas d’une guerre anglo-russe. On dira peut-être que cela n’est pas surprenant de la part de l’affreuse et égoïste Allemagne. Une lecture restrospective des articles publiés, à l’occasion de la guerre du Tonkin, parles loyaux journaux de la généreuse France, prouvera que nous sommes en pareille matière à la hauteur de l’Allemagne.
- Voici ces quelques lignes tirées de la Gazette de Cologne :
- Dans un tel état de choses, la question de savoir si une guerre anglo-russe ne nous rapporterait' pas des avantages financiers et matériels reste ouverte. Les pertes que pourraient produire de temps en temps à la Bourse des prévisions au sujet de la situation politique auront, aussi bien en Allemagne que dans le monde entier, des compensations de même valeur. On prétend, en Angleterre, que les titres russes, qui se trouvent surtout dans les mains d’Allemands, seraient dépréciés, — mais, d’autre part, on avance que sur chaque titre qui, en cas de guerre, serait acquis par des Allemands, l’acheteur gagnerait beaucoup d’argent, et l’on ne saurait répondre qu’affirmativement à la question si, en cas de guerre, le marché d’exportation russe ne resterait pas, en somme, ouvert comme actuellement. Les transactions se feraient alors naturellement par voie de terre, ce qui nous serait évidemment avantageux. A part cela, il est hors de doute que l’industrie allemande et le commerce allemand remplaceraient, sous plus d’un rapport, l’industrie et le commerce anglais. Il y a en Allemagne des gens très clairvoyants qui sont persuadés que la guerre entre la Russie et l’Angleterre sera à l’avantage de nos intérêts matériels.
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- « Je n’ai jamais pu admettre au’il y ait eu, ni qu’il puisse y avoir jamais une guerre bonne, ou une mauvaise paix. »
- Fhanklin.
- APPEL Aü VRAI PATRIOTISME
- POUR L’ENFANT.
- Une des lois dont il serait temps de s’occuper, c’est la loi protectrice de l’enfance.
- Mais, dit la Chambre, si je n’ai pas voté la loi qui proté-
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- gérait les enfants, c’est que, pour l’appliquer, il faudrait une douzaine de millions par an. Et nous n’avons pas l’argent. Si ce n’est que l’argent qui manque à la Chambre, elle pourrait facilement s’en procurer.
- Vous n’êtes pas sans avoir lu quelquefois dans les journaux une annonce ainsi conçue ou à peu près :
- «M. X... est décédé intestat, et sans laisser d’héritiers directs. Les parents qu’il pourrait avoir sont invités à se faire connaître à Z..., notaire à ... »
- Alors, on voit accourir à l’étude indiquée des gens aussi étonnés que joyeux.
- — Vous êtes parent de feu X... ? demande le notaire.
- — Oui, arrière-cousin de l’arrière-cousin de son arrière-tante.
- — Vous ne saviez donc pas qu’il était mort ?
- — Je ne savais même pas qu’il eût existé.
- — Eh bien ! c’est à vous que sa fortune revient.
- Et ce parent à mille lieues hérite d’un individu qu’il ne connaissait pas, et qui ne le connaissait pas, et qui, s’il l’avait connu, aurait peut-être mieux aimé jeter son argent à l’eau que de le lui léguer.
- Parfois F héritage est misérable, il est rarement rothschil-dien, mais l’ensemble de ces héritages livrés à l’inconnu est, en moyenne, d’une douzaine de millions par an.
- Une douzaine de millions ! juste ce qu’il faudrait pour que les enfants fussent protégés.
- C’est pourquoi nous approuvons les députés qui proposent qu’au lieu d’appartenir aux parents jusqu’au douzième degré comme le veut la loi actuelle, les successions ab intestat appartiennent désormais à l’Etat à partir du sixième. C’est pourquoi nous approuvons les députés qui demandent que les successions dont hériterait ainsi l’Etat soient pour les enfants.
- Sur combien de points les enfants auraient besoin de protection !
- Savez-vous le nombre d’enfants arrachés au foyer par l’usine et condamnés à gagner leur vie ? Un rapport officiel en constate 213,101 dont 4,234 n’ayant pas douze ans ! La loi ? voulez-vous pas que l’administration aille taquiner les chefs d’usine, qui sont de gros personnages ? Vous savez que nous sommes sous le régime de l’instruction obligatoire. Eh bien, le rapport officiel fixe à 69 pour 100 le nombre des enfants dont les parents ou les chefs sont en règle. C’est donc 31 pour 100 qu’on n’instruit pas. Au moins, les deux autres tiers ont reçu l’instruction primaire ? Beaucoup « ne savent même pas lire.»
- Passons des usines aux écoles maternelles. Ces écoles sont des établissements où l’on recueille les enfants dont leurs mères ne peuvent pas, ne savent pas ou ne veulent pas s’occuper. La dernière statistique (1882-1833; constatait dans des écoles la présence de 679,085 enfants. Prés de sept cent mille enfants dont leurs mères ne s’occupent pas !
- Mais les enfants dont leurs mères ne s’occupent pas sont heureux aupiès de ceux que leurs mères abandonnent et de ceux que leurs mères maltraitent. G’est à ces abandonnés et à ces maltraités que s’intéresse spécialement la loi qui voudrait leur donner la douzaine de millions que la loi actuelle fait donner par les morts à des gens dont ils ignorent le nom. La limitation de l’hérédité au sixième degré ne porterait nulle atteinte au droit de propriété et de transmission, puisque cette
- limitation n’aurait lieu que dans le cas de décès sans testament et qu'on serait toujours maître de léguer ce qu’on voudrait aux parents de n’importe quel degré.
- Occupons-nous des enfants. La société se doit à tous, mais si elle doit être l’auxiliaire de toutes les forces, elle doit être la protectrice de toutes les faiblesses. Elle doit être plus tendre aux plus petits. Elle doit être sœur pour l’homme et pour la femme, mère pour l’enfant.
- (Echo Vouzinois.)
- Proposition de Loi
- Parmi les hommes les plus dévoués à la politique de Ferry, l’un des plus belliqueux est le vieux comique qui s’appelle Langlois. Il a voté des deux mains l’expédition du Tonkin, et l’étonnant colonel ne regrette évidemment qu’une chose : c’est qu’on ne parte pas plus souvent en guerre.
- Or, dans un ouvrage de ce même J.-A. Langlois, l’Hom-me et la Révolution, publié en 1867, chez Germer-Bail-lère, on lit (2e volume, page 444, lignes 22 et suivantes) cet excellent conseil :
- Toute guerre offensive devra être votée au scrutin public (non secret) par la majorité des citoyens. Tous ceux, sans exception aucune, qui auront voté la guerre offensive seront soldats.
- Les journalistes et les orateurs qui auront excité la nation à la guerre formeront une brigade d’avant-garde jusqu’à ce qu’ils soient tous tués.
- Evidemment voilà la loi qu’il faudrait instituer. Mais, si elle existait, où serait maintenant le père Langlois ?
- Dictionnaire de l’avenir
- CHAUVIN. Subst. masc. •— Race perdue qui croyait à la gloire, aux forteresses et aux canons (voir ces mots).
- Le chauvinisme a fait son temps comme tous les fanatismes, et l’ombre du dernier chauvin a suivi dans les brouillards du passé les derniers Césars.
- Voltaire écrivit en parlant de la France : « C’est un pays fait pour les jeunes femmes et les voluptueux, c’est le pays des madrigaux et des pompons. »
- Or, le pompon, un pompon écarlate trempé dans le sang, figure en première ligne dans les armes de Chauvin.
- Mais de France, Chauvin passa en Prusse: comme le juif-errant, il alla partout marchant sur la justice et le bon drmt, comptant un homme pour rien et pour tout le drapeau. C’est à lui que nous devons les reculs que le progrès fit dans sa marche ; il dicta des vers à Béranger, il enlumina les gravures d’Epinal, il vulgarisa ses principes par les lithographies de Chariot et de Raffet, il tint le premier rôle dans les vaudevilles de Scribe, il chanta les chansons de Debraux, il caracola pendant vingt ans sur les planches du cirque, boulevard du Temple, avec chapeau à trois cornes et une redingote grise. Il se faufila dans les cabarets, soutenant que nonobstant tous les
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- raisonnements, le pompon mérite seul d’ètre respecté, et que si l’on est pas de son avis, il ne reste plus qu’à se découdre. Tant qu’il a vécu, Chauvin n’a pu qu’avoir raison ; infaillible comme un soufflet, il fut vainqueur des belles grâce à son pompon et vainqueur des philosophes grâce à sa baïonnette dans le ventre !
- Si Chauvin a eu son côté tragique, il a eu aussi son côté comique ; c’est lorsqu’ayant caressé la'dive bouteille, son pompon s’allongeait en plumet.
- COSMOPOLITE. Subst : des deux genres qui désignait autre fois les gens assez courageux pour se croire chez eux’partout où ily avait quelques biens à faire ;ee mot était alors l’opposé de chauvin.
- POTONIÉ-PlERRE
- L'arbitrage et la Presse
- La presse commence à s’occuper sérieusement de la question d’arbitrage. Un grand nombre de journaux de Paris de diverses nuances reviennent fréquemment sur cette question. Le Radical, la République radicale, la Lanterne, le Rappel, la France libre n’hésitent en aucun cas à se prononcer affirmativement.
- Nous avons lu dans la Lanterne :
- Pour certaines gens, l’idéal c’est une politique de bouledogues. Un grognement et les crocs dans la chair.
- A la place de la discussion, de la négociation, de l’arbitrage ils ne comprennent que les injures et les coups de poing. Ils sont d’autant plus belliqueux qu’ils donnent et reçoivent les coups de poing par procuration. Ce sont des gens qui font : Xi... Xi... Xi !... Leur bonheur est de voir des armées se massacrer, des villes brûlées et pillées, des pays ruinés, toutes les horreurs de la guerre,si connues et tellement monotones dans leur atrocité, quelles sont devenues un lieu commun.
- Quand, en France, MM. Gaillard et Frédéric Passy ont eu le courage de parler d’arbitrage entre la France et la Chine, ils n’ont été accueillis que par les rires et les plaisanteries dédaigneuses de la majorité, ceux mêmes à qui l’idée ne répugnait pas, disaient :
- Ce n’est pas pratique ! — Ce n’est pas pratique !
- Il était, en effet, bien plus pratique de faire tuer des hommes. C’est une idée simple, au niveau de nos ancêtres de l’âge de la pierre sur les os de qui on trouve des entailles qui prou-ventleur caractère belliqueux. C’étaient des héros. Ah ! eux aussi avaient un profond dédain pour la discussion, les négociations, l’arbitrage !
- Les Anglais sont plus éloignés que nous des hommes de l’âge de la pierre. Le jour de la réunion du Parlement, après l’affaire de Pendjeh, une proposition d’arbitrage a été déposée par 110 membres de la Chambre des communes.
- Les faits actuels prouvent combien ils avaient raison.
- Dans la République Radicale sous la signature Désigné :
- Quand nous demandons que les conflits entre nations soient soumis à des experts, la cohue des Prudhommes se lève comme un seul ventre et vocifère en montrant son poing graisseux :
- L’arbitrage, jamais ! nous ne rêvons que plaies et bosses, nous autres ; nous aimons le sang répandu, nous autres, les milliards dissipés en poudre, les crânes fendus, les membres rompus, les flancs saignants, les trous béants dans la poitrine des hommes ; nous aimons à voir les mères pleurantes, les nations ruinées ! Car la guerre est le passe-temps des classes dirigeantes, et nous sommes les classes dirigeantes, nous autres, et nous faisons la guerre !
- Ces matamores font la guerre comme ils font fortune : avec le sang et l’argent du peuple ; ils sont belliqueux par délégation.
- Les fils des preux qui forment la majorité de notre joli parlement, et qui ont bêtement et cruellement envoyé vingt mille de nos enfants périr misérablement au Tonkin, et tuer à peu prés autant de Chinois n’en pouvant mais ; ces entrepreneurs de tueries coloniales étant en même temps fils de Joseph Prudhomme, ne pouvaient naturellement manquer d’exhaler leur courroux, quand M. Gaillard est venu leur parler d’arbitrage.
- Le brave député de Vaucluse est d’ailleurs habitué à ces réceptions, ce qui ne l’empêche pas de revenir à la charge chaque fois que l’occasion s’en présente.
- Et comme il a raison !
- Pour qu’un clou entre, surtout dans ces caboches desséchées, il faut sans cesse frapper dessus, dix fois, cent fois. Longtemps on désespère,puis un beau jour la tâche est accomplie, le clou est entré.
- Félix Pyat a encadré dans nn article de la France Libre une lettre de notre ami Gaillard, que le célébré penseur accompagne de réflexions saissi-santes -, le défaut de place nous empêche de reproduire entièrement la belle page de Pyat.
- Au risque d’indiscrétion, dit Félix Pyat, et même d’orgueil par la lettre suivante, je demande pardon à son auteur de la publier ; mais comme journaliste, je dois justifier mon retour sur la question :
- chambre Paris, 15 avril.
- DES DÉPUTÉS
- « Monsieur Félix Pyat,
- « Permettez-moi de vous remercier du concours éminent que vous apportez à la cause de la paix et de la justice.
- « Merci, en outre, des quelques paroles bienveillantes qui accompagnent mon nom prononcé dans votre article.
- « Grande serait ma joie, si vous aviez occasion de revenir à ce sujet de l’Arbitrage et de la guerre.
- « Vous êtes de ceux qui peuvent contribuer puissamment à éclairer l’opinion publique et la presse sur cet ordre d’idées, vieux historiquement, mais trop nouveau encore pour l’esprit frivole de nos contemporains de Paris.
- « A part de rares exceptions, les journalistes trouvent commode de traiter cette question par le calembourg plutôt que par la science.
- « Les hommes politiques et les publicistes des pays étrangers auront de nous, une fois de plus, une mince estime.
- « Il nous faut changer cela. Vous montrezle chemin ; d’autres suivront.
- « Avec l’expression de ma très haute considération.
- « J. Gaillard »
- Quand la science aura pénétré la politique du Calembourg
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- LE DVEOIR
- des avocats et des soldats ; quand elle aura imposé cette vérité à la place de l’erreur, l’unité par la liberté et non par l’autorité ; alors, nous remplacerons la force par le droit, la foi par la logique, la violence par la justice, le canon par la raison, la guerre, enfin, par l’arbitrage ... et l’arbitrage nous mènera pas à pas au désarmement général, à la suppression des armées permanentes, à leur transformation en police armée exécutant les jugements des Etats-Unis européens.,, l’idéal républicain.
- Jusque-là les uns malgré religion, les autres malgré révolution, nous sommes et serons à peu près tous guerriers et duellistes, chevaliers, barbares, sauvages, des porte-queues, des porte-croix, des tatoués, des loups ... le droit du plus fort... la Force prime le Droit... Ultima ratio.
- Si l’honneur du collectif est de tuer et de prendre, comment gst-ce un crime pour l’individu ?
- Ecoutez les feuilles officieuses et officielles qui conseillent Vhéroïsme. L’homme de l’arbitrage et de la paix, M. Gladstone est un mauvais citoyen, un traître à son pays ; il manque de patriotisme ; il compromet l’influence anglaise, le prestige national, l’empire britannique. Il perd les colonies.
- Non, Gladstone est fidèle à sa patrie, en étant fidèle au droit. Il est patriote comme Robespierre ne voulant pas de guerre. Il sait comme le Jacobin que la guerre produit César, et que César tue la République. 11 sait qu’il n’y a ni progrès, ni lumière, ni art, ni travail, ni civilisation, ni patrie, ni humanité avec la guerre ; que la guerre est destructive de tout ce qui est vie humaine, physique, intellectuelle et morale ; ce que l’arbitrage seul peut remplacer la guerre par la paix.
- Les anciens militaires réformés avec le Congé n° 1 réclament la possibilité d’obtenir toujours la conversion de la gratification en pension dans le cas d’aggravation des infirmités ayant motivé la réforme.
- Le gouvernement qualifie cette réclamation î d’exhor-bitante ! et la rejette.
- Toujours le patriotisme à bon marché !
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- Beautés des mœurs militaires
- Il y a trois ans et demi environ, aux courses d’Àuteuil, un jeune engagé volontaire du 39 dragon en garnison à Chartres, M. H. de Maussé, d’une vieille famille de France, eut avec un de ses amis. M. de H.., une altercation qui fut suivie d’un duel dans le bois de Vincennes.
- M. de Maussé reçut une balle dans le bras et M. de R... fut atteint mortellement à la poitrine.
- Son congé expirant le soir même, le j eune dragon, qui avait été récemment nommé brigadier, repartit immédiatement pour Chartres et reprit son service sans parler de sa balle dans le bras. Mais le lendemain, au cours d’une revue, la douleur qu’il éprouve devint tellement aiguë qu’il s'évanouit. On dut le transporter à l’hôpital, où on procéda à l’extraction de la balle.
- M. de Maussé apprit, quelques jours après que M. de R...,mourant, demandait à lui dire un dernier adieu. Il sollicita aussitôt une permission, mais on lui refusa. Ce refus bouleversa le jeune homme, qui voulait absolument
- aller embrasser M. de R... et implorer son pardon.
- Il quitta furtivement. Chartres vint à Paris( vit son ami à son lit de mort, et, affolé, se sauva en Belgique et de là en Angleterre, où il mena l’existance la plus malheureuse, mais sans jamais cesser d’être honnête. Il était réduit à garder des pourceaux, quand sa famille, à laquelle il n’avait plus donné signe de vie, découvrit sa retraite. Le pauvre garçon apprit alors que le bruit courait au régiment qu’il avait déserté uniquement pour éviter une poursuite du chef d’indélicatesse. Cette nouvelle le détermina à rentrer aussitôt en France pour se constituer prisonnier.
- Il vient de comparaître devant le Conseil de guerre du 4» corps, qui, ému du récit de ces douloureuses aventures, ne l’a condamné qu’à deux ans de prison, minimum de la peine. Un recours en grâce a même été signé par tous les membres du conseil.
- PÉTITION DE L’HOMME A LA FIGURÉ DE CIRE
- Les journaux ont beaucoup parlés de « l’Homme à la figure de cire ». Voici la pétition que cette malheureuse victime de la guerre a adressée à la Chambre des députés.
- « l e sieur Moreau,demeurant à Pari s,ancien mi-» litaire pensionné, se plaint de mauvais traite-» ments qu’il aurait subis dans unhôpital militaire,
- » et à la suite desquels la figure artificielle et le » dentier qui avaient été fabriqués spécialement » pour lui, auraient été brisés. Il s’adresse à la » Chambre pour obtenir la fourniture d’un appa-» reil et d’un dentier nouveau et l’augmentation » de sa pension. »
- Motifs de la commission. — Le sieur Moreau, ex-canonnier de l’armée du Nord, est une des victimes les plus dignes d’intérêt de la guerre 1870-1871. M. le général Ambert, dans le second volume de ses souvenirs militaires (MM. Bland et Barret, éditeurs), a raconté l’histoire émouvante du canonnier Moreau. Un éclat d’obus lui enleva, au combat de Bapaume, la partie centrale de la face. Laissé pour mort sur le champ de bataille, le blessé eut cependant la force de se relever et l’énergie de se diriger vers le village d’Erviliers où il fut recueilli. Admis d’abord à l’hôpital d’Arras, un an environ après au Val-de-Grâce, l’ancien soldat, objet de soins intelligents et dévoués, finit par se trouver à peu près guéri d’une blessure qui devait entraîner la mort. C-n lui fit une figure artificielle qui, atténuant autant que possible les effets de la terrible mutilation, lui rendit toutes les sensations de l'odorat et lui permit de respirer, de manger et de parler.
- Le 24 décembre 1882, de passage à Valenciennes, M. Moreau, atteint d’une fièvre cérébrale, entra le 1 7 janvier 1883 à l’hôpital civil, pour être bientôt après tranféré à l’hôpital militaire. Bans cet établissement, le malade aurait été l’objet d’importunités incessantes de la part des médecins et des élèves chargés de le soigner, curieux d’examiner et d’étudier la blessure et l’ingénieux mécanisme de l’appareil et du dentier créés par le dentiste, M,
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- Delalain, replaçant la figure. Souffrant, fatigué par ces obsessions réitérées, le patient fit entendre des réclamations dont on ne tint aucun compte. Le 18 janvier 1883, comme il refusait de prendre un remède prescrit par les médecins, il aurait été violenté. L’aveugle, vivement surexité, aurait alors quitté son lit et une lutte se serait engagée avec deux infirmiers, en présence de M. le médecin militaire en chef et de ses aides. Pendant la lutte, la figure et le dentier artificiels qui seul rendaient à Moreau sa situation aussi supportable que possible, se détachèrent, furent foulés aux pieds et écrasés.
- Pour vaincre la résistance du pauvre invalide, l7un des infirmiers lui aurait porté sur le front, avec une grande violence, un coup de tisonnier qui lui fit une blessure profonde dont la trace est ineffaçable. Revêtu de la camisole de force, M. Moreau fut transféré à l’hospice des fous d’Armentières. Et ce ne fut qu’après dix mois environ que, rendu à la liberté, il put reprendre avec sa femme et sa fille le chemin du Favril où il habite entouré des sympathies et du respect de tous.
- M. Moreau demande l’intervention de la Chambre pour faire ordonner une enquête sur les brutalités dont il a été l’objet ;
- Pour lui faire fournir par l’Etat une figure artificielle semblable à la première ainsi qu’un double dentier supérieur pour mastiquer ses aliments ;
- Pour lui faire obtenir une augmentation de pension.
- Le traitement dans les hôpitaux militaires malade n’a jamais été l’objet d’attaques ni de réclamations. On a toujours, au contraire, rendu justice au mérite et au dévouement des médecins militaires, des aides et du personnel. Les faits de la nature dont se plaint M. Moreau ne pourraient constituer qu’une exception des plus regrettables. De pareilles brutalités à l’égard d’un mafade, aveugle et infirme, par suite nullement dangereux, et dont il était d’ailleurs toujours facile de se rendre maître, ne se comprendraient pas, alors surtout qu’elles auraient eu lieu en présence des chefs, sans intervention et sans répression de leur part.
- Mais les affirmations du plaignant sont précises ; une enquête est nécessaire. Il est indispensable de faire la lumière sur les faits articulés. Il suffit de signaler cette situation à l’attention et à la vigilance de M. le ministre de la guerre.
- La blessure de M. Moreau est d’un effet repoussant ; la face mise à nu présente un aspect hideux. Le masque ingénieux exécuté par un savant dentiste, M. Dalalain, qui est en même temps un homme de cœur, avait un double avantage ; il répondait à tous les besoins de l’hygiène, diminuait les souffrances de l’ancien soldat et rendait sa triste position supportable. Il cachait en outre à tous les yeux l’épouvantable mutilation et rendait les apparences d’une figure humaine au blessé, qui, cessant d’être un objet de répulsion, ne recueillait que les témoi-gnagnes d’une sympathique pitié. La perte du visage artificiel et du dentier a replacé M. Moreau dans toute l’horreur de sa situation première. Il le comprend : et la douleur morale vient ajoutera ses souffrances physiques. C’est au service du pays que M. Moreau a eu son avenir brisé ; c’est le pays qui doit adoucir, dans les limites du possible, les tortures de cette victime du devoir. Un nouveau
- visage et un dentier artificiels, semblable au premier, doivent lui être fournis gratuitement. C’est d’ailleurs une dépense peu considérable. M. le ministre de la guerre et M. le ministre des finances s’entendront certainement pour y faire face.
- M. Moreau a trouvé une femme dévouée quia consenti à devenir la compagne du pauvre soldat mutilé. Ce ménage doit vivre et pourvoir à l’éducation d’une petite fille avec le produit de la modeste pension militaire du mari et d’un petit bureau de tabac. Pour combler l’insuffisance de revenu, cet ancien soldat, membre de la Légion d’honneur, qui a prodigué son sang pour la défense du pays, sans jamais faire entendre une plainte, se voit réduit à livrer au public le secret de son malheur et de sa misère, en vendant dans la rue le récit de sa blessure et de sa guérison. Une pareille situation ne se comprend pas; elle ne doit pas se perpétuer. La France ne peut pas abandonner, laisser dans la misère ceux qui se sont dévoués à son service. S’il n’est pas possible d’augoienter la pension de retraite, ainsi que le demande M. Moreau dans son ignorance des lois, on peut toujours, par un secours supplémentaire et plutôt encore par la concession d’un bureau de tabac plus important, procurer au pétitionnaire des moyens suffisants pour vivre honorablement. C’est ce que voudront faire assurément, dans leur bienveillante sollicitude,M. le ministre delà guerre et M. le ministre des finances.
- En conséquence, la 24e commission a' proposé le renvoi de la pétition à M. le ministre de la guerre et à M. le ministre des finances.
- Le renvoi a été prononcé par la Chambre dans la même séance du 19.
- Nous espérons, dit à ce sujet le Progrès militaire, que la Direction du service de santé du 1er corps fera sans retard connaître la vérité sur les imputations dont le personnel de l’hôpital militaire de Valenciennes est l’objet dans cette affaire regrettable.
- Le Progrès du mal.
- Nous avons parlé dans un précédent numéro d’un essai d’obus chargé de nitro-glycérine. De récentes expériences faites aux environs de Washington permettent de supposer que notre siècle de lumière est en possession d’un nouvel engin de destruction sans rival jusqu’à présent. Les gens prétendus sensés, et les patriotes de bonne marque doivent en éprouver autant de joie que nous sentons de tristesse à constater l’entêtement des hommes à perpétuer les idées fausses de domination basée sur la force matérielle.
- Le canon, du calibre de 15 centimètres, se chargeant par la culasse, lançait un obus qui contenait 6 kilogrammes de gélatine explosible, soit environ 5 kilogrammes et demi de nitro-glycérine pure. On a tiré à trois reprises différentes : d’abord, sur une cible qui a été réduite en miettes, avec le massif qui la supportait; puis, sur un rocher de grandes dimensions, placé à une distance de 900 mètres, sur la rive opposée d’un petit cours d’eau. Cette fois, le premier obus a
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- frappé le bord occidental du rocher, a fait explosion en brisant la roche dans un rayon de 9 mètres et en produisant plusieurs tonnes de débris ; le second obus, atteignant le centre même du rocher, y a fait une ouverture de 7 mètres de diamètre et de deux mètres de profondeur ; des fragments de roche ont été projetés à plus de trois mille mètres de distance. A deux kilomètres du champ de tir, on a retrouvé un morceau de roche, pesant 6 kilogrammes, et qui s’était enfoncé dans le sol.
- Pendant le tir, l’ébranlement de l’air était tel que les vitres des fenêtres ont été brisées dans plusieurs maisons situées à plus de 500 mètres de la cible ou du rocher.
- Les expériences faites à Washington démontrent qu’en employant des obus chargés de nitro-glycérine on peut obtenir, avec des canons de petit calibre, les résultats que, jusqu’à présent, on n’atteignait qu’en se servant de très gros canons. D’ailleurs, c’est un illustre savant français, M. Berthelot, qui, le premier, a proposé d’introduire la gélatine dans nos projectiles de guerre ; deux difficultés avaient cependant arrêté les recherches : il fallait obtenir une fabrication régulière de cette dangereuse substance et assurer, à un moment déterminé, son explosion. Ces difficultés paraissent résolues, et les essais tentés en Amérique et couronnés de succès seront évidemment repris sur le continent .
- L’arbitrage à Marseille
- L es partisans de l’arbitrage et du désarmement, à Marseille, dans une assemblée tenue au cercle Belle-Vue, 15, rue Cannebière, ont décidé de se constituer en société d’après les bases suivantes:
- 1° Les principes d’Arbitrage international et de Désarmement européen, approuvés à l’unanimité, seront soutenus, propagés et encouragés par tous les adhérents ;
- 2° Il est constitué un Comité, composé de cinq membres dont la mission sera de prendre l’initiative de toutes les résolutions qui seront de nature à faire pénétrer dans le public les idées fécondes, au point de vue social, de l’Arbitrage et du Désarmement, afin d’arriver, le plus promptement possible, à la mise en pratique de ces principes de droit international revendiqués par la civilisation moderne ;
- 3Ü Ledit comité des cinq fonctionnera sous la rubrique de Comité de propagande d’arbitrage et de désarmement ;
- 4° Les adhérents sont simplement affiliés et ne contractent aucune obligation pécuniaire ; — ils ne prennent que l’engagement d’honneur d’apporter leur appui moral à l’œuvre humanitaire et civilisatrice entreprise sous leur patronage ;
- 5° Les adhérents recevront une carte nominative qui leur permettra d’assister à toutes les conférences ou réunions dans lesquelles seront traitées les questions d’arbitrage et de désarmement, du coût de cinquante centimes.— Cette contribution pécuniaire est la seule obligation ;
- 6° Le Comité des cinq pourra recevoir ou recueillir toutes sommes qui,par offrandes,souscriptions volontaires,ou à tous autres titres,lui seraient remises pour faciliter l’œuvre de propagande et de solder les frais qui en seraient la conséquence ; |
- 7° Un des membres du Comité de propagande sera nommé Trésorier et Secrétaire Général : Le Trésorier*rê^ cueillera les fonds de souscriptions ; il en mentionnera la quotité et la provenance ; il fera connaître la situation fi. nanciére, recettes et dépenses, tous les mois, à la réunion des adhérents ; il communiquera également aux journaux dévoués à la propagande, qui en feraient la demande, la liste des donataires, l’ensemble des recettes et dépenses ; il conservera, en sa qualité de Secrétaire Général, les documents pouvant être utiles à l’œuvre de propagande ;
- 8° Les pouvoirs les plus complets sont donnés au comité des cinq pour disposer des fonds de l’œuvre au mieux de ses intérêts, par l’intermédiaire du Trésorier seul comptable ; le Trésorier sera autorisé, pour la disposition des fonds, par des décisions dudit comité des Cinq : le Trésorier, en sa qualité de Membre du Comité, a lui-même voix délibérative. — Il ne pourra être contracté aucune dette, les dépenses devant être rigoureusement limitées aux recettes. Le trésorier seul fera les recettes et soldera les dépenses ;
- 9° Sont nommés, par vote unanime de l’assemblée générale, membres du Comité de Propagande d’arbitrage et de désarmement :
- MM. de Tunis, (Oscar)
- Leydet, (Pierre-François)
- Norton (Alfred)
- Vidai (Alfred)
- Ferretti
- M. Leydet est nommé Trésorier et Secrétaire Général du dit Comité.
- 10® L’assemblée générale des adhérents présents à la réunion votent des remercîments au Président et aux membres du Cercle de Belle-Vue qui ont bien voulu mettre gracieusement leur local à la disposition du Comité de Propagande .
- LE CONGO
- RÉSOLUTION DE LA CONFÉRENCE DE BERLIN
- (Suite)
- CHAPITRE IV
- Acte de navigation du Congo
- Art. 13. —La navigation du Congo, sans exception d’aucun des embranchements ni issues de ce fleuve, est et demeurera entièrement libre pour les navires marchands, en charge ou sur lest, de toutes les nations, tant pour le transport des marchandises que pour celui des voyageurs. Elle devra se conformer aux dispositions du présent acte de navigation et aux réglements à établir en exécution du même acte.
- Dans l’exercice de cette navigation, les sujets et les pavillons de toutes les nations seront traités, sous tous les rapports, sur le pied d’une parfaite égalité, tant pour la navigation directe de la pleine mer vers les ports intérieurs du Congo, et vice versa, que pour le grand et le petit cabotage, ainsi que pour la batellerie sur le parcours de ce fleuve.
- En conséquence, sur tout le parcours et aux embouchures du Congo, il ne sera fait aucune distinction entre les sujets des Etats riverains de ceux des non riverains, et il ne sera concédé aucun privilège exclusif de navigation, soit à des so-
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- ciétés ou corpoiations quelconques, soit à des particuliers.
- Ces dispositions sont reconnues par les puissances signataires comme faisant désormais partie du droit public international.
- Art. 14. —La navigation du Congo ne pourra être assujettie à aucune entrave ni redevance qui ne seraient pas expressément stipulées dans le présent acte. Elle ne sera grevée d’aucune obligation d’échelle, d’étape, de dépôt, de rompre charge, ou de relâche forcée.
- Dans toute l’étendue du Congo, les navires et les marchandises transitant sur le fleuve ne seront soumis à aucun droit de transit, quelle que soit leur provenance ou leur destination.
- Il ne sera établi aucun péage maritime ni fluvial basé sur le seul fait de la navigation, ni aucun droit sur les marchandises qui se trouvent à bord des navires. Pourront seuls être perçus des taxes ou droits qui auront le caractère de rétribution pour services rendus à la navigation même, savoir :
- 1° Des taxes de port pour l’usage effectif de certains établissements locaux, tels que quais, magasins, etc., etc.
- Le tarif de ces taxes sera calculé sur les dépenses de construction et d’entretien desdits établissements locaux, et l’application en aura lieu sans égard à la provenance des navires ni à leur cargaison ;
- 2° Des droits de pilotage sur les sections fluviales où il paraîtrait nécessaire de créer des stations de pilotes brevetés.
- Le tarif de ces droits sera fixe et proportionné au service rendu ;
- 3° Des droits destinés à couvrir les dépenses techniques et administratives faites dans l’intérêt général de la navigation, y compris lés droits de phare, de lanal et de balisage.
- Les droits de cette dernière catégorie seront basés sur le tonnage des navires, tel qu’il résulte des papiers de bord, et conformément aux règles adoptées sur le bas Danube.
- Les tarifs d’après lesquels les taxes et droits énumérés dans les trois paragraphes précédents seront perçus, ne comporteront aucun trai tement différentiel et devront être officiellement publiés dans chaque port.
- Les puissances se réservent d’examiner, au bout d’une période de cinq ans, s’il y a lieu de réviser, d’un commun accord ^es tarifs ci-dessus mentionnés.
- Art. 15. — Les affluents du Congo seront à tous égards soumis au même régime que le fleuve dont ils sont tributaires.
- Le même régime sera apppliqué aux fleuves et rivières, ainsi qu’aux lacs et canaux des territoires déterminés par l'article 1er, paragraphes 2 et 3.
- Toutefois les attributions de la commission internationale du Congo ne s’étendront pas sur lesdits fleuves, rivières, lacs et an aux, à moins de l’assentiment des Etats sous la souveraineté desquels ils sont placés. Il est bien entendu aussi que pour les territoires mentionnés dans l’article 1er,paragraphe 3, le consentement des Etats souverains de qui ces territoires relèvent demeure réservé.
- des autres cours d’eau qui leur sont assimilés par l’article 15 seront considérés, en leur qualité de moyens de communication, comme des dépendances de ce fleuve et seront également Ouverts au trafic de toutes les nations.
- De même que sur le fleuve il ne pourra être perçu sur ces routes,chemins de fer et canaux que des péages calculés sur les dépenses de construction, d’entretien et d’administrationy et sur les bénéfices dus aux entrepreneurs.
- Quant aux taux de ces préages, les étrangers et les nationaux des territoires respectifs seront traités sur le pied d’une parfaite égal:té.
- Art. 17. — Il est institué une commission internationale chargée d’assurer l’exécution des dispositions du présent acte de navigation.
- Les puissances signataires de cet acte, ainsi que celles qui y adhéreront postérieurement, pourront, en tout temps, se faire représenter dans ladite commission, chacune par un délégué. Aucun délégué ne pourra disposer de plus d’une voix, même dans le cas où il représenterait plusieurs gouvernements.
- Ce délégué sera directement rétribué par son gouvernement.
- Les traitements et allocations des agents et employés de la commission internationale seront imputés sur le produit des droits perçus conformément à l’article 14, paragraphes 2 et 3.
- Les chiffres desdits traitements et allocations, ainsi que le nombre, le grade et les attributions des agents et employés, seront inscrits dans le compte rendu qui sera adressé chaque année aux gouvernements représentés dans la commission internationale.
- Art. 18.— Les membres de la commission internationale ainsi que les agents nommés par elle, sont investis du privilège de l’inviolabilité dans l’exercice de leurs fonctions. La même garantie s’étendra aux offices, bureaux et archives de la commission.
- Art. 19.—La commission internationale de navigation du Congo se constituera aussitôt que cinq des puissances signataires du présent acte général auront nommé leurs délégués. En attendant la constitution de la commission, la nomination des délégués sera notifiée au gouvernement de l’empire d’Allemagne, par les soins duquel les démarches nécessaires seront faites pour provoquer la réunion de la commission.
- La commission élaborera immédiatement des règlements de navigation, de police fluviale, de pilotage et de quarantaine.
- Ces règlements, ainsi que les tarifs à établir par la commission, avant d’être mis en vigueur, seront soumis à l’approbation des puissances représentées dans la commission. Les puissances intéressées devront faire connaître leur avis dans le plus bref délai possible.
- Les infractions à ces règlements seront réprimées par les agents de la commission internationale, là où elle exercera directement son autorité, et ailleurs par la puissance riveraine.
- Au cas d’un abus de pouvoir ou d’une injustice de la par t d’un agent ou d’un employé de la commission internationale, l’individu qui se regardera comme lésé dans sa personne ou dans ses droits pourra s’adresser à l’agent consulaire de sa nation. Celui-ci devra examiner la plainte ; s’il la trouve
- Art. 16. — Les routes, chemins de fer ou canaux latéraux qui pourront être établis dans le but spécial de suppléer à
- innavigabilité ou aux imperfections de la voie fluviale sur prima facie raisonnable, il aura le droit de la présenter à certaines sections du parcours du Congo, de ses affluents et ï la commission. Sur son initiative, la commission, représent
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- par trois au moins de ses membres, s’adjoindra à lui pour faire une enquête touchant la conduite de son agent ou employé. Si l’agent consulaire considère la décision de la commission comme soulevant des objections de droit, il en fera un rapport à son gouvernement, qui pourra recourir aux puissances représentées dans la commission et les inviter à se concerter sur des instructions à donner à la commission.
- Art. 20. — La commission internationale du Congo, chargée aux termes de l’article 17 d’assurer l’exécution du présent acte de navigation, aura notamment dans ses attributions ;
- 1® La désignation des travaux propres â assurer la navigabilité du Congo selon les besoins du commerce international.
- Sur les sections du fleuve où aucune puissance n’exercera des dreits de souveraineté, la commission internationale prendra elle-même les mesures nécessaires pour assurer la navigabilité du fleuve.
- Sur les sections du fleuve occupées par une puissance souveraine, la commission internationale s’entendra avec l’autorité riveraine ;
- 21 La fixation du tarif de pilotage et celle du tarif général des droits de navigation, prévus au 2e et au 3® paragraphe de l’article 14.
- Les tarifs mentionnés au 1er paragraphe de l’article 44 seront arrêtés par l’autorité territoriale, dans les limites prévues audit article.
- La perception de ces différents droits aura lieu par les soins de 1 autorité internationale ou territoriale pour le compte de laquelle ils sont établis.
- 3° L administration des revenus provenant de l’application du paragraphe 2 ci-dessus.
- 4® La surveillance de l’établissement quarantenaire établi en vertu de l’article 24 ;
- 5° La nomination des agents dépendant du service général de la navigation et celle de ses propres employés.
- L institution des sous-inspecteurs appartiendra à l’autorité territoriale sur les sections occupées par une puissance, et à la commission internationale sur les autres sections du fleuve.
- La puissance riveraine notifiera à la commission internationale la nomination des sous-inspecteurs qu’elle aura institués et cette puissance se chargera de leur traitement.
- Dans l’exercice de ses attributions, telles qu’elles sont définies et limitées ci-dessus, la commission internationale ne dépendra pas de l’autorité territoriale.
- Art. 21. — Dans l’accomplissement de sa tâche, la commission internationale pourra recourir, au besoin, aux bâtiments de guei re des puissances signataires de cet acte et de celles qui y accéderont à l’avenir, sous toute réserve des instructions qui pourraient être données aux commandants de ces bâtiments par leurs gouvernements respectifs.
- Art. 22. — Les bâtiments de guerre des puissances signataires du présent acte qui pénètrent dans le Congo sont exempts du payement des droits de navigation prévus au paragraphe 3 de l’article 14; mais ils acquitteront les droits éventuels de pilotage ainsi que les droits de port, à moins que leur intervention n’ait été réclamée par la commission internationale ou ses agents, aux termes de l’article précédent.
- Art. 23. — Dans le but de subvenir aux dépenses techni-
- ques et administratives qui lui incombent, la commission internationale instituée par l’article 17 pourra négocier en son nom propre des emprunts exclusivement gagés sur les revenus attribués à ladite commission.
- Les décisions de la commission tendant à la conclusion d’un emprunt devront être prises à la majorité de deux tiers des voix. 11 est entendu que les gouvernements représentés à la commission ne pourront, en aucun cas, être considérés comme assumant aucune garantie, ni contractant aucun engagement ni solidarité à l’égard desdits emprunts, à moins de conventions spéciales conclues par eux à cet effet.
- Le produit des droits spécifiés au 3e paragraphe de l’article 14 sera affecté par priorité au service des intérêts et à l’amortissement desdits emprunts, suivant les conventions passées avec les préteurs.
- Art. 24. — Aux embouchures du Congo, il sera fondé, soit par l’initiative des puissances riveraines, soit par l’intervention de la commission internationale, un établissement quarantenaire qui exercera le contrôle sur les bâtiments tant à l’entrée qu’à la sortie.
- Il sera décidé plus tard, par les puissances, si et dans quelles conditions un contrôle sanitaire devra être exercé sur les bâtiments dans le cours de la navigation fluviale.
- Art. 25. — Les dispositions du présent acte de navigation demeureront en vigueur en temps de guerre. En conséquence, la navigation de toutes les nations, neutres ou belligérantes, sera libre en tout temps pour les usages du commerce sur le Congo, ses embranchements, ses affluents et ses embouchures, ainsi que sur la mer territoriale faisant face aux embouchures de ce fleuve.
- Le trafic demeurera également libre, malgré l’état de guerre, sur l#s routes, chemins de fer, lacs et canaux mentionnés dans les articles 15 et 16.
- Il ne sera apporté d’exception à ce principe qu’en ce qui concerne le transport des objets destinés à un belligérant et considérés, en vertu du droit des gens, comme articles de contrebande de guerre.
- Tous les ouvrages et établissements créés en éxécution du présent acte, notamment les bureaux de perception et leurs caisses, de même que le personnel attaché d’une manière permanente au service de ces établissements, seront placés sous le régime de la neutralité et, à ce titre, seront respectés et protégés par les belligérants.
- (A Suivre.)
- État-civil du Familistère
- Semaine du 20 au 26 avril 1885. Naissances :
- Néant.
- Décès :
- Le 21 avril, de Garbe Thérèse, âgée de 4 ans.
- Le 25 avril, de Lempereur Stéphanie, épouse de Couppé Louis, âgée de 42 ans et 3 mois.
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- Guise — itrin. Rerè.
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- 9e Année, Tome 9. — N° 348
- Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 10 Mai 1885
- REVUE DES QUESTIONS SOCIALE
- BUREAU
- a GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE ON S’ABONNE A PARIS 5, rue' Neuve-des-Petits-Champs
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris,
- de timbres-poste ou de mandats de poste, dont
- le talon sert de quittance. Passage des Deux-Pavillons
- France Union postale
- Un an ... 10 ir. »» Un an. . . . 11 Ir. »> S’adresser à M. LETMARIE
- Six mois. . . G »» administrateur delà
- Autres pays Librairie des sciences
- 1 Trois mois. . 3 Un an. . . . 13 fr. 60 psychologiques.
- SOMMAIRE.— Discours de M. Godin.— Distribution des récompenses.— La Fête du Travail. — Aphorismes et préceptes sociaux.— Faits politiques et sociaux de la semaine.— L’union des Républicains.
- — Commerce des oranges.— Situation financière des communes.— Exposition.— Une rectification.
- — L’arbitrage.— Adhésions aux principes d’arbtrâge et de désarmement européen.— Maître Pierre•
- FETE DU
- DISCOURS DE M. GODIN
- Mes amis,
- C’est en 1846, il y a 39 ans, que je vins à Guise acheter une parcelle de terrain pour commencer l’édification des premiers ateliers dans lesquels, avec quelques ouvriers, j’installai les débuts de l’industrie qui vous donne du travail et que vous exploitez aujourd’hui.
- L’atelier, bien modeste alors, était installé sur quelques ares de terrain. Peu de personnes auraient voulu croire à l’importance que rétablissement devait prendre ; tout semblait fermé devant ^i; il semblait circonscrit dans les limites étroites sa première installation ; aucun terrain n’était
- Rendre autour de lui. Pourtant, bientôt, je meseï üs à l’étroit ; les produits étaient goûtés, l’indus se développait, il fallait agrandir.
- Attentif aux occasions, je parvins à acheter d bouveaux terrains, à élever de nouvelles construc 10ns> Puis à édifier consécutivement l’usine qn Enferme les cinquante mille mètres de bâtiment couverts que vous avez aujourd’hui.
- ^ industrie grandissait régulièrement; j’en étai
- TRAVAIL
- arrivé à occuper environ 300 ouvriers ; c’est alors que je songeai à fonder pour eux le Familistère, afin de leur donner l’habitation à côté de l’usine. Je jetai mes vues sur une prairie attenant à la ville et entourée par l’Oise ; je réussis à l’acquérir, en janvier 1859. J’achevai aussitôt les plans du Familistère et, il y a 26 ans, à pareille date, j’étudiais la résistance des terrains sur lesquels je voulais élever le premier édifice du Familistère ; car c’est le 10 mai 1859, que les ouvriers se mirent à l’œuvre pour en établir les fondations.
- Au mois d’octobre suivant, l’édifice était couvert, j’invitais alors, dans les locaux à peine fermés, un certain nombre des futurs habitants à des conférences que je faisais pour expliquer comment il fallait comprendre l’usage de l’habitation nouvelle édifiée pour eux.
- Ce fut au cours de l’été suivant, en 1860, que le premier palais du travail fut occupé par ses habitants. 350 personnes prirent consécutivement possession des logements.
- Ces familles tinrent à faire honneur à l’habitation nouvelle, car j’eus la satisfaction de voir la plupart d’entre elles vendre leur vieux mobilier et en acheter un neuf, pour venir habiter le Familis-
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- LE DEVOIR
- tère; l’influence solidaire dans la voie du bien se fit donc sentir dès les débuts.
- Une partie de la population occupée dans l’usine avait ainsi un palais pour habitation, à côté des ateliers de travail.
- J’étais en possession d’une partie de ce qui avait été le rêve de ma vie pour travailler à l’amélioration du sort des familles ouvrières : le champ d’expérience était entre mes mains.
- J’avais créé l’industrie et l’instrument de travail nécessaires à l’existence de la population qui m’entourait ; cette population possédait ainsi les moyens de vivre et subsister.
- J’avais créé l’habitation indispensable au bien-être de cette population ; le palais était édifié sur des plans unitaires réunissant toutes les conditions de salubrité et d’hygiène nécessaires à la sociabilité. La voie était ouverte devant nous pour établir toutes les institutions intérieures que l’amour du bien, de la fraternité et de la justice- peut inspirer aux hommes, en vue de leur mutuel bonheur.
- Aussi la mutualité fut-elle instituée immédiatement parmi nous, sur des bases nouvelles. La caisse de secours, que j’avais établie dès les débuts de l’établissement, fut réorganisée d’après un système de prévoyance et d’assurance mutuelle plus large, pourvoyant aux soins médicaux pendant la maladie, aux subsides nécessaires à la famille et garantissant, en outre, contre le dénuement et l’abandon, les orphelins et les vieillards.
- Les moyens d’existence n’eussent pas été complets si, pour une population ainsi constituée,nous n’eussions organisé tous les approvisionnements commerciaux nécessaires à sa subsistance et à son entretien. Aussi cela fut-il fait de manière à pourvoir à tous les besoins. La population put ainsi réaliser, à son profit, les bénéfices que dans la société actuelle la classe ouvrière est obligée d’abandonner aux intermédiaires.
- En cherchant adonner satisfaction aux premiers besoins de l’existence, nous avions à procéder aux moyens de progrès de la population. Dans ce but j'organisais les écoles, l’éducation et l’instruction de l’enfance. C’est ainsi que successivement nous sommes arrivés à établir au Familistère dix salles d’éducation et d’instruction. Tous nos enfants savent lire dès l’âge de six ans et, désormais, il n’y aura plus un seul illettré au Familistère. La plupart de nos élèves reçoivent leur certificat d’études et continuent à étudier ensuite jusqu’à l’âge de 14 - as dans le cours supérieur. Là, ils se perfection-
- nent dans les notions acquises, mais cultivent tout particulièrement le dessin industriel et d’ornement, la géométrie, les notions de chimie, de physique et de morale universelle.
- Les charges ue l’instruction, lourdes pour nous, devraient incomber au service public, mais comme la nation française et la ville de Guise en particulier sont en retard sous ce rapport, nous avons dû prêcher d’exemple. Où en serions-nous aujourd'hui au Familistère, sans nos écoles, lorsque nous voyons à côté de nous la ville de Guise refuser l’instruction à la moitié de ses enfants et ne la donner aux autres que d’une façon imparfaite.
- La population du Familistère occupe donc et occupera désormais le premier rang en instruction et en savoir dans la ville de Guise, jusqu’à ce que, prise d’un beau zèle, l’administration communale se décide à édifier et à ouvrir les écoles qu’elle a refusées, lorsque je les lui ai offertes.
- Quant à nous, dès que nous avons eu institué et organisé parmi nous l’industrie, l’habitation, la mutualité et l’instruction, il nous restait à consolider l’œuvre par l’association de l’ouvrier à l’industrie, par la participation du travailleur aux bénéfices dus à son travail.
- Associer l’ouvrier, le travailleur, aux bénéfices de la production et de la consommation, lui assurer une part proportionnée aux services qu’il a rendus, au concours qu’il a donné : tel était le couronnement de l’œuvre indiqué par tout ce que nous avions fait dans l’édification de l’usine et du Familistère.
- Aujourd’hui, encore, nous cherchons à organiser des ressources, nouvelles pour notre association, en établissant de nouveaux ateliers qui, nous l’espérons, constitueront bientôt une fabrique de bas, chaussettes et bonneterie, donnant du travail aux filles et aux femmes du Familistère.
- Ces ressources sont d’autant plus précieuses pour nous que la mère de famille étant débarrassée, au Familistère, d’une forte partie des soins de l’enfance, par tous les services organisés de l’éducation et de l’instruction, depuis le berceau jusqu’à l’apprentissage, peut se livrer en toute sécurité à des occupations lucratives pour sa famille et pour l’association même.
- Notre association, vous le voyez, est l’œuvre d’une pensée constante depuis plus de 30 ans, mais il fallait en préparer tous les matériaux avant de pouvoir l’organiser. Je n’étais pas un de ces privilégiés du monde qui trouvent en naissant leur
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- fortune toute faite. Commençant avec mes mains pour tout capital, je devais tout attendre du travail et, par cela même peut-être, servir à démontrer la puissance de ce dernier, lorsqu’il est gouverné avec l’esprit de suite nécessaire.
- C’est, en effet, le travail qui a tout fait dans notre association ; pas la moindre ressource ne provient d’une autre origine. Je n’ai jamais eu, dans ma vie, aucun de ces hasards qui apportent la fortune pendant le sommeil. Au contraire, je n’ai éprouvé que des causes d’épuisement de la part de ceux qui auraient dû me venir le plus en aide : ma ruine a été leur objectif.
- Mais telle est la puissance du travail bien conduit, qu’il peut -vaincre tous les obstacles ; c’est lui qui est la force du monde ; il est l’instrument de la vie ; c’est aussi pourquoi nous le fêtons et le célébrons.
- Oui, mes amis, le travail, après avoir été si longtemps livré aux gémonies, se relève et sera bientôt reconnu comme le rédempteur du monde.
- Ah ! combien je voudrais que vous sentissiez comme moi ce qu’il y a de grandeur, de vertu et de puissance dans le travail 1 Le travail, mais c’est l’œuvre incessante de la création ; le travail c’est la gloire de la vie, car la vie travaille sans, relâche, imprimant à la nature et à l’univers l’activité dont ils sont animés.
- Ne conçoit-on pas combien l’homme s’ennoblit par le travail, puisqu’il se fait ainsi le coopérateur de la vie et de la création.
- La Vie, c’est ma religion et le travail est le culte due je rends à la Vie. J’espère ainsi bien mériter de l’humanité et de la Vie même ; car, par le travail ainsi compris et pratiqué, on est utile à soi-même, on est utile aux autres, à la société et à la Vie universelle.
- On peut comprendre, d’après cette croyance à la Vie et au travail, comment nous avons été amenés a leur consacrer une fête chaque année. Oui, nous fêtons le travail, parce que c’est lui qui effec-tde la rédemption du monde, parce que c’est par que nous avons créé l’industrie qui nous fait 'lvre> parce que c’est par lui que nous avons pu fonder le Familistère, parce que c’est par lui que ass°ciation s’est faite entre nous, et aussi parce duo c est par lui que tous lesprogrès s’accomplissent. est travail qui a réalisé la machiné à vapeur et °utes les autres machines modernes multipliant es produits et créant l’abondance, de manière à ce due personne ne manquera de rien,le jour où l’égo-
- ïsme des hommes sera dompté, où l’amour de la justice remplacera les cupidités qui, aujourd’hui sont cause de la mauvaise répartition des richesses.
- Encore quelques efforts et le mal sera vaincu ! Ne voyons-nous pas poindre à l’horizon le jour où l’électricité sera soumise à la volonté de l’homme .comme la vapeur l’est maintenant. Alors, les cours des fleuves et des rivières développeront la puissance et la force de l’électricité ; et celle-ci, à l’aide de simples fils, se transportant partout, d’un bou t à l’autre du territoire, labourera, ensemencera les champs,opérera les récoltes,en même temps qu’elle concourra partout, dans l’industrie, à produire toutes les autres choses nécessaires à la satisfaction des besoins de l’humanité.
- Oh! alors, il ne sera plus possible à quelques-uns de détenir toute la richesse au détriment des autres. Quand même les sentiments de justice n’auraient pas triomphé de l’égoïsme, la pléthore de richesse qui déjà embarrasse aujourd’hui les détenteurs des fruits de la production, sera telle alors que l’évidence se fera sur l’obligation de donner à tout le monde des facilités de consommation égales aux facilités de production.
- Voilà les merveilles que le travail scientifique associé au travail manuel produira bientôt. N’est-ce donc pas avec raison que nous fêtons et célébrons le travail, quand nous lui devons déjà tant et quand nous le voyons prêt à accomplir de si grandes choses !
- Pourquoi hélas ! sommes-nous contraints de constater, en même temps que l’apparition de cette puissance et de ce développement du génie producteur moderne, la survivance des tristes vestiges de la barbarie, manifestes encore dans les mauvaises intentions des rois et des gouvernants qui poussent les peuples à la guerre, les conduisent au carnage des champs de bataille, aux dévastations et aux ruines qui en sont la conséquence et engloutissent ainsi les ressources que le travail a su produire.
- Ah! si toutes ces forces perdues étaient employées avec intelligence aux bienfaits de la paix,la terre des nations civilisées, au lieu d’être couverte de crimes et d’horreurs, serait, avant un siècle, un séjour de paix, de tranquillité et de gloire pour l’humanité !
- Car, il est bon de le remarquer, je vous disais en commençant : il y a 39 ans que nous sommes à l’œuvre pour amener l’association du Familistère
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- le devoir
- au point où elle est aujourd’hui, eh 1 bien, en six mois, la guerre du Tonkin a dépensé de quoi faire en France cent associations comme la nôtre avec ses Familistères et ses usines ; et l’on aurait pu en faire autant en Chine, et beaucoup plus même, avec ce que cette guerre va coûter en préparatifs militaires voués à la destruction.
- Quelle différence entre les résultats de la guerre et ce que seraient les bienfaits d’une paix bien comprise !
- La guerre du Tonkin nous coûte 15 francs par tête de français, sans compter les jeunes hommes tués, ceux estropiés pour le reste de leur vie, les familles en deuil par la perte d’enfants aimés et les impôts qu’on créera pour payer l’intérêt de l’emprunt rendu nécessaire.
- Si, avec la même somme engloutie dans la guerre du Tonkin par des gouvernants insensés, on avait procédé à la construction de cent Familistères et à l’établissement de cent associations comme la nôtre, on aurait donné le bien-être, l’aisance et la joie à deux cent mille personnes, on aurait épargné le sang et la vie de nos soldats et créé l’ère de la rédemption de la France.
- Mais lorsque les rois et les gouvernants trouvent leur intérêt à la guerre rien ne les arrête ; rien n’arrête davantage nos députés : la vie des citoyens, leurs ressources présentes et futures, le bonheur et la tranquillité des familles, tout est sacrifié aux coupables passions du despotisme ou aux préjugés insensés sur l’honneur militaire, la gloire du drapeau, l’honneur national, l’honneur même de Ja France, comme si le véritable honneur ne consistait pas dans la pratique de la justice et de l’amour de l’humanité î
- Ah ! nous savons bien que certains hommes placent souvent l’honneur dans les actions coupables, mais ce n’est pas une raison pour prétendre que l’honneur national, l’honneur de la France, soit dans de telles actions. Nous devons donc nous élever de toutes nos forces contre ces vains préjugés, afin que les peuples ne croient pas plus longtemps que leur devoir soit de se faire tuer suivant le caprice des ambitieux et des tyrans qui les gouvernent : le véritable honneur, le véritable devoir consiste à travailler au bien et au bonheur des peuples.
- L’œuvre de l’association du Familistère a été accomplie avec le concours des collaborateurs qui sont en ce moment autour de moi, avec votre cuncours à tous, ouvriers laborieux et zélés. N’ou-
- blions jamais que tout ce que nous avons fait ensemble a été édifié et a prospéré, parce que la pensée qui y a présidé a toujours été celle du bien commun, du bien de tous, et que l’œuvre est assez puissante pour toujours vivre et prospérer, tant que dans notre association ces vues fraternelles seront celles de la direction.
- Distribution des récompenses
- En vertu des statuts de notre association qiq mettent, à la disposition du conseil de Gérance, une part de bénéfices destinés à être répartis aux ouvriers qui se sont exceptionnellement distingués le Conseil, dans ses réunions spéciales des 14,21 et 23 avril 1885, après examen des propositions faites par les ateliers, a arrêté la liste des récompenses à décerner, sur les bénéfices réservés de l’an dernier, de la manière suivante :
- Pour propositions nou- Nicolas .... 75
- velles et innovations. Leclerc Eugène. . 75
- Edmond Louis, fils, fr. 150 Bureaux.
- Proix Denis. . . 125 Gauchet Ernest. . 100
- Lavabre Armand . 100 Liénard Edouard . 100
- Gras Prosper . . 75 Bocheux Alfred . . 100
- Jumeau Eugène 75 Régnier Edouard . 100
- Basse François . . 40 Concierge de l’Usine.
- Berlemont Etienne. 10 Mme Govin . . . 75
- Pour services excep- Aux ouvriers de l’Usine
- tionnels dans les di- Fonderie.
- vers ateliers aux Hennequin Amédée 40
- Modèles. Coupé Ernest . . 40
- Quent Léon. . . 150 Coupé Alfred . . 40
- Poulet-Mortier Alfred 150 Lavabre Camille . 30
- Roppé César. . . 75 Cartigny Emile . . 30
- Lefèvre Séverin 40 Proix Emile. . . 30
- Godériaux André . 30 Louis Eugène . . 30
- Quincaillerie. Malderet Pierre 20
- Duval Alfred . . 150 Dieu Albert. . . 20
- Matériel et Construc- Sarrazin Alphonse . 20
- tions. Fontaine Alexis. . 20
- Maréchal Florent . 300 Auvert Arthur . . 20
- Lambert Edmond . 225 Bridoux Edouard . 20
- Bailliot Virgile . . 225 Lefèvre Jules . . 20
- Edmond Louis, père 150 Moulage mécanique.
- Dequenne, père. . 100 Marchand, fils . . 20
- Poulet Wilfrid . . 75 Legros Louis . • 20
- Fonderie. Râperie.
- Hennequin Joseph, père 300 Mme Govin Catherine 30
- Hennequin, fils . . 150 Dandrimont Vital . 20
- Ajustage. Fonte malléable.
- Grandin .... 75 Schwartz . . . 20
- Laporte Louis . . 75 Jacqaiet.... 20
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- Quincaillerie. Loth Charles . .
- Ajustage. Froment Henri. .
- Beaurain Edmond . Petithomme Eugène Ténière Andrien . Hamel Eugène . .
- Julliard Jules . .
- Lanoy Paul . . .
- Aillot Jules • •
- Ebarbage. Dorges Albert .
- 30
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- Dudin Ulysse . Viéville Auguste ,
- Menuiserie et charpente.
- Evens Jean . .
- Pourrier Ernest.
- Services listère.
- Roussel . .
- Compère. . Mme Roger .
- Mme Migrenne Anquet . .
- du
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- Fami-
- . 100 40 40
- 30
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- Lemaire, fils . . 20 Uôt/tC UC LjCLVtXVI Bureaux.
- Emballage. Vandelgeren. . . 100
- Lairloup Jules . . 20 Fonderie.
- Terre réfractaire Willems Guillaume 25
- Caure Jules. . . 20 Van Hove Adrien . 25
- Emaillage et décoration. Ajustage.
- Louchet Prosper . 40 Merken François . 25
- Louis Léon. . . 30 Compléteur.
- lra«Hédin . . . 20 Van Üphaeren . . 40
- Magasin. Menuiserie.
- Roger Ernest . . 30 * Piette Louis. . . 25
- Merda Camille . . 30 Emaillerie.
- Matériel. — Outillage. Vrydag Gérard. . 25
- Lefèvre Alexandre. 40 Magasin.
- Sarrazin Louis . . 30 Schvolmeester François 40
- La Fête du Travail
- L’idée profonde qui a présidé à la fondation d’une fête du Travail, la grandeur et la beauté des manifestations que cette fête occasionne dans une population de 1800 habitants entraînent 1 esprit à comparer ces signes précurseurs d’un avenir nouveau avec les usages plus ou moins baroques qui font encore le bonheur d’une grande partie de civilisés.
- Dans le monde catholique, apostolique et romain, pendant les deux jours que nous consacrions à la célébration de la fête du Travail, chacun devait, d’après les indications du calendrier, sous peine de mériter l’enfer, penser à l’Invention |fê la Ste Croix et invoquer Ste‘Monique. L’Invention de la Ste-r°'x, sans doute S. G. D. G., est une belle trouvaille, nous ne le contestons pas ; de même Ste Monique, dont le fils, un Salané ^bertin pendant sa jeunesse,, mérita par la sagesse de ^CS dernières années les honneurs de la canonisation, devait re une bien brave dame, de laquelle nous n’avons aucun droit *fê médire.
- Mais que signifient les litanies et les cérémonies consacrées à la célébration de la mémoire des bonnes gens d’autrefois? Quels rapports ont toutes ces choses avec l’homme moderne, avec les connaissances actuelles que nous possédons sur la nature de notre globe et l’histoire de l’humanité ?
- Nons savons aujourd’hui que les mœurs, dont les fêtes religieuses sont la glorification, ont eu pour conséquences des tueries d’hommes et des destructions aussi innombrables que les débordements d’atrocités et d’immoralités enregistrés à chaque page de l’histoire des peuples catholiques.
- Nous savons aussi quelle force prodigieuse possède le Travail rationnellement utilisé. Et nul ne contestera que, lorsque les hommes seront devenus assez sages pour rester en communion permanente avec cette étonnante puissance, le Dieu Travail répandra sur notre planète le bien-être et les jouissances multiples, de l’ordre le plus élevé, avec autant de prodigalité que les civilisés, immobilisés dans l’observation de^ cultes usés, ont montré d’ignorance et de barbarie dans la conservation de la misère.
- Le Travail est le créateur de l’abondance ; les religions officielles prônent la douleur et la résignation.
- Nous fêtons le Travail parce que nous savons qu’il fera le bonheur de tous les êtres humains ; nous opposons les solennités en son honneur à celles des religions menteuses, parce quelles n’ont voulu que le bonheur d’un tout petit nombre de privilégiés par l’exploitation et l’immolation des masses.
- Les Familistériens ont célébré, cette année, la fête du Travail, peut-être avec plus d’entrain et d’enthousiasme que précédemment.
- Les défilés n’avaient jamais été plus nombreux. La tenue parfaite des enfants témoignait de la bonne volonté des maîtres et de l’empressement des familles à ne rien négliger pour contribuer à la solennité des cérémonies. Notre société musicale, sous la direction si dévouée de M. Poulain, semble s’être surpa ssée ; nos artistes ont été infatigables sans cesser un seul instant de se montrer supérieurs. Gymnasiarques, Pompiers, Archers, Décorateurs et Familistériens de toute catégorie ont fait preuve de bon goût et d’une parfaite intelligence de la signification de cette fête encore unique dans le monde.
- Mais les temps sont proches, l’universalisation prochaine de la fête du Travail sera certainement la première victoire des Familistériens sur la vieille civilisation.
- Victoire bien douce pour les vaincus, qui répandra la vie partout, qui abreuvera toute l’humanité d’un bonheur incommensurable, comme les triomphes militaires ont souillé la terre de meurtres,d’incendies et de pillages.
- Pendant la cérémonie de l’aprés-midi, le théâtre n’a pu contenir tout le public qui se pressait à ses portes.
- Le discours de M. Godin, religieusement écouté, à étécompris par tous; les passages relatifs à la puissance fécondante du Tr.»-
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- vail associé, aux répulsions que doit exciter l’esprit de guerre,ont soulevé d’enthousiastes et unanimes applaudissements.
- La distribution des prix et des récompenses aux lauréats du Travail, écoliers, ouvriers et employés, a été fréquemment inerrompue par des applaudissements approbateurs.
- Les intermèdes de musique, et les chœurs chantés par les enfants des écoles ont agréablement impressioné le public.
- Après cette manifestation collective de tous les éléments qui composent la société du Familistère, les marchands forains, les baraques, les chevaux debois, les tirs ont permis à chacun de se distraire suivant ses préférences individuelles.
- Les soirées du Dimanche et du lundi réunissaient dans la grande cour plus de 400 couples de danseurs infatigables, sous les yeux de toute la population, attentive aux amusements de la jeunesse du haut des balcons de la grande cour du Familistère.
- Danseurs et danseuses ont été dignes d’éloges par leur entrain, leur abandon et la simplicité de leurs allures. Plus d’une danseuse mériterait une mention pour le bon goût et la grâce de son costume, sans que l’on puisse en accuser aucune d’avoir obéi aux sottes et extravagantes provocations du luxe et de la mode. Sûr d’exprimer l’opinion de tous, nous dirons que chacun admirait la gracieuse toilette,si simple et de si bon goût que portait certaine jeune couturière du Familistère, qui serait digne, ma foi, de costumer les joyeuses troupes qu’à prophétisées l’immortel Fourier.
- * *
- La matinée du lundi a permis aux amateurs de tir à la carabine, à l’arc, des jeux de boules, de cartes, de billard, de volants,de casse-pots,etc.,de faire preuve de leur adresse ; les personnes désireuses de suivre ces spectacles allaient d’une cour à l’autre en parcourant les galeries du Familistère. Chacun se réjouissait de compter parmi les concurrents un gai octogénaire, un ouvrier de la première heure, dont la famille a su trouver dans l'association une situation qui la place au premier rang parmi les collaborateurs de M. Godin. Cet homme si bien conservé, que l’on trouve toujours le premier au travail et qui sait encore se mêler a la jeunesse, nous faisait rêver à la société de l’avenir, quiprocureraàtous les vieux travailleurs un bien-être qu’une constitution exceptionnellement robuste permet à peine à quelques-uns des mieux dotés de pouvoir réaliser.
- * *
- De trois heures à cinq heures, les Familistériens se pressaient en masse autour de la société de gymnastique la Pacifique qui, fondée à peine depuis trois mois, nous a tous étonnés par la précision de ses mouvements d’ensemble et par la hardiesse de ses gymnasiarques.
- La fête du Travail de cette année a marqué une date nou-
- velle par la signification donnée par M. Godin à notre société de gymnastique, en lui remettant un drapeau sur lequel on lit en grosses lettres d’or : Paix, Travail.
- Nous ne voulons ajouter aucun commentaire aux enseignements contenus dans les discours proncncés à la remise du drapeau à la Pacifique.
- Voici les paroles de M. Godin, auxquelles les gymnasiarques ont répondu par des vivats en l’honneur du fondateur du Familistère.
- « Messieurs,
- » L’entrain avec lequel vous vous êtes constitués, la simplicité et l’élégance de votre costume, l’ordre et la bonne tenue de vos réunions, la rapidité avec laquelle vous vous êtes mis au courant de vos exercices font que c’est avec un véritable plaisir que je vous remets ce drapeau au nom et à l’invitation de votre comité.
- » Je suis particuliérement frappé de la devise Paix et Travail brodée sur ce drapeau ; cela indique que l’on entend faire servir votre société de gymnastique aux deux buts les plus essentiels de la vie moderne.
- » La paix et le travail sont, en effet, les deux côtés nécessaires à la liberté et au bonheur des citoyens ; la gymnastique, comme toutes nos autres actions, peut converger vers ce but.
- » Vous entrerez dans cette voie, en vous pénétrant bien que l’agilité, la souplesse et les exercices rationnels du corps peuvent nous aider dans toutes les circonstances de la vie ; mais vous tendez vers un idéal supérieur en donnant pour devise à votre société : Paix et travail ; vous voulez démontrer, par cela même, que vous n’entendez pas vous inspirer des sentiments étroits du chauvinisme, toujours prêt à partir en guerre; que vous considérez, au contraire, que les ouvriers de tous les pays ont un même intérêt à défendre : celui du bien-être de leurs familles, et que pour cela la paix et le travail leur sont nécessaires
- » Les ennemis que vous avez à vaincre, ce ne sont pas les ouvriers vos frères en labeur de tous les pays, ce sont les despotes, les tyrans, les dominateurs de toutes les nations ; ce sont ceux qui envoient tous nos jeunes hommes à la guerre, aux tueries des batailles, ceux que nous avons à ramener à la raison par l’attitude universelle du peuple.
- » Votre société de gymnastique ne doit jamais perdre de vue cette haute pensée que,dans toutes les nations,les hommes qui travaillent sont des hommes utiles qui n’ont aucun intérêt à se vouloir ni à se faire du mal les uns aux autres, et que leurs réels ennemis sont, au contraire, les potentats qui disposent de leur liberté et de leur vie, les gouvernements qui les oppriment et les font massacrer par le canon sur les champs de bataille.
- » Paix et Travail, voilà l’avenir du peuple; c’est votre drapeau ; vous ferez toujours honneur à cette noble devise.»
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- Le président du comité de la Pacifique à répondu par l’improvisation suivante :
- « Monsieur le Fondateur,
- » Rendre l’homme plus adroit et plus viril en développant la force qui est le premier soutien de la vie du travailleur ; faire naître en lui les sentiments élevés, développer l’esprit de solidarité et de fraternité, telle est la base de cette éducation qu’on accuse souvent d’être pureme nt physique.
- » Votre bienveillante sympathie au début de notre organisation, votre appui moral dont nous avons la preuve par votre présence ici, tout cela nous prouve, M. le Fondateur, que fidèle à vos principes vous encouragez tout ce qui peut être bon et utile, en vous réservant d’apprécier les résultats.
- » La devise de ce drapeau que vous avez bien voulu remettre vous-même à nos ’eunes amis renferme tout un programme.
- » La Paix et le Travail, c’est aussi le but vers lequel tendent tous les efforts de votre vie, de votre cœur et de votre intelligence.
- » L’œuvre du Familistère,créée grâce à votre persévérance, deviendra, nous l’espérons, aussi durable que sont immortels les principes de justice et d’équité qui lui servent de base.
- » C’est dans la pensée d’y ajouter un nouvel élément de concorde que notre société de gymnastique s’est fondée.
- ü> Son organisation en dehors de toute ingérence officielle vous montre que ses membres possèdent déjà un certain esprit d’initiative, qu’ils comprennent que dans toute œuvre vraiment sociale et démocratique la discipline et l’ordre sont aussi indispensables que la fraternité.
- » Puissions nous réussir et vous, M. le Fondateur,avoir la satisfaction de constater dans votre grande œuvre un concours de plus de bonnes volontés. »
- Pendant les deux heures qui ont suivi la remise du drapeau, es gymnasiarques du Familistère on montré beaucoup d’agilité, de grâce et de force ; leurs exercices provoquaient à tout instant les applaudissements des spectateurs.
- Autant que nous admirions l’adresse et les qualités physiques de nos gymnasiarques, rien ne nous a été plus agréable, rien ne nous a paru plus digne de l’attention publique et mieux mériter les louanges des amis de l’humanité que ce fa’t de jeunes hommes vigoureux, intelligents, se rangeant audacieusement dans une société appelée la Pacifique.
- Jeunes hommes, allez partout, portant haut le nom de votre société « La Pacifique ». Il exprime exactement la signification des institutions du Familistère. Affirmez le travail ; il est le suprême courage ; affirmez l’amour de la Paix, la suprême vertu.
- Vous vaincrez par le Travail et l’Amour de la Paix l’égoïsme des sociétés égarées.
- PROGRAMMES ÉLECTORAUX III
- Dans nos précédents articles sur le même sujet, nous avons inscrit en première ligne le Renouvellement partiel et annuel comme sanction et sauvegarde du principe de la souveraineté nationale.
- Puis, nous avons abordé les réformes financières. Il nous a semblé rationnel, après 1’afïirmation du principe républicain, de penser immédiatement aux moyens pratiques de faire vivre la Répu blique.
- Noui plaçant au point de vue conservateur, nous avons conclu que tous les républicains devaient être unanimes à inscrire dans les programmes électoraux ces trois réclamations :
- Budgets en équilibre ;
- Economie rigoureuse ;
- Pas de nouveaux impôts ou d’augmentation des anciens.
- Le nombre et la forme des impôts sont des éléments de la question qu’il ne faut pas négliger. Les impôts les meilleurs sont ceux qui coûtent le moins à percevoir.
- Dans l’ordre présent, quelle que soit la forme de l’impôt, il est toujours supporté en définitive par les classes laborieuses. Les conservateurs, eux-mêmes, bien qu’ils n’aient pas la charge de l’impôt, ont intérêt à ne pas en exagérer le taux de perception, afin de ne pas exaspérer les travailleurs par cette aggravation.
- Nous n’avons pas à examiner ici le détail des frais de perception des impôts indirects ; chacun sait que leur recouvrement coûte un tantième beaucoup plus élevé que la perception des contributions directes.
- De ce fait nous tirons la nécessité de réclamer la substitution des impôts directs aux autres impôts plus vexatoires et plus onéreux.
- Doit-on demander l’impôt direct et unique ?
- Nous ne le pensons pas.
- Le conservateur intelligent, tenant compte de l’état des esprits, persuadé que les deux modes d’impôts directs proposés jusqu’à présent, d’impôt sur le Capital et sur les Revenus»,gagneront à être appliqués parallèlement, ne demandera pas qu’on entreprenne la généralisation de l’un ou l’autre avant qu’une pratique progressive ait permis de corriger les erreurs et les imperfections inséparables de toute nouvelle expérimentation.
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- Le conservateur républicain devra exiger l’insertion,dans les programmes,de l’article suivant :
- a Substitution des impôts directs sur le capital et sur les revenus aux contributions indirectes de toutes sortes.»
- * *
- Le conservateur ne peut demander plus que cette réforme sans prendre rang dans les contingents socialistes qui, eux, n’auraient aucune raison sérieuse de constituer un parti, s'ils n’avaient la volonté de dépasser ces extrêmes limites du conservatisme.
- Néanmoins, les programmes socialistes gagneront à contenir cette clause, sauf à la compléter par un autre marquant la différence entre conservateur et socialiste.
- Les socialistes, en acceptant, comme transitoire, la réforme des impôts, telle que peuvent la concevoir les conservateurs,contribueront à donner à l’ordre social présent toute la stabilité qu’il peut avoir; et cette stabilité ne sera pas trop grande pour qu’il puisse supporter les modifications et les améliorations que comporte le progrès social.
- Les socialistes auraient tort de redouter la consolidation temporaire du présent ; sans cette consolidation, ils s’exposent à subir tous les aléas et les ruines de la révolution violente ; avec elle, l’esprit de la révolution s’incarnera dans des œuvres indestructibles sorties de l’évolution.
- Mais, à côté de cette modération, les citoyens sincèrement progressistes, sous peine de désertion, ont le devoir d’affirmer le principe de l’avenir.
- En matière de finances publiques, ce qui distingue le conservateur républicain du socialiste est que l’un défend un système fiscal mettant l’impôt à la charge du travail, tandis que l’autre veut que les ressources publiques proviennent de prélèvements sur la richesse.
- Beaucoup avouent des préférences pour cette dernière manière de comprendre l’alimentation des caisses publiques, qui, dans tout ce qu’ils proposent, ne sortent pas des conséquences du présent.
- On trouve, en effet, un grand nombre de citoyens qui croient se distinguer des conservateurs, parce qu’ils sont sincèrement acquis à l’idée des impôts directs sur le Capital et sur les Revenus.
- En réalité, tous ces honorables citoyens, dont nous ne soupçonnons pas les bonnes intentions, représentent simplement une nuance du conser-
- vatisme, et rien que cela, parce que les impôts directs surle Capital etsurlesRevenus se répercutent sur les classes laborieuses avec autant de rigueur 4ue les impôts indirects.
- * *
- La répercussion est la différence caractéristique entr e les impôts sur le travail et les impôts sur la richesse.
- En apparence, les impôts directs sur le Capital et sur les Revenus semblent atteindre la richesse. Cela n’est qu’une illusion ; parce que ces impôts se répercutent toujours sur le travail.
- En effet, dans le milieu présent, tout impôt payé par les propriétaires est porté aux frais généraux et réparti entre tous les produits sortis de leurs industries ; de telle sorte que cet impôt se colporte avec l’objet de maisons de revente en maisons de revente, le dernier détenteur remboursant le précédent de l'avance des impôts, jusqu’à ce que ce produit soit passé dans les mains de celui qui le consomme ; l’impôt n’est définitivement acquitté que d’autant que le consommateur a payé le dernier revendeur; tous les intermédiaires n’ont été que des agents ayant fait tour à tour l’avance au Trésor.
- On répond à cela que les propriétaires, les patrons sont eux-mêmes consommateurs. Cette objection disparaît devant ce fait, généralisé dans la moyenne et dans la grande industrie, que les patrons et propriétaires portent aux frais généraux une somme équivalente à l’évaluation de leur travail, somme toujours supérieure aux impôts payés par les objets qu’ils consomment.
- Prenons comme exemple les marchands de laines,que nous allons supposer sous le coup d’un nouvel impôt de 2 0/q sur leurs revenus ou sur leurs capitaux.
- Ces marchands porteront en plus à leur comptabilité une somme équivalente à l’augmentation de leurs impôts ; ils en feront la répartition sur toutes les laines qui passeront dans leurs magasins en leur attribuant, suivant la règle absolue du commerce, leur part de ces frais généraux.
- Lorsque le fabricant de tissus aura payé le marchand de laines, ce dernier se trouvera dans la même situation que s’il n’avait pas eu à supporter une augmentation d’impôt; il en aura été quitte pour faire une avance plus grande, avance qui n’aura pas été consentie sans recevoir elle-même une renumération proportionnée à son impor-
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- tance ; le tisseur sera remboursé par le marchand de draps en gros; celui-ci par les détaillants; et ces derniers par les consommateurs, qui auront la veste ou la culotte avec toutes les augmentations provenant du surcroît des impôts et des frais capitalistes occasionnés parce supplément d’avances.
- Notre législation offre quelques cas d’impôts qui échappent à la répercussion, ceux sur les successions, par exemple.
- L’industriel, le propriétaire, qui paie à l’Etat une somme de cinq ou six mille francs pour une succession ne considère pas cela comme une dépense 1 qu’il doive porter à ses frais généraux ; il accepte ce prélèvement comme une diminution de la totalité de l’héritage ; il ne pourrait même pas le répartir sur les produits qu’il livre à la consommation. Les impôts de ce genre sont véritablement supportés par celui qui les paie au Trésor ; dans la plupart des autres cas ceux qui acquittent l’impôt aux caisses des percepteurs ne sont que des intermédiaires entre le réprésentant du fisc et les consommateurs.
- D’une manière générale, il est permis de conclure que tous les prélèvements annuels sur le Capital ou sur les Revenus se répercuteront sur le travail. Ils n’atteindront jamais le but désiré par les amis du progrès social de délivrer le travail, créateur de toutes richesses, des charges injustes qui l’étreignent dans l’ordre présent.
- L’Hérédité de l’Etat et le revenu national substitués aux impôts procureraient des ressources directement prélevées sur la richesse, après la mort des citoyens riches, sans qu’elles puissent se répercuter sur le travail.
- Nous n’insisterons pas ici sur cette réforme, car nous cherchons ce qui est immédiatement possible. Nous n’éprouvons aucune hésitation à reconnaître que l’Hérédité de l’Etat n’a pas été suffisamment vulgarisée pour pouvoir être inscrite dans nn grand nombre de programmes électoraux. Mais de ce qu’elle atteint parfaitement le but, nous concluons qu’il est urgent de saisir l’opinion publique des questions plus générales, qui ne peuvent être approfondies sans amener la discussion complète de l’Hérédité de l’Etat, que nous considérons comme le moyen le plus efficace de régénération sociale.
- Nons conseillons donc aux hommes soucieux d un avenir accordant au travail la place qui lui revient, de se pénétrer des considérations que soulève la répercussion des impôts et d’en tenir comp-
- te dans la rédaction des programmes électoraux.
- Quiconque a ia prétention de se couvrir de l’épithète de socialiste devra demander aux candidats à la députation de déclarer qu’ils sont partisans d’un système fiscal évitant la répercussion des impôts, qu’ils s’engagent, pendant la durée de leur mandat, à provoquer parmi leurs collègues Information d’un groupe d’initiative ayant mission de centraliser, d’étudier et de répandre par les journaux, par la parole, les projets visant ce but, jusqu’à ce que la question soit devenue suffisamment claire dans l’esprit des électeurs pour qu’ils mandatent leurs représentants d’une façon définie.
- Le mandataire n’a pas seulement d’obligation de représenter l’opinion de ses électeurs ; il doit aussi les préparer aux améliorations et aux progrès que la théorie démontre justes et possibles. Cette partie de la mission du législateur est certainement la plus importante.
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- A mesure que nous avancerons dans l’étude des programmes électoraux nous récapitulerons chaque fois les points élucidés, afin de mieuxfixer l’attention de nos lecteurs, car la discussion des programmes électoraux est le devoir des bons citoyens.
- Nos minima jusqu’à présent peuvent se résumer ainsi :
- Souveraineté nationale
- Réduction de la durée du mandat législatif à deux ou trois ans.
- Renouvellement partiel et annuel à époque fixe par moitié ou par tiers.
- Finances publiques Budgets en équilibre,
- Economie rigoureuse,
- Pas de nouveaux impôts ou d’augmentation des anciens.
- Le candidat déclare qu’un système fiscal selon | les intérêts de la démocratie doit éviter la répercussion des impôts, c’est-àdire la possibilité, laissée jusqu’à présent aux gens riches, de se faire rembourser leurs impôts par les travailleurs ; il s’engage pendant la durée de son mandat à provoquer parmi ses collègues la formation d’un groupe d i-nitiative ayant mission de centraliser, d étudier, de répandre par les journaux et par la parole les projets visant ce but, jusqu’à ce que la question soit suffisamment claire dans l'esprit des électeurs devenus [capables de mandater leurs représentants d’une façon définie.
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- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- LXXXII
- La répartition de la richesse
- L’iniquité s’appesentira sur le monde tant que les fruits du travail seront à la merci des spéculateurs conservant pour eux seuls la plus belle partie de la production.
- Un superflu exagéré sera la part de quelques uns, la gêne et les privations seront le lot du grand nombre.
- L’association entre les hommes remédiera à cette iniquité.
- Faits politiques et sociaux
- 33 E LA S E MAI 3ST E
- La Chambre.—La rentrée des Chambres a été marquée par la nomination du vice-président. Les opportunistes espéraient réunir assez de voix pour faire nommer M. Develle. Leur défaite a été complète,, le candidat de lenr choix n’a réuni que 149 suffrages. Monsieur Anatole de la Forge porté par la gauche radicale et par l’Extrême gauche a été nommé à une forte majorité.
- Politique de raison..— Un inicdentregrettable, survenu en Egypte,semblait devoir provoquer une intervention militaire delà France, si l’on avait suivi la politique insolente du précédent gouvernement. La prudence de notre nouveau ministre des affaires étrangères a su ménager par de sages lenteurs une solution pacifique.
- L'affaire connue sous le nom du Bosphore Egyptien se trouve terminée par les excuses que le gouvernement égyptien a consenti à présenter au consul français. Toutes les difficultés de ce genre finiraient de la même manière, si les peuples savaient écarter du pouvoir les brouillons qui jugent de leur importance par le bruit qui se fait autour de leur nom.
- *
- * *
- Discours de M. Ribot. — Le monde politique s’occupe beaucoup d’un discours de M. Ribot, prononcé à St-Pol, dans le Pas-de Calais. M. Ribot veut la Réqublique, bien entendu une république qui repoussera les utopies, et ces utopies sont : la séparation de l’Eglise de l’Etat, la réduction du service militaire, l’élection de la magistrature, et toutes les réformes destinées à l’amélioration du sort des classes laborieuses. Le très honorable membre du centre gauche s’est prononcé contre la politique des aventures. Nous ne comprenons qu’on accorde tant d'importance aux paroles d’un homme assez osé pour tenir un pareil langage, quelques jours après avoir voté les crédits du Tonkin. Ces choses peuvent être dites en un très beau langage, mais le bon sens commande aux électeurs de savoir se débarrasser de tous les politiciens qui parlent d’une manière et agissent d’un autre, et et de se méfier des gens de .cette sorte en raison directe de l«ur habileté de parole.
- Les ouvriers métallurgistes de Château-Regnault-Bogny.— On lit dans le Petit Parisien :
- Depuis le 5 avril, les ouvriers métallurgistes de Chateau-Regnault-Bogny ont fondé une chambre syndicale pour la défense de leurs intérêts. Mais les patrons n’ont point voulu admettre que les travaillenrs eussent le droit de s’unir et de se concerter. MM. Maré et Gérard, frères, ont fait afficher dans leurs ateliers l’avis suivant :
- AVIS
- « Nous prévenons les ouvriersqui font partie de la chambre syndicale qu’ils ont à choisir entre l’attelier ou la Chambre syndicale : ils ont jusqu’au 25 avril pour donner la preuve de leur démission ou ils seront réglés. »
- « C'est toujours la même oppression patronale ! Ou l’ouvrier subira le joug, ou il sera privé de travail, c’est-à-dire de pain. L’obéissance passive, ou la misère ! »
- Le 25 avril, les membres du Comité de la Chambre syndicale ont été renvoyés.
- Le lendemain, tous les ouvriers de MM. Maré et Gérard frères se sont réunis : ils ont reçu l’assurance de l’appui des membres des Chambres syndicales des communes environnantes.
- Mardi, 28 avril, une démarche a été faite auprès de MM. Maré et Gérard frères pour leur demander s’ils voulaient reconnaître l’existence légale de la Chambre syndicale et reprendre les ouvriers qu’ils avaient congédiés : les patrons ont maintenu leur décision.
- Dans ces conditions, les ouvriers de MM. Maré et Gérard, au nombre de 152, viennent de se mettre en grève.
- L’opinion publique jugera sévèrement les patrons qui refusent leur liberté aux travailleurs qu’ils occupent et qui,lorsque ces ouvriers se groupent et s’unissent, leur disent : « Ou vous resterez isolés, ou nous vous chasserons de nos ateliers. »
- * *
- Tonkin. — On télégraphie d’Hanoï :
- « La complète évacuation du Tonkin par les troupes chinoises du côté de Lang Son est officiellement confirmée ; sur le Fleuve-Rouge, le mouvement de retraite des Pavillons-Noirs vers Laokaï s’est accentué depuis cinq jours. »
- it
- > *
- Madagascar. — Nous avons récemment enregistré l’opinion de l’amiral Galiber sur Madagascar ; l'amiral concluait alors à l’abandon de cette expédition ; mais le même amiral, devenu ministre, est d’avis maintenant qu’il faut conquérir Madagascar; M. Galiber amiral et ministre soutiendra prochainement une demande de crédit de 12,000,000 pour continuer cette expédition que condamnait M. Galiber amiral !
- SUISSE
- Mutualité nationale.— Une assemblée des députés^*radicaux a eu lieu à la Tonhalle,à Neuchâtel. Elle a décide de nantir le Grand Conseil, dans sa prochaine session, d’une proposition tendant à faire étudier par le Grand Conseil d’Etat l’organisation par l’Etat de l’assistance mutuelle et obligatoire en cas de décès du chef de famille, Jen cas de maladie et pour
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- la vieillesse, ainsi que les subventions de l’Etat pour les sociétés mutuelles de prévoyance, d’assurance et de secours.
- Ces questions devront être traitées avant toutes les autres, ajoute le Reveil auquel nous empruntons cet entrefilet.
- * ¥
- Exemple de Bonne administration. — Le
- gouvernement du canton de Zoug espère pouvoir solder cette année-ci le reste de la dette d’Etat et abaisser de 20 0[0 la cote des impôts. Cet heureux résultat a été obtenu quoique la subvention payée pour l’établissement de chemins de fer, la construction d’un bâtiment destiné aux autorités cantonales et celle d’un pénitentier aient absorbé environ un million de francs, somme tout à fait considérable pour un aussi petit Etat.
- BELGIQUE
- Le Cléricalisme.— La Commission du Budget, appelée à se prononcer sur la question de l’ambassade auprès du Pape, a voté le maintien de cette ambassade.
- Lorsque les libéraux belges arrivèrent au pouvoir, en 1876, l’une des premières décisions qu’ils prirent, ce fut de rompre tout rapport avec le Vatican : eh bien 1 ce qui a eu lieu en Belgique, dans une monarchie, on n’ose pas le faire en France après quinze années de République !
- Il faudra bien, pourtant, qu’on s’y décide !
- ANGLETERRE
- L’Angleterre, en déjouant les provocations de la Russie par sa proposition de soumettre le différend au jugement d’un arbitrage, a donné l’occasion aux routiniers et aux chauvins de déclamer sur la prudence et le manque de dignité de la perfide Albion. Parmi les détracteurs de la sagesse anglaise, beaucoup se laissent aller au dépit de se trouver en face d’un fait qui réfute les bourdes qu’ils débitaient hier contre l’arbitrage et contre toutes les tentatives faites dans le but d’inaugurer ne politique scientifiquement pacifique.
- Les récriminations des routiniers et les déclamations des chauvins n’empêcheront les partisans de l’arbitrage d’enregistrer avec satisfaction ce commencement d’application des idées qu’ils défendent avec tant de constance.
- L’Union des Républicains
- Tous les journaux de la série opportuniste reproduisent la note suivante, partie d’un syndical des journalistes de l’Aisne :
- » A la suite de la réunion générale des délégués de la presse républicaine de la Somme, de l’Aisne et de l’Oise, qui a eu lieu à Amiens, le 26 avril, la résolution suivante a été prise :
- » Les journaux soussignés, mettant au-dessus des questions de groupes l’intérêt supérieur de la République, sont convaincus qu’il y a lieu dans les départements de la Somme, de l’Aisne et de l’Oise, d’opposer à la réaction monarchique, qui ente un suprême effort, le faisceau des forces lépublicaines.
- » Laissant aux électeurs l’initiative qui leur appartient de procéder à l’organisation nécessitée par' scrutin plurinominal,
- ils s’engagent â agir sur l’opinion publique pour arriver à la conciliation entre les diverses nuances de l’opinion républicaine et à Vunité de liste.
- » Ils soutiendront de toute leur influence la liste des candidats arrêtée par le comité central de chacun de leurs départements.
- » Suivent les signatures.
- » Vingt et un journaux appartenant aux diverses nuances de l’opinion républicaine font déjà partie de ce syndicat.
- » Ils ont, dans la réunion de dimanche 26 avril, composé le bureau de la manière suivante :
- » Président : M. Francis François, directeur du Progrès de la, Somme ; vice-présidents : MM. Paul Doumer, directeur de la Tribune, à Laon, et Laffineur, directeur de la République de l’Oise, àBeauvais;secrétaire : M. G. d’Anns, rédacteur en chef du Petit Progrès de la. Somme. »
- L’union des républicains serait chose désirable ; mais l’unité de liste ne peut-être tentée avant d’avoir fait l’unité de programme.
- S’il en était autrement,la tentative desjournalistes des trois départements de l’Aisne, de l’Oise, de la Somme, devrait êtie interprétée comme un complot dirigé contre le principe républicain.
- Les électeurs sauront faire justice des prétentions qui viseraient l’affaiblissement des manifestations du suffrage universel.
- Si l’on poussait à l’unité de liste, avant d’avoir cherché un programme précis, on accuserait avec raison les cabaleurs de vouloir escamoter le vote.
- Nous ne pensons pas que des républicains puissent avoir l’idée de constituer une oligarchie dirigeante qui remettrait le pouvoir électif aux mains de publicistes enrôlés dans des rédactions entretenues avec l’argent des candidats.
- Une pareille entreprise serait un acte coupable.
- Si le syndicat des trois départements a rêvé de réaliser l’unité de liste, au premier tour, avant d’avoir produit l’unité de programme nous espérons que ses fondateurs et ses membres s’apercevront qu’ils ont commis une étourderie à laquelle ils s’empresseront de renoncer.
- ......—— --------- ................... ........ ,.
- COMMERCE DES ORANGES
- Il y a cinquante ans, la France recevait 7,850,000 kilogrammes d’oranges, et sur ce chiffre le port de Marseille figurait pour 2,300,000 kilogrammes.
- Alors, c’était l’Espagne qui presque uniquement pourvoyait la France de ce genre de produit. Mais l’engouement des Parisiens pour les oranges et la plus grande consommation qui s’en faisait en France développa de plus en plus l’importation de ce fruit, qui s’élevait déjà en 1856 à 16 millions de kilogrammes pour toute la France. Marseille seule entrait dans ce chiffre pour environ 10 millions.
- Dix ans après, en 1866, l’ensemble de l’importation des oranges dans notre pays augmentait au point d’atteindre le chif. fre de 26 millions de kilogrammes : mais la place de Marseille
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- ne profitait point de cet accroissement. Ses importations descendaient au contraire à 9 millions et même à 8 millions de kilogrammes en 1878. Cet état de choses était dû aux envois d’Espagne par la voie ferrée.
- Depuis lors, le commerce des oranges a eu à compter avec un nouvel élément. La culture de l’oranger en Algérie s’est sensiblement développée, et de forts arrivages de celte provenance par la voie de Marseille sont venus ranimer le mouvement de ce port. Aussi avons-nous à constater que, de 9,229,214 kilog. d’oranges qui étaient débarqués à Marseille en 1883, cet arrivage s’est élevé en 4884 au chiffre encore inconnu de près de 13 millions (12,964,083 kilog.), dont 6,477,335 kilog. d’Espagne , 4,857,470 kilog. d’Algérie, 1,162,889 kilog, d’Italie et 476,389 kilog. d’autres pays.
- II est vrai que, en 1884, l’importation des oranges par toutes nos frontières a été d’environ 55 millions de kilogrammes, dont 46 millions venant d’Espagne.
- La quantité totale des oranges livrées à la consommation a été, cette année-là, de 52 millions de kilogrammes, représentant une valeur de 13 millions de francs, et, sur cette somme, le commerce de Marseille est entré pour environ 4 millions de francs.
- Mais, ce qui est surtout à signaler au point de vue du commerce des oranges à Marseille, c’est le développement considé-dérable des arrivages de ce fruit provenant de l’Algérie. En 1836, nous ne recevions de notre colonie africaine que 8,000 kilog d’oranges. Or, depuis, nous en avons reçu: 350,537 kliog. en 1856; 1 million de kilog. en 1866, et, comme on l’a vu, ce chiffre a atteint près de 5 millions de kilg. en 1884.
- SITUATION FINANCIÈRE DES COMMUNES
- Le directeur de l’administration départementale et communale, comme il l’a fait pour les années précédentes depuis 1878, a dressé, pour l’exercice 1884 et d’après les budgets primitifs, des états statistiques sur la situation financière des communes de la France et de l’Algérie.
- Cet important document, qui ne comporte pas moins de 700 pages, vient d’être soumis au ministre de l’intérieur.
- Le nombre des communes, qui s’élevait en 1883 à 36, 097, est monté à 36,105. Depuis la dernière statistique, il y a dix nouvelles créations qui se sont produites dans cinq départements, savoir : 2 dans l’Aisne, 2 dans la Creuse, 1 dans le Morbihan, 2 dans le Nord, 2 dans le Puy-de-Dôme et 1 en Vendée. D’un autre côté, on constate la disparition de deux communes dans la Marne,ce qui justifie les chiffres ci-dessus.
- Les revenus annuels des communes s’élèvent à 472, 451,394 fr.,non compris les recettes affectées aux services spéciaux, non plus que le produit des impositions communales. Le nombre des communes appartenant aux catégories les moins grevées, c’est-à-dire imposées de moins de 15 centimes, de 16 à 30 centimes, de 31 à 50 c., a subi une diminution, tandis que celui des deux autres catégories, imposées de 51 à 100 centimes ou au-dessus de 100 centimes s’est augmenté d’autant.
- Ces résultats se résument dans les chiffres suivants :
- Communes imposées de 15 centimes : 4, 473 au lieu de4,530;
- (Soit une diminution de 57 communes.)
- Communes imposées de 15 à 30 centimes : 8,249 au lieu de 8,570 ;
- (Diminution de 321 communes.)
- Communes imposées de 31 à 50 centimes : 9,470 au lieu de 9,506 ;
- (Diminution de 36 communes.)
- Communes imposées de 51 à 100 centimes. : 10,145 an lieu de 9,938 :
- (Soit une augmentation de 207 communes.)
- Communes imposées au-dessus de 100 centimes, : 3.768 au lieu de 3,553 ;
- (Augmentation de 215 communes.)
- Le nombre de centimes tant ordinaires qu’extraordi-
- naires était, en 1883, de. .......... 1.822.511
- Pour 1884, il a atteint................ 1.856.354
- Soit une augmentation de.................. 33.843
- La moyenne des impositions par commune se trouve ainsi portée de 50 à 51 centimes additionels.
- Les centimes extraordinaires s'élèvent, en 1884, au
- nombre de................................... 433.837
- Ils étaient, en 1883, de................... 422.309
- Soit une différence en plus de........... 11.528
- Les résultats qui précèdent accusent de plus en plus la tendance déjà signalée lors de la publication des opérations de 1883 que montrent les municipalités disposées à accroître les dépenses ordinaires, plus encore qu’à effectuer des travaux extraordinaires correspondant à des améliorations durables.
- « En présence de cette tendance et de cet accroissement continu des charges locales, dit M. le Guay, un devoir plus étroit s’impose aux administrations préfectorales, de porter toute leur attention sur le règlement des budgets communaux, afin de n’y admettre que des dépenses d’une incontestable utilité et d’écarter toute augmentation qui ne serait pas motivée par une véritable nécessité. »
- Par suite de la suppression de quelques octrois, le nombre total, qui était de 1,534 en 1883, est descendu à 1,529.
- D’après les comptes arrêtés au 31 décembre 1883, les revenus des bureaux de bienfaisance s’élèvent
- à................................... 32.270.355 fr.
- Ces revenus, au 31 mars 1882, n’atteignaient que........................... 31.485.782
- D’où résulte une augmentation de. . . . 784.573 fr
- en faveur du dernier exercice.
- En Algérie, six nouvelles communes ont été créées
- depuis 1883 : trois dans le département d’Alger, une dans celui de Constantine et deux dans celai d’Qran, ce qui porte le chiffre total à 279 communes.
- La populatiou, tant européenne que mulsulmane, s’élève pour toute la colonie à 2,788,137 habitants,
- La moyenne de la superficie territoriale pour 10,262, 347 hectares est de 36,783 hectares par commune.
- Les recettes ordinaires ont éprouvé, en 1884, une nouvelle et sensible augmentation.
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- LE DEVOIR
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- Elles étaient, en 1883, de.......... 15.826.826 fr.
- En 1884, elles atteignent.............. 17.369.576
- Différence en plus en faveur de l’exercice
- courant................................ 1.524.750 fr.
- Il e n est de même des recettes extraordinaires qui de.......................... 2.497.765 fr.
- sont montées à............................. 3.471.330
- En plus. . . . 973.565fr.
- Le montant des revenus annuels des
- bureaux de bienfaisance est de............... 299.735
- En 1883, il n’était que de................ 289.235
- La progression pour l’année 1884 est donc
- de............................................ 10,500
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- EXPOSITION
- des inventions brévetées en France
- Le vent est aux expositions. Nous ne nous en plaignons pas, loin de là. Les expositions sont les dictionnaires du progrès et plus les éditions en sont nombreuses, plus grand est le profit pour tous.
- Nous avons à signaler aujourd’hui un projet d"exposition des inventions brévetées en France. Certes, si jamais exposition présente un caractère d’utilité publique, c’est bien celle-ci dont l’idée appartient à notre ami M. Jabloschkoff.
- Dans une des dernières séances de l’association des inventeurs et artistes industriels, M. Jabloschkoff a exposé sa proposition tendant à l’établissement d’une exposition qui serait pour les inventeurs ce qu’est le Salon pour les peintres.
- Il a exposé comment il a reconnu que le principal obstacle, la propagande parmi les inventeurs, est dans la difficulté qu’on éprouve à définir les services rendus aux inventeurs par l’Association. Il s’est donc demandé s’il ne serait pas possible à l’association de rendre aux inventeurs, sans beaucoup de frais, un service considérable, évident, qui serait apprécié par tous. Ce service consisterait, dans la pensée de M. Jabloschkoff àfournir aux inventeurs un moyen défaire connaître leurs inventions; c’est ce dont ils ont le plus besoin, et c’est ce qui leur manque le plus. À l’appui de cette idée, M. Jabloschkoff cite ce fait qui s’est accompli dep iis quelques années au détriment de la France, le déplacement du marché des inventions. Autrefois, dit-il, tout inventeur Français ou étranger, qui voulait utiliser son idée et la faire entrer dans l’industrie, venait à Paris ; c’est là qu'il cherchait les capitaux et les hommes capables de s’intéresser à son affaire. Aujourd’hui,on ne vient plus à Paris, on va en Angleterre.
- L’Angleterre est devenue ce qu’était Paris : le marché des inventions. Pourquoi ? parce qu’on y trouve les moyens de publicité qu’on n’a pas à Paris ; des journaux sérieux, non suspects de réclame, nombreux, portent à la connaissance des hommes d’affaires les inventions nouvelles. A Paris, ni l’argent, ni les hommes ne font défaut, mais les moyens manquent Pour aller à eux.
- Comment donc faire revenir à Paris le marché des inventions ?
- M. Jabloschkoff pense qu’un moyen très efficace consistent dans l’organisation d’une sorte de Salon des inventeurs. II
- ne faut pas croire qu’une Exposition de ce genre, permanente ou régulièrement périodique, et réservée aux seulsinventeurs, ferait double emploi avec les Expositions industrielles qui existent déjà.Les Expositions, tell es qu’on les a pratiquées jusqu’à présent, ne profitent pas aux inventeurs ; ils y sont écrasés par les frais, étouffés par les grandes associations industrielles, qui détournent l’attention du public par d’immenses étalages, et, enfin, le public ne sait pas rechercher et reconnaître les inventions nouvelles parmi la multiplicité des objets qu’on étale à ses yeux. Pour qu’il comprenne les inventions, pour qu’il s’y intéresse, il faut les lui montrer seules.
- M. Jabloschkoff pense qu’il appartient à l’Association des Inventeurs de recueillir l’idée qu’il lui soumet, de la développer et d’en assurer la réalisation ; elle prendrait ainsi un rôle utile, honorable, aussi bien vis-à-vis des inventeurs auxquels elle rendrait le service le plus nécessaire, que de l’industrie française, qui a tout intérêt à faire revenir à Paris le marché des inventions.
- Nous apprenons que l’idée émise par M. Jabloschoff portera ses fruits et que l’association des Inventeurs a tenu à honneur d’en assurer la réalisation. La première exposition des inventions brevetées en France aura lieu cette année à Paris, au Parlais de l’industrie ; elle ouvrira Je 28 juillet prochain et sera ferméele 23 novembre.
- Une rectification
- M. de Saint- Vallier nous informe qu’il n’a point envoyé un télégramme de félicitations à l’occasion du 70e anniversaire de M. de Bismarck. Nous nous empressons de lui donner acte de sa réclamation ; afin qu’il ne puisse soupçonner notre bonne foi, nous lui adressons l’extrait d’un journal de l’Aisne d’où nous avions tiré cette nouvelle, parue depuis plusieurs jours, que nous n’aurions pas reproduite si elle avait été alors l’objet d’une rectification.
- Au reste M. de Saint-Yallier ne peut être mécontent de nos appréciations ; le cas qu'on lui attribuait étant présenté aux masses comme un exemple bon à suivre ; car notre plus grand vœu est de voir les peuples voisins fraterniser entre eux comme n’ont jamais manqué de le faire les diplomates de tous pays. Cette constante confraternité des diplomates, qui n’a jamais été interrompue, est un signe infaillible de la supériorité des membres de cette noble corporation.
- On pourra dire tout le mal qu’on voudra de la diplomatie, nous pensons quelle s’appliquera un jour à faire prévaloir des relations entre les peuples comparables à l’étroite fraternité qui maintient tous les diplomates au-dessus des rivalités haineuses et rancunières du vulgaire patriotisme.
- L’arbitrage
- Nous recevons le procès-verbal de la dernière séance du comité de Paris de la Fédération internationale de l’Arbitrage et de la paix : il contient d'intéressants renseignements sur le Tonkin, dont il propose avec raison, la neutralisation. La Séance a été terminée par un vote de remercîments à M. Godin de son initiative qu il a prise de
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- LE DEVOIR
- provoquer la formation d’un Conseil central permanent des diverses sociétés de la paix.
- Nous publierons ce compte rendu in extenso dans notre prochain bulletin de la paix, afin de grouper autant que possible tous les documents qui serviront à établir l’histoire des dévouements au service de la cause par excellence, la paix, pendant une époque où la plus grande partie des citoyens ne semble comprendre d’autre langage que les appels du ventre.
- Adhésions aux principes d'arbitrage et de désarmement européen
- Seine. Paris. — Lausse Silvain, rue Davoust, 1 ; — Bas Pierre, rue Davoust, 1 ; — Tissandié Jean-Baptiste, rue Solférino ; — Gouin-Duehesne, Juste, rue Davoust, 5 ; — Baumann Frédéric, rue Solférino, 11; - Fortin Louis, rue du Vivier, 23 ; — Jenisson Jean-Baptiste, rue de Lecuyer, 29 ; — Huraut Louis, rue Davoust, 1 ; — Beaume Pierre, rue Magenta, 12 ; — Thomas Charles, rue du Vivier, 15 Bel Eugène, rue Davoust, 1 ; — Main Joseph, rue de Flandre, 67 ; — Lausse Eugène, rue Davoust, 1 ; — Bour-goin Emile, rue Davoust, 3 Planchon Jean, rue Magenta» 17 ; — Artisan Edme, rue Ste-Marguerite, 2; —Boulaudat Pierre, 'rue d’Allemagne, 11 ; — Bas Adolphe, route de Flandre, 17 ; — Petiteau Jean, rue d’Aubervilliers, 19 ; — Frtz François, rue de la Perouse, 5; — Boucher Alfred,rue de Pantin, 22; — Potin Auguste, rue de Paris, 12 ; — Arris Joseph, rue Davoust, 2 ; — Roïer Alphonse, route de Flandre, 37 ; — Bardés Henri, route de Flandre, 104 ; — Rousset Charles, rue Bertier, 14; — Perrot Louis, rue Magenta, 10 ; — Montagne Jean, rue de Pantin, 120 ; — Salmon Eugène, rue de Pantin, 2 ; — Martin Charles, rue d’Aubervilliers ; — Bonna Bibi, rue Bertier, 3 ; — Prosper Jean, rue Bertier, 3; — Auroi Pierre, rue de Paris, 23 ; — Alphonse Jean, rue Bougaris, 37 ; — Margnan Joseph, rue Dagobert, 2 ; — Bources Léon, rue des Chasses, 4 ; — Parman Udobric, aux 4 Chemins, 38 ; — Théophile Jean-Pierre, rue de Berci, 7 ; — Moreau Jean, rue de Charenton, 19 ; — Pinot François, rue du 14 Juillet, 18 ; — Gobet Louis, rue de Pantin, 17 ; — Morin Adolphe, rue de la Villette, 23 ; — Couinte Emile, rue de Charenton, 24 ; — Moreau Jules, rue Magenta, 13 ; — Boulanger Jules, rue de Flandre 26; — Bourgoiu Auguste, rue de Paris; — Caulon Gaston, boulevard de la Villette, 107 ; — Martinet Henri, rue de la Villette, 10 ; — Potin Alphonse, rue d’Aubervilliers, 12 ; — Bilbault Pierre, rue Balagny, 7.
- MAITRE PIERRE
- Par Edmond ABOUT
- (Suite.)
- LA PELLAGRE.
- V
- Je demandai à quelle époque avait commencé la trans" formation du pays. Maître Pierre répondit simplement : « C’est en 1844 que j’ai rencontré Marinette.
- « Le 17 juillet, reprit la jeune fille en étouffant un soupir. C’est une date que je n’oublierai de ma vie, quand je vivrais un siècle entier. L’année avait été dure au pauvre monde, surtout au pauvre monde de Bulos. Notre village était en ce temps-là le plus malsain des environs ; on l’appelait le Porge du Porge : or vous saurez que porge veut dire cimetière dans notre patois. On y vivait bien mal sur la terre, et l’on se couchait bientôt dessous. Les filles commençaient à perdre leurs dents à quinze ans. Tout ce malheureux peuple pourrissait sur pied, comme des arbres qui ont les racines dans l’eau. Pour lors, mon père était berger chez lesautres ; il gagnait cent vingt francs par an et dix hectolitres de blé mélangé» Maman nous faisait la cuisine ; c’était bientôt fini, je vous en réponds. Moi, j’avais tout près de six ans, mais j’étais si petite et si chétive que je n’aidais encore à rien. Voilà que la pellagre nous prit tous les trois en même temps. Monsieur ne sait peut-être pas ce que c’est que la pellagre ? En ce cas, il est aussi savant que les médecins. C’est une maladie qui vient on ne sait d’où, mais lorsqu’elle s’en ira d’ici, personne ne demandera de ses nouvelles. En attendant, on estime qu’il y a trois mille pellagreux dans les Landes. Les uns disent : c’est l’air ; les autres ; c’est l’eau; les autres : c’est la nourriture. On accuse le millet, le seigle, le blé de Turquie ; on s’en prend aux sardines et aux anguilles salées. Toujours est-il que c’est une maladie qui n’attaque pas les riches. Elle commence dans l’estomac, mais elle arrive aussitôt à la surface, comme une mauvaise herbe qui va fleurir partout. Elle a bientôt raison d’une jolie fille, et elle la change si bien que les amoureux se sauvent en la voyant. La peau noircit, bourgeonne, se plaque et s’enfarine. Quand les cheveux sont [tris, c’est bien une autre affaire. Vous voyez que les miens ne sont pas mal aujourd’hui ; en ce temps-là, vous ne les auriez pas touchés. Ma mère dépérit si vite qu’on aurait vu la chandelle à travers son corps.Monpère s’en fut au Porge consulter lemédecin, car nous n’en avions plus depuis que M. Blaquière était parti. Le médecin du Porge ordonna le bon vin et la viande rôtie, mais il ne pouvait pas nous en donner, et ma mère s’éteignit comme une pauvre lampe sans huile. Mon père me mit chez une voisine, et continua d’aller aux champs, fout malade et tout fatigué qu’il était. Tous les soirs, il rentrait plus faible et nous essiyions de manger, mais nous n’avions goût à rien. Le matin il ne savait jamais s’il pourrait se tenir sur ses échaSses. Ses nerfs étaient si dérangés et sa tête si faible que quelquefois, voulant aller en avant, il reculait de plusieurs pas en arrière. C’était comme un bateau qui fuit à la dérive quand les avirons ne vont plus. Je sentais bien que son courage était mort, et quand il s’asseyait sur le banc, la tète dans
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- 287
- les deux mains, je voyais quelque chose de sombre au fond de ses yeux. Mais je ne savais que lui dire pour le consoler de la vie, et je pleurais inutilement sur ses genoux. Enfin, il désespéra plus qu’il n’est permis à l’homme. L’excès du mal le décida à me laisser seule en ce monde, et il devança son heure, qui pourtant n’était pas loin. Je m’éveillai devant son cadavre comme au milieu d’un mauvais rêve, et je me demandai un instant quel était ce fantôme suspendu à la poutre du toit.
- « Les voisins accoururent à mes cris, on m’emporta de la maison, et je fus bien malade. Le premier homme que je vis en rouvrant les yeux, c’est celui-ci. Il revenait de la chasse....
- — CVt bon, c’est bon ! » interrompit maître Pierre. Il prévoyait que la jeune fille allait parler pour lui, et sa modestie se mettait en garde. L’excellent homme n’aimait pas à entendre rappeler le bien qu’il avait fait. Les seules louanges qu’il pût souffrir étaient celles qu’il se donnait à lui-même. Mais il eut beau se défendre : tout le monde se mit à parler à la fois. On me conta qu’il était arrivé à Bulos le jour où Marinette devint orpheline ; qu’il avait enterré lui -même dans un coin du cimetière le corps du suicidé ; qu’il s’était chargé de l’enfant, qu’il lui avait tenu lieu de père et de mère.
- Lorsqu’il vit que le concert de louanges aller durer longtemps, il prit le parti d’achever la narration que Marinette avait commencée.
- « Eh bien, oui, dit-il gaiement, en souriant à sa pupille, j’avais de l’ambition, je voulais savoir tous les métiers, et j’ai profité de ta rencontre pour apprendre celui de bonne d’enfant. D’ailleurs, j’allais sur vingt ans, je n’étais plus un petit garçon, il était temps d’aimer quelque chose de moins inanimé que mon fusil; tu m’es tombée sous la main ; tant pis pour toi ! tu as payé pour tout le monde. Mais tu m’as donné bien du mal, mauvaise tête ! Figurez-vous que mademoiselle ne voulait pas se laisser soigner ; elle demandait à mourir; il fallait la ramènera ses parents ! Comme je lui aurais donné le fouet !... si elle avait été assez forte pour le recevoir. Elle refusait mes remèdes : des ailes de perdreau nouveau-né et des filets de caneton ! Elle me jetait ma tisane à la figure : une si bonne tisane rouge, extraite des vignes du Médoc ! mais ne craignez rien, elle a eu beau faire. Je l’ai forcée de prendre des forces, parce que j’étais le plus fort ! Dans les premiers jours, je ne la quittais guère ; à peine le temps d’aller gagner notre vie à coups de fusil. Lorsqu’elle fut guérie, c’est autre chose: je ne la quittai plus. Il fallut prendre de l’exercice, voir du pays, monter sur de longues échasses et respirer la résine sous les grands puis. Voilà un bon régime pour les poumons des petites filles I Un mois plus tard, comme j’allai rondement en
- besogne, je Ja mis à l’équitation. Elle a bien souvent galopé en croupe derrière moi ; nous avons monté le petit cheval gris.... mais ne parlons pas de ça. Lorsque nous courions un peu trop vite, la peur la prenait, et elle s’accrochait à mes cheveux en criant: « Maman / » Maman ! voilà bien des idées de petite fille. Cela me paraissait si diôle que j’en riais à pleurer tout le long de mes joues. D’autant plus que ce mot-là, voyez-vous, je n’ai jamais eii la consolation de le dire à personne.
- « On vous a peut-être raconté que du jour où j’ai rencontré cette petite j’étais devenu un agronome de première force. Voilà comment on arrange les histoires ! Non, monsieur ; tout changement demande un peu de temps, et un honr me ne se refond pas en vingt quatre heures, pas plus qu’une lande ne se cultive e 1 un jour. J’ai continué ma vie jusqu’à l’hiver, en compagnie de Marinette. Quand j’allais à lâchasse, elle trottait sur mes talons. Ce petit voisinage ne m’accommodait pas toujours, moi qui ne peux pas même chasser avec un chien. Le soir, nous dormions ensemble, un jour ici, l’autre là, quelquefois dans une maison, plus souvent dans un parc abandonné. La litière était toujours assez bonne pour moi. Quant à l’enfant, elle avait mon bras pour oreiller et ma veste pour matelas. J’étais si content de la tenir près de moi, que je m’éveillais la nuit pour la regarder dormir. Le moment où elle ouvrait les yeux me semblait tous les jours une fête nouvelle, et ma prière du matin était une malédiction contre la pellagre qui avait pensé me ravir ce trésor-là. Vous supposez bien qu’à vingt ans je n’en étais pas à faire connaissance avec la pellagre, je l’avais rencontrée un peu partout dans mes promenades, et j’avais vu plus de cent échantillons de son ouvrage. Mais comme elle ne m’avait rien fait, et que je me souciais du prochain comme de la fumée de mon fusil, je ne m’étais jamais avisé de la prendre en haine. Un bourgeois de Paris 11e veut aucun mal aux loups ; mais supposez un père à qui les loups ont mangé son petit garçon ! Plus je sentais qu’il me serait impossible de vivre sans la petite, plus ce nom de pellagre me faisait grincer les dents.
- [A Suivre.)
- État civil du Familistère
- Semaine du 27 avril au 3 mai 1885.
- Naissance :
- Le 28 avril, de Bichelin Fernand, fils de Bachelin Hilaire et de Pré Clémentine.
- Décès :
- Le 3 mai, de Bachelin Fernand, âgé de 7 jours.
- Le Directeur-Gérant : GODIN
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- LIBRAIRIE DU FAMILISTÈRE
- GUISE (Aisne)
- OUVRAGES DE M. GODIN, Fondateur du Familistère Le Gouvernement, ce qu'il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action.
- Ce volume met en lumière le rôle des pouvoirs et des gouvernements, le principe des droits de
- l’homme, les garanties dues à la vie humaine, le perfectionnement du suffrage universel de façon à en
- faire l’expression de la souveraineté du peuple, l’organisation de la paix, européenne, une nouvelle constitution du droit de propriété, la réforme des impôts, l’instruction publique première école de la souveraineté, l’association des ouvriers aux bénéfices de l’industrie, les habitations ouvrières, etc., etc.
- L’ouvrage est terminé par une proposition de loi à la Chambre des députés sur 1 organisation de 1 assurance nationale de tous les citoyens contre la misère.
- In-8° broché, avec portrait de l’auteur.........................................° “•
- SoIlltlOIIS sociales. " Exposition philosophique et sociale de l’oeuvre du Familistère avec la vue générale de l’établissement, les vues intérieures du palais, plans et nombreuses gravures :
- Édition in-8°...................................................................10 fr.
- Edition in-18.....................................................................................5 fr.
- Mutualité sociale et Association du Capital et du Travail ou extinction du paupérisme
- par la consécration du droit naturel des faibles au nécessaire et du droit des travailleurs à participer aux bénéfices de la production.
- Ce volume contient les statuts et règlements de la Société du Familistère de Guise.
- In-8° broché, avec la vue générale des établissements de l’association..........5 fr.
- Sans la vue.....................................................................4 fr.
- Mutualité nationale contre la Misère. — Pétition et proposition de loi à la Chambre des députés
- Brochure in-8°, extraite du volume « Le Gouvernement »......................... . 1 fr. 50
- Les quatre ouvrages ci-dessus se trouvent également : Librairies Guillaumin et Cie, 14, rue Richelieu, Paris; Gbio, 4. 5, S, 7, galerie d’Orléans, Palais-Royal, Pans,
- Les Socialistes et les Droits du travail . . 0,40 cent. La Richesse au service du peuple .... 0,40 cent.
- La Politique du travail et la Politique des privilèges. 0,40 La Souveraineté et les Droits du peuple............0,40
- ÉTUDES SOCIALES
- Il 1 Lfi i aiïlllistere, brochure illustrée contenant cinq vues du Familistère et de ses dépendances, fait connaître les résultats obtenus par l’association du capital et du travail, association
- ouvrière au capital de 6.600.000 francs..................................................0 fr. 40
- Dix exemplaires 2 fr. 50.
- N° 2 - La Réforme électorale et la Révision constitutionnelle........................o fr. 25
- N° 3 - L’Arbitrage international et le Désarmement européen..........................o fr. 25
- N° 4 - L’Hérédité de l’État ou la Réforme des impôts.................................0 fr. 25
- N° 5 - Associations ouvrières. — Enquête de la commission extra-parlementaire au ministère
- de l’Intérieur. Déposition de M. GODIN, fondateur de la Société du Familistère de Guise,
- Les N°s 2 à 5 des Études sociales se vendent : 10 exemplaires 2 fr. ______________________je_______»________j>_______»___________100______» 15 fr._________________
- Histoire de l’association agricole de Ralahine (Irlande), Résumé des documents de
- M. E T. Craig, secrétaire et administrateur de l’association. Ouvrage d’un intérêt dramatique, tr.duit par Marie Moret.......................................................................0,75 cent.
- Histoire des e(juitnbles pionniers de Rochdule, de g. j. holyoake. Résumé traduit de
- l’anglais, par Marie Moret............................................................0,75 cent.
- La Fille de son Père. Roman socialiste américain, de Mm® Marie Howland, traduction de
- M. M., vol. broché....................................................................3 fr. 50
- La première édition de ce roman publiée par M. John Jfwett, l’éditeur de « la Case de l’Oncle Tom », a eu un grand succès en Amérique. Ce Roman est aux questions sociales qui agitent le monde civilisé, ce que « la Case de l’Oncle Tom » fut pour la question de l’esclavage.
- Se vend aussi chez Ghio, 1,3, 5, 7, galerie du Palais-Royal, Paris.
- Collection du « DEVOIR »
- « Le Devoir » constitue, depuis sa fondation, une collection de huit volumes valant ensemble. 40 fr. Chaque année se vend séparément.........................................................10 fr.
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- 9e Année, Tome 9. — N° 349 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 17 Mai 1885
- D
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- France
- Un an ... 10 Ir. »» Six mois. . . 6 »>
- Trois mois. . 3
- Union postale Un an. . . . 11 fr. ï» Autres pays
- Un an. . . . 13 fr. 60
- ON S’ABONNE
- A PARIS
- , rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES & POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- î. —Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de la liberté, la base de la constitution nationale.
- S-'— Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- — Organisation du suffrage universel par l’unité de Collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, p)Our autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés ai'ec la presque certitude de donner un vote utile ;
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens,
- La possibilité pour les minorités de se fair&repré-senter;
- La- représentation par les supériorHiS.
- — Renouvellement annuel éê moitié de la Chambre des députés et de tous Ses corps élus. La volonté du peuple souverain toujours ainsimise en évidence.
- p- •— Rétribution de toutes les fonctions publiques wvolueS' par le suffrage universel.
- i "" Égalité civile et politique de l'homme et de * fmme. „
- Le mariage, lien d’affection, faculté du divorce.
- Éducation et instruction primaires,gratuites Obligatoires pour tous les enfants. des 'rXamens concours généralisés avec élection Dn j.ves Par leurs pairs dans toutes les écoles. Ptome constatant la série des mérites intellectuels mf>r*niy de chaque élève.
- 10. — Ecoles spéciales, nationales, correspondantes aux (grandes divisions des connaissances et de Vactivité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- IL —Suppression du budget des cultes. Séparation de l’église et de l’État. #
- 12. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 13. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit
- d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que VElat retirera des biens passés entre ses mains.
- 14. — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatérale à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dansune juste mesure, retour a la société qui a aidé à les produire.
- 15. — Remboursement des dettes publiques avec les ressources de l’hérédité.
- 16. — Organisation nationale des garanties et de l assurance mutuelles contre la misère.
- 11 — Suppression des emprunts d’Etat.
- 19. — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 20. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans Varchitecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21. — Libre échange entre les nations. *
- 22. — Abolition de la guerre offensive.
- 23. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 24. — Désarmement européen.
- 25. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire
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- LE DEVOIR
- SOMMAIRE
- L’exportation. — La délégation parisienne. — Atteintes à la liberté du travail.— La criminalité en France.— Dispensaire des enfants malades.— Les programmes électoraux. — Aphorismes et préceptes sociaux.— Faits politiques et sociaux de la semaine. — Et Madagascar^. — Les coopérateurs anglais.— La cuisine unitaire. — Bibliographie. — Aux sociétés coopératives de consommation.— Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen.— Maître Pierre.— Etat-civil du Familistère.
- AVIS
- Le journal et Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
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- L’EXPORTATION
- L’exportation d’après certains politiciens est le remède à tous les maux.
- Ils ont une politique coloniale, parce qu’ils espèrent, par elle, donner plus d’espace aux champs ouverts à l’exportation.
- Jamais on ne peut contraindre ces hommes superficiels à examiner si les centres de production n’augmenteront pas avec plus de rapidité que les débouchés.
- Ils ne veulent rien voir, rien entendre ; ils ne savent que répondre : disputons aux peuples concurrents les marchés du monde par une bonne organisation de notre industrie et par une stricte économie dans les frais de fabrication.
- On classe naturellement les salaires des travailleurs* dans la catégorie des dépenses qu’il faut réduire le plus possible. On en arrive à l’excès de donner au travailleur un salaire dérisoire qui lui permet de consommer à peine l’équivalent du tiers ou du quart de ce qu’il produit. De cette façon, la plus grande partie des marchandises fabriquées
- se trouve disponible pour l’exportation qui nQ peut absorber la totalité des produits qu’on lu réserve.
- Cette insuffisance de débouchés proportionnés aux ambitions des exportateurs inspire des projets insensés à nos dirigeants, tous très ferrés en droit romain, mais incapables de savoir se faire une opinion raisonnée sur les faits que n’avait pas prévu le code romain revu et corrigé par Napoléon,
- On fait des enquêtes interminables sur la crise commerciale ; on envoie des circulaires aux consuls; on ouvre des écoles de commerce ; on multiplie les expéditions colonia'es ; on fait les choses les plus contradictoires, sans tenir compte que tous les peuples conquis à notre civilisation sont fatalement destinés à subir les excès qu’elle engendre.
- Le salariat ne s’élevant pas -proportionnellement* au perfectionnement des moyens de production donnera le résultat, partout où on l’implantera, de laisser des accumulations de marchandises qui deviennent encombrantes lorsqu’on ne peut les consommer. Notre colonisation aboutit invariable* ment à la généralisation du salariat, avec cette aggravation que les noirs, les jaunes et toutes les races des pays barbares acceptent une rémunération encore moindre que celle payée aux travailleurs des pays civilisés.
- L’industrie delà soie, longtemps monopolée par la ville de Lyon, a été fréquemment le thème favori des exportateurs. Les gémissements des Lyonnais sur la diminution des industries travaillant la soie ont été habilement exploités par les exportateurs, sans que l’on ait éprouvé 'aucune amélioration de l’adoption des remèdes proposés par eux.
- La question était cependant bien simple. Pour en saisir toute la simplicité, il fallait uniquement ouvrir les yeux et consentir à regarder des faits matériels ayant de gigantesques proportions. On a préféré fermer les yeux ou regarder ce phénomène avec la lunette crasseuse des économistes.
- Faisons ce que n’ont pas voulu essayer les grands
- théoriciens ; soumettons au gros bon sens ce que n’a pu éclairer la science ! des économistes et les enquêtes politiques.
- La statistique nous apprend que4les Etat-Ums possédaient, en 1850, 20 fabriques d’étoffes de soie, occupant 8,570 ouvriers et disposant d’un fait>le capital de 30,000,000 de francs ; que ces mêmes
- Etats-Unis, en 1883, avaient 383 fabriques,donnan
- du travail à 30,000 ouvriers et réunissant un cap1 tal de 500,000.000 de francs.
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- I, E DEVOIR
- Est-il étonnant que nous exportions moins de soie qu’autrefois, aux Etats-Unis, maintenant que cette nation a plus que décuplé la valeur de son outillage qu’elle a doté de tous les perfectionnements connus ?
- N’est-il pas aussi de toute évidence que les Etats-Unis nous enlèveront l’exportation dans tous les pays.que leur situation géographique met en relation plus directe avec la république américaine ?
- Est-il moins clair que, partout où la colonisation pourra se développer, on observera le même phénomène ?
- N’est-il pas incontestable que dans les contrées susceptibles d’être fécondées par la colonisation, on obtiendra en quelques années des progrès aussi considérables que ceux réalisés en Amérique en moins d’un siècle, parce que, chaque jour, nous disposons de capitaux plus abondants, d’ingénieurs plus nombreux et plus instruits ?
- Lorsque les Etat-Unis se sont outillés ; ils ont emprunté à l’Europe tout ce qu’elle avait de meilleur. Les peuples nouvellement ouverts à la civilisation prendront certainement à l’Amérique ses inventions les plus perfectionnées.
- En toutes choses la concurrence s’étendra avec son cortège de rivalités et de ruines.
- Qui peut croire que l’Océanie et l’Amérique du Sud continueront indéfiniment à nous envoyer à l’état brut leurs laines et leurs peaux pour nous acheter ensuite des tissus et des chaussures ?
- Il est certain que, bientôt, ces pays utiliseront ces produits selon leurs besoins.
- Lorsqu’ils auront appris à les transformer, ils songeront, eux aussi, à exporter chez les autres peuples ; même il ne pourront pas faire autrement, à cause des excédants considérables que le salariat laissera aux mains des capitalistes possesseurs de la matière première et de l’outillage.
- Pendant longtemps la France a eu le monopole du marché vinicole. Nul n’ignore que le vigne peut prospérer dans la plupart des contrées que vise la colonisation.
- Nous ne finirions pas,si nous voulions énumérer toutes les industries qui vont s’implanter, dans les Pays lointains, à la suite de la colonisation, au détriment de l’exportation européenne.
- Nous ne disons pas ces choses, avec l’intention d’empêcher les autres peuples de jouir des progrès Modernes enfantés par la civilisation. Le plus ardent de nos vœux est, au contraire, de voir l’hn-
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- manité entière en possession de ce que nous avons de meilleur chez nous ; nous voudrions la préserver des erreurs monstrueuses qui inspirent nos classes dirigeantes.
- Nous voudrions faire comprendre par tous qu’il est temps de penser à diriger la production selon les besoins des travailleurs et non d’après les données des exportateurs et de tous les empiriques imbus des sophismes de l’économie politique.
- Au lieu de chercher notre relèvement industriel dans l’exportation, il réside en grande partie dans l’augmentation de la consommation intérieure.
- Si l’on consentait à donner à tous les travailleurs les garanties de la mutualité, dont jouissent les Familistériens, on verrait bientôt la consommation française croître, s’équilibrer avec la production et les besoins du progrès.
- Ce relèvement de la consommation intérieure nous assurerait momentanément la prospérité commerciale et industrielle; il nous donnerait aussi la paix sociale dont nous avons si grand besoin pour travailler à l’organisation d’une société harmonique basée sur la solidarité des intérêts.
- La Délégation parisienne
- La municipalité parisienne vient de voter les fonds nécessaires à l’impression de rapport des délégués au Familistère. Voici l’extrait de la délibération du conseil municipal de Paris :
- Mai 1885.
- Ouverture d’un crédit de 1,000 Francs pour l impression du rapport de la délégation au Familistère de Guise.
- M. Georges Berry,au nom de la2e Commission.— Dans sa séance du 30 janvier dernier, le Conseil munieipa rejetait une demande de 1,500 francs formée par les ouvriers qui avaient été envoyés par nous au Familistère de Guise, et qui réclamaient cette somme afin de faire imprimer un rapport sur leur voyage, une étude en un mot de tout ce qu’ils avaient vu et sur ce qui les avait frappés.
- Votie 2e Commission, favorable comme aujourd’hui à la demande des délégués au Familistère de Gui:e, et pensant en effet qu’on ne pouvait pas avoir envoyé 10 ouvriers à Guise simplement pour se promener, mais bien pour rapporter a leurs camarades un récit sur l’agencement du Familistère, sur l’association, mise en pratique là-bas, du patron et de l’ouvrier, etc., etc., n’avait proposé l’ordre du jour que parce quelle n’avait pu avoir aucun détail sur la longueur du rapport qu’on voulait faire imprimer, et sur ce que pourrait coûter ce rapport.
- Depuis le 30 janvier, votre 2e Commission a été saisie de nouveau, Messieurs, d’une demande de 1,000 francs pour l’impression du susdit rapport : de plus* ce rapport fini a été
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- LE DEVOIR
- apporté devant la commission avec un devis de ce que coûterait son impression et sa distribution à 2,000 exemplaires, Cependant je dois ajouter que ni votre Rapporteur, ni votre Commission n’ont pu conserver ce rapport pour en prendre connaissance ; 1rs délégués au Familistère de Guise se sontretran-chés derrière leur dignité ; ils n’ont pas voulu, ont-ils dit, de contrôle ou d’obssrvation.
- Quoi qu’il en soit et passant outre, wtre 2e Commission, afin que le voyage de vos délégués au Familistère puisse servir à quelque chose, vous propose de voter un crédit de 4,000 francs destiné à l’impression et à la distribution de leur rapport.
- Cette somme sera prise sur la réserve.
- M. Chabert. — Je n’assistais pas à la séance de la Commission au cours de laquelle ce rapport a été déposé. Je tiens à déclarer qu’il n’y avait là aucune intention préconçue de ma part, car je ne voudrais pas que ces délégués crussent que je me suis absenté parce que le rapport qu’ils nous présentaient contient des théories que repousse mon parti. Nous n'avons pas l’habitude de rejeter à priori et sans examen les opinions que nous ne partageons pas : j’insiste donc avec le rapporteur pour vous prier de voter le crédit nécessaire à l’impression d’un rapport que nous verrons avec plaisir vulgariser et répandre partout les idées socialistes.
- Les conclusions de la Commission, mises aux voix, sont adoptées. (1885 ; P. 279.)
- Atteintes à la liberté du Travail.
- Le journal Belge, la Voix de POuvrier, publie à l'occasion delà condamnation du sieur Elisée Fauviau, un remarquable article de M. A. de Potter, un de ces utopistes et de ces novateurs imbéciles, langage Molinari, qui emploie ses grands revenus et ses capacités au service de la cause des déshérités.
- Elisée Fauviau a été condamné à deux mois d’emprisonnement « pour avoir, à Quaregnon ou ailleurs, dans l’arron-» dissement de Mons, le 26 février 1883, dans le but de » forcer la hausse des salaires ou de porter atteinte au » libre exercice de l’industrie ou du travail, commis des » violences, proféré des injures ou des menaces, prononcé » des défenses, etc., soit contre ceux qui travaillent, soit » contre ceux qui font travailler. »
- Si Fauviau, dit M. de Potter, a porté atteinte au libre exercice de l’industrie, etc., etc., il a eu tort, et il a mérité une peine. Mais a-t-il été le seul digne de blâme dans cette affaire ? Non. Il y en a un autre, beaucoup plus coupable, que l’on s’est bien gardé de poursuivre, ce qui se comprend d’ailleurs aisément, puisque c’est lui qui condamne les contrevenants et qui exécute la sentence.
- Le coupable est la société présente qui tient le travail esclave, comme le prouve très clairement l’éminent disciple de Colins.
- Nous trouvons dans l’article en question la cita-» ion d'une description,par M. de Carné, d’une société xi-ns laquelle le travail est esclave.
- « Un homme se présente à la société et lui dit :
- » — J’ai ma part d’intelligence, de savoir, de zèle, de » force physique à vous consacrer, oecupez-moi !
- » — Je ne puis vous occuper ; cela ne dépend pas de moi, » cherchez ; les uns ou les autres vous donneront bien du travail....
- » — J’en ai cherché partout inutilement;
- » — Que puis-je y faire ?
- » — Pourquoi donc êtes-vous instituée, société ?
- » — Pour protéger tous les intérêts et faire respecter tous » les droits.
- » — Mais le premier intérêt, c’est bien la conservation ; et » le droit le plus sacré c’est bien le droit de vivre, celui de » satisfaire la faim.
- » — La société ne répond pas.
- » — Vous voulez donc que je demande l’aumône ?
- » — Si vous le faites, je vous condamnerai à la prison ; » car la mendicité est un délit.
- » — Alors je vais me jeter contre une borne ; peut-être » quelque passant aura pitié de moi et me ramassera.
- » —- Si vous le faites, je vous condamnerai à la prison en-» core ; car vous aurez commis le délit de vagabondage.
- » — Ah société ! Vous êtes stupide autant qu’atroce ! Vous » voulez me faire mourir ! Eh bien donc, guerre entre nous » deux ! »
- M. de Poter fait suivre ces lignes des réflexions suivantes :
- Quelles conclusions aut-il tirer de ce dialogue ?
- Quand un homme, qui a besoin de travailler et qui ne possède rien, s’adresse, pour obtenir de l’occupation, à la société, qui est incapable de lui en donner, cela prouve que celle-ci ne fournit pas à tous et à chacun l’élément matériel nécessaire à l’exercice de l’activité ; c’est que cette société, par son organisation, porte atteinte à la liberté du travail.
- Quand cet homme doit, d’après le conseil que la société lui donne, mendier du travail auprès des riches qui pourraient en avoir besoin, cela montre que cette société, par son organisation, est coupable du délit prévu par l’article 310 du Gode pénal.
- Quand enfin la société ne répond pas à celui qui lui objecte que son devoir serait de mettre chacun à même de gagner sa vie en travaillant,c’est quelle ne veut pas avouer son ignorance des moyens à employer pour obtenir ce résultat.
- Cette société est en effet aussi stupide qu’atroce, et elle mérite la guerre d’extermination que les prolétaires se préparent à lui faire.
- Ces protestations sont suivies d'un aperçu positif indiquant que la société, pour être respectable , doit à tous ses membres les moyens d’existence qui sont : le sol,matière indispensable au travail, et les connaissances.
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- La criminalité en France. — Le Journal officiel a publié un rapport du ministre de la justice au président de la République française sur l’administration de la justice criminelle en France et en Algérie pendant l’année 1883.
- Ce rapport renferme d’utiles documents statistiques.
- Pendant Tannée 1883, le jury a statué sur 3,299 accusa-
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- fions, chiffre inférieur de 345 à celui de 1882 ; de 59 à celui de 1881 ; de 147 au nombre moyen annuel de 1876 à 1880, et de 554 à lajnoyenne de 1871 à 1875. En treize années, la grande criminalité a donc diminué de 14 p. 100.
- U y a eu 1 accusé par 8,735 habitants ou 11 accusés pour 100,000 habitants.
- Ce dernier nombre proportionnel varie beaucoup d’un département à l’autre ; il s’élève à 29 dans la Corse, à 23 dans les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône et le Calvados, à 22 dans la Seine et à 20 dans Seine-et-Oise, tandis qu’il est de 6 dans la Mayenne, la Manche, la Drôme, la Haute-Vienne Meurthe-et-Moselle, les Côtes-du-Nord et le Puy-de-Dôme; de 5 dans la Nièvre, le Cantal et l’Ariège et de 4 seulement dans l’Indre, l’Yonne, l’Ailier et la Haute-Garonne. Le département qui compte proportionnellement à la population le plus d’accusés (la Corse) n’a que 272, 639 habitants et celui qui en compte le moins (la Haute-Garonne) en a 478,009, Dans le département de la Seine, le nombre réel des accusés est tombé de 754 en 1882 à 587 en 1883, ce qui, au point de vue du rapport des accusés à la population, le fait descendre du premier rang au cinquième.
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- Dispensaire des enfants malades
- Parmi les œuvres du vrai patriotisme, le patriotisme qui fait vivre, celle qui cherche l’enfance malheureuse pour la sauver du mal de misère, mérite les encouragements de tous les honnêtes gens,
- Les hommes qui usent leur vie au service d'une cause aussi humanitaire sont à nos yeux des héros dont le mérite laisse bien loin les bruyantes renommées des Négrier et de tous les capitaines Fracasse que la civilisation envoieauTonkin,à Madagascar, en Egypte, en Afghanistan.
- A toutes les pages des Homère célébrant les exploits militaires passés, présents et à venir nous préférons le sommaire compte rendu suivant de l’accadémie de médecine à propos des dispensaires d’enfants :
- — C’est assurément à l’extension et à l’application de la loi Roussel qu’on devra le remède présentement le plus efficace contre la dépopulation signalée en France ; c’est en arrachant à la mort le plus grand nombre possible d'enfants, qui aujourd’hui succombent soit par défaut de soins ou manque de précautions hygiéniques, soit par suite de la misère des parents, qu’on parviendra à conjurer, en partie du moins, le danger dévoilé par la statistique. Il ne faudra cependant négliger aucune des œuvres subsidiaires qui multiplieront l’assistance médicale. Telle est celle dont M. Foville entretient Académie. Dans beaucoup de cas, le petit enfant malade ne rouve pas à la maison les ressources et l’expérience nécessaires pour le ramener à la santé ; on hésite à l’hospitaliser ; le nioyen est extrême, coûteux et l’affection n’a pas la gravité voulue. Qn’arrive-t-il trop souvent ? L’incurie ou l’ignorance se chargent d’aggraver le mal : le rachitisme se déclare, l’en-ant languit et, quand il s’agit de l’accueillir à l’hôpital, il est dans un état désespéré.
- ^ y a dix ans, un médecin philanthrope, M. le docteur Albert, du Havre, eut l’idée heureuse de fonder un dispensaire P°ur enfants malades ; il préleva sur sa fortune l’argent des
- premières dépenses, et bientôt il eut la satisfaction de constater que son établissement rendait de réels services à la population indigente. Le dispensaire est ouvert chaque jour à des heures déterminées. Un médecin s’y trouve en permanence pour donner des consultations, renseigner les parents, opérer les pansements difficiles, administrer les douches du nez et des oreilles.il a à sa disposition les appareils pour l’électrisation, pour l’hydrothérapie, pour les exercices gymnastiques. On distribue aux consultants qui ont besoin un repas substantiel. Tout est gratuit. En 1880, il y eut 1,600 enfants traités dans le dispensaire du Havre ; depuis sa création, il avait donné des soins à 11,000 enfants. La dépense moyenne annuelle s’élevait à 9,000 francs, soit 5fr 51 par enfant. A l’hôpital, la dépense eût été par jour et par malade de 2fr. 50.
- Le ministre de l’intérieur eut son attention attirée sur cet utile établissement. Un inspecteur des enfants assistés, M. Foville, fut chargé de le visiter. S'inspirant du rapport que M. Foville lui avait remis, le ministre, par une circulaire du 25 janvier 1881, recommandait le généreux exemple du docteur Gibert et signalait sa fondation comme un modèle à imiter. Depuis lors, deux dispensaires pour enfants malades ont été créés à Rouen, trois à Paris. De ces derniers, l’un est situé rue Jean-Lantier, dans le 1er arrondissement. Il a été ouvert le 1er avril 1883. Pendant la première année, il a été visité -par 5,000 malades ; la dépense n’a été que de 1,648 francs. On a reconnu qu’il y avait là un supplément précieux pour l’inspection médicale. Un autre dispensaire analogue existe rue de Grimée. Sa dépense annuelle s’est élevée à 6,193 francs. Ceux qui le dirigent se louent surtout des heureux effets obtenus par la vulgarisation des principes de l’hygiéne infantille. Le plus bel établissement de ce genre est celui de la rue d’Alésia, dû à la charité généreuse de Mme Furtado-Heine. Rien n’a été négligé pour donner aux locaux la disposition, l’aménagement, l’ampleur désirables. Les résultats sont admirables : pendant le premier trimestre de la présente année, 7,000 enfants sont venus réclamer les soins médicaux du dispensaire.
- L’idée du docteur Gibert est juste et féconde ; son exemple mérite d’être suivi par ceux qui s’intéressent aux misères de l’enfance et à la prospérité du pays. M. Foville souhaiterait que l’Accadémie recommandât à l’Etat et aux particuliers la création de nouveaux dispensaires.
- L’Histoire !
- Un Thomas Grimm du Petit journal,à l’occasion d’un appel des sociétés coopératives de Nîmes, s’est rappelé qu’il existait une société coopérative connue sous le nom de Familistère de Guise. Voici en quels termes l’écrivain du Petit journal signale cette fondation à ses lecteurs :
- « Nous rappellerons encore le Familistère de Guise fondé sous le patronage de puissants industriels et qui assure aux travailleurs un logement agréable et sain, une nourriture reconstituante, sans d’ailleurs porter atteinte, en quoi que ce soit, aux sentiments de l’indépendance et de la dignité de la vie, sentiments si profondément empreints dans l’esprit et le cœur des populations françaises qu’ils semblent faire partie des caractères primordiaux de notre génie national. »
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- Le Familistère n’est pa? l’œuvre de paissants industriels. L’honneur et le mérite de sa fondation reviennent à l’homme éminent, qui continue a consacrer à cette association toutes ses grandes facultés et son inépuisable dévouement.
- Ces erreurs seraient insigniliantes, si elles ne dénotaient avec quelle légéreté écrivent des publicistes qui ne réfléchissent pas que leurs paroles sont un credo pour des millions de lecteurs, et si elles n’avaient souvent pour résultat de retarder la vulgarisation des conséquences sociales de cette grande œuvre.
- LES PROGRAMMES ÉLECTORAUX
- IV
- Politique extérieure
- Tout provient du travail, tout doit être fait dans une société rationnelle en vue d’assurer la sécurité et la liberté des travailleurs.
- La souveraineté nationale est le principe de la véritable république ; un système financier tirant-de la richesse les ressources nationales est la condi" tion première de l’existence et de la conservation d’un gouvernement démocratique.
- Ces deux conditions fondamentales de la République ne sont jamais assurées, si l’ordre public ne repose sur des bases stables. La paix internationale est la première des garanties de l’existence de l’ordre dans chaque groupement humain. Point de sécurité et de liberté chez le peuple qui se sent entouré de voisins ambitieux, haineux ou jaloux. La crainte des ennemis extérieurs condamne les sociétés à confier des pouvoirs étendus, quelquefois discrétionnaires, aux hommes spécialement doués de qualités propres à assurer le triomphe de la force, des chefs s’habituent à la domination et finissent toujours par tourner contre leur concitoyens les pouvoirs exceptionnels qu’on leur avait conférés pour les diriger contre les voisins hostiles.
- Les nations civilisées sont toutes liées par des traités de commerce et des conventions diverses restreignant l’autonomie de chaque peuple, et subordonnant la sécurité de chacun d’eux à la prospérité de tous les autres.
- Les affaires commerciales et financières sont tellement confondues entre tous les peuples, que les perturbations ressenties par l’un d’eux se ressentent bien vite dans tous les centres de production.
- Les traités de commerce dominent les conditions de la production nationale. Aucun peuple ne peut songer à modifier les conditions économiques des
- classes laborieuses, sans se préoccuper préalablement des faits probables que provoqueront ces changements sur le marché général.
- La plupart des traités réglant les rapports économiques des peuples sont entachés de vices nés des compétitions nationales ; un bien petit nombre a été conclu avec la volonté de chacun des contractants de faire prévaloir les arrangements les plus favorablés aux parties intéressées. En cette matière, la force et l’esprit de domination ont eu trop souvent le dernier mot.
- La révision de ces traités profiterait à tous, si
- elle était entreprise avec la volonté d’adopter de bonne foi les mesures confirmant les suggestions d’unejuste réciprocité.
- Toutes ces questions visant des intérêts universels sont très complexes. On ne peut les résoudre convenablement, si elles n’ont été l’objet de mûres discussions englobant dans les débats l’examen des intérêts généraux de l’humanité.
- Ges études ne pourront être suffisamment préparées, si elles ne sont faites pendant une période de paix laissant à chaque peuple la facilité de développer entièrement ses moyens de production.
- L’état mental des gouvernements européens est peu fait pour encourager de pareilles espérances.
- Toutes les puissances attendent une querelle entre deux nations, d’où sortira une effrayable guerre européenne que souhaite chaque gouvernement avec le secret espoir de triompher de ses voisins.
- Nous devons le reconnaître de bonne foi, les intentions que l’on attribue à la France permettent de supposer partout que notre pays donnera le signal de cette conflagration générale.
- Il n’est pas irraisonnable de penser que, si nous parvenions à donner la conviction à tous les autres peuples que la France a sincèrement renoncé à toute guerre agressive, la paix du monde serait probablement assurée pour de longues années si elle n’était définitivement établie.
- Ilne dépend que des électeurs de faire sortir des prochaines élections la démonstration évi lente des intentions pacifiques de la France.
- Il suffirait pour cela d’imposer à tous les candidats l’obligation de ne voter aucune déclaration de guerre avant d’avoir demandé que le différend soit réglé par un arbitrage.
- Une semblable résolution chez les peuples qui) selon les donnéesde la morale publique en honneur dans nos sociétés, a plus que toutes les autres nations des motifs sérieux de vouloir la guerre pour
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- tirer vengeance de ses récents désastres, serait certainement suivie de décisions analogues prises par geS voisins moralement convaincus d’avoir moins de raisons que la France de vouloir la guerre.
- Il n’est pas possible maintenant de contester la puissance de la politique basée sur l’arbitrage. Le gouvernement anglais, en proposant, à la grande surprise de l’Europe, de régler par un arbitrage le conflit anglo-russe, rendra peut-être impossible une guerre désirée par tous les autres gouvernements. Qui nous dit que nous ne verrons pas ce conflit si aigu arrêté par le jugement du gouvernement le plus intéressé a une rupture entre la Russie et l’Angleterre ?
- Les gouvernements les plus belliqueux n'osent partir en guerre, lorsqu’ils ont la certitude que leurs sujets n’ont aucun doute sur l’inquité des prétextes invoqués.
- Pendant la période des pourparlers inséparables d’un arbitrage, les esprits exaltés par les premières impressions deviennent plus calmes ; les fausses interprétations et les bruits mensongers répandus par les intéressés se rectifient, la raison a le temps de reprendre la place que lui ont fait perdre les colères et les exgérations de la première heure. Après ce retour au bon sens il est bien difficile d’enthousiasmer les peuples pour les entraîner dans les voies belliqueuses.
- Cette exaltation si nuisible de la première heure ne serait pas même possible, si les bruits de guerre mettaient en cause des peuples que l'on saurait systématiquement résolus à invoquer le jugement d’un arbitrage avant toute déclaration de guerre.
- Il suffira qu’un seul peuple adopte une politique aussi sage,pour que tous les autres gouvernements soient contraints à l’observation des mêmes principes.
- Ces garanties de paix dégageront l’esprit public des préoccupations multiples que lui imposent les perspectives de guerre ; les hommes seront alors favorablement disposés aux études approfondies et complexes de la révision des traités internationaux.
- L’atténuation des antagonismes internationaux, par lasubstitution de conventions justement établies, à la place de celles qu’avaient imposées la force, habituera les hommes à l’idée d’une paix permanente rendue effective parle désarmement général.
- L’arbitrage doit être le premier but de la politique républicaine, à cause de la sécurité que cette ins-
- titution procureraaux travailleurs de tous les pays.
- L’électeur conscient des besoins des classes laborieuses donnera au candidat de son choix le mandat de ne jamais voter une déclaration de guerre sans avoir préalablement proposé le recours à un arbitrage. Il lui demandera de préparer les esprits à la révision des conventions et des traités internationaux suivant les lois de la justice.
- * *
- Reprenant nos précédentes conclusions des articles sur les programmes électoraux, nous résumons ainsi la partie élaborée du programme minimum dont nous conseillons l’adoption aux socialistes et aux radicaux désireux de faire une alliance électorale féconde :
- Souveraineté Nationale
- Réduction de la durée du mandat a deux ou trois ans au plus.
- Renouvellement annuel et partiel des corps élus, par moitié ou pjar tiers
- Engagement du candidat à n’accepter, pendant la durée de son mandat, ancune fonction publique, autre qu’une fonction élective, sous un ministère refusant d’appliquer les réformes contenues dans le programme électoral.
- Finances publiques
- Budgets en équilibre,
- Economie rigoureuse,
- Pas de nouveaux impôts ou d’augmentation des anciens.
- Etude et préparation d’un système financier évitant la répercussion des impôts, c’est-à-dire la possibilité, laissée jusqu’à présent aux gens riches de se faire rembourser leurs impôts par les travailleurs.
- Politique étrangère
- Ne voter aucune déclaration de guerre si elle n’a été précédée d’une demande de recourir à l’arbitrage.
- Révision des traités et conventions internationales suivant l’équité.
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- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- LXXXIII
- Election partielle tous les ans
- Les gouvernements de monopole et de privilège et toutes les oligarchies maintiennent les mandats à terme. C’est pour eux un moyen plus sûr de faire les lois à leur profit et de pressurer le peuple.
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- LE DEVOIR
- Faits politiques et sociaux
- DE LA S EHVLA.I TSTE
- La loi sur les récidivistes. — La loi sur les
- récidivistes vient d’être votée par la Chambre. Le Code Français contient maintenant un arme de plus que la magistrature pourra tourner contre les adversaires de l’ordre, de la religion, de la famille et de la propriété. L’essence de cette loi réside dans l’article 4, et un des paragraphes de cet article applique aussi la relégation aux vagabonds et aux mendiants. Le silence au pauvre est maintenant compliqué du bannissement. La société doit être fière de l’œuvre de ses législateurs. Nous, après comme avant le vote de cette loi, nous pensons que le gouvernement a le devoir de défendre la société, mais surtout qu’il devrait s’efforcer d’éviter qu’on attente à l’ordre en empêchant la société de mettre les individus dans le cas de légitime défense ; nous ne reconnaissons pas à la société le droit de châtier le vagabond et le mendiant lorsque les juges ne peuvent affirmer que le coupable de ces délits n’a pas obéi aux inspirations de la faim. La création de la Mutualité Nationale donnant une sanction au droit à la vie aurait dû précéder toute )oi contre le vagabondage et la mendicité.
- Voici l’article 4 ;
- Seront relégués les récidivistes qui, dans quelque ordre que ce soit et dans un intervalle de dix ans, non compris la durée de toute peine subie, auront encouru les condamnations énumérées à l’un des paragraphes suivants :
- 1° Deux condamnations aux travaux forcés ou à la réclusion, sans qu’il soit dérogé aux dispositions des paragraphes 1 et 2 de l’article 5 de la loi du 30 mai 1854 ;
- 2° Une des condamnations énoncées au paragraphe précédent et deux condamnations, soit à l’emprisonnement pour faits qualifiés crimes, soit à plus de trois mois d’emprisonnement pour :
- Vol,
- Escroquerie,
- Abus de confiance,
- Outrage public à la pudeur,
- Excitation habituelle des mineurs à la débauche,
- Vagabondage ou mendicité par application des articles 277 et 279 du Code pénal ;
- 3° Quatre condamnations, soit à l’emprisonnement pour faits qualifiés crimes, soit à plus de trois mois d’emprisonnement pour les délits spécifiés au paragraphe 2 ci-dessus ;
- 4° Sept condamnations, dont deux au mois prévues pas les deux paragraphes précédents, et les autres, soit pour vagabondage, soit pour infraction à l’interdiction de résidence signifiée par application de l’article 19 de la présente loi, à la condition que deux de ces autres condamnations soient à plus de trois mois d’emprisonnement.
- Sont considérés comme gens sans aveu et seront punis des peines édictées contre le vagabondage, tous individus qui, soit qu’ils aient ou non un domicile certain, ne tirent habituellement leur subsistance que du fait de pratiquer ou de faciliter sur la voie publique l’exercice de jeux illicites, ou la prostitution d’autrui sur la voie publique.
- La mise en accusation des ministres.
- L’impunité des grands dignitaires est la règle générale de presque tous les gouvernements. En France, on compte à peine quelques exceptions ; et ce n’est pas le cas des anciens ministres qui augmentera le nombre de ces dernières Néanmoins cette mise en accusation qui n’aboutira pas a procuré à M. Laisant l’occasion de dire devant plus d’un aspirant ministre quelques paroles que tous les honnêtes gens approuveront. Puissent-elles avoir été comprises par le peuple. Les considérations invoquées par M. Laisant peuvent se résumer ainsi ;
- 40 Violation de la constitution, la guerre ayant été faite sans le consentement préalable des Chambres ;
- 2a Communication tardive des dépêches d’Extrême-Orient aux Chambres et au pays ;
- 3e Des motifs personnels et même d’ordre financier ont peut-être déterminé ce retard de communication ;
- 4° Intervention de M. Jules Ferry dans la conduite directe des opérations militaires.
- M. Laisant a constaté que les ministres ont toujours échappé à la responsabilité de leurs actes, et qu’il est temps de rentrer dans la tradition démocratique ; il a ajouté que si la Chambre actuelle avait la faiblesse ne ne point faire porter à M. Jules Ferry et à ses collègues le poids de leurs fautes, la prochaine Chambre saurait frapper, au nom du pays, les ministres coupables
- « Ce que nous recherchons, a dit M. Laisant en concluant, c’est un but politique qui s’appelle l’égalité devant la loi. Les crimes commis par des humbles sont rigoureusement punis : ceux commis par des puissants sont l’objet de l’impunité la plus complète. Les crimes comme le coup d’Etat du 2 décembre, la guerre du Mexique, la guerre de 1870, la trahison de Bazaine, l’attentat du 16 Mai n’attirent sur la tête de leurs auteurs aucun châtiment effectif. Il y a là une méthode politique constamment suivie par les gouvernements. 11 faut que la Chambre, mise en demeure, déclare nettement si elle entend persévérer dans cette voie. Nous voulons que les responsabilités gouvernementales cessent d’être une chimère et un mensonge ; nous vouions que la République soit un régime de justice pour tous! »
- La Commission d’initiative entendra demain M. Delafosse auteur de la seconde demande de mise en accusation
- Le divorce.—N ombre proportionnel des divorces et séparations de corps pour 1,000 mariages cé-
- lébrés :
- Ecosse................................. 0,30 en 1881
- Norwége................................ 0,70 en 1880
- Russie............................... 2.05 en 1877
- Angleterre et pays de Galles....... 2,17 en 1879
- Raüe................................... 3,12 en 1880
- Finlande............................... 3,47 en 1879
- Duché de Bade...................... 7,31 en 1880
- Hollande............................... 7,35 en 1880
- Belgique.............................. 7,40 en 1880
- Suède.................................. 7,50 en 1880
- Alsace-Lorraine........................ 7,85 en 1880
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- Hongrie et Transylvanie .... 10,00 en 1880
- Roumanie 10,86 en 1885
- Wurtemberg . . . 12,25 en 1879
- Thuringe 17,48 en 1878
- Saxe 31,42 en 1878
- Danemark 40,98 en 1880
- Suisse 44,09 en 1880
- Pratiques administratives. — M. Manier, ancien conseiller municipal de Paris, a publié dans VHôtel-de-Ville le curieux document suivant, bien fait pour donner aux âges futurs une haute idée des mœurs administratives de notre époque.
- Réparation d’une brouette à l’abattoir général, par un constructeur de voitures,rue de Charenton,
- — Démonté un côté et la tête entièrement, 1 00
- Fourni une barre de fond 1 50
- » un brancard, 3 00
- • » planche de fond (0.65 X 0.22), 2 »
- » 3 boulons à la tête, 1 50
- » 2 idem aux arcs-boutants, 1 20
- » 1 pied. 2 »
- » 1 boulon. 1 »
- » 1 arc-boutant aux pieds. 0 60
- » 1 planche à la tête (0.45 X 0.31), 2 »
- » 1 planche de côté (0.75 X 0.27 2 25
- » 2 boulons, 1 »
- Levé le cercle de la roue, 0 50
- Fourni un rai, 1 »
- Fourni une jante, 1 50
- Châtré la roue, 3 »
- Fourni 5 vis. 0 75
- Rallongé le moyeu de 0 03 cent., 0 50
- Peint la brouette (deux couches), 6 »
- Fait prendre et reconduire la brouette à
- l’abattoir, 4 »
- Total 36 30
- Réglé à 36 20
- Coût d’une brouette de 7 à 9 fr.
- Surveillez les dépenses, vous n’aurez pas besoin de danser pour les pauvres. Plus delà moitié du budget est mal employé !
- ALLEMAGNE
- Lss grèves. — On compte actuellement en Allemagne les grèves suivantes : celle des ébénistes à Berlin, à Kœnigs-berg et à Géra ; des charpentiers à Bochum, à Gostar et a Os-nabruk; des maçons à Rathenow et prochainement à Berlin ; des tailleurs de pierres à Munich ; des fondeurs de caractères d’imprimerie à Offenbach.
- ANGLETERRE
- Canal de suez. — La sous-commission internationale du Suez se réunit souvent, mais, quoi qu’en disent certains de nos confrères, son travail n’avance pas vite.
- Une grosse difficulté arrête, en effet, la solution.
- La neutralité du canal une fois reconnue, qui sera chargé de faire observer cette neutralité ?
- Il y a, sur ce point, divergence complète entre les commissaires de toutes les puissances d’un côté, et les commisssires anglais de l’autre.
- Interpellé à ce sujet par un membre du Parlement, lundi soir, M . Gladstone a déclaré que les représentants de l’Angleterre ne donneront leur assentiment à aucune clause qui dépasserait les bases posées par la dépêche de lord Granville.
- Or, lord Granville n’a jamais reconnu à l’Europe le droit de surveillance du canal de Suez, la difficulté n’est donc pas près d’être tournée.
- Le gouvernement anglais fera sans doute le possible pour conserver la haute main su»' le canal, mais l’intérêt général de l’Europe aura raison des prétentions britanniques.
- ir
- * *
- Conflit Anglo-Russe. — Le gouvernement anglais maintient le tracé de la frontière russo-afghane arrêté à Londres et repousse, à son tour, les demandes de la Russie.
- Cela produit évidemment un arrêt fâcheux dans les négociations ; mais rien n’indique encore que cet arrêt puisse constituer une difficulté suffisante pour justifier aucun pessimisme.
- La Russie cède des points stratégiques qui lui enlèvent la possibilité de poursuivre sa route sur Hérat ; mais, en retour, elle demande la possession d’un certain nombre de pâturages dont les Turcomans font actuellement usage et qui se répartissent sur toute la ligne.
- Ces incidents retarderont probablement la fin des négociations ; on espère néanmoins q ue l’arbitrage résoudra pacifiquement toutes les questions soulevées.
- * *
- Inhumanité gouverneraantale. — Les journaux anglais publient les lignes suivantes :
- Une récompense de 50 livres (1,250 fr.) est offerte à quiconque livrera le sieur Olivier Pain, mort ou vif, ou présentera ses papiers. A la date du 13 mars 1885, il a quitté Deb-beh, seul, monté sur un chameau. Son signalement consiste dans les indications suivantes :
- Visage assez distingué, cheveux fins, taille approchant 5 pieds 7 pouces, yeux bleus, lèvres minces et pincées.
- Cet individu, dont la physionomie est remarquable par un regard cruel, se signale par une grande réserve dans le langage et dans l’attitude.
- D’après les renseignements acquis, il serait déguisé en Arabe. On le reconnaîtra surtout à la couleur bleue de ses yeux.
- Signé : G.-F, Wilson,
- Capitaine R. E.
- Commandant à Sarras.
- Si le gouvernement ne désavoue cette note, nous lui en laisserons toute la responsabilité, sans en attribuer aucune part au peuple anglais.
- *
- * *
- Les Phares anglais.—Les expériences auxquelles se livraient depuis quelque temps l’administration des phares d’Angleterre viennent de prendre fui.
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- Le pétrole, le gaz et la lumière électrique ont été successivement employés, et c’est ce dernier mode d’éclairage qui a prévalu.
- Le pétrole et le gaz ont donné des résultats analogues ; leurs rayons lumineux ne dépassent pas 12 kil. 874.
- L’électricité, triomphante, atteint 23 kil. 333, presque le double.
- Dans les expériences pour la lumière électrique, on a employé les lampes à arc du système Méritens : leur puissance lumineuse spécifique est de 12,000 bougies, de 20,000 bougies en faisant passer par une seule lampe le courant de deux machines.
- Les Anglais vont doncprobablement remplacer leurs appareils à gaz et à pétrole par des lampes électriques pour l’éclairage des côtes.
- Leur exemple ne manquera pas d’être suivi par toutes les nations mar itimes.
- Les logements ouvriers.— Une commission parlementaire comprenant des représentants de tous les partis avait été chargée de faire une enquête sur les faits attristants signalés par la presse an sujet du misérable état des habitations ouvrières. Le rapport de cette commission préconise la construction de maisons ouvrières, hygiéniques et conforta-tables, par les municipalités, avec subsides de l’Etat. Rien ne vaudra mieux que cette délibération, si ce n’est son exécution.
- Les radicaux. — La Ligue du peugle s’est réunie à Londres, sous la présidence de M. Storey, membre du Parlement, pour conférer sur l’abolition de la chambre législative héréditaire. Plusieurs députés radicaux assistaient à la réunion.
- On a adopté une résolution disant que les premiers efforts de la démocratie radicale doivent être dirigés contre la Chambre des lords, ainsi qu’une autre résolution invitant les clubs radicaux à engager les candidats radicaux et libéraux à appuyer le principe de la Ligue.
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- Troubles populaires. — La population de Londres est énervée ; le 14 au soir, plusieurs milliers d'ouvriers s’étaient assemblés à Trafalgar-square.
- La police a été obligée d’intervenir pour dissiper les groupes ; elle a été accueillie par des huées et des coups de sifflet : quelques arrestaiions ont été opérées.
- Malgré cette manifestation, n’y a pas de désordre dans la rue.
- TURQUIE
- ( Des avis d’Albanie signalent de nouveau un commencement d’effervescence contre laTurquie. Le bruit court que des chefs albanais encourageraient le mouvement séparatiste et demanderaient qu’on mit à leur tête un prince autrichien.Ce serait peut-être échanger son cheval borgne contre un aveugle. Les Albanais feraient mieux de se déclarer indépendants de l’Au-
- triche et de la Turquie et s’entendre avec leurs cousins de Grèce pour proclamerun jour une république fédérative des Hellènes.
- CANADA
- On télégraphie d’Ottawa, 12 mai, que les communications télégraphiques avec Batoche sont interrompues depuis deux jours. On rte sait donc rien de précis sur l’engagement de dimanche, mais l’opinion publique est, paraît-il, fort inquiète.
- Une autre dépêche d’Ottawa dit que le gouvernement Te Dominion regarde la situation dans le Nord-Ouest comme très sérieuse et croit que les combats et les escarmouches qui ont eu lieu jusqu’à présent montrent la nécessité d’envoyer des forces plus considérables sur le théâtre des opérations pour pouvoir aboutir à quelque résultat. Plusieurs corps ont reçu l’ordre de se tenir prêts à marcher, et 700 hommes sont partis de Swift Current pour le camp du général Middleton. Le ministre de la guerre dit que les insurgés sont très fortement retranchés à Batoche et qu’on aura beaucoup de peine â les déloger de leurs positions.
- Enfin, d’après un dernier télégramme, le général Middleton aurait demandé des renforts d’hommes et d’armes, et de nouvelles troupes lui serait envoyées d'Ottawa, de Montréal et du Nouveau-Brunswick.
- CHINE
- Armements. — D’après une dépêche de Hong-Kong adressée an Times, le gouvernement chinois, après le règlement du litige avec la France, instituerait une Commission qui, avec le concours d’officiers allemands, serait chargée d’organiser la défense des frontières de la Chine ; eette mesure paraît impliquer la réorganisation complète du système militaire des Chinois. -
- Russe et Chinois.— Le journal persan Nusret apprend de Bokhara que les insurgés musulmans de Kasbgar.dont le chef est le fils de Yakoub-Bey, ont envoyé une députation au consul de Russie à kashgar, demandant que le gouvernement russe leur fournisse des armes, des munitions et de l’argent. Ils s’engageraient en retour à placer Kash-gar sous la souveraineté de la Russie aussitôt qu’il serait libéré du joug chinois.. Mais la Russie hésite à accepter cette offre attendu que ce serait de sa part un acte d’hostitité vis-à vis de la Chine. Toutes les garnisons chinoises dans la province de Kashgar se sont concentrées dans les villes principales et attendent des renforts de Chine.
- PERSE
- Il vient de paraître à Téhéran, en Perse, un journal publié en langue française sous le titre d’Echo de Perse.
- Cettte feuille hebdomadaire mérité d’être encouragée dans 1 œuvre de civilisation et de progrès qu’elle entreprend.
- Cependant, chose incroyable, le ministre d’Angleterre en Perse a voulu empêcher cette publication ou, du moins, exiger qu’elle soit publiée en anglais : on comprend d’autant moins ces prétentions que l'anglais est une langue fort peu répandue
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- en Perse et que le français est non seulement la langue officielle à Téhéran, mais aussi la langue que parlent tous les grands personnages.
- Le ministre de France en Perse a chaleureusement déiendu le journal français, et le Shah a rejeté la demande du représentant de l’Angleterre.
- ET MADAGASCAR ?
- Maintenant qu’au Tonkin l’on en a fini avec les Chinois, sinon avec les Pavillons-noirs, toute l’attention du pays, en dehors des élections, va se concentrer sur l’expédition de Madagascar, notre autre aventure coloniale. Une mauvaise affaire que nous avons sur les bras et qui finira par coûter pas mal de millions sans compter les hommes. Sans cesse renouvelés, mais exténués, anéantis, à peine débarqués, par un ennemi contre lequel on ne saurait lutter, nos malheureux soldats et marins meurent... par tas
- Pour qui tous ces hommes que l’on abrutit, que l’on avachit, que l’on tue ; pour qui ces hécatombes de braves français ? Pour la Patrie ? Non, pour remplir les poches des boursicotiers qui nous gouvernent et ménager, avec des cadavres, un tremplin suffisamment élastique pour les culbutes politiques de ces cyniques pantins.
- Malgré des envois d’hommes incessants, les soldats manquent toujours là-bas ; et, tandis que la chambre et le Sénat s’apitoyaient sur le sort des criminels déportés gous des climats malsains, les millions n’étaient pas épargnés pour envoyer d’honnêtes gens sous des climats bien plus meurtriers encore.
- Tous les jours de nouveaux vides se font dans les rangs, de nouveaux noms manquent à l’appel. O11 n’a pourtant pas été attaqué, on n’a pas rencontré l’ennemi. Et du reste, l’ennemi, à Madagascar, ce n’est pas le Hova. Lisez les dépêches : nous n’avons pas perdu un homme dans les derniers engagements. Ce qui décime nos troupes : c’est la fièvre, c’est la dyssenterie et toutes ces horribles maladies des pays chauds qui abrutissent à jamais un européen, à moins qu’elles ne le tuent. Si en France on savait ce qu’il y a de poisons pour nos soldats dans ces forêts tropicales, au milieu de ces sublimes paysages qui enflamment des imaginations trop naïves, il n’y aurait qu’un cri d’indignation contre ceux qui savaient et qui ont permis que l’on envoyât à une mort presque certaine ces soldats qui défendraient si bien l’intégrité de la patrie. Ce n’est plus seulement un crime de lèse-patrie, c est un crime de lèse-humanité.
- Le gouvernement a essayé de le nier, et nous avons
- sous les yeux les dépêches qu’il faisait publier par les journaux. II fait dire à ces dépêches que la proportion des malades est de 40 0/0, tandis que nous savons de source sûrequ’elle est de 45 0/0. Lors de l’expéditiond’Amboanio, dont nos lecteurs doivent se souvenir, chaquecompagnie.de fusilliers marins, de 150 hommes sur le papier, n’en put mettre que 26 en ligne.
- Le gouvernement oublie encore d’expliquer commérât l’on procède au remplacement des hommes ; il faut donc le faire pour lui.
- Dans des postes malsains, au milieu des marais pestilentiels, les troupes doivent fournir un temps de séjour fixé, puis aller prendre un peu de repos dans un endroit mieux choisi, à la Réunion par exemple, où elles se refont. Ceux qui, pendant leur séjour dans le poste réputé malsain, auraient pu échapper aux funestes effets des émanations paludéennes, seraient donc sauvés. Mais il en est pas ainsi, les remplaçants ne sont pas en assez grand nombre et on les laisse combler les vides incessants que produit la maladie.
- Si les opportunistes qui détiennent le pouvoir n’ont pas fait tuer assez de Français, n’ont pas assez rempli leurs poches, on peut se demander si nous n’allons pas voir se renouveler pour Madagascar les indécisions, les changements subits de fortune dont savent si bien se servir les boursicotiers.
- Deux avis sont en présence à propos de cette malheureuse aventure. Les uns veulent le statu quo. Nous venons déjuger assez clairement cette première manière de voir. D’autres pensent, et l’amiral Galiber, un ministre, est malheureusement de ceux-là, qu’il faut en finir et envoyer des troupes en assez grand nombre pour aller jusqu’à Tananarive, capitale des Hovas. Cette seconde façon de procéder représente un plus grand nombre de millions gaspillés ; c’est la dyssenterie, la fièvre, la mort organisées sur une plus vaste échelle, et voilà tout.
- Puisque nous ne pouvons pas compter sur l’abandon de nos prétendus droits il faut chercher un moyen moins coûteux. Le voici : Faire rentrer en France tous les navires supplémentaires tenus armés à grands frais depuis trois ans et sans aucune utilité ; former avec les indigènes, qui sont maintenant nos protégés, une troupe spéciale à Madagascar.
- Les volontaires de la Réunion et ceux que fournirait l’Infanterie de marine formeraient les cadres. Le corps ainsi formé suffirait à protéger nos possessions. S’empresser de traiter sur les bases proposées dernièrement par les Hovas eux-mêmes et rapatrier au plus tôt nos soldats pour en sauver le plus que l’on pourra.
- A. Fouroux.
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- LE DEVOIR
- Les coopérateurs anglais
- Le 17e congrès annuel des coopérateurs anglais aura lieu cette a înée à Aldham, les 25, 26 et 27 mai courant.
- Les travaux du Congrès sont réglés comme suit : LUNDI
- Matin— Discours d’inauguration par M. Lloyd Jones ; visite à l’Exposition des Stés coopératives.
- Après-midi— Rapports du comité d’Enquête sur la coopération de production et sur les progrès de la coopération dans les autres pays.
- Discours de M. Harden sur le mouvement de responsabilité limitée à Aldham.
- Discours de M. B’enton sur quelques difficultés dans la voie de la coopération de production. MARDI
- Matin — Rapport du comité central.
- Après-midi — Discours de M. Crooks sur l’Education.
- Discours de M. E. O. Greening sur l’Avenir des classes ouvrières.
- MERCREDI
- Matin — Discours de M. Feber sur la naissance et les progrès de la coopération.
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- La Cuisine unitaire
- Nous empruntons à une causerie scientifique de M. Meunier, du Rappel,h description de certains appareils employés dans un grand restaurant de Paris. Lorsque les hommes auront compris les conséquences de la Réforme de l’habitation, telle que l’a proposée et réalisée le fondateur du Familistère, chaque ménage pourra jouir des avantages que la mauvaise organisation de l’habitation permet à peine d’appliquer dans quelques cas exceptionnels. Alors, dans le moindre groupement humain de quelques centaines de familles, deux hommes feront sans peine le tr«vail qui absorbe maintenant deux ou trois heures de chaque journée des ménagères de toutes ces familles.
- Nous laissons la parole a l’éminent écrivain et penseur du Rappel :
- La simplification qui, pour le travail domestique, résultera du progrès de son outillage fut jadis une de nos thèses favorites. Elle aura été popularisée par les faits qui la justifient. Ces faits ont crû en nombre, variété et qualité, depuis l’époque à laquelle nous faisons allusion. Aujourd’hui la Nature décrit et figure les dispositions réalisées chez un restaurateur de Paris, M. Marguery, pour remplacer en grande partie dans les cuisines et dans les caves le travail de l’homme par .les machines que voici :
- Une machine broie les os, les écrevisses, écrase les légumes. Nous prenons là, à leur origine, la confection des purées de volailles, des potages à la bisque, etc., qui, comme toutes les choses humaines, ont un endroit et un envers : celui-ci, côté du confectionneur, souvent aussi déplaisant que celui-là, côté du consommateur, est tout le contraire. L’appareil en question améliore notablement le côté revers. On n’a plus qu’à déposer dans un entonnoir la matière à diviser. Elle passe de làentre jes spires dentées de deux disques verticaux métalliques qui, tournant en sens inverse l’un de l’autre, la réduisent à l’état voulu. Une vis par le moyen de laquelle on règle l’écartement
- des disques permet d’obtenir un produit plus ou moius divisé.
- Après qu’on a broyé il faut passer, tamisser ; c’est l’objet d’un second appareil qu'on prendrait à première vue pour une machine à percer vertical. Mais si nous levons le couvercle de la boîte cylindrique horizontale dans laquelle pénètre l’arbre de cette prétendue perceuse, nous voyons que cet arbre se termine inférieurement non par un foret mais par des brosses plates frottant contre le fond de la boîte. Ce fond est un tamis celui sur lequel on verse les matières préparées par la broy-euse. Laissez maintenant aller l’appareil ; les brosses en tournant forceront à passer à travers le tamis toutes les particules que ses mailles peuvent admettre, qui s’écouleront dans une bassine placée au-dessous. Et la purée sera faite en perfection et avec économie, deux raractôres que les marmitons n’impriment pas toujours, paraît-il— pour le premier c’est connu c’est croyable pour le second— aux sauces, potages etpurées faits à la main.
- Le brûleur à café n’a droit qu’à une brève mention. Il est mû mécaniquement, c’est tout ce qu’on peut en dire et. c’était le moins qu’il pût faire. Mais il faut et il suffit qu’il en soit ainsi. Passons.
- La rôtissoire aussi est tout ce qu’il y a de plus mécanique ; si ce n’était qu’elle fonctionne avec une régularité mathématique, cela ne mériterait pas de nous arrêter, n’étant plus nouveau et étant devenu obligatoire.
- Il en est tout autrement de la laveuse de vaisselle, espèce d’idole indienne pour le nombre de mains. Elle en a huit, dont chacune en vaut deux pour l'adresse, car cette main lave toute seule son assiette, dont huit par conséquent sont lavées à la fois, de sorte que la machine, puisqu’il faut ainsi la nommer, en nettoie quatre mille dans sa journée, sans en casser jamais une ni en écorner une ; sans laisser sur aucune la moindre trace perceptible au toucher, à l’odorat ou à la vue de sa souillure passée. II y a bien des idoles indiennes et autres que recommandent moins leurs mérites.
- Les mains de la laveuse sont des espèces de pinces à trois griffes qui simultanément saisissent l’assiette sale qu’un garçon en chair et en os abandonne sur un plan incliné. Car c’est comme dans le tableau de Papéty où, à s’en tenir aux premiers plans, il semble que le bonheur consiste à ne rien faire ; mais dans le lointain apparaît sur le bleu du ciel le filet de fumée d’un bateau à vapeur qui, grâce au ciel, ne marche pas tout seul. L’assiette est délicatement saisie par sa tranche afin qu’aucune partie du fond ne soit soustraite à l’action de la classique lavette remplacée ici par des brosses. Ces mains adroites rayonnent auteur d’un arbre vertical dressé au centre d’un bassin circulaire. Le bassin est divisé en deux compartiments : l’un d’eau bouillante, l’autre d’eau froide et courante. Chaque assiette emportée dans le mouvement de translation de la main qui la tient, pisse successivement par ces deux compartiments. Tenue d’abord, agitée et secouée dans celui de l’eau bouillante, tout le temps nécessaire pour s’y débarrasser des matières grasses qni la souillent, elle y est ensuite énergiquement frottée, en dessus, dessous et sur les bords par des brosses auxquelles elle se présente d’elle-mème. Sortant alors de ce compartiment, elle s’égoutte un instant puis plonge dans l’eau fraîche, s’y agite et enfin, rincée, va s’offrir à la main gauche du garçon, qui la pose dans l’égouttoir où l’essuyeur la prend.
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- Sous tous les rapports, la machine à rincer les bouteilles soutient la comparaison avec la précédente. L’opération se réduit pour l’homme, à introduire par le goulot, dans un étau vertical à trois mâchoires, la bouteille tenue renversée.De l’axe de cet étau ou mandrin s’élève un goupillon ou brosse cylindrique qui se trouve ainsi introduite dans la bouteille. Celle-ci reçoit de l’étau, tandis que la brosse reste fixe, un mouvement de rotation si rapide, quelle fait ses 300 tours à la minute. Pendant qu’elle les fait, de l’eau fraîche l’inonde intérieurement, amenée sous pression par l’arbre du goupillon ; enfin, celui-ci étant monté sur une tige semi-flexible en caoutchouc, il n’est ni recoin, ni courbe qu’il n’atteigne et ne frotte. En trente-six secondes une bouteille est bien lavée, ayant, dans ce court espace de temps, passé 180 fois par les brosses. Pendant que cela se faisait à l’intérieur, un jet d’eau fiaîehe, prenant la bouteille en dehors par son fond, la nettoyait extérieurement. Une machine à quatre étaux, desservie par « deux personnes et un aide », rince 400 bouteilles à l’heure. Elle fait chaque jour, en deux heures, le travail qui précédemment occupait deux hommes presque toute la journée. Et elle travaille mieux en même temps que plus vite ; la casse éiait con-sidérable, des grains de plomb restaient souvent dans les bouteilles ; celles-ci gardaient parfois le goût que prend bien vile l’eau des baquets dans lesquels se font les rinçages ordinaires, etc.
- La force qui met ces machines en mouvement est fournie par un moteur à gaz de deux chevaux ; elle est transmise à la plupart d’entre elles au moyen de courroies de transmission ; quelques-unes, à cause de leur éloignement, par transmission électrique. C’est le cas de la machine à rincer les bouteilles.
- Tout ce bel outillage est de l’invention de M. Eugène Da-guin, trouvé par cet ihgénieur à la demande de M. Marguery, qui avait posé le problème à résoudre ; et tout sort des ateliers de MM. Mignon et Rouart, sauf la machine à bouteilles, cons-ruite par M. Rouffet.
- Bibliographie
- La Fournaise,par Mme L. Gagneur, 1 vol, 3 f, 50, chez Dentu, galerie d’Orléans, Palais-Royal, Paris.
- Dans ce nouveau roman, palpitant d’intérêt comme le sont tous les romans de Mme Gagneur, l’auteur s’est attachée surtout, comme elle le dit-elle-même, à peindre « un des » travers dominants de notre époque : l’impatience d’arriver,
- » une hâte de produire, une précipitation de la vie qui emporte » la génération actuelle, la brûle jusqu’au sang, jusqu’aux ® moellesqui déséquilibre le cerveau, épuise les organisations * les plus robustes, effrite les caractères les mieux trempés. »
- Le talent de Madame Gagneur se prête tout particulièrement à peindre cette vie à outrance ; chez elle, la passion brûle, les scènes se précipitent et le lecteur, gagné par la fièvre dont on lui montre les tableaux, tourne, tourne les pages du livre, sans pouvoir s’en arracher tant qu’il n’est pas arrivé au bout.
- Nous signalons tout spécialement entre les scènes attachantes de ee nouveau volume, celles peignant la folie, puis le déchirantes et cruelles conséquences de la liaison d’une heure entre une femme sérieusement éprise et un de ces hommes I
- séduisants de formes, mais sans énergie ni valeur morale, jouets de toutes les impressions qui les atteignent et d’autant plus dangeureux dans leurs protestations d’amour repétées tour à tour à plusieurs femmes, qu’ils sont sincères en les prononçant et que le temps seul en découvre à eux-mêmes et aux autres la vanité.
- Des ouvrages comme ceux de Madame Gagneur armant l’esprit de l’amour du bien tout en lui offrant la distraction des scènes les plus vives, sont à recommander aux amateurs de romans.
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- AUX SOCIÉTÉS COOPÉRATIVES de consommation
- L’idée d’un congrès des Sociétés Coopératives de France, a été déjà plusieurs fois abordée, mais pour différentes raisons n’a pas encore abouti. Cependant la nécessité de ce congrès s’impose.
- Pour en finir, les Sociétés coopératives de Nîmes se sont décidées à en prendre l’initiative.
- Les principales questions qu’il y aura fieu de traiter dans cette assemblée, sont les suivantes :
- 1° Formation d’une commission chargée de s’entendre avec le producteur pour arriver, par des achats considérables, à faire profiter les magasins coopératifs des bénéfices des magasins de gros.
- 2° Nomination d’une chambre consultative chargée de représenter les Sociétés de Consommation dans l’intervalle des congrès.
- 3° Création ou choix d’un journal non politique qui renseignerait les sociétés sur tous les sujets d’intérêt commun et qui leur servirait d’instrument de propagande.
- L’utilité des Congrès est démontrée par les résultats obtenus en Angleterre où l’on compte 662000 coopérateurs, faisant environ 665 millions d’affaires, possédant un journal, un magasin de gros avec succursales et des batiments à vapeur qui vont approvisionner leurs magasins aux lieux de production.
- Le Congrès que nous venons vous proposer aura lieu à Paris aussitôt que le comité d’organisation de Nîmes aura recueilli un nombre d’adhésions suffisant.
- Veuillez donc envoyer la vôtre, le plus tôt possible, à un des délégués suivants :
- Nîmes, le 6 mai 1885.
- Pour l’Abeille Nîmoise, de BOYVE, Bosquet de l’Esplanade.
- Pour la Renaissance,
- emile TEISSONNIÈRE, Rue des Flottes, 8.
- Pour la Solidarité,
- auguste FABRE, Rue de Montpellier, 7.
- Les Journaux de Paris donneront les noms des Sociétés qui désirent se faire représenter au Congrès.
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- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen
- Nous avons de bonnes nouvelles des régions où se poursuit le pétitionnement. Le défaut de place nous empêche de publier aujourd’hui les nombreuses adhésions recueillies dans le Jura, la Meurthe-et-Moselle et la Meuse. Selon toutes probabilités le programme des candidats républicains du Jura contiendra un article réclamant la pratique de l’arbitrage.
- PUY-DE-DOME
- ^Mezel.— MM. Desliard-Lemas, — Michel Dhomme, — Gavaix Etienne Blatéron, — Jean Menât, conseillers municipaux ; — Aymard Jean, — Béringer Jean-Baptiste, — Béringer Pierre Gavaix, — Bessède Charles, — Bourgy Pierre, propriétaires ; — Bournet Pierre, chef de musique ;
- — Chaurat Antoine,— Dauzat-Laehal, propriétaires ; — Des-traves François,maréchil-ferrant ;— Dhomme Jean-Baptiste,
- — Douhairier François, — Faure François Dhoirier, —
- Gavaix Antoine, — Gavaix Pierre Dousse, — Germot-Far-ghon, propriétaires, — Guittard Pierre Gardette, bottier ;— Jarron Antoine, musicien ; — Jarron Antoine Verdier, menuisier; - JozatJean, musicien;—deLaussedat Antoine , — Lemas François, propriétaires ; — Limouzin Jean-Baptiste, géomètre; — Maronne Antoine, tailleur Mary Antoine,—
- Matheron Jean Dugnat, — Oussourd-Jarron, — Pousset Pierre, propriétaires ; — Reignat Jacques, tailleur ; — Roux André, Seny Jacques, propriétaires ; — Taillandier Pierre, ferblantier.
- Saint-Jean-d’Heurs. — MM. Fonlupt Jean-Baptiste, maire; — Delaigue Jacques, adjoint; — Chalut Antoine,— Delaigne-Durand, — Dubois Guillaume,— autre Dubois Guillaume, — Larboulas Joseph, — Lepit Jacques, — Masse Antoine,— Verdier Jacques, conseillers municipaux ; — Bégon Antoine, — Chalut Claude, propriétaires ; — Champredon Jean,, maréchal-ferrant ; — Chastel Jean, dit Charabiat, — Delaigue Cl.tude, propriétaires ; — Dubois Guillaume, garde-champêtre;— Gagnat Claude, — Giraud Annet, — Martignat Guillaume, — Masse Antoine, — Masse Jean, — Mativet Genest,— Rambe Annet, — RambeJean, propriétaires.
- Saint-Julien-de-Coppel. (Section de Saint-Julien). — MM. Bathol Jean, — Bathol Philippe, — Belle-verge Jean-Baptiste, — Belleverge Louis, — Belleverge Siméon,— Croix Julien, propriétaires-cultivateurs ;— Daudet Antoine, tailleur Durif Claude, menuisier; — Durif Félix, menuisier; — Escot Jean, maréchal-ferrant; — Escot Jean, propriétaire ; — Fourvel Antoine, charron ; — Lacroix Jean, serrurier; — Marcons J.,., cultivateur ; — Pichauzet Philippe, propriétaire ; — Pireyre Jean, restaurateur- ; — Ponchon Antoine, sabotier ; — Pradier Gabriel, cultivateur ; — Pradier Jacques, propriétaire ; — Jean Quesne, culiiva-teur ; '— Riboulet Jean, maçon ;— Riboulet Julien, cultivateur ; — Rudel Anthême, boulanger ; — Rudel Maurice, ex-menuisier;— Thier Julien, propriétaire;— Vauris Julien, cultivateur.
- (Section de Contournai). — MM. Archimbaud Baptiste, —: Barland Gilbert, — Bergeron Joseph, — Boierie Antoine, — Boirie Baptiste, — Boirie-Escot, — Boirie François, — Boirie Jean, — Boiry Antoine, — Boirie Mau-
- rice, — Caillet Mathias, — Géalis François, — Champclos
- Baptiste, — Champclos Jean, propriétai res-cultivateurs ;_
- Cheminât Jean, propriétaire et conseiller municipal ; — Escot Antoine, maréchal-ferrant ; — Escot Benoît, — Escot François, — Escot Julien, — Favy Jean, — Flaget Baptiste,_____
- Flaget Jacques, — Gendre Jean,— Gras Jacques, propriétaires-cultivateurs; — Gras. Jean, expert-géomètre et conseiller municipal ; — Gras Jean Boucheron, — Imbert Antoine,propriétaires-cultivateurs ;— Jarrige Antoine, maréchal-ferrant; — Laty Baptiste, — Mally Jean, — Mally Jacques, propriétaires-cultivateurs ; — Margot Benoît, entrepreneur ; — Mouly Antoine, ex-garde ; — Mouly Jean, — Mure Antoine, — Naville Louis, — Panem Jean, — Parret Juilen, — Pialoux Joseph, propriétaires-cultivateurs ; — Raymond Jean, charron; — Réol François, — Réol Jean Boirie, — Réol Jean, célibataire; — Réol Jean Escot, — Réol Julien, — autre Réol Julien, — Thiers Benoît, — Vauris Antoine, propriétaires-cultivateurs; — Vauris François, ancien militaire.
- Vertaizon. — M. Boissier Joseph, plâtrier.
- MAITRE PIERRE
- Par Edmond ABOUT
- (Suite.)
- LA PELLAGRE.
- V
- « L'hiver approchait, les grandes pluies commençaient à tomber, et je prévoyais déjà le moment où cette eau maudite s’évaporerait pour empoisonner les environs. Chaque fois que j’entendais annoncer la mort de quelqu’un, je m’en prenais à la pellagre. Quand je rencontrais un enterrement, j’étais mon béret au pauvre mort, et je montrais le poing à la pellagre. Je rabâchais entre mes dents un proverbe qui dit :
- Tant que Lande sera lande,
- La pellagre te demande.
- « Je défiais la hideuse maladie, je me colletais en songe avec elle. Je me sentais de force à bouleverser la terre et le ciel pour la chasser de chez nous. Je me disais : Rien ne me coûtera, et s’il n’y a pas d’autre moyen de nous délivrer, eh bien ! je changerai la face du pays ; la Lande ne sera plus lande !
- « Comme j’étais ignorant de toutes choses et que la somme de mes idées aurait tenu dans la cervelle d’un lapin, je pris le parti d’aller jusqu’à Bordeaux consulter un tmmrne de science. Je confiai Marinette à une brave femme que je connaissais, et je m’en fus à la ville avec un jambon de sanglier ; car le Landais n’a pas coutume de demander rien pour rien. En arrivant aux allées de Tourny, je déposai mes échasses dans une maison, et je me promenai, le jambon sous le bras, jusqu’au théâtre, arrêtant tous les passants pour demander l’adresse du plus savant homme de Bordeaux. Les uns me riaient au nez, car j’avais bien l’air d’arriver de mon village ; les autres me disaient : « Que lui veux-tu, au plus savant homme
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- a de Bordeaux ? » je répondais : « Je veux lui porter « un jambon pour qu’il m’enseigne tout ce qu’il sait. » Alors on me tournait le dos. Cependant comme j’étais bien décidé à ne pas remporter mon jambon, je finis par trouver un jeune homme de quinze à seize ans qui m’envoya chez un professeur, dans les environs du Beffroi. Je donnai mon jambon à la servante, et elle me fit entrer dans une chambre toute pleine de livres : il y en avait dans les armoires ,et sur les tables, et sur les chaises, et par terre et partout. L’homme de là dedans était assis au fond d’un grand fauteuil. Ilavait bien quatre-vingts ans sonnés, et je me dis qu’il devait être assez savant s’il avait passé tant d’années au milieu de tant de livres. Il m’invita poliment à prendre une chaise, mais je restai sur mes pieds, de peur d’écraser un auteur ou deux, et j’exposai l’affaire qui m’amenait. Dès les premiers mots il m’arrêta pour me dire que je m’étais mal adressé, qu’il n’entendait rien à la'pellagre, et qu’il était professeur de vieux latin. Je compris que le petit jeune homme s’était moqué de moi, et je regrettai d’être venu, d’autant qu’il n’y avait pas à espérer qu’on me rendît le jambon. Cependant comme la dépense était faite, je restai le plus longtemps que je pus, afin de tirer quelque chose du vieux savant. Il avait une bonne figure et deux petits yeux plus jeunes que lui. Le malheur est qu’il mâchait ses paroles entre ses gencives, et qu’on n’entendait pas trop bien ce qu’il disait. Mais moi, je tendais l’oreille de toutes mes forces, et j’appliquais mon esprit aussi vigoureusement que ce fameux jour où le vieux berger me chargea mon fusil.
- « Mon garçon, me dit le professeur, je n’ai guère étu-« dié les choses de notre temps, et je ne t’apprendrai que « des vérités vieilles comme le monde. On assainit un « pays en désséchant les marais, eu défrichant la terre, « en coupant les arbres lorsqu’il y en a trop, en les « plantant lorsqu’il y en a pas assez. La terre est une «jalouse qui tue ceux qui la négligent. Malheureuse-« ment ou n’en a jamais pris assez de soin, parce que les « imbéciles, qui sont la majeure partie de notre espèce, « craignent de se déhonorer en touchant à la charrue. Vois-« tu ce petit livre-ci ? il a été écrit,il y a dix neuf cents « ans par un grand poète et sous un grand empereur, à « la seule fin de persuader aux gens qu’il n’y a rien de « plus noble que l’agriculture ; mais cela n’a pas con-« verti grand monde. Il y a treize cents ans, saint Benoît, « dont tu as peut-être entendu parler, s’est mis à « prêcher d’exemple avec tous ses moines ; mais ils ne « pouvaient pas piocher toute la terre et il est resté « bien de l’ouvrage après eux. Voici quatre-vingt-dix « volumes écrits il y a une centaine d’années par un " homme bien malin et bien respectable, à qui les bon-* nés actions ne coûtaient pas plus que les bonnes plai-
- « santeries. Ce que j’estime avant tout dans les quatre-« vingt-dix volumes, c’est une peti te sentence que tu feras « bien de retenir : « Cultivons notre jardin. » Va cultiver ton « jardin, mon garçon, tu y trouveras ta santé et la « santé de ceux que tu aimes. Marie-toi de bonne heure, « tâche d’avoir beaucoup d’enfants ; fais-en des culliva-« teurs,et pour cela, ne leur apprends à lire que lorsqu’ils « sauront labourer. »
- « Quand il eut fini de parler, je lui dis : « Mon bra-« ve monsieur, j’étais presque fâché d’avoir donné le « jambon, mais à présent, si j’ai un regret, c’est de n’en « pas avoir apporté deux. Vous avez beau n’ètre qu’un pro-« fesseur de vieux latin, vous m’avez appris des chose s « que je retiendrai toute ma vie. je m’en retourne à « Bulos déssécher les marais, défricher mes cinquante « hectares et planter autant d’arbres qu’ils en pourront « contenir. Si, après tout ça, la pellagre s’en prend à « nous, elle sera dans son tort. N’ayez pas peur, je soi-« gnerai mon jardin comme dit l’autre. Comment l’ap-« pelez vous,ce cultivateur-là?» Il se mit à rire et à tousser si fort que j’en eus pas de réponse ; mais j’achetai une pioche avant de revenir au pays.
- « Vous croyez peut-être que je n’ai eu qu’à m’y mettre et que l’ouvrage a marché tout seul ? Ah ! bien oui ! D’abord il fallait vivre, et par conséquent chasser : je rie défrichais qu’à mes moments perdus. Ensuite, nous étions en hiver, ma propriété touchait aux marais et l’eau me gênait beaucoup. Enfin, je ne tardai pas à reconnaître qu’il me faudrait un siècle pour arracher les bruyères, les brandes et les ajoncs sur un kilomètre de long et cinq cents mètres de large. Je me fis aider par ceux qui avaient du temps à perdre. Quelque-uns me donnèrent uu coup de main par amitié : je leur avais rendu service. Je payai les autres sur ma chasse. Ce défrichement-là a coûté la vie à bien des sangliers. Au mois de février, la place était nette : j’y semai du pin et du chêne.
- « Mais j’avais attrappé mes vingt ans, sans m’en a-percevoir et il s’agissait de tirer au sort. Lorsqu’on m’en fit souvenir, je sentis comme une maison qui me tombait sur la tête. J’étais trop bien constitué pour me faire rétormer, et trop fier pour aller me cacher dans les dunes. Vous qui êtes riche, puisque vous demeurez à Paris, vous vous seriez acheté un homme. Mais en ce temps-lâ, mes cinquante hectares tout défrichésnevalaient pas un remplaçant. Je pris donc mon parti en brave, et, quand le moment fut venu, je me rendis au canton avec la petite, qui justement n’allait pas trop bien depuis l’hiver. Je savais que si le sort tournait contre moi elle n’avait pas longtemps à vivre, et rien que de penser à ça, j’avais le cœur dans un étau. Elle marchait sans rien dire
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- le long de mes déliassés, car elle n'a jamais beaucoup bavardé ; c’est moi qui parle pour deux. Je lui disais : « Ma pauvre enfant, nous allons jouer une grosse partie. « Tâche que j'ai un bon numéro : il y va de tout pour « toi. S'il faut que je décampe avec les conscrits, le colo-« nel ne me permettra pas de t’emporter sur mon sac. Si « tu étais un garçon, ou seulement un petit chien, on « pourrait voir ; mais les filles ne sont pas admises à silice vre le régiment. Et qui est-ce qui prendra soin de toi « quand je ne serai plus là? Tu n’es même pas assez « forte pour aller aux champs avec les moutons. Il n'y « aura plus de pain pour tes petites dents, et il faudra que « tu fasses comme si la fin du monde était arrivée trop « tôt. » Que vouliez-vous qu’elle répondit à ça? Elle pleurait ; mais il n'y a pas de larmes de femme qui effacent un mauvais numéro ?
- « Je comptais qu'elle pourrait bien tirer pour moi et que sa main me porterait bonheur ; mais on me dit que cela n’était pas permis, et j’entrai tout seul dans la salle. Vous pouvez penser si l’on me regarda : j'étais si célèbre ! On savait déjà dans tous les environs que j’avais défriché mes landes et fait des semis. Les gens du bureau me lorgnaient du coin de l’œil. Ils n'auraient pas été fâchés de me voir amener le numéro 4 ; et. de fait, un chasseur comme moi aurait été le premier soldat du royaume. Quand le maire appela mon nom, je n’étais point pâle comme les autres : j'étais vert. Mais je tirai 86 ; il n’y en avait pas un meilleur dans le sac ! Je ne fis qu’un saut jusqu’à la porte, et je ramassai ma pauvre petite créature qui s’était mise à genoux devant la mairie, et qui priait, les bras en croix. »
- En écoutant ce récit de maître Pierre, je m’amusais à en suivre les reflets sur le visage de Marinette. La jolie Landaise avait une de ces physionomies mobiles qui changent dix fois dans un instant. La figure ouverte était comme l'eau d’une source qui réfléchit en courant tout ce qui passe sur ses bords. Elle avait surtout un petit nez mutin comme un écolier en vacances, et qui parlait plus souvent qu’à son tour. Le nez le plus parfait dépare une jolie tête s'il a l’immobilité stupide du carton peint. Celui de Marinette exprimait mille passions diverses par des mouvements si délicats que l’esprit les percevait avant que la vue les eût saisis. J'attachais mon attention à ce joli truchement de ses pensées, et j'écoutais de tous mes yeux son langage muet. C'était pour moi comme la lecture d’un livre curieux, mais écrit dans une langue qu'on entend mal : on y trouve, au milieu d’un passage le plus clair, une phrase inintelligible. Le souvenir amer des mauvais jours, l’orgueil des épreuves noblement subies, la reconnaissance des services rendus, l'admiration de la faiblesse pour la force se lisaient, pour ainsi dire, à livre
- ouvert ; mais on devinait à des signes obscurs une tristesse voilée sous le rire, une passion refoulée par la crainte, un manque dans le bonheur présent, un doute des félicités à venir. Aux dernières paroles de maître Pierre, la jeune fille, vaincue par une émotion que nous partagions tous, oublia sa réserve habituelle au point de s’écrier tout haut : « Ah ! maître Pierre ; vous m’aimiez bien ! »
- Il répondit d’un ton d'amitié bourrue : « Est-ce que je re t’aime pas comme en ce temps-là ? »
- Elle ne répliqua rien, mais ses narines se gonflèrent, et voici comme je traduisis sa petite grimace, au risque de faire un contre-sens : « Je ne suis plus ce que j'étais alors, et peut-être serait-il raisonnable de m’aimer un peu différemment. »
- « Je ne vous ai pas fini l’histoire de mes semis, poursuivit brusquement maître Pierre. La chose ne marcha point comme je l'avais espéré. Pour bien faire, mes chênes et mes pins auraient dû lever en mars. Mais la graine des arbres n’est pas comme celle des poissons qui germe dans l’eau. En mars, avril et mai, ma terre était inondée, comme à peu près tout le pays. Le soleil avait beau chauffer de toute sa force, ces rayons s’éteign dent dans une mare. Chênes et pins montrèrent le nez quand tout fut sec, vers les premiers jours de juin ; mais les chênes furent grillés par les chaleurs de juillet. Ils étaient encore trop faibles pour tenir bon ; ils auraient vécu s’ils a-vaientpu lever deux mois plus tôt. Les pins qui sont plus durs à cuire, végètent à peu prés en toute saison ; mais végéter est le vrai mot : les miens ne devinrent pas bien forts. Ils ont rattrapé le temps perdu depuis les travaux que j’ai faits, mais je veux vous en laisser la surprise : vous les verrez demain matin. Finissez de prendre votre café, après quoi je vous montrerai les dunes. »
- (A Suivre.)
- État civil du Familistère
- Semaine du 4 au 10 mai 1885.
- Naissances :
- Le 4 mai, de Duthois Ernest, fils de Duthois Lcuis et de Masse Zélia.
- Le 5 mai, de Laiteau Madeleine, fille de Laiteau Hector et de Faniel Marie.
- Le 5 mai, de Xavier Marie-Louise-Léonie, fille de Xavier Gustave et de Servat Marie.
- Le 7 mai, de Roha Alice-Létitia, fille de Roha Alfred et de Haingue Marie.
- Décès :
- Le 5 mai, de Leroy Victor âgé de 3 ans et 5 mois.
- Le Directeur-Gérant : GODIN
- Guise. — lmp. Sari.
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- Le numéro hebdomadaire 20 c.
- Dimanche 24 Mai 1885
- 9« Année, Tome 9. — N° 350
- BEVUE DES ODESTIONS SOCIALES
- BUREAU
- a GUISE (Aisne)
- Tontes les communications
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit aubureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- France
- Un an ... 10 tr. d» Six mois. . . 6 »» Trois mois. . 3 »»
- Union postale Un an. ... 11 fr. »» Autres pays
- Un an. . . . 13 fr. 60
- ON S’ABONNE
- A PARIS
- , rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. ’LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Une ligue nécessaire. — Le Familistère au conseil municipal de Paris.— Les conventions scélérates. — Chauffage et éclairage.— Bibliographie. — La femme en Autriche.— Le familistère à la Chambre.— Les programmes électoraux. — Faits politiques et sociaux de la [semaine. — Triste contraste. — Ecoles du Familistère. — Les falsifications de la bière. — Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen. — Maître Pierre.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- ~ -----------——--------.——.— -----.—
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de ^ centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du familistère.
- UNE LIGUE NÉCESSAIRE
- La ligue dont nous allons demander la formation aurait pour but de faire atteindre aux salaires un taux élevé, de lesmaintenir constammentau-dessus de ce taux ; elle devrait être composée principalement des grands propriétaires et des chefs des plus importantes industries.
- Cet énoncé équivaut à dire qu’une ligue pouf suivant l’élévation du taux des salaires devrait réunir les personnalités les plus acharnées à réclamer actuellement l’abaissement du prix de la journée.
- Nous en avons dit assez pour que le lecteur se demande s’il vaut la peine d’exposer un projet qui présente, dès le but, des chances si évidentes de non réussite.
- Ajoutons que cette ligue devrait êtreinternatio-naie ; or, on sait que les propriétaires et les industriels condamnent également l’internationalisme et la hausse des salaires.
- Malgré ces fortes présomptions qui nous permettent de supposer que nous ne serons pas compris, nous ne reculerons pas devant la tâche de prouver Futilité de notre proposition, tant nous sommes persuadé que la variété des moyens de démonstration favorise la vulgarisation de la vérité.
- Disons aussi à ceux qu’épouvantera notre énoncé que nous ne proposons rien qui ne concorde avec l’intérêt immédiat des propriétaires et des industriels. Leur sécurité et leur stabilité seraient fortement accrues, s’ils consentaient à se liguer suivant nos conseils.
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- Turgot a dit : « quiconque n’oublie pas qu’il y a des Etats politiques séparés les uns des autres et constitués diversement ne traitera jamais bien une question d’économie politique. »
- Nous ne demanderons pas à nos lecteurs de se détacher ainsi de la réalité ;on ne peut faire rationnellement abstraction de faits aussi considérables que l’existence des frontières. Il nous parait absolument exact que « quiconque veut traiter une question sociale n’arrivera pas à l’élucider, s’il ne tient compte du voisinage des autres Etats ; même, il peut considérer toute solution comme impuissante ou relativement inférieure, si en la généralisant elle n’étend à tous les êtres humains ses bienfaits. »
- Nous ne nous attarderons pas à insister sur le caractère international que doit présenter toute tentative sérieuse d’amélioration économique. Nos articles « L’Exportation » et « les Programmes électoraux » publiés dans le précédent numéro du Devoir établissent suffisamment les relations étroites qui dominent la prospérité mutuelle des peuples.
- L’industrie, le commerce, la finance sont essentiellement internationaux ; les statistiques des importations et des exportations l’établissent pé -remptoirement.
- L’internationalisme existe dans les faits ; il faut en tenir compte dans les spéculations théoriques.
- Les salaires étant la base des phénomènes industriels, commerciaux et financiers, que nous venons de constater fortement liés à l’internationalisme, ne peuvent conserver un caractère local, même national, sans qu’il provienne des désordres de cette contradiction.
- Quiconque se demandera, attentivement, si la hausse des salaires est un inconvénient ou un avantage pour les patrons, ne pourra répondre catégoriquement à cette question sans envisager que cette hausse produira des effets différents suivant qu’elle sera partielle ou générale. Dans un seul métier, une hausse locale, même nationale, des salaires sera toujours onéreuse, quelquefois fatale, aux patrons et aux ouvriers, parce qu'elle déplacera laproduction ; une hausse générale, universelle, dans l’ensemble des industries qui constituent un métier sera toujours profitable aux deux parties, tant qu’elle n’amènera pas une diminution de la consommation des produits decette industrie, diminution assez prononcée pour créer des chômages.
- La question des salaires envisagée selon l’inté-
- rêt des patrons est dominée par cette considération; que l’essentiel pour le patron est de ne pas payer la main-d’œuvre à un taux plus élevé que celui pratiqué chez ses concurrents de l’intérieur ou de l’extérieur.
- Examinons la question à un point de vue plus large ; plaçons nous en face de la totalité des patrons et de la généralité des industries.
- Les patrons, à l’heure présente, ont-ils intérêt à une hausse universelle de la main-d’œuvre ?
- Nous répondons affirmativement ; notre affirmation étant justifiée par les chômages en permanence dans tous les pays industrialisés.
- Une hausse universelle des salaires conférerait à tous les salariés une nouvelle puissance de cou-sommation qui se traduirait sur le marché des produits fabriqués par une plus grande demande ; cet accroissementde laconsommation ferait le vide dans les magasins engorgés, elle aboutirait à la reprise du commerce et à la suspension des chômages.
- Certains prétendront que la hausse des salaires serait suivie d’une élévation proportionnelle du prix des objets, et que rien ne serait changé.
- Cette objection n’est pas exacte. L’élévation du prix des choses serait équivalente à la hausse des salaires, et non proportionnelle.
- Raisonnons sur un exemple.
- Un objet A se vend 6 francs; son prix de vente se décompose en salaires de travail T et en salaires décapitai C; supposons que T =4, C = 2;T + C = 6
- Admettons une hiusse qui double le taux des salaires du travail, nous aurons alors T’ =8; C restant le même, le prix de l’objet A sera représenté par A = T’ + C =8 + 2 = 10.
- Avant cette hausse, le travailleur, avec ses quatre francs, pouvait racheter les 2/3 de sa production, puisqu’elle avait une valeur totale représentée par 6.
- Après l’élévation supposée des salaires, la valeur des produits étant représentée par 12 et les salaires par 10, le travailleur pourrait donc racheter les 5/6 de sa production. Or 5/6 est plus grand que 2/3.
- Réduisons nos fractions au même dénominateur
- 5 15 2 12
- 6 18 * 3 18
- Dans l’hypothèse que nous avons discutée, l’aug-
- mentation de la consommation ouvrière aurait été d’un cinquième. Si cette hausse des salaires excitait les appétits des capitalistes et leS poussait à vouloir doubler les salairesdes capitaux
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- la participation aux bénéfices deviendrait alors un pondérateur nécessaire.
- Il faudrait moins qu’une hausse d’un cinquième de la consommation ouvrière pour donner à l’in- • dustrie et au commerce des puissances civilisées un essor qu’elles n’ont jamais eu.
- Il est donc de toute évidence que patrons et ouvriers ont un intérêt immédiat commun à rechercher les conditions pratiques de la hausse générale des salaires et à s’appliquer à les faire prévaloir.
- Malgré la communauté de ces intérêts nous insistons sur l’efficacité du concours des patrons. Les ouvriers sont les plus nombreux, mais, soit ignorance de leur part, soit mauvaise volonté du côté des classes dirigeantes, soit les deux à la fois, les réclamations des travailleurs ne sont jamais écoutées ; tandis que les plaintes des gens riches sont toujours entendues et satisfaites, souvent au détriment de la nation. Les lois sur les sucres votées l’année dernière, et les récentes modifications douanières consenties par le Parlement témoignent victorieusement de la puissance des classes dirigeantes à faire prévaloir telles conventions internationales économiques qui sont exigées par les détenteurs de la richesse.
- Nous venons d’indiquer un moyen infaillible de relèvement industriel et commercial ;il ne dépend que des chefs d’industrie de le faire prévaloir, s’ils veulent se liguer pour en demander l’application. Nous examinerons dans un prochain article qu’elle serait la tactique la meilleure pour assurer le
- succès prochain d’une telle tentative.
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- Sous le titre « La délégation parisienne, » nous avons reproduit l’extrait de la délibération du conseil municipal de Paris, visant la publication du rapport des délégués parisiens.
- A ce propos, M. Chabert, conseiller municipal du parti ouvrier, bien qu’il ait appuyé le vote du crédit, a semblé admettre que le rapport devait contenir des théories que repousse le parti ouvrier.
- Les délégués parisiens ont mis trop de soin dans l’ae-oomplissement de leur mandat, pour que nous puissions supposer gratuitement qu’ils auront mal interprété l’œu-Vre du Familistère. Et, écartant cette hypothèse, nous affirmons à M. Chabert que l’œuvre du Familistère n’a rjen qui puisse faire hésiter un citoyen dévoué aux inté-rèts ouvriers.
- bans l’œuvre du Familistère, il y a deux choses par-
- faitement distinctes quoique convergentes, la partie théorique et une somme d’applications pratiques qui étonnent quiconque veut réfléchir aux difficultés que le milieu oppose aux réalisations de ce genre.
- La théorie du Familistère ne nie aucune des revendications ouvrières ; les réalisations actuelles sont toutes un acheminement vers le summum théorique ; mais elles ne sont que ce qu’il était possible de faire à l’heure présente ; et nous garantissons à M. Chabert qu’il n’était pas faci le de concevoir cette œuvre à priori et qu’il a fallu beaucoup d’énergie, de volonté et de dévouement de la part de son fondateur, pour la créer et la maintenir dans un tel état de prospérité.
- Nous savons que M. Chabert est un vieux lutteur incorruptible de la cause ouvrière ; nous savons qu’il a traversé pauvrement et honorablement une longue période, pendant laquelle des personnalités moins capables que la sienne ont su trouver leur chemin de Damas par des compromissions qu’il ne dépendait que de lui d’imiter, pour échanger les misères de la vie ouvrière contre les jouissances des serviteurs des classes riches.
- Que M. Chabert, lui qui sait, par expérience, toutes les vilenies dont on est capable envers les personnes et les œuvres dévouées à l’émancipation des travailleurs, veuille nous croire : La théorie familistérienne ne rejette aucune solution conduisant à l’émancipation intégrale de l’être humain ; les réalisations pratiques sont dignes de l’attention de tous les travailleurs.
- Si M. Chabert conservait quelque doute à cet égard ; nous lui ouvrons les colonnes du Devoir pour exposer ses incertitudes ; nous répondrons sincèrement à ses questions.
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- Les Conventions scélérates
- L’asssemblée générale des actionnaires de la compagnie de l’Est a eu lieu le 30 avril dernier.
- Elle a, comme on le sait, fixé à 35 fr. 50 le revenu de 1884. Extrayons du rapport présenté par le conseil d’administration les chiffres qui ont permis de faire cette attribution :
- Les recettes brutes des lignes en exploitation se sont élevées, l’an dernier, en tenant compte de la participation de la compagnie de l’Est dans l’exploitation des deux Ceintures, à la somme totale de 132,564,611 francs.Les dépenses d’exploitation ayant été de 83,975, 849 francs, le produit net s’est chiffré, en conséquence, par 48 millions, 588,762 francs.
- Les recettes nettes comprennent, outre ce produit net, la rente de 20,500,000 fr. que l’Etat paye à la compagnie comme intérêts pour la valeur du réseau d’Alsace-Lorraine rétrocédé à l’Allemagne, et une somme de 5,054,268 francs qui représente divserses annuités. Par suite, les recettes nettes ont atteint 74,143,030 francs.
- Les charges totales se sont élevées à 62,107,163 fr. ne laissant ainsi qu’un bénéfice net de 12,035,867 fr. Or la convention de 1883 ayant garanti à la Compagnie de l’Est un produit net minimum de 20 millions 500,000 francs, le Trésor devra avancer à la Compagnie la somme complémentaire, soit 8 millons 714,033 francs.
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- Notcns que les recettes, pendant les dix-sept premières semaines de l’année 1885, sont inférieures de 2,880,000 fr. â celles effectuées pendant la même période de l'année 1883. D’après ces constatations, on doit estimer que la subvention de l’Etat, pour combler le déficit de l’exercice en cours, ne sera moindre de 16,000,000.
- Lorsque les travailleurs malheureux réclament quelque assistance de l’Etat, le Collège des économistes et le clan des journalistes opportunistes prédisent la ruine de l’Etat, qui ne donne jamais la moindre subvention aux parias du travail, tandis qu’il prodigue le produit des impôts prélevés sur le travail en garanties d’intérêts usuraires, follement consenties au profit des capitalistes, sans que la presse réputée bien pensante ne dise mot de ces vols manifestes.
- CHAUFFAGE ET ÉCLAIRAGE
- Si l’on gèle dans les ministères, et si l’on n’y voit pas clair, c’est que les fournisseurs de ces établissements font bien mauvaise mesure ou vendent à l’Etat beaucoup plus cher qu’aux particuliers, car on n’épargne l’argent des contribuables ni pour le combustible, ni pour le luminaire.
- On peut s’en convaincre par les chiffres suivants, empruntés au budget légué par M. Tirard et ses complices : intérieur.— Cha.uffa.ge : 51,000 fr,
- — Ecla.ira.ge ; 38,000 fr.
- On est évidemment très frileux à la sûreté générale et au bureau des sociétés professionnelles. justice. — Chauffage : 28,000 fr.
- — Eclairage : 11,000 fr.
- Pour ce ministère les dépenses sont réparties en trois sections : le ministre, les bureaux et le conseil d’Etat. Pour chauffer le ministre il faut 3,000 francs, et pareille somme pour l’éclairer. Les conseillers d’Etat comb ittent le froid avec un crédit de 9,000 francs et dissipent les ténèbres avec 4,000 lr. Les bureaux ont 16,000 francs pour le chauffage, et 4,000 francs pour la lumière. finances. — Chauffage : 92,000 fr.
- — Eclairage : 71,000 fr.
- Pas de commentaires ; ces chiffres sont suffisamment éloquents
- aff. étrangères. — Chauffage : 40,000 fr.
- — Eclairage : 26,500 fr.
- L’état de développement du budget nous apprend qu’il y a sur ce compte pour 11,000 francs d’huile, et 7,000 francs d’allumettes et bougies.
- 7,000 francs de bougies à un franc le paquet ce'a donne 7,000 paquets de bougies, chaque paquet contenant huit bougies, on arrive au total de 56,000 bougies par an ; soit 155 bougies et demie par jour. On doit évidemment voir clair dans cette maison.
- Ou bien on donne des bougies, en cadeaux, aux ambassadeurs étrangers.
- postes et télégraphès. — Chauffage » »»
- — Eclairage » »»
- Le projet de budget établi par M. Cochery est naturellement sobre de détails : il se contente de dire : total pour les deux ’ ici es 70,000 francs, auxquels il faut ajouter 20,000 fr.
- pour les bureaux de la Caisse nationale d’épargne, qui sont distincts.
- agriculture.—Chauffage : 20,000 fr.
- — Eclairage : 9,500 fr.
- Ce qui donne une moyenne de 133 fr. de chauffage par personne employée au ministère.
- commerce.— Chauffage : 12,000 fr.
- — Eclairage : 5,000 fr.
- Il doit faire chaud dans la petite maison du quai d'Orsay, et les lumières ne doivent point y manquer.
- trayaux publics. — Chauffage : 29,500 fr.
- — Eclairage : 10,900 fr.
- Dans ces sommes ne sont pas comprises celles qui sont affectées à la direction des chemins de fer de l’Etat dont le bud> get est distinct.
- instr. publique. — Chauffage : 30,000 lr.
- — Eclairage : 13,000 fr.
- Pourquoi le chauffage de chaque employé ne coûte-t-il que 108 fr. 50 tandis qu’il coûte 133 fr. à l’Agriculture.
- guerre. — Chauffage : 56,500 fr.
- — Eclairage ; 30,500 fr.
- Il n’y a que l’intérieur qui soit plus chèrement éclairé que la Guerre. La différence de 7,500 francs entre ces deux ministères doit venir évidemment de ce qu’au ministère de la guerre on brûle de la chandelle en même temps que des bougies.
- marine et col. — Chauffage : 40,000 fr.
- — Eclairage : 30,500 fr.
- Dans ce ministère les employés doivent être admirablement chauffés, peut-être même surchauffés, car on dépense pour chacun d’eux 185 fr. par an. Nous voilà loin des 108 francs de l’instruction publique et même des 133 francs de l’agriculture.
- Pour apprécier ces dépenses, il ne faut pas oublier que les employés des ministères travaillent, — pardon ! sont présents, — au bureau seulement six jours par semaine, quand il n’y a pas de fêtes carillonnées. Ils ont même en général, un mois de vacances chaque année.
- De plus, ils viennent vers neuf heures du matin et s en vont vers cinq heures du soir, et il n’est pas très-accoutumé, en France, entre ces deux heures là, de brûler beaucoup de bougies ou de chandelles.
- & LOUIS LUC1PIA.
- Bibliographie
- Papa ’ s own girlle roman américain de Madame Marie Howland, dont la traduction est en vente a la librairie du Familistère (3f 50) sous le titre : La fille de son père, vient de paraître à New-York, en deuxième édition.
- Nous en détachons la jolie préface suivante due à Madame Marie Howland :
- « La première édition de « La fille de son pere 8 parut il y a dix ans. La bibliothèque publique ® Boston refusa le livre sous prétexte d’immoralite-Ce fut tout d’abord incompréhensible pour moi,ca.T
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- j’avais animé chaque page de mes meilleures inspirations et du plus sincère amour pour le progrès de mes contemporains. Quelques autres bibliothèques se montrèrent aussi mal disposées contre l’ouvrage.
- a Je le demandai moi-même une fois à la bibliothèque des artisans de Philadelphie. On me répondit que le livre était dans la collection, mais que je ne pourrais le voir sans un ordre du chef de l’établissement. « Ce doit être un très précieux ouvrage, » dis-je, « puisque vous faites tant de difficultés pour le procurer ? Oh ! non, « me répliqua-t-on, « ce n’est pas cela ; mais les doctrines en sont corruptrices. » Je me tins pour satisfaite et sortis sans révéler qu’étant l’auteur de l’ouvrage je ne pouvais être corrompue par ses doctrines.
- « La fille de son père », traduit en français est aujourd’hui en vente à la librairie du Palais social de Guise. Cet honneur fait à l’ouvrage par M. Godin, le fondateur même du Familistère, peut bien me consoler de son rejet par quelque bibliothécaire à l’esprit étroit.
- « Le vrai mot de l’opposition faite à « Papa ’ s own girl » est que ce roman dévoile impitoyablement les folies et les crimes de la société. D’accord avec les doctrines du Maître d’il y a plus de dix-huit siècles, il montre clairement que la richesse a des devoirs envers les déshérités de la terre, devoirs dont elle n’est point déchargée en payant simplement des salaires ou en pratiquant l’aumône. Quel est ce devoir ? La réponse est donnée par l’exemple du héros de l’histoire, Von Frauenstein.
- « J’ai reçu des lettres de nombreuses parties des Etats demandant si Oakdale, le berceau du Palais social, existait réellement quelque part, ou s’il était une pure fiction ? A ceux qui voudraient renouveler cette question je réponds à l’avance, que le Palais social de l'histoire est dans toute sa partie essentielle, modelé d’après le Familistère de Guise, en France.
- « Depuis plus de vingt ans, M. Godin a établi son œuvre immortelle, solution pratique de la question tant controversée du capital et du travail. Et dès les débuts, quand la nombreuse population n’avait pas encore légalement d’intérêts propres dans l’entreprise, jusque maintenant où les travailleur s, sont associés au Fondateur, l’œuvre a été un succès signalé pécuniairement et socialement.
- Les quatre cents enfants actuellement élevés dans les belles écoles du Familistère, quoique pour L plupart nés de parents pauvres, n’ont jamais connu les privations de la misère, la crainte de désastres en cas de maladie ou d’autres infortunes ; ils n’ont jamais subi l’influence délétère des logis wsalubres et incommodes ; leurs jeunes yeux ont touj ours vu devant eux les larges espaces, les belles cours, les jardins, les parcs aménagés pour les satisfactions et le bien-être de tous. C’est parmi ces e eues du Familistère que le monde doit chercher
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- ses futurs guides dans l’œuvre de la rédemption sociale. »
- Ceux de nos lecteurs qui sont familiarisés avec la langue anglaise auraient certainement le plus vif plaisir à lire Papa ’ s own girl dans toute sa grâce, sa vivacité et son originalité intraduisibles.
- LA FEMME EN AUTRICHE^
- PAR JOHANNA LEITENBERGER.
- L’Autriche-Hongrie est un Etat composé de tant de peuples de langues différentes, qu’il est très difficile de rendre compte des faits dans cette agglomération étendue et variée.
- La fameuse remarque du Prince de Gortchakoff : « l’Autriche n’est pas un Etat, mais un gouvernement » n’est peut-être pas tout à fait loin de la vérité. Les diverses races de l’empire sont groupées autour du vieil élément germain qui tient à beaucoup d’égards la tête de la civilisation et du progrès. Cette esquisse s’occupera donc principalement des femmes allemandes de l’Autriche, car les femmes des autres parties et spécialement les Hongroises suivent l’impulsion de leurs sœurs allemandes dans tous les mouvements pour l’amélioration de la condition teminine.
- Cette prépondérance de l’influence teutonique dans notre société, résulte surtout de ce fait : La position de notre sexe dans l’Etat et dans la famille et la conduite du Gouvernement par rapport à nos intérêts et à nos droits, sont les mêmes dans l’empire autrichien que dans l’empire germain.
- En Autriche, le mouvement féminin eut deux phases : la phase économique, la phase éducationnelle. Cette dernière provoqua une étonnante opposition surtout parmi les hommes. Ils combattirent par tous les arguments possibles la proposition d’instruire les femmes et de les dresser à des fonctions jusque-là monopolisées par les hommes. De savants professeurs n’hésitèrent pas à affirmer l'infériorité intellectuelle des femmes et à discourir sur le poids et la qualité des cerveaux féminins.
- Malgré cette résistance, de grands progrès sont accomplis aujourd’hui dans l’enseignement industriel et professionnel des femmes ; des institutions pour préparer les jeunes filles aux emplois actifs surgissent de toutes parts. Au premier rang s’élève la Société industrielle des femmes, fondée à Vienne en 1866, et qui croît chaque année en utilité et en importance. En 1874, la Société ouvrit une école et des ateliers pour l’enseignement professionnel des femmes ; elle y ajouta bientôt des écoles de dessin, des ateliers de peinture, etc ... Une classe de passementerie est contiguë à l’école et les enfants des pauvres dentellières d’Erzgebirge, Bohème, y sont instruits gratuitement.
- Mais le but de la Société n’est pas simplement l’éducation de la main ; elle voudrait développer également l’intelligence des élèves. Aussi a-t-elle établi une école commerciale, où l’on enseigne l’anglais et le français.
- Pendant l’hiver, des cours sur divers sujets scientifiques ou artistiques sont organisés par les soins de professeurs érudits et compétents. Depuis quelques années plus de mille femmes ont joui des privilèges de cette admirable institution,
- (1) Extrait du livre de M. Stautou : The womau question in Europe.
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- dont Mm8 Jeannette Von Eitelberger est la présidente.
- Beaucoup d’autres grandes villes de l’Empire possèdent des sociétés similaires.
- L’Etat participe à cette bonne œuvre et honore les amis du mouvement. En 1875, par exemple, le gouvernement fonda à Salzbourg une école de commerce où les femmes peuvent étudier certains arts appliqués à l’Industrie.
- L’ordre de mérite a été envoyé à Mme Jeannette Von Eitelberger, à Mme Emilie Bach directrice de l’école viennoise de broderie et à Mm® Johanna Bischiz, présidente de la société des femmes unies de Buda-Pesth.
- Concernant l’éducation générale des femmes, de grands progrès ont été accomplis depuis dix ans, spécialement en Autriche. Les écoles publiques et privées pour les jeunes filles sont notablement améliorées. Les écoles normales pour former des institutrices sont remarquables dans beaucoup de cités autrichiennes, mais elles ont formé un si grand nombre d’élèves en quelques années que beaucoup de jeunes maîtresses, après de longs mois d’attente, sont finalement obligées de chercher un emploi privé dans les familles.
- La Hongrie présente aussi beaucoup de signes de progrès. Le pays possède près de quatre cents institutions dont le but est l’amélioration de la condition des femmes.
- Une institutrice du sud de la Hongrie m’écrit: «Ici, le mouvement des femmes est en avance, spécialement en ce qui concerne les travaux industriels. Pre^bourg, par exemple, a une société pour encourager l’emploi des femmes. Beaucoup de jeunes filles de bonne famille se font recevoir institutrices quoiqu’il y ait surabondance dans cette profession, à cause du récent envahissement de nos salles d’école par des sœurs catholiques. Ces religieuses ont pris possession des écoles de filles et des écoles maternelles dans toutes les villes et cités importantes du sud de la Hongrie. Les femmes trouvent aussi des emplois dans les postes et télégraphes et autres services du gouvernement. »
- En approchant de l’Autriche méridionale, on rencontre un grand nombre d’institutions pour les femmes. Par exemple à Laybach, enCarniole, non-seulement les femmes sont employées dans le service des postes et télégraphes mais elles forment elles-mêmes des élèves pour remplir ces fonctions.
- Une nouvelle loi a malheureusement prohibé pour l’avenir l’admission des femmes à cette carrière. La raison donnée pour cet injuste changement est que les hommes se plaignaient de ce que les femmes travaillaient pour de trop faibles salaires.
- A Trieste, une école normale a été récemment convertie en lycée de filles ; Geïtz, Piume et autres cités du Sud possèdent des écoles primaires de filles ; mais les institutions de plus haut grade pour l’instruction îles femmes n’existent pas dans les contrées maritimes ni en Dalmatie,
- La société des Institutrices et gouvernantes autrichiennes fondée en 1870, prend soin des intérêts intellectuels et matériels de ses membres. Ses travaux peuvent être classés en trois catégories : 1“ Ecole normale et enseignement scientifique. Divulgation des idées rationnelles sur l’éducation féminine. 3* Secours aux membres .nécessiteux.
- Beaucoup de sociétés charitables à l’adresse des femmes sont fondées à Vienne et dans les autres villes d’Autriche. Signalons parmi celles de Vienne les suivantes ;
- Société pour la subsistance des veuves et orphelins de musiciens ;
- Asile pour les femmes sans abri ;
- Société de secours pour élever et instruire de jeunes filles juives en vue du commerce ;
- Asile pour les filles orphelines des officiers du gouvernement ;
- Asile pour les femmes et filles pauvres et sans soutien ;
- Société des maîtresses de maison ;
- Société fondée sous le patronage de l’archiduchesse Gisèle fille aînée de l’Empereur, en vue de doter les filles pauvres en âge d’être mariées ;
- Société charitable des femmes de Vienne qui a amené la création d’institutions similaires dans beaucoup d’autres endroits ;
- Société Rudolphe qui a fondé une école pour l’enseignement des femmes gardes-malades. Ses étudiantes furent admises à la clinique du célèbre professeur de chirurgie Billroth.
- Parmi les femmes ayant prouvé que la puissance intellectuelle est indépendante du sexe, citons les suivantes :
- Miss Rosa Welt, de Vienne, célèbre par ses connaissances en ophthal mie ;
- Mrac Kerchbaumer de Salzburg, notée pour ses connaissances en médecine ;
- Mme Camilia Buzieka, orientaliste de premier ordre ;
- Miss Sophie Von Tonna antiquaire distinguée ;
- Miss Amalie Thilo, au premier rang des professeurs en pédagogie ;
- Miss Suzanna Rubinstein dont les travaux philosophiques sont connus à l’intérieur et à l’étranger, etc., etc.,
- Quant aux actrices et cantatrie es célèbres, elles sont si nombreuses en Autriche-Hongrie que nous ne pouvons les énumérer ici.
- En dehors du théâtre, beaucoup de femmes se consacrent à la musique vocale et instrumentale. Ce goût est grandement encouragé par les nombreuses sociétés musicales disséminées dans le pays. Les femmes préfèrent généralement le piano, mais la harpe, le violon et l’harmonium ont leurs partisans.
- Le nombre des compositeurs féminins est encore petit.
- En peinture, les femmes ont fait de grands progrès depuis quelques années, l'ait devenu évident aux expositions d’art, qui ont eu lieu en différentes parties du pays.
- Il y a très peu de femmes sculpteurs.
- Beaucoup de femmes se consacrent à la littérature scientifique et aux belles-lettres.
- Plusieurs journaux sont consacrés au mouvement des femmes en Autriche.
- Les 9, 10, et 11 Octobre 1872, le troisième congrès des femmes allemandes fut tenu à Vienne sous les auspices de la société générale pour l’enseignemen t populaire et l’amélioration de la condition des Femmes.
- Les deux précédents congrès avaient eu .lieu à Leipsick et à Stuttgard.
- Des discours furent prononcés concernant les divers intérêts des femmes par des dames de Vienne, de Hongrie, de Bohème et de Styrie. La convention décida de pétitionner pour obtenir certaines réformes, entre autres l’égalité des salaires pour les mêmes travaux entre les hommes et les femmes.
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- Les actes du congrès produisirent la plus favorable impression sur l’auditoire recruté parm' les meilleures classes de la ovulation. Mais les journaux de Vienne ridiculisèrent ce mouvement, les partisans de la cause se refroidirent et toute trace fut bientôt perdue de cette première et dernière Convention p0Ur les droits des femmes, en Autriche.
- La position légale des femmes ne diffère pas essentiellement en Autriche de ce qu’elle est généralement chez les nations teutoniques et latines. Les femmes y sont subordonnées aux hommes. Une femme noble perd son titre si elle se marie avec un bourgeois et les enfants ne peuvent hériter delanoblesse.de la mère. Si une femme vit cinq ans hors de son pays, sans permission officielle, elle devient étrangère. La femme mariée a le droit de voter, mais par l’intermédiaire de son mari ; la veuve et la femme célibataire peuvent déléguer un homme pour les représenter aux élections.
- En résumé, le besoin le plus pressant est d’assurer promptement un salaire rémunérateur pour la main-d’œuvre des femmes.
- M. J. H. Von Kirchmann, l’auteur distingué d’un ouvrage publié, récemment : « Questions et dangers de l'heure présente, » consacre une partie de son volume aux « Femmes du Passé et de l’Avenir. » Il montre que le sexe féminin s’élève graduellement à la liberté et prédit la venue du jour où les femmes obtiendront leur complète indépendance et concourront avec les hommes dans toutes les occupations de la vie, sans en excepter la politique.
- Les femmes instruites montrent un grand intérêt pour cette question, mais le sexe féminin en général n’y a jamais pensé.
- Les peuples germains, hongrois, slaves et italiens qui composent l’empire ne pensent pas tous de même façon et ne travaillent pas à l’unisson. Ainsi le manque d’intérêt de la grande masse de nos femmes et le défaut d’unité nationale dans l’Empire sont d’immenses obstacles au triomphe de notre mouvement. Néanmoins, je suis convaincue que le jour viendra où ces races diverses uniront leurs efforts pour l’amélioration générale du sort des femmes, bien que les voies et moyens pour atteindre ce but puissent varier, dans chaque race, suivant les différences de qualités et de caractères de chacune d’elles.
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- Le Familistère à la Chambre
- M. Clovis Hugues, à l’occasion de son in terpellation sur les agissements des agents provocateurs, a rappelé qu’unagentdeM. Andrieux avait vainement tenté d’entrai-uer M. Deynaud attaché aujourd’hui comme publiciste au Familistère de Guise....
- A ce mot de Familistère de Guise, les satisfaits du centre cnt laissé paraître leur étonnement et leur colère comme si l’orateur avait évoqué une puissance prête à lire daus le fond de leurs consciences ; l’Extrême-Gauche, de son e^fé, a répondu par des approbations et des applaudisse-sements.
- M. Clovis Hugues, indigné de l’attitude des trembleurs du centre, s’est écrié :
- « Mais cela existe, messieurs ! et je ne suis pas fâché * de saisir cette occasion pour saluer dans le Familistère
- « de Guise la réalisation de quelque chose d’irréalisable « que vous appelez utopie dans cette Chambre, et j’en-» voie au Familistère réalisé les applaudissements de ceux » qui savent apprécier l’œuvre admirable de M. Godin. » ( Applaudissements sur plusieurs bancs de VExtrême-gauche. )
- Il était difficile de répondre d’une manière plus juste et plus convenable. Et c’était bien à la nature loyale, généreuse, de M. Hugues qu’il convenait de proclamer sans réserve, au milieu des représentants des intérêts égoïstes, que l’œuvre du Familistère mérite toute l’admiration des
- hommes doués de l’amour du bien public.
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- LES PROGRAMMES ÉLECTORAUX
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- Conserver intact le principe de la souveraineté nationale, donner au gouvernement un budget selon ses besoins, procurer au peuple les bienfaits de la paix sont certainement les devoirs fondamentaux d’un Etat républicain.
- Après cela, il faut mettre chaque individu en possession des mêmes garanties, sous peine de consacrer le principe des privilèges.
- L’indépendance individuelle et la sécurité de chaque citoyen ne doivent pas rester livrées sans défense aux multiples accidents de la fragilité humaine.
- L’individu, comme l’Etat, ne sera libre et ne fonctionnera avec la plénitude de ses facultés, s’il ne jouit d’une sécurité solidement garantie.
- L’individu, livré aux tourments de la crainte du lendemain pour lui et les siens, perd la plus grande partie de sa valeur personnelle ; ces inquiétudes le rendent impuissant, souvent au détriment du bonheur général.
- Dans l’Etat républicain, le citoyen doit être protégé contre la fragilité de l’enfance, contre l’ignorance, contre les accidents, les maladies et la vieillesse ; il n’y a pas de sécurité et de tranquilité d’esprit pour l’homme certain de ne pouvoir échapper à aucune de ces atteintes.
- L’énoncé des garanties indispensables peut se résumer en ces quelques mots : la société doit à chacun de ses membres le nécessaire à la subsistance.
- Nous désignons sous le nom de Mutualité Nationale l’ensemble des institutions destinées à donner une sanction matérielle au droit à la vie, droit que l’on ne peut contester à aucun être humain sans le mettre dans le cas de légitime défense contre une société marâtre.
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- La fondation de ces institutions présente des obstacles très nombreux et difficiles à surmonter; mais, théoriquement, ils disparaissent tous devant ce fait que les sociétés possèdent les moyens incontestables de multiplier la production selon les exigences des institutions garantistes.
- Lorsqu’on réfléchit à cette puissance de production toujours croissante,qu’aucune autre société humaine n’a possédée avant notre époque, il n’est plus possible de classer parmi les généreuses utopies les projets de garantir à tous les citoyens le nécessaire au minimum de subsistance. Il n’y a plus qu’à s’inquiéter de rechercher le fonctionnement le plus économique et à préparer les procédés de transition.
- Il est facile de concevoir les divisions administratives de la Mutualité Nationale ; l’énumération des services qu’elle doit rendre indique les bases de son organisation.
- Etant la sanction matérielle du droit à la vie, la Mutualité Nationale doit garantira tous les citoyens un minimum de subsistance.
- En ce qui concerne l’enfant, le minimum de subsistance matérielle serait insuffisant, si on ne s’inquiétait de lui donner la vie intellectuelle et morale, sans autre mesure que ses facultés d’ab-sorbtion. L’instruction théorique et professionnelle et l’éducation morale ne sauraient être données à l’enfant avec trop de profusion, au fils du pauvre avec autant de soin qu’au fils du plus riche; restreindre l’éducation de l’enfant est vouloir retarder le développement des sociétés.
- Au nom de l’intérêt social, l’instruction doit-être obligatoire ; cette obligation ne peut être imposée, si l’Etat ne supporte les frais de l’enseignement proprement dit et s’il ne prend à sa charge l’entretien des enfants que les parents malheureux ou démoralisés ne peuvent ou ne veulent soigner convenablement.
- « La question de l’enfance, envisagée dans son ensemble ne peut donner lieu,dans les programmes électoraux sincèrement républicains, à une .réclamation moindre que l’obligation, la gratuité et l’entretien par la société des enfants pauvres pendant la durée de leur instruction intellectuelle et de leur apprentissage professionnel.
- L’adulte est exposé à des accidents, à des maladies que la prévoyance individuelle ne peut ou ne sait atténuer le plus souvent par des précautions préventives ; l’individu ne doit pas être victime de cette impuissance; on ne doit pas non plus le vouer à une noire misère parce qu’il n’aura pas compris
- les conditions réelles de la vie humaine.
- Ils convient d’habituer les citoyens à cette prévoyance, même de les y contraindre dans une certaine limite. Les services de la Mutualité visant les maladies et les accidents des adultes doivent,autant que possible, faire participer chacun pendant sa vie aux charges de cette institution; les ressources sociales sont cependant nécessaires , lorsque dans les cas d’assistance des adultes les prélèvements sur les individus ne peuvent équilibrer les risques. Cette assurance peut tirer des ressources considérables de faiffes prélèvements de 1 à 3 OjO sur les salaires, que l’Etat pourrait encaisser presque sans frais en imposant aux patrons de faire une retenue proportionnelle sur les salaires des ouvriers occupés par eux, sous l’obligation d’en verser lés produits directement aux caisses de cette institution.
- La situation des vieux travailleurs mérite toute la sollicitude des législateurs. La société n’a pas le droit de se désintéresser du sort de ses membres devenus vieux après de pénibles années de travail. L’abandon du vieillard qui a usé ses forces à l’édification du progrès est un outragea la morale publique. Les électeurs soucieux de l’avenir inscriront dans le mandat de leurs députés l’obligation de s’occuper de la création d’une caisse de retraite pour les vieillards.
- Dans les lignes qui précèdent nous nous sommes abstenus d’indiquer les moyens financiers propres à alimenter les institutions de la Mutualité Nationale. Nous avons dit bien souvent,etnous le répéterons aussi longtemps que cela sera nécessaire,jusqu’à ce que nous ayons fait pénétrer l’idée dans les volontés des citoyens, que l’Hérédité de l’Etat, les cotisations individuelles, la participation aux bénéfices ôtaient des sources plus que suffisantes pour doter la Mutualité Nationale. Nous n’avons pas modifié notre manière de voir ; mais, nous le rappelons, nous avons dit, au début de nos articles « Les Programmes électoraux » que nous voulions faire œuvre immédiatement pratique, réduire le plus possible nos projets de réformes, pourvu que leur principe ne soit pas atteint. Persuadé que les électeurs ni les candidats ne connaissent suffisamment les enseignements de la sociologie, nous ne pouvons faire moins que demander l’inscription, dans les programmes, du principe même de la Mutualité Nationale.
- L’éducation de l’enfance, l’assistance des faibles correspondent à des sentiments communs à la majorité des électeurs et des candidats. Nous leur demandons d’avoir le courage d’avouer publiquemen
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- *les élans de leur conscience. Nous ne leur disons pas de résoudre la question ; nous les adjurons de déclarer qu’ils sont décidés à étudier ces réformes nécessaires. Nous attendons tout de l’étude, de la discussion, de la bonne foi ; mais faut-il que l’on consente à laisser paraître les bons sentiments, à donner la parole à la raison, à la conscience.
- Il suffirait pour cela d’inscrire dans les programmes électoraux, sous le titre général de Protection sociale, une clause dans le genre de la suivante :
- Protection Sociale.
- Enseignement: gratuit, obligatoire', entretien par la société des enfants pauvres.
- Mutualité Nationale. Les électeurs déclarent, que la société doit à tous les citoyens le minimum de subsistance, les secours et les soins aux malades et aux victimes des accidents, des pensions de retraite aux vieillards.
- Les candidats s’engagent à se grouper avec leurs collègues résolus à étudier cette question, à donner leur concours à toute tentative de chercher et de propager les projets visant la fondation de ces institutions.
- Faits politiques et sociaux
- IDE LA SEMAINE
- FRANCE
- La mise en accusation.—Les débats de la commission de mise en accusation font ressortir la responsabilité du précédent ministère et la faiblesse du corps parlementaire ncapable de se débarrasser, avant un complet désastre, d’un ministère conduisant le pays aux abîmes et ne tenant aucun compte delà constitution.M. Rivière vient de donner de récentes explications devant la commission d’enquête, qui ne laissent aucun doute sur la criminelle conduite des ministres,
- Il a fait ressortir la contradiction qui existait entre les discours prononcés par M. Jules Ferry et la réalité : ainsi, le 20 décembre, au Sénat, le gouvernement traitait, comme on sait, la Chine de « quantité négligeable », alors que le 17, — trois jours auparavant, — il avait reçu de Pékin un « ultimatum» dans lequel il était dit que la Chine repousserait la force parla force.
- M. Rivière a ensuite démontré que la Constitution avait été violée par M. Jules Ferry. 11 a rappelé la question faite par M. Ribot, membre delà Commission des crédits pour le Tonkin, le i7 décembre 18S3 : « Si vous changez le terrain de l’expédition, demanderez-vous au Parlement l’autorisation de faire la guerre ? » M. Rivière a rappelé aussi la réponse de M. Jules Ferry : « Dans ce cas, je ferai une déclaration de guerre en forme ». Or, M. Jules Ferry a manqué à ses engagements : donc, la Constitution a été violée.
- Entrant dans des explications détaillées sur l’affaire de Lang-Son, M. Rivière a cité les déclarations du Ministre delà Guerre en 1883 : ce Ministre disait qu’il ne voulait pas faire sortir le corps expéditionnaire du Delta du Fleuve-Rouge, qu’il n’accorderait plus aucun renfort pour ne point compromettre le plan de mobilisation de notre armée et qu’il ferait plutôt rentrer les troupes que d’accorder encore un homme.
- En 1884, le général Millot, alors commandant en chef du corps expéditionnaire, présentait au gouvernement l’impossibilité d’aller à Lang-Son : le ravitaillement ne pourra se faire affirmait-il.
- L’opinion du général Négrier était la même, et M. Jules Ferry a, d’ailleurs, lu à la Commission des crédits jour le Tonkin, une lettre de cet officier où il était dit que 6,000 soldats français et 4,000 annamites suffisaient pour occuper le Delta du Fleuve-Ronge, mais qu’il ne fallait pas marcher sur Lang-Son.
- Enfin, M. Rivière a rappelé la réponse du général Campe-non, ministre de la guerre, quand on lui demandait : — « Qu’objecterez-vous si la Chambre vous accorde tout ce que vous pourrez demander en fait de soldats ?» — « Je neveux pas désorganiser l’armée, répondit le général Campenon, et j’abandonnerai mon portefeuille plutôt que de consentir à de nouveaux envois d’hommes . » En effet, quelques jours plus tard, le général Campenon se retirait.
- M. Rivière conclut en ces termes :
- « Ainsi, ni les généraux commandant au Tonkin ni le ministre de la Guerre ne voulaient aller à Lang-Son. Et l’ordre d’y aller a été donné, cependant. Il l’a été par M. Jules Ferry. Voilà son crime, et un tel crime mérite un châtiment. La demande de mise en accusation doit donc être prise en considération. »
- Le comité radical du Havre. — Le comité républicain de l’arrondissement du Havre vient de faire publier le programme que devront signer les candidats recommandés au suffrage universel par les membres de ce groupe.
- Voici l’énoncé des réformes urgentes réclamées par les radicaux du Hâvre.
- 1° Modification complète de notre système d’impôts. — Suppression graduelle des taxes d’octroi. — Etablissement d'une tax^i unique et progressive.— Dégrèvement delà propriété agricole ;
- 2° Etabl’ssement pour les transports par les chemins de fer de tarifs à bases kilométriques, avec taxe décroissante suivant la distance. — Révision de tous les tarifs spéciaux contraires à ce principe ;
- 3° Réduction du service militaire à trois ans. — Suppression du volontariat.— Obligation pour tous, sans exception,de servir son pays ;
- 4° Réduction des gros traitements. — Suppression des emplois inutiles, notamment des sous-préfets, des trésoriers-payeurs généraux et particuliers, de l’ambassade auprès du Vatican ;
- 5° Instruction secondaire gratuite.— Extension de l’enseignement professionnel ;
- 6° Révision du code de commerce, notamment en ce qui concerne les sociétés, les faillites et la marine marchande ;
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- LE DEVOIR
- 7° Révision dans un sens plus libéral de la loi sur les chambres syndicales. — Faculté aux syndicats de se fédérer ;
- 8“ Liberté absolue de réunion et d’association ;
- 9J Protection légale des ouvriers et employés des grandes compagnies ;
- 10° Révision de la loi sur le monopole de certaines compagnies et de la loi sur les concessions de mines ;
- 11° Etablissement de caisses de retraites pour les invalides de l’industrie et de l’agriculture ;
- 12° Réglementation du travail dans les prisons, de façon à ce qu’il ne préjudicie en rien aux classes ouvrières, à l’industrie et à l’agriculture ;
- 13° Révision intégrale de la Constitution, par une assemblée spécialement élue à cet effet, — afin d’éviter toute interruption du travail parlementaire ;
- 14° Autonomie communale compatible avec l’unité française ;
- 159 Réforme judiciaire.— Election des magistrats avec certaines conditions à l’éligibilité. — Extension de la juridiction du jury. — Renvoi au jury de tous les délits commis en matière politique ou par la voie de la presse. — Révision de la législation sur les successions.— Extension de la compétence des juges de paix.— Réduction des frais judiciaires ;
- 16° Dénonciation du Concordat. — Suppression du budget des cultes—Retour au clergé du droit commun. — Faculté aux communes de payer leurs curés. — Abolition du monopole des pompes funèbres ;
- 17° Interdiction du cumul des fonctions publiques, électives ou non. — Incompatibilité entre les fonctions de député ou de sénateur et celles de directeur ou d’administrateur d’un établissement financier quelconque, public ou privé.
- Statistique industrielle.— Le ministre du commerce vient d’adresser aux préfets, avec l’oidre de la communiquer aux chambres de commerce, aux chambres syndicales et aux différents, corps constitués, une circulaire dont nous reproduisons les principaux passages.
- Après avoir prescrit l’envoi trimestriel d’états contenant sur l’industrie de chaque région des détails plus complets que ceux que comportaient les documents analogues établis jusqu’à ce jour, le ministre ajoute :
- « A ces états trimestriels je vous prie d’annoncer un rapport sur la situation générale de l’industrie dans votre département. Pour la rédaction de ce travail,vous pourrez recueillir des renseignements auprès des chambres syndicales de patrons ou d’ouvriers. Ce rapport devra s’étendre, autant que possible, sur les causes qui ont pu amener des modifications dans la fabrication et dans l’écoulement des produits fabriqués.
- » Vous aurez principalement à envisager les points suivants : concurrence étrangère soit sur les marchés français, soit sur les marchés des autres pays ; moyens de transport plus ou moins économiques ; écoulement plus ou moins facile des produits; prix de la main-d’œuvre, grèves, chômages, vœux des industriels et réclamations des populations ouvrières ; perturbations occasionnées par les faillites des établissements financiers ou industriels; relations entre patrons et ouvriers ; abaissement ou relèvement des salaires.
- » Je désire, en outre, recevoir régulièrement les tarifs et
- séries de prix qui auraient été établis dans votre département^ soit par les municipalités, soit par les chambres syndicales ou autres associations. »
- La circulaire ministérielle indique ensuite la forme dans laquelle les différents renseignements demandés devront être présentés.
- Quelque interprétation que l’on puisse faire de ce document, il n’aurait pas été rédigé,si l’on ne pensait en haut lieu que l’industrie n’est plus maîtresse de son action ; toutes les enquêtesde ce genre seront sans effet, si l’on persiste a ne pas comprendre que l’industrie contemporaine a des proportions trop colossales pour continuer à se mouvoir sans danger en dehors des règles de l’organisation du travail.
- * *
- Emancipation de la femme. — Cinq femmes remplissent actuellement les fonctions d’internes dans les hôpitaux de Paris. Ce sont : Mlles Choppin, Dubois, Blanche Edwaids, Sarrante, nées en France, et Mlle Klumpke, née en Amérique. Les quatre premières sont bachelières ès lettres et ès sciences, et remplissent toutes les conditions pour participer aux concours de l’internat.
- ITALIE
- La politique coloniale. — En dépit des démentis âüPopolo Romano, organe de M. Depretis, la Tribuna assure que l’Angleterre a fait des propositions sérieuses à l’Italie pour l’occupation de Souakim. Le Fascio délia Demo-ôrazia croit savoir qu’un corps de 20,000 hommes est prêt à partir pour le Soudan. Les ministres attendent le retour du roi, qui est à Naples, pour prendre une décision. On signale un échange de dépêches entre M. Nigra, ambassadeur italien à Londres, et M. Mancini.
- Si ces nouvelles sont exactes, il faut avouer que sa majesté italienne et ses ministres ont une singulière audace en ne tenant aucun compte des beaux résultats qu’une politique analogue a procuré à la France et à l’Angleterre.
- * *
- Les gondoliers de Venise. — Les hôteliers de Venise avaient organisé un service de gondoles-omnibus qui allaient prendre les voyageurs à la gare. Les gondoliers de la ville protestèrent contre la concurrence que leur faisaient les hôtels, et ceux-ci ne furent autorisés à transporter leur clientèle qu’à titre gratuit. Néanmoins, les gondoliers, armés de haches, ont fait dernièrement une tournée dans la ville, débarquant devant chaque hôtel et mettant en pièces les gondoles-omnibus. Après avoir terminé cette œuvre de destruction, des gondoliers sont allés manifester devant le palais municipal. Là ils ont été reçus par les carabiniers, et un grand nombre de manifestants ont été arrêtés et mis en prison.
- * *
- Phénomènes volcaniques. — Ces jours derniers, une crevasse considérable s’est produite dans la terre, prés d’Avigliana (Italie).
- Beaucoup de gens sont partis pour assister à ce spectacle qui est terrifiant.
- La profondeur de la crevasse est d’environ 150 mètres, et la terre tremble sous l’influence de violents courants souter-; rains.
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- LE DEVOIR
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- DANEMARCK
- Le mouvement des sociétés de tira pris ces derniers temps de telles proportions que le gouvernement a cru devoir rendre un décret interdisant provisoirement l’importation des armes à feu, montées ou démontées. Actuellement, toute personne se proposant d’importer des armes à feu doit en avertir la police, donner une description des armes et en indiquer la destination. Dans le cas où les autorités refusent leur autorisation, les armes doivent être renvoyées à l’expéditeur. Pour les exercices de tir, il faut également demander à l’administration une autorisation qui peut toujours être retirée. Toute contravention est punie de l’emprisonnement ou d’une am ende d’au moins.50 couronnes. Dans les cas graves, on appliquera les lois sur les séditions. Toute arme introduite en fraude sera confisquée un profit de l’Etat.
- On le voit, le roi Christian a peur de son peuple. Tout cela n’enpêchera pas la Révolution danoise d’éclater. La proclamation de la République dans ce pays est peut-être plus proche qu’on ne pense.
- ANGLETERRE
- Réforme électorale — La Chambre des communes vient de voter le projet de réforme électorale accordant l’électorat à deux millions de nouveaux électeurs; elle assimile les campagnes aux viles.
- Politique coloniale. — On parle sérieusement de l’évacuation du Soudan. L’idée est discutée dans les réunions des membres du gouvernement. La bonne leçon que le Madhi a infligée aux Anglais en Egypte semble les dégoûter de tenter de nouvelles aventures. Il est question de renoncer à l’arbitrage proposé concernant le conflit anglo-russe ; on abandonnerait l’Afghanistan aux convoitises de la Russie. C’est peut-être le meilleur moyen de de venir maître des instincts de conquête de la Russie ; une trop grosse proie a souvent causé la perte de plus d’un ravisseur.
- TRISTE CONTRASTE
- Les Anglais sont sauvages, barbares, égoïstes, tandis que les Allemands et les Russes ont toutes les vertus ; c’est entendu. Les Anglais ne se guident que par des considérations mercantiles, tandis que nous, par exemple, nous obéissons toujours aux idées les plus généreuses; c’est démontré. On peut, si l’on y tient, ajouter que l’Angleterre est un pays où l’on ne s’occupe jamais des pauvres et où les maris vendent communément leurs femmes au marché le plus voisin. Ces informations ont certainement leur valeur et ce n’est pas nous qui les discuterons.
- Seulement, il n’y a pas de règle sans exception et les exceptions sont, dit-on, la confirmation de la règle. Or, il se trouve que, dans ce même mois de floréal où le vote de la loi Waldeck-Rousseau par la Chambre vient d’assimiler les misérables aux assassins et du condamner les mendiants à la guillotine sèche, il se trouve qu’un ministre anglais, pris de folie sans doute, M. Chamberlain, a pro-
- noncé publiquement des paroles comme celles-ci :
- A entendre certaines gens, on croirait que notre société est vraiment le meilleur des mondes possibles. Je ne pense pas que l’optimisme de Candide soit en situation. La somme de richesse a augmenté dans des proportions qui dépassent toute prévision. Voilà un des côtés du tableau. Mais, parallèlement, il y a un million d’individus qui sont sur la limite extrême du paupérisme. Une classe entière, en cas de vieillesse ou ’de maladie, n’a d’autre perspective que le workhouse pour ne pas mourir de faim. L’usage du lait est un luxe que des milliers de familles ne connaissent pas. La croissance des enfants est entravée et leur intelligence atrophiée par le manque d’une alimentation appropriée à leurs organes.
- Puis, après avoir insisté sur d’autres misères,sur d’autres causes de dépravation qui pèsent sur une partie de la population, après avoir fait allusion à divers incidents qui ont mis en lumière l’exploi-talion effrénée des malheureux, le président du Boarcl of Trade a continué ainsi :
- Vienne une enquête, comme celle qu’a provoquée l’agitation de M. Plimsol (sur l’emploi volontaire de vaisseaux hors d’état de naviguer ) qui met au grand jour de terribles maux. On s’aperçoit alors que, depuis plusieurs générations, des classes entières de la population ont silencieusement subi les injustices et souffert de ces maux.
- Eh bien, quand je pense à ces choses, je dis qu’ils ne suffît pas dérailler l’enthousiasme des gens qui sentent leurs cœurs remués par la pitié et l’indignation en présence de tels maux, sous prétexte qu’ils ne sont pas assez savants pour ies guérir. Il ne suffit pas de traiter ces misères et ccs hontes comme les misérables accidents de la lutte pour l’existence. Il ne suffit pas de décourager toute bonne intention, toute tentative de réforme, et yuis de se poser devant le peuple sans proposer aucun remède. Non, croyez-moi, les gens qui souffrent etceux qui, sans souffrir eux-mêmes, sont en contact avec les souffrants, ne trouveront jamais que vous vous êtes acquittés de vos obligations en vous livrant à une vaine et stérile critique.
- Je vous demande donc de n’avoir pas peur des mots. Parce que certains ont pu abuser jadis de la doctrine des droits naturels, faut-il méconnaître le droit fondamental qui appartient à tout homme de pouvoir se faire, par son travail, une existence supportable ? Ne faut-il pas plutôt donner à ce droit naturel la consécration et l’autorité de la loi ?
- C’est un ministre de la reine Victoria qui tient ce généreux langage, dignement inspiré des nobles cœurs de France qui ont, en 1848, montré au monde un impérissable idéal de justice. Et, tandis que de l’autre côté du canal, la pitié ardente de Louis Blanc pour les déshérités de ce monde semble revivre chez un membre du gouvernement, chez nous, grâce à des défaillances successives, on trouve tout naturel de frapper de mort le mendiant ou le vagabond. Cela, en 1885 ; et: la loi sans nom est votée à cette même date du 12 mai où, il y a quarante-six ans, Barbés, Martin-Bernard et quelques amis héroïques arboraient, sur une barricade, le noble et fier drapeau de la République, c'est-à-dire de la justice éternelle !
- A. GAUL1ER.
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- LE DEVOIR
- Ecoles dii Familistère
- DEVOIR DE MORALE
- De l’aération
- « Tout pur lu vie et pour lu vie. »
- On donne le nom de modificateur en hygiène aux corps qui entourent l’homme et qui peuvent exercer une influence sur son corps.
- Il y a trois sortes de modificateurs: les modificateurs généraux, les modificateurs locaux et les modificateurs artificiels.
- Parmi les modificateurs généraux se trouve l’air.
- L’air est le principal agent de la vie ; c’est un corps qui enveloppe notre globe d’une couche d'environ 16 lieues d’épaisseur à laquelle on a donné le nom d’atmosphère.
- L’air agit sur les corps de deux manières :
- 1° Par sa pesanteur ;
- 2° Par sa composition chimique.
- L’air exerce une pression sur le corps de l’homme de 17,990 kgr. Il exerce une pression de haut en bas qui équivaut àune colonne mercurielle de Om76 centimètres de hauteur.
- On aurait peine à comprendre comment l’homme peut supporter un pareil fardeau si l’on ne savait qu’il y a des fluides dans son corps qui font équilibre.
- Si l’on vient à s’élever sur des montagnes d’une grande hauteur la pression diminue et la force d’expansion des fluides étant plus forte occasionne des désordres dans le corps de l’homme, On éprouve des malaises, des bourdonnements d’oreilles, des saignements de nez, d’yeux, etc. ;
- Si l’on s’élève plus haut avec, des aérostats dans l’atmosphère le manque d’air peut occasionner la mort.
- C’est ce qui arrive quelquefois aux aréonautes qui veulent aller trop haut.
- Au contraire, lorsqu’on va à l’aide d’appareils appelés scaphandres travailler au-dessous de l’eau il peut aussi arriver des accidents qui entraînent la mort.
- Ainsi à la construction du pont de Kehl sur le Rhin beaucoup d’ouvriers périrent à cause de l’air trop raréfié, et par là même vicié par l’acide carbonique, contenu dans leur appareil.
- Nous avons vu en chimie que l’air est un gaz qui se compose de 79 parties d’azote,de 21 parties 9 d’oxygène et d’environ 1 / 1000 d’acide carbonique et de vapeur d’eau.
- Pour que l’air soit respirable il faut absolument qu’il soit pur. Pour que l’air soit pur il faut qu’il ne soit pas mélangé aux émanations qui pourraient le vicier.
- Pour être bien aéré il faut avoir au moins 10me d’air par personne et par heure dans le logement.
- M. Godin a pris ici toutes les mesures nécessaires à une bonne aération ; car il ne faut pas croire que c’est par un simple caprice que M. Godin a fait construire le familistère où il est ! non ; ainsi le Familistère est éloigné de la ville et par conséquent ne subit pas les émanations quelle peut développer;
- il est situé à une certaine distance de l’usine et l’air ne peut se mélanger aux impuretés que dégage l’usine comme les poussières de charbon, la fumée, etc.; il est entouré d’arbres et d’arbustes qui non-seulement récréent l’œil, mais assainissent l’air ; il possède de larges et hautes fenêtres. Donc en un mot le Familistère réunit tous les moyens utiles à une bonne aération.
- Remercions donc M. Godin le fondateur de ce beau palais-social qui non-seulement a donné les équivalents de la richesse à ses ouvriers mais qui tous les jours s’occupe encore de leur bien-être afin de leur assurer un heureux séjour.
- BIENFAIT.
- L’aération.
- On appelle modificateur tout ce qui entoure le corps de l’homme et qui influe sur sa santé.
- Il y a trois sortes de modificateurs ; les modificateurs généraux, les modificateurs locaux et les modificateurs artificiels.
- L’air dont nous parlerons aujourd’hui est un des modificateurs généraux. L’air agit sur le corps de l’homme de deux manières différentes : 4° par sa pesanteur, 2° par sa composition chimique.
- L’homme ordinaire supporte une pression de 17990 kgr. d’air. On ne peut se faire une idée juste de ce poids considérable. — Il semblerait que sous ce poids nous devrions être écrasés, anéantis : mais il n’en est rien et nous ne paraissons gênés en aucune sorte dans nos mouvements. Les gaz qui sont à l’intérieur de notre corps font équilibre à l’air extérieur.
- L’air enveloppe la terre comme l’orange est enveloppée de son écorce à peu près dans les mêmes proportions. La hauteur de l’air atmosphérique est environ de 16 lieues ; une colonne de mercure de O, 16 lui fait équilibre.
- Plus on s'élève dans l’air, plus il. se raréfie. Voila pourquo lorsqu’on fait des ascensions de montagnes ou en aérostats dans les hautes régions de l’atmosphère, les voyageurs perdent le sang par leurs organes et finissent presque toujours par mourir.
- Les personnes habitant les montagnes sont pâles et sans vigueur, cette maladie très commune est appelée anémie.
- Si l’air trop dilaté est nuisible à la santé, l’air trop comprimé est nuisible aussi.
- Ce qui le prouve ce sont les cloches à plongeurs, appelées scaphandres, dans lesquelles on amasse une grande quantité d’air et qui permettent de travailler sous l’eau. Des accidents mortels se sont produits à la construction du pont de Kehl, sur le Rhin.
- L’air se compose de deux gaz, oxygène et azote, dont 79 parties d’oxygène et 21 parties d’azote.
- L’homme absorbe par jour 150 gr. d’oxigéne.
- L’air que l’on respire doit-être pur de tout ce qui pourrait le
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- LE DEVOIR
- ivier ; il faut éviter le voisinage des usines, le voisinage des villes d’où s’échappent en grande quantité l’acide carbonique et les émanations des substances en fermentation.
- Dans tous les endroits publics tels que les écoles, les théâtres, l'air pur se trouve mélangé à un autre gaz, l’acide carbonique, qui est celui que nous expirons.
- Il se trouve par malheur en trop grande abondance dans ces endroits, et quand une de ces salles est pleine si l’on avait soin de laisser quelques courants d’air, les personnes pourraient mourir empoisonnées par l’acide carbonique.
- Si nous introduisons dans une cloche remplie d’air un oiseau, il pourra vivre trois heures, quoique l’air pur contenu dans la cloche se soit changé en acide carbonique avant les 3 heures. Si au bout de deux heures nous introduisons un autre oiseau il mourra immédiatement, car il n’est pas habitué au poison comme le premier.
- Des accidents mortels se sont déjà produits. 300 prisonniers ayant été enfermés par l’ordre du vice-roi du Bengale, 260 furent trouvés morts dans la grotte et les autres rendaient le sang par leurs organes.
- La grotte du chien est encore une preuve que l’acide carbonique peut occasionner la mort ; si l’on y introduit un homme, il ne sent rien,son appareil respiratoire étant hors de l’acide carbonique ; mais si l’on y introduit un chien, il se tord bientôt dans des convulsions et si l’on n’avait soin de le retirer immédiatement, la mort s'en suivrait.
- On doit disposer de 10 m c d’air par heure et par personne.
- Comme modèle d habitation propre aune bonne aération, citons le Familistère ; il ne faudrait pas croire qu’il soit placé là simplement par hasard.
- Non, le fondateur l’a placé hors de la ville, assez loin de j’usine ; il est entouré de gazons, de bosquets d’arbres qui non seulement récréent la vue, mais sont utiles à la respiration.
- Rendons donc hommage à M. Godin qui s’est préoccupé de donner à l’ouvrier une habitation placée et construite selon les règles de l’hygiène.
- Héloïse POINT.
- Les falsifications de la bière. — Parmi les boissons alcooliques dont la consommation tend à prendre une grande extension, la bière, après le vin, occupe le premier rang. Dans beaucoup d’endroits on ne connait pas d’autre boisson alimentaire ; la mauvaise qualité du vin débité par certains restaurateurs parisiens fait qu’un grand nombre de consommateurs préfèrent boire de la bière à leurs repas.
- On sait que la bière se fabrique avec de l’orge et du houblon. L’orge destiné à la fabrication de la bière est au préalable malté, c’est-à-dire germé et séché sur des plaques de tôle percées de trous appelées tou railles ; il est ensuite broyé entre des meules, puis infusé dans de l’eau ayant subi déjà une ébullition. Le mélange du malt et de l’eau bouillie s’opère par le brassage ; puis il est clarifié et subit ensuite une cuisson de plusieurs heures.
- Les opérations de brassage et la cuisson doivent être l’objet
- d’un soin tout particulier. L’introduction du levain qui précède la mise en tonneaux ou en cuves de fermentation doit-être faite lorsque le liquide est descendu à une certaine température ; il faut, à cet effet, exercer une surveillance opportune sur les rafraîchissoirs et ne pas laisser trop refroidir leur contenu. Tous ces détails ont une grande importance.
- Il y a deux façons de faire fermenter la bière, la ferentation haute qui s’opère dans des tonneaux par le trou de bonde desquels s’échappent les résidus expulsés par la fermentation, et qui forment un produit connu sous le nom de levure de bière ; la fermentation basse, employée pour la fermentation des bières de mars ou bières de conserve, qui s’opère dans des cuves ; dans ce dernier cas, la levure descend et forme une couche sur le fond de la cuve. Ce dernier système est à peu prés exclusivement employé dans les brasseries du nord de la France. La fermentation haute dure, suivant la température, de cinq à huit jours après la fermentation de la bière ; la fermentation basse est deux fois plus longue. Un jour ou deux après la fermentation, la bière est mise en fûts et expédiée ; elle peut être livrée à la consommation après quatre ou cinq jours de repos dans les fûts.
- La qualité de la bière dépend non seulement de la bonté des produits dont elle est composée, mais encore des soins apportés à sa fabrication.
- L’orge et le houblon dervaient être les deux seules matières employées à la fabrication de la bière, mais ces deux végétaux sont chers et l’on a fréquemment recours à des succédanés moins coûteux. Voici la liste des matières généralement employées pour donner de l’amertume et du goût à la bière :
- Acide picrique, fiel de bœuf, aloès, trèfle d’eau, absinthe, coloquinte, gentiane, saule et salicine, coque du levant,cumin, cubèbe, piment, écorce de garou, charbon bénit, petite centaurée, noix vomique, strychnine, buis, écorce d’orange Oide citron, coriandre, genièvre, mousse d’Islande, glycérine, etc., etc.
- On vend, tout préparé, pour la fabrication de la bière, un mélange composé de 500 grammes de bicarbonate de sodium, 15 grammes de noix vomique et 400 grammes de cubèbe. L’énoncé des matières qui entrent dans cette mixture infecte suffira pour faire comprendre le danger quelle présente.
- On se demande où s’arrêtera l’imagination des falsificateurs de bière.
- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen
- Puy-de-Dôme. Mont-ferrand. — Burnichon Claude-Maiie, statues religieuses; — PontAnnet, serrurier;
- — Lageat Annet, serrurier ; — Berger, limonadier ; — Moussier, cordonnier; — Simonnet Camille, propriétaire: — Ravel, boulanger ; — Rochette, limonadier ;— Verdié Louis, boulanger; — Couche Jean, tailleur; — Brun Amable, propriétaire; — Servier Antoine, marchand de fromages; — Perrier Claude, ferblantier ; — Brun Jean, galochier; — Romabaud, propriétaire ; — Paul, propriétaire ; — Pont Joseph ; — Pont ; — Chardon François ; — Margeron Jean ;
- — Hébrard Pierre; —Romabaud Jean, propriétaire ; — Romabaud Michel, propriétaire ; — Pons Etienne ; — Ronaa-
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- LE DEVOIR
- baud Joseph ; — Therin Jules, employé; — Chardon Michel, expert-géomètre ; — Boyer Germain, ferblantier.
- Charente-Inférieure. Loir. — Mme Baudin du Ghiron.
- Meurthe-et-Moselle. Allamps. — Haillotte Joseph, verrier ; — Granditi Charles, cafetier ; — Haillotte Ernesr, verrier*; — Valtre H., propriétaire ; — Haillotte Jules, verrier.
- Toul.— Laharotte, comptable; — Jamis Victor, agent d’assurances.
- Meuse. Sepvigny. — Michel Jean, propriétaire ; — Fringant J.-Baptiste, propriétaire.
- Jezainville. — Thomas Edmond.
- Noviant-auœ-Prêles.— Attenot, agent d’assurances.
- Jura. La Chassagne. — Bruniaux Augustin, — Bru-niaux Louis, négociants ; — Lance François, — Emma Mon-nier, — Monnier Charles, meuniers ; — Vallet Hilaire, cultivateur; — Fusier Alexandre, — Marie Reine Trossat, tisserands ;— Eterlin Jules,— Fusier Virginie, propriétaires;
- — Barband Edouard, — Barband Léon, — Barband Elisée,
- — Barband Marie, —Barband Léonie,— Barband Elie, — Barband Gustave,— Jandot Désiré, cultivateurs; — Bacheley Jules, — Bacheley Pierre, propriétaires ; — Bacheley Claude, rentier ; — Fusier Arsène, propriétaire; —Billard Clémence, cultivatrice;— Fusier Philibert, — Henri Fusier,— Fusier Cyrille, — Fusier Victorine, Ve Bacheley, — François Fusier, propriétaires ; — Châteaux Placide, — Châteaux Hortense, — Bornier Jean-Pierre, —Aymée Hortense, — Châteaux Marie-Françoise, journaliers ; — Ganthey Claude, — Auguste Thi-bort, maréchaux; —Célinie Lagut, cultivatrice; — Bornier François, menuisier ; — Jean-Denis Perret, cultivateur ; — David Cthilie,, cultivatrice ; — Jandot Louis, — Marie Jandot, cultivateurs ; — Prost Charles, — Prost Alexandre, — Canet Claude, — Châteaux Grégoire, — Bacheley Florentin, cultivateurs; — Bacheley Benjamin, — Bon Marie, charrons;
- — Bacheley Etienne, — Lagut Elie, — Fusier Félix, cultivateurs; — Fusier Maria, — Modamey Marie, — Ponsot Oc-tavie, — Mélanie Geillon, — Marie Ponsot, cultivatrices ; — Claude Trossat, — Trossat Claude, fils, — Trossat Charles, charrons ; — Ponsot Xavier, — Lagut Edmond, — Lagut Anna, — Trossat Emilie, — Trossat Léonie, —- Lagut François, — Rameaux Léopold, — Rameaux François, — Châteaux Marie,— Lagut Jean-Pierre, — Lagut Jean-François, — Lagut François, cultivateurs ; — Lagut Léa, — Lagut Joséphine, cultivatrices; — Miconnet Elie, tisserand; Lagut Alphonse, — Alexandre Trossat, — Trossat Claude-Marie, — Trossat Anaïs, — Trossat Octavie, cultivateurs ;
- — Guerre Joseph, marchand ambulant ; — Octavie Sirot, cultivatrice; — Jules Roy, cultivateur; — Claude Roy, — Desgouilles Désiré, propriétaires ; — Pernot Amédée, — Claude-François Bacheley, — Brulebois Francis, — Anasta-sie Bacheley, — Jandot Léon, — Maria Jandot, — Marie Ponsot, — François Jandot,— Pernot Héli,— Lagut Héloïse,
- — Bacheley Vincent, cultivateurs ; — Bornier François, menuisier ; — Larue Antoine, entrepreneur; — Fusier Cyprien,
- — PonsotSosthène, cultivateurs; — Carrez Adolphe, maréchal ; — Fusier Jules, sabotier ; — Carrez François, maréchal ; — Drain Désiré, charpentier ;— Vionnet Claude, Hon-greur ; — Mondamey Jules, propriétaire.
- MAITRE PIERRE
- Pa.r* Edmond ABOUT
- (Suite.)
- VI
- LES DUNES
- On m'avertit de plier ma serviette, car nous devions dîner et coucher au Moustique.
- Nos hôtes prirent leurs chapeaux ; ils étaient de la partie. Le but de notre promenade était une dune élevée, d’où l’on appercevait l'Océan.
- Je remarquai que maître Pierre se mettait en route avec ses échasses sous le bras, et je pris la liberté de lui demander à quoi ses meubles incommodes lui serviraient dans la montagne ?
- « A me rappeler que ma tâche n'est pas finie, répondit-il en souriant. C'est un vœu que j’ai fait, ne vous en moquez pas. Jusqu’au jour où tous les Landais dormiront sur des matelas, je coucherai sur k bruyère. Je boirai de l’eau vinaigrée jusqu’à ce que mon peuple ait du vin à boire, et je ne descendrai de mes échasses que lorsqu’on pourra marcher à pied sec dans les deux départements. Je suis le capitaine de vaisseau, qui débarque le dernier, quand tous les marins ont quitté le bord. »
- Il nous conduisit le long des dunes, par des chemins tracés à mi-côte, où les chariots et les bœufs avaient laissé des ornières. A droite et à gauche, de grandes forêts de pins croissaient et multipliaient dans le sable. De temps en temps, à travers une éclaircie, nous apper-cevions sous nos pieds quelque vallée profonde, entrecoupée de flaques d’eau, tapissée de longues herbes et parcourue par des chevaux entravés.
- « Voilà, me dit maître Pierre, ce que nous appelons nos létes. On y trouve des pâturages délicieux qui ont nourri pendant bien des années mes troupeaux sauvages. Mais les voyageurs font bien de pas s’y aventurer ; c’est là qu'on tombe dans les sables mouvants. »
- Après une heure de promenade qui mit un peu de sable dans nos chaussures, notre petite caravane s'arrêta au point culminant de la chaîne, sur une hauteur de cinquante mètres environ. On voyait d’un côté l’Océan déferlant sur la plage ; de l’autre, une plate immensité de marais et de landes. Les dunes s’allongeaient comme une arête entre la mer et les pays.
- Maître Pierre étendit le doigt vers l’Océan et nous dit :
- « Voici le grand ennemi de nos contrées. Il n’y a rien de plus inhospitalier, de plus dure et de plus implacable que cet océan-là. Non-seulement il secoue les navires comme un vanneur son blé, mais il bouche tout les ports où l’on trouverait refuge. Le cap Breton avait un port, il n’en a plus? : le Vieux Bnue.au avait presque nnp rade.
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- on n’en voit plus la marque. Les grands vaisseaux ont remonté autrefois jusqu’à Bayonne, et maintenant les petits n’y vont pas sans peine. Le bassin d’Arcachon se ferme peu à peu ; il y a six cents ans que le port Saint-Vincent est fermé. Il s’appelle aujourd’hui l’étang de la Ganau, vous l’avez traversé ce matin, et il est à dix kilomètres de la mer. Si la Gironde n’est pas bouchée, c’est qu’une masse d’eau comme celle-là sait toujours se faire de la place.
- « Vous me direz que c’est un compte à régler entre l’Océan et les matelots : patience ! voici qui nous touche de plus près. Ce même Océan qui se heurte là-bas tout le long du rivage, croyez-vous qu’il n’y jette que de l’écume ? Vous le supposeriez moins généreux qu’il n’est. Chacune de ses vagues apporte une pelletée de sable qui s’accumule le long de la côte. Le total de ses libéralités se monte à un million deux cent quarante-cinq mille mètres cubes, ou, si vous l’aimez mieux, un milliard deux cent quarante-cinq millions de litres par an. Je ne parle que de la Gascogne. 11 a ensablé vingt-cinq kilomètres en cinquante-six ans dans le Finistère ; mais ceci regarde les Bretons. Notre part se compose de cent mille hectares du sable le plus pur, aligné en petites montagnes sur la frontière de mes Etats. C’est ce que nous appelons la chaîne des dunes. Le gravier qui est dans vos souilliers est un cadeau de l’Océan.
- « Je vous ai dit que le vent de mer nous apportait tous les ans six mois de grande pluie. C’est l'Océan qui nous envoie ses vagues par l’entremisedu ciel. Notre pays est fort plat ; cependant, comme il existe après tout une légère pente vers la mer, cette eau-là saurait biens’écouler en partie et retourner à sa source ; mais les dunes arrivent fort à propos pour lui barrer le passage. Voilà comment nous avons des marais au pied des dunes. Celui qui a pris soin de nous inonder ne pouvait pas négliger d’enfermer l’eau chez nous.
- Ce n’est pas encore tout, et si vous étiez venu ici il y a cinquante ans, j’aurais pu ajouter un beau paragraphe à mon réquisitoire. En ce temps-là, les dunes marchaient contre la terre, à la façon d’une armée, en poussant les marais devant elles. On ne s’était pas encore avisé de les fixer sur place en y plantant des arbres, si bien que le sable était libre de sa personne comme la poussière des chemins. Le vent de mer l’emportait par poignées pour le jeter plus loin, et les dunes déména-gaient en détail. Elles ne couraient pas comme des lièvres, mais elles faisaient leurs vingt mètres par an, une demi-lieue par siècle. Rien ne les arrêtait : on élevait des barrières, et les barrières étaient enjambées. Elles escaladaient bien autre chose, et je sais plus d’une place où, en grattant la terre avec le doigt, on retrouve le coq d’un clocher. Nos paysans s’ingéniaient à sauver leurs villa-
- ges ; quelquefois, quand la brise soufflait de terre, ils se rendaient tous ensemble sur la dune avec des paniers pour jeter le sable au vent et le renvoyer d’où il était venu. Mais les pauvres diables n’avançaient pas à grand’-chose, parce que chaque homme a cinquante occupations, tandis que l’Océan n’en a qu’une. Non-seulement nos landes y auraient passé, mais encore le Languedoc et les plus belles plaines de France ; et les marais poussés par les dunes, les dunes poussées par le vent ne se seraient arrêtés dans leur marche que lorsqu’il aurait plu
- à l’Océan de garder son sable pour lui.
- (.4 suivre.)
- État civil du Familistère
- Semaine du 11 au 17 mai 1885.
- Naissances :
- Le 14 mai, de Macaigne Marie-Jeanne, fille de Macaigne Louis et de Braconnier Lucie.
- Le 16 mai, rie Maliieu Octave-Ernest, fils de Mahieu Virgile et de Levaux Palmyre.
- Le 17 mai, de Allard Ernest-Alfred, fils de Allard Ernest et de Blondelle Marie.
- Décès :
- Le 11 mai, de Cochet Marie-Louise, âgée de 21 ans et 2 mois.
- Le 13 mai, de BecquetHortense, âgée de 16 ans.
- Le 13 mai, de Bacquet Alexandre, célibataire, âgé de 42 ans et 3 mois.
- Le 17 mai, de Pré Clémentine, épouse de Bachelin Hilaire, âgée de 27 ans et 1 mois.
- -- ----------------—* # —• --------------—1 -
- La Revue socialiste, 96 pages. — Abonnements : 3 mois, 3 fr.; 6 mois, 6 francs ; un an, 12 fr.; le numéro, 1 fr. — Rédaction et administration (nouvelle adresse), 19, rue du Faubourg-Saint-Denis. — On s’abonne aussi à tous les bureaux de poste. •
- Le cinquième numéro de la Revue socialiste est digne des précédents de cette importante publication.Nous y trouvons toujours la même impartialité scientifique, qui repose des incessantes et funestes scissions d’école.
- De plus, cette fois, par la Plaie du fonctionnarisme, de Charles Beauquier, député, et les Conven-ventions avec les Compagnies de chemins de fer, de M. J. Pinaud, la Revue entre résolument dans le domaine du socialisme pratique et immédiatement réalisable.
- Nous trouvons encore dans ce numéro : l’Origine de l’homme, par Emilius ; Essai sur l’évolution socialiste, par Eugène Fournière ; Eugène Varlin, par Adolphe Clémence ; Giordano Bruno, par B. Malon, et enfin quarante pages de très intéressants renseignements et dissertations sous les rubriques habituelles :
- Correspondance. — Mélanges et documents. — Revue économique. — Revue des faits sociaux. — Revue des sociétés savantes et d’économie sociale- — Revue de la presse. — Revue des livres. Divers.
- Le Directeur-Gérant î GODIN
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- LIBRAIRIE DU FAMILISTÈRE
- GUISE (-A-isiste;)
- OUVRAGES DE M. GODIN, Fondateur du Familistère
- Le Gouvernement, ce qu'il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action.
- Ce volume met en lumière le rôle des pouvoirs et des gouvernements, le principe des droits de
- 'de façon à en nouvelle cons-école de la souve-etc., etc.
- L’ouvrage est terminé par une proposition de loi à la Chambre des députés sur l’organisation de l’assurance nationale de tous les citoyens contre la misère.
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- par la consécration du droit naturel des faibles au nécessaire et du droit des travailleurs à participer aux bénéfices de la production.
- Ce volume contient les statuts et règlements de la Société du Familistère de Guise.
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- 9e Année, Tome 9.— N" 351 Le numéro hebdomadaire 20 c.
- Dimanche 31 Mai 1885
- LE SSW©IS
- BEVUE DES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
- Un an ... 10 fr. »» Six mois. . . G »» Trois mois, . 3 »»
- Union postale Un an. . . . 11 fr. »» Autres pays
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- ON S’ABONNE
- A PARIS
- 5, rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Victor Hugo. — M. Amouroux. — Victor Hugo penseur. — Propagande de la paix. — Les drapeaux. — Le Grutli. — La mine aux mineurs.— Le Familistère et la presse anglaise.— Une ligue nécessaire. —Aphorismes et préceptes sociaux. — Faits politiques et sociaux de la semaine. — Les programmes électoraux. — La responsabilité des alcooliques criminels.— Propagande de la Paix. — Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen. —Montre Pierre.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
- Victor HUGO
- Victor Hugo a quitté la vie terrestre le 22 mai 1885, à une heure vingt-sept minutes de l’après-midi.
- Né le 26 février 1802,il était âgé de quatre-vingt-trois ans, trois mois et vingt-six jours.
- C’est une des longues carrières de ce siècle et ce sera la plus remarquablement remplie.
- Nul n’a pénétré plus profondément tous les replis du cœur humain ; nul n’en a exprimé avec plus de force les secrets, les douleurs, les grandeurs et les joies.
- Sa vie a été une lutte incessante contre la tyrannie et l’oppression. Il a été le constant défenseur des faibles et des malheureux.
- Son attitude en face de la maladie et de la mort a affirmé une fois de plus que Victor Hugo, élevant sa conception de la vie au-dessus des courants d’idées qui circonscrivent l’homme dans la matière, croyait fermement au monde qui l’attendait au sortir de cette vie.
- Il est resté philosophiquement lui-même.
- Réfugié dans la sérénité de ses convictions, il a voulu que sa fin fût empreinte de son amour pour les pauvres et les déshérités de ce monde.
- En écartant toute intervention des prêtres à ses derniers instants, il a montré que sa foi était au-dessus des traditions arriérées du passé.
- Mais il a fait comprendre qu’il croyait à la correspondance entre la vie terrestre et la vie spirituelle. C’est, ainsi rm’il est entré dans la vie d’outre-
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- LE DEVOIR
- tombe et qu’il est allé rejoindre la phalange des esprits qui, dans le monde des causes, travaillent avec ardeur au progrès et à la pacification de nos sociétés terrestres.
- Tel a été, tel est Victor Hugo que la France pleure aujourd’hui 1
- GODIN.
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- M. Amouroux, récemment élu député deSt-Etienneest mort.
- Il appartenait à l’Extrème-Gauche de la Chambre, après avoir longtemps siégé au Conseil municipal de Paris dans le groupe républicain radical.
- M. Amouroux, était un ouvrier chapelier ; il s’était mêlé de bonne heure aux luttes politiques et, par son ho-néteté, sa franchise, la droiture de son caractère, il avait obtenu l’estime de ses adversaires mêmes.
- Après la Commune, à laquelle il avait pris part, il fut déporté en Nouvelle-Calédonie : lors de la révolte des Canaques, il joua un vaillant rôle ; à la tête d’un détachement de déportés formé par le commandant Rivière, Amouroux se distingua à l’égal du lieutenant de vaisseau Servan, à qui le liait une étroite amitié.
- M. Amouroux avait une quarantaine d’années.
- C’est un généreux et ferme soldat que perd en lui le parti républicain, et pas un mieux que lui n’eût su porter à la Chambre les revendications ouvrières.
- VICTOR HUGO PENSEUR
- Un frémissement universel a marqué le dernier soupir de l’illustre poète et penseur.
- Bien peu d’hommes ont rencontré à leur mort de si retentissants hommages. Les funérailles de Victor Hugo dépasseront en solennité les cérémo-nies usitées à la mort des potentats. Partout où un front s’inclinera devant ce cerceuil, nul n’obéira à un ordre ou à une pensée servile. L’incomparable poète n’a jamais distribué les faveurs du pouvoir, ni commandé aux hommes. Son verbe, tout de vérité, a flétri avec une égale supériorité les passions égoïstes et mesquines, et exalté l’amour du bien et de l’indépendance.
- Nous laissons à d’autres le soin de glorifier le poète, l’écrivain inimitable, nous saluons le penseur, le prophète.
- Dès 1830 il écrivait ceci :
- « Les rois ont le jour, les peuples ont le lendemain.
- » La République, comme l’entendent certaines 5, ns, c’est la guerre de ceux qui n’ont, ni un sou,
- ni une idée, ni une vertu, contre quiconque a l’une, de ces trois sortes de choses.
- » La République, selon moi, la République qui n’est pas encore mûre, mais qui aura l’Europe dans un siècle, c’est la société souveraine de la société, se protégeant, garde-nationale; se jugeant, jury; s’administrant, commune; se gouvernaut, collège électoral.»
- Plus tard,en 1849, il annonçait en quelques lignes saisissantes la future union des peuples. Cet avenir de paix et d’amour n’était pas pour lui une idée vague, une aspiration sentimentale, c’était une certitude qu’il exprimait dans le beau langage dont il a eu le secret :
- «Eh bien, je dis aujourd'hui à la France, à l’Angleterre, à la Prusse, à l'Autriche, à l’Espagne, à l’Italie, à la Russie : Un jour viendra où les armes vous tomberont i,es mains, à vous aussi! Un jour viendra où la guerre paraîtra aussi absurde et sera aussi impossible entre Paris et Londres, entre Pé-tersbourg et Berlin, entre Vienne et Turin, qu’elle serait impossible entre Rouen et Amiens. Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans un 3 unité supérieure, et vous constituerez la fraternité jeuro-péenne, absolument comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, la Lorraine, l’Alsace, toutes nos provinces se sont fondues en France. Un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les marchés s’ouvrant au commerce et les esprits s’ouvrant aux idées. Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le vénérable arbitrage d’une grande Assemblée souveraine qui sera à l’Europe ce que l’Assemblée législative est à la France. Un jour viendra où l’on montrera un canon dans les musées comme on y montre aujourd’hui un instrument de torture, eri s’étonnant que cela ait pu êtrel Un jour viendra où l’on verra ces deux groupes immenses, les Etats-Unis d’Amérique, les Etats-Unis d’Europe, placés en face l’un de l’autre, se tendant la main par-dessus les mers.»
- Nul, mieux que Victor Hugo, n’a senti plus profondément l’étroite solidarité qui relie les hommes les plus bas aux plus élevés. Que de vérité dans ces vers qu’il adresse à Ceux qu’on foule aux pieds :
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- Oh ! je suis avec vous ! j’ai cette sombre joie.
- Ceux qu’ou accable, ceux qu’on frappe et qu’on foudroie,
- M’attirent; je me sens leur frère; je défend» Terrassés ceux que j’ai combattus triomphants;
- Je veux, car ce qui fait la nuit sur tous m’éclaire, Oublier leur injure, oublier leur colère,
- Et de quels noms de haine ils m’appelaient entre eux. Je n’ai plus d’ennemis quand ils sont malheureux. Mais surtout c’est le peuple, attendant son salaire, Le peuple, qui parfois devient impopulaire,
- C’est lui, famille triste, hommes, femmes, enfants, Droit, avenir, travaux, douleurs, que je défends;
- Je défends l’égaré, le faible, et cette foule Qui, n’ayant jamais eu de point d’appui, s’écroule Et tombe folle au fond des noirs événements;
- Étant les ignorants, ils sont les incléments;
- Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire A vous tous,que c’était à vous de les conduire,
- Qu’il fallait leur donner leur part de la cité,
- Que votre aveuglement produit leur cécité;
- D’une tutelle avare on recueille les suites,
- Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui leur fîtes. Vous ne les avez pas guidés, pris par la main,
- Et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin; Vous les avez laissés en proie au labyrinthe.
- Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte; C’est qu’ils n’ont pas senti votre fraternité.
- Ils errent; l’instinct bon se nourrit de clarté;
- Ils n’ont rien dont leur âme obscure se repaisse ;
- Ils cherchent des lueurs dans la nuit, plus épaisse Et plus morne là haut que les branches des bois ; Pas un phare. A tâtons, en détresse, aux abois, Comment peut-il penser celui qui ne peut yivre ?
- En tournant dans un cercle horrible, on devient ivre; La misère, âpre roue, étourdit Ixion.
- Et c’est pourquoi j’ai, pris la résolution De demander pour tous le pain et la lumière.
- Et maintenant, huées,
- Toi calomnie et toi haine, prostituées,
- O sarcasmes payés, mensonges gratuits,
- Qu’à Voltaire ont lancés Nonotte et Mauperfcuis, Poings montrésqui jadis chassiezRousseau deBienne Cris plus noirs que les vents de l’ombre lybienne, Plus vils que le fouet sombre aux lanières de cuir, Qui forciez le cercueil de Molière à s’enfuir,
- Ironie idiote, anathèmes farouches,
- O reste de salive encore blanchâtre aux bouches Qui crachèrent au front du pâle Jésus-Christ, Pierre éternellement jetée à tout proscrit, Acharnez-vous ! Soyez les bien venus, outrages,
- C’est pour vous obtenir, injures, fureurs, rages, Que nous, les combattants du peuple, noussouffrons. La gloire la plus haute étant faite d’affronts.
- L’amour dfes malheureux et le courage de la conscience, ces qualités caractéristiques de Victor Hugo, ne sont nulle part plus profondément empreintes que dans son testament ainsi rédigé :
- « Je donne cinquante mille francs aux pauvres-
- » Je désire être porté au cimetière dans leur cor » billard.
- » Je refuse l’oraison de toutes les Eglises ; je de-» mande une prière à toutes les âmes.
- » Je crois en Dieu. »
- VICTOR HUGO.
- Nous ne disons pas adieu au grand homme, parce que l'Idée qu’il a personnifiée,celle qui faisait sa grandeur, l’amour de l’humanité, n’a rien perdu en puissance par une séparation d’avec un corps usé par les lois de la vie.
- Notre hommage sera plus durable qu’une cérémonie, qu’une saison de deuil, nous continuerons à propager sans relâche les idées chères au poète, au penseur.
- La République démocratique,l’arbitrage, le bonheur universel restent notre foi, et souvent encore nous invoquerons la pensée de l’immortel prophète.
- Propagande de la Paix
- Nous recevons de M. Desmoulins la résolution suivante votée, à l’occasion des funérailles de Victor Hugo, par les délégués des sociétés parisiennes de la paix. Cette affirmation serait certainement le plus solennel hommage rendu aux grands citoyens de la patrie universelle :
- Voici les lignes que nous envoie M. Desmoulins.
- La mort de Victor Hugo, l’éloquent apôtre de la paix, offrait l’occasion de grouper ces sociétés. Une réunion à cet effet a été tenue le 25 mai (37 rue Brochant). La ligue internationale de la Paix et de la Liberté,le « Comité de Paris de la Fédération internationale,» et la « Ligue internationale des Travailleurs pour la Paix» s’y trouvaient représentés. On a décidé qu’on ferait, la veille des obsèques de Victor Hugo, une manifestation ; les membres des différents groupes sus-nommés se rendront à quatre heures à la place de la Madeleine où le cortège se formera derrière la bannière des Etats-Unis d’Europe. On se rendra à l'Arc de Triomphe où le corps de l’illustre poète sera exf.osé et un des membres de la ligue rappellera dans une courte allocution les paroles par lesquelles Victor Hugo prophétisait au Congrès de la paix tenu à Paris en 1849 l’avènement des Etats-Unis d’Europe.
- M. Pardoux nous écrit aussi de Clermont-Ferrand que les groupes du Puy-de-Dôme ont envoyé une couronne. ------------------------------------------------------
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- Les Drapeaux
- Sur qui doit retomber la responsabilité des scènes lamentables du Père-Lachaise ? C’est ce qu une enquête devenue nécessaire et une discussion ultérieure établiront. Cn ne voit encore, pour le moment, d’une façon un peu précise, que les intérêts divers auxquels ces désordres pourraient servir. Ce ne sont pas assurément les intérêts de la République.
- Mais sans attendre plus longtemps, nous ne pouvons que nous étonner de l’importance qu’on persiste à attacher à certaines manifestations extérieures, à certaines exhibitions, tant que l’ordre n’est pas troublé par une atteinte à la liberté de tous.
- Est-ce que cette liberté, seule limite raisonnable du droit individuel, peut se dire sérieusement en cause par le déploiement d’un insigne qui déplait, par l’étalage de couleurs plus ou moins antipathiques à la majorité ? Non, puisque la démonstration opposée est possible et qu’il est autrement nécessaire de respecter des droits que de ménager des susceptibilités.
- On nous dira que ce qu’on tolérerait pour le drapeau rouge, il faudrait le tolérer pour le drapeau blanc. Nous pourrions répondre d’abord que ceux qui portent une bannière plus ou moins écarlate ne crient pas : A bas la République ! Maintenant, si l’on veut toute notre pensée, il nous serait absolument égal qu’on promenât un drapeau blanc autour du monument de Louis XVI, comme autour du tombeau des fédérés on a promené un drapeau rouge. Nous ne voyons pas bien Paris ni même la province se soulevant d’enthousiasme au passage de ce drapeau qui a fait reculer d’effroi, au moment de la fusion, tous les royalistes un peu intelligents et les a rendus plus pâles que ses pâles couleurs. Ce drapeau représente des siècles de misère, d’oppression, d’iniquité, et le dernier des paysans le sait aujourd’hui.
- Quant au drapeau qu’on a vu ou qu’on a cru voir dans plusieurs manifestations de ces derniers temps,, nous ne venons pas le défendre d’une façon détournée, ne voyant pas, pour la France, la nécessité de changer les couleurs légendaires de la révolution. Quant, au lendemain de l’affreuse boucherie de mai 71, le cœur généreux et intrépide qui vient de cesser de battre faisait en vain appela la pitié, au milieu des huées des sages, il disait aux vaincus :
- Nos chefs vous égaraient, je l’ai dit à l’histoire ;
- Certes, je n’aurais pas été de la victoire,
- Mais je suis de la chute ; et je viens grave et seul,
- Non vers votre drapeau, mais vers votre linceul.
- Nous ne venons pas non plus vers ce drapeau, mais nous demandons qu’on regardé et qu’on se souvienne.
- Nous demandons qu’on regarde les peuples libres de l’ancien et du nouveau monde, la République américaine, comme la Belgique ou l’Angleterre monarchiques, et qu’on nous dise si les pouvoirs y tombent en pâmoison chaque fois qu’une manifestation se produit.
- Et nous demandons aussi qu’on se souvienne de ce qui s’est passé dans cette semaine lugubre dont voici l’anniversaire. Nous demandons qu’on s’interroge, qu’on pèse toutes les responsabilités. Il y en a de bien des sortes et non pas toutes du même côté. On s’étonnera alors un peu moins des rancunes.
- des colères sourdes. On comprendra combien elle était pénétrante et sûre la vision prophétique de celui qu’il nous faut citer encore et qui s’écriait :
- ...................toutes ces vengeances,
- C’est l’avenir qu’on rend d’avance furieux !
- Finir tout de façon qu’un jour tout recommence,
- Nous appelons sagesse, hélas ! cette démence.
- Tâchons donc de tout apaiser : le présent, l’avenir. Tâchons donc que rien de tout cela ne recommence et que, pour une fois, Victor Hugo se soit trompé. Nul plus que lui ne se fût réjoui d’une pareille erreur. Faiscns.de tous côtés, à ce grand moit le sacrifice des haines infécondes, et cicatrisons, s’il est possible, au lieu de les irriter, les plaies qui saignent encore. Victor Hugo a combattu toute sa vie deux ennemis : l’ignorance et la misère. Pourchassons-les sans relâche, ncus occupant moins des drapeaux qu’on agite au vent que des esprits à calmer par la justice.
- A. Gaulier.
- LE GRUTLI
- La voix du Peuple, journal suisse, publie d’intéressants renseignements sur une société de propagande connue sons le nom de Grutli, dont l’organisation pourrait être prise comme modèle par tous ceux qui se consacrent à la vulgarisation des idées humanitaires : Nous croyons devoir soumettre à nos lecteurs l’organisation et le but élevé que poursuit le Grutli :
- L’époque 1830 se caractérise dans l’histoire de notre pays par une vie politique très énergique, un réveil national et démocratique de haut vol. Le peuple s’apprête dans tous les cantons à rompre les chaînes qui retenaient nos institutions au pa«sé et pousse partout à des améliorations ; le développement de l’industrie et du conmerce, la réforme du système administratif et constitutionnel occupent de préférence les meilleurs esprits. La mâle énergie des plus glorieux jours de notre passé national renaît à une vie nouvelle. Ce beau temps de régénération a aussi donné naissance à la société du Grutli.
- Genève, la ville du réformateur Calvin, la noble patrie de l’immortel prophète de la démocratie moderne, Jean-Jacques Rousseau, fut le lieu où elle prit le jour et où elle prit son premier essor. Ce n’étaient toutefois primitivement pas des Genevois, mais bien des ressortissants de cantons démocratiques de la Suisse orientale qui en ont jeté les premiers fondements.
- Des Appenzellois, alors séjournant à Genève, s'étaient réunis en une petite colonie de bons amis qui cultivait de préférence le chant et les souvenirs communs de sa petite patrie chérie au pied du Sentis. Ils avaient aussi pris l'habitude de célébrer par une fête patriotique l’anniversaire de la « Lands-gemeinde » . Leur exemple fut contagieux, car bientôt les Glaronais vouluren’ aussi être de la partie et se réunirent avec eux: Une soc.été de Suisses allemands de cantons démocratiques venait ainsi de se constituer. Déjà en 1838, le 6 mai, elle se transforma en une association uniquement suisse et 1
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- 20 mai de la même année elle se constitua régulièrement sur cette nouvelle base. Le nom lui est venu du DT Niederer de Lutzenberg, l'ancien aide du père Pestalozzi, qui la baptisait aux acclamations des assistants, en disant : «Je vous appelle Grutlianer, hommes du Grutli, car je prévois que de l’association fraternelle de Suisses, sans différence de cantons ni de confessions, peut naître quelque chose de grand et de salutaire pour notre patrie, comme autrefois la liberté suisse est née de l’alliance des hommes du Grutli ;» l’avenir a prouvé que le ûr Niederer a bien su prévoir le succès de la nouvelle société. Ses commencements furent assez paisibles et manquèrent de couleur politique bien prononcée ; c’est ce manque, peut-être, qui le fit végéter péniblement pendant quelque temps.
- La société ne prit tout son essor qu’avec l’entrée dans sa direction du Professeur Albert Galeer. Galeer, issu d’une famille d’origine allemande qui avait acquis le droit de bourgeoisie dans la ville de Bienne, était un homme de grand talent et d’un savoir étendu ; esprit clairvoyant et énergique, il fut l’homme qui sut pousser la société dans une voie nouvelle, l’enflammer à une activité féconde et variée et donner à la forme un contenu digne d’elle.
- Galeer fut ainsi sinon le fondateur, ma:s bien le père spirituel des traditions de la société du Grutli. H lui donna son programme politiqie et moral, son caractère éminemment démocratique, sa première éducation. Il le fit surtout, en l’associant aux luttes qu’il soutenaitcorps à corps avec James Fazy, con-trele gouvernement aristocratique d’alors, pour préparer l’avé-nement de la démocratie à Genève et pour gagner le canton à la cause libérale contre le Sonderbund.
- La société du Grutli trouvait aussi en lui un chef fidèle et dévoué, plein de feu et de force, un guide qui faisait de sa courte vie, — il mourut vers 4850 dans la fleur de son âge, — une lutte incessante pour le progrès politique et social et les intérêts de la classe ouvrière. La perte prématurée du chef fut profondément ressentie par la société du Grutli, mais elle était déjà assez forte pour pouvoir continuer l’héritage que Galeer avait confié en ses mains et se faire la belle position qu’elle occupe aujourd’hui parmi les unions patriotiques de notre pays : au lieu d’une seule section, la société en compte maintenant 180 disséminées sur tout le territoire suisse et au fieu des 100 membres d’autrefois, 7 à 8,000 marchent actuellement sous ses drapeaux.
- Ce beau résultat, il est vrai, n’a pu être atteint qu’à travers mille difficultés ; car de même que Galeer, qui eut de nom- I breux ennemis et adversaires parce qu’il professait des principes franchement progressistes, les partisans du Grutli trouvèrent la calomnie et la haine sur leur chemin dès le moment où ils prirent une part active à la politique en luttant au premier rang pour la réalisation des idées de l’élément démocratique de l’époque.
- Si la société a su braver tous ces ennemis et arriver à une si belle floraison, cela témoigne de la pureté de ses intentions, d’une organisation large et vigoureuse et surtout de la puissance et de la vérité des idées qu’elle représente.
- Le programme de la société du Grutli
- La société du Grutli veut la réalisation dans la mesure du possible de l’égalité politique etsociale de tous les ^citoyens, la
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- prise en main des formes sociales et l’avénement de la démo-dratie pure dans les cantons et dans la Confédération.
- Voilà en peu de mots son programme, les buts pour lesquels elle travaille. Partant du principe, que, aussi longtemps qu’une couche sociale de la nation souffre, manque du nécessaire, la nation entière se trouve en dommage, elle cherche à faire disparaître dans la mesure de ses forces les sources du paupérisme, à élever le niveau intellectuel et moral et le bien-être matériel de la classe ouvrière à un degré digne de la civilisation et des exigences de notre culture moderne.
- La société du Grutli est affligée péniblement de voir que dans l’état actuel des choses tant d’honnêtes travailleurs vivent dans la gêne et ne peuvent, par conséquent, participer aux jouissances offertes par l’état avancé de nos arts, des sciences et de l'industrie, que des milliers de personnes se consument dans la misère, tandis que tout près la richesse possède le privilège de l’opulence et du luxe. C’est cette criante inégalité que la société du Grutli voudrait voir atténuée sinon disparue entièrement.
- Elle demande que la communauté se déclare enfin solidaire, non seulement pour soulager le paupérisme, mais pour l’empêcher de se produire, que le législateur et la société tout entière s’adonnent avec zèle et intelligence à la recherche d’une solution équitable des questions économiques et sociales de notre époque. Le temps demande impérieusement une répartition plus juste du travail et des jouissances.
- La société du Grutli croit qu’on y arrivera le plus facilement au moyen de l’association et de lois bien appropriées au but. En poussant son travail dans les deux directions, elle s’inspire du principe que Gaeler formulait, en disant :
- « La fin d’un Etat républicain se trouve définitivement atteinte si le dit Etat est organisé de manière à ce qu’aucun citoyen n’y souffre dans le dénuement, s’il veut et sait soigner avec zèle et bonne intelligence les intérêts de sa famille et les siens propres. »
- Au point de vue constitutionnel , la société du Grutli demande la transformation progressive de notre Etat fédératif en un Etat unitaire démocratique ; car une telle reconstitution de notre vie nationale renferme les meilleures garanties de la prospérité dans l’intérieur et la seule base solide et durable de notre influence sur la marche générale des affaires humaines ; elle tient, enfin, que les nombreuses barrières restées debout entre les cantons ne sont nécessaires ni au bien-être matériel de la Suisse, ni au développement de ses forces morales et intellectuelles : qu’au contraire, ces cantons demi-souve rains avec leur législation propre et leur appareil administratif souvent très compliqué absorbent une masse de forces qui pourraient rendre de grands services à la patrie commune.
- En se déclarant pour l’unité, la société du Grutli n’entend nullement imcrifier nos libertés à une puissante bureaucratie fédérale sans contrôle, ni responsabilités nettement maintenues, bien au contraire, l’Etat unitaire qu’elle appelle de ses vœux serait gouverné par le suffrage universel, la volonté souveraine du peuple, c’est pourquoi elle demande l’élection directe par la nation des corps exécutifs, le référendum et l’initiative.
- Armée de ces droits, la nation sera alors dans le cas de pouvoir résoudre la grande question de l’époque, nous voulons dire la question sociale, sans appeler la révolution à son aide.
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- Le nombre des sections du Grutli.qui était au 31 décembre 1883 de 104, s’est élevé à 200 en 1884, et celui de ses membres, qui était de 7,256, est monté à 8,148 ; la moyenne qui était de 36 membres par section s’élève à plus de 40 actuellement.
- Le compte rendu annuel nous accuse aux dépenses les sommes ci-après : francs 1,237 50 c. pour cours et conférences, 1,101 fr. 75 cent, pour abonnements de journaux et publications périodiques ; 802 fr. 59 c, pour secours et subventions: enfin on a dépensé 2,679 fr. 23 c. pour dresser l’inventaire.
- Il a été acquis pour 3,420 fr. 57 c. de livres. D’après l’inventaire, la Société posséderait pour 77,965 fr. 75 c. de matériel, et la valeur des bibliothèques serait de fr. 51,623 36c. avec 31,050 volumes. Enfin, l’avoir de la Société se monte à 160, 839 fr. 73. Le Grütlianer, organe delà société, tire à 7,000 exemplaires qui coûtent 15,350 fr. 10 par an.
- Les cours et conférences, dont l’heureuse influence se fait déjà sentir (bien que le temps qui y est consacré soit encore restreint), par la meilleure organisation dans les villes ou localités d’écoles industrielles et professionnelles.
- 28 sections reçoivent des leçons d’écriture, d’arithmétique et comptabilité : 28 de langue française et de dessin : 10 de géographie et d’histoire nationale ; 32 de littérature et autres; 95 sections de chant et musique ; sont encore comprises 22 sociétés de gymnastique et 34 sociétés de tir.
- Il est toutefois regrettable que l’institution des bureaux de placement, dont 17 bureaux correspondants ont été provisoirement orgunisés, ne paraisse pas avoir été comprise des intéressés, gui auraient là une garantie sérieuse contre des déplacements onéreux et la concurrence des bras, à cause de l’avilissement des salaires.
- Si nos souvenirs ne nous trompent pas, la Société du Grut-Ii, fondée il y a bientôt 40 ans, prouve, par sa marche ascendante, la vitalité de cette importante association qui, lentement mais d’un pas ferme, travaille à l’éducation morale et intellectuelle de nos concitoyens, préparant pour une transformation de notre économie sociale nos citoyens travailleurs. Et qui, grâce au développement de son esprit de solidarité de mieux en mieux compris, assurera sans secousses et déchirements 1 avènement de la démocratie sociale, prouvant une fois de plus que la petite Suisse est toujours le champion de l’humanité.
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- 4près la grande grève des mineurs d’Anzin, l’an dernier, après la grève récente de nos mineurs du Borinage, voici que les mineurs anglais à leur tour sont en grève depuis plus d’un mois.
- Quand les ouvriers mineurs français se mettent en grève, on dit qu’ils sont soudoyés par les chefs des charbonnages belges. Quand ce sont nos Bo-rains qui se mettent en grève, on dit qu’ils sont soudoyés par ; l’Allemand on parle de wagons de pommes de terre arrivés d’Allemagne (des patrons de charbonnages allemands, naturellement), et on n’est pas loin d’insinuer que les ouvriers socialistes gantois étant en relation intime et suivie avec les socialistes allemands, et cès derniers étant
- au mieux avec M. de Bismarck — qui est, après tout, un socialiste d’Etat et un ancien ami de Ferdinand Lassale — les 10,000 pains du Vooruit, de Gand, ont été payés par l’Allemagne ! !
- Maintenant que la grève des charbonnages éclate en Angleterre, on dira sans doute que les grévistes de ce pays sont payés par la Russie, ou par le mahdi, ou, qui sait, par Riel et les métis du Canada U!
- Suppositions absurdes ! insinuations perfides ! La vérité est que la crise économique universelle qui frappe toutes les industries, atteint nécessairement l’industrie houillère qui est chargée de fournir le grand moteur de tout l’appareil industriel de notre époque : le charbon, c’est-à-dire la vapeur.
- Lorsque la production s’arrête dans telles ou telles industries données, nulle n’en ressent plus immédiatement et plus directement le contre coup que l’industrie charbonnière. Que la métallurgie s’arrête, il n’en faudra pas moins so nourrir ou se vêtir; ou bien que la fabrication des tissus s’arrête, il n’en faudra pas moin* se loger, s’alimenter; mais il faudra, dans les deux cas, moins de charbon pour faire marcher les fours et les laminoirs, les métiers à filer et à tisser, etc.
- Il suif de là que de toutes les industries modernes l’industrie charbonnière est le plus souvent frappée, forcée qu’elle est de subir le contre-coup immédiat de fout ce qui atteint le monde industriel. C’est donc la plus instable des industries, en ce sens ue c’est là surtout que les chômages et les grèves se prodisent avec une périodicité désolante ; que c’est-là que les fluctuations entre la hausse et la baisse sont les plus énormes.
- Pour faire cesser ces fluctuations, que faudrait-il ? Il faudrait équilibrer les bonnes années et les mauvaises, les temps de stagnation et les temps de reprise. Faire, en un mot, pour l’industrie houllière ce que Joseph lit faire à Pharaon lorsqu’il approvisionna de blés les greniers de l’Egypte durant, les 7 années d’abondance, afin d’avoir du blé pour les 7 années de disette qui devaient suivre.
- Joseph était un colectiviste, un colectiviste-ôta-tiste. Il fit de l’Etat égyptien le grand conservateur et approvisionneur de blé du peuple d’Egypte. Car,s’il avait abondonné ce soin aux particuliers, il est plus que probable que la mise en grenier des blés durant l’époque d’abondance, aurait servi a-vant tout à enrichir quelques grands monopoleurs et spéculateurs, qui auraient vendu le bié très cher durant l’époque de disette.
- Nos Etats modernes n’agissent pas ainsi. Ils ont laissé, non-seulement ies blés et les terres à blé, aux mains des particuliers, mais aussi ies mines, les gîtes carbonifères, la houille —ce pain de l’industrie comme on l’a appelée avec raison.
- Il est temps de cesser ces errements. Nous avons démontré qu’en droit les mines appartiennent à la nation, et que les plus grands économistes de notre époque reconnaissent, les uns que l’Etat ou la nation est le seul propriétaire légitime des mines, les autres que l’Etat ou la nation est dans tous les cas un des co-propriétaires naturels des mines, d’autre encore que l’exploitation la plus rationnelle des mines serait celle qui se ferait par l'Etat, comme cela se fait pour les chemins de fer, la
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- posle et autres industries ou travaux considérés comme services publics.
- Sans nul doute que si l’Etat gardait sa propriété sur Je sous-sol au lieu de la concéder à des compagnies de capitalistes, s’il exploitait les mines par ses propi es agents comme il le fait pour les voies ferrées et le service de la poste, — l’on verrait disparaître de l’industrie minière une foule à'alea auxquels elle est sujette aujourd’hui ; cela rue!trait lin, notamment, à ces fluctuations des salaires, aux contestations et grèves qu’elles entraînent et qui sont les fléaux les plus terribles des charbonnages; il y aurait pour les employés et ouvriers des charbonnages la même stabilité et la même régularité que nous avons pour les employés et ouvriers des chemins de fer, pour les employés de la poste, facteurs, etc. Le sort des charbonniers s’en trouverait certainement amélioré.
- Mais qui osera dire que le sort des employés, ouvriers, facteurs, etc., des chemins de fer et de la poste, ne comporte aucune amélioration ? Leur travail est-il rémunéré en proportion de leur peine et en proportion du prix des objets de consommation? Ces employés et ouvriers ne sont-ils pas souvent surmenés par une trop longue durée de travail ? Leur avenir et celui de leur famille sont-ils suffisamment assurés ? Au point de vue de la dignité et de la liberté, leur position ne laisse-t-elle pas énormément à. désirer ? Et la hiérarchie et les avancements sont-ils conformes à la juslice ?
- Nul n’oserait le prétendre.
- Faire de l’ouvrier mineur un salarié de l’Etat comme l’ouvrier des chemins de fer ou le facteur de la poste, ne serait donc nullement une solution satisfaisante de la question ouvrière telle qu’elle se pose dans 1 industrie charbonnière. Ce ne serait qu’une demi-solution ; moins encore, un quart de solution.
- Si donc nous voulons que l’Etat, comme représentant de la nation, conserve le domaine éminent sur les mines, nous ne pouvons admettre l’exploitation pure et simple des mines par l’Etat (surtout par l’Etat actuel si peu démocratique) que comme un pis-aller et comme une transition, un moyen d’arriver à une organisation plus juste, plus Va-tionelle, plus démocratique.
- Certes, le sol et le sous-sol appartiennent à la nation ; et, dans ce sens, nous demandons, comme la démocratie anglaise, la nationalisation de la terre et des mines. Mais l’Etat, représentant de la nation, — au lieu d’avoir devant lui de simples ouvriers dénués de tout et qu’il emploierait moyennant salaire, comme tout patron le fait, — pour-fait, devrait avoir devant lui des organismes assez puissants pour que l’individu ne soit pas à la merci de l’Etat, il faudra créer des corporations ou associations de métier avec qui l'Etat traiterait. C’est ici qne les chambres syndicales ouvrières viendront jouer dans ce rouage économique un r°le prépond rant, et c’est; la mission principale due ces collectivités ouvrières seront appelées à t’emplir un jour.
- Ce qu’il faut donc, c’est que la mine devienne ou reste propriété nationale, mais que l’exploila-h°n en soit confiée aux mineurs associés. Pour oela, il suffît d’un contrat entre l’Etat et FAssocia-uod des mineurs, stipulant les conditions auxquelles le travail s’affectuerait et le mode de rétri-
- bution du travail. Nous reviendrons avec plus de détails sur ce dernier point dans un article sui-van t.
- Ainsi serait conciliée cette double tendance des écoles socialistes modernes, dont les unes disent ; la mine à la nation ! les autres : la mine aux mineurs ! tendance et maximes qui paraissent contradictoires à première vue.
- Nous disons, nous : la mine en propriété à la nation pour qu’elle soit aux mineurs ; ou la mine confiée aux mineurs pour qu’elle appartienne vraiment à la nation. (J. De Paepe. (National Belge.)
- LE FAMILISTÈRE et la presse anglaise
- Notre excellent ami, M. Edward Vansittart Neale, l’an des chefs bien connus de la coopération en Angleterre, vient de reproduire, dans « The co-opérative News » du 23 courant, les parties les plus saillantes du compte rendu de la fête du travail célébrée le 3 de ce mois, et de donner in extenso le discours prononcé par M. Godin à cette cérémonie.
- Nous remercions vivement notre ami de son infatigable et précieux concours dans la lutte pour l’émancipation sociale.
- UNE LIGUEJÉCESSAIRE
- Sousco même titre, dans notre précédent numéro, nous avons proposé la formation d’une ligue militant pour l’élévation des salaires; nous avons indiqué que cetle Ligue devrait-être internationale et réunir les grands propriétaires et les principaux chefs d’industrie, que la hausse générale et simultanée des salaires dans l’ensemble des pays industriels était également profitable aux patrons et aux ouvriers.
- L'efficacité de la hausse universelle des salaires ne peut-être mise en doute; son influence salutaire est aussi certaine que sont ordinairement nuisibles les élévations partielles et locales des prix de la main-d’œuvre.
- Il ne faut pasmême espérer qu’une nation,quelles précautions qu’elle prenne, puisse améliorer isolément, d’une manière sensible, la situation de ses classes laborieuses, si les peuples voisins n’imitent son exemple.
- Cette corrélation entre le sort des peuples a parfaitement été saisie par M. de Bismarck qui, en parfait conservateur, en a pris acte pour reléguer au nombre des utopies fantaisistes l’idée même de l’amélioration du sort des classes laborieuses.
- Il y a quelques mois, les députés socialistes allemands ont présenté au Reichstag un projet de loi réglant la situation des travailleurs de l’empire.
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- Le chancelier a simplement répondu que cela n’élaitpas pratique, parceque, a-t-il dit, pour obtenir les améliorations désirées par les auteurs du projet de loi, il faudrait que tous les autres puissances adoptassent une réglemention analogue ; finalement M. de Bismarck a conclu par déclarer incommutable la situation présente des classes laborieuses.
- Nous sommes d'accord avec M. de Bismarck sur le caractère international de la question ; mais nous ne prenons pas prétexte de cela, comme lui, pour déduire qu’il n’y a pas lieu à une solution.
- Puisque les faits et la théorie nous prouvent qu’une nation ne peut-être maîtresse du taux de ses salaires que d’autant, qu’une convention internationale a fixé une latitude suffisamment large, nous subordonnons nos réclamations à ces notions et nous proclamons la nécessité d’une loi internationale du Travail.
- Il est regrettable que les socialistes allemands n’aient pas eu l’idée de répondre à l’objection du chancelier par une nouvelle proposition, par laquelle, tenant compte du bien fondé de l’argument du ministre, iis auraient invité M. de Bismarck à prendre l’initiative d’intervenir diplomatiquement auprès des autres puissances.
- Nous sommes persuadé qu’il serait très difficile au gouvernement d’éluder une proposition de ce genre ; dans tous les cas, les discussions qu’elle provoquerait serviraient efficacement la cause du progrès.
- La ligue que nous proposons aurait toutes les sympathies des progressistes; elle ne pourrait causer aucun embarras à ses'fondateurs, puisqu’elle ne les engagerait pas isolément.
- Supposons un instant qu’un syndicat patronal parisien décide qu’il y a lieu de provoquer une hausse générale des salaires.
- Une grande publicité donnée à cette résolution grouperait certainement autour de ses auteurs tous les citoyens soucieux du bien-être des travailleurs.
- Des conférences, des distributions abondantes de circulaires explicatives répandues à l’étranger seraient suivies de la formation de groupes analogues.
- Lorsque l’agita'ion aurait pris quelque consistance, des congrès internationaux se réunieraient pour élucider le fond de la question et pour se prononcer sur les meilleurs moyens de contraindre les gouvernements à agir diplomatiquement.
- Lorsque les classes dirigeantes se mettent en tête d’obtenir quelque chose des gouvernements,
- elles réussissent presque toujours à surmonter en peu de temps les difficultés nationales et internationales.
- Le groupe des agriculteurs a mis moins d’un an de propagande pour faire bouleverser nos tarifs douaniers. En Allemagne, depuis que les dirigeants se sont avisés d’avoir une politique coloniale, le gouvernement taille et rogne en Afrique et en Océanie sans avoir aucun heurt avec la diplomatie de ses rivaux ; les froissements subsistent en permanence, mais tout s’arrange finalement. La finance a éprouvé l’envie de coloniser le Congo, immédiatement elle a mis d’accord les gouvernements de toutes nuances.Les actionnaires de Suez et les porteurs de titres turcs et égyptiens organisent à plaisir les conférences internationales; s’ils voulaient, il feraient réunir douze fois par an les représentants officiels des plus grandes puissances, et chaque fois, il sortirait de cés délibérations des résolutions exactement conformes aux intérêts et aux volontés des actionnaires.
- Nous le répétons, en toute sincérité, nous pensons qu’un accord international sur les conditions du travail donnerait satisfaction aux inquiétudes et aux préoccupations que l'on cherche vainement à calmer par les modifications douanières.
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAÜX
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- Souveraineté et suffrage universel
- La souveraineté du peuple ne sera qu’une fiction tant que les citoyens ne seront pas appelés à se prononcer tous les ans sur la direction des affaires du pays, par le renouvellement d’une partie des Chambres et de tous les corps élus.
- Faits politiques et sociaux
- DE LA S ENéLAI ISTE
- Décret de désaffectation du Panthéon. — Le gouvernement a retiré le Panthéon à l’exploitation des prêtres catholiques pour le restituer au culte des grand citoyens. Voici le décret de désaffectation:
- « Le Président de la République française,
- » Sur le rapport des ministres de l’Instruction publique «Vu la loi des 4 et 10 avril 1791 ; vu le décret du 20 février 1805 ; vu l’ordonnance du 12 décembre 1821 ; vu l’ordonnance du 26 août 1830 ; vu les décrets des 6-12 octobre 1852 ; vu les décrets des 22 mars 1862 et 26 juillet 1867 ; vu 1 arrêté du gouvernement du 13 messilor an X et l’ordonnance du 14 juin 1832 ;
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- » Considérant que la France a le devoir de consacrer par une sépulture nationale la mémoire des grands hommes qui ont honoré la patrie et qu’il convient à cet effet de rendre le Panthéon à la destination que lui avait donnée la loi du 4-10 avril 1791.
- » Décrète,
- » Art. l8r.— Le Panthéon est rendu à sa destination primitive et légale : les restes des grands hommes qui ont mérité la reconnaissance nationale y seront déposés.
- » Art. 2.— La disposition qni précède est applicable aux citoyens â qui une loi aura décerné les funérailles nationales : un décret du Président de la République ordonnera la translation de leurs restes au Panthéon.
- » Art. 3.— Sont rapportés le décret des 6-12 octobre 1851, le décret du 20 janvier 1806, l’ordonnance du 12 décembre 1821, les décrets du 22 mars 1852 et 29 juillet 1867, ainsi que toutes les dispositions réglementaires contraires au présent décret.
- » Fait à Paris, le 26 mai 1885. » Jules grévy. »
- Le décret qu’on vient de lire est suivi d’un deuxième décret que voici et qui porte que l’inhumation de Victor Hugo aura lieu au Panthéon.
- « Le Président de la République française,
- » Sur le rappport des ministres de l’Intérieur, de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes,
- » Vu.le décret du 26 mai 1885,
- » Vu la loi du 21 mai 1835 décernant à Victor Hugo des funérailles nationales,
- » Décrète :
- » Art. 1er.— A la suite des obsèques ordonnées par la loi du 21 mu 1885, le corps de Victor Hugo sera déposé au Panthéon.
- » Art. 2.— Le ministre de l’Intérieur et le ministre de l’Instruction publique et des B ;aux-Arts sont chargés chacun en ce qui le concerne de l’exécuiion du présent décret.
- » Fait à Paris, le 26 mai 1885. » jules grévy.»
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- On lit dans le Figaro :
- En 1881, lorsqu’il fut question de retirer ce monument au culte catholique, l’archevêque de Paris protesta contre le vote de la Chambre dans une lettre qui fut rendue publique.
- Il nous a paru intéressant de savoir quelle attitude prendrait aujourd’hui le chef du clergé parisien. Voici les renseignements qui nous ont été donnés, sur cette question, à l’archevêché :
- — Le cardinal, consulté par quelqu’un de son entourage, a répondu que sa protestation de 1881 contenait tout ce qu’il avait à dire à cet égard et restait aujourd’hui comme alors l’expression fidèle de sa pensée. Il attendrait donc les événements pour se prononcer à nouveau.
- Protestez Monseigneur ; cela fera rire les libres-penseurs.
- * +
- Interpellation sur les actes de la police.
- On a remarqué avec étonnement l’intervention du président de l’Union républicaine, qui a reproché au gouvernement de ne pas agir avec assez de rigueur contre les manifestations ac-compagnées d’insignes séditienx. Il y a quelques mois, à l’enterrement de la mère de Louise Michel.
- Sous le précédent ministère, de nombreux drapeaux rouges étaient déployés, et la police n’opposa aucune défense. Il est surprenant que ceux qui approuvaient alors cette tolérance du ministère trouvent trop douce une repression où le sang a coulé abondamment.
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- Congrès ouvrier. — Le Congrès régional du Centre « de la Fédération des travailleurs socialistes » a eu lieu â Paris dans la première semaine de ce mois. Un fait remarquable est à constater dans la tenue de ce Congrès ; il n’a été signalé par aucune des scènesregrettables qui ont eu lieu à chacune des précédentes réunions du même genre pendant les trois ou quatre dernières. Il ne serait pas étonnant que ce calme fût le résultat de l’absence des agents provoratsurs qui d’après les paroles de M. Aliain-Targé, ne font partie du bagage du ministère actuel.
- Voici le texte de la partie économique du programme qui a été soumis à sa délibération :
- PARTIE ÉCONOMIQUE
- Art. 9. — Instruction intégrale de tous les enfants mi pour leur entretien à la charge de la société représentée par la commune ou par l’Etat.
- Art. 10. — Repos d’un jour par semaine ou interdiction, pour les employeurs, de faire travailler plus de six jours sur-sept.
- Art. 11.— Réduction de la journée de travailpour les adultes à 8 heures au maximum. Eu cas de force majeure, il pourra être dérogé à cette prescription, mais à la charge pour les employeurs de payer double les heures supplémentaires.
- De !4à 18 ans, fixation de la durée de la journée à 6heures jusqu’au jour où, tout en restant productif, le travail des jeunes gens et des jeunes filles aura le caractère qu’il doit avoir d'enseignement professionnel.
- Interdiction absolue du travail de nuit pour les enfants. Pour les adultes, durée de ce travail fixée â 6heures, les heures en sus devant être payées double.
- Art. 12. — Commi sion élue par les ouvriers pour imposer dans l’atelier les conditions nécessaires d’hygiène, de dignité, de sécurité.
- Art. 13.— Responsabilité des patrons en matière d’accident, réalisée par une inderm ité, conformément aux articles 1382 et 1383 du Code civil et par une pénalité conformément aux articles 319 et 320 du Code pénal.
- Art. 14.— 4 travail égal, égalité de salaire pour les travailleurs des deux sexes.
- Art 15.— Interdiction pour les employeurs d’occuper les ouvriers étrangers à des conditions autres que les ouvriers français.
- Art. 16.— Interdiction du travail dans les prisons au-dessous des tarifs élaborés par les Syndicats ouvriers et Groupes ouvriers corporatifs. Suppression absolue du travail dans les couvents, ouvroirs et établissements religieux.
- Art. 17. — 1 Suppression de toute immixtion des employeurs dans l’administration des caisses ouvrières de secours mutuels, de prévoyance, etc., et leur gestion restituée aux ouvriers.
- Art. 18.— Intervention des ouvriers dans les Règlements des ateliers , suppression du droit pour les employeurs de
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- LE DEVOIR
- frapper d’une amende ou d’une retenue le salaire des ouvriers (Décret de la commune du 21 avril 1871). Nul ouvrier ne pourra être puni ou chassé d’un atelier particulier ou d’Etat, hors un jugement rendu par ses camarades de trava.l.
- Art. 19.—Intervention résolue de l’Etat dans les branches diverses du travail privé, ateliers, compagnies,banques, entreprises agricoles, industrielles, commerciales,— d’abordpour imposer aux employeurs des cahiers des charges garantissant les intérêts des travailleurs et les intérêts collectifs, ensuite pour transformer progressivement toutes ces industries bourgeoises en services publics socialistes, dans lesquels les conditions du travail sont réglées par les travailleurseux mêmes. Annulation de tous les contrats ayant aliéné la propriété publique.
- Art. 20.— La surveillance des ateliers, fabriques, usines, mines, services publics, sera éxercée par des inspecteurs élus par les ouvriers, et les infractions aux cahiers des charges, aux lois et aux règlements seront jugées sans appel par les tribunaux réorganisés de conseillers prud’hommes.
- Art. 21.— Mheà la charge de la soeiété des vieillards et des invalides du travail.
- Art. 22.— Abolition de tous les impôts indirects et transformation de tous les impôts directs en impôt progressif sur les revenus dépassant 3,ü00 francs. Suppression de l’héritage en ligne collatérale et en ligne directe de tout héritage dépassant 20,000 francs.
- Le Congrès a, en outre, décidé l’adjonction d’un article demandant, soit par nouvelle loi, soit par l’application de la loi de 1848, la suppression du marchandage.
- BELGIQUE
- Délégation ouvrière de Paris à l’expositi-tion d’Anvers. — La délégation parisienne arrivée dimanche à Bruxelles a été reçue à la gare par une délégation des sociétés ouvrières.
- Les citoyens Joffrin, l’ancien conseiller municipal parisien et Allemane, ont pris la parole au nom des ouvriers délégués et ont expliqué d’une façon détaillée le but de leur voyage, les conditions dans lesquelles il se fait.
- La réception terminée, les délégués se réunirent en séance et procédèrent à la nomination de leurs sections :
- La première de propagande, la seconde d’études politiques, la troisième d’oiganisation du travail, la quatrième classique et professionnelle, et la cinquième ries logements.
- Le même jour, une réunion d’anarchistes avait lieu au Navalorama, en commémoration de la Semaine Sanglante. Une démarche fut faite aupiès de Joffrin pour qu’il y assistât avec la délégation parisienne.
- Cette invitation fut déclinée, non à cause de l’objet de la réunion, mais parce que la Ligue ouvrière chez laquelle se trouvait la délégation ne s’y rendait pas.
- Dans la soirée, Joffrin se trouvait au café du Cygne ; il était attablé seul et lisait le journal en attendant ses collègues, qui étaient allés visiter la ville. — Tout à coup un groupe d’anarchistes fit irruption dans l’estaminet en criant : Vive l’anarchie! L’un deux 1 insulta grossièrement Joffrin qui fut assailli par une dizaine d’individus et reçut un violent coup de canne plombée sur le front.
- Le sang inonda la figure de Joffrin, qui s’affaissa un instant, et les assommeurs disparurent.
- L’auteur de cette lâcheté est connu : c’est un Français qui a été gérant d’un journal anarchiste supprimé.
- ESPAGNE
- Inoculation cholérique. — On avait beaucoup parlé de l’efficacité de l’inoculation cholérique pratiquée par le docteur Ferran.
- Vingt et un membres du conseil de santé viennent de discuter longuement la question de savoir si le gouvernement devait permettre au docteur Ferran de continuer ses inoculations de virus cholérique.
- La réunion a décidé, par 12 voix contre 9, que M. Ferran devait susperdre ses inorulations jusqu’à ce qu’une commission scientifique ait fait une enquêie dans la province de Valence sur le procédé et sur ses résultats,
- La commission partira ce soir avec M. Ferran pour la province de Valence.
- ALLEMAGNE
- On télégraphie de Berlin que dans les cercles, dans les cafés, dans les réunions publiques bourgeoises, on s’arrache des mains les journaux qui donnent des nouvelles de Paris. La police, à Berlin et dans les centres socialistes, comme Hambourg, Altona, Leipsick, Francfort-sur-le-Mein, etc., est aux aguets, ayant ordre d’empêcher, à quelque prix que ce soit, des réunions privées ou publiques de gens notoirement dévoués aux doctrines socialistes. Néanmoins, les socialistes de Berlin ont pu lenir une réunion clandestine, dans laquelle ils ont décidé l’envoi d’u ;e adresse aux socialistes parisiens.
- LES PROGRAMMES ÉLECTORAUX
- VI
- Le but répuplicain est le plein épanouissement du travail libre.
- Point de liberté pour le travailleur,s’il abandonne à d’autres de gros bénéfices sur son produit, ou bien s’il accepte de livrer des objets à vil prix sous l’influence de la concurrence intérieure ou extérieure.
- Pour réagir contre l’avilissement du prix des choses, lorsque ce bon marché est obtenu au détriment du salaire, le travailleur a besoin de jouir de sa complète liberté afin de résister individuellement et co'lectivement à ces excès de la concurrence.
- Dans cette résistance contre la dépréciation des salaires, l’action corporative est souvent insuffisante ; il faut savoir, pour opérer victorieusement, agir politiquement à l’intérieur, même à l’extérieur.
- Les programmes électoraux, auquels devront se
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- rallier les travailleurs, ne sauraient être trop affirmatifs sur les véritables conditions de la liberté.
- La liberté de conscience, les droits de parler, d’écrire, de se réunir, de s’associer sont les revendications les plus urgentes, qu’il faut poursuivre dans leur intégralité.
- La liberté de conscience n’existera que d’autant que l’on aura supprimé le budgetdescultes.il n’est plus de notre temps de faire payer des impôts aux citoyens pour entretenir des fanatiques ou des farceurs occupés à perpétuer les erreurs grossières répandues par les religions officielles.
- L’Etat qui continue à subventionner des religions en contradiction flagrante avec les données de la science se rend complice de l’obscurantisme et opprime les citoyens qu’il force à supporter las frais onéreux des clergés.
- Au point de vue financier, la suppression du budget des cultes est indispensable, si l’on veut obtenir l’équilibre budgétaire dont ne peut se passer un gouvernement réformateur.
- Matériellement et moralement le travailleur doit être affranchi des charges du budget des cultes.
- Les libertés politiques seront les agents les plus puissants de l’émancipation des classes laborieuses, lorsque celles-ci sauront en apprécier la puissance et lorsqu’elles seront devenues capables d’y recourir chaque fois que les intérêts du travail seront lésés ou menacés.
- Il n’a pas le sentiment républicain le citoyen qui ne se montre continuellement jaloux de sauvegarder son droit de dire et de publier sa pensée sur toutes choses. De la manitestation des opinions individuelles naissent lesgrands courants qui poussent les gouvernements à légiférer suivant la pensée commune. Lorsque l’inspiration de l’opinion publique est abandonnée aux suggestions des capitalistes, des privilégiés, et des organes qu’ils entretiennent,la pression exercée sur le gouvernement se ressent de cette inspiration et la loi continue à être faite suivant les préférences des puissants, comme si l’on vivait encore sous un régime fait pour eux et par eux.
- La République a été faite par le peuple et pour le peuple ; si les lois continuent à être rédigées conformément à l’esprit monarchique, la responsabilité incombe aux classes laborieuses qui ont Reconnu les devoirs de leur souveraineté.
- La République n’est pas un gouvernement que 1 on fait une fois et qu’on laisse se continuer sans plus s’en occuper. La conservation du gouvernement républicain est menacée, même il cesse d’ex-
- ister, dès que le peuple renonce à ses libertés pol tiques.
- L’inscription dans la loi du principe des libertés politiques ne suffit pas à la conservation de la République ; elle ne sera stable que d’autant que le peuple contrôlera tous les actes de ses diverses délégations.
- Les travailleurs doivent être soucieux de faire connaître leurs appréciations sur les moindres agissements des pouvoirs. S’ils ne se résignent à suivre les travaux préparatoires de la confection des lois et à approuver ou à blâmer ouvertement ce qu’ils jugent bien ou mal conçu, la loi sera presque toujours défavorable à leurs intérêts.
- Ils ne pourront exercer leur légitime influence s’ils ne savent user des droits de réunion et de presse.
- Les travailleurs ont besoin de se réunir pour étudier avant tout les besoins corporatifs, et lorsqu’ils ont dégagé dans ces réunions la pensée commune à la corporation, il est nécessaire de la répandre par la presse auprès des autres groupes, afin que tous puissent mieux saisir les connexités des divers intérêts.
- Que chaque travailleur examine sa situation,celle de tous ses pairs, il reconnaîtra inévitablement que l’idéal de tous est d’écfiapper à l’exploitation patronale, que ce but n’est pas possible sans l’association.
- Dans les réunions corporatives, il est nécessaire d’étudier les conditions pratiques de la production, afin de se préparer à l’association. Il faut que le travailleur sache que l’association entre travailleurs dépourvus de capitaux est une chimère dans la plupart des cas ; et, lorsqu’il sera pénétré de cette vérité, si le capital privé ne s’offre à des conditions acceptables, le travailleur devra invoquer sa souveraineté et recourir à ses droits politiques pour obtenir une législation devant lui faciliter la jouissance du capital.
- L’association est le .point de départ de l’émancipation ouvrière. La répugnance des capitalistes pour ces sortes d’entreprises est suffisamment constatée pour qu’on ne puisse accuser les travailleurs d’impatience, s’ils s’organisent en vue d’obtenir une loi destinée à procurer des capitaux aux associations ouvrières par l’intervention des communes et de l’Etat.
- Il est possible de trouver une forme association-niste suffisamment bien conçue pour pouvoir confier aux travailleurs qui l’auront adoptée des sommes tirées des ressources publiques, sans que
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- l'Etat ou les communes commanditaires courent des risques onéreux.
- Il est urgent de rendre l’association possible par une loi fixant les règles de la commandite municipale ou nationale.
- Mais l’association sera impuissante à améliorer le sort des travailleurs, s’il n’est établi au-dessus d’elle un contrat international réglant chez les peuples civilisés les conditions générales du travail.
- Peu importe à un ouvrier d’être libéré de l’exploitation patronale, si, par l’effet de la concurrence étrangère, il est contraint de livrer ses produits à un prix dérisoire.
- On triomphera de ces difficultés, en créant une diplomatie internationale agissantdegouvernement à gouvernement selon l’intérêt des peuples, comme elle fonctionne aujourd’hui suivant les intérêts des dynasties et des castes.
- Ces projets de lois internationales sur le travail ont un caractère de nouveauté qui étonne à première vue et fait croire à l’impossibilité de les établir solidement ; cependant, si on réfléchit que l’émancipation définitive du travail est liée à leur adoption, on est bien forcé d’en rechercher les bases, sous peine de douter du progrès social.
- Nous sommes persuadé que la question sera bientôt résolue, dès qu’un peuple aura donné mandata ses représentants de proclamer l’urgence de cet accord international. Alors, l'attention des travailleurs étant universellement portée à rechercher la solution désirée par tous, on parviendra bien vite à trouver une solution qui, si elle n’est parfaite, sera préférable à l’anarchie présente.
- Nous proposons d’inscrire dans les programmes électoraux les articles suivants contenant, selon notre appréciation, les bases de l’émancipation progressive des travailleurs.
- Droits des Travailleurs
- Liberté de conscience; suppression du budget des cultes.
- Liberté de presse et de réunion.
- Liberté d’association par la latitude laissée aux associés de rédiger librement leurs statuts sans autre restruction que le respect de la liberté d'autrui.
- Les candidats s'engagent à propager les idées et les projets concourant à l'établissement d’une loi internationale du travail, à intervenir dans la po- t litique extérieure en vue de préparer les autres gouvernements à Vacceptation de cette réforme.
- La responsabilité des alcooliques criminels. — L’attention de l’Académie a été vivement atti-
- rée par un mémoire de M. Mottet, dont le mérite littéraire et scientifique a frappé l’assistance. M. Mottet est un observateur judicieux dont la compétence comme aliéniste est légitimement établie. 11 a fait l’histoire, au point de vue médico-légal, de deux drames sanglants qui ont récemment épouvanté Paris. Le choix était excellent pour une étude de ce genre: les principaux acteurs de ce drame ont agi sous l’empire dé l’ivresse; l’un est une femme, l’autre est un homme ; la première est une alcoolique, le second n’a point d’habitudes d’ivrognerie. Quel degré de responsabilité convient-il d’attribuer à chacun d’eux ? Telle était la question à résoudre.
- Avant d’arriver à la solution, l’auteur rappelle que les crimes contre les personnes, commis sous l’influence de l’excitation alcoolique, se multiplient avec une effrayante rapidité. Il est certain que l’intoxication par l’alcool revêt aujourd’hui des caractères qu’elle n’avait pas autrefois. MM. Dujardin-Beau-metz et Audigé en ont trouvé la raison ; les alcools d’industrie, qui malheureusement entrent pour une si large part dans la consommation, sont beaucoup plus toxiques que l’alcool de vin. Ces alcools contiennent des substances empyreumatiques extrêmement dangereuses et dont l’action sur le système nerveux se traduit par des impulsions soudaines, des frénésies d’une sauvage brutalité. Le magistrat s’arrête indécis devant ce meurtrier qui tue sans mobile déterminé et interroge le médecin. S’il s’agissait de ces faits dans lesquels le délire impulsif n’est que la manifestation aiguë d’un trouble cérébra ancien, d’origine alcoolique, la réponse du médecin serait facile. Telle n’est pas la situation. A l’heure où se produit l’examen médical, on ne rencontre plus que des données négatives ; l’individu a repris possession de lui-même, l’intoxication a disparu ; il est dans un état mental qui ne suppose pas nécessairement le retour d’actes impulsifs. Toute l’étude doit porter, ajoute M. Mottet, sur les conditions spéciales dans lesquelles pouvait être le meurtrier au moment du crime.
- L’auteur fait aussitôt l’application de ces principes.
- Voiciune femmeque l’on rencontre errante dans la rue; elle porte au cou une large blessure. On l’interroge ; elle indique son domicile. On s’y rend. Là on voit étendu sur le lit un homme mort depuis plusieurs heures. La tête est comme écrasée et hachée. A côté du lit, une lampe renversée, une bêche, un rasoir taché de sang. A l’Hôtel-Dieu, où elle a été transportée, la femme ne se reconnaît que le lendemain ; elle ignore la mort de l’individu avec lequel elle vivait depuis plusieurs années. Elle raconte qu’au moment où elle rentrait pour se coucher, elle a été surprise par un homme qui s’est jeté sur elle, lui a coupé le cou et s’est enfui. 11 a été démontré ultérieurement que c’était elle-même qui s’était blessée avec le rasoir.
- M. Mottet a repris jour par jour le passé de cette femme : son caractère était violent, sa jalousie bien connue dans le voisinage. Depuis plus d’un mois elle était dans un état de surexcitation extraordinaire, due à des excès alcooliques répétés. Elle buvait de huit àdix verres d’absinthe par jour. La veille du crime, elle avait eu une attaque convulsive épileptiforme ; on citait aussi une crise délirante pendant laquelle elle courait éperdue, criant qu’elle voyait des juges, qu’on voulait la guillotiner. Le soir du meurtre on l’entendit dire quelle avait peur, qu’un voleur était caché dans son logement.
- Internée à Saint-Lazare et soumise à une observation atten-
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- tive, la criminelle eut encore des hallucinations de la vue, des frayeurs nocturnes. Son intelligence est engourdie, sa mémoire infidèle ; si on la presse de questions, elle ne peut plus répondre et répète souvent : « Tout cela, c’est comme un rêve. » Ce trouble mental peut-il expliquer l’amnésie, la nuit qui s'est faite dans l’esprit sur les circonstances du meurtre?
- Oui, répond M. Mottet, en invoquant les remarquables travaux d’un psychologue, M. Ribot, sur les mala lies de la mémoire et de la volonté. Il existe une classe d’aliénés chez lesquels le trouble mental, rémittent ou continu, présente par accès des exacerbations. Un élément surajouté , l’état convulsif, met tout à coup en jeu des forces aveugles, et l’impulsion léclate, brutale, irrésistible. Les épileptiques 11e gardent pas le souvenir des actes accomplis soit au début, soit à la fin de la crise. Les folies provenant d’intoxications peuvent présenter des troubles analogues, et l'intoxication alcoolique est celle qui en prépare le plus souvent l’explosion. L’alcool, longtemps et souvent ingéré, agit sur les centres nerveux, dont il prépare la dégénérescence. Puis survient cet état d’automatisme mental où la part de la conscience est nulle ou si faible que l’amnésie s’ensuit. La conscience, pour exister, a besoin de l’intégrité du système nerveux. Mais le pouvoir de produire des actes 11e disparait pas parallèlement.
- La meurtrière fut déclarée irresponsable.
- L’autre cas est celui d’un ouvrier italien, travaillant d’ordinaire dans l’air comprimé. On sait qu’au début de l’opération il se produit des névralg'es de la faee, du front, des troubles nerveux, et que, vers la fin, surtout si la compression est trop brusque, ces troubles peuvent devenir périlleux. 11 en résulte des conditions générales de l’état cérébral, susceptibles de favoriser le développement de l’intoxication alcoolique. L’ouvrier n’avait pas d’habitudes d’ivrognerie ; mais un soir, s’étant aissé entraîner par des camarades, il absorba d’énormes quantités de boissons alcooliques. Vers minuit, il se trouva dans la rue, essayant de regagner son domicile, lorsque tout a coup, sans motif, sans la moindre provocation, il se jette, le couteau à la main, sur un groupe de quatre personnes. Il frappe de tous côtés avec fureur ; dix-sept coups de couteau sont donnés ; un homme est mort des suites de ses blessures. On maîtrisa avec peine le meurtrier, qui, une fois au poste, s’endormit profondément. Interrogé le lendemain, il ne se souvient de rien ; il 11e nie point les faits qui lui sont imputés fi dit seulement qu’il ne sait pas comment ils ont pu se produire. Il n’a jamais varié dans ses réponses.
- M. Mottet se trouvait en face d’un accès de fureur subite, causé par un état pathologique résultant de l’intoxication al -coolique ; cette intoxication avait pu être plus rapide, plus profonde par suite des circonstances relatives au genre de vie. Toutefois ce n’était pas un alcoolique, un malade habituel; il s était mis volontairement en état d’ivresse, et depuis ce jour il avait retrouvé la pleine possession de lui-même. Rien, dans ^état présent du meurtrier, n’autorisait à prévoir le retour latal des mêmes impulsions. Le médecin le déclare respon-sable dais la mesure indiquée par les faits observés. Sa res-P°nsibilité était atténuée par les conditions physiologiques due lui créaient ses occupations. Le jury fut sévère ; la cour
- montra plus accessible aux considérations que nous venons u indiquer.
- De cette curieuse étude, justement applaudie par l’Àcadé-
- mie, nous tirerons cette conclusion pratique. La multiplication des i rimes commis sous l’empire de l’ivresse tient évidemment à la na'ure dus alcools livrés à la consommation. Il y a là un péril public sur lequel il convient d’attirer l’attention du gouvernement. Quand on oblige le pharmacien à tenir sous clef les médicaments dangereux, est-il logique de permettre au marchand de vin d’offrir au premier venu un poison redoutable !
- PROPAGANDE DE LA PAIX
- Nos correspondants et les personnes qui s’intéressent à la propagande de la paix sont invités à nous faire parvenir au plus tôt les renseignements concernant leurs régions. Nos lecteurs, désireux d’acheter un certain nombre d’exemplaires de notre prochain tirage réservé aux questions d’arbitrage et de désarmement, sont priés de nous envoyer immédiatement leurs commandes.
- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen
- Jura. Chêne-Sec. — Trossat Evariste, — Théophile Maynin, — Bacheley Célestin, — Bacheley Pierre, — Durand Jean-Claude, — Trossat Claude, cultivateurs ; Petitperrin Alexandre,— Trossat Pierre,— Trossat Marie, domestiques ;
- — Durand Marie-François, — Durand Michel, — Durand Elisée, — Martin Albert, — Durand Marcelline, — Jaillet Edouard,— Jean-Claude Magnin, cultivateurs.
- Eye.- Boillot Jean-Claude, charpentier ;— Camus,forgeron; — Bailly Auguste, — Noirot Jean, — Noirot Arsène, — Chandat Denis, — Trossat Marie,— Noirot Charles, — Noirot Claude,— Roy Julie,— Granjean, — Noirot Jean-Joseph, — Noirot Denis ;— BaLlot François,— Roy Désiré,charpentiers;
- — Saumier Joseph,— Roy Clovis,— Balland Désiré,— Petitperrin Claude-François, — Thepnier Claude-François, — Genot Jean-Baptiste,— Petitperrin Félicien,— Revy Philippe,
- — Bardoux Claude, — Létroublon Alphonse, — Chevaut Elisée, — Cercey François, — Revy Maxence, — Vantard Désiré, cultivateurs.
- Sergenaut.— Brulebois Claude,— Brulebois François,— Bacheley Lucien, — Jandot Julie, cultivateurs; — Jandot François, — Rameaux Constant, — Rameaux Frédéric, — Lathelier Adolphe, propriétaires ; — Véron Françoise, cultivatrice ; — Théodore Jandot, — Véron Constant, — Jandot Claude,— Jandot Alphonse, cultivateurs ;— JandotSigismond,
- — Jondot Honoré, — Gissat Honoré, — Berthelier Adolphe,
- — Silvant Cyprien, — Millet Arthur, propriétaires ; — Jac-
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- quot Pierre, — Jacquot Jules, — Gi=sat.Claude, — Gissat Jean-Baptiste, — Ponsot Emile, — Jacquot Firmin, cultivateurs ; — Berthelier Jules, — Berthelier Jules, fils, — Ber-thelier Armand, — Jacquot Basile, — Jacquot Alphonse, — Maynin Albin, - Colladant Lucine, — Vantard Claude, propriétaires;— Bertrand Séraphin, cultivateur.
- Puy -de-Dôme. Mont-Ferrand.— Pireyre,épicier ; — Mazuel, pâtissier ;— Labussière, épicier ; — Rochon-Robert, grains et farines;—Beyle Louis, f bricant d’huile;— Grand Gilbert, bourrelier; —Chapon, bourrelier; — Passe-mart Jean-Baptiste Romanet Amable, limonadier; — Du-fraisse, marchand grainetier ; — Chaux Pierre, plâtrier ; — Lhole Jean, ébéniste ; — Fray, négociant; — Jallat, cultivateur;— Lacombe, propriétaire ; — Mourland, menuisier ; — Ravel Jean, employé ; — Metteix Francis, propriétaire; — Fouquet Louis, propriétaire.
- Loir-et-Cher. Monthou-sur-Bièvre. — Roujou Firmin, vigneron ;— Montprofit Adolphe, maçon.
- Ouchâmps — Goûté Charles-Alexandre, propriétaire conseiller municipal ; — Lecomte de Roujou, propriétaire conseiller municipal;— Repincay Valentin, propriétaire maire ;— Cohin Méderic, adjoint; — Caraisier, propriétaire, conseiller municipal ; — Jouanet Célestin, propriétaire; — Massonneau Alexandre, propriétaire,conseiller municipal ;— Leloup Octave, vigneron ; — Leloup Onésime, vigneron ; — Trouillet Abel, maçon ;— Boiron Henri, vigneron ; — Pinault, tonnelier ; — Pellouard Joseph, vigneron ;— Poulin Félix, entrepreneur de maçonnerie ;— Goutte Alise, propriétaire ;— Mestivier Ludovic, entrepreneur de battage ; — Lespagnol, maçon ; — Rouvre Joseph, charron; — Fisches Charles, cordonnier; — Galloux, charron ;— Berthin Joseph, boulanger ;— Drugeon Victor, menuisier ; — Rigault Louis, propriétaire ; — Gallier Louis, instituteur ;— Repincay Valentin, propriétaire;— Va-lereau, cordonnier ; — Tournois Jean, vigneron ; — Mouzé, vigneron; — Sommier Léon, propriétaire; — Vaslin Joseph, vigneron ; — Galloux Toussaint, propriétaire ; — Pellouar Ernest, vigneron ;— Galloux Sylvain, propriétaire;— Rouvre Joseph, propriétaire;— Moreau François, vigneron; —Rouvre Edmond, maréchal; — Boiron Pierre, propriétaire; — Robineau Julien, charpentier;— Lespagnol Emile, maçon; — Repincay Remi, vigneron ;— Galloux Etienne, cultivateur ; — Galloux Victor, cultivateur ;— Chaintron Jacques, marchand; Duchet Noël, vigneron ;— Duchet Jean, vigneron ;—Boucher Joseph, propriétaire ;— Pineault Louis, vigneron ; — Verdier Henry, vigneron ; — Godeau Pierre, vigneron.
- Nous publierons dans le prochain numéro les autres adhésions de la Saône, du Loir-et-Cher, du Puy-de-Dôme, de la Marne.
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- MAITRE PIERRE
- Par Edmond ABOUT VI
- LES DUNES
- (Suite.)
- « Mais l’Océan a trouvé son maître dans la personne de M. Brémontier (ici maître Pierre ôta pieusement son béret- comme Newton lorsqu'il prononçait D nom de
- Dieu). Cet homme-là est mon précurseur et mon modèle ; il a fait sur les dunes le miracle que j’ai commencé dans les landes, et je n’accepterai une statue d’argent que lorsqu’il en aura une d’or. U a commencé sa besogne à la fin du dernier siècle, et il était ingénieur des ponts et chaussées. C’est lui qui en a eu l’idée déplanter ces belles forêts qui maintiennent les dunes à leur place. Il a cherché un arbre assez rustique pour résister au voisinage de l’Océan : il a trouvé le pin maritime, que la brise la plus salée nourrit au lieu de l’incommoder. C’est un arbre qui ne s’enfonce dans la terre que pour rester en place ; ses racines ne sont pas gourmandes. Il s’alimente dans le ciel comme les hirondelles ; il se nourrit de sel comme les moutons, et de l’air du temps comme les amoureux. En attendant, ce qu’il tient entre ses griffes, il ne le lâche pas. Ses racines larges et profondes, domptent le sable et compriment vigoureusement la mobilité du sol. Si l’on pouvait semer du pin sur les vagues de la mer, la mer serait fixée et les flots ne bougeraient plus.
- « M. Brémontier n’a pas réussi sans peine, ni moi non plus. On s’est d’abord moqué de lui, ensuite on lui a fait des niches, car les Landais sont farceurs, je crois vous l’avoir dit. Plus d’une fois il a trouvé du charbon sur pied à Ja place où il avait laissé des arbres. Mais le gouvernement a compris qu’il était dans le vrai, et les secours ne lui ont pas manqué. L’Etat v’est mis à ensemencer les dunes qui étaient du domaine, en exhortan les autres propriétaires à faire comme lui. Les particuliers n’ont pas décroisé les bras : on devait s’y attendre. Mais Napoléon entendait Lsaffaires, etcomprenaitqu’il est aussi flatteur de mettre une bride à l’Océan que de frotter une douzaines d’armées. Il a dit aux propriétaires : « Puisque vous ne voulez pas employer le bon moyen « pour arrêter vos dunes qui me mangent mon territoire, « je vais mettre la main dessus. Je les ferai planter par « mes ingénieurs, et l’on vous les rendra quand je serai « remboursé de mes frais. » Voilà, en trois mots, le décret de 1810. Tous nos paysans le connaissent bien, car il n’y a pas besoin d’être Normand pour savoir la loi.
- « Depuis ce temps-là, le gouvernement a enterré tous les ans une jolie somme dans les dunes. On est parti de cent mille francs, on est allé jusqu’à cinq cent mille. Mais cet argent-là a si bien profité que, même après avoir arrêté les dunes, on n’a pas arrêté les frais. On s’est a-perçu qu’en prenant une mesure de salut national on avait fait une exellente affaire, et l’on continu par spéculation ce qu’on avait entrepris par nécessité. Lorsque M. Brémontier s’est mis à l’ouvrage, les dunes étaient sans aucune valeur, comme n’importe qu’elle fléau, la grêle, par exemple : on ne porte pas la grêle au marché. Or, en 18i4, le ministre des finances disait à la chambre, de« démîtes nu’il ne les donnerait point pour
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- LB D B VOIR
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- quarante millions. Vous m’eu offririez cent millions, à moi, que vous ne les auriez pas.
- « Je conviens avec vous que le pin est du bois blanc et qu'on a pas mal de bois blanc pour cent millions ; mais regardez-moi cet arbre-ci. Il a vingt-cinq ans da,re et douze mètres de haut. On a fait dans son écorce une entaille qui descend jusqu'au pied et qui s’arrête ici, à cette petite cavité pleine de résine. Il va saignm sans interruption pendant une quarantaine d’années. On rafraîchira de temps en temps la blessure, en la prolongeant dans la hauteur. Lorsqu’on sera arrivé en haut, on recommencera de l’autre côté, puis à droite, puis à gauche. Enfin, le jour ou l’arbre aura 'ait sou temps, on le saignera à mort, sur les quatre côtés à la fois, comme un homme à qui l’on ouvre les quatre veines.
- « La résine, c’est de l’or en barriques. On en fait du brai, de la colophane, des essences, des vernis, et tout ce qu’on veut. Pour le quart d’heure, elle se vend à Bordeaux 65 francs les 220 litres ; mais elle n’en restera pas-là, car elle est demandée et on lui trouve tous les jours un emploi nouveau. Un pin donne 25 ou 30 centimes de résine par an. Quand je n’en aurais que deux cents sur un hectare, et si chacun ne me rapportait que cinq sous, j’aimerai mieux toucher 50 francs que 50 centimes, et je dirais qu’il vaut cent fois mieux élever des pins que des moutons. Miis nous avons le bois pardessus le marché. Si on le brûle sur place, on fait du charbon à plein sac et du goudron à pleine tonne. Si on l’envoie à Bordeaux, on livre à la marine un bois parfaitement égoutté, bien sec, bien ferme, bien élastique, et dont les charpentiers se lèchent les doigts. Aussi l’hectare de pins vaut 500 francs à vingt-cinq ans, 600 à trente et 1200 à soixante.
- « Lorsqu’on a vu que le pin avait bien pris, on a dit : « Si nous essayions un peu du chêne ! » On a donc semé des glands. Mais voici bien un autre miracle. Dès la première année, on s’apperçoit que le chêne ne se plaît que dans le sable, qu’il a été créé et mis au monde pour vivre là, que telle est sa vocation, et que si on l’a semé jusqu’ici dans d'autres terrains, c’était par ignorance de ses appl-hts. Mon vieil ami, ici présent, peut vous édifier là-dessus. L’administration ne l’a pas établi dans les dunes pour offrir à déjeuner aux aimables voyageurs, mais surtout pour semer des pins et des chênes : if vous dira 81 la pousse des chênes nous a tous étonnés. Tout le monde s attendait qu’un arbre lancé si vite serait mou, creux ou léger, une mauvaise herbe enfin. Eh bien, non : le chêne des dunes a trouvé le secret de grandir comme le saule est de durcir comme le fer. C’est une chose qu’i faut Vi»ir pour y croire. Les ingénieurs de la marine sont Vei)us icb ils n’ont pu que vérifier les faits, ôter leur cha-
- peau, et donner leur langue au chat. Le chêne est bon, le chêne n’est pas du bois blanc, il se vend cher sur la place de Bordeaux. Un hectare de chêne peut donner jusqu’à 150 francs de revenu ; s’il rapporte 150 francs, il en vaut 300.) ; voyez- vous les millions ?
- '« Ce n’était pas l’argent qui me tracassait quand je suis venu étudier par ici ; vous vous en souvenez bien. Je n’avais que la pellagre en lè!e ; je voyageais pour la santé de Marinette, et je voulais savoir si Ton trouvait des pellagreux en^pays sec et planté. Chaque fois que je rencontrais uu résinier ou un bûcheron, un charbonnier ou un garde, je lui demandais des nouvelles de la pellagre, et il me riait au nez. Ces gaillards-lâ, monsieur, se portent comme leurs arbres. Je compris alors que les feuilles vertes distillent la santé sur la tête des hommes, et que le vieux savant ne m’avait pas menti. Mais la vue de ces beaux millions qui poussaient sur les dunes me donna des idées nouvelles. Tous les Landais ne savent pas lire, mais vous n’en trouverez pas un qui ne sache compter. M. Brémontier avril créé des capitaux lorsqu’il ne songeait qu’à construire des remparts. Je m’avisai, moi, qu’on pourrait chasser par la même porte la pellagre et fa misère, et qu’il n’en coûterait pas plus pour enrichir les Landes que pour les assainir. Depuis que je ne vivais plus comme un bohémien, et que je n’étais plus le camarade des loups, je sentais ma pauvreté et celle des autres. La belle couleur des ajoncs, qui m’avait fait tant de plaisir, commençait à me faire pitié ; je boudais cette misérable terre que j’avais tant aimée ; je lui reprochais de n’être. bonne à rien, parce que je me sentais bon à quelque chose. Je repensais toujours à notre éternel mouton grignotant notre éternel hectare. Lorsque je sortais dans la campagne avec la petite, je lui dirais : « Yeux-tu manger dans l’argent, marcher sur des tapis, te faire servir par des domestiques, et porter des foulards de dix francs sur la tête ? Trouve-moi un bon moyen de dessécher ce sable-là. Ce qui nous rapporte tous les ans dix sous de laine et de viande rendra cinquante francs en résine ou cinquante écus en bois de chêne. Et nous ne perdrons même pas les dix sous, car le mouton pourra brouter ses quatre épingles au pied des grands arbres ! »
- (.4 suivre.)
- État civil du Familistère
- Semaine du 18 au 24 mai 1885. Naissance :
- Le 18 Mai, de Louis Léon-Eugène, fils de Louis Léon et de Boin Léodie.
- Le Directeur-Gérant : GODTN
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- OUVRAGES DE M. GODIN, Fondateur du Familistère Le Gouvernement, ce qu'il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action.
- raineté, l’association des ouvriers aux bénéfices de l’industrie, les habitations ouvrières, etc., etc.
- L’ouvrage est terminé par une proposition de loi à la Chambre des députés sur l’organisati on de l’assurance nationale de tous les citoyens contre la misère.
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- 9e Année, Tome 9. — N" 352 Le numéro hebdomadaire W c. Dimanche 7 Juin 1885
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- SOMMAIRE
- La véritable admiration. — Mouvement arbitra-giste.— Cuirassés et torpilles.Bombes pacifiques. — Ce qu’a coûté la guerre du Mexique. — La commission du canal.— Un testament aux Etats-Unis. — La mort de Victor Hugo. — Le Conflit anglo-russe. — Exportation et importation. — Neutralisation du Tonkin — La paix perpétuelle et les Etats-Unis d’Europe. — Les sociétés de gymnastique. — L’arbitrage et l’opinion publique.— La guerre ou l’arbitrage. — Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen.— Un ordre du jour.— Le congo.Résolution de la conférence de Berlin.
- LA VÉRITABLE ADMIRATION
- Si un journal aux allures républicaines avait donné une note discordante au milieu des justes et unanimes témoignages d’admiration en l’hon-neur du grand mort, toute la presse aurait flétri et flagellé l’écrivain coupable d’une telle audace.
- Les individus et les groupes ayant quelques prétentions de libéralisme ont manifesté publiquement leur admiration du génie de Victor Hugo et les regrets inspirés par sa mort. Tous ont été sincères; tous croient avoir rendu à Victor Hugo les honneurs qu’il méritait.
- Ces hommages, néanmoins, nous paraissent faibles et insuffisants. Nous ne confondons pas les plaintes bruyantes, les sentiments passagers d’une admiration vague, presqu’inconsciente, avec le culte que chaque homme doit aux rares génies as-
- sez puissants pour marquer une époque dans la vie de l’humanité.
- On ne pouvait faire plus grandioses, plus imposantes, les cérémonies des funérailles de Victor Hugo. Les délégations venues de tous les pays, les envois de couronnes par d’innombrables sociétés, l’immense concours dépopulation, le transport au Panthéon, tout cela témoigne des louables intentions des admirateurs de Victor Hugo.
- Mais qu’ont-ils fait en l’honneur des idées du poète, du penseur, du philosophe , idées qui sont la partie immortelle du grand citoyen ?
- Si on excepte quelques délégations, telles que celles des groupes amis de la paix, la plupart des manifestants n’ont pas compris quel culte mériLe la mémoire de Victor Hugo.
- Nous le demandons aux journaux qui ont encadré de noir leur première page, aux loges maçonniques qui, presque toutes, ont voté des adresses, aux sociétés de libre-pensée et à tous les groupes qui ont publiquement exprimé leurs regrets, combien d’entre eux acceptaient, hier, l’idée de paix, d’arbitrage, que Victor Hugo a toujours affirmée.
- Presque tous reléguaient ces idées au rang des projets utopiques sortis des cervaux malades ou mal équilibrés.
- Combien y en aura-t-il, demain, qui auront assez de sagesse et d’intelligence pour déclarer qu’il est permis de penser comme Victor Hugo, sans être exposé à leurs risées ou à leurs mépris ?
- Si tous ces hommes avaient éprouvé les sentiments d’une véritable admiration, tous auraient solennellement sacrifié devant cette tombe leurs
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- vieilles croyances et proclamé leur foi nouvelle au prochain avènement d’une humanité heureuse sous le règne de la paix universelle !
- N’est-il pas certain que nous allons retrouver parmi nos adversaires tous ces citoyens, comme s’ils n’avaient jamais eu connaissance des vérités répandues par l’homme qu’ils viennent de sacrer immortel ?
- Ils ne se rappelleront pas qu’en acclamant la supériorité de Victor Hugo ils ont logiquement perdu le droit de s’élever contre les idées qui l’ont fait le meilleur d’entre les hommes.
- Que les amis de la paix, que les propagandistes de l'arbitrage prennent acte des sympathies publiquement affirmées pendant ces deux semaines, et qu’ils se les rappellent lorsqu’ils trouveront, dans les comités électoraux, parmi leurs adversaires les plus acharnés, les admirateurs les plus bruyants de l’immortel génie.
- Demandons désormais à tous ces gens qui nous classent parmi les idéologues et les insensés, chaque fois qu’ils se permettront de sottes appréciations comme ils l’ont fait si souvent dans le passé, si oui ou non il y a bêtise à accepter et à faire accepter par le peuple les croyances chères à Victor Hugo.
- Quant à nous, nous ne pensons pas qu’on puisse honorer les grands hommes autrement qu’en s’identifiant avec leurs pensées et en se consacrant à la défense et à la consolidation de leurs œuvres.
- Nous rappelons à tous les manifestants des funérailles de Victor Hugo ces conditions de la véritable admiration.
- Mouvement arbitragiste
- Les adhésions publiées pendant les deux derniers mois ont atteint le nombre de 930 ; presque toutes les signatures ont été légalisées.
- Voici l’état général par départements :
- Aisne, 125. —Algérie, 62. — Allier, 2. — Alpes-Maritimes, 1. — Ardennes, 23. — Aube, 3. — Bouches-du-Rhône, 5.— Basses-Pyrénées, 1.— Charente-Inférieure, 35.
- — Corse, 360. — Côte-d’Or, 11. — Deux-Sèvres, 2. — Doubs, 62.— Drôme, 3.— Eure, 11.— Gers, 1.— Gironde, 30.— Haute-Garonne, 11.— Haute-Loire, 104,— Haute-Marne, 148.— Hautes-Pyrénées, 27.— Haute-Saône, 2.— Haute-Vienne, 69.— Hérault, 9.— Ille-et-Vilaine, 1. — Indre-et-Loire, 30.— Jura, 996.— Landes, 1.— Loire, 1.
- — Loiret, 14.— Loir-et-Cher, i 14.— Lot-et-Garonne,1.
- — Maine-et-Loire, 36.— Manche, 2.— Marne, 46.— Meur-ihe-et-Moselle, 7.— Meuse, 7.— Nièvre, 3.— Nord, 20.— uise, 4.— Pas-de-Calais, 1.— Puy-de-Dôme, 665.—
- Saône-et-Loire, 64.— Sarthe,21.— Seine, 149.— Seine-Inférieure, 383. — Seine-et-Marne, 2. — Seine-et-Oise, 31. — Somme, 110, — Var, 160. — Vaucluse, 29. —. Vosges, 5.
- Ces 3,902 adhésions proviennent de 51 départements. Dans les cinq premiers mois de l’année 1885 nous avons recueilli autant de signatures que dans toute l’année 1884.Ces chiffres attestent que les efforts de nos amis commencent à porter leurs fruits.
- * *
- M. Pardoux nous communique les intéressants renseignements suivants :
- Depuis la publication du dernier recensement général (8 Mars 1885 — n° 3 du désarmement ) jusqu’à aujourd’hui, le nombre des adhésions au principe de l’arbitrage recueillies dans le département du Puy-de-Dôme, et publiées, s’est accru de 330, passant de 335 à 665.
- Ce dernier total se répartit ainsi :
- Clermont-Ferrand, 189. — Montferrand, 50. — Beaumont, 105. — Ceyrat, 1. — Chamalières, 10. — Champeix,
- 1.— Coudes, 27.— Cournon, 70.— Echandelys, 1. — Ma-ringues, 1.— Martres-de-Veyre, 59.— Mezel, 36. — Mire-fleurs, 2. — Montaigut-le-Blanc, 1. — Le Mont-Dore, 1. — Pionsat, 1. — Pontgibaud, 1. — La Roche-Blanche, 1. —
- La Roche-Noire, 1.— Romagnat, 1. — St-Jean-d’heurs, 24. — St-Julien-de-Coppel, 76.— St-Maurice, 1. — Vertaison, 1.— Veyre-Monton, 3.— Vic-le-Comte, 1.
- Les listes qui nous ont été apportées hier et avant-hier, et que nous n’avons pas eu le temps de dépouiller, en contiennent environ 200 ; quant à celles qui sont encore en circulation, nous ignorons naturellement leur contenu, et tout ce que nous en savons, c’est que, partout où elles sont tombées entre les mains d’une personne assez hardie pour s’en occuper, peu ou prou, quelle que soit la position sociale de cette personne, elles se remplissent plus ou moins vite, mais toujours d’éléments appartenant à tous les rangs de la société et fraternellement confondus.
- Au point de vue politique c’est l’élément républicain radical qui fournit le plus fort contingent et qui donne l’impulsion, tenant à cœur de justifier cette parole de M. Thiers : L’avenir appartiendra aux ( lus sages.
- La couronne que nous avons offerte à Victor Hugo a été portée par un groupe de 10 citoyens habitant Paris qui ont bien voulu se charger de nous représenter. Ils se sont concertés avec M. Aug. Desmoulins, secrétaire du comité de Paris de la fédération internationale de l’arbitrage et de la paix, et se seront, selon toutes probabilités, rangés, avec les autres groupes, derrière la bannière de la Ligue de la Paix et de la liberté ( président M. Lemonnier). La souscription ouverte à cette occasion a couvert largement les frais. Nous la laissons * ouverte, afin de ne pas priver les retardataires du plaisir de faire aussi leur devoir ; seulement nous faisons savoir que l’excédant des recettes sera employé à organiser quelque chose pour le 14 Juillet et notamment à nous procurer une vraie bannière.
- Les réflexions contenues dans la lettre de M. Pardoux méritent toute l’attention des amis de la paix. Partout où la propagande rencontre de vaillants porte-drapeaux, partout les
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- consciences se réveillent et beaucoup n’hésitent pas à affirmer leurs sentiments pacifiques.
- Nous avons encore beaucoup à faire pour nous élever au niveau des sociétés sœurs en Angleterre. On abeaucoup remarqué, parmi les étrangers délégués aux funérailles de Victor Hugo, M. Cremer représentant d’une société anglaise qui a envoyé au Parlement plus de 1,200,000 signatures en faveur de l’arbitrage, et qui a réuni près d’un million de francs destinés à la propagande.
- * ¥
- Dans la Marne, le mouvement semble devoir prendre de l’extension. A Reims, un groupe d’hommes dévoués s’est constitué en comité d’initiative ; ils ont rédigé une formule de pétition qu’ils s’efforcent de répandre et de faire adopter dans ce département.
- Voici les considérants invoqués par les citoyens rémois :
- Messieurs les députés :
- Les soussignés, habitants de...
- Oônsidéiant que la guerre est contraire aux sentiments de fraternité républicaine ;
- Qu’elle est la négation de la morale universeille, qui a pour principe fondamental le respect, la conservation et la protection de la vie humaine ;
- Qu’affirmant la loi du plus fort, même contre la justice, elle est impuissante à résoudre aucun conflit international, puisque le vaincu d’hier s’organise toujours pour la revanche, et oblige ainsi toutes les nations à rester sur le pied de guerre en temps de paix ;
- Que cet état de paix armée aurait, en se prolongeant, les mêmes conséquences ruineuses que la guerre ;
- Que les dépenses de l’armée permanente, et les intérêts de notre énorme dette, causée elle-même, en grande partie, par es guerres de la royauté et de l’empire, absorbent prés de moitié d’un impôt trop lourd et souvent inique ;
- Qu’ainsi toutes économies, et partant, tous dégrèvements, tous progrès, toutes réformes sont impossibles ;
- Vous prient d’enjoindre au Gouvernement de proposer à toutes les nations civilisées des traités par lesquels elles s’engageront réciproquement et solidairement, à soumettre tous les différends qui surgiront entre elles à un arbitrage international qui, seul, peut amener progressivement le désarmement général.
- Et, en même temps, de voter une loi qui, dispensant tous les citoyens du service militaire aux colonies, organise l’armée coloniale par le recrutement de volontaires ;
- Qui rende l’instruction militaire obligatoire pour tous de 16 à 20 ans, un jour par semaine, dans la commune ou le canton, et dans toutes les écoles, secondaires, professionnelles ou spéciales ;
- Ce, dans le but de réduire le service en temps de paix, d’alléger le budget et les dommages causés aux familles par l’absence des meilleurs travailleurs, tout en maintenant la France aussi forte qu’elle doit l’être dans les conjonctures actuelles, jusqu’au jour où les nations, maîtresses d’elles-mêmes, s’accorderont pour faire disparaître toutes les iniquités, toutes les causes de conflit, et fonder ainsi la paix définitive.
- Cuirassés et Torpilles. Bombes pacifiques
- On se demandait si lesTorpilles auraient raison des cuirassés; beaucoup pensaient que celles-là devaient remplacer ceux-ci. L’humanité, la France, en particulier, sera bientôt 'dotée d’un double outillage de cuirassés et de torpilles. Ce qui n’empêche pas de chercher, si la chose n’est déjà pas trouvée, un nouvel engin capable de détruire les cuirassés et les torpilles et ainsi de suite, tant les hommes ont de bon sens dans ce grand siècle de lumière !
- Le ministre de la marine vient de se prononcer dans un conseil, pour le maintien simultané des torpilleurs et des cuirassés :
- A l’appui de son opinion, il a fait valoir que toutes les marines étrangères persistaient à considérer le cuirassé comme le grand élément de combat.
- L’amiral Galiber considère que les torpilleurs, sous l’abri des cuirassés, sont d’importants instruments de défense ; mais il n’ont pas encore les qualités nautiques désirables ainsi que l’expérience l’a prouvé, tant en France qu’en Italie. Le tir de la torpille automobile n’est pas assez certain ; il est subordonné à l’état de la mer, qui peut le contrarier. Quant aux torpilleurs de haute mer, l’épreuve n’en a pas encore été faite et l’on ne sait pas ce qu’ils donneront à l’expérience.
- L’amiral Galiber est donc d’avis qu’il faut continuer la construction des gros cuirassés, tout en faisant le plus grand nombre possible de torpilleurs.
- D’autre part le Ministre a ajouté que l’on poursuivait activement l’étude des moyens de défense des cuirassés contre la torpille : ces moyens sont les cloisons étanches, les pièces à tir rapide et les filets qui n’ont paru jusqu’ici utiles qu’au mouillage.
- Enfin, les études se poursuivent au sujet de la vitesse, tant pour les cuirassés que pour les torpilleurs.
- En ce qui concerne le recours à l’industrie privée pour les constructions navales, le Ministre croit qu’on doit continuer à le pratiquer dans une certaine mesure ; mais il est d’avis qu’il est impossible d’en faire une mesure générale.
- Gomme on ferait mieux d’occuper l’industrie privée et les usines de l’Etat à nous confectionner un bon matériel agricole.
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- L’amirauté anglaise poursuit des études et des expériences beaucoup plus intéressantes au point de vue du bonheur de l’humanité.
- On a, paraît-il, récemment procédé en Angleterre, par ordre de l’amirauté, à des expériences des plus brillantes relativement à l’action de l’huile sur les vagues. Je ne trouve plus le nom du port où elle ont eu lieu. Par un gros temps, des bombes spécialescontenant de l’huile, ont été lancées de terre à une distance considérable. Dès que leur contenu se fût répandu sur les flots, on vit leurs troupes agitées se raser, et la mer dans un certain rayon devenir presque calme. Il y aurait donc là un moyen
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- nouveau d’aller au secours d’un navire en perdition proximité des côtes et l’emploi de l’huile, dans les opérations de sauvetage devrait être mis à l’étude.
- Après avoir sacrifié des milliers d’existences d’hommes et gaspillé des millions de livres sterling, quelle sécurité aura-t-on d’obtenir une fin telle qu’on la désire ?
- Personne assurément avec toute l’expérience de l’histoire devant s oi ne peut douter de la vérité du dicton de Wattel : « Rien que les réclamations justes puis sent être faussées par des arbitres, il est encore plus à craindre qu’elles soient maîtrisées par un appel aux armes.»
- Henri Richard.
- Ce qu’a coûté la guerre du Mexique
- La guerre du Mexique a coûté à la France 99o millions, près d’un milliard.
- Et à quoi a-t-elle abouti ?
- A une retraite humiliante, sur une injonction des Etats-Unis, adressée à l’Empereur.
- A la rupture de toutes relations commerciales entre la France et le Mexique pendant plus de dix années.
- C’est la République qui, en 1877, est enfin parvenue à renouer nos relations commerciales avec le Mexique, à rouvrir ce pays aux produits français.
- Voilà ce que M. Rouher, le plus émérite de tous les hâbleurs, appelait modestement « une question pénible, » une « faible tâche » au milieu de « la splendeur de l’Empire. »
- Electeurs, préservons-nous à jamais de pareilles « splendeurs » qui se chiffrent, avec ce que la guerre de 1870 a coûté à la France, par un gaspillage de plus de seize, milliards, le démembrement de la patrie et l’atteinte au prestige du drapeau national.
- Et pour nous préserver à jamais de tels maux, rallions-nous, dans un même sentiment d’union patriotique, autour de la République.
- Le langage des promoteurs de l’expédition Tonkinoise ressemblait beaucoup à celui de l’ancien ministre bonapartiste. Pour comble de malheur la carte à payer et l’effet produit se ressentiront beaucoup de cette ressemblance.
- LA COMMISSION DU CANAL
- La commission du canal de Suez, dont la première séance avait coïncidé avec la chute du ministère Ferry, avait chargé une sous-commission de préparer un avant-projet destiné à servir de base à la discussion. C3 travail est aujourd’hui achevé et va être prochainement soumis à la commission réunie en assemblée plénière.
- Gomme il était aisé de s’y attendre, F avant-projet consacre le principe de la neutralité du canal. Si ce terme n’est pas employé, cela tient à une simple question de vocabulaire ; on a la chose, si l’on n’a pas le mot. Qu’on en juge.
- Ni le canal maritime ni le canal d’eau douce qui l’alimente ne pourront recevoir la plus légère atteinte, en temps de guerre comme en temps de paix. L’exercice du droit de blocus, 1 établissement de fortifications, en un mot toute espèce d’opération militaire est interdite. Cette proscription s’étend ’ iême au cas où la Sublime-Porte serait une des puissances - 'gérantes.
- Le ravitaillement des bâtiments de guerre, leur transit dans le canal, leur séjour soit à Suez soit à Port-Saïd sont également l’objet de prescriptions très précises. Là-dessus d’ailleurs l’accord s’est fait fac.lement entre les délégués ; le point délicat du débat portera sur le mode d’exécution et l’organisation de la surveillance.
- Il semblait naturel, et les délégués de la France et de l’Allemagne se sont fait dans la commission les interprètes de cette opinion, il semblait naturel que le régime qui a été appliqué à la navigation du Danube fûtappliqué au canalde Suez ; mais on s’est heurté à un refus formel du délégué anglais, sir Julian Panncet'ote. Ce diplumate a prétendu qu’il n’existait aucune analogie entre la situation du Danube, fleuve coulant entre les territoires de plusieurs Etats, et le canal du Suez construit tout entier dans le territoire d’une seule puissance. Mais c’est justement parce que le canal, œuvre internationale, appartient géographiquement à une seule nation, qu’il importe de prendre à son égard Se plus de garanties possibles, et la première de toutes est la constitution d’une commission identique à celle qui pour le Danube a donné de si heureux résultats.
- FRÉDÉRIC MONTÀRGIS.
- Un testament aux États-Unis
- L’honorable Charles Semmer a disposé de sa fortune par testament comme suit ;
- Je lègue mes biens au Président et aux administrateurs de Harvard Collège, me confiant à eux pour fonder un prix annuel en faveur de l’étudiant du collège ou de quelqu’une des classes, que cet étudiant ait ou non un grade universitaire, qui aura fourni la meilleure dissertation sur la Paix Universelle et les méthodes par lesquelles la guerre pourrait être empêchée d’une manière permanente.
- J’agis ainsi dans l’espoir d’atlirer l’attention des étudiants sur la praticabilité de la paix entre les nations, chose que je crois sincèrement réalisable. Je ne doute pas que les mêmes modes de décisions qui actuellement prévalent entre les individus, entre les villes et entre les plus petites sociétés, ne puissent être étendues aux nations,
- Le vœu de Sir Charles Semmer a-t-il été accompli ? Que les administrateurs de Harvard Collège répondent.
- (Philadelphia Peacemaker)
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- LA MORT DE VICTOR HUGO
- L’Intransigeant vient de publier la poésie remarquable que la mort de Victor Hugo a inspirée à Clovis Hugues. Ces beaux vers,puissants par l'idée, brillants par la forme, peuvent se placer à côté des plus belles pages du Maître.
- Le continuateur de Victor Hugo a une grande mission à accomplir. La richesse méprisant la pauvreté, le luxe insolent, l’exploitation du travail n’ont pas eu leurs châtiments; la poésie n’a pas encore apporté un concours suffisant à l’œuvre de la rénovation sociale.
- Gloiie aux jeunes qui combleront cette lacune. Nul, mieux que l’auteur des vers suivants, n’est doué pour oser une si fière tentative.
- C’est ici le combat du jour et de la nuit.
- (VICTOR HUGO)
- En ce temps-là, le coude appuyé sur l’épée,
- Le front déjà plissé sous les cheveux moins longs, Bonaparte songeait, hanté par l’Epopée.
- Encore quelques jours, et la pourpre usurpée Allait lui battre les talons !
- Encore une enjambée au-delà de l’Histoire ! Encore deux ou trois tours de roue à son char,
- Au char qui l’emportait de victoire en victoire !
- Et le jeune consul ,debout en plaine gloire, S’éveillait Pontife et César !
- Un homme, un seul, régnait, escorté de conquêtes, Sur les peuples captifs et parqués en troupeaux ; Un seul nom résonnait au cuivre des trompettes ; Et les aigles battaient de l’aile, toute prêtes A se poser sur les drapeaux.
- Déjà, dans la clameur des cavaliers numides,
- Son altier souvenir, à nul autre pareil,
- Grondait aux bords du Nil, tonnait aux Pyramides; Et le ciel d’Austerlitz en ses brouillards humides Déjà lui couvait un soleil.
- Quand il passait, les bras croisés, les lèvres closes, Les yeux fixes, courbé sous son tragique ennui, Les nobles lauriers verts, plaqués de clartés roses, Disaient aux demi-dieux ivres d’apothéoses :
- —Nous ne poussons plus que pour lui !
- Oh ! songeait-il, voici que monheure est venue! Les plus grands ont un peu de mon ombre à leurs
- [fronts ;
- J’ai couché dans mon lit la gloire toute nue ;
- Et demain l’astre d’or qui brille dans la nue Etoilera mes éperons.
- Ce siècle est un enfant encore, il naît à peine,
- Mais je le vêtirai d’une armure d’acier ;
- Je gonflerai ses flancs de ma puissante haleine;
- Et je l’emporterai par les monts et la plaine Sur la croupe de mon coursier.
- Je lui façonnerai, pour sauver ma mémoire,
- Un visage moulé sur mon casque romain.
- Quand nous galoperons à travers la nuit noire,
- S’il a soif et s’il crie, eh bien ! il pourra boire Le sang rouge au creux de ma main.
- Je ne laisserai poser ses pieds à terre Qu’en le faisant marcher sur des nuques de rois. Pour écrire son nom, son grand nom militaire, L’Histoire, qui pourtant n’oserait pas le taire,
- Aura des feuillets trop étroits.
- Lui, plus grand que la Mort, moi, plus grand qu’A-
- [lexandre,
- Nous aurons tous les deux le même Panthéon.
- Et quel homme pétri de génie et de cendre,
- Quel Français serait donc assez hardi pour prendre Le siècle de Napoléon ?»
- II
- Pendant qu’il méditait, quelqu’un venait de naître; Et c’était un enfant, plus chétif qu’un oiseau,
- Une chimère, un souffle, à peine une ombre d’être... Mais, ô spectre ! ô couronne ! ô fortune de Maître! Vous pesiez moins que son berceau !
- La voix des canons sourds,accroupis sur les villes, N’avait pas salué l’auguste nouveau-né.
- Au seuil blanc des palais peuplés de faces viles,
- Le chœur mélodieux des Harangues serviles Ne l’avait pas environné.
- Nul passant glorieux, capitaine ou poète,
- Ne l’avait soulevé dans le ciel grand ouvert,
- Pour le montrer au siècle avec un air de fête ;
- Et les arcs triomphaux n’avaient pas sur sa tête Fait ondoyer leur dôme vert.
- Mais, sous ce front naissant, déjà lourd de génie, L’avenir s’ébauchait, un monde était vivant,
- La pensée impalpable, et pourtant infinie, Chuchotait, bourdonnait en la vague harmonie Des astres, des flots et du vent.
- Le ciel baignait d’azur la strophe diaphane,
- Le Verbe gazouillait dans le rythme apaisé,
- Le billot se dressait entre la reine et Jane, Triboulet et Ruy-Blas frissonnaient, sous ce cran© Qu’un coup de pouce aurait brisé.
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- LE DEVOIR
- L'amour sanctifiait la chute de la femme.
- Hernani désarmé, Charles-Quint triomphant, Etaient là, tous les deux, héros futurs du drame, Dans la goutte de sang qui tremblait, perle d’âme, Sous le cerveau de cet enfant.
- Le doux quatrain mignard et tout brodé d’emphases Chantait tout ce qui chante et tout ce qui fleurit ; Les Odes s’envolaient d’extases en extases ;
- Les mots tourbillonnaient dans l’écume des phrases Sous les quatre vents de l’Esprit.
- Jean-Valjean incréé, sans limite et sans forme, Tressaillait. Gilliatt mourait, pensif et grand ; Quasimodo trônait dans la laideur énorme;
- Didier luttait, saignait, et Marion Delorme Dégrafait sa robe en pleurant.
- Les Châtiments grondaient et vomissaient des laves La foudre répondait au fer qui retentit.
- L’Epopée éclatait en vers profonds et graves : Eschyle aurait pu voir se dresser des Burgraves Derrière ce front si petit.
- ËtTqu’importait aux dieux César drapant son torse Dans la pourpre des rois vaincus à Marengo ? L’éternel idéal est plus fort que la force :
- Tu n’étais qu’un passant dans ce grand siècle, ô
- [Corse!
- L’enfant, c’était Victor Hugo !
- III
- Et c’était lui, le chantre étonnant et candide Qu’aucune lâcheté du destin ne troubla,
- C’était lui, le servant des peuples, le bon guide,
- Qui devait, arrêtant ton cheval par la bride,
- Te crier : Sire, halte-là !
- Halte-là ! vous n’irez pas plus loin ! Trêve! Trêve! Assez d’êtres broyés entre vos deux genoux !
- Votre étoile descend et la mienne se lève ;
- Je prends, pour lui donner la forme de mon rêve,
- Ce siècle, qui n’est point à vous !
- Je vous le prends tout chaud du viol des batailles, Le râle aux dents, portant dans sa chair en lam-
- [beaux
- L’empreinte de vos doigts crispés sur ses entrailles! Je vous le prends à vous, ô semeur de mitrailles ! Afin de le prendre aux corbeaux !
- Je vous le prends à vous pour le rendre à la France, A Paris en travail, au progrès anxieux,
- A tous ceux qui, hâtant la grande délivrance, Mesurent le front b as de l’humaine ignorance Avec des larmes dans les yeux !
- Je vous le prends à vous pour le rendre à l’Idée !
- Je tords entre mes poings les armes en faisceaux. C’est par le seul amour que l’âme est fécondée;
- Et je veux museler la Haine débridée
- Soufflant la guerre à pleins naseaux !
- IV
- Or, voici qu’à présent vous dormez tous deux, sire Mais il fut doux et juste, et lui seul a vécu ;
- C’est lui seul qu’on bénit, c’est lui seul qu’on admire! Le poète du glaive au soldat de la Lyre A murmuré : Tu m’as vaincu !
- Puis, dressant gravement sa tête impériale Au-dessus de Paris formidable et béant,
- César a dit : — Prenez mon arche triomphale ! Emplissez-la de gloire au-dessus du front pâle De ce mort qui fut un géant !
- Alors,devant la nue éclatante et sereine,
- Sous l’immense granit noyé d’ombre et de jour On a vu se lever, vision surhumaine ! Napoléon-premier, le génie et la haine !
- Hugo, le génie et l’amour !
- Et maintenant en marche ! ô France, plus de crainte ! Codes, transformez-vous ! Disparais, échafaud ! Emporte, ô vent des cieux, l’univsrselle plainte ! Bonaparte est moins grand, la patrie est plus sainte, Et l’Arc de Triomphe est plus haut !
- Clovis Hugues.
- Le Conflit anglo-russe
- La Russie et Angleterre ne se battront pas. Le conflit que l’on croyait ne pouvoir se terminer pacifiquement vient heureusement d’être apaisé par l’acceptation par la Russie des propositions anglaises.
- Cette satisfaisante fin que ne prévoyait aucun politicien doit-être attribuée,cela ne fait aucun doute, à la nouvelle conduite que les nombreuses manifestations des amis de la paix commencent à imposer aux gouvernements.
- Les sociétés anglaises de la paix ont dit et répété assez souvent,pour qu’une partie du peuple accepte l’idée,que la guerre ne doit jamais être commencée sans que les gouvernements aient épuisé tous les moyens de conciliation. Au moment critique, les meneurs du mouvement pacifique, au lieu de se laisser arrêter par la crainte de voir leur conduite mal interprétée et de s’entendre accuser de trahir les intérêts de la patrie, ont provoqué d’incessan-
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- tes manifestations contre l'esprit de guerre ; dans de nombreux meetings, ils ont sommé le gouvernement de la reine de ne rien précipiter, de donner à la diplomatie des instructions pacifiques.
- Sous l’influence de l’agitation entretenue par les amis de la paix en Angleterre, le gouvernement,au lieu de partir intempestivement en guerre, a fait proposer à la Russie de régler le différend par un arbitrage.
- Dès les premières propositions il a été évident que la Russie désirait la guerre. Le gouvernement allemand, en refusant le rôle d’arbitre, a montré qu’il souhaitait un choc entre les deux peuples. Même, la Gazette de Cologne, l’organe ordinaire du chancelier, avait longuement énuméré quels avantages considérables devait retirer l’Allemagne d’une guerre qui ouvrirait à son commerce les débouchés de l'Asie. Cette conduite du gouvernement de Berlin, en désaccord avec le fait récent d’avoir organisé la conférence internationale du Congo, est une de ces contradictions si fréquentes dans les systèmes politiques qui substituentles caprices des hommes au respect des principes.
- Tous ces complots et ces projets ont pitoyablement échoué par le simple effet d’une demande d’arbitrage.
- On peut considérer cet arrangement comme un échec de la politique bismarkienne.
- Quelle confiance cette solution doit donner aux amis de la paix, lorsque leurs démonstrations, encore si confuses et si rares, infligent des défaites si complètes à la politique que l’on dit la plus puissante de l’Europe.
- Et ce n’est pas même un arbitrage qui calme ce conflit si aigu ; il n’a fallu que le mot pour produire un si satisfaisant dénouement.
- Il en sera presque toujours ainsi.
- Cela justifie pleinement l’opinion que nous émettions récemment que l’on éviterait toutes les guerres, si on laissait aux peuples le temps de la réflexion avant de porter les premiers coups.
- Un demande d’arbitrage produit forcément cet effet de laisser le temps de la réflexion. Dès que ce mot magique a retenti, les esprits considèrent qu’il reste quelque espoir de paix, ils supputent les chances favorables,ils en découvrent qu’ils n'avaient pas supposées sous le coup des premières émotions, plus ils les examinent, plus ils les apprécient, tant le maintien de la paix correspond aux aspirations de la nature humaine. Puis le monde surpris constate que l’esprit de guerre s’est dissipé et que la
- raison a repris ses droits, alors que toutes les apparences semblaient devoir laisser le dernier mot à la force.
- La puissance de la politique arbitragiste n’est plus contes table.On ne peut mettre en doute qu’elle soit souveraine et qu’elle aboutisse au désarmement, par le fait qu’elle rendra les guerres impossibles, lorsqu’elle sera organisée suivant les données des amis de la paix.
- Comment augurer moins à la suite de l’apaisement du conflit anglo-russe, dans descirconst an-ces imprévues, sans que les puissances aient préalablement pris des délibérations en prévision d’événements de ce genre.
- Les groupes de la paix voient plus loin que ces arrangements empiriques obtenus à la suite d’une demande incidente d’arbitrage. Ils considèrent ces cas partiels comme la preuve d’un heureux acheminement vers la pratique rationnelle de l’arbitrage.
- Ils réclament que les gouvernements civilisés, réunis en assemblée souveraine, déclarent que tout conflit pouvant dégénérer en guerre sera examiné par un tribunal international, et qu’aucune des parties intéressées ne devra faire acte belliqueux avant la décision de ce tribunal.
- Nous ne sommes pas aussi loin qu’on le suppose de l’époque ou prévaudra la politique arbitragiste.
- Nous considérons l’attitude du gouvernement anglais en face de la Russie comme un fait qui engage l’avenir ; il est désirable que l’on sache partout qu’il existe désormais en Europe un Etat résolu à ne plus partir en guerre sans avoir préalablement offert au concert européen de se prononcer, ou, à défaut de cette intervention,de proposer, avant toute hostilité, la constitution d’un arbitrage.
- Nous devons aussi rendre hommage à la sagesse du roi de Danemark, qui n’a point cru indigne de lui d’accepter ce qu’avait refusé l’empereur d’Allemagne, d’être arbitre,s'il y avait lieu de faire intervenir un tiers entre les deux parties.
- Voilà les bienfaits de la propagande de la paix. Ils devaient se faire sentir d’abord en Angleterre, car, en aucun autre pays, les propagandistes n’ont été plus persévérants, plus tenaces,et les souscriptions plus abondantes.
- Les citoyens généreux qui commanditent les sociétés anglaises de la paix doivent se réjouir, caries sommes relativement minimes qu’ils ont dépensées dans la propagande viennent d’épargner à leur pays le sacrifice de vies d’hommes et de sommes incalculables.
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- Ces faits si remarquables doivent être un encouragement et une récompense qui donneront à tous les amis de la paix confiance en leur œuvre qu’ils poursuivront avec plus d’ardeur et de sollicitude à mesure qu’approche le moment du triomphe.
- Exportation et importation.— Un récent document indique l’importance comparée du mouvement des importations et des exportations des différents pays.
- Au point de vue de la valeur, c’est la Grande-Bretagne qui est au premier rang avec 18,125 millions; puis viennent la France avec 8,396 millions ; l’Allemagne, 7,887 ; les Etats-Unis, 7,344 ; la Russie, 4,096 ; les Pays-Bas, 3,606 ; l’Au-triche-Hongrie, 3,357 ; la Belgique, 2,933; l’Italie, 2.403 ; l’Espagne, 1,304 ; la Suède et la Norwège, 1,056 ; le Danemark, 515 ; l’Uruguay, 202, et la Grèce, 157 millions.
- Ces chiffres énormes montrent combien les intérêts des peuples tendent à devenir solidaires et quelles ruines la guerre entre les nations causera désormais indistinctement au milieu des populations belligérantes.
- Conçoit-on que la Grande-Bretagne, avec ces 18 milliards d’affaires internationnales, puisse jamais réparer les pertes qu’elle subirait par une longue guerre même suivie d’une victoire.
- Neutralisation du Tonkin
- Le Comité de Paris de la Fédération internationale de l’Arbitrage et de la Paix a tenu le samedi 2 mai son assemblée annuelle dans la salle du passage des Deux-Pavillons, 5 rue des Petits-Champs. M. Hippolyte Destrem présidait. Le secrétaire, M. Auguste Desmoulins, conseiller municipal, a fait d’abord un rapide compte rendu des opérations du Comité durant l’exercice 1884-1885. Il a rappelé les services rendus à la cause par M. Hodgson Pratt, tant à la conférence de Berne qu’à celle de Genève et dans ses voyages de généreuse propagande en Allemagne. L’Assemblée a approuvé ce rapport et a renouvelé le Conseil exécutif. Sept des anciens membres ont été maintenus, et deux membres nouveaux ont été nommés: MM. Boulogne et Tardieu, étudiant en droit.
- On a ensuite abordé l’ordre du jour : Neutralisation du Tonkin. M. Desmoulins expose d’abord ce qu’il appelle la doctrine de la paix. Il passe en revue les idées formulées par les ^dateurs du droit des gens : Thomas Morus, Grotius, Puf-pendorf et Wattel. Il place en regard de ces idées les opinions des apologistes delà guerre, Machiavel, Bodin, de Maistre, de Moltke. A ces noms un assistant, M. Alphonse Humbert ajoute fort à propos ceux de M. Thiers et de certains professeurs de l’école militaire.
- M. Desmoulins montre que ces controverses elles-mêmes ont contribué à étendre, tout en la précisant, la notion du droit des nations. La liberté des mers, la neutralité des détroits et de certaines provinces frontières, l’arbitrage et les fédérations de provinces ou d’Etats ont été les conquêtes successives du
- droit international. Il cite à ce propos le traité de Paris (avril 1856) dans lequel ont été reconnus ces droits essentiels de la neutralité du Danube et de la Mer Noire, la libeité pour les peuples des provinces Danubiennes d’él're leurs chefs et l’obligation pour les hautes parties contractantes de soumettre à un arbitrage les différends qui pourraient surgir entre eux. Napoléon III, qui avait eu l’honneur de signer ce traité, fut aussi le premier à le déchirer en déclarant, le 18 juillet 1870, la guerre à la Prusse, sans avoir un moment parlé d’arbitrage Cette trahison nouvelle de l’auteur du coup d’Etat du 2 décembre ne pouvait en rien porter atteinte au principe. Trois ans après, l’arbitrage remportait une victoire signalée en mettant fin aux différends survenus entre l’Angleterre et les Etats-Unis du fait des déprédations du corsaire l’Alabama.
- De la doctrine, le conférencier passe à l’exposé des faits relatifs au Tonkin. Il rappelle quelle était la situation de ce pays en 1873 lorsque Dupuis entreprit de soustraire les Tonkinois à la domination de leurs tyrans Annamites. Les Tonkinois, peuple agriculteur, sont d’humeur paisible ; ils ont été conquis au commencement du siècle par leurs belliqueux voisins. Après deux voyages d’exploration, faits par Dupuis d’accord avec le vice-roi du Yun-Nan, la Chine avait donné à l’explorateur français la mission d’ouvrir la navigation du Fleuve-Rouge aux vaisseaux européens et d’appeler dans le pays des ingénieurs et des négociants occidentaux. Dupuis réussit; il arriva jusqu’à Han-noy. Malheureusement, il voulut associer à son action le gouvernement français. Celui-ci ne comprit point ce qu’il y avait à faire ; son indécision encouragea les Annamites qui repoussèrent Dupuis et massacrèrent les Tonkinois. Malgré tous les efforts de Dupuis pour éclairer le gouvernement, celui-ci se laissa entraîner par les missionnaires, les capitalistes, la guerre et la marine, à une série d’actions si mal calculées qu’on en vint à sacrifier des milliers d’existences humaines, à dépenser des centaines de millions, pour arriver à la paixactuellequi est si peu définitive quelle entraînera autant de frais que la continuation de la guerre.
- Le véritable traité à faire serait basé sur les clauses suivantes :
- 1° Neutralisation du Tonkin et de l’Annara (Hué) par toutes les puissances ou même seulement par la Chine et la France qui suffiraient à l’assurer et à l’imposer.
- 2° Suzeraineté nominale de la Chine.
- 3° Responsabilité effective, financière et politique de la Chine (Solde d’une milice intérieure, etc.).
- 4° Gouverneur et personnel français pour les hautes positions de l’administration (en très petit nombre cependant), des finances, de la marine, delà milice, de la douane. Instructeurs de divers ordres pour la milice. Ingénieurs et contremaîtres pour les mines, les chemins de fer, etc.
- 5° Occupation temporaire de File de Haï-Nan à l’embouchure du Song-Roï, afin de surveiller l’exécution du traité*
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- Dans ces conditions quelques navires suffiraient avec quelques compagnies d'infanterie de marine.
- 6° Partage du produit des douanes à établir au Tonkin et à Haï-Nan, jusqu’à remboursement des dépenses faites par la France.
- A l’appui de cet arrangement, M. Desmoulins montre que le traité Bourrée et le traité Fournier, bases du projet de paix actuel, entraîneront tous deux des frais considérables et seront la source d’incalculables difficultés tandis que la neutralisation du Tonkin ne compterait aucun sacrifice d'hommes, et ne causerait que des dépenses insignifiantes, tout en assurant à la France un protectorat réel. Ce serait une extension de notre influence morale. Le résultat serait une amitié de plus en plus sérieuse entre les deux peuples, qui, placés aux extrémités du double continent de l’Asie et de l’Europe, doivent servir de contre-poids aux autres états et maintenir l’équilibre entre ceux-ci.
- Il termine en disant qu’au milieu des dangers qui menacen t la paix générale et qui compromettent la prospérité intérieure de notre pays, c’est le devoir des vrais patriotes d'assurer à la République française les bienfaits de la paix, en lui donnant le prestige de la pratique de la justice.
- L’Assemblée décide que le projet de neutralisation du Tonkin sera discuté dans une prochaine séance. Les assistants gênent la pétition en faveurdelapaix,formuléepar la rédaction du journal le Devoir, et remercient M. Godin de l’initiative qu’il a prise de provoquer la formation d’un conseil central permanent des diverses sociétés de la paix.
- Dans une réunion tenue le 13 mai, le Comité a décidé l’impression d’une brochure qui aura pour titre : « Neutralisa-^on du Tonkin ». Elle contiendra un récit sommaire de la guerre avec la Chine, la reproduction du discours prononcé à la Chambre des députés par M. Jules Gaillard, le 7 avril, et une note sur la neutralisation communiquée par M. Eugène Simon.
- On a lu ensuite une lettre de M. Hodgson Pratt, dans laquelle, répondant au désir exprimé par le journal le Devoir, il recommande la formation d’un conseil central des différentes sociétés de la paix. Le comité a pris en sérieuse considération ce projet ; il a décidé que différentes mesures seraient prises, dans le but de le réaliser.
- La paix perpétuelle et les Etats-Unis d’Europe
- Emmanuel Kant fut un des plus grands philosophes, des plus puissants génies que le monde ait vus.
- En 1793, il conçut l’idée de la Paix perpétuelle fondée par une confédération de tous les Etats européens.
- Un congrès permanent devait représenter les Etats confédérés ; ces Etats devaient être libres de façon à donner au moins à chaque citoyen, par l’intermédiaire derepré-
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- sentants, une influence effective sur la création des loi et sur les déclarations de guerre ; les despotes hésitant peu à faite ces déclarations, mais les peuples y portant d’autant plus d’attention que c’est sur eux que retombent les ruines et les massacres.
- La paix devait être garantie par un traité spécial mettant fin à toutes les guerres ; chaque nation renonçaut à la liberté de la sauvagerie pour former la fédération des Etats civilisés.
- « Il est bon, il est juste, » écrivait-il, « d’espérer en la réalisation progressive mais indéfinie du règne du droit public. La paix perpétuelle qui succédera aux trêves appelées traités de paix n’est pas une chimère ; c’est un problème dont la solution est assurée avec, le temps, et proportionellement aux progrès de l’esprit humain.»
- Au programme de la paix perpétuelle adhérait un autre grand philosophe Àmédée Fichte.
- Mais que peuvent les philosophes devant la persistance des vieux préjugés, sur lesquels presque tout les gouvernants fondent et maintiennent leur puissance?
- (Il Secolo)
- Les Sociétés de Gymnastique
- Halte ! A gauche ! Front ! A droite, alignement ! Fixe !
- Passons notre revue.
- L’aspect général est agréable.
- La tenue est parfaite, les costumes ne manquent pas d’originalité ; ils sont soigneusement entretenus. Le pantalon gris avec sa raie bleue, serré par la guêtre blanche, donne au corps une apparence de souplesse et de légèreté qui sied à merveille à la jeunesse. Le veston bleu en tissu souple dessine convenablement les formes du tronc; sa nuance mie claire contraste agréablement avec la. couleur des autres parties du costume. Le col marin largement ouvert laisse libres les attaches du cou ; les muscles peuvent fonctionner sans gêne, l’air pénétrer abondamment dans les poumons. La casquette grise, avec quelques raies rappelant la couleur du veston, s’enfonce sur la tête juste assez pour tenir horizontale la large visière qui préserve le visage.
- Le costume généralement adopté par les sociétés de gymnastique est gracieux et n’a rien dans sa forme qui fasse prendre à première vue le gym-nasiarque pour un fanatique de guerre assoiffé du sang des batailles, comme voudraient le' faire croire certains chauvins qui n’auraient jamais encouragé la formation de ces sociétés, s’ils n’espéraient pouvoir les entraîner dans les aventures que rêvent les sectaires du vieux patriotisme et de la gloire militaire.
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- L’uniforme du gymnasiarque a quelque chose de théâtral,et c’est pour cela qu’il nous plaît ; l’homme, la jeunesse surtout, a besoin de s’élever au-dessus du terre à terre de l’existence, les élans de la joie et des gaies inspirations éloignent sa pensée des sombres préoccupations et l’empêchent de s’arrêter et de se mêler au mal qui pourrit partout nos sociétés.
- Que le gymnasiarque mette toutes ses allures à l’unission avec les riantes inspirations que provoque l’aspect de sa compagnie équipée en tenue de fête ! Qu’il laisse aux vieux grognards et aux pitres du chauvinisme ces airs refrognés qui rendent le visage affreux et le cœur cruel.
- Pour jouer ce rôle de mangeur d’étrangers, il faut une tête spéciale et un costume asorti ; la moustache en brosse, un nez rougi, une redingote serrée et étriquée, un chapeau qui écrase la tête, sont les accessoires indispensables de l’emploi, si l’on est un simple pékin ; mais si l’on fait partie des légions de Mars, la moustache et le nez rougi et la voix éraillée, toujours de rigueur, se complètent par des casques, des dorures, des galons et mille autres oripeaux que l’on prodigue dans l’ha^ billement de l’infanterie, de la cavalerie, de l’artillerie et de l’infirmerie.
- Quelquefois, le gymnasiarque surchauffé‘par des discours de rhéteurs emphatiques,par le récit dramatique d’exploits militaires subit l’influence des belliqueux ; il essaie alors de prendre un attitude de circonstance ; il veut avoir un air sévère, martial ; il devient simplement vilain.
- La coiffure du gymnasiarque est légère, elle lais-à la tête toute sa mobilité ; cela ne peut s’harmoniser avec la régidité que doit observer l’individu aux allures martiales ; la contraction des traits et la fixité du regard, qui, dans certains cas, donnent l’aspect d’un matamore, paraissent d’horribles grimaces chez le jeune homme revêtu du gai costume de gymnasiarque.
- Nous ne conseillons pas néanmoins à ces sociétés de négliger les exercices militaires ; ils répondent à une nécessité qu’imposent de pénibles obligations pendant tout le temps que les nations resteront armées et que les réactions seront coalisées contre le progrès social. L’intérêt de la République et la défense de son territoire peuvent exiger encore des combats meurtriers et des guerres terribles ; nous tenons compte de ces cruelles éventualités et nous demandons à notre jeunesse de ne rien négliger de ce qui peut la rendre forte contre les agresseurs.
- Mais ce que nous voulons lui apprendre à ne pas oublier, c’est que l’apprentissage du métier de soldat n’est pas le but véritable des sociétés de gymnastique ; il n’est qu’une obligation momentanée que l’on doit subir avec résignation, au lieu d’être une chose principale que l’on recherche avec empressement et que l’on accomplit avec passion ou forfanterie.
- Ces réflexions nous sont inspirées par l’intérêt que nous portons aux sociétés de gymnastique. Maintenues et dirigées suivant l’esprit du progrès social, elles peuvent être le point de départ de notre transformation morale.
- Nous voudrions voir toutes les sociétés de gymnastique animées du même esprit qui inspire la société de nos jeunes familistériens. Elle s’est constituée sous le nom de « La Pacifique ». Ses membres, passionnés pour les exercices du corps e.t les brillantes manifestations, savent aussi accomplir les marches militaires et manier les armes meurtrières. Nous ne doutons pas que si la cause du progrès imposait le cruel devoir de la défendre par les armes, notre jennesse serait au premier rang parmi les plus courageux, mais nous avons la satisfaction d’être certain qu’elle est résolument décidée à ne point s’associer aux provocations, et qu’elle est capable de résister aux paroles enflammées des fanatiques.
- Lorsque les autres sociétés auront cette sagesse et autant de résolution, l’évolution pacifique de l’humanité sera devenue la loi générale.
- Ces sociétés aboutiront fatalement à la disparition du militarisme.Lorsqu’elles seront généralisées partout, lorsque tous les jeunes citoyens de toutes les communes y auront été encadrés de l’âge de 14 ans à 20 ans, après cinq ou six mois de présence au corps pour s’habituer aux manœuvres d’ensemble, ils posséderont une instruction militaire plus complète que nos soldats ayant servi plusieurs années, sans avoir, comme ces derniers, perdu une partie des notions de la vie civile à la suite d’une longue séparation d’avec les autres hommes.
- Ce mode de groupement qui prend l’enfant à sa sortie de l’école et cohésionne les adolescents jusqu’à l’âge de la maturité établit entre ses membres, avant qu’ils soient devenus des hommes ayant des intérêts distincts et souvent antagoniques, une communauté de vues et des bonnes relations qui seront plus tard un obstacle à l’exagération des intérêts égoïstes ; cette union de la jeunesse est un acte qui prépare l’union des hommes et la fusion
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- intérêts. Bientôt ces groupes seront assez développa dans certaines localités pour qu’aucun rïes jeunes habitants puisse refuser d’en faire par-tj0 sans craindre de s’exposer, par son abstention, à être considéré plus tard comme s’étant mis lui-même hors la société et d’être toujours tenu à l’écart par ses concitoyens.
- Les différences de fortune et de rang disparais-gent sous l’égalité du costume ; les moins fortunés apprennent à mieux s’apprécier; les plus riches perdent leur morgue et ils s’habituent à mieux contre le cœur et l’intelligence du travailleur.
- Individuellement, le gymnasiarque jaloux de Lien tenir son rang acquiert des habitudes d’ordre, êe dignité qui se retrouveront dans tous les actes de sa vie. Habitué à une bonne tenue dans ses jeux, dans ses plaisirs, l’adolescent devenu homme apportera à son travail,dans ses occupations diverses, plus de soin et de régularité que l’homme dont la jeunesse a été usée dans les' cabarets et dans les mauvaises fréquentations.
- La société de gymnastique doit-être le rendez-vous de la jeunesse républicaine ; elle doit y venir pour y acquérir des qualités physiques et morales devant développer son corps et agrandir sa conscience.
- Les exercices du corps donneront au gymnasiarque l’agilité, la souplesse, la grâce, la force ; les fréquentations fraternelles avec”3 ses camarades protégeront son cœur contre les suggestions de la haine, de la jalousie ; elles lui apprendront le respect de lui-même et de ses^semblables ; l’émulation qui le portera à bien faire et à mieux faire, si possible, que tout autre s’inspirera uniquement du désir d’être utile et des sentiments qui naissent de h connaissance du vrai et du beau.
- La société de gymnastique doit se substituera l’armée ; elle sera l’école de l’amour, comme la première a été le refuge de la haine et des pires passions.
- L’Arbitrage et l'Opinion publique
- Au milieu des nuages sombres et des excitations belliqueuses de ces derniers mois, une circonstance au moins a été très encourageante pour les amis de la paix.
- C’est le concours venu do divers points tant de l’inté-neur que de l’étranger, en faveur de l’idée d’Arbitrage Wernational ; iL est manifeste que ce moyen de solution des différends entre nations s’impose de plus en plu8 à l'esprit public.
- Non-seulement il y a eu l’important mémoire du pre-mier Ministre, signé par huit membres du Parlement, et
- pressant le gouvernement de recourir à l’arbitrage, dans l’éventualité de complications extrêmes entre l’Angleterre et la Russie, par rapport à l’Afghanistan, mais encore beaucoup d’autres voix se sont élevées pour s outenir le même principe.
- Plusieurs journaux métropolitains des plus influents et en particulier The P ail Mail Gazette, The Thruth et The Echo ont constamment plaidé avec force en faveur de l’Arbitrage pour éviter la guerre. Divers journaux du continent ont adopté avec force la même proposition comme pour contraster très favorablement avec l’indifférence ou le ridicule manifestés d’abord à propos de cette question.
- Un certain nombre de meetings publics et politiques et d’assemblées religieuses, en différentes parties de la Grande-Bretagne ont aussi soutenu l’arbitrage, par leur cordiales résolutions et leurs votes.
- Ces faits et tous ceux similaires doivent encourager les amis de la paix ; ils en doivent conclure que leurs travaux présents et passés n’ont pas été vains, puisqu’ils i »nt semé dans des miliers d’esprits la bonne graine dont on commence aujourd’hui à recueillir le fruit.
- Mais ce croissant appui populaire au principe de l’Arbitrage, a fait aussi surgir des opinions adverses qui ne sont pas sans influence. Ainsi, le comte de Rosebery, ministre du Cabinet, tout en admettant fran chement dans un récent discours à Manchester, qu’ a il y a toujours a quelque chose de puéril à régler les différends des « grandes nations par la guerre quand nous ne devons « pas dans la vie privée régler les différends par des com-« bats personnels, » ajoutait cependant cette remarque décourageante ; « Nous avons en divers cas pratiqué l’Ar-« bitrage etjepenseque,sans aucune exception,la solution a « tourné contre nous. » Il faisait particulièrement allusion à l’affaire de 1’ « Alabama. » Le « Saturday Review » observait encore dernièrement sur ce même point :
- « Jusqu’ici la seule utilité de l’arbitrage aétédeconsi-« gner dans les annales la mauvaise volonté d’une au « moins des parties et sa prétention de soutenir ses ré-« clamationspar un appel aux armes. L’ignominieux traité « de Washington et le jugement inique rendu à Genève « sont jusqu’à présent à peu près les seuls exemples du rè-« glementde discussions graves par le recours à l’Arbitra-« ge. »
- Ces appréciations sont caractérisées par un degré d’i-nexrctitude que l’on pourrait à peine concevoir venant de tels hommes. En premier lieu, il y a eu environ quarante cas de dissentiments internationaux réglés par l’arbitrage depuis le commencement du siècle, et secondement il n’est pas vrai que tous les Arbitrages dans lesquels l’Angleterre s’est trouvée intéressée aient été résolus contre elle. 11 suffira de recourir à deux exemples :
- En 1881 les gouvernants anglais et américains recoururent à l’Arbitrage en réunissant une commission pour régler la question de Pèche en Nouvelle-Ecosse. La majorité des commissaires rendit une décision adjugeant aux pêcheurs de la Nouvelle-Ecosse un million de livres ; (25 millions de francs) à payer par les Etats-Unis. Ge | qui fut ponctuellement exécuté.
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- Peu de temps après l’Arbitrage de 1’ « Alabama », il y eût une seconde décision rendue en faveur de la Grande-Bretagne. La commission mixte nommée à cet effet examina environ 478 réclamations à propos de dommages éprouvés par des sujets britanniques durant la guerre civile américaine, et condamna le gouvernement des Etats-Uuis à payer 400,000 livres (10 millions de francs) en compensation de ces dommages.
- Les adversaires de l’Arbitrage s’arrêtent seulement à ce qui est imparfait ou défectueux dans ce mode de règlement des discussions internationales, sans donner une pensée aux choses terribles dont il délivre les nations.
- Quand à l’écrivain de « Saturday Review « qui traite d’iguominieux le traité de Washington, ce en quoi il diffère d’avis ave*, les hommes les plus éminents d’Europe, on voudrait lui demander s’il ne ferait pas bien de conddérer ce qui serait arrivé en cas de guerre entre l’Angleterre et les Etats-Unis ? Nous avons eu à payer trois millions à nos parents Américains, mais combien de millions aurait coûté un conflit d’un an entre les deux pays, pour ne rien dire des milliers de vies humaines, qui auraient été sacrifiées, des pertes énormes infligées au commerce et des sentiments d’exaspération dont l’esprit des deux nations eût été rempli pour beaucoup de générations ?
- Personne ne prétend que le système actuel d’arbitrage international, tel qu’on le présente actuellement, soit le meilleur qui puisse être inventé. Comme dit M, Henry Richard :
- « L’arbitrage tel qu’il est actuellement pratiqué est « seulement un expédientimparfaitettemporaire. Ce qu’il « faut ce n’est pas un arbitre, mais un juge, un tribunal « autorisé revêtu dès attributs et armé du pouvoir d’une « Cour de droit. »
- C’est pour cela que les amis de la paix ont toujours soutenu comme leur objet final l’établissement d’un tribunal permanent des nations, auquel les différends seraient soumis avant d’avoir été envenimés par les correspondances diplomatiques et la violence des passions populaires.
- Il peut n’être pas pratique pendant longtemps encore de suivre un tel programme dans toute son étendue, mais le principe peut en être introduit dans les arrangements diplomatiques.
- Il faudrait arriver à comprendre que la cour d’arbitres est difficilement bien constituée, en cas d’effervescence dans les esprits et d’imminence deguerre ; alors le choix de juges impartiaux est nécessairement plus ardu pour les deux parties. On devrait donc profiter des p ériodes de calme et d’harmonie internationale pour instituer une cour d’appel dont la mission serait d’éclairer et, de résoudre promptement tous cas soumis à l’arbitrage, et dont ta force résiderait dans des règles et principes d’action, préalablement agréés par les gouvernements collectifs des principales puissances.
- Ceci fut soutenu par un des orateurs du congrès des sciences sociales de Dublin, en 1881, M. WilliamTall ock qui, tout en reconnaissant qu’un congrès diplomatique tel que celui tenu à Berlin pour assurer la « Paix avec hon-
- neur » était en effet un tribunal d’Arbitrage, suggéra pendant que ce qui était encore plus nécessaire c
- ce.
- etâq
- que les gouvernements prissent des dispositions pour la désignation d’un comité permanent qui relierait, entre eux, les congrès diplomatiques successifs, et qui aurai l’autorité de convoquer un nouveau congrès des grande* puissances quand un dissentiment s’élèverait entre deuS Etats. X
- Si un tel comité existait, il prendrait l’initiative d’offrir ses services chaque fois que l’occision s’en présenterai et éviterait ainsi aux parties en désaccord l’attitude délicate, pour chacune d’elles, de provoquer le recours à l’arbitraire.
- Mais la question est de savoir si la présente méthode qui, toute imparfaite qu’elle soit, a souvent réussi à régler pacifiquement des différends quieusssent pu conduire aux plus graves conséquences, n’est pas meilleure que le système d’effroyables massacres que les hommes appellent la guerre. (Herald of Peace)
- Le Volks Zeitung de Berlin donne quelques statistiques de ce que coûtent à l’Europe ses armées. Pour les quatorze Etats d'Europe le total des armées sur le pied de paix est de 2,529,522 hommes. Calculant leurs frais à 3 fr. 10 par jour et sans compter les jours de congés, nous avons une somme de 926 fr. par an pour chaque soldat. Multipliant cette somme par 2,529,522, on arrive à 2,370,514,375 francs par année. Ajoutons à ce chiffre le total des quatorze budgets de guerre qui est de 2,541,819,550 francs, la somme totale engloutie par l’Europe dans les armées est de 4 mdliards 912 millions 871 mille 300 francs !
- La guerre au l’arbitrage
- Tel est Te titred’un appel que l’International ar-bitration and peace Association de Londres adressait, il y a quelques jours, au peuple anglais. Bien que la paix paraisse aujourd’hui assurée, et que des deux côtés la proposition de remettre la difli-oullé à des arbitres soit acceptée, nous croyons devoir quan i même, reproduire les passages principaux de cette pièce, non-seulement à cause des considérations excellentes que ses auteurs recommandent à l’attention publique, mais à cause du double caractère de patriotisme et d’humanité dont elle est empreinte et dont l’alliance est si rare. Profondément anglais, cet appel, en même temps qne largement européen.
- Londres, 24 avril 1885.
- Chers Compatriotes. Au milieu du fracas des préparatifs belliqueux et les clameurs par lesquels certaines classes appellent une guerre avec la Russie, nous croyons que notre devoir est d’attirer votre attention la plus sérieuse sur les résultats.
- Il est évident pour tout esprit impartial que 1 ia" vasion imminente de notre propre territoire^ ou mise en péril de nos véritales intérêts pourrais seules nous obliger à nous jeter dans une telle e treprise, il sera temps de penser à la guerre si Russie attaque nos possessions dans llnde. JM pourrons les défendre sur leur limite même, sur tre propre frontière avec des avantages incompa
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- ables. Pourquoi donc prévenir une nécessité à l’agile la sagesse de la Russie ne nous réduira •mais- Il est tout à fait invraisemblable que les 'tratégistes et les hommes d’Etat russes aient l’extravagance d’essayer d’envahir l’Inde à travers le territoire de tribus, de montagnes qui forment Afghanistan, attaqués sur leurs flancs et sur leurs Arrières par des peuplades hostilles et belliqueuses laissant en arrière de hautes montagnes ; nos militaires les nlus expérimentés, nos hommes d’Etat les plus sages ont démontré que notre vraie politique gSt de découvrir la frontière inexpuguable qui nous jiorne au sud et à l’est de l’Alghanistan.
- On allègue que nous avons garanti l’intégrité du territoire afgh an ; mais le Turkestan méridional, où Cosaques et Afghans sont aujourd’hui face à face, est de l’aveu de tous un terrain contestable et con-t°sté• Ou il se présente rarement une occasion aussi favorable d'appliquer la méthode d’Arbitrageque l’Angleterre et la Russie, lors du traité de Paris en 1856, ont promis de substituer au jugement barbare de la guerre. Nos hommes d’Etat ont-ils donc le droit de forfaire à cet engagement solennel confirmé plus tard par une allusion remarquable dans le discours de la Reine au Parlement ?
- Il est certainement au pouvoir de la Russie et de l’Angleterre d’arriver à une entente au sujet d’une limité sûre et convenable entre le Turkestan et l’Afghanistan. Des Russes éclairés et très connus déclarent, ainsi que les hommes d’Etat responsables de ce pays, qu’il n’a aucun intérêt à s’engager dans une guerre de géants au sujet de l’Inde. Ce serait démentir notre commnne civilisation que de mépriser à la fois ces assurances et nr.s promesses antérieures, ainsi qu’un trop grand nombre de conseillers ii responsables nous pressent de le faire.
- Ici arrêtons-nou ; un moment et voyons combien parmi les guerres que nous avons faites depuis trente ans il en est que nous puissions aujourd’hui juger avoir été justes et nécessaires et rappelons-nous combien ont misérablement passé à côté du but qu’elles devaient attei .dre. Pouvons-nons regarder avec ancune satisfaction les résultats de la guerre de Crim 'e, et les mettre en balance avec le sang répandu, avec les richesses détruites dans k lutte ? n’en est-il pas de même de nos guerres du Zouloulan !, de Transvaal, de l’Afghanistan lui-même et de nos sottes expéditions dans le Soudan ? peut-on supposer que si nous entrons en lutte avec la Ru ssie pour les provinces stériles qui s’étendent entre le Heri-Rud et le Murghab, voire même pour l’oasis de Penjdeh, le profit pourra le moins du monde compenser l’effroyable sacrifice déviés humaines et les dizaines de'millions dont la perte épuisera nos ressources ?
- .Nous serions des derniers à conseiller la soumis-sioii et la paix si nous étions appelés à défendre Existence de notre pays ou quelque autre principe sacré, mais il n’y a rien dans la circonstan e pré-sente qui nous oblige à livrer nos vies et nos fortu-nes au terrible hasard de la guerre, ba Grande-Bretagne peut donc arriver à un arpégeaient pacifique avec la Russie, si vous déci-c 2 flue ceux qui noos gouvernent doivent s’effor-r Ranchs ment d’arriver à ce résultat. Seuls, des ^ eJUgés futiles ou haïssables sur le sens de ces de l’V Pljesbige, » « honneur national, » «intérêts Empire, » empêchent les classes çonvernantes
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- de rechercher l’arbitrage d’une Puissance amie. Au peuple donc de réclamer une politique de véritable honneur, de sens commun et dejust ce. En imposant cette politique au Gouvernement vous conquerrez la reconnaissance de vos compatriotes et de toutes les nations du monde.
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- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen
- Seine. Paris. — Leymarie, S, rue des Petits-Champs; Lœfler, 5, quai Malaquais ; — M“* Lœfler ; — Bérion, 253, rue de Bellevüle ; — Daphenne, 19, rue du Berri ; — Sasta René, 37, passage Jouffroy ; — Vignon, 102, rue St-Denis;
- — Coûtant Adèle, 2, rue du Marché- St-IIonoré ; — Ve Sa-mier, 16, rue Beautreillis Mme Hardy, 32, avenue d’Italie ;
- — Mme Leymarie;— Paul LeymarieAuguste Leymarie;
- — MraeMaxima Leymarie ;— Mme Vignon ;— Auguste Cazo, 5, rue des Petits Champs 3 signatures illisibles.
- Villeneuve-St-Georges. — Louise de Lasserre, 102, rue de Paris.
- Oise. Primprez,— Mme Chaslaing.
- Algérie. Gastie.— Mouton-Chapat Antoine.
- Marne. Reims. — Genin, plombier; — Pâté, limonadier; — Felter, artiste; — Védie, débarreur; — Guenet, agent d’assurances ; — Comte, négociant; — Gaillard, charron ; — Mary, garçon de café ; — Cery, receveur principal ;
- — Lesson, entrepreneur;— Estennevin, tapissier;—Pineau, rentier ; — Brion, employé de banque ; — Bouché, employé; de commerce ; — Boissel, peintre ; — Castelle, graveur; — Poiteau, peintre ;— Leblanc, épicier ; — Allard, employé de banque ; — Bourlon, coiffeur ; — Dévé, pâtissier ; — Cotin, coffretier ; — Castel, peintre ; — Vernet, représentant de commerce;—Petsch, contrôleur des contribution indirects ;
- — Goulet, épicier.
- Loir-et-Cher. Ouchamp. — Berthelin, conseiller municral ;— Ardouin, conseiller municipal ;— Hénault, garde-champêtre ; — CheminVincent, vigneron ; — Chemin Louis, vigneron ; — Bonneau, vigneron ; — Grenier, vigneron; — Denion, propriétaire ;— Pinault. conseiller municipal Barreau Louis, propriétaire ; — Lespagnol Eugène ; — Berthias Charles, propriétaire; — Berthias Houdin, vigneron;— Ber-hias Eugène, vigneron ;— Vernon Jean, vigneron ;— Millier Georges, maçon; — Flanchet Jacques, vigneron ; — Colin Abel, vigneron ; — Beaugraud Jules, fabricant d’huile ; — Colin Arsène, vigneron ; — Ardouin Antoine, vigneron ; — Chemin Charles, vigneron ; — Verdier Eugène, vigneron ; — Aubert Louis, vigneron ;— Ledoux Onésimo, vigneron; — Mâchefer Louis, propriétaire ;— Morin Ludovic, propriétaire ;
- — Cherouvrier Sylvain, vigneron ; — Breuzin, couvreur ; — Cadoux Sylvain, vigneron ; — Brochet Antoine, pronriétaire
- — Samson Eugène, meunier ; — Baignet Etienne, propriétaire; — Brochet Pierre, vigneron ; — Vallée Jean, propriétaire ; — Châlons Charles, charpentier ; — Millot Charles, garde au château d’Ouchamps ;— Dhuine Louis, propriétaire ;
- — Duchet Jean, propriétaire ; — Besson Sébastien, garçon meunier ; — Léger Sylvain, propriétaire ; — Léger Eugène, propriétaire; — Souvat Sylvain, srrains; — Chartrain Justin,
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- marchand ; — Léger Alfred, tonnelier; — RiverinCharles-Jules ;— Vergeon Anatole;— ChérfDésiré, marchand.
- Côte d’Or. Leurre.— Petit- Jean, docteur.
- Saône-et-Loire. Frontenard, par Pierres. -y Jacob Denis, meunier.
- Navilly. — Jacob, industriel ; — Fallût, contre-maître, usine de Navilly; — Matras Louis, comptable; — Pilain François, mécanicien Perrot Valéry, comptable ;— Picard, restaurateur;— Michelin, menuisier;— Thiébault Joseph Genot François ; — Courtois François ; — Duplâtre Alexandre ;— Tetin ;— Maurice ; — Chervat ; — Cornet Léon ; — Vallon Denis ; — Roybier ; — Marpreau Claude ; — Buzenet Joseph ; — Rollin Alfred ; — Volland Jean ; — Brachet Antoine ;— Brossard Jules;— Richard Charles ; — Bleuzet Victor ; — Henry Auguste ; — Clerc Paul ; — Mamet; — Brossard; — Jomard, père ; —Ponsot, père; — Rey Hilaire; — Vandrot Jean ;— Thiébault Joseph ; — Cochet Denis ; — Ro-det Claude ; — Coquillot Barthélemy ;— François François Mozecu Joseph ;— Crétin François; — Chateau François ; — Guenon Pierre ; — Ghaunoy Louis ; — Guignon Claude ; — Bouchard J.-Baptiste ;— Girard Désiré ; — Guenon Célestin ; Franon J.-Baptiste ; — Petiot-Thom?s Alphonse ;— Brachet, fiis ; — Humbert François ; — Lévêque Alexandre ; — Py François;— Simonot Jean-Baptiste ; — Thibert; — Lahaye Jules.
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- Un ordre do jour
- Voici un passage d'un ordre du jour adressé aux troupes du Tonkin après la retraite de Lang-Son.
- Le 28 mars, alors que l’ennemi, de plus en plus renforcé, osait vous disputer les positions de Ko-Lua, vous infligiez encore à ses masses profondes une défaite sanglante.
- Mais, par une amère dérision du destin, au moment même où les colonnes chinoises précipitaient leur retraite, sous l’effort de votre contre-attaque, vous appreniez que votre vaillant chef, le général de Négrier, ce brave entre les braves, venait d’être grièvement blessé et emporté à l’ambulance.
- Le commandement, du fait de ce malheur, tombait entre des mains insuffisamment préparées.
- Au lieu de vous faire prendre la seule attitude qui convienne à des vainqueurs; à vous, héroïques soldats, qui n’aviez jamais songé à compter, en plein jour, la nuée de vos ennemis, on Vf us a donné l’ordre de battre en retraite la nuit.
- Qui l’aurait cru ?
- Des Chinois ont osé disputer aux troupes françaises le sol de leur empire !
- Sont-ils assez audacieux ces asiatiques qui comprennent le patriotisme, à Lang-Son, comme on le professe à St-Cyr !
- Et cet officier inexpérimenté qui compte les nuées de ses ennemis et qui bat en retraite pour éviter leurs embuscades, au lieu de chercher un petit Sedan aux antipodes de la France, est-il excusable ?
- Quand on a des soldats, mais c’est pour les faire tuer ! Parole de général.
- Heureusement que le général Brière' de l’Isle était là pour flétrir la faute d’un officier soucieux de la xie de ses soldats, l’inconcevable audace des
- chinois, ne voulant céder un pouce de leur sol et une pierre de leurs forteresses. c
- Gneu-gne-gneu ! Le colonel Rarnollot n’ayant pas l’habitude de signer ses proclamations, on est surpris de ne pas trouver au bas de cette patriotique1 harangue le nom du général Bigre-de-Bigre. 4
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- LE CONGO
- RÉSOLUTION DE LA CONFÉRENCE DE BERLIN
- CHAPITRE V
- Acte de navigation du Niger
- Art. 26. La navigation du Niger, sans exception d’aucun des embranchements ni issues de ce fleuve, est et demeurera entièrement libre pour les navires maichands, en charge ou sur lest, de toutes les nations, tant pour le transport des marchandises que pour celui des voyageurs. Elle devra se conformer aux dispositions du présent acte de navigation et aux règlements à établir en exécution du même acte.
- Dans l’exercice de cette navigation, les sujets et les pavillons de toutes les nations seront traités, sous tous les rapports, sur le pied d’une parfaite égalité, tant pour la navigation directe de la pleine mer vers les ports intérieurs du Niger, et vice versa, que pour le grand et le petit cabotage, ainsi que pour la batellerie sur le parcours de ce fleuve.
- En conséquence, sur tout le parcours et aux embouchures du Niger, il ne sera fait aucune distinction entre les sujets des Etats riverains et ceux des non riverains, et il ne sera concédé aucun privilège exclusif de navigation, soit à des sociétés ou corporations quelconques, soit à des particuliers.
- Ces dipositions sont reconnues par les puissances signataires comme faisant désormais partie du droit public international.
- Art. 27. La navigation du Niger ne pourra èt< e assujettie à aucune entrave ni redevance basées uniquement sur le fait de navigation.
- Elle ne subira aucune obligation d’échelle, d’étape, de dépôt, de rompre charge, ou de relâche forcée.
- Dans toute l’étendue du Niger, les navires et les marchandises transitant sur le fleuve ne seront soumis à aucun droit de transit, quelle que soit leur provenance ou leur destination.
- Il ne sera établi aucun péage maritime, ni fluvial, basé sur le seul fait de la navigation, ni aucun droit sur les marchandises qui se trouvent à bord des navires. Pourront seuls être perçus des taxes ou droits qui auront le caractère de rétribution pour services rendus à la navigation même. Les tarifs de ces taxes ou droits ne comporteront aucun traitement différentiel.
- Art. 28. Les affluents du Niger seront à tous égards soumis au même régime que le fleuve dont ils sont tributaires.
- Art. 29. Les routes, chemins de fer ou canaux latéraux qui pourront être établis dans le but spécial de suppléer à l’in-navigabbité ou aux imperfections de la voie fluviale sur certaines sections du parcours du Niger, de ses affluents, embranchements et issues seront considérés, en leur qualité de moyens de communication, comme des dépendances de ce fleuve et seront également ouverts au trafic de toutes les nations.
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- De même que sur le fleuve, il ne pourra être perçu sur ces routes, chemins de fer et canaux que des péages calculés sur les dépenses de construction, d’entretien et d’administration, et sur les bénéfices dus aux entrepreneurs.
- Quant au taux de ces péages, les étrangers et les nationaux des territoires respectifs seront traités sur la pied d’une parfaite égalité.
- Art. 30. La Grande-Bretagne s’engage à appliquer les principes delà liberté de navigation énoncés dans les articles 26,27, 28,29,en tant que les eaux du Niger, de ses affluents,embranchements et issues, sont ou seront sous sa souveraineté ou son protectorat.
- Les réglements qu’elle établira pour la sûreté et le contrôle de la navigation seront conçus de manière à faciliter autant que possible la circulation des navires marchands.
- Il est entendu que rien dans les engagements ainsi pris ne saurait être interprété comme empêchant ou pouvant empêcher la Grande-Bretagne de faire quelques règlements de navigation que ce soit, qui ne seraient pas contraires à l’esprit de ses engagements,
- La Grande-Bretagne s’engage à protéger les négociants étrangers de toutes les nations faisant le commerce dans les parties du cours du Niger qui sont ou seront sous sa souveraineté ou son protectorat, comme s'ils étaient ses \ ropressu-ets, pourvu toutefois que ces négociants se conforment aux règlements qui sont ou seront établis en vertu de ce qui précédé.
- Art. 31. La France accepte sous les mêmes réserves et en termes identiques les obligations consacrées dans l’article précédent, en tant que les eaux du Niger, de ses affluents, et issues sont ou seront sous sa souveraineté ou son protectorat.
- Art. 32. Chacune des autres puissances signataires s’engage de même, pour le cas oû elle exercerait dans l’avenir des droits de souveraineté ou de protectorat «sur quelque partie des eaux du Niger, de ses affluents, embranchements et issues.
- Art. 33. Les dispositions du présent acte de navigation demeureront en vigueur en temps de guerre. En conséquence, la navigation de toutes les nations, neutres ou belligérantes, sera libre en tout temps pour les usages du commerce sur le Niger, ses embranchenents et affluents, ses embouchures et issues de ce fleuve.
- Le trafic demeurera également libre, malgré l’état de guerre, sur les routes, chemins de fer et canaux mentionnés dans l’article 29.
- Il ne sera apporté d’exceotion à ce principe qu’en ce qui concerne le transport des objets destinés à un belligérant et considérés, en vertu du droit des gens, comme article de contrebande de guerre.
- CHAPITRE VI
- Déclaration relative aux conditions essentielles à remplir pour que des occupations nouvelles sur es côtes du continent africain soient considérées comme effectives.
- d’if1*' ^’.ka puissance qui dorénavant prendra possession n erritoire sur les côtes du continent africain situé en de-
- hors de ses possessions actuelles, ou qui, n’en ayant pas eu jusque-là, viendrait à en acquérir, et de même la puissance qui y assumera un protectorat, accompagnera l’acte respectif d’une notification adressée aux autres puissances signataires du présent acte, afin de les mettre à même de faire valoir, s’il y a lieu, leurs réclamations.
- Art. 35. Les puissances signataires du présent acte reconnaissent l’obligation d’assurer dans les territoires occupés par elles, sur les côtes du continent africain, l’existence d’une autorité suffisante pour faire respecter les droits acquis et, le cas échéant, la liberté du commerce et du transit dans les conditions où elle serait stipulée.
- CHAPITRE VII Dispositions générales.
- Art. 36. Les puissances signataires du présent acte général se réservent d’y introduire ultérieurement et d’un commun accord les modifications ou améliorations dont l’utilité serait démontrée par l’expérience. _____
- Art. 37. Les puissances qui n’auront pas signé le présent acte général pourront adhérer à ses dispositions par un acte séparé.
- L’adhésion de chaque puissance est notifiée, par la voie diplomatique, au gouvernement de l’empire d’Allemagne, et par celui-ci à tous les Etats signataires ou adhérents.
- Elle emporte le plein droit l’acceptation de toutes les obligations et l’admission à tous les avantages stipulés par le présent acte général.
- Art. 38. Le présent acte général sera ratifié dans un délai qui sera le plus court possible, et qui, en aucun cas, ne pourra excéder un an.
- Il entrera en vigueur pour chaque puissance à partir de la date où elle l’aura ratifié.
- En attendant, les puissances signataires du présent acte* général s’obligent à n’adopter aucune mesure qui serait contraire aux dispositions dudit acte.
- Chaque puissance adressera sa ratification au gouvernement de l’empire d’Allemagne, par les soins de qui il en sera donné avis à toutes les autres puissances signataires du présent acte général.
- Les ratifications de toutes les puissances resteront déposées dans les archives du gouvernement de l’empire d’Allemagne. Lorsque toutes les ratifications auront été produites, il sera dressé acte du dépôt dans un protocole qui sera signé par les représentants de toutes les puissances ayant pris part à la conférence de Berlin et dont une copie certifiée sera adressée à toutes ces puissances.
- En foi de quoi, les plénipotentaires respectifs ont signé le présent acte général et y ont apposé leur cachet.
- Fait à Berlin, le vingt-sixième jour du mois de février mi huit cent quatre-vingt-cinq.
- Ont s;gné Pacte général, les plénipotentiaires représentants l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemarck, l’Espagne, les Etats-Unis d’Amérique, la France, la Grande-Bretagne, l’Iialie, les Pays-Bas, le Portugal, la Russie, la Suède et la Turquie.
- Fin.
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- État civil da Familistère
- Semaine du 23 au 3i mai 1885.
- Naissances :
- Le 26 , de Merda Clémentine, fille de Merda Alfred et de Potart Clémentine.
- Le 26 , de Donnaud Suzanne, fille deDonnaud Henri et de Bernard Camille.
- Le 27, de Patte Charlotte-Sidemie, fille de Patte Charles et de Camus Irma.
- Le 28, de Olivier Marcel, fils de Olivier Arsène, et de Parmentier Louise.
- Décès :
- Le 25., de JokoswKi Paul, âgé de 27 ans 2 mois.
- Le 27, de Serre André, âgé de 1 an 2 mois.
- LIBRAIRIE DU FAMILISTERE
- SUFFRAGE UNIVERSEL
- Nous signalons à nos lecteurs,comme parfaitement appropriés aux besoins, en vue des élections prochaines, les ouvrages suivants de M. Godin :
- Au Suffrage universel . . 0fr.20
- La politiqe du travail et la
- politique des privilèges . O, 40 La réforme électorale et la
- révision constitutionnelle. 0, 25
- Envoyer 25 centimes à la Librairie du Familistère pour recevoir franco la Brochure :
- L’ARBITRAGE
- INTERNATIONAL
- ET
- LE DÉSARMEMENT EUROPÉEN.
- AVIS A NOS LECTEURS
- Les amis de la paix sont priés de compléter leur dossier de pétitionnement en intercalant dans une des feuilles imprimées,que nous leur adressons sur leur demande, autant de feuilles qu’il leur en faudra, en papier ordinaire, de mêmes dimensions ; ils pourront régler à la main ces feuilles et ils devront écrire en tête de la première page de chaque feuille ces mots :
- Pétition à ta Chambre des Députés en faveur de l'arbitrage international et de lapaix.
- Lorsque les signatures seront obtenues, il faudra autant que possible demander la légalisation de chacune des feuilles à la mairie de la commune des signataires.
- Il est nécessaire d’écrire tous les noms lisiblement dans la première colonne, autrement de graves erreurs se commettent sur les noms propres :
- Retourner les pétitions, lorsque ces précautions seront prises, à l’adresse du journal « Le Devoir », à Guise (Aisne).
- L’abonnement d’un an à ce bulletin est
- de. . ,.....................2 fr. 50
- Nous tirons et livrons, en outre, les
- numéros demandés à l’avance, aux prix suivants :
- de 1 à 40 exemplaires à. 0 fr. 07
- de 4î à 65 » à. 0 06
- de 66 à 90 » à. 0 05
- Enfin, nous livrons un bulletin de quatre pages dont l’abonnement annuel est
- de............................0 fr. 75
- Nous donnerons ces bulletins de quatre pages franco, par la poste, aux conditions suivantes :
- 20 numéros . . . . 1 fr.»»
- 100 » ..... 2 75
- 350 o ...............7 75
- 500 » ..... U 25
- Nota : Nous faisons observer ânes lecteurs que les pétitions remplacent avantageusement lesbulelins d’adhésion à l'arbitrage, en ce sens que)® contiennent un grand nomore de signatures qui peuvent être légalise » en une seule fois. _________~
- L’un des Gérants A. DOYEN.
- Quito. — imp. Baré.
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- 9e Année, Tome 9. — N“ 353 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 14 Juin 1885
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
- Un an ... 10 fr. »» Six mois. . . S »» Trois mois. . 3 »»
- Union postais Un an. . . . 11 fr.»» Antres pays
- Un an. ... 13 fr. 60
- ON S’ABONNE
- A PARIS
- S, rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- BUREAU
- a GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- „ PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES & POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1. — Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois d dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de uï liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- h.. — Organisation du suffrage universel par l’unité de Collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur volant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu'il y a de ministères. Dépouillement dan? chaque commune, recensement h Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés arec la presque certitude de donner un vote utile ;
- L’égalité de suffrage pour tous les citoyens,
- La possibilité 'pour les minorités desefaimvepré-ienter ;
- La représentation par les supériorités.
- b. — Renouvellement annuel ée moitié de la Chambre des députés et de tous ks corps élus. La volonté du peuple souverain toujours ainsimise en évidence.
- G. — Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues par le suffrage universel.
- 7. — Égalité civile et politique de l'homme et de la femme.
- 8‘ — Le mariage., lien d’affection.
- Faculté du divorce.
- 9.— Éducation et instruction primaires,gratuites et obligatoires pour tous les enfants.
- Les examens et concours généralisés avec élection des élèves par leurs pairs dans toutes les écoles. Liplôme constatant la série des mérites intellectuels et moraux de chaque élève.
- 10. — Ecoles spéciales, nationales, correspondantes aux grandes divisions des connaissances ci de l’aciivilé humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes pur les concours, les examens et les élections.
- 11. —Suppression du .budget des cultes. Séparation de l’&glise et de l’État• %
- 12. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 13. — Plus cl’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit
- d’héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus cpie l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- 14. — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collatérale à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dans une juste mesure, retour à la société qui a aidé à les produire.
- 15. — Remboursement des dettes publiques avec les ressources de l’hérédité.
- 16. — Organisation nationale des garanties et de i assurance mutuelles contre la misère.
- 17 - - Suppression des emprunts d’Etat.
- 19. — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 20. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21. — Libre échange entre les nations. #
- 22. — Abolition de la guerre offensive.
- 23. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 2k. — Désarmement européen.
- 25. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire
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- LE DEVOIR
- SOMMAIRE
- La délégation parisienne. — La paix.- Cadets militaires.— Le Respect de la loi.— Les programmes électoraux. — Aphorismes et préceptes sociaux.—Faits politiques et sociaux de la semaine.— La cuisine grande industrie.— Echantillon de la bêtise humaine.— La conférence sanitaire.— Bibliographie.— Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen. — Maître pierre. — Etat-civil du Familistère.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
- LA DÉLÉGATION PARISIENNE
- Les délégués ouvriers envoyés au Familistère de Guise par la municipalité parisienne viennent de publier leur rapport.
- Pendant que ces délégués étaient à Guise, ils nous ont parlé de leur intention de faire un rapport consciencieux ; de notre côté, nous leur avons promis de dire sincèrement notre pensée sur leur travail.
- Le moment de tenir notre promesse est venu.
- Le rapport des délégués loue sans aucune réserve le Palais social et l’organisation de renseignement. Le Palais social a été bien étudié et tous ses avantages parfaitement compris. Les ouvriers parisiens demandent à la municipalité de faire construire dans les divers quartiers de Paris des Palais sociaux,agencés comme celui du Familistère, en vue de procurer aux habitants un logement sain et commode et de faciliter le fonctionnement le la coopération.
- La partie consacrée aux assurances mutuelles est écourtée et ne nous paraît pas avoir été suffisamment étudiée. 11 nous semble cependant que le fait d’une agglomération de 1,800 habitants, jouissant d’un salaire de 20 0/o au-dessus du taux ordinaire dans la contrée, et dépensant annuellement plus de 100,000 fr. en services de pensions, en garantie du nécessaire à la subsistance, en secours divers, est un fait exceptionnel suffisamment important pour arrêter d une manière spéciale l'attention des représentants du travail. Le rapport ne contient aucune critique de notre^mutualité ; nous constatons seulement 4ue l’étude de ces institutions si conformes à l’intérêt ouvrier aurait pu être l’objet de plus longs développements.
- La participation aux bénéfices n’a pas eu la même faveur auprès des délégués parisiens, elle a soulevé chez eux quelques critiques que nous croyons devoir réfuter.
- Les délégués ne rejettent pas le principe même de la participation ; au contraire,ils le prônent hautement et déclarent queson application est excellente pour reconciler le travail et le capital et pour préparer l’avénement de l’association. Mais la répartition, telle qu’elle est pratiquée au Familistère, leur semble accorder aux principaux employés de l’association des avantages trop considérables.
- La division des Familistériens en associés, sociétaires, participants et auxiliaires est exposée sans commentaires ; les motifs à l’appui de cette classification, donnés aux délégués par M. Godin, sont exactement reproduits. Mais ce qui est trouvé ex-horbitant est la différence, observée au livre de la participation, entre les bénéfices accordés pendant le même exercice à un membre du conseil de gérance et à un simple participant.
- Les délégués rapprochent la somme de 5,300 fr., représentant la part de bénéfice d’un membre du conseil de gérance,et îechifïre de 260fr., représentant le bénéfice d’un participant, puis ils s’élèvent contre cette inégalité et demandent à M. Godin de la faire disparaître.
- Nous ne pensons pas que M. Godin ait rationnellement pouvoir de pousser à ce point son expérimentation sociologique sans en compromettre aussitôt l’existence.
- M. Godin était certainement libre de partager avec ses ouvriers ou de conserver pour lui ses bénéfices; il a largement usé de cette liberté, et les délégués le reconnaissent puisqu’ils n’ont trouvé rien à dire contre le total des bénéfices accordés au travail.
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- Mais nous soutenons que le fondateur du Familistère n’est pas absolument libre dans la répartition de ce total, bien entendu parce que nous ne lui faisons pas l’injure de le supposer capable d’un caprice qui compromettrait la sécurité de son industrie*
- Toute entreprise, industrielle, agricole, commerciale a besoin d'hommes spéciaux, exceptionnellement capables, sans lesquels elle ne peut, à notre époque, longtemps prospérer. Ces capacités sont sûffîsamment rares pour que ceux qui les possèdent soient recherchés par les chefs d’industrie,et largement rémunérés par eux.
- Vouloir éluder cette obligation serait s’exposer à ne pouvoir recruter que des nullités ou des médiocrités; et, avec un personnel de ce genre, la meilleure entreprise serait bientôt ruinée.
- Notre agriculture nous fournit un exemple frappant de ce que deviennent ies pays les plus riches par leur sol et par leur climat, avec des ouvriers exceptionnellement laborieux, lorsqu’on néglige de mettre à leur tête des hommes ayant une valeur réelle. .
- Jamais les capacités n’iront à l’agriculture, tant que cette branche de notre production offrira à peine quelques situations rétribuées trois ou quatre mille francs par an.
- Que les délégués parisiens suivent les grands ateliers, qu’ils inventorient dans toutes les maisons sérieuses les rétributions des employés surveillant plusieurs centaines de travailleurs et prenant part à la direction des affaires, iis trouveront partout des appointements fixes plus élevés que ceux accordés aux principaux fonctionnaires du Familistère.
- Si les grands industriels, si les grandes compagnies,si les grands magasins pouvaient recruter des ngénie urs, des chefs de comptabilité, des chefs de rayon en ne les payant pas plus que des manceu-Nres> h y a longtemps que les appointements de quinze, vingt, trente, cinquante mille francs
- seraient supprimés. Il n’y a pas un patron qui paie ja.OOO francs par an un employé, et ils sont nom-reux dans la grande industrie, qui ne serait heu-reux conserver pour lui cette somme, s’il entre-^°yait pouvoir retirer ies mêmes services d’un ÊItlployé à 200 fr., par mois.
- Dans les conditions présentes faites à l’industrie
- düst
- au commerce, il n’appartient à aucun chef d’in-
- rie de pouvoir se passer des capacités ou de se
- | — Puuvuj
- es procurer à vil
- prix.
- Si une association veut prospérer elle doit offrir des situations pourvues d’appointements assez élevés pour provoquer, à l’occasion, l’attention des hommes capables et pouvoir les enrôler sans perte de temps à mesure que les titulaires font défaut.
- Combien de sociétés ouvrières ont échoué par ce seul fait que, dominées par ce sentiment égalitaire auquel ont obéi les auteurs du rapport en question, elles avaient négligé d’accorder au talent une situation en rapport avec les conditions que lui offre l’industrie patronale.
- Quelquefois on s’étonne, en France, de la réussite des grandes fondations des eoopérateurs anglais ; rarement on apprécie exactement qu’elle part de ce succès revient à l’admission des capacités dans la gestion de ces entreprises qui accordent de gros traitements à leurs principaux agents.
- Etant admise cette nécessité de donner une rétribution élevée aux principaux employés, M. Godin avait à choisir entre les gros appointements et une participation exceptionnelle aux bénéfices.
- L’adoption de cette dernière méthode était sage ; il n’y a pas lieu d’être surpris qu’elle ait été préférée par le fondateur du Familistère.
- De gros appointements constituaient une charge permanente pour l’association ; bonnes ou mauvaises années, il fallait toujours payer une forte somme aux principaux employés. En leur attribuant des appointements élevés et une faible participation, celle-ci devenait un appoint peu important, insignifiant, insuffisant pour les intéresser à la prospérité de l’association. On pouvait créer de cette manière un parasitisme dangereux.
- En accordant des appointements moyens on ne peut qualifier autrement les salaires des principaux chefs des services du^Familistère — et une participation élevée, c’était créer une situation qui obligeât les titulaires de ces fonctions à chercher leur prospérité dans celle de l’association. Cette méthode a, en outre, l’avantage de préserver l’association, pendant les mauvaises années, des lourdes charges que lui imposeraient de gros traitements fixes.
- Cette manière de lier la prospérité des chefs de services à celle de l’association, précaution excellente dans toutes sortes d’entreprises, était particulièrement nécessaire dans l’institution du Familistère, œuvre sincèrement socialiste.
- Jusqu’à présent les esprits les plus ouverts à l’étude des sciences et des arts ont malheureusement assimilé avec une égale ardeur les enseignements dogmatiques sur la perfection de Tordre so-
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- cial sorti de l'étranglement de l’esprit de 89 ; il était chimérique de penser que les écoles où se forment les hommes aptes aux postes supérieurs de l’industrie, étaient des pépinières de socialistes dévoués à la cause de l’émancipation des travailleurs ; il était plus sage de prévoir que, souvent, l’on rencontrerait, parmi les plus capables au point de vue industriel, des hommes mal doués dans le sens altruiste Ces prévisions étaient réelles, et, comme il n’était pas admissible de se passer des capacités, il fallait trouver quand même le moyen de les attirer et de les intéresser à une œuvre dont elles pouvaient condamner les tendances.Une large participation aux bénéfices devait infailliblement produire cet excellent résultat. Les faits ont prouvé plus d’une fois combien le fondateur du Familistère avait fait preuve de raison en agissant de la sorte.
- Pour répondre complètement à l’unique objection des délégués au Familistère, dont nous proclamons l’entière bonne foi, nous montrerons dans notre prochain article que la participation accordée au lalent n’est pas excessive, surtout qu’elle n’est pas onéreuse au travail, et que ce n’est pas dans la réduction du bien-être des directeurs du travail que réside la généralisation du bien-être ouvrier.
- LA_PAIX
- En dépit des fautes commises, le cabinet est parvenu à conclure la paix avec la Chine. M. de Freycinet a annoncé hier que les négociations étaient terminées. La Chine renonce à tout protectorat sur l’Annam. Elle nous le laisse avec toutes ses conséquences.
- Voici une surface grande comme le tiers de la France, si nous ne comprenons que le Tonkin,plus grande que la France si nous comprenons l’Annam et la Cochinhine, à ajouter à notre empire colonial. 11 faudra la défendre, y entretenir des garnisons, y mettre du matériel de guerre et y envoyer beaucoup de fonctionnaires. Nos soldats, au bout de deux ou trois ans, reviendront malades : nos fonctionnaires se feront donner des congés et, au bout de sept ou huit ans, ne vaudront pas mieux.
- Nous dépenserons beaucoup d’argent; nous augmenterons nos subventions aux Messageries maritimes ; nous donnerons des concessions à certains exploiteurs de gogos ; nous aurons un point vulnérable en plus, et nous aurons ouvert un nouveau - bouché aux Anglais et aux Allemands. Le com-
- merce se plaindra qu’il en soit ainsi, et il ne voudra pas reconnaître qu’avec les conditions de notre production et notre politique protectionniste, il ne peut pas en être autrement. La marine, l’armée et le civil seront toujours en querelle selon l’habitude.
- Voilà ce que nous aura rapporté l’expédition du Tonkin, les quelques centaines de millions dépensés, les milliers d’hommes tués ou malades.
- Plusieurs de nos confrères ont parlé de scènes de violence qui se sont passées récemment à Fontainebleau, et dont les officiers élèves de l’école d’application se sont rendus coupables. Nous n’avions rien voulu en dire, n’étant pas suffisamment renseignés sur les faits. Mais aujourd’hui, l’Union républicaine de Fontainebleau nous en apporte le récit avec une précision de détails qui ne permet malheureusement plus le moindre doute.
- tes-.
- A l’occasion d’un triomphe, c est-a-dire pour célébrer le succès d’un adroit pointeur aux écoles à feu,, un groupe nombreux de sous-lieutenants élèves s’est précipité à travers les rues de la ville, a donné l’assaut à une maison publique, s’est mis en devoir d’éteindre le gaz dans les rues, a roué de.coups un gendarme qui, passant par là, leur faisait des observations, a séquestré ce gendarme, a maltraité sa femme enceinte.
- Voilà bien des titres de gloire, pour une seule journée, à l’actif de cesjolisjeunes gens ! llsdoivent être fiers d’eux-mêmes et la France doit être fière et confiante, en contemplant les prouesses de ces futurs généraux !
- Ces actes de sauvagerie sont d’autant plus déplorables qu’ils succèdent, à un an ou deux de distance, à des scènes analogues sur lesquelles nous avons eu jadis à exprimer notre manière de voir.
- Je ne voudrais rien exagérer ; je ferai même toutes les concessions qu’on voudra sur l’indulgence que l’on doit accorder à la jeunesse. Mais s’il faut que la jeunesse se passe, le proverbe n’ajoute pas qu’elle doit se passer sous forme de coups à des gendarmes, de mauvais traitements à de pauvres femmes, et de provocations à des habitants paisibles.
- J’estime, comme je Fai dit autrefois, que dans ces affaires, l’institution est plus coupable encore que les individus. C est une raison de plus pour porter remède à un état de choses qui produit de pareilles conséquences.
- Cependant, si des jeunes gens comme les élèves de Fontaine bleau, sous l'influence d’une éducation faussée et viciée, Peu vent à un moment donné commettre des folies, cela ne devrait jamais les conduire à commettre des lâchetés.
- Or, se mettre ciuquante contre un pour frapper un homntf et maltraiter une lemme, c’est la lâcheté pure ; et la punitio°
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- immédiate qui devrait atteindre les principaux coupables serai* la perte de l’épaulette, et leur renvoi dans des régiments comme simples soldats.
- Mais il y a une chose plus déplorable encore que ces scènes de violence ; c’est l’esprit même qui les produit.
- Ces enfants, affublés d’un grade de sous-lieutenant, s’imaginent faire preuve ainsi d’esprit militaire. Sortis à vingt ans ou vingt-deux ans de l’Ecole polytechnique, à la suite d’études pénibles et absorbantes, casernés encore pour deux années à Fontainebleau, ils sont grisés de leur état nouveau, et s’imaginent que la vraie manière de se montrer de vrais soldats consiste à traîner bruyamment leurs sabres sur le pavé, à aire sonner des éperons d’une longueur démesurée, et à molester le pékin.
- Ils se croient d’une pâte spéciale, d’une caste supérieure, les pauvres ! D’autant plus que nombre d'entre eux, aujourd’hui, proviennent de jésuitières où on leur a soigneusement enseigné la haine de la République et l’amour du passé.
- Dès lors, le souci de la dignité disparaît chez eux ; et, d’abord ridicules, ils arrivent aisément à se rendre odieux. Us s’inspirent des traditions des cadets d’autrefois, et ces « jeunes seigneurs » s’enivrent, battent les murs, rossent le guet et insultent les femmes des manants.
- Finira-t-on, une bonne fois, par reconnaître l’utilité d’une éducation nationale qui remette un peu les choses à leur vraie place, dans ces cervelles détraquées ?
- Comprendra-t-on que la compression exagérée, précédant une période de « bride sur le cou, » est un procédé détestable ?
- Se décidera-t-on à faire comprendre à ces gamins que les insignes de leur grade leur imposent une responsabilité morale tout au moins ?
- Leur dira-t-on qu’ils sont les serviteurs du pays, et non pas les membres d’une caste oppressive ?
- Nous recommandons à M. le général Campenon l’étude de ces divers problèmes ; et si les scènes de Fontainebleau peuvent aider à la solution, il ne faudra peut-être pas trop les regretter, si tristes qu’elles soient.
- A. Laisant.
- Le respect de la loi
- La loi, théoriquement, doit être souveraine dans une République. En fait, les lois favorables aux privilèges sont toujours sxécutées, celles qui règlent la situation des travailleurs sont presque toujours faussées, violées ou méconnues par les classes dirigeantes, sans que le gouvernement se considère obligé d’intervenir pour en assurer l’application.
- Lorsqu’on a voté récemment la loi sur les syndicats, c’était sans doute parce que le gouvernement avait reconnu la légitimité de ce mode de groupe-
- ment. Depuis la promulgation de cette loi, on a déjà vu plusieurs fois des coalitions patronales agissant publiquement pour priver les ouvriers des avantages reconnus par cette loi.
- Malgré l’évidence des faits, malgré la pression léonine exercée par les patrons contre les membres de certaines chambres syndicales, jamais magistrature ni autres représentants de la loi n’ont manifesté leur intention de faire respecter le droit des travailleurs.
- Actuellement, à Bogny, dans le département des Ardennes, où les ouvriers métallurgistes sont très nombreux, les patrons ont informé les travailleurs qu’ils étaient résolus de renvoyer tous les ouvriers syndiqués. Cette menace ayant reçu un commencement d’exécution une grève s’en est suivie.
- Les grévistes viennent de publierl’appel suivant adressé aux ouvriers métallurgistes de toute la France :
- « Camarades, nous faisons appel à vos sentiments de solidarité pour nous venir en aide dans la lutte que nous soutenons contre nos patrons.
- » Notre cause est des plus légitimes.
- » Nos patrons nous ont mis en demeure de nous désister de notre Chambre syndicale ou de quitter les ateliers.
- » Nous sommes près de trois cents ouvriers, y compris soixante ouvrières, qui n’avons pas voulu nous rendre à l’injonction de nos patrons.
- » Nous sommes donc actuellement sans travail.
- » Le gouvernement nous reconnaissant le droit de nous syndiquer, ce sont donc nos patrons qui se sont mis en contradiction avec la loi.
- » A tous les points de vue, le droit est de notre côté.
- » Nous avons envoyé plusieurs délégations à nos patrons, mais sans résultat.
- » Frères d’atelier, aidez-nous à triompher de l’arbitraire patronal.
- » Ne nous laissez pas dans notre isolement, ne nous abandonnez pas à nos faibles ressources.
- » Ouvrez des souscriptions pour nous dans tous les ateliers. »
- • Que cet appel soit ou ne soit pas entendu, après une résistance plus ou moins longue, les grévistes de Bogny seront contraints de capituler devant la faim.
- La suspension du travail procure rarement les avantages qu’en attendent les grévistes. Leurs visées devraient porter plus haut ; ils devraient comprendre la complicité du gouvernement et s’efforcer de la faire disparaître, car, sans elle, la mauvaise volonté des adversaires des travailleurs serait certainement impuissante. Si le gouvernement intervenait aussi énergiquement contre les coalitions patronales, comme il sait le faire lorsqu’il s’agit de coalitions ouvrières, on verrait les patrons laisser les ouvriers librement jouir des quelques lois qu’ils ont obtenues si péniblement.
- La solution des conflits de ce genre subsiste en-tière dans l’intelligente pratique du suffrage uni-
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- versel. Il ne dépend que des travailleurs, qui sont le nombre, de constituer un gouvernement fort, ayant mandat d’exigér de tous le respect des lois.
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- LES PROGRAMMES ÉLECTORAUX
- VII
- Des monopoles.
- Dans les articles précédents sur le même sujet, nous avons énoncé quelques réformes d’intérêt immédiat ; nous avons surtout cherché à faire comprendre la nécessité d’étudier les questions sociales.
- Cette préparation d’un avenir meilleur aura pour point de départ des lois propres à empêcher l’ag-çravation du présent, et,parmi ces lois,les plus efficaces seront celles qui mettront un frein aux abus des monopoles.
- A mesure que les sociétés se développent, certaines branches de l’activité humaine prennent de telles proportions qu’elles échapppent à Faction individuelle. Dans un grand nombre de cas, les intérêts engagés sont tellement considérables que nul ne voudrait y risquer la moindre partie de son avoir, s’il n’était certain que des entreprises concurrentes ne pourront apporter quelque trouble aux affaires de cet ordre. L’Etat, comprenant aussi quelles secousses de semblables ruines causeraient dans la marche générale des affaires, ac- i corde son intervention et garantit ces entreprises contre la plupart des risques.
- Cette intervention de l’Etat, telle qu’elle s’est manifestée jusqu’à présent, a toujours limité ses effets à la garantie des intérêts capitalistes.
- L’exclusion des intérêts du travail est une flagrante inégalité contre laquelle il est urgent de protester.
- L’Etat républicain ne doit plus aliéner aucune parcelle du domaine national, ou décréter des garanties en faveur d’une entreprise sans faire la part du travail.
- L’exploitation des transports, les entreprises d’éclairage, la construction et l’exploitation des canaux, les entreprises minières, tous les grands travaux d’intérêt public sont dépendants de Faction de l’Etat; ce dernier ne doit pas les aliéner à des particuliers sans réserver les droits du travail.
- Les garanties en faveur du capital ont été poussées a l’excès, tandis que, systématiquement, on refusait la moindre satisfaction aux travailleurs.
- Dans les chemins de fer, les premiers privilèges, déjà excessifs, accordés au moment des conces-
- sions, ont été accrus par des conventions successives, au point de rendre toute la fortune publique tributaire des actionnaires des grandes Compagnies.
- Ainsi eu 1884, la Compagnie de l’Est a eu un bénéfice net de 25 millions 590,003 francs, mais l’Etat intervient, annuellement, à divers titres, dans les recettes de cette compagnie, pour une somme supérieure à 35 millions.
- *A côté de ces prodigalités en faveur des capitalistes, l’Etat républicain refuse aux employés commissionnés des chemins de fer de voter une loi devant empêcher les compagnies de pouvoir les révoquer discrétionnairement et leur faire perdre les avantages de leurs versements à la caisse des retraites.
- Il convient de demander à l’Etat, chaque fois qu’il accorde une concession, d’introduire dans les cahiers des charges quelques clauses destinées à sauvegarder les droits des travailleurs.
- Nous avons en France un grand nombre de charbonnages, tous concédés par l’Etat, puisque le sous, sol est déc'aré propriété sociale, qui ont doublé et triplé le cours d’émission. Si on avait imposé quelques réserves au prolit de la vieillesse, de l’enfance des accidents, des maladies, les valeurs de ces sociétés seraient cotées qu lques francs en moins à la Bourse, mais nous aurions en France quelques dizaines de mille de mineurs mis à i’abri des atteintes de la misère ; ce s erait un commencement.
- Si les travailleurs voulaient s’occuper à temps des quesuions qu’il convient d’iûsérer dans les programmes électoraux, ils demanderaient que la participation aux bénéfices devienne obligatoire dans ' toutes les concessions de l’Etat.
- Cette par ticipation peut être individuelle, au prorata du travail ae chacun, d’après un taux fixé par la loi, ou bien elle peut fonctionner d’après le même taux au profit de caisses destinées à ali" menfcer des in stitutions garantistes ; ces caisses el lés-mêmes peuvent être corporatives, communales ou nationales. Même, si l’on étudiait à fond la question, on verr ait que pour faire œuvre tout à fait rationnelle, les produits de la par ticipation devraient être divisés en parts individuelles et en parts collectives destinées à alimenter les fondations corporatives, comm unales et nationales.
- Lorsqu’on réfléchit que, pour faire ces améliorations,il suffirait aux travailleurs de se réunir pendant les quelques mois qui nous séparent des élections, dese mettre d’accord pour déclarer qu’ilsne voteront pas pour les candidats qui refuseront d’accepter ces
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- le devoir
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- réformes ; et, lorsque l’on constate qu’ils ne font rien de semblable, qu’ils se rallient, au contraire, autour des hommes qui les excitent à agir inversement, on est forcé d’avouer que la bêtise humaine a encore de profondes racines dans le cerveau des individus du peuple le plus spirituel du monde.
- Il semble cependant bien simple de concevoir que l’Etat, dispensateur des concessions sous des formes variables dans le présent, qui n’ont jamais été les mêmes dans le passé, qui ne sont pas pareilles chez deux peuples, puisse employer une forme nouvelle, et que cette modification soit conforme à l’intérêt des travailleurs.
- Il y a un peu plus d’un an, l’Etat a fait des conventions avec les grandes compagnies, sous prétexte que cet arrangement serait profitable à la prospérité générale ; on s’aperçoit maintenant que tous les avantages ont été pour les monopoleurs. Pourquoi ne reviendrail-on pas sur ces conventions spoliatrices, au nom de l’intérêt national,que l’on invoquait alors, et que les faits nous montrent aujourd’hui sacrifié aux privilèges de quelques-uns ?
- Partout où il y a monopole, partout où l’Etat, la personnification de l’intérêt général, a par ignorance, par complaisance ou par complicité, laissé dominer les intérêts des monopoleurs, il y a lieu de réviser pour rétablir les choses suivant les obligations de l’Etat républicain.
- Toutes les théories sur la propriété, sur la légitimité des contrats, s’effacent devant ce fait que l’Etat n’a pas le droit de contracter, s’il aliène une partie quelconque de l’intérêt national, et qu’il a le devoir de réviser chaque fois qu’il découvre dans ses traités une erreur de ce genre.
- Les électeurs n’ont pas à se laisser influencer par les considérations tirées de l’économie politique, ils agiront sagement en réclamant la révision des contrats ayant aliéné la propriété nationale et l’inscription, dans toutes les concessions dépendant de l’action des communes et de l’Etat, de la participation obligatoire aux bénéfices.
- ♦ *
- Nous avons suffisamment énuméré de réformes Pour nous arrêter dans cette étude sommaire, avec la conviction d’avoir indiqué aux électeurs un ordre d’idées conformes à l’esprit républicain.
- Notre projet de programme se résume ainsi :
- Souveraineté nationale.
- Par la réduction de la durée du mandat à deux ou trois ans au plus.
- Par le renouvellement annuel et partiel des corps élus, par moitié ou par tiers.
- Par un engagement du candidat de n’accepter, pendant la durée du mandat, aucune fonction publique, autre qu’une fonction élective, sousun ministère refusant d'appliquer les réformes contenues dans le programme électoral.
- Finances publiques
- Budgets en équilibre.
- Economie rigoureuse.
- Pas de nouveaux impôts ou d’augmentation des anciens.
- Etude et préparation d’un système financier évitant la répercussion des impôts, c’est-à-dire la possibilité, laissée jusqu’à présent aux gens riches, de se faire rembourser leurs impôts par les travailleurs.
- Politique étrangère
- Ne voter aucune déclaration de guerre, si elle n’a été précédée d’une demande de recourir à l’arbitrage.
- Révision des traités et des conventions interna-ternationales suivant ïéquité.
- Protection sociale
- Enseignement gratuit, obligatoire, entretien par la société des enfants pauvres.
- Mutualité nationale. Les électeurs déclarent que la société doit à tous les citoyens le minimum de subsistance, les secours et les soins aux malades et aux victimes d’accidents, des pensions de retraite aux vieillards.
- Les candidats s'engagent à se grouper avec leurs collègues résolus à étudier cette question, et à donner leur concours à toute tentative de recherche et de propagande de projets visant la fondation de ces institutions.
- Droits des Travailleurs
- Liberté de conscience.
- Liberté de presse et de réunion.
- Liberté d'association par la latitude laissée aux associés de rédiger librement leurs statuts sans autre restriction que le respect de la liberté d’autrui.
- Les candidats s'engagent à propager les idées et les projets concourant à l’établissement d’une loi internationale du travail, à intervenir dans la politique extérieure en vue de préparer les autres gouvernements à l’acceptation de cette réforme.
- Monopoles
- Suppression du budget des cultes.
- Dénonciation des conventions avec les grand s
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- LE DEV OR
- Compagnies de chemins de fer.
- Révision des concessions.
- Inscription, dans toutes les concessions de l’Etat et des communes, de clauses rendant la participation obligatoire, afin de doter des institutions garantîtes.
- *
- * *
- Le programme électoral que nous avons ébauché a été rédigé sous l’influence ce cette conviction que la société présente est mauvaise, qu’il faut la réformer.
- Nous avons indiqué seulement les réformes majeures, sans préciser les détails des solutions, qui sont cependant bien nettes dans notre conscience.
- Notre programme est toujours celui que nous insérons fréquemment à notre première page.
- Mais nous n’avons voulu assister aux préparatifs de la prochaine comédie électorale sans faire, par toutes les concessions possibles, une tentative de mettre le peuple en garde contre les tristes conséquences de la profanation du suffrage universel, dont il va se rendre coupable pour son plus grand malheur.
- La période électorale devrait être, en quelque sorte, une époque sacrée, à laquelle chacun se préparerait par le recueillement et par l’étude.
- Il plaît aux candidats de faire des élections une duperie ; les électeurs sont assez naïfs pour se prêter à toutes les escobarderies des meneurs et des candidats. Ce spectacle écœurant nous afflige.
- Ce sacrilège, comme tant d’autres,finira un jour ; nous aurons, tôt ou tard, la consolation de l’avoir combattu de toutes nos forces.
- Car ces réformes que nous réclamons et beaucoup d’autres, en contradiction avec les usages contemporains, seront plus tard la règle générale des peuples.
- Plus les sociétés avanceront, plus deviendra évidente cette vérité que l’intérêt général résulte de l’intérêt de chacun, que l’intérét de chacun est en raison directe de la puissance de vie qu'il possède. Or dans tout ce que nous réclamons, tout converge vers ce résultat : nous voulons qu’on sauvegarde la vie de chacun par des institutions garantistes ; et nous demandons qu’on agrandisse cette même vie en répandant partout l’abondance.
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- Souveraineté et suffrage universel LXXX
- La liberté du suffrage n’existe pas si l’électeur ne peut voter pour les citoyens qu’il juge dignes de son vote dans toute Vétendue du pays.
- Faits politiques et sociaux
- DE LA S EIVLA.! 3STE
- Scrutin de liste. — Voici le texte de la nouvelle lo électorale adoptée par la Chambre et précédemment votée par le Sénat :
- Art. 1er. — Les membres de la Chambre des députés sont élus au scrutin de liste.
- Art. 2. — Chaque département élit le nombre des députés qui lui est attribué par le tableau annexé à la présente loi, â raison d’un député par soixante-dix mille habitants, les étrangers non compris. Néanmoins, il sera tenu compte de toute fraction inférieure à soixante dix-mille.
- Chaque département élit au moins trois députés.
- Il est attribué deux députés au territoire de Belfort, six à l’Algérie et dix aux colonies, conformément aux indications du tableau.
- Ce tableau ne pourra être modifié que par une loi.
- Art. 3. — Le département forme une seule circonscription.
- Art. 4. — Les membres des familles qui ont régné sur la France sont inéligibles à la Chambre des députés.
- Art. 5. — Nul n’est élu au premier tour de scrutin s’il n’a réuni :
- 1° La majorité absolue des suffrages exprimés ;
- 2® Un nombre de suffrages égal au quart du nombre des électeurs inscrits.
- Au deuxième tour la majorité relative suffit.
- En cas d’égalité de suffrages, le plus âgé des candidats est élu.
- Art. 6. — Sauf le cas de dissolution prévu et réglé par la Constitution, les élections générales ont lieu dans les soixante jours qui précèdent l’expiration des pouvoirs de la Chambre des députés.
- Art. 7. — Il n’est pas pourvu aux vacances survenues dans les six mois qui précédent le renouvellement de la Chambre.
- Le département de l’Aisne qui, d’après le recensement de 1881, compte 556,891 habitants et qui renferme un nombre assez restreint d’étrangers, figure donc au tableau pour 8 députés.
- * *
- Le Budget rectificatif. — Le projet rectificatif du budget de 1886 élaboré par M. Sadi-Carnot, et dont la commission du budget a reçu hier l’épreuve, comporte les modifications suivantes :
- M. Sadi-Carnot propose d’évaluer le produit des impôts indirects d’après les recettes réalisées au cours du dernier exercice connu. D’après les résultats de 1884, constatés il y a quelques jours, il y a lieu de réduire pour 1886 les évaluations relatives aux tabacs et aux postes et télégraphes ; en revanche, il convient de relever celles qui concernent les sucres et la grande vitesse : ce relèvement compense à peu prés la réduction à prévoir sur les recettes, provenant de la modification de la loi sur les céréales et les bestiaux étrangers, lesquelles recettes se trouvent abaissées de 34 à 25 millions.
- M. Sadi-Carnot exclut du budget ordinaire pour en faire un compte spécial, les garanties d’intérêt à servir aux compa-
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- gnies de chemins de fer français et algériens et propose d’alimenter ce compte au moyen d’obligations.
- Enfin, M. Sadi-Carnot pense qu’il est utile d’alléger la dette flottante des charges que fait peser sur elle le service de la caisse des écoles et de celle des chemins vicinaux. Le gouvernement est d’avis d’affecter des obligations aux dépenses de ce service.
- Les obligations spéciales qu’il s’agit d’émettre pour l’alimentation du compte des garanties d’intérêts, ainsi que pour le service des caisses des écoles et de chemins vicinaux, seront conformes au type des obligations trentenaires, sauf en ce que leur échéance coïncidera avec celle des obligations trentenaires déjà émises, en 1907, soit en vingt-deux ans, date à laquelle elles seraient toutes remboursées.
- Le chiffre de la nouvelle émission atteindrait 320 millions et serait indépendante de l’émission d’obligations à court terme que comporte le budget extraordiraire de 1886. Ces nouvelles obligations ne seraient émises qu’au fur et à mesure des besoins.
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- Rendement des impôts — M. Sadi-Carnot a communiqué à la commission du budget le tableau du rendement des impôts et revenus indirects pour le mois de mai 1885. Le chiffre des recettes pendant les derniers mois est inférieur de 3,976.000 aux évaluations budgétaires et de 3,162,000 aux recettes correspondantes du mois de mai 1883. Les recettes des cinq premiers mois de 1885 sont inférieures de 14,257,000 aux prévisions et de 5,342,000 aux recettes correspondantes des mêmes mois de 1884. Pendant le mois de mai 1885, les prévisions sont dépassées en ce qui concerne le produit du timbre de 4,600,000, des postes de 4,610,000, des vins de 1,203,000, des sucres de 7,442, 000.
- Par contre, les produits suivants leur sont inférieurs, à savoir : le produit de l’enregistrement de 9,627,000, les douanes de 10,852,000 fr, et le produit des contributions indirectes de 2,750,000. Les mêmes produits accusent sur les recettes correspondantes de l’exercice 1884, les moins- values suivantes : enregistrement 3,887,000, douanes 304,000, contributions indirectes 4,309,000,
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- Le vaccin du choléra. — Une excellente proposition a été faite au conseil municipal de Paris par MM. Robinet et Dreyfus.
- Il s’agirait de mettre à la disposition du corps si distingué et si éclairé des médecins des hôpitaux de Paris la somme nécessaire à l’envoi d’une commission de trois membres chargée d’aller étudier, aux frais de la ville, dans la province de Valence, les essais du docteur Ferran, qui croit avoir trouvé un préservatif contre la terrible épidémie.
- La science se trouve peut-être en présence d’une des découvertes les plus belles et les plus importantes des temps modernes. Les résultats obtenus sont tellement merveilleux que beaucoup se refusent à y croire. Cette question préoccupe a juste titre les savants des deux mondes. Le gouvernement anglais a envoyé une Commission, l’Italie également. La France ne peut être en retard.
- On sait que le docteur Ferran inocule à l’homme le virus cholérique. Les symptômes de la terrible maladie se produisent alors, puis disparaissent. Et l’homme ainsi vacciné est préservé du choléra. Au besoin, on peut renouveler l’inoculation.
- Après s’être vacciné lui-même, le docteur Ferran a vacciné un très grand nombre de médecins de Barcelonne, de Valence et de Madrid.
- Devant cet exemple, la population elle-même a été en-trainée.
- Ainsi, àAlcira (province de Valence), ville de 16,000 âmes, où le choléra sévit en ce moment, sur 5,432 personnes inoculées avec le virus prophylactique,, il n’y a eu que sept attaques et aucun décès; sur les 10,500 habitants qui n’ont pas voulu se soumettre à l’inoculation, on a compté 64 attaques et 30 décès.
- Ce sont ces expériences, ce sont ces résultats, que l’on doit aller contrôler sur place.
- Il y va de l’honneur de la science française, il y va de l’intérêt de l’hygiène publique !
- Intolérance cléricale. — Un employé de la Compagnie d’Orléans, M. Honorius Thomas, vient de mourir à Angoulême ; c’était un brave homme aimé et estimé de ses col-légues ; comme il avait depuis longtemps manifesté l’intention d’être enterré civilement, la famille s’adressa à la Société la Libre-Pensée de cette ville, qui s’empressa d’organiser les obsèques.
- Les employés de chemins de fer, de leur côté,avaient ouvert une souscription pour offrir une couronne portant ces mots : Les employés de la Compagnie d’Orléans, à leur camarade. Jusque-là tout allait bien.
- Le chef de gare, M. Guillot, avait voulu souscrire pour trois francs. Mais apprenant que l’enterrement était civil, grande fut la colère du bonhomme. Il se dirigea vers les employés qui se préparaient à emporter cette couronne à la maison mortuaire, et arracha toutes les lettres les unes après les autres. Les assistants étaient tellement stupéfaits de cet acte de vandalisme, qu’aucun d’eux n’osa protester immédiatement. Mais le bruit s’était promptement répandu dans la ville, aussi un grand nombre de citoyens, qui connaissaient à peine la famille Thomas, se joignirent-ils au cortège qui accompagnait les restes du défunt.
- ESPAGNE
- Le Choléra. —A Valence,il y a eu hier II cas de choléra et 6 décès.
- L’épidémie a éclaté à l’Hôpital militaire de Murcie et dans quelques petits ports de la province de Valence.
- Dans les vingt-quatre dernières heures, 9 cas suspects ont été signalés a UITopital de Madrid et plurieurs autres en ville.
- La température varie, depuis douze jours, entre 28 et 33 degrés à l’ombre.
- Les gouvernements français, allemand, anglais et italien ont établi des quarantaines maritimes pour toutes les provenances du littoral de Valence.
- D’après les dernières nouvelles, le choléra étend ses ravages dans toutes les parties de l’Espagne.
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- ITALIE
- Proctectionnisme.— A une question de M. Pai-nettisur les mesures prises par le gouvernement pour atténuer les effets de la surtaxe des droits d’entrée du bétail en France, le ministre de l’agriculture a répondu que l’on pourra s’en occuper lors du renouvellement des traités. Le traité actuel laisse à la France sa liberté pour le bétail. Le gouvernement a cherché à empêcher la surtaxe ; mais il est impossible de contester ! à la France l’exercice d’un droit. On en atténuera les effets en ' diminuant le coût des transports. ;
- L’orateur exposera plus tard les intentions du gouverne- j ment sur sa politique douanière.
- M. Mancini a rappelé qu’il était interdit aux négociateurs français du traité actuel de s’engager sur l’article du bétail avec n’importe quelle nation.
- Il a déclaré que le gouvernement, tout en maintenant ses relations amicales avec la France, adoptera les mesures pro- ; près à protéger le commerce et l’industrie de l’Italie.
- ALLEMAGNE
- M. de Bismark.— Si nous en croyons les correspondances de Berlin, M. de Bismarck prépare à son tour une expédition maritime, dont le sultan de Zanzibar lui a fourni le prétexte.
- Deux sentiments prédominent à présent dans l’esprit du maître de l’empire : haine contre Gladstone et l’Angleterre et ; désir d’avoir une situation bien assurée. C’est nécessaire. Il . semble que le moment critique n’est pas lo;n ; la vie du vieux . Guillaume ne tient plus qu’à un fil. A tout moment le changement, si redouté par le maire du palais, doit être at- < tendu.
- Dans le cours de l’hiver dernier, il y eut une consultation ; de médecins motivée par la santé de l’Empereur. L’opinion ! unanime fut que les forces physiques étaient presque épuisées; que la moindre attaque pouvait être fatale, que la mort était inévitable, si le malade était obligé de s’aliter, et que, par conséquent, il fallait le tenir toujours on activité et en mouvement, sans le fatiguer.
- Et enfinon fut d’accord qu’il était trèspeu probable que l’empereur survécût au printemps.
- L’abaque qui avait nécessité cette consultation médicale a été suivie d’autres attaques semblables, dont la plus violente a commencé le 24 mai dernier. Elle fut si dangereuse, que les médecins avaient presque perdu l’espoir ; les défaillances n’avaient jamais été si fréquentes et si longues ; et le danger ontinue. Il est vrai qu’on a réussi par de forts stimulants à réveiller le vieil empereur, et à le faire marcher en quelque sorte automatiquement, mais cela ne signifie pas grand chose et une nouvelle attaque d’une violence égale à la dernière, serait fatale, sans aucun doute.
- Ainsi, le changement d’empereur est une éventualité fort brûlante et le grand chancelier s’occupe, beaucoup pins de cette éventualité que d’aucune autre combinaison politique.
- * *
- Départde l’ambassadeur d’Allamagne. —
- Malgré les affirmations des journaux officieux allemands, il est certain que l’empereur d’Allemagne, qui d’ailleurs est
- âgé de quatre-vingt-dix ans, va s’affaiblissant rapidement, et que son entourage s’attend, pour ainsi dire de jour en jour à une crise fatale.
- M. de Hohenlohe, ambassadeur d’Allemagne à Paris, aurait même, en raison de la maladie du vieux Guillaume, reçu l’ordre de se rendre à Berlin, où il devra se trouver à la fin de la semaine.
- ANGLETERRE
- Grise ministérielle. — Les anglais ont une politique coloniale qui excite la jalousie de tous les autres gouvernements. Pendant tout le temps que les colonisateurs se sont trouvés en face des peuplades désarmées et ignorant les lois de la gueire, la conquête était facile et relativement peu coûteuse, l’eût-t-elle été, c’était toujours la colonie qui supportait tous les frais. Les temps sont changés, un jour les Boers, un autre jour le Madhi, enfin les Russes se mettent en travers des projets de l’Angleterre. Les généraux anglais sont partout obligés de battre en retraite, après des dépenses colossales sans pouvoir recouvrer une couronne. La carte à payer revient alors au parlement, qui renverse le ministère coupable de demander aux promoteurs des entreprises coloniales d’en payer les dépenses.
- LA CUISINE GRANDE INDUSTRIE
- Nous empruntons au Temps quelques faits que ce journal commente d’après les saintes lois de divine économie politique ; à notre point de vue ils nous paraissent contenir d’excellents arguments à l’appui des théories socialistes.
- Laissons parler le Temps :
- « Un mouvement des plus originaux, des plus intéressants se produit depuis quelques mois à Londres et dans toute la Grande-Bretagne. Il s’agit d’un système d’alimentation à bon marché par le moyen de cuisines publiques établies sur un grand pied. Non point de cuisines coopératives, comme on pourrait croire, ni de cuisines municipales, mais de cuisines fondées en commandite et par actions, où le fourneau seul coûte dix-huit ou vingt mille francs, où les fonds engagés se chiffrent déjà par millions, et qui n’en donnent pas moins de superbes dividendes à leurs actionnaires, tout en fournissant à leur clientèle une alimentation saine, bien préparée et peu coûteuse. Tant que ce * mouvement » n’est pas sorti de la phase théorique et rfa fait que servir de thème aux discussions de la presse d’outre-Manche, nous avons cru inutile d’en entretenir nos lecteurs. Ces choses-là ne comptent que par l’application. Tant vaut la pratique, tant vaut l’idée. Mais aujourd'hui l’expérience est faite. Plusieurs cuisines de ce genre fonctionnent déjà à Londres, à Liverpool, à Birmingham. Des mil iers de familles vont y chercher leur alimentation quotidienne et y trouvent tous les avantages qu’on leur en avait promis. La ques'ion est à l’ordre du jour dans toutes les grandes villes du Royaume-Uni. Il y a. là peut-être pour la France un exemple à suivre, avec les modifications que corn-
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- portent les idiosynchrasies nationales , — certainement une leçon pratique, un cas économique inédit et curieux à méditer. Le moment est venu d’en lésumer i histoire.
- » L’initiateur de cette révo utionmiimmiaiie — le-mot n’est pas trop gros au moins pmir ce qui imu'iie a la Grande-Bretagne — est un officier allemand, le capitaine WolfF.
- » Il proposa d’établir à Londres, au capital de neuf à dix millions de francs et par actions d’une livre sterling, cent cinquante cuisines publiques pouvant distribuer par an quatre-vingt-dix millions de rations alimentaires à 40 centimes. Chiffres en main, il établissait que les acheteurs gagneraient à ce système 50 0/0 au bas mot, sans parler de l’économie de temps et de patience — tout en laissant aux actionnaires un bénéfice de 16 à 17 0/0. La suppression des intei médiaires, la division du travail, l’achat des denrées en gros, la réduction au minimum des frais de manipulation et de cuisson — en un mot, la supériorité de l’association sur l’effort individuel — devaient faire ce miracle.
- » Résumons à grands traits le système du capitaine Wolff.
- Il consiste essentiellement à établir de véritables marchés aux vivres cuits, sains, abondants, préparés suivant les règles de l’art, où les ménagères puissent venir s’approvisionner directement au lieu de faire elles-mêmes leur cuisine ; en d’autres termes, à substituer en matière culinaire le régime de l’association à l’autonomie individuelle. Pour qu’une telle innovation se fasse accepter sans résistance, il faut évidemment : que les vivres soient de première qualité, qu’ils soient bien préparés, rationnés de manière à se trouver à la portée des plus petites bourses, que la délicatesse la plus méticuleuse soit absolument rassurée sur la propreté des manipulations, que l’achat et la livraison des rations soient choses faciles, rapides et ne comportant aucune humiliation. G’est-à-dire que l’entreprise est seulement possible avec des capitaux importants, permettant de s'adresser directement aux producteurs et de bénéficier des prix de gros ; que les ateliers doivent être en quelque sorte publics et ouverts derrière de grandes glaces à la surveillance de la clientèle ; que les établissements ont besoin d’être sinon luxueux, du moins installés sur un pied tout à fait satisfaisant pour la vue, le goût et l’odorat ; enfin, qu’ils comprennent des salles d’attente décentes et des guichets de distribution bien aménagés. Ces grandes lignes arrêtées, il restera à choisir les meilleurs modes de préparation et de cuisson, à fixer le prix des rations, à perfectionner les petits moyens qui en facilitent le transport en leur conservant la température voulue, etc... Toutes ces choses et beaucoup d’autres sont prévues par le capitaine Wolff et appliquées d’emblée par ses disciples.
- » Un principe fondamental, c’est que la cuisine publique, pour bien remplir son objet en réalisant de sérieuses économies, se garde de multiplier outre mesure les plats qu’elle offre à sa clientèle. Il faut aussi qu’il soit impossible de la soupçonner d’accommoder les restes, et que chaque jour son menu soit varié, tout en étant connu d’avance. Des viandes rôties et grillées, du poisson, des potages impeccables, des légumes de première qualité, cuits à point et alternés avec art, doivent faire le fond immuable de ses opérations. L’uniformité de Poids, de mesure, de saveur, de valeur nutritive et de prix
- n’est pas moins indispensable. Le salaire est presque toujours quantité limitée et invariable : un des avantages primordiaux de la cuisine publique doit être que la dépense alimentaire le soit aussi, à un centime prés. Il n’est pas moins nécessaiie qu’on puisse les jours de paye s’assurer à l’avance, sous forme de cachets à prix fixe, les vivres nécessaires pour la quinzaine ou le mois qui vient. Tout le monde sait combien ce système est avantageux aux petites bourses et favorise l’épargne, même dans les humbles restaurants où il est généralement pratiqué. Les familles devraient pouvoir l’étendre à tous leurs achats alimentaires. Le jour où un homme gagnant trois, cinq, sept francs par jour, sait avec certitude qu’il peut se nourrir convenablement avec quatre-vingts centimes, nourrir les siens à raison de deux, trois fois quatre-vingts centimes, ce jour-là, cet homme est affranchi. Il sait où il va, il voit devant lui. La plaie des petits ménages est précisément l’imprévu, l’incident, le charbon qui ne brûle pas et qui oblige d’envoyer la fillette chez le charcutier, la friandise trop chère et peu nourrissante qu’on se laisse aller à acheter, le mauvais vin ou la pire eau-de-vie qu’on boit parce qu’on a l’estomac vide ou délabré.
- » Les avantages qu’un ménage laborieux, un célibataire,un vieillard isolé peuvent retirer de l’associatien n’ont pas besoin d’être développés. Il est clair qu’un feu de charbon ou de houille allumé dans nn étroit logement ou sur un palier d’escalier pour faire cuire à la hâte et tant bien que mal des vivres de qualité inférieure, payés un prix exhorbitant, sera toujours et nécessairement inférieur à un fourneau commun, sur lequel un cuisinier expérimenté prépare dans les règles des aliments de premier ordre, achetés aux prix de gros. Ne fût-ce qu’au point de vue du temps consacré à la cuisine individuelle et qui sera toujours mieux employé soit à des soins de propreté, soit à des lectures, soit à des travaux rémunérateurs ou même à des exercices physiques, la cuisine publique a une supériorité évidente. Elle est si bien une nécessité dans les grandes villes que les trois quarts des ouvriers ou employés des deux sexes mangent hors de chez eux. Et comment mangent-ils, — et à quels prix hors de toute proportion avec les salaires, sans même arriver toujours à réparer véritablement leurs forces !
- » Il va de soi que des salles de consommation sur lieu peuvent toujours et sans inconvénient être attachées aux cuisines publiques. L’essentiel est que le consommateur bénéficie dans la plus large mesure des réductions de prix et des augmentations en qualité et quantité résultant de l’association.
- » La question de la cuisson a vivement préoccupé tous les esprits qui se sont attachés à ces problèmes. Les aliments crus sont profondément modifiés par le mode de préparation ; ils réclament divers degrés de température pour cuire à point et devenir tout à fait propres à la digestion ; il était donc indiqué que le capitaine Wolff examinât tous les systèmes de fourneaux économiques actuellement en usage. Le plus parfait à son sens est celui qu’il a vu dans une grande maison de vêtements confectionnés, à Londres, et qui sert à préparer les repas de 300 employés. Mais le prix de ce fourneau est quelque peu prohibitif ; il coûte 50,000 fr. M. Wolff a arrêté son choix sur un appareil construit par le capitaine Becker, et qui est déjà adopté dans un très grand nombre d’hôpitaux, de prisons, de régiments ou d’usines en Allemagne, eu Autriche et en Danemark. Les principaux mérites de ce fourneau sont
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- la propreté, la simplicité, la perfection de la cuisson, l’économie considérable de combustible qu’il réalise sur presque tous les autres systèmes. S’il faut en croice M. Woltï, ces mérites sont tels qu’une pomme de terre cuite dans l’appareil Becker, par exemple, développe mieux les éléments nutritifs ; il s’ensuivrait qu’un plus grand nombre d’appétits pourraient être satisfaits avec une même quantité de matière première. Ce fourneau est à circulation d’eau chauffée par la vapeur, avec thermomètres spéciaux pour chaque compartiment. L’extérieur de la machinereste à la température ambiante, l’eau de chauffe étant abolument isolée: il s’ensuit qu’il y a peu de déperdition de chaleur et qu’une ap-pliration de vapeur pendant quinze minutes tous les matins suffit à remettre l’appareil en marche. Les aliments ne sont jamais brûlés ; ils gardent toute leur saveur et ne perdent rien par évaporation, les vaisseaux qui les contiennent étant hermétiquement fermés. Les produits mêmes de la combustion sont utilisés et servent à alimenter les rôtissoires. Enfin, l’eau chaude abonde, soit pour les services de propreté, soit pour les réchauds, qui permettent de conserver aux rations la température voulue. Le prix de ce fourneau n’est guère que de quinze à vingt mille francs.
- » Des expériences de ce genre vaudraient qu’on les tentât à Paris. Elles y trouveraient encore plus d’éléments de succès qu’en Angleterre, les habitudes de la population s’y prêtant beaucoup plus naturellememt, sans parler du génie culinaire qui a toujours caractérisé notre nation et qui fait si complètement défaut à nos voisins d’outre-Manche. Il est hors de doute que des cursines publiques installées sur un grand pied en des quartiers bien choisis pourraient aisément fournir des rations et demi-rations excellentes à trente-cinq et vingt centimes. Le Parisien de toutes les classes envoie déjà à l’occasion chercher son dîner tout fait chez le marchand de comestibles, le pâtissier, le rôtisseur ou le « traiteur». Pourquoi ne prendrait-il pas l’habitude de le faire prendre régulièrement au fourneau économique ? C’est peut-être la seule solution possible de la grande question de « l’anse du panier », sans parler de beaucoup d’autres questions plus épineuses encore. Il n’y a pas, semble-t-il, une raison plausible pour que la préparation des aliments ne se transforme pas graduellement en service général, au même titre que les transports ou l’éducation. » h D.
- La dernière phrase de l’article du Temps est sur--tout remarquable par la façon bien tranchée dont elle se distingue du langage ordinaire des rédacteurs de cette feuille. Le Temps, prévoyant la transformation graduelle de la cuisine en service général,au même litre que les transports ou l’éducation, fera certainement l’étonnement de tous ses lecteurs, habitués à l’entendre maudire etcondam-ner toutes les écoles socialistes sans aucune exception. Il faut que le socialisme soit bien fort pour arracher des aveux si catégoriques à ses pires adversaires.
- L’auteur de l’article nous apprend que le capitaine Wolff a commencé ses études sur l’alimentation par raison professionnelle ; le gouvernemen t allemand l’avait spécialement chargé d’étudier les moyens les plus économiques de procurer aux sol-
- dats une nourriture suffisamment réconfortante. Ncus saluons avec satisfaction cette transformation du capitaine en un chef distingué ; nous formons les vœux les plus sincères pour que tous les capitaines, de toutes les armées, sans excepter les héros de la Tunisie et du Tonkin, deviennent les plus grands cuisiniers du siècle.
- Le Temps engage le gouvernement à expérimenter le sys'ème culinaire du capitaine Wolîf, en vue d’améliorer la nourriture des soldats, des prisonniers et de quelques autres groupes d’individus maintenus sous la tutelle ou sous l’autorité de l’Etat.
- Il exhorte les capitalistes à entreprendre des créations de ce genre, prétendant que l’abaissement du prix de revient de la nourriture profitera aux travailleurs et leur rendra l’épargne possible On dirait vraiment que l’on ignore, au Temps, que le salaire suit généralement le prix de revient des moyens d’existence.
- Ces cuisines qui ne.sont ni coopératives, ni municipales, ce qui rejouit fort l’auteur de l’article, sont recommandées par le Temps à raison du meilleur parti qu’elles permettent de tirer de la valeur nutritive des aliments.
- Selon notre manière de voir, la cuisine collective ayant des avantages si considérables, de l’avis même du Temps, il nous semble qu’on ne saurait trop la généraliser, et qu’il est nécessaire de rechercher les conditions propres à la mettre à la portée de tous les habitants ; nous ne voyons rien de plus favorable à son extension que la coopération, l’association, même l’intervention des municipalités.
- Cette question en soulève d’autres que nous soumettons à la rédaction du Temps : si un système culinaire est recommandable par sa supériorité d’utiliser la plus grande partie possible des quantités nutritives d’une plante, n’y aurait-il pas lieu de rechercher aussi quelles natures de sol et quels modes de culture conviennent aux plantes pour
- leur incorporer le maximum de matières assimilables ? Et s’il y a lieu de faire ces récherches, si ce système est découvert, n’est-il pas rationnel de faire passer dans la pratique ces données, pour le plus grand bonheur de l’humanité? Enfin, la cuisine de la nourriture des plantes et des bêtes destinées au service culinaire général, au même titre que les transports ou l’éducation, que prévoit le vieux journal parisien, n’appelle-t-elle pas la création d'un nouveau service général qui, lui-même, en fait prévoir d’autres, jusqu’à ce que l’ensemble de la production résulte de l’organisation universelle du travail réclamée par les socialistes ?
- Le service général culinaire et l’extension de ses avantages à toute la nation sont inséparables de
- l’association et de la réforme du bâtiment.
- Tout cela est possible et sera, lorsque, 'maigre les divagations ordinaires et extraordinaires des empiriques, le groupe unitaire associationniste se-
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- ra constitué et logé dans ses palais sociaux unilai res.
- En attendant, saluons comme un gage d’avenir le grand capitaine qui est un excellent cuisinier ; souhaitons qu’on lui vote une lardoire d’honneur; espérons que cette exception deviendra la règle. Le militarisme ainsi accomodé n’aura plus rien pour nous épouvanter.
- Echantillon de la bêtise humaine. — Delà pitié pour les animaux tant que l’on voudra ; mais des fondations du genre de celle qu’annoncent les lignes suivantes,dans une société où l’on enregistre, chaque jour, la mort de faim de quelques vieux travailleurs, sont de véritables actes de démence-Voici une note que viennent de publier un grand nombre de journaux de Paris.
- L’œuvre du Refuge pour les animaux abandonnés, située à Montrouge, 60, rue de Fontenay, est entrée dans sa cinquième année d’existence, après avoir fait tout le bien que lui permettent ses modiques ressources, et plus même encore qu’on ne pouvait espérer. L’établissement en effet a déjà recueilli plus de 2,000 chiens et de 600 chats,toutes victimes soustraites à une mort certaine, soit par la faim, soit dans les tortures de la pendaison ou de la hideuse vivisection. Un grand nombre d’entre eux ont été placés par l’entremise du comité, et ont trouvé une affection et des soins à la place de l’abandon immérité auquel la fatalité les avait condamnés.
- Mais quelque grand que soit le bien que fait l’œuvre, il deviendrait plus grand encore si les ressources s’accroissaient, si les adhérents étaient plus nombreux. Les sacrifices que font les personnes généreuses qui ont doté Paris de cette charitable institution sont sérieux. Le public qui est intéressé à la réussite d’une telle entreprise ne peut y rester indifférent. Aussi sommes-nous certains que notre appel trouvera un écho retentissant pirmi lès nombreux amis des animaux et que les adhérents parviendront en grand nombre au comité de cette œuvre si utile, si indispensable même.
- Les demandes de renseignements et les cotisations peuvent être adressées chez Mme Masson, 39, rue Folie-Méricourt et chez Mme Donon, 40, rue de Varenne.
- La Conférence Sanitaire
- Depuis quelque temps, lisons-nous dans la Justice, on était sans nouvelles de la Conférence sanitaire internationale réunie à Rome. On se demandait à quoi elle pouvait bien occuper son temps et si le choléra qu’elle a pour mission d’arrêter au passage, n’allait pas fondre sur elle avant qu’elle eût choisi entre les divers moyens de lui barrer le chemin.
- Elle vient enfin de donner un signe manifeste de son existence et de son activité. Sa commission technique a terminé l’avant-projet qu’elle était chargée d’élaborer et sur lequel la discussion va s’établir au sein de la Conférence elle-même. La part prise à ce travail par les différents commissaires, les opinions qu’ils ont émises pendant
- cette période préparatoire, nous fait dès maintenant connaître qu’elle sera finalement l’attitude de chaque puissance. Nous pouvons aussi y lire un présage trop probable de l’avortement de la Conférence.
- Il s’agissait, ou le sait, du régime à appliquer au transit par le canal de Suez. Les délégués spéciaux proposent que tout navire provenant d’un port situé au-delà du détroit de Bab-el-Mandeb et suspect de choléra soit soumis, à son arrivée dans le canal, à l’examen d’un médecin spécial. Tout navire à bord duquel un cas de choléra serait constaté subirait une quarantaine de cinq jours à Suez, les malades étant expédiés à l’hôpital et les passagers transférés au lazaret.
- Ces conclusions eussent été présentées à la conférence avec la consécréation de l’unanimité des commissaires techniques sans l’opposition des trois délégués anglais.
- D’après les trois médecins qui représentent à la Conférence les intérêts britanniques, le projet de la commission porterait un coup terrible au commerce maritime de leur patrie. En effet, dit l’un d’eux, M. Lewis, les experts scientifiques du continent ne manqueront pas de considérer tout port situé au-delà du détroit de Bab-el-Mandeb, comme en état de contamination permanente. Par conséquent, la rapidité des communications maritimes du commerce anglais dépendrait du premier médecin venu, le plus souvent sans compétence, sans autorité scientifique et qui n’en serait que plus porté à faire acte d’autorité. Enfin, — ajoutent les délégués anglais, — ces mesures préventives seraient vexatoires sans être aucunement efficaces. Jamais le choléra n’a été introduit en Europe par un bâtiment anglais. Par contre, les Iles-Britanniques qui sont en rapport constant et rapide avec les régions contaminées, ont toujours été les dernières à recevoir la visite du fléau qui, de plus, n’a jamais sévi de l’autre côté de la Manche avec la même violence que sur le continent.
- Cette espèce de plaidoirie médico-commerciale aboutit aux conclusions suivantes qui en sont comme la sanction : l’Angleterre refuse de s’assujettir au régime proposé.
- Possédant plus des trois quarts du tonnage qui transite par le canal, elle, se croit en droit de réclamer un traitement spécidl, comme qui dirait un tarif cholérique de faveur. En conséquence, sir William Hunter propose, par voie d’amendement, que les bâtiments anglais, soit marchands, transports, messageries maritimes ou autres soient admis en tout temps à passer à travers le canal, comme à travers un bras de mer, sans être soumis à l’inspection médicale, pourvu qu’ils n’aient point de communication avec le rivage.
- Sir Willam Hunter est sans doute un médecin,et peut-être un commerçant distingué, mais il nous parait faible logicien. C’est précisément parce que les trois quarts des
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- navires passant par le canal sont anglais,qu’ils ne doivent pas échapper à l’inspection, si elle est est reconnue nécessaire. La belle garantie quand ils n’auraient point de communication avec le rivage ! Gela les empècherait-ils de communiquer avec d’autres ports jusqu’à leur arrivée à destination ? Ils risqueraient donc de semer le choléra sur leur route, s’ils l’avaient à bord. Mais fussent-ils même astreints à filer tout droit jusqu’au port anglais de débarquement qu’il y aurait encore danger pour les autres nations. Elles seraient atteintes un peu plus tard, voilà tout. On peut encore démontrer d’une autre façon combien il serait absurde de réclamer une exemption pour l’Angleterre, en s’appuyant sur la supériorité du tonnage anglais. Une nation qui n’a qu’un faible transit pourrait alors, et à plus juste titre, exciper de son infériorité en soutenant qu’elle fait courir très peu de risques à la santé européenne.
- Quant aux menaces des délégués anglais elles sont encore plus puériles. Notre commerce, disent-ils, ne se soumettra pas. Il préférera revenir à l’ancienne route, tourner le cap de Bonne-Espérance. Ainsi, un navire parti de Bombay pour Londres ou Liverpool, allongeant de 2,850 lieues sa route actuelle, afin de n’être par retardé par une quarantaine de cinq jours. C’est du gribouille tout pur.
- Nous voulons espérer que le cabinet Gladstone va se hâter d’envoyer d’autres instructions aux délégués anglais. Qu’il ait fait mine de céder à la clameur commerciale, cela n’a rien de fort extraordinaire. Les armateurs sont bien arrivés, à eux tout seuls, à vaincre les courageux efforts qu’avaient fait les Plinsoll et les Chamberlain pour arracher à la mort les milliers de marins victimes d’une infâme cupidité. Tant que le cabinet libéral était seul en face de ces rapaces il lui était peut-être difficile de leur tenir tête.
- Mais aujourd’hui qu’il peut s’appuyer sur l’unanimité des puissances, il serait inexcusable s’il tardait à prendre' la seule attitude qui convient à un tel gouvernement.Qu’il le sache bien, toutes les fois que leshommes politiques de l’Angleterre prennent l’atlilude de représentants exclusifs du commerce britannique, ils s’aliènent les sympathies de leurs meilleurs amis sur le continent. Us donnent l’arme la plus sûre à des ennemis dont les mobiles ne sont pas moins impurs, mais qui s’ingénient du moins à les colorer d’un vernis d’idéalisme. Enfin ils rabaissent la patrie des Shakespeare, des Bacon et des Newton au rang de la Carthage d’Hamilcar et de Salammbô.
- M. Louis Bertrand, rédacteur de la Voix de l’ouvrier, vient de publier à la librairie Oriol et Oie, 11
- rue Bertin-Poirée, une très intéressante étude sur les salaires. Ce travail contient les chapitres suivants : Considérations générales.— Le salaire, son caractère historique.— Le salaire naturel et la théorie des besoinsLa théorie du Fonds des salaires.— Le salaire naturel et le coût du Travail .— Le salaire à la journée,aux piècesetavec primes.— Le salaireet le problème de la monnaie.— La situation des salariés est-elle améliorée ?— Le salaire, la propriété et la rente.— Le salaire et. l’accroissement des capitaux.— Le salaire et le profit.— Le salaire et la population.— Le salaire et les grèves.— La loi des salaires.— Conclusion.—
- Ce travail contient de nombreux aperçus théoriques appuyés par des documents et des statistiques puisés aux meilleures sources.
- Dans le chapitre IX nous trouvons les intéressants renseignements suivants sur la condition des travailleurs au XIVme siècle dans les Flandres belges:
- « Pour être reçu apprenti, il fallait être âgé de 20 ans. Aujourd’hui, les enfants sont admis dans les manufactures et les mines à l’âge de 10 ans et même avant.
- » Le travail de nuit si préjudiciable à la santé n’existait pas. Il n’en est plus de même aujourd’hui.
- » Les ouvriers se reposaient le samedi et la veille des Fêtes. Aujourd’hui dans nos pays d’Europe, à l’exception, peut-être, de l’Angleterre, il n’en est plus ainsi.
- » L'artisan des Flandres, au XIVrao siècle, recevait par jour un salaire de 3 sous parisis. Avec le salaire d’un jour il pouvait acheter 3 poulets, 120 œufs, ou 150 harengs.
- » Dans la ville d’Ypres,auXIIIm9 siècle,le salaire annuel d’un ouvrier maçon était de 400 sous.
- » Un mouton valait 9 s tus ; un pain 3 deniers ou le quart d’un som ; \li litres de froment, 36 sous: 172 litres de seigle, 28 so s.
- » El qu’on ne croie pas que cette aisance des ouvriers au XIII9 et XIV9 sciècles n’existait que pour les aliments. Le même auteur, M. Vander-kindern : Le siècle des Artevelde, auquel nous avons emprunté les détails ci-dessus, cite l’inventaire qui a été fait du mobilier d’un ouvrier tisserand dé Gand vers cette époque, et nous y avons trouvé la description dobjeLs mobiliers qu’aucun ouvrier possède aujourd’hui. On y comptait des meubles de toutes sortes et en grande quantité.»
- L’Essai sur le salaire de M. Louis Bertrand es^ une étude consciencieuse écrite sans passion.
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- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen
- Puy-de-Dôme. Billom. — M. Pichois-Fauchery, quincailler, quai Grenette.
- Busséol. — MM. Dépailler-Maurice, aubergiste; — Dhome François jeune, cultivateur ; — Dhome Jean,— Domas Antoine,— Ducher Antoine,— Ducher Jean,— Grand Claude,
- — Jouvet Etienne,— Jouvet Jean, cultivateurs. Chamalières. — MM. Andanson Louis, journalier ; —
- Boudieu Antoine, — Desbeux Guillaume, — Lavery Pierre, propriétaires ; — Masse Adrien, tailleur; — Mazuel Antoine ournalier ;— Porte Joseph, propriétaire.
- Clermont-Ferrand,— MM. Alexandre Emile,, employé de commerce André Geraud, menuisier ;— Barge Gilbert, tailleur ; — Bassin François-Joseph, employé de commerce ;
- — Bassin F., typographe ; — Bert Léon, dessinateur ; — Bonnabry Auguste, mécanicien ; — Bonnaure Adrien, forgeron;— Bonnet Eugène, galocher Bony, étudiant Bou. dieu Aimé, agent-voyer;— Caillot Auguste, tailleur ;— Cham-bon Pierre, bottier Chamoret Pierre, employé de commerce; — Chandèze Joseph, cuisinier; — Chandèze Paul, boulanger; — Chaput Jean, maçon ; — Charmaison Antoine, agent—voyer ; — Chevalier J. Chirin Philippe, maçon ; — Chrétien Michel, tôlier ; — Cohendy Hippolyle, agent-voyer ;
- — Corrado Dominique-Melchior, menuisier ; — Coudène Jean, maçon;— Coupât Antoine, galocher ; — Débonnaire Eugène, ébéniste ; — Delongvert-Pardoux, maçon ; — Démarty Jean-Baptiste, aubergiste ; — Dumbkry G., cartonnier; — Dupou-het Joseph, prppriétaire ; — Fabre Hermose, dessinateur ; — Faucher Eugène, agent-voyer; — Favier François, tailleur ;
- — Faydit Pierre, cordonnier ;— Fournier Joseph, serrurier;
- — Froissard-Domont, négociant ; —Louis Gilbert, comptable ;— Gilbert Francis, ébéniste;— Grossel Annet; —Guilleret Claude, tailleur;— Hubner M.. photographe ; — Pierre Jouberton, ébéniste; — Laprononcière, relieur; — Lavérie Louis, garçon coiffeur ;— Henri Lebrun, employé photographe;
- — Ledieu François, maçon ; — Luquet Marcel, agent-voyer auxiliaire; — Malmenaidre Jean, employé de commerce; — Mathieu Louis, galocher ;— Mirande Marcel, agent-voyer; — Mouly Eugène, agent-voyer ; — Ulier Julien, galocher ; — Ondet Michel, cordonnier;— Pages Auguste P.mnecière, dessinateur-architecte; — Pardanaud François, maçon; — Pardanaud Jean, menuisier ; — Louis Prunevieille, galocher ;
- — Riberolle Ernest, employé de commerce ;— Richard Louis, tanneur ; — Rouby Pierre, tanneur ; — Emile Serre, liorlo-ger;~ Simon Pierre, maçon; —Sol, menuisier; — Taureil Philippe, employé de commerce;— Vacher Jean, chaisier; — Vedrine Antoine, menuisier en fauteuils ; — Vidal Antoine, ébéniste,
- Combronde.— M. Mandon Jean, tuilier. Saint-Maurice. — Mandement Félix, restaurateur, à Sainte-Marguerite.
- Mont-Dore. — Rallier Eugène, propriétaire, ftoyaf.— Labbayo André, tailleur.
- Remagnat.— Ronche Jean, courtier en vins.
- ^6yre-Monton.— MM Dorcière, juge de paix ;— Mai-nobe. H., ancien cons-rva!eur des hypothèques ;— Petit-^sans. propriétaire ; — Pizungue.
- MAITRE PIERRE
- VI
- LES DUNES
- « En attendant, mon patrimoine allait bien mal, depuis que j’en avais chassé les moutons. Les cinquante hectares du Sergent avaient payé fidèlement leurs dix sous par tête jusqu’au jour où je les avais mis en culture ; défrichés et semés, ils ne rendaient plus rien du tout. C’est au plus si ma peine et mon argent avaient laissés trace sur la terre. Les mauvaises herbes repoussaient avec une vigueur merveilleuse sur un sol ameubli et remis à neuf, mais les pins jaunes et rabougris disaient assez par leur mauvaise mine qu’ils avaient les pieds mouillés. J’allais les voir tous les jours et je ne riais guère, car mon idée ne me sortait pas de la tête, et j’étais buté. Comme il fallait gagner ma vie et nourrir la petite, j’essayais de tous les métiers. Je pêchais sur l’étang, et je n’avais pas la main malheureuse ; je travaillais avec Randoz, qui construit des bateaux, j’allais dans les dunes avec les résiniers, je faisais quelques journées à la Canau, dans la fabrique d’essence ; mais je ne tenais pas en place et je revenais toujours à mes semis. Mon ancien tuteur me rencontrait quelquefois en menant paître ses moutons, et c’était à son tour à se moquer de moi. « Qu’est-ce que tu chershes-là ? me disait-il ; tu as l’ai d’un âne devant un pont. Eh bien, garçon, nous avons donc fait le fils de famille ? Nous avons résilié nos baux, congédié nos fermiers, administré nos biens nous-même. Voilà bien la jeunesse ! on croit en savoir plus que les anciens ; on veut changer ce que le bon Dieu a fait, et l’on perd vingt-cinq bonnes livres de rente ! Je suis bien fâché que ce malheur-là soit tombé sur toi, mais espérons que l’exemple ne sera pas perdu pour le pays ! » Je ne pouvais pas me mettre en colère contre un homme d’âge. Je lui répondais : « C’est bon ! c’est bon ! Attendez seulement que j’aie retiré l’eau qui est là-dessous. Qu’est-ce que tu en feras ? me disait-il ; veux-tu la boire ? » E^ il s’en allait content de lui, parce que le Landais aime bien à plaisanter. Tout le village s’égayait aux dépens de mes pauvres pins malades ; on venait les voir en partie de plaisir, histoire de rire un bon moment ; la lande du Sergent avait changé de nom : on l’appelait la Folie-Pierre. Moi, je m’attachais à mes arbres comme un père à ses enfants, en raison du mal que j’avais à les élever.
- « Il y a dans les Landes, à 15 kilomètres de Bordeaux, une propriété aussi célèbre par les soins qu’elle a coûtés que par les résultats qu’elle a fournis. J’avais passé par là plus d’une fois, du temps que je vagabondais, le fusil sur l’épaule : rniis alors je ne regar 1 tis la terre que pour chercher les perdraux. Je savais que le propriétaire avait»
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- ^ait là des choses surprenantes, et de fait, c’est un jardin miraculeux. Si vous aviez le temps d’y aller voir, on vous montrerait des pins, des cèdres et des chênes de tous pays, des magnolias de vingt mètres, des cyprès de vingt-cinq et des tulipiers de vingt-huit. Je pris le parti d’aller m’y mettre à l’école et de voir par mes yeux s’il me serait possible d’en faire autant. Le vieux jardinier qui menait tout, me donna de l’ouvrage et ne me refusa pas ses leçons. Je lui racontai que mes pauvres arbres étaient bien malades, et il me montra que je pourrais les sauver, si j’étais seulement millionnaire. C’était prescrire une potion d’or pur à l’enfant d’un pauvre homme.
- « Voici comme on s’y prend là-bas pour cultiver la lande. On commence par défricher proprement un hecta-tare, ensuite on le plie en deux. Si vous ne comprenez pas comment on peut plier un hectare, prêtez-moi votre mouchoir de poche, et je vous ferai toucher la chose du doigt. «
- Je donnai mon mouchoir à ce singulier prestidigitateur qui se vantait d’escamoter, comme une muscade, la misère de deux départements. Il étendit le carré de toile sur le sol, et poursuivit ainsi son discours : « Vous savez que la terre des Landes n’a pas plus de deux pieds de profondeur au-dessus de l’alios. Le mouchoir vous représente un hectare de terre d’une profondeur de deux pieds, étalé par la nature sur un hectare de grès. Si je plie le mouchoir en deux, vous aurez d’un côté double étoffe, et, de l’autre, le grès tout nu. Par ici, un demi-hectare où les arbres pourront eufoncer leurs racines dans quatre pieds de terre ; par là un demi-hectare d’alios qui ne produira jamais rien. Reprenez votre mouchoir ; je n’en ai plu; besoin si vous m’avez compris.
- « Le vieux jardinier, homme d’expérience et de savoir, m’apprit que si mes arbres étaient malades, c’était parce que le sot manquait de profondeur. Il me conseilla, puisque le Sergent m’avait laissé cinquante hectares, d’en prendre vingt-cinq et de les porter sur les vingt-cinq autres ; à ce prix, mes arbres iraient bien. Que si je voulais faire profiter tout le pays du bénifice de sa découverte, c’était un total de trois cent mille hectares à transporter à la pelle sur les trois cent mille autres, qui ne manqueraient pas de prospérer, surtout avec de l’engrais.
- « Je craignis que ce mode de culture ne fût trop coûteux pour de pauvres gens comme nous, et je prévis que nous ne serions jamais assez riches pour faire fortune. Mais on me parla d’un monsieur de Paris qui était venu dans les Landes pour essayer le drainage. Je m’en allai frapper à sa porte et il ne fut pas mécontent de m’avoir pour ouvr ier. Les bras sont rares dans le pays, surtout les bras comme les miens.Je passai toute une année à ouvrir des tranchées, à placer der luymx, et à établir sur la terre un système d’égouts plus compliqué que celui qui s’étend
- sous les rues de Bordeaux. L’hiver survint, il plut comme à l’ordinaire, mais il n’y paraissait pas à l’endroit où nous avions drainé. L’eau traversait le sable comme la lumière traverse une vitre ; le champ s’égouttait dans les tuyaux, les tuyaux se vidaient dans les fossés, la terre était sèche comme sous un parapluie. On y sema des chênes ; ils levèrent en mars et se gardèrent bien de mourir en juillet. Le propriétaire était aux anges.
- « Je lui fis une visite d’adieu, et je lui dis : « Monsieur, nous avons fait une bien grande bêtise. D’abord nous avons dépensé deux cent cinquante francs par hectare dans une terre qui n’en valait pas cinquante : il ne faut pas que la façon coûte cinq fois plus cher que le drap Ensuite nous avons planté des arbres au-dessus de nos tuyaux, comme si les arbres ne devaient jamais avoir de racines : avant deux ans, les tuyaux seront cassés ou déplacés, et tout notre ouvrage démoli. Vous en serez pour vos frais, et personne ne vous imitera dans le pays, d’autant plus que nous n’avons pas de terre glaise pour fa-briqüer des tuyaux. Mais je ne regrette pas l’argent que ça vous coûte, car j’ai trouvé ici le secret que je cherchais. Je vais guérir mes arbres, chasser la pellagre, enrichir le pays, gagner de l’argent gros comme moi, et faire une belle dot à Marinette.» ,
- Maître Pierre s’arrêta brusquement, comme si ses dernières paroles lui étaient restées à la gorge. Il se leva, remit son béret, et. descendit dans la lète par un chemin escarpé : toute la compagnie le suivit. Marinette venait derrière moi ; je ne me rappelle plus ce que j’avais à lui dire, mais, en tournant la tête de son côté, je vis qu’elle s’essuyait les yeux du revers de la main. (.4 suivre.)
- État civil do Familistère
- Semaine du 1er au 7 juin 1885.
- Naissances :
- Le 1er juin, de Julliard André, fils de Julliard Jules et de Leduc Stéphanie.
- Le 4 juin, de Boinet Emilienne, fille de Boinet Gustave et de Vasselet Ctermonne
- Décès :
- Lelerjuin,de Thiéfaine Camille-Louis,âgé de 1 an et 1 mois.
- L’Astronomie, Revue mensuelle d’Astronomie populaire, de Météorologie et de Physique du globe par M. Camille Flammarion.—N° de J. in 1885. — La photographie directe du Ciel, par MM. Paul et Prosper Henry. — L’observatoire de Nice et VAstronomie en France, par M. C. Flammarion. — Murs énigmatiques observes à la surface de la L'vie, par M. L. Trouvelot.— La hauteur des lueurs crépusculaires,par M. Ch. Duour. — Nouvelles de la Science, Variétés : Les saints de gUce et le mois de mai 1885. Phénomènes solaires et aurores boréales. Vénus visible en plein jour. La Lune à l’envers. Aurores boréales. Eruption du Vésuve. Les victimes delà lou-dre, etc.—Observations astronomiques, par Vimont.— (GAUTHn.R-ViLLARS,quai des Augnsnns ho.Pini^)
- Le Directeur-Gérant : _
- Guise. — lmp. Garé.
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- 9e Année, Tome 9.- N" 354 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 21 Juin 1885
- „ BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- France Un an ... Six mois. . . Trois mois. .
- 10 fr. »» 6 ». 3 »»
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- 0N S’ABONNE
- A PARIS
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- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- LES SOCIÉTÉS DE SECOURS MUTUELS
- La loi sur les Sociétés Mutuelles
- AU SÉNAT
- A Messieurs les Sénateurs.
- Le projet de loi sur les sociétés de secours mutuels qui vous est soumis en ce moment rend opportunes les observations suivantes :
- La loi du 15 juillet 1850 et le décret du 26 mars 1852 sur les sociétés de secours mutuels renfermaient dans leurs dispositions de graves inconvénients pour les sociétés de secours mutuels libres de l’industrie, et présentaient des moyens de protection fort incertains et contestables..
- Je vous citerai particulièrement les suivants :
- 1° Cette loi interdit, dans son article 2, « les retraites et pensions aux sociétaires ». C’est pourtant U un des plus grands bienfaits que les sociétés de secours mutuels puissent assurer à leurs membres.
- 2° L’article 3 dit : « Les sociétés sont placées s°us la surveillance de l’autorité municipale; les Maires et adjoints peuvent présider ces sociétés. » Cette subordination était inconciliable avec la direction d’une société de secours mutuels fondée ans un établissement d’industrie, entre des ou-Vners désireux d’administrer eux-mêmes leur caisse et qui ne demandent de secours ni à la commue ni à l’Etat.
- 3° L article 6 dit encore : « Les fonds sont obliga-
- toirement versés à la Caissedes dépôts et consignations. »
- Cette disposition ne pourrait être adoptée par des associations ouvrières qui, établissant la mutualité parmi leurs membres, ont, en même temps, besoin de faire fructifier le capital de leur caisse mutuelle dans le fonds de roulement de leurs opérations industrielles.
- La société mutuelle de l’Association du Familistère est dans ce cas. Son capital d’environ 600,000 francs lui permet de donner les subsides nécessaires aux familles des ouvriers pendant la maladie, d’assurer les visites du médecin, de fournir les remèdes ordonnés, de servir une pension de retraite aux invalides du travail, d’organiser le soin et l’éducation des orphelins,etc.,etc. ; mais l’association fait fructifier son capital de mutualité dans son fonds de roulement et il serait onéreux pour elle d’en être empêchée.
- 4° Les assurances ou sociétés mutuelles de l’industrie n’ont pas besoin de membres honoraires.
- 5e Les assurances mutuelles d’un établissement d’industrie ont besoin de s’étendre à un nombre illimité de membres et des deux sexes ; il n’est donc pas pratique de-limiter ce nombre.
- 6° Elles ont besoin de pouvoir élire leur bureau, suivant des règles statutaires dont les motifs s’imposent par les circonstances particulières à chacune d’elles. Elles doivent donc être libres, sous ce rapport.
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- La loi de 1850-52, posant des interdictions en toutes ces choses, ne pouvait se concilier avec les besoins de l’industrie- Le nouveau projet de loi ne remédiant qu’imparfaitement à ces défauts et me paraissant maintenir certains obstacles à ce que les sociétés mutuelles libres de l’industrie puissent se placer sous la protection de l’Etat, protection qui pourtant leur serait si nécessaire pour la sécurité et la conservation de leur capital en cas de dissolution, j’ai crm Messieurs les Sénateurs, devoir a-dresser à M. le Président de la Commission du projet de loi sur les sociétés de secours mutuels la lettre que vous trouverez ci-après.
- Le commencement des débats sur cette loi si intéressante au point de vue des réformes à établir en faveur des classes ouvrières, et surtout l’inter--prétation, faite par le Rapporteur lui-même à la tribune, de la pensée qui a présidé à l’élaboration du nouveau projet de loi, me font voir qu’il n’est peut-être pas inutile de revenir encore sur ce sujet dans l’espoir de faire améliorer la loi. C’est pourquoi je crois devoir porter à votre connaissance les observations que j’ai adressées à votre Commission.
- Guise. — Familistère, 22 mai 1885.
- A Monsieur le Président de la Commission du projet de loi sur les sociétés de secours mutuels.
- Monsieur le Président,
- Dernièrement, je priai M. le Ministre de l’Intérieur de bien vouloir me dire si, par un moyen quelconque, la société de prévoyance mutuelle de l’établissement industriel que j’ai fondé à Guise pourrait mettre son capital (six-cent mille francs environ) sous la protection de l’Etat. Monsieur le Ministre a reconnu, comme je le croyais du reste moi-même, que les lois existantes ne le permettaient pas.
- Il a signalé à mon attention la loi sur les sociétés de secours mutuels qui est en ce moment devant le Sénat en me disant que ce serait à vous, Mon-le Président de la Commission, que je pourrais le plus utilement adresser mes observations, afin de voir s’il ne pourrait y être donné satisfaction par des articles supplémentaires en appendice à la loi projetée.
- Je viens de recevoir le projet de loi de la commission, je puis donc seulement aujourd’hui vous adresser les observations suivantes :
- Le projet de la Commission ne dispose qu’en ^ veur des sociétés ayant reçu l'homologation, et les * éditions de cette homologation rendent impos-
- sible à certaines sociétés de secours mutuels rattachées à l’industrie une protection de l’Etat qui, pourtant, leur est nécessaire et aurait les plus heureux effets.
- Dans les sociétés de secours mutuels rattachées aux établissements d’industrie, les ouvriers considèrent, avec une certaine apparence de raison, que les capitaux de leurs caisses mutuelles n’appartiennent pas aux patrons, ces capitaux se composant le plus souvent de retenues faites aux ouvriers ; et quand même partie de ces capitaux serait due à la libéralité des chefs d’industrie, il n’en est pas moins anormal de voir reprendre aux o uvriers ce qu’on leur a donné en même temps que ce qu’on leur a retenu.
- Il semble donc que la loi devrait faire intervenir l’Etat pour donner au capital de ces caisses mutuelles une garantie de conservation et de continuité au profit de la mutualité des ouvriers, lorsque l’établissement d’industrie dans lequel le capital a été accumulé vient à faire défaut, ou que les sociétés mutuelles elles-mêmes tombent en dissolution.
- Il suffirait pour donner une garantie nécessaire à ces sociétés de prévoyance que la loi permît aux établissements ayant des caisses mutuelles de prévoyance et de retraite et aux comités mêmes d’administration de ces caisses de déclarer, chaque année, au Gouvernement, l’importance du capital de mutualité ; et qu’en outre l’Etat, en cas de cessation ou de liquidation des établissements, intervînt au nom de la loi pour sauvegarder le capital des caisses mutuelles comme étant acquis à un fonds de mutualité générale, institué pour recevoir ces capitaux et les legs qui seraient faits à la mutualité. Le rôle de l’Etat consisterait alors à faire continuer, dans la mesure du possible, le fonctionnement des sociétés pour ou par lesquelles le capital aurait été fondé, ou bien, dans le cas où ces sociétés ne pourraient se continuer, l’Etat ferait centraliser ce capital à la Caisse des dépôts et consignations, au fonds commun des sociétés mutuelles libres, pour en servir les intérêts à ces sociétés.
- La société que je dirige serait heureuse de voir donner une semblable sécurité éventuelle au capital de ses assurances mutuelles, tout en conservant ce capital et en le faisant fructifier dans son fonds de roulement.
- ~ Monsieur le Ministre semblait penser qu’il était impossible d’accorder la protection de la loi à des sociétés dont les capitaux ne feraient pas déposés aux mains de l’Etat, attendu que l’Etat garantit
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- au capital des sociétés mutuelles homologuées un intérêt et d’autres indemnités. Mais, dans l’espèce, les sociétés libres ne demanderaient aucun bénéfice à l’Etat; il ne s’agit de leur accorder aucun secours ni aucun subside. Il s’agirait seulement, dans le cas où l’une de ces sociétés serait en péril, de sauvegarder son capital, d’en assurerla conservation et d’aider au maintien de la mutualité entre les ouvriers qui feraient partie de cette société. *
- Une telle institution serait un germe naissant offert à la libéralité publique ; il servirait, dans des proportions inappréciables, à la généralisation de la mutualité.
- La loi qui est aujourd’hui devant le Sénat pourrait, sans changer de caractère, rendre ce service en donnant aux sociétés qui ne pourront se faire homologuer une petite part de la protection de l’Etat, protection qui ne serait en rien onéreuse pour l’Etat lui-même.
- A cet effet, je propose, Monsieur le Président, au nom des sociétés mutuelles qui resteraient en dehors de la loi telle qu’elle est au projet,- d’élargir la cadre de cette loi par quelques articles additionnels.
- Mais, avant d’aborder ce sujet, permettez-moi, Monsieur le Président, de vous soumettre quelques observations sur le texte même de la loi, pour vous proposer quelques ^amendements qui seraient, suivant moi, plus en harmonie avec la pensée libérale du projet dont vous avez l’honneur d’être le Rapporteur.
- L’article 1er renfermerait utilement, il me semble, un 6me paragraphe ainsi conçfü :
- 6° Enfin tous actes de bienfaisance déterminés par les statuts.
- Pour ce qui est du dernier alinéa de cet article, je ne vois pas sans inquiétude les dangers qu’il y a à autoriser les sociétés de secours mutuels àfaire des prêts d’honneur, lorsqu’on leur interdit le droit de posséder et d’acquérir des immeubles. Gela semble une anomalie ; la liberté des statuts serait préférable à ces réglementations.
- L’article 2 serait, je pense, heureusement modifié si, dans son deuxième alinéa, on substituait à ces ïnols: fc ne peuvent se constituer et commencer leurs opérations » ceux-ci : « ne sont sous la protection de la loi ». Cela est nécessaire en raison des observations suivantes:
- L’article 3 dit : « Pour obtenir l’homologation,
- * les sociétés en font la demande et déposent avec
- * leurs statuts la liste des noms et adresses
- » personnes qui sont chargées de l'administration >) et de la direction. »
- La direction des sociétés de secours mutuels, par essence, doit relever de l’élection. Cela lui fait presque une nécessité de pouvoir se faire anonyme. Il semble que pour satisfaire aux besoins de la loi l’existence d’une société mutuelle serait suffisamment établie par la déclaration de la dénomination et du siège de la société, sans subordonner celle-ci à déposer les noms des membres de son bureau, lesquels, en vertu de l’article 6, doivent être élus au scrutin secret, ce qui suppose la société constituée.
- La représentation et la responsabilité de la société incomberaient aux administrateurs en exercice ou à ceux ayant exercé, et cela dans la limite de leur gestion.
- La société mutuelle doit avoir la liberté de fixer par ses statuts le mode d’élection et de renouvellement de son bureau, sans être gênée par la loi.
- L’article 4 est l’occasion de remarquer les différences obligées entre les sociétés mutuelles de l’industrie, et les sociétés mutuelles telles que les établit le projet de loi.
- Il y est dit : « Les membres participants sont re-» eus au scrutin et à la majorité des voix de l’as-» semblée générale. »
- Dans une société mutuelle de l’industrie, tout ouvrier entrant dans un établissement a besoin d’avoir droit aux secours. Un assez grand nombre de sociétés mutuelles reconnaissent ce droit et agissent en conséquence ; et, de la même manière qu’en de telles sociétés les secours sont dus au travailleur par le fait de son entrée dans l’établissement, l’exclusion des secours, visée également par l’article 4, se fait par la sortie de l’établissement.
- Quant à la dissolution, réglée par ce même article, les sociétés mutuelles de l’industrie ned e-vraient pas être autorisées à la provoquer pour se partager le capital : ce capital, ayant souvent été formé par des personnes qui ne sont plus dans la société, devrait être considéré comme faisant partie du fonds national de mutualité des travailleurs.
- A l’article 7, le dernier alinéa contient :
- c Les autres sociétés soumises au régime de l’au-» torisation ne jouiront d’aucun des avantages de » la présente loi. »
- Gela semble dire que les sociétés non homologuées seraient considérées comme sociétés secrètes ou politiques et passibles de l’article 291 du code
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- civil ; cela serait excessif, mais semble résulter d’un passage de l’exposé des motifs, page 5. Evidemment, Monsieur le Président, telle n’est pas votre pensée ; il serait donc bon de faire disparaître cette équivoque.
- J’aborde maintenant les dispositions additionnelles propres à donner aux sociétés mutuelles de l’industrie une protection qui leur est nécessaire.
- Ces dispositions viendraient après l’article 20 du projet de la commission ; elles me sembleraient pouvoir contenir approximativement :
- Article 21.
- Les sociétés de secours mutuels de l’industrie et de l’agriculture qui ne seront pas établies sous les formes et conditions édictées par la présente loi, seront considérées comme sociétés libres, et ne jouiront pas des avantages établis en faveur des sociétés homologuées.
- Article 22.
- Les sociétés mutuelles libres de l’industrie et de l’agriculture, visées par l’article précédent, pourront néanmoins se mettre sous la protection de l’Etat et y placer leur capital en insérant cette clause dans leurs statuts, et en faisant le dépôt de ces statuts comme il est prescrit art. 3. Moyennant cette formalité, ces sociétés auront la faculté de déposer leurs capitaux à la Caisse des dépôts et consignations, et ils en recevront l’intérêt fixé pour les capitaux des sociétés mutuelles homologuées .
- Article 23.
- Les sociétés industrielles, les patrons, les chefs d'industrie et de cultures, propriétaires d’établissements dont le personnel est constitué en sociétés de secours mutuels et de retraites pour la vieillesse ou de tout autre sujet de protection mutuelle, sont garants, par privilège légal sur leurs biens, du capital de ses sociétés, tant que le montant n’en est pas confié à la responsabilité de l’Etat.
- Chaque année, le capital existant de ces sociétés mutuelles sera déclaré au gouvernement par les chefs d’établissements ou par les comités des sociétés mutuelles.
- Article 24.
- En cas de dissolution des sociétés ou de liquidation des établissements de toute nature ayant des sociétés de prévoyance mutuelle ainsi constituées et ayant fait le dépôt de leurs statuts, la commune et l’Elal interviennent pour le règlement et lacon-
- ; vation du capital de ces sociétés mutuelles, et
- pour protéger le fonctionnement et la continuation de leurs opérations.
- Article 25.
- Dans le cas où ces sociétés de prévoyance mutuelle se trouveraient placées dans l’impossibilité de continuer leurs opérations et de se reconstituer, le capital de ces sociétés servira à constituer un fonds de Mutualité générale, dont les intérêts seront répartis, chaque année, entre les sociétés mutuelles libres, proportionnellement au chiffre de leurs dépenses.
- Je serais heureux, Monsieur le Président, que cette proposition d’un de vos anciens collègues à l’Assemblée nationale eût l’honneur d’attirer votre attention, et je me tiens à votre disposition pour toutes les explications que Vous ou la Commission désireriez obtenir de moi.
- Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de mon entière considération.
- GODIN.
- On conçoit comment cette lettre n’a pas valu à son auteur môme un accusé de réception ; car son but évident est de donner à la loi une portée plus démocratique, et d’effacer la tutelle qu’on impose sans cesse aux masses pour les mettre à la discrétion des pouvoirs dirigeants. Le Rapporteur ayant dit lui-même que la commission avait voulu rendre plus difficile la situation des sociétés libres, les propositions contenues dans cette lettre ne pouvaient être accueillies. C’est à la sagesse du Sénat et delà Chambre des députés qu’il faut maintenant s’en remettre pour nous donner une loi de
- mutualité vraiment républicaine.
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- UN APPEL
- A LA PRESSE RÉPUBLICAINE
- Les journaux viennent de donner une grande place aux débats de la cour d’assises de la Seine.
- Nous les approuvons.
- Chaque attentat à la liberté et à la vie humaine, soit qu’un individu devienne meurtrier de son semblable, soit que la société faisant fausse route s’acharne à établir la culpabilité d’un innocent, soulève une infinité de questions dont l’élaboration contribue au progrès humain.
- Mais combien sont plus graves les effets d’une mauvaise loi, surtout lorsqu’elle crée des obstacles au libre exercice de la plus belle faculté humaine,celle qui pousse les individus à s’entr’aidre.
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- De mauvaises lois subsistaient; elles provenaient de régimes déchus que Ton sait aujourd’hui avoir été les pires ennemis de l’émancipation humaine. Ils étaient logiques en faisant les lois injustes que nous subissons dans les sociétés de secours mutuels.
- Il appartient à la presse républicaine de convier nos représentants à perfectionner ces lois. Elle doit même s’opposer à ce qu’on y touche, si l’on ne veut les améliorer d’une manière sensible.
- La presse 'républicaine peut encore prétexter que nos lois sur les sociétés sont une partie de l'héritage onéreux que nous a légué le passé. Si elle permet qu’on les modifie sans qu’il en résulte un perfectionnement appréciable* la République aura fait siennes les fautes dont elle n’est pas responsable jusqu’à présent.
- La Presse républicaine* si elle restait muette dans ce débat où s’étale la faiblesse des parlementaires, serait, jugée plus tard avec une sévérité égale à la liberté qu’on lui laisse de tout dire.
- Sous les régimes de compression, il y a faiblesse à ne pas lutter contre le despotisme. En pleine liberté, la corruption, l’avachissement, l’incapacité : sont les moindres accusations que l’on puisse porter contre les publicistes qui se taisent lorsque les corps publics oublient les notions les plus élémentaires de la vie sociale.
- La Chambre, le Gouvernement, le Sénat ont mis à l’ordre du jour la révision des lois sur le droit des hommes à s’entr’aider ; les journalistes républicains abdiqueraient s’ils ne prenaient part aux débats.
- La Presse peut suppléer à l’étroitesse de vues de la majorité des parlementaires; elle connaît à fond l’indifférence et l’inertie de la plupart d’en'.re eux, mais elle ne doute pas de sa force à faire mouvoir les plus indolents, lorsqu’elle a, elle même, assez d’énergie pour être unanime dans l’action.
- Dans une République, la responsabilité de l’impuissance des corps publics incombe aux publicistes, plus qu’à tout autre catégorie de citoyens.
- L’assistance mutuelle, cette résultante du devoir et du droit des hommes à s’entr’aider, est le principe de toute société ; sa liberté doit subsister entière; les gouvernements n’ont pas mandat de la limiter; leur mission ne va pas au-delà de l’obligation de chercher les formes les mieux appropriées ason action permanente.
- Cette compréhension échappe à la conscience de la délégation du suffrage universel. Il appartient à
- la presse républicaine de faire la lumière sur ces questions ; son silence serait une déshonorante complicité,
- Les sociétés de secours mutuels.
- Une bonne loi sur les sociétés mutuelles est indispensable.
- Les considérations invoquées dans les lettres précédentes de M. Godin font ressortir une partie des graves intérêts dont une bonne loi doit tenir compte.
- L’utilité de cette législation est unanimement reconnue et jugée assez urgente pour que les trois pouvoirs, ayant l’initiative législative, aient présenté chacun un projet; la Chambre* le Gouvernement, le Sénat ont successivement publié des projets s’attribuant chacun le mérite d’avoir corrigé les défauts de ceux parus les premiers.
- Un seul de ces projets peut-il être qualifié bon ? Nous ne le pensons pas, car aucun ne se préoccupe des points importants signalés par M. Godin.
- Que vaut le projet du Sénat, le dernier venu, dont M. Say, rapporteur de la commission sénatoriale, a dit le plus grand bien ?
- La commission devait avoir de bonnes intentions, si nous en croyons son rapporteur. Mais les réformes proposées ne répondent pas aux promesses qui précèdent le projet de-loi.
- Voici comment M. Say expose les intentions de la commission sénatoriale :
- « La commission, adoptant la plupart des points de vue de la Chambre des Députés, a cru pouvoir les agrandir en quelque sorte et poser les bases d’une législation plus générale.
- » La commission à pensé que l’Etat puiserait son droit de régler les conditions de leur constitution à la même source où il puise le droit de régler la constitution des sociétés commerciales en général et des compagnies d’assurances en particulier.
- » Considérées comme des sociétés d’assurances mutuelles, les sociétés de secours mutuels ont droit à une liberté semblable à celle des autres sociétés de capitaux.
- » La différence essentielle entre le projet qui vous est sou-i mis par votre commission, et le projet de la Chambre des députés, c’est que la Chambre des députés a conservé la distinction entre les sociétés approuvées et les autres, et a voulu leur appliquer des régimes spéciaux, plus ou moins différents, tandis que votre commission, formant une seule catégorie de toutes les sociétés de secours mutuels quelle soumet au régime nouveau, laisse en dehors de son action les associations fondées pour des objets quelconques et qui,constituées en vertu du droit commun, demeurent soumises à la législation générale sur les associations.
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- » Il subsistera certainement à côté des sociétés soumises au régime de la loi nouvelle, des associations qui se seront formées librement et qui,aux termes du droit commun,ne pourront se soustraire aux pénalités du code pénal que si elles ont obtenu une autorisation de se réunir. C’est ainsi que les choses se passent en Angleterre, où, en dehors des soci étés enregistrées, fournissant des comptes au greffier en chef des sociétés amicales, il existe des associations extrêmement nombreuses dont les affiliés n’ont pas entre eux de lien légal défini et protégé par la loi.
- » La loi nouvelle ne considère en fait de société de secours mutuels que celle quelle a définie dans son but et dans son organisation. »
- Voilà une déclaration qui contraste singulièrement avec une autre enregistrée plus haut, dans laquelle la commission se dit disposée à agrandir le projet de la Chambre et à voter une législation plus générale.
- Poursuivons la comparaison des articles avec les déclarations que nous avons reproduites.
- L’article 2 qui règle les conditions de l’homologation ne permet pas au gouvernement d’homolo-guer des sociétés n’ayant pas des statuts conformes à ceux prévus par la présente loi.
- La commission appelle cela fondre en une seule catégorie les sociétés légales et les sociétés autorisées que prévoyait le projet de la Chambre. En réalité, c’est simplement de l’élimination, carie projet du Sénat enlève aux sociétés mutuelles classées sous le nom de sociétés autorisées, tous les avantages et toute la sécurité qu’elles tiraient de cette autorisation.
- C’était pourtant le cas de s’inspirer de la législation anglaise qui, contrairement au projet sénatorial, ne présente en aucune de ses parties la moindre condition restrictive entravant la liberté des contractants.
- Les sociétés anglaises obtiennent l’existence légale en soumettant leurs statuts à un bureau spécial qui les examine en vue de se rendre compte s’ils ne sont pas en contradiction avec le droit public.
- L’article 7 refuse la personnalité civile aux sociétés non homologuées, et interdit aux autres de posséder des immeubles.
- Que deviennent en présence de ces restrictions les aperçus théoriques, dans lesquels on faisait ressortir la conformité de principe entre les sociétés mutuelles, les sociétés commerciales et les compagnies d’assurances ?
- Dans la partie réglant la liquidation en cas de dissolution on considère les sociétaires existant au
- jour de la liquidation comme propriétaires de l’actif. N’est-il pas à craindre que, après une longue existence, les membres d’une société possédant un gros capital ne soient excités à dissoudre la société pour se partager ce capital ?
- Le projet de la Chambre autorisait la fédération des sociétés mutuelles, et la formation d'un conseil supérieur composé de sénateurs et de députés élus par leurs collègues, de membres du gouvernement, de titulaires de hautes fonctions et d’un certain nombre de délégués élus par les sociétés mutuelles. Le projet du Sénat supprime les délégués élus; toujours par libéralisme.
- La partie dangereuse, détestable du projet du Sénat est celle qui met hors la loi les sociétés non homologuées.
- Nous ne donnerons à l'appui de cette opinion d’autre preuve que la déclaration du rapporteur, M. Say, répondant à une question de M. Tolain.
- M. Tolain. — Je demande quelle sera la situation des sociétés libres non-homologuées.
- M. Le Rapporteur. — Elle sera mauvaise; mais nous l’avons voulu ainsi.
- Après cette réponse, il serait difficile de conserver quelques doutes sur les conséquences du projet de loi, si libéral ?, proposé par la commission du Sénat.
- Nous ne voulons pas incriminer les intentions du rapporteur ; mais nous devons constater qu’une loi selon ses vœux serait un arme terrible dans les mains d’un gouvernement despotique.
- A tort ou à raison, on nous présente sans cesse les princes embusqués, prêts à s'emparer du pouvoir. La loi que propose le Sénat permettrait à l’auteur d'un coup d’Etat de dissoudre immédiatement les sociétés mutuelles libres si elles ne consentaient à se faire les servantes du nouveau despotisme.
- Le projet de la commission est mauvais, il conduit à l’interdiction arbitraire, à la corruption.
- Ne laissons pas toucher aux mauvaises lois pour en aggraver les parties défectueuses ; réformons-ies.
- La direction du Devoir, considérant la nécessite d’une bonne loi sur les Sociétés Mutuelles de Secours, a fait un service gratuit de ce numéro aux Sénateurs, aux Députés, aux Journaux.
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- L’HOMOLOGATION FRANÇAISE
- &
- des sociétés de secours mutuels
- ET LA
- LEGISLATION ANGLAISE
- Dans les débats qui viennent d’avoir lieu devant le Sénat, le rapporteur de la commission du projet de loi a invoqué la loi anglaise. Il peut donc être utile de bien préciser ce qu’est cette loi, afin de ne pas se laisser intluencer par des affirmations erronées, faites au nom de cette loi, auprès de personnes qui u’en connaîtraient pas l’esprit.
- Une différence profonde s’établit entre le projet de loi présenté par la commission du Sénat et la loi anglaise. L’écueil a été compris dès le commencement des débats parles sénateurs libéraux, lorsque l’homologation a été présentée comme une condition de l’existence des sociétés.
- L’homologation, en effet, dans son sens grammatical est autre chose que ce qu’exige la loi anglaise. L’homologation, telle que la propose le projet de loi présenté au Sénat, est un acte du pouvoir; c’est une approbation.
- Dans la loi anglaise, au contraire, l’enregistrement est une constatation d’existence; c’est un droit des citoyens de donner la vie légale et civile anx sociétés qu’ils constituent. On conçoit toute l’importance d’un tel acte et combien il exerce d’influence sur le sort des sociétés. O’est pourquoi le régime de l’autorisation et de la déclaration d’utilité publique ont laissé la France si en retard dans la formation des sociétés populaires.
- La liberté dans la constitution légale des sociétés est la partie essentielle d’une loi spéciale sur cette matière.
- Comment l’enregistrement atteint-il ce but ?
- L’enregistrement, c’est l’acte de naissance d’une société; c’est l’acte qui donne à celle-ci le droit de cité, qui la place sous la protection de l’Etat en lui donnant la personnalité civile, comme l’acte de naissance de l’enfant fait de celui-ci un citoyen de son pays.
- L’enregistrement, dans un pays démocratique, doit conférer à la société les droits civils comme l’acte de naissance les confère aux citoyens. La société non enregistrée est donc simplement une étrangère à l’égal de l’individu né en pays étranger.
- L’enregistrement est une mesure d’ordre public Prise autant dans l’intérêt des sociétés enregistrées due dans l’intérêt du pays ; c’est pour ainsi dire l’état-civil des sociétés.
- La sagesse législative consiste à faire que cet enregistrement n’enlève rien à la liberté des citoyens, lu H soit une sauvegarde des intérêts des sociétaires ^ même temps que de celui des sociétés et de 1 mlérêt public.
- La loi est bonne si elle permet tout le bien possible, si elle n’empêche rien de ce qui peut devenir utile ; elle est mauvaise si elle conserve ou aggrave le mal présent, si elle ne remédie pas aux inconvénients du passé, si elle fait le moindre obstacle à ce qui est bon, à ce qui est bien.
- Aussi la loi anglaise n’a p as voulu, un seul instant, intervenir comme le fait la loi française dans la marche des sociétés pour en régler, plus ou moins, le mouvement. Son but a été simplement de déterminer les conditions essentielles à l’organisation d’une société pour rendre celle-ci viable et la mettre en état de fonctionner.
- De même que l’homme est un composé d’organes et de membres sans lesquels il serait incapable de rien faire, de même la loi anglaise a compris que les sociétés populaires de tous ordres devaient, pour vivre et fonctionner, être pourvues de certains organes esssentieis qu’il était de son devoir d’indiquer dans l’intérêt de tons les citoyens. Elle a donc déterminé ces organes ou rouages indispensables et invité les sociétés à s’en pourvoir pour obtenir l’existence légale.
- Le législateur anglais s’inspirant des données de l’expérience, des formules de sociétés les plus étudiées, des inco ivénients et des difficultés auxquels des sociétés avaient donné lieu, rassembla toutes tes matières que les sociétés doivent spécifier dans leurs statuts, en les désignant sons titre de chapitres de la façon suivante :
- Constitution
- Toute société doit spécifier dans ses statuts :
- Sa dénomination ou raison sociale ;
- Le siège ou la résidence de son administration ;
- Le but pour lequel la Société est formée, les choses qu’elle veut embrasser ;
- Ses ressources ou son capital ;
- Les conditions d’admission des membres ;
- Les droits des membres dans la Société ;
- Les amendes encourues en cas d’infractions déterminées ;
- La tenue des assemblées générales ;
- Le droit de vote ;
- Les conditions de modifications aux statuts ;
- La constitution du comité administratif ;
- La désignation du trésorier et autres employés responsables ;
- La désignation des Trustées, hommes de confiance ou commissaires de surveillance, nommés en assemblée générale pour agir au nom de la société et veiller pour elle aux opérations sociales.
- Enragistremant et existence légale
- Lorsqu’une Société de secours mutuels en formation a établi librement ses statuts sur les bases qui précèdent, elle n’a qu’à envoyer sa déclaration, signée d’au moins sept personnes, plus le secrétaire, au Registrar (greffier d’enregistrement ) de la contrée où elle est établie, avec deux exemplaires de ses sta-
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- tuts, soit manuscrits, soit imprimés et signés des mêmes personnes.
- Si le Registrar reconnaît que les intentions de la loi sont remplies par les statuts,il renvoie,au secrétaire de la Société,un des exemplaires des statuts qui lui avaient été remis avec un certificat d’enregistrement de la Société ; l’autre exemplaire est conservé au bureau d’enregistrement.
- Si le Registrar refuse de délivrer le certificat, les demandeurs out droit d’appel à la cour suprême, droit qui s’étend à l’enregistrement de toute modification aux statuts de la Société.
- Le refus d’enregistrement peut avoir pour cause l’inobservation de la loi et des bonnes règles applicables aux sociétés ;
- Une dénomination semblable à celle d’une autre Société existante et qui prêterait à confusion, etc..
- L’enregistrement donne à la Société l’existence légale.
- Aucun droit n’est à payer pour les formalités d’enregistrement des zFriendly Societies », sociétés amicales ou de secours mutuels.
- Placement des fonds
- Les fonds des sociétés de secours mutuels sont placés suivant les décisions de l’assemblée générale des sociétaires, mais ces placements ne peuvent-étre faits sur de simples garanties personnelles.
- A défaut de décisions de l’assemblée générale, décisions prises à la majorité absolue, les fonds peuvent être placés ou employés par les Trustées, avec le consentement du comité administratif :
- 1° Dans les caisses d’épargnes postales ou privées ;
- 2° Dans les fonds publies ;
- 3° En titres consolidés sur la dette de l’Etat ;
- 4° En achats de terres ;
- 5° A l’érection de bâtiments sur les terres acquises.
- Tenue des Ecritures
- Il doit être tenu des livres sur lesquels sont ouverts :
- Les comptes de recettes et de dépenses pour chaque genre de bienfaits ou d’opérations embrassés par la Société ;
- Les comptes et dépenses de ses frais généraux administratifs.
- La vérification des comptes et des écritures se fait au moins une fois l’an, sous l’autorité de la loi, par les commissaires nommés d’après les statuts.
- A leur défaut, un délégué du gouvernement procède à cette vérification.
- Les sociétés doivent fournir au Registrar, au l0r juin de chaque année :
- Le nombre des membres au 31 décembre précédent ;
- L’état des recettes et dépenses, des fonds et effets vérifiés par les commissaires ou le délégué. Cet état doit donner les dépenses attribuées à chaque division des opérations de la Société jusqu’au 31 décembre précédent ; il doit être accompagné d’un exemplaire du rapport des commissaires expliquant par qui et comment la vérification a été faite.
- Droits des Membres
- Tout membre de la Société peut prendre connaissance des écritures et consulter, compulser les livres dans les lieux où ceux-ci sont déposés.
- Tribunal arbitral
- La Société peut constituer unejuridiction arbitrale, ou s’en remettre aux tribunaux ordinaires.
- Dissolution volontaire
- La dissolution volontaire ne peut se faire que par le consentement des 5[6 des membres ayant droit à l’aide et à l’appui de la Société et des 3[4 des personnes n’ayant pas ce droit.
- Privilèges des sociétés de secours mutuels
- La propriété de tous les biens d’une société est représentée par ses Trustées ou commissaires en exercice ; elle se transmet de commissaires à commissaires, par le seul fait de leur nomination, sans nécessiter aucune formalité légale.
- La Société, si ses statuts le lui permettent, ale droit de posséder des propriétés sans limites, sous toutes les formes usitées en Angleterre, et de faire tout acte de propriété par l’organe de ses Trustées ou commissaires.
- Le simple reçu d’une frie7idly society, société amicale ou de secours mutuels, pour argent placé sur hypothèque libère les biens deThypothéque.
- La société est exempte de timbre sur les reçus et autres papiers usités dans les affaires.
- Les membres ont le droit, par une simple déclaration déposée au bureau de la société, de désigner le ou les succès--seurs de leurs droits dans la Société.
- Nous venons d’énumérer les bases générales de la loi anglaise sur les sociétés de secours mutuels ; on n’y trouve rien qui dépasse la portée de mesures préventives d'ordre et de sécurité ; on y chercherait vainement quelque chose qui ressemblât à un amoindrissement du droit commun.
- Tout lecteur conscient qui rapprochera ces combinaisons si libérales des restrictions et des obstacles que soulèvent à plaisir nos lois françaises, se demandera si nous ne ferions pas mieux de prendre la loi de nos voisins d’Outre-Manche, loi consacrée par l’expérience,que d’en faire unemoins bonne.
- Dans la législation anglaise un seul point semble être en opposition avec l’esprit du libéralisme le plus pur, c’est la limite imposée aux sociétés mutuelles anglaises de ne pouvoir posséder plus de 5,000 fr. par chaque sociétaire et de ne pas accorder dans leurs sociétés d’assurances mutuelles d’annuités supérieures à 1,250 fr.
- Cette dérogation apparente à la liberté n’est pas réelle, si l’on considère que les sociétés mutuelles ont toujours le droit de se transformer en compagnies, maîtresses d’élever à volonté le total du capital soçial,
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- La loi sur les sociétés mutuelles est une loi de protection; elle les exonère des dépenses fiscales et autres frais auxquels sont astreints les individus et les compagnies ; si les avantages accordés aux sociétés mutuelles n’étaient pas limités, ils auraient pu être un motif pour les capitalistes de s’emparer de cette forme de sociétés et de la substituera celle des compagnies dans leurs entreprises de spéculation. De cette manière les associations de pauvres ne sont pas accablées par les exigences du fisc et astreintes à payer les tributs que la fortune doit au Trésor public, avant de posséder cette fortune même.
- En un mot la loi anglaise laisse la liberté à tous, sans permettre aux sociétés devenues riches de pouvoir éluder les charges de la richesse.
- Voilà où en est l’aristocratique et monarchique Angleterre, lorsque la fille de 89 est encore à ergoter sur les libertés à accorder aux masses laborieuses.
- La commission sénatoriale ayant mis en avant l’exemple de l’Angleterre, les libéraux du Sénat, de la Chambre, du Gouvernement, de la Presse devraient bien faire leurs efforts pour nous donner une loi sur les sociétés mutuelles qui ne soit pas au-dessous de la législation anglaise. Ce serait un grand progrès.
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- k Messieurs les Sénateurs, Messieurs les Députés.
- La liberté s’il vous plaît de s’aider les uns des autres.
- Nous avons placé, en tête de ce numéro, la lettre écrite, il y a près d’un mois, par M. Godin à M Léon Say, Président de la commission du projet de loi sur les sociétés de secours mutuels.
- Cette lettre avait pour but de ne pas laisser passer le projet de loi sans tenter d’y faire apporter quelque amélioration, et cela en prenant la précaution de respecter le cadre même des dispositions du projet de loi.
- En présence de l’esprit de liberté et d’étude qui a semblé se manifester dès les débuts de la discussion de cette loi devant le Sénat, il nous a semblé qu’il était bon d’aller plus loin et d’examiner comment devrait être envisagé le droit d’union du peuple dans ses désirs de se protéger lui-même contre le malheur.
- C’est pourquoi nous avons accentué l’examen critique du projet de loi et fait appel à la Presse pour attirer l’attention sérieuse des Chambres sur ce sujet. Nous publions en outre, un rapide exposé la loi anglaise dont on invoque les dispositions logement libérales, mais qu’on se garde bien d’i-
- miter. Pourquoi donc refuser à la France républicaine les améliorations si libérales que nous trouvons toutes faites chez nos voisins ?
- Cette loi, du reste, reviendra devant la Chambre des députés après avoir été remaniée de nouveau par le Sénat. Ce serait un bonheur pour nous si le Devoir pouvait aider à y faire entrer un plus réel esprit de justice et de liberté en faveur des classes laborieuses.
- Les institutions populaires, improprement appelées sociétés de secours mutuels seraient plus justement qualifiées Unions fraternelles de mutualité, si l’on tenait à élever l’esprit du peuple au sentiment d’une solidarité vraiment républicaine.
- Si au lieu de circonscrire les sociétés qui ont pour objet de réaliser le bien de leurs membres, on les laissait libres de chercher les formes et moyens d’appliquer ce bien, en les encourageant de toutes manières, ces Unions feraient cent fois plusdepro-grès qu’avec les réglementations à la façon de l’empire, réglementations dont le principal objet est un but politique inavouable, consistant à placer tous les citoyens dans la dépendance incessante des pouvoirs dirigeants.
- C’est la maxime machiavélique transformée : Diviser pour gouverner, empêcher l’union du peuple pour mieux dominer. Voila ce qui existe sous ces semblants de patronage des sociétés de secours mutuels.
- Limiter, restreindre les pouvoirs de ces sociétés, les placer sous l’influence de membres honoraires, faire.que ces membres soient les amis du pouvoir ; tels ont été les moyens de gouvernement qu’on a cherché à tirer des prétendues lois de protection qu’on a faites. Diriger les élections,dominer le peuple, voilà le secret des lois de l’empire.
- Si, au lieu de toutes ces mesures hyprocrites, les classes dirigeantes avaient eu véritablement à cœur l’amour du bonheur du peuple,elles auraient ouvert largement aux Unions populaires, les portes de la liberté ; elles auraient aidé, encouragé ces Unions dansla voie de la mutualité au lieu de leur opposer des mesurées restrictives qui paralysent leur action.
- Ah ! nous savons bien que pour limiter l’union mutuelle des ouvriers, on a le prétexte des prétendus dangers que présentent les congrégations dites religieuses auxquelles on laisse tout faire. Partant de là, on restreint, on limite la liberté des travailleurs, et ce qu’on semble leur accorder on fait en sorte de l’avoir sous la main pour en disposer le jour où un pouvoir autoritaire et peut-être monarchique le trouvera bon.
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- Que sont donc en fin de compte les sociétés fraternelles de mutualité, sinon des Unions de personnes du peuple ou des classes ouvrières, cherchant à se protéger les unes les autres contre le malheur. Ah ! c’est pour laisser faire une telle chose, Messieurs les Sénateurs et Messieurs les Députés, qu’il vous faut légiférer des anneés entières, au point de ne pouvoir vous entendre. Qus dis-je ? Non, ce n’est pas pour laisser faire la mutualité c’est pour l'empêcher, ou tout au moins pour lui créer des embarras. Pauvre peuple ! Pauvres ouvriers.
- Quand vous laissera-t-on libres et quand vous aidera-t-on dans la liberté ?
- Il serait si simple de s’inspirer de l’expérience acquise sur ces matières en Angleterre et de dire comme nos voisins :
- Les sociétés fraternelles de mutualité sont libres ;
- Elles peuvent à leur gré, se placer sans la protection de l’Etat en se faisant enregistrer et en déposant leurs statuts.
- Car il doit être bien compris qu’en deho rs des dispositions générales indiquées par la loi anglaise comme mesures indispensables au bon fonctionnement des sociétés mêmes, ainsi que nous l’avons exposé, les sociétés ont liberté absolue d’introduire dans leurs statuts toutes prescriptions qu’elles jugent utiles, et qu’alorô ces prescriptions font loi pour tous les contractants.
- Une fuis enregistrées, les sociétés auraient le caractère de personnes civiles, l’Etat se ferait le gardien du capital de mutualité et, au lieu de décourager les ouvriers de fonder des sociétés de secours mutuels,par une subordination blessante pour l’amour propre du citoyen, il encouragerait ces sociétés de manière à se faire l’organe de l’extinction progressive du paupérisme et de la misère.
- NOUVELLES DU FAMILISTÈRE
- Les habitudes et les mœurs associationnistes prennent sensiblement possession des Familistériens.
- Chaque dimanche les musiciens, lesgymnasiarques, les archers et les joueurs de boules groupés en sociétés, se livrent en corps aux exercices et aux jeux qu’ils préfèrent ; la partie de la population qui n’appartient pas à ces sociétés prend grand plaisir dans le spectacle de ces divers amusements.
- Une circonstance exceptionnelle vient de procurer à nos sociétés une heureuse occasion de témoigner leur solidarité.
- La société musicale du Familistère a pris part, dimanche ^ernier, au concours musical organisé par la municipalité
- de Vanves, où l’on comptait parmi les 75 concurrents des sociétés importantes de Paris et des départements,
- La supériorité de nos artistes s’est affirmée d’une manière éclatante ; elle a été attestée par l’obtention de quatre premiers prix :
- î*r prix d’honneur 1er prix d’exécution 1er prix de lecture à vue 1er prix de soli
- Le jury a publiquement félicité notre société et accordé à son sympathique chef, M. Firmin Poulain, une décoration spéciale.
- Ces nouvelles, annoncées par une dépêche arrivée le dimanche soir, eurent bientôt fait le tour du Familistère.
- Le lundi matin, chacun étaitd’avis qu’il fallait organiser une brillante réception. Toutes les sociétés étaient convoquées par leurs bureaux agissant spontanément, sans aucune intervention des conseils supérieurs, et dans toutes fut acclamée à l’unanimité la résolution que chacun portait dans son cœur. Les enfants des écoles, n’attendant pas qu’on décidât qu’il y avait lieu de faire une quête pour payer les frais de la réception, étaient tous venus à la réunion convoquée par les maîtres, apportant chacun leur offrande.
- Pendant que les Familistériens faisaient leurs préparatifs, de bons citoyens de la ville de Guise, que chagrinent les rivalités déjà anciennes entre Familistériens et Guisards, avaient l’excellente pensée d’engager les sociétés de la ville à prendre part à la manifestation.
- Les sociétés de la ville ont accepté avec empressement ces heureuses inspirations ; une seule a fait exception ; encore, la majorité, presque l’unanimité de ses membres, était d’avis de ne pas s’abstenir. Afin d’éviter les conséquences que pouvait entraîner le froissement de trois ou quatre personnalités qui savent profiter de tous les vices de notre organisation sociale pour tenir dans la vie plus de place que mérite leur valeur personnelle, la société en question a dû renoncer à se mêler aux autres groupes.
- Gela n’empêche pas les Familistériens d’apprécier le sympathique élan de la population de Guise.
- Les bureaux des sociétés du Familistère, d’accord avec ceux des autres groupes, ont réglé dans la journée du lundi les détails de la manifestation.
- Le mardi, quelques minutes avant l’arrivée du train, les sociétés du Familistère prenaient position surla grande place ; les enfants des écoles groupés par classe, se plaçaient à côté ; puis clairons sonnant, drapeaux, bannières et guidons déployés, arrivaient les pompiers et la société de gymnastique de Guise suivis par un grand nombre d’habitants de Guise. Des représentants de Familistériens et les employés ayant pris part à l’organisation de la fête ont souhaité la bienvenue aux arrivants.
- Le défilé vers la gare a été saisissant, tant les divers costumes des sociétés, les drapeaux et les guidons, et la multiplicité des bouquets donnaient un caractère particulier et nouveau à cette démonstration.
- On peut évaluer à près de deux mille le nombre des personnes venues à la gare. On remarquait parmi la
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- foule plusieurs notabilités de Guise, M. le Maire en tre autre s.
- Une partie des sociétés et des délégations a pris place gur les terrains de la gare des marchandises, que M. le Chef de gare avait spontanément ouvert au public pour éviter rencombrement.
- Des acclamations enthousiastes ont accueilli l’arrivée des musiciens, que sont venu féliciter les représentants des sociétés et les délégations.
- Le cortège s’est reformé et l’on a conduit les triomphateurs dans la cour de l’aile droite du Familistère décorée pour la circonstance.
- Les galeries des trois étages regorgeaient de spectateurs.
- Les musiciens ont été reçus par M. Godin entouré des membres du conseil de gérance. L’un de ces derniers, au nom du conseil, a lu l’allocution suivante :
- « Messieurs,
- » Au milieu de cette population, et nous pouvons bienl e dire : de cette cité qui vous témoigne d’une façon si spontanée son enthousiasme et sa sympathie, en face des succès que vous venez de remporter encore, au milieu de toutes ces fleurs apportées avec tant de joie par vos parents vos amis, nos enfants, le Conseil de gérance a voulu joindre aux témoignages de tous un souvenir qui pût rester et rappeler à vos cœurs la sainte solidarité qui nous unit.
- » C’est donc en son nom et comme secrétaire du conseil que j’ai l’honneur de remettre à M. Poulain Firmin, votre digne chef, cette statuette, image de la pensée musicale, pensée que vous cultivez avec tant d’ardeur et qui déjà vous a récompensé en vous couvrant des lauriers qu’elle sème pour ses adeptes privilégiés.
- » Enfants du Familistère, Familistère, mot simple et sublime qui procède de l’idée de faire de l’humanité une seule et même famille vivant en pleine harmonie, par la paix, par le travail, chaque concours qui vous appelle au dehors vous met à même de parler de l’œuvre, de la faire connaître à ceux qui vous ignorent et de leur donner le désir d’apprendre comment l’homme peut s’élever par la liberté, l’union, la solidarité.
- » Qui donc ne se sentirait touché en asistant à cette réception fraternelle où tout est dû à l’initiative des cœurs !
- » Si nous sommes si bien unis dans la joie, n’est-ce pas une garantie certaine d’une union plus intime encore dans les jours difficiles que notre association pourra avoir à traverser.
- » Ah ! je vous le dis, Messieurs, notre Fondateur peut aujourd'hui contempler son œuvre avec un légitime orgueil, car cette œuvre est faite, car chacun de nous sait enfin qu’il est du devoir de tous de l’aimer, de la faire Prospérer et de donner au monde un exemple de ce que Peut l’amour du bien joint à une volonté immuable et à Un sentiment profond des grandes destinées humaines. Par votre talent, par votre tenue, vous avez su dignement représenter la Famille, eh bien ! je vous le dis en son Conb Messieurs la Famille est contente de vous !»
- Après cette allocution, a eu lieu la remise desbouquets, jes musiciens n’étaient pas assez nombreux pour recevoir Us les bouquets qu’on leur apportait ; étaient particu-
- lièrement beaux ceux offerts par M. Dezaux, commandant la Cel des Pompiers de Guise, par M. Boncourt, directeur de la symphonie de la ville, par M. Lion, de la même société, par M. Dumet, commandant des gym-nasiarques de Guise.
- Mademoiselle Marie Dallet, élève du cours supérieur, que ses condisciples avaient désignée pour offrir, en leur nom, à M. Poulain, un bouquet et une coupe artistique a traduit heureusement le sentiment de ses camarades en ces quelques mots :
- « Monsieur,
- » Les enfants des écoles sont heureux de vous offrir ce souvenir.
- » Ils seront fiers un jour de faire partie de la société musicale du Familistère. »
- La remise des bouquets (plus de deux cents) a été suivie d’un vin d’honneur qui a été l’occasion de toasts entre Familistériens et habitants de Guise.
- Après quelques échanges de bonnes paroles et de chaleureuses poignées de main entre les membres du conseil de gérance et les chefs des sociétés de la ville, musiciens et sociétés du Familistère, ont reconduit leurs visiteurs.
- Ce cortège a stationné devant la statue de Camille Desmoulins, les musiciens exécutant la Marseillaise, pendant que l’un des gymnasiarques décorait la statue d’un des plus beaux bouquets offerts à la société musicale.
- Le suecès de notre société mucicale a été célébré ailleurs qu’à Guise.
- Dans plusieurs gares, notamment à Ribemont, à Lucy, à Macquigny et à Longehamps, des délégations épiaient le passage de notre société pour lui offrir des couronnes et des bouquets de la part des citoyens de ces localités. La couronne des habitants de Ribemont avait plus de 60 centimètres de diamètre; elle portaitl’ins-cription « Honneur au Familistère.»
- Dans notre prochain numéro, nous publierons un ordre du jour voté par nos musiciens dans le but de témoigner publiquement leur reconnaissance envers les groupes et les citoyens qui ont participé à cette réception si fraternelle.
- LA DÉLÉGATION PARISIENNE
- Dans notre précédent numéro du Devoir, examinant le rapport de la délégation parisienne, nous avons donné les motifs à l’appui de la participation accordée aux membres du conseil de gérance, que les délégués parisiens ont trouvée excessive.
- Nous avons indiqué quelles considérations exigent qu’une industrie associationniste ou patronale présente un certain nombre de postes convenablement rétribués pour attirer vers elle les capacités.
- Dans l’association du Familistère, les appointements mensuels des chefs de services composant le conseil de gérance varient entre 350 et 600 fr. Il est rationnel et utile qu’une large participation élève ce minimun, car, sans cela, les appointements se
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- raient audessous de ceux généralement attribués au personnel dans lequel l’association doit recruter ses chefs de services. L’inobservation de cette règle serait bientôt suivie d’une décadence industrielle qui ferait chèrement payer les économies faites sur la réduction de la participation des principaux employés.
- Le chiffre cité par les délégués provient d’un exercice exceptionnellement avantageux, il ne peut donc être pris pour base de discussion.
- Nous pourrions choisir les chiffres du compte rendu du dernier exercice, qui a donné un rendement moyen, pour démontrer que la participation des membres du conseil de gérance-n’est ni excessive, ni onéreuse ; nous préférons donner des explications théoriques.
- En principe, statutairement,! % desbénéfices sont attribués à chaque conseiller de gérance ; ces fonctionnaires sont à peu près au nombre de un pour 150 autres participants aux bénéfices à divers titres. Nous devons donc conclure que chaque franc des bénéfices attribués à un conseiller de gérance, si ce franc revenait à la participation commune, serait réparti entre 150 individus.
- D’après cet aperçu,on voit que chaque 150 francs des bénéfics attribués à un conseiller de gérance coûte 1 fr. à chacun des autres travailleurs et que, conséquemment, 1.000 fr. coûtent 7 fr. 50.
- Lorsqueles bénéfices sont exceptionnels, comme cela a été le cas pendant l’exercice choisi par les délégués parisiens, chaque participant a contribué pour 37 fr.50 aux prélèvements faits en faveur des principaux fonctionnaires. Le dernier exercice a laissé aux conseillers de gérance une participation individuelle de 2,000 fr. ; chaque autre participant a donc concouru pour une part égale à 15 fr.
- Chacun sait que ce n’est pas une somme de vingt ou de trente francs en moins qui fait la situation des travailleurs plus malheureuse, surtout lorsque ces travailleurs ont en plus d’un salaire élevé les avantages d’une large mutualité et d’une participation effective aux bénéfices.
- Le prélèvement des conseillers de gérance ne modifie pas sensiblement la situation du travailleur dans l’association du Familistère.
- Ce n’est pas dans la suppression ou l’affaiblissement de cette participation que l’Association doit chercher l’amélioration du bien-être de ses membres ; la suppression l’obligerait à élever les salaires fixés des principaux employés, sans quoi la dé cadence industrielle ferait bientôt sentir ses effets
- par l’insuffisance du personnel dirigeant ; une diminution moyenne affaiblirait l’excitation au travail qu’engendre l’appas des bénéfices, et les travailleurs n’en éproureaient aucun bien immédiat.
- En commettant de pareilles erreurs, les travailleurs montrent qu’ils ne comprennent pas suffi-samment le rôle des capacités dans la production contemporaine et qu’ils n’ont pas suffisamment conscience des conditions matérielles qu’il est nécessaire de procurer aux hommes de talent pour leur permettre de développer,sans souffrances,leurs belles qualités.
- Le travail du manouvrier ne dure que pendant le temps de présence à l’atelier; le travail du fonctionnaire, mêlé aux combinaisons de la direction et de l’administration, n’a pas de limites appréciables; les heures de présence dans les bureaux — au Familistère elles sont les mêmes pour tous, employés,chefs de services et ouvriers—sont souvent utilisées à l’exécution de projets que l’on a longuement mûris pendant les parties de la journée dont le manouvrier dispose à sa guise.
- L’idée ne se lâche pas comme un rabot ou un marteau ; lorsqu’elle a pris possession d’un cerveau, elle le poursuit souvent aux heures des repas, pendant la nuit, à toute heure; elle exerce une véritable obsession que l’onne peut interrompre ou pondérer sans des efforts souvent plus pénibles que de longues heures de travail manuel.
- Les horribles souffrances de l’homme de talent réduit à donner essor à ses capacités dans la gêne, au milieu des privations, ne sont pas des inventions des littérateurs.
- Le travail intellectuel ne peut pratiquement fonctionner sans certaines conditions de confort, de bien-être, de tranquilité, qui exigent dans le logement, la nourriture, des soins, des détails et une foule de commodités matérielles qui ne peuvent être encore le lot de tous les hommes, mais qui se généraliseront avec une rapidité égale à celle que mettront les travailleurs à procurer au talent les facilités d’existence.
- Les peuples ont subi les aristocraties militaires et celles de la fortune : les premières conduisaient les hommes d’immolations en immolations par la guerre et la misère ; les secondes, plus hypocrites, ont toujours été insatiables de bénéfices sans que la misère des travailleurs leur ait inspiré le moindre sentiment de modération.
- Si les travailleurs commettent la faute de ne pas hâter la substitution de l’aristocratie du talent à
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- toutes ces oligarchies qui les dévorent, ils retarderont indéfiniment le moment de leur émancipation.
- Les travailleurs intellectuels ne sont pas insatiables ; ils savent se modérer, ils n’éprouvent pas le besoin d’accumuler sans cesse pour eux.
- Ce n’est pas en dormant qu’ils s’élèvent, comme la plupart des favoris de la fortune. Le peuple n’a pas à subir les supériorités intellectuelles par droit de naissance ou de parenté.
- Dans l’histoire des peuples cette seule aristocratie aura été vraie, elle seule aura véritablement répondu à la signification exacte du mot aristocrate qui veut dire « le meilleur ».
- Le capitaine qui aspirait à la suprématie sociale de ceux déjà classés dans l’aristocratie nobiliaire, invoquait le souvenir de ses pillages, le nombre d’hommes qu’il avait fait tuer. Le Richard qui veut prendre rang parmi les dirigeants étale impudemment ses richesses trop souvent recueillies dans la ruine des autres, dans les rapines de la Bourse, dansles ruses et les fraudes commerciales, dans l’exploitation inhumaine des travailleurs.
- Dans l’aristocratie du travail, les meilleurs se reconnaissent à leurs œuvres positives, aux découvertes, aux créations dont ils ont enrichi l’humanité, au nombre d’individus dont ils ont augmenté le bien-être.
- Cette aristocratie qui a toujours existé en fait, et que le peuple n’a jamais su acclamer, n’est pas comme les autres avide de tout posséder pour procurer à ses descendants le monopole de la direction humaine. Elle nous fait tous héritiers de ses plus riches apanages, de ses plus belles conquêtes, en nous léguant une science toujours plus grande.
- Nous ne saurions trop engager les délégués parisiens à se débarrasser des fausses inspirations d’un égalitarisme mal compris.
- Ce n’est pas avec des parts de participation comme celles attribuées aux principaux employés du Familistère,que l’on entretient les danseuses de l’Opéra, les duchesses du Parc-Monceau, que l’on Parie des millions, les jours de courses, que l’on &chèteles journaux pour falsifier les dépêches et fausser l’opinion publique.
- Si les travailleurs continuent à épiloguer sur le plus ou moins de perfection des entreprises fondées pour favoriser leur émancipation, ils perdront de vue, à la grande satisfaction des privilégiés, les folies des castes en possession de richesses et de situations qu’elles ne méritent pas.
- C’est pourtant la que sont les ennemis les plus forts de la libération des classes laborieuses.
- Nous terminerons prochainement notre réponse aux ouvriers parisiens en attirant leur attention sur les sujets relatifs à la généralisation du bien-être.
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- Extrait du Bulletin d’Education. —
- Nous avons enfin la vive satisfaction, la haute joie morale d’apprendre aux amis de Pierre-Louis /Tourasse et aux nôtres, à tous ceux, lecteurs connus ou inconnus, qui s’intéressent au succès de nos entreprises philanthropiques, la naissance de la Société d’éducation et d’instruction populaires des Basses-Pyrénées.
- Conçue il y a quatorze ans, l’idée de cette association s’est développée peu à peu dans les esprits: elle a pris corps et elle apparaît aujourd’hui pour jouer son rôle social dans le monde qui nous entoure.
- On verra ci-après ses statuts; nous les avons fait précéder d’un préambule historique, qui indique l’origine et les développements de l’idée, le but et la portée de l’œuvre.
- Nous appelons tout spécialement l’attention bienveillante de nos lecteurs sur cette Société qui, si elle rencontre de nombreux adhérents et des coopérateurs dévoués, dans le département, des alliés et des soutiens, au dehors, vivifiera notre beau pays, en encourageant les efforts de l’initiative privée, en reliant les hommes de liberté et de progrès, dont les actes préparent l’avenir.
- — A notre point de vue personnel, nous sommes particuliérement heureux de voir naître cette Société tant désirée par notre maître et ami.
- Nous la considérons comme la partie la plus importante de l’achèvement de ses œuvres. Sans elle, nous aurions pu remplir la lettre du testament, non son esprit. Elle continuera la tradition du grand philanthrope.
- Nous n’avons plus qu’à abdiquer entre ses mains, à nous fondre et à disparaître dans sa personnalité plus puissante.
- Comme l’aurait fait M. Tourasse, si elle eût existée de son vivant, nous lui confierons l’exécution de la plupart de ses entreprises; nous ferons passer par elle les primes que nous avons encore à distribuer sur ses fonds, nous nous servirons d’elle pour fédérer moralement toutes les œuvres d’éducation et de prévoyance créées par lui et nous tâcherons de la doter peu à peu, pour qu’elle perpétue son souvenir et son action.
- A l’avantage d’avoir ainsi une sorte de contrôle public de nos dépenses, nous joindrons celui plus important d’ajouter à l’effet matériel de nos encouragements, la puissance spirituelle d’une association, qui compte déjà dans son sein les noms les plus accrédités du pays, ceux qœ sont forts de leur valeur personnelle et de la valeur du mandat qui leur a été confié par leurs concitoyens.
- Nous remercions du fond du cœur les hommes qui, les premiers, nons ont donné leur adhésion sympathique.
- Aujourd’hui nous faisons appel à tous ceux qui, partageant les idées et les espérances de Pierre-Louis T ourasse, veulent contribuer à l’éducation de la démocratie, et rendre hommage à la mémoire d’un homme de bien.
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- En attendant la prochaine inauguration du monument de marbre, qui lui est dû, ils lui élèveront ce monument vivant, dont nous parlions dans notre premier appel : La Société d’éducation et d’instruction populaires des Basses-Pyrénées. A. PICHE
- A dater du premier juillet prochain le Bulletin d’éducation deviendra l’organe de la nouvelle Société.
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- Emancipation de la femme
- Les réflexions suivantes sur la moralité de la femme sont extraites du journal La Citoyenne. Nous les reproduisons comme un document propre à donner une idée des tendances de notre époque. Tous les partis, toutes les opinions sont extrêmes dans l’affirmation de leurs théories ou dans leurs moyens de défense.
- Partisan de l’égalité civile, politique et économique des deux sexes, nous protestons en toutes circonstances contre les lois d’exceptions dirigées contre les femmes.
- De la statistique citée par La Citoyenne nous ne déduirons pas que la femme est sept fois meilleure que l’homme; nous dirons simplement ce qui nous parait être la vérité : que, si la tutelle injuste que notre civilisation impose àla femme, protège la société contre le mal que pourrait faire le sexe féminin émancipé, les entraves apportées à la liberté des femmes privent aussi la société d’une grande partie des bonnes actions dont seraient capables nos mères et nos sœurs. Gomme la créature humaine, d’une manière générale, est susceptible de produire une somme de bien supérieure au mal qu’elle peut faire, — la marche progressive des sociétés en est la preuve — nous continuerons à défendre l’émancipation de la femme sans partager les exagérations.
- Les réflexions du journal La Citoyenne sont bonnes néanmoins à être méditées. Les voici, sous le titre « Sur 7 Coquins il n’y a qu’une femme » :
- Quel puissant auxiliaire pour nous que la statistique. Dans le dernier numéro de la Citoyenne, la statistique nous révélait que la femme était moins sujette à être malade que l’homme: aujourd’hui, la statistique nous prouve que la femme est moins criminelle que l'homme.
- Le rapport que le ministre de la justice a adressé au prési-sident de la République, sur la justice criminelle en France pendant l’année 1883, nous apprend, en effet, que sur les -4,313 accusés qui ont été déférés au jury, 3,687 sont des hommes et 626 seulement des femmes, c’est-à-dire que sur 7 accusés, 11 n’y a qu’une seule personne du sexe féminin. On voit, d’après ces chiffres, combien la femme est moralement supérieure à l’homme ; que serait-ce donc, si l’on défalquait les nombreux cas où, mise hors de droit commun, elle est obligée pour avoir justice de se faire justice à elle même ! Malgré une condition économique bien inférieure à celle
- que l’homme coupable allègue comme excuse, la femme est autrement meilleure que lui.
- La plupart des criminels sont célibataires. Dans un rapport présenté à l’académie des sciences morales et politiques par M. Gustave Lagneau, il a été statistiquement démontré que, sur 100,000 garçons, on comptait 38 criminels et, sur 100,000 hommes mariés, 18 criminels par an seulement. Le mariage, c’est-à-dire le fait d’être associé à une femme, constitue donc pour l’homme une sorte de vaccin moral.
- On a par la statistique, la preuve matérielle qne la femme est un être bien plus élevé que l’homme. Eh bien, est-ce cet être qui sait mieux se conduire que l’autre dans la vie qu/ gouverne dans la société ?
- Pas du tout.
- Est-ce au moins le sexe moralement supérieur qui est appelé à juger le sexe moralement inférieur ?
- Non, contre toute logique et toute raison, le sexe inférieur est exclusivement investi du dr oit de rendre la justice pour tous. Les femmes sont jugées, jamais juges.
- Or, charger le sexe masculin particulièrement vicieux de se juger lui-même et de juger le sexe féminin plus vertueux que lui; c’est aussi ridicule que de prendre des malades pour soigner des médecins et des fous de Charenton pour gouverner les gens sains d’esprit. Quand le comprendra-t-on ?
- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen
- Puy-de-Dôme. Aigueperse.— M. Martin Claude, propriétaire.
- Artonne. — MM. Arnaud Pierre, — Blanc Gilbert, propriétaires ; — Boudieu Pierre, cultivateur ; — Brun Émile,
- — Crozet Jean, — Desnier Gilbert, — Desnier Jean, — Du-brouillet Gilbert, — Gisset Louis, propriétaires ; — Martin François, cultivateur.
- Clermont-Ferrand, — MM. Barbe Francisque, ouvrier fumiste ;— Barbe Henri, journalier ; — Barody Jean, menuisier ; — Bertrand Pierre-Eugène, tailleur d’habits ; — Brun-murol Gilbert, cordonnier Cournol François, vermieellier ;
- — Delorme Pierre, ébéniste; — Fournial Jean, —Fournier Léger, garçons liquoristes ; — Furet Michel, serrurier ; — Gardille Augustin, ébéniste ; — Legris Désiré, tailleur d’habits ; — Massis Antoine, propriétaire ; — Piniong François, tailleur de pierres; — Réole Jean, menuisier ; — Roganne Jean, journalier ;— Tixier Joseph,— Tixier Léger, ébénistes ;
- — MMmes Amblard Marie, épouse Brun Murol ; — Delmas Marie, épouse Guillemot;— Mombelet, épouse Dobac.
- Saint-Clément-de-Régnat. — MM. Martin-Grenade,
- — Martin Pierre, propriétaires.
- Yronde et Buron. — (Section de Buron) Chabrit Jean,
- — Cibraud Louis,— Durier Jacques, — Grave Jean, — La-roux Pierre, conseillers municipaux ;— Roussel Antoine, instituteur;— Augeard Jean, propriétaire ; — Barbe Jean, cafetier Barbe Joseph,— Barissat Antoine,— Barissat Franc., propriétaires; — Barissat Jacques, — Barissat Jean, cultivateurs ; — Bougheon Jean, propriétaire ; — Chanonat Jacques, cultivateur ;— Chardy Gabriel, garde-champêtre ; — Cébrand François,— autre Cébrand François, — Cébrand Jacques, --Cébrand Louis,— Courtet Antoine, propriétaires ; — Coudert Pierre, domestique ; — Daupeux Etienne, épicier ; — autre Doupeux Etienne, J. sans profession ;— Delaire Jérome, propriétaire Delarbre Antoine, cultivateur Delarbre Pierre,
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- maréchal-ferrand ; — Dopeux-Lachamp, — Fauriat Antoine, cultivateurs ; — Fauriat Jean, — Fauriat Jérome, propriétaires; — Fouilhoux Antoine, courtier en vins ; — Fouilhoux Jacques, cultivateur; — Fouilhoux Jean, charron; — autre Fauuhoux Jean, propriétaire ;—Fourvel Antoine, cultivateur ;
- — Gamet, épicier ;— Gamot Claude, propriétaire ; — Gamot Jean, sabotier ;— Gerle François, propriétaire ; — Grave Antoine, cultivateur;— aùtre Grave Antoine F., propriétaire;— Grave Denis, propriétaire ; — Grave Jean,, cultivateur ; — Grave Jérôme, perruquier; — Grave Pierre, cultivateur; — Lacroix Etienne,— Migon Baptiste, propriétaires ; — Miolane Jean, tisserand Monget François, propriétaire ;— Morel-Barthélemy,— Morel Pierre, maréchaux-terrants ; — Rabois-son Gilbert, — Raymond A., — Raymond Jean, — Simiand Jean, — Solois Jean, propriétaires; — Souche Jean, cultivateur;— Taverne Jean, menuisier;—Theveaux Antoine, courtier en vins ;— Theveaux Jean,— Valette Jean, propriétaires ;
- — autre Valette Jean, sabotier ; — ValeLte Piene, propriétaire ;— Vergne Jean, cultivateur.
- MAITRE PIERRE
- Par* Edmond ABOUT
- (Suite.)
- VII
- HISTOIRE DU PETIT CHEVAL GRIS
- La lète où maître Pierre nous conduisit était une étroite vallée, longue d’une demi-lieue, sur une largeur de cent mètres au plus. A peine y eûmes nous fait quelques pas, que notre guide se détourna en nous criant de regarder ce qu’il allait devenir. Au même instant, il entra dans le sol comme un acteur dévoré par une trappe : le sable avait manqué sous lui. Nous le vîmes noyé jusqu’aux aisselles ; le haut de son corps surnageait seul, avec les échasses qu’il tenait sous le bras. Vous auriez dit un naufragé qui se sauve sur un aviron. Mon premier mouvement fut de courir à son aide, mais on me retint par les basques de mon habit. Le conducteur des ponts et chaussées me dit : « Laissez-le donc ; vous voyez bien qu’il fait sa classe. Il n’amène aucun voyageur dans les dunes sans plonger une fois pour donner à ses hôtes le spectacle des sables mouvants. Avouez qu’il est difficile de faire plus généreusement les honneurs de son pays et de sa personne ! »
- En effet, maître Pierre semblait moins occupé de se ravoir que de m’instruire. Il se mouvait lentement et s’expliquait vite, combinant ses gestes et ses paroles de manière à faire durer l’accident aussi lougtemps que la leçon. Je soupçonne pourtant qu’il était moins à son aise qu’un professeur en chaire.
- « Voici, me disait il, comment la chose s’est passée. Il y a une flaque par ici. Vous ne la voyez pas, mais je la sens : il fait humide autour de moi. Le vent de mer(déjà nommé) a semé du sable snr l’eau : le sable est resté à la surface au lieu d’aller au fond. Vous savez qu’on peut faire Qager une aiguille, enla posant délicatement. U s'est donc
- ï formé une couche de sable, assez épaisse pour tromper les yeux. Les gens du pays devinent le danger à la couleur du terrain, mais il ne faut pas s’y fier : les animaux s’y laissent prendre, quoiqu’ils aient plus d’instinct que nous. Si jamais vous tombez dans un mouvant, ne vous débattez pas, ne vous amusez pas à nager en chien ; vous pourriez vous noyer. Le mieux est de prendre patience ; de sortir peu à peu, lentement par petits efforts, et de s’arrêter après chaque mouvement pour laisser au sable le temps de se tasser.
- « C’est ce que je viens de faire tout en causant, et me voilà dehors. Cependant, quelques fois la mare est profonde, il y a de la vase au fond, et l’on y reste. »
- Il secoua le sable humide qui s’était collé à ses vêtements, et il nous mena sans autre incident vers un petit troupeau de chevaux et de bœufs. Bœufs et chevaux é-taient comme' des forçats au bagne ; on avait pris soin de les entraver. « Voîci, me dit maître Pierre, le gros bétail des Landes : je n’ai pas besoin de vous faire remarquer comme il est petit. Vous voyez ces animaux quî, de père en fils, n’ont jamais mangé tout leur soûl. Ils sont braves pourtant, et ne craignent pas la peine : bons ouvriers, monsieur, quoique mal nourris. Ces chevaux qui ressemblent à des poulains, sont bien pris dans leur petite taille, et beaucoup plus forts que vous ne supposez, Ils je t-teut du feu sous la cravache comme la pierre sous le briquet. Croyez qu’ils rendraient des points aux grandes roses allemandes qui trottent sur le pavé de Bordeaux. Ils ne ressemblent pas plus aux chevaux des villes qu’un chat sauvage à l’angora d’une marchande. Si je leur ôtais leurs entraves, ils prendraient la clef des champs, ils s’établiraient à leur compte, et, si l’herbe venait à leur manquer, ils aimeraient mieux mourir de faim qne d’aller mendier à la porte d’une écurie. Il y a de l’avenir dans cette race-là. Laissez-moi le temps de greffer mes sauvageons, et de leur mettre un peu de sang arabe ou anglais dans les veines ; vous verrez si la cavalerie légère ne viendra pas se remonter chez nous ! En ce temps-là nous aurons des routes roulantes, et les carrioles feront trois lieues par heure à la queue d’un petit cheval landais.
- État civil du Familistère
- Semaine du 8 au 14 juin 1885.
- Naissances :
- Le 8 juin, de Macaigne Hélène-Amélie, fille de Macaigne Emile et de Talbeaux Léonie.
- Le 10 juin, de Cottenet Alice-Marie, fille de Cottenet Fidèle et de Ribeau Léonie.
- Décès :
- Le 9 juin, de Allard Alfred, âgé de 1 mois.
- Le 44 juin, de Roger Victor, âgé de 54 ans et 10 mois.
- ^_____________Le Directeur-Gérant : GO PIN
- Gui»», — lmp. Baré.
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- LIBRAIRIE DU FAMILISTERE
- GUISE (Aisne!
- OUVRAGES DE M. GODIN, Fondateur du Familistère
- Le Gouvernement, ce qu'il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action.
- Ce volume met en lumière le rôle des pouvoirs et des gouvernements, le principe des droits de
- L’ouvrage est terminé par une proposition de loi à la Chambre des députés sur l’organisation de l’assurance nationale de tous les citoyens contre la misère.
- In-8° broché, avec portrait de l’auteur............................................................8 fr.
- Solutions sociales. — Exposition philosophique et sociale de l’oeuvre du Familistère avec la
- vue générale de l’établissement, les vues intérieures du palais, plans et nombreuses gravures :
- Édition in-8°.....................................................................................10 fr.
- Edition in-18................................................................................5 fr.
- Mutualité sociale et Association du Capital et du Travail ou extinction du 'paupérisme
- par la consécration du droit naturel des faibles au nécessaire et du droit des travailleurs à participer aux bénéfices de la production.
- Ce volume contient les statuts et règlements de la Société du Familistère de Guise.
- In-8° broché, avec la vue générale des établissements de l’association...........................5 fr.
- Sans la vue........................................................................................4 fr.
- Mutualité nationale contre la Misère. — Pétition et proposition de loi à la Chambre des députés
- Brochure in-8°, extraite du volume « Le Gouvernement ».......................................1 fr. 50
- Les quatre ouvrages ci-dessus se trouvent également '. librairies Guillaumin et Cie, 1i, rue Richelieu, Paris;
- Les Socialistes et les Droits du travail . . 0,40 cent. La Richesse au service du peuple .... 0,40 cent.
- La Politique du travail et la Politique des privilèges. 0,40 La Souveraineté et les Droits du peuple............0,40
- ÉTUDES SOCIALES
- N” 1 - Le Familistère, brochure illustrée contenant cinq vues du Familistère et de ses dépendances, fait connaître les résultats obtenus par l’association du capital et du travail, association
- ouvrière au capital de 6.600.000 francs................................................0 fr. 40
- Dix exemplaires 2 fr. 50.
- N” 2 La Réforme électorale et la Révision constitutionnelle......................o fr. 25
- N° 3 - L'Arbitrage international et le Désarmement européen........................0 fr. 25
- N° 4 - L'Hérédité de l’État ou la Réforme des impôts............................... . ofr.25
- N° 5 - Associations ouvrières. — Enquête de la commission extra-parlementaire au ministère
- de l’Intérieur. Déposition de M. GODIN, fondateur de la Société du Familistère de Guise,
- Les N0s 2 à 5 des Étude s sociales se vendent : 10 exemplaires 2 fr.
- » » » » 100 » 15 fr.
- Histoire de l'association agricole de Ralahine(inasde> , Résumé des documents de
- M. E T. Craig, secrétaire et administrateur de l’association. Ouvrage d’un intérêt dramatique, traduit par Marie Moret....................................................................... 0,75 cent.
- Histoire des éQisitebles pionniers de Rochdnle, de g. j. holyoake. Résumé traduit de
- l’anglais, par Marie Moret............................................................ 0,75 cent,
- La Fille de son Père. Roman socialiste américain, de Mme Marie Howland, traduction de M. M., vol. broché........................................................... . 7L""". ’* 3 fr. 50
- Collection du « DEVOIR »
- 1er volume broché
- 2ma » »
- 3ma » »
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- Guuse.— Imp, Bare
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- Le numéro hebdomadaire 20 c.
- Dimanche 28 Juin 1885
- 9e Année, Tome 9. — N“ 355
- BUREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- France
- Un an ... 10 Ir. »» Six mois. . . 6 »» Trois mois. . 3 »»
- Union postale Un an. ... 11 ir. »» Autres pays
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- ON S’ABONNE
- A PARIS
- , rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES & POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1. —Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois et dans la protection sociale.
- 2. — Faire des garanties de la vie humaine et de la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme du régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- 'd-' — Organisation du suffrage universel par l’unité de Collège national pour l’élection çles députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement à Paris. Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés arec la presque certitude de donner un vote utile ; L égalité de suffrage pour tous les citoyens ;
- La possibilité pour les minorités de se faire représenter; ,
- La représentation par les supériorités.
- 5. — Renouvellement annuel de moitié de la hhambre des députés et de tous les corps élus. La volonté du peuple souverain toujours ainsi mise en évidence.
- 6. — Rétribution de toutes les fonctions publiques dévolues: par le suffrage universel.
- 7. — Égalité civile et politique de l’homme et de la femme.
- — Le mariage, lien d’affection.
- Faculté du divorce.
- 9-r~. Éducation et instruction primaires,gratuites et obligatoires pour tous les enfants.
- Les examens et concours généralisés avec élection es eleves par leurs pairs dans toutes les écoles, diplôme constatant la série des mérites intellectuels 1 moraux de chaque élève
- 10. — Écoles spéciales, nationales, correspondantes aux (grandes divisions des connaissances et de l activité humaines, gratuitement accessibles à toits les elèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections. *
- IL —Suppression du budget des cultes. Séparation de l’ut g lise et de l’Etat.
- — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 13. — Plus d’impôt du vivant des personnes.
- Les ressources publiques constituées par le droit
- d héritage national dans la fortune des : citoyens apres leur mort, et par les revenus que l’État retirera des biens passés entre ses mains.
- 14. — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l’Etat en ligne collaterale a moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dansunejuste mesure, retour à la société qui a aidé à les produire.
- 15- Remboursement des dettes publiques avec les ressources de l’hérédité.
- 16. — Organisation nationale des garanties et de l assurance mutuelles contre la misère.
- 11. — Suppression des emprunts d’Etat.
- . 10- — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de la production.
- 20. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21- — Libre échange entre les nations.
- 22. — Abolition de la guerre offensive.
- 23. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 2k. — Désarmement européen.
- 25. — Les nations maîtresses de leur sort et dé leur propre territoire
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- LE DEVOIR
- SOMMAIRE
- Les idées de révolution sociale. — Mutualité Nationale. — Aux électeurs. — Neuf millions pour cinq. —17me Congrès des coopérateurs anglais.— Aphorismes et préceptes sociaux. — Faits politiques et sociaux de la semaine. — La délégation parisienne. — Nouvelles du Familistère. — Bibliographie. — Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen. — Maître Pierre. — Etat-civil du Familistère.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
- Les idées de révolution sociale.
- La Question sociale, revue des idées socialistes, dans un article intitulé : « Collectivisme et Révolution », numéro de juin, prétend que,pour faire disparaître le salariat moderne et transformer la propriété individuelle en propriété collective, en faisant ainsi place à la production libre des travail-reurs solidarisés, « tous les moyens proposés jusqu’à présent peuvent se ramener à trois» qui sont:
- » Le rachat ;
- » L’expropriation pour cause d’utilité publique » avec indemnité ;
- » L’expropriation pure et simple ou la reprise » violente du patrimoine commun sur ceux qui » l’ont usurpé .»
- Nous en demandons pardon à La Question sociale, mais nous connaissons au moins un quatrième moyen de nationaliser la richesse ou son revenu : celui qu’a défendu le Devoir en toute occasion depuis plusieurs années. Ce moyen, s’il
- est révolutionnaire, le serait au moins d’une façon purement pacifique. Il réside dans le droit d’hérédité de l’Etat sur les biens que les citoyens délaissent en mourant.
- Il est vraiment singulier que les socialistes eux-mêmes soient si longtemps à s’emparer des idées pratiques. L’idée du droit d’hérédité de l’Etat ne comporte aucune violation du droit individuel, aucune atteinte ni violente ni légale à la liberté des citoyens, aucune usurpation de la propriété, que celle-ci ait été mal acquise ou qu’elle ait été régulièrement constituée ce qui aggraverait alors singulièrement l’usurpation.
- Par le droit d’hérédité de l’Etat, la transformation s’opérerait avec régularité et méthode.
- Il est vrai qu’il y a une raison à ce qu’un tel moyen soit passé sous silence. C’est que les idées scientifiques exigeant de l’attention et de l’étude sont accessibles à peu de personnes. Au contraire, pour faire effet sur les masses, il suffit d’idées simples, exemptes de calcul et de raisonnement. Il est plus facile d’être entendu en parlant de révo-tion par la force et la violence, en disant aux déshérités de ce monde : vous êtes les créateurs de la richesse,d’autres la possèdent,reprenez-la : elle vous appartient. Cette méthode de discussion a l’avantage de n’exiger elle-même aucune étude, de se prêter à toutes sortes de diatribes éloquentes et faciles, d’attirer tout à la fois l’attention de ceux qui possèdent et celle de la presse disposée quand même à la défense de la propriété telle qu’elle est constituée, et en même temps de frapper l’imagination des malheureux déshérités de la fortune. On obtient donc par ce moyen l’attention de tout le monde, mais sans faire avancer d’un pas les solutions.
- « La Question sociale » reconnaît bien que ce n’est ni par le rachat ni par l’expropriation violente que la société présente est en mesure de s’organiser rationnellement, qu’il faut travailler au progrès des idées, à éclairer le peuple. Mais alors, demandons-nous, pourquoi ne pas se livrer à la discussion des problèmes propres à éclairer l’opinion publique ? Pourquoi rester dans les généralités révolutionaires , au lieu d’aborder le côté plus difficile, il est vrai, mais seul fécond des moyens piques de la solution des problèmes.
- Car, supposons pour un instant que par un événement quelconque l’expropriation de toute la richesse nationale soit faite demain, que ferait-on de cette richesse après demain ?
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- Sur quelle base, sur quel principe de justice réorganiserait-on ia société pour empêcher de nouveaux exploiteurs de prendre la place des anciens ? Ne faudrait-il pas de nouveaux industriels pour diriger l’industrie, de nouveaux cultivateurs pour diriger la culture, de nouveaux commerçants pour pourvoir aux besoins de la consommation ? Et pour qui ces gens travailleront-ils si ce n’est pour eux-mêmes ?
- Qui administrera ? qui maintiendra l’ordre ? qui empêchera les malfaiteurs ?
- Qui déterminera les nouvelles règles à suivre pour réorganiser la société, si ces règles ne sont pas établies à l’avance ?
- Qui fera les lois ?
- Toutes ces fonctions seront remplies par des hommes ; où sera la garantie que ces hommes seront meilleurs que leurs prédécesseurs ? Où sera celie de ne point les trouver pires ?
- Car, en fait de gouvernement et de direction sociale, les hommes, pour une forte part, valent ce que les institutions les font valoir.
- Il serait fort à craindre qu’en l’absence de toute institution, le gouvernement et l’administration de la révolution violente, sans un programme d’institutions bien définies, nous conduisissent au despotisme et à la tyrannie.
- Oui, pour que la révolution pût aboutir à un ordre nouveau, il faudrait qu’elle eût un programme de réformes parfaitement arrêté, que le peuple fût assez avancé dans la connaissance des institutions qui lui sont nécessaires, pour les vouloir avec l’unanimité qui aurait puissance de les imposer.
- Mais ne conçoit-on pas que, du jour où il en sera ainsi, la révolution violente ne sera plus nécessaire, puisque le peuple pourra, sans recourir à la force, imposer sa volonté par le scrutin, en faisant choix des hommes capables de traduire en fait les aspirations populaires.
- Pourquoi, aujourd’hui, nos Chambres ne savent-elles faire aucune loi digne de la République ? C’est que le peuple lui-même ne sait pas quelles lois sont à faire pour son bien propre ; par conséquent, il ne peut trouver dans son sein les hommes capables de remplir cette tâche incomprise.
- bn’yaqu’un moyen de faire progresser le monde, c’est de lui apporter la lumière, c’est de Téclai-rer> c’est d’aborder l’étude des institutions propres a mettre le bien en pratique.
- Il faut s’attacher à des réformes sérieuses, en Montrer la nécessité, faire voir par quels moyens 0n peut les réaliser .
- La richesse est abusive, elle l’a toujours été. Cela tient à l’ignorance et à l’imperfection intellectuelle et morale dans laquelle la société est encore.
- Ces abus diminuent à mesure que l’homme s’instruit et s’éclaire sur ses devoirs et ses droits. Il ne suffît donc pas de lui dire qu’il souffre, il le sait bien, ce qu’il faut c’est l’éclairer sur le véritable remède à ses maux.
- Les souffrance sociales proviennent de la mauvaise répartition des richesses, la révolution violente n’aurait pas la puissance de faire sortir de terre la justice et l’équité pour présider à une répartition meilleure et empêcher les abus. La révolution violente nous mettrait aux mains de nouveaux exploiteurs.
- C’est de son intelligence, c’est de son vote que le peuple doit faire sortir les institutions capables d’opérer les réformes dans la répartition de la richesse ; faisons donc entrer dans son cerveau l’idée de ces institutions. Nous avons dit, au début de cet article, que la Question sociale, oubliait de ranger au nombre des moyens qu’elle énumère pour arriver à une meilleure réorganisation de la propriété, celui dont « Le Devoir » s’est fait l’organe, c’est-à-dire le droit d’hérédité de l’Etat dans toutes les fortunes au décès des personnes ; ce moyen a pourtant le singulier avantage de donner tout ce qu’on pourrait obtenir de l’expropriation sans présenter aucun des inconvénients de celle-ci.
- L’hérédité de l’Etat permettrait à ta nation de rentrer, en moins d’un siècle, en possession de la totalité de son domaine, sans secousse, sans embarras d’aucune sorte.
- L’hérédité de l’Etat permettrait la constitution d’un revenu public ou national pouvant subvenir à toutes les dépenses de l’Etat ; elle supprimerait par conséquent tous les impôts ; elle mettrait fin aux emprunts d’Etat et assurerait le remboursement de la dette publique en 26 ans.
- L’hérédité de l’Etat supprimerait, sans que l’on s’en aperçût, les intermédiaires ou parasites de ia propriété pour les rendre à la’’vie active.
- Elle ferait diminuer des deux tiers les fermages et loyers.
- L’hérédité de l’Etat rendrait aux masses laborieuses le libre accès à la terre et à l’industrie.
- L’hérédité de l’Etat permettrait au peuple toutes les entreprises associationnistes qu’il voudrait fonder, en grande culture et en grande industrie.
- L’hérédité de l’Etat serait l’élan définitif de l’instruction publique et de tous les progrès. Elle effa-
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- cerait le paupérisme et ferait disparaître la misère, etc.
- Qu’en pense la Question sociale ? Est-ce que l’hérédité de l’Etat, envisagée à ces points de vue, ne mérite pas d’être rangée parmi les propositions socialistes et ne vaut-elle pas la peine d’être mise en parallèle avec toutes les idées d’expropriation avec ou sans indemnité ?
- Nous la recommandons à l’attention de La Question sociale et serions heureux de voir celle-ci admettre l’hérédité de l’Etat comme étant la meilleure des solutions proposées pour la reconstitution du domaine public et du revenu national.
- Voir pour plus amples détails :
- Mutualité nationale contre la misère, opuscule in-8® de 125 pages, 1883.
- Etudes sociales, numéro 4, brochure de 16 pages, 32 colonnes du « Devoir », 12 octobre 1884.
- Mutualité Nationale.
- Une chaudière a fait explosion chez un laveur de laine à Tourcoing. L’établissement a été complètement détruit. On évalue à soixante le nombre des victimes. Le patron est au nombre des morts, on a retrouvé son corps horriblement mutilé.
- Que vont devenir les familles des morts, les blessés et ceux auxquels ils donnaient les moyens d’existence ?
- Ya-t-on attendre pour secourir ces infortunes qu’une enquête ait déterminé les responsabilités ? Si la fortune des héritiers du chef de cette industrie est complètement anéantie par ce désastre, est-ce un motifpourque les malheureux se résignent à en supporter toutes les conséquences et à rester sans indemnité ?
- Nous n’exceptons pas les membres de la famille du patron, quand même il serait prouvé que l’explosion provient de la négligence du chef d’industrie. Nous ne considérons jamais comme méritée la misère qui bouleverse l’existence d’une famille parce que son chef aura manqué d’habileté ou de prévoyance.
- Dans le cas d’accident, le travailleur n’est pas plus responsable suivant qu’il est frappé au service d’un patron riche ou d’un patron pauvre ; cependant, dans le dernier cas, il perd l’avantage des recours qu’autorise la loi.
- La loiqui rejette sur les patrons ou sur les ouvriers,suivant les cas, la responsabilité des accidents, est mauvaise.
- La société a conservé, avec raison, le droit de surveillance de l’outillage ; cette surveillance engage sa responsabilité ; à défaut de garanties individuelles, la société a le devoir de secourir efficacement les victimes des accidents.
- Ces secours ne seront jamais convenablement distribués s’ils n’émanent d’un service spécialement créé à cet effet.
- D’après les données de la stati stique, on’peut évaluer les probabilités de chaque année et créer un budget d’assistance sociale suffisamment doté pour donner aux victimes des accidents des indemnités et des pensions qni les mettront à l’abri
- la misère.
- Les accidents du genre de celui de Tourcoing ne doivent pas être choses imprévues. La société doit toujours être prête à les atténuer par une assistance largement pourvue.
- Il serait si facile de trouver les ressources dans une première application de l’Hérédité de l’Etat qui n’imposeiait aux contribuables aucun des inconvénients inhérents aux impôts ordinaires.
- AUX ELECTEURS
- Nous publions le long manigeste que l’Extrême Gauche vient d’adresser aux électeurs. Ce document incolore et sans portée n’engage ses signataires sur aucun point précis. Il atteste simplement la dégénérescence des hommesd’Etatcontemporains.
- Ce n’est pas sans peine que l’on admettra plus tard qu’une pièce aussi vague ait pu être rédigée par des hommes 41Ü prétendaient être les héritiers diretes des géants de 89.
- L’heure approche où la nation dira dans quel sens elle entend diriger ses destinées. Nous croyons nécessaire de chercher quelles idées peuvent nous réunir dans un même esprit et dans une même tâche.
- 11 ne s'agit pas d’imposer une formule uniforme à la diversité légitime des opinions républicaines ; nul n’a qualité de le faire.
- Il ne s’agit pas de se substituer aux comités et aux électeurs qui contracteront librement sur le mandat.Qui songerait à tenter une si absurde usurpation ?
- Nous voulons seulement dégager, des programmes connu pour être ceux des diverses fractions de la démocratie, les articles essentiels, sans lesquels la prochaine législature ne serait qu’ne déception nouvelle.
- Nous voulons les dégager pour rendre possible un rapprochement loyal entre des républicains de nuances différentes. Nous concevons mal un accord qui, ne portant sur les hommes qu’à condition de dissimuler les idées, interdirait au pays de se prononcer sur toutes les questions vitales, et préparerait,par une entente feinte devant les électeurs, des divisions sans arbitre et une stérilité sans remède dans le Parlement de demain. L’union ne peut être sincère que si on dit sur quoi elle porte ; républicaine que si elle laisse au suffrage universel son premier droit de souveraineté, celui dp prononcer entre les opinions contraires ; efficace que si elle oppose aux monarchistes, le jour du scrutin, mieux qu’une équivoque, et après les élections une majorité sachant ce que le pays veut et ce qu’elle doit faire.
- Nous voyons les entreprises de l’ennemi commun ; et nous cherchons pourquoi elles sont plus hardies. Naguère, quand les monarchistes étaient réduits à attaquer dans la démocratie des doctrines ou des mesures démocratiques, leur discrédit allait croissant de jour en jour. Qu’est-ce donc qu’ils attaquent avec une confiance nouvelle ? Des fautes extérieures renouvelées de l’Empire; et l’état d’un budget resté monarchique. Ils n’ont pu se relever qu’en reprochant au régime actuel le renouvellement ou la continuation de leurs propres abus. C’est en s’écartant des idées républicaines qu’on a affaibli la République ; c’est en y revenant qu’on la raffermira.
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- Au dehors, des expéditions lointaines ont hasardé,, sur tous les points du monde, les ressources du budget, le sang de nos soldats et la fortune du pays. On sait quel fardeau de millions elles font porter au travail national qui soutient déjà si diffici-ement la lutte contre la concurrence de l’étranger. Il suffit d’un peu de mémoire et d’un peu de bon sens pour savoir qu’au milieu des nations armées,on ne peut sans péril disperser sur le globe les forces de la République française, et subordonner, sinon sa sécurité, au moins son influence légitime et sa liberté d’action, au hasard de conflits avec les nations mal connues du monde barbare. Le pays est las de ces guerres de conquêtes; il faut s’en dégager, non pour s’enfermer dans une égoïste et imprudente insouciance de ce qui se passe dans le reste du monde, mais pour inaugurer la politique de vigilance conforme aux principes delà démocratie, à l’honneur de la France et aux intérêts de t’indépendanue européenne.
- Au dedans, il est temps de convertir en réalité les mesures réclamées autrefois par tous les républicains.
- Il est temps de le faire pour le budget. Le régime actuel a débuté par une période de prospérité inouïe : tant qn’elle a duré, on a dépensé les millions, sans songer à rien modifier dans la vieille organisation monarchique de nos impôts et de notre bureaucratie. C’était préparer les difficultés financières. elles sont venues. Les expéditions où va se perdre une grosse part du produit des impôts, des travaux publics productifs, mais chèrement entrepris, et peut être plus coûteux encore depuis qu’on a passé avec les grandes Compagnies l’acte dont le prétexte était de soulager nos ressources, ont ouvert un large vide, qu’on songe à combler par des charges nouvelles imposées aux contribuables. Il faut faire des finances de l’Etat l’image de la démocratie, régler les dépenses, fonder l’équilibre du budget, nécessaire à la prospérité du pays sur des chiffres sincères, réformer le système suranné de nos impositions, légères aux riches, lourdes aux pauvres, notamment par l’impôt sur le revenu, et réviser les contrats qui ont livré en pure perte à l’ol garchie financière les routes commerciales de la France et les tarifs de transports, conditions de son travail.
- On est étonné d’avoir â réclamer, après neuf ans, l’abolition dn suffrage restreint. vOn est pins étonné encore d’avoir à la réclamer après une première révision. La souveraineté du suffrage universel se confond avec la République : on ne peut contester l’une sans renier l’autre. Si nous pouvions l’oublier, des réformes, ou repoussées, ou mutilées, ou indéfiniment retardées, et des conflits incessants, sous un régime ou nul n’a le droit d’entrer en conftitavec la volonté nationale, se chargeraient de nous rappeler que le mode de scrutin introduit dans nos lois constitutionnelles par les monarchistes contre le pays y figure encore. Il faut, en rendant le suffrage universel maître chez lui établir le principe primordial de toute République et la condition première des autres réformes.
- Nous avons triomphé au cri : « Guerre au cléricarisme ! » La lutte contre les envahissements de l’Eglise divisait les républicains d’avec les partis du passé ; mais elle unissait dans une pensée commune toutes les fractions de la démocratie. L’Eglise n’a pas changé ; elle est encore ce qu’elle était, quand au Seize-Mai et au Vingt-Quatre-Mai, elle conduisait la coalition monarchique. Il faut reprendre la tâche interrompue ; uiais la reprendre sur le seul terrain véritablement républi-
- cain. C est défier l’histoire et le sens commun que de représenter, comme nécessaire à la démocratie, le Concordat inventé par Bonaparte pour préparer l’Empire. Il faut assurer, par la séparation de l’Eglise et del’Etat, laliberté de conscience et le caractère laïque des sociétés modernes.
- La Chambre actuelle avait reçu le mandat formel d’achever l’organisation de l’armée nationale, les élus de 1881 avaient promis de réduire le service à trois années et de supprimer radicalement sous toutes ses formes,volontariat ou exemptions, le plus justement odieux de tous les privilèges, celui quiporte sur l’impôt du sang. Cette œuvre n’est pas accomplie : des ajournements incessants l’ont arrêtée devant la Chambre, les délibérations du Sénat la feront encore traîner au delà de la législature actuelle ; il faut qu’elle soit achevée dès le début de la prochaine législature.
- Enfin, la République ne serait qu’un mot si elle n’introduisait dans ce monde plus de justice pour ceux qui sont désarmés par la fortune dans la lutte pour la vie. Il faut qu’ils comprennent, par des réformes efficaces, qu’en conquérant le droit de vote, ils ont conquis un instrument de progrès qui écarte à jamais les moyens de violence.
- Assurément, nous aurions beaucoup d’autres points à indiquer, si nous voulions passer en revue toutes les réformes qui nous sont chères, et que le suffrage uuiversel inscrira dans les mandats électoraux. Il reste tant à faire pour introduire les principes de la Révolution française dans l’Etat de choses que nous a légué la monarchie, dans les lois sur les asso-> ciations, à qui il est grand temps d’assurer la liberté si longtemps promise, tout en abolissant la propriété de main-morte qu’on essaie en vain d’abriter de son nom ; dans l’instruction, que la République doit ouvrir à tous d’une façon plus large, pour donner à l’Egalité sa plus précieuse consécration ; dans l’organisation municipale, qui attend encore les mesures de décentralisation propres à fonder l’unité française sur les libertés locales, et dans l’organisation judiciaire, où il faut réduire les frais de justice, où l’on ne peut croire qu’on ait accompli la véritable réforme républicaine, tant qu’on s’est borné à changer les hommes sans changer les institutions.
- Ce sont là des réformes nécessaires, que nous ne pouvons renoncer à soumettre à la Chambre prochaine. Mais nous n’avons pas la prétention de dresser les cahiers de 1885. Ce sera l’œuvre des comités et des électeurs. Il nous suffit ici de déterminer le minimum de points communs nécessaire pour faire, de l’accord entre des hommes de nuances différentes, autre chose qu’une apparence passagère ; cinq on six idées dirigeantes, assez nettes pour caractériser une politique, et assez larges pour grouper le plus grand nombre de bonnes volontés diverses.
- Nous entendons en faire, non l’ornement d’un drapeau électoral, ou l’objet d’un vain acte de foi, mais un programme d’action destiné à être réalisé sans ajournement, sans faux-fuyants et sans défaillances.
- La politique ne comporte pas les opinions platoniques. Se prononcer sérieusement pour une réforme, ce n’est pas dire qu’on la juge bonne pour les siècles futurs : c’est dire qu’on veut l’appliquer. Rien n’est si funeste que les professions de foi qu’on se réserve de représenter le lendemain de l’élection, comme des actes de respect à l’égard d’opinions impraticables. Elles détruisent dans le pays le bon renom de ses mandatai-
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- LE DEVOIR
- res, l’autorité des Chambres et la confiance dans le bulletin de vote. Il est temps d’aboutir. Le travail qu’un spectacle si décourageant opère à la longue dans les esprits serait p lus dangereux pour nos institutions de liberté que les attaques violentes de nos adversaires. Il appaitient aux électeurs de chercher les hommes qui par leur passé, donneront des garanties de cette fidélité au mandat, qui est la première des vertus républicaines. Quant à nous, nous déclarons qu’il est urgent de se mettre à i’œuvre pour opérer les réformes suivantes :
- 1® Condamnation de la politique d’aventures et de con-qnêtes;
- 2° Réforme constitutionnelle. Souverainet é absolue du suffrage universel ;
- 3° Réforme financière. Equilibre du budget : impôt sur le revenu ; réduction des dépenses; révision des .conventions et des tarifs de transports ;
- 4° Séparation des Eglises et de l’Etat ;
- 5° Réduction du service militaire ; suppression de l’exemption des séminaristes et du volontariat d’un an ;
- 6° Lois de protection et d’émancipation du travail.
- ACHARD — BAR0DET — BEAUQUIER — BELLOT — BIZABELLI— BOUDE VILLE —BOURNEVILLE — BOYS-SET — BRELAY — BRIALOU — BROUSSE — CANTA-
- grel — carret (Savoie) — chavanne (Loire) —
- CLÈMEMGEAU — COURMEAUX — DAUMAS — DELATTRE — DESMONS — DOUVILLE-MAILLEFEU — DU-CHASSEINT — DUBOIS (Côte-d’Or) — DUPORTAL — FARCY — FOREST—ANATOLE DE LA FORGE— FRAN-CONIE — FRÉBAULT — GAGNEUR — GAILLARD — GALTIER — GIARD — GIRODET — GRANET — DE HEREDIA — HÉRISSON (Nièvre) — CLOVIS HUGUES — LAGOTE — DE LA CRSTELLE — SIGISMOND LACROIX — LAFONT — LAGUERRE — LAISANT — DE LANESSAN — LAPORTE (Nièvre)— DE LA PORTE — LASBAYSSES—LECONTK(Indre) — LEFEBVRE(Fonfcai-nebleau)—ERNEST LEFÈVRE — LEPÈRE— LEPOR-CHÉ—'LESGUILLIER—LEYDET— L0CKR0 Y — L0RAN-GHET — MADIÈR-MONTJAU — HENRY MARET — MATHIEU-MAUREL (Var) — MONTEILHET — NADAUD (MARTIN)—PAPINAUD—-PELLETÂN— PÉRIM(gEORGE) —PEYTRAL — P0CH0N— PRÉVERAUD — RASPAIL— REMOIVILLE—TONY RÉVILLON—RIVIÈRE — ROQUES (fiLHOL)—SALIS—SIMONNET—SAINT- MARTIN (V au-Cluse)—TURIGNY—VERNHES—VERNIÈRES — VILLE-NEUVE.
- Neuf millions pour cinq.
- Chacun sait que d’après les partisans de la politique coloniale, la Cochinchine est notre entreprise de colonisation la mieux réussie.
- 11 y a plus de vingt ans que nous possédons cette colonie. On sait ce qu’il a fallu d’efforts, de sang, d’argent pour la conquérir. Eh bien, tous les ans, nous payons, pour la garder militairement, une somme variable qui peut aller jusqu’à neuf millions et demi.
- Et combien y vendons-nous de nos produits?
- Quatre à cinq millions à peine.
- Que diriez-vous d’un commerçant qui donnerait neuf mille francs à un client pour obtenir que ce client lui achète cinq mille francs de produits, sur lesquels il aurait peut-être un millier de francs de bénéfices ?
- Donner neuf mille francs pour en gagner mille, ou payer neuf millions pour vendre cinq millions de marchandises, ce serait un acte commercial de démence pure.
- C’est pourtant là ce que les opportunistes appellent « la politique des débouchés commerciaux » .
- La France ne s’y laisse plus prendre. On a beau lui faire miroiter des traités de paix pleins de promesses : elle sait combien ils lui ont coûté et combien ils lui coûteront encore! Et elle voudrait bien qn’au lieu d’aller faire le bonheur des habitants du Tonkin, on s’occupât davantage de celui des Français !
- 17œe CONGRÈS
- DES COOPÉRATEÜRS ANGLAIS
- i
- Nous avons donné dans le Devoir en date du 17 mai, page 330, le programme des travaux du congrès des coopérateurs anglais qui a eu lieu à 011-ham les 25, 26 et 27 mai dernier.
- Le nombre des délégués à ce congrès était de 550, chiffre le plus élevé qui ait encore été atteint. Nous trouvons parmi les noms des délégués ceux de quelques-uns de nos meilleurs amis : MM. Neale Greening, Greenwood, etc., etc.
- Le discours d’ouverture fut prononcé par M. Lloyd Jones, une des personnalités les plus éminentes parmi les chefs du mouvement coopératif anglais et l’un des plus anciens lutteurs en faveur de la cause.
- Nous relevons dans ce discours les points suivants qui nous paraissent les plus intéressants pour nos lecteurs :
- Discours de M. Lloyd Jones
- « Sans rechercher si le succès du mouvement coopératif a été aussi grand qu’il aurait pu l’être, constatons qu’il a été des plus remarquables.
- » En 41 ans, les coopérateurs qui ne comptaient au début que les 28 pionniers de Rochdale se sont élevés à 700.000, la plupart chefs de familles. Cel accroissement est déjà un fait des plus considérables et des plus encourageants, mais il apparai sous un jour vraiment extraordinaire, quand oi songe qu’il signifie aussi : accroissement des habitudes de prévoyance et régularité générale de con duite.
- » Vous avez non-seulement vaincu l’inertie de grandes masses de travailleurs et rallié à vouscôu-qui, dès l’abord, avaient montré peu d’intérêt P°u
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- LE DEVOIR
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- e progrès moral et social, mais vous avez agrandi le champ des pensées populaires, et prouvé la puissance de l’union dans la discipline.
- » Nous pouvons aussi proclamer comme caractère distinctif de l’œuvre dans laquelle vous êtes engagés que, jamais, vous n’avez conseillé à ceux qui souffrent de se contenter de leur condition. Au contraire,vous vous êtes fait un devoir de les exciter non contre les prétendus arrangements et décrets de la Providence, mais contre la sottise et l’injustice d’un état de choses dont les hommes repoussent volontiers la responsabilité en l’imputant aux décrets providentiels.
- » Pour maintenir et développer l’unité de ce grand mouvement, il faut aujourd’hui donner une attention spéciale à l’établissement d’un système effectif d’instruction coopérative.
- » J’attache sous ce rapport la plus grande importance aux conférences régionales. Elles cultivent la pensée, propagent les résultats de l’expérience, et multiplient entre les membres les causes de relation et d’amitié ; ce qui est d’une valeur inestimable pour le progrès de notre mouvement.
- » L’étude des discours prononcés à ces conférences et des discussions qui les suivent m’apparaît également comme un des plus féconds moyens d’étendre et développer le véritable esprit de la coopération. . . . . ..........................
- >, Parmi les points dont il faut bien nous rendre compte, j’ai à signaler l’urgence qu’il y a de rémunérer les capacités pour ce qu’elles valent. Il est de première nécessité que les personnes employées dans le mouvement coopératif soient traitées chacune selon sa fonction, non-seulement avec confiance et respect, mais aussi en générosité.
- » Rienn’estsi essentiel au succès de nos entreprises que l’habileté et l’intégrité personnelles. Tous nos efforts doivent donc tendre à donner au vrai mérite sa vraie place.
- » Ceci sera mieux apprécié si nous allons au fond de l’idée coopérative.
- » La Société coopérative pour le débit des denrées d’usage journalier est le point le plus élémentaire de notre œuvre. Son développement logique doit être la constitution d’un véritable système de consommation coopérative.
- » Le comptoir de vente est un endroit où l’espèce, la qualité et la quantité de chaque article consommé est enregistré. Les achats sont faits partout où les directeurs de magasins le jugent
- convenable. Je ne m’arrête pas à la façon dont les choses se passent actuellement ; je veux arriver à la coopération productive et à notre devoir envers elle.
- » La Société coopérative de production est plus difficile à organiser que la Société coopérative de vente des produits. Celle-ci trouve en elle-même son capital et sa clientèle. Av ec une organisation facile aujourd’hui à bien installer, elle est indépendante du public extérieur et se développe vigoureusement.
- » Au contraire, la Société coopérative de production n’a pas de marché assuré, elle doit, à son corps défendant, se faire place sur les marchés ordinaires et tout se dresse en obstacle devant la nouvelle venue.
- » Cependantlanécessité desSociétéscoopératives de production s’impose. Aussi ne cesseront-elles pas d’être expérimentées jusqu’à ce qu’on leur ait fai t obtenir au tant de succès qu’aux Sociétés coopératives de consommation.
- » Nul plan n’a encore reçu la sanction de l’approbation générale dans lesexpériences de production coopérative, tentées jusqu’ici sous l’autorité du bureau central.
- » Crumpsall Works, Leicester et Heckmond-Wike, manufactures de bottes et de souliers, sont des établissements coopératifs, puisqu’ils ont été organisés par le corps coopératif et pour répondre aux demandes de magasins tenus en coopération, mais les rapports ordinaires entre l’ouvrier et le chef d’industrie n’y ont pas été changés. Les ouvriers reçoivent le prix courant des salaires et rien de plus.
- » Ces établissements ont prouvé la puissance de l’association pour le développement des affaires commerciales, mais on ne peut dire qu’ils aient prouvé la praticabilité de quelque plan nouveau et plus équitable pour régler les droits relatifs du travail et du capital, dans le partage des bénéfices de la production.
- » L’énorme accroissement de notre puissance productive, l’extension de notre commerce à l’étranger, l’augmentation considérable de notre capital dans notre propre pays,et la presque impossibilité de trouver pour ces fonds des placements avantageux, nous font une nécessité absolue de trouver de nouvelles conditions de vie industrielle.
- » Si, malgré cela, nous éprouvons une certaine
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- répugnance à user de nos capitaux, même dans une proportion modérée, pour activer l’organisation de la coopération productive, n’est-ce pas fournir nous-mêmes la preuve de notre manque de foi dans nos propres principes ?
- » Le capital qui nous embarrasse aujourd’hui a été produit par la coopération. Il est le fruit de l’idée coopérative. Sans celle-ci, celui-là n’existerait pas dans les mains qui le détiennent actuellement.
- » A qui donc incombe-t-il réellement de relever de sa première chute la coopérative de production, si ce p’est à ceux qui bénificient des avantages du principe de la coopération ?
- » Sur quels fonds la coopération de production devra-t-elle compter pour son développement graduel, naturel et nécessaire, si ce n’est sur ceux tirés de la coopération même, et passés aux mains des hommes qui doivent le mieux comprendre leur plus vrai et plus légitime usage ?
- » L’idée de la coopération productive nepeutpâs être traitée avec indifférence. Le plus grand nombre de nos coopérateurs sont des ouvriers et, par conséquent, les rapports entre le travail et le capital sont pour eux d’un intérêt vital.
- » Aussi intéressés que nous à la question sont les membres des Trades-Unions, coopérateurs pour un grand nombre. Le but des Trades-Unions est de sauvegarder les intérêts du travail et généralement d’améliorer la condition du travailleur. Les Trades-Unionistes sont donc les alliés naturels des coopérateurs et, bien qu’on ne doive pas attendre d’eux qu’ils risquent imprudemment dans les coopératives de production les fonds actuellement souscrits chez eux pour d’antres projets, les Trades-Unionis-tes n’en doivent pas moins prendre ouvertement, méthodiquement et résolument un intérêt actif dans le mouvement coopératif.
- » Depuis la motion faite en 1874,au congrès d’Halifax, pour la représentation mutuelle des Coopérateurs et des Trades- Unionistes à leurs congrès respectifs, ces deux grands corps ont été régulièrement représentés, l’un auprès de l’autre, à l’époque de leurs congrès. Rien n’est encore résulté de cette mesure parce que ni les Coopérateurs, ni les Trades-Unionistes ne sont arrivés à comprendre ce qui est à faire et par où commencer.
- » Il serait trop long d’indiquer,même sommairement,les points nombreux où ces deux grands corps pourraient développer leurs intérêts mutuels. Disons cependant qu’il n’en coûterait pas beaucoup à chaque Trade-Union du royaume de dresser, par
- exemple, un mémorandum établissant le nombre de ses membres, la moyenne des salaires, le capital requis pour l’établissement d’un atelier de mo-yennne taille,le nombre des hommes employés dans un tel atelier, le capital nécessaire au roulement des opérations, et d’ajouter, entre autres informations, les idées du personnel au point du vue de l’adoption des principes coopératifs.
- » Ce ne serait pas non plus une chose difficile d’avoir,au bureau central de la fédération coopéra-tive^ne liste des articles vendus pouvant être produits coopérativement, et de constituer un corps consultatif désigné par les Trades-Unionistes et par les Coopérateurs, avec charge de déterminer, après enquête, où et comment la production coopérative pourrait être instituée, en vue d’approvisionner les Sociétés coopératives de consommation.
- » Sans doute,dans ces entreprises,il serait à propos d’adop ter des plans sérieux,consciencieusement étudiés. Or, les succès des expériences deLeclaire à Paris et de Godin à Guise sont suffisamment remarquables pour donner toute confiance à qui
- saurait imiter ces initiateurs...............»
- M. Lloyd Jones passe, ensuite, auxremarquables Sociétés coopératives très nombreuses à Oldham, et fondées sur le principe des Sociétés par actions.
- 70 à 80 fabriques, dans le district seul, appartiennent à des ouvriers. Les coupures d’actions sont 5 livres (125 francs).
- L’orateur,après avoir reconnu la bonté de la mesure par laquelle les actions ont été réduites à 125 fr., afin de permettre à l'ouvrier un placement facile et lucratif de son épargne, ajoute :
- « Je préférerais de beaucoup, néanmoins, voir reconnaître à l’ouvrier, en sa qualité même de travailleur, un droit sur les bénéfices. A Oldham c’est comme actionnaire qu’il intervient en fin d’année dans la répartition des fruits delà production,cela vaut mieux,certes,que de ne rien recevoir du tout, et c’est l’avantage du système si florissant ici.
- » On peut dire, en outre, que les hommes du district d’Oldham ont prouvé qu’il n’y avait pas de bonne raison à faire valoir contre la production coopérative. En effet, leurs fabriques sont montées par des ouvriers; ce sont des ouvriers qui ont fourni les capitaux, ce sont eux qui désignent le per' sonnel dirigeant dans toutes les branches des ope' rations, et cela sans désordres ni insuffisance d’aucune sorte, avec honnêteté, intelligence, esprit de discipline et toutes autres qualités nécessaires pour placer ces entreprises au niveau le plus élevé du
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- succès commercial. L’importance de ce résultat est immense, en ce qu’il donne à la masse du peuple confiance dans son habileté lorsqu’elle veut unir ses forces pour l’obtention d’un but intéressant le bien-être général. »
- Le discours deM. Lloyd Jones, écouté avec l’attention la plus marquée, n’est interrompu que par des applaudissements.
- (4 suivre.)
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- Election partielle tous les ans
- LXXXI
- Le mandat à long terme est une cause de dépravation des mœurs politiques. Le député ou l’élu à un titre quelconque dont le mandat dure plusieurs années, sans avertissement possible de la part des électeurs, est souvent conduit a faire de son mandat métier et marchandise. ,
- —---------—------------------------------
- Faits politiques et sociaux de la semaine
- FRANCE
- La Chambre. — Les débats sur le budget ne manqueraient pas d’étre réjouissants, si les intérêts majeurs du pays n’étaient en jeu. Les politiciens d’opposition s’escriment à dénoncer au peuple, résolu à ne rieu "voir, les embarras financiers du gouvernement. Les membres de la majorité observent un silence prudent de peur de laisser paraître leurs secrètes inquiétudes. En réalité le budget n’est pas défendable parce qu’il est basé sur un système financier qui a fait son temps. Pour peu qu’on continue de la sorte, on trouvera la culbute financière au bout des emprunts.
- * *
- Renseignements coloniaux—M. Camille Pelle-tan,dans un article sur « les lettres sur la politique coloniale » de M. Yves Guyot, cite le fait suivant qui lui est personnel.
- On a dépensé nos millions, on a versé le sang de nos soldats pour conquérir la Tunisie. On nous a dit : Quel champ offert à notre commerce ! Quelle source de prospérité ! L’an dernier j’ai eu (moi le premier), la curiosité de savoir quel était, depuis la conquête, notre commerce avec la Tunisie ; j’ai fait le possible et l’impossible, je n’y suis pas arrivé.
- J’ai fouillé les statistiques du ccmmerce français : il n’y a que trois pays sur le globe dont les statistiques s’obstinent à nous laisser ignorer le commerce avec la France: le Maroc, la Tripolitaine et la Tunisie.
- J’ai fouillé la collection des rapports de nos consuls ; ils nous tenaient au courant du commerce tunisien..., avant la conquête..., ils ont cessé depuis.
- J’ai consulté le gouvernement. Je me suis adressé, sous le dernier cabinet, successivement au sous-secrétaire d’Etat des finances, qui avait des douanes dans ses attributions, et au Ministre du commerce, tous deux ont fait faire des recherches
- et m’ont déclaré qu’ils n’avaient aucun document à ce sujet.
- Ainsi, même dans l’administration, personne ne s’est préoccupé de savoir ce qu’était ce débouché tunisien qui nous coûte si cher ?
- BELGIQUE
- Représentation proportionnelle.
- Le congrès pour la représentation proportionelle des minorités, qui devait siéger à Anvers les 17 et 18 août, se réunira les 7, 8 et 9 août. Voici le texte des questions qui seront soumises à l’Assemblée :
- A. Le système électoral actuel et ses résultats ;
- B. Le principe de la réforme, son importance ; examen des objections qu’il soulève ;
- G. Historique des tentatives de réforme dans les deux mondes ;
- D. Etudes d’un système pratique ; exposé, expérience e discussion du système D’Hoult.
- Le rapport sur la première question sera l’œuvre de M. Thomas Hare ; le rapport sur la deuxième sera présenté par M. Ernest Mo ville, et le rapport sur la troisième sera dû à la plume de M. G. Picot. Quant au -rapport de la quatrième, il aura pour auteur M. D’Hoult.
- AUTRICHE-HONGRIE
- Agitation ouvrière.—On écrit de Vienneau Rappel:
- A peine sommes-nous sortis des agitations électorales, que d’autres difficultés menacent de troubler assez sérieusement l’ordre public.
- Il ne s’agit pas de Vienne, cette fois, mais d’événements qui se passent à Brünn, que certains appellent un peu ambitieusement le Birmingham autrichien. En vérité, la capitale de la Moravie est, depuis une centaine d’années, un centre manufacturier très actif, et son importance a grandi au fur et à mesure que les voies ferrées et les moyens de commuuication se sont développés. Naturellement, il existe à Brünn une population ouvrière très nombreuse et qui, jusqu’à présent, se contentait de salaires très modestes qui permettaient aux fabricants autrichiens de lutter contre la concurrence étrangère. Cette population, en y comprenant les femmes, qui, pour la plupart, sont également employées dans les usines, compte 25 à 30,000 âmes. Elle est soulevée aujourd’hui et est en pleine révolte.
- C’est par une question de salaire que le conflit a débuté, et, coïncidence curieuse, peu de temps après la promulgation de la loi du Parlement qui fixe une durée normale aux heures de travail et proclame obligatoire le repos du dimanche ; c’est le lendemain du jour où cette loi, due aux tendances socialistes d’une partie de la députation du Reichsrath, a paru dans la Gazette officielle, que les discussions ont commencé entre les délégués de différents groupes ouvriers et quelques usiniers. L’accord n’a pu s’établir ; une partie des ouvriers a proclamé la grève et a manifesté l’intention d’empêcher les camarades dissidents de travailler. Des attroupements se sont formés, des chants et des cris ont été proférés. Tant que les ouvriers s’en sont tenus là, les autorités ne sont pas intervenues, bien que les patrons l’aient demandé.
- En somme, il y a eu plus de bruit que de mal, mais au-
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- Jourd’hui la grève est à peu prés générale, la plupart des manufacturiers ayant déclaré de leur côté qu’ils fermeraient leurs fabriques plutôt que de subir les conditions qu’on voulait leur dicter.
- Le gouverneur de la Moravie, obéissant aux ordres de Vienne qu’il a reçus, s’est interposé entre les fabricants et les ouvriers. Il reçoit les députations des uns et des autres et tâche, si cela est possible, de rétablir la paix.
- Mais on croit que ce sera long et difficile.
- ANGLETERRE
- L’industrie. On lit dans un rapport présenté au gouvernement anglais par un des inspecteurs du travail dans les manufactures :
- Depuis le printemps dernier, des milliers d’ouvriers ont été renvoyés des chantiers maritimes du Nord-Est de l’Angleterre et de l’Ouest de l’Ecosse. Dans le Nord-Est de l’Angleterre, la spéculation en armement de navires était devenue une vraie manie et les pertes qui s’en sont suivies ont eu une influence très déprimante sur les affaires du district en général. L’industrie des fers en Ecosse, dans le Cumberland et dans le Nord-Est peut être considérée comme étant dans un état des moins satisfaisants. D’après les dernières statistiques de cette industrie, sur 929 hauts-fourneaux dans la Grande-Bretagne, il n’y en a dans ce moment que 452 en activité.
- Plus loin il ajoute, quant aux industries textiles :
- Les rapports des diverses parties de mon district ne s ont pas encourageants. Il y a plainte universelle que jamais les affaires n’ont laissé si peu de bénéfices, bien que les ouvriers continuent à être passablement occupés. Parmi les filatures de jute et de lin on a été exceptionnellement inoccupé et la population ouvrière de Dundée où sont situées ces industries a souffert considérablement. Heureusement, les privations du peuple ont été atténuées grandement par le bas prix de la nourriture et des autres nécessités de l’existence. A aucune époque de la génération présente, on n’aurait pu se les procurer pour moins d’argent.
- L’Angleterre n’est pas en République, que nous sachions. On voit ce que valent les allégations des monarchistes relativement à l’influence de la forme du gouvernement sur la marche du commerce et de l’industrie.
- Dotation de la princesse Béatrice.— L’Association libérale de Birmingham a récemment protesté contre la dotation accordée à la princesse Béatrice et a envoyé le texte de sa résolution aux trois députés de la circonscription en les priant de voter en toute occasion contre toute demande tendant à voter des sommes d’argent au profit des membres de la famille royale.
- M. Bright, un des trois députés de Birmingham, a répondu à l’Association que s’il se fût trouvé à la Chambre des communes lorsque le crédit de 6,000 livres pour la princesse Béatrice a été proposé, il eût voté avec le gouvernement. Il fait remarquer que la princesse Béatrice est aujourd’hui la seule fille de la Reine qui ne soit pas mariée, et que la nation ne peut pas se montrer moins généreuse envers elle quelle ne l’a été pour ses soeurs.
- Le Royaume-Uni possède aujourd’hui sept millions de
- familles : la part contributive de chacune d’elles dans cette dotation n’atteint donc même pas un farthing (deux centimes et demi) ; au point de vue de l’économie, le rejet de la dotation eût, dit-il, été indigne d’une grande nation comme l’Angleterre.
- M. Bright s’étonne d’autant plus des quelques protestations soulevées par le projet de dotation que l’Angleterre engloutit des millions dans ses guerres sans qu’une voix s’élève contre cette catégorie de dépenses. Il fait remarquer que depuis l’avénement de la reine Victoria, c’est-à-dire depuis environ un demi-siècle, l’Angleterre a dépensé plus de 300 millions de livres (sept milliards et demi de francs) en aventures militaires inutiles et injustes, et dont les contribuables ont, dit-il, fait les frais sans presque jamais murmurer.
- BAVIÈRE
- Les embarras financiers du Roi.—Les journaux allemands raconten t une piquante histoire quiatrait aux embarras financiers du roi de Bavière. On sait que le roi Louis II est un amateur passionné de musique, de théâtre, de constructions, et ses goûts coûtenx ne peuvent se satisfaire sans amener une crise permanente dans sa cassette particulière. Celui qui apporte un remède à une situation toujours embarrassée est assuré de la faveur royale, jusqu’au moment où ses efforts deviennent infructeux. On a vu se succéder toute une série de conseillers de cabinet, qui ont fait la plus rapide carrière et qui ont disparu avec autant d’imprévu.
- M. Pfister, par exemple, a remplacé M. de Burkel à un moment où il fallait consolider la dette du roi et réunir en une seule main une foule de créances courantes. La seule issue, c’était de contracter un grand emprunt. M. Pfister conclut une avance de 40 millions de francs avec la Banque hypothécaire bavaroise, à condition qu’il serait amorti par an 1 million de francs de la dette en prenant cette somme sur le revenu de la liste civile, et cela avec le consentement et la responsabilité solidaire du prince Léopold, l’aîné de la maison royale de Bavière, et avec le concours des autres membres de la famille.
- La banque en question est un établissement fort bien dirigé et qui a pris, comme on voit, des précautions. L’arrangement ne plut guère au roi, qui se voyait privé d’un million par an ; la menace de la retraite de M. Pfister put seule vaincre les résistances et les répugnances dn souverain.
- M. Pfister ne tardra pas à être mis en disponibilité; et le factotum du roi, M. Horning, dut se mettre en quête d’un intendant plus habile. On crut le découvrir dans la personne d’un capitaine en retraite, fils d’un ancien ministre, M.Gresser. Les 10 n illions de francs ne durèrent pas longtemps et furent bientôt épuisés. Pour trouver de nouvelles ressources, on s’adressa à deux personnes de Hambourg, dont l’une est agent d’une Compagnie d’assurances américaine. A titre d’encouragement les deux Hambourgeois reçurent la croix de chevalier pour le mérite et la lre classe de Saint-Michel, deux distinctions très recherchées en Allemagne. Les deux nouveaux chevaliers promirent de trouver l’argent ; mais le mode qu’ils suggérèrent, émission d’obligations royales, n eut pas la chance d’être approuvé à Munich ; leur plan abandonué et S. M. Louis II est tout aussi embarassé.
- fut
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- le devoir
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- la délégation parisienne
- Pour compléter nos réflexions sur le travail des délégués parisiens au Familistère, il nous reste à exposer comment nous comprenons l’amélioration du sort des travailleurs et l’émancipation générale de l’être humain.
- Dans le groupe premier le Familistère, groupe qui est l’unité dans le régime de l’association, il est nécessaire de laisser à l’individu une part des bénéfices, qui se traduit pour chacun par un certain nombre de possibilités de vivre plus à sa guise. Nous ne reviendrons pas sur les circonstances créées par le milieu et sur les arguments théoriques qui expliquent les inégalités dans la répartition.
- Au lieu de chicaner sur la manière de répartir le total des revenus concédés au travail et au capital, il est préférable de s’arrêter aux deux grandes divisions de la répartition qui sont les caractéristiques de l’association familistérienne.
- Les bénéfices de l’association peuvent être considérés comme divisés en deux catégories ; la première comprenant les fonds distribués aux individus capitalistes ou travailleurs ; la deuxième composée des' prélèvements en faveur des institutions sociales, telles que les réserves, et les services de Mutualité.
- Si les délégués parisiens avaient étudié la question sous son véritable aspect, ils auraient compris que la valeur de l’association familistérienne réside surtout dans la large part attribuée aux prélèvements de la deuxième catégorie, car, c’est de leur importance que dépend la solidité des institutions destinées à garantir les individus contre l’esclavage de la misère et de l’ignorance.
- Les prélèvements en faveur des institutions garantîtes sont largement pourvus au Familistère ; chaque année leurs fonds de réserves augmentent de plus de 100,000 fr., bien que des dépenses annuelles soient toujours supérieures à cette somme.
- Le budget de ces institutions n’est pas soumis aux aléas des mauvaises années, il s’élève en raison de l’importance des salaires et des bénéfices ; il n’est pas réduit au-dessous de son niveau normal, si ces mêmes bénéfices descendent au-dessous de la moyenne.
- Les versements aux institutions garantistes sont faits avant toute distribution des revenus ou des dividendes soit au capital soit au travail.
- Les excédants des recettes sur les dépenses cons-
- tituent des réserves considérables, elles sont déjà de 700,000 fr. De là résulte un accroissement incessant des revenus de la communanté à la jouissance desquels chaque membre de l’association, nouveau ou ancien, manœuvre ou ingénieur, a un égal droit dans les cas prévus par les statuts.
- D’autre part le total des fonds acquis par la communauté elle-même, en cinq années, n’est pas moindre de deux millions; cette propriété commune, dont jouit égalitairement tout familistérien est destinée à croître chaque année et à augmenter proportionnellement la sécurité de chacun.
- N’est-ce pas là un fait nouveau, immense par ses conséquences, devant lequel disparaîtraient les critiques soulevées contre la répartition proportionnelle, si elle n’était justifiée par les considérations précédemment émises.
- La répartition individuelle, égalitaire ou autrement, est sujette à toutes les faiblesses de ceux qui la reçoivent; les prélèvements en faveur des fondations sociales sont à l’abri des risques inhérents aux travers, aux maladies, aux vices des individus.
- Grosses ou petites, les parts des bénéfices remises aux individus formant l’association du Familistère ont été quelquefois détournées de leur but. Les unes ont été dispersées par la débauche, les autres par de fausses spéculations,sans avoir laissé aucune amélioration appréciable dans la manière de vivre de celui qui les avait reçues, dans sa sécurité ou dans celle des membres de sa famille.
- Les uns, quelquefois les plus économes, après avoir acquis par un travail régulier des titres d’épargne pour une somme relativement importante, tentés parles illusions du commerce,ont vendu ces titres pour s’établir épiciers ou marchands de vin; et ceux qui ont agi de la sorte, heureusement peu nombreux, après quelques années d’usure dans le travail incessant du petit patronat, nous les avons vus ruinés se repentir trop tard de ne pas avoir mieux compris les institutions familistériennes ; quelques autres, ne voulant pas quitter le Familistère, ne pouvaient songer à vendre leurs titres d’épargne;ils ont économisé sur leurs autres revenus annuels pour acheter des valeurs de Bourse,qui auraient englouti toutes leuis économies s’ils n’avaient été retenus par le désir de jouir des bienfaits de nos institutions.
- Combien ont été plus efficaces et plus solides les effets des prélèvements en faveur des institutions sociales ! Combien de ménages soustraits à la misère,combien d’enfants et de vieillards vivant heu-
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- reux, qui auraient commencé ou fini péniblement l’existence, si l’on avait laissé tous les bénéfices à la répartition individuelle !
- Ces réflexions que suggère l’observation exacte de la fondation de M. Godin ne sont pas les uniques arguments que l’on puisse invoquer pour démontrer que la répartition individuelle, en général, n’a pas la portée sociale des prélèvements en faveur des institutions garantistes. Nous avons été surpris en constatant que les délégués n’avaient pas insisté sur ce côté de la question.
- L’interprétation rationnelle des institutions du Familistère conduit cependaut l’esprit de l’observateur à apprécier les véritables conditions de l’émancipation de l’être humain, car elle contient la démonstration matérielle de la plupart des erreurs qui égarent les travailleurs dans leurs aspirations vers le bien-être,
- Prenons le compte rendu de l’exercice 1883-1884 publié dans le numéro 319 du Devoir.
- Nous trouvons que la plus-value au bilan a été de 468.009fr.,compris les intérêts du capital, après les prélèvements statutaires, et que les salaires ont atteint le chiffre de 1.814.000 francs. D’autre part nous savons que le nombre des travailleurs occupés a été de 1,400 environ.
- Si nous supposons que ces travailleurs possèdent la totalité des capitaux, nous trouverons que la part totale leur revenant s’élève à 1,814,000 fr.+468,000, soit 2,282,000 fr.
- En faisant une répartition rigoureuse selon la formule égalitaire, la part de chacun serait
- 2,282,000
- 1,400
- = 1,630
- Nous le demandons aux délégués, en est-il un seul qui oserait prétendre que dans de pareilles conditions, l’association conserverait un seul des hommes qui la soutiennent et la fcnt subsister !
- Maintenant, si nous admettons que les salaires sont variables, que l’intérêt du capital reste fixe à S %, nous aurons à repartir 220,000 fr. entre 1,400 individus, soit 156 fr. pour chacun.
- Nous le disons encore aux délégués, une diminution de 25 de 30 de 50 fr. même sur cette somme sera à peine sensible dans les familles de ceux qui la subiront, et nousleur demandons s’ils ne pensent pas que ces réductions accumulées pour créer des situations réservées aux plus capables et aux plus méritants, aient pour effet d’attireret de conserver des concours précieux pour l’association ?
- Nous allons jusqu’à prétendre que la répartition égalitaire ne procurerait à aucun des avantages
- comparables à ceux qu’ils retirent des garanties statutaires.
- Gela revient à se demander si quelques dizaines de francs sont à mettre en balance avec la sécurité que possède chaque Familistérien qui peut se dire: « Que je sois plus ou moins longtemps malade, que je meure, les miens ne manqueront jamais du nécessaire à la subsistance, et j’aurai tous les soins dont je pourrai avoir personnellement besoin. »
- Ces garanties dans les circonstances exceptionnelles ne sont que le complément d’autres faits qui permettent au Familistérien de n’avoir jamais d’interruption dans son travail ; c’est surtout en vue de la continuité d’un travail rémunérateur que s’exercent les capacités dirigeantes qu’on ne doit pas trouver trop payées lorsqu’elles atteignent ce but d’une manière aussi complète que cela arrive dans l’association du Familistère.
- Les répartitions individuelles ne se faisant jamais au détriment des prélèvements en faveur des institutions garantistes, nous pensons que c’est faire œuvre superficielle de critiquer les premières sans exposer les conséquences si positives des secondes.
- * *
- Gomme conclusion nous demanderons aux délégués de réfléchir plus profondément aux conséquences positives du Familistère.
- Ils apprendront à se rendre un compte exact des avantages que procure l’association partielle ; ils apprécieront que, quelque soit la mode de répartition, l’association partielle ne contient pas en elle seule le degré de bien-être auquel aspirent avec raison les travailleurs soucieux de leur émancipation.
- Autant l’association familistérienne augmente le bien-être individuel, autant l’association de groupes familistériens développerait la puissance de chacun d’eux; et ce n’est que dans l’organisation universelle de l’association que le travailleur trouvera la pleine satisfaction de ses besoins et de ses aspirations.
- La répartition des produits du travail se fait dans la société présente d’une manière anarchique comme la concurrence qui domine la production.
- Le problème urgent est de régler cette répartition, ©n la rendant proportionnelle aux concours divers qui prennent part à la création des richesses.
- Lorsque cette règle sera établie, et son commencement est inséparable de l’association, la rémunération des travailleurs ne sera plus soumise a l’arbitraire ; elle suivra constamment une marche
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- progressive, en donnant aux classes laborieuses une part dans tous les progrès que monopolise actuellement les capitalistes.
- Le Familistère, dans la pensée de son fondateur, et dans sa réalité, est une unité sociale contenant dans ses institutions, dans les expérimentations successives dont elle a été l’occasion, de précieux enseignements que les travailleurs ne devraient jamais perdre de vue dans la poursuite de leurs revendications.
- Des calculs irréfutables permettent d’établir que la consommation des classes ouvrières françaises serait augmentée annuellement de trois milliards, si celles-ci jouissaient partout de la même protection.
- Jusqu’à ce jour les classes riches ont tout fait pour organiser le silence sur le Familistère ; lorsqu’elles ont été contraintes d’en parler, elles ont eu généralement recours à la calomnie ou au d éni-grement.
- Que les travailleurs ne commettent pas la faute de se laisser duper par ces manœuvres conservatrices. Qu’ils nous croient lorsque nous leur disons que le Familistère constitue un grand progrès immédiat et qu'il contient en germe tous les facteurs de l’émancipation intégrale de l’être humain. ------------------------------------------------------
- Nouvelles du Familistère.
- La société musicale du Familistère, dans sa dernière réunion, sur une proposition de son directeur, a voté un ordre du jour de remercîments adressés à tous ceux qui ont pris part à la brillante réception dont nous avons parlé dans notre dernier numéro. Nous reproduisons l'allocution de M. Poulain et les termes de l’ordre du jour voté à l’unanimité.
- Messieurs,
- Avant de commencer cette répétition, je tiens à vous remercier de votre conduite, tant au point de vue de la discipline que de la supériorité avec laquelle vous avez exécuté les morceaux au concours de Vanves.
- Ceci vous prouve encore une fois, Messieurs, qu’avec de la persévérance du travail et de la bonne volonté à l’exécution, l’on peut surpasser ses espérances.
- Je suis certain, Messieurs, que vous voudrez bien continuer de montrer que vous êtes dignes du succèsque vous avez remporté et que,pour cela, vos répétitions n’en seront que plus as->dues et plus sérieuses.
- Sur ce, je vous propose l’ordre du jour suivant, concernant N splendide réception qui nous a été faite mardi, tant par les corps constitués de la ville que par ceux du Familistère et par ses vaillants enfants.
- ORDRE DU JOUR.
- La société musicale du Familistère de Guise ne saurait mé connaître qu’elle doit en grande partie ses progrès et ses suc-
- cès aux conditions exceptionnelles que le Familistère procureà tous les groupements ; elle est fière d’un succès qui peut contribuer à 1 agrandissement de la renommée de la puissante institution fondée par M. Godin, auquel elle adresse ses remercîments et ses hommages.
- La société musicale du Familistère de Guise adresse :
- 1° Aux sociétés et compagnies de gymnastique, pompiers, symphonie de la villle de Guise, ses sincères et fraternels remercîments pour la réception toute spontanée qu’elle nous a faite le mardi 16 juin 1885.
- A cet effet un concert sera donné sur la Place d’Armes, le dimanche 21 juin, à 4 heures du soir.
- 2° Aux enfants des Ecoles du Familistère et à leurs maîtres et maîtresses ;
- L’expression de dévouement et de sympathie que nous é-prouvons pour ces jeunes successeurs de notre société, et de cordiale amitié pour leurs maîtres et maîtresses.
- 3° Aux sociétés constituées du F amilistère, archers, gymnastes, pompiers, etc..
- Notre désir de leur être utile.
- 4° A Monsieur Godin, au Conseil de Gérance ; notre promesse que par le travail et nos succès futurs, nous continuerons d'être dignes de l’association qu’ils dirigent et à laquelle nous sommes fiers d’appartenir.
- 5° Aux habitants de la ville de Guise ;
- L’expression de gratitude que nous éprouvons devant leur désintéressement de parti ; devant l’amitié qu’ils nous ont montré et que nous nous efforcerons de leur rendre.
- 6° Aux habitants du Familistère, aux employés et ouvriers de l’Association ;
- Notre désir que cette manifestation atteigne le but tant désiré de la réunion générale de toutes les idées généreuses qui peuvent germer dans cette population, et dont chacun pourra tirer le meilleur profit.
- Afin de conserver le souvenir de cette réception, la société décide d’inscrire cet ordre du jour sur son livre de délibérations.
- Bibliographie.
- Le Spiritisme dans l’antiquité et dans les temps modernes par le docteur Wahu, 1 vol. 5f, librairie de la revue spirite, 5 rue neuve des Petits-Champs, Paris.
- Ce volume, exposé chronologique des divers religions et croyances relatives aux esprits chez les peuples anciens et modernes, s’attache surtout à montrer que le fond de toutes les religions est un : la charité humaine, c'est-à-dire l’affection des êtres humains les uns pour les autres, et qu’à toutes les époques les hommes ont, d’une manière ou d’une autre, rendu hommage à un Etre suprême considéré par eux comme l’organisateur de tout ce qui est.
- Il passe en revue les plus anciennes religions connues, la philosophie védique, le Brahmanisme et ses légendes, le Bouddhisme, les doctrines deZoroastre, celles deLao— Tseu, de Confucius, etc.,etc., puis arrive au christianisme et passe au Spiritisme moderne envisagé au point de vue de la rénovation religieuse et sociale.
- Nous lisons dans les premières pages du volume les
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- passages suivants qui nous semblent très propres à indiquer la valeur de l'ouvrage et à en recommander la lecture à chacun :
- « Il faut aujourd'hui presque du courage pour déclarer » qu'on croit en Dieu, — en un Dieu un et à l’immortalité » de l’âme, parce que ceux qui font une pareille déclara-» tion sont presque toujours suspects de catholicisme et » par conséquent de jésuitisme.
- » Quant à la croyance aux communications que nous » pouvons avoir avec les esprits,c'est-à-dire avec lésâmes » de ceux qui nous ont précédé dans la tombe, il faut éga-t> lement presque du courage pour avouer qu’on a adopté » cette doctrine, qui cependant n'est nouvelle que pour » ceux qui n’ont pas un peu fouillé l'antiquité.
- » Et pourtant c'est chez les deux peuples les plus po-» sitifs et les plus sérieux—les Anglais et les Anglo-Amé-» ricains — que la doctrine spirite a tout d’abord fait le » plus de prosélytes. Et pourtant aussi, à l’inverse de ce qui » se passe généralement, c’est parmi les hommes instruits » que cette philosophie religieuse a été acceptée avec le » plus d'empressement et de conviction. Et il y a aujour-» d'hui des hommes de position sociale élevée et de re-» marquable intelligence, des hommes qui ont un nom » dans la science et dans les lettres, qui après s’étre don-» né la peine d’étudier, sans idée préconçue, les phé-» nomènes spirites, ont acquiescé à la doctrine.
- » On peut citer en France : MM. Flammarion, Char-» les Lomon, Eugène Nus, Fauvety, auxquels on peut » ajouter d'illustres morts : Alexandre Dumas père, Eu-» gène Sue, George Sand, Delphine Gay (Mme de Girar-» din) et aussi Jean Reynaud, etc.
- » En Angleterre : MM. Varlay, membre de la Société » de Londres ; William Crookes, membre delà même » Société, qui récemment a découvert Vétat radiant de la » matière, et qui, par son livre : « Recherches sur le » spiritualisme a donné la preuve Absolue de la possi-» bilité des apparitions d’esprits ; Wallace, le célèbre » naturaliste ; Mongeon, le président de la Société mathé-» matique de Londres; Barret, professeur de physique au » collège Royal des sciences de Dublin ; Robert Cham-» bers, un des publicistes les plus renommés d’Angleter-» re ; Gox, le jurisconsulte éminent; Huggins,de la Socié-» té royale d’Angleterre, etc.
- » En Allemagne, le célèbre Zollner.
- » En Espagne, feu Ramon de laSagra, membre corres-» pondant de l'institut de France,savant naturaliste, auteur » de nombreuses publications scientifiques.
- » Les Journaux et Revues spirites étaient, au 10T » Janvier 188L, au nombre de quatre-vingt-sept, dont les » principaux sont publiés en France, en Italie, en Belgi-» que, en Angleterre, aux Etats-Unis, en Allemagne, au » Brésil, à Buenos-Ayres, en Espagne et dans plusieurs » des anciennes colonies Espagnoles de l’Amérique du » Sud. Il paraît même un journal spirite en Australie » (Melbourne.)
- » Victor Hugo, qu’on peut mettre au nombre de ceux » qui ont adopté les idées spirites, à écrit ce qui suit :
- » La table tournante et parlante a été raillée. » Parlons net, cette raillerie est sans portée. Rem-
- » placer l’examen par la moquerie, c’est commode, » mais peu scientifique. Quant à nous, nous esti-» mons que le devoir étroit de la science est de sonder » tous les phénomènes ; la science est ignorante et » n’a pas le droit de rire ; un savant qui rit du » possible est bien près d’être un idiot. L’inatten-» du doit toujours être attendu par la science. Elle a » pour fonction de l’arrêter au passage et de le » fouiller, rejetant le chimérique, constatant le ré-» el. La science n’a sur les faits que son droit de » visa. Elle doit vérifier et distinguer. Toute la » connaissance humaine n’est que triage. Le faux » compliquant le vrai, n’excuse pas le rejet en bloc. » Depuis quand l’ivraie est-elle prétexte à refuser » le froment ? Sarclez la mauvaise herbe, l’erreur ; » mais moissonnez le fait et liez-le aux o,utres. La » conscience est la gerbe des faits.
- » Mission de la science : tout étudier, tout son-» der. Tous, qui que nous soyons, nous sommes les » créanciers de l’examen ; nous sommes ses débi-» teurs aussi.On nous le doit et nous le devons. » Ecarter un phénomène, lui refuser le paiement » d’attention auquel il a droit, Véconduire, le met-» tre a la porte, lui tourner le dos en riant, c’est » faire banqueroute à la vérité ; c’est laisser pro-» tester la signature de la science. Le phénomène » du trépied antique et de la table moderne a droit » comme un autre a l’observation. La science psy-» chologique y gagnera sans nul doute. Ajoutons » ceci : qu’abandonner les phénomènes à la crédu-» lité, c’est faire une trahison à la raison humaine. » Du reste, comme on le voit, le phénomène tou-» jours rejeté et toujours reparaissant, n’est pas » d’hier. »
- » M’étant depuis une vingtaine d'années beaucoup oc-» cupé de la doctrine spirite, que comme tant d'autres, » j’avais d’abord ridiculisée et que je croyais être une » nouveauté sans importance, j'ai été naturellement ame-» né à rechercher si, à des époques plus ou moins éloi-» gnées, je trouverais des traces d’idées ou de croyauces » analogues. J’ai pu ainsi m’assurer que ces idées et ces » croyances étaient aussi anciennes que les plus ancien-» nés Sociétés humaines.
- » J’ai été également amené à rechercher les origines des » diverses religions, et en étudiant ces origines j’ai trouvé » des preuves évidentes que toutes les religions dérivaient » les unes des autres, et que l’avant-dernière — le Chris-» tianisme—n’avait inventé ni la solidarité, ni lachari-» té humaine, ni la morale humaine, ni l’immorta-» lité de l’âme,ni le dogme de la Trinité, etc., etc., idées » que les chrétiens primitifs ou leurs chefs ont confis-» quées au profit de leurs doctrines, sans daigner faire » connaître où ils les avaient puisées.
- » Je crois avoir complètement démontré dans cê livre, » l’erreur dans laqnelle tant d’hommes de bonne foi sont » tombés à cet égard jusqu’à présent, faute d’avoir étu-» dié la chronologie des religions qui ont successivement » paru sur la terre.
- » En publiant ce volume, j’ai été guidé par la pensée
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- d'être utile non-seulement aux spirites, mais encore
- aux personnes désireuses de se rendre compte de la » doctrine spirite et qui ne la connaissent que par ouï-dire „ et par conséquent fort imparfaitement.»
- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen
- Puy-de-Dôme. Vertaizon. — MM. Dauzat Jean, __ Dauzat Thomas,— Déliard-Trincard, — Dubourgnoux Antoine,— Perrier Antoine,— Serindas Antoine, conseillers municipaux;— Serindat Benoit, adjoint au maire ;— Teil François, conseiller municipal ;— Andraudrias Henri, propriétaire ; — Audebert Antoine, cultivateur ; — Aurel François, commissionnaire;— Aurel Jean, menuisier ; — Auzeaux Antoine, propriétaire ; — Auzeaux Antoine-Jo-seph-Guillaume, tailleur d'habits ; — Baget Michel, cultivateur; — Bessède Jean, bourrelier ; — Boisson François, cultivateur ; — Boisson Jean, maçon ; — Boisson -Ménier, épicier;— Bonnieux Joseph, charron ;— Charrier Baptiste,— Charrier Julien, charcutiers;—Chatard Alexis
- — Chevogean Claude, cultivateurs ; — Coissard François, épicier ; — Courty Antoine, propriétaire ; — Dalbignat Antoine, cultivateur ;— Dauzat Jacques, cou rtier en vins ;
- — Dauzat Jean, cultivateur ;— Ducros Antoine, charron ;
- — Dumas Gilbert, boulanger ; — Duvigean François, — Ebli Antoine, cultivateurs ; — Espiratat Jean-Baptîste, serrurier-maréchal-ferrand Ferrier Jean, propriétaire;
- — Ferrier Pierre,— Fleuret Simon, cultivateurs ;—Four-net Antoine, maçon ; — Fusier Antoine, bottier ; — Germain Jacques, propriétaire;— Jafleux Claude;—Jaf-feux Jean, perruquiers ; — Jallat Annet, — Jallat François, cultivateurs ; — Laforge François, facteur; — Mau-cour Amable,— Montel Jacques, — Parot Antoine, cultivateurs ;— Piallat Antoine, boulanger Plasse, Sébastien, propriétaire ; — RafFy François, serrurier ; — Ravel Benoît,— Ravel Georges,— Roux Jean, — Rudel Jean,— Serindat Jean, autre Serindat Jean, cultivateurs ; — Taillandier Annet, ancien militaire retraité ; — Taillandier Antoine, — Theillon Claude, — Thiers Joseph, cultivateurs ; — Thomas Annet, plâtrier ; — Trincard Pierre,— Vigeral Antoine, — Vigeral François, — Vigeral Jean, autre Vigeral Jean, cultivateurs.
- MAITRE PIERRE
- ParEdmond ABOUT VII
- histoire du petit cheval gris
- (Suite.)
- « Pour le moment, nous employons le bœuf aux charrois comme au labourage. Nos chemins sont encore S1 Mauvais que les chevaux y perdent patience et cassent ^urs traits. Le bœuf est un particulier plein de raison et de Sa§esse, qui ne sort jamais de son sang-froid et vient à bout de tout par la lenteur. Un enfant le conduit sans ; on n'en peut pas dire autant à la louange du
- cheval. Si sobres que soient nos chevaux, nos bœufs le sont encore davantage. Leur déjeuner se compose d’un tampon de paille saupoudré d’une poignée de son ou d’une pincée de sel. Ainsi bourrés, ils remercient leur maître et retournent à l’ouvrage. Et puis nous sommes pauvres, et l’équipage des bœufs coûte moins cher que les harnais des chevaux. Enfin les bœufs donnent plus d’engrais et de meilleur.
- « Vous m’excuserez, si je prends la liberté de parler d’engrais devant un homme de la ville. Mais si vous vous intéressez à nos Landes, il importe que vous sachiez tout. Je me suis chargé d’assainir le pays sans demander un centime au gouvernement, et d’élever partout des pins et des chênes : voilà ce que je peux faire sans engrais. Mais en resterons-nous là, et n’y a-t-il pas quelque chose de mieux ? Quand j’aurai donné à la France une forêt de six cent mille hectares, je lui aurai fait un assez joli cadeau. Les hommes en profiteront sans doute ; moins pourtant que les renards et les écureuils. Je ne serais pas fâché de voir nos deux départements se peupler comme les autres, et le jour où nous compterons plus de vingt habitants par lieue carrée, ce n’est pas moi qui irai porter plainte à Paris. On a remarqué que les forêts n’attirent pas la population, bien au contraire ; cela tient sans doute à ce que l’homme ne se nourrit plus de glands. Vous voyez s’il y a de belles forêts sur les dunes ; cependant les anciens villages qui y dorment sous le sable n’ont pas fait mine de s’éveiller. Si nous voulons accroître ou seulement conserver la population des Landes, il faut que chaque commune ait sous la main son blé, ses légumes et ses fruits. Et comme ces denrées-là ne poussent pas dans le sable pur, il faut bon gré mal gré que je trouve de l’engrais.
- « Je sais bien où l’on en vend. Quaud vous passerez sur le port de Bordeaux, vous verrez débarquer des sacs jaunes qui empestent la ville et les faubourgs. Saluez par respect et bouchez-vous les narines par prudence. C’est le guano, un engrais sublime, qui arrive en droite ligne du Pérou. Malheureusement, la lande est trop pauvre pour goûter de ce pain-là, et le guano n’est pas fait pour notre nez. On ne nourrit pas les porcs avec des amandes, et l’on ne sème pas des louis de vingtfrancs pour récolter des pièces]de dix sous. J’ai plaisanté le monsieur de Paris qui dépensait deux cent cinquante francs pour drainer un hectare de cinquante ; que dirait-on de moi si l’on me voyait étaler mille francs de guano sur un hectare qui en vaut cent ? C’est pourquoi je m’en tiens au fumier de mes bœufs.
- « Mais un hectare de froment dévore le fumier de cinq bêtes à cornes, et le bétail n’abonde pas chez nous. Vous voyez ici nos meilleurs pâturages. L’herbe y est excellente, mais rare en diable : on la mange sur pied, mais de
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- foin pas un mot, La disette de fourrage est si grande que nous reprochons à nos bœufs la paille qu’ils avalent en hiver. Ne vaudrait-il pas mieux l’envoyer à Bordeaux pour emballer des bouteilles ? Dans un pays oii la paille vaut 25 francs le mille, c’est presque une prodigalité de la donner aux bêtes.
- « Si j’avais quelques bonnes prairies au lieu des plaques d’herbes que vous voyez là, je serais tout rassuré sur l’avenir de mes villages. Les prairies nourrissent les bœufs ; les bœufs labourent la terre et donnent l’engrais; l’engrais nourrit les blés, et les blés nourrissent le peuple. Il ne faut pas plus d’un hectare de pré pour fournir à tous les besoins de trois bœufs. Donnez-moi vingt mille hectares de bons herbages, j’entretiens un supplément de soixante mille bêtes qui fumeront tous les ans douze mille hectares de blé. »
- Je répondis à maître Pierre que j e regrettais sincèrement de n’avoir pas vingt mille hectares de prairies à lui offrir.
- « Merci, dit-il, je les ai trouvés.
- — En Normandie ?
- >— Plus près d’ici, mais dans un endroit où personne n’aurait eu l'idée de chercher,
- — Où donc ?
- — Sous l’eau sale de nos marais. Ne riez pas : les vingt mille hectares y sont, et je ne demanderai de subvention à personne pour les tirer de là.
- — Et quand verrons-nous cette merveille ?
- — C’est l’affaire de deux ans : un an pour obtenir les permissions nécessaires, un an pour exécuter la besogne.
- — Eh bien, je viendrai voir cela dans deux ans, mais à une condition.
- — Dites.
- — C’est qu’après m’avoir montré vos troupeaux dans vos prés neufs, vous me fournirez i’occassion de tirer un bœuf sauvage. »
- Il me glissa un regard en dessous et répondit d’un ton quelque peu bourru : « Les bœufs sauvages ? Vous savez bien qu’il n’y en a plus : j’ai tout tué. Pourquoi me remettez-vous sur le chapitre de ma jeunesse ? Je n’en parle jamais que le cœur ne me saigne. Ne voyez-vous pas qu’il y a en moi deux hommes différents et contraires, dont l’un retourne la tête vers le passé, tandis que l’autre se précipite vers l’avenir ? Quand ma tâche sera finie, on admirera tout uniment ce que j’ai fait, sans me tenir compte de mes regrets et de mes larmes. J’ai sacrifié tous mes goûts à la prospérité de ce pays, moi qui étais créé pour cultiver les champs comme un ajonc pour produire des pommes. Oui, ce qui me place au-dessus des autres bienfaiteurs de l’humanité, c’est que j’aurai eu plus de mal à me défricher moi-même qu'à labourer six cent mille hectares !
- « Mais j’ai promis que vous sauriez tout ; je ne m’en dédis pas. Aussi bien, vous avez écouté patiemment mes discours sur la résine et sur les engrais, et toute peine est digne de loyer. Quand les enfants ont été bien sages à l’école, on leur conte une histoire à la fin de la classe.
- « La première fois que je me suis trouvé face à face avec un taureau, j’avais treize ans d’àge, six mois de chasse et peu d’habitude de mon fusil. Je trottais à pied dans les dunes, entre la mer et l’étang de Carcans. Un lapin me part entre les jambes, je le tire, je le manque ; un mugissement effroyable s’élève au milieu des jeunes pins, et je vois sortir un mufle noir, deux gros yeux rouges et deux cornes pointues. Je vous avoue franchement que j’eus peur. Je ne sais pas ce qu’un petit Parisien de treize ans aurait fait à ma place, mais je jetai mon fusil comme un méchant fantassin, et je pris mes jambes à mon cou. La bête courut-elle après moi? je n’en sais rien ; mais je crus entendre un bruit de sabots et même un souffle halletant derrière mon dos.Je n’aurais pas retourné la tête pour un empire. Finalement, je me laissai choir sur le nez quaod je fus au bout de mes forces. Mes oreilles tintaient comme deux cloches d’église et l’effroi chatouillait désagréablement la racine de mes cheveux.
- « Si j’avais été un enfant élevé comme les autres, j’aurais dit : « J’ai vu le diable et il m’a poursuivi de ses cornes parce que je lui avais mis un grain de plomb dans l’œil. » Mais je n’avais jamais fréquenté les cathéchismes et je ne savais rien de rien, sinon que dans les dunes on rencontrait des taureaux sauvages. Il y en avait eu de de tout temps, et on les avait toujours vus par petites bandes,suivis de leurs vaches et de leurs veaux. Personne ne les réclamait ; il n’appartenaient qu’aeux-mêmesetàcelui qui savait les prendre. Il n’y avait pas moyen de les confondre avec le bétail des troupeaux, parce qu’ils étaient plus petits, et sourtout parce qu’ils couraient sur l’homme sans attendre que l’homme courût sur eux.
- (.A suivre.)
- État civil du Familistère
- Semaine du 15 au 21 juin 1885. Naissances :
- Le 19 Juin, de Devillers-Eugène Gaston, fils de Devil-lers Eugène et de Poulain Zoé.
- Le 21 Juin, de Rozet Laure-Louise, fille de Rozet Louis et de Lissette Aurélie.
- Décès :
- Le 19 Juin, de Béthune Laurence, épouse de Froment Jules, âgée de 28 ans.
- Le 20 juin, de Blanche Léon, âgé de 27 aus et 4 mois. _____________Le Directeur-Gérant : GO PIN —
- Guise. — imp. Garé.
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- Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 5 Juillet 1885
- 9e Année, Tome 9. — N° 356
- LE DEVOIR
- REVUE DES QUESTIONS SOCIALES
- BÏÏREAU
- a GUISE (Aisne)
- Toutes les communications
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit an bureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- et réclamations doivent être adressées à M. GQDIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- France Un an ... Six mois. . . Trois mois. .
- 10 ir. »» 6 »» 3 »»
- Union postale Un an. . . . 11 fr. m Autres pays
- Un an. . . . 13 fr. 60
- ON S’ABONNE
- A PARIS
- , rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- La paix avec la Chine. — Représailles commerciales. — Leur Morale. — L’association de paix et d'arbitrage et Victor Hugo. — Le caporalisme en action. — Aux journalistes républicains du département de l’Aisne. — Aphorismes et préceptes sociaux. — Le militarisme et la démocratie.— La santé de nos troupes. — Paix et arbitrage international. — Deux chiffres. — Les exercices militaires a Vécole en Angleterre. — Le traité de Paix avec la Chine. — L’ambassade Marocaine. — L’Angleterre, la Russie, l’Afghanistan.
- La Paix avec la Chine.
- Nous donnons plus loin le texte du traité de paix avec la Chine.
- Les avantages que nous concède le traité se réduisent à l’obligation pour nous de faire la police dans l’Annam et au Tonkin et d’y maintenir l’ordre.
- Le deuxième paragraphe de l’article 6 est rédigé de telle sorte qu’il n’a aucune valeur. On conçoit a peine commentées diplomates ont pu consentir aaccepter une rédaction aussi absurde; ilyestdit :
- Lorsque de son côté, la Chine aura décidé de construire des ^oies ferrées, il est entendu quelle s’adressera à l’industrie rançaise, et le gouvernement de la République lui donnera °ates les facilités possibles pour se procurer en France le Personnel dont elle aura besoin. Il est entendu aussi que cette aase ne peut être considérée comme constituant un privilège e*clusif en faveur de la France.
- ^ L n’est plus question des concessions de mines de tontes les au très oromesses des colonisateurs;
- il est stipulé simplement que la Chine aura la faculté de nous acheter ou de ne pas nous acheter les rails de ses chemins de fer ; ce qui ne modifie pas la situation d’avant la guerre.
- Le commerce d’importation et d’exportation devant être fait concurremment par les Français et les Chinois, il est peu probable que nous parvenions à lutter avantageusement contre les maisons chinoises dont l’habileté commerciale n’est pas contestable.
- Dans la plupart des autres contrées soumises au régime de la colonisation, la population indigène ignorait la valeur des produits naturels et n’était douée d’aucune connaissance commerciale. Les colons européens ont pu profiter de ces circonstances et organiser d’immenses comptoirs dont la prospérité a toujours été croissante, parce que systématiquement les naturels se sont abstenus de s’initier aux entreprises commerciales.
- Rien de comparable n’est possible en Chine. Le commerçant chinois sait apprécier la qualité et le prix des marchandises ; il ne craint pas de nouer des relations à l’étranger ; l’ignorance des langues européennes n’est pas un obstacle insurmontable qu’il ne puisse vaincre en recrutant ses auxiliaires en Allemagne où il se trouve un grand nombre d’employés polyglottes.
- En somme,le traité ne nous accorde aucun avan. tage réel, tandis que l’obligation que nous avons prise de protéger l’Annam et le Tonkin contre les ban” desde pilliardsnous mettradans la nécessité d’avoir dans ces contrées un corps d’occupation nombreux, dont, l’entretien sera rendu très-onéreux par la dis-
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- tance et par le climat. Cette éventualité est tellement certaine, que depuis le traité de paix le gouvernement, au lieu de rappeler en France une partie du corps expéditionnaire, se prépare à envoyer de nouveaux renforts.
- Et pour atteindre ce beau résultat nous avons dépensé 500,000,000,envoyé 40,000 hommes au Ton-kin, et fait tuer 40,000 d’entre eux.
- Nous n’approuverons jamais les gouvernements qui s’inquiètent d’étendre les limites de la civilisation lorsque, chez eux, les classes laborieuses sont livrées au paupérisme sans aucune proteetioncontre la misère. Mais, si les gouvernements sont incapables d’une résolution aussi sensée, ils devraient comprendre que l’emploi des moyens pacifiques dans la politique d’expansion aboutirait à des fins plus durables, au prix de sacrifices à peine appréciables, si on les compare aux sommes immenses englouties par les conquêtes militaires.
- Si le gouvernement avait mis quelques millions à la disposition de ces généreux aventuriers tels que les Brazza, les Dupuis et tant d’autres, comme on en rencontre tant dans notre pays, il n’est pas douteux que ces pionniers eussent obtenu, au Tonxin et en Annam, des résultats autrement sérieux que ceux que nous accorde le traité de paix.
- L’expansion coloniale qui bientôt, à notre grande satisfaction, ne sera plus possible, parce que tous les territoires du globe seront occupés, doit rester l’œuvre des hommes que la nature a doués des qualités exceptionnelles qui font les explorateurs.
- Que l'on compare ies exploits du militarisme au Tonkin avec les brillants succès des Brazza, des Stanley, ces hardis voyageurs auxquels les gouvernements accordent à peine quelques centaines de mille francs,lorsqu’ils prodiguent des centaines de millions aux entreprises militaires. Combien sont immenses les conquêtes des colonisateurs pacifiques, à côté du traité que nous venons de signer avec la Chine au prix de sacrifices si considérables.
- Ce contraste,entre les satisfaisants résultats de la Dolitique pacifique et les déceptions des entreprises militaires, mérite qu’on s’y arrête et que l’on en tienne compte pour ne pas continuer des aventures aussi onéreuses.
- On parle d’augmenter le corps expéditionnaire de Madagascar, on a déjà dépensé en armements plus qu’aurait coûté la conquête pacifique des malgaches, et cela sans aucun résultat. Faudra-t-il que notre politique aboutisse à Madagascar à un traité
- aussi chinois que celui du Tonkin, pour faire comprendre à nos gouvernements que la politique coloniale appuyée sur le militarisme est un acte de démence.
- Représailles Commerciales.
- La Roumanie met en vigueur au premier juillet prochain une loi qui retire à la France le traitement de la nation la plus favorisée, dont elle jouissait depuis 1878, et frappe nos produits de droits dont quelques-uns atteignent 50 0/q de leur valeur.
- Le gouvernement de Bukharest allègue, pour justifier ce changement de régime, la surtaxe â l’importation mise sur les grains.
- La France exporte en Roumanie pour 27 millions de marchandises, et dans ce total les étoffes de soie figurent pour 2 millions et les objets d’orfévre rie pour dix millions.
- Cette mesure aura pour résultat de remplacer sur le marché roumain les produits français par les articles allemands.
- C’est là un des résultats du protectionnisme que la coalition des agriculteurs a imposé à la France.
- La diplomatie prétend que le gouvernement roumain a commis une violation des traités internationaux. La Roumanie faisait encore partie de l’empire ottoman eu 1861, lorsque fut conclu un traité avec la Turquie fixant à 8 0/q le droit d’entrée des objets français. Ce traité est valable jusqu’en 1889.
- Les diplomates prétendent que la Roumanie, en devenant indépendante de la Turquie, ne pouvait être dégagée des engagements internationaux qui liaient alors cette puissance.
- Il serait imprudent de préjuger qu’elle sera la décision du casuisme diplomatique, car quelques mois à peine nous séparent de la fameuse consultation qui déclara que nous ne faisions pas la guerre à la Chine, lorsque le pacifique Négrier avait épuisé ses munitions contre les troupes chinoises qui défendaient la porte du Céleste-Empire. Mais il est fort curieux de remarquer que, parmi les journaux les plus acharnés dans leurs protestations contre la Roumanie,on trouve principalement les plus ardents promoteurs du protectionnisme en France. ----------------------------------------------—-----
- Leur Morale 1
- La politique coloniale a des défenseurs que ne gênent pas les scrupules. L’intérêt de la. France, la prospérité nationale sont choses dont ils parlent quelquefois ; mais, généralement, ils s’expriment avec une franchise par trop cynique. Ecoutons 1 un d’eux racontant un visite au pays des Muongs :
- « Nous arrivâmes dans la matinée chez Dinh-Van-Vinh,chef des cinquante-trois villages muongs des provinces de Son-Tay et Hong-Hoa, sur la rivière Noire.
- » Ces Muongs sont un peu plus civilisés que ceux du Sud, et surtout que les Mois de Cochinchine. Ils n’obéissent cependant pas aux Annamites et ne reconnaissent que l’autorité de leurs chefs de Canton, nommés, il est vrai, par le roi d Annam,
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- mais ils ont pris beaucoup de la civilisation et des mœurs de ce dernier pays.
- » Les Muongs, plus guerriers et plus courageux que les Annamites, sont intelligents, industrieux, fabriquent eux-mêmes leurs armes, qui sont singulières et souvent fort belles. Les fusils, ceux des chefs surtout, sont d’une grande richesse, montés en ivoire gravé et en argent, et enrichis souvent de pierreries. Les autres armes sont des arbalètes lançant des flèches empoisonnées contenues dans un carquois de for me bizarre.
- » La soie est admirablement travaillée par les Muongs et sert à faire des tissus qui auront en France une grande valeur, et des broderies se rapprochant de celles de Chine.
- > Après avoir recueilli tous les renseignements qui nous étaient nécessaires sur l’avantage que pourrait avoir la France à faire le commerce des soieries du Tonkin, nous sommes allés explorer la montagne de Tam-Tien, au pied de laquelle est situé le village de Phis-Phays, capitale des Muongs.
- » Cette montagne renferme des mines d’or exploitées par les Chinois, et par cela même assez peu abordables ; nous pûmes cependant nous convaincre que ces mines sont importantes, et qvCil est à désirer qu’elles passent au plus tôt dans nos mains, mais la plus considérable dans le Tien-Song-Béj-Lo est celle de Hung-Hoa-Saïls, à laquelle il est difficile d’arriver, parce que les Chinois sont nombreux, bien armés et ne se laissent pas approcher.
- x> Dinh-Van-Vinh prit pour prétexte que, commeil avait plu toute la nuit, les chemins étaient impraticables, et il refusa de nous y faire conduire, ou de nous conduire lui-même ; nous fûmes obligés de renoncer à cette dernière exploration, mais d’après les indications fournies par Dinh-Van-Vinh, nous pûmes nous convaincre qu’il y a là une source de grandes richesses pour notre pays. .
- » Après six jours d’absence, nous rentrâmes à Son-Tay, où nous trouvâmes une partie de la garnison prête à se mettre en route pour Quyen-Quang, afin de débarrasser au plus vite le pays des Chinois et des Pavillons noirs, qui le ruinent de toutes parts.»
- Il est évident que si l’on importe en France des soieries du pays des Muongs, cela ne fera pas le bonheur de nos fabricants français et n’augmentera pas le travail de nos ouvriers ; la ville de Lyon notamment n’aura pas beaucoup à gagner à ces importations qui achèveront de ruiner son industrie ; étrange contradiction chez des gens qui prônent la politique coloniale comme un moyen d’augmenter ùos débouchés.
- , Mais où le cynisme des colonisateurs par la guerre s étalé dans toute son horreur, c’est dans cette phrase : « nous pûmes cependant nous convaincre Que ces mines sont importantes et qu’il est à dési-rer qu’elles passent dans nos mains ». C’est ainsi Que doivent raisonner les larrons lorsqu’ils délibè-rent pour les bons coups à faire.
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- L’association de paix et d'arbitrage et Victor Hugo.
- Nous recevons la lettre suivante :
- Francfort-sur-le-Mein, 23 juin 1885.
- Cher Monsieur,
- Notre comité de Londres vous sera très reconnaissant, si vous voulez bien publier dans le « Devoir» la résolution ci-incluse.
- Mes amitiés sincères.
- Hodgson Pratt.
- Résolution.
- Le comité exécutif de l’association de paix et d’arbitrage international fondée en Grande-Bretagne et Irlande a pris, dans une réunion spéciale, la résolution suivante :
- Victor Hugo.
- A l’occasion de la mort de l’éminent citoyen français Victor Hugo, le comité rappelle par la présente résolution, sa profonde sympathie pour le peuple français.
- La renommée de Victor Hugo, comme écrivain et poète, sa constance et son énergie à défendre depuis 36 ans la cause de la liberté populaire, ses efforts nobles et humanitaires pour éveiller la conscience des classes déshéritées et développer ainsi l’harmonie sociale, ont rendu son nom grand et illustre dans le monde entier.
- Depuis la mort du grand citoyen ce sentiment universel de respect s’est manifesté chez toutes les nations, indépendamment des quelques dissentiments temporaires qui pouvaient exister.
- Au nom de la fraternité iuternationale, en souvenir de ce fait que Victor Hugo a présidé en 1880 la grande conférence pour la paix ; considérant combien longtemps cet illustre poète et homme d’Etat a vécu en exil sous la protection de l’Angleterre, le comité décide d’envoyer l’expression de sa sympathie aux amis du défunt comme aux sociétés alliées et à la presse.
- Le Caporalisme en action.
- Après une rixe, à la sortie d’un Théâtre de Tunis, entre un Italien et un officier du corps d’occupation, l’Italien avait été condamné à 6 jours de prison. La condamnation fut trouvée insuffisante par nos brillants officiers ; leur chef, le général Boulanger, se chargea de protester par un ordre du jour digne d’un vieux grognard de la grande armée. Ah ! la justice civile ne sévissait pas assez sérieusement contre les audacieux qui ne reculaient pas devant une querelle avec les officiers français, le général invitait nos vaillants soldats à se faire justice eux-mêmes et à se servir de leurs armes contre les insolents afin de leur apprendre à vivre.
- Les pékins qui représentent la justice civile à Tunis, se plaignirent de cette attaque directe du général Boulanger ; il est probable que leurs réclamations auraient été vaines si les fanfaronnades de l’irascible général n’avaient blessé le gouvernement italien. - .»
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- Le gouvernement français, pour donner satisfaction à Tltalie, pour se tirer du pétrin où l'avait mis son général, lança un decret restreignant les attributions du commandant des tronpes de la Régence.
- Nouvelle grande colère du général Boulanger, qui demande à être relevé de son commandement.
- C’est toujours ainsi qu’agissent ces Fracasse qui exaltent la discipline militaire et qui font parade de leur dévouement à la patrie.
- Un officier de Compïègne, que nous recommandons à la sollicitude du général Boulanger, a voulu mettre en pratique l’ordre du jour lu à Tunis.
- Uuhabitant.de cette ville, M. M..., coutelier, causait sur la place de l'Hotel-de-Ville, quand un sous-lieutenant du 54* de ligne, avec lequel il est, paraît-il, en dissentiment, s’approcha vivement de lui et le frappa au visage d’un coup de plat de sabre.
- M. M... a été légèrement blessé à la joue.
- Une punition sévère a été infligée à l’officier coupable de cette brutale agression.
- * *
- Le général Roux deMontlebert,un nom qui oblige, commandant la place de Tarbes,n’est pas pour les moyens violents. Le goupillon et les béates démonstrations le séduis-sent,et le général est jaloux de mêler ses officiers aux pompes de la religion catholique.Voici un ordre émanant du général Roux de Montlebert à l’occasion de la Fête-Dieu :
- « Le général commandant d’armes fait connaître à Messieurs les officiers et assimilés qu’ils sont invités par Monseigneur l’évêque de Tarbes à assister à la procession du Très-Saint-Sacrement, qui partira de la cathédrale, dimanche prochain, 7 Juin, à 9 heures. La procession sera précédée d’une messe basse qui commencera à 8 heures 1/2. Des places leur seront réservées à l’église et à la procession.
- Nous nous demandons en vain de quel article du réglement sur le service des places le général Roux de Montlebert s’autorise pour servir d’intermédiaire entre l’évêque et les officiers.
- Le clergé ne pourrait-il pas faire ses invitations lui-même à ceux des officiers qui aiment à processionner ?
- * *
- Le militarisme est inépuisable sans jamais sortir de l’extraordinaire,
- Le général Thibaudin mérita, il n’y a pas longtemps, la désaprobation de ses chefs hiérarchiques pour avoir refusé de conduire nos soldats aux défaites que le général Négrier a cherchées avec un entrain sans pareil. Rappelé en France, le général Thibaudin rentra dans la classe des officiers en non-activité.
- Les électeurs républicains de la Nièvre ont apprécié que le général Thibaudin avait fait preuve d’un républicanisme éclairé en ne se laissant pas aveugler par les fumées de la gloire militaire, en sachant résister aux ordres tF urdes que décidait le conseil des ministres à Paris ; ils
- ont offert au général d’être l’un de leurs candidats aux élections législatives.
- L’acceptation de cette offre,si nous en croyons le journal le Temps, est un grand scandale; le général Thibaudin n’avait pas le droit d’accepter cette canditature sans en référer préalablement au ministre de la gnerre. Il paraît même, toujours d’après le même journal, qu’un aussi mauvais exemple partant d’aussi haut peut avoir des effets déplorables dans l’armée. Le Temps serait désolé, et ce serait grand malheur pour la France, si nos généraux avaient d’autres rêves d’ambition que celui d’aller mourir au set vice de la politique coloniale sur un point quelconque du globe. Le vieux journal parisien n’énumère pas tous les avantages de la politique coloniale pour confondre le général qui a refusé de mourir pour elle ; il oublie de nous dire qu’elle présente quelquefois d’excellents débouchés pour les directeurs des journaux que Paris ne daigne faire sénateurs.
- Les craintes et les gémissements que provoque la candidature du général Thibaudin ne nous effraient nullement, car si nous trouvons absurde le militarisme, nous ne tenons pas pour plus rationnelle cette prétention de nos politiciens de réclamer du soldat tous les sacrifices, au nom de l’intérêt du pays, et de lui ôter tout droit de prendre part aux affaires publiques.
- Quoi qu’il en soit le général Thibaudin a été sévèrement réprimandé par le général ministre de la guerre et disciplinairement mis à la retraite.
- Plus de 1300 jeunes gens se sont présentés cette année aux examens de Saint-Cyr. Cela promet pour l’avenir.
- Le bureau de la Société « Herald of Peace and International arbitration » est ainsi constitué ;
- Président Sir Joseph W. Pease, M. P.
- Vice-Présidents, etc.
- Sir Wilfrid Lawson, M. P.
- — Samuel Morley, M. P.
- — Hugh Mason, M. P.
- — James Gropper, M. P.
- — Thomas Burt, M. P.
- — George Palmer, M. P.
- — Léone Levi.
- — Arthur Pease, M. P.
- — Frédérick Pennington, M. P.
- — Alfred Ulingworth, M. P.
- — J. F. R. Firth, M. P.
- — Lewis Fry, M. P.
- — Robert Spence Watson.
- Secrétaire
- Sir Henry Richard, M. P.
- 47, New Broad Street
- London, E, G.
- ( L’abréviation M. P. signifie membre du Parlement. )
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- Nous donnons l’importante circulaire que le Directeur du Devoir vient d’adresser aux journaux de l’Aisne et à plusieurs organes parisiens. Tout ce qui tend à faire prévaloir la souveraineté de la démocratie contribue puissamment à la préparation d’un avenir pacifique.
- Aux journalistes républicains
- DU DÉPARTEMENT DE L’AISNE
- Messieurs et chers collègues,
- La Tribune prend l’initiative d’une réunion des représentants de la presse républicaine départementale, en vue des prochaines élections : elle fait appel au concours de tous pour élucider les questions que soulève le renouvellement de la représentation nationale.
- Le Devoir répondra à cet appel.
- Pour éviter toute surprise, j’ai pensé qu’il était convenable de vous signaler à l’avance quels sujets devra discuter devant vous son représentant, M. Deynaud.
- Une seule des réformes proposées dans le programme du Devoir vous sera soumise; encore,sera-t-elle réduite le plus possible.
- Nous acceptons, momentanément, le scrutin de liste départementale; réservant pour l’avenir le scrutin de lis te nationale ; maisnous vous demanderons de proposer aux électeurs de ne voter que pour les candidats qui s’engageront à demander, pendant la prochaine session législative, la réduction delà durée du mandat de député à trois ans et le renouvellement par tiers du Corps législatif.
- L’application de cette réforme se ferait en divisant la représentation de chaque département en trois parties par un tirage au sort : le premier tiers reviendrait devant les électeurs”après une année de mandat ; le second, après deux ans ; le troisième, après trois ans. Les députés seraient ainsi nommés pour trois ans.
- Les avantages de cette réforme seraient de ne jamais laisser la nation en présence d’une représentation affaiblie ou sans force, de conserver au suffrage universel l’influence qui lui appartient sur la direction des affaires publiques.
- On donnerait ainsi à la République l’activité qui lui est nécessaire, et on assurerait à la souveraineté nationale une action salutaire sur la conduite de ses représentants.
- Les législateurs,avertis chaque année par la manifestation du suffrage universel,deviendraient at-
- tentifs aux vœux et aux besoins de la nation ; les députés qui ne rempliraient pas honnêtement leur mandat ne seraient pas réélus.
- La presse, Messieurs et chers Collègues,aurait intérêt à l’obtention de ces réformes, puisqu’elles vous procureraient, chaque année, des circonstances exceptionnellement favorables pour donner libre essor à votre dévouement à l’éducation politique du pays.
- Tels sont les points que le représentant du Devoir, M. Deynaud, demandera de faire insérerdans le programme électoral du département de l’Aisne. Si cela est admis, la publicité exceptionnelle que nous comptons faire à l’occasion des élections prochaines sera favorable à tous les candidats qui auront pris l’engagement de demander, à la prochaine législature, le renouvellement partiel et annuel de la Chambre.
- Veuillez agréer, Messieurs et chers Collègues l’assurance de mon dévouement.
- GODIN.
- Fondateur du Familistère.
- Directeur du journal le Devoir.
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- LXXXII
- Les ennemis de l’émancipation des peuples se ser. vent de la guerre pour faire obstacle aux revendications populaires :
- Il faut abolir la guerre.
- Le Militarisme et la Démocratie.
- Notre troisième République semble avoir entrepris la tâche de concilier le militarisme et la démocratie.
- Etrange illusion, problème insoluble. Le premier terme étant la négation du second.
- Les lettres de l’amiral Courbet sont on ne peut plus concluantes en faveur de cette thèse.
- L’amiral,constamment paralysé dans ses mouvements militaires par les ordres d’un gouvernement qui veut se donner les apparences de consulter les réprésentants de la nation, n’a pu maîtriser sa colère, et il a voulu dire leur fait aux politiciens qui s’avisaient de contrecarrer ses plans.
- L’amiral n’est pas tendre ; ses lettres expriment son mécontement et sa colère sans aucun ménagement.
- 4 février 1884 — « Qand je pense qu’il y a aujour-
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- d’hui trente-six ans, je risquais ma peau dans les rues de Paris pour préparer l’avénement de ces polichinelles-là!»
- 15 septembre — « En quelles mains sont nos intérêts et noire honneur ! »
- 22 novembre — « Le maître de nos maîtres est évidemment attend de cette démence qui précipite la chute des gouvernements par l’abaissement de la dignité nationale. »
- 15 mars 1885 — « Quels misérables que nos ministres ! »
- 15 septembre — « Quelle bande de complices la majorité offre à ces misérables ministres, de gaieté de cœur, de propos délibéré, et cela en perspective du prochain scrutin.»
- — « Et dire qu’aprés cela, il y aura encore en France des naïfs qui croiront aux élus du suffrage universel !
- 9 novembre 1883 — a Triste pays que le nôtre,où il faut consulter une Chambre. . . »
- 24 février 1884 — « Agréez la cordiale poignée de main d’un homme que les remords du 24 février 1848, poursuivront jusqu’au bord de la tombe. »
- 24 avril — «Comment prendre une résolution virile quand le gouvernement est obligé de consulter les Chambres qui, à leur tour, considèrent comme un impérieux devoir de consulter leurs électeurs ? »
- L’amiral Courbet ne s’inquiète pas de savoir si la guerre est juste ou injuste ; peu lui importe ce détail, il laisse cette responsabilité aux politiciens ; il est soldat; son métier est de faire la guerre, mais il veut la faire d’après les données du militarisme et non suivant la fantaisie des avocats du Palais-Bourbon.
- Que diraient messieurs du barreau, si un amiral se présentait à la cour de cassation pour plaider une cause embrouillée ?
- Chacun serait d’avis que la place d’un amiral est à bord, et que la tribune de la cour de cassation appartient aux hommes vieillis dans l’étude du droit.
- Il est certain que la conduite des ministres envoyant des ordres de marche et de contre-marche, d’attaque et de retraite^ des généraux manœuvrant dans un pays presque inexploré, en face d’un ennemi nombreux et astucieux,ne sont pas moins ridicules que le fait d’un loup de mer qui ouvrirait un cours de belles manières.
- On nous répliquera que faire le contraire, c'est abandonner le contrôle que le peuple a confié à ses mandataires, c'est remettre à des hommes un pou-
- voir discrétionnaire, c’est méconnaître tout principe démocratique.
- Cela est très vrai. Mais c’est la guerre ; et elle ne peut se faire autrement sans que la victoire soit compromise. Le peuple qui n’est pas guéri de l’amour des conquêtes, dès qu’il entreprend une guerre, est contraint, s’il veut vaincre, de violer tous les principes rationnels, il faut qu’il donne à ses généraux de pleins pouvoirs en face de l’ennemi; il doit se faire le serviteur de ses capitaines engagés dans les expéditions lointaines, envoyer des hommes, des approvisionnements, des munitions sans compter partout où ses généraux en réclament, et renoncer pendant l’action à tous ses droits; sauf à décréter la victoire et à châtier sévèrement les chefs vaincus.
- Toute autre tactique démoralise l’armée et conduit le plus souvent à des échecs comparables à celui que nous venons de subir au Tonkin.
- Mais un peuple ne renonce pas impunément à ses droits. S’il donne plein pouvoir à ses généraux, et on ne peut faire intelligemment la guerre sans cette renonciation, les chefs victorieux tentent de conserver pendant la paix la suprématie qu’ils avaient pendant la guerre ; finalement les capitaines victorieux s'érigent en despostes sur les ruines de la démocratie qui n’a pas su renoncer aux aventures militaires.
- Le pouvoir discrétionnaire donné aux chefs militaires est une condition de la victoire ; mais il conduit inévitablement au despotisme ; le refus de ce pouvoir aboutira presque toujours à la défaite ou à l’avortement des entreprises militaires. Tel est le dilemne qui se pose dans une démocratie; et jamais il n’a été nettement mis en évidence, comme par les lettres de l’amiral Courbet et par nos échecs au Tonkin.
- Le militarisme et la démocratie sont aux deux antipodes de l’humanité. Le militarisme suppose l’autorité placée dans les mains de quelques-uns; la démocratie ne subsiste qu’autant que chaque citoyen conserve intact son droit de commander. Il n’y a pas de juste milieu entre ces deux extrêmes; l’un est la négation de l’autre, il faut se prononcer en faveur de l’un à l’exclusion de l’autre.
- Le choix d’un gouvernement républicain ne saurait être douteux ; il n’a pas le droit de renoncer à une autorité qui ne lui appartient pas, dont-il n’est que le dépositaire temporaire. Le gouvernement républicain,incapable de résister aux idées de conquêtes militaires, n’a pas le sens démocratique.
- La démocratie qui veut se perpétuer doit être es-
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- sentiellement pacifique. Au lieu de s’exposer aux tristes conséquences des entreprises militaires, il lui revient d’inaugurer avec retentissement une politique de paix, de conciliation ; elle ne saurait se prononcer trop catégoriquement en faveur de l’arbitrage international et avouer avec trop de clarté qu’elle souhaite le désarmement général des peuples.
- Le gouvernement de la République française en adoptant une autre conduite a commis des fautes que nous payons chèrement. Il est temps de l’arrêter dans les entraînements de la politique coloniale.
- Rappelons lui sans cesse que le militarisme est la démocratie sont deux choses inconciliables ; qu’il faut choisir entre les deux; que la volonté des citoyens, depuis longtemps, a proclamé la souveraineté de la démocratie.
- La Santé de nos Troupes.
- L’état sanitaire de nos troupes au Tonkin est déplorable. D’une lettre reçue par un de nos confrères, il résulte que, pendant les trois derniers mois, les décès ont suivi une progression croissante. On a évacué de 2,500 à 2,800 malades soit sur Saigon, soit sur la France. Et les ambulances sont pleines !
- Voilà le plus clair résultat de l’expédition : nos troupes décimées par les fièvres !
- Mais ce n’est pas au Tonkin seulement que nos soldats sont en proie aux maladies : la division de réserve qui a été réunie au Pas-des-Lanciers souffre, en ce moment, d’une épidémie de fièvre typhoïde. On est obligé d’envoyer chaque jour une dizaine d’hommes à l’Hôpital militaire de Marseille.
- La République française elle-même fait cet aveu :
- « Au séjour sous un climat aussi chaud que celui de la plaine du Pas-des-Lanciers vient s’ajouter la fatigue résultant d’un séjour prolongé sous la tente. Si, contre toute attente, la division de réserve devait partir dans deux mois pour le Tonkin, elle n’y enverrait que des hommes fatigués, malgré une belle apparence d’entraînement. Il sera prudent de ne pas prolonger trop longtemps l’expérience produite au Pas-des-Lanciers.»
- Le Temps, de son côté, s’exprime comme suit :
- « L’expérience tentée au camp du Pas-des-Lanciers ne doit pas être prolongée davantage. M. le général Campenon avait projeté, durant son premier ministère, d’installer la division de réserve du Tonkin au camp de Satlionay, où les troupes n’eussent pas souffert des chaleurs souvent excessives sur le littoral de la Méditerranée. De plus, le camp de Satho-nay est parfaitement aménagé sous tous les rapports.»
- Que ressort-il de tous ces aveux? C’est qu’on ne s’est pas suffisamment inquiété de l’état sanitaire auquebon allait soumettre nos soldats. Il a fallu que la maladie vint s’abattre dans leurs rangs pour qu’on comprit qu’on avait agi par trop légèrement.
- D’ailleurs, nous nous demandons à quoi peut servir cette
- division de réserve installée au camp du Pas-des-Lanciers ?
- Puisque la paix est faite avec la Chine, est-il besoin détenir — outre les quarante mille hommes que nous avons au Tonkin — prés de trente mille soldats sur le pied de guerre en France.
- Paix et Arbitrage International.
- ETAT GÉNÉRAL DE LA QUESTION
- Nous empruntons à l’International arbitration journal l’article suivant :
- Il peut être nécessaire de rappeler à nos lecteurs qu’un des traits les plus caractéristiques de notre association, celui qui la différencie des associations similaires, est que nous avons entrepris la tâche d’organiser le mouvement européen pour favoriser la substitution de l’arbitrage à la guerre.
- On nous a dit que c’était un pur rêve, qu’en dehors de l’Angleterre la masse des populations des autres pays, suivant aveuglement ses gouvernants, regarde la guerre comme une nécéssité inévitable, etc., etc...
- Il y a beaucoup trop de vrai dans ces décourageantes assertions,mais nous avons à rapporter d’autres faits de plus de valeur. L’Angleterre est grandement en avance sur la plupart des nations con-tinenlales par sa capacité pour organiser, indé pen-damment du pouvoir, des institutions privées tendant au bien public et pour trouver dans son sein les dévouements individuels et les ressources indispensables au succès des entreprises.
- D’autre part, la pression croissante des dépenses navales et militaires, dans toutes les nations, la constante appréhension de nouvelles guerres, le fardeau de la circonscription, les souffrances et les mécontentements du prolétariat, créent partout un sentiment de désespoir. Il était donc logique de penser qu’une offre d’intervention pour porter remède aux maux universels de la guerre pût être accueillie avec vif intérêt.
- L’Angleterre, jusque en ces derniers temps, a occupé une position neutre dans les rivalités et jalousies européennes ; cette neutralité lui créait, selon nous, le droit et le devoir d’aller en avant comme pacificatrice du monde.
- Mais ce qui par dessus tout nous a donné le courage d’ouvrir le mouvement en faveur de la paix et de l’arbitrage international, c’est que cette œuvre nous a paru fondée sur les éternels principes dont le triomphe est assuré, dès que les hommes font l’effort voulu pour y atteindre.
- Nous étions donc sûrs qu’un appel à la cons-
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- cience humaine pour délivrer les sociétés du mal de la guerre trouverait toujours un écho, que de toutes parts des hommes viendraient à nous et diraient : « Oui la vérité est avec vous,nous vous aiderons.» Leur exemple ne pouvait qu’entraîner dans le mouvement d’autres groupes d’hommes, dont le sens moral plus faible ajustement besoin d’être soulevé par l’exemple d’autrui, et l’influence devait ainsi s’étendre.
- D’ailleurs,nous nous adressions,dans ce cas, non seulement à la bonté des hommes et à leur sentiment du devoir, mais aussi à leurs plus profonds intérêts.
- Ce principe étant admis, son application pratique n’était plus qu’une question d’exécution des détails. Qui ferait le travail nécessaire? Les hommes se refusent souvent à l’action quand on a besoin d’eux.
- Pénétrés de tous les aspects de la question, nous avons marché avec confiance. Nous ne prétendons pas encore pouvoir fournir des preuves tangibles de la justification de notre confiance. Nous ne datons que de quatre ans, et nous avons eu à lutter contre beaucoup de difficultés au dedans et au dehors.
- Nous sommes cependant fondés à affirmer qu’un germe de mouvement européen a été créé. Deux congrès internationaux ont été tenus : l’un à Bruxelles, l’autre à Berne; deux sociétés ont été fondées à Paris ; des pourparlers pour la formation de sociétés semblables sont pris en sérieuse considération à Stuttgard et à Manheim ; enfin, depuis la dernière quinzaine, une société de la paix s’est formée à Fancfort-sur-le-Mein.
- En Allemagne, il y a de très grandes et spéciales diffcultés : le sentiment d’une immense dette de gratitude envers les gouvernants pour l’organisation de l’unité allemande et pour la victoire militaire de 1870-71; le sentiment de l’insécurité vis-à-vis de la France et de la Russie, par conséquent l’immense influence du gouvernement, de l’armée, de l’aristocratie et de l’administration. Dans de telles circonstances, la tentative d’organiser un mouvement semblable au nôtre pouvait paraître désespérée ; cependant, trois villes allemandes que nous avons visitées, ont fourni les éléments nécessaires à l’organisation de sociétés de paix et d’arbitrage international et,déjà, dans l’une d’elles l’œuvre est réalisée.
- On nous avait dit que nous ne trouverions personne en Allemagne qui voulût nous écouter. La
- prophétie n’a pas été vraie; dans cette grande nation, comme dans toutes les autres,il y a des hommes trop nobles et trop généreux pour être entraînés par aucune conception étroite de « patriotisme », et pour oublier ce qui est dû à l’espèce humaine en général. Ce que nous avons fait dans ce champ nouveau et inexploré est peu de chose en vérité, mais sur cette base équitable nous espérons que de grands et bons résultats pourront suivre, si les hommes de paix et de bonne volonté sont fidèles à leurs propres convictions et viennent en aide suffisamment à ceux qui travaillent pour la bonne cause.
- On comprend combien, en Allemagne, les difficul-téssont considérables. Toutmouvementenfaveur de la paix et de l’arbitrage international y est regardé avec hostilité par le go uvernement ; il faut donc prendre de très grands soins pour ne pas tomber sous le coup de prétendus délits.
- Les hautesclasses étant toutes plus ou moins liées au gouvernement, on ne peut attendre d’elles, en ce moment, aucun concours.
- Notre champ d’opérations se trouve donc limité aux classes complètement indépendantes de l’Etat: docteurs, avocats, journalistes, travailleurs de l’industrie. Même,parmi les hommes suffisamment intelligents et assez libéraux pour admettre la bonté de notre but, les objections sont nombreuses. Les uns trouvent le moment mal choisi pour comme ncer la propagande. Les autres disent que le gouvernement allemand lui-même étant saisi de notre idée, c’est à lui de la mettre en pratique, ou bien que toutes les guerres étant commenées par les gouvernants, les peuples sont sans action dans cette matière. Puis on demande : « Comment pourrions-nous désarmer avec des voisines telles que la Russie et la France?»
- « Je fais remarquer, dit M. Hodgson Pratique je n’ai jamais parlé du désarmement. Il faut qu’il y ait moins de causes de dissidences entre nations et des mesures prises pour le règlement des dissidences avant que les Etats songent à désarmer. » Parmi les personnages notables ralliés à la cause par M. Hodgson Pratt, on peut citer le Maire de Francfort qui, d’accord avec M. Pratt, provoqua dans la ville une réunion en faveur de la paix, le 1er juin dernier. Cette réunion fut présidée par le rédacteur d’un des principaux journaux allemands.
- La réunion était privée, dix-huit hommes des plus éminents de Francfort y assistaient.
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- LE DEVOIR
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- Sur la proposition de l’un d'eux, membre du Par- ' lement allemand, un comité de huit personnes fu^ désigné pour préparer les bases d’une organisation en faveur de la paix.
- Plusieurs des journaux locaux ont commenté favorablement la conduite de Francfort.
- L’un d’eux surtout, leBeobachter (l’Observateur) a publié un article soutenant énergiquement le principe de la paix et de l’arbitrage international et terminant par ces mots: « Un homme d’Etat a dit que la paix est le plus grand de tous les intérêts pour l’Angleterre; on en peut dire autant de toute nation. »
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- Deux Chiffres.
- Nous lisons dans la Lanterne :
- Les gouvernements monarchiques ont, depuis le commencement du siècle, endetté la France de vingt milliards.
- Sur cette, dette, seize milliards proviennent de la guerre. Avec les intérêts payés depuis l’origine, c’est plus de vingt-deux milliards que la guerre a enlevés à la France.
- A cette énorme dépense, ajoutez les pertes effroyables que la guerre entraîne :
- Deux millions d’existences humaines sacrifiées, des provinces entières dévastées, des villes brûlées, des villages détruits.
- Cela fait plus que doubler la perte. C’est plus de quarante milliards que la guerre à fait perdre à notre pays.
- Et le résultat ? Trois invasions et deux provinces perdues. Les quatre autres milliards, qui complètent la dette perpétuelle de la France ont été dépensés pour l’outillage national, routes, chemins de fer, établissements publics, écoles, lycées, etc.
- Ces quatre milliards ne s’en sont pas allés en fumée ; ils ne sont pas perdus comme les milliards de la guerre. Et loin de produire, comme la guerre, des ruines et des désastres,ils ont à ce point augmenté la fortune publique qu’elle à pu faire face aux charges que la guerre a créées.
- Le mouvement des affaires a décuplé depuis le commencement du siècle. Depuis vingt ans, grâce aux chemins de fer, au télégraphe, aux bateaux à vapeur, il a presque doublé.
- Et si, au lieu d’avoir à supporter les charges énormes que la guerre nous a imposées, nous avions pu dépenser en travaux utiles, la moitié seulement des arrérages de la dette, nous aurions aujourd’hui, tout à fait achevé et tout à fait amorti notre outillage national.
- Telles est la comparaison qui résulte inévitablement de ces deux chiffres :
- Les seize milliards de la guerre nous coûtent, en réalité, quarante milliards perdus.
- Les quatre milliards dépensés en outillage national, nous ont rapporté quarante milliards et plus.
- Ce sont les deux empires qui ont fait les guerres.
- C’est la République qui a fait et qui achève l’outillage national. Est-ce que cela n’est pas suffisamment instructif ?
- Les Exercices militaires à l’École
- EN ANGLETERRE
- Nous lisons dans le Herald of peace :
- 11 est utile que l’attention spéciale des amis de la paix s’oppose à l’action des Conseils scolaires de diverses localités où l’on semble vouloir élever les écoliers pour en faire de la chair à canon.
- Le Liverpool Post contient l’article suivant inséré à titre de modèle à suivre et reproduit par nous comme avertissement :
- A Manchester les exercices ont lieu les soirs d’été dans les cours des pensions ; il y a pendant la saison vingt manœuvres commandées par des sergents instructeurs, ayant le titre de professeurs auxiliaires. Les promoteurs du mouvement ont résolu d’essayer l’organisation pratique, d’un service de cadets Volontaires en rapport avec les pensions de la contrée. Ils ont pen«é qu’il était déplorable de voir des garçons quittant l’école vers treize ou quatorze ans perdre l’habitude de ces exercices durant l’intervalle nécessaire pour pouvoir être incorporés dans les rangs des Volontaires. En conséquence et avec la permission du Conseil scolaire un corps de trois cents garçons fut enrôlé ; ce corps s’exerce deux fois par semaine dans une des plus grandes cours.
- Que la jeunesse entre volontiers dans cette voie, cela est attesté par ce fait qu’il y avait environ deux cents assistants au trentième exercice, beaucoup d’ordre, de discipline et des mouvemeuts parfaitement accomplis.
- Le ministère de la guerre a adressé des encouragements à ces jeunes gens, les a assurés de sa protection, et leur a envoyé trois cents excellentes carabines.
- Ce cadeau n’est pas le fait d’un simple caprice, ou d’un mouvement de générosité inusité. Les exercices militaires dans les écoles semblent plutôt avoir été envisagés avec un sérieux espoir, ce qu’indiquait la notice accompagnant le don et posant le fait comme un précédent.
- De son côté The arbitrator dit :
- Le conseil scolaire de Londres semble décidé a justifier surabondamment notre opposition persistante aux exercices militaires dans les Écoles.
- Nous avons adressé au bureau résolutions, mémoires et députations nous efforçant de démontrer que c’était le premier pas vers la conscription. Gela était nié avec force par les partisans du système et, sans doute, beaucoup d’entre eux ont été et
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- LE DEVOIR
- sont encore assez abusés poar considérer les avantages physiques des exercices militaires comme devant l’emporter sur toutes les autres considérations. Cependant nous espérons que toutes les faces de la question vont aujourd’hui s’imposer à l’examen des conseils scolaires et que ceux-ci vont-regarder de près si le nouveau pas accompli par les actifs soutiens du système en question n’est pas la preuve concluante de leur but définitif.
- Le journal « International arbitration » ayant, lui aussi, condamné l'introduction des exercices militaires dans les écoles anglaises, reçut une lettre contradictoire qu'il inséra dans son N° du 25 juin, et dont nous extrayons les passages suivants :
- « Monsieur le rédacteur de The International j> arbitration.
- » Vous avez, dans un précédent numéro, con-» damné la pratique des exercices militaires à i> l’école, suivant en cela l’exemple de tous les amis » du mouvement de la paix en Angleterre.
- » Les amis de la paix ont eu peine jusqu’ici à se » faire entendre parce qu’ils ne tiennent pas assez » compte des nécessités actuelles. En fait, l’Àn-» gleterre est en avance de 50 ans sur les autres » nations concernant la question de la paix, et les » personnes mêmes qui, à l’étranger, se moatrent » partisans de la même cause ne partagent pas vos » idées concernant les exercices militaires à l’é-» cole.
- » Dans un des derniers numéros du Devoir, or-» gane de l’un des plus éminents avocats de la paix » en Europe, M. Godin, on lit un article sur ce su-» jet même. Une société de gymnastique appelée » La pacifique a été institués pour les enfants des » travailleurs de l’association et voici ce que dit le » Devoir :
- » Ses membres savent accomplir les marches mi-» litaires et manier les armes meurtrières.
- » Nous ne conseillons pas aux sociétés de gym-» nastique de négliger les exercices militaires ; » ils répondent a une nécessité qu’imposent de
- » pénibles obligations.........L’intérêt de la De-
- » publique et la défense de son territoire peuvent » exiger encore des combats meurtriers et de* guérit res terribleSi
- » Ne pouvons-nous pas apprendre, en Angle-» terre,à distinguer entre deux choses essentielle-» ment différentes : la guerre défensive et celle » d’agression ?
- » Si cette distinction était imprimée dans l’esprit » de nos jeunes gens, nulle impulsion ne ressorti-
- » rait des exercices milit lires en faveur du haïs-» sable esprit de militarisme et de l’amour de com-» battre pour combattre.
- » La préparation à la défense nationale dans la-» quelle tout citoyen se tient prêt à remplir, en cas » de besoin, sa fonction, a des avantages tout à la » fois physiques, moraux et sociaux. Se préparer soi-» même intentionnellement pour faire face au » danger et à la souffrance, en vue de sauvegarder » et de protéger la nation dont on est membre, est » certainement un noble devoir ; c’est la voie pour » réaliser l’égalité sociale, développer l’esprit de » fraternité et donner une base solide à la liberté.
- » A vous.
- » Un sincère ami. »
- « The international arbitration » répond en maintenant que l’introduction de l’enseignement militaire dans les Ecoles anglaises ne peut avoir que de détestables effets, a et en regrettant queM. Godin, associé révéré de la cause la paix, ait pu prêter à être cité comme partisan de l’enseignement militaire dans les écoles.»
- Il nous serait facile tout d’abord de dégager du débat la personnalité même de M. Godin, en priant l’auteur de la lettre de se reporter au Devoir du H mai 1885 où se trouvent, page 278, les paroles adressées par M. Godin à la société de gymnastique du Familistère : La Pacifique.
- Il y verrait que M. Godin, bien loin de pousser aux exercices militaires, les combat directement et s’applique à faire comprendre à cesjeunes gens que la paix et le travail doivent être leur seule préoccupation, et que la gymnastique,comme toutes nos autres actions, peut et doit converger vers ce but.
- L’article du Devoir auquel l’auteur de la lettre ci-dessus emprunte quelques lignes envisage d’une façon générale les sociétés de gymnastique fondées en France.
- Une première distinction est à faire entre ces sociétés et celles analogues qui pourraient être fondées en Angleterre. La conscription est obliga-gatoire sur le sol français, elle ne l’est pas sur le sol anglais. Nos enfants ne peuvent échapper au service militaire et moins ils y arrivent prépares, plus ils ont à endurer de privations et de souffrances. Rien que pour abréger leur peine il leur est utile de se familiariser à l’avance avec les détestables exercices du militarisme, en attendant quon ait rendu ces exercices inutiles.
- En prenant la question de plus haut, il est bon d’examiner si le désarmement isolé d une nation
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- le devoir
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- est chose possible dans l’Etat présent de l’Europe.
- Nous ne le pensons pas, aussi n’avons-nous jamais demandé moins que l’arbitrage international et le désarmement européen.
- En l’attendant, nous ne pouvons nous dégager des obligations qu’impose le milieu. Etant donnée cette nécessité, nous choisissons le tnoyen qui nous paraît contenir le moins des abus du militarisme ; car il n’est pas discutable que le citoyen, exercé au maniement des armes sans interrompre ses occupations, sans quitter sa famille, n’acquerra aucune des habitudes si pernicieuses de la vie de caserne ; l’esprit militaire s’effacera progressivement et l’on aura grand peine, si cela est possible, à mener au combat des milices ainsi recrutées, s’il n’est avéré pour elles que la défense de la justice exige de nouvelles immolations.
- En France, lorsque la première République eut chassé la royauté, le progrès social qu’elle réalisa n’aurait eu aucune durée si la nation n’avait été en état de résister à la coalition desautres puissances.
- Qui nous garantit qu’il ne se fera pas bientôt chez quelque peuple de l’Europe une nouvelle évolution sociale devant engloutir le reste des privilèges des classes riches ? N’est-il pas à craindre qu’un pareil événement précipite contre le peuple d’avant-garde de nouvelles coalitions monarchiques, résolues à défendre les privilèges de la richesse en entreprenant une lutte suprême contre le peuple initiât eur.
- Il est certain qu’à notre époque de vulgarisation incessante par la presse, par les communications internationales, un peuple ne pourra réorganiser sa vie sociale et adopter une constitution en harmonie avec les lois de la vie, sans que chez les na-tionsvoisines il se manifeste aussitôt dansles classes laborieuses la volonté de jouir des mêmes bienfaits.
- La généralisation dans toute l’Europe des principes de justice conduira fatalementà la disparition du despotisme des familles, des races, des classes.
- N’est-il pas probable que les gouvernements, tels que celui de la Russie, qui ne recule devant aucune atrocité pour réprimer les aspirations de quelques hommes qui ne demandent qu’une constitution politique, ne se réunissent pour accabler la nation qui aura donné l’exemple d’une organisation sociaLe supérieure incompatible avec la conservation des privilèges.
- Si nous pouvions répondre affirmativement à ces questions, nous n’hésiterions pas à partager l’avis notre confrère.
- Nous concevons le but aussi nettement que n’importe qui, mais nous savons que le progrès n’atteint pas d’un seul coup l’idéal. Nous croyons en la paix universelle ; nous avons foi en son avènement et nous acceptons tout ce qui paît en rapprocher l’heure.
- Assurément, en France, la substitution des milices nationales aux armées permanentes serait un pas de géant qui nous conduirait bientôt au désarmement européen, et celui-ci à la paix générale.
- Nos sociétés corrompues et démoralisées ont besoin qu’on les traite avecménagement ;ne nous cantonnons pas dans laprédicaliondefabsolu ; conduisons nos concitoyens vers le but suprême en ne regrettant pas trop la fatigue et les pertes de temps que nous impose cette tactique, pourvu que l’on avance. Incontestablement,en France, l’idée d’Har-monie universelle est en progrès, depuis que les pionniers ont daigné parler aux masses un langage plus accessible que celui de la théorie pure.
- Le traité de paix avec la Chine.
- « Article 1er.— La France s’engage à rétablir et à maintenir l’ordre dans les provinces de l’Annam qui confinent à l’Empire chinois. A cet effet, elle prendra les mesures nécessaires pour disperser ou expulser les bandes de pillards et gens sans aveu qui compromettent la tranquilité publique et pour empêcher qu’elles ne se reforment. Toutefois, les troupes françaises ne pourront, dans aucun cas, franchir la frontière qui sépare le Tonkin de la Chine, frontière que la France promet de respecter et de garantir contre toute agression.
- De son côté, la Chine s’engage à disperser ou à expulser les bandes qui se réfugieraient dans ses provinces limitrophes du Tonkin et à disperser celles qui chercheraient à se former sur son territoire pour aller porter le trouble parmi les populations placées sous la protection de la France et, en considé-tion des garanties qui lui sont données quant à la sécurité de sa frontière, elle s’interdit pareillement d’envoyer des troupes au Tonkin. Les hautes parties contractantes fixeront par une convention spéciale les conditions dans lesquelles s’effectuera l’extradition des malfaiteurs entre la Chine et l’Annam.
- Les Chinois, colons ou anciens soldats, qui vivent paisiblement en se livrant à l’agriculture, à l’industrie ou au commerce, jouiront, pour leurs personnes ou pour leurs biens, de la même sécurité que les protégés français.
- Art. 2.— La Chine, décidée à ne rien faire qui puisse compromettre l’œuvre de pacification entreprise par la France, s’engage à respecter,dans le présent et dans l'avenir, les traités, conventions et arrangements directement intervenus ou à intervenir entre la France et l’Annam.
- En ce qui concerne les rapoorts entre la Chine et l’Annam, il est entendu qu’ils seront de nature à ne point porter atteinte
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- LE DE VOIR
- à la dignité de l’Empire chinois et à ne donner lieu à aucune violation du présent traité.
- Art. 3. - Dans un delai de 6 mois, à partir de la signature du présent traité, des commissaires désignés par les hautes parties contractantes se rendront sur les lieux pour reconnaître la frontière entre la Chine et le Tonkin. Ils poseront, partout où besoin sera, des bornes destinées à rendre apparentes la ligne de démarcation. Dans le cas oùils ne pourraient se mettre d’accord sur l’emplacement de ces bornes, ou sur les rectifications de détail qu’il pourrait y avoir lieu d’apporter à la front:ère actuelle du Tonkin, dans l’intérêt commun des deux pays,ils en référeraient à leurs gouvernements respectifs
- Art. 4.— Lorsque la frontière aura été reconnue, les Français ou protégés français et les habitants du Tonkin qui voudront la franchir pour se rendre en Chine, ne pourront le faire qu’après s’être munis préalablement de passeports délivrés par les autorités chinoises de la frontière, sur la demande des autorités françaises. Pour les sujets chinois, il suffira d’une autorisation délivrée par les autorités impériales de la frontière.
- Les sujets chinois qui voudront se rendre de Chine au Tonkin, par voie de terre, devront être munis de passeports réguliers délivrés par les autorités françaises sur la demande des autorités impériales.
- Art. 5.— Le commerce d’importation et d’exportation sera permis aux négociants français ou protégés français et aux négociants chinois par la frontière de terre entre la Chine et le Tonkin. Il devra se faire toutefois par certains points qui seront en rapport avec la direction comme avec l’importance du trafic entre les deux pays. 11 sera tenu compte, à cet égard, des règlements en vigueur dans l’intérieur de l’empire chinois.
- En tout état de cause, deux de ces points seront désignés sur la frontière chinoise, l’un au-dessus de Lao-Kaï, l’autre au-delà de Lang-Son. Les commerçants français pourront s’y fixer dans les mêmes conditions et avec les mêmes avantages que dans les ports ouverts au commerce étranger. Le gouvernement de Sa Majesté l’empereur de Chine y installera des douanes et le gouvernement de la République pourra y entretenir des agents dont les privilèges et les attributions seront identiques à ceux des agents de même ordre dans les ports ouverts.
- De son côté, Sa Majesté l’empereur delà Chine pourra, d’accord avec le gouvernement français, nommer des consuls dans les principales villes du Tonkin.
- Art. 6.— Un règlemement spécial, annexé au présent traité, précisera les conditions dans lesquelles s’effectuera le commerce par terre entre le Tonkin et les provinces chinoises du Yunnan, du Kouang-Si et du Kouang-Tong. Ce règlement sera élaboré par des commissaires qui seront nommés par les hautes parties contractantes, dans un délai de trois mois, après la signature du présent traité.
- Les marchandises faisant l’objet de ce commerce seront soumises, à l’entrée et à la sortie entre le Tonkin et les provinces du Yunnan et du Kouang-Si, à des droits inférieurs à ceux que stipule le tarif actuel du commerce étranger.
- Toutefois, le tarif réduit ne sera pas appliqué aux marchandises transportées par la frontière terrestre entre le Tonkin et le Kouang-Tong, et n’aura pas d’effet dans les ports déjà ouverts par les traités.
- Le commerce des armes, engins, approvisionnements et munitions de guerre de tout.! espèce sera soumis aux lois et règlements édictés par chacun des Etats contractants sur son territoire.
- L’exportation et l’importation de l’opium seront régies par des dispositions spéciales qui figureront dans le règlement sus-mentionné.
- Le commerce de mer entre la Chine et l’Annam sera également l’objet d’un règlement particulier. Provisoirement il ne sera innové en rien à la pratique actuelle.
- Art.7.— En vue de développer, dans les conditions les plus, avantageuses, les relations de commerce et de bon voisinage que le présent traité a pour objet de rétablir entre la France et la Chine, le gouvernement de la République construira des routes au Tonkin et y encouragera la construction de chemins de fer.
- Lorsque, de son côté, la Chine aura décidé de construire des voies ferrées, il est entendu qu’elle s’adressera à l’industrie française, et le gouvernement de la République lui donnera toutes les facilités possibles pour se procurer en France le personnel dont elle aura besoin. Il est entendu que cette clause ne peut être considérée comme constituant un privilège exclusif en faveur de la France.
- Art. 8.— Les stipulations commerciales du présent traité et les règlements à intervenir pourront être révisés après intervalle de dix ans révolus, à partir du jour de l’échange des ratifications du présent traité. Mais, au cas où six mois avant le terme ni l’une ni l’autre des hautes parties contractantes n’aurait manifesté le désir de procéder à la révision, les stipulations commerciales resteraient en vigueur pour un nouveau terme de dix ans, et ainsi de sui te.
- Art. 9.— Dès que le présent traité aura été signé, les forces françaises recevront l’ordre de se retirer de Kelung et de cesser la visite, etc., en haute mer. Dans le délai d’un mois après la signature du présent traité, l’île de Formose et les Pescadores seront entièrement évacuées.
- Art. 10.— Les dispositions des anciens traités, accords et conventions entre la Frnce et la Chine, non modifiées par le présent traité, restent en pleine vigueur. Le présenttraité sera ratifié dès à présent par S. M. l’empereur de Chine et, après qu’il aura été ratifié par le Président de la République française, l’échange des ratifications sera fait à Pékin dans le plus bref délai possible.
- Fait à Tien-Tsin, le 9 juin 1885.
- (Suivent les signatures et les sceaux.)
- L AMBASSADE MAROCAINE
- Une ambassade Marocaine vient d’arriver à Paris.
- L’ambassade se compose de Si-Abd-el-Malek-ben-Saïdi-Amel, premier ambassadeur ; Si-Abd-el-Ouadh-pen-el-Mouez, et de quatre caïds.
- Elle est accompagnée d’un intendant des écuries, d’un secrétaire d’ambassade, de trois domestiques et d’un cuisinier.
- C’est la première fois que les ambassadeurs et leur suite quittent leur pays. Leur cuisinier, un
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- LE DEVOIR
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- beau nègre du plus bel ébène, est venu trois fois, à Paris et parle un peu le français.
- Les membres de l’ambassade et leurs principaux suivants sont de beaux hommes bruns, presque noirs, aux vêtements entièrement blancs, portant un double burnous sur des gandourahs bleu de ciel, rouges ou marrons ; ils ont pour coiffure le fez à large turban, et pour chaussures des babouches en cuir de couleur. La peau brune de leurs jambes nues tranche sur la blancheur des culottes ; ils portent dans la ceinture de longs poignards et des pistolets damasquinés.
- Pendant sa traversée, le président des Kadis a été atteint d’un léger commencement d’ophthal-mie ; c’est alors qu’il a dû prendre les lunettes bleues qu’il porte.
- Avec la mission du sultan, sont arrivés, à bord de l’Aréthuse, douze jeunes gens des principales familles de Tanger et des environs.
- Ces jeunes Marocains sont destinés à former un noyau d’officiers de choix, et se rendront, afin de compléter leurs études militaires, au 2e régiment du génie à Montpellier, sous la conduite de M. Roger, sous-lieutenant à ce régiment et frère de l’attaché du ministère des affaires étrangères, qui est venu attendre la mission à Toulon.
- Les ambassadeurs apportent des présents à M. Grévy : ce sont dix étalons non encore dressés.
- Quatre de ces magnifiques animaux sont gris-pommelés, trois sont noirs, un est alezan brûlé, un est blanc ; enfin le dernier, le plus remarquable de tous, est de couleur isabelle.
- Un d’entre eux, même, s’est montré à tel point rétif pendant la traversée, qu’il s’est contusionné sur plusieurs parties du corps.
- Avec ces étalons se trouvent, parmi les présents envoyés à M. Grévy, dix magnifiques selles en cuir travaillé et brodées d’or, dont la plus belle atteint un prix de 4,000 francs.
- La présence à Paris des ambassadeurs Marocains prouve que le gouvernement est désireux d’étendre l’influence française au Maroc. Nous voy-ons dans ce fait des intentions très louables, contre lesquelles nous n’avons rien à dire,pourvu qu’on ne se laisse pas entraîner aux aventures dont ces sortes d’ambassades ont presque toujours été le commencement.
- Le précédent ministère avait aussi des visées sur e Maroc, et sa politique agressive avait déjà préparé les germes d’un conflit, lorsque les affaires du
- °ûkin prirent assez d’importance pour que l’on
- n’osât mener de front deux mauvaises affaires. Les attentats contre nos nationaux, les difficultés entre nos représentants et le gouvernement marocain et tous les désordres, qui arrivent toujours dans les pays lointains lorsqu’une grande nation de l’Europe éprouve le besoin d’imposer sa domination, suivaient la marche ordinaire de ces événements. Mais tout s’arrêta à temps vu la gravité de notre situation au Tonkin.
- Il n’est pas douteux que le voyage à Paris des ambassadeurs marocains couvre quelques grandes combinaisons de la politique ou de la spéculation, plutôt de cette dernière ; car, depuis longtemps, la politique n’est plus qu’une servante de la finance.
- Selon toute probabilité de grands intérêts français se créeront au Maroc à la suite de ces démonstrations pacifiques.
- Il nous importe peu de rechercher si les ambassadeurs marocains, agissant selon l’intérêt exclusif de leur pays,caressent l’idée d’obtenir de la France des conditions avantageuses, ou bien, comme c’est l’habitude assez générale de la plupart des grands dignitaires de tous les pays, s’ils viennent trafiquer de leur influence en vue d’améliorer leurs fortunes personnelles aux dépens du peuple qu’ils dirigent.
- Nous voulons mettre en garda les honnêtes gens contre des éventualités trop justifiées par les agissements passés de la politique financière.
- Il est déjà arrivé bien des fois, l’Egypte en est l’exemple le plus frappant,que, à la suite de ces relations amicales avec les dignitaires des pays barbares,leurs gouvernements ont été habilement conduits à donner des concessions à des européens ou à traiter des emprunts sous divers prétextes avec de puissantes maisons de banque, organisées pour écouler en quelques années parmi le public tous les titres de ces opérations. Plus tard, lorsque ces affaires, toujours frappées dès le début de majorations qui les condamnent à la ruine, commencent à péricliter, les intérêts compromisse coalisentet agissent politiquement pour amener le gouvernement à intervenir au nom de la France ; et cette intervention n’a jamais lieu avant que les titres ne soient revenus, à vil prix, dans les mains de ceux qui les avaient émis à des taux excessifs.
- Le résultat final est toujours l’aggravation des embarras financiers du Trésor et la ruine du gouvernement, dupe ou complice des écumeurs de bourse qui mènent la politique financière.
- Si le peuple marocain ou ses dignitaires et nos financiers veulent tenter de nouer des relations et
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- jouer au plus fin, qu’il soit bien entendu, avant de laisser commencer la partie, que, si le gouvernement encourage toutes les tentatives d’étendre à l’extérieur l’influence française, il n’entend dans le présent et l’avenir n’être garantdes intérêts dont il n’a pas dès le début endossé la responsabilité.
- Ces appréhensions ne reposent, il est vrai, sur aucune donnée précise ; il y a déjà plusieurs mois que l’on n’a eu vent de quelque tentative financière du côté du Maroc. Mais, par analogie, la prudence permet de prendre la précaution de mettre en garde le public contre les tendances ordinaires de la politique financière.
- Le Devoir s’occupe rarement de politique : lorsqu’il touche aux questions de cet ordre, il n’a pas l’habitude de se cantonner dans la politique de récrimination. Notre rôle n’est pas de nous attarder à discuter les faits accomplis; nous pensons que la politique digne de notre attention est celle qui a pour but de prévoir les événements et de demander à temps aux gouvernements d’éviter les fautes qui, trop souvent, leur sont reprochées par ceux-mêmes qui ont aidé à les commettre par un silence de commande ou par le défaut de prévoyance.
- En ce qui concerne l’ambassade marocaine, nous demandons qu’elle soit bien accueillie, que le gouvernement fasse tout ce qui dépend de lui pour faciliter la création de bonnes relations entre les deux peuples, mais qu’il se garde d’accepter aucune obligation qui puisse le rendre un jour responsable des entreprises de la spéculation.
- Il faut que le public apprenne à distinguer les entreprises véritablement nationales des exploitations hypocrites qui s’organisent dans les pays lointains pour mieux cacher les irrégularités et les dangers de leurs opérations.
- S’il se préparait au Maroc quelque chose qui ressemblât aux affaires du Mexique, d’Egypte, de Tunisie et du Tonkin, nous pensons qu’il est de l’intérêt de la République que son gouvernement prenne une attitude suffisamment correcte, afin qu’on ne puisse le soupçonner plus tard d’avoir manqué de clairvoyance.
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- Les correspondants du Devoir qui s’occupent de recueillir des adhésions sont priés de faire parvenir à l’administration les listes signées.
- L’ANGLETERRE, LA RUSSIE, L’AFGHANISTAN
- Conférence d’Élisée Reclus au Grand Théâtre d’Alger.
- Mesdames et Messieurs,
- Je n’ai pas ici à faire l’exposé de mes idées en matière de politique et de sociologie. Géographe, je ne demanderai pas pour vous à la géographie les détails du relief de telle ou de telle région, ni le système de ses cours d’eau. Ce sont là les menus côtés d’une science qui a de plus grands horizons.
- Liés au sol et au climat, les peuples, comme les individus, sr’harmonisent si bien avec leur milieu, que l’on peut non-seulement expliquer les événements contemporains, mais encore prévoir ceux qui s’accompliront.
- Voyons comment cette méthode géographique peut s’appliquer à la lutte pour l’hégémonie du monde qui a menacé récemment d’éclater entre l’Angleterre et la Russie.
- Eh bien ! la question de l’Afghanistan se réduit à ceci : l’Angleterre conservera-t-elle son rang dans le monde, ou bien abdiquera-t-elle son pouvoir au profit de l’Empire russe? Du moins, est-ce ainsi que les Anglais se posent généralement le problème, sans songer suffisamment peut-être qu’au lieu de cette puissance, au lendemain plein de périls que lui a créés sa politique coloniale, l’Angleterre pourrait peut-être retrouver, avec une plus grande sécurité nationale, d’aussi actits éléments de bien-être et de progrès, dans une position intérieure largement inspirée par l’esprit de justice et de liberté.
- Ça été le propre de presque tous les grands hommes d’Etat que d’avoir rêvé l’établissement de ce qu’on est convenu d’appeler l’équilibre européen. Richelieu, Mazarin, Guillaume d’O-range, Pitt, ont poursuivi ce rêve.
- Chacun d’ailleurs, avait bien soin, sans doute par esprit de patriotisme national et plus encore peut-être dans le délire de l’ambition personnelle, de réserver à son pays, au milieu de ces nations tenues en laisse, une hégémonie, dont eux-mêmes eussent été les directeurs. Vaine poursuite ! Le globe n’a pas seulement une évolution physique, incessamment aussi l’esprit humain y évolue. Les peuples s’y font et s’y défont, s’y forment et s’y reforment, sans qu’on puisse localiser la puissance sociale à telle ou telle région.
- Hier encore quantité négligeable, les Etats-Unis sont dès maintenant la plus formidable puissance du globe. La Chine et le Japon, hier encore murés naissent à l’avenir et tendent à la vie européenne. La Russie, peuple de hordes barbares if y a peu de temps, est dès aujourd’hui formidable par sa puissance militaire et sa patriotique centralisation. Le centre de la politique va ainsi, se déplaçant sans cesse sur toute la surface du monde Que peuvent contre ces expansions et ces extensions soudaines les calculs de la diplomatie et des hommes d’Etat Quoiqu’il en soit cependant, chacun d’eux veut enchaîner l’avenir, et l’histoire de la lutte actuelle de l’Afghanistan n est autre que celle des tentatives réitérées de l’Angleterre pouf maintenir ses chances à l’hégémonie qu’elle ontrévée, et à laquelle il lui est si amer de renoncer aujourd’hui.
- Aussi bien n’est-il pas de nation à laquelle la politique c°' laniale n’âit été fatale. N’étaient-ils pas presque surnaturels»
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- â force de courage et de fière grandeur, les Espagnols de Fernand Cortez, les Portugais de Camoëns ? La conquête de l’Amérique par les premiers ne tient-elle pas du prodige ? A seize mille au plus, car ils ne dépassèrent jamais ce chiffre, ces hommes conquirent un monde en moins d’une génération. Mais au lendemain même de la conquête de l’Amérique, saisis par la fièvre de l’or, presque devenus féroces, les Espagnols n’accusent pas seulement une décadence morale formidable, la décadence nationale suit, aussi douloureuse, aussi navrante que leur gloire avait été resplendissante.
- Vous rappelez-vous les Hollandais conquérant pied à pied un pays, d’ailleurs menacé par la nature, et qui disparaîtrait sous leurs pieds si la mer brisait les digues. Bloqués sur leur morceau de boue, indomptés,ils luttent tour à tour, et toujours avec succès, contre les plus grandes puissances de l’Europe.
- Leurs appétits coloniaux les poussent à Java, à Sumatra, et, dès ce moment,le ressort s’émousse, le caractère s’effondre, sans que le bien-être des masses populaires s’en accroisse, l’activité commerciale, l’instinct de liberté font place au mercantilisme. Ce ne sont certes pas les bourgeois d’Amsterdam d’aujourd’hui qui arrêteraient les flottes et les armées de Louis XIV, et ne semble-t-il pas vraiment que la logique des choses punisse les conquêtes à l’instar d’un crime international ?
- Au surplus, et je tiens à le dire pour ceux que toucheraient peu les considérations de morale internationale, ce sont les nations dont les colonies sont les plus étendues et les plus puissantes, qui ont les charges les plus écrasantes. C’est chez elles que la misère sociale s’étale avec le plus d’horreur. Et ce n’est là, messieurs, qu’un seul côté de la question.
- Il en est un plus grave encore. Pris comme dans une sorte d’engrenage, par les propres rêves de leur ambition, les nations dôtées de ce qu’on appelle un empire colonial deviennent rapidement les serves de leurs colonies. Ce n’est point la destinée de celles-ci qui est liée à la Métropole : majeures elles s’émancipent, témoin les Etats-Unis. C’est bien la destinée de la Métropole qui est rivée à celle des colonies, ou du moins telle est l’apparence, aux yeux de la presque universalité des hommes politiques, car ils s’habituent aisément à ne plus concevoir la vie nationale de leur patrie en dehors du déploiement colonial. En sorte qu’ils sont portés à considérer comme l’équivalent d’une ruine nationale la perte même de ces colonies, alors qu’au contraire, ils devraient souhaiter cette éventualité comme le plus grand bonheur qui pût leur arriver. Et quelle preuve plus manifeste que celle de l'Angleterre, aujourd’hui en proie au cauchemar des Indes.
- Bien loin, d’après la carte de la Grande-Bretagne, à dix mille kilom. de distance, voyez la vaste péninsule qui semble si bien garantie au nord, par les plus hautes chaînes du globe, celles de l’Hymalaya et de l’Hindou-kouch. Cette péninsule compte 260 millions d'âmes. Quelle plus riche proie pourrait espérer un peuple amateur d’aventures coloniales et quelle nation mieux outillée que l’Angleterre pour s’emparer utilement et facilement de cette proie : Il y a deux siècles de cela, aPrès la destruction de flottes de Louis XIV, l’Angleterre seule était équipée pour la conquête maritime d’immenses colonies lointaines. Sa marine formait à peu près les sept dixièmes des forces navales du monde entier. Grâce à cette suprématie maritime, elle avait fait de toutes les mers des dépendances du %aume-Uni. Partout où était l’Océan était l’Angleterre, en
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- sorte que de ce pays, en apparence perdu aux antipodes, elle était, en fait,riveraine, limitrophe, par l’Océan qui déjà lui appartenait. Et cette situation lui donnait sur la France ou sur toute autre nation européenne d’ailleurs, un avantage tel que, manifestement, dans une lutte pour la conquête de l’Inde, elle devait vaincre aisément.
- Il en fut ainsi. Installée dans sa nouvelle conquête, elle put avec assurance songer d’autre part aux immenses déserts qui par de là des monts gigantesques et infranchissables isolaient son nouveau domaine du reste de l’Univers. L’Inde était fermée par la voie de terre, non-seulement par l’Hymalaya et par niindoukouch, mais encore par les déserts du Turkestan. Elle était décidément imprenable.
- Par un hasard heureux, presque inouï, elle pouvait espérer d’ailleurs assurer la police et la sécurité de son nouvel empire par les populations habituées depuis trois mille ans à un esclavage héréditaire ; divisées de castes, de religions musulmanes, Brahmanistes, Jaîna, Sikhs, séparées par la diversité des langues, Ordou, Indoustani, Mahrati, Télougou, etc. , les diverses races indiennes étaient animées d’ailleurs de haines aveugles les unes contre les autres.
- L’Angleterre exploita habilement ces haines ; elle recruta des armées par région, se gardant bien d’ailleurs de laisser communiquer entr’eux ses divers régiments. Elle sut les entretenir dans ce vieil esprit de haine pour les lancer, au besoin, les uns contre les autres, en cas d’insurrection. Au Nord-Ouest de l’Inde, sectaires d’une religion toute particulière et renommés pour leur haine féroce de tous les autres Hindous, vivent les Sikchs. Comme on dresse une meute de molosses, l’Angleterre sut les dresser pour les lâcher, au besoin, sur tous les autres habitants de la péninsule. Enfin, dans les gorges profondes de l’Hymalaya-Oriental existe un pays, le Né-paul, d’un abord très difffeile, et dont la conquête eût eu le double inconvénient, pour l’Angleterre, de nécessiter un puissant effort et d’ouvrir contre elle la question chinoise, car l’empereur de la Chine est suzerain du Népaul. C’est aussi avec le Thibet, à demi-province chinoise, que le Népaul entretient presque exclusivement des relations commerciales. L’Angleterre n’en tenta point la conquête, mais arracha comme prix de sa réserve, au souverain du Népaul, la formelle promesse de mettre ses 100.000 soldats à la disposition du Gouverneur des Indes, s’il en était besoin pour combattre les Indiens. Ainsi s’échelonnaient à son profit armées sur armées, qu’isolait d’ailleurs les unes des autres, dans leur haine fauve, la politique jalouse du vice-roi des Indes.
- Quelqu’adroite qu’elle fût, cette politique ne fut pas cependant sans secousse, et nous savons qu’à plusieurs reprises l’insurrection mit en péril la possession des Indes. Les terribles épisodes de la dernière insurrection des Cipayes sont encore présents à nos esprits. Mais un danger bien autant redoutable devait se révéler bientôt. Par delà le Paropamisus, par delà le Caucase, grandissait le Monde Russe, envahissant les steppes, envahissant le désert, débordant par delà les lacs et les mers intérieures. Et voici que les Russes peu à peu, d’étapes en étapes, s’emparaient de la Trans-Caucasie, puis de la Trans-Caspienne, puis du Turkestan, puis de khiva. Où voulaient donc aller les Moscovites ? L’Angleterre s’émut. Ses protestations n’empêchèrent pas les Russes de s’établir dans leurs nouvelles çonquêtes;
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- — a Du moins n’irez-vous pas plus loin », dirent les diplomates anglais.
- — « Assurément non », répondit le czar.
- — « En donnez-vous votre parole ? »
- — « Nous la donnons. »
- Et quelques années après les moscovites dépassaient la frontière.
- L'Oxus s'offrit à leur avant-garde :
- — « C’est là que vous vous arrêterez. »
- — « Oui, certes, et nous n’avons jamais eu l’intention de dépasser ce point. »
- — « Nous en prenons acte devant l’Europe ! »
- Vain espoir ! et maintenant le Porapamisus est atteint par l’armée du Czar.
- Et cependant, tel était l’écart entre le nombre des Anglais, moins de soixante mille, et les 250 millions d’indiens, que pour maintenir leur prestige et empêcher les vaincus de supputer les chances que leur offrait la puissance du nombre, les Anglais s’efforcèrent de faire croire à une origine véritablement supérieure.
- Ne pouvant se montrer en nombre, ils préférèrent rester invisibles, ainsi qu’il est d’usage chez les êtres surnaturels. Certes ni pour la grâce du visage, ni pour le charme des manières, ni pour l’élégance des formes, ils ne pouvaient lutter avec les Rajah. Ils essayèrent tout au moins de le faire par le luxe, et, prenant tout d’abord la précaution de fermer le pays aux voyageurs et aux touristes même de leur nation, ils eurent le soin d’entourer les rares fonctionnaires envoyés dans l’intérieur, d’un domestique innombrable et d’un faste au sein duquel se déguisait mal la morgue britannique. Dès lors, le régime auquel ils soumirent les Indes fut facile à maintenir. Ils traitèrent ces innombrables populations avec une sorte de pitié méprisante, toujours prêts d’ailleurs à faire usage des moyens terribles que mettait en leur possession l’organisation des armées rivales dont nous avons parlé.
- Un monde, auparavant, séparait l’Inde de la Russie, et voici que ce monde s’est rétréci sans cesse. Des bandes turco-manes, hordes de pillards indomptés, effroi naguère des Russes eux-mêmes, sont maintenant enrégimentés par les généraux moscovites, dans l’attente du grand pillage qu’offrira le riche pays qui s’étend de l’Indus jusqu’au Gange.
- Et les Russes marchent toujours, poussant leurs avant-gardes, massant les soldats sur leurs postes-arrière, et, chose plus merveilleuse encore, accumulant même des populations de colons dans un pays où nul Russe n'eût résidé il y a 40 ans.
- Ainsi ne sont-ce pas seulement les armées Russes qui marchent, mais encore le peuple Russe, la race moscovite, par cet antique chemin de l’Asie Centrale, d’où jadis les peuples affluèrent sur l’Europe, et d’où l’Europe semble aujourd’hui vouloir refluer sur l’Asie. Eh bien, dès aujourd’hui, on est aux portes ; c’est Hérat, Hérat la clef des Indes, qu’un instant Komaroff, le général Russe, eut la tentation d’enlever. Nous ne savons vraiment pas si de nouvelles promesses de respecter les récentes frontières ont été faites par la Russie à l’Angleterre pour calmer sa t3rreur. Mais ce qu’il est facile d’apprécier, c’est la valeur de ces promesses, et le sort qui leur est réservé.
- Ainsi donc, voici qu’à dause de l’Inde, l’Angleterre se trouve exposée à tous les aléa d’une lutte formidable. Pour sau-
- ver ce domaine immense qui a valu à Victoria la couronne d’impératrice, qui a accumulé les richesses aux mains de l’aristocratie anglaise, non sans accroître, il est vrai, les charges et la misère du peuple, voici, dis-je, que l’Angleterre va, dans un avenir prochain, tout risquer, tout, jusqu’à son existence nationale elle-même ? Ce n’est pas à dire assurément que la conquête des Indes et l’écrasement de l’Angleterre doivent-être chose aisée pour les généraux du Czar ; l’Angleterre est féconde en ressources, elle saura semer d’obstacles la marche des armées ennemies. S’il est permis aux patriotes anglais de concevoir de semblables espérances, il leur serait de même imprudent d’oublier la prédiction sinistre contenue dans la « Bataille de Dorking » attribuée à Disraeli, et dans la quelle cet homme d’Etat, entrevoyait, malgré les mers dont elle est entourée, les soldats continentaux foulant en vainqueurs le sol même de sa patrie
- Et d’ailleurs, ce n’est pas seulement la science militaire qui conspire ainsi contre la puissance de l’Angleterre dans l’Inde. Une autre puissance encore s’avance, la voie ferrée.
- Partant du détroit de Constantinople, tandis que les Anglais ont renoncé à construire une voie dans l’Asie-Mineure, craignant les Russes postés dans la Transcaucasie, le gouvernement moscovite travaille à compléter son réseau au Sud du Caucase et des deux côtés de la mer Caspienne. Déjà le territoire en litige est atteint par la locomotive russe.
- A quoi donc va servir désormais à l’Angleterre cette série d’étapes maritimes dont la possession lui suscita tant de jalousies en Europe : Gibraltar, Malte, Chypre, Aden ! Quel aura été le résultat pratique de cette douloureuse expédition d’Egypte qui leur a valu tant de morts ! Expédition aussi funeste au prestige national anglais dans le monde, qu’elle l’a été à ses finances et à ses soldats. Qu’on suppute le nombre d’existences humaines, celui des capitaux engloutis dans toutes ces conquêtes qu’imposait la possession de l’Inde, et qu’on sente toute l’étendue de la perte que l’Angleterre est peut-être sur lepoint d’éprouver ! Heureuse, du moins, sera-t-elle, si, guérie par cette cruelle expérience, des mirages de la politique extérieure et coloniale, elle voit refleurir chez-elle les mâles vertus de fierté et d’égalité qui distinguèrent ses ancêtres.
- Ainsi donc l’Angleterre est revenue de son rêve d’hégémonie. A qui celle-ci va-t-elle revenir ? À la Russie. Oh ! certes son immense puissance militaire lui réserve assurément encore une grande action dans le monde, qu’elle semble vouloir envahir tout entier. Et pourtant il est possible de prévoir qu’elle n’arrivera pas jusqu’à réaliser son rêve. Les militaires allemands font également en vain semblable rêve pour leur pays. Des considérations géographiques, qui demanderaient a elles seules le temps d’une conférence entière, permettent d’affirmer que l'Allemagne sera impuissante à asseoir une prépondérance définitive.
- L’équilibre, aujourd’hui, n’est plus européen, Il n’y a plus d'équilibre européen. Il ne peut y avoir qu’un équilibre « mondial » reposant, non sur la puissance d’un seul ou sur la jalousie réciproque des gouvernements, mais sur le respect mutuel des peuples et des individus les uns vis-à-vis des autres aussi bien que sur la pratique commune de la Justice.
- Le Directeur-Gérant : A. DOYEN.
- Guise —
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- 9e Année, Tome 9. - N° 357 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 12 Juillet 1885
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- SOMMAIRE
- Manifeste de l’Eitréme-Ganche.
- Manifeste de l’Extrême-Gauche. Programme des Comités radicaux socialistes. Le contrat électoral. — Union de la Presse républicaine.—Images contre Images. — Le 17rae congrès des coopérateurs anglais.—Faits politiques et sociaux de la semaine. — Discours prononcé par Mm® Destriché à l’assemblée générale de la société de la libre-pensée de Château-du-Loir.— Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen. — Maître Pierre. — Bibliographie.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
- On lira plus loin la résolution adoptée à la réunion des journalistes républicains de l’Aisne, de l’Oise
- de la Somme ; nous en avons reçue copie trop tard pour pouvoir la placer en tête de notre numéro.
- Programme des comités radicaux socialistes. Le contrat électoral.
- L’Extrême-Gauche a adressé au peuple français un manifeste que nous avons reproduit dans le Devoir.
- Le manifeste déclarait urgentes les réformes suivantes :
- I°— Condamnation de la politique d’aventures.
- 2°— Réforme constitutionnelle. Souveraineté absolue du suffrage universel.
- 3e— Réforme financière. Equilibre du budget : impôt sur le revenu; réduction des dépenses; révision des conventions et des tarifs de transports.
- 4°— Séparation des Eglises et de l’Etat.
- 5°— Réduction du service militaire ; suppression de l’exemption des séminaristes et du volontariat d’un an.
- 6°— Lois de protection et d’émancipation du travail.
- Le manifeste et ses conclusions n’ont ni l’ampleur d’un programme général, ni la précision d’un programme électoral : Un parti qui n’envisagerait l’avenir qu’aux six points de vue que nous venons d’énumérer ferait preuve d’une étroitesse politique excessive, il serait indigne de l’attention des républicains français, surtout des ardentes aspirations du peuple parisien; un programme électoral, qui ne définirait pas mieux le mandat des futurs dé-
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- putés, permettrait de supposer que ses rédacteurs l’ont écrit avec la ferme volonté de prendre des engagements illusoires et de préparer une législature tout à fait semblable à celle qui prend heureusement fin ; que signifie cet article 6 demandant des lois de protection et d’émancipation du travail ; les candidats officiels sous l’empire, l’empereur et ses pires ministres n’avaient pas un autre langage.
- Nous ne faisons pas l’injure, aux signataires du document en question, de les comparer aux bonapartistes, nous savons que leurs intentions sont bonnes ; mais iis nous ont mis dans l’obligation de leur faire sentir combien ils étaient inconséquents en ne surveillant pas mieux la rédaction des communications adressées aux électeurs.
- Les députés de l’Extrême-Gauche ont agi sous l’influence d’une idée juste: ils ont pensé avec raison que des mandataires, à l’expiration de leurs pouvoirs, doivent quelques explications aux mandants. 11 aurait été logique que lesdéputés eussent donné des explications concernant le mandat expiré, qu’ils eussent rappelé les difficultés rencontrées et les efforts déployés pour les surmonter.
- Un pareil sujet était difficile pour des hommes qui ont gaspillé tout leur temps aux mesquineries de 1a. politique des compétitions personnelles et aux intrigues des luttes ministérielles.
- On comprend la répugnance de nos honorables à aborder un semblable sujet. Mais ce n’était pas un motif pour parler de l’avenir d’une façon aussi insuffisante.
- Les auteurs du manifeste auraient mieux fait d’inviter simplement les électeurs à préparer à temps les nouveaux mandats et à y apporter assez de soins et de clarté pour empêcher les futurs représentants de stériliser la prochaine législature.
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- Les électeurs de Paris ont réparé les fautes des représentants de l’Extrême-Gauche.
- Le programme électoral voté par les groupes radicaux socialistes de Paris, que nous reproduisons plus loin, est un remarquable document par l’ampleur des idées et par la précision des formules.
- Le parti avancé républicain ne pouvait rester sous le coup du manifeste de ses hommes en renom ; il ne pouvait mieux se relever que par la publication du programme sorti des délibérations des 73 groupes parisiens.
- Nous trouvons dans ce programme plusieurs causes conformes à des articles du programme du
- Devoir et aux réformes que nous réclamons avec tant de persévérance depuis longtemps. Désormais nous aurons la satisfaction de nous sentir aidés dans notre tâche de propagande, en attendant que notre programme entier devienne celui de la démocratie, dont il exprime les besoins et traduit les aspirations.
- Voici les points communsquenous relevons dans le programme parisien dans la partie politique :
- Art. 2. Assemblée unique et permanente nommée pour trois ans et renouvelable annuellement par tiers sur l’ensemble des départements.
- Art 3. Arbitrage international.
- Art 4. Liberté individuelle, liberté absolue de parole, de presse, de réunion et d’association, garanties comme droits mprescriptibles, par la Constitution.
- Art. 11. Egalité de l’enfant devant l’instruction.
- Instruction intégrale, laïque et gratuite à tous les degrés, professionnelle ou autre, en raison des aptitudes constatées.
- Entretien et nourriture de l’enfant à la charge de la nation pendant toute la période d’instruction.
- Dans la partie économique :
- Art. 1*. — Impôt progressif spécial sur les successions.
- Art. 2. — Suppression de l’hérédité en ligne collatérale.
- Art. 3 . — Suppression graduelle de la dette publique et interdiction de nouveaux emprunts.
- Art. 5. — Révision intégrale dans le sens démocratique de la loi de 1867 sur les sociétés.
- Art 12. — Caisse nationale réservée aux victimes du travail sans préjudice de recours contre les patrons.
- Art. 14. — Obligation pour la Commune, le Département et l’Etat, d’assurer l’existence des citoyens incapables de travailler.
- On comprend que le programme d’où sont extraits ces articles nous contente suffisamment pour que nous nous abstenions de rechercher quels amendements conviendraient aux parties sur lesquelles nous aurions à faire quelques réserves, si nous examinions tous les détails.
- Le programme radical socialiste est complet par le nombre des questions qu’il soulève ; sa franchise et sa précision sont dignes de tous éloges.
- Nous trouvons néanmoins qu’il doit subir un amendement.
- Ce n’est pas que nous réclamions l’insertion d’autres revendications que celles qu’il énumère. Nous désirons, même nous réclamons instamment, qu’il soit complété par l’addition d’une troi-
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- sième partie énumérant les réformes par lesquelles il faut commencer.
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- Le programme radical socialiste est divisé en deux parties : l’une, indiquant les réformes politiques ; la deuxième, contenant les énoncés des réformes économiques.
- Gela est bien, et cela serait suffisant si ce programme n’était qu’un programme général de réformes. Mais ses auteurs, en même temps qu’ils ont affirmé l’existence du nouveau parti, ont voulu faire œuvre électorale.
- La classification adoptée ne tient pas suffisamment compte de cette double mission, qui incombait au parti radical socialiste, de s’affirmer comme nouveau parti politique par l’adoption d’un programme général, et de faire œuvre pratique et immédiate en mentionnant d’une manière spéciale quelles sont les réformes qui s’imposent les premières aux mandataires du pays.
- Nous ne pensons pas que les auteurs de ce programme comptent que leurs députés aient à résoudre toutes ces questions en même temps.
- Alors se pose la question de savoir si les mandataires auront le choix de prendre suivant leurs préférences individuelles telles ou telles réformes plutôt que les autres, ou bien si les électeurs ne feraient pas œuvre de prudence en fixant eux-mêmes l’ordre d’exécution.
- Cette dernière résolution serait la meilleure. Si on laisse la faculté du choix aux élus, il est probable qu’ils ne seront pas d’accord ; si les électeurs prennent préalablement une décision à ce sujet, les élus pourront se diviser sur les moyens, mais ces divergences ne seront pas suffisament motivées
- pour amener l’inaction.
- Nous engageons les électeurs radicaux socialistes aconsidérer que tous les partis qui les ontprécédés ont eu, eux aussi, des programmes généraux très
- explicites ; le programme de Belleville, en particulier, ne manquait pas de clarté, néanmoins le parti dm l’avait adopté n’a pu réussir à le faire prévaloir.
- Si on voulait se donner la peine de réfléchir, on SÇ convaincrait que la stérilité des partis est moins jouable au défaut de précision des programmes du a l’absence d’un mandat électoral spécial.
- , Y a Pas encore d’exemple qu’un parti ait su hr cette distinction sur le terrain politique. es auteurs du programme en question ont fait nos '6- ^etroP de &ens> pourqu’ilsne comprennent avis ue s’empressent de les mettre à profit.
- Nous proposons donc l’adjonction au program -me d’une troisième-partie, dans laquelle seraient stipulées les clauses qui engagent les maîhjataires pour la prochaine législature. Surtout nous sommes d’avis qu’on ne doit pas trop surcharger ces engagements, afin de conserver le droit d’être impitoyable envers les députés qui n’y conformeraient pas leur conduite.
- -fc
- K #
- Etant donné l’esprit de la populationparisienne, nous inscririons dans la troisième partie, que nous désignerions sous le nom de Contrat électoral, les clauses relatives au suffrage universel, celles visant l’arbitrage, l’enfance, les malades et les incapables de travail par vieillesse, accidents, ou chômages.
- En ce qui concerne le suffrage universel le manifeste de l’Extrême-Gauche dit : souveraineté abso~ lue du suffrage universel.
- Le programme des radicaux socialistes indique les conditions pratiques de la souveraineté populaire : Réduction de la durée du mandat ; renouvellement partiel et annuel.
- Nous pensons, nous, que les électeurs parisiens sont suffisamment mûrs pour entrer dans la pratique immédiate de cette réforme ; cela est possibl e, même facile.
- Ils peuvent demander à leurs candidats l’engagement de présenter un projet de loi à la prochaine session législative en vue de modifier la loi électorale, de manière à appeler le suffrage universe-au renouvellement annuel par tiers de la Chambre des députés. Jusqu’à ce que la loi ait opéré cette réforme, les électeurs peuvent encore demander l’engagement formel à leurs candidats de se répartir, par tirage au sort, aussitôt après leur nomination, en trois groupes : le premier devant donner sa démission à une époque fixe, après une année de mandat ; le deuxième, après deux années ; le troisième après trois années. Une fois ce roulement établi, les députés élus seront nommés pour trois ans.
- Si les Parisiens entrent dans cette voie toute de sens pratique, ils verront les mauvaises institutions s’écrouler bien vite, et les bonnes s’édifier avec une rapidité incroyable.
- Dans chaque élection annuelle, ils reprendraient quelques autres clauses du programme ; ils parviendraient ainsi à le réaliser progressivement ; tandis que, s’ils persistent dans les errements pas-és, malgré leur bonne volonté, malgré la netteté
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- de leur programme, malgré leur amour du progrès social, ils ne sortiront pas de la confusion politique qui a englouti les partis les plus énergiques ; non pas parce qu’ils seront trahis par leurs mandataires, mais parce que, eux-mêmes, n’aurontpas montré les qualités et les capacités obligatoires chez les individus ou les collectivités qui revendiquent les honneurs et les charges du commandement.
- Après cette obligation qui sauvegarde la souveraineté du suffrage universel, la revendication la plus nécessaire estcelle deTarbitrageinternational, car cette réforme conduit à la paix permanente et au désarmement. Le travail ne peut évoluer sans la Paix ; et les institutions républicaines, pour être solidement établies, ont besoin des immenses ressources que dévorent les armements pour le plus grand malheur des peuples,
- Est-il besoin de dire que la préparation de l’avenir donne un caractère indiscutable d’urgence à tout ce qui concerne l’instruction de l’enfance.
- Sont également pressantes les6réformes devant donner quelque sécurité aux travailleurs ; car la souveraineté du suffrage universel est en réalité Ja souveraineté des travailleurs ; il serait vraiment extraordinaire de vouloir retarder cette sécurité, lorsqu’il s’agit d’un souverain créateur de toutes richesses.
- Seuls peuvent être opposés à ces idées, les rétrogrades qui, consciemment ou inconsciemment, appartiennent à ces partis dont l’idéal est de s’incliner devant des despotes, familles ou classes, qui vivent, improductifs, consommant toutes les richesses créées par les classes laborieuses.
- Si les groupes parisiens se rendaient à nos conseils, ils laisseraient aux autres partis le soin de soulever les autres questions, dans lesquelles les députés radicaux socialistes interviendraient en toute liberté suivant les données du programme général.
- Pour bien faire comprendre comment nous entendons ce perfectionnement des programmes, voici quelle addition nous proposons :
- TROISIÈME PARTIE Contrat électoral.
- Les candidats patronnés par les comités radicaux socialistes ont pris et signé l’engagement suivant.
- i° Afin de rendre la souveraineté du suffrage universel effective, absolue :
- Les députés radicaux socialistes présenteront à
- chaque session législative, jusqu’à réussite, un projet de loi en vue d'appeler les électeurs au renouvellement annuel par tiers de la Chambre des députés.
- Après le vote, les canditats élus se partageront, par tirage au sort, en trois groupes d’unmême nombre de députés ; le premier groupe donnera sa démission après le vote du budget de 1887 ; le deuxième groupe, après le vote du budget de 1888, le troisième groupe, après le vote du budget de 1889.
- 2° La souveraineté du. suffrage universel devant * poursuivre le plein épanouissement du travail fécond,
- Les députés élus présenteront, dans le courant de Vannée qui suivra leur nomination, un projet de loi obligeant le gouvernement à ne point faire la guerre sans avoir préalablement soumis le différend à un arbitrage international.
- 3° La bonne éducation de l’enfance et son intégral développement, la sécurité du travailleuretson indépendance étant les conditions les plus nécessaires d’un Etat républicain,
- Les députés radicaux socialistes déposeront, dans le courant de la première année de leur mandat,des projets de loi conformes à l’esprit des articles2, 4,11 du programme politique, aux articles 5, 12,14, du programme économique.
- Les mandants ont laissé toute latitude aux mandataires sur les autres questions ; ceux-ci ont promis d’intervenir dans les discussions politiques conformément à l’esprit du programme radical socialiste.
- Le présent contrat électoral a été écrit et signé de la main de chaque candidat. Des copies auto graphiques de chacun de ces engagements seront abondamment distribuées aux électeurs ; les pièces authentiques sont déposées au secrétariat de la fédération des comités radicaux socialistes so us la responsabilité des électeurs soussignés.
- Nous serions heureux de voir les députés signataires du manifeste de l’Extrême-Gauche décla-clarer dans leurs journaux et dans les réunions, s1 le contrat électoral ainsi compris est la condition réelle de la souveraineté absolue du suffrage universel. Et si leur opinion est affirmative, pourqu^1 n’emploiraient-ils pas leur influence au service
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- d’une réforme qu’il ne dépend que d’eux de réaliser immédiatement ?
- Ce numéro a été adressé aux signataires du manifeste de rExtrême-Gauche et à plusieurs Comités parisiens.
- Programme radical socialiste.
- Voici le programme adopté par les groupes radicaux socialistes de Paris :
- DÉCLARATION
- L’heure est venue de formuler, d’une façon large et précise, les revendications de la Démocratie, trahies par ceux qui avaient charge de la défendre.
- Aux tentatives de division, perfides ou inconscientes, nous répondons par le groupement de toutes les forces loyalement démocratiques, par P union socialiste. Cette union a pour corollaire l’accession, au Parlement, des prolétaires, notamment des travailleurs manuels.
- Ce que nous voulons, c’est la réforme égalitaire et radicale de l’impôt ; c’est la suppression des monopoles et des privilèges; c’est l’émancipation économique des travailleurs.—Les questions économiques et sociales doivent primer celles d’un ordre purement politique.
- Nous protestons énergiquement contre toute guerre de conquête.
- Il faut, enfin, qu’une politique véritablement nationale soit substituée à la politique personnelle de cabinet, par la transformation des fonctions ministérielles, et par la restitution au Peuple de l’exercice normal et direct de ses droits.
- C’est sur ce terrain, dont nous indiquons les grandes lignes, que se constituera le grand parti socialiste, le parti des principes et des réformes, dans lequel viendront se fondre, par la logique des choses et par la puissance des idées, les différents groupes et écoles qui ont pour base la souveraineté du peuple et le suffrage universel.
- Partie politique.
- Article premier. Révision intégrale de la Constitution par une Assemblée exclusivement élue à cet effet par le suffrage universel. — Suppression du Sénat et de la présidence de la Républiqne. — Supppession des ministres ; leur remplacement par des fonctionnaires nommés par l’Assemblée et toujours révocables par elle*
- Art. 2. Assemblée unique et permanente, nommée pour bois ans et renouvelable annuellement par tiers sur l’ensemble des départements.
- Art. 3. Questions de paix et de guerre soumises au vote de la nation, ainsi que les questions de révision constitutionnelle — Arbitrage international.
- Art. 4. Liberté individuelle ; liberté absolue de parole, de presse, de réunion et d’association, garanties, comme droits imprescriptibles, par la Constitution. —• Abrogation de la loi sur l’Internationale des travailleurs.
- . Art. 5. Décentralisation gouvernementale et administrante : à l’Assemblée, les intérêts nationaux ; aux Conseils gé-uéraux, les intérêts départementaux; aux Conseils munici-PauV les intérêts communaux. — - Autonomie communale,
- c’est-à-dire la comumne maîtresse de son administration, de ses finances et de sa police, dans les limites compatibles avec l’unité de la France.— Retour du département de la Seine au droit commun, pour l’organisation et les attributions du Conseil général.
- Art. 6. Responsabilité personnelle et pécuniaire des fonctionnaires nommés ou élus et des mandataires. — Réduction des gros traitements et du personnel administratif.
- Art. 7, Séparation des Eglises et de l’Etat.— Suppression du budget des cultes. — Le clergé soumis au droit commun.
- — Retour à la nation et aux communes des biens des congrégations religieuses.
- Art. 8. Magistrature élective et temporaire.— Justice gratuite. — Réforme de la loi sur le Jury. — Extension du jury à toutes les juridictions. — Suppression de l’instruction secrète. — Interdiction des tribunaux d’exception. — Réparation morale et pécuniaire aux victimes des erreurs judiciaires ou de police. Les étrangers soustraits à l’arbitraire administratif et soumis au droit commun.
- Art. 9. Révision égalitaire des Codes. — Reconnaissance des droits civils de la femme — Égalité civile de l’enfant, légitime, naturel ou reconnu. — Recherche de la paternité. — Suppression des charges, privilèges et monopoles j udiciaires (avoués, avocats, etc.). — Suppression des titres nobiliaires. —Abolition de la peine de mort,
- Art. 10. Service militaire obligatoire et égal pour tous. — Réduction immédiate du service actif à trois années. — Suppression progressive des armées permanentes. — L’armée exclusivement employée à la défense du territoire et de la République.
- Art. 11. Egalité de l’enfant devant l’instruction. — Instruction intégrale1, laïque et gratuite à tous les degrés, professionnelle ou autre, en raison des aptitudes constatées. — Entretien et nourriture de l’enfant à la charge de la nation, pendant toute la période d’instruction.
- Art. 12. Interdiction du cumul des fonctions publiques et électives. — Réduction de la durée actuelle des mandats électifs. — Rétribution de toutes les fonctions électives.
- Art. 13. Souveraineté absolue du suffrage universel, dans la révocation comme dans le choix de ses mandataires.—Assimilation du mandat électif au mandat civil. — Interdiction du vote secret et du vote par procuiation dans les assemblées délibérantes. — Interdiction aux élus de se servir de leur titre pour patronner des sociétés financières ou industrie lies.
- Art. 14. La Constitution placée sous la sauvegarde de la Nation armée.
- Art. 15. Amnistie pour les crimes et délits politiques et faits s’y rattachant.
- Partie économique.
- Art. 1er. Révision de l’impôt et de son mode de perception-
- — Suppression des octrois et des taxes de consommation. — Substitution immédiate de l’impôt progressif à l’impôt proportionnel. — Impôt progressif sur le capital et sur le revenu. — Impôt progressif spécial sur les successions.
- Art. 2. Suppression de l’hérédité en ligne collatérale.
- Art. 3. Suppression graduelle de la dette publique et interdiction de nouveaux emprunts. — Suppression du budget extraordinaire.
- Art. 4. Inaliénabilité de la propriété publique. — Révisiez
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- LE DEVOIR
- de tous les contrats ayant aliéné la propriété publique Amines, canaux, chemins de fer, etc.). Extension du principe de la loi sur les Délégués Mineurs à toutes les entreprises dirigées ou concédées par l’Etat.
- Atr. 5. Révision intégrale dans le sens démocratique, de la loi de 1867 sur les Sociétés. — Droit pour les travailleurs detre représentés dans les assemblées générales d’actionnaires.
- Art. 6. Réduction légale de la durée maximum de la journée de travail. — interdiction du travail des enfants au-dessous de quatorze ans dans les ateliers, usines et manufactures.
- Art. 7. Développement de l’enseignement. — Création d’écoles d’apprentissage placées sous la surveillance des chambres syndicales et sous la direction de professeurs ouvriers nommés au concours.
- Art. 8. Interdiction absolue du livret d’ouvrier. — Interdiction pour les patrons et pour toute administration, de frapper les salariés de retenues ou d’amendes.
- Art. 9. Organisation du crédit aux travailleurs. — Réorganisation de la Banque de France.
- Art. 10. Modifications aux conditions d’admission des groupes ouvriers aux adjudications de travaux publics.
- Art. 11. Révision de la législation sur les conseils de prud’hommes et .les syndicats professionnels. — Création d’un conseil de prud’hommes pour les employés.
- Art. 12. Caisse nationale réservée aux victimes du travail, sans préjudice de recours contre les patrons. — Administra-tration exclusive des caisses ouvrières par les intéressés.
- Art. 13. Réforme du système pénitentiaire. — Développement des pénitenciers agricoles. — Le travail fait dans les établissements religieux et les prisons tarifé et surveillé par les conseils de prud’hommes et les chambres syndicales.
- Art. 14. Obligation pour la commune, le département et l’Etat, d’assurer l'existence des citoyens incapables de travailler. ^
- C’est à la suite de^ce programme, sous forme de troisième partie, que viendrait s'ajouter le contrat électoral que nous avons proposé dans notre premier article.
- UNION DE LA PRESSE RÉPUBLICAINE
- DE L’AISNE, DE L’OISE &. DE LA SOMME.
- Dimanche, 5 Juillet, a eu lieu à Laon, aux bureaux de LA TRIBUNE, la réunion générale de la Presse républicaine de l’Aisne, de l’Oise et de la Somme.
- Journaux représentés à la réunion :
- Le Progrès de la Somme ;
- Le Petit Progrès de la Somme ; h'Authie, de Doullens ;
- La Gazette des Paysans ;
- La République de l'Oise ;
- Le Libéral de l’Oise ;
- La Tribune ;
- Le Libéral de l'Aisne ;
- Le Glaneur de Saint-Quentin ;
- La Defense nationale ;
- Le Nord de la Thiérache;
- Le Libéral Soissonnais Le Journal de Vervins ;
- L'Avenir de l’Aisne ;
- L'Echo du%>Soissonnais ;
- Le Devoir, de Guise.
- Journaux qui s’étaient excusés :
- Le Pilotte de la Somme;
- L'Oise ;
- Le Guetteur de Saint-Quentin.
- Journaux n’ayantpas répondu à l’invitation
- Le Progrès de l’Oise ;
- Le Journal de Noyon ;
- Le Courrier de l’Aisne.
- Après discussion, les représentants de la Presse républicaine des trois départements ont décidé, à rUNANIMITÉ, d’adresser aux Électeurs l’appel suivant :
- AUX ÉLECTEURS
- DES DÉPARTEMENTS
- de l’Aisne, de l’Oise & de la Somme.
- Les élections générales sont proches. Elles exerceront sur les destinées de la République une influence décisive.
- En présence de la législation nouvelle, qui substitue le Scrutin de liste au scrutin uninominal, le parti républicain doit s’organiser, se mettre résolument à l’œuvre.
- A la politique d’équivoques, d’intrigues, de conciliabules secrets, qui est celle de nos adversaires, opposons au grand jour, la politique de Comités électoraux et de réunions publiques, la seule qui convienne à la démocratie.
- C’est surtout dans nos départements que les adversaires de la République essaient de relever la tête. Répondons-leur par une propagande active, par une action énergique et puissante.
- Au temps les dures épreuves, les Républicains se sont unis. Us ont su se placer au-dessous des rancunes et des ambitions personnelles. Leur entente a amené le succès.
- La Presse républicaine, aujourd’hui comme a-lors, fera son devoir. Elle aidera les Électeurs a se concerter, à réunir leurs forces en un même faisceau.
- Les monarchistes demandent à la démocratie de proclamer même son impuissance et son incapacité, de renoncer à la direction des destinées du pays.
- Dans nos départements comme dans la France entière, elle répondra par une affirmation de sa vitalité et de sa souveraineté imprescriptible , cl e répondra en acclamant la République ! .
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- LE DEVIOR
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- Au début de la Séance, M. Deynaud, se conformant au mandat que lui avait tracé la circulaire adressée par M. Godin aux journaux de l’Aisne, circulaire que nous avons publiée dans le précédent numéro du Devoir, a développé le projet que résume la pièce suivante :
- Le représentant du Devoir, afin de préciser son mandat, dépose la résolution suivante :
- Le journal le Devoir ne soutiendra l’unité de liste qu’autant que le programme des candidats donnera toutes garanties sur leur ferme volonté de maintenir intact le principe du suffrage universel et d’en poursuivre la sincère application, par l’adoption d’une loi électorale évitant les inconvénients inhérents au mode actuel d’élection.
- L’impossibilité matérielle pour les électeurs d’exercer un contrôle effectif condamne les mandats à longues échéances qui, aussi éloignées qu’ elles soient, ne réalisent pas la permanence des pouvoirs publics.
- La permanence et la continuité sont cependant les véritables conditions de la souveraineté.
- La réduction de la durée du mandat de député à trois ans et le renouvellement annuel par tiers de la Chambre des députés contiennent cette permanence et cette continuité de la souveraineté nationale. En fixant, en outre, une époque déterminée par la loi pour les élections annuelles, toute surprise du suffrage universel deviendra impossi-sible.
- Cette réforme ne compromet aucun intérêt; elle créera la vie publique ; elle assurera la réélection des mandataires fidèles, et tous le seront, parce que, se sentant sous la continuelle surveillance des électeurs et entendant, chaque année, les retentissantes manifestations du suffrage universel, tous se garderont de commettre les fautes et les oublis si coupables du passé. Les élections annuelles, à époque fixe, n’auront pas;les effets pertubateurs des mouvements électoraux longuement espacés et dont les échéances exactes sont inconnues ; les élections ne seront plus des faits accidentels; elles deviendront des fonctions de la vie sociale, s’accomplissant régulièrement comme toutes choses sagement organisées.
- La mise en pratique est facile.
- Il suffirait de faire une loi déclarant que la représentation de chaque département, après sa nomination, devra se partager, par tirage au sort, en trois groupes : les pouvoirs du premier expirant après le vote du budget de 1887 ; du second, après
- le vote du budget de 1888 ; du troisième, après le vote du budget de 1889. Une fois ce roulement établi, après la première élection inaugurant ce mode électoral, chaque député élu aux élections annuels les serait nommé pour trois ans.
- Il serait aussi facile d’entrer dans l’application immédite de cette pratique électorale, si les candidats prenaient rengagement spontané de se conformer, après leur nomination, à ce qui vient d’être dit, en donnant volontairement leurs démissions par tiers chaque année.
- Cette application immédiate du renouvellement partiel et annuel serait celle qui vous conviendrait le mieux ; néanmoins le Devoir se croirait obligé de défendre systématiquement la liste qui promettrait de poursuivre législativement l’obtention de cette réforme, si aucune n’allait jusqu’àad-mettre l’application immédiate.
- La Rédaction du Devoir, en vous remettant cette résolution, vous fait connaiire quelles sont les conditions de son concours à la défense de l’unité de liste; elle vous prie de l’assister, de l’aider à soumettre au souverain, le suffrage universel, cette proposition qu’elle considère comme la plus urgente et la plus conforme au principe de la souveraineté nationale.
- Seriez-vous d’avis de condamner comme inopportun notre projet, nous ne vous croyons pas moins intéressés à le publier intégralepient, sauf à faire vos réserves et à le combattre contradictoirement si votre conscience vous conseille pareille attitude.
- Le Délégué du Devoir.
- S. DEYNAUD, Rédacteur en chef.
- La majorité des membres de la réunion, résolus à ne faire aucune pression sur les électeurs, en ce qui concerne la rédaction des programmes et la confection des listes, a déclaré ne pas devoir examiner le fond de la question, pensant qu’elle devait publier intégralement le résumé déposé par M. Deynaud et laisser aux électeurs la responsabilité de l’adoption ou du rejet. Tous les journalistes présents ont promis leur publicité, en considération de l’importance de la question et des services rendus à la cause républicaine par l’honorable fondateur du Familistère.
- M. Lesguiller, député de l’Aisne, a fait suivre dans la Démocratie de VAisne, la publication de notre circulaire à la presse, d’une déclaration ap« prouvant sans réserve le projet défendu par le De-voir.
- Nous enregistrons avec satisfaction cette adhésion d’un membre de la Chambre, dont personne ne conteste l’indépendance et le dévouement.
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- LE DEVOIR
- Nous espérons que les Comités républicains du département prendront en considération cette approbation. et qu’ils ne voudront pas écarter une réforme proclamée urgente par l’honorable M. Les-* guiiler.
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- L’Électeur de l’Aisne et le journal de St-Quentin, leux organes des princes qui ont extorqué 40 000 000 à la France que les Prussiens avaient terrassée, se répandent en injures contre M. Godin à l’occasion de notre circulaire adressée à la presse de l’Aisne.
- Nous ne pouvions espérer rencontrer une preuve plus convaincante en faveur de notre proposition.
- Si notre projet n’avait pas un caractère aussi républicain, il n’aurait pas provoqué les haineuses protestations et les insolences de la presse monar chique.
- Ces colères indiquent assez aux journalistes républicains quel cas ils doivent faire de notre proposition sur la réduction de la durée du mandat législatif et le renouvellement partiel et annuel.
- Images contre images. — Les orléanistes avaient, depuis quelque temps, répandu dans les campagnes des images de toutes sortes représentant leurs princes sous les aspects les plus divers.Le comte de Paris,le duc d’Aumale,le duc de Chartres étaient offerts aux populations comme des modèles de perfection. De leurs mains ouvertes tombaient, comme d’une corne d’abondance, mille prospérités sur le pays.
- On a répondu à la propagande orléaniste par la propagande républicaine.
- Nous avons sous les yeux une Petite histoire de la famille d’Orléans, en placard orné de sept gravures coloriées, qui ne sera pas précisément agréable à messieurs les réactionnaires.
- La première gravure représente Philippe-Egalité.duc d’Orléans, à la tribune de la Convention, le 16 janvier 1793, sacrifiant à la patrie ses affections les plus chères et votant la mort de son cousin Louis XYI, sans sursis ni appel.
- La seconde représente une scène de 1830 : le duc d’Orléans, fils d’Egalité, se mettant sur la tête la couronne de France volée par lui à un prince auquel il avait juré obéissance et fidélité.
- Le troisième panneau figure une fenêtre du château de Saint-Leu : un cadavre se balance à l’espagnolette ; c’est celui du prince de Oondé, que la Providence, dont les voies sont mystérieuses, surtout quand il est défendu au juge d’instruction de les scruter sérieusement, rappela à lui, comme par hasard, dés qu’il eut légué par testament, grâce au talent de la sympathique et pudibonde Mme de Feuchères, deux cents misérables millions au duc d’Aumale, petit-fils d’Egalité.
- Le quatrième tableau est moins intéressant : il ne représente que Louis-Philippe prenant le fiacre pour filer en exil, à l’heure où il reçut le formidable coup de pied qu’on appelle la Révolution de Février.
- Le cinquième nous montre le comte deParis s’humiliant devant
- le comte de Chambord à Frohsdorff, en août 1873, pour avoir les sympathies des légitimistes.
- Dans le sixième, le même comte de Paris, entouré de ses secrétaires, au château d’Eu, conspire contre la République qui a la générosité de ne pas le jeter hors la frontière. *
- Enfin, au milieu de la page, dans un écusson qui est le morceau principal du placard, on y voit la France, mutilée et blessée, entre deux hommes qui la fouillent : un soldat allemand tire de sa poche gauche 5 milliards, et un des princes d’Orléans extrait une soixantaine de millions de la droite.
- Yoilà de la bonne imagerie.
- Images contre images, MM. les orléanistes :
- Et nous verrons qui aura à y gagner !
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- 17e CONGRÈS
- DES COOPÉRATEURS ANGLAISE
- II
- La Chambre de commerce et le conseil des Trades Unions d’Oldham ayant présenté, chacun de son côté, ses félicitations aux coopérateurs et émis les vœux les plus sincères pour le succès des travaux du congrès, M. A. Greenwood répondit en remerciant chaleureusement ces deux corps.
- « C'est la première fois, » dit-il au cours de son allocution, » qu’une Chambre de commerce nous souhaite la bienvenue, espérons que ce ne sera pas la dernière.
- « Les chambres de commerce ont un grand but à remplir, celui de débarrasser de tout obstacle les voies du commerce et de servir les intérêts généraux de l’industrie. En agissant ainsi elles concourent au bien de la nation toute entière. »
- M. Greenwood termine en exprimant que le jour est proche où le monde commercial verra qu’il serait de son plus grand intérêt d’adopter le système de la participation du travail aux bénéfices et d’associer celui-ci au capital pour l’avantage mutuel des deux parties (Applaudissements).
- Une députation des coopérateurs français est ensuite introduite par M. Vansittarfc Neale. Cette députation composée de MM. Marty et Nicole est reçue avec la plus chaleureuse sympathie ; toute l’assemblée étant unanime à comprendre combien la cause de la paix universelle est fortifiée par ces échanges d’amitié entre représentants de nations voisines, unis dans un même but : l’amélioration de la condition du travailleur.
- Parmi les incidents notables de la matinée du premier jour du congrès, signalons les paroles prononcées par M. Greening à l’adresse de l’fivêque
- (1) Lire << le Devoir » du 28 juin 1885.
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- LE DEVOIR
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- de Manchester pour remercier celui-ci des discours favorables au mouvement coopératif, prononcés par lui, en chaire, à l’occasion du congrès :
- « Le seigneur évêque de Manchester, » a dit M. Greening, « est plus qu’un évêque, il est un des nôtres, un parfait coopérateur (Applaudissements). L’Évêque de Manchester a adhéré à notre mouvement à une époque où ce ne pouvait être pour lui, en aucune façon, une cause de popularité, et il n’a depuis cessé d’être un des fermes soutiens du principe de la coopération. »
- M. Greening remercie également le révérend Davies pour ses prédications dans lesquelles il a magistralement compris le fond de l’idée coopérative. « Si nous excluons la théologie », a dit M. Greening, « nous embrassons la religion dans son vrai sens : être bon et faire le bien. »
- Production coopérative.
- Dans la séance de l’après-midi le comité, nommé en 1884 pour déposer au présent congrès un rapport sur le meilleur mode d’établir des sociétés coopératives de production afin d’utiliser le surplus des capitaux des coopérateurs, déposa le résultat de ses informations.
- Les conclusions de ce comité qui soulevèrent les plus vives protestations peuvent se résumer en ce mot :
- « Le moment n’est pas encore venu de réaliser la production coopérative. »
- « Si ce n’est point le vrai moment pour cela, » proteste vigoureusement M. Thomas Hughes,
- « quand donc le jour sera-t-il venu ? Les Sociétés coopératives ont-elles oui ou non des capitaux dont elles ne savent que faire? La question n’a même pas à être posée ici, tant nous savons tous que plus de la moitié des sociétés appartenant à la fédération sont embarrassées de savoir à quoi utiliser leurs fonds.
- « Ayant les capitaux voulus, examinons le second point: Avons-nous des débouchés pour la production coopérative ? Voyons les choses comme elles sont et sachons en faire retomber la responsabilité à la lois sur la « Wholesale Society » (Société de vente en gros) où se centralisent les achats des Sociétés coopératives fédérées, et sur les Sociétés fédérées elles-mêmes.
- « Le rapport de la « Wholesale society » établit que les ventes par trimestre, en 1884, se sont élevées à 1 -200.000 livres ( 30 millions de francs ). Pour combien figurent dans ce mouvement de denrées, les Produits fabriqués par les Sociétés coopératives ?
- Juste pour 40,000 Livres ! ( 1 million de francs). C’est-à-dire qu’on achète trente fois autant aux producteurs étrangers qu’aux producteurs enrôlés dans le mouvement de la coopération ( Vif mouvement d’intérêt ). Il y a, je le reconnais, nombre d’articles que nos Sociétés coopératives ne peuven t produire, mais cette déduction faite aussi largement qu’on voudra, il reste, je le soutiens, une somme considérable d’achats faits actuellement en dehors de nos sociétés, à l’étranger même, et qui devraient être faits chez les coopérateurs.
- « Donc, les coopérateurs ont en mains les fonds et les marchés, et la seule chose nécessaire pour installer la coopération productive, c’est le sens de ces avantages et la capacité d’en tirer parti. » L’orateur conclut en émettant énergiquement l’espoir qu’on mettra fin à ces délais honteux et que l’avenir réalisera ce que le passé n’a su faire.
- Un grand nombre d’orateurs parient dans le même sens. Remarquons parmi eux M. Neale qui déclare formellement être opposé aux conclusions du rapport en cause, bien que par une formalité officielle, son nom y soit attaché.
- M. Greening prend la parole à son tour et signale en particulier que dans les quelques tentatives faites jusqu’ici pour installer la coopération productive, le succès a été très-remarquable pour les Sociétés qui ont donné aux travailleurs une part d’intérêt dans les bénéfices.
- « Depuis ces onze dernières années, » dit-il,« les 88.000 Livres (2.200.000 fr.) engagées dans la production coopérative ont rapporté 11 0/0 d’intérêt. Donc, si les coopérateurs continuent de n’aborder qu’avec crainte l’organisation de sociétés coopératives de production, c’est qu’ils manquent de foi, comme on l’a dit, dans leurs propres principes.»
- La discussion est close par le vote de la résolution suivante :
- « Le temps est venu d’ouvrir des voies nouvelles à la production coopérative, et il appartient au nouveau bureau de formuler un plan pratique.
- « En conséquence, le Bureau de la fédération est invité à reconstituer le comité spécial et à faire poursuivre les enquêtes. »
- Parmi les faits notables du second jour du congrès nous citerons la résolution prise concernant :
- Le projet de congrès des coopérateurs français.
- Ce projet de congrès dû à l’initiative des coopérateurs de Nîmes, a déjà été annoncé dans la presse française. « Le Devoir », en particulier, dans son numéro du 17 mai dernier, page 301, a
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- publié la lettre par laquelle MM. de Boyve, Fabre, et Teissonnière invitaient les sociétés coopératives de France à leur envoyer leur adhésion au projet, premier pas à accomplir avant de tixer la date du congrès.
- Les mêmes coopérateurs ont présenté au congrès d’Oldham, par l’entremise de M. Neale, la lettre suivante :
- « Le comité d’organisation d’un congrès français « des sociétés coopératives de consommation, as-« semblé à Nîmes, envoie ses fraternelles félici-« tâtions aux représentants des sociétés coopéra-« tives d’Angleterre. Il espère que le jour viendra « ou les coopérateurs anglais et français formeront « une vaste fédération, travaillant de concert nonce seulement pour la satisfaction de leurs besoins ma-« tériels, mais pour la satisfaction plus précieuse « encore des besoins intellectuels. Alors les ef-« forts seront dirigés pour réaliser un état de choses « mettant fin à la guerre entre le capital et le trace vail ; toute cause de discorde disparaîtra et les a hommes de toute nation se tendront une main « fraternelle.
- « Animé de ce sentiment, le comité organisateur « de Nîmes espère que le congrès d’Oldham vou-« dra bien désigner des délégués pour prendre « part au congrès français, lequel aura lieu aussi-« tôt qu’un nombre suffisant d’adhésions sera ob-« tenu.
- « La présence des délégués anglais parmi nous « est des plus désirables, parce qu’en dehors des « sentiments d’amitié réciproque qui en seront force tifiés, ces délégués nous assisteront de leur in-« contestable expérience dans les questions coo-« pératives.
- « Nous sommes convaincus que les coopérateurs « anglais ne refuseront pas l’alliance que nous « leur offrons sur le terrain de l’aide mutuel.
- « Pour le comité.
- « Signé : de Boyve.
- « Nîmes, 21 mai 1885.»
- M. Neale, après avoir lu cette lettre, ajoute qu’il serait désirable que les délégués choisis parlassent français.
- Le congrès, par acclamation, délègue MM. Neale et Acland pour assister au congrès projeté en France.
- Cette délégation remplit donc le vœu exprimé par M. Neale dans une lettre adressée par lui aux coopérateurs de Nîmes, le 18 mai dernier, lettre
- reproduite en partie par le «Moniteur des syndicats ouvriers » et dont nous donnons ci-dessous en italique le passage supprimé :
- « Tout ce que les classes ouvrières ont à demander à l’Etat, c’est de pouvoir se réunir librement afin de former des institutions commerciales leur permettant de recueillir pour elles les bénéfices que d’autres reçoivent à leur place.
- « Vous avez un exemple de ce qui peut être fait dans cet ordre d'idées, au Familistère de Guise cette magnifique institution de M. Godin qui amis en pratique les grandes conceptions de Fourrier.
- « L’habitation unitaire donne aux travailleurs les avantages inhérents kun établissement commun, tout en leur laissant une entière liberté dans leur vie de famille et en satisfaisant ce désir bien naturel à l’homme de retirer des bénéfices la pari due à son activité et son intelligence.
- « Nous sommes malheureusement loin de comprendre encore en Angleterre tout ce qui pourrait être obtenu par ce genre d'associations de la forme la plus élevée, à laquelle le génie de M. Godin a conduit ses associés d’un bond.
- « Mais ce qui a été fait doit préparer le chemin à d’autres essais similaires.
- « J’espère que la tentative que vous faites en ce moment conduira tout naturellement au développement de ces institutions.
- « J’engagerai les membres de notre congrès à vous envoyer des représentants. J’aimerais à aller moi-même au milieu de vous s’il est bien entendu que les questions d’amélioration sociale seront seules à l’ordre du jour, à l’exclusion de toutes questions de parti.
- « Permetlez-moi de vous dire que vous devriez ajouter à votre programme :
- De la possibilité et des avantages de former des associations dans le genre du Familistère de Guise.
- « Agréez, etc .
- « Signé : Neale.»
- La surprise causée aux coopérateurs de Nîmes par la suppression dans le «Moniteur des syndicats ouvriers » du passage relevé ci-dessus les a déterminés à nous envoyer la lettre dont nous venons de donner connaissance à nos lecteurs.
- Le congrès d’Oldham, dans sa séance du deuxième jour, décida, après examen, que le prochain congrès aurait lieu à Plymouth.
- ( A suivre. )
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- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- Le Budget des cultes. — Le vote du budget se poursuit sans examen, sans discussion; tous les députés semblent résolus à ne pas vouloir s’apercevoir du désordre de nos finances. Un seul incident mérite d’être relevé; il n’est pas en faveur de M. Goblet. On sait que M. Goblet candidat à la députation avait accepté la séparation de l’Eglise et de l’Etat; dès son entrée au ministère, il écrivit une lettre rappelant vertement l’archévêque de Paris à l’observation de ses devoirs, mais le ministre est loin, dans la pratique, d’avoir les intentions que laissent paraître ses paroles.
- La commission des finances avait atteint le cléricalisme à son endroit sensible, en proposant la suppression des crédits des chanoines ; la Chambre allait suivre la commission des finances, sans l’intervention de M. Goblet qui a voulu sauver la caissedes bons pères. Les électeurs de la Somme sauront-ils récompenser M. Goblet suivant ses mérites.
- MAROC
- La presse madrilène appelle énergiquement l’attention du gouvernement sur les menées (?) de la France au Maroc.
- Les Espagnols se montrent inquiets d’être devancés dans leurs projets sur cet empire. Us accusent la France d’intriguer {}) depuis trois ans,, pour obtenir du sultan du Maroc la rectification de la frontière orientale, dans le but de lui ôter une rive du Molega, et d’obtenir ainsi une excellente position stratégique au cœur des plaines les plus fertiles du Maroc, et à 80 milles en avant de la frontière algérienne actuelle.
- Cette nouvelle frontière donnerait également à la France des bandes de territoire dans le Sahara commandant les routes pour caravanes de Figuig et le Tafileh, ainsi que les oasis au-dela de l’Atlas.
- MADAGASCAR
- Des nouvelles parvenues à Paris, de sources absolument certaines, représentent notre situation à Madagascar comme excessivement grave.
- L’amiral Miot a demandé, il y a déjà longtemps, avec une instance justifiée par les dangers auxquels sont exposés les quelques hommes dont il dispose, des renforts s’élevant à cinq mille hommes.
- On s’est borné à lui expédier cinq cents hommes d infanterie de marine, dont les classes d’instruction ne sont pas terminées, qm constituaient les dernière s ressources actuelles de cette arme. De plus, le bataillon de la même arme, débarqué de Formose, a reçu l’ordre de se rendre à Madagascar. Mais ce bataillon, qui comptait sept cents hommes il y a deux mois, n’en peut expédier, comme propres à faire campagne, que cent cinquante-trois, suivant une dépêche reçue par le ministre de la marine.
- Dans ces conditions, l’amiral Miot est contraint de se tenir sur la défensive, et cela avec des peines qu’explique le mauvais état des troupes dont il dispose, et qui sont épuisées par le climat.
- Dans la nuit du 29 au 30 avril, trois compagnies d’infanterie de marine et de fusilliers marins ont été bloquées dans le fort de Mazunga.
- Attaqués, à deux heures du matin, par 12,000 H.ovas, descendus dans la plaine, dont il sont maintenant les maîtres, nos soldats les ont vus pour la première fois venir attaquer le fort et diriger sur eux un feu nourri, au moyen de fusils à tir rapide dont ils étaient armés.
- Au départ du courrier, les trois compagnies étaient étroitement bloquées, et n’avaient plus de communication avec le commandement que par mer.
- Incapables de reprendre l’offensive, elles devaient se borner à repousser les attaques des Hovas.
- L’incident de Hué écartant toute possibilité de prélever sur le corps expéditionnaire du Tonkin aucuns renforts, il importe que le gouvernement prenne un parti, et ne laisse pas plus longtemps nos marins aux prises avec une pareille situation.
- ANNAM
- Le général de Courcy vient de remporter a Hué des victoires tellement décisives qu’il réclame des renforts.
- Avant de s’engager dans de nouvelles aventures ou de pousser plus loin celles déjà commencées, il serait temps d’examiner s’il ne conviendrait pas mieux de laisser en repos, Marocains, Malgaches, Annamites, Tonkinois et Chinois.
- CAMBODGE
- « Tout va bien au Cambodge. »
- La capitale de Norodom est pour ainsi dire assiégée par les rebelles. On se bat pendant trois jours à la porte même de Pnom-Penh ; le capitaine Kuntz donne l’assaut à une forteresse dans laquelle se défendent 1,200 insurgés parfaitement munis de fusils et de cartouches. La garnison de Pursat—qui n’est pas bien loin de Pnom-Penh — soutient un siège de cinq jours contre une autre «bande» d’un millier d’hommes qui ont failli réussir à enlever la place et l’ont brûlée à moitié. Ces « bandes » ont des « pare-balles » et même des couleu-vrines, voire du canon. Et voilà comment « tout va bien au Cambodge ».
- D’ailleurs ce ne sont pas là les petites bandes. La principale, celle que commande Si-Votha, leur compétiteur de Norodom, n’a point fait parler d’elle encore ; mais cela ne tardera pas. Et, lorsque la révolte de l’Annam battra son plein, nous aurons la révolte du Cambodge par-dessus le marché.
- Sans compter que, peut-être, le dernier mot du Liu-Vinh-Phoc au Tonkin n’est pas encore dit.
- Quelles charmantes colonies nous avons là ! Et quel profit pour notre commerce, pour nos finances, sans parler de notre sécurité !
- DANEMARCK
- Mouvement socialiste. —A l’occasion d’une fête qui avait lieu à Copenhague, le parti ouvrier socialiste avait invité toutes les associations ouvrières delà ville à prendre part à une manifestation. Celle -ci, vu la situation politique que l’on connaît.avait un caractère des plus sérieux. Aussi, toutes le
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- LE DEVOIR
- associations ouvrières avaient-elles répondu à l’appel du Parti.
- A l’heure dite, le grand boulevard du Nord de Copenhague et les rues avoisinantes étaient noirs de monde. Il y avait là cent vingt-deux asiociations ouvrières, avec leurs drapeaux, et 22 sociétés de musique. Tous les corps de métiers y étaient représentés, depuis les cultivateurs jusqu’aux typographes, les bijoutiers et les sculpteurs. On évalue à 70,000 e nombre des manifestants.
- Les vingt-deux musiques jouaient tour à tour la Marseillaise des travailleurs, et l’enthousiasme était à son comble.
- Si tous les travailleurs avaient partout la même pensée d’union et d’organisation, combien nous verrions bientôt changer la face des choses ! Espérons que l’exemple de nos frères danois sera suivi par nos ouvriers, car, sans organisation, qu’ils le sachent bien, il n’y a rien à espérer pour eux, ni au point de vue des droits politiques, ni à celui de l’amélioration de leur sort.
- Notons, en terminant, que le Danemark est le pays du monde où l’instruction est le plus répandue et où les écoles sont le mieux organisées. C’est là aussi que le parti Socialiste est le plus solidement organisé. Ainsi, à Copenhague, parait chaque jour un organe, le Social démocrten dont le format est aussi grand que le journal le Temps de Paris.
- Que faut-il penser, après cet exemple, de ceux qui disent que le développement de l’instruction est le meilleur moyen de tuer les doctrines socialistes, et que celui-ci ne trouve des adeptes que chez les ignorants ?
- On lit dans lé Rappel :
- Mme Griess-Traut, vice-présidente et déléguée de la société pour l’amélioration du sort des femmes, nous adresse la lettre suivante :
- Monsieur Auguste Vacquerie,
- Vous avez bien voulu m’engager à vous dire, dans une lettre, l’entretien très intéressant que j’ai eu l’honneur d’avoir avec M. le grand-chancelier de la Légion d’honneur. Bien volontiers je le fais, d’autant que j’espère en votre obligeante promesse d’une petite place dans votre feuille libérale et éclairée.
- Le sujet de cet entretien, accueilli par M. le grand-chancelier avec la bienveillance qui le caractérise, a été l’introduction dans les maisons de la Légion d’honneur de médecins-femmes pour le traitement des jeunes malades et pour les cours d’hygiène des classes supérieures.
- Aujourd’hui que nous possédons des femmes-médecins, telles que Mmes Brès et V. Benoit, entr’autres, qui, par une pratique remontant déjà à des années, ont fait leurs preuves, qui sont munies des mêmes connaissances, des mêmes diplômes, ont passé les mêmes examens que leurs confrères, cette réforme, bien naturelle, parait infiniment désirable.
- On comprend de reste, en effet, les inconvénients et les légitimes effarouchements de ces 1,000 à 4,200 fillettes qui composent le personnel élèves des trois maisons de la Légion d’honneur, où elles entrent et demeurent de dix à dix-huit ans. Précisément l’âge où commence et se continue la période de leur développement, où la plupart des maladies et des accidents qui surviennent sont inhérents à cette phase.
- Aussi n’est-il pas rare que, malgré la surveillance rigide exercée dans ces maisons, les jeunes filles dissimulent leur mal ou préfèrent se confier à leurs compagnes ou à leur mère plutôt qu’à un homme, quoique médecin.
- Cet état de choses a encore parfois l’inconvénient de se traduire par une aggravation pécuniaire pour les jeunes mères inquiètes qui vont consulter à Paris le médecin attitré de l’établissement. C’est un médecin de renom, dont la visite ou la consultation se paie 20 francs.
- Une jeune mère qui consultait dernièrement pour sa fille élève de Saint-Denis, voyant sur le plateau qui était sur le bu' reau du docteur trois pièces d’or de 20 francs, juste le nombre probable de clientes qui l’avaient précédée, se crut naturellement obligée de suivre la voie tracée.
- « Ces considérations sont très justes *, m'a répondu M. le grand-chancelier, « il faut en saisir la presse ». Mais, a-t-il ajouté, « nos maisons ont des infirmières dévouées qui peuvent transmettre au médecin les indications au besoin ».
- Et le diagnostic, monsieur le grand-chancelier, ce point délicat et indispensable, comment l’obtenir avec sécurité sans la science du médecin?
- N’est-il pas bien plus naturel et plus logique que ce soit des médecins-femmes qui, à mérite égal, soient appelées à traiter jeunes filles, femmes et enfants, dont elles connaissent et partagent les sensations ?
- Veuillez agréer, monsieur le rédacteur en chef, etc.
- V. GRIESS-TRAUT,
- Vice-présidente et déléguée de la Société.
- La réforme réclamée par l’honorable signataire de cette lettre se recommanded’elle-même.Du moment que les médecins-femmes ont passé les mêmes examens que les médecins-hommes et ont les mêmes diplômes, ce sont elles qui doivent traiter les jeunes filles, et le grand-chancelier serait approuvé de tous s’il leur confiait les trois maisons de la Légion d’honneur. ----------------------• ^ » --------------—
- Discours prononcé par Mme DESTRICHË à l’Assemblée générale de la Société de la Libre-Pensée
- de Château-du-Loir.
- Citoyennes, Citoyens,
- Avant de vous remettre les pouvoirs que vous nous avez fait . l’honneur de nous confier, permettez-moi de vous rendre compte de notre mandat : grâce à l’énergique persévérance de notre honorable président, M. Bellanger, la Société a été organisée, autorisée, et cela au milieu de difficultés sans nomb re.
- Lors de la réunion, à Tours, des délégués des Sociétés de la région chacun a su apprécier son dévouement, sa nomination à la présidence en a été la preuve. Je crois être l’interprète du désir de tous, en vous proposant de lui voter des remerciements.
- Par les soins du bureau, avec l’aide des Sociétaires, le matériel a été complété ; les fonds déposés à la Caisse d’épargne : prouvent l’état florissant de nos finances, et, nous pouvons le dire avec joie, le concours dévoué des délégués des communes, celui des adhérents, ont largement contribué au développement de la Société. Pour continuer une œuvre aussi bien nom-
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- mencée, je fais appel à la bonne volonté de chacun ; que ceux qui le peuvent, ouvrent leur bourse, que les autres aident à la propagande ; ayons tous la même pensée, le même but : assurer la liberté de conscience.
- On l’a : c la démocratie coule à pleins bords, mais comme ces fleuves paresseux, dont la force motrice reste stérile, elle ne doit pas être inactive : il faut que ses principes s’infiltrent, pénétrent dans nos institutions, non par des phrases, mais par des actes : que les Syndicats, les Sociétés mutuelles, celles de participation se multiplient, se fédèrent ; en un mot, qu’un intérêt commun, un intérêt national, dois-je dire, relie tous les citoyens ; que le travail et le capital, se tendent une main fraternelle ; que l’intelligence soit le trait-d’union qui unisse ces deux forces ; le problème social sera résolu.
- Pour atteindre ce résultat, soyons économe, avare même du sang et de la fortune de la France ; repoussons les guerres de conquêtes ; le vrai patriotisme est de faire aimer la Républi-blique ; alors aucune monarchie n’osera se heurter à ce bloc de granit, les idées démocratiques sont plus dissolvantes pour les trônes que le plomb et la dynamite.
- La guerre ne résout pas les questions ; parfois la fumée de la poudre en dissimule la gravité, et souvent elle devient une alliée puissante pour satisfaire les ambitieux.
- De quel droit asservirons-nous les peuples? Pourquoi leur imposer nos lois, nos coutumes, nos croyances ? Du droit du plus fort, me direz-vous ; mais celui-là ne peut être le nôtre, nous qui voulons créer la paix pour la liberté, pour la justice.
- Donnons, sans compter, notrefvie, notre argent pour défendre notre chère Patrie contre l’invasion, mais évitons les aventures : le sang du peuple est trop précieux, trop utile au pays, pour le répandre sur la terre étrangère.
- Respectons l’autonomie des nations pour qu’elles respectent la nôtre ; respectons celle des communes, celle des citoyens.
- Rappelons-nous que Clovis ne fut dans ses conquêtes que l’instrument des évêques pour soumettre à l’Eglise les peuples idolâtres; les Croisades occupèrent, sans doute, une fnoblesse turbulente, mais leur véritable raison d’être, fut le triomphe du christianisme sur le mahométisme.
- N’oublions pas que les missionnaires nous ont conduit en Chine, en Syrie ; que Napoléon III fit de nos troupes les gardiennes du Pape.
- La caserne et le séminaire ont une grande analogie, le soldat comme le prêtre est une arme dans la main de celui qui commande.
- Les despotes et les pontifes ont toujours pactisé, ils s’appuient l’un sur l'autre pour entraver l’émancipation intellectuelle des masses ; afin de les soumettre à leur bon plaisir. Les autocrates créent les religions d’Etat pour diriger les consciences, ceux qui paient le budget des cultes aiguisent la flèche qui doit les frapper.
- Notre programme est : Liberté de conscience, Séparation de l’Eglise et de l’Etat ; Tolérance ; pas d’Eglise nationale ; car si vous souleviez le voile du temple, vous trouveriez derrière la personnalité d’un dictateur, qui, d’accord avec le grand-prêtre, vous broîrait la langue pour étouffer la parole, et anéantir la Pensée.
- Encore un mot : la Libre-Pensée vient d’obtenir le plus éclatant triomphe qu’elle pouvait espérer : l’adhésion publique du génie sublime que pleure le monde, celle de Victor Hugo l
- Honneur à sa mémoire, lui, l’homme de bien, le grand poète Français, le socialiste, le libre Penseur, le citoyen de l’humanité, lui enfin, Viclor Hugo, qui a dit :
- « Un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de » batailles que les marchés s’ouvrant au commerce, et les » esprits s’ouvrant aux idées. »
- Adhésions aux principes d'arbitrage et de désarmement européen.
- Eure. Poligny. — Cler Henri quincailler ; — Colomat Henri, courtier en vins ; —- Poux André, propriétaire ; — Fromond Louis, marchand de vin ;
- — Cheffen, fabricant d’huiles ; — Voitout, propriétaire ; — Louvet, négociant ; — Berthier, tailleur ;
- — Richoley, bonnetier ; — Jacquard, bottier ; — Savoye, drapier; — Barbe, rentier; — Belleville, cordonnier; — Gagneur, propriétaire;— Chèvre Louis, vigneron Vamet, aubergiste ; — Michaud Félix, vigneron ;— Etievant, cultivateur ;— Comoz, vigneron; — Carrat, cordonnier; — Cattenot, fromager;— Bourgeois, boulanger ; — Mignot, rentier;— Diebolh, cordonnier;— Etiévant,vigneron;
- — Euvrard, tailleur;— Carrat Charles, cordonnier ; — Badoz Auguste, cultivateur ; — Badoz V. propriétaire ; — Brégand, vigneron; — Marchand, maréchal-ferrant ; — Benoit Ernest, peintre ; — Perroux, cultivateur ;— Tonner, boulanger ;— Per-cbet, cultivateur ; — Olivier, menuisier ; — Vuide-pot, charpentier ;— Vamet Charles, propriétaire ;— Jacquin Félix-Just, négociant ; — Goy Alexandre, charcutier; — Cler Alfred, armurier; — Ve Benoit, négociant;— Diebolh Michel,eordonnier;—Monnet Jules, cordonnier ; — Clément Joseph, professeur ;
- — Monnoyeur Paul, tanneur; — Manton, boulanger;— Perroux Paul, charcutier;— Vandet Louis, taillandier;— Maîtrejean, employé;— Goy Adolphe, cafetier ; — Hubert Domval, armurier ; — Salins propriétaire ; — Berthelier, cordonnier ; — Jacque-mard, coiffeur; — Midat Charles ;— Bouvet Henri, propriétaire ;— Rozet Léon, limonadier ;— Ve Gaz, hôtel de Genève ; — Haroise Alphonse, architecte ;
- — Carrat Louis, coiffeur; — Bittot Emile, limonadier ;— Poinsot Etienne, retraité ; — Moussard Alphonse, maître répétiteur ; — Valeur Eugène, maître répétiteur ;— Vérus Gervais, négociant ;— Go-nard Edouard, cultivateur ; — Roy Augustin, propriétaire ; — Laureney Emmanuel, cantonnier ; — Lombard Alexandre, négociant ; — Gros Henri,
- riétaire; — Monnoyeur Joseph, propriétaire; uillermet L. propriétaire ; — Grennanot, tailleur de pierres ;— Mandrillon Eugène, tisserand ;
- — Taubaty Auguste, maçon ;—Cologny Jean-Pierre, tailleur de pierres ;— Doubez Pierre, propriétaire ;
- — Vandel Charles, taillandier;— Barillot Alexis, négociant ;— Proit Alphonse, cordonnier ; — Proit Louis, serrurier ; — Coupet Eugène, boucher ; — Burlet, sabottier ;— Burlet Ferdinand, sabotier;— Burlet Emile, sabotier ; — Mayer Théodore, cor-donnnier ;— V° Guillaumez, propriétaire ;— Lugand Félix, charpentier ;— Simonin Charles, cultivateur ;
- — Guyot Paul, maréchal ;— Guyot Louis, maréchal;
- — Baud J.-B. aubergiste ; — Delacroix Théodore, cultivateur Brenez Auguste, négociant.
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- LE DEVOIR
- MAITRE PIERRE
- Pair Edmond ABOUT VII
- HISTOIRE DU PETIT CHEVAL GRIS
- (Suite.)
- « Je demeurai deux jours dans la position du soldat sans armes. La peur de revoir un taureau à mes trousses était plus forte que la tentation d'aller quérir mon fusil. On a beau être chasseur de naissance, on a aucune vocation pour le rôle de gibier. Cependant je pris mon courage à deux mains et je retournai dans les bois oùle pauvre fusil se rouillait en attendant son maître. Je le cherchai longtemps ; peut-être avais-je les yeux un peu troublés. Les visions les plus cornues m’arrêtaient à chaque pas, et je voyais tous les buissons lever le museau pour me donner lâchasse. Je suis pourtant, modestie à part, l’homme le plus brave que j’aie jamais connu.
- « A partir de ce moment, je rêvai bœuf, et cela nuit et jour. La prudence me prit comme une maladie. J’évitai les dunes, de peur de mauvaise rencontre, et je me cantonnai dans la lande. Sur les dunes, les échasses ne servent de rien ; dans les landes, j’avais triples j ambes, et d’ailleurs j’étais chez moi. Mais la chasse était si belle dans les dunes, que je ne me consolais pas d’en être exilé. Certes, je ne chômais ni de lièvres ni de perdrix, et pourtant j’étais aussi triste qu’un épervier réduit à gober des sauterelles. Je maudissais les taureaux et toute leur famille, et ma haine pour eux se compliquait d’ambition et de convoitise. Je me disais quelquefois qu’il est bien noble et bien avantageux de tuer trois cents livres de viande d’un seul coup. J’aurais voulu planer sur une lète et fusiller mes ennemis du haut des airs : il n’y a pas d’homme qui n’ait jamais envié les ailes de l’oiseau. Si du moins j’avais eu un cheval !
- « Voilà comment l’idée me vint de faire alliance avec les chevaux sauvages : il en restait une vingtaine dans les dunes. Leur histoire était bien connue. On se rappelle encore le temps où tous les chevaux du pays pâturaient librement dans les lètes, sans entraves aux pieds. Ils vivaient à leur fantaisie, mangeaient ce qui se rencontrait sous leur dent, s’accouplaient suivant leur caprice, et dégénéraient à qui mieux mieux. Les pouliches étaient pleines à dix-huit mois, quelquefois même à un an : c’est ainsi que la race est devenue si chétive. Nos paysans ne faisaient pas la dépense d’un pasteur pour surveiller ce petit monde-là. Chacun savait le compte de ses bêtes, et chaque bête portait la marque de son maître. Chaque poulain qui naissait était pris, marqué et renvoyé
- à la mère. Lorsqu’un homme .avait besoin de ses chevaux, il les démêlait dans la foule et les emmenait chez lui. Les plus gais faisaient quelques façons pour se laisser prendre ; mais, comme ils n’étaient pas en révolte ouverte, on en venait bien à bout. Il suffisait de les séparer des autres, de les pousser dans un canton qu’ils ne connaissaient pas,ou de les fatiguer à la course : au pis aller, on leur lançait quelque chose dans les jambes.
- « Lorsqu’on vit clairement que les chevaux, du train dont ils se gouvernaient, finiraient bientôt par ressembler à des rats, on changea de méthode. Les riches bâtirent des écuries, les pauvres fabriquèrent des entraves; on décida une battue, générale et l’on prit tout le troupeau d’un seul coup de filet. Il en échappa cependant cinq ou six qui, traqués de toutes parts, et harcelésnuit et jour, devinrent tout à fait sauvages et prirent en horreur la figure humaine. Ils vécurent comme des brigands poursuivis par la gendarmerie ; ce qui ne les empêcha pas de croître et de multiplier. Du plus loin qu’ils flairaient homme ou femme, ils se donnaient du champ, et le plus fin coureur du pays aurait usé ses jambes jusqu'aux genoux avant de les rejoindre. On leur tendit des embus-cades et l’on put en attraper quelques-uns, mais ce n’était pas un jeu d’enfant. Vous auriez dit que les coquins avaient juré de mourir plutôt que de se rendre. Us lançaient des ruades à casser un homme en deux, ils mordaient l’ennemi jusqu’aux os, et il ne faisait pas bon se trouver à leur portée lorsqu’ils boxaient des pieds de devant. Le vieux garde-champêtre de Bulos porte encore leurs marques : c’est un coup de poing de cheval qui lui a fendu le front jusqu’au nez.
- « Tels étaient les alliés avec qui je comptais déclarer la guerre aux taureaux sauvages. Ils habitaient dans ces environs-ci, je connaissais leurs retraites, et je les ai vus plus d’une fois, mais de loin. C’était surtout avec le chef de leur république que je désirais lier amitié : quelque chose me disait que je n’aurais plus mon égal au monde si je parvenais à monter le petit cheval gris.
- « Pour peu que vous restiez dans nos contrées, vous entendrez réciter bien des légendes sur le petit cheval gris, mais personne que moi ne peut vous conter son histoire. Il axait sept ans lorsque je l’ai connu, et c’était l’animal le mieux fait, le plus leste et le plus vigoureux de sa race. On aurait pu écrire sa généalogie ; on savait de quel père et de quelle mère il était né, et il appartenait à plusieurs propriétaires ; mais il ne portait la marque de personne. Son grand-père était un cheval du Porge, et une de ses grand’mères avait été chez un homme de la Canau : c’est pourquoi bien des gens réclamaient quelque droit sur lui. Celui qui l’aurait mis dans son écurie aurait dû rembourser plus de cinquante écus à ses coproprié-
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- taires, car la bête valait de l'argent. Les parts se vendaient, s'achetaient à toutes les foires, à tous les marchés, et dans tous les cabarets le dimanche. Il y avait pas de paysan qui n'eût acquis ou cédé, moyennant finance, un dixième ou un vingtième du petit cheval gris. Pendant tout ce trafic, la noble bête promenait sa bande à travers les dunes, choisissait les campements, plaçait des sentinelles sur les hauteurs, et veillait au salut de ce peuple à quatre pattes.
- « Je préparai les choses de loin pour être admis en sa présence. Si j'étais allé de but en blanc lui crier : Ami ! il aurait détalé avec tout son monde, du plus loin qu'il m'aurait vu. La démarche ne m'eût rien rapporté, pas même un coup de pied dans l’estomac. Je m'avisai donc qu'il valait mieux le prévenir de ma visite en lui détachant quelque personne de son espèce qui parlât en ma faveur et lui dît quel homme j’étais. Pour cette ambassade délicate, je choisis une petite créature de trois ans, qui semblait d’humeur libre et aventureuse : c’était le jument noire d'un propriétaire de Bulos. Je la visitai régulièrement pendant deux mois dans le champ où elle était entravée. Je la comblai de politesses, je la bourrai de morceaux de sucre et je lui prouvai par mes libéralités que j’étais un bienfaiteur juré de sa race. Lorsqu’elle fut bien accoutumée à moi et qu’elle me reconnut de loin, je guettai le moment favorable, et un soir qu’elle hennissait mélancoliquement, les naseaux tournés vers les dunes, je lui déliai les pieds. Tant pis pour le propriétaire !
- {A suivre.)
- Bibliographie.
- La Revue socialiste paraissant le 15 de chaque mois, 19, rue du Faubourg-Saint-Denis. Rédacteur-gérant : Benoît Mal on.
- Principaux collaborateurs : Louis Dramard, Gustave Roua-net, Auguste Chirac, G. Chevrier, Eugène Fourniére, S. Deynaud, Dr Letourneau, E. Vaughan, Ch. Beauquier, A. Giard, Pierre Bonnier, Jean Bernard, Halpérine, Léonie Roulade, Adolphe Clémence, F. Stackelberg, Louis Bertrand, Dr de Paepe, G. Degreel, Andrea Gosta, Hector Denis, Henri Brissac, Jean Lombard, E? Poitier, M. Bénédict, Almaviva, Elie Peyron, Henri Deloncle, Dr Castelnau, Domela Nieuwen-Euis, V. Delahaye, E. Pignon, Jules Pinaud, Francis Jourde, A- de laCalle, Presses-Rolland, Ch. Longuet, A. Lecler, Paul Cassard, A. üttin, Dr Moreau, Joao Ricardo, A. Combault, J-B. Dumay, JulesMontels, etc., etc.
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- Le numéro 1 franc. On peut s’abonner dans tous les bureaux de poste.
- teu^s°US trouvons dans le numéro 6 l’appel suivant des fonda-
- La Revue socialiste vient de terminer les premiers six mois de son existence, et déjà elle a conquis dans la presse philosophique et économique une place honorable.
- C’est que, comme le promettait son programme, elle s’est tenue en dehors de toute intransigeance sectaire, de toute étroitesse d’école, de toute haine de parti ou de groupe. C’est encore que, sachant le poids des situations sur les volontés humaines, elle s’en prend plus aux institutions qu’aux hommes dans son œuvre critique. A la flétrissure du mal elle en préfère l’explication, et, qui mieux est, les moyens de le combattre à l’avenir.
- C’est donc à une oeuvre de pacification que sont conviés, dans la Revue socialiste, les socialistes de toutes les écoles, les économistes réformistes et les démocrates socialistes de toutes les nuances, ainsi que tous les philosophes préoccupés d’améliorations humaines, tous les chercheurs des nouvelles vérités socialistes, et tous ceux qui ont souci des grands et tragiques problèmes de notre époque.
- L’œuvre est déjà bien assez vaste : Disséquer les maux actuels (dans l’ordre moral, politique et économique) et indiquer les réformes urgentes qui peuvent en adoucir l’acuité, tout en analysant les forces et les tendances sociales dont la connaissance peut seule permettre de poser efficacement les jalons de la transformation future : en d’autres termes, expliquer le présent, aider à son amélioration en préparant l’avenir, est une lourde tâche. Or, cette tâche, les fondateurs de la Revue socialiste ont osé l’assumer. Et ce n’est pas trop pour cela de faire appel à tous les socialistes, à tous les révolutionnaires, à tous les réformistes desavoir et de bon vouloir ; en un mot à tous les serviteurs conscients et désintéressés de l’Humanité.
- Ce que nous avons pu déjà faire de la sorte dans les difficultés du début indique notre tendance, mais est bien au-dessous de ce que nous espérons faire pour l’avenir. Cependant, et quoique placés en dehors des partis militants, — quoique attaqués par plusieurs d’entre eux, sans être soutenus par aucun, — un public éclairé et nombreux est venu dès la première heure encourager nos efforts. Nous lui montrerons, en améliorant toujours notre consciencieuse publication, qu’il n’a pas mal placé sa confiance.
- A côté de nos articles de fond qui iront toujours en étant plus instructifs, mieux élaborés, plus variés, nous apporterons un plus grand soin à nos revues des faits sociaux, de la presse, des sociétés savantes, et d’économie sociale, des livres, etc., pour que nos lecteurs puissent avoir, en nous lisant, une idée nette de ce qui se fait au point de vue philosophique et social, dans tout le monde civilisé.
- C’est maintenant au public éclairé et progressiste à nous faciliter cette lourde et utile tâche, en nous aidant de son adhésion et de ses avis. Pour cela il suffit que nos amis de la première heure nous restent fidèles et que ceux de la deuxième heure, auxquels nous faisons appel ici, nous viennent, ce qui, nous l’espérons, ne saurait manquer, car jamais l’élaboration des solutions sociales ne fut plus urgente, et ceux qui l’entreprennent avec conscience et étude ont droit en quelque sorte au suffrage des gens éclairés et désireux d’un meilleur avenir pour les civilisés et pour tout le genre humain.
- Le Directeur-Gérant : GODIN.
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- Mutualité nationale contre la Misère. — Pétition et proposition de loi à la Chambre des députés
- Brochure in-8°, extraite du volume « Le Gouvernement ».......................................4 fr. 50
- Les quatre ouvrages ci-dessus se trouvent également : Librairies Guillaumin et Cie, f4, rue Richelieu, Paris;
- Les Socialistes et les Droits du travail . . 0,40 cent. La Richesse au service du peuple .... 0,40 cent.
- La Politique du travail et la Politique des privilèges. 0,40 La Souveraineté et les Droits du peuple............0,40
- ÉTUDES SOCIALES
- N° 1 - Le Familistère, brochure illustrée contenant cinq vues du Familistère -et_de_jses dépendances, fait connaître les résultats obtenus par l’association du capital et du travail, association
- ouvrière au capital de 6.600.000 francs ............................................ 0 fr. 40
- Dix exemplaires 2 fr. 50.
- N* 2 - La Réforme électorale et la Révision constitutionnelle...................o fr. «
- N° 3 - L’Arbitrage international et le Désarmement européen ....... o &•. 25
- N° 4 - L’Hérédité de l’État ou la Réforme des impôts............................0 fr. 25
- N° 5 - Associations ouvrières. — Enquête de la commission extra-parlementaire au ministère
- de l’Intérieur. Déposition de M. GODIN, fondateur de la Société du Familistère de Guise,
- Les N°s 2 à 5 des Études sociales se vendent : 10 exemplaires 2 fr.
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- Histoire de l’association agricole de Ralahineanande) , Résumé des documents de
- M. E, T. Craig, secrétaire et administrateur de l’association. Ouvrage d’un intérêt dramatique, traduit par Marie Moret.....................................................................0,75 cent.
- Histoire des eQuitebies pionniers de Rochdnle, de g. j. holyoake. Résumé traduit de
- l’anglais, par Marie Moret.......................................................„ 0,75 cent.
- La Fille de son Père. Roman socialiste américain, de Mme Marie Howland, traduction de M. M., vol. broché..................................................................3 fr. 50
- Collection du « DEVOIR »
- 1er volume broché
- 2m° » »
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- 4me volume broché.
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- Les ême 7me et 8m0 volumes ne se vendent qu’avec la collection entière, les 8 volumes brochés ensemble 80 fr., franco.
- nuise.- lmp. Ban-
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- 9e Année, Tome 9. — W 358 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 19 Juillet 1885
- ue
- JUilist fÉBU^Éiil W
- REVUE DES
- BUREAU
- a GUISE (Aisne)
- Tontes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
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- A PARIS
- 5, rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- PROGRAMME SOMMAIRE
- DES
- RÉFORMES SOCIALES S POLITIQUES
- Produites et défendues par « Le Devoir »
- 1. —Placer le bien de la vie humaine au-dessus de toutes choses, dans les institutions, dans les lois ci dans la protection sociale.
- . — Faire des garanties de la vie humaine et de
- la liberté, la base de la constitution nationale.
- 3. — Réforme clu régime parlementaire par le concours éclairant l’élection et par la liberté de tous les moyens d’investigation sur la valeur des candidats.
- 4. Organisation du suffrage universel par l’u-niléde Collège national pour l’élection des députés ; chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères. Dépouillement dans chaque commune, recensement à Paris.
- Ce système établit :
- La liberté de l’électeur dans le choix des députés avec la presque certitude de donner un vote utile ;
- L égalité cje suffrage pour tous les citoyens ;
- La possibilité pour les minorités de sel aire retiré-Muter ; * 1
- La représentation par les supériorités.
- — Renouvellement annuel de moitié de la c-hambre des députés et de tous les corps élus. La monté clu peuple souverain toujours ainsi mise en wiaence.
- ,,L ~~ Rétribution de toutes les fonctions publiques Moines par le suffrage universel.
- Lfem Égalité civile et politique de l’homme et de
- p ~~ Le mariage, lien d’affection, faculté du divorce.
- et^nhr Éducation et instruction primaires,gratuites ®bhgatoires pour tous les enfants. cleseS’pXamens concours généralisés avec élection binl* 6Ves P£Lr leurs pairs dans toutes les écoles. erJ?me constatant la série des mérites intellectuels moraux de chaque élève
- 10. — Écoles spéciales, nationales, correspondantes aux grandes divisions des connaissances et de l’activité humaines, gratuitement accessibles à tous les élèves qui en seront reconnus dignes par les concours, les examens et les élections.
- 11. — Suppression du budget des cultes. Séparation de l’tiglise et de l’État.
- 12. — Réforme des impôts et suppression des impôts indirects.
- 13- — Plus d’impôt du vivant des personnes. * Les ressources publiques constituées par le droit d héritage national dans la fortune des citoyens après leur mort, et par les revenus que l’Etat retirera des biens passés entre ses mains.
- 44. — Hérédité progressive de l’Etat suivant l’importance des successions en ligne directe, des cessions volontaires et par testaments.
- Droit d’hérédité complète de l'Etat en ligne collatérale à moins de testaments.
- Les grandes fortunes faisant ainsi, dans une juste mesure, retour à la société qui a aidé à les produire.
- 15. — Remboursement des dettes publiques avec ' les ressources de l’hérédité.
- t 16. — Organisation nationale des garanties et de l’assurance mutuelles contre la misère.
- 11. — Suppression des emprunts d’Etat.
- 19. — Lois protectrices du travail et de la participation des travailleurs aux bénéfices de laprocluc-tion.
- 20. — Réforme des habitations insalubres dans les villes et villages.
- Amélioration dans l’architecture des villages et des logements du peuple par la construction d’habitations unitaires ou palais sociaux.
- 21. — Libre échange entre les nations.
- 22. — Abolition de la guerre offensive.
- 23. — Arbitrage international jugeant tous les différends entre nations.
- 2k. — Désarmement européen.
- 25. — Les nations maîtresses de leur sort et de leur propre territoire
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- LE DEVOIR
- SOMMAIRE
- Le renouvellement annuel par tiers.— Faits économiques. — La Femme en Portugal.— Congrès des sociétés coopératives.— Coopération et coopération. — Aphorismes et préceptes sociaux. — Faits politiques et sociaux de la semaine. — 47e congrès des coopérateurs anglais.—Le socialisme aux Etats-Unis d’Amérique. — Les bienfaits de l’individualisme. — Une fabrique d'œufs. — Adhésions aux principes d’arbitrage et de désar-m ement européen. — Maître Pierre.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à litre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième, numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
- LE
- RENOUVELLEMENT ANNUEL
- PAR TIERS
- L’idée fait son chemin malgré les résistances des meneurs électoraux. Partout où on peut en développer les avantages devant les délégués des communes dans les comités, on est certain de rencontrer une approbation générale. La semaine dernière nous avons eu la satisfaction de la voir adoptée à l’unanimité par les membres du comité électoral du canton d’Hirson.
- L’obstacle le plus difficile à surmonter provient du silence systématique de la presse départementale.
- Les rédactions de la plupart des journaux de province laissent paraître une fâcheuse partialité pour tout ce qui concerne cette réforme.
- Dans le département de l’Aisne, le mutisme de certains journaux est inexplicable ; malgré que leurs rédacteurs se fussent engagés à publier la résolution que nous avions déposée à la réunion de
- on, le Nord de la Thiêrache et le Glaneur, ont
- seuls tenu leur promesse. Nous espérons qu’il n’y a dans ce fait qu’un oubli regrettable que l'on s’empressera de réparer.
- Si nos confrères de l’Aisne sont hostiles à nos projets, ils n’ont qu’à les combattre, mais la conspiration du silence n’est pas le fait de journalistes
- qui se respectent.
- Ces procédés ne nous arrêteront pas dans notre propagande ; nous ne cesserons de reproduire nos arguments et d’en chercher de nouveaux jusqu’à l’heure du scrutin.
- Avec le scrutin de liste, dans les départements qui comptent une nombreuse représentation, comme la Seine où il y aura une quarantaine de députés, les convocations fréquentes des électeurs sont des événements inévitables ; les décès, les maladies, les démissions, les changements de fonction occasionnent fréquemment des modifications dans la représentation, qui obligent le gouvernement à faire appel aux électeurs.
- Même sous le régime du scrutin d’arrondissement, les élections accidentelles se produisent assez souvent pour qu’il ne se passe pas de semaine qui ne soit marquée par une convocation des électeurs d’un ou de plusieurs arrondissements. A Paris, chaque année, les électeurs de plusieurs quartiers sont appelés à combler les vacances survenues dans la représentation du département de la Seine.
- Ces manifestations locales du suffrage universel, faites à des époques imprévues, n’ont aucun caractère politique d’où le gouvernement puisse tirer des indications positives. Les électeurs de ces circonscriptions ne sont pas moins détournés de leurs occupations ordinaires, sans que l’on ait jamais constaté de perturbations sérieuses dans le mouvement des affaires.
- Comme il serait plus pratique de renoncer à ces incessants renouvellements et remplacements et de fixer une époque annuelle qui permettrait à tous les électeurs de se prononcer sur la politique générale et de pourvoir en même temps les vacances survenues dans le courant de l’année écoulée.
- Il serait si facile de faire coïncider le moment du vote avec des jours fériés. De cette manière, les pertes de temps seraient nulles et les consultations du suffrage universel s’accompliraient avec l’ordre et le calme que l’on constate dans toutes les manifestations populaires à époques régulièrement déterminées.
- Il nous semble que ces considérations et celles
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- LE DEyOIR
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- que nous avons déjà émi ses sur cet important sujet méritent l’attention des citoyens dévoués à la cause publique. Il nous semble aussi que les journalistes qui ne partagent pas notre manière devoir pourraient plus mal employer leur temps qu’en discutant nos conclusions et en opposant à nos arguments les motifs de leurs préférences.
- Faits économiques.
- L’examen du nouveau tarif que le gouvernement roumain a déclaré vouloir nous imposer tout à coup, et qui a provoqué de notre part des représailles, prouve surabondamment les sentiments d’hostilité qui ont inspiré cette mesure, car elle constitue une protection réelle pour les marchandises similaires allemandes et anglaises.
- En effet, le tarif imposé ne porte guère sur des articles fabriqués en Roumanie, mais bien sur ceux qu’elle nous demande habituellement..
- Ainsi, nos fromages et beurres payeront 120 fr. par 100 kilog. au lieu de 12 fr. C’est une taxe décuplée ! Le droit sur le sucre est porté de 20 à 50 fr. ; sur les bonbons, on l’a élevé de 20 à 200 fr. ; sur les articles en cuir, de 45 à 315 fr. ; sur les chaussures, de 90 à 600 fr. ; sur la bonneterie de fil, le droit est doublé. Le papier à lettre est porté de 19 à 120 fr., et la porcelaine s’élève de 30 à 250fr.
- Nos vins en barriques, qui payaient par 100 kil. un droit ad valorem de 5 1/2 0/0, acquitteront 60 fr. pour le même poids. Les pianos,d’une valeur moyenne de 700 fr., étaient taxés 42 fr. et payeront désormais 140 fr.
- La Roumanie a justement chargé de droits les produits français qui faisaient concurrence aux produits allemands.Citons spécialement les failles,les crêpes et barèges, les satins, les nouveautés de Reims, de Roubaix et de Rouen.
- Il n’est peut-être pas inutile de signaler ce fait assez bizarre que M. Bratiano, président du cabinet roumain, est le correspondant payé d’un journal gallophobe, la Gazette de Cologne.
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- PAR
- RODRIGUES DE FREITAS
- Un voyageur anglais, visitant le Portugal en 1789, décrivait ainsi les portugaises : « Elles sont généralement douées
- * d excellentes qualités. Elles sont toutes modestes et entiè-4 rement attachées à leurs époux. Aucune d’elles ne pense-" rait à quitter sa maison sans en avoir obtenu la permission
- * de son mari ou de sa famille. Pour que l’ombre même " d une suspicion ne puisse les atteindre, nul homme, pas " même un parent, n’est admis à entrer dans leurs apparte-" ments, ni à s’asseoir près d’elles dans les jardins publics.
- « Leurs amants jouissent donc rarement du plaisir de les « voir, excepté à l’église, le seul endroit où les regards et les « signes d’affection puissent se manifester.
- « Là, en dépit de la plus grande vigilance des duègnes,
- « les amants réussissent parfois à échanger des lettres, mais « si adroitement qu’il faut être un amoureux pour s’en aperce cevoir. En sortant de l’église il arrive partoisque lesamou-« reux, se rencontrant par hasard au bénitier, se pressent les « mains avec une joie intime et échangent leurs tendres « messages.
- « Les dames sortent rarement si ce n’est pour aller à l’é-« glise voisine, ce qu’elles font régulièrement au moins une « fois par jour...............
- « Les mariages, tort dispendieux, entraînent souvent la rui-« ne des gens très pauvres.
- « Les femmes sont économes et sobres, généralement elles « ne boivent que de l’eau. Cette diète de la part des portu-« gaises a un singulier effet sur leur complexion ; elles sont « pâles et manquent de vivacité.
- « Leur manière de s’habiller change à peine à travers un « siècle. Les individus des deux sexes parmi les basses clas-« ses ont la passion des bijoux ; les femmes mêmes des pê-« cheurs se parent de colliers et de bracelets d’or. »
- Si cette peinture était exacte il y a un siècle, quel change-gement s’est opéré, depuis, parmi les portugaises et surtout parmi les femmes des villes !
- Pour le costume la mode de Paris fait loi, bien que modifiée et fortement empreinte du caractère portugais. Le costume national est détrôné, sauf au fond de quelques bourgs sans relations directes avec les villes. Même là, il est condamné à disparaître bientôt.
- Les portugais ne sont pas un peuple économe. La nation a très peu de caisses d’épargnes ; les sociétés de secours y sont plus rares encore. Cependant, beaucoup de femmes se privent du nécessaire, afinde seprocurer de la toilette. Des femmes, des mères, au lieu de veiller à l’éducation de leurs enfants, aux soins de la cuisine, aux travaux du ménage, se détruisent la vue et se brisent les poumons en se fatiguant outre mesure, pendant de longues heures, pour être vêtues d’après les plus nouvelles modes.
- Les paysannes continuent à acheter des joyaux qu’elles sont souvent heureuses de trouver comme ressource quand l’infortune arrive.
- Dans les villes, les classes moyennes ne se souçient pas autant du précieux métal. Leur but principal est d’avoir l’air de gens riches. Cette rage vulgaire et malsaine de faire de l’apparat produit à Lisbonne les plus grands ravages physiques et moraux. Quelques personnes croient que la pâleur et le dépérissement qui distinguent les femmes de cette ville sont dus au mauvais système d’égouts de la capitale. Certes, les eaux du Tage ne sont pas toujours comme de l’eau de Cologne, et lestuyauxsouterrainsn’éxécutentpasleur œuvre partout ; cependant, la principale source du mal n’est pas sous la terre, elle est dans les têtes. Les conduits de l’esprit ne sont pas nets ; chez plus d’une personne, ils n’ont jamais été assainis ; aussi peut-on mesurer à quelles extrémités la monomanie du luxe peut porter les gens sans fortune. Pour quelques bandes d’étoffes, l’estomac est laissé vide. On fait plus que sacrifier la santé, la vie elle-même est, abrégée et inutilisée.
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- LE DEVOIR
- Lisbonne souffre de cet état plus qu’aucune autre cité. La ville possède un nombre excessif de fonctionnaires publics faiblement salariés et qui ne s’en croient pas moins obligés de dépenser de façon à tenir un rang dans le monde.
- La vieille noblesse est presque disparue, mais la riche bourgeoisie prend sa place en étalant le plus grand luxe.
- Au-dessus de cette classe, la Cour est tout aussi passionnément éprise de ce qui flatte les yeux. La reine Maria-Pie, fille de Victor-Emmanuel, s’enorgueillit d’être la dame la plus élégante du Portugal.. Elle a un véritable port de souveraine, s’habille avec un goût exquis, mais c’est donner à son pays le plus mauvais exemple.
- En 1882, le roi et la reine d’Espagne vinrent en Portugal. Bien que la cour espagnole fût beaucoup plus riche que la cour portugaise, la Reine Maria-Pie écrasait son illustre visiteuse par la magnificence de ses robes et de ses diamants.
- Les monts-de-piété de Lisbonne prêtèrent alors une très forte somme d’argent, dit-on, aux familles qui participèrent aux fêtes données à la Cour.
- Mais il faut tenir compte de ce fait que les Portugaises commencent à peine à recouvrer un peu de liberté. On donne aujourd’hui beaucoup plus d’attention qu’autrefois à l’instruction des filles. Jusqu’ici, on considérait comme dangereux d’apprendre à ces dernières à lire et à écrire. De telles opinions n’ont plus cours. Néanmoins, on n’est pas encore dans la meilleure voie. On enseigne surtout aux jeunes filles à jouer du piano, à chanter, à parler deux ou trois langues parmi lesquelles le français de préférence, mais l’enseignement est fait d’une façon mécanique et uniforme. Il ne varie pas suivant les capacités des élèves, il ne vise pas, au-dessus de toutes choses, à développer les facultés, et il perd de vue la mission de la femme, comme maîtresse de maison, épouse et mère. Le résultat est qu’après le mariage les femmes mettent, généralement, leurs livres de côté et oublient ce quelles avaient appris.
- Malgré tout, le progrès accompli est remarquable et ne fera que s’accentuer. L’instruction primaire est obligatoire pour les garçons et les filles à partir de six ou sept ans. Le cours des études est le même que celui des écoles primaires françaises.
- De bonnes institutions sont tout à fait rares et les locaux scolaires, excepté dans les grandes villes, sont complètement insuffisants.
- Le Portugal ne possède que deux écoles normales d’institutrices : une à Lisbonne et une à Porto.
- Le 31 octobre 1880, il y avait 320 écoles primaires publiques de filles, en comprenant les îles adjacentes, Madère et les Açores. Le recensement de 1878 révèle l’ignorance lamentable des Portugaises. La population féminine du Portugal est de 2,374,870. Sur ce nombre, 254,369 femmes savent lire et écrire, tandis que 2,120,501 ne savent ni l’un ni l’autre. Peut-être ce dernier chiffre est-il trop élevé, mais c’est un fait incontestable que l’instruction féminine est grandement négligée surtout dans les districts de la campagne.
- Il n’y a pas une seule école secondaire pour les filles dans le Portugal.
- En 1883, le Parlement portugais s’occupa de l’instruction secondaire et discuta la question relative aux femmes et aux ! ogrès réalisés à leur égard,en France, depuis quelques années. En député, opposé à la réforme, rappela le mot prononcé par
- Jules Simon à une séance du conseil de l’Instruction publique à Paris : « Nous sommes ici quelques vieillards, très heureux, Messieurs, de n’avoir pas à épouser les filles que vous vous proposez d’élever. » — Notre ministre de l’Intérieur vint ensuite et déclara qu’il était favorable à l’établissement des collèges de filles. « Il est vrai » continua-t-il, a que M. Jules-Simon se considère comme heureux de n’avoir pas à épouser une fille élevée dans un collège de France, mais la raison de cette aversion est visible, M. Jules Simon commence à radoter, autrement il serait trop heureux d’épouser une telle fille, surtout si elle était aussi vertueuse et jolie qu’instruite. » Les rires éclatèrent de toutes parts.
- La situation en est là aujourd’hui : le ministre est favorable à l’instruction des femmes, mais ni ministres ni députés ne font de sérieux efforts pour réaliser ce progrès.
- Cependant, signalons qu’il y a en Portugal beaucoup de pensionnats privés pour les jeunes filles des classes riches. Elles y apprennent plusieurs langues, y reçoivent des notions de mathématiques et de géographie, et y acquièrent quelques talents. Certaines élèves de-ces institutions passent avec honneur les examens des collèges ou lycées de garçons. L’article 72 de la loi du 14 juin 1880, sur l’instruction secondaire, s’exprime comme suit : « Les étudiants du sexe féminin qui désirent entrer dans les écoles de l’Etat ou passer les examens d’admission aux dites écoles sont autorisées à le faire ; elles bénéficient des dispositions de la loi, excepté en ce qui concerne les règlements des pensionnaires. »
- Ce qui veut dire que les filles jouissent dans les écoles de l’Etat des mêmes privilèges que les écoliers externes. Beaucoup de filles ont profité de cette mesure libérale pour passer les examens en question.
- Les femmes sont admises au Conservatoire royal de musique à ? Lisbonne, et aux cours d’obstétrique dans les écoles de médecine de la capitale et de Porto. Ces cours entretiennent les élèves pendant deux ans et leur fournissent la connaissance théorique et pratique de l’obstétrique. Toutefois les accoucheuses ne peuvent se servir d’instruments, si ce n’est en présence de chirurgiens.
- Considérons brièvement la position légale des femmes en Portugal. Les femmes comme les hommes atteignent leur majorité à vingt et un ans. L’émancipation est la conséquence du mariage contracté après la seizième année ; néanmoins il faut accomplir les formalités légales. La mineure peut aussi être émancipée par le père ou, à défaut du père, par le conseil de famille. Dans ce dernier cas, il faut que la mineure soit âgée d’au moins dix-huit ans.
- Le contrôle de la propriété personnelle de la femme appartient au mari, mais la femme peut faire une réserve par laquelle elle a droit de disposer librement d’un tiers du revenu de cette propriété et de le toucher elle-même.
- Dans le système connu sous le nom de « communauté de biens » la femme peut contracter des dettes sans l’autorisation de son mari, si celui-ci est absent ou incapable, pourvu que l’objet pour lequel la dette est contractée, ne comporte pas le délai voulu pour le retour du mari ou sa réhabilitation.
- Dans ces deux cas — l’absence ou l’incapacité de l’époux— la femme gère la propriété commune, mais elle ne peut légalement aliéner les biens sans l’autorisation d’un conseil de famille.
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- Le mari a le droit de disposer librement des biens mobiliers communs. Néanmoins s’il les donne sans le consentement de sa femme, la somme ainsi perdue est à la charge de l’époux dans les fonds communs.
- L’accord et le consentement des deux parties est nécessaire pour aliéner ou hypothéquer les immeubles, quand même ces immeubles appartiennent à l’une des deux parties. Au cas où les époux ne peuvent s’accorder, les tribunaux tranchent la question.
- Le mari ne peut pas intenter un procès concernant les questions de propriétés ou la possession d’un bien sans le consente-tement de l’épouse.
- Les dettes contractées durant le mariage sans le consentement de la femme, doivent être payées sur les fonds propres du mari. La portion de celui-ci dans la propriété commune est seule affectée à de telles dettes après la dissolution du mariage ou après la séparation de biens. Une exception a lieu dans le cas où les dettes sont contractées pour le bénéfice de la « communauté » ou en l’absence ou l’incapacité de l’épouse et quand les circonstances ne comportent pas un délai pour le retour ou la réhabilitation de celle-ci.
- Sous le « régime dotal » le mari peut disposer librement de la dot,à moins que le contrat de mariage contienne une stipulation contraire. Mais quand l’uriion est dissoute pour une cause quelconque, il faut qu’il restitue entièrement la dot de l’épouse. L’immeuble dotal est inaliénable excepté dans les cas suivants : 1° Pour doter et établir les enfants communs ; 2° pour l’entretien des autres propriétés dotales ; 3° pour payer les dettes, de l’épouse ou de celui qui l’avait dotée, antérieurement au mariage ; 4° pour procurer à lafamille les nécessités qu’elle ne pourrait avoir autrement ; 5° pour l’échange avec quelque chose de valeur égale ou plus grande ; 6° pour expropriation publique ; 7° si la propriété est indivise avec tierce partie. Hors de ces cas, la femme peut révoquer l’aliénation de l’immeuble dotal. 11 y a des cas où elle peut même agir ainsi par rapport au mobilier.
- Le code civil commande à l’époux et à l’épouse fidélité et assistance mutuelles. La femme doit spécialement obéissance au mari. Elle est obligée de vivre avec lui, de le suivre, excepté en pays étranger ; elle ne peut publier d’écrits sans son consentement -, cependant, elle peut obtenir des tribunaux le droit de publier ses productions dans le cas d’injuste refus de la part du mari.
- Elle ne peut pas intenter de procès sans le consentement du mari, excepté pour préserver et assurer ses propres droits, pour prendre des mesures contre son mari et pour exercer ses droits concernant les enfants légitimes, ou les enfants naturels appartenant à elle et à un autre homme que son mari. Il est à peine nécessaire d’ajouter que le consentement du mari n’est pas requis si la femme est poursuivie comme crime.
- Le code portugais ne reconnaît pas le divorce proprement dit. Le mariage est un contrat perpétuel. L’épouse peut cependant demander la séparation de corps et de biens pour les causes suivantes :
- 1° Adultère du mari devenant une source de scandale public, ou introduction d’une maîtresse dans le domicile commun.
- 2° Condamnation du mari à la prison perpétuelle.
- 3° Injures graves et mauvais traitements.
- Nonobstant ce divorce partiel, les relations conjugales sont toujours permises entre les parties séparées.
- L’adultère delà femme, qu’il devienne ou non une cause de scandale public, est une base suffisante pour la demande en séparation de la part de l’époux.
- Congrès des Sociétés coopératives.
- Un congrès des sociétés coopératives de consommation doit, nous l’avons annoncé, se réunir prochainement à Paris. Le comité d’organisation du congrès vient d’adresser aux sociétés de France le nouvel appel suivant :
- Nîmes, le 10 Juillet 1885,
- Chers concitoyens,
- Le congrès se tiendra à la mairie de l’Hôtel de Ville de Paris (4e arrondissement).
- Une réunion préparatoire, oùles délégués des sociétés de consommation pourront échanger leurs idées et faire connaissance, aura lieu dimanche, à deux heures, dans la salle des réunions.
- Le congrès commencera officiellement lundi 27 du courant, à huit heures du matin.
- Les sociétés coopératives sont instamment priées de se faire représenter, sinon par un de leurs membres, du moins par une personne étrangère,
- Il est facile de comprendre combien il est nécessaire que ce congrès réussisse ; s’il donne un résultat négatif, la cause de la coopération se trouvera pour longtemps compromise en France.
- . Les membres de toutes les professions se syndiquent aujourd’hui ; les coopérateurs, dont la base même du système est l’association, seraient-ils les seuls à rester isolés ?
- Si nous sommes conséquents avec nos principes montrons-le par nos actes.
- Prenons exemple sur nos voisins.
- Le congrès anglais, sur notre demande, a nommé deux délégués pour venir assister à nos réunions. Ceux-ci ont accepté sans hésitation et n’ont pas reculé dev ant un long voyage pour venir nous apporter le conc ours de leurs sympathies et de leurs lumières ; c’est que deux principes élevés les guident :
- Le dev oir et la solidarité !
- Ces principes doivent aussi nous guider dans toutes nos résolutions.
- Pour le comité d’organisation : de boyve.
- Toutes les communications et lettres destinées au comité seront, à partir du 20 Juillet, reçues à Paris, rue de Berne, 29.
- 51 sociétés ont déjà annoncé qu’elle prendraient part aux travaux du congrès. Ces 51 sociétés se répartissent ainsi : 18 à Paris, 3 à Nîmes, 3 à Lyon, 2 à Vienne (Isère),1 à Romans(Isère),2 à Bordeaux,
- 1 à Saint-Étienne, 1 à Blénau (Yonne), 1 à Angou-lême, 1 à Nevers, 1 à Limoges, 1 à Saint-Rémy sur-Avre ( Eure-et-Loir), 1 à Rouen, 1 à Bolbec
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- LE DEVOIR
- (Seine Inférieure),1 à Reims, 1 à Lille, 1 à Roubaix, i à Belfort, 1 à Commentry (Allier), 1 à Cherbourg, 1 à Toulon ; enfin, 5 dans le département de la Seine, en dehors de Paris, savoir : à Choisy-le-Roi et Thiais.à Suresnes,à Saint-Denis,à Saint-Ouen, à Vincennes.
- La Société pour l’étude pratique de la participation du personnel dans les bénéfices dont le siège est à Paris, 20, rue Bergère, a envoyé à l’Exposition universelle d’Anvers un grand tableau synoptique indiquant les différentes méthodes adoptées par les maisons qui pratiquent le système de participation. Ce tableau comprend, pour toute l’Europe, les établissements, au nombre de plus de cent, sur lesquels on a pu obten’r des renseignements. Il indique le taux de la participation, le mode d’emploi du produit ^paiement en espèces ou acte de prévoyance), et quelques informations supplémentaires, notamment la somme totale attribuée aux participants depuis l’origine de l’institution. Sur cinquante-deux maisons françaises, vingt-deux ont donné des chiffres établissant que la participation a produit chez elles, depuis l’origine, en sus du salaire normal, 22,122,700 francs, ce qui fait, avec 69,567,000 francs donnés par la Compagnie d’Orléans, un total général de 92,700,700 francs.
- Au bas de ce tableau, dans une vitrine, sont placés avec les six volumes du Bulletin de la Société, les dossiers des maisons citées dans le tableau. Ces documents qui consistent en règlements, statuts et notes diverses, sont à la disposition du visiteur.
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- COOPÉRATION ET COOPÉRATION
- La coopération peut-elle aboutir à une aggravation de la misère ?
- La coopération peut-elle conduire progressivement à l’amélioration du sort des classes laborieuses et à l’émancipation intégrale des travailleurs ?
- Ces deux interrogations sont contradictoires; cependant on peut répondre affirmativement à l’une et à l’autre sans commettre un illogisme.
- Si la coopération est pratiquée par des groupes s’inspirant des principes de l’harmonie sociale ; si ses adeptes la comprennent comme un point de départ de l’organisation du travail et comme une application de la solidarité des intérêts, elle sera le premier terme d’une progression féconde.
- Au contraire, si on recoursà elle sous la pression de la concurrence, si on l’utilise comme un moyen de lutte commerciale, d’après les principes de l’économie politique, elle désorganise le présent sans contribuer à la préparation d’un avenir meilleur.
- Cette distinction échappe à la majorité des partisans et des adversaires du socialisme. Beaucoup de conservateurs, qui nient la possibilité de l’organisation générale du travail, poussent en toutes
- circonstances, à la coopération, sans s’inquiéter de savoir dans quels cas elle produira des effets en concordance avec l’économie sociale et dans quels autres elle consacrera les sophismes de l’économie politique. Les révolutionnaires, de leur côté, se montrent généralement incapables de comprendre que l’application delà coopération d’après les principes de l’économie politique n’est pas une condition essentielle de la coopération. Les premiers, en la conseillan t systématiquement, font souvent œuvre de socialistes inconscients ; les seconds, en la repoussant sans examen, agissent, sans le savoir, comme s’ils étaient d’enragés conservateurs.
- L’abaissement des salaires des ouvriers de quelques industries spéciales de Lyon au-dessous du taux nécessaire à la subsistance vient de provoquer les divagations ordinaires des empiriques de la coopération.
- Le Temps et d’autres journaux ultra-conservateurs, condamnés par la force des faits à ne pas essayer à en dissimuler l’importance, ont avoué en toute sincérité la misère des ouvriers lyonnais réduits à des salaires quotidiens de 1 fr. 50 à 2fr. 50; ce dernier prix étant à peineobtenu par un dixième des 5 ou 6,000 travailleurs de la spécialité la plus compromise.
- Les docteurs des privilèges capitalistes ne pouvaient laisser passer une constatation aussi douloureuse sans donnerune consultation. Ilsont sérieuse ment proposé deux remèdes : la coopération, celle selon les principes d’infaillible économie politique, et l’admission temporaire des filés cotons.
- Nous reproduisons l’opinion émise par l’un des doctes consultants ; elle résume exactement la pensée des autres oracles.
- « Pour remédier à la crise actuelle, il faudrait la viande et le pain à bon marché. On disait autrefois : quand le pain est bon marché, le commerce marche parce que l’ouvrier dépense. Aujourd’hui que la récolte soit bonne, le pain reste cher. Le producteur de viande se ruine, les bouchers s’enrichissent ainsi que les intermédiaires qui trafiquent de la viande avant quelle n’arrive à la consommation.
- » Le problème serait de ramener la viande au couis de 1840-1845 et le pain à bon marché.
- l» A Roubaix on a établi les boulangeries coopératives ; l’ouvrier y réalise une économie de 30 0/o ; il en faut faire autant pour la boucherie où la différence sera encore plus considérable. »
- Les coopérateurs de ce modèle souhaitent la vie à bon marché pour avoir le travail humain à vil prix ; à leur avis, une partie de l’humanité doit a-dopter le régime de la coopération pour devenir
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- LE DEVOIR
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- plus facilement exploitable par l’autre partie qu planera au-dessus des sociétés coopératives.
- Si on écoutait ces théoriciens à courtes vues, les travailleurs, la presse et l’action dirigeante s’appliqueraient à faciliter l’organisation de la coopération de consommation, et l’on ferait disparaître sans pitié les patronsépiciers, boulangers, bouchers et autres débitants de denrées de première nécessité, au nom de la conservation des patrons et seigneurs de la grande fabrique.
- Il est certain qu’il résulterait de cette coopération une économie importante. Mais il n’est pas inutile de rechercher à qui profiterait cette économie.
- Il est facile de concevoir que cette économie serait surtout avantageuse aux directeurs de la production. L’ouvrier lyonnais réduit à un salaire de ]fr. à 2 fr., ne pourra réaliser aucune épargne réelle par la coopération ; avec ce salaire, sous ce mode d’approvisionnement, il vivra un peu moins mal, et rendra peut-être supportable, temporairement, une situation intolérable sous le régime de l’approvisionnemenl commercial.
- L’abaissement du salaire de l’ouvrier lyonnais provient de la concurrence étrangère favorisée par le bas prix d’une main-d’œuvre dotée de la vie à meilleur marché.
- Si la coopération permet le maintien à Lyon d’un salaire suffisamment faible pour que la fabrication de cette ville puisse reprendre sa prépondérance sur le marché des articles en soie, les concurrents étrangers s’empresseront de réduire Jes salaires jusqu’à ce que leurs ouvriers acculés, eux-aussi, à la coopération par le fait de ne pouvoir vivre autrement, aient repris l’avantage qu’ils avaient précédemment. Alors la disparition de l’industrie lyonnaise, qu’on aura momentanément sauvée par la coopération, se trouvera de nouveau menacée sans aucun espoir de la secourir efficacement.
- Ces fins de la coopération empirique sont inévitables.
- La coopération est cependant un expédient merveilleux et le moyen transitoire le plus pratique pour conduire à l’organisation générale du travail. Mais il faudrait que ceux qui le conseillent et qui le pratiquent aient une conception du but.
- S’il en était ainsi, on n’attendrait pas, pour en prôner l’application dans une localité, que l’industrie fut arrivée aux extrêmes réductions des salaires. Forcément on organiserait la coopération partout où elle s’impose, mais on s'attacherait àfaire adopter les principes surtout dans les centres les plus
- prospères, sans la limiter à la transformation de l’approvisionnement des denrées de première nécessité.
- Alors, elle aurait pour conséquence de conserver une épargne réelle aux travailleurs ; et, si cette épargne tendait à mettre le travailleur en possession des moyens de production, par des procédés analogues à ceux du Familistère, la transformation sociale vers le régime de l’association s’accomplirait progressivementpar une évolution ininterrompue.
- Ce n’est pas seulement les patrons boulangers, bouchers, épiciers et marchands de vin qui doivent être remplacés par des sociétés de coopération, le patronat tout entier doit s’effacer devant l’association des travailleurs.
- Chose étrange, chaqne fois qu’une crise commerciale aboutit à l’extrême réduction des salaires, on entend les fabricants et tous ceux qui défendent le patronat comme une institution sociale nécessaire et éternelle prôner des mesures qui feraient disparaître d’un seul coup tous les petits patrons.
- Il est incontestable que la coopération aboutit à ce résultat, et il n’est pas admissible qu’une fraction des patrons ait plus de raison qu’une autre de se perpétuer.
- Nous serions curieux d’entendre les partisans de la coopération partielle nous démontrer qu’un patron fabricant d’articles de soieries remplit un rôle social plus sacré que celui de l’épicier, du boucher ou du boulanger.
- Les petits patrons, dé leur côté, devraient prévoir que ces conseils seront suivis tôt ou tard ; et, disparaître pour disparaître, ils feraient bien d’examiner s’ils n’auraient pas intérêt à se ranger avec ceux qui réclament l’organisation du travail, et qui ne veulent pas saper le présent sans préparer de justes compensations en faveur des intérêts que pourrait compromettre une transition désordonnée menée par des inconscients.
- Il est à remarquer que ceux qui parlent ainsi, sans aucun ménagement, de la disparition des petits patrons, sans se préoccuper de leur procurer aucune compensation, réclament pour eux une protection de l’Etat, qu’ils ne méritent pas. Ce sont en effet les mêmes personnes qui s’agitent pour obtenir du gouvernement l’admission temporaire des filés cotons, au détriment du travail français ; alors qu’ils pourraient, par une intelligente initiative, perfectionner notre industrie nationale et donner au monde un bel exemple de coopération rationnelle sur lequel nous nous expliquerons dans notre prochain numéro.
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- LE DEVOIR
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIADX
- LXXXIII
- CAMBODGE
- Répartition de la richesse.
- La justice ne régnera, sur la, terre que lorsque tes réserves nrélevees sur la, richesse donner ont a tous les êtres humains la garantie du nécessaire a Xexistence et celle des bienfaits de l éducation et de X instruction.
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- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- Les Grèves. — M. le ministre du commerce vient d’adresser aux préfets la circulaire suivante :
- Monsieur le préfet,
- Conformément aux instructions qui vous ont été transmises dans une circulaire du 12 juillet 1878, vous devez signalera non administration, dès qu’elles se produisent, les grèves qui viennent à éclater dans votre département.
- J’ai constaté qu’un certain nombre de préfectures ne se conforment pas toujours à cette prescription ou que les rapports qui me sont adressés ne contiennent pas des renseignements suffisants.
- Je n’ai pas besoin de vous dire la sollicitude avec laquelle le gouvernement s’occupe de la situation du travail national.
- La question des grèves et coalitions offre à ce point de vue un intérêt qui ne vous échappera certainement pas ; aussi est-il nécessaire que je reçoive, par votre intermédiaire, des renseignements exacts et aussi complets que possible sur les faits qui y ont trait.
- En conséquence, dés qu’une grève vous sera signalée sur un point quelconque de votre département, vous voudrez bien, monsieur le préfet, m’en informer immédiatement.
- Un rapport devra ensuite m’être adressé par vos soins, aussitôt l’incident terminé.
- Les renseignements que vous avez à me fournir sont de deux sortes. Au point de vue statistique, d’abord, votre rapport devra contenir les indications suivantes :
- La localité et l’établissement où la grève s’est produite ;
- La cause de la grève ;
- La durée (date du commencement et date de la fin) ;
- Les réclamations des grévistes ;
- Les propositions des chefs d’établissements ;
- Les conditions auxquelles le travail a repris ;
- Létaux des salaires avant et après la grève ;
- Les ressources dont les grévistes ont pu disposer ;
- Enfin les infractions à la loi du 25 mai 1864, s’il y en a eu, et les condamnations qui ont pu s’ensuivre.
- Mais il est une question sur laquelle je désirerais être éclairé plus spécialement encore, c’est l’influence que la grève a pu avoir sur la branche de l’industrie dans laquelle elle s’est produite. Scuvent, en effet, les grèves ont pour résultat de modifier les conditions de la production, soit en changeant le taux des salaires, soit en arrêtant les commandes qui peuvent se reporter alors vers nos concurrents étrangers. C’est à ce point de vue surtout que mon ^département a intérêt à être exactement renseigné ; je vous prie donc d’y apporter tous vos soins.
- Le gouverneur de la Cochinchine a fait parvenir au ministre de la marine et des colonies, le 9 juillet 1885, les informations suivantes, sur la situation du Cambodge :
- Malgré les inondations qui rendaient les opérations militaires difficiles, de sérieux succès ont été remportés depuis un mois environ, tant par le commandant Goullas que par le capitaine David dans les provinces du Nord, où s’était concentrée l’insurrection, c’est-à-dire dans la province de Pursal et Kompong-Thom et dans la partie du territoire comprise entre Kampot et le canal de Chaudoc à Hatien. Aussi la tranquillité règne-t-elle aujourd’hui dans ces parages.
- Dans le Nord-Est de la Cochinchine, la pacification est complète depuis la fin du mois de mai.
- Le second roi, accompagné du chef du cabinet du gouverneur de la Cochinchine, a parcouru toute cette région, ainsi que la région du centre ; en échange de l’amnistie promise sauf en ce qui concerne les crimes, les gouverneurs et chefs insurgés ont fait leur soumission ; les bandes soulevées ont été dissoutes et les villages repeuplés.
- Des paillottes ont été distribuées pour la réédification des maisons et les denrées nécessaires ont été réparties entre les habitants pour la nourriture et les semences.
- Le gouverneur est informé que dans l’Ouest et les pays inondés du Nord les chefs se montreraient prêts à se soumettre aux mêmes conditions que ci-dessus.
- L’administration de la Cochinchine se prépare a répartir ET A INSTALLER AU CAMBODGE LES POSTES RECONNUS NÉCESSAIRES.
- La dernière phrase ne fait que confirmer la gravité de la situation.
- Tout va bien au Cambodge, à la condition qu’on y mette beaucoup de postes, que ces postes soient solides et ne se laissent pas surprendre.
- C’est exactement comme au Tonkin. 0 empire colonial !
- SÉNÉGAL
- C’est le mot :
- Notre empire colonial n’est qu’un empire de tribulations d’un bout à l’autre sous toutes les latitudes, et toutes les longitudes. Ce n’est pas assez des préoccupations, des sacrifices et des épreuves de tout genre, en quoi se résument jusqu’à présent nos nouvelles « conquêtes » du Tonkin et de Madagascar.
- Voici que nos vieilles colonies s’en mêlent à leur tour.
- Il nous arrive de mauvaises nouvelles du Sénégal.
- Notre colonne expéditionnaire du haut fleuve dirigée par le commandant Combes, est coupée de sa ligne de ravitaillement et l’on n’en a aucune nouvelle depuis le 1er juillet.
- L’insurrection est conduite par Samary, chef puissant du Soudan sénégalais ; c’est un adversaire redoutable, contre lequel le colonel Borgnis Desbordes dut combattre pendant deux ans.
- Très affable avec ses partisans, Samary est impitoyable avec ses ennemis.
- Lors de la prise de Reniera, une des capitales du Manding, coupable Je lui avoir résisté, il fit creuser par les habitants prisonniers, sur la place de la ville, une série de puits très
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- profonds dans lesquels il jetait alternativement les malheureux ouvriers eux-mêmes, puis une couche de charbons ardents et ainsi de suite jusqua ce que l’orifice fût comblé. Cet atroce supplice dura trois jours et coûta la vie à deux mille personnes.
- Une autre fois, avant de livrer bataille à nos troupes, il promettait à ses favorites de leur donner comme gardiens du sérail les officiers français qu’il allait infailliblement capturer.
- Le bruit court qu’un traité secret aurait été conclu, il y a plusieurs mois, entre Samary et le gouverneur des colonies anglaises de la Gambie.
- ANGLETERRE
- Libre-Pensée. - Il y a quelques jours, M. Bradlaugh s’est présenté à la table pour prêter serment et prendreposses-sion de son siège.
- Sir Michaël Hicks-Beach, chanchelier de l’Echiquier et leader de la Chambre, s’y oppose et demande que, conformément à la résolution adoptée par la Chambre le 11 février 1881, M. Bradlaugh soit exclu.
- M. Hopwood propose, à titre d'amendement, de déclarer que, en vue du cas de M. Brandlaugh, une législation spéciale est nécessaire.
- Cet amendement est appuyé par M. Gladstone, qui déclare que, tout en admettant que la motion du chancelier de l’Echiquier se trouve justifiée par les précédentes décisions du Parlement, il reste convaincu que la manière d’agir de la Chambre vis-à-vis de M. Bradlaugh est illégale et inconstitutionnelle.
- Après une courte discussion, l’amendement de M. Hop-wood a été rejeté par 263 voix contre 219, et la motion du gouvernement adoptée.
- M. Bradlaugh, en se retirant, a déclaré qu’il proteste contre cette injustice.
- L’incident a été très animé.
- Une société des chevaliers du travail, reliée à l’ordre des Etats-Unis, a existé pendant quelque temps à Sanderland. D’autres sociétés semblables sont en voie d’organisation en Angleterre et en Irlande.
- CANADA
- Les Chevaliers du travail.— Partout en Canada existent des signes prouvant que les rapports entre le capital et le travail vont rapidement s’imposer à la discussion et à une nouvelle manière de voir.
- De toutes parts les travailleurs se groupent pour améliorer leur sort.
- Les Chevaliers du travail qui, actuellement,comptent près de cent mille membres, furent dernièrement dénoncés par l’archevêque catholique romain de Québec et rangés dans la catégorie des membres de sociétés secrétes, sociétés dangereuses et Amorales auxquelles les fidèles devaient se garder d’apparte-uir.Des représentations furent faites à l’archevêque sur l’injustice une telle dénonciation etl’archevêque, après examen, dut ré-^oquer son anathème; les Chevaliers du travail ayant,paraît-il, 65 amis actif>s parmi la population catholique de la contrée.
- ETATS-UNIS
- L’organisation des chevaliers du travail continue à faire des progrès extraordinaires aux Etats-Unis, A Richemond, Virginie, dix sociétés d’hommes de couleur se sont constituées d’elles-mêmes en société de district et, depuis, deux sociétés nouvelles ont été formées.
- 17e CONGRÈS
- DES COOPÉRATEURS ANGLAIS.*1»
- m
- Le troisième et dernier jour du congrès a été marqué par un discours de M. Greenning.
- Nous donnons ci-dessous ce document remarquable. Il touche justement à une question que nous ne devons pas perdre de vue, en présence des efforts faits en France par les agents du cléricalisme pour enrôler les ouvriers dans les cercles catholiques ; non pas que chose analogue existe en Angleterre, mais ce qu’on y retrouve ce sont les mêmes raisonnements tendant à faire croire que la religion est le vrai moyen d’atteindre à l’émancipation populaire des masses.
- Or, parmi les partisans de cette manière de voir‘ les uns sont certainement aveuglés sur la portée de ce qu’ils préconisent,les au très,plus clairvoyants, veulent, avant tout, le maintien des privilèges des classes dirigeantes actuelles. Mais laissons la parole à M. Greenning :
- L’avenir des classes ouvrières.
- « A mesure que se développe l’édifice coopératif, nous sommes conduits, par les critiques du dehors, à revoir de temps en temps nos fondations pour nous assurer de leur solidité.
- « Pendant que nous construisions le premier étage, comme on peut appeler la coopération de consommation, nous n’avons cessé d’entendre les économistes politiques, surtout, nous critiquer vivement. Les prix des denrées, selon eux, devaien t relever exclusivement de la concurrence individuelle. Vous vous efforcez, disaient-ils, d’élever un grand et puissant édifice sur de mauvaises fondations. Restreindre les gains du capital à un maximum de 5 0[0 est aussi illogique et absurde que si vous vouliez ressusciter les vieilles lois contre l’usure.
- « Notre œuvre étant nouvelle, nous avons fait naturellement beaucoup de méprises de détail et rencontré plus d’un échec. Aussi, les critiques troa-
- * (1) Lire le « Devoir » des 28 juin et 12 juillet 1885.
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- vaient-ils ample matière pour soutenir leurs vues et prophétiser contre nous. Cependant, notre édifice s’élevait malgré les difficultés et les peines inhérentes à l’installation de toute idée nouvelle, et aujourd’hui, notre premier étage est si solidement posé que parler de sa chute possible serait regardé comme un non-sens.
- « Nous commençons actuellement le second étage : la coopération de production ou l’association du travail au capital. Les mêmes embarras que ceux rencontrés autrefois se présentent devant nous ; des erreurs sont commises, des échecs sont éprouvés et, cette fois, à nos critiques habituelles se joignent des personnes mêmes dont nous devions attendre sympathie pour nos efforts.
- « M. Frédéric Harrison et le professeur Beesly, bien connus comme fermes soutiens des Trades-Unions, se sont tous deux déclarés hostiles à la production coopérative. Un grand nombre a fait de même ; si je mentionne ces deux personnages c’est qu’ils sont des amis trop fervents de la cause du travail pour être arrivés légèrement à prendre parti contre le second pas du mouvement coopératif.
- « M. Harrison a publié ses objections contre la coopération productive dans la « Fornightly Review », il y a quelques années, et le professeur Beesly en a donné le résumé dans une conférence faite devant les Trades-Unions en 4868. Cette conférence intitulée : « L’avenir social des classes laborieuses » à été imprimé en 4881 et j’en ai présentement la 3e édition sous la main. Etant d’une réimpression aussi récente, cet ouvrage peut donc être pris comme représentant les vues actuelles de nos contradicteurs.
- « Le professeur Beesly sent aussi profondément que nous les maux endurés par le travailleur; comme nous, il voudiait que le foyer de l’ouvrier s’enrichît davantage des bénéfices de la production ; il est le ferme soutien des Unions industrielles ; mais, au bout du compte, il est fortement opposé à la diminution des privilèges, et ne voudrait pas plus que le premier venu de nos opposants voir toucher à la position du capitaliste individuel. Aussi sa conclusion est-elle qu’il faut convertir le patron capitaliste à « l'influence de la religion organisée ». Nous n’avons pas, dit-il, à améliorer l’état des choses par la création de tel ou tel nouveau régime industriel, mais par la création d’une influence morale et religieuse qui courbe chacun sous le joug du Devoir. Quand nous aurons créé cette influence, nous verrons qu’elle agit bien plus
- efficacement sur un petit corps de capitalistes qu’elle ne pourrait le faire sur une multitude de coopérateurs porteurs de parts d’intérêts.
- « C’est là une doctrine très séduisante pour les détenteurs actuels de la puissance capitaliste. Probablement, pas un sur dix mille de nos capitalistes du jour ne serait d’accord avec le professeur Beesly sur l’efficacité de la religion organisée pour accomplir les miracles de l’émancipation future des masses ; mais nul d’entre eux, quels que soient ses sentiments intimes, ne manquerait de soutenir une telle doctrine dont le premier résultat est de laisser à la classe capitaliste toute latitude de faire ce que bon lui plaît, envers les classes ouvrières, sans élever les travailleurs au-dessus de la position de salarié.
- « Que doivent répondre les coopérateurs à une telle proposition ? Simplement qu’elle n’est pas pratique. La meilleure des religions elle-même ne peut empêcher l’homme de songer d’abord à son bien propre. Tant que les esprits sont reliés au corps, la satisfaction des besoins du corps s’impose d’une façon dominante aux préoccupations de l’esprit. Les capitalistes sont des hommes, non des êtres désincarnés. Ils ont leurs désirs inassouvis qui leur apparaissent comme des nécessités de l’existence. Leurs femmes, leurs enfants aussi ont des besoins, des goûts, des désirs que les maris et les pères veulent satisfaire avant tout.
- « Le secret de la chute de tous les pouvoirs, temporels ou spirituels, est que le puissant ne peut arracher de son cœur le premier et le plus fort de tous les instincts humains. Il peut dire qu’il songera d’abord à ses sujets et que ses enfants, sa femme et lui-même n’arriveront qu’au dernier rang de ses préoccupations. Mais, règle générale, il finit par tomber dans l’illusion que la meilleure manière d’assurer le bien de ses subordonnés est réellement de satisfaire ses propres intérêts et ses désirs personnels.
- « Le professeur Beesly prétend qu’il en serait différemment des hommes influencés par la religion telle qu’il la comprend. Mais les partisans de toutes les religions et de toutes les philosophies ont parlé de même.
- « Est-ce à dire que nous, coopérateurs, méconnaissions la puissance des idées morales ou religieuses? Loin de là. Nous croyons en cette puissance et notre mouvement est ouvertement basé sur elle. Mais nous soutenons que le moyen de rendre efficace les idées morales et religieuses est de demander que ces idées se traduisent en faits
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- utiles et pratiques et, cela, par les modes jugés les plus surs dans les affaires humaines.
- « Jamais, par exemple, nous n’avons vu le progrès et la liberté être octroyés aux hommes par le fait de despotes convertis, soudain, à la bonté ; mais l’histoire nous montre le pouvoir autocratique assujetti, peu à peu, au contrôle et à la responsabilité par l’organisation de corps de représentants du peuple.
- « En vertu de quoi les choses se passeraient-elles autrement dans l’industrie que dans la politique ?
- « Si un despote venait aujourd’hui nous dire qu’il est converti à des idées nouvelles, nous lui répondrions : « Prouvez votre conversion en devenant un Georges Washington au lieu d’être un czar Alexandre : ce sera le meilleur témoignage de la vérité de votre dire. » De même, si un patron capitaliste se prétendait possédé du sérieux désir d’élever la condition de ses ouvriers, nous lui dirions : « Imitez l’exemple de Godin de Guise, faites de vos salariés des membres d’une république coopérative dont vous deviendrez le fier et heureux premier président. »
- « Mais ce n’est pas notre seule objection à la théorie de M. Beesly. Nous en avons à faire une autre plus profonde. En admettant même, pour un instant, avec M. Beesly, qu’un despotisme éclairé pût être applicable en industrie, nous affirmons qu’il s’exercerait d’une façon désastreuse. La première condition du progrès parmi les classes laborieuses est le développement des capacités et des caractères. La première condition de ce développement est l’exercice de toutes les facultés corporelles, mentales ou spirituelles.
- « Si les Etats soumis à un pouvoir despotique progressent plus lentement que les Etats libres, ce n’est pas toujours parce que l’autocrate naîtrait mauvais et incapable, tandis que les gouvernants des peuples libres naîtraient habiles et bons; c’est parce que les nations assujetties ne fonctionnent jamais avec la même énergie que les nations libres et, proportionnellement, ne développent jamais en elles-mêmes des qualités égales.
- « Appliquons ce que nous venons de dire à un fait qui nous touche directement :
- « Quand le professeur Beesly écrivit sa conférence en 1868, la production coopérative subissait Une phase pénible. Les premiers essais avaient eté infructueux et, dans plusieurs cas, les fondateurs de sociétés basées sur le droit du travail aux bénéfices avaient répudié ce principe et étaient retournés aux anciens errements. Naturellement,
- le professeur Beesly mit vigoureusement ces faits en relief. Puis, malheureusement pour lui, il perdit de vue nos sociétés productives pendant les 12 années suivantes. Aussi, quand il réimprima son ouvrage en 1881, reproduisit-il cette étrange déclaration : « La première chose à noter en fait de coopération, c’est que la théorie et la pratique y sont deux choses différentes. La théorie est de n’avoir pas une classe de patrons, de répartir tous les bénéfices entre les travailleursetdeconfierladi-rection des industries à des employés ou à des comités. Mais, en pratique, on est obligé d’agir tout autrement ; aussi,les célébrés pionniers de Roch-dale eux-mêmes ont-ils dû renoncer à appliquer la théorie et employer des travailleurs salariés aux prix du marché. Je ne crois pas qu’il y ait aujourd'hui en Angleterre une seule société coopérative dans laquelle le travailleur participe aux bénéfices, àmoins qu’il ne soit porteur d’actions. »
- « Or, tous ici nous savons qu’il y a actuellement en Grande-Bretagne 12 à 20 exemples de sociétés productives florissantes, en autant d’industries diverses, et toutes fondées sur le principe qui, selon M. Beesly, ne va pas au-delà de la théorie.
- « Eh bien, la conclusion à laquelle j’en veux venir c’est que les résultats obtenus par ces sociétés basées sur les vrais principes coopératifs sont remarquablement supérieurs a ceux des fabriques régies par les principes despotiques usuels. Toutes les industries privées concurrentes se sont plaintes de n’avoir réalisé aucun profit depuis plusieurs années. Cependant, les ateliers coopératifs en question ont fait rapporter au capital qui y est engagé environ 20 0/0 par an. Je signale ce résultat pour parler le langage que les capitalistes entendent le mieux.
- « Le professeur Beesly fait un flatteur appel aux Trades-Unionnistespour les soulever contre la coopération productive.il leur dit que le but poursuivi par eux est supérieur au nôtre, que leur jugement est plus fin que celui des coopéraleurs ; et leur affirme qu’ils ont déjà adopté en pratique sa propre théorie, et qu’ils sont partisans de l’idée que les travailleurs seront toujours des salariés, avec une sorte d’égalité de paie comme les soldats. Quant à l’avenir des patrons il le règle ainsi : Les capitalistes seront les généraux de l’industrie, libres de tout contrôle de la part de comités ou de membres actionnaires, et il conclut : « Les patrons, tout en exerçant librement leur initiative et leur jugement propres dans leurs entreprises industrielles, n’oublieront jamais que leur premier devoir est de
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- réaliser, non des fortunes énormes, mais le bien-être et le confort des travailleurs reliés à leur industrie. »
- « Eh bien, nous, coopérateurs, nous faisons un appel différent à nos frères des Trades-Unions. Nous les engageons à examiner sérieusement ce grave fait social : sous le présent régime industriel et commercial, la richesse a une tendance constante à s’accumuler illégitimement en quelques mains. La bonté individuelle de quelques patrons ne peut rien matériellement contre cette tendance. Elle a son effet sous les meilleurs patrons comme sous les pires. Une statistique récente fournie par M. Hey, secrétaire de la société des fondeurs en fers, montre qu’en 30 ans la moyenne des gains des membres de la société s’est élevée seulement de L. 1, 4 s, 6 d àL. 1, 6 s, 6 d ( 30 fr. 60 à 33 fr. 10 ), déduction faite dans les deux cas des pertes moyennes pour maladies, chômages de fêtes, etc. Or, dans la même période, d’après les relevés officiels de l’income fax ( taxe sur le revenu ) la moyenne des rentes des propriétaires a doublé.
- « Nous prions donc les Trades-Unionnistes de noter qu’avec le système coopératif, les résultats sont de quatre à sept fois plus satisfaisants pour l’ouvrier, par suite du vif intérêt éveillé dans le cœur des membres pour leur propre industrie. Avec nous, le capital recueille un intérêt modéré mais sûr et très satisfaisant pour les prêteurs, tandis que les ouvriers gagnent immensément sous tous les rapports. Ce trait du système des magasins coopératifs s’étend maintenant, cela est prouvé, aux ateliers fondés sur le principe de la coopération.
- « L’avenir de l’ouvrier sera, selon nous, de travailler dans des sociétés constituant pratiquement des sortes d’Etats libres, dont les travailleurs seront les citoyens ; la propriété commune sera entre leurs mains au moyen d’actions ; les travailleurs désigneront par le vote les comités directeurs, et chacun recevra sa juste part des résultats généraux.
- « Ges associations du travail, reliées ensemble, constitueront des fédérations productives, analogues aux fédérations distributives actuellement constituées par nos magasins de vente; et nous espérons vivement que l’union régnera entre ces deux sortes de fédérations et les portera à travailler de concert pour le bien général.
- « Combien il serait facile à des patrons éclairés de transformer leurs usines en de telles républiques sociales et quelle somme de bienfaits en
- résulteraient pour eux-mêmes et pour tout le personnel des établissements, c’est ce que chacun peut voir par les exemples de Leclaire à Paris et de Go-din à Guise. Le résumé des résultats obtenus à Guise, en cinq ans, a l’air d’un roman véritable et cependant c’est une solide réalité.
- « Si les Goopérateurs, les Trades-Unionnistes et les Patrons éclairés sont d’accord de réaliser l’émancipation du travailleur, ce grand œuvre peut être accompli présentement, et la ruineuse et déplorable lutte entre le patron et l’ouvrier finira comme un cauchemar qui disparaît au réveil. Les perspectives s’offrent à nous maintenant pleines d’espoir et d’encouragement. »
- Dans la discussion qui s’engage après ce remarquable discours, M. Rowley, de Sheffield, communique une lettre du professeur Beesly dans laquelle celui-ci exprime avoir été agréablement surpris du développement de la coopération productive et dit que s’il réimprimait son ouvrage, il prendrait les choses en considération, son dernier avis ayant été donné en l’absence d’informations.
- Le congrès est clos après le vote, à l’unanimité, de la résolution suivante :
- « Le bureau central est invité a offrir des prix aux auteurs des meilleurs discours sur l’éducation coopérative et sur la coopération de production, qui pourront être présentés, l'an prochain, au congrès de Plymouth.
- Rappelons qu’on nomme « calorie » la quantité de chaleur nécessaire pour élever de un degré centigrade un kilogramme ou litre d’eau.
- Or, si on expose aux rayons du soleil, perpendiculairement à ces rayons, une surface de 1 mètre carré, la quantité de chaleur que cette surface reçoit par seconde est de quatre dixièmes de calorie (0.4).
- Cela ne paraît pas énorme. C’est de cela cependant, c’est de moins d’une demi-calorie par seconde et par mètre, que subsiste ici-bas tout ce qui vit ; c’est par la vertu de ces quatre dixièmes de calorie que se produisent, les marées à part, tous les mouvements qui s’opèrent à la surface du globe.
- Cela ne paraît pas énorme, parce que sous cette forme la chose ne dit rien à l’imagination, mais on peut lui en donner une plus saisissante.
- Tout le monde sait maintenant que la chaleur se convertit en torce (machines à vapeur, chemins de fer). On sait généralement qu’on nomme kilogrammétre, la force nécessaire pour élever un poids de un kilogramme à un mètre de haut en une seconde, et que le cheval-vapeur vaut 75 kilogram-mètres.
- Eh bien, la calorie vaut 425 kilogram mètres.
- Par conséquent, les quatre dixiémes de calorie que le soleil verse par chaque seconde de temps sur chaque mètre carré du
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- LE DEVOIR
- sol équivalent à plus de deux chevaux-vapeur, à deux chevaux et un grand quart en sus, à 2.27.
- Et cela fait trois cents trillions de chevaux vapeur pour la terre entière ;
- 300,000,000,000,000 de chevaux-vapeur par seconde !
- LE SOCIALISME
- AUX
- ETATS-UNIS D’AMÉRIQUE
- Le professeur R. T. Ely , un opposant du socialisme, discute dans Une feuille de Baltimore la force du parti des travailleurs et se livre à des appréciations d'autan plus intéressantes qu’elles viennent d’un adversaire loyal.
- Il établit qu’il y avait l’an dernier aux Etats-Unis seize journaux socialistes dont trois quotidiens, dix demi-socialistes dont deux quotidiens et huit à tendances socialistes ; total 34. En outre des quatre cents journaux du travail «Labour papers » ) existant aux Etats-Unis, le professeur croit que le plus grand nombre incline vers les doctrines modérées du parti socialiste travailleur, plutôt que vers celles de l’association internationale des travailleurs qu’il qualifie d’extrêmes. Il avoue également que tous les organes du travail soutiennent l’idée de la reconstitution de la société sur la base des droits du travail. Dix de^ces organes prétendent avoir ensemble un tirage de 125.000 exemplaires pour « l’Association de la presse du travail» ‘formée par eux.
- En 1878-79,un vote permit aux socialistes de se compter. Ils étaient alors 12.000 dans l’Ohio et 10.000 à New-York; en 1879, ils comptaient 12.000 voix à Chicago.
- En Amérique comme en Angleterre, la force réelle du socialisme ne peut pas être évaluée par le nombre des adhérents déclarés. Car ceux-ci constituent seulement l’avant-garde de l’armée, les adversaires les plus ardents et les plus intelligents de l’état de choses actuel.
- Aussi l’Union centrale du travail à New-York prétend-elle avoir 100.000 membres et celle de Brooklyn 50.000 ; or, bien que le professeur Ely ne compte pas les membres de ces Unions parmi les socialistes, les Unions ne s’en déclarent pas moins en principe partisans de la Nationalisation du sol, attendu, disent-elles, que le travail produit foutes les richesses, et qu’il ne peut y avoir d’harmonie entre le capital et le travail avec le régime industriel existant.
- M Ely pense que l’évaluation à 450.000 des Knights °f Labour ( Chevaliers du travail ) convertis récemment au socialisme est un chiffre trop faible, mais que la Prétention de ces chevaliers d’être 1.000.000 peut aussi ^tre trop forte. Il n’en résulte pas moins que l’organisa-10n travail progresse avec une rapidité marquée.
- Le même professeur convient qu’on peut avec exacti-U(îe porter à 350.000 le nombre d’hommes sans emplois, Sans compter les travailleurs de l’agriculture ni les commis et autres grandes classes de fonctionnaires. Il ajoute |lUe parmi ceux qui ont du travail, beaucoup ne sont Ployés qu’une partie du temps et que les réductions e Maires sont générales.
- m
- En conséquence, le Professenr Ely prévoit une répétition des émeutes de 1877 qui coûtèrent environ cent millions de dollars.
- Les bienfaits de l’individualisme.
- Talleyrand disait : « Tout le monde a plus d’esprit que Voltaire » cependant, pour les défenseurs consciencieux de l’Individualisme, les unités détachées de la communauté, guerroyant les unes contre les autres sous le nom sacré de concurrence, peuvent procurer à la société, en général, plus de bienfaits que si elles s’unissaient dans une harmonieuse fraternité ; et les manières de voir et d’agir des individus pris isolément bien qu’antagonistes et contradictoires doivent être préférées à la direction collective comme moyen de pourvoir aux besoins ournaliers de la société.
- Les âges futurs s’étonneront beaucoup qu’il y ait eu un temps où l’on ait pu trouver des hommes réputés sains d’esprit, prétendant que la partie est plus grande que le tout.
- Malheureusement comme de tels hommes existent en grand nombre en ce moment, nous allons citer pour leur édification propre quelques cas où la sagesse collective aurait sûrement mieux dirigé les choses que la folie individuelle.
- Rien ne peut nous fournir un meilleur texte que l’extrait suivant d’un article récemment paru dans un journal de Liverpool au sujet des « vieilles maisons d’affaires » de la ville.
- « Thomas Tomlin fils eut la malencontreuse idée d’entrer, sans ordre, en compétition avec Thomas Davison dans une vente publique de soie brute. Thomas Tomlin se fit adjuger ainsi des ballots de marchandises !. Avant qu’il eût pu [revendre ses achats, le prix du marché baissa considérablement, Tomlin perdit du coup plusieurs shillings à la tonne, ce qui le ruina presque complètement et le découragea si bien qu’il abandonna tout à fait les affaires. »
- Rien ne peut établir plus clairement la différence entre l’état socialiste et l’état individualiste, et l’on pourrait compter par dizaines de mille des cas semblables dans les journaux de chaque jour.
- Le Socialisme, disons-nous à nos camarades comme à nos antagonistes, signifie : l’organisation du travail régularisée de telle sorte par toute la nation, (le peuple parlant par la voix de représentants choisis comme délégués, non comme gouvernants) que pas un seul membre de la société ne manquera de quelque chose et que tous auront assez pour se [satisfaire et éconorhiser.
- L’individualisme, au contraire, laisse chacun poursuivre le genre d’affaires qu’il croit le plus productif et ne s’inquiète en aucune façon des conséquences. Tant pis si dans des milliers de cas non-seulement l’individu se ruine, mais encore entraîne dans son désastre nombre de gens inoffensifs qui s’étaient confiés à lui sans réserve, croyant sans doute qu’un grand capitaliste a toujours plus d’esprit qu’un autre homme ; aussi l’imitaient-ils dans ses opérations, achetant et vendant, en aveugles, selon que le maître réglait le marché.
- Qui d’entre nous n’a pas dû à quelque moment de sa vie, prêter de l’argent à un ami, ou à une connaissance. Ne sommes-nous pas tous familiers avec la vieille histoire ?
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- 446 LE DEVOIR
- L’homme heureux, à qui tout réussit, laissant là son travail pour se lancer dans les spéculations les plus illusoires, persuadé qu’il va y gagner d’emblée une fortune. Les économies s’en vont d’abord comme l’eau à travers un crible ; puis l’antique respect pour le travail honnête fait bientôt place à la féroce convoitise de recouvrer à tout prix ce que de folles opérations ont englouti ; l’individu marche sur la voie du désespoir jusqu’au jour où une mort déshonorée termine son existence. Tels sont les fruits de l’Individualisme, le dernier mot, le triomphe de l'idée.
- . « Mais, nous dira-t-on, et la bienfaisance privée, la générosité du patron envers son personnel ,où et comment trouverait-elle à s’exercer dans l’Etat socialiste ? » Nous répondons par cet exemple : Il y a quelques mois un grand ingénieur, propriétaire à Belfort, congédia une trentaine de ses ouvriers sous prétexte de la dureté du temps.
- Parmi eux se trouvait un fidèle serviteur qui pendant trente-neuf ans, sans interruption, avait été au service de la dite maison. Des hommes plus jeunes, récemment admis au travail, furent gardés parce que les longs services n’avaient pas encore épuisé leurs forces, vaincu leur énergie, et qu’ils possédaient au cours du marché toute la valeur d’esclaves utiles.
- Si le vieillard congédié avait été dans l’Armée, dans les Postes ou dans la Police , lors même que son travail et sa rémunération auraient été dirigés par une organisation sociale aussi insuffisante que la nôtre actuelle, il eût joui depuis plusieurs années déjà d’une pension. Mais il n’était relié qu’à une entreprise individualiste, aussi fut-il écarté, une fois l’âge venu, comme une victime destinée à périr.
- Archibald Campbell (Justice, de Londres)
- Une fabriqne d’œufs.
- On lit dans le Temps :
- Cette fois, il nous semble que nous tenons le bouquet et qu’après l’avoir cueilli il n’y aura plus qu’à tirer l’échelle. L’Agriculture, àe-M. Henry Sagnier, qui est un journal grave incapable d’abuser de la légitime confiance que son caractère de revue sérieuse inspire à ses lecteurs, contient dans son numéro du 9 mai une information vraiment étonnante. Elle lui est communiquée par M. du Pré-Collot, lequel se rend si parfaitement compte de la stupeur avec laquelle elle va être accueillie qu’il commence ainsi son article : « Je puis certifier à vos lecteurs que je n’ai pas envie de rire ni même de sourire, en traçant ce titre : Une visite à une fabrique d’œufs, d’œufs artificiels bien entendu. » C’est à Chicago, qui semble se réserver le monopole de toutes les usines fantastiques, que fonctionne celle-là, qui n’en sera certainement pas la moins étrange. M. du Pré-Collot donne des détails précis sur cette fabrication, d’après le The forner’s Review; nous les lui emprunterons, bien que, nous en sommes convaincu, ils ne doivent pas vous faire venir l’eau à la bouche.
- Le jaune de l’œuf est un mélange de farine de maïs, d’amidon et de quelques autres ingrédients ; on le verse dans des moules qui lui donnent sa forme ronde. Dans cette condition, il passe dans l’autre compaitiment, où il est entouré par le blanc, lequel est chimiquement (!) fait par de même subs-
- tance qu’un œuf véritable (!). Là aussi il se congèle, et, grâce à un mouvement rotatoire particulier, il revêt une forme ovale. Il passe alors dans le réceptable voisin, où il reçoit une légère peau comme une pelure. Après ceci, il passe dans l’écailleur, où il prend son dernier vêtement sous la forme d’une écaille de gypse, un peu plus épaisse que l’article naturel. Ensuite, il se place sur les plateaux sécheurs, où l’écaille sèche tout d’un coup, tandis que l’intérieur se dégèle graduellement et devient, selon les apparences, uu œuf véritable. »
- Et ce n’est pas tout : le merveilleux industriel fait goûter un œuf falsifié au reporter de la Farmer’sReview,et'û ajoute : « J’ai peine à croire qu’on puisse trouver la moindre différence aveu un œuf naturel, tant ils ont l’apparence et le goût de la chose réelle. Nous pouvons, par l’addition d’une saveur particulière, leur donner le goût des œufs d’oie ou de canard (hum ! hum !...) Etant plus^durs et plus épais de coquilles ils sont plus commodes pour le fret que les œufs véritables. Nous calculons que, dans quelques années, nous mettrons les poules dans le pays absolument hors de commerce, comme l’oléo-margarine a chassé le beurre. »
- N’est-ce pas tout à fait consolant pour les générations qui poussent? Heureusement que les simili-œufs, ne poussant peut-être pas le plagiat jusqu’à produire des poulets, il nous reste l’espoir que les poules se décideront à en appeler du décret du fabricant de Chicago. Il est difficile d’admettre que, si exquise qu’en ait paru la saveur, une revue scientifique se soit décidée à admettre dans ses colonnes le récit de son reporter, s’il n’était qu’une bonne grosse facétie destinée à déso-piler les yankees. D’ailleurs, l’Amérique nous a déjà expédié de si ingénieuses contrefaçons qu’avec elle il faut s’attendre à là réalisation même de l’invraisemblable ; nous conclurons donc de cette nouvelle falsification qu’à force de travailler à nourrir économiquement l’humanité on arrivera à en réduire une bonne partie à se laisser mourir de faim.
- ------------------ mil'lilil'i/i il tiiwmi—---------—
- Adhésions aux principes d'arbitrage et de désarmement européen.
- Corse. Occhiatano. — Saladini, — Mandai Antoine-Joseph, propriétaires ; — Mancini Noël, cultivateur ;— Saladini Antoine, conseiller municipal ;
- — Saladini François, — Saladini Jean-Martin, — Colombani Francesco-Luigi,— Saladini Macatoine, propriétaires Casanovo Simon-Auguste,capitaine en retraite.
- Montemaggiore. — Golona, — Aufriani Grisoli François, propriétaires ; — Alfonsi, desservant ; --Casanova Jean-André, instituteur, officier deacadé-mie ;—Grisoli Dominique,— Giudicelli François,— Rilani, propriétaires ; — Antonini André,(consiller municipal ; — Giudicelli Thomas, Giudicelli Rai-nier, propriétaires,conseillers municipaux;- cuo-vanetti Nicolas, propriétaire, adjoint municipal ; -7 Filippi Jean-Grégoire, propriétaire; Milani Pierre, conseiller municipal ; — Antonini Jean, EmmanuelliJean-Thomas, propriétaires;— Ricci Joseph, tailleur de pierres ;— Remicoli Mathieu, --Ambrogi Jean, — Antonini Simon-Jean, journaliers,
- — Giovanetti Jean-François, — Rossi Joseph-Aoi-toine, — Emmanuelli Jean-Etienne,— Frate J.-B-»
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- LE DEVOIR U!
- — Grisoli Martin, propriétaires; — Ambrosi Jean, journalier ; — Biancarelli Jean, propriétaire ; — Rossi Antoine ; — Bucciarelii Jean, journalier; — Giudicelli Joseph, cantonnier ;—Antonini Antonini, propriétaire ; — Retali Pierre-Antoine-François, cordonnier;—Giudicelli Charles-François, — Rossi Barnabé, propriétaires;— Retali Michel, cordonnier ;— Aatonini Clément,— Sinibaldi,journaliers ;
- — Emmanuelli François, propriétaire ; — Bastia-nelli Mathieu,— Benucoli Augustin, journaliers ;— Antonini Noël, ancien adjoint municipal ; — Giudicelli Oursin, journalier; — Franchi J.-B., cantonnier;— Galestri Dominique, forgeron;— Giannoni André, — Depetris Jean-Antoine, gardes-champê-tres ;— Biancarelli Sylvestre, —• Orsini Sébastien, journaliers; — Antonini Noël, maçon;— Sinibaldi Antoine, journalier ;— Visirossi, marchand ;— Gri-maldi Dominique,— Grimaldi Joseph, — Giudicelli Antoine-Marie, journaliers ; — Giudicelli Antoine, cordonnier; — Mattri Jean, — Giudicelli Noël, — Franchi J.-B., journaliers; — Giudicelli Antoine-Marie, forgeron ; — Pandolfi Don Juan, berger ; — Silvistri Antoine-Simon, journalier ;— Mattel Noël, ' cordonnier; — Ricci Jacques, menuisier; — Antonini J.-B., marchand.
- MAITRE PIERRE
- Par Edmond ABOUT VII
- HISTOIRE DU PETIT CHEVAL GRIS
- (Suite.)
- « Huit jours après, je vins rôder antour du troupeau sauvage pour voir si ma commission était faite. Je reconnus de loin l’ambassadrice avec le petit cheval gris : je ne sais pas si elle lui parlait de mes aflaires. Toujours est-il qu'elle me vit ou me flaira de loin, car elle partit d’un petit galop coquet pour me rejoindre. Son camarade la suivit du même pas, et toute la bande accourut derrière eux. Mon cœur battait bien fort et le temps me parut long jusqu’à leur arrivée. J’étais cloué derrière un buisson de genêts, n’osant ni avancer ni reculer d’une semelle, je ne savais point si j’avais affaire à des amis ou à des ennemis, si l’on me recevrait comme un allié ou comme le garde-champêtre de Bulos. Le moindre pas en avant pouvait effaroucher ces nouvelles connaissances ; la fuite me rendait suspecte et me livrait aux pieds des chevaux.
- « Le chef galopait d’un air d’arrogance et portait haut la tète, comme pour me demander ce que je venais faire chez lui. Le peuple étonné suivait son prince avec une obéissance inquiète, les oreilles droites, le nez au vent. 11 était facile de voir que ma figure déplaisait à ces gens-là, et si l’on m’avait proposé de l’échanger, pour un moment, contre une tête de cheval, j’aurais eneore donné du retour.
- « Mais la jument noire, après une cabriole en mon
- honneur, vint chercher le morceau de sucre que j’avais dans la main. Le petit cheval gris allongea la tête à son tour et je lui payai ma bienvenue. Je m’étais armé d’une livre de sucre dans mes poches et d’un litre de vin dans ma gourde, et les animaux sont toujours pris par leurs vices, exactement comme nous.
- « Le petit cheval gris n’était pourtant pas un animal ordinaire. C’était un être dans mon genre, mieux doué que ses pareils et supérieur à son espèce. Nous n’étions parfaits ni l’un ni l’autre, mais ses défauts mêmes le distinguaient des chevaux. Il buvait sec, et plusieurs fois nous nous sommes grisés en tête-à-tête, sans dire un mot, comme deux Anglais. Il s’accoutuma facilement à manger la viande cuite et crue, et quand nous avions couru la grosse bête, il faisait la curée à lui tout seul. Aussi fallait-il voir de quelle ardeur il m’emportait à la chasse, de quel courage il abordait le taureau ! Quand il voyait l’ennemi à portée, je n’avais rien à lui dire : il se plantait sur ses quatre pieds, et ne bougeait non plus qu’une pierre, tandis que mon coup de fusil éclatait entre ses deux oreilles.
- « Je le montais à cru, car il refusa obstinément la bride et le mors, mais il ne refusait ni le danger ni la fatigue. Il obéissait à la voix, un peu à la pression des jambes et beaucoup à son caprice. Quand j’essayais de lui passer une corde autour du nez, il ne se privait point de me mordre les bras. Si je le serrais entre mes jambes un peu plus fort qn’à son appétit, il se cabrait jusqu’à terre, et nous roulions sur le dos. Voilà comme il me rappelait de temps en temps que nous n’étions pas un maître et un valet, mais deux puissances alliées galopant ensemble à la guerre.
- « Il y a des gens qui vont jusqu’en Espagne pour voir vingt hommes et autant de chevaux s’acharner contre une bête à cornes On la fatigue en fuyant devant elle, et on lui plante un grand couteau dans l’épaule lorsqu’elle demande grâce et qu’elle n’en peut plus. C’était bien autre chose chez nous, je vous'en donne mon billet! L’homme qui vous parle s'est vu seul avec un fusil à deux coups dans un cercle hérissé de cornes menaçantes. Et je ne suis pas encore mort ; et me voici ! Personne n’était là pour applaudir le vainqueur et recoudre le vaincu ; je m’applaudissais tout seul et me recousais moi-même. Je l’ai recousu bien souvent aussi, ce pauvre petit diable qui galopait la mort dans le ventre, quand ses boyaux pendaient sous lui. Ah! j’aurais bien mieux fait de le laisser mourir d’un coup de corne : je me serais épargné le chagrin de lui casser la tète.
- » Nous étions une vraie paire d’amis. Je pouvais m’éloigner, courir à mes affaires et le laisser plusieurs mois sans nouvelles ; je le retrouvais toujours tout prêt à me
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- servir. Je ne sais pas ce qu’il faisait en mon absence, car je ne lui demandais pas compte de l’emploi de son temps ; mais je parie qu’il chassait de son côté et qu’il s’amusait à forcer quelques lièvres. Il était devenu carnassier comme un chat depuis que je l’avais fait mordre à la viande ; et s’il mangeait quelquefois une touffe d’herbe, c’était comme un plat de légumes à la fin de son dîner. Quand je revenais de voyage, il accourait à moi, la bouche sanglante.
- « Il avait malgré tout un grand fonds de douceur et de bonté, car il ne lui arriva jamais de mordre jusqu’au sang. Lorsque je lui présentai la petite, il se laissa car-resser de bonne grâce et ne se fâcha point de porter une personne de plus. Vous auriez bien ri de voir Marinette au milieu des chevaux sauvages. Vous croyez peut-être qu’un enfant devait être en danger dans cette singulière compagnie où l’on plaisante à coup de pied et où il y a toujours quelques ruades dans l’air ? Eh bien, mes animaux montrèrent des attentions maternelles pour la petite fille. On dit que les chevaux écrasent quelquefois les enfants : ce n’est pas les chevaux, c’est les cochers. Une bête attelée ne s’appartient plus ; elle va brutalement, comme une machine, partout oùle fouet la pousse et la bride la conduit. Mais les chevaux en liberté se rangent devant un enfant, et lorsqu’un troupeau hennissant traverse au galop la grande rue d’un village, on voit de petites figures rouges sourire au milieud des croupes énormes, et de petits pieds nus courir entre les sabots ferrés.
- « Vous savez, monsieur, que les meilleurs amis se perdent de vue. Je passai Tannée 1846 à apprendre le drainage à deux cent cinquante francs, le drainage des riches : le petit cheval gris m’attendit longtemps. Je revins chez nous au commencement de l’hiver pour assainir le pays à ma façon et essayer sur mes cinquante hectares le drainage des pauvres. Mon ancien tuteur, qui était devenu maire de Bulos, me prit par l’oreille et me dit : « Gomme fonctionnaire municipal, je dois t’encourager : les circulaires de M. le Préfet me l’ordonnent positivement. Mais, comme nn ami, je trouve que tu vas recommencer tes bêtises. Si tu as quelques sous d’économie, enterre-les dans un trou, suivant l’exemple que nos parents nous ont donné ; ne sème pas ton argent sur un terrain qui ne t’en rendrait pas la monnaie. Pourquoi laisser ton fusil au clou toi qui es le premier chasseur de France et des environs ? Tu nous as débarrassé des taureaux sauvages qui étaient une grande contrariété pour le pays et un véritable écueil : j’ai approuvé d’autant plus sincèrement cette mesure, que tu m’as régalé de chasse et approvisionné de cuir pour mes souliers. Mais il te reste une bonne besogne à faire. L’administration supérieure a décidé formellement qu’il y avait trop de loups
- et que les loups mangeaient trop de moutons ; par ainsi, qu’il serait accordé une prime de vingt-cinq francs par tête de loup, morte ou vive, dont la patte devra être transmise par mes soins au siège du gouvernement. Règle-toi là-dessus et décroche ton fusil : les devoirs de ma charge respective ne me laissent pas le temps de t’en dire plus long. »
- cc Gomme le drainage de mes cinquante hectares allait me coûter près de quinze cents francs et que je n’en avais pas plus de mille, je suivis le conseil de M. le maire en ce qui concernait les loups. Cet hiver-là, monsieur, fut peut-être le plus heureux de ma vie, parce que j’eus de quoi satisfaire en même temps l’homme nouveau et le vieil homme. Tous les jours je livrais bataille à mes anciens camarades les loups, je respirais la fumée de la poudre, je buvais à pleins poumons la Tapeur résineuse des forêts, et, comme les loups d’hiver ne sont pas timides, je m’enivrais du plaisir sauvage de braver et de vaincre le danger. Tous les dimanches, je revenais à Bulos, et l’on me faisait fête, dé comptais mes pattes de loups, j’empochais un sac d’argent blanc, je payais mes ouvriers comme le premier entreprenenr venu, je visitais mon champ qu’on ne trouvait plus si ridicule, et je me promenais à pied sec dans mes cinquante hectares, au milieu d’un pays inondé. Le soir, je soupais chez le maire et je faisais danser Marinette sur mes genoux. Mais le petit cheval gris n’était d’aucune de ces parties. La première fois que j’essayai de l’enrôler dans la lou-veterie, il s’enfuît comme un lâche en m’oubliant par terre. Que voulez-vous ? on n’est pas parfait. De même que les plus grands héros sont hommes par quelque côté, il devenait un cheval ordinaire par la peur horrible qu’il avait des loups. J’entrepris deux ou trois fois de le ramener à la charge, et toujours avec le même succès, si bien qu’il se mit du froid entre nous. Nous nous accusions l’un l’autre d’avoir violé nos traités d’alliance : il me reprochait de lui demander l’impossible ; je ne lui pardonnais pas de m’abandonner sur le pavé. Les coups de cravache intervinrent, dans notre amitié, les ruades ne se firent guère attendre, et de tous les bons sentiments qui nous avaient unis autrefois il ne resta qu’une estime réciproque assaisonnée de beaucoup d’aigreur.
- (A suivre.)
- --------------—— ~rnrp> t -ig—i un — -------—-----
- État civil du Familistère.
- Semaine du 6 au 12 juillet 1885.
- Naissances :
- Le 12 juillet de Marchand Appolinaire, fils de Marchand Arthur et de Miel Albertine.
- Le Directeur-Gérant : GODIN.
- (suiss. — lmp. Earô.
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- 9e Année, Tome 9. — N" 359 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 26 Juillet 1885
- BUREAU
- a GUISE (Aisne)
- Toutes les communications
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- et réclamations doivent être adressées à
- France
- Un an ... 10 (r. »»
- Union postale Un an. . . . 11 fr. »»
- M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- Six mois. . . 6 »» Trois mois. . 3 »»
- Autres pays
- Un an. . . . 13 fr. 60
- ON S’ABONNE
- A PARIS
- , rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- De quoi les classes dirigeantes sont-elles capables ?
- — Travail et protectionnisme. — Royalistes et Mœurs royales.— Comité républicain de Guise.
- — Les modérés.— Les Sociétés coopératives de consommation. — L’industrie russe.— LesAma-zones.— Nouvelles du Familistère.— Le droit politique des femmes en action.— Aphorismes et préceptes sociaux. — Le renouvellement annuel par tiers.— Faits politiques et sociaux de la semaine.— Filés de Coton.— Politique coloniale.— Les couturières de Copenhague.— Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen. — Maître Pierre.
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Fcmilistère.
- De quoi les classes dirigeantes sont-elles capables?
- C’est une chose vraiment étrange qu’en l’année 1885 une assemblée de députés français soit arri-arrivée au terme de son mandat sans avoir encore sérieusement abordé les réformes républicaines réclamées par les besoins du temps, et que nombre de députés songent à se représenter devant les électeurs avec l’idée systématique de prendre le
- moins d’engagements possibles vis-à-vis du suffage universel.
- Ce fait extraordinaire nous dévoile la pente politique sur laquelle nos honorables se disposent à glisser, au risque d’entraîner avec eux la France dans l’abîme.
- Ou:, après les monarchistes, après les impérialistes, les conservateurs-bornes, les opportunistes retardataires, les huîtres parlementaires nous conduiront à de nouvelles catastrophes. La passion aristocratique domine tous ces gens là, il leur faut le pouvoir, pour tout enfermer dans leur coquille ; Peu leur importe ensuite ce que deviendra la France.
- Bon nombre même de républicains sincères ne sont-ils pas atteints de cette paralysie parlementaire qui conduit à la cécité politique. Qu’en sera-t-il pour le département de l’Aisne en particulier ? Nous avons proposé une réforme politique ayant pour objet d’introduire la vérité et la sincérité dans les élections. Combien d’anciens et de nouveaux candidats à la députation vont prendre parti pour le renouvellement partiel annuel ? Nul n’a pu ni osé dire que cette réforme fût empreinte de rien qui ne soit en accord avec la plus parfaite logique et avec les intérêts les plus réels et les plus pressants du pays. Seuls les partisans des monopoles et des monarchies, ceux qui voudraient s’arroger tous les pouvoirs de la nation peuvent repousser une semblable réforme.
- Parmi les républicains, déjà M. Léguiller, député de l’Aisne, a fait acte d’adhésion à l’idée du renouvellement annuel et partiel du tiers de la Chambre. Nous attendons prochainement de tous les dé-
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- LE DEVOIR
- putés républicains une même déclaration, ou, à défaut,nous espérons voir entrer en lice de nouveaux candidats.
- Le renouvellement partiel et annuel des Chambres serait le remède apporté aux compromissions actuelles des pouvoirs publics ; ce serait le régime parlementaire mis en présence des grandes assises annuelles du suffrage universel ; ce serait l’influence de la souveraineté nationale s’exerçant en permanence sur le Parlement ; ce serait le jugement annuel des électeurs sur la politique de leurs mandataires; ce serait l’impuissance et la fausseté actuelles du régime parlementaire mis à la réforme pour faire place à un régime de vérité et d’action utile.
- Les combinaisons de l’intrigue seraient atteintes au coeur, car la politique tortueuse ne pourrait se soutenir devant le renouvellement partiel et annuel des Chambres ; les élections faites chaque année dans tous les départements ne donneraient pas seulement matière à examiner la conduite des députés sortants, mais on s’habituerait vite à examiner les actes de la députation et à faire comprendre aux nouveaux élus ce que les électeurs attendent d’eux. _ Pourquoi aujourd’hui, les candidats à la députation refuseraient-ils au suffrage universel le droit d’exprimer ainsi annuellemeut sa pensée sur la direction des affaires du pays ? Il faudrait véritablement être bien peu républicain pour ne pas se prononcer ouvertement en faveur de cette réforme parlementaire et n’avoir pas cette déférence envers le suffrage universel.
- Il est vrai que les journaux monarchistes se prononcent déjà contre cettemesure, mais ce n’est pas aux monarchistes que s’adresse la proposition de M. Godin, c’est aux républicains et à ceux qui veulent le progrès de la République.
- On sent à première vue que les députés assurés d’un mandat de longue durée et sans contrôle ont tendance à s’occuper, dès leur élection, d’arranger les choses pour tirer de leur mandat le meilleur parti possible au profit de leurs propres affaires, au lieu de s’occuper des affaires du pays. Ce sont là des traditions monarchiques, des habitudes de gouvernements abandonnés aux tripotages, toutes choses auxquelles il est temps que la République porte remède.
- L’élection du tiers des députés de la Chambre chaque année serait ce remède salutaire à la corruption de l’esprit monarchique qui nous étreint de toutes parts.
- Chaque année, le suffrage universel étant appelé à se prononcer par l’élection d’un tiers'de la
- Chambre, les députés et le gouvernement seraient bien obligés d’en revenir aux pratiques honnêtes, franches, sincères, loyales qui conviennent au gouvernement républicain et d’abandonner le régime de mensonge et de duplicité que nous ont transmis es monarchies et l’empire.
- La volonté du suffrage universel c’est la volonté de la souveraineté nationale ; c’est pourquoi tous les éléments rétrogrades en ont peur. Les monarchistes voudraient bien pouvoir la supprimer et nous donner à la place un pouvoir dictatorial et despotique. Voilà ce que voudraient les journaux et les hommes qui trament aujourd’hui contre la République. Ces souteneurs du despotisme des princes et des rois ne voient dans la marche des affaires publiques que la place qu’ils sauraient s’y faire pour le plus grand avantage de leurs personnes.
- D’autres, moins atteints de la gangrène de l’égoïsme et de la corruption, acceptent la République, mais à la condition que ce gouvernement leur soit directement favorable. Le grand mal de notre temps, c’est que la vie publique soit considérée par les habiles comme un moyen de s’enrichir aux dépens delà chose publique. Voilà pourquoi ceux qui y aspirent ne conçoivent que le mandat à long terme, sans contrôle de la part des électeurs. C’est aussi pourquoi nous demandons avant tout aux candidats à la députation l’engagement public et formel de déposer chaque année, jusqu’à adoption,une proposition de loi sur l’organisation du suffrage universel, et de formuler d’abord le renouvellement annuel des Chambres.
- Lorsque la loi sera amendée en ce sens, il faudra ensuite donner à l’électeur la liberté du choix de ses candidats, la liberté du vote dans l’élection de ses mandataires ; car il n’est pas possible que les candidats continuent d’êtreimposés au suffrage universel, soit par des comités locaux, soit par l’influence administrative ; il faut supprimer la possibilité des candidatures officielles. Malheureusement, avec la cécité politique de notre temps, on ne peut faire beaucoup à la fois, c’est pourquoi il convient d’insister sur le renouvellement annuel et de se borner à cela quant à présent.
- Mais il faut bien se pénétrer que l’organisation rationnelle du suffrage universel ne sera faite que lorsqn’on aura joint, au renouvellement partiel, le vote par scrutin de liste nationale ; alors seulement le suffrage universel sera libre et l’électeur sera affranchi de toute pression dans ses choix. Le renouvellement partiel serait déjà une réforme con* sidérable, mais, insuffisante.
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- L’unité de collège avec scrutin de liste nationale j et le renouvellement partiel des Chambres, voilà le j véritable remède à la décrépitude du régime parle- } lementaire. Combien de temps il fauira encore j pour faire entrer ces idées si simples dans la cervelle de nos hommes d’Etat ? Je n’ose le dire et je crains bien qu’une révolution amenée par un évé-vement fortuit soit seule capable de nous faire réaliser un progrès si simple, quand la prudence politique conseillerait de ne pas différer cette réforme un seul instant.
- TRAVAIL ET PROTECTIONNISME I
- A tous ceux qui ont réclamé des droits protecteurs en faveur des produits agricoles, nous avons constamment répondu qu’une exploitation intelligente du sol et certaines précautions urgentes contre l’élévation constante des fermages étaient les seuls moyens de rendre notm agriculture prospère.
- Victor Meunier, du Rappel, cite un fait que feront bien de méditer les petits cultivateurs et les fermiers,que les royalistes et les orléanistes déguisés vont tenter d’endoctriner contre la république, sous le fallacieux prétexte de protéger l’agriculture.
- Jean Foussat, domestique rural, ayant à force de temps et d’économie amassé une somme de 525 francs, acheta au lieu dit de Gazelles, commune de Saint-Antoine, département du Tarn, une friche de deux hectares, la plus improductive du pays. Pas la moindre trace de végétation, mais en échange, des pierres ! Comme si la spécialité de cette friche eût été d’en produire. Des pierres partout, sauf en quelques points marécageux.
- Ayant acheté, Foussat. prend sa pioche et bravement fouille à fond son terrain moin s riche en pierres que lui en courage et ténacité. D’autant qu’il va faire mieux que de s’en débarrasser de ces pierres, et qu’il s’en servira. Avec les plus petites, il construira des canaux de drainage, avec les moyennes, il élèvera les murs de soutènement ou s’appuieront les terres en pente; avec les grosses il se bâtira une maison.
- Le sol désencombré, peigné, cardé, les travaux de nivellement commencent. Des terres sont transportées des points où elles sont en excès (relatif) sur ceux où elles font défaut. Bientôt des plantations de vignes et d'arbres fruitiers se dessinent gracieusement dans l’encadrement qu’une baie d’aubépine taillée fait à cette propriété faite de rien.
- Sept ans après que Jean Foussat eut donné là son premier coup de pioche : « Tout est vert, tout est gai, disait le président du comice agricole de Villeneuve-sur-Lot,tout est productif, sur cette friche autrefois si nue. Une gentile habitation, à laquelle on arrive par une jolie rangée d’arbres fruitiers, lui donne un aspect riant. De magnifiques piuniers et des rangs de vignes très vigoureuses, séparent en divers compartiments t»n charmant verger, qui donne en abondance du blé et toute espèce de produits. Là, vit tranquille, heureuse, aimée et considérée une famille toute entière, ayant auprès d’elle les animaux nécessaires à son travail. Une terre achetée au capital de 525 francs a acquis en moins de sept ans une valeur de plus
- de 6.000 francs et donne annuellement à son propriétaire un revenu supérieur à son prix d’achat ».
- Le président du comice de Villeneuve-sur-Lot signalait Jean Foussat comme un exemple de ce que peut le travail persévérant, et il avait raison ; il faut voir, de plus, dans les beaux résultats obtenus par lui, un indice des immenses accroissements de production qui sera apporté à notre agriculture, quand on appliquera la grande mécanique à la mise en valeur de ces friches et de ces marais dont rien qu’avec ses deux bras Jean Fousset a tiré un aussi excellent parti .
- Combien de petits cultivateurs et de fermiers imiteraient Jean Foussat, si les propriétaires de terrains mal cultivés savaient intéresser les travailleurs aux améliorations agricoles? Mais les propriétaires n’ont généralement qu’un souci: surveil" 1er la prospérité des cultivateurs et le progrès des cultures sans autre désir que celui d’augmenter les fermages. Puis, lorsque survient la moindre variation sur le marché agricole, ils ne savent que gémir et réclamer de l’Etat une injuste pro -tection qui a pour conséquence immédiate l’élévation des denrées.
- Dans notre département, les orléanistes déguisés trament une véritable conspiration contre la République ; ils se préparent à ouvrir bientôt la campagne électorale au nom de la prospérité des travailleurs agricoles.
- Il faut mettre les électeurs en garde contre ces manœuvres de la réaction.
- Les Jean Foussat ne seraient pas rares dans notre département, si les partisans de la politique du pain cher et des poches pleines (des leurs) renonçaient à leurs prétentions exagérées sur le prix des terres et sur le taux des fei mages.
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- ROYALISTES ET MŒURS ROYALES
- Le Journal de St-Quentin, défenseur du trône’ de l’Autel et du Roy est passé des insultes grossières aux plaisanteries stupides. ^
- Nous déclarons, une bonne fois, que nous ne tiendrons aucun compte de ces attaques, à moins que le journal en question s’engage à publier intégralement nos réponses, comme nous insérerons ses provocations s’il nous fait la promesse que nous lui demandons.
- En attendant nous laisserons le pieux journal défendre la sainte cause de la royauté si bien personnifiée dans l’illustre famille dont l'imagerie vient de vulgariser les exploits ; exploits qui ne sont pas le monopole d’une seule famille, ils sont les caractéristiques de la royauté qui, en tout pays et à tous les âges, a évolué entre l’inceste et l’assasinrt.
- Pour faire suite aux placards illustrés reproduisant les hauts faits des d’Orléans, nous recommandons aux éditeurs de s’inspirer de l’histoii e anglaise ; ils y trouveront des faits nombreux prouvant que la royauté, si chère au Journal de Saint-Quentin, en Angleterre comme en France, n’a qu’une manière de comprendre l’amour final, le respect de la famille et autres vertus domestiques dont se recommande tout bon conservateur.
- Il sufit, pour s’en convaincre, d’ouvrir seu’ement l’histoire d’Angleterre — de l'époque delà conquête par les Normands jusqu’à la Révolution de 1668.
- C’est d’abord Robert, fils ainé du Conquérant qui commence la série en attaquant son père. Il est dé-
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- possédé par ses frères : Guillaume II, qui lui prend l’Angleterre, et Henri 1er, qui lui prend la Normandie. Henri II, qui leur succède, finit son règne au milieu de la révolte de ses fils, Richard et Jean. Jean tue son neveu Arthur. Son fils, Henri III, tomba dans la guerre civile. Edouard 1er parvient à mourir de sa belle mort, mais Edouard II est assa-siné par sa femme et son fils Edouard III.
- Richard II, héritier d’Edouard III, est mis à mort par son cousin, qui devient Henri IV ; Henri VI est tué par Édouard d’York; les enfants d’Edouard par Richard III, Richard III par Henri VII. Henri VIII, tuant ses femmes, lègue un héritage de haine aux enfants nés de ses différents mariages. Marie, qui met à mort Jeanne Gray et persécute Elisabeth ; Elisabeth qui fait mourir Marie-Stuart, mère de Jacques 1er. Enfin, c’est en qualité de gendre, et avec la complicité de la fille de Jacques II, que Guillaume d’Orange le chasse en 1688.
- - En voilà des gens qui n’ont pas fait fortune en élevant des petits fondeurs.
- Comité républicain de Guise.
- Un groupe .d’électeurs convoqué par M. Gratien a constitué une commission d’initiative à l’effet de préparer la formation d’un comité électoral cantonal républicain.
- Les citoyens présents ont décidé, à l’unanimité, qu’il convenait d’observer rigoureusement les principes de la politique démocratique. Ils ont résolu de convoquer les électeurs républicains de la commune de Guise à une réunion publique qui aura lieu samedi prochain,à 7 heures 1/2. Des affiches seront apposées à temps pour indiquer le lieu de la réunion.
- L’ordre du jour sera :
- De la formation d’un comité cantonal républicain.
- Le groupe d’initiative est d’avis d’inviter les électeurs à nommer un comité dont les membres auraient mandat de s’entendre avec les républicains des communes du canton, pour organiser des réunions communales dans lesquelles seraient désignés des délégués qui feraient partie du comité cantonal.
- Après cette réunion, le groupe d’initiative aurait terminé son œuvre ; le comité de Guise poursuivrait l’organisation électorale du canton.
- Ou ne pouvait se montrer plus fidèlement observateur des principes républicains.
- L’empressement des citoyens composant le groupe d’initiative à accepter cette proposition est un gage certain de leurs bonnes intentions et de leur ferme volonté de faire œuvre sérieuse.
- Les électeurs républicains de Guise commettraient une faute s’ils n’étaient unanimes à encourager une entrée en campagne aussi correcte.
- Aux manœuvres tortueuses de la réaction il faut opposer l’union compacte des républicains.
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- LES MODÉRÉS
- On lit dans le Temps :
- « Nous avons dit que, dans une réunion tenue récemment à Lons-le-Saulnier, MM. Bourgeois, Gagneur, Poupin, Reynaud
- etVauchez avaient été choisis comme candidats républicains radicaux aux prochaines éleclions législatives dans le Jura.
- « Le programme de cette liste contient les points suivants : à l’extérieur, une politique de paix ; la préparation et le vote de lois empêchant à l’avenir toute guerre engagée sans le consentement formel du Parlement ; à l’intérieur, la réduction du service militaire ; la modification des rapports de l’Eglise et de l’Etat dans le sens de la revendication des droits de l’Etat ; la diminution des charges sur l’agriculture ; la répartition égale de l’impôt foncier ; la création de syndicats agricoles ; la simplification de la procédure ; le jury en matière correctionnelle ; enfin, l’obligation pour les députés de rendre compte de leur mandat chaque année. »
- Cet extrait du Temps a les apparences d’une information précise honnêtement résumée.
- Cependant le grave journal a fait une petite o-mission, un rien. Il a oublié d’indiquer, dans son résumé, que ce programme contient la clause suivante : Renouvellement partiel et annuel des corps élus.
- Quelques mauvais esprits supposeront peut-être que l’aoceptation si nette, par un comité départemental et par des candidats aussi honorablement connus, d’une pareille nouveauté était un symptôme des intentions des électeurs de vouloir répu-blicaniser la République ; ces incorrigibles prétendront même que cet exemple pourrait être contagieux, si les journaux le mettaient en évidence.
- Ne croyez rien de tout cela.
- Ce fait est insignifiant ; il ne vaut pas la peine qu’en en parle.C’est l’avis du Temps et de beaucoup d’autres journaux plus bruyants qui ne sont pas moins modérés que le plus grand journal de Paris.
- Les Sociétés coopératives de consommation.
- Le Congrès des sociétés coopératives de consommation doit s’ouvrir, comme nous l’avons dit, le lundi 27 juillet, à Paris, à la mairie du quatrième arrondissement.
- Il est dû à l’initiative de M. de Boyves, président des Sociétés de consommation de Nîmes.
- Les principaux points que le Congrès se propose d’étudier sont les suivants :
- 1° Examen des moyens pratiques les plus propres à*assurer le bon fonctionnement des Sociétés de consommation ;
- 2° Pour commencer, et avant d’avoir un magasin de gros comme en Angleterre, ne convient-il pas de nommer une commission chargée de traiter à forfait pour les prix avec le producteur ?
- 3° N’y aurait-il pas possibilité ensuite de faire adresser directement aux Sociétés, par le producteur, les denrées dont celles-ci auraient besoin ?
- 4° Est-il nécessaire d’avoir une Chambre consultative chargée de représenter les Sociétés de consommation dans l’intervalle des congrès ?
- 5° Comment pourvoir aux dépenses occasionnées par la création de cette Chambre consultative ?
- 6* Ne faut-il pas un journal non politique qui tienne les coopérateurs au courant de tout ce qui peut les intéresser ? ,
- Trois délégués anglais, M. Vansittard Neale, secrétaire général de l’Union Coopérative, M. Acland, d’Oxford, membre
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- du Conseil central et M. Holyoake apporteront au Congrès le concours de leurs lumières et de leur expérience.
- Le Familistère sera représenté.
- L’INDUSTRIE RUSSE.
- Depuis 1876, la Russie est entrée dans la voie du protectionnisme à outrance où pas mal de nations civilisées Font précédée ou suivie. Dès Fannée même où éclatait le conflit turco-serbe, elle portait à 33 0/o les droits sur certaines matières premières étrangères. En 1881, l’augmentation est de 10 O/o-En 1883, divers articles jusqu’alors épargnés sont frappés, tels que les houilles et la fonte. L’année suivante, c’est le tour du thé, des vins étrangers, des h irengs,de la soie, de l’huile, des machines, etc. Enfin, pour couronner le tout, un ukase du 3 juin 1885 augmente de 20 O/o l’ensemble des droits d’importation. Cela équivaut à une prohibition absolue, et désormais nous pouvons faire notredeuildu marché russe, comme du marché roumain, comme du marché américain.
- Cette méthode a-t-elle conduit l’empire du Czar à la richesse ? A-t-elle inauguré en Russie une prospérité sans précédents ? 11 ne le semble pas, à s’en tenir aux détails que les Débats empruntent au Courrier russe et à la Gazette de Moscou.
- Tout d’abord il est un chiffre qui a diminué considérablement, c’est celui des importations étrangères Par exemple, les importations françaises, qui étaient de 55 millions en 1878, ne sont plus en 1883, que de 22 millions. Tant mieux ! s’écrieront les vieux russes, avec M. Katkow à leur tête, la Russie ne sera plus tributaire de l’étranger. Qu’ils ne triomphent pas trop vite ! Cette belle médaille a son revers. En même temps que le chiffre des importations, il est un autre chiffre qui diminue, c’est celui du revenu des douanes impériales Le déficit a été de 2 millions de roubles Fannée dernière, et ce déficit il faut bien le combler d’une manière ou d’une autre.
- Il y a plus, jusqu’ici la Russie nous a vendu annuellement pour 200 millions de céréales, de lins, de graines oléagineuses, de bois de construction. Mais les droits prohibitifs appellent des représailles et, à défaut de représailles, appauvrir ses acheteurs n’a jamais passé pour un très bon moyen de pousser aux achats.
- Cette méthode a-t-elle au moins enrichi l’industrie russe ? En aucune manière. Les Allemands, gens assez malins, se sont dit : On proscrit nos produits, on les frappe de taxes ruineuses pour nous ; nous n’avons qu’une chose à faire, c’est de prendre nos ediques et nos claques et d’aller nous mstallem^nr le^rritoire russe. C’est ainsi qu’une ville manufacturière s’est créée subitement en Pologne-, où tous les usiniers sont Allemands. C’est la ville de Lotz. Les russes, furieux d’être dupes, proposent de reculer la ligne des douanes. Les Allemands en seront quittes pour émigrer de Pologne en Russie et le tour sera joué.
- Au moins, dira-t-on, les ouvriers russes profitent du nouveau régime, si les industriels et les capitalistes russes n’en profitent 'pas. Voici ce qui ntU^0 c^UIle statistique publiée par le Courrier
- L’ouvrier russe travaille douze heures et demie
- par jour, tandis que la moyenne est ailleurs de huil et de dix heures. Tandis que dans les industries similaires l’ouvrier gagne, en Amérique, 77 roubles par mois, l’ouvrier russe gagne 18 roubles tout au plus. Les femmes ne gagnent que 9 roubles et les enfants 6. La conséquence à prévoir c’est que la population dégénère, que le docteur Peskow a constaté une anémie générale chez les femmes, chez les hommes une disproportion inquiétante entre le développement de la poitrine et celui de la taille.
- Si c’est pour arriver à ces beaux résultats que la Russie vient d’inaugurer son nouveau tarif, il n’y a pas lieu de l’en féliciter.
- FRÉDÉRIC MONTARGIS.
- LES AMAZONES
- La politique coloniale nous réserve chaque jour de nouvelles surprises.
- Les négociants européens de Porto-Novo, sur la côte d’Afrique, sont dans la consternation : une armée venant du Dahomey et comprenant six mille combattants, dont font partie les fameux bataillons d’Amazmes formant la garde royale, viennent d’assaillir à l’improviste les villages placés sous le protectorat de la France.
- Dix gros villages, parmi lesquels ceux de Jeoffry, de Parko, d’Oumé, de Pakrio et d’Ingo ont été incendiés : les hommes âgés et les femmes ont été impitoyablement massacrés ; quant aux adultes et aux enfants des deux sexes, destinés aux sacrifices humains, ils ont été enchaînés et conduits au Dahomey au nombre de près d’un milker.
- Les Amazones se sont même avancées jusqu’à environ deux heures de marche de Porto-Novo, qui a une garnison française.
- On n’a pas encore de détails sur ces événements, qui o n arrêté tout commerce et produit une vive impression sur la côte : on sait seulement que l’attaque s’est produite dans la nuit du 10 au 14 mai ; — suivant une tactique habituelle, les Amazones avaient surpris nos indigènes endormis et envahi les villages à grand renfort de cris et de coups de fusils.
- C’est la première fois que le Dahomey ose faire une incursion sur le territoire protégé. L’horrible usage des sacrifices humains ayant dépeuplé les environs d’Abomey, malgré les efforts des négociants européens, les prêtres ont, sans doute, ex^gé une expédition lointaine pour fournir aux hécatombes de cette année.On ne sera pas étonné de ce récit quand on saura que le nombre des victimes immolées dépasse, à chaque fête, sept ou huit cents.
- Chaque printemps, une semblable expédition est organisée par ordre du roi et coûte souvent la vie à une peuplade entière.
- Les jeunes filles qui ne sont pas destinées aux sacrifices sont enrôlées de force dans ces légendaires compagnies d’Amazones, objets des récits de tous les voyageurs. Au nombre de 4,000 environ, elles forment la garde particulière du roi, mais non son séiail, comme on pourrait le croire. La chasteté la plus rigoureuse leur est, au contraire, imposée, et malheur à celle qui viendrait à transgresser cette loi ; elle serait impitoyablement mise à mort et son séducteur condamné à un horrible sur , plice. Enduit de miel et attaché à un arbre, on le laisse
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- pirer de faim et de soif, exposé aux morsures des insectes et aux piqûres des serpents.
- Ges guerrières n’ont plus, du reste, rien de féminin ; leur éducation spéciale, les exercices violents auxquels elles sont rompues dès leur enfance leur enlèvent toute espèce de charme. Elles sont, paraît-il, très braves et mille fois plus sanguinaires que les hommes. Après ie combat, les jeunes recrues sont conduites sur le champ de bataille et on les exerce à égorger les blessés et à mutiler les morts pour les habituer à leur sanglante mission. Pendant les loisirs de la paix, elles tirent l’arc ou le fusil, lancent lasagaïe et fument avec fureur. De plus, le culte de Bacchus n’étant pas proscrit chez elles comme celui de Vénus, ces dames sont plongées la plupart du temps dans une complète ivrognerie.
- Telles sont les guerrières dont les hauts faits viennent de semer la terreur jusqu’à Porto-Novo même.
- Notre résident dans ce pays, le colonel Dorât, de I’mfante-rie de marine, est actuellement en France en congé de convalescence. Il a été remplacé provisoirement dans le commandement de nos ports sur cette côte par le lientenant Roget. La garnison se compose d’une cinquantaine de tirailleurs sénégalais.
- Quand au roi nègre du pays, il se nomme Zoffa : c’est une sorte de brute, toujours ivre et parfaitement méprisé de ses propres sujets.
- Lorsque les négociants européens voulaient jadis parler affaires avec lui, avant l’établisement de notre protectorat, ils étaient contraints de le faire garder à vue pendant plusieurs heures, loin des barils de tafia et devin de palme, afin d’obtenir les quelques minutes de lucidité nécessaires à leur en-retien.
- Nouvelles du Familistère
- Une assemblée générale des associés de la société du Familistère a eu lieu dimanche 19 courant.
- Ont été proclamés
- Associés
- Messieurs Bocheux Alfred— Blancaneaux Constant — Deroo Eugène—Donneaud Henri—Dupont Louis — Fontaine — Fleury Paul — Grandin Jules — Hamel Eugène — Louis Edmond fils — Olivier Louis — Petit-homme Eugène — Tasserit Alexandre — Tardier Maxime.
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- Le seize du même mois, le Conseil de gérance avait procédé à la réception , en qualité de sociétaires ou de participants, des personnes dont la liste suit :
- Sociétaires.
- Mesdames Migrenne — Lemaire, née Lachaussée; — Messieurs Lemaire Louis fils — Merda Alfred — Ancelet Joseph — Becquet Joseph — Leclercq Zéphyr — Lar-moyeux Florus — Magnier Pierre — Xavier Louis-Gustave — Plinguet Iréné — Josquin César — Lesage Narcisse — Letot Ambroise — Huile Germain — Leclaire Eugène — Leclaire Alexandre — Hamel Georges — La-noy Paul — Fanielle Edouard — Gardet Jules-Victor — Collart Oswald — Carlier Ernest — Coupé Ernest — Cou-
- pé Constant — Caure Jules — Fartin Hector-Emile — Lavabre Camille-Narcisse — Lavabre Jean-Baptiste — Hazard Jules—Maréchal Louis—Masse Louis fils Sarrazin Jules — Maillet-Rabelle Jules fils — Maillet
- Jules père — Macaigne Louis — Leclercq Arnould_____
- Lhote Louis — Lajeunesse Camille — Desquilbet Jules —.
- Pénit Iréné — Dorges Joseph — Bachelet Eugène _Da-
- gnieourt Edmond — Deflorenne Auguste — Bredouillart Maxime — Cartiguy Emile — Delavenne Edmond — Hé-nen Joseph — Jury Constant — Louis Vital — Pennelier
- Célestin — Poulet Alfred — Poulain Louis-Eugène ___
- Paris Alphonse — Saint-Paul Alfred — Valentin Etienne
- — Hennequin Henri — Froment Louis — Locque-neux Georges.
- Participants.
- Mesdames Quent Victor, née Tasserit—Quent Léon,née Fanielle — Bocheux, née Méreaux — Lefèvre-Nouvelon Vachée Marie — Lefranc, née Houdot — Lhote Louise — Pénit, née Bienfait — Gardet ; — Mesdemoiselles Letem Louise — Louis Laure.
- Messieurs Macaigne Auguste, fils — Louis Césaire — Lardier Frédéric — Delavenne Jules — Anstelle Jean-Cuslave — Commun Ferdinand — Martel Charles — Sarrazin Louis — Lefèvre-Basse Julien — Gosse Théophile — Anciaux Joseph — Pagnier Ernest — Mabilotte Adolphe — Serre Gustave — Talon Constant — I.étrier Alfred — Donne! Arthur— Coutellier Louis-Gustave — Jamart Auguste-Georges — Lecrux Eugène — Allart Pierre-Joseph — Abraham Charles — Alavoine Adolphe —Degagny Victor-Eugène - Fanielle Jules-Auguste — Favereau Antony — Flamant Ernest — Godériaux André
- — Grimaux Thémistocle-Gustave — Braillon Louis — Porchée Jean-Baptiste — Daimez Ernest — Choquenet Timothée — Chameaux Joseph — Roha Alfred.
- Personnel de l’usine de Laeken :
- Messieurs Van Néron Georges — Saîlaert Joseph — Van Calster Josse—Loncin Nicolas — Roscam Joseph — Merken Antoine — Van Humbeeck François — Delaet Jean — Ketels François — Bourgoing Jules — Bergh-mans Félix — Seghers François—Vyt Henri—Dethoar Augnste — Vandenhoute Jean.
- Le droit politique des femmes en action.
- Depuis que le suffrage des femmes est établi dans le territoire de Wyoming, Etats-Unis, unesérie ininterrompue de témoignages concernant les bienfaisants effets de cette réforme a été fournie par les gouverneurs et les magistrats de ce territoire.
- La dernière déposition nous arrive du gouverneur Francis E. Warren, lequel écrit la lettre suivante à un membre delà Législature de Massachusset :
- « Je suis citoyen de FEtat de Wyoming depuis l'organisation de ce territoire; j'y résidais même quand U faisait encore partie du Dakota. D’après mes observations et mon expérience, je suis forcé, pour rendre hommage
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- ^ la vérité de constater que le suffrage féminin loin d'abaisser le mérite des offices publics dans ce territoire l’a relevé. Nos femmes, en effet, attachent beaucoup plus d'importance que nos hommes à la moralité des candidats ; aussi les divers partis politiques se sont-ils trouvés obligés de présenter comme candidats leurs membres les plus recommandables pour tâcher d’obtenir l’appui des femmes.
- « Gomme négociant d’abord, puis comme fonctionnaire de la ville, du comté et du territoire et enfin, aujourd’hui, comme Gouverneur de l’Etat de Wyoming, j’ai vu maintes fois en exercice le suffrage des femmes et je suis encore à entendre dire qu’un seul cas de discorde à l’intérieur des familles en soit résulté.
- « Presque toutes les femmes votent, et comme la majorité d’entre elles est bonne,( ce qui est, le cas dans l’Etat de Wyoming comme partout ailleurs, ) le résultat est bon.
- « Je n’ai été pour rien dans la confection de la loi qu i a donné le suffrage politique aux femmes, mais aujourd’hui, après quinze années d’épreuve du droit de suffrage féminin, je dois reconnaître les succès de cette loi ; j’ajoute que depuis ces dix dernieres années, nulle tentative n’a été faite et nulle n’est méditée, à ma connaissance, pour modifier la loi en question ; car ses heureuses conséquences s’imposent de plus en plus à l’attention publique.
- « En résumé, le suffrage féminin a produit beaucoup de bien dans notre territoire. Si les femmes de Massa-chusets ont autant d’intelligence et d’esprit public que celles de Wyoming — et je n’ai aucune raison d’en douter —leur influence politique s’exercera de même en faveur de l’ordre public et d’un bon gouvernement. G’est ce que prouve l’expérience faite dans d’Etat de Wyoming. »
- ( Women’s suffrage journal )
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- LXXXIV
- Les fonctions publiques rétribuées.
- La gratuité dans les conseils municipaux et les conseils départementaux a pour conséquence d’écarter des fonctions publiques les citoyens pauvres au profit des citoyens riches, qui,eux, pouvant donner leur temps aux réunions, prennent les délibérations, dans un sens favorable à leurs intérêts et sont ainsi dédommagés du temps qu’ils consacrent aux intérêts publics.
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- LE
- RENOUVELLEMENT ANNUEL
- PAR TIERS
- L’importance du renouvellement des corps élus n’est contestée par personne ; les objections viennent uniquement de sa nouveauté.
- Nous ne voulons pas dire que l’idée soit absolument nouvelle ; mais on n’avait pas encore osé ou su en saisir le suffrage universel.
- Le Devoir s’est imposé cette tâche. Si nous ne réussissons pas à étendre dans toutes les circons-
- criptions l’agitation en faveur de cette réforme, le? premiers résultats déjà obtenus nous permettent de supposer que celte idée prendra une place importante dans les prochaines élections, surtout si le gouvernement nous laisse encore deux mois de propagande avant le jour du vote.
- Mais nous ne saurions trop recommander à nos amis,qui acceptent théoriquement l’idée,de ne pas se laisser arrêter par des difficultés imaginaires d’application ou par d’autres motifs, comme ceux qu’exprime la lettre suivante que nous écrit un de nos abonnés :
- Monsieur,
- Si la hardiesse de quelques-unes de vos conceptions peu* inspirer une certaine anxiété aux citoyens les plus dévoués au progrès, ce reproche ne peut du moins être adressé à votre système de renouvellement annuel par tiers de la Chambre des députés. On cherche vainement quelles objectionssérieu ses pourraient lui être faites.
- C’est le seul moyen d’éviter les acoups, les brusques revirements dans la politique, les actes d’effarement et de panique auxquels les foules sont sujettes, et le suffrage universel est l’acte d’une foule.
- Tout pouvoir émanant de la nation,le suffrage universel es! un droit primordial, mais c’est un droit dont l’exercice reste soumis aux lois générales que nous révèle la science guidée par l’observation des faits.
- L’expérience prouve qu’une Chambre arrivée à la quatrième année de son mandat ne sait plus elle-même dans quelle mesure elle représente l’opinion. La préoccupation de deviner l’énigme posée par le sphinx électoral pèse sur toutes ses résolutions, et lui enlève tout esprit de résolution.
- Le renouvellement annuel par tiers a l’avantage de donne au Parlement une indication permanente sur la température politique du pays.
- La seule objection qu’on ait faite à ce système est que de fréquentes élections troublent le pays, et lassent l’électeur qui finit par ne plus voter.
- C’est une erreur qui ne.résisté ras à l’examen des faits.
- Le renouvellement annuel par tiers ne lasse pas l’électeur, qui ne vote pas plus souvent que dans le système du renouvellement intégral par trois ans. Nous voyons tous les jours des élections avoir lieu dans un département isolé ; les départements voisins suivent le travail électoral avec une curiosité patriotique, mais avec un calme parfait. L’expérience prouve d’autre part, que sur 89 départements, il y en a 88 où les élections se pratiquent sans aucun trouble. La Corse seule fait exception.
- Toutefois, je serais d’avis que l’on se contentât d’abord, au point de vue pratique, du renouvellement biennal par tiers et cela par deux raisons.
- 1° La première est que certains candidats sincères, mais peu préparés par leur éducation à exercer le mandat parlementaire, ont réussi, par des promesses extravagantes, à capter les suffrages de la majorité. Un mandat de trois ans ne teur laisse guèrele temps de se former ; puisqu'ils y sont, autant vaut qu’ils y restent. Ce n’est ni l’intelligence ni le pa-riotisme qui leur font défaut.
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- 2° La seconde raison est laplus grave. Une élection entraîne, polir le candidat, des dépenses considérables ; des élections trop fréquentes écarteront des candidats capables mais n’ayant pas les moyens de dépenser 15,000 francs J,ous les trois ans, en frais de bulletins et distributeurs.
- Mais le renouvellement biennal par tiers, ne serait dans ma pensée qu’une étape à franchir en attendant que l’améliora-lion de nos mœurs politiques permette d’en venir à la vraie so • lution qui est le renouvellement annuel.
- Salut et fraternité.
- Léon Philippe.
- Economiste — Membre de la commission d’enquête
- extraparlementaire sur les associations ouvrières.
- L’adhésion théorique est complète, mais notre abonné nous demande d’atténuer la pratique.
- Nous ne ferons jamais cette concession et nous ne pensons pas qu'on puisse nous accuser en cela d'une intransigeance intempestive. Nous avons renoncé momentanément à poser au suffrage universel aucune autre question que celle se rattachant à son bon fonctionnement, même nous l’avons beaucoup réduite puisque notre croyance est que le scrutin de liste nationale et le renouvellement par moitié sont les véritables conditions de cette réforme. Nous ne diminuerons pas ce minimum, parce que nous sommes convaincus que nous n’atteindrions pas notre but de rendre effective la souveraineté nationale. Nous remercions néanmoins notre abonné de nous avoir soumis ses observations, car nous préférons tenter de dissiper ces doutes et ces incertitudes plutôt que les laisser persister et détourner de l’action des citoyens capables de servir efficacement la cause.
- M. Philippenous propose le renouvellement biennal, sans réfléchir qu’il serait imprudent de priver le peuple, pendant un si long délai, des occasionsde faire connaître ses volontés, à moins d’admettre la convocation des électeurs départementaux chaque fois qu'il se produirait des vacances dans la représentation des départements. Nous perdons alors l’avantage de la suppression des élections partielles et nous retrouvons tous les inconvénients des élections accidentelles.
- Sa première objection basée sur les cas de captation du suffrage universel sera toujours une exception ; les électeurs ne perdraient pas beaucoup à éloigner de leur représentation un mandataire auquel il faudrait plus de trois ans pour apprendre à convenablement s’occuper des affaires publiques. Le Parlement ne doit pas être une école. Les électeurs sauront choisir parmi les capacités des mandataires assez initiés à la vie publique pour n'avoir p=i* besoin d’un si long apprentissage.
- Notre correspondant n’a peut-être pas saisi quelles simplifications les élections annuelles apporteraient dan, la vie publique.
- Les élections annuelles auront pour conséquences la permanence des comités et leur fédération. Ce mécanisme électoral sera en continuel fonctionnement au milieu de la masse électorale dont il sentira toutes les poussées. On verra les comités et les électeurs, entre deux élections, rechercher quelles réformes ils devront inscrire dans leur prochain programme ; ils s’habitueront à distinguer la plus urgente et à ne demander qu’elle seule.
- Alors les finasseries de la politique, les ficelles du parlementarisme disparaîtront devant l’imposante manifestation des volontés populaires.
- L’objection tirée des dépenses de l’élection serait juste, s’il était admissible que le peuple continuât indéfiniment à supporter les extravagantes tentatives des entrepreneurs d’élection; ces frais aujourd’hui énormes, seront bientôt ramenés à de minimes proportions que les souscriptions volontaires paieront sans peine.
- Déjà, dans un grand nombre de départements, les comités et les électeurs sont jaloux de prendre ces dépenses à leur charge,bien qu’ils aient vaguement conscience de nommer des agents qui échappent à tout contrôle. Que l’on donne au peuple la conviction qu’il exerce une autorité réelle sur ses mandataires, et l’on verra qu’il ne se montrera pas avare dans les frais causés par le choix de ses réprésentants.
- Les candidats, actuellement, font souvent des dépenses excessives dont il faut attribuer les causes à la mauvaise organisation du suffrage universel ; on sait que le vote est une surprise ; on ne recule devant aucune manoeuvre pour décrocher la timbale.
- 11 n’est pas admissible que ces tentatives déloyales persistent;sous le régime des élections annuelles, l’électeur devenu expérimenté dédaignera les petits moyens, les ruses et les complots que des candidats ambitieux paient sans vergogne On trouvera toujours dans une commune, par des souscriptions, les quelques dizaines de francs indispensables aux dépenses d’une élection honnête.
- Nous espérons avoir éclairé les incertitudes de notre correspondant, et nous lui demandons de se mettre à l’œuvre pour aider à faire prévaloir la réforme électorale par la réduction de la durée du mandat à trois ans et par le renouvellement annuel par tiers.
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- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- L’émigration française. — Le chiffre total des Français fixés à l’étranger est d’environ 316, 413 qui se répartissent ainsi qu’il suit :
- Etats-Unis...........* . . . . 109.870
- Suisse.......................................... 45,000
- Belgique........................................ 35,000
- Etats-Argentins..................................29,196
- Uruguay ........................................ 23,000
- Egypte...........................................14,207
- Angleterre. . ,...............................12,989
- Espagne......................................... 10,642
- Allemagne........................................ 6.429
- Italie........................................... 4,718
- Canada......................................... 3,173
- Jersey......................................... 2,780
- Russie. . .................................. 2,479
- Autriche-Hongrie...................... . . 2,814
- Chili . . ,.................................... 1,650
- Portugal................................... 1,817
- Turquie d’Asie................................. 1,725
- Hollande .... ................................. 1,546
- Venezuela...................................... 1,495
- Indes anglaises . 925
- San-Yago-de-Guba................................. 850
- Costa-Rica, Guatemala et San-Salvador . . 604
- Haïti............................................ 442
- Turquie d’Europe................................. 597
- Brésil.......................................... 592
- Nouvelle-Grenade................................ 441
- Grèce............................................ 268
- Russie transcaucasienne.......................... 173
- Chine........................................... 148
- Irlande.......................................... 132
- Saint-Thomas..................................... 124
- Danemarck........................................ 116
- Maroc............................................ 104
- Le Cap. . 81
- Tripoli.......................................... 76
- Suède et Norwège.................................. 54
- Perse............................................. 51
- Japon................................................ 43
- Iles Philippines..................................... 34
- Pointe de Galles..................................... 19
- Siam................................................. 15
- Total.............316,413
- Les départements qui fournissent le plus d’émigrants sont: les Passes-Pyrénées, les Hautes-Pyrénées, l’Ariège, les Hautes-Alpes et les Basses-Alpes, la Savoie et la Haute-Savoie.
- T0NK1N
- Les frais de la politique coloniale. — On a
- commencé à faire les comptes de l’expédition du Tonkin ; ils sont loin d’être terminés.
- Le gouvernement a été obligé d’avouer une dépense de 470 millions, sur lesquels la Chambre n’a voté jusqu’ici que 266,298,742 francs.
- Ce n’est encore que le premier chapitre de cette liquidation. On ne compte pas la réparation de notre flotte ; on ne compte pas ce qu’il faudra dépenser pour rendre à nos arsenaux et à nos magasins le matériel qui en est sorti ; on ne compte pas ce que coûteront annuellement l’organisation et l’administration d’une colonie qui ne rapportera rien à la mère-patrie.
- CAMBODGE
- Le Temps a reçu de son correspondant au Cambodge la lettre suivante :
- « La révolte du Cambodge continue toujours. Nos troupes ont cependant infligé aux rebelles de cruelles défaites. Quoique cette révolte ne puisse pas être comparée aux mouvements que nous avons à vaincre au Tonkin, elle fait subir à la Cochinchine une des plus rudes crises que ce pays ait eu depuis longtemps à traverser. Le commerce est entièrement paralysé, les négociants chinois de Phnum-Penh ont tous émigré, et on sait que ce sont eux qui détiennent la plus grande partie du commerce de ces pays. La pêche du Grand-Lac, qui donne lieu tous les ans à des transactions considérables ( en 1884, il a été exporté pour 5,953,396 fr. 50 de poissons secs et salés, chiffres officiels ) n’a pas eu lieu cette année, quelques pêcheurs seulement assez courageux y ayant pris part. Aussi la Compagnie des Messageries fluviales, qui est le meilleur baromètre à consulter, car elle effectue la plus grande partie des transports du Cambodge, se ressent beaucoup de cette crise, et ses recettes ont baissé graduellement, jusqu’ â diminuer de 60 0/0 sur les chiffres de l’année dernière. »
- RUSSIE
- Depuis quelque temps, le mouvement révolutionnaire commence de nouveau à s’accentuer.
- Les affiches rouges collées aux coins des murs reparaissent proclamant que le temps est arrivé de faire disparaître enfin définitivement Fesclavuge abject, sous lequel gémit le peuple slave.
- La Navodnaja, Volja (la Volonté du peuple), organe attitré des révolutionnaires russes, a reparu aussi de nouveau depuis quelques jours, et a donné en outre le récit émouvant de l’exécution de l’infortuné apûtre de la liberté, S. Abramof Lissiansky, exécution dont la Lo,nier ne a publié le compterendu. Cette feuille donne également un aperçu de ce que les révolutionnaires ont fait, et de ce qu’ils doivent faire.
- Ces mesures, vous les connaissez, ce sont des actes de violence contre l’autorité du czar et les hauts fonctionnaires.
- D’un autre côté, le gouvernement se rend bien compte, qu’à la fin, le peuple se lasse des promesses qu’on lui a si souvent faites, et qu’on ifa jamais tenues.
- Aussi, le peuple se prépare-t-il à secouer le joug qui pèse si cruellement sur lui, et à prendre une revanche sanglante, comme du temps d’Alexandre II.
- Tout cela n’est pas ignoré à la cour, et c’est par raison que l’on s’efforce de créer des complications à l’extérieur pour faire diversion.
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- LE DEVOIR
- Les armements se font avec une lièvre inusitée. Tout Crons-tadt, le port de guerre, sur une île de la Néva, devant Saint-Pétersbourg, ressemble à un arsenal, et le travail ne chôme ni jour ni nuit.
- Un nouveau cuirassé vient d’ètre lancé, quatre autres sont presque prêts.
- On travaille en même temps avec une grande activité à la construction de douze bateaux torpilleurs qui seront prêts d’ici peu à prendre la mer.
- On croit toujours aune guerre avec l’Angleterre ; à la cour, personne ne se fait illusion et l’on prend des précautions pour être prêt au moment décisif.
- Aussi en ce moment la diplomatie russe consiste-t-elle à retarder ce moment. Mais dés quelle sera en mesure, elle attaquera probablement avec vigueur du côté des Indes.
- Dans un mois, 200,000 hommes de troupes russes seront prêts à se jeter sur les Indes anglaises, et la Russie espère pouvoir imposer à l’Angleterre une paix avantageuse et durable.
- C’est de Moscou que l’Empereur Alexandre 111 lancera son manifeste : Za verou ioteschtestvo » (pour la religion et la patrie), qui mènera le paysan russe, comme toujours, aune guer-e qui profitera seulement à l’aristocratie et à l’entourage du Czar autocrate.
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- Filés de coton.
- La crise industrielle Lyonnaise a soulevé la question des filés de coton.
- Les fabricants lyonnais, pour répondre aux demandes de la clientèle qui recherche des tissus à bon marché, emploient un mélange de soie et de coton.
- Les filateurs français réussissent mal la qualité des filés de coton destinés à cet usage.
- L’approvisionnement à l’étranger oblige les acheteurs à payer des frais de douanes qui augmentent le prix de revient des filés de coton et qui rendent la concurrence difficile.
- Pour obvier à ces inconvénients les fabricants lyonnais réclament l’admission temporaire en franchise.
- L’admission temporaire consiste à autoriser l’entrée gratuite de certains produits, sous condition expresse de la part du destinataire, de réexpédiera l’extérieur une quantité égale de produits fabriqués.
- Cette faveur, à entendre les intéressés, sauverait l’industrie lyonnaise.
- Mais les filateurs de coton affirment que notre industrie cotonnière qui vit difficilement recevrait un coup dont elle ne se relevrait pas.
- Les ouvriers lyonnais affamés par les chômages, auxquels les fabricants ont persuadé que l’admission temporaire serait le signal de la reprise du
- travail manifestent en faveur de l’admission temporaire, sans se rendre compte des perturbations que cette mesure causerait parmi les ouvriers fila-teurduNord. De leur côté les ouvriers du Nord, insensibles aux chômages de leurs frères de Lyon, ne veulent, comme leurs patrons, entendre parler de l’admission temporaire.
- Que feront les Chambres ?
- Elles subordonneront leur décision à la politique.
- Les ouvriers lyonnais mécontents seront portés à penser que les républicains au pouvoir s ont mauvais, qu’il faut les changer ; mais ils ne mettront pas en balance le principe républicain. Dans le Nord, les ouvriers se laisseraient entraîner par la réaction, ils mettraient en cause la République elle même et non ses agents.
- Ce seront certainement des considérations de cet ordre qui l’emporteront dans les Chambres, où nul n’essaiera, peut-être par incapacité de tous, de traiter ce sujet d’une manière sensée.
- Le statu quo est la continuation de la crise lyonnaise; l’admission temporaire causera une crise ouvrière dans le Nord; elle sera, en outre, un acte de favoritisme, puisque les consommateurs d’articles de coton, autres que les soies mélangées, ne bénéficieront pas de cette exception.
- Voilà les deux seules issues que laisse entrevoir la suprême sagesse de nos classes dirigeantes.
- Nous connaissons une troisième solution qui s’inspire de la coopération rationnelle, et non de ces mesquines combinaisons, dont nous avons parlé dans notre dernier numéro, qui visent uniquement la diminution des salaires.
- Avant d’exposer notre projet, nous devons déclarer que tout ce que nous allons conseiller n’a qu’une valeur relative, temporaire, pouvant procurer à notre nation, au détriment des autres, une atténuation passagère de la crise, atténuation dont tous les avantages seront perdus, si on ne profite de ce calme momentané pour avancer hardiment vers la seule solution : l’Unification des peuples, et l’abolition de la concurrence par l’organisation universelle du travail.
- Cette réserve faite nous passons à l’exposé des moyens detransition, étant bien entendu, que nous les considérons comme des expédients dangereux s’ils sont appliqués par des hommes leur attribuant la valeur de mesures définitives.
- Avec quoi sont fabriqués les filés de coton ?
- Avec une matière première que l’on achète en Amérique et en Egypte, sur des marchés égale-
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- nient ouverts à toutes les nations. Donc, sur ce point, notre commerce, n’a aucune raison légitime pour expliquer son infériorité dans l'approvisionnement, si cette infériorité existe.
- Les machines qui servent à fabriquer les fils de coton sont encore fournies par des fabricants qui ne les vendront pas un centime plus cher à un. Français qu’à un Anglais.
- pour bien conduire ces machines et obtenir de bons produits, il suffit d’avoir sous la main deux bons contre-maîtres, un mécanicien habile et un chef de fabrication expert. Les ouvriers ordinaires du coton suffiront parfaitement à la tâche, sous la conduite de bons chefs.
- Si nous ne pouvons recruter ces spécialistes en France, il y a là une preuve d’incapacité et de faiblesse dont nos industriels sont responsables.
- Mais ce mal est facilement réparable ; car il sera possible de trouver en Angleterre, pour une hausse de salaires qui sera insignifiante sur les frais généraux d’une grande entreprise, les deux spécialistes indispensables.
- Rien ne s'oppose à l’introduction dans notre pays de la fabrication recherchée par l’industrie lyonnaise. Mais nos capitalistes se garderont de risquer leurs fonds dans ces entreprises. Ils préfèrent attendre les placements de tout repos et de toute paresse que leur offre régulièrement notre Etat emprunteur.
- Il y a quelques années, la fabrication des toiles cirées, industrie primitivement française, était devenue le monopole de l’industrie anglaise. Un riche commerçant de Paris, vieilli dans le trafic de cet article, envoya un de ses fils en Angleterre où celui-ci passa deux années, allant comme ouvrier d’une fabrique à l’autre. Après ce voyage une fabrique était fondée près de Paris, dans laquelle était réuni tout l’outillage le plus perfectionné ; l'auteur de cette entreprise encaisse aujourd’hui de beaux bénéfices, en confectionnant lui même les toiles cirées qu’il avait été contraint pendant longtemps de faire venir d’Angleterre.
- Nous ne demanderons pas un si grand effort à aucun des fabricants lyonnais ; s’il s’en était trouvé un seul parmi eux suffisamment raisonnable, depuis le temps qu’ils gémissent, la France posséderait ejà une fabrique des filés de coton à usage des tisseurs lyonnais.
- Nous avons entendu parler de quelques centaines de patrons menacés par cette crise.
- Pourquoi ne demanderaient-ils pas à la coopéra-i°n ce qu’aucun d’eux n’a osé entreprendre.
- Il leur suffirait de faire, chacun, un apport de deux ou trois mille francs et d’établir une manufacture. appropriée à leurs besoins. Ils auraient ainsi les produits qu’ils réclament et notre travail national ne serait pas diminué.
- Ce premier pas vers la coopération devrait être suivi de l’organisation de la participation des ouvriers aux bénéfices ; cette participation devant avoir pour effet de doter les travailleurs des institutions garantîtes et de les mettre en possession de la fabrique, après un délai rationnellement prévu.
- Il est regrettable qu’aucun député n’ait adouci les déploiables déclarations de la Chambre sur son impuissance par l’exposé d’une solution pratique.
- Cependant il n est pas admissible qu°on laisse succomber sous les coups de la misère les ouvriers qui n’ont commis d’autre faute que celle de travailler sous la directionde patrons imprévoyants et incapables d’iniiiative.
- Nous venons d’indiquer un moyen dont l’application n’exigerait pas des capitaux que ne puissent fournir les intéressés. Si ceux-ci sont tellement apathiques qu’ils ne sachent y recourir; de graves devoirs incombent aux municipalités et au gouvernement. Us n’ont pas le droit de laisser mourir de faim les victimes de 1 incurie et de la paresse de quelques dirigeants.
- En tolérant ces situations déplorables,nos industries disparaîtront les unes après les autres, avec les ouvriers qui devraient vivre par elles.
- Si l’impuissance des patrons et des capitalistes lyonnais et d’autres lieux continue à s’affirmer par de tels désastres, une énergique intervention de pouvoirs publics, commune ou Etat, est nécessaire pour sauver les travailleurs et notre industrie nationale.
- Mais la commune de Lyon et l’Etat peuvent par la commandite procurer aux ouvriers les facilités d’organiser des associations de travailleurs basées sur la participation aux bénéfices, et sur le rachat par les ouvriers des moyens de production que la commandite nationale ou communale aurait mis à leur disposition.
- On peut légitimer cette proposition avec les arguments invoqués par les conservateurs de tous les régimes. Lorsqu’il s’est agi de faire commanditer ou subventionner les chemins de fer,les lignes interocéaniques et une foule d’autres entreprises on a prétendu avec raison (nous faisons abstraction des abus) que l’Etat devait encourager l’établissement des travaux d’utilité publique,que les particu*
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- liers se montraient impuissants à exécuterpar eux-mêmes.
- Eh bien,nous le demandons aux personnes de bonne foi, est-il oui ou non d’utilité publique de ne pas laisser mourir de faim les travailleurs lyonnais ? Est-il oui ou non d’utilité publiqued’avoiren France des industries qui prospèrent à l’étranger ?
- Quant à l’impuissance des individus n’est-elle pas mille fois prouvée par le fait que tous se plaignent depuis longtemps sans faire quoique ce soit pour améliorer leur situation ?
- Même cette admission temporaire réclamée par les patrons lyonnais, exclusivement à leur profit, n’est-elle pas une sorte de commandite que leur ferait l’Etat en renonçant à encaisser des sommes que la loi lui accorde ?
- Nous sommes certains qu’il suffirait des recettes de douanes prélevées pendant quelques mois sur les filés de coton pour procurer à l’Etat une somme supérieure à celle que coûterait une importante commandite coopérative.
- L’Etat ne doit pas commanditer l’exploitation, la spéculation; sa protection appartient de droit au Travail.
- L’entrée temporaire serait une commandite en faveur de la spéculation. La commandite nationale accordée à des travailleurs associés serait un acte de protection du travail.
- Aux ouvriers lyonnais de s’inspirer de cette idée et d’en poursuivre la réalisation, au lieu de se lais-ler traînera la remorque des spéculateurs qui les poussent à chercher leur salut dans la ruine des autres.
- Point d’admission temporaire, au profit exclusif d’une branche d’industrie. En économie comme en politique la même loi pour tous !
- POLITIQUE COLONIALE
- On lit dans la France libre.
- Du remarquable discours de M. Pelletan, prononcé à Fa— vant-derniére séance de la Chambre, nous extrayons les passages suivants, concernant la politique coloniale ;
- On nous disait autrefois : les conquêtes lointaines sont une opération commerciale !
- Si c’était une opération commerciale, ce serait de la pure folie. Vous donnez 25 millions par an pour posséder la Tunisie et vous y placez 13 millions de vos produits. — c’est, là un chiffre qu’il m’a été bien difficile d’obtenir.— et après quelle odyssée! L’histoire est plaisante, mais l’heure est trop avancée pour que je la raconte. Quoi qu’il en soit, donner 25 millions pour placer 12 à 13 millions de nos marchandises, ce serait le dernier degré de la démence, si c’était une opération commerciale.
- 11 en est de même pour la Cochinchine, dont vous payez la possession 10 à 12 millions et où vous placez pour 4 à 5 millions de produits. Et quels produits y placez vous ? Vous avez voulu ouvrir un débouché à vos cotonnades : les Anglais apportent 10 millions de cotonnades à la Cochinchine, et vous rien, ou presque rien ! Vos soieries ont besoin de débouchés-les Chinois apportent 2 millions et demi de soieries à la Cochinchine. Vos fers ont besoin de débouchés : vous avez ouvert en Cochinchine un débouché aux fers belges.
- En revanche, vous y vendez quoi ? l’absinthe Pernod et le vermouth Noilly-Prat. Vous fournissez d’apéritifs vos corps d’occupation ! (Rires.) La moitié de vos exportations en Cochinchine se compose de boissons, de conserves et de vivres.
- Et, si j’avais les chiffres de la Tunisie, il est probable que je vous montrerais les débouchés ouverts, avec notre argent et nctre sang, surtout à l’Italie qui a eu vraiment bien tort de se plaindre. Est-ce que vous ne voyez pas que vous fermez les débouchés par vos expéditions lointaines, au lieu de les ouvrir ?
- Vous ne rétablirez pas ce vieux système barbare et gothique — et M. Rouvier serait le premier à s’y opposer — le système des colonies fermées à toute autre production, à tout autre commerce que celui de nos nationaux ?
- Il y a eu bien des retours à l’âge de pierre depuis quelques temps, en matière pénale, en matière économique, en matière politique ; nous avons vu des vieilleries surannées, que nous croyions confondues à jamais, reparaître depuis qu’on a érigé en système politique la supériorité de l’instinct sur les doctrines.
- Vous savez ce qui s’est passé au Parlement anglais, dans le débat qui a amené la chute du cabinet. Les Anglais avaient voté un crédit pour engager une expédition au loin, mais ils ont songé aussitôt à trouver les ressources pour couvrir les dépenses votées. On n’a pas parlé d’emprunt ; on a dit : « Il faut trouver un impôt, et M. Gladstone et ceux qui l’ont renversé étaient d’accord sur ce point ; ils ne différaient que sur le choix de l’impôt.
- Eh bien j’admirerai vos déclarations d’un patriotisme si fier, les refus si indignés de laisser reculer le drapeau, le jour où, par exemple, pour annexer le Tonkin, vous direz : Il faut 50 millions, voilà le nouvel impôt que nous proposons ! Car, enfin, ce n’est pas dans le déficit du budget que vous trouverez les ressources nécessaires.
- Mais je ne crois pas qu’on ose revenir à ce système colonial, ilAoûterait cher; si l’on usait de représailles, nous y perdrions le commerce que nous faisons avec les colonies étrangères, et ce commerce là est plus considérable que celui que nous aurons jamais avec la Cochinchine et le Tonkin. Vous ne pouvez pas revenir à ce système.
- Et alors dans quelle situation êtes-vous ?
- Quand vous ouvrirez des marchés nouveaux, ces marchés seront ouverts aux autres comme à vous, et ils appartiendront à celui dont les produits seront à meilleur prix, et dans les meilleures conditions. Et en même temps vous surchaige vos frais de production de tous les prix de la conquête quevous aites, (Très bien ! très bien ! à gauche).
- Mais ces millions que vous prodiguez, circulant dans tous les canaux de l’impôt, iront grever la broche dans la filature, le fer sur l’enclume, l’épi de blé dans le champ, et vous trou
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- verez sur les marchés de vos colonies des produits étrangers, parce qu’en faisant des expéditions lointaines, vous aurez augmenté les frais de production. (Très bien ! très bien !)
- Vous n’avez même pas besoin d’aller si loin : cette concurrence devenue si ruineuse, vous la trouvez au cœur de notre territoire français.
- Je comprends qu’on dise : Il faut que Madagascar soit à la France, la France l’a toujours possédé. L’histoire n’en savait rien ; mais dans ces derniers temps on a découvert que c’était une possession française de temps immémorial. Madagascar a toujours été à la France, seulement on avait négligé d’en avertir les Français. Et on ajoute : Nous sommes engagés d’honneur ; nous ne pouvons pas quitter un rivage où flotte le drapeau tricolore et où il y a de si beaux bœufs par-dessus le marché. (On rit.) C’est très bien, mais il faut être logique : l’expédition de Madagascar vous coûtera bien, au bas mot, de 40 à 50 millions.
- M. Georges Périn. — Mettez en 100 !
- M. Camille Pelletan. — Votez alors un impôt de 40 à 50 millions !
- Les Couturières de Copenhague
- On lit dans le Petit-Journal :
- Nous avons reçu ces jours derniers une très intéressante communication sur laquelle nous appelons l’attention des hommes et des femmes qui se dévouent aux travailleurs avec un zèle et un dévouement auxquels le Petit Journal rend pleine justice.
- Il y a dans l’organisation des couturières de Copenhague des ingéniosités familiales, des délicatesses de prévoyance et de soins qui nous paraissent très touchantes ; il nous semble qu’il ne serait pas impossible de s’en inspirer pour certaines sociétés de secours mutuels. t. g.
- Voici la lettre de notre correspondant :
- Copenhague, 8 juillet 1885.
- Monsieur le rédacteur,
- En 1876, vous avez publié dans votre journal un extrait d’un compte rendu que j'avais présenté au congrès d’hygiène de Bruxelles sur l’association des couturières, fondée à Copenhague en 1867. Vous avez trouvé qu’il n’était pas sans intérêt d’apprendre ce que nous avions fait pour une classe d’ouvrières si nombreuses dans toutes les grandes villes et qui vivent dans des conditions bien précaires, surtout quand la maladie vient diminuer leurs salaires, déjà fort modestes.
- Permettez-moi donc de vous faire connaître ce que nous avons fait depuis lors pour améliorer la condition de nos couturières. C’est surtout des quatre nouvelles mesures suivantes lue je désire vous parler : distribution de billets de dîners à celles qui sont affaiblies par le travail ; construction d’un bâtiment avec des logements à prix modéré ; séjour à Iacampa-Pe pendant les vacances, et exercices gymnastiques sous la diction de quelques institutrices.
- L association est une société de secours mutuels spéciale— ment pour les couturières. Moyennant une cotisation de 23 centimes par semaine, elles ont droit, en cas de maladie, à des s°ms médicaux et à des médicaments, et reçoivent, en outre, 'me indemnité de 80 centimes par jour pendant 13 semaines de la même année.
- Le nombre des membres, qui était de 438 en 1875, est à présent de 1400, limite que, par diverses raisons, on n’ose pas dépasser. Il y en a continuellement 100 à 200 qui sont inscrites pour être reçues quand il y aura des places vacantes et le nombre de celles qui sortent de l’association, faute de pouvoir payer leur cotisation, ne dépasse guère* 4 ou 5 0/0 par année.
- Outre une fête annuelle, une bibliothèque, une conférence par mois, et, le dimanche, des cours d’écriture, de calcul, d’orthographe, de dessin et de langues étrangères, on a ouvert une caisse de prêts pour faciliter l’achat des machines à coudre,
- Depuis 1878, les médecins ont distribué des billets de dîner quand ils trouvent que c’est nécessaire pour rétablir les forces, surtout dans les périodes où, pour finir leur travail pour les magasins de nouveautés, les ouvrières sont souvent obligées de passer une partie de la nuit. Dans de telles périodes ou après des maladies, une dizaine de billets, qui leur permettent d’aller dîner dans un restaurant, où on s’est assuré quelles auront une saine et bonne nourriture sont quelquefois d’une grande utilité. A ce but nous employons annuellement 600 fr. d’un don de M. Spaniez.
- Mais la plus grande difficulté est de leur procurer de bons logements à prix modéré,au milieu de la ville,et dans un quartier bien aéré.
- Grâce surtout au produit de deux ventes de charité, qui ont donné 50,000 francs, on a construit une maison pour cinquante couturières, qui ont chacune un appartement composé d’une ou deux pièces, avec cuisine et d’autres dépendances, dont le loyer, de 8, 10, 12 francs par mois pour une pièce et 16 francs pour deux, n’est au plus que les deux tiers de ce qu’elles auraient à payer ailleurs, et elles sont beaucoup mieux logées.
- L’hiver étant chez nous très long et bien fatiguant pour les couturières, nous avons pensé qu’il serait très bon pour elles, de pouvoir, en été, passer quelque temps dans des familles habitant la campagne et, dans ce but, nous avons inséré un avis dans les journaux, pour demander que, pendant les vacances, période de morte saison, on voulût bien, moyennant un travail de 3 ou 4 heures par jour, héberger gratuitement quelques membres de l’association. Cette demande a été favorablement accueillie et nous avons, dans les dernières années, envoyé de 50 à 70 jeunes filles à la campagne ; elles sont revenues fortifiées et charmées de l’hospitalité qu’elles avaient reçue. Les chemins de ter de l’Etat et la société générale des bateaux à vapeur leur ont accordé voyage gratuit.
- Il y a cependant deux choses à remarquer. D’abord nous n’envoyons pas aux familles des malades dans le sens propre du mot; grâce aux cotisations des membres honoraires et à une subvention de la caisse d’épargne de Copenhague, les malades sont placées pendant tout l’été dans des pensions spéciales. Ce ne sont que des jeunes filles, fatiguées par un long travail, que, sur la désignation des médecins, on envoie ainsi à la campagne. Et encore faut-il prendre soin de ne choisir que celles dont les dames directrices de l’association savent qu’elles ont une bonne renommée.
- L’introduction de la gymnastique est la dernière mesure dont il me reste à parler, et on comprendra facilement qu’elle peut être d’une grande utilité pour des personnes qui sont une grande partie de la journée assises, courbées sur leur ouvrage. Louis Brandès,
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- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen.
- Corse. Montemaggiore. — Bastianelli Ramier, journalier;— Mariani Charles-Sylvestre, gendarme en retraite ; — Emmanuelli André,, propriétaire ;— Grimaldi Jean, marchand;— Pandolfi Bonitace, boucher;— Orsoni Jean-Dominique, proprietaire ; — Busterucci Jean-Auguste, prêtre ; — Manuelli, propriétaire ; — Giudicelli Philippe ; — Rossi Philippe Tremisi Jean;— Sinibaldi AntoineSilvestri Bo-niface ;— Olivi Pierre-Antoine ;— Grimaldi Jean, journalier ;
- — Grimaldi Ignace ;— Emmanuelli Elie ; — Tremisi Xavier ;
- — Ursini Dominique ; — Grimaldi Antoine ; — Giudicelli Pierre.
- Cassano. — Graziani Vincent, — Guglielmi Pierre-Paul,
- — Graziani Jean, propriétaires ;— Antonini Jean-François,— Guglielmi, négociants ;— Giannoni, propriétaire ;— Giannoni, menuisier ;— Giannoni Martino,cultivateur ;— Giannoni Charles-Louis,— Marsalli Louis, propriétaires;— Grisoni Noël’ instituteur; — Pranchi Jacques-François,cultivateur ;—Antonini Noël, étudiant ;— Rocca,journalier;— ColombaniToussaint,
- — Morali François-Antoine, propriétaires ;— Antonini François, cultivateur ; — Pétris Antoine, — Pétris Jean-Baptiste, propriétaires;— Franchi Pascal, — Franchi Pascal, — FranchiAlban, cultivateurs; — Pétris Simon-Jean, propriétaire ;— Depetris Jacquet ;— Pétris Simon-Jean, cultivateur ; Polloni, menuisier ;— Angelini François, prêtre Giannoni Joseph, abbée ;— Graziani Jacques-Toussaint, propriétaire.
- Haute-Vienne. St-Bonnet-de-Bellac.— Marchander Pierre-Auguste, — Chartrou Elie, instituteurs ; — Cou-rivaud Jean, propriétaire àBezaud ; — Pailler Jean, propriétaire et maçon à Lanigonnerie ;— Lavalade Pierre, propriétaire et professeur de l’Université ; — Brien propriétaire et maçon chez Pailler ;— Labarre Pierre, receveur buraliste ; — Pey-relade Jean, négociant ; — Lépinard André, boulanger ; — Bessaguet Pierre, marchand ;— Nicaud, notaire ;— Audebert Maurice, maçon et marchand;— RiffaudFrançois, aubergiste;
- — Rabette Léonard, sabottier;—Lagrange Maurice, boucher;
- — Maisonnier Jacques, cultivateur;— Guillemot André, rentier;— Principaud Pierre, maçon au Mas-du-Bost; — Carrin Baptiste, roulier au Mas-du-Bost ;— Pinet Pierre, cultivateur au Mas-du-Bost ; — Labarre, sabottier au Mas-du-Bost ; — Propin Maurice, maçon au Mas-du-Bost ;— Bessaguet Sylvain, maçon au Mas-du-Bost; — Lepine François, journalier au Mas-du-Bost ;— Champigny François, journalier au Mas-du-Bost Serier Pierre, colon au Mas-du-Bost;— Monsignon, cultivateur au Mas-du-Bost; — Pailler Jacques, maçon au Mas-du-Bost ; — Michelet Barthélemy, maçon au Mas-du-Bost ;— Desbordes Simon, charpentier à Bezaud ;— Bouquet, maçon à Bezaud Bouquet François, propriétaire Propin Léonard, aubergiste àBezaud ;—Peyrelade, maçon à Bezaud ;
- — Savard, maréchal à Bezaud;— Parpeix, scieur-de-Long à Bezaud ;— Parpeix Jean ;— Michelet Philippe à Bezaud ; — Perrin Léonard, maçon à Bezaud; — Pailler, propriétaire à Bezaud ; — Imbert Jean, maçon à Bezaud ; — Imbert Léonard, rentier à Bezaud ; — Peyrelade Michel, entrepreneur à Bezaud ; — Pailler Michel, journalier à Bezaud ; — Léger Jacques, maçon à Bezaud;— Desbordes Pierre, àBezaud; — Naudin Jean, maçon.
- MAITRE PIERRE
- Par Edmond ABOUT VII
- HISTOIRE DU PETIT CHEVAL GRIS
- (Suite.)
- C'est alors que le maire de Bulos me fit comparaître en sa cuisine, devant le conseil municipal assemblé, car la maison commune n’était pas encore bâtie : « Pierre, me dit-il avec toute la gravité que son écharpe lui prêtait, jes administrateurs de Bulos, réunis extraordinairement dans le local ordinaire de leurs séances, sont heureux de récompenser votre conduite par une allocution mémorable et élogieuse. En détruisant les animaux rédhibitoires qui portaient ombrage à la prospérité de nos troupeaux, vous avez purgé le pays. Non content d’avoir donné cette garantie à la sécurité publique dont vos concitoyens étaient perpétuellement menacés, vous avez élevé un monument du progrès en faisant couler l’eau qui infectait le patrimoine de vos ancêtres, suivant ainsi les leçons d’une expérience qui n’avait pas encore été pratiquée et les conseils de vos administrateurs ici présents. Et ce qui ajoute au prix de vos belles actions, c’est que vons étiez uii simple enfant de rien, fils de je ne sais qui, nourri dans le vagabondage, et destiné peut-être à finir sur l’échafaud comme nous sommes prêts à le certifier à votre honneur. Courage donc, jeune homme, et cueillez le laurier qui manque encore à votre couronne civique. Ramenez sous le toit de leurs maîtres légitimes. . . . ramenez. ... ramenez, tu sais bien ce que je veux dire, et, si j’ai oublié la phrase, il n’y a pas de quoi faire l’étonné. Ton petit cheval gris nous ennuie, et j’en ai assez du troupeau sauvage. Va-t’en mettre le grappin sur ces animaux-là, et flanque-moi-les tous à l’écurie. Rondement. »
- « Ce discours avait été rédigé par le magister de la Canau, car nous n’avions pas encore une école à Bulos. Tous les conseillers municipaux appuyèrent la proposition du maire, et l’on me fit savoir des communes voisines que je satisferais tout le monde en obéissant à mon tuteur. Je ne sais d’où le mot d’ordre était parti, mais il n’y avait qu’une voix contre les chevaux sauvages, et surtout contre mon ancien ami. Vous connaissez le proverbe : « Qui veut noyer son chien, l’accuse delà rage. » On accusait le petit cheval gris de manger les troupeaux et les bergers, et de faire à lui seul la besogne de trois loups. Je défendais sa réputation, tout en avouant qu’il avait pu changer depuis que nous ne nous voyions plus-Cependant, si l’on m’avait demandé de le mettre à mort, j’aurais refusé tout net. Il fallut que ses propriétaires me promissent de le traiter avec tous les égards qui lul étaient dus, et de lui assurer les invalides pour sa vieil lesse. Alors je partis pour le chercher, et je me vantai de
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- l’amener au galop jusque dans l’écurie du maire, qui en avait pour soixante francs. Pendant tous ces pourparlers, les actions avaient monté, et, tel qui s’était procuré une part au prix de dix francs, ne l’aurait plus donnée pour dix écus.
- « Je me mis en route sans mon fusil pour inspirer plus de confiance au pauvre petit camarade, et lui prouver que nous n’allions pas faire la chasse aux loups. Il se fit chercher bien longtemps, car il s'était établi avec tout son inonde dans les environs d’Arês, pour n’avoir plus le chagrin de me rencontrer. Je vous assure, monsieur, que l’homme qui aurait assisté à notre dernière entrevue en eût été touché. On ne se fit pas de reproches, on ne dit pas un mot des querelles passées, on oublia quelques griefs réciproques pour ne se rappeler que les bons jours. Nous pleurions tous les deux : lui, du plaisir de me revoir ; moi de l’idée que j’allais le trahir. Je sautai sur son dos, et il s’y prêta de bonne grâce ; je le flattai des deux mains, il se mit à hennir joyeusement, et partit au petit galop. Toute sa bande était là, attendant mon bon plaisir : car nous allions tantôt seuls, tantôt escortés de vingt chevaux. Je leur fis signe de venir avec nous, et ils galopèrent à notre suite en si bon ordre, que j'avais l’air d’un capitaine de hussards à la tête de vingt cavaliers invisibles.
- « Tout alla bien jusqu’à cinq cents mètres de Bulos. Les paysans étaient rentrés chez eux de peur d’effaroucher les bêtes. Mon petit cheval gris ne témoignait aucun soupçon, quoique étonné de sortir de ses dunes et de parcourir un pays inconnu. Lorsqu’il vit que nous courions droit au village, il retourna deux ou trois fois la tête vers moi, et le regard de ses gros yeux ronds troubla quelque peu ma conscience. Mais comme j’étais allé trop loin pour reculer, j’affermis mon assiette, je serrais ses flancs entre mes mollets, et je lui sanglai un coup de bâton le long de l’épaule. Mais, va te promener î il se roula par terre comme un chien gêné par les puces. Je sentis craquer tous mes os, et je fus aussi meurtri qu’un grain sous la meule. Lorsqu’on vint me ramasser, je croyais être en miettes et qu’on me porterait au village dans trois paniers. Quant aux chevaux, serviteur ! ils étaient loin.
- « Mais j’étais piqué dans mon amour-propre, et l’affaire ne pouvait pas en rester là. Je pris trois semaines de repos, juste le temps qu’il fallait pour soigner ma courbature ; après quoi je montai une expédition dans toutes les règles. Je rassemblai les meilleurs chevaux et les meilleurs cavaliers du pays, je choisis les positions, J occupai les défilés, je disposai des relais de distance en distance, je taillai à chacun sa besogne, et quand tout fut Prét pour fatiguer, dépayser et cerner l’ennemi, je jetai toon fusil sur mon épaule et j e mis le pied dans l’étrier.
- « Vous ne le croiriez pas si vous le lisiez dans un livre, mais la poursuite dura huit jours. Je courais comme un Cosaque, bride abbatue, sans manger ni dormir. Quand mon cheval tombait sous moi, je sautais sur un autre, et j’en fatiguai plus de trente avant de joindre le troupeau. Mes compagnons entraînés par l’exemple, étaient comme des fous. Ils galopaient, ils criaient, ils déchiraient les flancs de leurs montures à grands coups d’éperons, ils déchargeaient leurs fusils en l’air pour exciter les chevaux et s’étourdir eux-mêmes. Quant au petit cheval gris, c’était bien le général le plus étonnant qui eût jamais commandé une armée. Il fit des prodiges pour ménager son monde et pour nous mettre sur les dents. Il fuyait savamment par les chemins les plus courts et les plus faciles, jusqu’à ce qu’il vit ses gens en sûreté. Lorsqu’il les avait installés à bonne distance et dans un joli pâturage, il leur disait : « Mangez, soufflez et reposez-vous ; moi je veille. » Aussitôt il montait sur quelque dune élevée, et il nous regardait venir. Savez-vous ce que nous lui avons pris de monde en huit jours ? trois poulains fourbus et une vieille jument écloppée. Il s’arrêta pourtant, à la fin, recru de fatigue et haletant à faire peine. Nous accourions comme une volée de canards, en poussant de grands cris : il nous attendit de pied ferme, cloué sur ses quatre jambes comme un cheval de bois. Ses camarades harassés de fatigue ne pensaient plus à fuir, et broutaient l’herbe çà et là autour de lui.
- « Je me fis apporter un licol, et je vins prendre possession de mon prisonnier en détournant la tête, car je n’osais pas trop le regarder en face. Il me laissa venir à portée, et, au moment où je m’y attendais le moins, il se cabra .de toute sa hauteur et m’appliqua un de ces for-dables coups de poing dont on ne se relève pas toujours. Je ne me souviens pas de ce qui s’est passé ensuite, mais un homme qui a la tête fendue n’est point maître de sa colère, et je crois que les vieilles armes dont on s’est servi dix ans vous partent toutes seules entre les mains. Quand je revins à moi, le sang me coulait dans le cou, et je vis par terre un grand corps aplati, allongé, difforme, et qui ressemblait plus à une loque qu’à mon beau, mon noble, mon vaillant cheval gris. (A suivre.)
- État civil du Familistère.
- Semaine du 13 au 19 juillet 1885.
- Naissances :
- Le 13 juillet, de Mathieu Emilia-Thérèse et de Mathieu Augustine-Thérèse, filles de Mathieu Eugène et de Leroux Eugénie.
- Le 18 juillet, de Lebel Blanche-Aurélie, fille de Lebel Marcellin et de Rabelle Victoire.
- Le 18juillet, de Nicolas Hélène-Marie fille de Nicolas Jules et de Jeannot Rosalie.
- Le Directeur-Gérant : GODIN.
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- LIBRAIRIE DU FAMILISTERE
- GrTJISE (Aisne)
- OUVRAGES DE M. GODIN, Fondateur du Familistère
- Le Gouvernement, ce qu'il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action.
- raineté, l'association des ouvriers aux bénéfices de l’industrie, les habitations ouvrières, etc., etc.
- L’ouvrage est terminé par une proposition de loi à la Chambre des députés sur l’organisation de l’assurance nationale de tous les citoyens contre la misère.
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- vue générale de l’établissement, les vues intérieures du palais, plans et nombreuses gravures :
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- Mutualité sociale et Association du Capital et du Travail ou extinction du paupérisme
- par la consécration du droit naturel des faibles au nécessaire et du droit des travailleurs à participer aux bénéfices de la production.
- Ce volume contient les statuts et règlements de la Société du Familistère de Guise.
- In-8° broché, avec la vue générale des établissements de l’association.................... -. . 5 fr.
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- Mutualité nationale contre la Misère. — Pétition et proposition de loi à la Chambre des députés
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- Les Socialistes et les Droits du travail . . 0,40 cent. La Richesse au service du peuple .... 0,40 cent.
- La Politique du travail et la Politique des privilèges. 0,40 La Souveraineté et les Droits du peuple............0,40
- ETUDES SOCIALES
- N° 1 - Le Familistère. brochure illustrée contenant cinq vues du Familistère et de ses
- dépendances, fait connaître les résultats obtenus par l’association du capital et du travail, association
- ouvrière au capital de 6.600.000 francs.................................................0 fr. 40
- Dix exemplaires 2 fr. 50.
- N" 2 La Réforme électorale et la Révision constitutionnelle ...................o fr. 25
- R° 3 - L’Arbitrage international et le Désarmement européen.....................ofr.as
- N° 4 - L’Hérédité de l’État ou la Réforme des impôts............................0 fr. 25
- N° 5 - Associations ouvrières. — Enquête de la commission extra-parlementaire au ministère
- de l’Intérieur. Déposition de M. GODIN, fondateur de la Société du Familistère de Guise,
- Les N0s 2 à 5 des Études sociales se vendent : 10 exemplaires 2 fr.
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- Histoire de l’association agricole de Ralahine (Irlande). Résumé des documents de
- M. E. T. Craig, secrétaire et administrateur de l’association. Ouvrage d’un intérêt dramatique, traduit par Marie Moret.....................................................................0,75 cent.
- Histoire des eQuitehïes pionniers de Rochdnle, de g. j. holyoake. Résumé traduit de
- l’anglais, par Marie Moret............................................................ 0,75 cent-
- La Fille de son Père. Roman socialiste américain, de Mme Marie FIowland, traduction de M. M., vol. broché............................................................... . 3 fr. 50
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- 'luise.-- lmp. Baré
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- 9e Année, Tome 9. — N' 360 Le numéro hebdomadaire %Q c. Dimanche 2 Août 1885
- LE DEVOIR
- BUREAU
- a GUISE (Aisne)
- Toutes les communications
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- et réclamations doivent être adressées à
- France
- Un an ... 10 Ir. »»
- Union postale Un an. . . . Ilfr. »»
- M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- Six mois. . . 6 »• Trois mois. . 3 »»
- Autres pays
- Un an. . . . 13 fr. 60
- ON S’ABONNE
- A PARIS
- , rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- Rapport du Délégué du Familistère.
- Messieurs,
- Mandaté par le fondateur du Familistère pour prendre part au premier congrès des coopérateurs français, je vous lirai d’abord un court exposé des vues de M. Godin concernant les tendances de la Coopération.
- Vous savez tous quelle autorité appartient, en cette matière, à un homme aussi profondément versé dans les études sociologiques et qui a organisé pratiquement la plus complète institution coopérative qui soit au monde.
- Voici ce document :
- Chers Coopérateurs et Confrères,
- Ne pouvant me rendre parmi vous, je crois devoir vous faire parvenir quelques conseils, en vue d’aider aux études que le congrès doit accomplir. M. Deynaud, représentant de la société du Familistère, se charge d’en saisir le congrès ; il donnera en outre toutes les explications utiles sur notre association.
- Ce que je tiens à vous dire particulièrement, c’est Que l’avenir de la coopération dépend de l’intelligence et de l’amour du bien que les sociétés apporteront dans l’emploi des ressources créées par la coopération.
- Pour devenir réellement une cause d’améliora-ii°n sociale, il faut que la coopération s’inspire de
- a devise au nom de laquelle la convocation du c°ngrès a été faite :
- Tous pour chacun, chacun pour tous.
- Pour qu’il en soit ainsi, la coopération doit être autre chose qu’une entreprise mercantile, l’idée du gain peut entrer dans la pensée de sa fondation, mais elle doit en même temps poursuivre un but supérieur : celui de l’émancipation et de l’indépendance des travailleurs.
- La coopération pourrait puissamment contribuer à cette œuvre d’émancipation, si elle arrivait à concevoir et à vouloir un emploi rationnel des bénéfices qu’elle est appelé e à réaliser.
- C’est là, il est vrai, la partie difficile du problème ; car le succès des sociétés coopératives dépend beaucoup des avantages immédiats qu’elles offrent à leurs membres. Nombre de ces derniers sont plus pressés de jouir, de suite, d’un médiocre avantage que de chercher à obtenir tout ce que les sociétés bien dirigées pourraient faire pour le relè vement des masses laborieuses.
- La tendance à se partager immédiatement les bénéfices, à en faire l’objet d’une appropriation pécuniaire individuelle, provient delà pensée égoïste du chacun pour soi ; ce qui est loin du chacun pour tous et du tous pour chacun. Il faut donc réformer cette tendance ; il faut éclairer cette ignorance.
- L’art de constituer les sociétés coopératives pour les faire réellement servir à l’amélioration du sort de la classe ouvrière, consisterait à convertir le sentiment égoïste en une conception mieux entendue de l’intérêt commun, à faire comprendre à la masse que ce qu’il faut chercher ce sont les bienfaits dura-
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- blés de fondations assurant l’indépendance des travailleurs et les garantissant contre la misère et le besoin.
- Pour atteindre ce but, il faut d’abord que les sociétés coopératives ne perdent pas de vue qu’un lien fraternel doit unir leurs membres. Il faut donc, dès la fondation d’une société coopérative, que ses statuts instituent la mutualité entre les membres, que ceux-ci s’imposent une cotisation spéciale, mensuelle, destinée à établir entre eux un système de mutualité capable de leur assurer les sécurités nécessaires pendant la maladie et la vieillesse. La société coopérative viendra ensuite apporter une subvention à cette mutualité dans la proportion d’un tantième des cotisations, tantième à fixer pour être prévelé sur les bénéfices. Ainsi serait établi le lien d’union, le lien fraternel coopératif.
- Quoi de plus nécessaire que de nous aider les uns les autres dans Je malheur. N’est-ce pas un des premiers devoirs de la société coopérative d’organiser la mutualité entre tous ses membres et de les garantir contre le besoin ?
- Vient ensuite l’important problème de la répartition et de l’emploi des bénéfices, sujet resté jusqu’ici à peu près à l’état d’ébauche dans les sociétés coopératives.
- Sur ce point encore je désire attirer votre plus sérieuse attention; car c’est dans le mode de répartition des bénéfices ou plutôt dans leur emploi que se trouve la puissance future de la coopération. Suivant moi, les sociétés coopératives ne devraient pas se dessaisir des bénéfices qu’elles font; elles d evraient les inscrire au compte de chacun des membres ayants-droit et ne les leur délivrer qu’en titres d’action rapportant un intérêt convenu, celui par exemple des fonds d’Etat. De cette manière les coopérateurs, quoique mis en possession de leurs dividendes, en laisseraient la valeur dans le mouvement coopératif. Les sociétés coopératives se verraient de cette façon vite à la tête de capitaux importants ; elles pourraient étendre la coopération de la consommation à la production, c’est-à-dire fonder des ateliers d’industrie et de culture coopératives, ateliers dans lesquels tous les ouvriers seraient considérés comme coopérateurs dans la proportion de leur travail ou de leur salaire.
- Devenant riches, les sociétés coopératives n’arrêteraient pas là leur essor, elles pourraient, en outre, fonder des palais d’habitation à proximité des champs de travail et des ateliers. Ces fondations seraient la représentation des capitaux cons-
- tituant la propriété collective des coopérateurs.
- Les bénéfices commerciaux, les bénéfices industriels et les recettes locatives feraient alors partie de la répartition coopérative ; le travail et les travailleurs pe seraient plus exclus du partage des bénéfices dont ils sont les principaux agents.
- La coopération deviendrait donc tout à la fois commerciale, industrielle et locative.
- Ainsi appliquée à la production, à l’habitation et à la consommation, la coopération deviendrait l’association des ressources et des forces humaines. En solidarisant ainsi les individus et les familles, les sociétés coopératives contribueraient puissamment à donner,au travail et aux ouvriers, les sécurités qui leur font défaut.
- Telles sont les grandes lignes sur lesquelles j’ai cru devoir attirer l’attention des coopérateurs. Tel est le but vers lequel les sociétés coopératives doivent tendre pour travailler sérieusement à l’amélioration du sort de leurs membres et au plus grand bien de la société tout entière. Godin.
- Laissez-moi vous dire maintenant comment les Familistériens comprennent le principe de la Coopération, ses applications progressives et son but.
- Le Familistère de Guise est une association dans laquelle la Coopération fonctionne sous ses formes les plus diverses : l’habitation, l’approvisionnement, l’enseignement, la production, la mutualité, les services de propreté et d’hygiène, même plusieurs services d’agréments y sont organisés d’après les principes de la Coopération.
- Ce groupe de 2,000 personnes possède une usine où l’on fabrique, avec la fonte de fer, des appareils de chauffage et des articles d’ameublement; le capital social est de 6,000,000defr.,environ ; lechiffre des affaires annuelles approche 4,000,000; l’association paie annuellementprès de 2,000,000 fr., de salaires ; les ventes de ses magasins deconsommationet les loyers s’élèvent à 600,000 fr. environ. Les fonds des réserves,abondamment pourvus, lui permettent de réaliser, à chaque instant, dans ses installations, tous les progrès que conseille l’avancement des sciences et de l’industrie.Sa mutualité alimentée par des cotisations régulières,par des subventions largement calculées, par les revenus d’un fonds de réserve toujours croissant, qui dépasse déjà 700,000 fr., dépense annuellement plus de 100,000 francs en secours mutuels, en pensions, en garantie du minimum de subsistance. Les logements des Familistériens sont répartis dans trois palais so-
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- ciaux où habitent plus de 600familles. L’association est propriétaire de ses écoles ; elle dirige elle- même l’enseignement de ses 400 entants ; le personnel enseignant compte 17 maîtres ou maîtresses ; son budget de l’enseignement dépasse 35,000 fr. Un théâtre machiné, contenant plus de 1,200 spectateurs, appartient à l’association qui entretient, en outre, de vastes pelouses et de beaux jardins pour la distraction de ses membres; elle leur loue aussi des jardins parcellaires. Un établissement de buanderie et lavoirs, des bains parfaitement installés et une piscine alimentée par un courant continu d’eau chaude facilitent les soins hygiéniques. Des sociétés musicales, de gymnastique, d’archers, de joueurs de boules, etc., etc., y forment des groupes nombreux organisés selon les préférences de leurs membres; ces groupes partiels obtiennent de l’association les locaux et les emplacements nécessaires à leurs exercices et à leurs jeux. On y célèbre, chaque année, avec beaucoup de solennité, les Fêtes du Travail et de l’Enfance.
- Le Familistère, envisagé dans sa constitution propre, est une petite république coopérative ; au point de vue social, il représente un groupe unitaire d’une société fondée d’après les principes de la solidarité.
- Les théories familistériennes, les applications réalisées établissent péremptoirement la convergence des moyens proposés par les humanitaires de toutes les écoles qui, fait curieux, continuent à être en divergence d’opinions, comme si cette communauté de fins n’était pas démontrée par l’existence du Familistère.
- Cette fondation, que tant de progressistes pourraient invoquer à l’appui de leurs théories, est systématiquement décriée ou volontairement oubliée par la plupart de ceux qui auraient intérêt à en faire ressortir les irréfutables enseignements. Cependant, les efforts persévérants de son fondateur et de quelques hommes de bonne volonté commencent à avoir raison de l’indifférence et de la malignité des individualités que contrarie une œuvre aussi rationnelle.
- Les socialistes révolutionnaires ne pardonnent pas au Familistère de démontrer que, lorsque les classes dirigeantes, par bonne volonté ou bien sous la poussée populaire, recourront aux procédés pacifiques et progressifs de transition que conseille la théorie familistérienne, les travailleurs auront commencé la rapide évolution conduisant à leur émancipation intégrale.
- Cependant la socialisation par les Familistériens, en quelques années, de tous les moyens de production qui étaient, il y a peu de temps, la propriété individuelle de M. Godin, sera bientôt un fait accompli.
- Et nos services d'approvisionnement, d’enseignement,de mutualité, de propreté, d’agréments, dans lesquels la forme coopérative efface les défauts de la plupart des services administratifs ordinaires,ne sont-ils pas des faits précieux dont devraient s’emparer tous ceux qui s’épuisent à propager par des abstractions les idées de socialisation et de services publics ?
- Nos fonds de réserves, nos dotations de mutualité ne sont-ils pas des institutions dignes de l’admiration des mutualistes ?
- Enfin on ne trouvera pas un mot écrit par le fondateur du Familistère, dont puisse s’émouvoir aucune école. Il n’a jamais prétendu que les pratiques en vigueur au Familistère fussent les seules admissibles ; il ne les a jamais présentées comme des limites qu’il ne fallait pas franchir, ou bien comme des institutions parfaites, finies, qui devaient exclure d’autres tentatives.
- La théorie familistérienne est large ; elle ne nie aucune des conditions de l’émancipation intégrale du Travail.
- Le Familistère est ce que son fondateur a jugé être immédiatement applicable avec les capitaux dont il disposait, avec les hommes qu’il avait sous la main, avec les conditions particulières inhérentes à son industrie et au régime économique et politique de la nation; en un mot, il n’a que la prétention d’avoir fait ce qu’il croyait pratique en tenant compte de sa puissance capitaliste, de la valeur des individus, et de l’état du milieu social ; trois facteurs, dont un seul ne peut être écarté ou faussement interprété par les praticiens sans qu’ils s’exposent à des échecs compromettants.
- Ce possible réalise, néanmoins, un progrès immense, colossal, que multiplierait le seul fait de l’existence d’un grand nombre d’autres groupes organisés d’après les mêmes principes.
- Malgré celte ampleur des théories, malgré ces belles expérimentations, les violents évitent de parler du Familistère, lorsqu’ils n’ont l’audace de le calomnier ; beaucoup de modérés, qu’on dirait, d’après leurs apparences, des fanatiques des moyens pacifiques châtrent les documents qu’ils soumettent au public lorsque quelques passages glorifient notre association.
- Il serait injuste de signaler ces procédés fârheux
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- sans rendre hommage aux bienveillantes sympathies que l’œuvre a toujours rencontrées auprès d’un grand nombre d’hommes d’élite. Si des pha-lanstériens ont reproché quelquefois au fondateur du Familistère de n’avoir pas suivi servilement les inspirations de l’immortel Fourier, beaucoup d’entre eux, et pas les moins dignes, ont toujours encouragé et loué les efforts et les réalisations de M. Godin. Ici même, parmi les représentants des Coopérateurs anglais et parmi les promoteurs de ce congrès, j’ai la satisfaction de rencontrer des personnalités qui n’ont jamais marchandé leurs sympathies à l’égard du Familistère.
- Vous me permettrez, citoyens, de souhaiter, au nom de mes commettants, la bienvenue à M. Neale, à l’ami du Familistère, à l’homme éminent par son savoir et par son expérience, qui, poussé par son dévouement à la cause du travail, a déjà traversé bien des fois la Manche pour venir étudier notre association et pour causer avec son fondateur des moyens pratiques les plus propres à hâter l’émancipation du Travail.
- Vous n’ignorez pas,Monsieur, tout ce que la Coopération doit à cet homme infatigable quiatoujours.mis au service des Goopérateurs anglais sa personne, ses talents de légiste, sa fortune, et qui, aujourd’hui encore, à un âge ou d’autres aspirent au repos, a généreusement accepté les fatigues de l’exécution de ce nouveau mandat.
- Monsieur Neale, sans négliger un seul instant les intérêts des groupements coopératifs constitués sous le régime d’une fragile tolérance, a pris la part la plus active à l’élaboration de l’admirable loi anglaise sur les associations ouvrières.
- Combien il serait désirable qu’un si bel exemple trouvât en France un imitateur !
- La présence avec M. Neale de M. Holyoake l’auteur de l’histoire des pionniers de Rochdale, et de M. Johnston un des membres du conseil administratif de l’Union coopérative de la Grande-Bretagne, leur empressement à venir au milieu de nous prouvent assez quelle importance les Coopérateurs anglais attribuent à l’union des Goopérateurs français.
- Les Familistériens aussi veulent cette union. Nous disons :
- Aux Mutualistes, qu’ils n’ont pas raison de nous renier, si, poussant la Mutualité au delà de leurs conceptions, nous avons dépassé les limites qu’ils avaient prévues;
- Aux Coopérateurs, que l’adjonction de la Mutua*
- lité aux œuvres de Coopération et la constitution par elle d’une propriété sociale ne sont qu’une con firmation de la possibilité de l’adaptation universelle de la Coopération à tous les besoins de la vie.
- Aux révolutionnaires, aux socialistes, que la Coopération, la Mutualité sont les correctifs nécessaires de la puissance et de l’autorité sociales.
- Le Familistère, dont j’aurais tant à dire si je me trouvais au milieu d’une assemblée de capitalistes philanthropes animés de bonnes intentions et possédant les moyens de les réaliser, n’est pas un exemple que je puisse vous proposer comme modèle à imiter immédiatement, à vous citoyens de bonne volonté qui ne possédez, la plupart, d’autre levier que le travail et le dévouement à la cause publique. Nous ne vous demanderons pas de faire plus que vous ne pouvez avec ces deux qualités, souvent unique apanage des travailleurs les mieux dotés. Mais avant de parler des premiers pas de la Coopération, de ses étapes successives, il m’a semblé utile de vous engager à viser un but dont on ne peut contester la possibilité, puisqu’il consisterait à généraliser des fondations analogues à un groupe unitaire, fort et prospère, dont la vitalité s’affirme chaque jour d’une manière éclatante.
- Le Familistère de Guise, où la Coopération se manifeste partout n’est pas un produit delà Coopération.
- Presque toutes les formes de la Coopération y ont été assemblées par le fait de l’association d’un capitaliste avec ses ouvriers en vertu d’un contrat, dont chaque clause était une déduction des théories coopératives, telles que doit les comprendre celui qui poursuit une amélioration sociale et non un perfectionnement d’un moyen d’exploitation et de concurrence.
- Le commencement de cette association était entièrement dépendant de l’initiative du capitaliste qui pouvait continuer son industrie sous la forme du salariat, avec ses propres ouvriers satisfaits de cette exploitation, tandis que les ouvriers n’avaient pas le choix entre plusieurs capitalistes. Le capital utilisé, au Familistère, en vue d'améliorer le sort des classes laborieuses, par un homme conscient des conditions de cette amélioration, aurait pu être employé à aggraver l’exploitation du travail, ainsi que peuvent le faire les capitalistes riches aussi fortement pourvus de connaissances et de relations industrielles.
- Si le capital,aidé de la sociologie, a pu produire un groupe coopératif aussi complet, la Coopération
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- s’inspirant de cette même science, peut accumuler les capitaux indispensables à de nouvelles fondations.
- La Coopération peut provenir de la commandite ; mais elle peut naître aussi d’elle-même et grandir par les efforts de ses partisans, au point de pouvoir constituer progressivement des groupes complets.
- Je m’attacherai donc à examiner, d’après le critérium familistérien, quelques possibilités de cet ordre, les seules que peuvent entreprendre des Coopérateurs ayant tout à tirer de cette institution.
- Mais la Coopération, comme tant d’autres institutions, peut être détournée de sa mission, ne pas faire tou t le bien qu’on est en droit d’attendre d’elle, même, dans certains cas, les apparentes améliorations qu’on lui attribue ne sont en réalité que de décevantes illusions.
- Je m’explique :
- Beaucoup présentent la Coopération comme un moyen de concurrence ; ils ne la conseillent que parce qu’ils espèrent amener par elle un abaissement du prix des objets consommés par les classes laborieuses, par suite une diminution des salaires, qui permettra à nos industriels,à nos commerçants de lutter avantageusement sur le marché extérieur et d’y acquérir des débouchés considérables.
- Nous considérons ces tendances comme déplorables et essentiellement perturbatrices.
- En effet, si des industriels étrangers nous concurrencent victorieusement par l’emploi de salariés à meilleur marché que ceux de notre industrie, mais soumis, comme les nôtres, aux exigences de l’approvisionnement commercial, c’est que ces travailleurs jouissent de certains avantages généraux indépendants du mode d’approvisionnement ; de telle sorte que si, chez nous et chez ces peuples,on passe du régime de l’approvisionnement commercial à celui de l’approvisionnement coopératif, les différences subsisteront à peu près identiques à ce qu’elles étaient primitivement.
- Supposons que, pour reprendre la prépondérance sur les marchés extérieurs, on organise partout, en France, l’approvisionnement coopératif, afin d obtenir par la vie h meilleur marché la réduc-hon des salaires ; il arrivera inévitablement que ûos voisins, constatant un ralentissement dans le Mouvement de leurs affaires, en rechercheront les causes ; dès qu’ils sauront qu’elles sont dues à * aPPücation de la Coopération, ils s’empresseront
- de la vulgariser parmi leurs populations ouvrières ; enfin, la concurrence ramènera la situation de la veille.
- A cela, certains répondent que l’on aura une avance et les bénéfices de cette avance.
- Hélas 1 par ce temps d'enquêtes et de congrès, la concurrence sera peut-être organisée avant que le peuple initiateur de la Coopération ait acquis le moindre avantage commercial. N’avions nous pas, il y a à peine quelques années, une avance acquise: par le fait que notre vie industrielle avait pris son plein épanouissement, avant que d’autres peuples qui nous concurrencent aujourd’hui aient commencé à créer leur industrie ?
- Que reste-t-il de cette situation acquise ?
- La Coopération, entreprise comme moyen df concurrence, n’aura pas d’effets durables ; si elle peut arrêter momentanément l’aggravation d’une crise économique, cette atténuation ne sera que passagère; bientôt surviendront des troubles plus intenses et plus difficilement curables.
- La Coopération que nous pratiquons, celle que nous conseillons, à besoin d’être dirigée par des hommes désireux de travailler au perfectionnement de l’humanité. Aussi réduites que soient les premières tentatives, il est indispensable que ceux qui les inspirent aient conscience de l’ensemble de la question sociale et qu’ils concourent pour quelque chose à sa solution.
- Le problème qui se pose aux nations civilisées est de donner aux classes laborieuses un accès à la consommation proportionnel au développement de l’ensemble de la production.
- L’impuissance de nos institutions actuelles à avancer dans cette voie d’une manière satisfaisante n’est pas à démontrer théoriquement. Les faits proclament malheureusement avec trop d’évidence que, si toutes les familles d’ouvriers français aujourd’hui privés du nécessaire pouvaient satisfaire leurs besoins, nous n’aurions pas à chercher des débouchés ailleurs ; mais nous avons vu notre puissance de production doubler, tripler, quadrupler, pendant une période relativement courte, sans que l’on ait constaté parallèlement une double, triple, quadruple augmentation du bien-être ouvrier.
- Pour que l’amélioration du sort des travailleurs devienne proportionnelle au développement de la production, pour que la puissance de consommation du travailleur devienne équivalente à sa puissance de production, il faut que les bénéfices que le tra-
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- vailleur produit, reviennent au travailleur. L’association peut seule les lui donner.
- La Coopération bien comprise aurait le pouvoir d’opérer cette association.
- Mais la Coopération, pratiquée dans le seul but d’un bénéfice à partager ne serait qu’un moyen de plus d’exploiter le travail; constituée,au contraire, en vue d’appeler le travail à la participation aux bénéfices, elle profitera à la démocratie entière.
- Qu’on le veuille ou qu’on le conteste la Coopération, pour être féconde, doit viser l’élimination complète des intermédiaires inutiles, en leur substituant des associations mutuelles qui feraient leur besogne dans l’intérêt commun.
- Cette association, étendue à toutes les fonctions dans les agglomérations ouvrières, a une importance majeure.
- Si nous nous reportons au mouvement d’affaires que nous indique la comptabilité des Coopérateurs anglais pendant l’exercice 1884, soit 750,000,000 fr., nous pouvons déduire quels puissants moyens cela leur procurerait,si les 50,000,000 de bénéfice étaient employés à créer des sociétés coopératives de production, dans lesquelles les ouvriers seraient appelés à la participation aux bénéfices.
- Peut-on demander aux premiers groupes de la Coopération française de faire moins qu’imiter l’exemple des Equitables Pionniers de Rochdale?
- Oh! Messieurs, un ami du progrès, le représentant du groupe humain le plus avancé dans l’organisation du travail, dans une première assemblée, comme la vôtre, des éclaireurs de la Coopération manquerait au respect de la tradition et au devoir de la reconnaissance envers nos précurseurs, s’il ne rendait un solennel hommage aux lutteurs de la période héroïque de la Coopération.
- Qu’étaient les pionniers de Rochdale ?
- L’honorable Monsieur Holyoake, quenous avons l’honneur de compter parmi nos visiteurs anglais, a écrit une saisissante histoire des dévouements incomparables des héros de Rochdale. Son récit n’est point comme les chants d’Homère un assemblage de brillantes exagérations ou de poétiques fictions, il est simplement l’histoire vraie d’efforts qu’on ne pouvait supposer humains, avant qu’ils aient eu leurs Hercule.
- Vous me permettrez de dire quelques mots des premiers apôtres de la Coopération, d’après des extraits des ouvrages de M. Holyoake, traduits par madame Marie Moret, une Familistérienne, dont le dévouement à notre association et au progrès hu-
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- main lui assigne une place à côté des plus méritants
- Puisque j’ai parlé de l’histoire des Équitables Pionniers de Rochdale, j’exprimerai une idée personnelle, que je me propose de confirmer en vous demandant, à noire dernière séance, de voter une résolution invitant le gouvernement et les municipalités à rendre obligatoire dans toutes les écoles publiques la lecture de la traduction de Mme Moret.
- Je n’ai pas mandat de vous soumettre une semblable proposition, mais je la juge trop conforme aux besoins de notre cause et aux sentiments de mes commettants pour éprouver quelque hésitation à prendre cette initiative.
- En 1844, les Pionniers de Rochdale ne possédaient aucune fortune ; leur instruction était peu développée ; ils étaient de pauvres gens se demandant s’ils devaient émigrer ou réclamer le bénéfice de la loi des pauvres ; ces déshérités mirent fin à leur perplexité par une solennelle et héroïque résolution.
- Ils résolurent de se créer des moyens d’action par l’aide mutuel et de se procurer ainsi tout ce qui leur manquait, c’est- à-dire tout.
- Douze de ces capitalistes liliputiens s’engagèrent à verser un cotisation hebdomadaire de deux pences (quatre sous).
- Après 22 appels aux actionnaires, la société n’avait pas assez de fonds en caisse pour acheter un sac de farine. Au milieu des désespérances que causaient à ces convaincus leur apparente impuissance, ils eurent l’audace d’un sublime élan : ils osèrent mettre en discussion l’interrogation la plus profonde de la sociologie :
- « Quels sont les plus efficaces moyens d’améliorer la condition du peuple ?
- Après des discussions, remarquables surtout par la tolérance et la liberté des divers éléments qui y prirent part, la société fut enregistrée le 24 octobre 1844, sous ce titre : Société des Equitables Pionniers de Rochdale.
- Elle avait ainsi défini ses voies :
- « La société a pour but et pour objet de réaliser » un bénéfice pécuniaire et d’améliorer les condi-» lions domestiques et sociales de ses membres, au » moyen de l’épargne d’un capital divisé en actions » d’une livre (25 francs), afin de mettre en pratique » les plans suivants :
- » Acheter un magasin pour la vente des appr°"
- » visionnements, vêtements, etc., etc.
- » Acheter ou édifier un nombre de maisons des-» tinées aux membres qui désirent s’aider mutuel-
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- » lement pour améliorer leur condition domestique » et sociale.
- » Commencer la manufacture de tels produits que » la société jugera convenables pour l’emploi des » membres qui se trouveraient sans ouvrage ou de » ceux qui auraient à souffrir des réductions ré-» pétées sur leurs salaires.
- » Afin de donner aux membres plus de sécurité » et plus de bien-être, la société achètera ou pren-* » dra à loyer une terre qui sera cultivée par les » membres sans ouvrages, ou ceux dont le travail » serait mal rémunéré. »
- Vous pouvez voir comment les pionniers de la société de Rochdale étaient préoccupés d’associer le travail.
- Puis venait un projet que nulle nation n’a cherché depuis à atteindre et que nul enthousiaste n’a réalisé, si on excepte le fondateur du Familistère:
- « Aussitôt que faire se pourra la société procéde-» ra à l’organisation des forces de la production, » de la distribution, de l’éducation et de son pro-» pre gouvernement, ou, en d’autres termes, elle » établira une colonie indigène se soutenant par » elle-même et dans laquelle les intérêts seront unis. » La société viendra en aide aux autres sociétés » coopératives pour établir des colonies sembla-» blés. »
- Cette hardie proposition des Pionniers de Rochdale, M. Holyoake, lui-même l’a presque taxée d’être une utopie ; mais M. Godin l’a transformée en un fait aujourd’hui des plus évidents.
- La cotisation fut élevée ensuite à 6 pences par semaine. A la fin de l’année 1844, les Equitables Pionniers étaient à la tête de 700 fr.
- On ne peut résumer le récit des luttes, des hardies initiatives, des courageuses persévérances de ces incomparables, je me bornerai à extraire de la traduction de Mma Moret quelques chiffres du tableau donnant chaque année, de 1844 à 1880, le nombre des membres, le capital, le chiffre des affaires, et le total des bénéfices.
- Années Membres Capital social Chiffre d’affaires Bénéfices
- -1844 28 700 fr. » fr. » fr.
- 1850 600 57.225 329.475 22.000
- 1860 3450 942.750 3.801.575 397.650
- 1870 5560 2007.275 5.575.525 630.225
- 1880 10.613 7.314.250 7.091.375 1.213.625
- Voilà ce qu’ont pu la volonté et le travail par l’association des efforts.
- Ne convient-il pas de réclamer des Coopérateurs
- lançais qui opèrent dans un horizon si merveil-
- leusement exploré par les Equitables de Rochdale, qui sont aidés par les conseils et les enseignements des plus illustres de leurs successeurs, et, je dois le dire sans aucune réticence, qui peuvent voir et toucher les irréfutables expériences du Familistère, ne convient-il pas de leur demander de poursuivre l’œuvre si nettement formulée à Rochdale, sans jamais se laisser envahir par l’esprit de mercantilisme et de spéculation, au point de perdre de vue un seul instant,le rôle social que traçait la der-nière résolution réalisée en partie par le Familistère de Guise.
- Si vous voulez mettre en pratique les conseils de M. Godin : souder,dès maintenant,la mutualité et la Coopération pour donner une homogénéité indissoluble à vos groupements, puis accumuler les bénéfices et les consacrer annuellement à Fédification de fondations nouvelles, vous exercerez une influence salutaire sur le progrès, vous deviendrez les agents les plus actifs de la réforme sociale qui aboutira à l’avénement de la solidarité.
- Dès maintenant, si vous faites l’union des sociétés représentées et que toutes se décident à suivre la voie indiquée par les Equitables Pionniers, vous réaliserez,chaque année,une somme de progrès sociaux, dont vous ne pouvez avoir une idée approximative, si vous n’avez mûrement médité ces idées fécondes.
- Lorsque je vous parie d’union, je ne veux pas dire que vous devez agir désormais d’après une centralisation opposée à votre manière d'être et à vos tendances. Il suffit momentanément que chaque société procède,sous une même conception de l’avenir, dans lera^on qui lui est propre, en conservant son autonomie administrative, en ne demandant à la fédération que les avantages du groupement des achats et la facilité des ventes par la création d’un marché spécial, amélioration qu’aucune de vos sociétés ne peut obtenir isolément.
- Les Familistériens sont convaincus que vous ne ferez pas œuvre salutaire, si vous visez l’avilissement du prix des denrées de première nécessité, au lieu de chercher à constituer, au moyen de bénéfices modérés des fondations sociales.
- On se fait difficilement une idée de la fécondité de l’organisation et de l’introduction de la solidarité dans les œuvres sociales ; la plupart n’ ont pas la moindre notion de l’élévation possible du bien-être, si les hommes consentaient à adopter une organisation rationnelle.
- L’association du Familistère autorise de conclurai!
- tes déductions. Pour faire passer notre pays <
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- tier sous le régime familistérien, il suffirait de faire en France 18,000 Familistères comme celui de Guise. Si l’on considère que le capital de notre association est de6.000,000 francs, laconstitution de la France,en groupes comparables au nôtre n’ab sorbe-raitpas plus de 110 milliards, soit le tiers de la richessegénérale.Mais la totalité de la population ne pouvant se distribuer dans ces groupes sans y Incorporer la totalité de la richesse française, il arriverait que chaque groupe unitaire posséderait une richesse trois fois plus grande que celle de notre association.
- Eh bien, nous pouvons affirmer qu’une telle augmentation de richesse dans notre groupe, maintenant,malgré les causes nombreuses de diminution de bien-être inhérentes au milieu, donnerait aux moins bien partagés, à ceux que nous pourrions dire les plus malheureux, une aisance supérieure à celle de la moyenne bourgeoisie.
- Eri vous parlant ainsi, j’ai la prétention de ne point vous soumettrede projets irréalisables ou à trop longues échéances, si vous acceptiez les idées que nous vous proposons : Remplacer la distribution des dividendes par leur emploi en fondations nouvelles.
- En moins de 50 ans, les Equitables Pionniers sont parvenus à distribuer annuellement des dividendes dépassant 1,200,000 francs, c’est-à-dire une somme plus de 1,400 fois supérieure au capital de fondation, 700fr. Et l’ensemble de leurs imitateurs et de leurs continuateurs anglais distribue annuellement plus de 58.000,000 de fr. de dividendes, une somme 700,000 fois plus grande que le premier capital des Pionniers.
- Supposez que les coopérateurs anglais,renonçant à la distribution des dividendes, décident, comme vous le conseille le Fondateur du Familistère, de payer un intérêt modéré du Capital acquis par les coopérateurs et d’employer le supplément en œuvres comme la nôtre, chaqueannée, ils pourraient doter l’Angleterre d’une dizaine de nouveaux groupes unitaires ; et chaque création annuelle augmenterait sensiblement la puissance d’extension des Coopérateurs.
- Si les sociétés anglaises suivaient cette inspiration, avant d’avoir établi cent groupes, elles provoqueraient parmi les classes laborieuses un mouvement d’opinion qui contraindrait bientôt le gouvernement et toute la politique à favoriser l’évolution coopérative ; ce serait la transformation sociale à b - ève échéance.
- Je sais, citoyens, qu’en exposant ces projets, je heurte bien des préjugés et des erreurs; notamment, ceux répandus et entretenus par la sainte et infaillible économie politique sur l’impossibilité de la rapide transformation des sociétés.
- Peut-être,on n’a jamais tant parlé de cette lenteur, et jamais elle n’a été mieux démentie par les faits. Jepourrais vous citer ce qui se passe au Japon: un peuple qui en moins de vingt ans a adopté notre civi. lisationet se l’est assimilée.Mais, chez nous, que reste t-il,en fait,de ce qui existait au commencement du siècle ? Nos cultures, nosprocédés industriels, nos moyens de communications, de transports, notre habitation, nos vêtements, l’éducation de l’enfant, en quoi tout cela ressemble-t-il aux pratiques d’alors ?
- Les faits sont entièrement changés, et nous avons conservé, quand même, les vieilles théories. Elles seront bientôt effacées,lorsque vous aurez de nombreux imitateurs.
- L’œuvre des Coopérateurs n’est pas seulement l’élimination des intermédiaires et !a substitution de l’équitable échange au commerce. Suivant les inspirations des Equitables Pionniers et l’exemple du Fondateur du Familistère, vous devez améliorer la situation domestique et sociale des membres de vos sociétés, procéder à l’organisation des forces de la production, de la distribution, de l’éducation et de votre gouvernement par Vassociation.
- Vous pouvez faire cela, par la fédération,et par la capitalisation.
- Mais il faut renoncer à ces erreurs qui nous ont appris à juger de la grandeur nationale par la suprématie militaire, par la prépondérance industrielle ot commerciale ; il faut nous pénétrer de cette vérité que la grandeur d’une nation réside dans le degré de bien-être matériel et moral qu’elle procure à chacun de ses citoyens.
- Votre devise dit : Tous pour chacun et chacun pour tous.
- La concurrence dit : Tout au plus fort, au plus habile
- La société présente est basée sur la concurrence; l’économie politique vous enseigne que la concurrence est inéluctable.
- Soyez logiques : rayez votre devise; ou bien,mettez-vous courageusement à l’œuvre, en avouant avec retentissement que les Goopérateurs sont les Equitables Pionniers de la transformation sociale.
- S. DEYNAUD.
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- RENOUVELLEMENT ANNUEL
- PAR MOITIÉ OU PAR TIERS
- DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS
- L'élection annuelle et partielle de la Chambre des députés est la première réforme désirable ; ce serait la porte ouverte aux réformes pacifiques par l'influence du suffrage universel.
- Les individus dont l’esprit s’est rarement occupé de savoir comment le gouvernement démocratique du pays pourrait être constitué le plus avantageusement pour» le bonheur du peuple, trouvent indifférent que l’élection des mandataires du peuple soit faite à un moment ou à un autre, pour un long terme ou pour un court délai ; néanmoins, ils voient dans ce dernier cas un inconvénient parce que cela les oblige presque à s’occuper des affaires publiques dont ils se soucient fort peu.
- L’élection d’un député est à leurs yeux une cause de dérangement ; moins souvent on la fait, mieux cela vaut. Ainsi raisonnent les esprits pusillanimes, ils ne vont pas jusqu’à se rendre compte des conséquences de leurs actions ; tempéraments apathiques, moins ils ont à faire, plus cela leur semble satisfaisant ; égoïstes, ils prêtent l’oreille aux promesses de leur candidat et songent que plus sera long le mandat de leur homme-lige, mieux cela vaudra.
- Ainsi raisonnent les ignorants, les indifférents et les égoïstes.
- Ce sont là des erreurs dont il importe de démontrer la gravité. L’élection serait l’acte le plus important que le citoyen aurait àremplir,si le suffrage universel était organisé de, manière à laisser à l’électeur la liberté du choix de ses candidats, la pleine liberté de son vote ; mais il n’en est pas encore ainsi. Le suffrage universel a été arrangé de telle sorte que l’électeur est à peu près obligé de voter pour les candidats qu’on lui présente ; il n’est nullement dans la possibilité de faire choix lui-même des hommes qu’il considère comme les plus dignes de la représentation nationale.
- Il en est ainsi parce que les systèmes de scrutins imaginés jusqu’ici étaient des créations de l’esprit monarchique,aristocratique et despotique. Le scrutin d’arrondissement a été inventé par l’empire Pour imposer plus facilement la candidature offi-Cielle et pour dominer, à l’aide des favoris du Pouvoir, la volonté de la nation. Le scrutin de liste départementale est une invention de l’aristo-
- cratie royaliste et bourgeoise qui a vu là un moyen décomposer, en comités formés par elle, les listes départementales, de manière à faire nommer des députés favorables à ses intérêts.
- La République ne sortira réellement de toutes ces intrigues et de ces abus que par l’inauguration du scrutin vraiment démocratique : le scrutin de liste nationale de 10 ou 12 noms, en remplacement du scrutin de liste départementale.
- Faites par les procédés des classes dirigeantes, les élections ont été jusqu’ici empreintes des influences despotiques de dynasties ou de classes ; elles entraînent après elles les plus graves inconvénients. La représentation ayant pour objet la satisfaction des ambitions de quelques uns, c’est au détriment de l’intérêt public qu’elle s’exerce. Les députés ainsi nommés sont, par essence, asservis aux monopoles anti-républicains et royalistes.
- Il est donc d’un intérêt national permanent que le renouvellement annuel d’une partie des Chambres soit consacré, afin que le peuple puisse constamment redresser les erreurs de ses propres choix; les élections annuelles de la moitié ou du tiers des Chambres établiront la liberté de l’électeur et du vote, dans la mesure où l’on pourra triompher des tendances aristocratiques qui, toujours, chercheront à maintenir le mandat à long terme, afin de dominer le peuple.
- Le renouvellement annuel de la moitié des Chambres serait le meilleur procédé pour que le suffrage universel exerçât le plus d’influence sur la direction générale des affaires ; mais si l’on ne peut l’obtenir, ce serait déjà un grand bienfait politique que de renouveler tousles ans les Chambres par tiers. Le suffrage universel ferait ainsi entendre annuellement sa voix aux députés et aux gouvernants ; les uns et les autres ne pourraient plus s’endormir sur des lois toujours inachevées, se consumer en projets qui, pour les neuf dixièmes, n’aboutissent pas et dont tes plus utiles surtout restent toujours dans les cartons.
- Le suffrage universel signalerait chaque année à ses mandataires les oublis ou les fautes commises en donnant congé aux incapables, en réélisant les députés qui auraient mérité sa confiance, et en faisant aux nouveaux élus les recommandations nécessaires. Les députés élus seulement pour deux ou trois ans ne pourraient plus se faire les agents ni les courtiers des laveurs etdes tripotages parlementaires; l’honnêteté, la vérité, la sincérité reprendraient racine dans le gouvernement.
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- Aux personnes qui voudraient nier l’influence des élections sur la marche du gouvernement, nous dirons : Consultez les impressions qui surgissent chaque fois qu’une élection partielle est à faire dans un département quelconque ; vous verrez avec quelle attention la presse, les Chambres, les ministres, le gouvernement suivent la marche de l’élection, les conséquences et les indications qu’on en tire.
- Il en serait bien autrement s’il s’agissait chaque année d’une élection générale en France, élection qui éviterait les élections partielles de département, supprimerait la nécessité de réserver au gouvernement le droit dangereux, le droit monarchique s’il en fût de dissoudre les Chambres.
- LaChambre serait ainsi permanente; la souveraineté du peuple quelle représente n’aurait ni lacune, ni suspension ; tandis qu’aujourd’hui le droit de dissoudre la Chambre est un simulacre de coup d’Etat.
- Nous avons l’exemple du passé, profitons des leçons de l’expérience. Ne laissons plus de portes ouvertes à la monarchie pour le malheur de la France ; nous avons la République, créons des institutions vraiment républicaines et démocratiques. Le renouvellement partiel de la Chambre des députés est la première des réformes à introduire dans l’organisation du suffrage universel. Inscrivons-la donc dans les programmes à exiger des prochains candidats à la députation, et refusons nos voix à tous ceux qui ne voudront pas s’engager à demander cette réforme et à lutter pour son introduction dans la loi.
- --------------------. « •----------------------------
- Mouvement électoral dans l'Aisne.
- Guise.— Le comité de la commune de Guise a pris les résolutions suivantes dans sa première réunion :
- i. Toutes les correspondances et communications seront adressées à M. Gratien, Président, qui les transmettra au secrétaire.
- <2. Aucun membre du comité réagira, au nom du comité, s,ans discussion préalable et sans mandat déterminé.
- 3. Le comité est divisé en trois commissions: Finance, Propagande, Action.
- 4. La commission des finances dressera une liste des souscriptions. Elle fera connaître par les journaux les sommes reçues et l’emploi des fonds.
- Les souscriptions seront recueillies par:
- MM. Lucien Leblond,
- Piponnier,
- Féglin.
- 5. Dans chaque commune les électeurs seront convoqués en
- réunions publiques par des affiches les invitant à se préparer aux élections.
- 6. Chaque délégation envoyée dans les communes se composera de trois membres au moins.
- 1. La prochaine réunion de comité a été fixée au samedi 8 août, à 8 heures du soir.
- Fédération du comité cantonal. — Le comité de Laon vient d’envoyer aux commencements de comités républicains du département de l’Aisne un projet de résolution, en vue de fédérer les comités cantonaux Une lettre accompagnant cette pièce invite les comités à adhérer avant un délai de deux jours.
- Cette mesure nous paraît prématurée. Comment fédérer des comités avant qu’ils soient réellement constitués ? Le plus grand nombre des eantons de l’Aisne ont à peine commencé leur organisation.
- Il serait donc rationnel de ne pas précipiter l’organisation de la fédération, si on veut faire œuvre sérieuse ; il serait sur-tout indispensable que toute pièce contenant une proposition devant engager les groupes fût envoyée au moins dix jours avant l’expiration des délais laissés pour la réponse. On ne eonvoque pas instantanément un groupe cantonal.
- La résolution proposée par le comité de Laon assigne, comme unique mandat au Comité cantonal départemental, la formation de la liste des candidats.
- Il n’est nullement question du programme.
- Beaucoup de républicains croient cependant que la rédaction des programmes mérite quelque attention.
- 11 y a des électeurs qui s’imaginent que l’entente sur le programme doit précéder le choix des candidats ; ils pensent que les réformes sont les choses principales des élections, et les candidats viennent après.
- Il y a des gens qui ont la simplicité de croire qu’avant de chercher un serviteur il faut savoir quel travail on veut exiger de lui !
- D’autres s’imaginent qu’il est préférable de commencer inversement.
- Nous appartenons à la première catégorie, et nous apprécions que le comité de Laon ne perdrait rien à suivre nos conseils.
- Le Congrès des sociétés coopératives.
- Le Congrès des sociétés coopératives a réuni les délégués de 81 sociétés coopératives, dont 63 de consommation représentant à peu près un chiffre de 10,000,000 d’affaires.
- Les séances ont été fr équemment troublées par l’impatience et le manque de discipline des délégués parisiens ; néanmoins le congrès a abouti à la constitution d’une chambre consultative et d’une chambre économique.
- Au début de la première séance,un délégué parisien a vainement tenté de faire voter une proposition tendant à restreindre la liberté des journaux dans les comptes rendus des débats.
- Nous avons pensé que toute restriction apportée aux libres appréciations de la presse ne serait pas acceptée par elle, et que 81 coopérateurs n’avaient pas le droit de dicter des condi-
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- tiens qu’un gouvernement même ne peut formuler sans violer le principe républicain.
- La délégation anglaise et le représentant des coopérateurs suisses,accueillis par des acclamations enthousiastes,ont assisté régulièrement à toutes les séances du congrès, sans montrer jamais ni lassitude, ni surprise des écarts de quelques-uns.
- En somme, le congrès a fait œuvre utile. Un des délégués anglais, dans une conversation intime, au dehors du congrès se déclarait très satisfait des résolutions acceptées, et prédisait un bel avenir à la coopération française. C’était bien l’appréciation qui convenait.
- M. Neale, au nom des coopérateurs anglais, a lu un remarquable rapport que nous reproduirons prochainement.
- Voici les résolutions adoptées :
- Une chambre consultative sera formée à Paris ; des sous-comités pourront être créés, par elle, en province.
- Les ressources seront assurées par une cotisation de 5 centimes prélevés sur chaque sociétaire appartenant aux sociétés adhérentes,
- Elle sera composée de 21 membres.
- Elle devra convoquer les congrès, donner tous renseignements aux sociétés coopératives et établir la statistique de toutes les sociétés de France. Elle pourra servir d’arbitre en cas de contestation entre les sociétés ou entre les coopérateurs.
- Son mandat durera trois ans ; ses membres seront renouvelables chaque année par tiers.
- La Chambre économique sera composée de 21 membres ; elle aura son siégea Paris.
- Elle devra centraliser les renseignements commerciaux, recevoir les demandes des sociétés,les enregistrer et les communiquer aux fournisseurs. Elle sera un agent de renseignement et un intermédiaire entre les acheteurs et les fournisseurs,suivant la volonté des diverses parties. Elle devra envoyer de fréquentes circulaires aux sociétés adhérentes pour les tenir au courant du mouvement commercial.
- Elle sera formée par les délégués de 21 sociétés qui seront désignées par un vote pouvant se faire par correspondance, pendant un mois. Le renouvellement aura lieu par tiers, comme pour la chambre consultative.
- La chambre économique sera rétribuée par un prélèvement de 10 centimes par membre des sociétés adhérentes.
- La fondation du journal a été ajournée à une autre année pour ne pas trop compliquer du premier coup l’organisation de la coopération et pour ménager les cotisations des sociétés adhérentes.
- Le congrès sera réuni l’année prochaine à Lyon.
- La commission d’initiative du congrès conservera ses pouvoirs jusqu’à l’installation de la Chambre consultative et de la Chambre de commerce. Jusqu’alors les correspondances et les votes devront être adressées à M. de Boyves président de la commission d’initiative.
- ilr
- # #
- A la fin de la dernière séance, le délégué du Familistère a
- prononcé l’allocution suivante interrompue par de fréquents applaudissements :
- Messieurs,
- Avant de nous séparer, au nom du Congrès, je rends un solennel hommage à la bienveillance et au ( évouement des Coopérateurs anglais qui ont choisi pour les représenter les plus solides soutiens de leur groupement coopératif.
- C’est pour nous un honneur d’avoir dans nos réunions le vénérable M. Neale qui, malgré ses 73ans, continue un apostolat commencé, il y a déjà longtemps, et marqué par d’écla-tants services.
- M. Holyoake n’a pas moins mérité de la coopération anglaise ; membre de la société des Pionniers de Rochdale qu’il a servie avec un dévouement inépuisable, il s’est imposé la tâche d’être l’historien de tous les obscurs dévouements qui ont été les initiateurs de la Coopération anglaise. M. Holyoake aurait pu consacrer ses talents littéraires à perpétuer la renommée des forts et des puissants, il a préféré immortaliser la mémoire des humbles qui cherchaient dans l’aide mutuel la régénération sociale. Espérons que la Coopération française aura aussi son historien, et je peux affirmer qu’il existe déjà des hommes dignes de figurer à son livre d’or.
- M. Johnston, plus jeune que ses collègues, n’a pu participer aux premiers travaux des coopérateurs anglais, mais , dès qu’il a eu l’âge d’homme, il a fait preuve lui aussi d’undévoû-ment et d’une intelligence qui lui ont mérité la confiance des Coopérateurs et qui l’ont conduit au Conseil supérieur de la fédération anglaise.
- Coopérateurs français, saluons ces dévouements et sachons les imiter.
- Cette délégation a une signification particulière ; ces hommes appartiennent au groupe des Coopérateurs qui s’efforcent de tirer la Coopération anglaise des voies du mercantilisme pour la guider vers des œuvres sociales comme celles de notre Familistère.
- Le succès couronnera leurs efforts.
- A nous, Coopérateurs français, qui pouvons profiter de tant de renseignements que n’ont pas eus nos devanciers, de ne pas nous laisser entraîner par les invites de la coopération de spéculation ; adoptons la coopération qui solidarise les intérêts, repoussons celle qui conserve les antagonismes. Ne distribuons en dividende que ce qui est strictement nécessaire pour attirer parmi nous les indifférents et consacrons nos revenus à l’édification d’institutions fortes par la mutualité, et la solidarité de leurs membres.
- Nous devons ces institutions à la misère qui est lasse d’attendre. Allons au devant de ses besoins, et nous éviterons la révolte de ceux qui souffrent par suite de la mauvaise répartition des richesses.
- La première condition de la réussite est l’union.
- Oublions les froissements, les mécontentements personnels; surtout, montrons-nous capables de faire vivre les institutions dont nous venons de jeter les bases. Que les premières imperfections de leur fonctionnement ne nous découragent pas; ne leur demandons pas dèsledébut des services qu’elles ne pourront nous rendre avant que l’expérience ait consarré leur fondation.
- Mais n’oublions pas le but delà saine coopération. Notre Familistère est là qui vous dit que l’on peut progressivement
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- solidariser les intérêts et faire disparaître le paupérisme. Ce qui est possible dans un groupement de 2,000 personnes est possible partout.
- Remercions les intrépides initiateurs de ce Congrès, surtout M. de Boyves qui a tant fait pour sa réus site. Il y a du mérite à ne pas se laisser envahir par l’indifférence générale ; il y a du courage à savoir résister aux conseils des égoïstes qui, au nom de la famille, au nom de mille autres considérations personnelles, s’efforcent d’éloigner les hommes des tentatives généreuses.
- Les promoteurs de ce Congrès ont eu ce mérite, ce courage. Au nom de tous je les remercie.
- Saluons, tous, la fédération coopérative qui saura dégager de la confusion présente les lois sociales et qui sera bientôt un parti économique préparant l’avénement de la solidarité humaine.
- Nous atteindrons ce but par le travail, par la discipline, par des efforts incessants en ne laissant échapper aucune occasion de servir le progrès social. Car nous ne devons pas seulement faire preuve de bonne volonté dans les œuvres coopératives. Tâchons d’apporter le même dévoûment dans toutes les circonstances pouvant favoriser le progrès social, auquel nous Rêvons tous un concours énergique pour le plus grand bien de chacun.
- Après la clôture du Congrès les délégués étrangers et les coopérateurs de la province ont été invités à un Punch qui leur était offert par les coopérateurs parisiens.
- Divers toasts ont été portés.
- M. Neale a émis l’idée d’une entente internationale des coopérateurs et souhaité sa prochaine réalisation. Il a conseillé aux coopérateurs de s’inspirer,dans le livre de Mme Moret sur jes pionniers de Rochdale, du véritable but de la coopération.
- M. Holyoake a rappelé ses premiers travaux à la société de Rochdale, et ses conférences en Amérique qui ont préparé l’organisation des premières sociétés coopératives américaines ; il a dit en des paroles émues combien il se réjouissait d’avoir assisté à la première tentative d’organisation des coopérateurs j français. Il a déclaré s’associer aux paroles de M. Neale sur pi nécessité d'internationnaliser l’échange coopératif.
- Monsieur Johnston a affirmé ses sympathies pour les travailleurs de tous les pays. Il a proclamé que, si sa nation avait devancé la nôtre dans les institutions coopératives de consommation, les coopérateurs anglais étaient loin d’avoir essayé quelque chose dans la production,que l’on puisse comparer au Familistère de Guise. L’orateur a exprimé en des termes chaleureux une sincère admiration de l’œuvre de M. Godin, qu’il avait depuis longtemps favorablement appréciée d’après le bien qu’il en avait entendu dire, mais qu’il ne supposait pas contenir toutes les améliorations sociales qu’il a dû constater dans une étude approfondie faite sur les lieux. Il a terminé son allocution en proclamant la nécessité d’allier la coopération de consommation et la coopération de production et d’imiter le grand exemple du Familistère.
- M. Lodoz, coopérateur suisse, a parlé de la situation des sociétés de son pays, qu’il se propose d’inviter prochainement à se fédérer et à imiter les exemples des autres coopérateurs.
- M. Lodoz a dit d’excellentes paroles sur la nécessité d’organiser le travail et l’échange ; il a insisté sur les bienfaits de l’internationalisme qu’il faut généraliser dans les entreprises matérielles et dans le mouvement intellectuel et moral.
- Ces toasts on été portés par des hommes parlant un langage positif, à la fois simple et énergique; tous ont été accueillis par d’enthousiastes applaudissements.
- Certificats d’études primaires.
- Les Ecoles primaires du Familistère ont obtenu, aux examens de cette année, 11 certificats d'études, 12 mentions pour le dessin et 2 mentions pour l’agriculture.
- Les élèves qui ont obtenu ces distinctions sont âgés de 11 à 14 ans.
- Voici leurs noms :
- CERTIFICATS D’ÉTUDES
- Poulain Anna. — Walton Hélène. —Petithomme Mathilde.
- — Fournier Jules. — Gavin Henri. — Baquet Georges. — Jouron Alfred. — Défontaine Alfred. — Proix Auguste. — Froissard Fernand.— Leclaire Eugène.
- DESSIN
- Montigny Alfred. — Roppé Albert. — Rousseau Albert. — Dallet Marie. — Becquet Palmyre. — Lorent Sylvie.— Louis Flore.— Froment Palmyre.— Lamy Marie.— Lavabre Marie.
- — Jouron Alfred.— Govin Henri.
- AGRICULTURE
- Bienfait Ophir.— Montigny Alfred.
- * *
- Les Écoles primaires de la ville de Guise sont en progrès cette année. ÈUes ont obtenu 18 certificats d’études délivrés aux élèves suivants :
- Écoles de Garçons
- Henry Ernest. — Démoulin Léandre. — Fillion Alfred. — Péquéreaux Léon.— Petit Lucien.— Allart Aristide-Adolphe.
- — Martel Albin.— Mabilotte Emile. — Dudin Ulysse. — Lemaire Adolphe.— Terrail Jules.— Duchemin Calixte.
- MENTIONS POUR LE DESSIN
- Henry Ernest. — Démoulin Léandre. — Martel Albin. — Terrail Jules. — Duchemin Calixte. — Loiseau Eugène, — Terrail Justin.
- Écoles de Filles
- Dumoutier Léonie — Trombert Louise— Govin Léonie — Longuet Eugénie — Vasseur Marie — Larquet Angèle.
- * *
- Les autres écoles primaires du canton ont obtenu 36 certificats d’études.
- * *
- Les examens pour l’obtention du certificat d’études ont donné lieu, cette année, à une irrégularité au moins apparente dans la ville de Guise. Cette irrégularité préoccupe vivement la population.
- Les compositions régulières ont été faites pour les écoles primaires du canton dans une des salles des écoles primaires de la ville de Guise.
- Mais ce qui ne se comprend pas, c’est qu’on ait réuni séparément, les élèves des pensionnats dans une salle de l’Hôtel de ville, pour établir, à leur profit, un concours en dehors des règles ordinaires.
- Les parents des enfants des écoles primaires se demandent s’il va y avoir une aristocratie des certificats d’études.
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- L’espace nous manque pour examiner cette affaire, nous en parlerons dans le prochain numéro.
- La Presse parisienne et le renouvellement partiel et annuel.
- Les journaux de Paris ont accueilli avec empressement le projet de renouvellement partiel et annuel en rendant un juste hommage à nos efforts. Nous remercions nos confrères, et nous ne doutons pas du succès de cette réforme s’ils consentent à la rappeler quelquefois aux électeurs.
- Voici un extrait d’un article de M. Alfred Étié-vant paru dans la République radicale, sous le ti -tre Garanties électorales :
- On a parlé du mandat révocable. Mais comme le fait excellemment remarquer M. Sigismond Lacroix, si théoriquement les commettants ont le droit de rappeler leur commissaire quand il leur plaît, en fait, l’exercice de ce droit ne peut s’exercer avec le fractionnement du suffrage universel anonyme.-
- A défaut de la révocation, que reste-t-il donc aux électeurs? «Il leur reste, dit M. Sigismond Lacroix, la non-réélection du mandataire et, pourvu que le terme du mandat ne soit pas trop long, la non-réélection produira, en fait, beaucoup plus simplement et aussi efficacement, le même résultat que la révocation. »
- C’est tout à fait notre avis. Sans doute la solution est modeste, mais elle est sensée et pratique, et, par conséquent, Infiniment plus féconde en résultats que toutes les autres solutions proposées. Or, ce qu’il faut envisager ici, c’est précisément le résultat. Quand la législation qui régit le suffrage universel aura été modifiée, il y aura certainement lieu d’aviser, mais d’ici là, nous croyons fermement que le mandat à court terme est le seul expédient qui assure à l’électeur son droit de contrôle efficace et certain sur les actes de l’élu.
- M. Godin, à propos d’une réunion des représentants de la presse du département de l’Aisne, a récemment formulé une proposition que nous approuvons sans réserve.
- « Nous vous demandons, a-t-il dit, de proposer aux électeurs de ne voter que pour les candidats qui s’engageront à demander, pendant la prochai-ne session législative, la réduction de la durée du Mandat de député à trois ans et le renouvellement Par tiers du Corps législatif.
- * d’application de cette réforme se ferait en divisant la représentation de chaque département en
- 01s parties par un tirage au sort : le premier tiers ^viendrait devant les électeurs après une année
- de mandat; le second, après deux ans ; le troisième, après trois ans. Les députés seraient ainsi nommés pour trois ans.
- » Les avantages de cette réforme seraient de ne jamais laisser la nation en présence d’une représentation affaiblie ou sans force, de conserver au suffrage universel l’influence qui lui appartient sur la direction des affaires publiques.
- » On donnerait ainsi à la République l’activité qui lui est nécessaire, et on assurerait à la souveraineté nationale une action salutaire sur la conduite de ses représentants.
- » Les législateurs, avertis chaque année par la manifestation du suffrage universel, deviendraient attentifs aux vœux et aux besoins de la nation ; les députés qui ne rempliraient pas honnêtement leur mandat ne seraient pas réélus. »
- Le système de M. Godin frappera, nous l’espérons, tous les électeurs de bon sens.
- LA FEMME EN DANEMARK'1’
- par KIRSTINE FRÉDERIKSEN
- La première chose qui frappe dans l’étude de la question de la femme en Danemark est l’absence complète de participation directe des femmes aux affaires politiques de la contrée.
- Dans la constitution danoise de 1849 qui établit le suffrage universel pour les hommes, il n’est rien dit des droits politiques des femmes. Même chose concernant les élections municipales et celles des conseils d’instruction. Les femmes ne peuvent qu’exercer une influence indirecte par leurs maris ou par leurs frères. Mais il faut aj-outer qu’elles n’ont pas montré jusqu’ici un vif désir d’exercer ces privilèges.
- Signalons cependant qu’en Islande, dépendance du Danemark, les femmes non mariées et les veuves si elles sont mai-tresses de maison, votent aux élections municipales et aux conseils d’instruction. Cette réforme a eu lieu en 1882.
- Quand le mouvement libéral de 1849 passa sur l’Europe, il fut ressenti en Danemark et eut de bons effets sur la condition légale des femmes. Ainsi en 1857 une loi les déclara majeures à 25 ans comme les hommes , et les lois concernant l’héritage devinrent les mêmes pour les deux sexes.
- Le principe de la communauté de biens dans le mariage a été en vogue pendant deux siècles en Danemark. Mais le terme n’est pas exact, car le mari seul a le contrôle de la propriété et du revenu, de sorte que la « communauté » consiste en ceci : la femme donnant tout à son mari. Tout effort pour changer cette loi à été et est encore considéré comme une attaque à la sainteté des liens du mariage.
- Néanmoins, à la suite de nombreux procès, les yeux du public s’ouvrent sur les abus résultant de cet injuste arrangement.
- Aussi une loi donnant aux femmes le contrôle de leurs propres gains a-t-elle été votée à la session de 1879-80.
- Ce pas en avant fut suivi d’un autre. En 1881, le Ministre
- fi) Extrait du livre de M. Stanton « The woman question in Europe ».
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- de la justice fut autorisé par une clause du budget à légaliser gratuitement les actes de mariage abolissant les lourds honoraires attachés à ces actes et les rendant plus faciles et plus fréquents. Toutefois, la tendance générale de la loi danoise est de placer la femme sous la domination du mari, en ce qui concerne les enfants et le contrôle des biens.
- Comme tous les peuples d’origine Gotho-Germanique, les Danois tiennent de leurs ancêtres que les devoirs domestiques constituent le lot spécial et unique des femmes.
- Deux influences tendent à modifier ce préjugé : la nécessité de mieux rétribuer le travail des femmes célibataires, et l’exemple des autres nations.
- L’Etat et les municipalités emploient, depuis 20 ans, des femmes dans les bureaux de postes et télégraphes, les chemins de fer, les banques, les services du gouvernement, les offices de journaux, etc. Mais les fonctions les plus importantes sont encore réservées aux hommes.
- Les femmes ont été refusées comme reporters sténographes au Parlement à cause du côté politique de la fonction ; comme s’il pouvait y avoir plus de mal à sténographier un discours au Parlement, qu’à lire ce même discours dans les journaux ou à l’écouter des galeries.
- Il est à peine nécessaire de dire que les femmes sont moins payées que les hommes. Tel est le cas, par exemple, dans les écoles publiques où les femmes enseignent depuis 1860, accomplissant le même labeur que les hommes et recevant une pension similaire après une certain nombre d’années.
- L’éducation universitaire est hautement appréciée en Danemark, et l’Etat s’est constamment efforcé de l’améliorer. En 1875, les femmes furent admises à l’Université de Copenhague, la seule existante en Danemark, il leur fut permis de prendre leurs degrés dans toutes les branches, la théologie exceptée. La plus haute et la plus basse forme d’instruction, l’école primaire et l’université,sont aussi ouvertes aux femmes. Mais tout le degré intermédiaire et professionnel dépend entièrement de l’initiative privée et a été jusqu’ici monopolisé par les hommes.
- Les femmes danoises ont fait de nobles efforts pour combler cette lacune dans le système de l’instruction féminine. En 1883 Miss Zahle, chef d’institut, exerça pour la première fois le droit de délivrer des diplômes, grande nouveauté dans l’histoire de l’éducation féminine au Danemark. Son institut, fondé à Copenhague en 1851, donne l’instruction dans les diverses branches de sciences et contient une école normale ; récemment elle y a établi un cours p réparatoire pour les élèves désirant poursuivre les études universitaires. Ce grand établissement,égal sous tous les rapports aux institutions similaires des autres parties de l’Europe, ect presque entièrement régi par des femmes ; elles professent aussi bien dans les plus hautes divisions que dans les plus simples.
- Les écoles professionnelles de filles, sont également dues à des femmes et dirigées par elles. Exemple : l’école commerciale de filles de Miss Caroline Testman, l’école de Dessin et l’Institut des Arts et de l’Industrie de Mme Charlotte Klein. Toutes ces institutions sont dans la Capitale. On trouve aussi à Copenhague des écoles de tenue de maison, peur l’enseignement de l’Economie domestique aux servantes et aux dames ; ces écoles existent aussi dans la campagne et sent un bienfait pour les paysannes.
- Enfin les femmes sont souvent admises à la Folkehojskole un produit particulier du mouvement patriotique qui passa sur le Danemark pendant la première moitié de ce siècle, et s’étendit à la Suède et à la Norwège. Hommes et femmes de la plus grande condition, pour la plupart disciples du poète et réformateur Grundtvig ont, spécialement depuis la malheureuse guerre du Sleswig en 1864, alors que l’existence de notre nationalité était menacée, ouvert des cours semi-annuels à la jeunesse adulte, afin d’éveiller l’enthousiasme pour le langage, la littérature et l’histoire de la terre natale. Grundtvig conçut la Folkehojskole et fit établir la première école en 1844. Un des ses successeurs, Cald, étendit le bénéfice de l’instruction aux filles des paysans. Le préjugé profondément enraciné contre l’enseignement mixte, empêcha même ces deux professeurs d’esprit littéral de rassembler dans les mêmes cours les filles et les garçons. La co-éducation existe seulement dans les écoles primaires de la campagne, et l’on considère comme un signe de progrès la séparation des deux sexes dans les villes.
- Les femmes danoises ont toujours pris une part active aux œuvres de charité. Ilia Fibiger (1817-1867), femme d’un noble caractère et supérieurement douée, ouvrit,bien que n’étant pas riche, sa propre maison à six orphelins ; en 1867 elle fonda pour les enfants une sorte d’asile qui donna lieu depuis à beaucoup de fondations semblables..
- En 1874, la veuve de Frédérick VII, vicomtesse Damer, légua une fortune et une maison de campagne pour la fondation d’une maison d’éducation en faveur des petites filles abandonnées. Cette maison est devenue depuis le plus grand établissement charitable du Danemark.
- Miss Fibiger prit également une part éminente dans le mouvement en ouvrant aux femmes la profession de gardes-malades ; elle prêcha d'exemple en offrant ses propres services comme garde dans l’épidémie de choléra de 1853. L’innovation gagna la faveur des médecins ; néanmoins, l’organisation systématique des femmes gardes-malades dans les hôpitaux ne fut réalisée qu’en 1875.
- Des écoles spéciales fondées dans les provinces dressent aujourd’hui les femmes à cette mission. La profession leur est donc définitivement ouverte. Mais ce n’est encore qu’une très-humble position, car jamais on n’a songé à leur confier la direction même du plus insignifiant hôpital. A l’école d’enseignement de Corenhague, fondée en 1862, la directrice seule occupe un poste indépendant et responsable.
- En 1876 une branche de la société de la Croix rouge fut établie à Copenhague.
- Si nous examinons la femme dans la littérature,nous rencontrons à nouveau le nom d’ilia Fibiger, une des personnalités les mieux caractérisées des temps modernes. Là aussi elle apparait comme une femme accomplie. En poésie et en prose elle parle hautement et clairement en faveur du libre développement de son sexe.
- Puis vient Pauline Worm montrant, avec une vigueur presque masculine, combien les talents de la jeune femme sont refoulés et annulés par les préjugés, l’ignorance et la stupidité, elle attaque en polémiste acéré les doctrines religieuses qui dans son opinion minent le patriotisme de la patrie danoise.
- Citons encore Mathilda Fibiger (1830 à 1872) qui avait pris Jeanne d’Arc pour modèle et dont le talent littéraire fut tout
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- entier consacré à la cause de l’admission des femmes dans la vie active.
- Athalia Schwartz (1821-1871 ) qui, par ses ardents écrits sur la question de l’éducation féminine, fit beaucoup pour préparer l’avénement de l’ère nouvelle actuellement en éclosion au Danemark.
- Parmi les professions où les femmes danoises ont encore à conquérir leur place se trouve le journalisme. Elles ont déjà pris part aux discussions dans des journaux publics, mais généralement en se cachant sous des pseudonymes. En 1845, par exemple, Marie Arnesen, jeune fille de vingt ans, écrivit sous le nom de Valgerda une lettre franche et vigoureuse au vieux professeur Arndh de Bonn, pour redresser les vues de celui-ci concernant le sentiment populaire en Sleswig. Elle fut vivement sollicitée par ses amis de ne pas risquer sa réputation, en faisant connaître sonidendité.
- La chose se passe de même généralement en Europe. En France par exemple, plusieurs des écrivains les plus populaires de la Revue des Deux-Mondes, du Temps, du Figaro et autres principales revues parisiennes, sont des femmes qui signent4leurs articles d’un nom masculin, ou d’un nom de fantaisie.
- Le Danemark a produit, néanmoins, plusieurs journaux consacrés aux intérêts des femmes et édités par des femmes.
- Citons entre autres,la Revue des femmes,qui paraît depuis Janvier 1882 ; cette feuille soutient le suffrag'e féminin; c’est le premier journal de Danemark ayant accompli un pas aussi radical.
- Il est encore plus étrange pour les femmes danoises de paraître à une tribune publique que d’écrire dans un journal. Cependant là aussi ce premier pas a été fait. Pauline Worm et plus spécialement Bénédicte Arnesen-Kall ont abordé la tribune avec succès devant le public danois.
- Les exemples d’individualités féminines s’efforçant de faire quelque chose pour le progrès des intérêts de leur sexe sont de plus en plus fréquents. Des femmes ont proposé des modifications tendant à mettre les lois du mariage plus en harmonie avec la dignité de leur sexe, et elles ont fondé des prix pour des essais sur les sujets concernant la question de la femme. Il est évident que les femmes danoises sont fatiguées de la part à elles assignée dans la vieille société, part fort bien caractérisée par le mot attribué à Thucydide: «le meilleur éloge â faire d’nne femme est qu’il n’y ait rien à dire d’elle. »
- Une dame qui avait activement participé au mouvement des femmes dans son propre pays visitant un jour le Danemark dit, en s’adressant à quelques danoises :
- « Après avoir vécu ici, je comprends pourquoi vous restez si passives. Vous êtes trop à l’aise. »
- Ce jugement est tout à fait exact, un esprit comparativement humain règne parmi toutes les classes en Danemark. Les abus n’ont jamais été assez grands pour qu’on ait ressenti vivement le besoin d’y porter remède.
- Les paysannes ne sont point des manœuvres dans les champs, et les procédés scandaleux sont rares dans les cercles plus élevés. C’est pourquoi nos femmes avancent si lentement, ri en même temps agissent avec tant de zèle quand une fois eur esprit a été ouvert aux nouvelles doctrines.
- Si des progrès ont été accomplis depuis dix ans ; ils sont dus pour une forte part au célèbre livre de John Stuart Mill
- «La sujétion des femmes ». Cet ouvrage traduit en danois, en 1869, par George Beaudes, le critique bien connu, fut lu partout le pays.
- Les femmes instruites de la classe moyenne réclamèrent une meilleure instruction et l’élévation des salaires. On pensait que le mouvement se maintiendrait dans ces limites, mais les femmes sont des êtres humains : donnez-leur l’éducation et la compétence, et elles auront tout le reste.
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- La souveraineté nationale.
- Depuis l’instauration du suffrage universel, sous tous les gouvernements sous tous les ministères les élections ont été d’astucieuses captations de la souveraineté nationale.
- Les élections de 1885 inaugurent une époque nouvelle. Le peuple aura l’occasion d’exprimer sa volonté en pleine liberté ; le ministère n’aura pas voulu se faire complice des candidatures officielles.
- A nos yeux, l’impartialité absolue du ministère est suffisamment prouvée par son impassibilité en face du mouvement électoral, qui se manifeste partout sans que le gouvernement intervienne au nom de la loi détestable qui défend aux électeurs de former les comités plus tôt que quinze jours avant le vote.
- Cette loi a été édictée contre la souveraineté nationale ; car il n’est pas possible que les électeurs puissent, dans une période aussi courte, s’organiser, se concerter pour dégager les aspirations communes.
- Le ministère qui a la sagesse de ne pas appliquer cette mauvaise loi se distingue, à son grand honneur, de tous ceux qui Font précédé.
- Nous félicitons hautement les inspirateurs de cette politique véritablement nationale. Autant nous mettons d'ardeur à releverles fautes des dirigeants, autant nous devons mettre d’empressement à les féliciter, lorsqu’ils agissent suivant les inspirations de la politique républicaine.
- Nous voudrions voir tous nos confrères donner un pareil encouragement aux ministres qui ne craignent pas de laisser à la souveraineté populaire la plénitude de sa liberté.
- Souvent nous sommes d’accord avec les organës d’opposition, mais nous ne craignons pas de nous séparer d’eux lorsqu’ils se rendent coupables de partialité.
- Le ministère, qui se distingue ainsi de tous ceux qui ont eu le pouvoir avant lui, mérite en cette circonstance d’être loué par tous les groupes républicains sans distinction.
- Ceux qui refusent de justes encouragements, par
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- crainte d'atténuer d’avance les critiques que peuvent provoquer les autres actes du gouvernement, manquent complètement leur but.
- Us deviennent suspects d’opposition systématique.
- Gomment veut-on qu’un gouvernement persévère dans la bonne voie, si, à son premier pas, il ne se sent pas soutenu par ceux qui font l’opinion publique ?
- Une plus longue réserve de la part des journaux de toutes les nuances républicaines ferait douter de leurs bonnes intentions.
- Si le ministre tentait, au nom de la loi, de contenir le mouvement électoral dans les limites que lui assigne le code, on verrait tous lesjournaux de l’Extrême-Gauche faire flèches de tous bois contre les autoritaires. Pourquoi se taisent-ils lorsque le gouvernement se montre sincèrement respectueux des principes démocratiques?
- Un fait aussi nouveau mérite pourtant quelque attention.
- Il dénote aussi une certaine dose d’habileté politique qu’il ne faut pas méconnaître. Pussions-nous désormais la constater dans tout ce qui dépend de la gestion gouvernementale.
- Les circonstances sont graves.
- Notre système financier est à bout de son élasticité ; les charges publiques sont portées,par le service de la dette nationale et par le système militaire, à un niveau qui dépasse les forces du pays ; le détraquement général du vieil organisme économique et les perturbations continues dans le mouvement des affaires créent une situation exceptionnellement compliquée'qui engage la responsabilité de ceux qui voudraient la dénouer, presqu’au-tant que celle des gens désireux de la perpétuer.
- Le ministère a compris qu’il fallait laisser cette responsabilité à la souveraineté nationale ; c’est par cette considération qu’il ne veut en aucune façon restreindre les manifestations du suffrage universel.
- Le peuple aura-t-il une égale sagesse ? Comprendra-t-il que cette expectative de ses gouvernants lui commande une action énergique et soutenue ? Aura-t-il la force morale de donner à sa consultation assez de précision, au point que des gouvernants honnêtes puissent en déduire des règles positives de conduite ?
- Ce sont les interrogations que pose le libéralisme du ministère.
- Si la souveraineté nationale fait preuve d’impuis-
- sance, personne n’est en état de prévoir quelles seront les destinées de la nation.
- Il n’est pas douteux que, sous l’influence du sentiment républicain qui pénètre les masses ouvrières de notre pays, les Chambres prochaines compteront une forte majorité républicaine.
- Mais que feront tous ces élus, s’ils n’ont conscience de la gravité de la situation, s’ils ne se sentent nommés par des hommes convaincus de la nécessité d’une action décisive ?
- La nouvelle Chambre n’aura pas à continuer ou à modifier, dans leurs détails, les rouages administratifs et politiques ; elle sera aux prises avec la nécessité d’inaugurer de profondes réformes dans notre organisation générale.
- La Chambre n’aura pas les qualités requises si ceux qui la composeront ne sont convaincus qu’il existe dans la nation, un parti solide,disposé à soutenir les députés réformateurs.
- Le gouvernement nous accorde deux mois pour donner la mesure de notre vitalité. Sachons utiliser ces délais. Ne laissons passer aucune occasion de faire comprendre au suffrage universel la gravité de la situation, la responsabilité des électeurs s’ils persévèrent dans une indifférence coupable.
- L’agitation est nécessaire, mais elle serait stérile, si les électeurs ne savent coordonner leurs réclamations.
- Evitons de demander à la souveraineté nationale un effort dont elle ne serait pas capable. Avant d’exiger d’elle de puissantes réformes, confirmons toute sa puissance ; émancipons-la des tutelles violentes ou hypocrites dont on l’a toujours accablée. Rendons au suffrage universel son indépendance, en le faisant maître de ses délégations par le renouvellement annuel par tiers de tous les corps élus.
- État civil du Familistère.
- Semaine du 20 au 26 juillet 1885.
- Naissances :
- Le 20 juillet, de Magnier Jeanne-Marguerite, fille de Ma-gnier Eugène et de Josquin Eugénie.
- Le 20 juillet, de Coupé Gabrielle, fille de Coupé Ernest et de Rousseau Marie.
- Décès :
- Le 24 juillet, de Quégneau Alfred, âgé de 28 ans.
- Le 24 juillet, de Hutin Théophile, âgé de 42 ans.
- Le 24 juillet, de Bidoux André-Alphonse, âgé de un an et un mois.
- Le Directeur-Gérant : GODIN.
- Guisa. — imp. Barê.
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- 9e Année, Tome 9.— N" 361 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 9 Août 1885
- BUREAU a GUISE (Aisne) ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris de timbres-poste ou de mandats de poste, dont
- Toutes les communications le talon sert de quittance.
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- doivent être adressées à Un an ... 10 fr. »» Un an. . . . 11 fr. n»
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- ON S’ABONNE
- A PARIS
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- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Ce qu’on doit au suffrage universel. — Différend anglo-allemand réglé par l’arbitrage. •— La société des amis de t’arbitrage. — Un prussien qui n’est pas content.— Une manifestation pacifique. — Les candidats à Saint-Cyr. — Ce que coûte une bataille. — L’ambassade Marocaine.— L’association internationale de l’arbitrage et de la paix.— Un exemple. — Dernières révélations sur les causes de l’expédition du Tonkin.— Le Vola-pûck.— Adhésions au principes d’arbitrage et de désarmement européen. — La Politique Coloniale.
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- Ce qu'on doit au suffrage universel.
- Citoyens français, ne vous semble-t-il pas, lorsque vous avez le droit et le pouvoir de nommer les députés de la nation et ses mandataires à tous les degrés de l’échelle sociale, que vous êtes quelque chose dans la vie politique et sociale, et que ceux à qui vous confiez un tel mandat devraient au peuple souverain des égards qu’ils n’ont pas pour lui.
- Ne vous semble-t-il pas, lorsque le propriétaire d’un domaine donne pouvoir à un intendant de gérer ses affaires, que celui-ci doit remplir la fonction à lui confiée dans l’intérêt de celui qu’il représente et qu’il doit rendre ses comptes à son mandant.
- Or, c’est le peuple qui nomme les intendants de ia nation ; les députés et les ministres sont ses serveurs ; son domaine, c’est la nation elle-même. Oui, peuple du suffrage universel, citoyens, électeurs, vous êtes le véritable souverain du pays.
- Vous en êtes les premiers maîtres, la seule royauté et le seul empire légétimes. Ce sont vos intérêts que vos députés devraient soigner et défendre et, le jour où le suffrage universel sera considéré avec le respect et la déférence qui lui sont dus, chaque année, ce sera à votre sanction que sera soumise leur conduite.
- Alors, vos propres mandataires, ceux que vous chargez de faire les affaires de la nation ne seront plus des députés constamment occupés de pêcher en eau trouble; ils se préoccuperont des intérêts du peuple, ils feront en sorte que la nation soit bien gérée et bien administrée.
- Ils organiseront le suffrage universel de manière à ce que le peuple puisse voir clair dans les affaires nationales de l’année.
- Ils réviseront la loi fondamentale de la République, de manière à ce que le suffrage universel soit libre,quele vote des citoyens soit libre,que l’électeur puisse faire son choix librement, à l’abri de l’intrusion de tous les faiseurs d’élection, rendant ainsi impossibles les candidatures officielles et la pression des comités électoraux.
- Pour qu’il en soit ainsi, on instituera :
- Le renouvellement partiel annuel de tous les corps élus.
- Le vote par bulletin de liste nationale pour l’élection des députés ;
- Le vote par bulletin de liste départementale pour l’élection des conseils généraux;
- Le vote par bulletin de liste communale pour l’élection des conseils municipaux.
- Voilà les réformes les plus urgentes à inaugurer
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- dans la République, pour sortir nos gouvernants de leurs habitudes monarchiques.
- Chaque électeur composera lui-même son bulletin de vote de 10 ou 12 noms, en toute indépendance, et choisira ses candidats n’importe où cela lui plaira. Il portera ce bulletin dans l’urne avec la certitude que ses voix seront comptées.
- Ce vote aura nécessairement pour objet les services publics dont les candidats seront reconnus capables, les services rendus par ceux qui auront déjà fait leurs preuves, et le suffrage universel écartera impitoyablement tous ceux qui auront sacrifié l’intérêt public à leurs propres intérêts.
- Il en sera ainsi parce qu’en renouvelant, chaque année, une partie des corps élus, la vie publique se réveillera ; tous les citoyens seront attentifs sur la conduite de leurs députés et mandataires ; tous les députés étant élus par le scrutin national de la France entière, la presse discutera leur conduite politique, de manière à mettre en lumière les défauts et les mérites de chacun d’eux. Il n’y aura plus de coalition possible de circonscriptions ni de départements. La France entière sera convertie en un collège électoral dans lequel elle se trouvera en face de tous les députés à élire. Il n’y aura plus de captation possible dans les élections, plus d’esprit de clocher,plus d’intérêts particuliers. La puissance de l’intérêt général sera le fait de l’unité de collège, et en elle viendront se confondre forcément tous les intérêts de coteries et même de partis.
- Voilà ce que les députés feront dès que les électeurs seront assez avisés pour le demander avec instance aux candidats qu’ils choisiront.
- Jusqu’à ce qu’il en soit ainsi, le régime parlementaire se débattra dans une arène de complications et de fausses manœuvres qui jetteront déplus en plus le trouble et la ruine dans la nation.
- Je prie mes lecteurs de ne pas perdre de vue que je n’ai posé dans les quelques lignes de ce chapitre que le principe des réformes nécessaires au suffrage universel pour assurer, à tous les citoyens, l’exercice efficace de la souveraineté dans la République.
- Les réformes que je viens de formuler étant introduites dans l’exercice du suffrage universel, d’autres réformes suivront nécessairement ; car les députés et tous les élus du peuple, se sentant sous la censure des élections annuelles, seront amenés à observer leur conduite et leurs actes politiques, sous peine de n’être pas réélus.
- Le peuple trouvera ainsi dans ses députés des : sommes économes de son sang et de son argent,
- faisant les lois les plus avantageuses à la nation, ne laissant plus faire la guerre à la façon des royautés pour constituer des privilèges aux classes riches en y sacrifiant la vie, et les ressources du peuple. Les députés sauront alors faire disparaître tous les impôts indirects qui pèsent sur le travail et la consommation des ouvriers, pour les remplacer par un prélèvement sur la richesse après la mort des personnes.
- Quoique simples et d’application facile, ces réformes électorales ne seront pas toutes admises d’une seule fois. Les députés incapables auront peur des élections annuelles pour leur réélection, cela les engagera à repousser le renouvellement annuel. Ils ne comprendront pas mieux les immenses avantages que l’élection des députés par le scrutin de liste nationale offrirait aux électeurs pour le recrutement des hommes supérieurs et pour le perfectionnement du régime parlementaire. D’un autre côté, il faut s’attendre aux résistances des royalistes qui voient dans toute réforme utile un moyen de consolider la République dont ils cherchent la destruction, de sorte que des résistances à ces améliorations du suffrage universel sont inévitables. Il importe donc que les électeurs sachent les réclamer de leurs députés.
- La République avait jusqu’ici conservé les lois de l’empire sur le suffrage universel, de sorte que, depuis 33 ans, un régime inventé par le despotisme pèse sur le suffrage du peuple souverain.
- C’est à grande peine que les chambres se sont décidées à substituer le scrutin de liste départementale, au mode électoral corrupteur du scrutin d’arrondissement, cela n’est qu’un compromis dont il faut se débarrasser le plus vite possible, pour inaugurer le scrutin de liste nationale à la commune, seule réforme rationnelle du suffrage universel.
- Car il faut que nos députés ne perdent pas plus longtemps de vue que le suffrage universel est ie véritable souverain, que dans la République les ; électeurs sont la seule royauté et le seul empire légitimes et qu’en eux réside le pouvoir suprême. Il y a grande nécessité que les mandataires du peuple soient plus respectueux des droits du peuple même et qu’ils cessent, au plus tôt, de gouverner la République comme si elle était encore une monarchie.
- Jusqu’ici le suffrage universel a été tenu dans l’oppression ; il n’a pu émettre ses votes que sous la pression des pouvoirs et des courtiers d’élection; il n’a pu agir qu’au milieu de la corruption ; il n a
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- joui d’aucune des libertés dont il doit, aucontiaire, être entouré.
- Electeurs, faites acte d’intelligence, mettez fin à ces manoeuvres, en demandant à vos mandataires d’inscrire dans la loi les élections partielles et annuelles avec le scrutin de liste nationale.
- Différend anglo-allemand réglé par l’arbitrage.
- Une au moins des plus inquiétantes questions coloniales pendantes entre l’Angleterre et l’Allemagne vient d’être réglée par l’arbitrage et, cela, delà façon la plus satisfaisante.
- 11 s’agit des prétentions territoriales de certains sujets allemands dans les îles Fidji. Ces prétentions, après avoir embarrassé les diplomates anglais et allemands et bouleversé les bonnes relations des deux contrées, ont été enfin soumises au réglement amiable de deux Commissaires, un Allemand et un Anglais.
- Gela se passait au printemps de 1885. Le commissaire anglais reçut ses instructions le 3 Mars, et dès le 15 Avril lui et son collègue allemand étaient arrivés à un arrangement satisfaisant.
- La réclamation des Allemands s’élevait originellement àfrs. 3.500.000 ; mais la somme sur laquelle s’accordèrent les commissaires est de frs. 265.500.
- L’obtention si prompte d’un aussi bon résultat est quelque chose de si inaccoutumé qu’on est au premier abord presque embarrassé pour s’en rendre compte.
- Ce miracle s’explique en considérant que le Commissaire anglais était Mr. R. S. Wright, un des hommes les plus éminents du Barreau anglais et aussi énergique qu’habile.
- Quelle lumière jette ce petit incident sur la source de beaucoup de nos troubles. Donnez aux diplomates qui, à la fin, décidèrent de recourir à l’arbitrage pour régler la question de Fidji, autant de pénétration et d’énergie qu’aux Commissaires mêmes qui réglèrent le différend, et nous n’aurions jamais eu de « Question des îles Fidji » excitant les mauvais sentiments entre nous et nos alliés naturels.
- ( Pall Mail Gazette )
- SUÈDE
- Les journaux suédois annoncent la tenue de l’Assemblée générale annuelle de la Société suédoise d’arbitrage et de paix. Le Président, Dr S. A. Hedlind, empêché d’y assister, a été remplacé par M. Arvid Gumelius, membre du corps légiste nombre des membres de la Société s’est accru de 185 ePuis un an ; il atteint actuellement le chiflre de 5,845.
- La caisse de la Société a 300 livres à son crédit (7.500 fr.) ; CeJa pouve que nos amis de Suède témoignent à la cause un
- vaillant intérêt.
- (.Herald of peace)
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- SCANDINAVIE
- La première conférence générale entre laNorwège, la Suède et le Danemark sur les questions de paix, d’arbitrage international et de neutralisation de la Scandinavie, aura lieu à Gothenberg, Suède, les 17, 18 et 49 août.
- M. Frédérick Bajer, membre du parlement danois, et d’autres éminents amis de la cause doivent y prendre part.
- (Herald of peace)
- La société des amis de l'arbitrage
- Un américain de la société des Amis, M. Daniel Breed, résidant à Washington, a adressé à ses collègues l’appel suivant :
- « Considérant les progrès déjà accomplis en faveur de la paix universelle et l’état actuellement favorable de l’opinion publique en Europe et en Amérique, la société des Amis pourrait, il me semble, en ralliant toutes les forces de ses membres sur un plan bien déterminé aider les gouvernements de Grande-Bretagne et des Etats-Unis à établir la plus glorieuse réforme dont ait jamais bénéficié la race humaine, réforme conduisant l’inauguration de nouveaux Traités de Paix entre les nations, et au réglement des différends internationaux par les principes de l’équité., au lieu de les résoudre par les horreurs de la guerre.
- « Pour concourir à cette œuvre de paix, la société des Amis, en Grande-Bretagne et en Amérique, devrait constituer un comité spécial composé de trois des membres des assemblées mensuelles, cinq des membres des assemblées trimestrielles, et sept des membres des assemblées annuelles, tous choisis parmi les hommes les plus perspicaces et les mieux au courant des faits concernant la diplomatie internationale.
- « Ces divers comités se réuniraient et se concerteraient pour opérer une action commune. Une convention des représentants des différentes assemblées annuelles aurait lieu annuellement aussi: l’une à Londres, l’autre à Washington, afin de mûrir les meilleures méthodes pour l’accomplissement de la grande œuvre et, spécialement, pour soutenir la nouvelle législation en faveur de l’Arbitrage International substitué à la guerre.
- « Ne perdons pas de vue les leçons d’une histoire récente. En 1850, un brillant arc-en-ciel, promesse de paix pour l’avenir, apparaissait dans les cieux de l’Europe et des Etats-Unis, au moment où le Congrès de la Paix fut convoqué à Francfort-sur-le Mein.
- « Je siégeai à ce Congrès. Je vis cet arc-en-ciel éblouissant couronnant de gloire la vallée du Rhin et les cimes neigeuses des Alpes. J’entendis des orateurs de tous pays proclamer, en différentes langues, l’aube naissante du glorieux jour de la paix par l’Arbitrage.
- « Hélas ! combien étaient illusoires ces brillantes visions et ces prophéties de l’assemblée des réformateurs !
- «Bientôt la trompette sonna de la Baltique et l’ouragan furieux de la guerre noya, en Crimée, trois grandes armées dans une mare de sang. Puis vint notre propre Guerre Civile plongeant le sabre au cœur de la nation américaine et couvrant tout le pays de morts et de
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- familles en deuil. Peu après, ce fut la guerre franco-allemande terminée par l'horrible siège de Paris dans laquelle la France but le sang jusqu’à en être saisie elle-même de stupéfaction.
- « Vingt années de guerre dissipèrent ainsi les illusions de 1850. N’oublions pas ces leçons'de l’histoire. Des guerres éclateront certainement encore si nous ne nous hâtons pas de former de nouveaux traités de paix, par l’arbitrage. Donc, je le répète : «En temps de paix, préparons la paix. »
- ( Herald of Peace )
- Un Prussien pi n’est pas content
- Le Prussien en question est celui qui vient d’écrire une lettre à un journal de Berlin : la Tœgliche Rundschau. Il a voyagé en Alsace-Lorraine et, contrairement à ce qu’il croyait, il n’a pas trouvé que l’influence allemande eût fait des progrès dans nos chères provinces conquises.
- Et il a laissé déborder son amertume.
- Voici ce qu’il écrit au journal berlinois :
- « Les grandes villes comme Strasbourg et Mulhouse ont une physionomie française.
- » C’est bien pis encore à la campagne. J’ai visité ces jours derniers les environs de Colmar et de Münster, contrée qui, comme on me l’avait assuré, était l’une des dévouées des bords du Rhin. Dans une tournée de ce genre, on n’a guère autre chose à faire avec les campagnards qu’à leur demander le chemin, mais cette occasion suffit pour vous faire de désagréables expériences. Il est rare de trouver quelqu’un disposé à vous répondre. On vous répond le plus souvent : « Nix parler allemand ! » Ce qui est encore plus blessant pour une oreille allemande^ c’est de recevoir pour toute réponse ou un « A bas les Prussiens !» ou, ce qui revient au même, un juron quelconque. 11 en est aussi qui, par haine pour les allemands, vous indiquent un faux chemin.
- Ce serait une erreur de croire que la génération prochaine se montrera de meilleure composition : il est de fait qu’on trouve fort peu d'enfants qui comprennent l’allemand !
- » Les campagnards n’envoient qu’à contre-cœur leurs enfants à l’école, et il est certain que si l’on voulait les y forcer ils s’y opposeraient net : ils craignent évidemment qu’on veuille faire de leurs enfants des Allemands. »
- Voilà ce que des Prussiens sont obligés d’avouer, d’écrire, d’imprimer : après quinze années d’annexion et d’oppression, l’Alsace-Lorraine offre encore au monde le sublime spectacle d’une nation qui résiste au joug de ses conquérants !
- Après de semblables constatations on devrait au moins admettre la neutralisation de l’Alsace- Lorraine si Ton ne veut accepter le retour de ces provinces à la France.
- -----------------------. » ♦ « .. -----------------------
- Une manifestation pacifique.
- Le passage d’un régiment d’artillerie, à Guise, a été l’occasion d’une manifestation qui mérite toute afte ntion des amis de la paix.
- Il y a quelques jours, le drapeau de notre société de gymnastique, la Pacifique, étalait crânement ses affirmations humanitaires en face d’un brillant état-major d’officiers d’artillerie ; la statue de Camille Desmoulins séparait les deux groupements. On aurait dit que la paix et la guerre s’étaient donné rendez-vous aux pieds de la statue de l’audacieux révolutionnaire, et que celui-ci, d’un geste sublime, poussait les deux groupements à se confondre dans de fraternelles manifestations.
- Le hasard et la morgue du colonel du régiment d’artillerie avaient bien fait les choses.
- La municipalité de Guise, désireuse de donner quelque solennité à sa fête du 14 juillet, avait mis à la disposition du colonel un magnifique emplacement très convenable pour une belle revue, où dames et demoiselles de Guise seraient venues admirer les hautes qualités de l’artillerie française, représentée par le 27e régiment
- Le colonel fut d’un autre avis ; il décida qu’une petite revue, passée à la porte de son hôtel, était préférable à une démonstration républicaine.
- Le maire avait néanmoins convoqué les membres du conseil municipal, les notabilités de la commune, les sociétés musicales, de gymnastique, les pompiers et les écoles.
- Civils et militaires se trouvèrent réunis à 9 heures sur la place de Guise que le colonel avait choisie pour passer sa revue,
- Les premiers rangs des artilleurs et l’Etat-major avaient pris position à droite de la statue de Camille Desmouliüs ; à gauche, juste en face des premiers, se trouvait le drapeau de la Pacifique entouré de nombreux familistériens ; ces deux groupements formaient la tête de deux longues files, à droite celle des militaires, à gauche celle des civils; le héros du 14 juillet, dont le bronze à immortalisé le sublime élan, paraissait être le chef véritable de tous ces hommes ; les officiers à cheval, que dominait la statue de Camille Desmoulins sur son socle de granit, ressemblaient à des ordonnances prêts à recevoir les ordres du grand humanitaire.
- Nous ne pensons pas que nulle autre part, les amis de la paix aient eu une pareille occasion de faire une affirmation aussi solennelle.
- Mais nous les engageons à mettre à profit les événements que le hasard semble préparer.
- La place des amis de la paix est partout; dans les manifestations militaires, peut-être, plus qu’aib leurs.
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- LES CANDIDATS A SAINT-CYR
- Mille trois cents candidats ont pris part, cette année, au concours pour se disputer les trois cents places vacantes à l’école militaire.
- Quelle étonnante attestation des ravages du militarisme et de notre désorganisation sociale !
- Ces jeunes gens ne sont pas entraînés vers la carrière militaire par les suggestions d’un patriotisme religieux ou bien par l’amour de la gloire militaire. La plupart ne voient, dans leur entrée au régiment, qu’un moyen de se faire une position moins malheureuse que s’ils choisissaient une autre profession.
- Quelques-uns, fils ou parents d’officiers, recherchent les situations militaires, parcequ’ils espèrent une protection directe qui leur facilitera l’accès aux postes élevés du militarisme.
- Beaucoup acceptent l’entrée à Saint-Cyr comme un pis-aller qui leur épargne les déceptions et les dégoûts qui assaillent les jeunes hommes instruits sans fortune, dans une société où le dernier des gougeats, né de parents riches, a le pas sur les jeunes travailleurs uniquement recommandables par leur savoir et par leur mérite personnel.
- On retrouve chaque année, parmi les candidats de Saint-Cyr, la presque totalité des boursiers que l’Etat entretient dans ses établissements universitaires.
- Ces jeunes gens, que la famille serait impuissante à faire instruire, se trouvent à la fin des cours secondaires dans la double impossibilité de poursuivre leurs études, s’ils reviennent à la charge de leurs parents, et d’exercer une profession lucrative s’ils renoncent à la protection de l’Etat.
- Le boursier inexpérimenté dans le travail manuel qu’il sait peu considéré et peu rénumérateur, certain de pouvoir difficilement arriver aux autres fonctions à cause des longs et onéreux surnuméra-hats qu’on réclame des aspirants, est porté à choisir le métier militaire sans autre mobile que celui de continuer à bénéficier de la protection de l’Etat.
- Le boursier de l’enseignementsecondaireobtient facilement, s’il a fait preuve d’intelligence pendant ses études, la continuation des subsides du gouvernaient lorsqu’il rentre dans Je cours préparatoire au* écoles militaires ; et s’il parvient à passer d’heu-reox examens, il est désormais débarrassé des in-luiétudes et du souci du lendemain. Pendant son s®.lour à l’école, tous les frais sont a la charge de ; après sa sortie, son grade d’officier lui don-
- ne droit à un traitement qui ira touj ours s’améliorant jusqu’à l’heure de la retraite; s’il a de la chance, s’il plaît à ses chefs, il franchira rapidement les premiers grades et jouira encore jeune d’une aisance relative ; s’il parcourt sa carrière sans éclat, l’avancement à l’ancienneté, les décorations ordinaires et quelques années de séjour en Afrique lui vaudront encore une retraite convenable avant la cinquantaine ; tandis que ses frères, ses amis d’enfance élevés à l’atelier vieilliront péniblement constamment minés par les noires inquiétudes que notre civilisation réserve à ses membres les plus méritants.
- Ainsi raisonnent presque tous les candidats aux écoles militaires. Aucun ne pense aux pénibles déceptions du lendemain d’un échec.
- Il semble cependant que ces chiffres de 4 ,300 postulants pour 300 emplois vacants devraient porter à réfléchir les candidats, les familles et les hom -mes politiques.
- Les mille refusés possèdent, à quelque chose près,une instruction égale à celle des plus heureux mais ils devront commencer une nouvelle éduca-cation, car leurs études antérieures, dirigées en vue de les préparer aux grades du militarisme sont souvent exclusives des éléments indispensables à l’exercice immédiat d’une profession suffisamment rémunératrice. S’ils se rejettent dans le commerce malgré leur instruction, malgré leur âge,ils pourront à peine prétendre, au début, à des situations dont s'acquittent convenablement des jeunes gens sortis de l’école primaire.
- Ces candidats aux écoles millitaires représentent la partie la plus intelligente de chaque nouvelle génération ; on ne voit jamais, dans les cours spéciaux, des élèves qui ne se soient fait remarquer pendant la période de l’instruction secondaire, par leur assiduité et par leur facilité à apprendre.
- Laissant de côté toutes les réflexions que suggère l’accaparement par le militarisme des intelligences les mieux douées, que penser d’une société qui pour 300 emplois annuellement vacants, surmène 4,300 de ses meilleurs enfants jusqu’à l’âge de 20 ans, les soumet à une éducation toute spéciale et qui, finalement, lorsqu’elle a choisi les 300 préférés ou plus heureux, abandonne les autres, sans aucun aide,à la pénible nécessité de continuer la vie par l’apprentissage d’une nouvelle carrière, à un âge où ils devraient être des producteurs habiles.
- Il est difficile d’admettre que les mille refusés n St-Cyr renoncent tout à coup aux illusions que le1 i
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- le devoir
- laissait entrevoir la probabilité de continuer leurs études aux frais de l’Etat et de trouver au bout une situation honorée et une vie facile.
- Ces déclassés, subitement mis aux prises avec les difficultés de la vie pratique, se ressentent pendant longtemps de leur fausse éducation ; et la société retire rarement de leur travail tous les services qu’elle serait en droit d’attendre de ses enfants les plus intelligents,si une habile intervention s’était appliquée à les diriger rationnellement.
- Quelle somme considérable d’efforts perdus par les maîtres et par les élèves représentent ces mille refusés aux écoles militaires !
- Une société, qui prodigue avec autant de désordre l’intelligence de sa jeunesse, perd chaque année une somme incalculable de travail et de progrès.
- Ce désordre social augmente sans interruption selon des proportions considérables. Il serait temps qu’on s’inquiétât d’y porter remède.
- Le militarisme tue nos sociétés par les guerres terribles qu’il suscite,par les sommes incalculables qu’il engloutit dans les dépenses de la paix armée, par les intelligences qu’il dévore dans la poursuite de ses sombres desseins.
- Ce que coûte une Bataille
- S’est-on jamais demandé ce que coûte une bataille?
- On parlait ces jours-ci de l’éventualité du conflit anglo-russe, devenu presque fatal. Et, comme nous déplorions les sacrifices d’hommes et d’argent que feraient encore là deux nations ayant besoin de paix et de travail, on nous renvoya à un petit livre, peu connu, de la première moitié du siècle. La réponse à cette question du « prix de revient », si l’on peut s’exprimer ainsi, d’une bataille, s’y trouve tout au long.
- D’après les chiffres que nous allons donner, on peut se faire une idée des sommes véritablement effrayantes qu’engloutissent les combats actuels, qui mettent en ligne un bien plus grand nombre d’hommes.
- M. de Gassicourt visitait, dans un voyage en Autriche, le champ de bataille de Wagram, en compagnie d’un survivant de ce grand et terrible combat.
- La conversation se plaça d’abord sur un terrain philosophique, et les deux voyageurs se mirent à déplorer l’inutilité de ces hécatombes épouvantables, causées par le caprice d’un souverain.
- Puis, peu à peu, la causerie descendit dans les détails de ce sanglant et glorieux épisode de notre histoire.
- Quelle somme a pu coûter Wagram à la France ? demanda M. de Gassicourt ; je ne parle pas des hommes dont on ne peut estimer la perte avec de l’argent.
- Son interlocuteur avait été militaire ; il était au fait des questions techniques.
- — Estimez, répondit-il ; dites un chiffre !
- — Mais... sept ou huit cent mille francs, fit M. de Gassicourt .
- — Vous n’y pensez pas ! Votre chiffre est dérisoire ! Je parie que la dépense excède sept millions.
- — Sept millions ?
- Et je suis au-dessous de la vérité !
- * *
- L’ancien officier ne se rappelait pas exactement le nombre d’hommes engagés : il ne put donc faire qu’un calcul d’à peu prés, qui arrivait pourtant à un résultat vraiment étonnant.
- Il y avait eu quatre mille cavaliers tués, surtout des dragons et des cuirassiers.
- Ce n’était pas trop que d’estimer leurs uniformes perdus à douze cent mille francs.
- Quatre mille chevaux avaient été tués ou blessés : en les mettant à cinq cent francs l’un, on obtenait un total de deux millions.
- Seize mille hommes d’infanterie avaient été tués ou grièvement blessés : pour les dépenses d’habillement et de fourniment, cinq millions.
- L’équipement des chevaux représentait quatre cent mille fr.
- Quinze cents pièces de canon avaient tiré chacune 180 coups à cinq francs l’un ; donc, treize cent cinquante mille francs.
- On avait brûlé trois millions de cartouches environ ; donc, cent cinquante mille francs.
- Cela faisait donc, au total, dix millions cent mille francs.
- Et ce calcul ne comprenait pas les pertes d’armes, sabres, fusils faussés ou abîmés, et il faisait la part des équipements qui avaient pu encore servir, ramassés après le combat.
- Cette bataille coûtait donc au vainqueur dix millions.
- Mais M. de Gassicourt négligeait encore les pensions qui devaient être payées aux blessés et le prix des ambulances.
- En ce temps-là, le prix du coup de canon n’était que de cinq francs : avec les armes savantes d’aujourd’hui, avec certains obus qui valent trois cent francs, ce total paraîtrait bien faible, si on le comparait à celui des dépenses purement matérielles d’une bataille d’à présent !
- L’AMBASSADE MAROCAINE
- Le journal VAkhba.r, d’Alger, relate une conversation de l’un de ses rédacteurs avec les ambassadeurs marocains.
- Ceux-ci ont dit qu’ils n’oublieraient jamais l’admirable accueil qu’ils ont rencontré en France, tant de la part des représentants officiels de la République que de la part des notabilités diverses et des populations. ,
- Ils estiment que la France est un grand pays et une grane nation ; ils se faisaient d’autant moins une idée de cette gran deur qu’au Maroc la puissance française est représentée corn®6 très amoindrie. .
- A Toulon, ils conçurent une haute opinion des forces na' de la France ; la rapidité des manœuvres des torpilleur» frappa vivement.
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- A Paris, le charme, l’urbanité de la société française, leur firent épouver un sentiment de satisfaction extrême.
- Les ambassadeurs vantent la grâce, la beauté, la séduction des femmes françaises ; mais la liberté qui leur est laissée les a beaucoup étonnés.
- La capitale, avec ses boulevards, ses mouvements, ses édifices publics, ses illuminations, ses enchantements de toutes sortes, leur a apparu comme une merveille, laissant derrière elle les créations fantastiques des Mille et une Nuits.
- L’Opéra les a éblouis ; le foyer, avec ses groupes de danseuses, leur a produit l’effet d’une cause surnaturelle.
- Ils retiennent de la revue des Champs-Elysées la conviction de l’invincibilité d’une nation possédant une pareille armée.
- La discipline et l’entrain des bataillons scolaires ont provoqué leur admiration.
- Ils sont encore sous l’impression des enchantements de la fête du 14 Juillet; ils n’auraient jamais imaginé que le génie humain dût enfanter de tels prodiges et qu’une pareille agglomération de population pût ;e mouvoir sans désor-1 re ni accidents.
- Us emportent un sentiment d’admiration enthousiaste et de reconnaissance inaltérable pour le peuple français, si hospitalier et si généreux. Us désirent qu’une occasion leur soit offerte de rendre chez eux, à des membres de la famille française, l’hospitalité qu’ils ont reçue de la France.
- A Alger, un dîner de cinquante couverts a été donné hier en leur honneur par M. Tirman. Les ambassadeurs ont été émerveillés des splendeurs du palais Mustapha, qui était illuminé par des feux de Bengale.
- Us se sont montrés très reconnaissants de l’accueil sympathique qui leur a été fait à Alger, où ils ont été particulièrement touchés de la déférence que les autorités françaises ont témoignée pour la religion musulmane. La visite des mosquées d’Alger, si bien entretenues par les soins le l’Etat, les a frappés profondément.
- L’ASSOCIATION INTERNATIONALE
- DE L’ARBITRAGE ET DE LA PAIX.
- 38, Parliament Street,
- LONDRES, S.W., Août, 1885.
- Monsieur,
- Nous avons l’honneur de vous informer que nous nous proposons de convoquer une réunion de personnes de différents pays à Bale (Suisse) pour le 17 septembre prochain.
- L’objet de la réunion sera d’examiner les mesures qu’il y aurait à prendre pour organiser la fédération des sociétés d’Arbitrage et de Paix, établies ou à établir dans les divers Etats de l’Europe ; en exécution d’une résolution adoptée au Congrès international tenu à Berne au mois d’Août dernier
- Plusieurs questions auront à être discutées en suite de la résolution à laquelle nous venons de
- faire allusion. Parmi ces questions sera celle d’appointer des personnes individuellement ou des groupes de personnes dans les diverses villes d’Europe; ces individus ou groupes formant les noyaux de sociétés futures et étant unis entre eux par une fédération commune.
- Peu après la Conférence de Berne, un de nos adhérents qui avait pris une part active à ses travaux, dressa, à la demande du Président de notre Comité, un projet d’organisation pour la Fédération future. Toutefois, comme il y eut divergence d’opinion sur la valeur pratique du projet en question, il fut trouvé préférable de le soumettre à une Conférence comme base de discussion.
- Les soussignés regrettent le délai dans la convocation de cette Conférence, mais pendant l’automne le Président de notre Comité a eu tout son temps pris par des voyages pour l’œuvre de l’Association et nous avons pensé qu’il ne conviendrait pas à beaucoup de personnes de fa:re un long voyage en hiver. Cette circulaire sera adressée aux personnes qui ont témoigné le plus d’intérêt et pris la part la plus active aux Congrès tenus à Bruxelles et à Berne, respectivement en 1882 et en 1884.
- Nous avons le ferme espoir que tous ceux qui recevront cette circulaire feront de leur mieux pour assister à la Conférence projetée, et nous prions tous ceux qui ne pourraient pas y assister de nous donner le nom et l’adresse d’un compatriotecompé-tent qui puisse probablement y assister à leur place.
- Nous vous prions instamment de vouloir répondre dans le plus bref délai à cette communication et de nous dire :
- 1° S’il vous est possible d’assister à la Conférence. 2° Si vous avez quelque proposition à faire relativement au lieu et à l’époque de la Conférence proposée.
- 3° (Si vous ne pouvez y assister) nous vous prions d’honorer le Comité de votre opinion sur chacune des questions proposées dans le programme ci-joint.
- Le Comité de l’Association a eu à examiner la proposition de créer un fonds international dans le but de défrayer les diverses dépenses relatives à la Fédération ; parmi lesquelles nous mentionnerons les frais de voyage et d’hôtel de ceux des membres qui ne pourraient les supporter eux-mêmes.
- Notre Comité n’exprime aucune opinion sur ce point, actuellement, mais il voudrait connaître les vues de ses amis de l’étranger à cet égard. Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de notre parfaite considération.
- Programme des Objets qui seraient à examiner par la Conférence projetée et réunie dans le but de constituer une Fédération internationale pour l'Arbitrage et la Paix.
- 1° Choix et nomination d’«Agents,» «Délégués» ou «Correspondants» de la Fédération dans les diverses capitales de l’Europe.
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- 2° Mesures à prendre pour la fondation et la fédération de toutes les sociétés fondées dans le but de répandre les mêmes idées.
- 3° Constitution et réglement de la Fédération projetée.
- 4 Proposition de créer un «fonds international,» et si cette idée est approuvée examen des règles à suivre pour recueillir et dépenser le dit fonds.
- 5°Proposition de réunir un Congrès International l'année prochaine et dans quelle ville.
- 6° Objets à discuter dans un semblable Congrès et réglement pour la direction du Congrès.
- UN EXEMPLE
- L’événement signale au commerce français l’exemple donné par le commerce allemand.
- Un des principaux organes des intérêts commerciaux de l’Allemagne, rExport de Berlin, a publié dans son numéro du 30 juin dernier une importante nouvelle qu’il convient de porter à la connaissance des négociants français. Il s’agit de l’entreprise, sous les auspices de « l’Association centrale de géographie de Berlin » et de la « Banque d’exportation, d’une « expédition ayant pour objet la fondation d’établissements commerciaux dans les pays d’outre-mer. a
- De nombreux négociants allemands, réunis dans une pensée commune, vont charger un navire de collections complètes d’é-ehantillions et d’une grande quantité de marchandises ; ils y embarqueront des employés et des représentants de commerce ; puis cette « exposition flotante «, ce magasin de vente » d’un nouveau genre se rendra dans le bassin de la Méditerranée, où les exportateurs allemands ne jugent pas avoir des relations suffisantes. Le navire visitera d’abord les ports de l’Afrique du Nord, puis ceux du Levant, puis, parmi les places européennes, Salonique, le Pirée, Naples, Barcelone .
- Cette entreprise, dit l'Export, ne se bornera pas seulement à rechercher dans chaque port l’article allemand qui est susceptible d’un bon débit ; elle liera, avec les maisons allemandes amies qui y sont établies, des relations durables, afin d’arriver avec leur aide à exercer une influence constante sur le marché, et là où il n’y aura pas de maison allemande, elle établira des représentants choisis parmi les employés de l’expédition.
- On voit la hardiesse de ce plan et combien il est pratique .
- Il faut ajouter que les négociants allemands n’en sont plus à leur coup d’essai et ont déjà réussi dans plusieurs entreprises du genre de celle que l’on prépare. Enfin, les frais de ce voyage commercial dans toute la Méditerranée seront relativement élevés ; il n’est pas douteux que le négociant qui embarquera sur le navire que l’on affrète un voyageur avec ses échantillions et une forte pacotille, dépensera beaucoup moins que s’il envoyait le même voyageur par les chemins de fer et les paquebots.
- Nous signalons l’entreprise annoncée par l’Export à toute l’attention de nos négociants, car elle contient à la fois un averti cment et un exemple. C’est un avertissement, parce qu’il
- faudra qu’ils se préparent à lutter contre une vive concurrence allemande dans le bassin de la Méditerranée, si l’expédition réussit ; c’est aussi un exemple, parce quüs devraient, eux aussi, se remuer et s’unir pour lutter avec des rivaux qui se présentent sur tous les marchés étrangers.
- DERNIÈRES RÉVÉLATIONS sur les causes de l’expédition du Tonkin.
- Les opportunistes de la Chambre s’étant refusés à faire la lumière sur les circonstances qui avaient occasionné l’expédition du Tonkin, on a fait toutes sortes de suppositions toutes plus saugrenues les unes que les autres; nous ne prendrons pas la peine de les répéter, car la vérité vraie nous serait enfin connue, depuis Dimanche dernier, grâce aux révélations d’un journal de notre localité que nous ne voulons pas désigner.
- Yoici ce que nous apprennent ces révélations.
- II paraît que l’on a tellement coulé de statues depuis quelques années,que le bronze avait fini par se faire rare au point de donner des inquiétudes aux charlatans qui déshonorent la mémoire de Gambetta en la travertissant pour l’exploiter au profit de leurs tripotages ; donc ces gens-là ayant projeté d’ériger une statue à Gambetta dans le seul but d’y apposer leur nom, ont craint de ne pas trouver en France le bronze nécessaire, d’autant plus que, pour les statues des hommes de guerre, on ne peut pas se servir du premier bronze venu : il faut absolument, parait-il,du bronze provenant de canons pris à l’ennemi.
- Et si l’on n’a pas d’ennemis ? ou si ceux que l’on a sont trop forts ?
- On cherche chicane à quelque pauvre diable qui ne demandait qu’à rester tranquille ; ce n’est pas plus difficile que cela.
- On se serait donc souvenu fort à propos que les Chinois avaient acheté autrefois une grande quantité de vieux canons mis au rebut après l’invention des canons se chargeant par la culasse ; et ma foi, on aurait fait l’expédition du Tonkin pour avoir une occasion de les refondre.
- Voilà pourtant une expédition qui nous à coûté 500 millions et la mort plus de 20000 hommes, soit pour chaque kilogramme de bronze, plus de 25,000 francs et et la vie d’un homme, sans compter ce que cela nous coûtera encore, car enthousiasmé jusqu’au lyrisme par un si beau résultat, le journal auquel nous empruntons ce renseignement, esprime naïvement l’espoir ce n’est pas fini et que les combats d’hier ne seront qu’une préface aux combats de demain.
- Ne vous semble-t-il pas, ami lecteur, que ce moyen de se procurer du bronze n’est guère économique et ressemble un peu trop à la spéculation de certains chasseurs qui, pour ne pas acheter un lièvre 5 francs, au marché, prennent un permis de 40 francs, un fusil de 200 francs, brûlent pour 50 francs de poudre, usent pour 100 francs d’effets et attrappent une fluxion de poitrine.
- Au lait, vous êtes-vous jamais demandé ce que 1 on au-
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- rait pu faire avec 500 millions ? — Non ? — Je vais donc vous le dire.
- D'abord on aurait pu pour la vingt-cinquième partie de cette somme, soit pour 20 millions- faire en or les deux statues dont il s’agit, et même y mettre des yeux en diamants si l’on y tenait.
- Il serait resté disponible 480 millions. Avec cereliquat on aurait pu édifier 24,000 (oui : vingt-quatre mille) maisons d’école, à raison de 20,000 (vingt-mille) francs chacune. Que pense de cela M. le Président de la société contre l’ignorance.
- Si on l’eut préféré on aurait pu établir des hôpitaux dans 1,000 (je dis bien mille) cantons en consacrant à chacun d’eux 480,000 francs (quatre-cent-quatre-vingt-mille) francs pour dotation et construction ce qui est un assez joli denier.
- Ou bien encore 2,400 (deux mille quatre cents (kilomètres de chemin déféra voie normale, à raison de 200,000 (deux cent mille francs) l’un.
- Enfin cette même somme, mise à la disposition des colons (missionnaires et autres), pour être employée par eux là se faire bien accueillir par les habitants et par les autorités du Tonkin et des pays voisins, leur aurait permis de capter les bonnes grâces de .4,000,000 (vous avez bien lu : quatre millions) de familles en distribuant à chacune pour cent francs de petits cadeaux, plus celle de 400 (quatre-eents) grands dignitaires ayant rang de Préfets moyennant un cadeau de 200,000 (deux cent mille) francs à chacun.
- Ne pensez vous pas que. même en France il n’en faudrait pas tant à n’importe quel magot de la Chine ou d’ailleurs pour se faire proclamer le plus beau et le meilleur homme de la terre ?
- Et ne vous demandez-vous pas enfin à quoi servent les maisons de fous, à. défaut des maisons centrales, si ce n’est pas pour enfermer les politiqueurs qui font de si belles spéculations à nos dépens et les journalistes qui les approuvent.
- A PARDOUX
- Le Yolapnck.
- (Je mot désigne une langue commerciale universelle dont les journaux et les spécialistes disent le plus grand bien. La lecture d’une grammaire de cette langue, que nous a gracieusement envoyée M. Kerchkoffs professeur de Volapuck à la société des hautes études,nous permet d’apprécier que ce nouveau projet de langue universelle, s’il n’est absolument pratique, opinion qui ne pourrait être soutenue sans une étude approfondie, contient certainement un progrès digne de l’attention de tous les humanitaires. Voici l’opinion de M. Meunier du Rappel :
- Oa demande de tant de côtés où se trouve le petit ouvrage relatif au volapük, dont il a été parlé ici, que nous irons sans d°ute au devant de bien des désirs en faisant cette réponse
- collective : La langue commerciale universelle ; expose de la question grammaire, par Aug. Kerckhoffs, docteur ès-lettres, professeur à l’Ecole des hautes études commerciales, brochure in—8 de 32 pages, se trouve à la Librairie étrangère, 174, boulevard Saint-Germain.
- A notre connaissance, c’est le seul ouvrage didactique, jusqu’ici écrit dans notre langue. L’auteur annonce, pour paraître prochainement, un Cours méthodique de volapük, avec exercices de thème et de version, et un Dictionnaire volapük-français et francais-volapûk ; nous en rendrons compte dès qu’ils nous seront parvenus.
- Après ce que nos lecteurs savent de l'extrême simplicité du volapük, ils ne s’étonneront point de cette déclaration de M. Kerckhoffs, « que la nouvelle langue universelle peut être apprise par toute personne connaissant déjà une langue romane ou germanique dans l’espace d’un mois ; à tout le moins pour-ra-t-elle, au bout de ce temps, traduire correctement une lettre commerciale de sa langue maternelle en volapük. » Il ajoute qu’il a pu faire l’inverse, c’est-à-dire une version de volapük en français rien qu’après trois heures d’étude; une historiette en formait le sujet ; il la traduisit sans difficulté.
- Nous le croyons aisément. Trois heures doivent suffire à un homme d’étude pour acquérir une certaine connaissance des principes d’une langue qui n’a qu’une déclinaison et qu’une conjugaison; où l’adjectif, le verbe, l’adverbe sont régulièrement formés du substantif et ont invariablement la même ter-terminaison, etc...; cette connaissance acquise, on n’a plus besoin que d’un dictionnaire pour pouvoir déjà traduire. D’autre part, si on considère que, d’après ce qui précède, la seule connaissance des substantifs entraîne en quelque sorte celle de tous les mots de la langue, et que ces substantifs étant tirés d’idiomes généralement connus spécialement du latin et de l’anglais, comme sap, sagesse, pop peuple, stel étoile, de sa-pientia, populus, Stella, et tim temps, mun lune, mit viande de time, moon, méat, sont des plus faciles à retenir ; on trouvera tout simple que le volapük puisse s’apprendre en l’espace d’un mois.
- J’entends qu’on puisse apprendre à le parler comme à l’écrire. En effet, point de difficulté de prononciation, chaque lettre n’ayant qu’un seul son; et pas plus de difficulté d’orthographe que de prononciation, tout mot s’écrivant comme on le prononce. Notons que toute difficile combinaison de lettres a été soigneusement éliminée. Quant à l’accent, il se met toujours sur la syllabe finale, c’est le principe de la prononciation française.
- Mais, dira-t-on, comment des personnes de nationalités différentes arriveront-elles à une prononciation uniforme? M. Kerckhoffs réduit l’objection à sa valeur ; «. Je ferai observer que l’uniformité de prononciation n’existe au sein d’aucune langue, aussi peu pour les indigènes que pour les étrangers : Les Français de Lille prononcent tout autrement que ceux de Bordeaux, et l’allemand de Munich sonne presque comme un dialecte étranger aux oreilles d’un Hambourgeois. Or, ces différences n’empêchent nullement Français et Allemands de s’entendre entre eux. H en sera de même de la diversité d’intonation que pourra affecter chez quelques peuples la prononciation de trois ou quatre lettres du volapük » .
- Détail curieux et qui témoigne de l’intelligence pratiqua avec laquelle cette invention, qui peut être immense, a été
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- lancée : un certificat de capacité est gratuitement délivré par l’inventeur, M. Schleyer, à toute personne dont il reçoit sur un sujet scientifique quelconque une dissertation de cinq ou six pages, et grammaticalement correcte en volapük. Le but est d’encourager quiconque voudra se consacrer à l’enseignement de cette langue et de lui conférer l’autorité morale nécessaire. Au moment où M’ Kerckhoffs faisait imprimer sa brochure, 163 de ces brevets étaient déjà délivrés.
- Je parle d’intelligence pratique. Ne fallait-il pas en effet pour que le volapük obtînt aucune adhésion individuelle qu’il se présentât avec le prestige d’une sorte d’adoption universelle? C’était un cercle vicieux. Qui eût voulu être le premier à commencer? Un mois d’étude, c’est sans doute peu de chose eussiez-vous dit; mais combien d’années devront-elles s’écouler avant que cette étude ne me serve à rien ? Aussi, n’est-ce pas ainsi que la chose nous a été présentée et en même temps que nous étions informés de l’existence du volapük nous apprenions qu’il compte déjà des adhérents partout, de sorte que nous sommes certains en l’apprenant de trouver avec qui le parler. Il n’y a plus d’hésitation à se mettre en mouvement, dès qu’il n’y a qu’à suivre. Mais quel travail a dû être fait pour amener 1 es choses à ce point?
- Avec cette conduite habile, la rapidité du succès, si celui-ci répond à l’intérêt maintenant excité ; ce seront là, parmi les caractères distinctifs de l’invention, deux des principaux, très certainement.
- Peut-être aussi cette gloire est-elle réservée à l’incomparable centenaire prochain ; celle de l’inauguration solennelle et joyeuse, en un palabre de tous les peuples, de la première langue de l'unité.
- Peut-être, en 1889, aux devantures de cafés, hôtels, restaurants et magasins, lira-t-on cet avertissement : Ici on parle voldpüh. D’ici là, pour se mettre en mesure, on a tout le temps nécessaire.
- Peut-être aurons-nous un compte rendu de l’exposition universelle, imprimé en langue universelle ; dont on verra les numéros aux mains des gens de toutes couleurs et de tous costumes.
- Peut-être les volapukistes, dans une inspiration de fraternité humaine, adopteront-ils quelque insigne par lequel ils s'inviteront cordialement à l’offre, à la demande, à l’échange, le cas échéant, de renseignements, d’idées, de ces menus services qui ont tant de prix pour l’étranger.
- Qui sait si nous n’aurons pas quelque Théâtre Volapük, où Asiastiques, Africains et Européens mêlés, riant ensemble aux mêmes mots, donneront un des plus merveilleux spectacles qu’un brave homme puisse souhaiter de voir avant de mourir.
- Qn commence par le commerce ; mais sait-on où on finira ? Le commerce embrasse bien des choses. Et combien de pièces de théâtre font partie de ces choses-là !
- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen.
- Jura. Montagu.— Gilles Léon ; — Molin ; — Sa-chon Y. Berrard;— Bosne; — Gauthier E. ; —'
- Gauthier J. Gilles F. Gilles V. Gilles M. ; !
- — Molin U. ; — Marius Vernier ; — Michaud J.; _ David C. David Alphonse;— David Jean-Pierre •
- — Michaud Anathalie ;— Molin Richard ; — Molin A.;— Molin VictorLouis Moreau;— Gauthier Alfred ; — Buchin J. ; — Bertrand E. ; — Bertrand A. ;— Bertrand Em. ;— Burvand Perchet J. . Perchet ; — Molin J. ; — Jirod E. Vindrie;’ — Marion A. ; — Blanc J. ; — Blanc L. ; — Tamisier Joseph — Molin Marcel ; — Tamisier Ch. ; — Sa-chon; Alph. Sachon Oct. ;— Gilles T. ;— Gilles A. Hugonnet Jules Hugonnet Claude ; — Renaud Louis ;— Renaud Jean-Baptiste ;— Tamisier-
- — Souchon ; — Tamisier A. ; — Mondragon J, ! Mondragon, propriétaires cultivateurs.
- Seine-et-Marne. St-Thibault-les-Vignes près Lagny. — Hezode Paul-Alphonse ; — Sellier Leufroi.
- Haute-Vienne. St-Barbant. — Bastier Jean instituteur à Puy-Catelin ; — Corneille Jean, propriétaire à Lavignère Faurant Maurice, propriétaire, à Lavignère ; — Larrant fils, charpentier, à Bernis ;— Larrant père ; — Thouraud, propriétaire, à Lagrange ;— Augry Jean, cultivateur à Lasermo-nière ;— Tessier Louis Bonnet Louis Gares-tier Jean ; — Garestier Réné ; — Fayolle Jean ; — Dérochés Jean;— Lavaud Jean ; — Marton Joseph Bedour Jean ;— Bernardeau Jean ; — De-coux Martial;- Chambaudry Jacques ;— Charreaud Jean;— Rataud René, menuisier;— Chabaune Etienne, maçon ; Rochaud Jean, propriétaire.
- Corse. Montemaggiore. — Bastianelli Rainier ;
- — Mariani Charles-Sylvestre ; — Emmanuelli André ; — Grimaldi Jean ; — Pandolfi Bonifie©, propriétaire ; -- Orsoni Jean Dominique, prêtre; — Rusterrucci Jean-Auguste; — Manuelli Jean ;— Guidicelli Philippe ; — Rossi Philippe ; — Tremisi Jean ;— Sinibaldi Antoine ;— Sylvistri Boniface;— Olivi Pierre-Antoine ;— Grimaldi Jean;— Grimaldi Ignace, journalier ;— Emmanuelli Elie, cultivateur; — Tremisi Xavier, journalier; — Orsini Dominique ; — Grimaldi Antoine, journalier ; — Guidicelli Pierre, journalier.
- Cassano. — Carlotti Antoine-Paul ; — Carlotti Martin ;— Carlotti Alban ;— Colombani Joseph ;— Colombani Alban ;— Girolani Eustache ;—Ambroi-sini Jean-Etienne ; — Giannoni Joseph-Marie, cultivateurs;— Orsatelli Eugène, propriétaire;— Colombani F.-A., cultivateur; — Antonelli Pierre-François, cultivateur ;— Robaglia Joseph, tailleur;
- — Polloni Alban Giannoni Dom.-Charles, cultivateur ; — Giannoni Pierre-Jean, garde-champêtre ; — Depétris Fançois, abbé ; — Giacomnetti Jacques-François, propriétaire ;— Colombani Jean-Baptiste, propriétaire*; — Biasini Augustin,retraité;
- — Siffredi Xavier, retraité; — Colombani Joseph, négociant Bastianelli Pierre-François, propriétaire ;— Bastianelli Clément, propriétaire ; — Bas-tianeli Simon-Jean, arpenteur;— Pelloni Raphaël, menuisier ; — Maestracci Ignace, propriétaire ; —; Giannoni Charles-François, laboureur; — Santoni Charles-Mathieu, propriétaire;— Orsetelli Toussaint, propriétaire ; — Bastianelli Antoine, laboureur ;— Colombani D.-Pierre, laboureur; — Giannoni Jacques, propriétaire ; — Antonelli François, négociant ; — Colombani Nonce, négociant ; — Giannoni Paul-Antoine, propriétaire cultivateur.
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- La Politique Coloniale
- Nous reproduisons un remarquable discours de M. Clémenceau, qui fait bonne justice des théories des partisans de la politique coloniale. Afin de mieux faire ressortir les critiques du chef du parti radical, nous avons marqué par des titres les principales divisions de ce discours :
- A Tunis, au Tonkin, dans l’Armani, au Congo, à Obock, à Madagascar, partout et ailleurs nous avons fait, nous faisons et nous ferons des expéditions coloniales ; nous avons dépensé beaucoup d’argent, nous en dépenserons plus encore; nous avons fait verser beaucoup de sang français, nous en ferons verser beaucoup encore. On vient de nous dire pourquoi ; il était temps !
- C’est la première fois, après l’expérience d’une politique coloniale qui a duré plus de quatre ans, que l’auteur responsable de cette politique en a esquissé, à cette tribune, les lignes maîtresses.
- Il résulte de ces explications qu’au lieu que vous soyez appelés, comme il sied aux représentants d’un peuple libre, à examiner s’il vous convient de vous engager dans cette po-sitique, à en peser les avantages et les inconvénients, vous vous trouvez en face de faits accomplis. (Très bien ! très bien > sur divers bancs.)
- Oui, la doctrine coloniale qu’on vous a apportée avec tant d’éclat riestpas autre chose qu’une théorie, vaille que vaille, invoquée comme justification de faits accomplis. (Très bien ! très bien ! à gauche.)
- On n’avait pas averti le pays, on ne lui avait pas fait connaître ses dessins, par la bonne raison qu’on ne les connaissait pas soi-même. (Très bien ! très bien ! sur divers bancs.) De sorte qu’une fois cette exposition faite, s’il arrive que le pays trouve cette politique bonne, c’est tant mieux, et que s’il la trouve mauvaise, c’est tant pis, il faut que le pays l’accepte, la subisse, les faits étant accomplis. (Très bien ; très bien ! à gauche.)
- Voilà la situation où nous sommes. Nous ne nous trouvons pas en face d’une théorie librement apportée par un homme d’Etat à la tribune, et que les représentants du peuple puissent fuger en toute liberté : il s’agit, je le répète, d'une théorie apportée comme justification de faits accomplis, dont la responsabilité appartient au hasard des événements.
- La Tunisie — Les Kroumirs. — J’en trouve la preuve dans le discours que nous avons entendu à la dernière séance. Nous avons ainsi appris officiellement — ce que nous savons déjà — qu’à Berlin, quand lord Beaconsfield se fit attribuer Chypre, M. Waddington s’était entendu avec lord Beaconsfield et avec un autre qu’on n’a pas nommé, pour qu’on nous laissât toute liberté d’action en Tunisie.
- Mais est-ce que, à ce moment, le gouvernement qui a fait cet acte capital est venu devant la Chambre ? Quand on a entrepris l’expédition de Tunisie, nous a-t-on dit : lord Beacon-field est revenu, du Congrès de Berlin avec Chypre comme possession anglaise, nous en sommes revenus, nous, avec la Tunisie comme possession française ?
- Pas du tout : on nous a parlé de Kroumirs (très bien ! très bien !), d’incursions de tribus frontières, d’opérations de gendarmerie internationale ; on nous a dit qu’on ne voulait pas faire de conquêtes, et cependant on a fait la conquête de la Tunisie. (Très bien ! très bien ! sur les mêmes bancs).
- Voilà le procédé qui a conduit la France insensiblement, par degrés, au point où en est la politique coloniale.
- Les déclarations de M. Challemel-La -cour. — Je pourrais relever des faits de même nature à propos du Tonkin. Quand les événements du Tonkin se sont engagés, il s’agissait de faire respecter le traité de 1874 dans la mesure du possible, il s’agissait de travaux d’hydrographie. Et aujourd’hui nous sommes maîtres du Tonkin.
- Cependant, M. Challemel-Lacour disait au Sénat, le 15 mars 1883, qu’on ne songeait pas à la conquête du Tonkin, qui ne représenterait pas de grandes difficultés — pas prophète, M. Challemel-Lacour ! (On rit.) — mais qui serait absolument stérile.
- Et alors suit la série des événements que vous connaissez : on veut rester dans le Delta, mais on va à Hué, on fait le traité de Tien-Tsin, puis on se trouve en face de l’incident de Bac-Lé dans lequel le gouvernement a une grande responsabilité ; en face de l’échec de Lang-Son ; puis on fait la paix dans les conditions que vous savez : après avoir réclamé une indemnité de 250 millions, on a accepté la paix sans indemnité. (Très bien ! très bien !)
- Ces choses, il eût été très intéressant de les discuter. Il est commode de venir discuter en l’air une théorie coloniale, mais il aurait été fort intéressant de soumettre cette théorie à l’épreuve des faits, de voir comment on Ta fait cadrer avec les faits. (Très bien ? très bien !)
- On n’a pas accepté le débat quand il a été offert ; alors que cette discussion eût dû être libre et loyale, on l’a refusée, on a fui le débat, et aujourd’hui c’est la question de la politique coloniale en elle-même que nous avons à examiner.
- Explications contradictoires. — Il n’y a pas
- eu d’explications entre le gouvernement et la Chambre ; il semble qu’il n’y en ait même pas eu entre les ministres eux-mêmes ,et qu’ils ont si bien gardé les uns vis-à-vis des autres les secrets de leurs propres conceptions, que quand ils viennent expliquer ce qu’ils ont voulu faire, on est frappé des contradictions qui existent entre leurs dires.
- Ainsi, nous avons eu l’explication de M. Rouvier disant que ni le Tonkin, ni Madagascar ne sont de la politique coloniale et celle de M. Jules Ferry déclarant que Madagascar est le type de la politique coloniale. Mais je passe.
- M. Ferry a essayé, dans la mesure du possible, de concilier son explication avec celle de M. Rouvier. Il a dit: « Ne répétez pas qu’on a été conduit au hasard, c’est inexact ; on été conduit par la nécessité. » Il me semble qu’une nécessits qu’on n’avait pas prévue, cela ressemble bien au hasard. (Rire et approbations sur divers bancs.
- Mais voyons l’explication de M. Ferry.
- Vous êtes partisans, nous dit M. Ferry de l’expansion coloniale, et nous répondons : Parfaitement. M. Ferry ajoute : Eh bien ! le type de l’expansion coloniale, c’est le Congo ; de pe-
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- tits chefs barbares pillent nos établissements ; voudriez-vous donc ne pas tirer vengeance de ces actes ?
- Et M. Ferry conclut ; il ne pourrait pas y avoir deux réponses ; et vous voilà engagés dans ce que vous appelez la politique d’aventures. Le gouvernement a subi la nécessité, et c’est ainsi qu’après avoir déclaré que nous ne ferions pas la conquête du Tonkin, nous avons été finalement obligés de nous emparer du Tonkin.
- Le drapeau est engagé. — On fait sonner très haut le mot d’honneur national ; M. Rouvier me répondait que si j’avais été au gouvernement, je n’aurais pas pu faire autrement que de faire respecter le drapeau, l’honneur national !
- Sans doute, il y a des occasions où il faut faire respecter l’honneur national, mais il y en a d’autres où, bien que l’honneur national soit très clairement mis en cause, on ne parle même pas de le faire rëspecter, de le venger.
- Rappelez-vous le massacre de la mission Flatters. (Très-bien ! très bien !)
- Des officiers de l’armée française allant reconnaître le pays pour le chemin de fer transsaharien sont massacrés par les Touaregs.
- Cela se passait aux portes de notre colonie algérienne ; vous croyez peut-être que M. Jules Ferry, si chatouilleux au point de vue de l’honneur national, quand les Rroumirs font des incursions sur la frontière tunisienne, va bien vite venger l’honneur du drapeau national et organiser une expédition contre les Touaregs?
- Personne n’en a parlé, et cependant M. Jules Ferry était alors président du conseil. (Applaudissements sur divers bancs.)
- Une voix à gauche. 11 n’y avait rien à prendre.
- M. Clémenceau. Non, il n’y avait rien à prendre, il n’y avait que le drapeau national à venger. On ne l’a pas fait. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.)
- Et c’est cette heure même que M. Ferry choisissait pour envahir la Tunisie.
- M. Georges Perin. Et l’affaire Lhaw, à Madagascar ?
- M. Clémenceau. C’est là une des humiliations que nous avons recueillies de la politique coloniale. (Très bien ! très bien !)
- On a désavoué un amiral français, on a payé 25,000 francs d’indemnité à un sujet anglais et on avait si bien le sentiment de l’humiliation qu’on faisait ainsi éprouver à la nation française, qu’on n’a pas osé venir demander à la tribune le vote de 25,000 francs ; on les a pris sur les fonds secrets. (Très bien 1 très bien !)
- M. Georges Perin. Et M. Ferry disait à ceux qui parlaient de cette affaire qu’ils manquaient de patriotisme !
- M. Lockroy. C’est le pendant de l’affaire Pritchard.
- M. Clémenceau. Vous comprenez maintenant l’utilité pratique de la théorie des expéditions coloniales apportée à la tribune par M. Ferry.
- Nous avons des droits partout : ils sommeillent, il ne faut pas les réveiller tous à la fois. Quant au Tonkin tout sera terminé, nous agirons à Madagascar !
- On s’explique ainsi comment l’honneur national a pu exiger soudainement des réparations sur tant de points du globe ; comment il se fait qu’avant l’arrivée de M. Jules Ferry au pouvoir nous n’avions d’expéditions nulle part et comment la seule apparition de M. Jules Ferry à la tête du gouvernement
- a excité tant de barbares à attenter à l’honneur national. (Applaudissements.)
- Théorie delà politique coloniale. — Cela dit, il faut examiner le fond même de la théorie de M. Jules Ferry. Il a discuté in abstracto la question purement académique de savoir si un pays doit avoir des colonies. Cette question en soi aurait beaucoup gagné à être appuyée par des faits. C’est là une discussion qui peut être intéressante à traiter dans une conférence ou dans une académie, mais qui n’était pas de nature à être traitée à la tribune. (Interruptions.)
- Comme probablement je n’ai pas été compris, je vais répéter ce que je viens de dire : J’ai dit que la question de savoir si une nation doit ou non avoir des colonies, peut être une question très intéressante à traiter dans une conférence ou dans une académie, mais que ce n’est pas un sujet à traiter à la tribune nationale. (Nouvelles interruptions au centre).
- Je le dis et je le prouve : 11 ne s’agit pas de savoir si une nation peut ou doit avoir des colonies : il s’agit de savoir si la France, et surtout si la France de 1885, doit avoir certaines colonies ! (Applaudissements.) Voilà la question à discuter et que l’on n’a pas discutée.
- Ce serait encore un sujet très intéressant que celui de savoir si la France doit avoir des colonies, mais il faudrait savoir aussi quel sera le coût, quel sera le caractère de ces expéditions, comment elles seront conduites, quels en seront les résultats. Et alors restera encore le point le plus grave, celui qu’on a omis : la question du régime colonial, question capitale, qu’on peut juger d’un seul mot quand on se rappelle que l’Angleterre, avec ses immenses colonies, et la France, avec ses brides de colonies, ont à peu près le même budget colonial. Cela ne fait-il pas comprendre la nécessité de savoir comment on doit gouverner ses colonies ?
- On a cité Stuart Mill. Stuart Milia dit, paraît-il, que les peuples vieux et riches ont dans les colonies d’excellents placements.C’est comme si je disais : Voulez-vous vous enrichir ? Faites du commerce ! C’est le moyen de vous enrichir, mais c’est aussi le moyen de se ruiner. (Très bien ! très bien !)
- J’ai d’ailleurs eu la curiosité de me reporter au texte même de Stuart Mill, et j’ai constaté qu’il ne s’appliquait nullement à la situation présente.
- Il s’agissait de colonies d’émigrants qui devaient commencer par payer leurs terres ; ce n’est certes pas de ces eolo-nies-Ià qu’il s’agit dans le débat actuel.
- Il faut donc puisque je suis M. Jules Ferry dans sa discussion, que j’en suive l’ordre, que j’en accepte le cadre, et que j’examine la question coloniale en soi, puisqu’on a écarté les faits ; il faut que je l’examine, après M. Jules Ferry, au triple point de vue économique, humanitaire et politique.
- Au point de vue économique, il n’est pas besoin de lire Stuart Mill pour reconnaître cette vérité qui court les rues : que les colonies sont des débouchés qui mettent eu contact avec des populations nouvelles ; développez chez elles de nouveaux besoins, tâchez de les provoquer à s’unir à vous par des engagements qui seront plus ou moins respectés, et vous aurez des débouchés.
- La théorie des débouchés est simple, présentée ainsi : on sait très bien que lorsqu’on vient dire : voilà le chiffre de votre commerce d’importation et d’exportation avec telle colonie, on n’a rien dit, les chiffres fussent-ils exacts.
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- Les chiffres de Ferry. — Un exemple : M. Jules Ferry a porté à 341 millions le chiffre de nos importations en Algérie, quand ce chiffre n’est que de 165 millions.
- M. Jules Ferry a formulé un axiome. 11 a dit : La puissance économique suit la puissance politique.
- Et il a invoqué l’exemple de l’Algérie. L’Algérie est à nos portes ; la question de transports est résolue à l’avantage de la France.
- Mais avec une autre colonie, avec la Gochinchine, par exemple, en est-il de même ? Le commerce de la France avec la Cochinchine n’est pas de 6 à 7 millions.
- Sans vouloir rien conclure contre la Cochinchine ou les autres colonies, je veux donner une simple indication : la Cochinchine est inscrite au budget pour deux millions 335.640 francs, elle verse 1 million 871,000 fr.; si je compte l’expédition qui nous l’a donnée, je trouve le chiffre de 284 millions, en vertu duquel nous avons 10 millions inscrits au budget d’une façon permanente ; si j’y ajoute le déficit résultant des deux chiffres que je viens d’indiquer, je trouve une dépense permanente de 11 millions.
- Quand on rapproche les chiffres du commerce français et du commerce étranger en Cochinchine, on voit les résultats de la colonisation : nous avons dépensé là des centaines de millions pour permettre aux Anglais, aux Chinois, d’en gagner beaucoup, tandis que les Français n’écoulent que quelques échan-tillions. (Très bien ! très bien ! sur plusieurs bancs.)
- M. Georges Perin. — Le chiffre pour lequel la Cochinchine est inscrite au budget est exactement de 7 millions 302,000 fr,
- M. Clémenceau. — Il est bien entendu que je ne donne pas ce que je viens de dire comme un argument pour ou contre la Cochinchine ou toute autre colonie, mais pour dire que les chiffres de M. Jules Ferry, isolés, n’ont pas de valeur en soi ; pour leur donner une valeur, il faut considérer le compte colonial.
- On ne l’a pas fait, on ne le fera pas, car pas une colonie, pas même l’Inde pour l’Angleterre, ne pourrait résistera ce calcul, car le commerce de l’Inde avec l’Angleterre est moins grand même que celui de l’Algérie avec la France ; c’est même là un argument que M. Ferry pouvait faire valoir.
- Les débouchés commerciaux. — La question à examiner est celle-ci : faut-il développer les débouchés en agissant sur le producteur ou sur l’acheteur ?
- Si la politique coloniale consiste à faire prendre un Chinois par quatre hommes et un caporal, à l’amener à Paris, dans le faubourg Saint-Antoine pour lui faire acheter une armoire à glace, (On rit.) oh ! alors c’est une opération calculée, très claire, et si le voyage peut s’établir à bon marché, il y aura un débouché nouveau qu’on aura créé, mais on n’aura pas de débouchés à coups de canon.
- On ne force pas l’acheteur, on le séduit, on le tente par le bon marché de la fabrication et des transports. C’est dans cette voie que vous devez chercher des débouchés. (Très bien ! très bien l sur les mêmes bancs.)
- Quand, pour en avoir, vous dépensez des centaines de millions en expéditions de guerre, vous chargez le budget, vous grevez le travail, vous diminuez le pouvoir d’achat du salaire, vous augmentez le prix de fabrication. (Très bien ! très bien!)
- Vous entendez de toutes parts les industriels se plaindre du taux élevé des salaires, et les ouvriers dire : notre salaive a beau être plus élevé qu’en Belgique, par exemple, le pouvoir d’achat du salaire est moindre chez nous,
- Pourquoi ? Parce que chez nous le travail est grevé de nos impôts. (Très bien ! très bien !)
- Quand vous imposez le blé, vous fermez les débouchés en augmentant les salaires ; même résultat quand vous imposez la viande ; quand vous augmentez l’impôt sur le sucre, vous fermez un débouché en augmentant le prix de fabrication ; quand vous maintenez cet impôt inique du sel, taxé au double de sa valeur ; quand vous maintenez de tels impôts, c’est autant de débouchés que vous fermez. (Très bien ! très bien !)
- Le patron se plaint des exigences de l’ouvrier, et l’ouvrier, frappé par des impôts de consommation, demande une élévation de salaire. Alors, qu’arrive-t-il ? Vous avez un budget qui croît sans cesse. Et, à côté de vous, il y a d’autres nations qui n’ont pas fait les frais de vos expéditions coloniales.
- Elles arrivent avec des budgets qui ne sont pas grevés des frais de ces expéditions lointaines elles vous font concurrence, elles vous enlèvent le marché, et c’est pour elles que vous montez la garde, c’est pour qu’elles puissent faire du commerce en toute sécurité ! (Nouveaux applaudissements.)
- Voulez-vous regarder, à côté de nous, la Suisse, un malheureux petit pays, qui ne touche pas à la mer cependant ? Il a pourtant des débouchés énormes, puisqu’il exporte 960 millions, quand le chiffre de la France n’est que de 3 milliards environ, et cela pour une population treize fois supérieure !
- Quand, pour avoir des débouchés, vous vous lancez dans la politique que vous avez suivie, quand vous allez dépenser au bout du monde des centaines de millions, faire tuer des milliers d’hommes, je dis que vous allez directement contre votre but, car autant de millions dépensés, autant d’hommes tués, autant d’empêchements à la création de débouchés. (Applaudissements,)
- Et voilà comment nous avons exporté un demi-milliard pour nos expéditions lointaines ; il y avait pourtant des moyens autrement utiles de l’employer en France ; mais non: nous l’avons exporté, cet argent, et pour ne plus le revoir jamais ! (Très bien ! très bien ! à gauche.)
- A ce point de vue, vous comprenez que je ne suis pas disposé à chanter les louanges du traité de Tien-Tsin : je l’écarte. Un mot seulement.
- Vous nous avez dit : « Voyez les avantages de ce traité. Il nous met aux portes d’une nation de 400 millions de consommateurs » et déjà l’on voit ces 400 millions de consommateurs prêts à accaparer les produits français.
- Avoir pour voisin un pays qui a 400 millions d’habitants est-ce un sujet de joie ou un sujet d’inquiétude ? Je me borne à poser la question.
- Mais, ajoute-t-on, nous avons stipulé dans le traité que la Chine, qui va faire des chemins de fer, s’adressera à l’industrie française, à moins quelle ne s’adresse à une autre. (On rit). Nous aurons un privilège qui sera le droit commun;
- Eh bien ! cette partie du traité de Tien-Tsin commence à se réaliser. La Chine va faire des chemins de fer : seulement ce n’est pas à la France qu’elle s’adresse.
- Le gouvernement chinois vient d’émettre un petit emprunt de 40 millions pour exploiter des mines et relier ces mines par
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- un chemin de fer ; c’est à Londres qu’il effectue cette opé- j ration. )
- J’ai même lu, dans un journal anglais, un dialogue assez singulier qui aurait eu lieu à Pékin entre les représentants de la Chine, de l’Angleterre et de l’Allemagne.
- Il s’agissait de cette entreprise qui, je me hâte de le dire datait d’avant le traité deTien-Tsin. Avant ce traité on s’était adressé à PAngleterre pour lui demander l’argent nécessaire à la résistance ; aujourd’hui, l’habitude est prise et on s’adresse à l’Angleterre pour lui demander l’argent nécessaire à une entreprise industrielle.
- D’après le journal en question, le représentant de l’Angleterre aurait dit au gouvernement chinois : « Il faut vous adresser à nous et nous donner la préférence, car c’est nous qui vous avons aidés à faire la guerre », et le représentant de l’Allemagne aurait dit : « Adressez vous à nous, car nous vous avons aidés à faire la paix. » (On rit.)
- Ce qui est certain, c’est que la Chine s’est adressée à l’étranger. Donc, de votre politique des débouchés, il ne reste rien ; il ne reste que des phrases vides et sonores ; beaucoup de bruit pour rien. (Très bien ! très bien ! à gauche et à droite.)
- Théorie humanitaire. — Parlons maintenant du point de vue humanitaire. Race supérieure, nous avons, dites-vous, un droit sur les races inférieures et ce droit est en même temps un devoir de civilisation.
- Et l’on voit le gouvernement français, exerçant ce droit, aller guerroyer contre les races inférieures.
- Races supérieures, races inférieures 1 c’est bientôt dit. Pour ma part, j’en rabats beaucoup depuis que je vois des savants allemands s’attacher à démontrer que la Françe devait être vaincue par l’Allemagne parce que la France est une race inférieure à la race allemande.
- Race inférieure, les Chinois avec une civilisation dont on ne voit même pas les commencements !
- Mais il y a des diplomates chinois qui, mis aux prises avec certains diplomates européens (Rires et applaudissements à gauche et à droite) font bonne figure.
- Il me semble que la race jaune, au point de vue de la bonne conduite d’une opération diplomatique, n’est en rien inférieure à la race blanche.
- Toute l’histoire de la France, depuis la Révolution, est une protestation contre votre théorie.
- C’est le génie même de la race française d’avoir généralisé la théorie du droit et de la justice, et de tendre à éliminer la violence des rapppots des nations entre elles. (Très bien ! très bien !)
- Vous prétendez que lorsque les européens se sont trouvés en rapport avec des nations, que vous dites barbares, il y a eu chez ces peuples une plus grande somme de vertus sociales.
- En êtes-vous bien sûr ?
- Etes-vous sûrs qu’il y ait moins de vertus sociales en Chine qu’en Europe ?
- Croyez-vous, par exemple, qu’il y ait aujourd’hui plus de moralité aux îles Sandwich qu’à l’époque où le capitaine Cook y abordait?
- Etudiez l’histoire de la civilisation des races inférieures par les races supérieures, et qu’y trouverez-vous ? La violence, le crime, le faible opprimé par le vainqueur. Voyez l’histoire
- de Cortès, de Pizare ; lisez l’histoire des Indes : que de crimes commis au nom de la justice et de la civilisation !
- Et c’est un pareil système que vous venez préconiser en France, dans la partie des Droits de l’Homme ? (Vils applaudissements à gauche.)
- En vérité, je ne comprends pas que nous n’ayons pas été unanimes à protester contre de telles paroles.
- Non : il n’y a pas de droit des nations supérieures contre les nations inférieures. Non : nous ne pouvons pas révétir la violence du nom hypocrite de civilisation.
- Voilà pour votre théorie humanitaire ; voyons votre théorie poli tique.
- Théorie Politique. — Je passe sur Toulon et Marseille défendues dans les mers des Indes. Je passe sur votre théorie qu’il nous faut Madagascar en vertu de la loi des quatorze jours de charbon pour nos cuirassés ; je passe sur nos colonies pour la marine comme si la Norwège, qui n’a pas de colonies, ne possédait pas une fort belle marine et n’avait pas un commerce considérable.
- Ce que j’examine, c’est votre théorie gouvernementale, civilisatrice. Quelle est-elle ? On nous dit : « Le recueillement, l’effacement, c’est la décadence. Il faut répandre notre activité, notre énergie sur le monde. Voilà comment on devient un grand peuple. »
- C’est la première fois qu’on dit ces choses. On les a faites, mais l'empire lui-même ne faisait pas une telle théorie ; il a commencé par déclarer que l’Empire, c’était la paix.
- C’est la première fois qu’un homme qui a été à la tête du gouvernement vient dire que sa politique n’est pas celle du rayonnement pacifique, mais celle du rayonnement guerrier ; que sa politique est la guerre, non pas en Europe, mais au dehors, par une série d’expéditions militaires, faites en vue d’actes de commerce.
- M. Jules Ferry. Vous faites la caricature de ma propre théorie !
- M. Clémenceau, Voici vos propres paroles à l'Officiel : « Les nations, au temps où nous sommes, ne sont grandes que par l’activité qu’elles développent ; ce n’est pas par le rayonnement pacifique des institutions qu’e&es sont grandes, à l’heure qu’il est, » c’est-à-dire elles ne peuvent l’être que par le rayonnement guerrier.
- M. Jules Ferry . Lisez la suite de mes paroles.
- M. Clémenceau. Les voici : « Rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, en se tenant à l’écart de toutes les combinaisons européennes, en regardant comme un piège,comme une aventure toute expansion vers l’Afrique ou vers l’Orient, vivre de cette sorte, pour une grande nation, c’est abdiquer, et dans un temps plus court que vous ne pouvez le croire, c’est descendre du premier rang au troisième ou au quatrième. »
- Ou vous avez parlé pour ne rien dire, ou vous avez exprimé cette opinion que la théorie du rayonnement pacifique était la théorie de l’abdication.
- Et pourquoi avez-vous apporté cette théorie à la tribune? Pour justifier toutes les guerres que vous avez faites.
- Je n’ai pas besoin d’ouvrir le Journal officiel. Je n’ai qu’à regarder la Tunisie, le Tonkin, Madagascar, pour voir comment vous entendez le rayonnement. C’est la guerre.
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- C’est là une théorie fausse, appliquée surtout à la France actuelle. (Très bien ! très bien ! à gauche. )
- La théorie de l’expansion, sans application pratique, ne trouverait pas de contradiction. Qui dirait jamais, en parlant de sa patrie : Je ne veux pas que sa langue, que ses arts, que son génie se répandent dans le monde ?
- Mais nous disions que quand un pays a éprouvé de graves revers en Europe, que ses frontières ont été entamées, il convient, avant de se lancer au dehors, de s’assurer que le sol national ne tremble pas sous vos pieds.
- Et dans ces conditions, aller chercher à Madagascar, au Tonkin, au bout du monde, une force pour réagir sur notre situation en Europe, je dis que c’est là une politique folle, absurde, condamnée par les faits. ( Vifs applaudissements à gauche et à droite, )
- Quant à moi, mon patriotisme est en France, et avant de me lancer dans une expédition militaire, j’ai besoin de regarder autour de moi.
- Et alors je songe au problème politique qui s’est imposé aux représentants de la République française, quand ils se sont réunis pour la première fois.
- On nous a développé la théorie de l’imprévu ; on nous a dit que les événements conduisaient la politique. Le Tonkin nous est acquis, mais il nous reste à nous en rendre maîtres. Nous ne sommes pas à Lao-Kaï, nous ne sommes pas à Lang-Son. Il reste encore une campagne d'automne à faire.
- Et ce n’est pas tout. Il y a encore l’Annam. Dans ce pays, maintenant, il n’y a plus de gouvernement. Une insurrection s’y est déclarée. Quand prendra-t-elle fin ? Il y a encore de ce chef un inconnu.
- Et dans la situation que j’indique, il faudra poursuivre l’expédition de Madagascar. Avec quoi ? Avec des hommes atteints de la fièvre, revenant du Tonkin et de Formose ? Mais il va falloir les remplacer. Avec quoi ?
- Quand on envoyait en Orient les hommes par petits paquets, on disait que cela ne nuisait pas à la mobilisation.
- Aujourd’hui, on n’ose plus parler de la question de la mobilisation. On sait que les mesures qui pouvaient être prises sans la compromettre ont été dépassées.
- Eh bien ! après le Tonkin, après Madagascar, après Obock, après les folies qui succèdent aux folies, je dis que mon patriotisme est en France et que vous n’avez pas le droit, dans la situation de la France, de compromettre ses forces. ( Vifs applaudissements à gauche. )
- M. Brialou. Voilà le vrai patriotisme !
- La Question Financière.— M. Clémenceau-Et les finances de la République? Je ne prétends pas quelles soient aisées à établir, et en présence de grandes difficultés que la République a rencontrées sur ce terrain, j’y regarderais à deux, fois avant de faire de l’opposition au gouvernement.
- Nous avons la dette la plus lourde du monde, dette qui nous a été léguée par les monarchies. Nous avons une armée permanente qui nous coûte 1 milliard , sans compter la non-production des hommes sous les drapeaux.
- Gomment ! avec de telles charges, dans la situation de la France, de l’Europe, on va, pour des placements de bons pères de famille (On rit) aventurer au loin 500 millions, quand nous
- avons notre outillage industriel à compléter, quand nous manquons d’écoles, de chemins vicinaux.
- Quand M. Jules Roche nous dit : « En échange de l’argent dépensé, nous avons contre-valeurs : des écoles, des chemins de fer qui nous rapporteront, qui seront une source de bénéfices p <ur nous, un élément d’activité et de production pour notre pays ; certainement M. Roche a raison, mais il ne dit pas la vérité entière.
- La vérité, c’est que pendant qu’on avait tant de choses à faire, on gaspillait l’argent dans des expéditions lointaines.
- Plus vous êtes obligés par votre devoir envers la démocratie française de faire les dépenses quelle réclame, plus vous devez vous modérer, vous régler, faire de bonnes et solides finances plus vous devez regarder à deux fois avant de vous lancer dans des dépenses dont on ne voit pas le terme.
- Pour le Tonkin, le gouvernement n’a pas pu ne pouvait pas dire les dépenses qu’exigera l’occupation. Est-ce que nous les connaissons ?
- Pendant combien de temps les millions seront-ils inscrits au budget pour le Tonkin ? Savons-nous s’il ne faudra pas en inscrire de nouveaux pour Madagascar ou pour d’autres pays ? Voilà ce qui met vos finances dans une situation intolérable.
- L’armée permanente vous mange. Vous avez à fa ire de nouveaux travaux d’outillage intellectuel. 11 faut donc vous régler, vous limiter.
- En supposant que la théorie de M. Jules Ferry soit juste, les dépenses qui en résultent ne seraient que des dépenses de luxe; avant de vous lancer dans le luxe, faites donc pour une heure la politique du pot-au-feu intellectuel.
- Il y a des dépenses utiles qui vous aideront, en augmentant la production française, à trouver ces fameux débouchés que vous fermez par vos expéditions. (Applaudissements.)
- L’Astronomie, Revue mensuelle d’Astronomie populaire, de Météorologie et de Physique du globe, par M. Camille Flammarion,— N° d’Août 1885.—Le mascaret, par G. Flammarion. — Réforme du calendrier, par Jules Bon-jean. — Les grands instruments de l’Astronomie. L'instrument méridien et les observations méridiennes (suite), par P. Gérigny. — Nouvelles de la Science. Variétés : Points sombres énigmatiques observés dans les cratères lunaires, par C. Détaillé. Nouvelle mesure de distances d’étoiles. Occultation d’Aldébaran, par Édouard Blot. Verrerie d’optique deM. Feil. Essai des lunettes. Occultations. Nouvelle comète. — Observations astronomiques, par E. Vimont. — (Gauthier-Villàrs, quai des Au-gustins, 55, Paris.)
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- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
- Le renouvellement partiel et annuel
- Quelques semaines nous séparent de la rédaction définitive des programmes. Nous continuerons jusqu’à ce moment notre propagande en faveur du renouvellement annuel par tiers des corps élus.
- La masse électorale ne comprend pas suffisamment l’urgence des décisions viriles. Les électeurs éclairés doivent tout tenter pour donner au peuple les occasions de réparer à brève échéance la faute que va lui faire commettre son indifférence politique.
- Dans la généralité des circonscriptions on ne sait pas mettre à profit la liberté que le gouvernement nous accorde si largement. A peine a-t-on formé quelques comités, quand on aurait pu organiser le mécanisme électoral partout le pays.
- Des réformes à inscrire dans les programmes, on en parle à peine. Les quelques journaux qui ont ouvert une chronique électorale se bornent à enregistrer les délibérations des groupes d’initiative, sans oser les commenter. On ne trouverait peut-être pas dix journaux en France ayant catégoriquement adopté des réformes définies, et faisant campagne pour elles.
- On dirait que la presse est convaincue que sa mission consiste uniquement à influencer l’opinion publique en faveur de certaines personnalités, et à la mettre en méfiance contre d’autres.
- Dans le département de l’Aisne, on sait que tous nos efforts tendentàfaire inscrire dans leprogramme électoral la réduction de la durée du mandat de dé-
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- ;;u!éà trois ans et le renouvellement annuel par ilers des corps élus. La presse départementale, à l'exception des journaux d’Hirson, nous a simplement accordé l'insertion de la communication que nous avions remise au bureau de l’Union des journaux républicains pour expliquer les conditions de notre concours.
- Pourquoi ce mutisme ? Pourquoi cette indifférence ?
- Pourquoi hésiter à prendre parti pour ou contre notre proposition ?
- Si cette réforme est, comme nous le prétendons, une condition essentielle du bon fonctionnement du suffrage universel, on ne saurait trop la recommander auprès des électeurs; si elle n’a aucune valeur, si elle présente des difficultés de pratique au-dessus de la compétence des masses, on ne doit pas craindre de dénoncer l’inopportunité de notre propagande.
- Aux arguments que nous avons déjà donnés, nous en ajoutons un que nous suggèrent l’apathie des électeurs et la nécessité de ne pas accorder une trop longue durée à un mandat donné avec tant d’indifférence.
- Les élections prochaines seront républicaines, presqn’unanimement républicaines, en ce sens qu’elles exprimeront la volonté générale des citoyens de conserver la forme républicaine. - Mais cette aspiration des masses ne subsiste que parce-qu’elles attendent de la République une amélioration réelle de la sécurité sociale.
- Le vote du 4 octobre prochain exprimera vaguement ce vœu, mais on ne peut espérer qu’il définisse les conditions pratiques de l’amélioration désirée.
- Il ne faut pas laisser le peuple trop longtemps exposé aux conséquences de cette impuissance relative; il faut lui donner de fréquentes occasions de compléter son œuvre. Sans cela, le progrès social n’avancera pas suivant les besoins des classes laborieuses qui, fatiguées d’une vaine attente, pourraient encore se laisser prendre aux embûches des réactions.
- Les républicains doivent se rappeler les événements des dernières années de l’empire : Jamais ce gouvernement n’avait obtenu du suffrage universel une majorité plus grande ; cependant, quelques mois après le plébiscite, l’empire serait tombé sous le mépris populaire, si la peur de cette chute ne l'eût conduit à Sedan.
- T.f1 plébiscite de 1869 n’était pas une stupide accla-
- mation des théories césariennes; il signifiait simplement que le peuple, las des changements infructueux de gouvernement, était unanime à accorder un dernier délai, pour prouver leur bonne foi, à tous ceux qui se déclaraient prêts à faire son bonheur.
- Le mari de la Montijo et les autres souteneurs de l’orgie impériale interprétèrent le plébiscite comme une consécration de leur toute puissance. L’illusion ne fut pas de longue durée ; bientôt commencèrent les folies qui aboutirent à la ruine du pays.
- Qu’on y réfléchisse ! La situation intérieure n’est pas sans analogie avec celle de 69.
- Depuis plusieurs années le gouvernement républicain exerce son pouvoir sans rencontrer quelque résistance appréciable, et le peuple n’a eu pres-qu’aucune des satisfactions qu’il attendait de la république.
- La plupart des candidats vont se présenter aux électeurs, ne pouvant éviter d’avouer leur impuissance passée ; ils ne surmontront les répugnances excitées par leur inactivité qu’en s’engageant à mieux faire désormais.
- Le peuple acceptera ce compromis ; en donnant ses voix à tout candidat que couvrira l’épithète républicaine, il prouvera sa volonté de ne mettre aucun obstacle à la pleine exécution des promesses qu’on lui aura faites. Mais, plus sera grand l'empressement des électeurs à assurer le triomphe des candidatures républicaines, plus il sera nécessaire que le lendemain du vote soit fécond en réformes bienfaisantes. Sans quoi, le peuple déçu, énervé, n’entrevoyant aucun moyen de réaliser progressivement les réformes attendues, se laissera aller aux excès de la révolution, s’il n’est séduit par les invités de la réaction.
- Il est facile de prévoir, de l’attitude des divers groupes, des dispositions de la presse, des incertitudes de la masse, qu’il ne sortira pas du scrutin du 4 octobre un parti de gouvernement suffisamment conscient des difficultés à vaincre et des réformes à introniser.
- On ne peut demander au peuple de se résigner, pendant quatre ans, encore à supporter sans murmurer une législature impuissante à réaliser la réforme sociale.
- Le renouvellement partiel annuel nous préservera de ces éventualités, il sera aussi un stimulant nécessaire qui hâtera l’éducation sociologique des électeurs et des élus.
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- Ces derniers, surtout ceux dont le mandat sera à expiration à la lin de la première année, feront tous les efforts dont ils seront capables pour mériter leur réélection ; les autres, jaloux de ne pas se laisser distancer, suivront l’initiative des plus intéressés.
- Le peuple de son côté, certain de pouvoir corriger à brève échéance les défectuosités de sa représentation législative, sera moins accessible aux suggestions du mécontentement et de la colère
- La paix sociale, la conservation de la république, l’amélioration progressive du sort des classes laborieuses, le progrès social sous toutes ses formes acquerront, par le renouvellement partiel et annuel des corps élus, une incomparable sécurité, comme, tous Jes phénomènes soumis aux lois de l’évolution continue.
- RESPECT AU SOUVERAIN
- Des journaux de l’Aisne excitent les conseillers généraux à prendre l'initiative du mouvement électoral du département. À les entendre, les élus du suffrage universel constitueraient un corps distinct investi de la mission de diriger les manifestations électorales.
- Etrange prétention !
- Les conseillers généraux ont leur mandat défini par la loi et par les clauses du programme électoral. Nous n’avons jamais entendu dire que la loi et les programmes électoraux aient consacré un pareil privilège.
- Peu nous importent les motifs de ceux qui encouragent de la sorte la formation d’une oligarchie électorale, sans le bon plaisir de laquelle les électeurs ne pourraient se concerter en prévision des élections légistatives.
- Cette tutelle n’est pas admissible. Et nous ne pouvons croire que nos conseillers généraux se laissent entraîner par ces invites dignes d’un parti réactionnaire.
- En face des comités électoraux, les conseillers généraux et autres élus ne sont plus que des simples citoyens qui iront siéger dans les Comités, si les électeurs leur confient cette mission par un vote spécial.
- Les mêmes qui propagent ces théories que ne désavoueraient pas les Orléanistes, sans doute pour empêcher le public de deviner les pièges que cache cette tactique, ont imaginé de de mettre au compte de l’ancienne députation des projets qui contiendraient les germes d’une violation du droit des électeurs
- D’après ces journaux, les députés sortants auraient pris l’engagement de ne pas séparer leurs candidatures.
- S’il en était ainsi, les auteurs de ce pacte se seraient placés au-dessus du suffrage universel, en prenant d’eux-mêmes une décision qui dépend de la volonté des électeurs.
- A ceux ci seulement il appartient de faire cette union ou de la repousser.
- Nous ne voulons pas préjuger le fond de la question ; nous n’examinons pas s’il convient, ou s’il ne convient pas, de conserver tous les anciens députés. Notre intention est de réser-
- ver et de défendre les droits du souverain, s’il était vrai que l’idée d’y attenter ait préoccupé un instant les anciens députés du département de l’Aisne. Nous avons peine à le croire.
- Cette dénonciation n’est basée sur aucun fait dont la responsabilité incomberait aux personnalités visées.
- Il n’en est pas de même des manœuvres qui tendent à suggérer aux conseillers généraux de s’ériger en grands électeurs.
- Nous ne nous arrêterons pas plus longtemps à ces propositions dangereuses ; nous espérons que les conseillers généraux ne laisseront à d’autres le soin de rappeler les corrupteurs au respect du Souverain, en défendant toutes ses prérogatives. ______
- On lit dans la Tribune de Laon.
- LE RENOUVELLEMENT PARTIEL
- Nous recevons la lettre suivante :
- Le dimanche 4 octobre nous aurons â élire nos représentants à l’Assemblée nationale.
- Cette circonstance impose à tous les amis de la République le devoir de coopérer à l’atïermissement des grands principes de liberté, de justice et de fraternité qui doivent présider, sans jamais faillir, aux conseils administratifs et gouvernementaux de tous les degrés, car — ne le perdons jamais de vue — c’est des qualités et des tendances personnelles de nos députés que dépendent la sagesse et la direction de toutes les affaires publiques, la prospérité de nos institutions démocratiques, le progrès et la réforme des lois nécessitées par la véritable justice.
- Cela étant, il est indispensable pour tout électeur qui désire l’avènement de l’équité, le progrès de la science et du savoir, de s’inquiéter sérieusement du choix des personnes auxquelles il a un travail et un mandat â confier.
- C’est pour obtenir ce résultat dans la plus grande mesure possible que les comités départementaux se forment, qu’ils s’édifient avec les éléments cantonaux ; ceux-ci étant la réunion des éléments communaux ; c’est ainsi que chaque commune apporte sa modique somme d’influence dans les décisions des comités départementaux qui, par ce moyen, ont la plus grande chance d’être conformes à la sagesse républicaine.
- Le comité départemental est un corps chargé de distinguer des candidats aptes à remplir convenablement la mission de député à des conditions (principales déterminées ; son choix doit être motivé, logique et sage ; conséquemment il importe de bien préciser, surtout, le point fondamental d’une représentation honnête, active et durable qui puisse constituer une réelle garantie de fidélité. Ce point essentiel, cette garantie certaine résident dans le renouvellement annuel et partiel d’une fraction de la Chambre, en sorte qu’il subsiste constamment une députation élue, en fonction, et la nécessité de soumettre tous les ans un tiers des mandataires députés au jugement de leurs électeurs.
- Ceci est bien un point capital autour duquel doivent se grouper toutes les volontés éclairées, aussi nous joignons nous d’âme et de cœur à ceux qui ont formulé les premiers cette sage et fructreuse idée, faisant tout ce qui est en notre pouvoir pour le faire admettre par tous les amis de l’ordre, du progrès et de l’économie.
- Dés lors, nous engageons entièrement toutes les fraction
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- républicaines à ne déléguer pour les comités cantonaux que des hommes décidés à sauvegarder la représentation vraiment nationale et qui s’obligent à ne nommer à leur tour, pour former le comité départemental définitif, que des hommes s’engageant à imposer, aux candidats à la députation, l’obligation de demander, dès leur entrée en fonction et de poursuivre avec insistance jusqu’à ce qu’elle soit acquise, la loi du renouvellement annuel et partiel de la Chambre.
- V allée-aux-Bleds, 9 août 1885.
- Garin-Moroy.
- Comité de Guise. — Conformément à une décision antérieure, les membres du comité de Guise, dans leur séance de lundi dernier, ont désigné les communes que devait visiter chaque fraction de la commission de propagande, à l’effet de s’entendre avec les républicains des communes pour organiser les réunions publiques communales d’où sortiront les délégués au comité cantonal.
- Les premières démarches dans les communes ont été accueillies avec empressement ; on se montre partout soucieux de rendre effective la souveraineté du suffrage universel.
- A Longchamps la réunion aura lieu le Samedi 22 Août à 8 h. 1/2 du soir.
- A Vadencourt, le Dimanche, 23 Août, à 3 h. 1/2 de l’après-midi.
- A Noyai, le Dimanche, 23 Août, à 7 h. 1/2 du soir.
- Dès que les autres communes auront été visitées nous ferons connaître les dates des réunions.
- Lesquielles-St-Germain. — Dès que les républicains de Lesquelles ont eu appris la formation du comité de Guise, ils ont commencé à se^préoccuper de choisir leurs délégués au comité cantonal. Ceux-ci ont été désignés dans une réunion publique, organisée dimanche dernier par les soins de citoyens dévoués de Lesquelles assistés d’une nombreuse délégation du comité de Guise.
- Cette réunion a été l’occasion d’une loyale affirmation de s sentiments républicains des populations rurales du canton.
- Ont été nommés délégués : Messieurs Patte-Bourgeois ; Roger Jules ; Froment Alexandre ; Pat eau Léon; Legrand-Jour on ; Mora Clovis ; Hamel Louis ; Oger-Hay.
- Les correspondances devront-être adressées à M. Legrand-Jouron.
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- BELGE ET FRANÇAIS
- Le dernier feuilleton des pétitions distribuées à la Chambre expose les faits suivants :
- Il vient de mourir à l’hôpital de la Pitié un homme dont une commission de la Chambre avait décidé de suivre les funérailles. La même commission avait décidé que ces funérailles seraient faites aux frais de l’Etat ; mais, la veille du jour fixé, la veuve du défunt le fit inhumer à ses frais.
- Pourquoi la veuve a-t- elle privé le défunt de ces honneurs posthumes ? C’est une question que nous négligeons. U est plus intéressant de savoir pour quelles raisons
- la commission, d’accord avec le ministre de l’intérieur, avait cru les lui accorder.
- Ces raisons, les voici : Monsieur Gillebert, marchand de toiles, rue Montmartre, 136, était, après la guerre, obligé de suspendre ses paiements. Avecv quelques ressources qui lui restaient, il acheta, à Carentan, une usine de céramique absolument tombée et parvint à la relever et à réaliser d’importants bénéfices.
- Tout allait bien, quand tout à coup M. Philippini, préfet de la Manche, obtient de M. Constans, alors ministre, un arrêté expulsant Gillebert du territoire français. L’arrêté porte ces mots :
- « Vu les renseignements recueillis sur le compte de Gillebert, né d’un père d’origine belge,et signalant cet étranger, qui vit dans l’oisiveté et s’adonne à la boisson, comme étant un sujet de terreur pour les habitants de Carentan... sur les propositions du préfet de la Manche... arrête ».
- Or, M. Gillebert n’était ni Belge, ni oisif, ni ivrogne. Cela est établi par tous les témoignages recueillis par la commission, et M. Constans a été le premier à reconnaître devant elle que sa bonne foi avait été surprise.
- Mais, dira-t-on, comment cet homme n’a-t-il pas pu prouver la triple erreur dont il était l’objet et comment ne s’est-il pas adressé à la justice ?
- La justice fut parfaitement saisie, et divers jugements établirent sa qualité de citoyen français. Voulant s’appuyer sur ces constatations juridiques, M. Gillebert porta d’abord plainte au parquet contre les auteurs de l’arrêté d’expulsion. Vaines démarches. Le garde des sceaux, auquel il s’adressa ensuite, ne répondit pas davantage, et quand il porta sa cause au conseil d’Etat, en demandant l’amnistie judiciaire, on lui répondit « qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur sa demande ». Si c’est à cela que sert un conseil d’Etat, on pourrait, sans inconvénient, faire sur le budjet une petite économie.
- On ne s’étonnera plus maintenant que cet inconnu, mort à l’hôpital, ait inspiré tant d’intérêt à une commission de la Chambre. On ne s’étonnera pas non plus que, ce malheureux ayant laissé une fille, la commission ait poursuivi, après sa mort, l’enquête qui a établi tous les faits résumés plus haut et pour lesquels une réparation matérielle et morale est due à cette enfant, à défaut de son père.
- C’est dans cette pensée que la commission a renvoyé la pétition de Gillebert à M. le ministre de l’intérieur, en la recommandant à sa sollicitude.
- La bienveiliance de M. Allain-Targé, qui avait déjà approuvé les mesures réparatrices et généreuses proposées par la commission, n’est pas douteuse * mais une question plus générale se pose ici. Comment, à notre époque, de pareilles énormités sont-elles possibles ? Comment la liberté, la fortune, la vie et l’honneur d’un citoyen sont-elles à la merci d’un fonctionnaire malveillant ou incapable ! Comment, à notre époque de publicité sans limite et sans frein, peut-on commettre de pareilles erreurs ?
- Eh bien, si l’on y réfléchit, on verra que quelque chose manque à nos institutions et encore plus à nos
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- mœurs. On verra que les libertés les plus étendues ne suffisent pas toujours à protéger, sans la pratique du droit d’association, le citoyen isolé, pauvre grain de poussière perdu dans la masse. La réponse dédaigneuse qu’un garde des sceaux ou le conseil d’Etat oppose à un individu, et avec laquelle il lasse sa persistance et vient à bout de ses ressources, pourrait-il la faire à un groupe, à une collectivité moins faible et moins prompte à se décourager ? Croit-on que si, dans chaque département, mieux encore dans chaque canton, une association existait pour la défense des droits individuels, des abus de cette nalure seraient possibles ? Nous laissons à chacun le soin de répondre.
- A. GAÜLTER.
- Le Familistère à Paris
- Nous lisons dans le journal L’Hôtel-de-Ville le récit d’une conversation, dont nous reproduisons une partie très significative concernant les progrès de notre propagande :
- Si M. Godin nous avait entendus, il aurait dit qu’il n’a rien donné du tout. Il a appris à ses ouvriers à gagner son familistère, et il a été tout simplement assez juste pour ne pas retenir ce qui leur appartient, ce qu’il pouvait faire comme tant d’autres qui posent pour des bienfaiteurs, pour des pères des ouvriers. M. Godin n’est pas un philanthrope, mais un socialiste.
- L’idée des Palais sociaux ou Familistère est une cause gagnée. On vante beaucoup les cités ouvrières anglaises et autres : il n’y a nulle comparaison à faire entre les cités et les Palais sociaux.
- Le congrès des opérations coopératives a beaucoup vanté 1 approvisionnement coopératif. Ce sera les Palais sociaux qui le donneront, c’est la seconde étape pour marcher à la réforme sociale pacifique. Nous y arriverons.
- Nous nous faisons l’illusion de croire qu’il se trouvera prochainement un homme juste, assez généreux et assez intéressé pour mettre à la disposition des travailleurs un capital, qui sera d’ailleurs avantageusement placé, pour édifier un Palais social.
- L’approvisionnement coopératif amènera les institutions garantîtes, la révolution sociale pacifique sera faite.
- La Ville de Paris pourrait le faire mieux qu’un simple particulier, mais le Conseil municipal le fera-t-il ? — Le vote de l’emprunt lui en fournirait le moyen.
- J. Manier.
- POUR ET CONTRE
- LA PARTICIPATION AUX BÉNÉFICES
- La société d’économie politique a discuté récemment la question suivante :
- La participation aux bénéfices est-elle contraire aux principes économiques?
- (Jette question avait été proposée par M. Bre-lay, rédacteur de l’Economiste Français, le même qui a critiqué le Familistère d’une façon si intelligente ("?). Voir le Devoir du 15 Mars.
- Les principes économiques ?
- Voilà un critérium commode, élastique ; il s’applique avec un égal succès sous tous les régimes, sous toutes les latitudes ; il ouvre à ses oracles les oreilles des despotes, des monarques et des politiciens de toutes nuances ; bagage point gênant eu route, qui permet aux voyageurs de l’économie politique de se mouvoir à St-Pétersbourg, à Rome, à Vienne, à Berlin, avec non moins de sans-façon que s’ils s’ébattaient, à Paris, en pleine Académie deo sciences économiques.
- Puisque ces principes sont en jeu, et ce n’est pas nous qui les y avons mis, il y aurait peut-être lieu de savoir lesquels voulait invoquer l’auteur de la la proposition ?
- Sont-ce les principes économiques qui admettent l’intervention de l’Etat : Caisse d’épargne, Postes,Banque de France,Conventions avec les Compagnies de chemins de fer, Télégraphes, et tant d’autres concessions et monopoles ayant tarifs homologués par l’Etat ?
- Sont-ce au contraire, les principes qui proclament l’inéluctabilité de la concurrence, sa toute puissance, la nécessité du combat pour la vie : principes que les mêmes économistes ne manquent jamais de rappeler aux gouvernements lorsque les travailleurs sollicitent son intervention ?
- Nous aurions compris qu’on se demandât si la participation était contraire auxprincipes de la vie humaine.
- Alors; il n’y avait plus qu’à rechercher si la participation augmentait ou diminuait les éléments de la prospérité des classes laborieuses, sans enlevei aux classes aisées rien qui puisse diminuer leur sécurité.
- Cela était trop simple pour des économistes.
- Néanmoins, nous leur devons des éloges pour avoir accepté de discuter contradictoirement avec les partisans de la participation.
- * +
- M. Brelay. Il confirme ses critiques relatives au Familistère. 11 voudrait que le salaire fut réglé par un contrat synallagmatique, liant patrons et ouvriers pour un temps déterminé, si possible. Le but à se proposer par la participation doit être de fortifier le salaire en l’augmentant, non comme un droit acquis pour la partie supplémentaire. 1. . reconnaît cependant que les partisans de la participation on
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- fait preuve d’un grand zèle et d’activité en organisant la prévoyance, la mutualité, les secours, 1 apprentissage. Mais les participationnistes ont eu grand tort en présentant leu: répartition des fruits du travail — en ce qui concerne les ouvriers, comme devant avoir lieu au prorata des services rendus, c est-à-dire tant au capital, tant à la direction et tant à la main d’œuvre. Il conclut en répétant que la participation librement pratiquée n’a rien de contraire aux principes économiques.
- Cette participation librement pratiquée n admettra jamais que le supplément du salaire devienne un droit acquis. C’est en quoi le Familistère est en contradiction avec les principes de 1 économie politique.
- • Nous avons, il est vrai, la compensation de nous trouver en conformité avec les principes de la vie humaine.
- L’initiative du fondateur du Familistère s’est d’abord exercée dans la pratique de la participation facultative, sans contrat. Les avantages immenses, qu’il a pu constater à la suite de ses premières expérimentations, 1 ont conduit à vouloir en généraliser les salutaires effets et en assurer le bénéfice aux générations futures. En laissant à ses successeurs la faculté de restreindre les limites de la participation, même de la faire disparaître, le fondateur du Familistère aurait obtenu l’approbation des économistes ; en donnant à cette participation le caractère d’une institution durable, susceptible de développement sans que l’on puisse la réduire, il a encouru les foudres de sublime économie !
- La participation aux bénéfices, accidentelle et variable, comme la comprennent les économistes peut contenir une amélioration passagère de la vie humaine ; transformée en une institution définitive elle perpétue cette amélioration ; elle est donc plus conforme dans ce deuxième cas aux besoins de la vie humaine, quoique contraire aux principes de M. Brelay.
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- E. Charles Robert. Toutes ses études sur la participation commencées il y a longtemps l’ont confirmé dans ses opinions favorables. Le salaire pur et simple est légitime, mais le système, qui ajoute ausalaire la participation aux bénéfices et se rattache au principe de la proportionnalité des concours et des risques, est juste , si le capital en sus de l’intérêt stipule un dividende, l’ouvrier après le salaire peut aspirer à une participation. Il cite divers exemples de participation et désigne le Familistère comme une fondation remarquable qui donnera aux ouvriers la propriété de l’us'me. , Il ne voit pas quelle différence on peut faire entre la caisse d épargne! destinée à centraliser les épargnes individuelles, et le projet de caisse dont certains participationnistes ont réclamé
- la fondation par le gouvernement pour grouper les épargnes des collectivités désireuses d’y apporter leurs économies collectives. Le régime du salariat est-il tellement florissant qu’on puisse dédaigner l’étude de celui dont le tableau exposé à Anvers fait connaître beaucoup d’exemples ?
- Nous attendrons longtemps une réponse précise des économistes à l’argumentation de l’honorable M. Charles Robert.
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- M. Adolphe Goste. En général les répartitions ne s’élèvent pas à beaucoup plus de 5 ou 10 0/o des salaires. L’efficacité du procédé tient-elle donc à une si faible gratification ? et le malentendu social dépend-il d’une misérable différence de 100 fr. ou de 200 fr. dans le salaire annuel des travailleurs ? U est difficile de le croire. Le travailleur doit participer aux bénéfices de l’atelier où il travaille dans l’usine et non aux bénéfices de l’ensemble des ateliers d’une manufacture. Une caisse d’Etat n’est pas nécessaire, elle est contraire aux principes de l’économie politique.
- Le malentendu social ne dépend pas d’une misérable différence de 100 fr, ou de 200 fr. ; mais cette misérable différence, si elle était rationnellement employée, suffirait à enlever toute acuité à la question sociale et en assurer le dénouement pacifique.
- Les salaires annuels s’élèvent en France à une somme de dix milliards ; 5 0/o de cette somme donne le chiffre respectable de cinq cents millions. Il est évident que, si l’on distribue ccs cinq cents millions aux salariés, la part de chacun ne sera pas très élevée ; quelques-uns emploieront leur part à une augmentation de bien être à peine sensible ; les débauchés en tireront quelques occasions de plus de se nuire à eux-mêmes : parmi les épargneurs, un petit nombre saura placer convenablement cet excédent, les autres se donneront beaucoup de mal pour se faire dépouiller par les sociétés financières dont les annonces encombrent les dernières pages de maints journaux orthodoxes de l’économie politique.
- Mais si les mêmes cinq cents millions sont utilisés en fondations collectives, nous voyons la possibilité de racheter, en quelques dizaines d’années, la dette nationale et beaucoup d’autres valeurs, au profit d’une mutualité qui parviendrait bientôt à soustraire la totalité des déshérités aux atteintes de la misère. Si on examine cette question au point de vue de la sécurité des vieux travailleurs, il est concevable que l’on arrive, en quelques années, à constituer un million de pensions de2 fr. par jour.
- Sont-celà des résultats misérables.C’est pourtant ce qui serait immédiatement possible avec les nn-
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- sérables 5 O/o de participation que nous accorderaient les économistes, s’ils ne considéraient que le peu d’importance de cette somme ; mais les principes écononomiques ?
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- M. Cermuschi. Il ne croit pas à la participation. L’ouvrier n’est pas à même de vérifier les bilans. Les maisons gênées dans leurs affaires ne peuvent pas la pratiquer. Chacun traite à sa guise la science économique; il ne saurait dire si cette prétendue science approuve ou non la participation. Quant à lui, jugeant d’après son expérience, il ne s’en promet rien qui vaille.
- L’inoapaciti des ouvriers à vérifier un bilan, n’est pas un motif ; c’est le cas général des actionnaires ; et cette ignorance ne les empêche pas de recevoir les dividendes.
- Les dernières paroles de M. Cermuschi, concernant la science économique, ont notre complète approbation.
- * *
- M. Veyssier. La participation est un fait qui existe et les arguments contraires ne la détruiront pas. Il trouve que la position de la question n’est pas logique. Le salaire fixe ne court aucun danger par suite de la participation ; il est rigoureusement observé dans les maisons qui pratiquent la participation. Il admet que la situation financière des patrons étant dressée par des employés est en réalité à la connaissance de tout son personnel. Les pourfendeurs de la science économique feraient bien de formuler un modus vivendi qui soit un progrès sur le passé et le présent. La participation a fait ses preuves, et les esprits positifs doivent se rendre à l'évidence de ses bienfaits.
- M. Veyssier, on le voit, professe un médiocre respect pour les principes de l’économie politique ; il préfère raisonner d’après les besoins de la vie; qu’il persévère et qu’il avance dans la voie ouverte par les partisans positifs de la coopération, et la distance qui le sépare des économistes deviendra chaque jour plus grande.
- M. Charles Robert. Il estime qu’on peut donner des garanties aux ouvriers, sans subir les inconvénients de leur ingérance dans les affaires. Il cite des cas où toute idée de suspicion est écartée par l’attestation d’arbitres
- M. Améline de Briselaine II reconnaît qu’on ne peut blâmer un patron de passer avec ses ouvriers ou employés tels contrats qui lui plaisent, mais il repousse formellement les encouragements de l’Etat et des communes. Ceux qui prétendent que le salaire a droit à une part dans le bénéfice absolument comme le capital, absolument comme
- l’entreprise, soutiennent une thèse audacieuse qui n’est pas vraie. Cette doctrine est le socialisme d’Etat. Ce socialisme là nous envahit petit à petit sous toutes les formes, et tous les jours, il gagne du terrain.
- C’est absolument ce que nous constatons chaque jour ; il nous semble même que l’extension de ce socialisme gagne du terrain en raison directe des anathèmes des économistes.
- M. Frédéric Passy se borne à constater deux point-
- 1° La participation, évidemment n’a rien de contraire aux principes économiques, dans les limites de la liberté;
- 2° Quand la participation est constituée d’un commun ac cord entre patrons et ouvriers, elle a principalement des résultats moraux.
- Mais il est consolant et intéressant de constater, encore une fois, que le système de la participation, malgré les diverses formes qu’il peut affecter et malgré les difficultés d’application qu’il comporte, est surtout susceptible de donner tous ses bons effets lorsqu’il est fondé sur le respect de la li berté.
- Étant donné que l’ouvrier a toujours avantage à accepter la participation, il est évident qu’il voudrait constamment avoir la liberté de participer aux bénéfices. M. Passy ne parle pas de cette liberté, il fait allusion à celle du patron qui, d’après la théorie économiste, doit rester le seul juge de savoir s’il y a lieu ou non de faire participer les ouvriers aux bénéfices.
- L’enseignement donnait aussi de bons effets,lorsqu’il était fondé sur le respect de la liberté; nous ne pensons pas qu’il en donne de moindres depuis que l’Etat l’a organisé.
- Les chemins de fer produisent d’excellents effets, sous le régime de l’initiative individuelle ; mais il es 1 certain que nous n’aurions pas le quart de notre réseau, si l’Etat,par ses subventions,n’avait surexcite cette initiative.
- L’épargne populaire a toujours eu de bons effets, mais ils ont été considérablement étendus par l’organisation des caisses d’épargne communales et nationales.
- Nous poumons continuer indéfiniment notre énumération. Nous ne voulons pas examiner, maintenant, si les bons effets constatés dans les expérimentations individuelles, lorsqu’ils atteignent les proportions des résultats de la participation, ne sont pas des motifs majeurs pour les hommes publics de rechercher comment ils pourraient généraliser les causes génératrices de faits si profita blés au progrès humain. . . j, :
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- LE DEVOIR
- Nous concluerons par une question que nous soumettons aux lumières des doctes économistes :
- Quels sont les principes de l’économie politique ? Sont-ils conformes à la raison, aux lois de la vie ?
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- LXXXV
- Rémunération des fonctions publiques
- Les droits politiques ne sont qu’un mirage pour les classes laborieuses tant que, par une juste rémunération, les fonctions électives ne sont pas rendues accessibles à l’ouvrier.
- Les conseillers généraux, les conseillers d’arrondissements, les conseillers municipaux, les maires, les adjoints et tous les fonctionnaires élus doivent-être payés pour le temps qu’ils consacrent à la chose publique.
- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- La vieillesse abandonnée. — Depuis longtemps on songe à donner un asile aux ouvriers qui se trouvent dans l’impossibilité de continuer à travailler, soit par l’âge, soit par suite de blessures ; il serait temps de réaliser ce projet.
- Un brave ouvrier menuisier, âgé de soixante-sept ans, ne pouvant plus gagner sa vie à cause d’infirmités occasionnées par des accidents de travail, était depuis deux ans à la charge de son beau-frère et de sa sœur.
- Ces deux derniers pouvant à peine subvenir à leurs besoins, l’ouvrier menuisier fit, il y a deux ans, une demande pour entrer dans un asile de vieillards.
- Au bout de quelques mois, n’ayant pas reçu de réponse, le vieillard s’adressa à la Préfecture de police.
- On lui écrivit de se rendre à la mairie de son arrondissement.
- Dimanche dernier, une voiture de la Préfecture — ce fameux « panier à salade » qui ne sert qu’au transport des voleurs et des assassins ! — est venue le prendre. Et pour le conduire où ? Au Dépôt de mendicité à Villers -Cotterêts ! Et cela, à ses frais !
- Ainsi voilà un honnête homme qui a toujours eu de bons certificats et qui se voit, à l’âge de soixante-sept ans, conduit dans un Dépôt de mendicité, où on ne reçoit que des vagabonds !
- Ne devrait-il pas exister un asile pour la vieillesse où les pauvres gens seraient conduits dans une autre voiture que celle des prisonniers?
- Cette note empruntée à un journal parisien n’indique pas la véritable solution. Les asiles pour la vieillesse sont nécessaires dans certains cas particuliers, mais en règle générale les sociologues éclairés ne peuvent réclamer moins que la re-
- faite et l’assistance à domicile pour tous les vieillards désireux de finir leur existence dans le milieu où ils ont travaillé.
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- Le rayonnement pacifique. — A une distribution
- des prix du Conservatoire de Marseille, M. Leydet, député qui présidait la cérémonie, a terminé ainsi son discours :
- « On a osé dire que ce n’était pas par le rayonnement pacifique que les grandes nations devenaient grandes aujourd’hui. Tristes paroles contre lesquelles la France proteste. Doctrine qui nous ferait reculer au temps de la barbarie pour méconnaître l’immense influence de la Grèce antique, de la Renaissance et de la civilisation moderne sur le monde entier. Nous croyons, bien au contraire, à la puissance bienfaisante des arts et des sciences et nous poursuivrons résolument la tâche, éminemment républicaine, du développement du travail et du progrès dans une libre et pacifique démocratie. »
- Plusieurs salves d’applaudissements ont couvert ensuite les dernières paroles de l’orateur.
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- Effets de la politique militaire. — La grande conception de M. Jules Ferry continue à porter ses fruits.
- L’année dernière nous détruisions l’arsenal de Fou-Tcheou et les officieux ne cessaient de vanter les résultats qu’on devait retirer de ce brillant exploit. Ces résultats nous les connaissons maintenant.
- L’arsenal de Fou-Tcheou avait été fondé par un de nos compatriotes, l’ex-lieutenant de vaissean Giquel et naturellement celui-ci s’était entouré de compatriotes ; jusqu’au moment de la guerre, tout le personnel supérieur de l’établissement était composé de Français.
- Aujourd’hui l’arsenal de Fou-Tcheou est reconstruit, mais il vient d’être pourvu d’un personnel formé presque exclusivement d’officiers ou d’ingénieurs anglais.
- Cette modification nous fait perdre le prestige dont nous jouissions autrefois à Fou-Tcheou.
- Les transports. — Dans l’enquête agricole de l’Aisne, en 1884, il a été constaté officiellement que les moutons de ce département ne peuvent, à quelque combinaison qu’on se livre, arriver sur le marché de la Villette avec des tarifs seulement égaux à ceux dont jouissent les transports de moutons allemands qui traversent ce département.
- Ce sont là desfaits qu’on ne doit pas cesser de mettre en lumière et sur lesquels il est nécessaire que l’attention soit constamment éveillée.
- Qu’est-ce que demandent les producteursfrançais ? C’est que sur le territoire français, quand il s’agit d’opérations commerciales ou de transports, ils soient traités au moins dans les mêmes conditions que les étrangers ; ce n’est pas une bien grande ambition, et, cependant chaque jour on constate que, sous un prétexte ou sous uri autre cette ambition légitime est constamment déçue.
- ALLEMAGNE
- La conférence internationale télégraphique. — La conférence internationale télégraphique a
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- été ouverte hier, à Berlin, par M. Stephan, secrétaire d’Etat de l’Office des postes de l’empire.
- Trente-trois Etats et dix-sept compagnies télégraphiques y sont représentées.
- Soixante-douze délégués assistaient à la séance d’ouverture.
- Sur la proposition de l’Angleterre, M. Stephan a été élu président et M.Hake, directeur général des télégraphes a été élu vice-président.
- L’ordre du jour fixé par la conférence de Londres a été adopté.
- La conférence de Berlin a ensuite nommé deux commissions, l’une pour les tarifs et l’autre pour l’exploitation et les questions techniques.
- Ces commissions commenceront immédiatement leurs travaux.
- Les matériaux étant très considérables, il est probable que la conférence siégera de quatre à six semaines.
- Le président a parlé en termes simpathiques des membres de la conférence précédente qui sont morts dans l’intervalle des deux réunions. L’assemblée s’est levée pour rendre hommage à leur mémoire.
- M. Kielsen, directeur général des télégraphes norvégiens, a fait l’exposé des conférences précédentes.
- M. Curchod, chef du bureau international, a présenté le rapport sur la proposition concernant la statisque des mesurages électriques, des courants atmosphériques et des commotions électriques.
- Dans son discours d’ouverture, M. Stephan a dit que ces conférences avaient pour but de généraliser l’usage du télégraphe, en élaborant des règlements pratiques et en amenant l’abaissement des tarifs. La conférence de Londres a fait adopter le principe de la taxe par mot. Puisse la conférence de Berlin amener également un progrès et, par là, rendre le télégraphe plus accessible à la foule et notamment aux classes pauvres ! Grâce à l’esprit de conciliation qui s’est manifesté aux précédentes conférences et qui a permis de faire adopter des principes communs aux nombreuses lignes télégraphiques qui existent dans le monde, il n’est pas douteux que les difficultés qui pourront se présenter ne disparaissent à la suite de discussions amicales.
- BELGIQUE
- Représentation proportionnelle — Le congrès pour la représentation proportionnelle a terminé ses travaux en votant l’ordre du jour suivant :
- La conférence internationale pour la représentation proportionnelle, réunie à Anvers, décide :
- 1° Que la majorité absolue viole le principe de la liberté de l’électeur, provoque la fraude et la corruption et peut donner la majorité de la représentation à la minorité du corps électoral ;
- 2° La représentation proportionnelle est le seul moyen d’assurer le pouvoir à la majorité réelle, le contrôle aux minorités et la représentation exacte de tous les groupes sérieux du corps électoral ;
- 3° Pour l’appréciation des nécessités de chaque pays, le système de la concurrence des listes, avec un chiffre répartiteur, marque un progrès considérable sur les systèmes pré-
- cédemment proposés et constitue un mode pratique et rigoureux de réaliser la représentation proportionnelle.
- Ce vœu a été voté à runanimité.
- ANGLETERRE
- Emancipation de la femme. — Sir M. Hiks-Beach, chancelier de TEchiquier, recevant hier une députation du suffrage électoral des femmes de Bristol et Clifton, leur a déclaré que le cabinet est favorable à ce suffrage, mais que celui-ci ne pourrait jamais être accordé aux femmes mariées.
- Les Irlandais. — Les journaux anglais publient l’appel suivant adressé par la Ligue nationale irlandaise de la Grande-Bretagne aux électeurs de nationalité irlandaise dans les circonscriptions de l’Angleterre et de l’Ecosse :
- Le 20 août est le dernier jour pour formuler les réclamations.
- La tâche des électeurs irlandais aux prochaines élections générales est plus importante et plus sacrée qu’elle ne l’a jamais été aux précédentes périodes de l’histoire. Selon toute probabilité, ce seront les électeurs irlandais dans les circonscriptions de l’Angleterre et de l’Ecosse qui exerceront le contrôle final et qui auront le dernier mot dans la grande lutte pour l’indépendance de l’Irlande.
- Le parti national irlandais est sûr de pouvoir épurer une grande majorité des circonscriptions irlandaises. Nul — ni ami ni ennemi — ne saurait le mettre en doute.
- Le seul point douteux est de savoir si la grande majorité que fournira l’Irlande trouvera les partis anglais dans une situation telle qu’elle serait en mesure d’avoir une voix décisive dans l’avènement au pouvoir ou dans la chute de l’un ou de l’autre de ces partis.
- C’est aux Irlandais de l’Ànglete-rre et de l’Ecosse à le décider. C’est d’eux que dépendent le succès et le triomphe complet de l’Irlande dans un avenir prochain. Les Irlandais qui peuvent obtenir une influence aussi capitale sur les destinées de leur pays seront à blâmer s’ils laissent échapper l’opportunité de s’assurer les votes nécessaires à cet effet.
- Les listes de révision sont actuellement publiées. Toute personne verra si son nom y figure. S’il ne s’y trouve pas ou si la mention est inexacte, des réclamations peuvent encore être faites.
- Par ordre du comité exécutif : john brady, secrétaire.
- AUTRICHE-HONGRIE
- Entrevue d’empereurs. -• On a fait des préparatifs extraordinaires pour la réception des Empereurs de Russie et d’Autriche.
- La mise en état du château de Kremsier et de huit bâtiments annexes n’a pas coûté moins d’un demi-million de florins.
- Un régiment en garnison à Olmutz a reçu l’ordre de partir prochainement pour Kremsier.
- Le château et le parc seront, d’ailleurs, comme absolument sépares du reste du monde.
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- Tout étranger qui arrive est soumis à un minutieux interrogatoire, et les familles qui reçoivent des hôtes doivent en avertir la police.
- JAPON
- Nous venons de recevoir les journaux de Yokohama publiés du 29 juin au 3 juillet, nous leur empruntons les nouvelles suivantes :
- Le colonel Nasegawa et le capitaine jOsskasaka ont reçu l’ordre de se rendre en France. Le colonel Oseko, le lieutenant-colonel Zioga, le capitaine Yamané, et le lieutenant Sagara ont été chargés de faire un voyage en Allemagne.
- Le Japon a acheté en Angleterre un certain nombre de canons Nordenfeldt. Ces canons seront transportés au Japon par les deux croiseurs que l’on construit en Angleterre pour le gouvernement japonais.
- Quatre-vingt-une femmes, veuves ou filles de fonctionnaires des télégraphes, sont employées actuellement dans le même service.
- Le gouvernement a l’intention de créer à Tokio une école des beaux-arts, où l’on étudiera les arts européens en même temps que les arts japonais.
- LA FEMME EN SUISSE(,)
- par Mme MARIE GŒGG.
- La Suisse est restée jusqu’ici presque étrangère à l'importante question de la femme ; il est donc assez difficile d’aborder le sujet. La difficulté s’accroît encore par la division du pays en vingt-cinq cantons, dont chacun avait jusqu’en 1874 sa législation propre, son code purementcantonal ; de sorte qu’une innovation introduite dans un des cantons était confinée dans d’étroites bornes, et souvent regardée avec étonnement parles autres cantons. Les cantons primitifs et spécialement les catholiques : Uri, Unterwald, Schwytz, Lucerne, etc, sont restés en arrière des cantons protestants, qui, à leur tour, se sont dépassés les uns les autres dans la course au progrès.
- Le canton de Genève, par exemple, dont la population, composée d’éléments variés, est dirigée par les descendants de ces émigrants d’élite qui fuirent les persécutions religieuses et politiques de ces derniers siècles, s’est toujours tenu à la tête des cantons protestants.
- Bien qu'assujetti au Gode napoléonien, le canton de Genève n’a jamais connu ce dégradant principe de la loi française ; la mise en tutelle de la femme, qui existe dans les autres cantons, même
- (1) Extrait du livre de M. Stanton : « The woman question in Europe.»
- dans l’intelligent canton de Vaud, où il ne fut supprimé qu’en 1873; ce principe resta en vigueur dans plusieurs autres cantons jusqu’en 1881, époque où une loi fédérale l’abolit par toute la Suisse.
- Il n est pas nécessaire d’expliquer que la loi de tutelle des femmes, admettant sans conteste leur infériorité intellectuelle et morale, les tenait toute leur vie quelles que fussent leur intelligence, leur éducation et leur position sociale, sous une protection masculine quelconque. Ainsi le père ou le mari et, dans le cas où tous deux étaient morts, le fils s’il était en âge, ou un ami, ou même un étranger pouvait selon sa propre volonté ou son bon plaisir accorder ou refuser à une femme la jouissance de ses propres revenus. En un mot, c’était une marque d’infériorité imprimée aux femmes depuis le berceau jusqu’à la tombe, sans parler du danger qui, avec cette loi, menaçait leurs intérêts matériels, le gardien de leur fortune étant légalement tenté d’user de ce qui ne lui appartenait pas, tentation à laquelle plus d’un succombait ; de sorte que de nombreux exemples de femmes ruinées par les personnes mêmes désignées pour les protéger, avaient prouvé longtemps avant la réforme de la loi l’injustice de cet état de choses.
- Puisque les lois d’un peuple sont généralement le reflet de ses coutumes, de ses croyances, de ses aspirations, on peut dire que Genève a traité les femmes avec une générosité et une largeur d’esprit remarquables, comparativement aux autres Etats vivant sous un co'de presque similaire, mais retenus par le despotisme et l’ultramontanisme. Par exemple, Genève conservait le divorce, quand la France rétablissait l’indissolubilité du mariage; la femme divorcée reprenait, ce qui n’est point le cas partout, le contrôle de ses propres biens, et souvent, selon les causes du divorce, l’entière éducation de ses enfants.
- Genève accordait à la femme mariée le contrôle de sa propre fortune lui réconnaissant le droit de
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- déposer ses épargnes à la banque et de les retirer sans autorisation du mari ; créait il y a plus de 30 ans, d’excellentes écoles intermédiaires de filles, et ouvrait aux femmes toutes les branches de l’Université. n
- Malgré ces mesures libérales qui dénotent chez nos législateurs, une grande largeur de vues pour l’époque, la Suisse prise dans son ensemble a été l’une des contrées d’Europe les moins disposées à accepter l’idée de l’émancipation civile des femmes et de leur accès aux droits politiques.
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- De 1848 à 1868 les réclamations des Américaines furent regardées comme le comble de l’extravagance. Cependant la Suisse à fourni au monde lant de femmes distinguées qu’il est inutile de défendre devant l’opinion publique l’intelligence féminine. Mais entre la reconnaissance des capacités intellectuelles des femmes et l’application logique des droits qui en résultent, s’ouvre un abîme de préjugés et d’injustices.
- En 1867 j’étais présentée au congrès de la paix tenu à Genève et je fus frappée des avantages de la réunion de tous ces hommes supérieurs venus ensemble des quatre points du globe, pour protester contre la guerre. Ces hommes d’élite, pour la plupart inconnus la veille les uns aux autres, discutaient leurs iniérêSs et finalement ne se séparaient qu’après avoir créé la Ligue internationale de la Paix et de la Liberté. Pourquoi nos femmes n’imiteraient-elles pas ce bon exemple, et ne s’assembleraient-elles pas pour examiner leurs droits et fonder une société internationale ?
- Cette idée simple et naturelle fut l’origine de l’invitation que je lançai au printemps de 1868 pour inviter les femmes de toutes nations à former une société en vue de la défense de leurs intérêts communs.
- En juillet de la même année l’association internationale des femmes fut créée, et j’en fus élue présidente. Le comité central ou exécutif se mit à l’œuvre sur le champ.
- Un de ces premiers actes fut d’adresser une lettre au comité central de la Ligue internationale de la Paix et de la Liberté dont le prochain meeting était annoncé pour septembre à Berne et de demander l'admission des femmes au congrès. Après une longue discussion Gustave Vogt, de Berne, légiste distingué, répondit que non seulement les femmes seraient admises, qu’elles étaient invitées à prendre la parole le dernier jour du congrès.
- Bien que durant toute la semaine le public Bernois eut suivi les séances du congrès avec un profond intérêt, on peut dire que la séance du dernier jour, 26 septembre 1868, éveilla la plus grande curiosité. La salle était comble. « Les femmes vont parler aujourd’hui », murmurait-on dans la foule, « ce sera plaisant. » Ce ne fut pas plaisant, mais cloquent.
- Les raisons en faveur de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes furent exposées de façon à entraîner l’auditoire. Pas une voix dans cette vaste assemblée ne s’éleva pour combattre les con-
- clusions des deux orateurs féminins; Mm® Virginie Barbet et l’auteur de la présente étude. Plusieurs membres de la Ligue de différentes nationalités proposèrent que désormais les femmes fussent admises comme membres de la ligue internationale de la Paix et de la liberté aux mêmes titres que les hommes. La proposition fut votée à l’unanimité.
- La brillante manifestation de Berne attira l’attention sur l’association internationale pour la défense des droits des femmes et des adhérents nous arrivèrent de tous côté s.
- Ce fut comme un éveil de la conscience publique.
- De 1868 à 1870 notre association répondant à un réel besoin eut l’honneur de rallier beaucoup de nobles esprits, Au premier meeting général, le 27 mars 1870 l’Association comptait quinze sociétés locales bien constituées, chacune représentant les besoins du pays et du canton où elle existait.
- Dans le but de faire progresser ce jeune mouvement, j’établis à mes risques et périls une feuille bi-mensuelle le Journal des femmes. Mais l’opinion publique en Suisse n’était pas encore prête à soutenir une chose si aventurée. Le journal des femmes ne vécut que quelques mois.
- Néanmoins l’avenir était plein de promesses pour la cause que nous plaidions, quand éclata la terrible guerre franco-allemande de 1870. Pour diverses raisons inutiles à rapporter là, je fus contrainte de résigner la présidence et l’association prit fin.
- Deux ans après, la paix et le calme étant revenus, un groupe de femmes pleines de foi dans l’idée qui avait motivé l’Association Internationale résolurent de reconstituer une société analogue. Un appel fut publié convoquant, pour le 9 juin 1872, les amis du mouvement féminin chez Mme de May de Rued, à Berne.
- Une nouvelle société intitulée (La Solidarité) fut fondée sous la présidence de Mme de May de Rued. La ville de Berne fut fixée comme siège du Comité Central.
- Mm* de May de Rued était une Bernoise bien connue pour ses articles de journaux concernant les différents codes des cantons suisses.
- La Solidarité commença immédiatement à organiser des sociétés auxilaires. Au printemps de 1873‘ La Solidarité, par l’intermédiaire de Mlle Mathilde Boisot présidente de la branche de Lausanne, pétitionna au Grand Conseil du Canton de Vaud pour l’abolition de la tutelle des femmes; elle eut la satisfaction de voir sa demande agréée. La pétition était soutenue par plusieurs députés de Vaud.
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- Au meeting de Genève, 15 septembre 1875, je fus élue présidente de la société La Solidarité, et mon élection fut annuellement renouvelée jusqu’en 1880. Durant ces cinq années la société publia un Bulletin trimestriel ayant pour but de vulgariser les questions concernant le droit des femmes.
- Des difficultés financières obligèrent malheureusement à abandonner cette publication en septembre 1880 et le journal et la société cessèrent d'exister.
- Depuis la chute de la. Solidarité nul essai n’a été tenté pour rétablir une association nationale.
- Quelle est la cause de l’indifférence ou de l’inertie des femmes suisses dans une question qui devrait les intéresser à un si haut degré ? Il y en a plusieurs. Voici sans doute la principale :
- La Suisse n’est composée que de gros villages et de petites villes là, plus ; que partout ailleurs, le terme « émancipation » est confondu avec immoralité. Défait est si bien connu que nos sociétés de femmes ont toujours substitué à ce terrible mot ceux « (ïégalité de droits.»
- Un autre empêchement au succès a été l’impossibilité de travailler dans un but commun. Les différences de nationalité, de religion, de législation dans les divers cantons ont produit une variété de mœurs, de coutumes, de caractères qui font de la Suisse un composé n’ayant qu’un solide trait d’union : la vénération mutuelle pour le drapeau fédéral.
- Gomment accomplir une réforme de la nature de celle tentée par nous, quand au lieu d’un obstacle il en faut surmonter vingt-cinq, l’un après l’autre?
- Deux ou trois autres sociétés, bien que non spécialement consacrées aux droits des femmes, ont néanmoins fait beaucoup pour améliorer la condition féminine.
- Citons par exemple :
- La société suisse d’utilité publique qui a des branches dans presque tous les cantons. Cette société a souvent abordé la question de la femme et les mesures qui devraient être adoptées pour mettre celle-ci à même de gagner honorablement sa vie.
- La Suisse contient, en outre, un grand nombre d’associations charitables créées et dirigées par des femmes.
- La Suisse pourrait citer avec orgueil une légion d’écrivains féminins, de sculpteurs, de peintres, etc ; mais leur nombre même rend impossible de donnei ici leurs noms.
- En octobre 1872, une pétition signée des cr mères de Genève » fut adressée au Grand Conseil de Genève, pour obtenir l’admission des femmes à l’Université sur le même pied que les hommes. La demande fut accordée.
- Le tableau suivant donne le nombre des étudiantes qui ont poursuivi leurs études à l’Université de Genève :
- Années Sciences Médecine Lettres Total
- 1876-77 1 » » 1
- 77-78 » 4 » 4
- 78-79 3 2 » 5
- 79-80 5 4 » 9
- 80-81 6 7 » 13
- 81-82 8 6 » 14
- 82-83 12 8 1 21
- Comme on le voit, le nombre des étudiantes s’ac-croit régulièrement.
- Une évolution analogue s’accomplit dans d’autres cantons.
- --------------.—.—«.»»----------------------------
- Mise à prix de la tête d’Olivier Pain.
- La profonde émotion causée, il y a quelque temps, en France, par le prétendu fait de la mise à prix de la tète d’Olivier Pain, a suscité, comme on le sait, une interpellation dans la Chambre des Communes. Le gouvernement anglais a répondu en niant la véracité de l’allégation touchant la mise à prix. Néanmoins, cette réponse n’ayant pas paru faite en termes suffisamment précis pour satisfaire pleinement la presse française, l’Association de paix et d’arbitrage International, par l’organe du président de son comité exécutif, a fait une démarche auprès du Ministre des affaires étrangères, Marquis de Salisbury, afin de jeter pleine lumière sur ce fait monstrueux s’il eût été vrai.
- Nous reproduisons ci-dessus la réponse du Foreign Office, à titre de document et au nom de l’intérêt de la civilisation, car il convient que la vérité se fasse complète sur de pareilles questions.
- Foreign Office 1 Août 1885
- « À Monsieur Hodgson Pratt,
- « International arbitration and peace Association.
- « Monsieur,
- « En réponse à votre lettre du 23 juillet dernier de-« mandant s’il y a le moindre fond de vérité dans l’allé-« gation de la mise à prix de la tète de M. Olivier Pain,
- « le Marquis de Salisbury me charge de vous informer « qu’à la connaissance du gouvernement de Sa Majesté « la Reine, une telle proclamation n’a jamais été faite,
- « par aucun des officiers militaires britanniques, ni en « Soudan, ni en Egypte.
- « Veuillez agréer, etc. »
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- ligue internationale
- de la Paix et de la Liberté.
- La Ligue internationale de la Paix et de la Liberté tiendra une assemblée générale qu’elle ouvrira le 13 septembre prochain,à Genève,à neuf heures du matin, Salle de VAlabama, Hôtel de Ville.
- Ordre du jour :
- 1° Examen des actes de la Conférence de Berlin.
- 2° Neutralisation des Détroits : Bosphore et Dardanelles.
- 3° Devoirs imposés aux amis de la paix et de la liberté par la situation de l’Europe.
- Au nom et par délégation du Comité central, Ch. Lemonnier, Président.
- Le journal d’aviculture le Poussin, que dirige M. Lemoine, le grand éleveur de Crosnes, publie une assez curieuse statistique du nombre, de volailles que nous possédons en France. Nous avons trop souvent médit les statistiques pour accepter celle-là au pied de la lettre. Evidemment, elle ne doit reposer que sur des approximations ; mais nous devons croire que l’auteur leur a donné une basse assez sérieuse pour qu’elle ait son intérêt. Il y aurait en France 43,858,780 volailles qui, évaluées à 3 francs l’une, représenteraient une somme totale de 131,576,340 francs! Chaque année un cinquième de ces volailles est vendu pour la table au prix de 27,855,268 francs. En outre, 2,100,000 poulardes et chapons, vendus à 3 francs pièce, donnent un total de 6,300,000 francs. Il reste par conséquent 32,982,024 volailles destinées à la reproduction et fournissant annuellement 101,000,000 de poulets. Sur ce chiffre, 79 millions sont vendus à raison de 1 fr 75 la pièce, donnant ainsi 138,250,000 fr. Le reste est mort pendant l’é-evage ou a été réservé pour combler les vides du poulailler. L’auteur ajoute aux chiffres précédents 7 millions représentés par les volailles de race, les poulardes et les chapons, ce qui lui permet d’arriver au chapitre des œufs, avec la somme respectable de 179, 405,268 fr.
- Evaluant à 100 œufs la ponte moyenne de ses 32,982,024 poules, il commence par en défalquer les 101 millions d’œufs qui seront donnés à couvrer ? ; il reste alors avec un stock de 3,187,209,800 œufs, valant 223,139,196 francs, et il en con clut que les 43,858,780 volailles que nous possédons donnent, d’une part, un revenu de 179,405,268 francs, d’autre part, avec les œufs, une somme de 223,139,136 francs, soit ensemble : 402,544,404 francs ! C’est une bien belle science que l’arithmétique et nous gagerions que vous ne soupçonniez Pas que nos poulaillers nous faisaient aussi riches que cela?
- Même approximative, l’évaluation n’en est pas moins très encourageante. Si la poule aux œufs d’or n’a jamais pondu pour les bourgeois, elle n’est cependant pas aussi rare qu’on le suppose. Bien qu’elles ne laissent pas de bijoux contrôlés par la Monnaie dans leur nid, les volailles du paysan n’en apportent pas moins quelque aisance dans le laborieux ménage.
- Ces poules nourries par la glane sur les chemins et dans
- les champs, se contentent de la poignée de grains que la main parcimonieuse de la paysanne leur distribue le soir pour encourager leur fidélité au bercail, et ne lui donnent pas moins, comme vous le voyez, des œufs et des poulets en abondance
- Programme républicain
- DE VILLERS-BRETONNEÜX
- Le Dimanche 9 août, dans une réunion publique tenue à la mairie, les électeurs de Villers-Bretonneux ont adopté le programme suivant.
- DÉCLARATION
- La France républicaine réclame la paix, l’arbitrage international devant régler les diftérends entre les peuples.
- Elle désapprouve les expéditions lointaines qui, sous le prétexte de politique coloniale, déciment ses enfants, obèrent ses finances, ralentissent le travail national, compromettent la mobilisation de son armée et sa sécurité en Europe, tarissent la source des capitaux utiles à l’agriculture, au perfectionnement de l’outillage industriel, à l’amélioration des ports, à l’achèvement des écoles et du réseau vicinal, en un mot, à tout ce qui constitue le développement du génie national.
- Plus de dépenses improductives, des économies dans tous les services, dans toutes les administiations.
- La dette de la France est une des plus lourdes du monde, dette, il est vrai, léguée par la monarchie, qui fait peser 98 francs d’impôts sur chaque tête ; de là nécessité d’une réforme radicale dans notre système financier ; suppression des impôts directs et indirects et leur remplacement par un impôt progressif unique perçu par l’Etat, après décès, sur les héritages des citoyens riches.
- Le libre échange sera proclamé en principe pour toutes sortes de produits, avec droits compensateurs, temporaires, sur les importations provenant des pays protectionnistes.
- Organisation d’un crédit agricole sous le contrôle de l’Etat.
- Nécessité de faire une place aux candidatures ouvrières dans la représentation nationale.
- PROGRAMME
- Art. 1er. Séparation de l’Eglise et de l’Etat.
- Art. 2. Extension du jury en matière correctionnelle.
- Art. 3. Nomination des jurés par les conseils municipaux.
- Art. 4. Réparation pécuniaire allouée aux victimes d’erreurs judiciaires.
- Art. 5. Installation, dans chaque commune, d’un conseil de conciliation composé de trois membres nommés par le suffrage universel ; les différends seraient soumis à ce conseil avant de pouvoir être plaidés en justice de paix.
- Art. 6. La Chambre des députés, seule souveraine en matière de finances, nommée pour trois ans, renouvelable par tiers tous les ans dans chaque département.
- Art. 7. Suppression du Sénat.
- Art. 8. 'Empêcher par une loi spéciale les préjudices causés au travail libre parles entreprises exécutées dans les prisons.
- Art. 9. Reprise, par les nouveaux législateurs, de la loi votée par les députés sortants sur le service militaire de trois ans, obligatoire et égal pour tous les citoyens sans distinctions.
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- LE DEVOIR
- Art. 10. Création d’une caisse nationale d’assistance en faveur des travailleurs victimes d’accidents.
- Art. II. Création d’une Banque de crédit agricole, sous le contrôle de l’Etat, faisant des avances à 3 0/o jusqu’à concurrence de la moitié de la valeur des immeubles ; accorder à cette banque le droit d’émettre des billets analogues à ceux de la banque de France ; les percepteurs, contrôleurs et répartiteurs, seraient les agents de cette institution.
- Art. 12. Organisation, dans toutes les écoles rurales, de l’enseignement agricole obligatoire, et établissement dans chaque commune d’un champ d’expérience.
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- UN POÈTE CORDONNIER
- Les journaux russes nous ont apporté dernièrement une nouvelle bizarre ; le comte Léon Tolstoï, l’auteur bien connu d’Anna. Karême, des Etudes sur le christianisme et de livres nombreux traduits dans toutes les langues civilisées, venait d’abandonner la-littérature et de monter dans un des principaux quartiers de Saint-Pétersbourg un magasin de cordonnerie.
- Léon Tolstoï est un des principaux écrivains russes de ce temps-ci, un de ceux qui peuvent le mieux consoler leur pays de la perte de Pouchkine, de Gogol, de T ourguénieff. Imaginez qu’on annonce en France queM. Renan ou M. Augier ont échangé leur plume contre un tire-point, et qu’ils entreprennent une concurrence aux maisons Latour ou Héber ; vous aurez une idée de l’émoi causé en Europe par la nouvelle des journaux en question.
- Renseignements pris, le fait-divers contient du vrai et du faux. Il est vrai que le comte Tolstoï est un cordonnier émérite ; mais il n’est pas vrai qu’il ait renoncé à écrire ; il fait des souliers, ou plutôt des bottes. Ce qui ne veut pas dire qu’il ait dit adieu aux romans. Encore ne travaille-t-il que pour lui, tout au plus pour ses amis, ses parents et quelques jolies femmes, histoire d’avoir l’occasion de leur prendre mesure. Il ne tient pas boutique, il ne paye pas patente et jusqu’à nouvel ordre est décidé à ne faire commerce que d’esprit, de talent, d’imagination. Léon Tolstoï était et demeure avant tout un philosophe et un romancier de profession ; il demande tout simplement la permission d’être bottier à ses moments perdus.
- Cette décision n’est pas le fait d’un pur caprice. L’écrivain russe estime en premier lieu, avec Rousseau, qu’il est bon que l’homme mène de front les travaux du corps avec ceux de l’esprit, et que si l’idéal de l’ouvrier est de s’élever à l’artiste il n’est pas mauvais non plus, pour des raisons d’équilibre, que l’artiste se montre ouvrier par quelque côté.
- Il estime en outre que, dans un pays comme la Russie, en proie à une foule de préjugés plus surannés les uns que les autres, on ne saurait trop relever le travail manuel. Il paraît qu’en Russie l’opinion publique, laquelle se compose en majorité d’agriculteurs et d’ouvriers, considère les agriculteurs et les ouvriers comme de simples manœuvres à peine au-dessus des animaux, intermédiaires entre l’homme et la bête, très au-dessous, en tout cas, du moindre scribe qui écrivaille et paperasse dans un bureau. Tolstoï a voulu, par son exemple, donner à ces humbles et trop modestes travailleurs la cons-
- cience de leur valeur, les hausser à leurs propres yeux, et il s’est mis à faire ses bottes.
- Quoi qu’il advienne de cette expérience, après Hans Sachs, à la tois cordonnier et poète, après Tolstoï, l’expression « écrire comme un gniaf » va devenir un compliment.
- FRÉDÉRIC MONTARGIS.
- MAITRE PIERRE
- Par Edmond ABOUT YII
- HISTOIRE DU PETIT CHEVAL GRIS
- (Suite.)
- « Les autres se laissèrent prendre sans résistance. Chaque propriétaire démêla son bien, et il y eut quelques bêtes de plus dans les écuries de Bulos et de la Ganau. Lemaire me dit que j’avais bien mérité de la commune, quoiqu’il y fût pour vingt écus de sa poche. Quelques-uns me firent des compliments, d’autres me reprochèrent ma maladresse et parlèrent de réclamer l’argent que je leur coûtais. Moi, je savais bien que j’avais fait une chose utile en effaçant les dernières traces de la barbarie ; mais je fis vœu de ne plus tirer un coup de fusil. Et maintenant, quand je reviens faire une promenade dans les dunes avec des messieurs et des dames, je suis fier de leur apprendre qu’ils n’ont plus rien à redouter, ni de la dent des loups, ni de la corne des taureaux. Je leur montre avec orgueil comme tous les chevaux qui paissent dans les lètes ont de belles entraves aux pieds ; et l’on a l’indulgence de me dire que j’ai changé la face du pays. C’est égal, il me ferait un rude plaisir celui, qui me rendrait, seulement pour un quart d’heure, mes vingt ans, mes taureaux sauvages, mes loups et la brave petite bête qui galopait si bien et qui m’ai ruait tant ! »
- Maître Pierre nous ramena au Moustique sans ajouter un seul mot ; vous auriez dit que l’émotion des souvenirs lui coupait la parole. En traversant une lète, il s’arrêta auprès d’un petit cheval pommelé, lui prit la tète dans ses mains, le regarda quelque temps et se remit eu route après lui avoir frappé doucement sur l’épaule. Rentré à la maison, il nous précéda au salon et décrocha un vieux fusil suspendu, avec d’autres, à un beau massacre de cerf. C’était une arme de pacotille qui pouvait avoir coûté trente francs en fabrique. Le canon était en fer, de fort calibre ; la crosse devait être en mauvais noyer. Il effaça sur le bois quelques tâches déposées par les mouches, et gratta un point de rouille qui s’était fixé sur la batterie. Puis il remit les choses en place et vint dîner avec nous.
- Le repas fut d’abord assez triste ; cependant on s’égaya sur le tard. Notre hôtesse nous conta quelques-uns des
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- anciens usages du pays; maître Pierre donna un regret à ces vieilles coutumes locales qui coloraient autrefois la vie des provinces et qui s’effacent tous les jours sous l’uniformité du progrès. Avant qu’il soit vingt ans, la naissance, le mariage et la mort se célébreront partout avec les mêmes cérémonies, ou plutôt se passeront sans cérémonie. On voit déjà plus d’une famille landaise enterrer ses morts sans improvisation funèbre, sans cortège de pleureuses, sans hurlements renouvelés des Grecs. Les mariages se font à peu près de même à Bulos et à Paris : il y a dix ans, c’était bien un autre cérémonial ! Voici comment on s’y prenait pour demander la main d'une fille. Le galant, paré de sa peau de mouton la plus neuve, allait chercher deux camarades. Il leur confiait à chacun une cruche de vin ou de piquette, et les trois compagnons bras dessus bras dessous, se présentaient à l’heure du souper chez les parents de la fille. Ils posaient le vin sur la table, et l’on ajoutait trois couverts pour eux, car une politesse en vaut une autre. On sou-pait jusqu’au matin, en vidant les cruches à petits coups et en devisant de toutes choses, excepté du mariage. Aux premières lueurs de l’aube, la jeune fille se levait de table et allait prendre le dessert dans la grande armoire en bois de pin. C’est alors qu’on ouvrait l’œil, et que le cœur battait à tout le monde ! Quand la demoiselle apportait un plat de noix, le galant savait à quoi s’en tenir : M était congédié dans les formes, et il n’avait qu’à lever le camp avec ses deux amis et les deux cruches vides. Si elle servait du fromage, des amandes, des raisins secs, et tout ce qui se trouvait dans l’armoire, excepté des noix, les épousailles ne tardaient guère. De cette façon, la main d’une fille est demandée, accordée, refusée sans nul embarras de paroles. Les cruches de vin clairet se chargeaient de la demande ; un plat de noix répondait.
- Je me mis à conter à mon tour, et j’appris à mes hôtes que cette façon de traiter les affaires était vieille comme la Gaule. Il y a quelques milliers d’années, un navire grec, battu par les vents du Midi, se réfugia dans le plus beau port de la Provence. Le capitaine, jeune et souriant comme les dieux de son pays, vint demander l’hospitalité au brenn gaulois qui régnait sur la côte. « Soupe avec nous, répondit l’homme à la grande barbe. C’est demain que je marie ma fille Marseille, et cette nuit, après boire, elle fera son choix parmi ses prétendants. » Le Grec et ses matelots assistèrent à la fête. Les jeunes Gaulois témoignèrent la violence de leur amour en vidant les brocs, en jurant dans leur patois et e n frappant la table à coups de poing. Le Grec savait peu la langue du pays, mais ses yeux parlaieut un langage qui se fait comprendre par toute la terre. Quand le jour fit pâlir la lumière des torches, la jeune Marseille prit
- une coupe de vin généreux, parsemé de feuilles de roses et tourna lentement autour de la table pour faire son choix. Elle dédaigna les jeunes chefs qui se retournaient vers elle en lissant leur moustache rousse et en écarquil-lant leurs gros yeux bleus, et elle s’arrêta auprès de l’étranger, qui ne la regardait plus. Elle lui posa le doigt sur l’épaule et lui tendit la coupe en détournant la tête, plus rouge que les nuages d’été par un beau coucher de soleil. Les Gaulois frémirent de jalousie ; mais le Grec n’en fit aucun compte. Il prit la coupe de sa main gauche en appuyant la droite sur la garde de son épée. Le même jour, il épousa la fille du brenn, et il ne retourna jamais aux rivages de l’Ionie, où sa mère l’attendait en filant de la laine ; et les arts de la Grèce fleurirent glorieusement autour de lui ; et la place où il bâtit la maison de sa femme s’appelle encore aujourd’hui la ville de Marseille.
- Il y avait longtemps que j’avais vu cette légende dans l’histoire de M. Henri Martin, et je la racontai comme elle me revint en mémoire. Mais mon récit obtint un succès que je n’aurais nullemeni prévu. Marinette s’était levée matin , et sa journée, comme la nôtre, avait été bien remplie. A mesure que je parlais, ses paupières brunes s’abaissaient lentement sur ses grands yeux. Je la vis dodeliner de la tête, comme pour approuver ce que je disais ; puis ce jeune corps s’entassa mollement au fond du fauteuil, puis elle s’endormit de ce sommeil doux et silencieux qu’on aime à contempler chez les enfants.
- Maître Pierre l’emporta tout endormie, avec tant de délicatesse que ses mains n’auraient pas froissé une feuille de rose, Il la déposa dans la chambre où elle couchait d’habitude, et laissa à la maîtresse de la maison le soin de la déshabiller. Il me conduisit ensuite au dortoir qui nous attendait et où l’on avait préparé un bon lit pour moi, un tas de bruyère pour Sa Majesté le roi des Landes.
- (A suivre)
- État civil du Familistère.
- Semaine du 3 au 9 Aoûtl885.
- Naissances :
- Le 9 Août, de Delavenne Léon et de Delavenne Marie, fils et fille de Delavenne Emile et de Hamel Julie.
- Décès :
- Le 4 Août, de Devillers Eugène Gaston, âgé de 1 mois et 1/2.
- Le 5 Août, de Mathieu Augustine Thérésa, et de Mathieu Emilia Thérèse, âgées de 22 jours.
- Le Directeur Gérant : GODIN.
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- 9e Année, Tome 9, — N* 363 Le numéro hebdomadaire HO c. Dimanche 23 Août 1885
- LS DEVOIR
- REVUE DES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU
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- Toutes les communications
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
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- S’adresser à M. LEYMARIB administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Le renouvellement partiel et annuel.— Nouvelles du Familistère. — Suffrage universel. — Colonisation à l’Intérieur. — Les menées électorales. — Comité électoral de Guise.— La délégation parisienne. — Les scandales de Londres. — Faits politiques et sociaux de la semaine. — Les associations coopératives d’Anvers. — Les manœuvres électorales de la réaction. — Le progrès et le despotisme. — Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen.— Maître-Pierre.— Bibliographie
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à titre d’essai.
- Si le journal ri’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Ffamilistère.
- Le renouvellement partiel et Annuel.
- Après les élections, si la crise économique persiste, ce qui, pour nous, n’est pas douteux, car nous ne voyons rien dans l’attitude des candidats et des électeurs qui nous autorise à supposer que l’on voudra recourir aux remèdes salutaires, nous continuerons à entendre les plaintes générales, et certainement nous trouverons parmi les plus mécontents ceux qui mettent le moins d’empressement à répandre l’idée de renouvellement partiel annuel.
- Il serait cependant naturel de se ménager les moyens de réparer une erreur du suffrage universel.
- En prenant cette précaution on a tout à gagner sans crainte d’en éprouver quelque inconvénient.
- Si les députés sortants ont fait ce qu’on attendait d’eux, rien ne sera plus facile que de les renommer et de leur continuer un mandat qu’ils auront accompli consciencieusement.
- Cette confirmation du mandat aura toujours l’excellent effet, auprès des bons représentants, de les encourager et d’augmenter leur confiance, puisque leur réélection ne pourra laisser aucune incertitude sur les jugements de l’opinion publique.
- Avec le mandat à longue échéance, il doit arriver fréquemment que les députés honnêtes éprouvent quelque hésitation dans l’accomplissement de leur tâche ; le défaut de contact avec les électeurs doit les mettre dans l’alternative de craindre crue leur manière de comprendre le progrès! diffère
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- de l’opinion des électeurs ; souvent l’idée de ne pas atteindre le but ou de le dépasser paralyse leur activité et leur désir de bien faire. Ces inquiétudes ne peuvent subsister avec le renouvellement partiel et annuel ; la manifestation annuelle du suffrage universel donnera à tous la mesure de ce qu’il convient de faire ; le mandataire fidèle, débarrassé des hésitations de sa conscience,travaillera plus facilement et d’une façon beaucoup plus fructueuse.
- Les élections annuelles, en un mot, donneront aux députés fidèles la mesure du progrès à accomplir; elles éloigneront, chaque année, du parlement les éléments corrompus ou incapables.
- La simplification des programmes sera la conséquence forcée du renouvellement partiel et annuel. Le programme réduit à ses strictes limites sera un véritable contrat que le mandataire le plus rusé ne pourra dénaturer. Ce point particulier, cette simplification des programmes, semble à première vue une chose peu importante ; il est peut-être la condition la plus nécessaire du bon fonctionnement de la souveraineté nationale.
- Les mandats à longue échéance inspirent aux électeurs l’idée de prévoir une série de sujets qu’ils apprécient comme urgents et qu’ils inscrivent, par cette raison, dans le programme électoral.
- Après le vote, les élus apprécient différemment les réformes réclamées parles électeurs ; les uns estiment que l’article 20 du programme doit passer le premier, les autres que c’est l’article 3 ou 9 ou 10 ; même il se forme presqu’autant de groupes qu’il y a d’articles; et, chaque groupe persévérant dans ses préférences, la législature se passe en discussions bizantines ; finalement l’expiration du mandat arrive avant que l’on ait pris aucune résolution; c’est à quelque chose près l’histoire ordinaire de nos corps parlementaires.
- Avec les élections annuelles, l’électeur serait bientôt guéri de cette rage de tout réclamer à la fois ; la certitude de pouvoir revoir le mandat, à une date rapprochée, lui suggérerait la pensée de ne pas le surcharger. Puis cette préoccupation de simplifier le programme électoral le conduirait à ne demander chaque fois que ce qu’il considère comme strictement indispensable.
- Pendant la dernière législature nos représentants n’ont rien fait qui vaille ; les projets de lois .ayant quelque importance ont fait un incessant va-et-vient des commissions aux séances publiques, de la Chambre au Sénat, du Sénat à la
- Chambre ; enfin le parlement a été d’une stérilité désespérante.
- Cette impuissance n’est plus possible avec la simplification des programmes, progrès inévitable sous le régime du renouvellement partiel et annuel des corps élus.
- Supposons que nous avons réussi à faire adopter cette réforme et qu’elle a abouti à la simplification du programme.
- Que pourraient faire les députés les moins portés de bonne volonté après une élection faite sous l’influence du même mot d’ordre dans toutes les circonscriptions?
- Si nous faisions les élections de cette année, n’imposant à nos candidats d’autres programmes que la confection de la loi militaire, il n’est pas douteux qu’en présence de cet unique mandat ils n’auraient pas même l’idée de vouloir entreprendre une autre réforme, avant d’avoir mené la première à bonne fin.
- L’année suivante, les comités pourraient se concerter sur une autre question, la réforme de la magistrature, par exemple ; cette fois encore, la clarté du mandat et l’impossibilité de trouver un prétexte pour l’éluder contraindraient les élus, même les plus réfractaires, à ne pas s’occuper d’autre chose ; ce serait encore la certitude d’avoir après deux ans une complète réorganisation de l’administration judiciaire ; car il n’est pas admissible que les hommes éclairés, agissant sous le contrôle d’une multitude ayant manifesté sa volonté de voir résoudre cette question, ne parviennent pas dans un an à remanier à fond cette institution, suivant les besoins de notre temps et de notre tempérament démocratique.
- Le troisième renouvellement annuel pourrait se faire sur les questions de caisses de retraite pour la vieillesse et d’assistance en faveur des enfants abandonnés, moralement ou matériellement ; comme précédemment, si l’on tient compte des matériaux déjà élaborés et des circonstances résultant de l’unité de programme, fa solution serait encore certaine. _
- Ensuite, les électeurs pourraient se mettre d’accord sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat et obtenir cette réforme dans le même délai.
- De cette manière, en quatre années, durée de la législature que les électeurs vont nommer le 4 octobre prochain, nous aurions à l’actif du parti républicain quatre réformes majeures :
- — L’égalité et l’adoucissement des charges militaires.
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- — La réforme judiciaire. 1
- — La retraite pour la vieillesse et l’assistance en faveur de l’enfance.
- — La séparation de l’Eglise et de l’Etat.
- Pour que cela soit possible il faudrait préalablement que les électeurs eussent obtenu le renouvellement partiel et annuel. Sans cette réforme la simplification des programmes n’est pas possible, et, sans cette simplification, la souveraineté nationale n’aura pas assez de précision pour être exactement obéie.
- Si l’on ne prend cette première précaution, il n’est pas nécessaire d’être né malin, pour prévoir, sans crainte de se tromper, qu’à l’expiration de cette législature prochaine, nous ne serons pas plus avancés que maintenant ; on aura simplement à ajouter quatre années perdues à un total déjà trop grand de jours mal employés.
- Quelle situation prospère et glorieuse serait celle de la troisième république, si, au lendemaia de 1870, le parti républicain eût choisi chaque année dans son programme une réforme, une seule réforme, et l’eût conduite à bonne fin avant d’en entreprendre une seconde !
- Notre pays aurait fait un pas immense dans la voie du perfectionnement social ; les états monarchiques n’auraient pu soustraire leurs populations aux influences d’un si grand exemple, l’Europe entière serait bien près d’être républicaine à cette heure.
- Voilà ce qu’on pouvait faire ; voilà ce que l’on peut réaliser à brève échéance, si l’on veut imposer aux élus du 4 octobre l’obligation de voter le renouvellement partiel et annuel des corps élus.
- Ce perfectionnement du suffrage universel apportera l’ordre dans les conceptions de l’opinion publique ; il introduira la méthode dans l’élaboration des réformes ; les volontés du peuple se dégageront nettement ; le peuple sera mûr pour être bien servi; parce qu’il aura donné la preuve de sa capacité à bien commander.
- Nouvelles du Familistère
- Une élève des Écoles du Familistère, Mel,e Héloïse Point, âgée de 15 ans à peine, vient de passer avec succès les examens d’admission à l’école normale de Laon.
- Cette école va donc compter, cette année, trois élèves sorties des écoles du Familistère.
- VIENT DE PARAITRE
- AU
- SUFFRAGE UNIVERSEL
- EXTRAIT DE
- LA POLITIQUE DU TRAVAIL
- ET
- LA POLITIQUE DES PRIVILEGES
- par GODIN.
- Prix 20 centimes franco.
- Cet opuscule, dont la première édition tirée à 12,000 exemplaires a été épuisée, vient d’être réédité par la Librairie du Familistère avec quelques modifications du premier texte. Le titre indique suffisamment l’actualité de cette publication.
- Colonisation à l’Intérieur
- Nous lisons dans le Radical :
- Obock, le Congo, la Birmanie, l’Armée Coloniale..., pendant des heures, il n’a été question, à la Chambre, que des colonies prises ou à prendre, des moyens de les conserver ou d’en conquérir d’autres... IL y avait bien, là, présents, cent cinquante députés, à qui l’idée de « rayonner » à. l’extérieur, fût-ce en Afrique, fût-ce par les armes, souriait visiblement. Ils ont tout voté ; Obock, le Congo, l’armée Coloniale, en un tour de main. Un traité avec la Birmanie est seul resté en souffrance ; ce sera pour demain.
- Et, pendant ce temps là, je me disais qu’il y a encore à faire œuvre de colonisation à l’intérieur ; qu’il n’est pas besoin d’aller chercher sous l’équateur des hommes â civiliser ; que nous avons, à Paris même, et partout, dans toutes les villes, des enfants qui, de la civilisation, ne connaissent que la prison et le gendarme. Et je pensais qu’il y a, à l’ordre du jour de la Chambre, un projet de loi, — déjà adopté par le Sénat, — qui attend son tour et qui ne l’obtiendra pas, — sur la protection des enfants moralement abandonnés.
- Le Tonkin, Madagascar, l’Annam, Obock, le Congo, cette Chambre adoptera tout ; elle veut rayonner au dehors. Mais les petits orphelins, les enfants battus par leurs parents, les vagabonds qui couchent sous les ponts, les jeunes mendiants exploités par des entrepreneurs de mendicité, toute cette foule enfin de « petits Arabes », comme on dit â Londres, qui grouillent sur le pavé de Paris en attendant qu’ils aillent peupler les maisons centrales, on ne trouvera pas le temps de s’en occuper, on ne trouvera pas le temps de les sauver.
- Oui, les sauver. La chose est pourtant possible et faisable. Tellement faisable quelle est faite, en partie. Le département de la Seine a entrepris cette œuvre de colonisation à l’intérieur, et l’a menée â bien. Usant du peu d’autonomie que la loi lui accorde, dépassant même un peu sa compétence légale, il a donné l’exemple à l’Etat ; il lui a montré la vraie voie civilisatrice.
- J’ai parlé jadis, aux lecteurs du Radical, de l’école d’é-bénisterie et de Typographie fondée à Montévrain (Seine-et-
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- Marne) par l’Assistance publique de Paris, au profit des enfants moralement abandonnés. Je voudrais leur dire ce que j’ai vu récemment à Villepreux (Seine-et-Oise).
- Il y a là, à quelques lieues de Paris, un établissement que bien peu de parisiens connaissent, et qui a besoin d’être connu, d’être aidé, d’être aimé. C’est l’école d’horticulture des pupilles de la Seine.
- Comme à Montévrain, les pupilles de Villepreux sont des enfants ramassés dans les rues, dans les carrières, comme vagabonds et mendiants, ou arrêtés pour de petits délits, par la police, ou quelquefois amenés par les parents qui ne savent qu’en faire. Quand ils arrivent, ce sont ce qu’on appelle de petits mauvais sujets. Ils ont de douze à seize ans ou dix-sept ans ; iis sont sur la pente fatale qui les mènerait à la correctionnelle et à la prison. Le conseil général de la Seine les recueille et, en trois ans, en fait d’honnêtes travailleurs, d’utiles citoyens.
- Comment s’opère cette transformation ? par la sympathie et par le travail. Ils ne sont encore qu’une quarantaine, parce que l’établissement n’est pas riche ; fondé à l’aide de dons, il attend d’autres dons pour se développer, et il n’attend que cela. Une maison d’habitation, quelques hectares de terre cultivable, un directeur qui aime les enfants, les comprend et les relève à leurs propres yeux : ç’en est assez pour arracher à l’ignorance, au vice, à la misère, à la dégradation physique et morale quarante enfants. Avec quelques dizaines de mille francs de plus, on pourrait élever le nombre des pupilles de quarante à cent.
- Ils y apprennent tous les genres de culture 1 les fleurs, les les légumes, les céréales, les arbres. Ils passent de la théorie à la pratique. En trois ans, on en fait des ouvriers jardiniers aptes à gagner honnêtement leur vie, que les cultivateurs des environs demandent et recherchent. Autant de malfaiteurs de moins, autant d’hommes civilisés de plus.
- Cela ne vaut-il pas mieux que de dépenser quatre cents millions pour aller faire mourir quatre mille Français au Ton-kin ?
- Mais quarante entants, qu’est-ce que cela ?
- Ah ! colonisons d’abord à l’intérieur ; ramenons à la lumière, au travail, à la civilisation, tout ce qu’il y a d’enfants en train de se perdre. Nous verrons plus tard, si nous avons dutemps et de l’argent de reste, à nous occuper des nègres du Congo.
- SlGISMOND LACROIX
- Les Menées électorales.
- Les journaux de l’Aisne publient la lettre suivante :
- Laon, le 18 août 1885.
- Monsieur,
- Nous avons l’honneur de vous convoquer à une réunion qui aura lieu à Laon, samedi prochain 22 août, à deux heures, à l’Hôtel-de-Ville.
- Cette réunion a pour but d’organiser le fonctionnement de la nouvelle loi électorale dans le département de l’Aisne, en vue de la constitution ultérieure d’une liste de candidats républicains .
- WADDINGTON, sénateur président du Conseil général ;
- MALÉZIEUX, sénateur, vice-président du Conseil général ;
- Comte de SAINT-VAILLIER, sénateur, vice-président du Conseil général.
- Cette lejttre a été adressée à MM. les députés, conseillers généraux, conseillers d’arrondissement, et maires des chefs-lieux de canton.
- On remarquera qu’il n’est pas question des conseillers municipaux et des maires des communes.
- Si les élus du suffrage universel ont quelque droit à prétendre organiser la période électorale, pourquoi les défenseurs de cette thèse n’ont-ils pas convoqué les maires des communes et les conseillers municipaux ?
- Les convocateurs, parmi lesquels se trouve, l’ancien démocrate Malézieux, doivent leur situation au suffrage restreint ; ils espèrent, en s’emparant de la direction du mouvement électoral, faire prévaloir une politique favorable à la conservation des abus et des privilège ; leur initiative n’a pas d’autre mobile.
- Ces gens qui ont la prétention de guider le suffrage universel oseront-ils dire publiquement et contradictoirement ce qu'ils pensent du renouvellement partiel et annuel des corps élus ?
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- Comité électoral de Guise. — Toutes les dispositions sont prises pour mener à bonne fin l’organisation du comité républicain vers la fin du mois d’août. A cette date toutes les communes auront été publiquement consultées sur la nomination de leurs délégués au comité cantonal. Voici la date des réunions communales,
- Lonchamps, samedi 22 août à 8 h. du soir.
- La Bussière, même heure, même date.
- Vadencourt, dimanche 23 août à 4 h. du soir.
- Noyai, même date, à 7 h. 1/2 du soir.
- Monceau, même date, même heure.
- Hauteville, Maquigny, mardi 25 août à 7h. 1/2 du soir.
- Aisonville, mercredi 26 août, même heure.
- Bernot, vendredi 28 août même heure.
- Proix, samedi 29 août à 7 h. 1/2.
- Iron, dimanche 30 août 6 h. du soir.
- La Vaqueresse, même date 4h. du soir.
- Villers, même date, 6 h. du soir.
- Les meneurs sénatoriaux s’adressent aux maires des cantons, les comités républicains sollicitent le concours de tous.
- Cette différence de tactique devrait suffisamment renseigner les électeurs soucieux de l’intérêt public.
- La délégation parisienne
- La délégation parisienne nous a adressé la lettre suivante, en réponse à notre critique de son rapport.
- Le malentendu sur la participation entre nous et la délégation persiste.
- Nous n’avons rien à modifier dans nos appréciations contenues dans les numéros du Devoir des 14. 21. 28. Juin.
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- Nous avons été certainement mal compris en ce que nous avons dit de l'aristocratie du travail.
- Cette aristocratie, composée des hommes véritablement les meilleurs, élevés par leur seule supériorité personnelle, distingués par les services rendus à l’humanité, n’aura rien d’artificiel ; elle n’existera pas en vertu d’une loi ; elle se maintiendra au-dessus du niveau de la foule par l’évidence de ses services et par la reconnaissance de la foule elle-même ; au lieu d’être funeste à l’humanité, comme l'affirment les délégués parisiens, elle en sera la plus brillante et la plus utile expression.
- Nier l’avènement de l’aristocratie du travail équivaut à prétendre que le peuple manquera de reconnaissance envers ses bienfaiteurs.
- Voici la lettre de la délégation :
- Monsieur Godin,
- Dans les n0s des 14, 21, et 28 Juin du Journal le Devoir, vous adressez une critique aux délégués Parisiens sur les conclusions de leur rapport.
- Une des parties les plus atteintes est celle de la répartition du travail au capital et la Participation aux bénéfices.
- Nous vous confirmons dans cette réponse que nous ne saurions modifier nos premières appréciations.
- Celles contenues dans le rapport, touchant cette question, établissent que la disproportion qui règne dans la répartition des bénéfices au Familistère créera d’ici peu au sein de votre association des capitalistes, pouvant vivre de leurs rentes, tandis que, pour la même période de service rendu comme travail, d’autres coopérateurs n’auront qu’un capital de quelques milliers de francs, ce qui les forcera évidemment de continuer à travailler tandis que leurs collègues favorisés ne produiront plus.
- D’autre part, vous nous accusez d’être pour l’égalité des salaires ce qui détruirait l’émulation et l’organisation sociale elle même : Car dites-vous ; il est impossible pour accomplir des travaux de grande comptabilité et de recherches en création ou pour mieux dire de modèles de s’adresser à des hommes qui accepteront le salaire des manouvriers, nous sommes ici entièrement de votre avis et non opposés comme vous semblez le croire.
- Puisque l’organisation sociale nous a déshérités au point de vue de l’instruction en ne permettant pas à nos parents, ouvriers comme nous, de nous faire faire des études supérieures nous nous inclinons, quant à présent, devant cette supériorité intellectuelle ; nous trouvons logique que vous rétribuiez vos employés supérieurs au taux de 350 à 600 frs. par mois- Mais quant à attribuer une part plus grande de bénéfice à ces associés déjà rétribués fortement au point de vue des salaires journaliers,
- nous nous élevons contre ce procédé. Le capital affaire étant le produit des travaux de chacun, le salaire ne doit en aucune façon rentrer en cause dans la répartition par la voie du porata de dividende.
- Vous dites de plus que vous avez combattu de toutes vos forces les deux aristocraties delanoblesse et de la bourgeoisie et que vous n’en reconnaissez qu’une celle du travail.
- Nous sommes tout à fait opposés à cette dernière classe d’aristocratie, car elle serait la plus funeste des trois, en même temps qu’elle serait un inévitable retour des préjugés abolis par les principes de 1789. Elle aurait pour résultat de créer de continuels conflits entre les producteurs eux-mêmes, ce qu’il faut surtout chercher à éviter.
- Vous êtes certainement libre de diriger selon vos idées une association que vous avez créée et que nous sommes loin de critiquer dans son ensemble, bien au contraire.
- Quanta nous, parlant au nom d’un principe général nous ne pouvons modifier en quoi que ce soit nos appréciations.
- Recevez Monsieur Godin nos civilités empressées Pour la délégation : le secrétaire, Gall H.
- Un dégrèvement nécessaire. — La lettre que nous publions ci-dessous soulève une grave question demandant un sérieux examen. Cependant, on ne peut pas affirmer que la réclamation quelle renferme soit sans fondement. Nous la livrons telle qu’elle est aux appréciations de nos lecteurs.
- « Monsieur le directeur,
- » La loi du 21 avril 1832 met à la charge des fonctionnaires logés gratuitement dans des bâtim ents appartenant à l’Etat, aux départements ou aux communes la contribution mobilière et l’impôt de s portes et fenêtres des p artiés de ces bâtiments servant à leur habitation personnelle.
- » Les nouvelles maisons d’école, autrement luxueuses que les anciennes, ont un grand nombre de portes et fenêtres et offrent une base de contribution mobilière très élevée. Il en résulte pour l’instituteur une augmentation d’impôt considérable et qui n’est nullement en rapport avec son trop modeste traitement.
- » Aussi les instituteurs du canton de Verteillac (Dordogne) viennent-ils d’adresser à la Chambre des députés une pétition demandant qu’à partir du 1er janvier 4886 l’impôt des portes et fenêtres des maisons d’école et la contribution mobilière des instituteurs et institutrices publics soient payés par les communes.
- » Je vous serai très reconnaissant, monsieur le directeur, de faire connaître, au moyen de la Tribune la démarche faite par les instituteurs de Verteillac, et d’engager les instituteurs des autres parties de la France à adresser la même demande à la Chambre des députés.
- » L’instituteur à Cherval, » a. clément. »
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- LE DEVOIR
- LES SCANDALES DE LONDRES
- Des publicistes anglais ont dénoncé avec retentissement l’existence à Londres d’une immoralité excessive.
- Cette prétendue nouvelle n’apprenait rien de nouveau à bien des gens. Mais avoir l’air de savoir toutes ces turpitudes et être contraint d’avouer que l’on avait rien tenté pour les corriger, c’était une attitude qui ne pouvait convenir aux classes dirigeantes anglaises.
- La bruyante mise en vente des écrits contenant le récit de ces infamies a beaucoup contribué à sauver les apparences ; tout le public bien pensant a jetté des clameurs de protestation et manifesté des signes de dégoût contre tant de dépravation, comme s’il n’avait jamais soupçonné l’existence de cette corruption.
- Les journalistes de Paris, de Berlin, de Vienne, de Rome et tous les pudibonds de ces pays ont témoigné une surprise presqu’égale à celle manifestée par les sujets de la reine Victoria. Tous ont flétri avec passion l’immoralité des anglais ; chacun de ces patriotes a constaté avec bonheur que son pays n’était pas arrivé à un tel dégré de corruption.
- Comédie !
- Journalistes anglais, écrivains français, allemands, italiens et classes dirigeantes savent très-bien que, dans tous les grands centres, il existe une intense dépravation qui diffère peu d’un pays à l’autre.
- Puis tous c es gens discutent encore pour se donner les apparences de chercher le remède ; ils imaginent des projets de lois plus absurdes les uns que les autres ; ils font même des enquêtes, comme s’ils avaient la moindre envie de moraliser la population.
- Continuation de la comédie !
- Les causes du mal? Elles ont été suffisamment décrites et suffisamment attestées par les interrogatoires des victimes de la lubricité des classes riches.
- Les coupables responsables ne sont ni les enfants abandonnés, ni les parents ivrognes qui font commerce de la virginité de leurs filles, ni les mégères, ni tous les autres intermédiaires du vice. Au-dessus de cette pourriture existent la misère et une société responsable de cette misère.
- L’être humain ne devient ivrogne et ne descend au niveau des procureuses sans avoir subi une série de dépressions morales.
- Le manque de travail, le défaut de santé, dans nos sociétés où l’on suspend souvent la production sous prétexte qu’il y a encombrement, c’est-à-diret une trop grande abondance de richesse, melten aux prises le travailleur avec la faim et la misère. Ces tyranniques conseillères poussent ceux qu’elles tiennent des expédients aux démarches honteuses ; elles les conduisent insensiblement aux pires excès contre lesquels s’indignent les pudibonds de tout pays quand ils ne savent quoi faire.
- L’agent responsable est la société qui ne veut pas poursuivre la misère.
- Les lois contre les procureuses et contre les parents qui vendent leurs enfants seront impuissantes, tant que l’oisiveté des classes dirigeantes les disposera à tous les vices, et tant que la fatale misère subsistera, pour corrompre à point, les germes de morale qui subsistent dans tout être humain.
- Au lieu de considérer l’oisiveté luxueuse des gens riches comme un moyen d’écouler les excédents de production, au lieu de suspendre le travail pour éviter les engorgements des entrepôts, il serait sage de rechercher comment on pourrait répandre partout les produite que multiplierait le travail régulier de tous les hommes.
- Les scandales de Londres, de Paris et de Rome n’ont qu’une cause, la misère; qu'un’remède, le travail lié à une répartition rationnelle de la richesse.
- Lorsque nous parlons de répartition de la richesse, nous ne voulons pas dire, comme certains affectent de le croire, qu’il faut dépouiller ceux qui possèdent pour faire des libéralités aux autres.
- En attendant que la société soit suffisamment organisée pour que chaque travailleur conserve une puissance de consommation équivalente à sa puissance de production, il est possible de fonder progressivement des institutions garantistes qui commenceront à canaliser la distribution de la richesse.
- Si l’on veut arrêter l’effroyable démoralisation qui dévore nos sociétés, il est nécessaire de surveiller l’enfance, de l’assister, de la soustraire à la famille, lorsque celle-ci a fait preuve d’incapacité éducative ; l’adulte s’il a traversé une enfance heureuse préférera le travail rémunérateur aux libéralités de la débauche, mais faut-il qu’il trouve ce travail; donnez du pain à la vieillesse, elle ne sera jamais tentée de faire servir son expérience à la corruption de la jeunesse.
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- Le remède contre la corruption est la mutualité
- nationale.
- Hors d’elle, les déclamations contre le vice, les orojets de loi qui n’ont qu’une portée théorique dénotent une profonde ignorance de la sociologie à moins qu’ils ne couvrent une honteuse hypocrisie.
- Si les grands journaux consentaient à mettre au service de ces institutions si positives une faible partie des colonnes qu’ils accordent à la description du vice, les scandales de Londres et d’ailleurs deviendraient bientôt de plus en plus rares,ils finiraient par disparaître par l’effet des institutions garantîtes.
- Quand donc nos publicistes comprendront-ils combien il est mesquin de se borner à dénoncer et à flétrir le vice, à notre époque qui a été précédée de critiques si éminents.
- Le devoir de notre génération, le travail des publicistes animés de l’amour du bien consiste dans la préparation d’un avenir meilleur.
- Les pamphlétaires, les satiriques ont fait leur temps ; on ne dira plus ni mieux qu’ils n’ont fait.
- La saine actualité est l’élaboration et la vulgarisation des réformes sociales ; celles-ci commencent avec la mutualité nationale.
- Faits politiques et sociaux de la semaine.
- FRANCE
- Programme électoral des comités radicaux de Lyon. — Le comité central départemental des républicains radicaux du Rhône :
- Considérant que, la République étant désormais au-dessus de toute atteinte, le nouveau Parlement, débarrassé des préoccupations et des luttes de la première heure, devra aborder résolument la réalisation des réformes démocratiques et sociales que le pays attend de ses mandataires ;
- Considérant que la fondation définitive de la République ne doit servir que de préface à l’organisation d’un état social nouveau, destiné en réparant les injustices des régimes déchus ü mettre toutes les institutions administratives, politiques et sociales en harmonie avec les principes de solidarité et dejus-hce qui forment la base légitime des révendications populaires ;
- Convaincu, au suiplus, que tous les progrès s’achètent chèrement, qu’ils ne sont souvent réalisables que par des conquêtes graduelles et ininterrompues, que les obstacles qui s’opposent aux réformes les plus indispensables et les plus impatiemment attendues ne peuvent être surmontées que par l’union sincère, dans le pays, de toutes les forces démocratiques et par la formation, dans le Parlement, d’une majorité com-pacte, incompatible avec l’ex:stence de groupes multiples, avenant irréconciliables et servant les ambitions personnelles ou les surprises pailementaires.
- Rappelle que le premier devoir des représentants du département sera de poursuivre avec fermeté et sans relâche la marche en avant de la démocratie et, tout en restan t à l’avant-garde du parti radical, de ne jamais compromettre le succès de toute réforme, même partielle, qui serait immédiatement réalisable.
- Et leur présente pour être accepté et signé par eux, avec engagement d’honneur de travailler immédiatement à sa réalisation, le mandat législatif suivant :
- ~ Article 1er. Entreprendre la réforme de notre organisation administrative par la simplification des rouages, la réduction au strict minimum de tous les emplois administratifs, la suppression des sous-préfectures et des trésoreries générales ; poursuivre la décentralisation, notamment par l’extention des pouvoirs des conseils généraux et le développement des franchises municipales qui doivent être aussi étendues que possible, dans la limite des intérêts généraux et du maintien de l’unité nationale.
- Art. 2. Expulser du territoire de la République les membres des familles ayant régné sur la France et faire restituer à la nation les 40 millions qui ont été illégitimement attribués à la famille d’Orléans.
- Art. 3. Imposer les mêmes charges militaires à tous les citoyens, sans privilège ni exception ; réduire le service militaire à trois années.
- Art. 4. Réformer l’assiette de l’impôt, pour répartir avec plus de justice les charges sociales ; étudier notamment l’établissement de l’impôt proportionnel sur le revenu ; procéder à la révision du cadastre ; augmenter les droits sur toutes donations ou dispositions testamentaires entre étrangers, et affecter exclusivement le produit au rachat de la dette publique ; créer une taxe de séjour sur les étrangers résidant en France.
- Art. o. Développer les institutions de bienfaisance et de secours mutuels, les orphelinats laïques et les hospices pour les infirmes et les invalides du travail ; créer une caisse nationale de retraites obligatoires pour tous les citoyens.
- Art. 5. Poursuivre la laïcisation complète de toutes les institutions publiques, de quelque nature qu’elles soient, la restitution aux communes des biens de main-morte, la suppression du budget des cultes et la séparation des Eglises et de l’Etat.
- Art. 7. Organiser rapidement l'enseignement professionnel, créer des écoles de commerce et d’agriculture, assurer la gratuité des hautes études aux enfants du peuple reconnus aptes après concours.
- Art. 8. Poursuivre la réorganisation judiciaire et plus spécialement diminuer les délais et frais de justice, étendre la compétence des juges de paix, restreindre le nombre des tribunaux et réviser l’instruction criminelle.
- Art. 9. Créer des chambres consultatives du travail et de l’agriculture analogues aux Chambres de commerce.
- Art. 10. Apporter la plus stricte économie dans le vote du budget et des crédits supplémentaires.
- Art. 11. S’inspirer de la liberté des échanges et des intérêts généraux du commerce, de l’industrie et de l’agriculture dans les traités internationaux, les tarifs des douanes et des chemins de fer.
- Art. 12. Assurer à la France les bénéfices qui doivent résulter des sacrifices quelle a faits pour ses possessions coloniales ; créer une école consulaire.
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- Art. 13. Se rallier à une révision largement démocratique de la Constitution, notamment en ce qui concerne le mode de recrutement, les attributions financières et l’initiative parlementaire du Sénat.
- Art. 14. Interdire le cumul des fonctions rétribuées; interdire aux membres du Parlement de siéger dans les conseiis des sociétés financières.
- Art. 15. Proclamer en toutes circonstances ce principe formel que les ministères ont pour devoir de ne se retirer que devant la majorité des voix républicaines.
- Enfin, s’inspirer dans toutes les circonstances difficiles des sentiments des électeurs réunis en comité départemental.
- Certifié conforme :
- Le président : A. Boiron.
- Le secrétaire : L. Bard.
- Bonne délibération municipale. — Le conseil municipal de Moulins vient de prendre une délibération aux termes de laquelle il enlève à l’évêque, M. de Dreux-Brézé, la jouissance, de son évêché pour en affecter les bâtiments à un musée. Voici les considérants du rapport dont il a adopté les conclusions :
- Vu l’article 167 de la loi du 5 avril 1884, qui autorise les conseils municipaux à prononcer la désaffection des immeubles consacrés, en dehors des prescriptions de la loi du 18 germinal an X, soit aux cultes, soit à des services ecclésiastiques ;
- Considérant que la loi de 18 germinal an X n’a pas établi d’évêché à Moulins, et qu’aucune loi postérieure n’oblige la ville à fournir un logement à M. l’évêque de Moulins ;
- Considérant que, en vertu de diverses donations et acquisitions successives, la ville de Moulins est propriétaire de l’ancien hôtel d’Ansac et de ses dépendances, le tout situé rue Diderot, et servant actuellement de palais épiscopal ;
- Considérant que M. l’évêque de Moulins n’a la jouissance de cet immeuble qu’en vertu des délibérations du conseil municipal des 21 décembre 1819 et2 décembre 1824 ;
- Considérant que la ville n’a pas à sa disposition de bâtiment propre à l’installation de son musée ; que par suite, les collections, soit du département* soit de la ville, sont dispersées dans divers locaux où il est difficile d’assurer leur conservation, circonstancequis’oppose à ce que l’Etat ou les particuliers les augmentent par leurs dons ;
- Considérant qu’il est du devoir d’une administration républicaine de ne rien négliger de ce qui peut contribuer à élever le niveau intellectuel et moral de la population ;
- Considérant que la création d’un musée est un acheminement vers ce but, par suite de la facilité qu’elle offre à chacun de développer en soi-même, par l’étude d’œuvres d’élite, le sentiment du beau et du vrai,
- Le conseil délibère :
- Art. 1er. Sont rapportées les délibérations prises parle conseil municipal de Moulins, les 21 décembre 1819 et 2 décem-sre 1824, qui affectent au logement de M. l’évêque l'immeuble eitué rue Diderot, ayant autrefois servi d’hôtel de la préfecture, et connu sous le nom d’hôtel d’Ansac,
- Art, 2. L’hôtel d’Ansac et ses dépendances sont consacrés à l’installation du musée de Moulins, musée qui sera ouvert graduellement au public.
- Art. 3. M. le maire est invité à faire les démarches nécessaires pour, dans le plus bref délai, faire rentrer la ville en possession et jouissance dudit immeuble, occupé actuellement par l’évêque de Moulins.
- La Suppression de l’Exercice.— La ligUe économique ayant son siège, 140 rue Montmartre, envoie à tous les journaux la circulaire suivante.
- Un certain nombre de Comités électoraux ont fait figurer sur leur programme une réforme qui intéresse au plus haut point le commerce des boissons : c’est la suppression de l’exercice.
- Ce fait s’est passé en Bourgogne, sur l’initiative de plusieurs négociants, et dans le Languedoc où il a été provoqué par le Midi Vinicole.
- Il est à souhaiter que l’exemple donné par ces comités se généralise.
- L’exercice est un mode de perception tout à fait discordant au milieu d’institutions démocratiques.
- Il comporte la faculté pour les agents de la Régie de pénétrer à toute heure du jour ou delà nuit chez les marchands de liquides, présents ou non à ces’ visites Leur domicile cesse donc d’être inviolable.
- Il rend nécessaire le partage du produit des procès-verbaux ou des saisies de marchandises entre les verbalisants, les «indicateurs» et l’Etat qui ne touche qu’une faible part.La dénonciation est donc récompensée par la loi, et les agents, quoique intéressés, sont crus en justice jusqu’à l’inscription de faux.
- II engendre dans la pratique une foule d’abus de toutes sortes. Enfin « les assujettis » sont à la merci du fisc et soumis à des vexations continuelles et insupportables.
- Cependant le commerce des boissons n’est pas l’un des moins importants. Il compte, tant débitants que marchands en gros, environ 500.000 citoyens, et paye chaque année au Trésor, plus de 400 millions de francs.
- La suppression de l’exercice ne porterait nulle atteinte à ce revenu, mais elle serait un acte de justice que les comités électoraux peuvent hâter en inscrivant sur leurs programmes:
- « la réforme de l’impôt des boissons ».
- ¥ ¥
- Représailles économiques. — Les tarifs douaniers, dont nous ont dotés les opportunistes commencent à porter fruit. La Suisse, dont nous avons frappé le bétail d’un droit d’entrée, riposte en frappant d’un droit d’entrée nos papiers fins et les pierres précieuses que nos bijoutiers et fabricants exportaient en Suisse pour l’horlogerie.
- Les députés des départements frontières — ceux du Doubs surtout, car c’est le commerce du Doubs et de l’Ain qui sont le plus directement atteints, proposent qu’on riposte à ces représailles par d’autres.
- Coup pour coup, droit pour droit : frappons d’un droit prohibitif les fromages et tous les produits de l’industrie laitière. De la sorte, non contents d’avoir fait le pain cher et la viande chère, nous aurons le plaisir d’avoir le fromage cher et le beurre hors de prix.
- C*est ça qui nous vengera de la Suisse !
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- Le Choléra. — L’actualité est revenue au choléra.
- Aujourd’hui, M. Ferrari, blagué, accuse, défendu, louagé, photographié, apothéosé, aspire au fameux prix de cent mille francs et commence à être pris au sérieux dans son pays, pendant que le choléra continue tranquillement, impitoyablement, ses ravages, tra los montes.
- Marseille n’a pu se garantir, demeurer à l’abri du fléau. Il est vrai que l’épidémie se montre fort bénigne et qu’il est presque sûr quelle ne s’étendra pas.
- Les ports espagnols de la Méditerrannée sont fermés et les quarantaines devenues obligatoires le long du littoral algérien.
- M. Brouardel est retourné à Marseille ; d’autres spécialistes ont recommencé leurs études et repris leurs expériences.
- Partout en Europe, on s’occupe vivement et infatigablement de cette recherche du remède infaillible, vaccin ou réactif, destiné à vaincre la bacille-coma et autres microbes cholériques.
- A ce sujet, nous donnons les renseignements suivants puisés dans une communication faite à la Société des études japonnaises sur le choléra chinois et les remèdes inventés par les Célestes pour s’en préserver ou s’en guérir.
- Les médecins chinois pensent que le choléra se propage de trois manières : Ie par la proximité ou le contact des vêtements portés par une personne qui en a été atteinte ; 2e par la respiration de l’air exposé aux déjections des cholériques; 3° enfin, par l’atmosphère humide des temps d’orage.
- Une autre observation mérite peut-être d’appeler tout particulièrement l’attention de nos praticiens et du service de la salubrité publique dans nos villes. Les déjections des cholériques ne sont jamais contagieuses pendant le temps où elles sont exposées à la lumière ardente du soleil : elles sont mortelles très souvent pendant la nuit. Même agitées dans un endroit sans ombre, elles sont absolument inoffensives.
- Hélas ! que faut-il croire de tout cela ?
- ITALIE
- La question agraire. — La question des grèves agraires devient de plus enjplus aiguë.
- A Barlissena, ainsi qu’à Biravo, on a affiché des placards de menaces. A Olgenateet à Garlate, sur la rive droite de l’Adda, en face de Calolzio, ont eu lieu des troubles, parce que les paysans ont voulu s’opposer à ce que l’on arrachât des vignes atteintes du phylloxéra. Il a fallu appeler la troupe pour arrêter les plus turbulents.
- Une grande inquiétude règne parmi les propriétaires.
- Dans la nuit d’hier on a arrêté à Paderno et àDugano, 65 paysans-grévistes qui s’opposaient au paiement des loyers aux propriétaires.
- RUSSIE
- La liste civile. — Un nouvel ukase impérial établit que dorénavant le titre de grand-duc ( ou de grande duchesse ) ou d’Altesse impériale ne revient qu’aux fils, frères, filles et sœurs, ainsi qu’aux petits-fils de l’empereur, et tant qu’ils descendent delà ligne masculine et directe. Les arrière-petits-fils de l’empereur en ligne directe et masculine seront considérés comme Altesses, princes et princesses du sang. L’ukase annonce, en outre, la révision du statut de la famille impériale par une commission spéciale.
- Suivant la Correspondance politique, cette modification du statut de la famille impériale entraîne un allégement assez considérable pour le Trésor. Pour s’en faire une idée juste, il importe de savoir quels sont les apanages fixés par l’empereur Paul Ier pour les membres de la famille impériale et maintenus depuis tels quels. Le souverain, pour alléger un peu le budjet des dépenses, avait destiné à la dotation des membres de la famille impériale certains capitaux et les revenus de plusieurs domaines.
- Les fonds respectifs, avec un appoint fourni par l’Etat, sont affectés comme suit à la dotation des membres de la famille impériale, selon le degré de parenté :
- 1° Les personnes du sexe masculin reçoivent jusqu’à leur majorité une certaine, somme par année, et à partir du jour de la déclaration de leur majorité, pour le restant de leur vie, des revenus en argent ou un apanage. Les fils d’un empereur touchent par an, jusqu’à leur majorité, 100,000 roubles; ensuite, 500,000 roubles ; leurs femmes, 60,000 roubles ; les petits-fils, jusqu’àleur majorité, 50,000 roubles, ensuite, 500,000 ; les arrière-petits-fils, jusqu’à leur majorité, 30,000 roubles, ensuite, 450,000 ; les enfants de ces derniers, seulement après leur majorité, 100,000 roubles ; les princes du sang, seulement après leur majorité, 50,000 roubles.
- 2° Les personnes du sexe féminin reçoivent jusqu’à leur mariage une certaine somme par année, puis une dot que fournit l’Etat et qui se monte, pour les filles et petites-filles de l’empereur, à un million de roubles ; pour les arrière-petites-filles et leurs enfants, à 300,000 roubles; pour les autres descendantes du sexe féminin à 100,000 roubles ;
- 3° Les impératrices, grandes-duchesses et princesses du sang veuves reçoivent une pension viagère. L’impératrice veuve a le même apanage que lors du vivant de l’empereur, son mari, soit 600,000 roubles par an et l’entretien de sa maison ; quand elle voyage à l'étranger, la moitié. La veuve du grand-duc héritier a par an 300,000 roubles et l’entretien de sa maison ; quand elle quitte la Russie, la moitié. Les femmes des fils et des petits-fils reçoivent une pension de 60,000 roubles, celles des arrière-petits-fils, 30,000 ; celles des enfants de ces derniers, 15,000; celles des principes du sang, 10,600 roubles ; les veuves de grands-ducs et de princes du sang ne reçoivent, quand elles quittent la Russie, qu’un tiers de leur pension, et la perdent entièrement quand elles contractent un nouveau mariage.
- Monsieur Arthur Raffalowich vient de faire paraître dans VÉconomiste français l’intéressant article suivant sur les associations coopératives d’Anvers, appelées les nations.
- LES ASSOCIATIONS COOPÉRATIVES A ANVERS
- LES « NATIONS (NATJE) »
- Dans une excursion que je viens de faire à Anvers, j’ai été frappé de la beauté des chevaux qui traînaient les longs chariots bas, surchargés de marchandises, sur les quais et dans les rues voisines du port. Je m’informai pour savoir à qui ces attelages appartenaient. « A.ux Nations », me répondit-on, c’est-à dire à des corporations qui opè-
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- rent le déchargement des navires et le transport des marchandises. Ges nations sont fort puissantes, ajouta mon interlocuteur ; elles sont fort anciennes et presque toute la manœuvre des colis, des balles, à l’arrivée et au départ, est entre leurs mains.» Au concours hippique, j’eus l’occasion d’admirer les chevaux de trait de la Nation du Nord {Noordnatie), splendides bêtes aux formes robustes originaires des Ardennes, et qui remportèrent cinq médailles.
- Grâce à l’obligeance de M. Roozès, le conservateur du Musée Plantin, et des doyens de la Noordnatie, ainsi que de la Werf en Vas Natie, j’ai pu recueillir quelques renseignements intéressants sur l’organisation de ces corporations. Elles sont fort anciennes; quelques-unes possèdent des documents remontant au quinzième siècle. Elles portent le nom bizarre de Nations, parce qu’elles ont pris à l’origine la qualification de Grecs, *de Romains, de Polonais, de Flamands pour se distinguer les unes des autres, Probablement, quelques-unes au début étaient composées de gens originaires d’un même pays. Ges noms rappellent d’ailleurs ceux des corps d’étudiants en Allemagne, où l’on rencontre dans les villes d’Université des Borus-ses, des Saxons, des Hanséates.
- Les Nations anversoises sont des associations dont les membres ont pour métier le chargement et le déchargement, le mesurage et le pesage, le transport des marchandises dès qu’elles ont été placées sur la pierre du quai. Quelques-unes pratiquent seulement l’enlèvement de marchandises spéciales, les peaux, les charbons, les céréales; d’autres n’ont pas de champ d’action déterminé.
- Gomme je l’ai dit ; leur origine est fort ancienne elles ont fleuri et prospéré pendant les périodes de grandeur d’Anvers; elles ont survécu à la décadence du port, qui avait été la conséquence de la fermeture de l’Escaut, et aujourd’hui que la place est de nouveau en plein essor, elles participent au développement des affaires. Pendant longtemps, comme les corps de métier du moyen âge, elles ont été pourvues d’un privilège exclusif. Ce monopole a disparu légalement aujourd’hui ; mais comme leur organisation offre de sérieux avantages aux négociants qui ont besoin de portefaix et de camionneurs, comme elles disposent d’un matériel coûteux, elles sont restées en possession d’un monopole, qu’elles ont perdu en droit, mais qu’en fait la concurrence n’a pu leur enlever. Pour se conformer à la législation du pays et obtenir la
- protection de la loi, elles se sont constituées en sociétés coopératives.
- Il y a à Anvers 46 Nations. Chacune est composée de 20 ou 30 associés qui portent le nom de Na-tie-Bazen, maîtres de la Nation. Les plus grandes sont plus nombreuses, par exemple la Noordnatie compte 61 membres, la Werf en Vlas Natie, 60 membres, la Wijngaard Natie 51. On évalue le chiffre total des membres des 46 Nations à 1,500 environ ; il y a quelque vingt ans, ils n’étaient guère plus de mille. Dans le passé, les maîtres mettaient la main à l’ouvrage ; ils le font encore aujourd’hui lorsque le travail chôme et qu’il faut réduire les frais à un minimum. Ordinairement, ils se bornent à diriger et à surveiller les ouvriers salariés, qu’ils engagent et qui sont les compagnons, les gasten de la Nation.
- Les membres d’une Nation forment une société coopérative, ou plutôt une société anonyme, qui a pour capital les chevaux, les chariots et l’équipement nécessaire, les bâches, les immeubles contenant les écuries, les remises et quelques magasins pour abriter des marchandises. Les chevaux valent de 1,500 à 2,000 francs chaque ; les chariots, 1,000 à 1,200 francs ; les bâches 50 francs environ. Le matériel de la Noordnatie, qui possède 40 chevaux, peut valoir 300 ou 400.000 francs.
- Chaque membre a une part, qu’il achète en entrant dans l’association à son prédécesseur ou à la famille de celui-ci; il doit être accepté par la moitié au moins des membres, réunis en assemblée générale, et, avant d’être agréée, passer un examen montrant qu’il sait lire, écrire et calculer,
- La valeur des parts varie d’une année à l’autre, d’une Nation à une autre. Pour les grandes nations elle est de 18 à 25,000 francs. Chaque mois, après avoir déduit le salaire des ouvriers, les frais d’écurie et de remise, les sommes nécessaires à l’entretien et au renouvellement du matériel, on partage également entre les membres le bénéfice net. Dans les temps de grande activité, on met (du moins c’est l’usage dans quelques Nations) une certaine somme de côté, afin de former un fonds de réserve, où l’on puise si les affaires chôment.
- A la tête de l’association se trouvent un doyen chargé de la direction générale et un sous-doyen qui tient la caisse et les écritures. Ils sont élus à la majorité des voix, et s’ils se montrent administrateurs capables, on les laisse le plus longtemps possible dans leurs fonctions. Dans quelques Nations on a institué un doyen des chevaux, un doy-
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- en des équipages, un doyen des magasins, prenant les plus compétents pour les mettre à la tête d’un département. Cette division du travail est nécessaire lorsqu’on songe qu’il y a 40 chevaux à l’écurie et 100 voitures à la remise. Dans la Welî en y las Natie, il y a quatre doyens ou chefs, dont l’un est préposé au bassin, le second aux chevaux, le troisième aux écritures et le quatrième à la caisse. Une commission de sept membres, nommée par la généralité, est consultée dans les circonstances graves, et lorsqu’il y a désaccord entre elle et les doyens ou lorsqu’on le juge nécessaire, on convoque les membres en assemblée plénière. Dans quelques-unes de ces associations, la majorité peut prononcer l’exclusion d’un membre qui s’est rendu désagréable, et auquel on rembourse alors le montant de son action. Les ouvriers sont engagés à la journée ou à l’entreprise, mais ils n’ont droit qu’à leur salaire. Il n’y a pas de membres honoraires ; tous prennentune part active aux travaux de la Société.
- Les membres doivent être au quartier général, en été, à 6 heures 4/2 ; en hiver, à 7 heures. On s’y distribue la besogne et chacun se met en route avec ses équipages et son contingent d’ouvriers.
- S'il n’y a pas de besogne pour tout le monde, quelques-uns sont obligés de chômer, mais en ce cas leur bénéfice est diminué, je ne sais si cette restriction est générale. La journée finie, les membres viennent rendre compte par écrit de ce qu’ils ont fait.
- L'ordre et l’obéissance régnent dans ces associations, qui mettent à l’amende les membres qui arrivent en retard(15 cent, le premier quart d’heure, 2 fr. la première heure et 5 fr. pour toute la journée, si l’absence n’est pas justifiée). Il est interdit sévèrement de porter les différends entre membres devant les tribunaux, sous peine de 200 francs d’amende.
- Les doyens vont à la Bourse chercher les ordres des négociants qui ont des marchandises à embarquer ou à débarquer. Les courtiers maritimes engagent les Nations pour la réception à quai. Les Nations sont responsables des marchandises qui leur sont confiées, — ce qui est un très grand a-vantage. De plus, elles possèdent la qualité de pe-seurs et mesureurs jurés, et en cas de contestation entre négociants, les tribunaux les prennent pour experts. Lorsque les marchandises sont déposées en magasins, elles mettent des veilleurs de nuit, gué les négociants payent.
- Les Nations se recrutent principalement parmi les fils de cultivateurs aisés des environs d’Anvers: c’est un élément rural importé à la ville. En temps d’élection, leur influence politique est considérable ; elles n’appartiennent pas d’ailleurs toutes au même parti; ainsi, la Noordnatie est libérale. Elles sont puissantes dans les questions qui concernent le travail du port : il y a quelques années, lamunicipalité anversoise avait voulu confier aune société particulière le monopole d’un élévateur qui devait être construit dans la maison Hanséatique; les Nations protestèrent, entraînant à leur suite les ouvriers, et devant l’agitation soulevée, le Conseil communal crut prudent de céder.
- Arthur Raffalovich. _
- Les manœuvres électorales de la réaction.
- Les ennemis du progrès social, la gent cléricale et monarchiste semblait avoir renoncé, depuis plusieurs années,aux méchantes calomnies qu’elle avait, pendant longtemps, propagées contre le Familistère.
- Ce silence vient d’être interrompu ; les souteneurs de réaction recommencent leur campagne, avec toute la mauvaise foi dont ils sont capables.
- Il n’y a pourtant rien de changé au Familistère. Les salaires n’ont pas cessé d’être payés 25 0/o au-dessus des prix accordés par les patrons amis du Journal de Saint - Quentin, et les ouvriers de l’association du Familistère ne travaillent que dix heures par jour au lieu de douze heures. La mutualité y fonctionne régulièrement de façon à ce qu’aucune famille ne manque jamais du nécessaire. Dans quelques jours, après avoir opéré sur les produits de l’année les prélèvements destinés à la mutualité qui assure le nécessaire aux.familles trop nombreuses, les soins aux malades, les pensions aux vieillards et aux invalides du travail, l’éducation et l’instruction gratuite des 540 enfants du Familistère, on distribuera les bénéfices aux travailleurs et on leur paiera les intérêts de leurs épargnes.
- Il n’y a donc d’autre changement au Familistère que l’amélioration des services de l’Enfance, l’extension à 1800 habitants des bienfaits de l’association qui, jusqu’à cette année, avaient été réservés à 1200 habitants; pour tout dire, le prétendu ouvrier qui se plaint de son travail peut gagner 6 à 7 francs par jour. Que les patrons du Journal de St-Quentin accordent des avantages semblables à leurs ouvriers, nous ne leur chercherons pas querelle.
- Evidemment, ce ne sont pas ces améliorations, progressivement réalisées, qui ont causé la brusque et insolente entrée en campagne des défenseurs , du trône et de l’autel. Il ne leur fallait pas un si
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- long délai pour renouveler les calomnies que le Journal de St-Quentin s.e fait envoyer contre l’association du Familistère ; les amis de ce journal ont un autre mobile que celui de mal parler d’une institution qui n’a d’autre tort à leurs yeux que de travailler à l’amélioration du sort des ouvriers.
- Cette recrudescence de calomnies doit être imputable à des circonstances nouvelles qui ont profondément troublé les cervaux réactionnaires.
- Craint-on que l’ouvrier serrurier devenu, par son énergie et par son travail, le novateur assez puissant pour faire vivre, malgré les haines et les attaques de la réaction, l’œuvre du Familistère, accepte une candidature dans le département de l’Aisne et qu’il fasse échouer piteusement la domesticité politique des princes, domesticité engraissée par quelques' bribes des quarante millions que les princes ont pris à la République ?
- Quelles que soient les causes de la peur de la réaction, cet effroi doit être grand pour que les rédacteurs du journal de St-Quentin se résignent à des calomnies comme celles que nous relevons dans le numéro du 9 Août de ce journal sous le titre : « Une vérité sur le Familistère de Guise. »
- Nos lecteurs nous pardonneront de faire la citation complète de ce document; mais nous croyons devoir leur montrer jusqu’où va l’esprit de diffamation des champions du trône et de l’autel qui se préoccupent de nous proposer une liste de députés de leur choix.
- Voici le texte delà note publiée par le Journal de Saint-Quentin :
- Dernièrement, un fondeur de Guise se plaignait amèrement de ce que l’association familistérienne est composée d’adulateurs et d’espions.
- Il est vrai, dit-il, que les ouvriers dits participants ont une part dans les bénéfices, les sociétaires composés de contremaîtres en ont deux, les associés,en petitnombre, composés du conseil de gérance en ont trois.
- Mais il n’est pas moins vrai que le fondateur est omnipotent, touche l’intérêt d’un capital toujours grossissant, plus trois parts d’associés et une part de lion dite de fondateur— et que les parts des participants et des sociétaires sont excessivement petites.
- Les associés composés de directeurs ont de très beaux appointements qui servent de base à la production des titres de propriété.
- Ce qui fait que, pour satisfaire leur rapacité, ils exploitent brutalement la masse des malheureux fondeurs qui courbent la tête sans oser crier, qui crient quand on leur commande et qui obéissent tous comme un seul homme sur l’ordre de leur Empereur républicain socialiste, etc.
- Étant constamment sous le joug de petits maîtres nombreux et rapineurs, les travailleurs vivent dans la crainte, ils se saoû-lentpour s’étourdir, leur intelligence s’amoindrit, leurs enfants eux-mêmes, respirant un air malsain, s’étiolent, se ressentent de cette vie soumise et craintive et les maigres résultats qu’ils viennent d’obtenir au concours cantonal donnent la mesure de cet abaissement de leur intelligence.
- D’un autre côté, quand un directeur s’aperçoit qu’un ouvrier habile gagne de bonnes journées, vite il lui fait faire une besogne moins lucrative.
- Par ce moyen, au lieu de 6 à 7 francs par jour, il ne gagne que O fr. 34 par heure, en attendant qu’on puisse le remettre aux pièces.
- Actuellement, l’usine confectionne des suspensions de lampe, travail très minutieux qui produit beaucoup de gaffuts. L’ouvrier aux pièces peut à peine gagner 40 francs par quinzaine, lui qui obtenait 90 francs en temps ordinaire.
- Il faut payer l’apprentissage et c’est le travailleur qui le paie.
- S’il se plaint à Pierre, on l’envoie à Paul, et finalement, le directeur lui fait entendre, avec son accent polonais, qu’q est heureux d’habiter le Familistère, sans quoi on l’enverrait à la huche (textuel).
- L’ouvrier se résigne et souffre moralement en pensant à sa famille qui n’a plus le nécessaire et en maudissant ceux qu étouffent la voix de la justice pour écouter celle de leur égoïsme.
- Voilà comment cela se pratique dans ce vaste établissement, tant vanté, qui a nom : Association coopérative farni-listérienne. Et l’ouvrier naïf croit tout bonnement que M. Godin ignore toutes ces choses !!
- Le Progrès et le despotisme.
- Nous lisons dans les Etats-Unis d’Europe :
- La Partie Européenne, la grande Partie dans laquelle se jouent depuis un siècle, la liberté, la dignité, le bien-être des peuples, contre les iniquités, les tyrannies et les exploitations persistantes de l’ancien régime, a pour théâtre principal, en ce moment, la France et l’Angleterre. Dans les deux pays la question est engagée sur le terrain électoral.
- On verra plus loin avec quelle hardiesse un des membres principaux du cabinet Gladstone, M. Chamberlain, se prononce nettement sur la réforme sociale. Nulle part en France, les candidats, jus iu’ici, ne poussent les les choses aussi vivement C’est que la France a sur ce point pris l’avance. Ce que dit M. Chamberlain en 1885, Considérant, Louis Blanc, Jean Reynaud, Ledru-Rollin, beaucoup d’autres le disaient en France en 1849.
- C’est en ce moment vers la France que se tournent, à la fois, l’atten*e des peuples qui espèrent, et l’attention des Césars qui s’inquiètent.
- Une grande expérience politique et sociale y est commencée. Huit millions d'électeurs, livrés à eux-mêmes, librement traversés par les courants souvent violents des opinions les plus contraires, remués souter-rainement par l’armée noire des prêtres, livrés aux assauts des polémiques réactionnaires les plus ardentes, auront, avant deux mois, à se prononcer souverainement sur les intérêts les plus chers, les plus pr écieux, les plus considérables, les plus délicats de leur pays : l’instruction publique, l’impôt, le concordat, le service militaire, la politique de guerre et d’aventures, la politique de la
- paix. Ils vont éclaircir et résoudre par un fait positif :
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- l’élection d’une nouvelle Chambre, la confusion tumultueuse des passions politiques, religieuses et sociales librement déchaînées ; ils vont faire voir historiquement la solidité ou la fragilité de cette base sur laquelle le droit moderne tend partout à se constituer : ce suffrage universel, que notre Ligue appelait si justement, il y a quatorze ans, le moyen d’ordre suprême des sociétés européennes.
- Pour que rien ne manque à la sincérité et à la grandeur de l’expérience, le cabinet Brisson-Freyeinet tient loyalement la parole donnée ; il assure à. tous les partis la pleine liberté. Il n’exerce aucune pression, il ne prend ni ouvertement ni en dessous le gouvernement des consciences, il ne porte ni le double visage ni la double parole de ses prédécesseurs, il laisse s’accomplir en toute sécurité, avec toutes ses chances, ce phénomène : la fermentation intellectuelle et morale d’un grand peuple.
- Ce spectacle émouvant est. plus grand qu’il ne le paraît dans sa simplicité. Cette confiance que la Conscience et la Raison humaines prennent en elles-mêmes est un signe des temps. La sérénité avec laquelle MM. Brisson, Freycinet, Goblet, Allain-Targé s’en remettent au suffrage universel, rappelle et consacre la résolution avec laquelle Ledru-Rollin et Lamartine firent, il y a trente-sept ans, ce qui parut alors une audace, et qui n’était pourtant que la restitution du Droit.
- Pendant que cette grande et pacifique évolution politique se prépare en France, ce que l’on pourrait appeler l’évolution administrative européenne se poursuit. En tous pays, les Congrès internationaux se succèdent. À Bruxelles, Conférence monétaire de l’Union latine qui après avoir examiné, discuté les questions très graves soulevées par le bi-métallisme n’a pu les résoudre encore et s’est ajournée.
- A Berlin s’ouvre la Conférence internationale télégraphique dans laquelle figurent trois Etats, dix-sept compagnies télégraphiques, et soixante-douze représentants de l’Europe, de PAmérique, de l’Australie, de l’Asie de l’Afrique. A Anvers, le Congrès international formé pour étudier la question de la représentation proportionnelle des minorités, auquel a pris une part honorable un des membres de notre Comité central, M. F. Bajer député danois, a clos ses séances par d’excellentes résolutions. A Bruxelles encore, Congrès international des chemins de fer.
- Dans quelques jours, enfin, s’ouvrira en Suède, à Gôteborg, un Congrès international de la paix où seront débattues les questions importantes qui se rattachent à la combinaison féconde du principe de la centralisation avec le principe de l’arbitrage.
- Que font pendant ce temps les Césars et leurs ministres ? Que préparent-ils ? Que laissent-ils percer de leurs projets ? Les empereurs, jeunes et vieux, se visitent et s’embrassent publiquement. Les vieux baisent galament la main des impératrices. Mais que fait-on ?
- On fait avancer des bataillons russes. On approvisionne Herat et on l’entoure de fortifications. Lord Salisbury déclare qu’il ne perdra pas une minute pour achever les fortifications scientifiques de l’Inde, il garnit l’île âe
- Chypre de troupes et de munitions. La Prusse expulse par milliers les polonais.
- On tâche de persuader à la Porte qu’elle doit fermer le Bosphore et les Dardanelles. La Turquie renouvelle avec augmentation de traitement les engagements des officiers allemands entrés il y a trois ans à son service..
- En Italie, les carabiniers royaux marchent contre les paysans réduits à la grève par la misère.
- L’Allemagne tient le sultan de Zanzibar sous les canons de cinq cuirassés envoyés pour appuyer les occupations de territoires faites par une Société allemande.
- On commande des canons, on commande des torpilles. On se plaint hautement de l’humeur belliqueuse de la République française.
- Plus que jamais on se dit pacifique.
- Voilà en raccourci ce que font les Princes, les Rois et les Etn pereurs.
- Voici comment, un membre du dernier cabinet Gladstone, M. Chamberlain, qui se porte candidat aux prochaines élections anglaises, pose la question sociale :
- « Certainement, je ne voudrais pas vous entraîner à adopter des projets qui bouleverseraient sans nécessité l’ordre de choses existant. Mais,, d’autre part, je vous demande de ne pas considérer comme définitive, ou comme parfaite, l’organisation actuelle qui soumet des centaines de mille, que dis-je! des millions de vos compatriotes à des privations, à des souffrances indicibles, tandis que tout autour d’eux porte témoignage de la richesse accumulée et d'un luxe dont l’humanité n’avait pas encore présenté l’exemple. Je crois que le fléau contre lequel nous avons à lutter, c’est l’excessive inégalité dans la distribution des richesses. L’ignorance, l’intempérance, l’immoralité, la maladie tous ces maux se tiennent étroitement par un lien de mutuelle d épendanee. Si nous pouvons faire quelque chose pour relever la masse du peuple, pour lui offrir des moyens de jouissance et de récréation, pour lui fournir des occasions d’amélioration, nous aurons plus fait en faveur de la prospérité, bien mieux de la moralité de ce pays, que nous ne ferons jamais à l’aide des lois les plus sévères destinées à prévenir les excès ou les crimes. Je vous demande d’inscrire cela comme le premier article du programme q u va s’imposer au Parlement né de la récente réforme électorale. Nous ne visons pas à abaisser, à écraser les riches, bien que, à mon avis, une accumulation excessive de richesses en quelques mains ne soit un avantage pour personne. Notre but c’est de relever les pauvres, c’est de hausser la condition générale du peuple. L’autre jour j’assistais a un meeting où un journalier fut à l’improviste appelé à la tribune. Il quitta sa place, et dans son rude dialecte, sans le moindre ornement oratoire, il dit quelquechose comme ceci : « Voisins et amis, voilà quarante ans que vous me connaissez ; au milieu de vous j’ai vécu et j’ai travaillé. Je ne suis pas un ivrogne, je suis un homme rangé. Je suis laborieux, je ne suis pas dépensier. Je travaille et je peine depuis quarante ans. Ma tâche a été lourde et pourtant je ne suis pas plus avancé aujourd’hui que le premier jour où j’ai commencé. Pourquoi cela ? où est le remède? » Croyez-moi, messieurs, les questions de ce pauvre journalier ne peuvent être écartées.
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- Vm
- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen.
- Jura. Essia.— Caroz Claude ; — Gros Marc ; — Gay François;— Aimé Jean-François ; — Bussillet Louis ; — Bussillet Victor ; — Gay Jean-Baptiste ;
- — Gay Victor ; — Roy Théophile ; — Aimé Adolphe ; — Aimé Irénée ; — Girard François ; — Gay Jean-Honoré ; — Gay Auguste ; — Dalez Auguste ;
- — Aimé Alphonse Gay Elie Gros Alfred ; — (Tous cultivateurs).
- Combe-de-Rotalier. — Chevillot Joseph ; — Che-villot Auguste;— Boudet Léon ; — Boudet Joanni ;
- — Chevillot Isidore; — Cheviilot Alphonse ;— Jear-nier Auguste ; — Gay Aman ; — Chevillot Henri ;
- — Chevillot Claude ; — Chevillot Léon ; — Cortet Théobald Ganevat Aniide ;— Jearnin Estor ; — Poulet Lucien ;— Petit Joseph ;— Eugène Richard ;
- ; Pommier Constant ;— Chiffier Xavier ;— Poulet Victor;— Pirat Léon ;— Pirat Alphonse ;—Chiffier Alphonse ;— Jeannier Désiré ;— Cuisia Joseph ; — Chevillot Antiiie ; — Kokenne Claude; — Charnet Augustin ; — Cordier ; — Charnet Désiré ; — Gulat Stanislas ;— Gay Constant; — Vauchez J ean-Bap-tiste ;— Vauchez Henri ;— Gay Joseph ;— Jeannier Auguste ;— Jeannier Victor ; — Chevillot Joseph ;
- — Regy Claude-Marie ;— Molard Théodore. (Tous cultivateurs).
- Mesdames. — Fléchon Emilienne ; — Buchaillat Marie ;— Clémentine Genevret;— Chevillot Adel-phine ; — Berrard Rosalie ; — Pommier Maria ; — Carroz Adèle; — Petit Elisa;— Marie Pirat;— Ber-tot Angélique;— Pirat Joseph ;— Poulet Octavie ;
- — Jeannier Octavie;— Mangin Itta ;— Masson Cé-lestine;— Cambazard François;— Elisa Chanet ;— Jeannier Adèle ; — Livand Joséphine ; — Boudet Louise ;— Kokenne Marie;— Charnet Armance;— Charnet Maltilde ;— Culat Constance ; — Genevret Constance; — Molard Marguerite;—Mauros Rose ;
- — Molard Louise Blanchard Sylvie; — Bonnin Marie;— Ganevat Victorine;— Chevillot Zélie ; — Pommiez Herminie ;— Druot Maria.
- MAITRE PIERRE
- Pan Edmond ABOUT VIII
- LA CAPITALE DE SON ROYAUME.
- Le 6 avril, maître Pierre vint au petit jour me tirer par les pieds. « Habillez-vous vivement, me dit-il; le temps presse, et nous avons beaucoup à faire aujourd’hui. » Cependant, il ne prévoyait pas tous les événements. de la journée.
- Un pain bis, une jatte de lait et un rayon de miel nous attendaient dans la salle à manger. Nos hôtes s’étaient levés pour nous dire adieu ; Marinette était habillée, coiffée, guêtrée et sous les armes, dès le matin, comme un petit soldat.
- On déjeuna sur le pouce ; les maîtres de la maison nous reconduisirent jusqu’au bateau, et je serrai la main à ces amis d’un jour.
- Le ciel était gros de nuages, et le vent d’ouest labou-
- rait en larges sillons les eaux troublées de l’étang. Maître Pierre nous annonça la pluie en serrant sa peau de mouton autour de ses épaules ; Marinette fit comme lui. Mon manteau m’avait paru lourd la veille et l’avant-veille ; je commençai à craindre qu’il ne fût trop léger.
- Le mât criait sous l’effort de la voile ; notre bateau, affilé de l’avant, embrochait les lames l’une après l’autre, non sans embarquer quelques petites choses. Je vidais l’eau avec une écope et Marinette avec un sabot : tout l’équipage était aux pompes. Nous espérions arriver avant la pluie, mais une rivière tomba du ciel et nous surprit à moitié chemin.
- On assure que petite pluie abat grand vent ; les grandes pluies n’ont pas le même privilège, car le vent redoubla de force, et je vis le moment où l’étang de la Cauau engloutissait maître Pierre et sa fortune. Le petit homme ne se croisait pas les bras comme César, en prononçant des sentences, mais il manœuvrait de toutes ses forces et jurait de temps en temps avec une facilité d’élocution qui ne se trouve que dans le Midi.
- Il nous tira d’affaire en nous jetant dans les marais; ce ne fut pas sans peine. Le bateau s’engagea dans un chenal où la violence du vent ne se faisait plus sentir. La voile s’abaissa, maître Pierre prit un aviron et me donna l’autre, et Marinette gouverna sur Bulos par les chemins de traverse qui font le tour de l’étang. La pluie ne tarissait pas, nous étions ruisselants comme des divinités marines
- « Cela va-t-il tomber longtemps? demandai-je à maître Pierre. Est-ce une pluie sérieuse, ou simplement une giboulée de mars égarée en avril ? « Il répondit en souriant ; « J’espère bien que nous en avons pour deux mois.
- — Vous espérez ! ne m’avez-vous pas dit que ces pluies du printemps étaient la ruine du pays ?
- — Elles sont la fortune de Bulo? et de toutes les landes qu’on a pris soin d’assainir. La pluie est fort bonne de soi, lorsqu’on ne la laisse pas croupir en place. Du temps qu’elle inondait mes terrains, elle tuait tout : elle fait croître et prospérer mes arbres, depuis qu’elle traverse,le sol sans y séjourner. Les arbres sont des créatures comme vous et moi : un verre d’eau nous fait grand bien, mais nous ne vivrions pas longtemps au fond de la rivière.
- — Voilà bien des verres d’eau qui tombent sur vos terrains de Bulos.
- — Il n’en tombera jamais trop, puisque l’eau est aussitôt prise, aussitôt rendue. Vous pouvez vous faire une idée de notre printemps par la journée d’hier et celle que voici. Nous avons alternativement grande pluie et grand soleil ; le chaud et l’humide abondant chez nous.
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- Dans les landes qu’on n’a point assainies, l’humidité ne sert qu’à pourrir les racines, et le soleil ne chauffe rien que la surface de l’eau. Mais du jour où l’écoulement des eaux est assuré, la chaleur et l’iiumidité font tour à tour leur office ; nos arbres sont comme de bons bourgeois, le dos au feu, le ventre à table ; ces grandes pluies qui étaient un fléau deviennent un bienfait du ciel, et la végétation opère ici des miracles que vous n’avez jamais vus ailleurs. Du reste, ouvrez les yeux et jugez par vous-même ; nous voici bientôt arrivés, »
- Maître Pierre et sa jeune compagne débarquèrent par une pluie battante, aussi tranquillement que si l’averse était tombée à côté d’eux. Les Landais ont cela du canard ; on dirait que l’eau ne les mouille pas. Moi qui sentais chaque goutte pleuvoir sur mes os, je n’avais pas l’oreille au discours de mon professeur ; le froid paralysait mon attention ; une classe en pleine eau ne flattait aucunement mes goûts. Cependant je savais que le quart d’üeure était décisif. J’allais juger par mes yeux si j’avais été instruit par maître Pierre, ou simplement amusé ; si j’étais tombé sur un homme utile ou sur un rêveur agréable ; si la métamorphose des landes était une vérité ou une utopie. Je fis donc un effort héroïque pour ouvrir les yeux sous cette cascade, et je tendis l’esprit comme l’arc d’Ulysse.
- On me conduisit à la jeune forêt de maître Pierre, le long d’un fossé large de 2 mètres et profond de 40 centimètres environ. L’eau y coulait à pleins bords, mais sans se presser nullement. «Voilà, dit maître Pierre, le grand collecteur de mon drainage. Toute la pluie qui tombe sur mes cinquante hectares s’écoule par ce fossé vers les marais et les étangs. »
- Cinq minutes plus tard, nous entrions dans un bois de la plus belle venue. Cent mille pins maritimes, hauts de 18 à 20 pieds, s’étendaient en ligne droite sur une longueur d’un kilomètre.
- « Donnez-vous la peine d’entrer, me dit maître Pierre en franchissant un petit fossé qui faisait le tour de la propriété. J’ai ici cinquante hectares de pins, mais je ne vous en montrerai qu’un seul, car ils se ressemblent tous.
- « Voici un hectare ou dix mille mètres carrés de landes, qui fournissait en 1844 la nourriture d’un mouton. Il y a douze ans, j’y ai semé de la graine de pin, aussi drue et serrée que du chanvre et du blé. La première année, mes arbres ont poussé à 10 centimètres au-dessus du sol. L’année suivante, ceux qui n’étaient pas morts sont arrivés à une hauteur de 15 centimètres : voilà comme la végétation se comporte dans les pays mondés. Gomme la graine était bonne et le terrain défrisé, j’avais environ un arbre par mètre carré, ou dix
- mille par hectare. Mais, du train dont ils montaient, tout me porte à croire qu’ils auraient eu à dix ans deux mètres de haut, la taille d’un joli soldat.
- « En 1847, après avoir étudié le drainage avec ce monsieur de Paris, j’ai cherché un moyen économique d’écouler l’eau qui incommodait mes petits arbres. J’ai commencé par mesurer le niveau des cinquantes hectares, et j’ai vu que le terrain n’était pas aussi plat qu’il en avait l’air. Il descendait en pente vers l’étang, mais la pente était bien faible : un millimètre par mètre ! Si le sol avait été uni comme une plaache rabottée, l’eau s’en serait allée tout naturellement où la pente la portait. Mais il y avait ici une taupinière, là une racine de brande, là une empreinte laissée par le pied des hommes ou des animaux : il n’en fallait pas davantage pour retenir mille et une petites flaques qui ne savaient plus par où s’écouler. Qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai creusé autour de chaque hectare un fossé large d’un mètre et profond de quarante centimètres. L’eau n’a pas manqué de descendre à travers le sable, et, comme il n’y a dans les fossés ni trous, ni taupinières, ni racines, l’écoulement s’est fait en droiture et sans aucune contrariété, suivant la pente générale du terrain. Voyez plutôt ! »
- ( A suivre )
- BIBLIOGRAPHIE
- L’agiotage de 1715 à 1880, par B. Malon. Bureau de la Revue socialiste, Paris, 19, rue du Faubourg-Saint-Denis. — Prix 1 fr.
- La, Revue socialiste, dont le succès, pour n’être pas bruyant, est réel et bien mérité d’ailleurs par l’élévation de son but et le sérieux de sa rédaction, vient d’entreprendre la publication d’une série de brochures qui promettent d’être intéressantes, et qui est ouverte parle travail que nous annonçons plus haut.
- Dans un style imagé et incisif, l’auteur fait à grands traits, l’historiqne et la critique de l’Agiotage. Les faits et les chiffres, l’anecdote et la combinaison financière sont mêlés dans cette étude, pourtant si substantielle, .qu’on lit comme un récit passionnant les hauts faits des financiers et des agioteurs, depuis les temps de Law jusqu’à la troisième République et l’on connaît ainsi l’un des facteurs les plus importants, quoique des plus négligés, de l’évolution sociale contemporaine.
- Aux hommes de justice et de progrès; à tous ceux que préoccupent le désordre et les tendances terrifiantes de notre actuel régime financier, les chiffres et les révélations du rédacteur en chef de la Revue socialiste donnent des arguments irréfragables pour la lutte contre les abus d’ordre capitaliste, qui entravent le développement rationnel des institutions républicaines.
- Le Directeur Gérant : GODIN
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- LIBRAIRIE DU FAMILISTERE
- C3-TJISE (AisneI
- OUVRAGES de M. GODIN, Fondateur du Familistère Le Gouvernement, ce qu'il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action.
- Ce volume met en lumière le rôle des pouvoirs et des gouvernements, le principe des droits de
- l’homme, les garanties dues à la vie humaine, le perfectionnement du suffrage universel de façon à en
- faire l’expression de la souveraineté du peuple, l’organisation de la paix, européenne, une nouvelle constitution du droit de propriété, la réforme des impôts, l’instruction publique première école de la souveraineté, l’association des ouvriers aux bénéfices de l’industrie, les habitations ouvrières, etc., etc.
- L’ouvrage est terminé par une proposition de loi à la Chambre des députés sur l’organisation de l’assurance nationale de tous les citoyens contre la misère.
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- N» 5 • Associations ouvrières. — Enquête de la commission extra-parlementaire au ministère de l’Intérieur. Déposition de M. GODIN, fondateur de la Société du Familistère de Guise,
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- 9e Année, Tome 9. — N* 364 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 30 Août 1885
- LE VEVtm
- BUREAU A GUISE (Aisne) ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE
- par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont ON S’ABONNE A PARIS 5, rue Neuve-des-Petits-Champs
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- doivent être adressées à Un an ... 10 fr. n Tîn fin. - .11 ft*f un S’adresser à M. LEYMARIE
- M. GODIN, Directeur-Gérant Six mois. . . 6 »» Autres pays administrateur delà Librairie des sciences
- Fondateur du Familistère Trois mois. . 3 »» Un an. . . . 13 fr. GO psychologiques.
- SOMMAIRE
- Le renouvellement partiel annuel. — Les nouveaux candidats. — Un vote d’espérance. — Les Patriciens de l’Aisne. — Les comités départementaux. — Élections législatives 1885. — Fédération départementale des comités cantonaux. — Le droit et la liberté. — Protestation des députés de l’Aisne.— Comité cantonal de Guise. — Les élections accidentelles. — Nouvelles du Familistère.— La séparation de l’Église et de l'État.— Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen.—Maître-Pierre.— Bibliographie.
- AVIS
- Le journal « Le Devoir » est envoyé gratuitement à vitre d’essai.
- Si le journal n’est pas renvoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
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- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
- Elections législatives 1885
- Le Renouvellement partiel annuel.
- A mesure que se rapproche l’heure solennelle de la manifestation de la volonté nationale, nous sentons davantage la nécessité de vulgariser l’idée du renouvellement partiel annuel.
- Pour bien pénétrer nos lecteurs de l’importance que nous attribuons à cette réforme, nous ne pouvons faire mieux que résumer en un article tout ce que nous avons dit jusqu’à présent.
- Notre campagne n’a point été stérile, le Rappel, le Radical, la République Radicale, la France libre, l’Opinion, la Démocratie de l’Aisne, le Nord de la Thiérache et quelques autres journaux des départements ont consacré plusieurs articles à l’examen de nos propositions qu’ils ont acceptées.
- Le programme radical parisien demande le renouvellement partiel et annuel. Dans le Jura, une liste a fait sienne cette réforme. Dans le Puy de Dôme, dans l’Aisne, dans la Somme et dans quelques autres départements une active propagande est organisée en vue de faire adopter ce projet.
- Encore une fois, nous demandons instamment à nos amis de ne rien négliger pour assurer la souveraineté du suffrage universel.
- Nous avons assez fait pour avoir de droit d’engager les autres à puiser dans notre exemple la volonté de contribuer, pour une part personnelle, aux efforts qui prépareront l’émancipation de la souveraineté nationale.
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- LE DEVOIR
- Notre numéro du 1er Juin 1884, un an avant l'échéance du mandat des députés, contenait le quatrième fascicule des études sociales « La Réforme électorale », étude publiée dans le but d'attirer l’attention publique sur les moyens pratiques de donner au suffrage universel les garanties de sa souveraineté.
- Ce travail exposait les conditions pratiques du fonctionnement du suffrage universel,en vue d’établir la liberté du suffrage et l’influencé de la souveraineté nationale sur les députés.
- De son coté le programme du « Devoir » dit :
- — Réforme du régime parlementaire Tpar l’organisation du suffrage universel.
- — Unité de collège pour l’élection des députés : chaque électeur votant, par bulletin de liste, pour autant de députés qu’il y a de ministères ; dépouillement dans chaque commune, recensement à Paris.
- — Renouvellement annuel de moitié de la Chambre des députés et de tous les corps élus. La volonté du peuple souverain toujours ainsi mise en évidence.
- Ce système établirait :
- — La liberté de l’électeur dans le choix des députes ,
- — L’égalité du droit de suffrage pour tous les citoyens ;
- — La représentation par les supériorités réelles et les grandes capacités ;
- — La représentation des minorités.
- Jusqu’au 19 avril 1885 nos articles sur le suffrage universel ont été conformes à l’esprit des principes que nous venons de définir. A cette date, convaincu que l’ensemble de la réforme électorale ne serait pas admis par la masse électorale, voulant faire œuvre pratique, nous déclarions dans un article intitulé «notre politique» notre intention de réduire, jusqu’aux élections, nos projets de réformes à leurs minima, et de nous appliquer plus spécialement à faire adopter l’idée du renouvellement partiel annuel.
- A dater de cette décision, presque tous nos numéros ont contenu un article sur ce sujet capital.
- Le 5 juillet, dans une déclaration déposée à la réunion des journalistes républicains du département de l’Aisne, nous disions être prêts à accepter l’union des forces républicaines de notre département, sous l’unique réserve qu’on nous accordât l’inscription dans les programmes électoraux du renouvellement partiel annuel.
- Limiter ainsi notre intervention c’était prouver que rien n’égalait à notre avis l’urgence de cette réforme, que nous considérons comme la première à introduire dans l’organisation du suffrage universel.
- Depuis lors nous n’avons cessé de discuter cette question et de répondre aux timides et rares objections qui nous ont été soumises.
- Nous voulons résumer les affirmations et les arguments que nous avons publiés dans nos articles sur le renouvellement partiel annuel.
- Exposé pratique. — Nous demandons une loi qui décide que la députation de chaque département soit divisée par tirage au sort en trois groupes : le premier étant à échéance de mandat après le vote du premier budget qui suivra la promulgation de cette loi ; le deuxième groupe sera renouvelable après le vote du deuxième budget ; le troisième groupe après le vote du troisième budget.
- Lorsque le roulement aura été établi, les députés élus chaque année pour remplacer le tiers sortant seront nommés pour trois ans.
- Le même mode de renouvellement serait appliqué à tous les corps élus.
- L’époque de l’élection annuelle serait fixée par la loi.
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- * *
- Avantages du renouvellement partiel annuel. — Le Renouvellement partiel annuel crée la permanence du pouvoir représentatif.
- — Il garantira la souveraineté du suffrage universel.
- — Il donnera à la vie publique une salutaire activité.
- — Il sera la source des réformes,
- — Il préservera les corps élus des vices du parlementarisme; il moralisera les élus et les électeurs ; il aura pour conséquence le triomphe des capacités.
- — Il affermira la volonté des députés honnêtes.
- — Il sera un obstacle à la corruption politique.
- — Il aboutira à la simplification des programmes parce que, chaque année, le corps électoral réclamera une partie des réformes nécessaires et non toutes les réformes à la fois.
- — Il donnera la fécondité à la République par une administration et une direction devenues vigilantes, parce qu’elles fonctionneront sous loeil du suffrage universel.
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- LE DEVOIR
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- — Il sera le plus sûr garant du progrès pacifiqu car, avec le renouvellement partiel, les députés tiendront compte de la volonté des électeurs.
- — Il enlèvera aux périodes électorales leur action perturbatrice des affaires.
- Il régularisera les élections en supprimant les renouvellements accidentels.
- — Il permettra au suffrage universel de réparer les erreurs qu’il peut commettre dans ses choix.
- — Il fera disparaître les antagonismes des personnes et des partis politiques.
- Explications. Arguments. — En décrétant que chaque tiers sortant conserve ses pouvoirs jusqua la validation des nouveaux élus, le pouvoir représentatif est toujours complet, et son autorité ne subit aucune interruption. Actuellement, pendant les périodes de dissolution, le pouvoir exécutif agit sans conteste ; s’il est en ces moments entre des mains malhonnêtes, les coups d’Etat et les violations de la constitution peuvent compromettre la sécurité nationale.
- Avec les mandats à longue échéance, à chaque difficulté entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif une dissolution anticipée peut devenir nécessaire ; avec les élections annuelles, les manifestations fréquentes delà volonté des électeurs empêcheront tout malentendu entre les deux pouvoirs, et les dissolutions accidentelles n’auront plus de raison d’être.
- — La nécessité de voter chaque année aura pour conséquence l’organisation permanente des comités électoraux dans les communes et dans les cantons ; ces comités recevant toutes les impressions du public seront continuellement en conformité de vues avec la masse électorale ; ils ne manqueront pas de se fédérer et d’étudier, pendant la législature en cours, les réformes qu’il conviendra de réclamer aux prochaines élections. De cette manière, la souveraineté du peuple sera réelle puisqu’il conservera l’initiative de ses décisions. La vie politique aura bientôt son plein épanouissement.
- — Si le suffrage universel n’a pas rendu tous les bons effets qu’on en attendait, cela a tenu à sa mauvaise organisation ; l’élection annuelle conduira les électeurs à étudier chaque réforme à fond, à se rendre compte de sa valeur réelle, et à poursuivre
- Successivement la réalisation de chacune, en parfaite connaissance de cause
- — Les députés, influencés par la manifestati on annuelle du suffrage universel, cesseront de traiter les intérêts nationaux d’après leurs seules préférences ; au lieu de s’asservir aux monopoles, ils s’inspireront du sentiment des masses dont ils sentiront sans cesse les vigoureuses poussées. Les é-lus, désireux de bien mériter du pays, éviteron dans leur conduite politique toutes les compromissions susceptibles de compromettre leur réélection.
- Les intrigants,sachant combien sera éphémère la puissance des députés portés à servir des intérêts privés au détriment de la prospérité nationale, seront moins portés àtoutesles sollicitations immorales dont ils accablent habituellement les députés qu’ils ont fait nommer. Plus tard, le remplacement du scrutin de liste départementale par*le scrutin de liste nationale achèvera la moralisation des électeurs et celle des élus.
- — Le député honnête, éclairé par les courants d’opinion que suscitera chaque élection annuelle, n’éprouvera aucune hésitation dans l’accomplissement de son mandat ; la force qu’il tirera de la connaissance parfaite des désirs de l’opinion publique facilitera sa tâche et lui permettra de faire beaucoup plus avec moins d’efforts.
- — Le suffrage universel, ayant la perspective de donner annuellement ses ordres, évitera de trop demander à la fois ; il s’habituera insensiblement àmettre en évidence,dans chaque élection annuelle, deux ou trois réformes que l’opinion publique aura mûries. Les députés, en présence de volontés si nettement formulées, ne pourront faire moins que les sanctionner.
- A ce compte, le progrès s’édifiera sans interruption.
- Si la République, nous avait donné, depuis 1870, une réforme chaque année, elle serait aujourd’hui l’objet de l’admiration de tous les peuples ; la confiance et la prospérité publiques seraient mieux assises.
- — Avec le renouvellement partiel annuel, les menées révolutionnaires seront désarmées. Quepour-ront objecter les plus intrépides révolutionnaires, si les élections prouvent que le suffrage universel est le véritable agent des réformes par son action continue sur la renrésentation national# ?
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- Sous le régime actuel des élections à longue jchéance, les pouvoirs publics n’ont pas de motifs ;>our se tenir en accord avec l’opinion du pays. Gela amène souvent des perturbations profondes dans i’Etat et donne le plus souvent au renouvellement général des Chambres le caractère d’un changement subit de politique. Ce changement apparent a pour conséquence d’anéantir les travaux des Chambres antérieures et de faire que les pouvoirs publics piétinent sur place. Les élections partielles maintenant la permanence des Chambres, aucun travail législatif ne serait abandonné, les lois et les réformes utiles s’élucideraient avec suite et sans discontinuité; la stabilité s’établirait ainsi dans la marche gouvernementale du pays.
- L’élection partielle et annuelie introduite dans les habitudes deviendrait vite un besoin régulier de la vie publique; ce serait un commencement d’organisation du suffrage universel que les députés seraient appelés à compléter de manière à lui donner un caractère vraiment républicain.
- Comme l’établit une note que nous publions plus loin, sous le titre « Les élections accidentelles » , on vote presque tous les dimanches en France ; les électeurs des départements qui ont une nombreuse représentation, comme le département de la Seine, sont convoqués plusieurs fois chaque année ; ces consultations imprévues, faites sans ordre, n’ont qu’une signification très restreinte. Le renouvellement partiel réduirait toutes les circonscriptions à une seule consultation par an, dans laquelle on pourvoirait à tous les remplacements nécessaires; cette consultation générale aurait une grande influence sur la direction du gouvernement. Pour beaucoup de départements, l’élection annuelle diminuerait le nombre des convocations, par la suppression des élections accidentelles.
- — Le suffrage universel serait toujours à même de pouvoir corriger ses erreurs en ayant la possibilité de modifier, chaque année, l’expression de ses arrêts antérieurs.
- — Nos mœurs politiques sont entachées de défauts les plus graves ; la diffamation, la calomnie, les compétitions politiques sont la conséquence de la mauvaise organisation du suffrage universel. Le renouvellement partiel sera un premier correctif à cet état de choses, car le jugement annuel des électeurs ne se laissera pas influencer longtemps par de méchantes insinuations.
- La vie politique créée par l’élection annuelle mettra en évidence la valeur des hommes, les faits
- et les actes parleront pour ou contre eux ; les élections se feront avec plus de calme ; mais ce ne sera qu’avec le scrutin de liste nationale que le suffrage universel acquerra sa véritable influence et que la souveraineté nationale s’exercera d’une façon complètement satisfaisante.
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- Objections. — Les seules objections produites ont été : que les convocations annuelles fatigueraient les électeurs.
- — Que la durée du mandat,réduite à trois, ans ne serait pas assez longue pour permettre aux nouveaux élus de s’initier aux pratiques législatives.
- — Nous l’avons déjà dit, la première objection n’a pas de portée, car, les statistiques le démontrent, la plupart des circonscriptions sont déjà convoquées plusieurs fois dans l’année, à l’occasion des renouvellements accidentels.
- Quant aux pertes de temps, elles peuvent être nulles.
- N’avons nous pas chaque année des fêtes qui créent des chômages auxquels les populations son^ accoutumées ? Rien ne serait plus facile que de fixer l’élection annuelle à une de ces dates.
- Ce choix d’une époque fixe éviterait toute surprise. Quelle que soit la date de la manifestation annuelle du suffrage universel, elle deviendrait la fête nationale la plus imposante : La fête du suffrage universel.
- Avec le renouvellem ent partiel annuel, le temps consacré à l’exercice du suffrage universel ne sera jamais mal employé.
- Il serait extraordinaire d’entendre le peuple se plaindre de perte de temps, lorsqu’il jouira de la plénitude de sa souveraineté. Le temps consacré aux élections annuelles sera employé à la consolidation et à la généralisation du bien être général ; le regretter serait de la part de l’électeur se montrer irrité d’avoir le droit et la faculté de travailler à son bonheur ; ce serait une aberration.
- — Il est certain que, si le peuple prenait au hasard ses représentants, un mandat de trois ans de durée serait insuffisant pour l'éducation politique d’un grand nombre d’entre eux; mais les hommes que choisiront les électeurs auront généralement une notoriété justifiée par des connaissances exceptionnelles, par les services rendus, et par une certaine pratique de la vie publique qui les aura initiés aux difficultés législatives avant d’être désignés comme candidats.
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- En outre, la simplification des programmes, conséquence forcée du renouvellement annuel, abrégera beaucoup le travail des députés qui se trouveront sans cesse en présense de questions résolues par le peuple devenu maître de lui-même et toujours préoccupé de rechercher les moyens d’améliorer sa situation.
- Nous demandons aux candidats, aux journalistes, aux électeurs de prendre une à une nos affirmations; d’analyser isolément chacune de nos explications.
- Quiconque consentira à faire cette analyse, s’il est partisan du principe de la souveraineté du suffrage universel, reconnaîtra que le renouvellement partiel n’a contre lui que sa nouveauté.
- Cette idée n’a pas été suffisamment examinée; elle a contre elle toutes les résistances que rencontrent toutes les innovations. Les chemins de fer, l’électricité, l’obligation de l’enseignement ont eu des adversaires passionnés qui niaient leur praticabilité, sans pouvoir donner aucun argument valable.
- Notre proposition, nous avons cette certitude, sera défendue dans la réunion des délégués cantonaux du département de l’Aisne. Si elle est combattue ou repoussée, nous aurons la satisfaction de constater qu’aucun organe de la presse n’a osé l’attaquer ni la discuter contradictoirement.
- Dans notre département, il dépend des électeurs d’assurer le succès du renouvellement partiel annuel, qui mettra dans leurs mains l’intégralité de la souveraineté nationale.
- Si les électeurs ont la volonté de sauvegarder leur prépondérance, ils donneront mandat aux délégués cantonaux de n’accepter aucun candidat qui refusera d’accepter le renouvellement partiel et annuel.
- Les mandats à longue échéance aboutissent à l’escamotage de la volonté nationale par une milité d’intrigants ; le renouvellement partiel an-Quel conserve intacte et souveraine l’autorité du bandant sur le mandataire.
- Aux électeurs de se prononcer pour ou contre leur propre souveraineté, suivant qu’ils accepteront 0u qu’ils rejetteront l’idée du renouvellement partiel annuel des corps élus.
- * Les Gouvernements sont institués pour assurer le 1 e«r des peuples. Quand les gouvernants manquent à c ^ion, le devoir des peuples est de leur retirer le pouvoii Déclaration d'indépendance américa
- COMITÉ ÉLECTORAL RÉPUBLICAIN
- de la Ville et du canton de St-Quentin
- Le comité saint-quentinois s’est réuni lundi dernier :
- Le député de Château-Thierry, interrogé sur son programme électoral, n’a pas craint d’exposer complètement se • idées démocratiques. Il s’est associé à ses collègues, a-t-il dit, pour le triomphe de la cause républicaine à laquelle ils sons tout dévoués, mais sans abandonner aucune nuance de ce qui croit utile au pays. Questions politiques, questions sociales ou industrielles, il a répondu à toutes et il a indiqué nettement comment il entendait leur solution.
- Interpellé sur le renouvellement annuel des corps élus, i ’ s’en est déclaré le partisan et il a ait qu’il espérait que cett= question du renouvellement partiel serait l’une des résolution du futur programme départemental et l’une des revendication de la députation de l’Aisne. Le comité et les représentam de la presse se sont associés unanimement à l’opinio;, exprimée par le député de l’Aisne. M. Doumer a fait justic-des calomnies répandues contre la République. Les différent membres du comité, industriels, ouvriers, commerçants ont traité les différents problèmes qui sont à l’ordre du jour d’urn*. façon qui indique qu’ils sont par eux constamment étudiés. Le comité a approuvé les idées que nous préconisons sur lerenou vellement partiel et annuel. Il ne s’est séparé qu’aprè.-plusieurs heures de délibération.
- LES NOUVEAUX CANDIDATS
- Les députés sortants déclarent vouloir se présenter solidaires.
- Nous ne ferons aucune opposition à leur réélection, s’ils acceptent les réformes demandées par les comités et s’ils s’engagent résolument à les soutenir devant la Chambre chaque fois qu’elles serons, mises en discussion.
- Nous pensons aussi qu’aucun d’eux n’acceptera que son nom figure sur la liste du comité des Patriciens ; car on annonce que, pour mieux endoctriner les électeurs, les agents de la réaction se proposent d’emprunter deux ou trois noms de la liste républicaine, espérant ainsi favoriser la réussite de leurs candidats.
- Faisons des élections exemptes de compromissions.
- Il est nécessaire de compléter la liste des députés sortants,s’ils acceptent la ligne de conduite qui nous venons de tracer ; il est regrettable que des noms ayant une signification nettement démocra tique ne se soient pas encore présentés pour com pléter la liste. Il faut opposer à l’organisation des Patriciens un programme et une liste dont on m puisse soupçonner la sincérité.
- Les électeurs, nous l’espérons, saurons ajouter aux noms des députés sortants, des candidats qui disent clairement que désormais la députation de l’Aisne doit avancer résolument dans b. voie des réformes républicaines.
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- Un vote d'espérance
- La part active que nou s prenons à la préparation élec" torale de notre canton nous a procuré de nombreuses occasions de constater l'état des esprits.
- On votera pour la république.
- Mais que les élus de demain se gardent d’interpréter la victoir e du parti républicain comme une preuve de la satisfaction générale des électeurs.
- Les populations agricoles et ouvrières sont mécontentes ; elles sont irritées par l’impuissance des législateurs ; on a conservé trop de lois monarchiques.
- Les électeurs oublieront leur colère et leur mécontentement, pour faire un essai loyal ; mais ils ne supporteront pas une nouvelle déception.
- L’idée monarchiste est bien morte dans l’esprit des électeurs ; elle existe à peine dans quelques cerveaux sans crédit auprès des populations ; il faut donc extirper toute trace de cette idée dans les lois, dans les pratiques gouvernementales, sous peine de provoquer de nouvelles plaintes.
- Récemment, dans une petite localité, nous nous trouvions en présence de nombreux ouvriers d’une industrie très éprouvée, travailleurs qu’on laisse dans un complet abandon ; on lisait sur tous les visages l’expression de grands mécontentements ; néanmoins ils voteront tous pour la République ; tous savent qu’ils n’pnt à attendre de la monarchie que de pires déboires ; ils espèrent aveG raison en la République ; on ne saurait mettre trop de hâte pour donner satisfaction à ces légitimes volontés.
- La majorité du 4 octobre sera fortement républicaine par le nombre des voix et par les aspirations républicaines.
- Qu’on y réfléchisse, ces espérances ne peuvent être déçues sans provoquer l’irritation et les suggestions de la colère dans les milieux populaires.
- Les Patriciens de l'Aisne.
- Comme dans les civilisations antiques, les rejetons et les représentants de certaines familles, honorables parles services rendus ou par l’élévation des fonctions confiées à quelques-uns de leurs membres, ne se contentent plus de la considération publique que leur assurait la reconnaissance populaire.
- Cps citoyens veulent édifier sur ce passé des situations privilégiées; ils veulent devenir des patriciens. Les conseillers généraux du département de l’Aisne entreprennent d’abord d’embrigader le suffrage universel ; ils affichent la prétention d’avoir le monopole du droit de choisir des candidats à la députation.
- Lorsqu’ils auront fait nommer des candidats à leur dévotion, ils obtiendront d’eux des lois favorables à la consécration des privilèges qu’ils convoitent.
- La manœuvre est conduite par Messieurs de Wading-ton et de Saint-Vallier flanqués,on ne sait pourquoi, de M. Malézieux.
- Ces messieurs ont entrepris de constituer des comités d’arrondissement; ces comités seront composés par les maires des cantons, les conseillers d’arrondissement et
- les conseillers généraux, la fine fleur des électeurs sénatoriaux de l’Aisne.
- On n’a pas voulu des maires des communes et des conseillers municipaux ; on avait d’excellentes raisons de supposer que ces citoyens ne consentiraient pas à s’associer à cette tentative d’escamotage du droit des électeurs.
- Les autres, les bons, on ne pouvait avoir de doute sur leurs intentions réactionnaires : ce sont eux qui avaient organisé récemment les manœuvres qui ont abouti à la nomination au sénat de M. de Saint-Vallier, orléaniste dont le passé et le présent attestent suffisamment sa haine de la démocratie.
- Nous combattrions ces manœuvres sans en être indignés,si leurs auteurs avaient la franchise de les présenter sous leur véritable nom ; par la signification que leur donnent les noms des meneurs, ces coalitions sont ouvertement réactionnaires.
- Pourquoi veut-on les couvrir de l’étiquette républicaine ?
- Nous protestons contre cette usurpation; nous démasquerons les meneurs et nous n’hésiterons pas à dénoncer la complicité du préfet de l’Aisne.
- Cette coalition de la réaction s’est nouée et s’est manifestée sous la bienveillante tutelle du préfet.
- Malgré la neutralité promise par le ministère, la candidature officielle s’organise dans notre département.
- Le gouvernement a le devoir de sévir contre les fonctionnaires qui le compromettent en s’immisçants dans les affaires électoral es,et en contractant des alliances avec les ennemis de la République.
- Cette organisation tardive de la réaction n’aurait pas été tentée, si dans tous les centres on se fût mis à temps à l’œuvre pour constituer des comités cantonaux.
- Les démocrates timides, qui ont craint de pousser de toutes leurs forces, par leurs journaux, par leurs orateurs, à la constitution des comités cantonaux sont en partie responsables de l’influence que pourront acquérir les comités des patriciens dans les localités où l’on n’a pas commencé l’organisation démocratique.
- Tout est réparable. Les audaces de ces nouveaux patriciens stimuleront les énergies populaires ; tous ceux qu’inspire l’amour de la République se lèveront pour combattre à outrance les candidats officiels que nous préparent le préfet de l’Aisne et les patriciens ses compères.
- LES COMITÉS DÉPARTEMENTAUX
- Prochainement les délégués cantonaux vont se réunir au chef-lieu du département pour former le comité électoral départemental.
- L’assemblée générale devra définir le programme et choisir les candidats à la députation, sans qu il soit possible, faute de temps, de faire contrôler et valider ses décisions par les comités cantonaux.
- Les délégués au comité central auront donc un mandat laissant une grande latitude à leur initiative
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- LE DEVOIE
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- Les électeurs doivent prendre leurs précautions pour que cette initiative des délégués ne puisse aller jusqu’à la substitution des désirs de quelques-uns aux tendances des masses.
- Il convient donc de se préoccuper des questions qui se rattachent aux fonctions du comité central départemental ?
- Dans le département de l’Aisne, nous ne 'devons pas oublier qu'une récente réunion des électeurs sénatoriaux a été l’occasion de scènes véritablement scandaleuses et d’actes d’intolérance inqualifiables.
- Nous devons mettre en garde les délégués cantonaux contre les tentatives de désordres, que pourraient provoquer dans les réunions départementales les agents de la réaction qui ne manqueront pas de s’y glisser avec un faux nez républicain,
- Chacun doit se présenter dans ces assises avec la volonté entière d’expliquer les vœux et les préférences de ses commettants, et de reconnaître les mêmes droits à ses collègues.
- Malgré la bonne volonté et le grand désir de chacun d’observer une attitude correcte, étant donné le tempérament français, il peut se produire des questions susceptibles d’irriter ou de contrarier les délégués, au point de provoquer quelques impatiences chez ceux qui ne les avaient pas prévues.
- On évitera ces surprises, si tous ceux qui ont l’intention de saisir le Comité départemental d’une proposition présentant quelque particularité, prennent la précaution d’en informer les comités et les délégués, par la voie de la presse, avant la réunion du comité départemental.
- Selon nos appréciations, une discussion improvisée, sur la manière de voter au congrès départemental,pourrait produire quelques incertitudes désagréables ; aussi, pour nous conformer au conseil que nous venons de donner, nous soumettons à temps aux comités nos réflexions sur ce sujet.
- Votera-t-on par délégués présents ?
- Ou reconnaîtra-t-on à chaque délégation cantonale, quel que soit le nombre de ses membres présents, un nombre de voix déterminé d’après le chiffre de la population qu’elle représente ?
- Si le vote se fait d’après le nombre des délégués présents, on n’obtiendra pas l’expression exacte de la volonté des électeurs ; car les cantons éloignés ne pourront, à cause des dépenses de voyage et de séjour à Laon, trouver des délégués en nombre suffisant pour porter leur délégation au nombre maximum, tandis que les cantons à proximité
- de Laon auront toute facilité d’avoir présentes des délégations complètes.
- Si l’on décide d’accorder à chaque canton un nombre de voix proportionnel à sa population, sans tenir compte du nombre de délégués présents, en admettant même que l’on puisse voter par corres -pondance, on sera certain qu’il n’y aura pas de localités favorisées, que les cantons les plus éloignés et les plus pauvres pourront exercer sur le vote une influence égale à celle des centres; les plus rapprochés ou les plus riches.
- Nous sommes partisan de cette dernière méthode, qui est, après tout, le seul moyen pratique de rendre la première effective.
- Le bon ordre et la bonne organisation voudraient que les délégués aient une opinion sur ce sujet, a-vant l’ouverture des débats; les comités feraient sag*ement en résolvant la question dans le sens que nous avons dit et en donnant à leurs délégués des.instructions conformes.
- Le comité de Laon nropose que chaque comité nomme autant de Délégués au comité central qu’il y aura de fois mille habitants dans la circonscription qu’il représente, accordant un délégué en plus pour toute fraction supérieure à 500 habitants.
- Cette proposition nous semble très-correcte. Nous demandons qu’elle soit complétée par un paragraphe ainsi conçu :
- Quel que soit le nombre des délégués présents à Laon, tout bulletin de vote sur une question de programme ou de candidat, déposé par une délégation, sera compté pour un nombre de voix égal au nombre maximum de membres que pourrait avoir cette délégation; les cantons qui ne pourront se faire représenter auront droit d'envoyer un bulletin de vote par correspondance, qui sera compté comme il vient d’être dit, pourvu qu’il porte une déclaration établissant que le vote qu’il contient a été acclamé par une réunion publique, et qu'il soitsignépar les électeurs républicains présents à cette réunion.
- Pour bien pénétrer les esprits de la facilité d’exécution ; nous publions un tableau de dépouillement des votes sur les clauses du programme, correspondant au projet que nous venons d’énoncer.
- Le tableau suivant s’applique uniquement au vote sur les questions du programme électoral; pour le vote sur les noms des candidats, il suffira de faire un tableau semblable, en remplaçant, dans la première colonne, les articles du programme par les noms des candidats.
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- Elections législatives îsss
- me électoral
- des VOTES CANTONAUX
- VOTE DU PRoq^j
- BULLETIN DE DÉPOUILLEMElf
- Pour se servir de ce tableau, il suffit d’inscrire, dans la colonne désignant une délégation, en regard de la quesl cLi suivant que la délégation aura accepté ou rejetté la proposition. Les additions des nombres écrits dans les colonnes o indiquera si on doit conserver ou retrancher du programme la question visée suivant que le nombre des pour snu
- ckoumise au vote, un nombre égal au chiffre de voix accordées à cette délégation, sous le titre pour ou contre, our ou contre donneront le total des voix affirmatives ou négatives; et la différence entre ces deux additions I3 oraid ou plus petit que celui des contre.
- Souveraineté nationale garantie par le renouvellement partiel annuel par tiers. . . ...............................
- Suppression du Sénat.........................................
- Ou son remplacement par le suffrage universel ....
- Interdiction de faire la guerre sans un arbitrage préalable. .
- Séparation de l’Église et de l’État ........
- Service militaire réduit à trois ans et égal pour tous . . .
- Exécution rigoureuse de la loi sur l’instruction obligatoire .
- Construction d’écoles et amélioration du sort des instituteurs.
- Abolition des monopoles......................................
- Béduction des tarifs des chemins de fer pour les marchandises et pour les voyageurs.....................................
- Réforme des impôts...........................................
- Suppression des sous-préfectures et de toutes les sinécures .
- Réforme de la magistrature............................... .
- Réforme de mocratique des conseils de préfecture . . .
- Etablissement de conseils cantonaux d’arbitrages pour assister les juges de paix...................................... .
- Elever la compétence des juges de paix.......................
- Plus de cumul pour n’importe quelle fonction.................
- Encouragement par l’État et les départements des procédés de grande culture, de la formation de syndicats agricoles pour l’achat des engrais, des machines, pour la vente des denrées et pour tout ce qui tend à améliorer la situation agricole des populations rurales cultivateurs et ouvriers de l’agri-
- culture
- Mutualité nationale de secours pour les travailleurs malheureux et retraites pour la vieillesse................................
- Nota. — Ces réformes différent sur bien des points de celles que nous préconisons, mais nous préoccupant du dépouillement des d [hnis par ies communes de notre département nous avons dû tenir compte des progammes déjà adoptés dans divers cantons.
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- J pour ) SAINT- \ QUENTIN ) 53 délégués
- j contre
- J pour RIBEMONT
- ( contre î 16 délégués
- pour ) ROZOY->SUR-SERRE J 14 délégués
- contre
- pour SAINS
- contre ) 11 délégués
- pour SISSONNE
- j contre j 12 délégués
- [ pour ST-SIMON
- contre 1 15 délégués
- J pour , SOISSONS
- J contre \ 20 délégués
- pour VAILLY
- j contre j 10 délégués
- j pour YERMAND
- contre 13 délégués
- j pour YERVINS
- J contre 15 délégués
- pour ) YIO-SUR-AISNE ) 11 délégués
- j contre
- J pour VILLERS-COTTERÊTS 10 délégués
- | contre
- | pour WASSIGNY
- | contre 1 15 délégués
- BULLETIN DE DÉPOUILLEMENT DES VOTES C4NTONAUX
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- L’application de notre méthode comporterait la pratique suivante:
- Quelques jours avant la réunion des délégués, à Laon, le comité de cette ville informerait régulièrement tous les groupes constitués d'avoir à lui transmettre les clauses qu’ils désirent inscrire dans les programmes et les noms de candidats qu’ils veulent patronner.
- Le bureau du Comité de Laon inscrirait tous ces vœux des électeurs, concernant les programmes sur une liste spéciale, en observant de les grouper et de les classer dans un ordre logique en réunissant dans des articles consécutifs les questions se rattachant au suffrage universel, aux impôts, aux améliorations agricoles, sociales, politiques, etc. Les noms des candidats seraient l’objet d’une liste spéciale. Ces listes seraient envoyées imprimées à tous les comités constitués, plusieurs jours avant l’assemblée générale.
- Après la constitution du bureau de rassemblée, à la suite d’une discussion générale, on passerait au vote dans les conditions suivantes :
- On nommerait une dizaine de bureaux de scrutateurs.
- Puis, pendant une suspension de séance de quelques minutes, les délégués se grouperaientpar délégation, et ils rayeraient sur une même liste, d’un commun accord, toutes les réclamations qu’ils repoussent, puis ils signeraient la liste et la remettraient au bureau de l’assemblée qui la transmettrait aux scrutateurs.
- Chaque bureau de scrutateurs dépouillerait les listes en écrivant sur le tableau, dans la colonne réservée au canton désigné par chaque liste sous les titres pour le nombre des voix concédées à ce canton, en face de toutes les clauses qui n’auraient pas été rayées sur la liste, tandis qu’il porterait ce même nombre sous le titre contre en regard des articles rayés. Le dépouillement des dix listes de scrutateurs donnerait le résultat définitif.
- Dès que le résultat du vote sur les questions du programme aurait été publié, les candidats auraient la parole pour faire leurs réserves s’il y avait lieu.
- Après ces explications, les délégués voteraient sur chaque nom comme il vient d’être dit pour le programme.
- Les huit noms ayant obtenu le plus de voix seraient proclamés les candidats du comité départemental et* des comités locaux ayant pris part à ce dernier vote.
- Si notre proposition ne paraît pas suffisamment pratique, nous pensons qu’elle s’inspire de préoc-
- cupations justifiées, dignes de l’attention de tous; nous engageons nos confrères de la presse départementale à présenter d’autres projets sur le fonctionnement du comité départemental ; nous serons heureux de les propager, s’ils atteignent le but de faciliter l’expression de la souveraineté nationale.
- FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES COMITÉS CANTONAUX
- U a été décidé que la réunion des délégués départementaux aurait lieu le dimanche 5 septembre prochain. La réunion aura lieu à Laon.
- Les cantons qui n’ont pas encore organisé de comité auront donc à les former avant le 5 septembre.
- Il est élu un délégué départemental par 1,000 habitants.
- La réunion départementale s’occuperait de la rédaction de son cahier ou programme et désignerait les futurs candidats à la députation.
- Le délégué départemental qui ne pourra se rendre à Laon pourra confier son pouvoir à un autre délégué ou à suppléant.
- LE DROIT A LA LIBERTÉ
- Nous avons entendu parler de réunions dans lesquelles on osait, avant toute discussion, réclamer des membres qui les composaient l’engagement préalable de défendre quand même les résolutions qu’adopterait la majorité.
- Ces adures despotiques sont en contradiction avec les principes républicains.
- Les individus ou les minorités qui acceptent une telle proposition abdiquent toute indépendance ; on ne fait aucune concession aux individus qui ont juré soumission.
- Nous pensons que l’Assemblée générale des délégués cantonaux sera exempte d’aucune tentative de ce genre.
- La discussion du programme doit être rigoureusement libre.
- Si cette discussion ne parvient à fonder l’union, on ne peut exiger des dissidents plus que l’obligation de ne pas prendre part aux choix des mandataires de la majorité.
- Une assemblée républicaine ne doit imposer à aucun de de ses membres une renonciation de sa liberté ; ces procédés doivent rester le monopole des réactionnaires que vise le document suivant.
- Protestation des députés de l'Aisne.
- à Messieurs les électeurs du département de l’Aisne
- Messieurs et chers concitoyens,
- Dans la réunion qui vient d’être tenue à Laon, sous la présidence de M. Waddington, et à laquelle ont pris part plusieurs des personnalités marquantes du parti monarchique, il a été décidé, malgré notre résistance, qu’une organisation spéciale au département de l’Aisne serait donnée au fonctionnement du suffrage universel dans les prochaines élections.
- . 44 voix contre 22 ayant donné la préférence aux proposi-
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- tions de MM. Nice et Quéguignon, sur celles de MM. Belseur et Rousseau qui réclamaient l’élection des délégués par les communes et leur réunion au chef-liéu de canton, il va être procédé comme il suit à la constitution des Comités :
- MM. les Conseillers généraux et d’arrondissement, les Maires et adjoints, les anciens délégués sénatoriaux et leurs suppléants se réuniront au chef-lieu d’arrondissement au jour fixé par MM. les Sénateurs; ils désigneront, en prenant pour hase le chiffre d’un délégué par 5,000 habitants, les personnes chargées d’aller au chef-lieu du département, arrêter conjointement avec les Sénateurs, Conseillers généraux et Conseillers d’arrondissement, une liste de candidats à la Députation.
- Cette prétendue « organisation » du suffrage universel en est à nos yeux la confiscation.
- Elle a pour première conséquence de frapper d’un discrédit apparent les Comités républicains déjà formés par l’initiative privée des citoyens : elle a en outre l’inconvénient d’appeler à la formation des listes républicaines, à côté des amis les plus dévoués, les adversaires les plus notoirement connus de nos institutions.
- Mandataires du suffrage universel, nous nous croyons tenus de protester publiquement et dès le premier jour contre de tels procédés. Nous offrons aux Comités républicains en voie de formation, à nos amis politiques que le suffrage restreint entreprend de tenir en lisières, les éléments d'une concentration des forces républicaines que le retour offensif des anciens partis monarchiques rend encore nécessaire.
- C’est dans cet esprit, que répondant au mouvement d’union dont le nouveau ministère vient di donner si éloquemment, par la bouche de son chef, le signal et l’exemple, usant du droit incontestable, que d’habiles manœuvres ne sauraient nous ravir, de faire décider par ie suffrage u riversel si nous sommes encore dignes de la confiance qu’il nous a accordée ou renouvelée en 1881 ;
- Nous autorisant en cela du précédent créé dans ce département par nos Sénateurs eux-mêmes le jour où ils sont parvenus au terme de leurs pouvoirs, nous avons résolu de deman der tous ensemble et solidairement à nos Concitoyens le renouvellement du mandat qu’ils nous ont confié.
- Nous ne sommes pas des hommes nouveaux, sur la valeur morale et la politique de qui les Electeurs aient besoin pour être éclairés d’une intervention bien active des Comités prépa-ratoiies.
- Depuis quatre ans, le pays nous a vus à l’œuvre et il a pu juger chacun de nous d’après ses votes, aussi bien en matière politique que lorsqu’il a fallu défendre les intérêts agricoles en faveur desquels nous avons agi avec uneefficace unanimité.
- Nous pouvons donc, en toute confiance, nous adresser directement aux Républicains sincères, habitants des campagnes ou des villes, à ceux qui savent tenir meilleur compte des actes que des paroles, et leur dire :
- Nous comptons sur vous aujourd’hui, de même que vous pouviez compter hier sur notre absolu dévouement aux véritables intérêts de la démocratie et du travail national. Comblez par l’initiative de vos Comités, devant qui nous sommes prêts à comparaître, mais dans l’œuvre desquels nous n’entendons pas nous immiscer, les vides qu’ont fait dans nos rangs l’élévation de M. Malézieux à un siège de sénateur et la retraite vo-
- lontaire de notre ami M. Fouquet, inspirée par des considérations absolument étrangères à la politique.
- Appuyés sur vos suffrages, nous poursuivrons avec autant de fermeté que de modération, l’œuvre réformatrice et de progrès républicain à laquelle vous nous avez conviés il y a quatre ans et qui n’a rencontré tant d’obstacles que par la coalition plus ou moins déguisée des hommes des anciens partis.
- Ayez avec nous confiance en l’avenir et comptez sur l’inaltérable dévouement de vos dépotés républicains :
- GANAULT
- LESGUILLER ;
- RINGUIER ;
- SANDRIQUE ;
- TURQUET ;
- VILLAIN ;
- Députés sortants.
- Laon 22 Août 1885.
- Comité cantonal de Guise. — Ont été nommés
- délégués :
- La Bussiére, Danglot Louis, Conseiller municipal ; Rêve, débitant ; Blanquin, Conseiller municipal ; Hostelet, débitant; Grandin, ouvrier fileur.
- Monceau-sur-Oise, Maillet Alphonse, adjoint ; Robiquet Vital, rentier.
- Flavigny-le-Petit, Tordeux Jules; Bailly Jules.
- Macquigny, Gros, maire ; Duchemin, boucher ; Caron, charron ; Ancelet Cyprien ; Pruvost, débitant.
- Aisonville, Lecomte-Allizard ; Mahieux-Hélin ; Nicolas Henri ; Gilbert Léonor ; Lecomte Pierre-Joseph.
- Longchamps, Legrand-Jouron; Lefèvre-Degon; Langlet-Lamant.
- Noyai, Panier ; Icard-Carlier ; Decaux, meunier.
- Les dernières réunions communales auront lieu ;
- Lavaqueresse, dimanche 30 août à 4 heures.
- Villers, même date à 6 heures.
- Iron id. id.
- Bomery, lundi 31 août midi.
- Proisy, id. à 3 h. du soir.
- Marly, id. à 6 h. 1/2 du soir.
- ----------— ----.«♦».———-------------------------.—
- LES ÉLECTIONS ACCIDENTELLES
- Depuis août 1883 jusqu’à aujourd’hui, il ne s’est pas passé de dimanche, pour ainsi dire, sans qu’il y ait eu une ou plusieurs élections partielles, à l’effet de combler dans nos 90 assemblées départementales des vacances résultant de décès démission ou invalidation.
- Or si l’on considère l’ensemble de ces élections durant deux années, l’on constate que les républicains l’ont emporté dans le plus grand nombre des cas.
- D’août 1883 à août 1885, il y a eu 227 élections de con seillers généraux.
- Sur ce nombre, les républicains en ont obtenu 142 et les réactionnaires 85 ; c’est-à-dire que les résultats favorables aux républicains représentent près des deux tiers de l’ensemble.
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- Gesrésultats se répartissent par année :
- Deuxième moitié de 1883.— 21 élections : 17républicains, 4 réactionnaires.
- Année 1884. — 139 élections : 88 républicains ; 51 réactionnaires.
- Première moitié de 1885.— 67 élections : 47 républicains; 20 réactionnaires.
- Il importe de remarquer que, dans les élections départementales, les influences politiques ne sont pas seules en jeu que les influences locales dues à la situation au point de vue de la propriété ou de la fortune, ou des services rendus, s’exercent dans une large mesure et peuvent contribuer souvent à assurer l’élection des candidats réactionnaires.
- Néanmoins, en dépit de ces influences si considérables, les républicains ont constamment obtenu le succès dans les deux tiers des cas au moins, ainsi qu’on le voit par les résultats ci-dessus.
- On voit que la constance du pays ne s’est pas démentie et que les manifestations successives autorisent à espérer, pour le 4 octobre prochain, une nouvelle et éclatante victoire de l’idée républicaine.
- Nouvelles du Familistère.
- Le Familistère a été honoré, les 24 et 25 juillet dernier, de la visite des personnages suivants, venus d’Angleterre en France pour assister au Congrès des coopérateurs français, tenu à Paris les 26, 27, 28, et 29 du même mois.
- Ces visiteurs sont :
- M. Edward Vansittart Neale, secrétaire général de la Fédération des sociétés coopératives d’Angleterre, qui, pour la cinquième fois, nous donnait le bonheur de le posséder parmi nous.
- M. G. J. Holyoake, l’auteur d’ouvrages importants sur la coopération parmi lesquels nous citerons : Histoire des Equitables pionniers de Rochdale — Histoire de la coopération.
- et M. James Johnston, membre et secrétaire adjoint du bureau central des sociétés coopératives fédérées.
- Pour M. Neale, le Familistère n’avait rien de nouveau. Quant à ses deux compagnons, ils ont déclaré que l’Association du Familistère dont ils avaient lu tant de descriptions dépassait encore leurs espérances. Nous sommes heureux de cette appréciation, et remercions vivement nos remarquables visiteurs de l’aide qu’ils nous apportent en témoignant, par leur présence ici, de ce que vaut l’œuvre à leurs yeux.
- Nous devons spécialement rendre hommage à M. Neale qui ne laisse échapper aucune occasion de rappeler aux coopérateurs anglais les enseignements pratiques en faveur de l’émancipation régulière et durable des classes laborieuses, réalisés dans les institutions diverses du Familistère de Guise.
- Nous avons un nouvel exemple de cette infatigable sollicitude de M. Neale dans la remarquable préface écrite par lui en tête du Rapport officiel des opérations du dernier congrès anglais.
- Depuis son retour en Angleterre, M. Holyoake a pu-
- blié dans « The coopérative News », de Manchester, en date des 8 et 15 courant, ses impressions sur l’Association du Familistère, et il annonce que deux autres articles seront consacrés au congrès des coopérateurs français.
- Il a également envoyé au « Birmingham weekly Post » un article des plus sympathiques sur notre association. Nous le remercions vivement ici de ses efforts pour la cause de l’émancipation du peuple et de l’harmonie des rapports entre le travail et le capital.
- * *
- Peu après, le Familistère fut honoré de la visite de deux membres délégués au congrès coopératif de Paris :
- MM. Bernard et Colombier.
- Nous eûmes ensuite la visite de :
- M. G. Brocher, professeur de langues à l’école normale de Battersea, London ,
- Puis celle de :
- M. Herbin, contrôleur général des dépenses aux chemins de fer du nord de l’Espagne.
- Enfin, le Familistère possède, au moment où nous écrivons, un de ses premiers et de ses plus fervents amis, celui qui, en 1865, vint de Londres étudier 1 œuvre sur place et la fit ensuite si largement connaître en Angleterre :
- M. Tito Pagliardini, dont le nom est familier à beaucoup d’amis du progrès.
- Mademoiselle Lucy Latter, sous-inspectrice des Ecoles Maternelles de Londres, est égale ment parmi nous, étudiant nos écoles, avec le plus vif intérêt-
- La Séparation do l’Église et de l’Etat.
- En attendant qu’il plaise aux législateurs de r iver du bud-et les appointements des curés, le nombre des citoyens qu1 eséparent d’eux-mêmes de l’église augmente d’une manière ensible.
- A Guise nous ne comptons plus les enterrements civils et es enfants non baptisés.
- Cet usage gagne les campagnes.
- A Verly vient d’avoir lieu le premier enterrement civil, "oute la population a suivi le cortège du citoyen Touillé qu’ac-nmpagnait une délégation de la Libre Pensée de Guise.
- Le cerceuil était recouvert du drap mortuaire du groupe les Libres Penseurs de Guise; derrière le cerceuil,deux pa-•ents du défunt portaient la magnifique couronne de cette société. Les glands du drap étaient tenus par d’honorables labitants de Verly, parmi lesquels on remarquait M. Demon-;el, maire de la commune; tous les membres du Conseil muni-iipal suivaient le convoi.
- Au cimetière, le délégué de la libre pensée de Guise a fait ressortir la vanité des cérémonies dites religieuses et la vena-ité des prêtres qui vendent leurs services 20 fr. avant 7 heures, 50 francs après 10 heures, 100 fr. après 11 heures. Il a engagé les habitants à mettre un frein à la morgue des curés en imposant au conseil municipal 1 obligation de rayer toute subvention cléricale.
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- L’impression a été excellente.
- Après la cérémonie plusieurs citoyens ont publiquement déclaré qu’ils se passeraient désormais des prêtres et de leurs litanies
- Le secrétaire delà Libre Pensée de Guise.
- Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen.
- Haute-Vienne. Bussière-Poitevine. — Nadaud, sabotier ; — Berthé, sabotier ; — Morlière, propriétaire ; — Dufour, — Pailler P., — Savard Pierre, — Chagnaud J.,— Lavaud Maurice, — Chagnaud P., — Jeammet, — Cubeau Jean,— L. Cubeau,— Cubeau Jean, — Jeammet, — Cubeau Jean,maçons L. Perrin, propriétaire Pouffary F., instituteur ; — Beausset Jean, — Jeannot Pierre, — Beausset Jean, cultivateurs ;— Gouillard Pierre, sabotier ; — Gouillard Jean,— Gourdonnaud Joseph,— Paignier Sylvain, — Auchet Maurice, cultivateurs ;— Duchêne Michel, propriétaire, délégué cantonal ; — Dupont François aîné, charron ; — Garretier Antoine, tailleur ;— Morel, bottier ; — E. Mercier, sabotier ; — B. Mercier, épicier-sabotier ; — Gouillard Pierre, marchand ;— Laroche, menuisier;— Léger Ferdinand, médecin.
- Mesdames.— Gervaise Petit,— Veuve Marcou,— Marie Chagnaud,— Marguerite Chagnaud, — Veuve Bouquet, propriétaires; — Adèle Dupont, aubergiste ; — Marie Mercier, marchande ; — Anna Pradeau, femme Laroit, sage-femme.
- Aube. Forges Saint-Bernard.—Riel Charles-Adrien, instituteur.
- Ville-sous-la-Ferté.— Noël Alexandre, boucher.
- MAITRE PIERRE
- Par* Edmond ABOUT VIII
- LA CAPITALE DE SON ROYAUME.
- ( Suite )
- La pluie tombait, toujours. Je remarquai, à ma grande surprise, que toute la masse d'eau qui s'abattait sur un hectare traversait rapidement le sol et semblait attirée dans les fossés. La terre s’égoutait à mesure qu’elle était mouillée ; plus heureuse cent fois que mes habits et mon chapeau.
- « Cela m'a coûté gros, poursuivit maître Pierre. Cinq lieues de petits fossés, à raison d’un sou le mètre courant, font mille francs bien comptés. Plus un fossé collecteur long d’un quart de lieue, et qu’on n’a pas voulu me creuser à moins de trois sous le mètre ; c’est encore une affaire de cent cinquante francs ; plus la sottise que j’ai eue de faire arracher les mauvaises herbes, comme si mauvaise herbe ne repoussait pas toujours. Grands fossés, petits fossés, sarclage des herbes, le tout s’est monté à quinze cents francs, ou peu s’en faut. Je n’avais pas dépensé beaucoup moins pour le défrichement, la graine et les semailles, si bien que chacun des hectares
- que vous voyez a mangé ses petits soixante francs.
- « Mais ne vous mettez pas en peine : je suis déjà rentré dans mon argent et la terre m’a payé le capital avec les intérêts. Vous voyez que je n’ai plus dix mille arbres par hectares ; si j’en ai laissé deux mille, c’est le bout du monde. Le reste a fait des fagots, des échalas et du charbon. Je continuerai les éclaircies tous les ans, et je m’arrêterai à mille arbres par hectare. Lorsqu’ils seront trop énormes, j’en laisserai cinq cents, et je les exploiterai tout à mon aise, tandis que leurs graines semées par le vent feront naître une fôret nouvelle autour d’eux. »
- Il s’interrompit pour écraser un nid de chenilles. Ma-rinette profita de ce temps d’arrêt pour me placer en face d’un jeune pin et continuer la leçon de son maître. « Monsieur, me dit-elle, vous serez peut-être curieux de voir comment nos petits fossés ont hâté la croissance des arbres. On peut mesurer sur le pin la pousse de chaque année. En voici un qui avait grandi d’un demi-pied en deux ans. La troisième année, il a monté d’un mètre, après que maître Pierre eut fait son drainage. N’est-ce pas un vrai miracle ?
- — Certainement Marinette ; et notre ami est un grand homme. »
- Toutefois, en parcourant la propriété sous une pluie infatigable, je me rapprochai de maître Pierre et je lui dis :
- « Mon ami, vous avez eu le mérite d’appliquer aux Landes un mode d’assainissement aussi vieux que la terre : le drainage à ciel ouvert. Mais c’est' un système abandonné presque partout, car il a de graves inconvénients. Les fossés mangent du terrain ; les fossés ruinent le sol en attirant à eux tous les engrais ; les fossés veulent des réparations perpétuelles ; l’eau ravine leurs bords ; le sable vient combler leur lit.
- — Allons, répondit-il en riant, je vois qu’il est temps de regagner le village : vous raisonnez impatiemment, comme un homme mouillé. Que mon idée soit vieille ou nouvelle, c’est ce qui m’importe peu : elle était nouvelle pour moi, lorsque je l’ai trouvée. Reste à savoir si elle est bonne, et je le crois. Comment voulez-vous que l’engrais s’écoule dans mes fossés ? Je n’ai pas mis d’engrais ! Mes fossés mangent un peu de terrain ; il n’y a pas grand mal à cela, puisque, avant les fossés, le terrain était sans valeur. D’ailleurs ne vous ai-je pas dit que les pins se nourrissaient dans l’air ! Il faut que le vent circule librement autour d’eux ; il faut donc sacrifier beaucoup de place. Je regrette si peu le terrain perdu, que j’ai l’intention de percer partout de grandes allées où se promèneront les brises de l’Océan. Vous craignez que le sable ne vienne envahir mes canaux ou
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- que le courant ne détruise mes berges î Mais le sable est retenu par un réseau de racines entortillées, et le courant est à peine sensible quand la pente est d’un millimètre. Les fossés que voici datent de dix ans ; ils ont écoulé bien des tonneaux de pluie, et vous voyez qu’ils ne sont ni ensablés, ni ravinés. »
- A cela je n’avais rien à répondre. Cependant, comme il pleuvait toujours, je tirai du fond de mon sac une objection qui me parut bonne, et faite pour embarrasser maître Pierre. L’homme est ainsi bâti : son esprit subit toutes les influences de l’air extérieur. Plus il fait chaud, plus nous sommes exposés à croire les gens sur parole. On dirait que l’esprit élargit tous ses pores, tant les idées d’autrui s’introduisent facilement chez nous. Nous ne mettons rien en doute, nous acceptons même l’invraisemblable, par bienveillance et par nonchalance. Mais, lorsqu’il pleut, qu’il vente ou qu’il gèle, nous fermons toutes nos portes, et la vérité la plus évidente n’entre pas sans frapper. Nous résistons à tout, et nous disputerions volontiers contre nous-mêmes pour nous dégourdir et nous réchauffer un peu. Le scepticisme est né dans le Nord, après trois jours de grandé pluie ; la foi est un un fruit du Midi.
- « Mon pauvre ami, demandai-je à maître Pierre, que diriez-vous si vos arbres allaient cesser de croître un beau matin ! Vous m’avez assuré vous-même que le pin enfonçait dans le sable une longue racine pivotante. Est-ce vrai ?
- — Sans doute.
- — Vous n’avez ici que deux pieds de sable au-dessus de l’alios ?
- — Un peu moins : 64 centimètres environ.
- — Voilà où je vous attendais. Quand vos racines auront 64 centimètres, elles donneront du nez contre l’alios, et l’arbre ne poussera plus. »
- Il feignit d’être embarrassé et répondit en se grattant la tète : « J’ai bien pensé à ce que vous dites.
- — Eh bien ?
- — Avez-vous entendu parler de M. Duhamel du Monceau ? C’est un brave homme de savant, qui, après avoir passé cinquante années de sa vie à regarder en l’air, s’est mis à étudier quelque chose de plus positif. Il a fait de belles expériences sur les arbres, et notamment sur les arbres à pivot, comme le pin et le chêne.
- — Et il a reconnu... ?
- — Qu’on pouvait arrêter le pivot et même le couper, sans faire aucun tort à l’arbre. Les racines poussent en large et il n’en est que ça. Maintenant allons chez le maire de Bulos ; v ous sécherez vos habits au coin du feu. Je suis bien aise de vous avoir montré qu’un hectare de cent francs, assaini, défriché et semé pour i
- 60 francs, paye en dix ans le capital et les intérêts de la culture. Revenez ici dans une quinzaine d’années, et vous verrez si les 3000 francs que j’ai dépensés iei, ne rendent pas trois ou quatre mille francs de revenu. »
- Nous prîmes le chemin de Bulos, et je me promettais déjà de méditer au coin du feu sur ce que j’avais vu ; mais mon impitoyable guide m’arrêta sur la lisière de ses bois pour me faire remarquer un plan de jeunes chênes.
- C’était un millier de chênes blancs entremêlés de quelques suriers ou chênes-lièges. Les chênes blancs avaient quatre mètres de hauteur ; le diamètre au collet de la racine était de dix centimètres.
- « Quel âge leur donnez-vous ? me demanda maître Pierre.
- — Quinze ou vingt ans.
- — Je les ai semés au printemps de 1852, devant le maire, le juge de paix et un inspecteur des eaux et forêts. Du reste comptez vous-même ; il y a cinq pousses, dont chacune marque une année. Ces arbres-là portent leur extrait de naissance avec eux. En voici un que j’ai scié dernièrement pour distribuer des échantillons dans toutes les landes, car je suis le commis voyageur du progrès. Vous n’avez qu’à jeter les yeux sur la souche pour voir que le diamètre s’est accru tous les ans de deux centimètres. Cela va quelquefois jusque deux et demi. Or, dans tous les pays du monde, la croissance annuelle du chêne n’est que de cinq millimètres. Donc le chêne des Landes, quoique son pivot soit passablement gêné par l’alios, se développe quatre ou cinq fois plus vite que dans un bon terrain. Est-ce dit ?
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- 9e Année, Tome 9. — H" 365 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 6 Septembre 1885
- LE DEVOIR
- REVUE DES QUESTIONS SOCIALES
- BUREAU
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- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
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- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- La paix et la souveraineté populaire.— Guerre à la Guerre.— Aux amis de la paix.— Choix et nomination d’ (.(Agents », « Délégués » ou « Correspondants » de la fédération dans les diverses capitales de l’Europe. — Souhait à l’occasion de la confé-ce qui aura lieu à Bâle. — Le militarisme en action. — Le différend Espagnol-Allemand et la politique coloniale. — Les îles Corolines. — La ligue internationale et de la liberté. — Suffrage universel. — Un bon colonel. — Les chemins de fer au Japon.— M. Pasteur et la rage.— Au Sénégal.— U entrevue de Kremsier. — La mort d’Olivier Pain. — Adhésions aux principes d'arbitrage et de désarmement européen.— Les ballons diri-> geables.— La Fête de l’enfance.
- La paix et la souveraineté populaire
- On remarque dans l’histoire bien peu de guerres véritablement populaires, en ce sens qu’elles aient été voulues et désirées par les populations. Presque toutes ont été suscitées par les machinations des gouvernements.
- Pour quiconque observe l’état de l’opinion publique, il est évident que le caractère des peuples civilisés est auj ourd’hui suffisamment adouci pour que l’on puisse prévoir la fin des guerres, lorsque les nations seront réellement maîtresses de segou-verner elles-mêmes.
- Les amis de la paix, en usant de leur influence dans le but de dégager le suffrage universel de la tutelle des gouvernements, travailleront efficace-uient à la consolidation de la paix intérieure et extérieure.
- Aucune autre œuvre n’est maintenant plus nécessaire.
- Cela a été vivement compris par les groupes de la paix du Puy-de-Dôme. Dans la ville de Clermont, les 40 délégués au comité départemental électoral comptent 25 membres de la ligue de la paix.
- Ce n’est point là de la vaine politique.
- Tous les amis de la paix auraient dû montrer un égal empressement dans la préparation électorale.
- Dans beaucoup de localités, la constitution des comités n’est pas complète ; les retardataires ont encore le temps d’agir.
- Pendant la période électorale, les électeurs sont disposés à étudier les questions d’ordre public ; aucune n’est supérieure à celle de la paix.
- Nos amis d’Angleterre le comprennent ainsi.
- Il suffira de lire un appel aux électeurs anglais, que nous publions plus loin, pour se convaincre que partout les militants de la paix conseillent la même tactique.
- Ce document présente cette particularité, que nous retrouverons de plus en plus fréquente, à mesure que les idées humanitaires se répandront ; c’est qu’il s’adresse à tous les peuples.
- En tout pays, les partisans de la Paix doivent être attentifs aux mouvements de l’opinion, afin de saisir les heures opportunes d’une propagande efficace.
- Les Anglais, comme nous, demandent aux gouvernés de s’accoutumer à la conduite de leurs affaires.
- Jamais,en France,aucune époque n’a été favorable aux projets d’émancipation du suffrage universel comme l’heure présente.
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- LE DEVOIR
- L’impuissance de la dernière législature a fortement disposé les électeurs à bien accueillir toutes les réformes qui tendent à sauvegarder leur souveraineté.
- Il est facile défaire comprendre aux électeurs que cette impuissance est due, en grande partie, à leur défaut de vigilance; tous ne demandent qu’à se corriger,mais ils ne savent trouver d’eux-mêmes la bonne voie.
- Mous avons longuement ex posé dans le précédent numéro du Devoir, les effets salutaires contenus dans l’application du renouvellement partiel annuel.
- Nous demandons encore une fois aux amis de la paix de considérer que le plein exercice de la souveraineté nationale est le plus sûr garant du triomphe des idées pacifiques. Ils doivent à notre cause un concours infatigable ; et, jusqu’à la dernière heure de la période électorale, qu’ils ne se lassent pas de réclamer avec nous le renouvellement partiel annuel.
- Guerre à la Guerre.
- L’appel suivant est adressé aux électeurs de toute l’Angleterre par l’International Arbitration and Peace Association.
- Citoyens, nous soussignés, au nom du comité de l’association pour la paix et l’arbitrage international, appelons respectueusement votre attention sur l’important sujet qu’il serait bon, selon nous, de porter à la connaissance de tous les candidats aux prochaines élections parlementaires.
- Nous voulons parler de l’application du principe d’arbitrage pour le réglement des différends internationaux. Aucune modification dans la conduite des affaires humaines n’est plus urgente que la substitution de l’arbitrage à la guerre. L’état présent de paix armée et les perspectives de guerre conduisent à d’énormes armements et sont un obstacle permanent au bien-être des peuples et au progrès de la civilisation.
- Partout, on signale la stagnation croissante du commerce et de l’industrie parallèlement à la croissance des frais de l’armée et de la marine militaire, ce dernier fait engendrant le premier pour une forte partie.
- Non-seulement les ressources nationales ont à supporter une charge écrasante, mais les menaces de guerre arrêtent des entreprises importantes qui seraient pour la nation des sources de travail et de richesse.
- L’augmentation du pouvoir destructif obtenue à force de science et d’argent est un fait généralement reconnu ; 1 est donc établi pour les observateurs, que la prochaine guerre aura des résultats plus formidables et plus terribles que ceux qui se sont produits depuis l’année 1815.
- Cet état de choses contre-carre le perfectionnement
- des lois, la prospérité domestique, le bien-être des citoyens et le progrès de la liberté civile. Des milliards de francs, qui devraient être dépensés pour 1 e plus grand bien du peuple, reçoivent un emploi pire que s’ils étaient gaspillés.
- Le temps n’est-il pas grandement venu, pour les hommes de bon sens et de bonne volonté, de s’unir afin d’amener les gouvernements à s’entendre entre eux et à régler leurs différends, sans recourir à la force brutale ? Ce but, sera atteint le jour où l’opinion publique sera assez forte pour obliger ses représentants et gouvernants à obéir à sa voix.
- La praticabilité du principe d’arbitrage est prouvée par ce fait que depuis 20 ans, nombre de contestations internationales sérieuses ont été réglées ainsi :
- Depuis douze ans, les Parlements de sept Etats y compris celui de la Grande-Bretagne soutiennent le principe de l’arbitrage et expriment le désir de le voir adopter par les autres gouvernements.
- Pour cela, il faut que les nations, suivant l’exemple récent de deux Républiques : la Suisse et les Etats-Unis d’Amérique, s’engagent, par traité et réciproquement, à soumettre toute cause possible de dissentiment entre elles, au jugement des nations neutres. D’autres Etats ont récemment inséré dans leurs traités de commerce, des clauses les obligeant à recourir à l’arbitrage pour la solution de différends naissant de ces traités mêmes.
- Vu l’importance du sujet,nous avons jugé nécessaire de signaler aux électeurs que s’ils n’insistent pas pour obtenir des candidats à la représentation nationale un assentiment formel au principe d’arbitrage, nombre de représentants faibliront à soutenir le principe quand la question s’en posera au Parlement.
- Il n’est pas toujours facile à un ministre de suivre la voie récemment adoptée par M. Gladstone, dans sa proposition à résoudre par l’arbitrage le dissentiment élevé entre la Grande-Bretagne et la Russie. Cette proposition fut reçue avec défaveur par une grande partie de la Chambre.
- Le préjugé antique et enraciné du recours à la force, comme seul remède en cas semblable, ne peut être combattu que par la puissance de l’opinion publique, s’exprimant par l’organe de ses représentants et cela d’une façon nette et précise.
- En conséquence, Citoyens, nous sollicitons de vous, au nom du pays, de réclamer de ceux qui recherchent vos suffrages une adhésion formelle au principe d’arbitrage pour le réglement des dissentiments internationaux.
- Sincèrement à vous
- Hodgson Pratt, Président
- etc,... etc....
- AUX AMIS DE LA PAIX
- On lit dans le travailleur du Puy-de-Dôme Le programme que nous avons publié la semaine dernière a été défendu par nous au sein du Comité de l’Union républicaine, et, s’il n’a point été adopté textuellement dans son entier, du moins avons-nous la satisfaction de dire qu’il l’a
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- en grande partie et dans ses lignes principales. A moins d’être intransigeants nous ne pouvions exiger davantage.
- D’ailleurs, en parcourant ci-dessus la liste des délégués au congrès départemental, nommés par les électeurs républicains de Clermont-Fd, on peut remarquer que, sur 34 délégués et 8 suppléants, le groupe des anciens adhérents au principe de l’arbitrage en a fourni 25; on peut ajouter, sans crainte d’étre démenti, que si les autres ne s’étaient pas encore prononcés nettement et individuellement en faveur de ce principe, ils en avaient été empêchés par des considérations d’opportunité — ne pas conlondre avec opportunisme — peut être même par le manque d’occasion, plutôt que par mauvais vouloir.
- Quoi qu’il en soit, on peut dire aujourd’hui que notre propagande est entrée depuis dimanche, en ce qui concerne le département du Puy-de-Dôme, dans une phase nouvelle, celle qui a été le but constant de nos efforts et dans laquelle on ne publiera plus, à moins de volonté formellement exprimée, les adhésions personnelles, ce qui serait trop long, mais les adhésions de groupes : ce sera tout à la fois moins encombrant et plus efficace pour le triomphe final.
- bious tâcherons de commencer ce dénombrement la semaine prochaine, et nous prions nos lecteurs et amis qui ont été nommés délégués par les réunions cantonales, de vouloir bien nous aider dans ce travail en nous faisant parvenir une copie, ou tout au moins un extrait du programme qu’ils ont été chargés de défendre. A. Pardoüx.
- Rue Saint-Eloy, 5.
- Vérité qu’on ne saurait trop répéter. —
- Rappelons-nous que les dépenses annuelles, navales et militaires, en Europe avancent rapidement vers la somme de 200 millions de livres Sterling (cinq milliards de francs),sans compter la perte entraînée par le fait de tenir plus de quatre millions d’hommes à l’écart d’un travail productif, ni la charge de la dette annuelle dépassant 200 millions de livres Sterling et dont la plus forte part est due aux dépenses causées par la guerre.
- Si la moitié seulement des dépenses militaires était épargnée, le commerce s’étendrait à pas de géants et l’industrie florirait au delà de toute imagination.
- Dans tous les pays libres, il appartient au peuple de demander qu’une telle réforme soit réalisée par les gouvernants.
- (International arbitration and pea.ce association) ------------------------>*=-----------—
- Association féminine Anglaise pour la Paix internationale. — Une association pour seconder le mouvement public en faveur de la paix internationale a été fondée en Angleterre, cette association a pour organe une feuille intitulée « Paix et bonne volonté ; » Peace and
- Godwiil.
- Nous lisons dans un des derniers numéros de ce journal que
- association féminine compte aujourd’hui 9000 personnes environ.
- (Herald of peace.)
- La vraie gloire d’une nation. — (Paroles écrites en 1662.) Ce ne sont pas les mines d’or et d’argent, les magasins, les armées, ni les conseils ni les flottes, ni les forts, mais la justice et la droiture qui élèveront une nation, et feront d’un peuple ordinaire un peuple grand et célèbre dans le monde.
- Le monde est un corps, la justice et la droiture en sont l’âme. Brooks (Herald of peace.)
- ' -. ‘O;--------- ' —-
- Un nouveau journal de la paix. — Le premier numéro d’un journal de la paix, destiné à être publié mensuellement vient de paraître à Stockholm. Il a pour titre : U ami de la paix. (Freds Vannen.) et il est édité par M. K. P Arnoldsen.
- Nous sommes heureux de ce nouvel appoint à la littérature pacifique et lui souhaitons cordialement carrière longue et prospère.
- Parmi les informations contenues dans le premier numéro signalons l’extrait d’une lettre récemment adressée à un ministre suédois unitarien le révérend E. Turlamd, par l’éminent orateur son honneur John Bright, lettre dans laquelle il émet l’espoir que la Suède ne continuera pas comme les autres nations d’Europe à s’écraser elle-même sous le poids de coûteux armements ; puisque, dans sa position naturelle, elle peut-être sûre que les autres nations n’iront pas lui chercher querelle, si elle même ne se jette dans les affaires d’autrui et ne prend tait et cause pour des luttes qui ne la concernent pas.
- ---------------------. . » --------------------------
- Choix et Nomination d’(( Agents )), « Délégués » ou (( Correspondants » de la Fédération dans les diverses capitales de l’Europe.
- Tout « agent », « délégué», ou « correspondant », qui montre de l’activité dans la cause de la paix, c. à d. qui étudie consciencieusement la matière et qui proteste énergiquement contre les symptômes qui lui paraissent des symptômes de haine nationale, risque d’entrer en collision avec les lois.
- En voici une preuve,
- Je travaille pour un projet pacifique-pédagogique. Je ne discute jamais les points spéciaux des questions de politique ou de religion. Eh bien ! malgré cette réserve, au commencement de mes efforts ici, en Prusse,
- Je fus cité devant un commissaire de police !
- Ces mêmes faits ne se reproduisent-ils pas, et d’une manière plus caractéristique encore si l’on se dirige vers l’Orient, la Russie, l’Asie ? En effet, à mesure qu’on avance vers l’Orient, ne voit-on pas des populations entières se courber avec indolence sous le joug du fatalisme, recevoir sans se plaindre les coups de verges que dans leur conviction une providence leur inflige et accepter avec fanatisme les maux de la guerre, car, n’est-ce pas cette même providence qui la leur envoie, soit directement, soit par l’entremise de leur monarque ? Ge sont de telles erreurs qui engendrent les guerres ; on les retrouve dans les présages de la guerre entre l’Allemagne et la France, en 1870. — Seule, une éducation
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- améliorée pourra les corriger, et il me semble parfaitement logique que les propositions à cet égard se propagent dans la direction Occident-Orient.
- Les conversations que j’eus, entre autres en Prusse et en Russie, ont confirmé cette critique.
- SOUHAIT
- à Toccasion de la conférence qui aura lieu à Bâle,
- le 17 septembre 1885
- Puisse dorénavant toute société, toute ligue de la paix, s’adresser en premier lieu aux Instituteurs ! ""Quiconque examine de près les questions relatives à la paix et à la guerre, reconnaîtra facilement, qu’au fond ces questions sont essentiellement pédagogiques. Les masses se ruent sur les masses et s’égorgent souvent même avec un sauvage enthousiasme. Il faut donc avant ^out éclairer l’esprit de l’individu, préparer surtout l’esprit de l’enfant.
- L’ « association internationale de l’arbitrage et de la paix » est convaincue, qu’une génération future pourra seule recueillir tous les fruits de ces nobles travaux. Il faudra donc d’abord se rendre compte des principes d’éducation usités chez les différentes nations. Or, supposons un instant, qu’il y eût en tel ou tel endroit un seul instituteur, isolé, presque oublié, qui ne fût pas disposé à combattre de tout son pouvoir le faux principe de la violence corporelle, c. à d. de la guerre, tout le monde «coalisé » tomberait sur ce «barbare » ; car les fausses doctrines de cet homme ne menaceraient-elles pas l’édifice péniblement élevé par ses collègues plus éclairés ?
- Eh bien ! à l’heure qu’il est, en 1885, je constate qu’il y a des nations entières, soi-disant civilisées, où sur 1000 inslituteurs, 999 non-seulement ne combattent pas la manie guerrière, mais qui prêchent plus ou moins ouvertement la haine, propagent de toute leur influence ces funestes principes. A quel succès Vassociation pourra-t-elle s’attendre aussi longtemps que des armées d’instituteurs appellent, presque d’un commun accord, les générations futures sous les armes ?
- En conséquence de ces faits, quelque éloignée que puisse paraître la date d’une véritable coopération internationale sur le terrain pédagogique, il est certain cependant que sans cette coopération, sans une lutte générale, simultanée, énergique, les guerres ne finiront jamais.
- Je me résume :
- Puisse toute société, toute ligue de la paix, s’assurer avant tout la participation immédiate des instituteurs ! Puissent les amis de la paix, réunis à Bâle le 17 septembre 1885, en donnant un vote favorable au projet ci-inclu, hâter autant que possible l’institution d’un Conseil permanent et international d’Éducation !
- Voir la liste des adhésions, augmentée récemment entre autres, de l’adhésion de l’infatigable président du comité, Monsieur Hodgson Pratt,
- Bonn. Août 1885 Herm. Molkenboer.
- Le militarisme en action
- On lit dans VUnion républicaine de Fontainebleau :
- « Un acte profondément regrettable vient d’être commis dans notre ville, où il a jeté un émoi facile à comprendre.
- Dans la rue Pitoy, demeurent deux vieillards. Le mari, un sieur François, est âgé de 70 ans et exerce la profession de cordonnier en vieux. Leur petite-fille, âgée d’une vingtaine d’années, atteinte depuis trois ans d’une grave affection, reste à leur charge.
- Or, dans la nuit de samedi à dimanc he, 22 et 23 août, un bruit insolite réveille ces braves gens ; il était environ trois heures du matin.
- Un officier-élève, accompagné d’un sous-officier, frappait à toutes les portes, appelant d’une voix peu assurée une fille aux mœurs légères dont il cherchait le domicile.
- Le père François entr’ouvrit sa fenêtre et rappela ce jeune homme à la décence et au respect de lui-même ; la réponse fut un coup de pointe de sabre que le vieillard esquiva en se jetant de côté. Mais au même moment, l’éléve franchissant la fenêtre d’un bond se trouva dans la chambre ; avisant une porte ouverte, il pénétra dans la pièce d’à côté où il vit une pâle jeune fille que la frayeur, autant que la m aladie, retenai clouée dans son lit. La tête éperdue l’élève se jeta sur le lit, et malgré les cris des malheureux parents, il donnait à la pauvre malade les brutales caresses de l’ivresse.
- Pendant ce temps le sous-officier pénétra dans la maison, ramassa le sabre qui traînait sur le parquet et parvint à séparer le bourreau de sa victime.
- Depuis, la pauvre jeune fille est entre la vie et la mort.
- Une enquête est ouverte par l’autorité militaire.
- Ce fait véritablement monstrueux résulte d’un procès-verbal dressé par la gendarmerie et d’un certificat de médecin constatant les violences subies par la victime : contusion grave à la poitrine, morsures, etc. Ce procès-verbal déposé au parquet du procureur de la République a été transmis à l’autorité militaire qui seule a pouvoir de donner à l’affaire la suite qu’elle comporte. Une somme de 300 francs a été offerte au grand-père de la jeune fille pour retirer sa plainte, mais il s’y est hautement refusé, le crime, a-t-il dit, intéressant la sécurité de tous les citoyens riches ou pauvres.
- Les volets extérieurs de l’habitation du sieur François, située au rez-de-chaussée, ont été arrachés de leurs gonds : il y a donc eu bris de clôture et escalade, la nuit, dans une maison habitée. Queterait-on à un civil coupable d’un pareil forfait qui a eu de si graves conséquences ?
- Il faut ajouter que la jeune fille est une honnête ouvrière, toute gracieuse, dont l’excellente conduite n’a jamais donné la moindre prise à la médisance. Depuis l’attentat quelle a subi, la maladie dont elle est atteinte s’est compliquée d’accidents redoutables : elle est en proie à de violentes suffocations et rejette les liquides qu’on parvient à lui faire prendre.
- Cette grave affaire venant à la suite des brimades infligées aux habitants par les élèves de l’école d’application, les jours de « triomphe », et, tout récemment, des violences exercées sur un brave gendarme qui avait cru devoir intervenir pour le maintien de l’ordre public, appelle la sérieuse attention du ministre de la guerre.
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- LE
- Différend Espagnol-Allemand
- ET LA POLITIQUE COLONIALE
- La découverte des îles Garolines a été faite par des navigateurs espagnols qui en avaient pris possession suivant la vieille formule, au nom de Dieu et de leur gouvernement.
- Depuis cette époque lointaine, les Garolines étaient restées abandonnées, sans que les espagnols aient fait acte de possession par la création d’un régime colonial quelconque dans ces parages.
- L’Allemagne,qui vient d’être prise de la rage des colonisateurs, fait parcourir les mers par ses escadres, à la recherche de pays inoccupés ; ses explorateurs naviguent, plantant un peu partout le drapeau allemand sur des territoires appartenant tantôt à la France, tantôt à l’Angleterre ou à l’Espagne.
- Ces fréquentes erreurs ont donné lieu à de nombreuses réclamations diplomatiques qui ont été généralement écoutées à Berlin.
- Mais, en ce qui concerne les Garolines, les diplomates allemands trouvent que ce qui a été bon à prendre est bon à garder.
- De là , grande colère et bruyantes protestations de la part des espagnols qui se considèrent comme victimes du droit du plus fort ; grande irritation aussi chez les prussiens dont la morgue s’étonne qu’un petit, peuple, commandé par un petit roitelet, ose discuter les arrêts du chancelier de fer et résister aux menaces des soudards du vieux Guillaume.
- Ces sentiments de mécontentement chez les deux peuples se manifestent d’une façon bizarre,bien faite pour donner essor à la verve des chroniqueurs.
- Les décorations remises et reçues, il y a quelques mois, de princes à princes, de grands dignitaires à nobles hidalgos,avec accompagnement d’accolades et de serments d’éternelle alliance, sont réciproquement renvoyées aux donateurs par la poste ou par petits paquets, précédées de télégrammes dignes des célèbres généraux Boum et Fracasse.
- Ges puériles représailles nous intéressent médiocrement ; il nous importe peu que le roi uhlan s’asseye sur son casque, s’il croit que le moyen peut satisfaire l’amour propre castillan et humilier l’insolence des germains.
- L’important est de relever les étranges théories
- sur lesquelles les deux parties basent leurs prétentions.
- La diplomatie espagnole invoque la tradition et rappelle une date où ses navigateurs ont accompli, aux Garolines,les formalités de prise de possession, que viennent de répéter les officiers allemands ; elle soutient, avec beaucoup de logique, que, si ces formalités sont sans valeur dans ce cas particulier, elles deviennent nulles dans tous les autres cas, e^ qu’il n’y a pas de motif pour qu’une autre puissance ne recommence à son tour la prise de possession de tous les autres territoires coloniaux, si l’Allemagne s’arroge impunément les Garolines.
- Les allemands répondent que la prise de possession des pays lointains n’est valable que d’autant qu’elle est suivie d’actes de colonisation, que, rien de semblable n’ayant été tenté aux Garolines par les Espagnols, il n’y a pas lieu de les considérer comme possesseurs de ces territoires.
- Voilà les deux théories invoquées.
- La première est la consécration du fait accompli » elle est essentiellement d’ordre conservateur et monarchique ; la seconde, qui subordonne l’acceptation du fait à l’inventaire des résultats, est foncièrement progressiste; et lorsqu’on invoque la force pour la faire prévaloir, elle prend tous les carac. tères du. révolutionnarisme le plus pur.
- Cependant, on ne sait lequel des deux gouvernements est le plus infesté de l’esprit conservateur.
- Cette attitude si différente des deux gouvernements, qui devraient avoir les mêmes principes, prouve quelle dose de raison et de bonne foi appar. tient aux deux parties.
- Les conservateurs sont les mêmes en tous pays ; ils ne repoussentsystématiquementaucune théorie, dans la limite des interprétations favorables à la satisfaction de leurs convoitises.
- Si l’on prend la raison pour critérium, on est naturellement porté à penser que l’extension du progrès est le seul fait qui puisse légitimer la conquête des pays barbares, que la main-mise sur des contrées lointaines, qui n’a pas cet effet, ne peut être considérée comme valable.
- Mais la raison dit aussi que l’inventaire des faits acquis ne doit pas être limité aux pays lointains, que ceux qui invoquent ce principe, aux Garolines, donnent aux autres le droit d’examiner si cette subordination de la possession à l’utilité générale est
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- suffisamment observée dans les pays soumis à l'am torité de ces colonisateurs révolutionnaires.
- La théorie invoquée par M. de Bismarck mène loin; elle est le point de départ de toutes les écoles socialistes; et ceux qui la combattent chez eux jouent un jeu dangereux en endemandant l’application par la force dans les pays lointains.
- Indépendamment des contradictions théoriques que soulève la colonisation anarchique; elle est grosse d’événements susceptibles de provoquer des complications européennes et des guerres terribles.
- A l’occasion du conflit espagnol-allemand, nous devons rappeler les solutions rationnelles que nous avons souvent proposées.
- La colonisation est un champ restreint, son action ne peut dépasser l’organisation des contrées inoccupées.
- Yeut-on la laisser finir comme elle a été commencée ?
- Ne vaudrait-il pas mieux que les gouvernements des peuples organisés se réunissent en congrès et décident des règles internationales, d’après lesquelles chaque puissance agirait dans des contrées déterminées, si on ne pouvait s’entendre sur un moyen commun de colonisation ?
- Jusqu'à présent,la méthode anarchique, si elle of-raitpeu de sécurité aux peuplades soumises au ré- _ gime de la colonisation, n’avait pas d’inconvénient pour les peuples colonisateurs, tant étaient vastes les pays inoccupés.
- Maintenante mesure que ces contrées deviennent moins nombreuses, les visées de tous les gouvernements européens convergent vers les mêmes points ; et l’on sait que, chaque fois que ces gouvernements convoitent la même proie, il est bien rare que l’un des larrons consente à laisser la place aux autres, avant d’y avoir été militairement contraint.
- L’incident espagnol-allemand a trouvé les amis de la paix toujours vigilants.
- Dès les premiers symptômes de gravité,les ligues françaises et anglaises de paix et d’arbitrage international ont fait entendre le langage de la modération.
- Déjà, on peut constater que ces appels à la réflexion et à la raison ont impressionné l’opinion publique,
- Dès qü* le mot arbitrage a été prononcé, il a
- produit un effet suffisant sur les masses allemandes, pour que le chancelier aitété contraint de modérer ses allures et de se déclarer prêt à accepter les décisions d’un tribunal arbitral.
- Il est cependant présumable que la politique de Bismarck rêvait une autre fin ; les dirigeants prussiens, que le socialisme enserre davantage de jour en jour, ont besoin de diversions extérieures ; ils espéraient peut-être qu’en cherchant chicane à l’Espagne ils parviendraient à faire départir notre gouvernement de la réserve prudente.
- Nous l’avons dit fréquemment,le peuple allemand que le militarisme oppresse n’a pas l’amour des conquêtes ; pour qu’il parte en guerre, décidé à vaillamment combattre, il faut le persuader qu’il va défendre une cause juste.
- La politique intérieure du chancelier a pour principal objectif de fausser le sentiment national à l’égard des peuples qu’il désire combattre.
- Chaque fois qu’un conflit naîtra entre le gouvernement prussien et une autre nation, il sera bien près d’être apaisé si les partisans de la paix savent faire entendre, à temps, au peuple allemand, une proposition d’arbitrage.
- C’est l’effet que l’on vient de constater, dès le premier appel des amis de la paix.
- Si les espagnols repoussent systématiquement ce moyen pacifique de vider le différend, ils favoriseront les désirs secrets des despotes allemands, assez adroits pour surmonter, par des considérati ons d’honneur national, les aspirations pacifiques du peuple.
- Les efforts des amis de la paix, puisque Berlin ne repousse pas l’arbitrage, doivent s’appliquer à modérer les entraînements et le fanatisme des populations de la péninsule.
- Nous ne doutons pas qu’après les premières colères, contre lesquelles il ne faut pas lutter dans les pays de l’Europe méridionale, la raison reprendra ses droits.
- Le gouvernement de Madrid,dès que les premiers symptômes de fermentation commenceront à disparaître, écoutera les conseils de la Ligue de la paix.
- Le différend espagnol-allemand, s’il n’est résolu à la satisfaction des deux parties, aura pour conséquence inappréciable de donner une nouvelle preuve de la puissance de la raison, lorsqu une poignée d’hommes de bonne volonté a la sagesse de ne pas se laisser égarer par les folles passions du milieu.
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- Que cette poignée d’hommes devienne légion, et la cause de la paix sera définitivement gagnée.
- Nous félicitons les militants de la Ligue de la paix de savoir se prononcer avec retentissement chaque fois que surgit un conflit.
- Nous trouvons cependant qu’ils pourraient faire davantage.
- Il ne suffit pas de s’efforcer d’apaiser les conflits ; le but véritable des partisans de la paix est de les prévenir.
- La politique coloniale, à mesure que se rétrécit son champ d’action, devient plus sujette aux méprises ou aux attentats analogues aux événements survenus aux îles Garolines.
- Pourquoi ne pas essayer de prévenir le retour de pareils incidents par la proposition d’un réglement international de colonisation.
- Certainement ce projet n’est pas suffisamment mûr pour être appliqué immédiatement, mais il faut étudier et vulgariser les idées pour les mener à maturité.
- Les îles Garolines.
- L’archipel des Carolines comprend cinq cents îles en clots. La plupart de ces îles sont, dit-on, désertes, réellement inoccupées, mais quelques-unes dont la plus grande a quinze kilomètres de circonférence, sont habitées et cultivées par deux tribus comprenant ensemble vingt ou vingt-cinq mille indigènes indépendants, s’étant donné eux mêmes un gouvernement et des chefs dont le principal porte le nom de Onrossetone et réside à Lèbé
- Les Garolines ont été découvertes en 1543 par un navigateur espagnol, Villalobos. Un autre espagnol les visita en 1685 et leur donna, en l’honneur de Charles II, le nom qu’elles portent encore. Des missionnaires envoyés par l’Espagne en 1731 ont été repoussés ou massacrés par les indigènes. Depuis cette date les Carolines, inscrites au rang des colonies espagnoles, figurent sous cette rubrique sur toutes les cartes et mêmes sur les cartes allemandes.
- LA LIGUE INTERNATIONALE ET DE LA LIBERTÉ
- Genève, 27 août 1885.
- Monsieur le grand-Chancelier,
- Les journaux annoncent que vous offrez au gouvernement espagnol de vider, par la voie de l’arbitrage, les difficultés que soulève la notification par vous faite de l’intention qu’aurait l’Allemagne d’occuper tout ou partie de l’Archipel des Carolines.
- Cette modération fait honneur à votre habileté, vous êtes de ceux qui comprennent le parti que la politique peut tirer désormais de ces deux grands
- facteurs de la paix, et nous ajoutons, nous, de la justice et de la liberté : la Neutralisation et l’Arbitrage.
- Vous l’avez prouvé lorsque dans la Conférence de Berlin, l’Allemagne a si promptement et si largement adhéré aux propositions faites parles Etats-Unis que l’opposition de la République française a seule fait échouer.
- Peut-être, votre perspicacité habituelle vous a-t-elle déjà fait voir le parti que vous pouvez tirer dans le cas présent, d’une circonstance à laquelle ni les diplomates ni les journaux n’ont encore, à notre avis, donné l’attention qu’elle mérite. Un petit peuple de 20 ou 25,000 citoyens,habite, cultive, de temps immémorial, quelques-unes des îles sur lesquelles vous avez annoncé l’intention de mettre la main. Ce peuple, dit-on,s’est donné une administration et un gouvernement. Eh bien, déclarez non-seulement que vous respectez mais que vous entendez qu’on respecte la souveraineté de ce petit peuple et son droit inaliénable et imprescriptible à se gouverner et à se protéger lui-même.
- Si vous faites cela, M. le Grand-Chancelier, vous aurez donné,aux articles 34 et 35 de l’Acte final de la Conférence africaine de Berlin, le meilleur commentaire qu’ils puissent recevoir, et donné par vous, Monsieur le Grand-Chancelier, ce commentaire ne sera point suspect.
- Veuillez recevoir, Monsieur le Grand-Chancelier l’assurance des sentiments avec lesquels nous avons l’honneur de vous saluer.
- Au nom du .Comité central,
- Ch. Lemonnier, président
- La même société a reçu les nouvelles suivantes.
- Goteborg, le 19 août 1885.
- Monsieur le Président de la Ligue internationale et de la liberté !
- Immédiatement après la constitution de la première Conférence, Scandinave pour la paix, le soussigné, vice-président danois, a fait lecture de votre lettre du 25 juillet et en même temps il a annoncé à la réunion l’Assemblée que la Ligue ouvrira le 13 septembre prochain à Genève.
- Comme le président de notre Conférence, M. Adelskold, sénateur suédois, est tombé malade hier au soir, les soussignés.vice-président et secrétaire, au nom de là Conférence ont l’honneur de vous remercier du vif intérêt avec lequel vous suivez nos travaux.
- Avant d’accepter la Résolution relative à la Neutralisation des Etats Scandinaves, votée pour la deuxième fois à Berne le 6 août 1884, l’Assemblée s’est rappelée que cette résolution a été voté pour la première fois au Congrès tenu par la Ligue à Genève en 4883. Notre assemblée a exprimé sa reconnaissance de tout ce que le Nord Scandinave doit, surtout à vous et à M. Milkowsky, pour avoir si soigneusement préparé la base de notre Résolution.
- Avant de voter en première lecture une résolution sur un traité permanent d’arbitrage ^ntre les trois Etats Scandinaves, l’Assemblée s'est aussi rappelée que la Ligue en a jeté les bases par sa résolution de septembre 1874. La deuxième lecture se fera à notre Conférence prochaine, vraisemblablement à Stockholm, en 1886,
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- Si aucun représentant de nos sociétés Scandinaves n’est en mesure de prendre part à l’Assemblée qui se tiendra à Genève le 13 septembre — ce qu’il est encore impossible de savoir —, nous prions ' la Ligue de se tenir en tout cas pour assurée que nous suivrons ses travaux avec la plus vive sympathie, et que nous applaudirons à ses succès.
- Veuillez dire à l’Assemblée ce que nous ressentons vivement : Tandis que les victoires de la guer-tre nuisent toujours à l’une des parties belligérantes, et très souvent même à toutes, les victoires de lapaixne sauraient répandre que du bonheur! Voilà pourquoi les victoires que la Ligue remporte pour notre cause commune à Genève, nous inspirent tant de joie.
- Veuillez, etc.
- F. Bajer, Vice-président.
- Adelskold Secrétaire.
- L’assemblée nationale annuelle ordinaire de la Ligue, a laquelle sont spécialement convoqués les membres de la Ligue, se tiendra le Vendredi it septembre prochain à 3 heures et demie au Siège de la Ligue, 1, Quai des Ber gués. L’ordre du jour de cette Assemblée est ainsi fixé :
- Rapport du Comité central sur la marche et sur les travaux de la Ligue pendant l’exercice 1884-85.
- Rapport financier.
- Propositions individuelles.
- Election des membres du comité central de l’exercice 1885-86.
- VIENT DE PARAITRE
- AU
- SUFFRAGE UNIVERSEL
- EXTRAIT DE
- LA POLITIQUE DU TRAVAIL
- ET
- LA POLITIQUE DES PRIVILÈGES
- par GODIN.
- Prix 15 centimes franco.
- Ceb opuscule, dont la première édition tirée à 12,000 exemplaires a été épuisée, vient d’être réédité par la Librairie du Familistère avec quelques modifications du premier texte. Le titre indique suffisamment l’actualité de cette publication.
- Le comité électoral du Canton de Guise.
- — Les délégués des communes au comité cantonal sont nommés dans toutes les localités. La réunion générale des délégués communaux aura lieu dimanche,6 septembre à 5 heures, Hôtel Pierre, à Guise.
- Le but delà réunion est l’examen des projets de programmes et la préparation de la liste des délégués qui feront partie du comité départemental devant se réunir à Laon, le dimanche 13 septembre.
- Les résolutions adoptées à la réunion de dimanche et la liste des délégués au comité départemental seront soumises à une réunion publique électorale, devant avoir lieu à Guise dans le courant de la semaine prochaine
- Des affiches seront placardées dans les communes pour indiquer la date de la réunion publique.
- Les mandats à courte échéance. — On lit
- dans la France Libre :
- Les élus du suffrage universel n’échapperont à la pourriture qui se dégage des assemblées délibérantes, qu a la condition de se retremper dans le peuple le plus souvent possible et de venir puiser à cette source vive de la Révolution un sang plus généreux et plus pur.
- Les intrigues de couloir, les louches combinaisons parlementaires, les compromis intéressés, la chasse anx portefeuilles, les pots de vin des compagnies financières, le marchandage des votes, les achats des consciences frelatées, la distribution des emplois et des fonds secrets, les traités avec les compagnies du Gaz et des Omnibus, les conventions avec les Soéiétés de chemin de fer, — traités ignobles et conventions scélérates, — ne peuvent être écrasés que par la main brutale du peuple et par sa farouche honnêteté.
- Plus les mandats seront courts, plus les mandataires seront forcés de venir solliciter les suffrages, et plus ils veilleront à la stricte exécution de leurs programmes. On ne les verra plus jouer, en fin de session, cette comédie de présenter des projets de loi qu’ils savent fort bien ne pas devoir aboutir, ne pas même devoir être discutés.
- Le spectre de la réélection à bref délai leur communiquera ce feu sacré que tous les candidats possèdent, mais que la plupart des élus perdent en mettant le pied sur la première marche de l’escalier qui conduit à la salle Saint-Jean ou à la Chambre des députés,
- Paroles à méditer. — La France et l’Angleterre possèdent largement le droit du suffrage et sont dotées des institutions démocratiques ; mais la politique reste à peu près ce qu’elle était autrefois et les réels intérêts des masses sont foulés aux pieds par déférence pour de fausses notions de gloire et d’honneur national.
- Je ne puis pas m’empêcher de penser que l’Europe marche à quelque grande catastrophe. Le poids écrasant du système militaire ne peut-être indéfiniment supporté avec patience, et les populations, conduites au désespoir, très-vraisemblablement, balaieront sous peu les personnages occupant les trônes et les prétendus hommes d’Etat qui gouvernent en leurs noms.
- (Extrait d’une lettre de John Bright)
- UN BON COLONEL
- Nous les voudrions tous comme le colonel Marchand, délégué de Dijon au comité départemental de la Côte-D’or.
- Le colonel Marchand, à la première réunion du comité de Dijon, a réclamé l’inscription dans le programme électoral d’une clause imposant aux candidats l’obligation de rechercher les moyens pratiques d’associer le travail et le capital.
- Yoici le résumé du discours de M. Marchand :
- Je vous remercie, messieurs, de m’avoir nommé délégué. — Je ne suis pas un politicien, mais lorsque les représentants de l’opportunisme au conseil municipal m’ont forcé avec plusieurs de mes collègues à donner notre démission, le corps électoral nous adonné raison, et la liste opportuniste a succombé.
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- Il en sera de même, je pense, lors des élections générales prochaines.
- Mais il ne s’agit pas seulement de vaincre les opportunistes, il faut surtout reléguer dans l’ombre ce vieux parti clérical et monarchique dont vous avez lu dernièrement le pâle, mais adroit programme.
- Je voudrais voir les deux fractions hostiles du parti républicain se rallier sérieusement. Elles le peuvent sur le terrain que je vais indiquer.
- C’est une plate forme électorale, comme disent je crois, les Anglais ; c’est un moyen de ralliement qui s’impose.
- Je vais le prouver.
- Dans nos luttes politiques on invoque sans cesse les intérêts du peuple, et on s’en occupe trop peu.
- Ce qu’il faut au peuple c’est l’exercice du droit de vivre. Ce qu’on oublie, c’est de lui enseigner les moyens de vivre à l’abri de la misère.
- Ces moyens sont connus. C’est d’abord et surtout Vassociation du travail et du capital, c’est-à-dire l’association du Travail d’aujourd’hui, et du Travail d’hier.
- Un spécimen, un large essai de cette association, existe en France depuis longtemps.
- Un homme, un ouvrier qui parti de zéro, est devenu millionnaire ! Que dis-je ? Mieux que cela. Quand il a vu qu’il pouvait devenir millionnaire, il a appelé ses ouvriers à partager avec lui les bénéfices de sa grande et florissante industrie.
- Messieurs, les sociétés coopératives d’Angleterre ont envoyé dans le département de l’Aisne, à Guise, des députés pour étudier le mécanisme de l’association fondée par M. Godin.
- L’Amérique y a envoyé des délégués.
- Le conseil municipal de Paris a fait de même. Tous ont constaté qu’il y avait là le début sérieux de l’œuvre immense qui s’appelle l’asso nation du travail et du capital.
- Mais le comité des 44, chargé de l’enquête sur le travail en France n’a pas seulement pensé qu’il y eût lieu de s’informer à Guise de la solution de ce problème absolument vital.
- Et, cependant, le mouvement socialiste est incessant et considérable.
- On ne peut presque plus compter le nombre des sociétés coopératives ; leur capital se chiffrera bientôt par centaine de millions.
- L’empire et la monarchie de Louis-Philippe ont fait peur à la France avec le spectre du socialisme. Celui-ci, cependant, est organisateur et par conséquent essentiellement honnête et pacifique.
- Messieurs, il faut que le peuple soit enfin sûr de son lendemain. Il faut que nous nommions des députés qui, au lieu de se disputer, se mettront à étudier les moyens de triompher delà misère.
- Il faut appeler à l’honneur de nous représenter des hommes qui devront s’occuper exclusivement de leur pays, non de leurs affaires personnelles. La députation ne doit pas servir d’échelle aux avides et aux ambitieux,
- Choisissons donc d’abord des hommes chez lesquels on aura reconnu l’indépendance du caractère, et le mépris de l’argent.
- Puis, parmi ceux-ci, prenons ceux qui mettront la question sociale en première ligne. Laissons de côté les politiciens de la vieille ornière, les hommes à la politique personnelle qui n’ont au cœur que de la haine ou de l’envie ; qui oublient de s’occuper des souffrances générales.
- Il faut tendre à la répartition équitable, résultat assuré de l’association libre du capital et du travail.
- Que les républicains de toute nuance acceptent ce grand principe, qu’ils l’imposent à leurs élus, et ils auront, cette fois, bien agi pour le peuple, pour la France et pour la République .
- LES CHEMINS DE FER AU JAPOM
- Un rapport adressé au Foreign-Office par M. Trench, secrétaire de la légation britannique à Tokio, fournit d’intéressants détails sur l’état présent des lignes ferrées au Japon. Il résulte de ces renseignements que l’empire du Soleil-Levant n’aura bientôt rien à envier à l’Europe en fait de communications intérieures. Au mois d’avril dernier, la longueur totale des chemins de fer exploités au Japon était déjà de 265 milles anglais, soit environ 425 kilomètres ; 430 kilomètres de plus sont présentement en voie d’établissement ; environ 1,000 autres sont projetés. Si l’on considère que la première ligne ferrée du Japon ne date que de 1872 il faut reconnaître que jamais les choses n’ont marché aussi vite dans les pays les plus civilisés ; les îles européennes, en particulier la Corse comme la Sardaigne, la Sicile comme Jersey, sont désormais, à ce point de vue, fort en arriére des îles de Nippon.
- La première et la plus importante des lignes japonaises est celle de Tokio à Yokohama, construite et exploitée par l’Etat. Le projet primitif la faisait aller de Yeddo, l’ancienne et la nouvelle capitale, avec un embranchement de Yeddo sur Yokohama, et un autre de Kioto sur Tsourouga. Mais des difficultés financières s’opposèrent à la réalisation du plan, et, sans l’abandonner, il fallut le modifier, en se contentant d’abord d*un tronçon entre Tokio et Yokohama. Ce tronçon était à voie simple lors de son inauguration, le 12 juin 1872 ; il est à voie double depuis le 8 mai 1880. Les travaux d’art
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- n’avaient pas été compliqués t le pays étant généralement plat et les pentes ne dépassant guère 4/100 : la dépense totale s’était élevée à environ 16 millions de francs, soit à près de 850,000 fr. par mille. Ce prix peut paraître élevé si l’on considère que le gouvernement japonais ne payait que peu ou point d’indemnités aux détenteurs de terrains expropriés pour l’établissement de la ligne. Mais l’entreprise était alors chose toute nouvelle, et il fallut payer les frais de l’expérience à venir, sous la forme de contrats ruineux. La seconde ligne construite par l’Etat, et qui va de Robe à Osaka, a 22 milles de long et coûta moins cher que la première, quoique les travaux d’art y fussent plus compliqués.
- Enfin, la ligne d’Osaka à Kioto et celle de Tsourouga à Ogaki furent établies à moins de Irais encore. Néanmoins, le gouvernement japonais concéda à une compagnie les travaux et l’exploitation de la ligne deTokio à Mayebachi, ouverte en partie au mois d’octobre 1883 et en totalité au mois d’avril 1884.
- La même compagnie a inauguré en mars 1885 la petite ligne de Chinagawa à Kawaguchi.
- Sur les chemins de fer de l’Etat, le matériel est de construction américaine ; sur ceux de la Japan Raüway Company, il en est de même des rails et des ponts de fer ; mais les locomotives sont de fabrication anglaise et les voitures sont construites dans les ateliers de Chinbachi. Partout, il y a trois classes de compartiments, comme dans la plupart des pays de l’Europe, et c’est la troisième classe qui donne les plus beaux revenus. Ce que sont ces revenus est impossible à dire pour les ; chemins de fer de l’État, qui ne communique pas ses comptes au public ; mais ils doivent être satisfaisants si l’on en juge par l’activité visible du trafic. Quant à la compagnie anglaise, elle a déjà pu distribuer à ses actionnaires, en 1884, un dividende de 10 0/0
- M. Pasteur et la Rage.
- Un des collaborateurs des Débats communique à ce journal les renseignements suivants sur l’état d'avancement des expériences poursuivies par M. Pasteur relativement à la rage :
- L’illustre savant, qui est en ce moment à Arbois, dans le Jura, doit organiser aussitôt après son retour à Paris un service au moyen duquel il sera possible d’assurer aux animaux l’immunité de la rage. M. Pasteur est aujourd’hui en possession d’une méthode très perfectionnée de prophylaxie de ce terrible mal, méthode aussi sûre, nous dit-on, pour les hommes que pour les animaux.
- Avant son départ pour le Jura, M. Pasteur a été amené à
- traiter un petit garçon de neuf ans que sa mère lui avait amené
- d’Alsaee, où il avait été terrassé et mordu aux deux cuisses,
- aux deux jambes et à la main dans de telles conditions que la
- rage eût été inévitable. Sa santé est restée parfaite. C’est la
- première fois, croyons-nous, que M. Pasteur a fait à un être
- humain l’application de sa méthode.
- -------------------------. . » » ...., —-------------------
- AU SÉNÉGAL
- Le ministre de la marine et des colonies vient de recevoir du gouverneur du Sénégal des informations sur la situation des rivières du Sud :
- Les hostilités entre le Saloum et le Rip continuent. Le cour Guédel M’Bodj, après avoir envahi le Rip et l’avoir dévasté, a porté la guerre dans le Mandrug et sur la rive droite de là Gambie. Il est actuellement dans le Niani, d’où il a chassé les traitants qui procuraient de la poudre et des armes à son rival Saer Maty.
- Profitant de l’absence du roi du Salouan, les mécontents du Sine, partisans d’Ahmadi Baro, aidés par les chefs du Baol,du Djolot et du Cayor, marchèrent sur l’allié du Guédel, M’Bagué N’Diaye, le chassèrent du Sine et mirent à sa place Diali Guye, neveu d’Ahmali Baro.
- Le chef détrôné est allé rejoindre dans le Niani l’armée du Saloum, et tout porte à croire que, lorsque ce dernier aura fini avec le Rip, il essayera de replacer son allié sur le trône du Sine.
- La guerré pourrait alors devenir générale, du Baol à la Gambie, car, d’un côté, les chefs du Brol, du Djolof et du Cayor protègent Dialy Gueye, et, de l’autre, le Cour Saloum, Giram, Cissé, Mamoun, N’Dary, et Aly Kodja sont partisans de M’Bagué N’Diaye.
- Des mesures sont prises pour pacifier ces contrées.
- Dans la Casamance, deux agitateurs, anciens traitants de Saint-Louis et citoyens français, troublent le pays et arrêtent les opérations commerciales. Birahim N’Diaye et Drau Badiau ont réussi à recruter, en prêchant la guerre sainte, des bandes de fanatiques qui pillent les villages et vendent leurs habitants comme esclaves.
- Dans le Rio-Numez, le roi des Nalous, Youra Towel, est mort le 6 juin dernier. Il sera remplacé, vraisemblablement, suivant la coutume du pays, par le fils aîné de son frère aîné ; ce prince, nomme Dinah Salifou, a déjà protesté de son respect et de son dévouement pour la France.
- Depuis la sévère leçon infligée aux partisausde Bokar Tatounou et aux héritiers de Boubou Margaine, le Bas-Nunez est tranquille.
- Dans le haut du fleuve, quelques pillages ont été commis sur des caravanes par des gens du Fouta-Djallon.
- L’Almamy du Timbo est invité à respecter l’article 2 du traité du 5 juillet 1881, par lequel il s’est engagé à protéger le commerce de nos comptoirs.
- Le fils ainé du vieux roi John Katty, qui depuis dix ans administrait le Rio-Pongo au nom de son père, est mort dans la nuit du 30 au 31 mai.
- Cet événement n’a pas causé d’émotion dans le pays, car la mort de ce prince était dès longtemps prévue, par suite de l’état de maladie dans lequel il se trouvait. John Katty avait
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- même, depuis quelques mois, confié les affaires à son second fils, Ben Katly.
- La situation de Rio Pongo est bonne, et la tranquillité règne dans toute la province.
- La paix vient d’être troublée dans la Mellacorée. Nos alliés les Sousous, qui étaient parvenus à s’emparer de Kambia, principal repaire de leurs ennemis lez Timénés, se sont laissé enlever cette place par surprise.
- Le chef des Sousous, Yan Salé Lamina, dont les succès avaient été sur le point d’assurer la paix, s’est retiré avec la plus grande partie de ses troupes à Famoréah. Les hostilités paraissent devoir recommencer prochainement.
- L'ENTREVUE DE KREMSIER
- L’entrevue de Kremsier a pris fin. Les dîners de gala sont desservis ; les dernières fusées des feux d'artifice sont éteintes; tout est rentré dans le calme dans cette localité privilégiée. Il ne reste plus qu’à se demander ce qui sortira de cette rencontre des deux empereurs. Presque tout le monde s’accorde à dire que c’est la paix. Acceptons-en l’augure, bien que les événements se plaisent parfois à troubler les combinaisons les plus savantes de la diplomatie.
- L’Allemagne n’a point figuré à l’entrevue ; elle est restée dans la coulisse ; mais, par derrière lë tzar Alexandre et l’empereur François-Joseph, il n'est pas besoin de beaucoup d’imagination pour apercevoir la silhouette de l’empereur Guillaume, tout comme celle de M. de Bismarck derrière MM. de Giers et Kalnoky. C'est l’Allemagne qui sert de trait d’union à ces deux empires séparés par tant d’intérêts, de rancunes, d’aspirations différentes ; c’est elle qui est en quelque sorte le ciment de cette alliance artificielle. C’est parce que la Russie et l’Autriche ont chacune à compter avec, un puissant voisin qu’elles se détournent momentanément de leur point de mire, que l’une oublie Constantinople, et l’autre Salonique. Parvenue par une série de circonstances favorables, dont la principale était la profonde ineptie de ses adversaires ; parvenue, dis-je, à une situation prépondérante en Europe, gouvernée par des hommes qui ne sont plus de la première ni même de la seconde jeunesse, l’Allemagne n'éprouve aucunement le besoin de courir les aventures. Mieux avisée que Napoléon, elle a su s’arrêter danslavoie des conquêtes et appliquer son influence à maintenir en Europe une paix qui est la condition de sa prospérité.
- La diplomatie n’a point accoutumé de confier aux journalistes ses secrets. Personne, sauf une demi-
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- douzaine d’initiés, ne sait donc le fin mot de la triple alliance, mais le simple bon sens indique que cette alliance ne peut tendre qu’à un but, à sauver le statu quo. Trois Etats ayant des intérêts divers ne peuvent s’entendre que sur une négation. Ils ne peuvent adopter une politique commune qu’au-tant que cette politique sera une politique d’ajournement, d’abstention.
- Le maintien de la triple alliance acquiert une importance nouvelle en présence du différend qui a éclaté entre l’Angleterre et la Russie au sujet des affaires de l'Afghanistan. L’Angleterre est désormais avertie qu'en cas de conflit elle resterait isolée, livrée à ses propres forces. Il est probable que cette considération lui donnera à réfléchir.
- Il serait à désirer également qu’elle l’engageât à se rapprocher de la seule des grandes puissances qui est libre d’engagements vis-à vis des trois souverains. On annonce qu'un échange de vues aura lieu prochainement à Puys, près de Dieppe, entre lord Saüsbury et M. de Freycinet. Puisse-t-il dissiper tous les malentendus que la question é-gyptienne a fait naître et rétablir un accord essentiel à la civilisation
- Frédéric Montargis.
- LA MORT D’OLIVIER PAIN
- Le comité de Paris de la Fédération internationale de l'arbitrage et de la paix nous communique le procès-verbal suivant de sa réunion du 19 août :
- Le secrétaire donne lecture de l’article suivant des statuts :
- « Le but spécial quepoursuit la Fédération est celui-ci : Chaque fois qu'un différend sérieux s'élèvera entre deux Etats, les associations de l’arbitrage et de la paix, représentant ces deux Etats, désigneront un certain nombre de délégués, chargés de se réunir afin d'étudier les causes du malentendu, de ramener les faits à leurs proportions réelles et de s’efforcer d'arriver à une solution commune, laquelle, sera, dès ce moment, largement propagée et recommandée avec instance aux pouvoirs publics de deux gouvernements. »
- Le secrétaire lit ensuite la communication adressée au comité de Paris et à la presse française, à la date du 11 août 1585, par Y International Arbitralion and Peace Association for Great Britain, et dans laquelle il est rendu compte des démarches faites par le comité anglais présidé par M. Hodgson Pratt, auprès du Foreign-Ofïîce, pour obtenir la vérité touchant la mise à prix de la tête d’Olivier Pain.
- Lecture est également donnée de la réponse adressée au dit comité anglais, à la date du l*r août, par M. J. Pauncefote, au nom du marquis de Salisbury, réponse qui se termine par ces mots : « Je suis autorisé à vou^.
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- LE DEVOIR
- nformer qu’autant que le gouvernement peut en juger jamais pareil ordre n'a été donné par un officier anglais au Soudan ou en Egypte.
- *~Ces lectures entendues, le comité de Paris a pris la délibération suivante :
- « Considérant tous les bruits qui ont couru et les publications qui ont été faites tant en France qu'en Angleterre au sujet de la disparition d’Olivier Pain ;
- » Considérant qu'à raison même des sentiments d'hor -reur que devraient inspirer les faits allégués, s’ils étaient vrais, il est juste de ne se prononcer qu'après que la lumière sera complètement faite à leur égard ;
- « Convaincu que le désir d’arriver à la découverte de la vérité ne saurait être moins vif ni moins sincère en Angleterre qu’en France;
- » Le comité de Paris demande que, conformément à l'article des statuts précité, une commission internationale, composée par moitié de citoyens des deux pays, soit instituée pour procéder, en dehors de toute autorité o ffi-cielle, à l’enquête nécessaire, rechercher la preuve des faits allégués et apprécier les responsabilités encourues. »
- Pour le succès de cette enquête destinée à servir le grand intérêt de la vérité, de la justice et de la paix, le comité de Paris fait appel aux esprits éclairés dans les deux pays et il compte particulièrement sur le concours de toutes les sociétés de la paix et de tous les journaux français et anglais.
- Pour extrait conforme,
- Le secrétaire, Le président,
- A. DESMOULINS. HIPP0LYT1 DESTREM.
- * *
- Le comité d’Enquête sur la mort d’Olivier Pain, comité composé de membres de « The workmens peace association» et de « The international and peace association » auxquels s’étaients joints des membres du comité français de l’Association d’Arbitrage et de paix, après soigneux examen du fait touchant la prétendue mise à prix delà tête d’Olivier et l’exécutiorrde ce dernier par les autorités militaires anglaises, a adopté à l’unanimité la résolution suivante :
- « Le comité d’Enquête, après avoir fait tous les efforts « possibles pour s’assurer de l’exactitude des affirmations « concernant la mise à mort d’Olivier Pain par les soldats « anglais, ou par les autorités anglaises, ou à la connaissance « de ces autorités, n’a pu découvrir aucun témoignage jus-« tifiant une telle assertion et exprime, en conséquence, sa « conviction que les allégations de Sekikowitch sont sans fon-« dements. »
- La question reste donc toujours incertaine.
- Adhésions aux principes d'arbitrage et de désarmement européen.
- Ardennes. Commune du Chesne. — Martin François, docteur en médecine, maire ; — Lacroix Louis, négociant, adjoint;-— Cousinard Ponce, ca-
- fetier ; — Groud-Morel Alcide, cultivateur, conseiller municipal Millot Charles, banquier ;— Corda Gaston, quincailler;— PâleHyppolite, huissier;-— Souin Eugène, restaurateur ;— Paillard Louis, ouvrier ; — Lescouet Charles, couvreur ; — Dinant Alfred, vannier Lescouet Emile, ouvrier ;— Lescouet Aimé, ouvrier; — Jamain Albert, maçon ; — Danse Jules, marchand de modes ;—Trubert Emile, propriétaire ; — Chaumont Jules, plafonneur ; — Chéneaux-Miller, carrier à Neuville ; — Trubert Hyppolite, vannier ;— Dupas Victor, mécanicien ;— Glaparède Félicien, cordonnier ;— Jacquemart Edmond, cultivateur; — Latreille Léon, charcutier, conseiller municipal Dupont Ferdinand, instituteur;— Magnin Emile, charcutier; — Thomas Désiré, négociant en vins; — Loitron Jules, libraire;
- — Lardennois Paul, boulanger; — Souin Alexis, marchand, tailleur ;— Niclot Jules, maître d’hotel*
- — Laperche Joseph-Eugène, ex-huissier; —Gaucher Alcide, officier en retraite ; — Delbourg Paul, notaire ;— Dapremont Eugène, pharmacien Le-fort Désiré, marchand, tailleur ; — Masset Louis-Jules, laboureur Martinet Jules, cultivateur; — Baron Auguste, manoeuvre Didier-Launet, débitant; — Millot-Huart, rentier; — Callay Athanase, rentier; — Prévoteaux-Latreille, cultivateur, conseiller municipal ; — Jarlot Jean-Baptiste, rentier ;
- — Châlon-Génin, propriétaire ;— Mathus, commerçant;— Manne Jean, conducteur des ponts-et-chaussée en retraite ; — Pigeot Nicolas-Athanase, instituteur; — Longis Léon, couvreur; — Longis Jules, couvreur;—Guillaume Michel, tourneur; — Legand Joseph, menuisier; — Delmotte Charles, commissionnaire Jurion François, maréchal ; — Lejeune Jean-Pierre-Isidore, facteur rural; — Wuatelet Louis, brasseur-cultivateur ; — Nivoix François, commissionnaire en grains ; — Henry Jean-Baptiste,— Etienne Désiré, propriétaires ; — Carré Auguste, appariteur; — Lenoir Henri, boulanger ;— Dupas-Lillette, marchand de fer ;— Bon-naire, employé ;— Carrat, receveur des domaines ;
- Loitron Paul,— Watteau Clotilde,commerçants ;
- — Dupas-Raulin Auguste, menuisier ; — Hubert Jules, propriétaire ;— Dérozier Jean-Baptiste, facteur de télégraphe ;— Deffaux Jules, bourrelier ; — Godarfc Gustave, serrurier ; — Mathy Emile, fabricant de sabots ;— Martinet-Dupuy Auguste,rentier ;
- Corda Alphonse, rentier ; — Bourgeois Jules, ferblantier ;— Müller Antoine, garde-champêtre ;— Pelzer Edmond, cultivateur; — Cousinard-Pézard, cordonnier ;— Bigot Prosper, facteur des postes ;— Dupas Jules, menuisier ;— Fay-Gesson, tonnelier ; Bartholet Jules, retraité; — Payot Jules, ouvrier ;
- — Déchéry Emile, cultivateur ; — Gibout Louis, constructeur-mécanicien ;— Legouge Nicolas-Victor, boucher ;— Lallemand Victor, peintre; — Robert Lucien, équarisseurs, conseiller municipal; — Lambert Ernest, receveur des contributions indirectes ; — Dupuis Gustave, commissionnaire prin-
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- cipal des contributions indirectes;— Caron Alfred, distillateur ;— Delmotte Jean-Baptiste, distillateur, cultivateur,conseiller municipal Balossier Louis, cultivateur, conseiller municipal ; — Vitry Jules, notaire ;— Gillet Jules-Adrien, clerc de notaire ; — Lecrique Charles, cantonnier; — Courtehoux-Châ-lon Auguste, cultivateur, conseiller municipal; — Hanus Joseph, peintre ; — Grissard Auguste, brasseur, cultivateur; — Martin Victor, maître maçon, fabricant de briques, conseiller municipal ; — Bélo-met Jean-Baptiste, bourrelier, conseiller municipal ; — Mathieu Eugène, fmarchand tailleur, conseiller municipal ; — Lefèvre Paul, chevalier de la légion d’honneur, garde d’artillerie en retraite;— Béhagnon Adolphe, épicerie et vins en gros ;— Nizet Frédéric, employé de commerce ; — Godart Louis-François, horloger-bijoutier ; — Latreille Edouard, charron ; — Charbonnier Nariesse, propriétaire ; — Guillardel Alexis, cultivateur ; — Mayette Marcellin, huissier;— Bourgain Anselme, clerc d’huissier;— Gibout Alfred,— Faucheron Charles, marchands de bois ; — Courtehoux Jean-Baptiste, cultivateur ; — Martin Alexis, propriétaire ;— Dinant Victor, vannier.
- LES BALLONS DIRIGEABLES
- Les sectaires de la guerre s’efforcent de faire converger tous les progrès vers la destruction. Si l’on n’avait l’espoir de trouver dans la direction des ballons un moyen de destruction plus terrible que les autres, nul ne s’occuperait d’en poursuivre la réalisation.
- Quoiqu’il en soit des projets des sectaires de la guerre, la direction des ballons, comme toutes les découvertes qui facilitent les relations entre les hommes, deviendra un jour un agent de pacification.
- Une nouvelle expérience vient d’être tentée par les aéronautes de Meudon. Nous en faisons suivre le récit d’un exposé de Victor Meunier sur l’état de la question en Europe,
- *
- * *
- Mardi, MM. Renard et Krebs, directeurs de l’atelier d’aérostation de Meudon, ont essayé une nouvelle machine électrique qu’ils ont imaginée pour la manœuvre de l’hélice du ballon dirigeable dont il fut déjà question l’an dernier.
- Depuis quelques jours, un ballon captif planait au-dessus des bois de Meudon ; à l’aide ‘d’un appareil spécial installé dans ce ballon, les officiers du camp de Châlais appréciaient la vitesse du vent à différentes hauteurs. Avant de faire une expérience décisive, ils ont tenu à essayer leur machine. Le problème qu’il s’agissait de résoudre était double : on voulait d’abord marcher contre un vent assez
- | violent, puis descendre à terre sans être forcé d’ouvrir la soupape et, par conséquent, sans éprouver aucune déperdition de gaz. On conçoit aisément combien ce dernier perfectionnement offre des avantages inappréciables pour la marche des ballons et leur emploi en art militaire.
- Hier, à six heures du [soir, les capitaines Renard sont donc partis du camp de Châlais.
- Le vent, dont à la surface du sol on ressentait à peine les atteintes, soufflait du nord-est avec une intensité peu commune. Le ballon dirigeable s’est élevé jusqu’à 300 mètres d’altitude ; l’hélice a été mise en mouvement et le ballon, après s’être tenu contre le vent pendant une demi-heure, a exécuté plusieurs virements de bord, sous l’impulsion d’une voile en forme de trapèze qui est fixée à l’arrière et au-dessus de la nacelle, et qui constitue une des plus récentes améliorations du système de direction imaginé par les savants officiers de l’atelier d’aérostation.
- Pendant ce temps, une équipe d’ouvriers du génie s’était rendue aux abords de la ferme de Villacou-blay, qui est située un peu au-delà de Vélizy, sur la route de Versailles à Montrouge.
- Lentement, le ballon s’est dirigé vers l’endroit désigné à l’avance ; avant d’atterrir, il a encore évolué avec une parfaite régularité.
- Puis, au moment où il se trouvait au-dessus des champs où les soldats de Meudon se préparaient à l’accueillir, il s’est maintenu immobile pendant quelques instants, bien que le vent eût redoublé de violence ; ensuite, sous l’action du poids fixé à la nacelle,et faisant successivement machine en avant et machine en arrière, le ballon est descendu sans secousses.
- Comme la nuit approchait, MM. Renard et Krebs ont jugé bon de faire ramener le ballon par l'équipe d’ouvriers du génie jusqu’au camp de Châlais.
- Les officiers de l’atelier d’aérostation ont eu plus de difficultés à traverser les champs cultivés qu'à fendre les airs. En effet, quelques cultivateurs ont voulu s'opposer au passage à travers leurs champs de betteraves des soldats qui tenaient les cordes dont l’autre extrémité était fixée à la nacelle du ballon. On a même dû recourir à l’intervention de la gendarmerie.
- Allemagne. Un inventeur allemand s’occupe, lui aussi, à ce qu’il paraît, de doter l’aérostat de la faculté de monter et descendre indéfiniment dans l’air; par conséquent, de le faire sans rien perdre. Il y emploie l’acide carbonique liquide. Mais point de détails.
- Expérience d’aérostation militaire à Berlin. Ballon captif de 1,400 mètres cubes pouvant enlever huit personnes, expérimenté par un détachement d’aérostatiers sous les ordres du major Buchholer du régiment des chemins de fer. II présente ceci de
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- particulier que l’anneau auquel s’attachent d’ordinaire les cordages est remplacé par une barre de fer de 10 mètres de long, aux extrémités de laquelle s’attachent deux câbles qui se réunissent à 20 mètres au-dessous en un câble unique, destiné à maintenir le ballon. La nacelle suspendue à cette barre serait soustraite aux oscillations du ballon qui rendent souvent difficiles, parfois impossibles, les observations exactes. Il faisait un vent si violent qu’à la force du détachement dut être ajoutée celle d’une locomotive spéciale.
- A Berlin, 48, Leipzigerstrasse, se voit un ballon dirigeable à vapeur, ayant la forme d’une carotte dont on aurait arrondi la pointe et fait d’une grosse toile à voile apparemment pour rendre tout filet inutile. Il a 30 mètres de long, 8 mètres de diamè-re à son grosboutet4 mètres près du petit.Sa capacité est de 730 mètres cubes. La nacelle en treillis de fil de fer contient une chaudière à vapeur timbrée à 12 atmosphères. La machine est à deux cylindres accouplés à angle droit. L’hélice placée à l’arrière dans l’axe de l’aérostat est montée par un cadre en bois pourvu de charnières, ce qui fait qu’elle fonctionne comme propulseur et comme gouvernail. Le tout pèse 500 kilogrammes. L’inventeur, M. "Wolff, espère tenir tête à un vent de 21 kilomètres à l’heure. Cet aérostat ne coûterait que 12,500 francs, Il faudrait n’avoir pas 500 livres sterling dans sa poche pour s’en refuser l’achat, — s'il tient ce qu’on promet de lui.
- A Salsbourg, on construit pour permettre l’ascension du Gaïsberg, montagne peu élevée,mais dont la vue est admirable, à la portée de toutes les jambes, un chemin de fer qui aura pour wagon la nacelle d’un ballon, nacelle munie de roues à gorges engagées sous les rails. La descente s’obtiendra en a-joutant une surcharge au wagon.
- * *
- Angleterre. — La société aéronautique de la Grande-Bretagne appelle à l’exposition du palais Alexandra tout ce qui flotte et se dirige ou a la prétention de se diriger dans l’air. A l’Albert Palace M. Eric Bruce exhibe un.ballon qu’une lampe à incandescence suspendue dans son intérieur, où elle est renfermée dans un vase rempli d’eau, peut rendre lumineux. C’est pour servir de télégraphe de nuit. Dès que la batterie de piles aménagées dans la nacelle envoie son courant à la lampe le ballon se transforme en une masse lumineuse visible de si loin eue... cela s’est vu à Paris il y a quelque temps déjà dans les expériences de M. Mangin. Eteint et rallumé à volonté par le moyen d’un manipulateur de Morse, le ballon devient dans ces conditions un véritable moyen de correspondance.
- Russie. — M. Kastowicz, ancien officier, consti-titue une société par actions au capital de 200,000
- roubles pour le transport des voyageurs entre Paris et Saint-Pétersbourg et vice versa., par le moyen de ballons. Hum ! Avis aux amateurs.
- Etats-Unis. — Ballon dirigeable du général Rus sell Thayer, de Philadelphie. Très sérieux. C’est surtout une machine de guerre. Aussi le ministère spécial s’est-il ému. Le ballon est fusoïde, long de 72 mètres, large de 18. La nacelle allongée est soutenue par un filet et enveloppée avec l’aérostat dans une chemise en forte toile. Quatre réservoirs d’hydrogène comprimé fournissent du gaz au ballon et le combustible à la machine motrice qui, située sous la nacelle, comprime de l’air. Cet air comprimé s’échappant violemment par un tuyau ouvert à l’arrière, fait progresser tout le système par réaction. Les inclinaisons que peut prendre le tuyau d’échappement permettent de gouverner. L’inventeur compte sur une vitesse de kilomètres à l’heure. On remonterait les courants qualifiés de bonne bise. Mais le but n’est pas de faire de longs voyages il ne s’agit que d’aller jeter sur une ville, sur une flotte, de lourdes charges de dynamite ou de matières incendiaires. Ce terrible engin ne coûterait que 50 ou 60 mille francs. Contre un envahisseur ce serait véritablement pour rien. Le ministre de la guerre des Etats-Unis en a commandé un d’une force ascensionnelle de 7 tonnes. On assure, en outre, que l’amirauté anglaise est en pourparlers avec l’inventeur.
- France. — Création à Grenoble, sur l’emplacement du petit polygone d’artillerie, d’une école d’a-érôstation militaire où des sapeurs du génie s’instruiront à la manœuvre des ballons captifs destinés aux reconnaissances de terrain. C’est à munir de cette instruction un plus grand nombre de praticiens que s’occupe également l’établissement de Meudon. Rappelons à ce sujet que le ballon de cet établissement et le matériel accessoire y ont été si bien étudiés que le tout, aménagé sur un chariot attelé de quatre chevaux, peut être transporté en un endroit isolé quelconque où le ballon serait immédiatement gonflé sans la moindre difficulté. C’est très beau ! mais l’aérostat dirigeable?
- Au lieu d’expériences nouvelles sur ce sujet, nous n’avons qu’un projet nouveau, celui de M. Hamon, dont l’aérostat, de forme allongée, est en deux morceaux, celui de l’avant, celui de l’arrière, réunis par un bâti en bambou dans l’intérieur duquel se trouve l’appareil propulseur placé dans l’axe du ballon. Ce propulseur comprend une couple d’ailettes à deux palettes qui se mettent « de champ » lorsqu’elles cessent d’agir utilement sur l’air. Un moteur électrique les actionnera. Tous nos vœux.
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- SOCIÉTÉ DU FAMILISTÈRE DE GUISE
- FETE DE L’ENFANCE
- Journée du Dimanche
- ORGANISATION DE LA CÉRÉMONIE
- Réunion générale à2hl/b, dans la cour de l’aile gauche pour les conseils d’Administration de l’Usine et du Familistère; les Bureaux des comités des caisses et les associés.
- Les enfants des Ecoles au Pouponnât: la musique au casino avec sa bannière ; les pompiers, les archers et la société de gymnastique.
- A2hl/2, marche des groupes vers la cour centrale pour former le cortège ; les pompiers prennent place au fond de la cour, derrière les enfants ; les gymnastes, le long des magasins d’Epicerie ; les conseils au centre de la cour avec les comités ; les associés, les employés, la musique et les archers devant le passage du Pouponnât.
- A 2 h 3/4 — Défilé, les sapeurs, les tambours les trompettes, les pompiers, les gymnastes, les enfants, lamusique, Monsieur Godin administrateur Gérant, le conseil de Gérance et les divers conseils,les Présidents et secrétaires des comités des caisses de l’Association. les services, les e mployés et les archers.
- Le conseil de Gérance, les conseils duFamilistère et de l’Usine, le conseil de Surveillance, les présidents et secrétaires des caisses de l’association ainsi que la musique prendront place surlascène; les pompiers, les gymnastes et les archers prendront place au par terre,sous les galeries; les habitants du Familistère, les employés et ouvriers de l’Usine ainsi que leurs invités prendront place aux galeries. Les loges restent réservées aux personnes invitées.
- Les parents qui auraient quelque chose à distribuer à leurs petits enfants pendant la cérémonie sont priés de ne le faire qu’au moment où ceux du Banbinat et du Pouponnât sortiront dans la cour, afin de ne pas troubler l’ordre et le calme nécessaires à la cérémonie.
- Lorsque la cérémonie sera terminée les personnes qui auront pris place sur la scène, les enfants, les pompiers, gymnastes et archers sortiront par les portes donnant sur les cours latérales, les personnes placées aux galeries sortiront par la grande porte.
- Le cortège se reformera dans le même ordre qu’à l’arrivée et retournera vers la cour du Pavillon
- central, pour venir se séparer dans la cour de l’aile droite,après l’exécution d’un morceau d’Harmonie.
- Programme de la cérémonie au Théâtre : grande ouverture par la société philharmonique; chœur, par les enfants ; — morceau d’Harmonie, — Discours de Me Godin, — morceau d’Harmonie — chœur, par les enfants — Distribution des prix, — morceau d’Harmonie.
- a 8 h. du soir Bal public a grand orcheste
- Société du Familistère de Guise. FÊTE DE L’ENFANCE
- 6 Septembre 1885
- PROGRAMME GÉNÉRAL
- DIMANCHE 6 Septembre
- A 3 heures du soir, Cérémonie au Théâtre ; à 8 heures du soir Bal public à Grand orchestre.
- LUNDI 7 Septembre
- A 11 heures du matin, au théâtre,grande tombola pour les enfants des écoles maternelles — à 3 heures après-midi, Bal d’enfants et collation par les élèves des écoles du Familistère.
- Le service d’ordre sera fait par la société de gymnastique.
- Commissaires : Mme ALLARD,MM. BERNADOT, DEQUENNE, PIPONNIER, PERNIN et ROUS-SELLE.
- Mmes les Institutrices et MM. les Instituteurs prêteront leur concours gracieux à l’organisation des danses et divertissements.
- L’orchestre sera composé des musiciens de la Société Philharmonique du Familistère.
- Ouverture à 3 heures
- De 3 heures à 4h. 1/2 danses.
- De 4h. 1/2 à 5 heures, collation dans la cour de l’aile droite.
- De 5 heures à 6 heures, reprise des Danses et ronde finale.
- Bal public et grand orchestre à 8 heures.
- État civil du Familistère.
- Semaine du 24 au 30 Août 1885.
- Naissance :
- Le 29 août, de Abraham Andréa, fille de Abraham Louis et de Chameau Marie.
- L’un des Gérants : A. Doyen.
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- rouvrage est terminé par une proposition surance nationale de tous les citoyens contre la misère.
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- 9e Année, Tome 9.— N° 366 Le numéro hebdomadaire W c. Dimanche 13 Septembre 1885
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- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des scienoes psychologiques.
- FÊTE DE L’ENFANCE
- DISCOURS DE M. GODIN
- Mesdames et Messieurs,
- Chers élèves,
- La fête de l’Enfance est pour nous l’occasion, chaque année, de résumer la marche générale des faits concernant la population enfantine de notre association, et de vous signaler les progrès accomplis.
- Depuis l’an dernier, précisément à cette époque, le palais de la rue de Cambrai qui contient 600 personnes, hommes femmes et enfants, a été ouvert à la population. Quatre-vingts familles s’y sont installées en septembre dernier ; les autres ont suivi en quelques mois.
- Ce brusque accroissement de population a produit dans nos classes les conséquences déjà éprouvées par nous à l’entrée de chaque nouvel essaim de population ; nous nous sommes trouvés en face d’au moins 200 enfants à répartir dans nos classes, enfants dont le savoir, pour une grande partie d’entre eux, n’était pas du tout en rapport avec celui des élèves qui, nés au Familistère, avaient passé par la filière de ses classes.
- Tenant compte dans une certaine mesure de l’âge des élèves, afin d’éviter de décourager les grands en les classant avec les petits, nous avons réparti les nouveaux venus où leurs connaissances le permettaient, ce qui a jeté dans nos classes une cer-
- taine perturbation en mettant ensemble des enfants de savoir différent. Ce fait éprouvé par nous chaquefois que nous avons ouvert un nouveau palais à la population, montre que l’enseignement est loin d’être hors de chez nous ce qu’il devrait être.
- La loi sur l’enseignement obligatoire et gratuit est bien promulguée, mais elle est sans effet parce que les écoles manquent ; les enfants du peuple ne reçoivent pas l’instruction à laquelle ils ont droit.
- Le remède à un tel mal serait pourtant bien facile, si les millions et ies milliards dépensés en guerres inutiles et en armements Tun présage funeste étaient appliqués pour le plus grand bien du peuple, comme cela sera le jour où la véritable démocratie gouvernera la République.
- L’augmentation du nombre des enfants au Familistère, nombre qui brusquement s’est élevé de 350 à 550, nous a forcés à agrandir les bâtiments scolaires, particulièrement les salles des enfants au berceau et les écoles maternelles ; quant à nos classes primaires, elles avaient précédemment reçu l’augmentation prévue pour répondre aux besoins dont nous venons de parler.
- Le nombre des maîtres et des maîtresses a été de son côté porté au chiffre voulu. Il est aujourd’hui do 9 personnes pour le soin des enfants en bas âge, 7 pour les écoles maternelles et 7
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- pour l'instruction primaire. Quatre professeurs donnent, en outre, des leçons de dessin, de physique et de chimie dans nos écoles ; 27 personnes prennent donc part à l’éducation et à l’enseignement.
- Au milieu de ces faits, nos classes ont suivi leur marche normale et les travaux de nos enfants sont de plus en plus satisfaisants.
- Depuis l’inauguration des examens pour le certificat d’études, chaque année le Familistère a présenté des élèves dont le nombre a proportionnellement dépassé tout ce qu’on avait vu jusqu’ici dans les écoles primaires.
- L’année dernière, nous avons obtenu 17 certificats d’étude en nous approchant tellement du minimum d’âge que 2 de nos élèves reçus avaient à peine 11 ans.
- Cette année, notre cinquième classe d’enseignement primaire où les enfants se préparent aux examens du certificat d’études, comptait 33 élèves dont 9 trop jeunes pour être admis aux examens, et un certain nombre arrivant du dehors, trop peu avancés pour pouvoir acquérir en une année le savoir voulu.
- Dans ces conditions, cependant, nous avons eu 11 élèves obtenant le certificat d’études.
- Ce résultat fait autant d’honneur aux maîtres qu’aux élèves et nous les en félicitons hautement, ici, les uns et les autres.
- Cette année, comme l’année dernière, le Conseil de Gérance a accordé, à titre de récompense exceptionnelle, à chacun des lauréats, une somme de 50 francs, dont je délivrerai, tout à l’heure, les certificats d’inscription en titre d’épargne de l’Association
- Dans notre cours complémentaire, une élève, Melle Héloïse Point, âgéede 15 ans, s’est distinguée en obtenant, après examen passé à Laon, son admission à l’école normale. Déjà, le Familistère a-vait deux élèves à cette école ; c’est donc maintenant trois de nos jeunes filles qui se préparent pour diriger plus tard en qualité d’institutrices les classes qui les ont vues enfants.
- Ces succès de nos jeunes filles seront imités bientôt par quelques-uns de nos jeunes garçons ; deux d’entre eux se préparent pour obtenir leur admission à l’école de Châlons. Nous espérons les voir revenir ensuite prendre rang parmi les employés capables et mettre au service de l’Association les connaissances qu’ils se seront efforcés d’acquérir.
- r a plus grande vigilance, la plus grande sollici-
- tude ne doivent cesser d’être portées sur l’enseignement de nos enfants, si nous voulons assurer le développement et la prospérité de l’association même.
- Une telle direction d’esprit, une telle convergence des pensées vers ce qui peut assurer le bien-être commun est facile dans un milieu comme le nôtre, où les dispositions matérielles elles-mêmes sont conçues peur amener ce résultat.
- Les écoles, les ateliers, les bureaux, les habitations constituant, par l’association, un corps unique, chacun est ici intéressé, par lui-même ou les siens, à la bonne marche des choses dans les moindres détails.
- Aussi les écoles bénéficient-elles largement de ces rapports directs avec l’industrie, en trouvant dans le personnel même des ateliers et des bureaux de l’usine ou du Familistère, des professeurs supplémentaires pour les cours de chimie, de physique, de dessin etc., etc. ; cours adressés non-seulement aux enfants des cours supérieurs et complémentaires mais aussi aux apprentis de l’Usine.
- Outre cela, le conseil de Gérance a constitué dans son sein une commission d’examinateurs qui, de concert avec la direction des écoles, se rend compte, au moins deux fois par an,des travaux des élèves et de la marche des choses en enseignement. Les passages d’une classe dans une autre se font ainsi régulièrement chaque année.
- C’est par la concentration des forces dont notre association dispose que nous pouvons, de plus en plus, donner à l’instruction dans nos classes la direction voulue pour former les élèves aux travaux utiles,en les dotant surtout des connaissances dont ils auront à faire l’application dans la vie.
- Dans nos écoles l’enseignement a surtout pour objet de faire apprendre à l’élève tout ce dont il aura à se servir,tout ce qui peut lui être utile dans la vie pratique.
- Pour arriver à ce résultat, il faut que l’enseignement se tienne au courant des progrès que chaque jour amène, et que les programmes comportent toutes les connaissances essentielles à l’écolier pour bien faire son chemin dans la vie productive.
- Nous cherchons donc à y introduire toutes les notions essentielles dont l’enfant peut tirer profit, et nous en écartons les choses qu’il serait conduit à oublier après sa sortie de l’école.
- Mais ce n’est pas seulement l’enseignement productif que nous envisageons ici, c’est aussi la vie morale et sociale.
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- Par des conférences spéciales, nos enfants sont dressés à se rendre compte du vrai fondement de la morale qui doit leur servir de guide dans tous les actes de la vie et qui peut se résumer en ces mots : Tout ce qui concourt au progrès de la vie humaine est bien ; tout ce qui nuit à ce progrès est mal.
- Des devoirs faits par nos enfants sur des sujets de cet ordre et insérés à diverses reprises dans le journal « le Devoir » ont été, de la part de personnes compétentes en éducation, l’objet de la plus sympathique attention.
- Parmi les éléments de la vie sociale auxquels nos enfants sont habitués dès l’école, signalons l’apprentissage du suffrage universel, par l’exercice du vote pour distinguer les vrais mérites des candidats entre écoliers.
- Les élèves les plus méritants en telle ou telle faculté et désignés par le suffrage de leurs camarades constituent un petit conseil composé d’environ 10 à 12 enfants, lequel a charge de veiller au respect des mesures d’ordre en général, en dehors des heures de classe.
- Habituer de bonne heure l’enfant à faire ressortir par le vote le mérite réel, l’habituer en outre à exercer les peti tes fonctions électives dont ses camarades peuvent le charger, c’est le dresser à l’exercice des droits civils et politiques, lesquels seraient pour le peuple un tout puissant moyen d’émancipation, si jusqu’ici on n’avait pas tout fait pour égarer l’électeur dans l’exercice de ces droits. '
- Or, habituer de bonne heure Tentant à la distinction du vrai mérite et au sentiment de la valeur et des responsabilités des fonctions électives, c’est le rendre moins facile à abuser plus tard, et faire de lui un citoyen se rendant compte de la portée du vote et des devoirs des élus envers les électeurs.
- L’idée qu’ une association comme la nôtre doit naturellement conduire à l’instruction véritablement utile et pratique est sentie à l’étranger d'une façon remarquable.
- On nous écrit pour avoir nos programmes. Le Familistère suivant l’enfant du berceau jusqu’à l’apprentissage, on se dit qu’il doit y avoir dans notre enseignement une suite,une harmonie,une impulsion vers les choses pratiques que nous nous efforçons, du reste, de réaliser de plus en plus.
- Ces jours-ci encore, vous avez vu une sous-Ins-pectrice de Londres venir étudier les méthodes î
- employées dans nos classes, afin d’en faire bénéficier, en Angleterre, les enfants confiés à ses soins.
- Dans toutes les nations on se préoccupe de développer l’enseignement, primaire.
- Mais combien de choses restent à faire en regard de ce qui est réalisé dans cette voie en faveur du peuple, même chez les nations les plus civilisées aujourd’hui.
- La France a la loi qui rend l’instruction primaire obligatoire et gratuite, mais elle manque d’Ecoles; elle engouffre des capitaux dans le budget de la guerre et laisse presque à sec celui de l’instruction publique.
- L’Angleterre et toutes les nations civilisées sont dans le même cas, toutes doivent élever des écoles pour que l’instruction primaire soit possible.
- L’instruction, cette première richesse de l’enfant du peuple, est donc encore à notre époque à peine donnée; notre association constitue, au bénéfice de ses membres, un remarquable exemple de ce qui devrait être fait dans toutes les communes.
- Mais on ne sait pas assez créer les ressources nécessaires a l’instruction destinée à faire des citoyens, plus intelligents, plus dignes, plus capables, et propres à rendre à leur patrie, lorsqu’ils seront devenus hommes et femmes, ce qu*ils en ont reçu et davantage selon l’éternelle loi du progrès.
- En attendant, chers élèves, que l’Etat étende les bienfaits de l’instruction publique jusque dans les associations que les travailleurs pourront former pour leur bien propre, l’Association du Familistère s’efforce et s’efforcera de vous doter de ce bien essentiel, l’instruction, que nul ne peut ensuite vous ravir et qui ira se développant, si vous savez vous-même vous attacher à enrichir le trésor de vos connaissances primaires, en agrandissant le cercle de votre intelligence.
- Recevant de l’association ces bienfaits qui vous assurent une heureuse enfance, vous avez pour devoir essentiel de travailler de façon à transmettre plus tard, aux entants qui vous succéderont, ce que vous aurez reçu et ce que vous y aurez ajouté, car l’humanité doit avancer sans cesse; chaque progrès réalisé rend plus facile un progrès nouveau, et ce qui est vrai de la société en général est vrai aussi d’une entreprise comme celle de l’Association du Familistère.
- Mais pour remplir ce devoir, mes enfants, vous avez à vous rendre compte de ce qu’est l’association même, dont vous êtes appelés à devenir un
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- jour les membres actifs. A mesure que vous grandirez vous comprendrez mieux et vous devrez chercher à mieux comprendre le fonctionnement et le but des institutions fondées ici,et en quoi le sort du travailleur y diffère si profondément de ce qu’il est ailleurs.
- Les questions concernant l'amélioration du sort de l’ouvrier sont destinées, très-vraisemblablement, à être profondément agitées autour de vous. A mesure que vousgrandirez, vous entendrez de plus en plus parler de coopération et d’association, et débattre les moyess les plus sûrs ou les plus directs de réaliser le bien-être des masses ouvrières.
- Je crois donc qu’il n’est pas sans intérêt, du moins pour les aînés d’entre vous, de vous indiquer tout de suite de quel côté est la lumière.
- Elle est avec ceux qui, repoussant tout esprit d’égoïsme, voudront réaliser, non pas leur seul bien-être individuel sans souci de venir en aide à autrui, mais le bien-être de tous les travailleurs auxquels ils seront reliés.
- C’est ce que les faits proclament aujourd’hui à côté des plus simples notions de la morale.
- Il est une nation, par exemple, qui a devancé la France dans la constitution des sociétés coopératives. Je veux parler de l’Angleterre où ces sociétés sont en nombre considérable. Les capitaux qui leur appartiennent se chiffrent par des sommes énormes. Mais ce qu’en général chacun des membres a cherché, c’est son avantage propre et immédiat.
- Qu’en est-il résulté ?
- Les travailleurs ont bien touché, à titre de dividendes quelques cinquantaines de francs de plus par année, parfois quelques centaines,mais la famille s est à peine ressentie de ces avantages. La grande masse de ces sociétés n’a ni écoles pour les enfants, ni pensions de retraite pour les invalides et les vieillards ; elle n’a pas davantage pourvu les ouvriers d’habitations commodes, mettant à leur portée comme ici tous les équivalents de la richesse. Aussi les grands chefs du mouvement, ceux-là mêmes qui ont fondé la coopération en Angleterre, disent-ilsbienhaut,aujourd’hui, à toutes les sociétés coopératives :
- Ne vous arrêtez pas là, vous n’avez accompli que le premier pas sur la voie ouverte devant vous. Vous avez des capitaux en mains, utilisez-les dans la fondation d’industries où le travail sera associé aux bénéfices, comme dans l’association du Familière de Guise, et touchera la juste part des pro-
- fits qu’il concourt à produire. Fondez des palais ouvriers à l’instar de celui de Guise ; pourvoyez ces palais de comptoirs de vente des choses nécessaires à la vie; faites pour l’industrie et le travail ce que vous avez fait pour le commerce. Organisez, comme au Familistère, l’assurance des familles contre le dénûment en cas de besoin ou de malheur, de maladie ou de vieillesse; donnez les soins et l’instruction à l’enfance ; et vous réaliserez ainsi pour vos capitaux le placement le plus fécond pour votre bien propre et celui de vos frères en humanité.
- Voilà, mes enfants, les enseignements qui sont donnés aujourd’hui aux ouvriers à l’étranger, concernant l’association du Familistère de Guise.
- Vous, appelés à être un jour membres actifs de cette association, sachez vous rendre compte de ce qu’elle est et du rôle que vous aurez à y remplir, pour la transmettre à vos descendants, non pas amoindrie,mais plus riche encore que vous ne l’aurez reçue de nous.
- Vous vous disposerez d’autant mieux à être à la hauteur du rôle qui vous incombe, comme membres de la première association complète du travail et du capital, que vous commencerez par être de bons et studieux écoliers, respectueux et affectueux envers vos maîtres et maîtresses, reconnaissants, bons et dévoués envers vos parents. Ces sentim ents existent chez vous,mes enfants,dévelop-pez-les, vous serez la gloire de l’association et vous atteindrez le but que vise le Familistère : la réalisation des conditions de bien-être physique, intellectuel et moral pour toutes les familles laborieuses.
- La population scolaire au Familistère.
- Garçons Filles Agés
- Pouponnât 34 46 au-dessous de 2 ans
- Première année maternelle 52 53 2 à 4 ans
- Deuxième » 40 44 4 à 6 »
- Troisième » 36 27 6 à 8 »
- Première année primaire 13 32 8 à 9 »
- Deuxième » 20 21 9 à 10 »
- Troisième » 23 21 lOà 11 »
- Quatrième » 23 19 11 à 12 »
- Cinquième » 22 11 12 à 13 »
- Cours complémentaires 9 9 au-dessous de 14 ans
- Totaux. . . 272 283 = 555.
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- LA FETE DE L’ENFANCE
- Chaque année, soit à l’occasion de la fête du Travail, soit à l’occasion de la fête de l’Enfance, on s’étonne du succès toujours croissant des fêtes du Familistère.
- Les journées du Dimanche et du Lundi laisseront d’ineffaçables souvenirs. Il sera difficile, à l’avenir, de mieux célébrer nos fêtes annuelles, à moins que le développement des entreprises familistériennes permette des installations encore plus grandioses.
- La tenue générale, selon l’habitude, n’a rien laissé à désirer ; les défilés ont été magnifiques avec leurs cortèges de gymnasiarques, de pompiers, d’archers.La décoration des cours ne manquait pas de détails ; au théâtre, on remarquait surtout d'énormes bouquets symétriquement disposés le long de la rampe ; l’heureux choix des fleurs et l’originalité des dessins attestaient le bon goût du chef jardinier de l’association.
- Le Dimanche, après midi, un grand nombre de personnes n’ont pu avoir place au théâtre.
- Le Lundi, les galeries de la grande cour, où se pressaient 2500 spectateurs, ne pouvaient contenir tout le public qu’avait attiré le bal d’enfants ; les couloirs du rez-de-chaussée étaient obstrués par les visiteurs qui n’avaient pu se placer ailleurs. Malgré cette affluence on n’a constaté le moindre désordre.
- Le bal d’enfants était une innovation que les écoliers et les parents avaient acc'eptée avec un égal empressement. Les enfants se promettaient à l’avance beaucoup de plaisir de cet amusement.
- Toutes les espérances ont été dépassées ; il serait difficile d’imaginer un spectacle plus attrayant que la gracieuse évolution des bambins et des écoliers se livrant dans l’immense cour centrale, qui leur était entièrement réservée, à des danses souvent fantaisistes, sans jamais enfreindre la cadence marquée par notre excellent orchestre.
- Seuls, les visiteurs du Familistère qui connaissent les dimensions de la grande cour centrale, qui ont remarqué l’air éveillé de notre population enfantine et les soins affectueux que lui prodiguent ses maîtres, pourront se faire une idée de l’aspect de cette fête qui réunissait, dans un local si vaste, plus de cinq’cents enfants parés avec goût, se livrant à des rondes joyeuses et à des pétulantes sauteries, sous la direction de leurs maîtres et maîtresses.
- Les spectateurs des galeries paraissaient ravis des jeux de l’enfance ; la satisfaction des plus âgés n’était pas moins grande que le bonheur des plus petits.
- Après le bal, le public s’est porté aux galeries de la cour de l’aile gauche, d’où l’on admirait les préparatifs d’une collation offerte aux jeunes danseurs.
- A une extrémité de la cour était dressé un buffet garni de gâteaux, de coupes regorgeant de bonbons, de flacons de sirops de groseille et d’orgeat ; huit rangées de tables recouvertes de nappes blanches, sur lesquelles étaient disposés, avant l’entrée des enfants, en lignes parfaitement correctes, des verres pleins de sirop de groseille, donnaient à la cour un aspect particulier qui promettait aux jeunes estomacs des intrépides danseurs et danseuses une collation selon leurs goûts.
- Les enfants ont pris place aux tables sans le moindre encombrement.
- La distribution des bonbons, des gâteaux, tout le service était fait par les membres de la société de gymnastique vêtus en grande tenue. Ces jeunes hommes accomplissaient cette tâche avec une complaisance et un sérieux qu’on ne saurait trop louer.
- Un moment, M. Godin a circulé entre les tables des collationneurs qui ont bravement fait entendre des vivats en l’honneur du Fondateur du Familistère.
- Après la collation, les enfants sont revenus dans la grande cour, où l’on avait livré l’estrade des musiciens à des balladins qui ont exécuté des scènes de clowns et de jonglerie, aux applaudissements detous les spectateurs; puis une chanteuse comique a fait entendre quelques joyeux refrains.
- La caractéristique de cette fête était l’empressement de tous les corps constitués du Familistère à se prêter aux jeux de l’Enfance.
- Pompiers,Gymnasiarques,Comités du Familistère, membres du conseil de Gérance, tous ont pris une part active aux moindres détails pouvant donner à la fête un caractère familial. Plus d’un membre du Conseil de Gérance, décoré d’un ruban qui désignait les commissaires de la fête, n’a pas craint de se faire l’intermédiaire des cavaliers ou des danseuses trop timides ou trop novices. C’était vraiment plaisir que de voir M. Dequenne, le doyen des membres du conseil de Gérance, toujours grave et impassible, conduire un bambin d’une main, une bambine de l’autre, et les mettre en danse avec une incomparable bonhomie.
- Cet effacement, ou plutôt cet empressement des
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- éléments les plus solides et les plus actifs de notre association devant l’Enfance sans aucune distinction, n’est-il pas une éclatante justification du mot Familistère, que M. Godin n’a point pris au hasard, sachant bien que la famille n’acquierra que dans l’association la plénitude de ses moyens et de sa sécurité.
- Le temps s’était chargé de donner aux nombreux visiteurs la preuve incontestable de.la supériorité des palais sociaux, de l’Habitation unitaire. Dans toute autre localité, à moins de posséder de véritables arènes, si les conditions pécuniaires et autres a-vaient permis d’organiser pareille fête, son exécution aurait été troublée même empêchée par la pluie. Au Familistère personne ne s’est aperçu du mauvais temps, malgré un fort orage; après la fête, enfants et parents ont pu regagner leur logis sans s’inquiéter de l’humidité et de la boue, deux choses inconnues dans les galeries du Familistère.
- Voilà ce qu’on peut faire dans un groupement de 1800 habitants par la puissance de l’association. Si les hommes avaient la sagesse de généraliser ces pratiques, par la fondation dégroupés semblables, et de se pénétrer des principes familistèriens, on verrait bientôt la satisfaction et les saines réjouissances remplacer partout les rivalités, les jalousies et les mauvaises passions qui dévorent nos vieilles sociétés.
- Le comité républicain de Guise. — Le
- comité cantonal de Guise vient de publier son programme, que nous reproduisons plus bas.
- Nos lecteurs trouveront certaines parties en contradiction avec les idées que nous préconisons. Quoiqu’il en soit, ils nous donnent satisfaction sur quelques points.
- La création et le fonctionnement du comité de Guise méritent une attention particulière ; il sera peut-être le seul du département, entièrement constitué par des délégués nommés dans des réunions publiques communales.
- L’assemblée des délégués a voté, un à un, les articles du programme suivant, chaque délégué étant muni d’une copie d’un projet de programme plus complet que les résolutions adoptées. La commission d’initiative, voulant conserver à l’adoption du programme le caractère démocratique qu’elle a donné à tous ses actes, avait pris la précaution de réunir sur une seule liste tous les desiderata qu elle avait pu prévoir, et c’est du dépouillement de cette liste qu'est sorti le programme du canton.
- Toutes les clauses retenues dans ce programme ont été votées à l’unanimité, la réunion ayant préalablement décidé que l’on écarterait les questions susceptibles de provoquer des dissidences.
- L'empressement des délégués communaux à répondre à l’appel de la commission de propagande mérite d’être signalé : sur cinquante- quatre délégués, 44 étaient présents, et cinq excusés. La délégation communale compte plusieurs maires, adjoints, conseillers municipaux des communes et un grand nombre de propriétaires. On peut donc considérer le programme du canton de Guise comme l’expression de- l’opinion publique parmi les populations rurales.
- Les 20 délégués du comité de Guise au Congrès départemental se sont tous engagés à assister à la réunion de Laon.
- PROGRAMME
- Adopté par l’assemblée générale des délégués du comité de Guise
- nommés dans les réunions publiques communales
- Ce programme sera soumis à la ratification d’une réunion publique cantonale devant avoir lieu
- à Guise, le Vendredi 41 Septembre, à 7 heures, au marché couvert.
- — ----------©-------
- 1° Suffrage Universel. — Réduction de là durée du mandat à 3 g,ns ; renouvellement partiel et annuel par tiers des corps élus.
- Modification dans un sens libéral de la loi sur la période électorale.
- Introduction dans la loi électorale d’un article assurant la liberté du vote.
- 2° Instruction Publique.— Exécution rigoureuse de la loi sur l’Instruction publique, rendue effective par la gratuité des fournitures scolaires.
- Laïcisation générale.
- Amélioration du sort des Instituteurs.
- Gratuité à tous les degrés après concours.
- 3° Finances. — Réforme des Impôts :
- Impôts proportionnels et progressifs.
- Rétribution des services religieux à la charge des communes.
- Diminution des droits de mutation en ligne directe et augmentation en ligne collatérale.
- Suppression des receveurs généraux.
- Suppression des percepteurs.
- Recette des Impôts par des employés sous la responsabilité des receveurs des domaines.
- Assimilation de la fabrication de la bière à la production du vin et du cidre.
- Suppression de l’Exercice.
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- 4° Armée. — Loi militaire rigoureusement égale pour tous.
- Enseignement militaire donné à l’École.
- 5° Politique extérieure. — Plus d’aventures,
- Point de déclaration de guerre sans le consentement de la volonté nationale.
- Organisation civile des colonies.
- Révision des traités de commerce, et introduction dans ces traités de tarifs fixant des maxima et des minima permettant de faire varier les droits d’entrée suivant les cours des produits industriels et agricoles.
- Réorganisation des Consulats.
- 6° Politique intérieure. — Liberté de presse, de réunion, d’association.
- Suppression du cumul des fonctions publiques.
- Les fonctions publiques et l’avancement donnés après concours.
- Suppression des Sous-Préfectures.
- Extension des franchises municipales.
- 7° Justice-Magistrature. — Réforme de la magistrature.
- Extension de la compétence des juges de Paix.
- Jurys de paix cantonaux.
- Liberté de défense devant toutes les juridictions.
- 8” Commerce. — Traités de commerce à courte échéance.
- Diminution des tarifs de transports, et révision des tarifs de pénétration.
- Abolition des monopoles.
- Extension de la compétence des Conseils de Prud’hommes.
- 9° Agriculture. — Révision du Cadastre.
- Encouragement par l’Etat et par les Départements des procédés de grande culture, de la formation de syndicats agricoles pour l’achat des engrais, et pour tout ce qui tend à améliorer la situation des populations agricoles, cultivateurs et ouvriers.
- 10° Mutualité Nationale. — Secours pour les travailleurs malheureux.
- Retraites pour la vieillesse
- Responsabilité nationale pour la réparation des dégâts causés par la guerre dans les contrées envahies.
- 11° Garanties. — Engagement des candidats de présenter, chaque année, jusqu’à réussite, un projet de loi réglant le renouvellement des corps élus, conformément à l’article premier du présent programme.
- La crise apicole en Âllemape
- L’Allemagne, tout comme la France, a sa crise agricole. Un conseiller du ministère badois vient, dans une réunion d’économistes et d’agriculteurs, de donner comme principale cause de cette crise l’excès de la population
- agricole. Voici ce qu’a dit, d’ailleurs, le conseiller dont nous voulons parler :
- L’état désastreux de l’agricult ure tient à l’excès de la population agricole, aux conditions défavorables du partage de la propriété, au trop grand nombre de propriétaires, à l’élévation du prix de vente et de fermage, ou du taux de l’intérêt en cas d’emprunt.
- Il faudrait remédier à l’excès de population, en prescrivant le système du libre partage des successions foncières ; ce serait en même temps le meilleur moyen de combattre le mouvement socialiste. Il faudrait appeler le plus possible les agriculteurs dans les villes et dans les colonies.
- Ce qui ruine encore l’agriculture, c’est le prix des biens fonds, dans les ventes et les transactions immobilières. 11 faut apprendre au paysan à être un commerçant. 11 faut organiser le crédit foncier et les assurances sur la vie, 1 a maladie ou les récoltes. Il faut provoquer des améliorations dans les procédés de culture, diminuer les frais de production, créer des sociétés de consommation.
- L’Etat peut venir en aide aux agriculteurs de deux manières, par des dégrèvements d’impôts, par des taxes sur les produits étrangers. Mais il doit prendre garde que les dégrèvements opérés sur l’agriculture ne se feront qu’aux dépens des autres producteurs. On comprend qu’on demande des taxes surles céréales étrangères. Depuis un demi-siècle, le prix du blé est tombé très bas. On pourrait donner de 15 à 20 millions à l’agriculture, sans augmenter d’une façon très sensible les charges des consommateurs. Mais, qu’est-ce que 20 millions ? dans le duché de Bade, un propriétaire qui aurait un revenu annuel de 3,250 fr., ne trouverait à ce relèvement des droits qu’un bénéfice de 72 fr.
- Dans l’état où est aujourd’hui l’agriculture, il n’y a pas de moyen pratique, immédiat, unique de la sauver. Il faut agir sur bien des points à la fois.
- Mais nous ne devons pas désespérer. Le paysan ne se décourage pas. L’attention que les savants et les praticiens consacrent à l’agriculture, la sollicitude que l’Etat lui montre, les progrès constants de l’outillage permettent de croire que la crise actuelle de l’agriculture est passagère, qu’elle n’est qu’un état transitoire dont elle sortira plus vaillante et comme régénérée.
- Le ministre badois pense avec raison qu’il n’y a pas de moyen immédiat, unique pour sauver l’agriculture, qu’il faut agir sur bien des points à la fois.
- Cet aperçu dénote un comra encement de raison. Mais combien sont rares ceux qui comprennent que la crise agricole, comme les autres, ne peut être apaisée qu’en agissant sur un nombre de points assez nombreux pour que cette action soit suivie d’une transformation sociale complète de la société égoïste, dominée par la concurrence, en une association universelle reliée par les lois de la solidarité.
- Vouloir résoudre la crise agricole, sans toucher au problème social, est une impossibilité que nous démontrera bientôt l’impuissance des gouvernements.
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- UNION ET SOUMISSION
- Dès le début de la campagne électorale dans l'Aisne, nous avons déclaré que nous considérions l’acceptation, par le comité départemental, du renouvellement partiel et annuel par tiers des corps élus, comme la condition de notre adhésion définitive à l’union des républicains du département.
- Cette déclaration a scandalisé quelques électeurs ; on nous a dit qu’on ne faisait pas de réserve avec le suffrage universel, que tout bon républicain devait s'incliner devant la majorité, que la discipline imposait cette union.
- Ces remontrances ne nous ont point ému ; nous restons, comme avant, résolus à ne pas nous incliner, au premier tour, s’il y a lieu, devant une assemblée dont la majorité refuserait de voter Té-mancipation du suffrage universel de la tutelle des classes dirigeantes.
- Le suffrage universel qui reste, quatre années, sans exercer sa puissance sur les corps élus ne peut aboutir au gouvernement du peuple par le peuple. Les députés nommés dans ces consultations longuement espacées s’habituent bientôt à substituer leurs préférences aux désirs de la nation ; ils changent leur rôle de mandataires pour celui de gouvernants capricieux, traînant la France, un jour, au Tonkin, un autre, à Madagascar, commettant trop souvent des fautes qui devraient rester le monopole des monarchies.
- Le suffrage universel représente des droits imprescriptibles ; il cesse d’exister lorsque, sous Tin-fluence d’une fausse direction, il abandonne ou compromet la moindre partie de son intégralité.
- C’est cette intégralité du suffrage universel que nous voulons faire consacrer par la pratique du renouvellement partiel annuel.
- Est-ce trop demander ?
- En refusant de renoncer à cette revendication, nous ne nous rendons coupables d’aucun acte d’autoritarisme ou d’intransigeance systématique, nous ne faisons rien qui puisse nous faire accuser d’être un obstacle à l’union des républicains de l’Aisne.
- Une renonciation à la seule réforme que nous demandons serait un acte de servile soumission.
- Qui dit union dit entente sur des points communs après concessions réciproques.
- Nous avons fait savoir longtemps à l’avance que nous ne soulèverions qu’un article de notre programme ; nous ne voulions pas qu’on puisse nous
- accuser d’avoir cherché à surprendre les suffrages des délégués au comité départemental.
- La presse départementale n’a objecté aucune réflexion sur l’efficacité et la praticabilité de cette réforme.
- Toutes les autres questions inscrites dans le programme seront certainement des répétitions de revendications depuis longtemps formulées.
- Seul, le projet de renouvellement partiel et annuel aura un caractère'de nouveauté incontestable.
- Mais le rejet par une assemblée, sans examen, de la seule proposition nouvelle qui aura surgi pendant la préparation électorale, serait une preuve de l’intolérance de la majorité de cette assemblée.
- | Comment pourraient-ils avoir la prétention d’être des partisans de l’union et de la tolérance, ceux qui repousseraient le seul projet que soutiennent des républicains dont tout le passé est une laborieuse existence mise au service du peuple.
- Pourtant, d’après ce que nous savons des comités du département de l’Aisne, si le renouvellement partiel annuel est repoussé à l’assemblée générale des délégués départementaux, l’échec sera dû aux manœuvres de ceux qui ont parlé le plus haut d’union, de discipline, de tolérance.
- Beaucoup de citoyens, se méprenant sur la valeur des mots et des idées, appellent union ce qui est en réalité de l’autorité ; par discipline ils entendent obéissance, soumission.
- En ce qui concerne le renouvellement partiel et annuel, les principes d’union commandaient d’étudier la question sous tous ses aspects, de donner la plus grande publicité aux arguments pour et contre, de rechercher comment on pourrait faire des concessions, si l’entente absolue n’était pas possible, de prendre une décision après larges débats, et, une fois cette décision prise, d’invoquer la discipline.
- Mais la discussion, lesdébats, n’ayant pas eu lieu, ne pouvant même plus avoir lieu dans une assemblée qui n’aura que quelques heures pour se prononcer sur l’ensemble du programme républicain et sur le choix des candidats, les adversaires de notre projet, quelles que soient les formes de leur résistance, s’ils réussissent à le faire échouer, feront acte d’autoritarisme, et leurs appels à la discipline ne seront que des invitations à la soumission.
- Nous voulons l’union, la discipline.
- Nous avons une égale horreur de l’autoritarisme et de la soumission.
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- LE DEVOIR
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- Même, si nous ne pouvions invoquer ces considérants à l’appui de notre attitude, nous nous demanderions quel républicain pourrait éprouver quelque répugnance à proclamer la nécessité de la souveraineté du suffrage universel et à accepter le moyen pratique de la rendre effective,lorsque l’embrigadement préfectoral a groupé contre les républicains les partisans de toutes les réactions.
- Nulle autre part, les ennemis du suffrage universel ne se sont organisés avec autant de morgue, comme dans notre département.
- Les démocrates devraient être jaloux d’infliger aux patriciens une défaite significative.
- Le suffrage restreint affirme ses privilèges.
- Répondons lui par la proclamation du Renouvellement partiel annuel, sanction effective de la souveraineté nationale.
- L’opportunité de notre proposition n’est pas discutable.
- Qu’on l’accepte, nous aurons l’union des républicains ; on pourra ensuite invoquer la discipline.
- En agissant autrement, on nous demanderait l’union dans la soumission, à nous qui voulons la discipline dans l’union.
- Attentat au Suffrage Universel.
- La réaction ne prend pas la peine de voiler ses projets; elle affiche sans vergogne ses décisions contre le suffrage universel. Les lignes suivantes extraites d’une circulaire des coalisés sous la raison sociale Sébline, Oncle et Compagnie, contient une bonne leçon à l’adresse des démocrates qui n’osent réclamer le renouvellement partiel et annuel des corps élus :
- Voici en quels termes les patriciens de l’Aisne annoncent leur complot contre la souveraineté des électeurs :
- L’assemblée réunie à Laon le 22 août ’dernier, formée des Sénateurs, Députés, Conseillers généraux, Conseillers d’arrondissements et des Maires des chefs-lieux de canton, a décidé qu’il serait tenu au chef-lieu de chaque arrondissement, une réunion composée des Sénateurs et Députés, des Conseillers généraux et d’arrondissement, des Maires et Adjoints de toutes les communes de l’arrondissement, des Délégués et des Suppléants élus dans chaque commune, pour les dernières élections sénatoriales.
- Cette réunion sera chargée :
- i0 De procéder à la nomination d'un ou de plusieurs candidats républicains, pour les prochaines élections à la Chambre des Députés ;
- 2° De choisir des délégués proportionnellement à la population des cantons de l’arrondissement, la proportion sera d’un délégué par cinq mille habitants ; toute fraction dépassant deux mille cinq cents donnera droit à un délégué en plus.
- Les |démocrates oseraient-ils être en retard de
- franchise avec leurs adversaires. Ils mériteraient ce reproche en repoussant le renouvellement partiel et annuel.
- APHORISMES & PRÉCEPTES SOCIAUX
- LXXXVI
- La guerre c’est l’injustice et le crime poussés à leur plus haute puissance, car c’est la destruction de l’homme par l’homme ; c’est la spoliation de la propriété, le théâtre de toutes les perfidies, de tous les mensonges, Cencouragement à toutes les lâche-chetés et à toutes les bassesses ; elle suscite l’espionnage, la trahison ; elle fomente les haines ; elle noyé dans le sang tous les droits les plus sacrés.
- Il faut abolir la guerre.
- Les Candidats de la Paix
- La liste radicale du département du Jura vient d’être acclamée dans de nombreuses réunions. Elle est composée de Messieurs Gagneur, Victor Poupin, Bourgeois et Reybert.
- Les discours accueillis avec le plus d’enthousiasme sont ceux dans lesquels nos amis développent la thèse arbitragiste. Le réveil de l’opinion publique s’affirme hautement en faveur des idées républicaines.
- Ceux qui prétendent que l’opinion publique, dans les départements n'est pas préparée à l’application des grandes réformes feraient bien d’imiter la conduite des candidats du Jura ; ils verraient, après expérience, que les campagnes ne repoussent aucune idée progressiste.
- Dans le Jura, les députés républicains sont désignés par la population sous le nom de Candidats de la Paix; cette affirmation sera la principale raison de leur succès.
- LE CONFLIT ESPAGNOL-ALLEMAND
- L’article suivant était composé lorsque nous avons appris les nouvelles annonçant les probabilités d’un dénouement pacifique ; nous le publions néanmoins, car les considérations théoriques qu’il contient ne perdent rien de leur force, au contraire.
- Les démonstrations anti-allemandes se continuent en Espagne.
- On prétend que le parti républicain, trouvant dans ces manifestations de nombreuses occasions de saper le gouvernement monarchique, s’efforce de généraliser l’agitation.
- Ces bruits ne peu vent-être fondés,il est peu probable que les républicains espagnols auraient l’aveuglement d’encourager une agitation qui serait basée sur la négation des idées républicaines.
- Nous comprendrions ces entraînements et la nécessité d’une lutte suprême, si le gouvernement de Berlin se montrait résolu à occuper les îles Caro-lines quand même, sans vouloir entendre aucune protestation, sans écouter aucune remontrance.
- La diplomatie allemande se déclarejîprête à soumettre ses prétentions à un arbitrage international.
- Le peuple espagnol n’a aucun intérêt à repousse
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- LE DEVOIR
- cette proposition, au contraire. Comment les républicains de ce pays pourraient-ils passer outre et méconnaître à ce point l’intérêt national ?
- L’arbitrage se ratache à la théorie républicaine dans ce quelle a de plus élevé.
- L’arbitrage n’est que le moyen pratique de ramener pacifiquement les gouvernements et les peuples au respect des questions d’ordre universel.
- Lorsque les gouvernements autoritaires et monarchiques, ne pouvant se soustraire à la pression du progrès social, affichent des tendances aussi nettement progressistes, il serait vraiment surprenant de les voir systématiquement combattues par ceux qui, par tradition et par principe,devraient en être les promoteurs les plus ardents.
- Les républicains espagnols ont suffisamment d’autres armes pour combattre une monarchie corrompue, servilement abaissée devant le despotisme des grands potentats.
- Les républicains espagnols qui veulent sincèrement servir le progrès social doivent s’efforcer de tourner l’esprit populaire vers les sentiments de justice, sans lesquels l’humanité continuera à se mouvoir au milieu des chocs et des convulsions.
- Il n’est pas admissible que des hommes qui combattent l’idée d’arbitrage aient conscience des besoins populaires.
- Il serait profondément triste de penser que les passions politiques puissent faire commettre des fautes si grossières aux partis qui se prétendent libéraux et progressistes.
- Si le gouvernement obéit à l’impulsion qui entraîne le mouvement populaire vers la guerre, quel bien peut en résulter pour l’Espagne ?
- La marine militaire espagnole est moitié moins forte que la marine allemande ; au point de vue financier, iln’y a aucun rapprochement à faire entre le crédit de l’Espagne et celui de l’Allemagne.
- Même, étant admis que la valeur militaire des espagnols secourue par les élans du patriotisme guerrier puisse compenser cette infériorité, comment l’Espagne victorieuse pourrait-elle atteindre l’Allemagne, au point de forcer cette nation à accorder aux vainqueurs une légitime réparation ?
- Il est certain que l’hypothèse, difficilement probable, de l’Espagne victorieuse est inséparable de l’éventualité d’une guerre, longue, pénible et onéreuse.
- Dans le cas plus probable d’une défaite, l’Allemagne aura la possibilité de contraindre l’Espagne
- à la cession de la plus grande partie de ses colonies.
- Voilà les deux termes extrêmes, la victoire sans compensation et la défaite sans espoir, que les républicains espagnols devraient ne pas perdre de vue.
- Si on envisage le conflit selon l’intérêt français, même considéré sous son aspect le plus étroit, il est admissible qu’une guerre maritime causerait des troubles profonds dans le commerce allemand, dont les navires marchands seraient exposés à des dangers trop grands pour se hasarder à tenir la mer pendant la durée des hostilités; mais il est non moins probable que la prise de possession des colonies espagnoles par les allemands permettrait, à ces derniers, de reprendre en peu d’années leur essor commercial.
- Aucune nation, l’Allemagne, exceptée, n’a intérêt, au point de vue purement égoïste, à une guerre maritime entre les deux nations engagées dans le conflit soulevé par les incidents des Garolines.
- Si la morgue prussienne et les appétits coloniaux de M. de Bismarck rendent la guerre inévitable, l’Espagne a besoin de se concilier les sympathies des autres nations.
- L'acceptation de la proposition d’arbitrage intéressera au sort de l’Espagne le gouvernement qui acceptera de faire valoir les droits espagnols devant le tribunal arbitral.
- Toutes ces considérations et bien d’autres sont méconnues par ceux qui poussent systématiquement à la guerre.
- Le progrès humain, à l’heure présente, recevrait une merveilleuse impulsion, si le conflit espagnol-allemand trouvait une solution pacifique devant un tribunal arbitral.
- Les amis de la paix ne pourraient désirer un exemple plus significatif de la puissance de la politique arbitragiste, si leurs efforts parvenaient à faire prévaloir cette résolution.
- D’après les nouvelles de Madrid, il est présumable qu’il dépend de la volonté des républicains espagnols de faire adopter par le peuple une tacticque plus prudente et plus conforme aux intérêts de la nation et aux besoins du progrès social.
- Tant qu’il existera la moindre probabilité de dénouer le conflit autrement que par le recours aux brutales suggestions du militarisme, les républicains espagnols auront le devoir de modérer les ardeurs belliqueuses d’un peuple que son tempérament et son éducation disposent à l’emploi des moyens violents.
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- Il appartient aux républicains clairvoyants de tous les pays de ne pas oublier que le progrès de l’iiumanité doit être préféré aux étroites satisfactions, que quelques-uns éprouveraient en voyant l’Allemagne atteinte dans ses intérêts ou dans sa tierté militaire.
- Nous-sommes en présence d’une crise d’où peut sortir la plus éclatante victoire du progrès social sur la routine et les préjugés, si l’on parvient à apaiser le conflit espagnol-allemand par un arbitrage. Ce but est digne des efforts les plus énergiques de tous les progressistes.
- Acte final de la Conférence de Berlin
- DEVANT LA CHAMBRE FRANÇAISE.
- La chambre française a voté, avant de se séparer, la ratification de l’Acte final de la Conférence de Berlin. Bien que la discussion qui a précédé le vote ait été fort précipitée, MM. Jules Maigne et Jules Gaillard ont au moins pu faire justice de deuxdispositions détestables dont cet acte demeure entaché. L’une est celle qui, ne tenant aucun compte du droit des populations indigènes, rend effective toute occupation nouvelle, de quelque façon quelle se soit accomplie, moyennant noiification faite, non pas aux habitants, mais aux nations signataires de l’Acte ; c’est la consécration brutale du droit du plus fort. L’autre disposition n’est pas moins mauvaise. Pièces en main, M. J. Gaillard, a fait voir que sur l’initiative des Etats-Unis d’Amérique, treize Puissances sur quatorze étaient prêtes à neutraliser la totalité des territoires compris dans le bassin conventionnel du Congo, et à sanctionner efficacement cette neutralisation par une institution d’arbitrage. Ce vote eût éliminé la guerre et fondé la paix sur des territoires dont la superficie mesure 6,250,000 kilomètres carrés, et contient, au bas mot, cinquante millions d’habitants. Une seule puissance s’est mise en travers, et cette Puissance est la France. M. de Courcel qui la représentait, a substitué à la proposition américaine que toute la Conférence acceptait, une rédaction dérisoire qui rend facultatifs la neutralisation et 1 arbitrage, et maintient expressément le droit de guerre. M. Gaillard a prouvé de plus que, le 12 février 1885, c’est-à-dire onze jours avant le vote qui a définitivement tranché la question, il avait demandé à la Chambre de fixer le jour d’une interpellation qu’il voulait adresser à M. Ferry sur cette grave question, et que, pour échapper à l’interpellation, M. Ferry lui avait répondu que la solution relative à l’arbitrage sur laquelle il voulait l’interpeller figurait dans le protocole du 18 décembre et que le débat était clos. Or il résulte du Livre jaune que ce n’est que dans la séance du 23 février que la Conférence a vidé la question. M. Ferry avait donc bel et bien menti.
- Chine & Europe
- Le Times publie un article intitulé :
- 3) Une nouvelle ère dans la politique extérieure de la Chine », dans lequel il signale un accord qui serait intervenu entre l’Angleterre et la Chine.
- Le Times exprime l’espoir que les résultats de cet accord eront précieux ; toutefois, il n’en fait pas connaître les termes.
- Il déclare seulement qu’il pense que les deux nations ont pour but le maintien de la paix, auquel toutes tes deux ont également intérêt.
- L’accord, ajoute l’organe de la Cité, semble comporter une alliance strictement défensive. Dans tous les cas l’Angleterre n’a pas à se préoccuper d’autre chose que de maintenir le statu quo ; il n’entre pas dans sa politique de conclure un arrangement qui pourrait lui créer des embarras, ou la mêler, sans motifs manifestement plausibles, aux querelles justes ou injustes de ses voisins.
- Les Trésoriers-Payeurs Généraux.
- Une puissante ressource va désormais manquer aux députés non réélus, préfets devenus impossibles, et autres fonctionnaires sérieusement recommandés ; on va supprimer les trésoriers-payeurs généraux.
- Pourquoi existe-t-il des trésoriers-payeurs généraux ? On serait assez embarrassé pour le dire. Il n’y en avait pas avant le 21 novembre 1865 et il est probable que les impôts n’en rentraient pas plus mal. C’est à l’empire que nous devons cette création. Les grands corps de l’Etat ne lui paraissant pas suffisants pour récompenser le dévouement de ses partisans, l’aimable régime auquel nous devons le démembrement de la France et l’embarras de ses finances, avait imaginé cette sinécure ingénieuse.
- Ce que font les trésoriers-généraux n’est pas long à énumérer. Ils ne font rien ; la preuve est qu’ils n’ont pas besoin d’être dans leur trésorerie. Autorisation leur est donnée de déléguer leur signature à deux fondés de pouvoirs permanents. Leur intérêt personnel les oblige-t-il au moins à surveiller ces agents9 En aucune manière. Un syndicat a été fondé réunissant tous les trésoriers-payeurs généraux et mettant au compte de la caisse commune les pertes subies par chaoin d’eux.
- Donc le trésorier est une cinquième roue à un carrosse.Exa_ minons ce qu’il touche pour prix de ces services tout à fait hypothétiques.
- Il a d’abord un traitement fixe de 6,000 francs, mais ces 6,000 francs sont une goutte d’eau dans la mer.Outre ce traitement fixe, l’Etat lui alloue un tant pour cent sur l’ensemble des recettes, plus un tant pour cent sur l'ensemble des dépenses^ plus une commission sur le montant de la vente du bois provenant des forêts de l’Etat, plus je ne sais qu’elle commission sur ses opérations de la Caisse des dépôts et consignations, etc., etc. Si bien que, lorsqu’on additionne ensemble ces divers émoluments, on arrive àun total qui varie entre 225,000franes pour le trésorier-payeur général du Rhône et 60,000 pour celui de la Somme, sans compter naturellement les retours de bâton.
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- Il n’y a dans notre démocratie que deux ordres de fonctionnaires qui touchent davantage : le président de la République et les ambassadeurs. C’est vraiment excessif.
- L’ensemble des trésoriers-payeurs généraux coûte au budget
- français près de 4 millions chaque année. Les receveurs particuliers, qui ne sont guère plus utiles, nous coûtent la même somme à peu près. En vingt ans cela représente une somm de 150 millions en chiffres ronds. Arrêtons les frais.
- FRÉDÉRIC MONTARGIS.
- Notre Industrie au Mexique •
- La chambre de commerce française à Mexico vient de faire parvenir, au ministre compétent, un rapport très intéressant sur la situation du commerce français dans l’empire du Mexique où de si importants débouchés sont offerts à tous les produits de l’industrie.
- Nos compatriotes font connaître que l’article importé sur la plus vaste échelle est en ce moment la bijouterie ordinaire. Il s’achète à Paris, mais aussi à Gablouz, à Oberstein et en Bohême. On aime beaucoup l’article de Paris, mais la bijouterie de Gablonz est à un prix inférieur, et, pour ce motif, notre exportation se trouve réduite à un quart de la vente totale.
- Paris invente, les autres pays imitent. Les fabricants allemands s’occupent principalement, de satisfaire le goût de l’acheteur. L’ouvrier de Paris invente ses modèles et s’en tient à son invention. L’ouvrier étranger n’invente rien : il se procure nos modèles et les copie ; il y apporte les changements indiqués par l’acheteur ; il s’applique enfin à établir un article similaire à celui de Paris, en employant des matières premières très ordinaires, pour le livrer à meilleur marché. L’acheteur n’est pas connaisseur, ne recherche pas la qualité et s’en tient au plus bas prix.
- Si l’Angleterre fournit la coutellerie fine, l’article ordinaire français est estime et préféré aux autres. On vend une grande quantité de couteaux de poche de Thiers ; malgré leurs efforts, les ouvriers allemands ne peuvent arriver à l’habileté des nôtres. Le couvert qui se vend le plus ( cuillère et fourchette en métal blanc ) est anglais ; il est à meilleur prix que l’article Christophle dont le modèle ordinaire est trop grand
- L’Angleterre place également 90 0/0 des plumes métalliques, parce que l’on recherche la plume à pointe très fine. Nous n’avons, du reste, jamais réussi à faire accepter de préférence la plume française. Les Allemands n’ont pas réussi davantage.
- Longtemps nos papiers ont joui d’une faveur marquée, mais les papiers américains et allemands commencent à s’importer d’une manière suivie. Le papier à ettre américain, bien qu’inférieur, est très demandé, parce que l’exploitation nouvelle du chemin de fer central mexicain permet de le recevoir à bas prix. L’on importe aussi, de fabrication allemande, des papiers à lettre de fantaisie et des enveloppes qui s’achètent à Berlin dans de meilleures conditions qu’à Paris. Cet article, de création française, est fort bien imité par nos redoutables
- concurrents, qui l’ont même perfectionné. Nous fournissons particulièrement le papier écolier, le papier ministre et les papiers peints.
- La draperie est française pour la bonne qualité chère ; belge pour la bonne qualité avec prix moyen ; allemande pour la qualité inférieure à bas prix. Sur 100 balles exportées, on compte 25 française, 5 anglaises, 40 belges et 30 allemandes. La marchandise belge, presque aussi bonne que la nôtre, est moins chère ; l’anglaise ne convient qu’aux gens de goûts excentriques. L’article français a souvent une trop grande largeur, ce qui occasionne le payement de droits inutiles ; 1 m. 40 suffirait amplement. Le nouveau tarif douanier apportera en notre faveur un remède à cet état de choses, car il établit les droits au poids sans distinction de qualité.
- La chapellerie importe peu d’articles non français. Cependant elle commence à recevoir d’Allemagne des poils de lièvres et des chapeaux pour garçons et fillettes, de mauvaise confection, mais d’un prix excessivement bas. Elle fait aussi venir des Etats-Unis du nord le petit chapeau mou, pour homme, une spécialité très appréciée, qu’elle n’a pu encore faire imiter par les fabricants français, malgré les nombreux échantillons envoyés.
- Elle use de préférence le galon lyonnais; mais voici que les Allemands lui offrent aujourd’hui meilleur marché et plus léger ( ce qui fait une différence sensible pour l’économie des droits de douane ). A Ronsford, les Allemands fabriquent et imilent parfaitement nos bourdaloue ( articles de Saint-Etienne ), et les vendent à un prix inférieur.
- Les armes de chasse et accessoires étaient autrefois fournies par la France ; depuis trois ou quatre ans, l’Allemagne les imite fort bien et les livre à meilleur compte. Les armes à feu proviennent de la Belgique et des Etats-Unis. L’Espagne est arrivée à imiter dans la perfection les modèles de révolvers américains, et elle en exporte en grande quantité depuis quatre ans.
- Les cartouches métalliques que nous pourrions fournir, viennent des Etats-Unis, parce que les compagnies de vapeui's refusent de les transporter, tandis que les navires américains acceptent ces chargements.
- Tous les tissus de cotons sont expédiés au Mexique par l’Angleterre seule. La soierie vient toute de France, du moins, celle de belle qualité. L’Allemagne cherche à l’imiter, mais elle n’y parvient que pour les tramés soie et fil et les étoffes pour doublures, qu’elle livre à des prix fabuleux de bon marché.
- Les vins et liqueurs sont l’objet d’une falsification constante et d’une contrebande considérable.
- Les marques de liquides les plus falsifiées sont celles des maisons de Bordeaux. Les cognacs et vermouths et la chartreuse sont presque partout imités.
- Les premières marques de nos meilleurs vins se placent sur de détestables mélanges de drogues et de vins d’Espagne. On commence à importer des vins de Californie assez agréables, et qui feront une sérieuse concurrence à nos qualités ordinaires, si nous maintenons des prix élevés.
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- LA SOCIÉTÉ DE TEMPÉRANCE
- au Familistère de Guise
- Le jeudi 3 septembre 1885, à 10 heures du matin, M. Jules Robijns, Chevalier de la Légion d’Honneur et de la Couronne d’Italie, Officier de l’instruction publique, Trésorier archiviste de la société de statistique de Paris, Trésorier et Délégué de la société française de Tempérance a remis les récompenses accordées, cette année, au personnel de la société du Familistère de Guise sous la présidence de M. Godin, Fondateur du Familistère, assisté des membres du Conseil.
- M. le Président a souhaité la bienvenue au Délégué de la société française de Tempérance et lui a donné la parole.
- M. Robijns a prononcé l’allocution suivante :
- Monsieur le Fondateur, Mesdames et Messieurs,
- La société du Familistère de Guise concourt, cette année, pour la première fois, aux récompenses que décerne la société française de Tempérance « aux personnes qui lui sont « signalées pour leur zèle en faveur de la Tempérance.
- C’est la première fois que je viens à Guise. Depuis longtemps je voulais visiter cette admirable création de votre fondateur, de cet homme d’élite que rien n’a pu rebuter, qu’aucun obstacle n’a pu arrêter pour mener à bien ce qu’il croyait, dans sa conscience, être la seule pouvant dignement résoudre cette terrible question sociale « l’extinction du paupérisme, a c’est-à-dire l’anéantissement de l’antagonisme qui existe de-« puis tant de siècles entre le capitaliste et le travailleur !!
- Il a formulé cette solution en ces termes :
- « Tout élément producteur doit participer aux bénéfices a dans la proportion des services qu’il a rendus !
- Quoi de plus juste et de plus équitable !
- Je ne veux pas entrer dans d’autres détails aujourd’hui car, Mesdames et M essieurs, il n’y a pas 8 jours que m’est parvenu le numéro du Devoir intitulé : « Le Familistère de Guise, solution de la question ouvrière. »
- Et pour vous faire part de mes réflexions, il faut lire et relire ce Numéro avec grand soin et à tête reposée, c’est ce que je compte faire et alors, s’il y a lieu, je transmettrai une note à votre Président ou vous en parlerai l’année prochaine, car je ne pense pas que ce soit la dernière fois que je vienne au Familistère de Guise.
- Je ne veux pas faire languir plus longtemps ceux d’entre vous qui ont eu l’insigne honneur d’être proposés au suffrage de la société française de Tempérance et je vais énumérer devant vous les récompenses qui leur ont été accordées.
- Tout d’abord, je veux appeler devant vous Meile Conte demeurant à Origny-Ste-Benoîte que j’ai priée de vouloir bien honorer de sa présence notre réunion de ce jour, afin de la féliciter devant tous, Mesdames et Messieurs, du prix qui lui a été décerné par la société, sur la proposition de sa 3e commission des prix, pour sa note sur les dangers de l’alcoolisme.
- M. l’avoué honoraire Ivoc s’est exprimé, dans son rapport à son sujet comme suit :
- « Le sujet est clairement et facilement exposé. La note
- « contient des observations personnelles pleines de sagacité e « démontrent que l’auteur peut faire autour d’elle une propa-« gande utile. Notre excellent collègue, le rédacteur en chef « du Bon Conseiller, croit pouvoir utiliser ce petit trace vail fort modeste mais qui a paru cependant digne d’encoura-« gement. Nous décernons à son auteur une médaille de « bronze et la collection du Bon Conseiller. » Cette note a paru dans le n° d’Avril 1885 sous le titre : « Sur l’ivrognerie. » Je mets à sa disposition 20 exemplaires de ce n° et vous de-i mande, Mesdames et Messieurs, de l’acclamer.
- La Société accorde un Diplôme de membre associé honoraire avec un exemplaire de l’année 1884 de son Bon Conseiller :
- 1° au modeleur Chanoine père, âgé de 68 ans ; il travaille depuis 46 ans, dont 24 au Familistère ; à 14 ans il était apprenti mécanicien, il a élevé 6 enfants ; il lui en reste 3 : il a rempli son devoir de patriote pendant 7 ans dans l’artillerie de marine et son devoir de père de famille en épousant lamère de ses enfants à son retour du service militaire.
- Il mérite vraiment tous vos applaudissements car c’est un honnête homme!
- Depuis l’année dernière il est conseiller municipal à Guise.
- 2° au menuisier Dequenne père qui s’est empressé de s’abonner à notre journal mensuel le « Bon Conseiller» ce dont je le félicite avec enthousiasme.
- Il est âgé de 79 ans, et sert depuis 67 ans dont 26 à l’usine du Familistère.
- Dequenne a commencé à travailler dès l’âge de 7 ans dans la bonneterie. A 12 ans il était apprenti menuisier, à 18 ans il a pris la résolution de s’instruire sans l’aide de personne en suivant des cours. En 1862 il a sauvé un enfant qui se noyait dans l’Oise et en 1865 un homme qui s’y était jeté de propos bien délibéré.
- N’est-ce pas une vie bien remplie ?
- Son fils est conseiller de gérance dans l’association.
- 3° au mouleur Auguste Dorges âgé de 61 ans. 47 ans de service dont 33 au Familistère ; il a élevé 7 enfants et commencé à travailler aux champs dès l’âge de 10 ans.
- 4° au surveillant Louis Massot âgé de 63 ans, il a commencé à travailler dès l’âge de 12 ans chez un filateur, il a rempli son devoir militaire pendant 7 ans et compte 50 ans de service dont 29 au Familistère.
- Dorges et Massot ont une conduite des plus réglées.
- 61 La société accorde une médaille de Bronze avec le diplôme ad hoc et un exemplaire de son manuel picard.
- 1° au mouleur Marcellin Jamart, âgé de 52 ans, il travaille à l’usine depuis 35 ans et dés l’âge de 14 ans, il a fait 7 années de service militaire dans les compagnies d’ouvriers il a élevé un enfant et est d’une conduite très réglée.
- 2° au modeleur Sévérin Lefèvre, âgé de 59 ans, il travaille à l’usine depuis 38 ans et a élevé 5 enfants, il lui en reste 3. Dès l’âge de 8 ans, il aidait l’auteur de ses jours à labriquer des navettes de tisseurs. Malheureusement il
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- LE DEVOIR
- est illettré. Mais en 1848 il a néanmoins sauvé un homme qui se noyait dans l’Oise à Guise.
- Un témoignage de satisfaction est accordé avec l’année 1883 du Bon Conseiller au perceur Jules Rabeau âgé de 59 ans il travaille depuis 32 ans à l’usine, après avoir été 15 ans ; au service d’un autre patron, il a élevé 4 enfants, il lui en reste 1. Dès l’âge de 42 ans, il était ouvrier de fabrique.
- La lecture des années 1883 et 1884 du Bon Conseiller que vous voudrez bien prêter aux camarades vous édifiera complètement sur le but que la société poursuit avec la plus grande énergie depuis 1872. Elle ne mettra bas les armes que lorsque l’alcoolisme sera devenu un mythe. Vous y trouverez l’énumération des diverses récompenses qu’accorde la société, suivant les mérites des candidats qui lui sont proposés.
- Cette année 1283 demandes nous sont parvenues. 975 seulement ont été reconnues admissibles.
- La société a réparti entre eux :
- 244 diplômes de membres associés honoraires.
- 29 médailles d’argent avec diplôme,
- 264 médailles de bronze avec diplôme,
- 49 livrets de caisse d’épargne postale d’une valeur totale de 550 francs,
- 419 manuels picards,
- 12 manuels populaires du Dr Auguste Jauren,
- 9 comptes rendus du Congrès international de 1878 pour l’étude des questions relatives à l’alcoolisme.
- 89 exemplaires de la Conférence H ornais du 17 février 1877 sur l’alcoolisme,
- 162 volumes de son Bulletin « la Tempérance » en 1128 exemplaires de son Journal mensuel le Bon conseiller.
- Je terminerai, Mesdames et Messieurs, en vous remerciant tous et principalement le Fondateur du- Familistère de votre bienveillant accueil et vous prie de nous venir en aide soit en s’inscrivant parmi nos membres fondateurs, titulaires ou associés.
- (20 fr. 10 fr. ou 1 fr. par an) soit en s’abonnant à notre Bon Conseiller (2 fr. par an).
- Merci encore, Mesdames et Messieurs, et à l’année prochaine si votre fondateur nous envoie un état de proposition.
- MAITRE PIERRE
- Par* Edmond ABOUT VIII
- LA CAPITALE DE SON ROYAUME.
- ( Suite )
- — Accordé. Mais nous allons voir le maire de Bulos.
- — Alors vous ne regardez pas mes suri ers ?
- — Ces petits arbres-là ? Je les vois bien assez pour aujourd’hui.
- — Ces petits arbres-là qui ne croissent jamais bien vite, finiront par devenir grands. Lorsqu’ils auront quinze ans, j’ôterai leur écorce .et je la jetterai au feu. Dix an-plus tard, je les écorcherai derechef, mais pour faire des bouchons. Un beau surier donne deux mille bouchons,
- c’est-à-dire vingt francs. On nourrit plus de cent suriers sur un hectare : on les exploite tous les dix ans, c’est donc un revenu de deux cents francs par année. Suivez-vous mon calcul ?
- — Parfaitement ; mais allons voir le maire de Bulos.
- — Les chênes, poursuivit maître Pierre, sont plus délicats que les pins. Il est bon de les arroser en été, j’entends quand ils sont jeunes. Pour abreuver les miens, j’ai fait percer quelques trous dans l’alios. L’eau jaune qui croupit sous la couche de grès ne déplaît point aux arbres comme aux bêtes. C’est une espèce de purin, une eau de fumier dont nous régalons nos jeunes plants à peu de frais. Chacun des puits que vous voyez m’a coûté un franc cinquante centimes. Ceci vous prouve, monsieur, qu’avec un peu de travail on tire parti des choses les plus nuisibles. Les dunes qui menaçaient le midi de la France sont devenues une des ressources du Trésor. Les pluies simpiternelles du printemps, qui noyaient la végétation, l’accélèrent ; la brise salée de l’Océan nourrit mes jeunes pins ; les marais qui nous donnent la fièvre nous donneront bientôt du fourrage ; l’infusion d’alios qui faisait crever les brebis fait pousser des glands pour les pourceaux, des bois pour les navires et des bouchons pour les bouteilles. Ceci posé, je ne vous retiens plus : allons voir mon ancien tuteur, M. le maire de Bulos.
- « Vous êtes bien heureux d’avoir une bonne route, large de huit mètres, bombée en dos d’âne et bordée de fossés. C’est moi qui l’ai faite. Il y a dix ans, vous ne seriez pas arrivé au village, ou vos échasses auraient été longues. Les gens de Bulos étaient isolés du monde entier durant toute la saison des pluies. Du reste, ceux de la Canau ne nous en redevaient guère. Nous avions des routes sur la carte, mais point dans le pays. On appelait chemin de grande vicinalité un large ruban d’eau sale, entrecoupé de fondrières à noyer les bœufs. Les voyageurs prudents passaient à côté de la voie ; c’est une habitude qui s’est perdue à Bulos, mais qui persiste, et pour cause, dans presque toute la contrée. »
- Le chemin que nous suivions pour arriver à Bulos n’était pas empierré comme une route impériale, mais on y marchait à sec, et je n’àurais pas eu mes pieds humides si l’eau n’était entrée dans mes souliers par le collet de mon habit. C’était une large bande de terre, élevée au-dessus du sol environnant par le déblai des fossés. Un chariot pesant y aurait fait quelque dégât, mais les piétons, les chevaux et les voitures légères y laissaient peu de traces. Le terrain, battu et consolidé par le passage des bêtes et des gens, était merveilleusement préparé, soit qu’on voulût le charger de pierres, soit qu’on préférât y poser des rails de bois. « Qu’en pensez-vous ? demanda maître Pierre avec une pointe d’orgueil.
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- LE DEVOIR
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- — C'est fort joli, pour du provisoire. Et cela coûte ?
- — La route et les fossés, tous frais faits, reviennent à seize sous le mètre courant, ou 800 francs le kilomètre. Il y a cinq lieues de route dans la commune, et c'est moi qui les ai tracées.
- — A vos frais ?
- — Non.
- — Aux frais des habitants de Bulos ?
- — On voit bien que vous ne les connaissez pas.
- — C’est donc aux frais de l’Etat ?
- — L'Etat a d’autres chiens à fouetter. J'ai fait mes* routes aux frais du désert. C’est le diable qui paye. »
- Je ne le comprenais pas plus que s’il eût parlé l'égyptien des Pharaons. Il s'interrompit pour me montrer un beau puits placé à l'entrée du village.
- « Voilà, dit-il, un puits d’eau claire, d'eau douce, d'eau parfaite. Nous en avons deux, c'est moi qui les ai creusés
- — Toujours aux frais du diable ?
- — Toujours.
- — Et cette mairie neuve ?
- — Cette mairie, qui sert aussi de maison d’école, est bâtie aux dépens du même capitaliste.
- — Je ne le savais pas si généreux. Me direz-vous qu'il a poussé l’abnégation jusqu'à faire les frais de cette jolie petite église ?
- — De l'église et du presbytère attenant. La population de la commune se composait de quatre cents pauvres malheureux qui n'avaient pas le sou, et j'ai fait des travaux pour vingt mille écus. Je vous expliquerai cela chez mon tuteur ; voici la porte. Passez le premier, s’il vous plaît. »
- Je ne fis pas de façons, et j’entrai comme un torrent dans une petite maison assez propre. Le maire et sa famille étaient réunis dans la cuisine, autour d’un feu d’allumettes. Tout le monde se leva en notre honneur, et le fonctionnaire municipal vint embrasser mes guides et me donner la bienvenue,
- C’était un grand vieillard, sec et noueux comme un orme de cent ans, et quelque peu voûté par l’âge. 11 parlait avec lenteur et d’un ton d’importance. Je ne pus m’empêcher de sourire au milieu de l’eau, comme un arc-en-ciel, lorsqu’il me dit solennellement : « Monsieur, maître Pierre est mon élève, ou plutôt mon pupille, pour parler comme la loi. »
- Il jeta sur le feu quelques fagots de brandes, en m’invitant à me dépouiller de mes habits. Je m’installai du nbeux que je pus, et bientôt la vapeur s'éleva autour de moi, comme un gros nuage autour d’une montagne des Alpes. Maître Pierre s’apprêtait à suivre mon exemple lorsque son tuteur lui dit :
- « Il y a du monde pour toi à l'auberge de Bulos.
- — Ah ! Et qui donc ?
- — Le fils Tomery, de Bordeaux, avec deux messieurs de ses amis! »
- Maître Pierre sauta sur le manteau de la cheminée, attacha ses pieds à ses échasses et cria vivement à Mari-nette : « Arrive ici et chausse tes escarpins de sept lieues ; nous n'avons que le temps. »
- ( A suivre )
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- LA POLITIQUE DU TRAVAIL
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- Cet opuscule, dont la première édition tirée à 12,000 exemplaires a été épuisée, vient d’être réédité par la Librairie du Familistère, avec quelques modifications du premier texte. Le titre indique suffisamment l’actualité de cette publication.
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- État civil du Familistère. '
- Semaine du 31 Août au 6 Septembre 1885.
- Naissance :
- Le 2 septembre, de Delvigne Marcel-Edmond, fils de Delvigne Edmond et de Lefèvre Adriana.
- Le Directeur Gérant : GODIN.
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- OUVRAGES de M. GODIN, Fondateur du Familistère Le Gouvernement, ce qu'il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action.
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- raineté, l’association des ouvriers aux bénéfices de l’industrie, les habitations ouvrières, etc., etc.^ L’ouvrage est terminé par une proposition de loi à la Chambre des députés sur l’organisation de l’assurance nationale de tous les citoyens contre la misère.
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- 9e Année, Tome 9,— H° 367 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 20 Septembre 1885
- BUREAU
- a GUISE (Aisne)
- Toutes les communications
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
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- SOMMAIRE
- La question sociale et les Elections. — L’assurance obligatoire en Allemagne. — Adoption d’un candidat ouvrier en Angleterre.— Chiffres royaux.— La femme en Russie. — La société de participation aux bénéfices.-- Appel du comité du droit des travailleurs à la retraite. — Le congrès des Instituteurs.— Les candidats républicains du département de l’Aisne. — Les élections dans l’Aisne et le renouvellement partiel. — Suffrage universel. — M. Goblet au Havre. — Un cahier électoral. — Bibliographie. — Bibliothèque du Familistère. — Maître Pierre. — Etal-civil du Familistère.
- La Question sociale et les Élections.
- Si l’on excepte quelques départements, d’après les contenus des programmes électoraux et d’après les idées que met en relief l’agitation électorale,on se croirait dans un pays qui a épuisé l’examen de problèmes sociaux.
- Presque partout, la lutte électorale ne sort pas des lieux communs inhérents au choix des candidats.
- Les partis avancés tentent de justifier leurs titres par une exagération inconcevable de l’urgence de certaines réformes politiques impuissantes à modifier sensiblement la situation générale.
- Les modérés osent à peine réclamer quelques réformes, en des termes sans signification précise.
- Au milieu des compétitions que suscite l’ambi-fion des personnalités en jeu, les cris des affamés, ies appels des ouvriers lyonnais et de tous les tra-vailleurs que la concurrence met en chômage ne s°nt entendus de personne.
- Espère-t-on,qu’en refusant d’écouter ces plaintes légitimes, elles s’atténueront d’elles-mêmes ?
- Ou bien prévoit-on, dans un avenir prochain des événements qui remettront les choses en bon ordre sans aucune intervention des gouvernements
- Si cette prévision n’existe pas, il faut avouer que l'indifférence générale est grandement coupable.
- Autant que l’on veuille s’illusionner, il n’est pas possible de pousser l’aveuglement aussi loin.
- La question sociale et les problèmes que posent le paupérisme et la lutte brutale pour l’existence subsistent avec tous les germes de mécontentement et de colères que légitiment la misère et la souffrance imméritées.
- Il est incompréhensible que cette situation ne fixe pas l’attention des honnêtes gens.
- L’indifférence des candidats est explicable ; ils sont tous, des individualités uniquement préoccupées de leur réussite ; tout ce qui est étranger à leurs succès ne compte pas à leurs yeux.
- Chaque problème que soulève la question sociale est ainsi apprécié par eux : L’amélioration du sort des classes laborieuses est une chose juste, mais en la poursuivant on se met en opposition avec les égoïstes possesseurs de la fortune et ceux-ci font l’opinion publique, donc, pour ne pas compromettre l’élection, il faut mettre tout cela de côté avec les autres projets susceptibles d’éloigner le concours de ces influences.
- Aucun de ceux qui ont le moyen d’agir , en ces circonstances, ne consent à prendre en considération la juste protection qui revient aux victimes de la question sociale et à tenter de réunir tous ces
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- malheureux et les honnêtes gens, pour une action commune contre Finjustice et la misère que la mauvaise organisation sociale fait supporter aux déshérités.
- Il serait grand temps cependant que l’on se fasse d’autres idées sur la nécessité de trouver un remède à ce mal.
- Si on a pas le courage d’agir sous Finlluence des inspirations altruistes, chacun devrait se sentir menacé par la misère des autres.
- Jamais on a vu les misérables se résigner, lorsqu’ils ont apprécié qu’ils étaient assez nombreux et assez forts pour risquer une révolte.
- Les ouvriers de Lyon manifestent par groupes de trois ou quatre mille ; qui oserait prétendre que la sécurité publique ne serait pas compromise si le nombre de manifestants devenait plusieurs fois plus nombreux ?
- C’est pourtant vers une augmentation incessante du chômage que nous pousse notre mauvaise organisation sociale.
- Chacun sait ou devrait savoir que toute diminution de travail, dans un corps de métier, est accompagnée d’une suspension de salaire, qui a pour conséquence une baisse dans la consommation, laquelle baisse engendre de nouveaux chômages et ainsi de suite.
- Cet enchainement des faits économiques n’aboutirait pas à des complications aussi graves, si, comme à d’autres époques, nous avions la perspective de grands travaux qui pourraient absorber l’excédent des travailleurs disponibles. Aurions^ous cette éventualité, les améliorations que procurent ces sortes d’entreprises ne sont pas durables : il n’y a pas là une solution. Ces mesures ne dépassent pas la portée d’un expédient passager dont les bons effets sont limités à une durée qui s’étend rarement à une longue période.
- La question sociale a besoin d’être étudiée ; il faut la rendre compréhensible pour tous, autant que possible, et faire en sorte que ceux qui saisiront son enchainement se séparent résolument des politiciens encombrants qui accaparent l’opinion publique, sans que la société en retire le moindre profit.
- Bientôt, nous serons délivrés de l’agitation de la période électorale, nous reprendrons l’étude des causes de la misère, et nous tenterons de grouper les bonnes volontés qui ne s’épouvantent pas de la grandeur des œuvres qui conduisent à l’extinction du paupérisme et à la généralisation du bien-être.
- Nous ne pouvons avancer fructueusement dans
- cette voie, à cette heure, quel que soit notre désir de ne pas nous laisser arrêter par les futilités de la politique électorale réduite à des questions de personnes ; il faut momentanément laisser l’opinion publique à ces préoccupations secondaires
- Notre opinion est que l’indifférence générale pour tout ce qui concerne la question sociale ne peut se prolonger sans livrer les sociétés à d’af-reuses convulsions.
- Le nombre des lecteurs des études sociologiques n’est pas élevé ; cependant ils sont suffisamment nombreux pour que la moitié d’entre eux puisse, s’ils voulaient se grouper en vue d’une action militante , dominer l’indifférence et pousser, malgré elles, les sociétés vers les pratiques rationnelles.
- La question sociale nous enserrede plus en plus; l’heure critique sera bientôt venue si l’on persiste à ne pas entrer dans la voie des réformes.
- L’attitude des candidats et des comités ne nous permet pas d’attendre de la prochaine Ghambre un résultat tel que nous le désirons.
- Pourra-t-on, en dehors des hommes politiques, recruter parmi les honnêtes gens un noyau d’hommes dévoués, capables de réparer les fautes des politiciens ?
- Nous attendons la réponse des honnêtes gens ?
- Malheur à tous, si elle se fait attendre trop longtemps 1
- L’assurance obligatoire
- EN ALLEMAGNE
- Dans quelques années, tout le monde en Allemagne devra être assuré contre les accidents. La loi du 5 juillet 1884 avait établi le principe de l’assurance obligatoire, mais seulement pour les ouvriers employés dans les établissements industriels. À peine est-elle entrée en vigueur et déjà le Parlement allemand a voté, sur la proposition du gouvernement, une loi nouvelle soumettant à l’obligation de l’assurance plusieurs catégories de travailleurs qui n’étaient pas visés par la loi du 6 juillet 1884.
- Cette loi s’applique : 1° aux employés des postes, des télégraphes, des chemins de fer, ainsi qu’à tous les métiers dépendant de l’administration de la marine ou de Farinée : 2° aux ouvriers employés aux travaux de curage ; 3° à ceux employés au camionnage, à la navigation intérieure, au flottage, à l’exploitation des bois, aux aqueducs et au halage ; 4° au métier d’expéditeur, emmagasineur et metteur en cave ; 5° à celui d’empaqueteur, de facteur, trieur, peseur, mesureur, inspecteur et arrimeur.
- Pour tous les ouvriers soumis à la nouvelle loi, 1 assurance fonctionnera dans les conditions déterminées par la loi du 6 juillet 1884. Il y est cependant fait une dérogation im-
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- portante en ce qui concerne les employés des administrations j des postes, des télégraphes, de la marine ou de l’armée, ainsi que les ouvriers employés à des travaux de chemins de fer, de navigation intérieure ou de curage opérés pour le compte direct de l’empire ou de l’un des Etats allemands. Pour eux, la berufs genossenschaft, sorte de comité d’ouvriers institué par la loi de 1884 et chargé de représenter les intérêts des ouvriers assurés, est remplacée par l’empire lui-même ou l’Etat particulier pour lequel fonctionne l’administration qui a employé l’ouvrier.
- D’après l’exposé des motifs annexés au projet de loi, cette modification présenterait divers avantages. D’abord économie et simplification dans le fonctionnement. Les chemins de fer, parexemple, ont une administration organisée et répartie en services distincts ; cetts administration peut être utilisée pour l’assurance des ouvriers sans qu’il soit besoin d’organiser un bureau spécial d’assurances.
- Aussi le projet de loi établit la même organisation pour les métiers se rattachant à l’exploitation des chemins de fer, aux opérations de curage, de navigation intérieure, par exemple les métiers qui sont exercés dans les fabriques pour le compte des exploitations énumérées ci-dessus. Mais comme, en tant que métiers exercés dans les fabriques, ils sont déjà soumis aux règles d’assurance de la loi de 1884, la loi nouvelle prend soin de stipuler que ces règles ne leur seront plus applicables et qu’ils dépendront de l’administration d’assurance dont relève l’exploitation à laquelle ils se rattachent.
- A un autre point de vue, il y avait également avantage, fait remarquer l’exposé des motifs, à soustraire aux disposi-sitions de la loi de 1884 les métiers exécutés pour le compte des administrations de la guerre et de la marine, et de leur appliquer- le nouveau mécanisme d’assurance. Combien, en effet, il eût été difficile, avec l’organisation et le contrôle des berufs genossenschaften, de garder le secret souvent nécessaire sur les moyens de fabrication !
- Aux termes de la nouvelle loi, l’assurance sera obligatoire dans tous les métiers dont nous venons de parler, mais seulement pour les ouvriers qui ne reçoivent pas un traitement fixe et n’ont pas droit à la retraite à titres d’employés de l’empire, d’un État ou d’une commune.
- Cette loi a été discutée pour la première fois par le Parlement allemand le 30 janvier dernier. Au cours de la discussion, les nationaux-libéraux et les libéraux proprement dits se sont plaints qu’on en ait exclu les employés de la navigation maritime, malgré les dangers auxquels leur métier les expose et les employés ordinaires de l’Etat et des communes. Le gouvernement répondit qu’il s’occupait de préparer un projet de loi spécial les concernant. 11 déclara d’ailleurs d’une manière générale que les projets d’assurance ouvrière qu’il présentait successivement constituaient autant d’améliorations dans le fonctionnement du mécanisme des assurances, susceptible encore de perfectionnements, et que, pour ce motif, I d ne pouvait les présenter tous le môme jour.
- En même temps qu’il saisissait le Parlement du projet de ’oi dont nous venons d’exposer les dispositions principales, le gouvernement allemand avait soumis à cette assemblée un projet du même genre, spécial aux ouvriers agricoles. Mais les conservateurs, qui avaient jusque-là soutenu le gouverne-ment dans les questions d’assurances, élevèrent, cette fois,
- I certaines objections. Ils émirent la crainte que l’assurance ne créât un lourd fardeau pour les paysans déjà si obérés par les charges actuelles et le mauvais rendement de l’agricuî-tu' e. Ils insistèrent sur le danger d’appliquer au pauvre cultivateur les effets des lois d’assurance dont le fonctionnement et le succès n’étaient pa encore assez éprouvés et qui avaient besoin d’améliorations. Ils firent observer l’injustice qu’il y aurait à exclure de l’assurance le paysan ne possédant qu’un champ peu étendu, et qui se blesserait en cultivant ce champ, quand son voisin serait soutenu en cas d’accident, parce que, bien que peut-être plus riche, il n’auraff pas travaillé à son propre compte.
- Les libéraux et les nationaux-libéraux répondirent qu’il serait peu juste de traiter les ouvriers de l’agriculture moins que ceux de l’industrie. Le gouvernement, de son côté fit observer qu’on risquerait ainsi de faire déserter l’agriculture pour l’industrie par les ouvriers. Il ajouta que les dépenses de de l’assurance ne s’élèveraient guère par ouvrier qu’à 40 pfennings (50 centimes). En résumé, selon lui, il fallait toujours admettre le principe de l’assurance agricole, mais son réglement et son fonctionnement, avec ou sans la participation des communes étaient des questions de détail qui pouvaient être étudiées à loisir avec le concours des conservateurs et des libéraux. Dans ces conditions, le projet fut, à l’unanimité, renvoyé à une commission de vingt-huit membres.
- Les travaux de cette commission seront sans doute assez longs et ce n’est qu’au cours de la prochaine session que le projet sur l’assurance agricole verra le jour sous une forme d estinée à rallier l’assentiment des divers groupes parlementaires.
- On le voit, le principe de l’assurance obligato ire tend à recevoir en Allemagne une application de plus en plus générale. Il a pour lui le gouvernement, le Parlement et l’opinion publique.
- ADOPTION D'UN CANDIDAT OUVRIER EN ANGLETERRE
- L’Angleterre est, comme la France, en travail d’élection. Or, nous lisons dans « The Newcastle daily chronicle » que la division de Jarrow, dans une réunion électorale provoquée par la ligue du parti radical et ouvrier, vient d’adopter à une écrasante majorité et au milieu des plus chaleureux applaudissements, un candidat du travail.
- Ce candidat, nous l’annonçons avec plaisir, est M. James Johnston, Ingénieur civil, celui-là même qui, avec MM. Vansittart Neale et Holyoake, vint au Familistère, le 24 juillet dernier, avant de se rendre, à Paris, au congrès des coopérateurs français.
- Nous extrayons de « The Newcastle daily chronicles> les points saillants des déclarations de M Johnston :
- « Le candidat s’est prononcé pour l’instruction gratuite, et pour la suppression des allocations à T Eglise. Il a enlevé les bravos de l’auditoire en demandant que les fonds consacrés à l’entretien des grands dignitaires fussent employés à des œuvres utiles : instruction du peuple, ou autre,
- « Il s’est déclaré partisan de l’abolition de la pairie héréditaire à la chambre des Lords. Il a demandé la suppression
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- LE DEVOIR
- des pensions et sinécures accordées pour de prétendus services rendus par des chefs de famille morts il y a longtemps ; les hommes, selon lui, devant être rémunérés pour leurs services actuels et non pour ce qui a été fait par leurs ancêtres.
- « 11 s’est dit impatient de voir rendre justice à l’Irlande, de voir ce pays se gouverner lui-même dans la mesure la plus large possible, sans porter atteinte à l’unité de l’empire Britannique. 11 voudrait que la question de propriété du sol fût réglée par la législature irlandaise elle-même. »
- Lorsque les sociétés de paix et d’arbitrage international font tant d’efforts en Angleterre pour élever l’esprit public à la compréhension de leur but, nous eussions été heureux d’entendre M. Johnston se déclarer, en outre, partisan de l’abolition de la guerre, au moyen du réglement, par l’arbitrage, des différends internationaux.
- Quant à la véritable organisation du suffrage universel, point qui n’est pas touché par M. Johnston, nous reconnaissons que c’est à la France qu’il appartient, entre toutes les nations européennes, de prêcher d’exemple et de montrer comment la souveraineté du peuple peut être rendue effective par l’institution du scrutin de.liste nationale et le renouvel-e ment partiel et annuel de tous les corps élus.
- Chiffres royaux.
- Dans un livre paru récemment, Jacques Bonhomme chez John Bull, je trouve un relevé approximatif de ce que coûte une famille royale. Car ce n’est pas seulement la reine que John Bull entretient, c’est, avec elle, un tas de
- princes et de princesses. Comptons.
- livres sterling
- La reine.................................619.379
- Le prince de Galles......................40.000
- Le duché de Cornouailles lui rapporte . . . 71.116
- La princesse de Prusse, fille de la reine . . . 8.000
- La princesse de Galles, (quoique Danoise, sa
- mère est Allemande).........................10.000
- Le due d’Edimbourg, fils de la reine. . . . 25.000
- La princesse Christian, fille de la reine . . . 6.000
- La marquise de Lorne, fille de la reine ... 6.000
- Le duc de Gonnaught, fils de la reine . . . 25.000
- La princesse Béatrice,fille de la reine . . . 6.000
- La duchesse d’Albany, veuve du duc d’Albany, princesse allemande de Waldeck-Pyrmont . . 6‘000
- La duchesse de Cambridge, princesse allemande, veuve du duc de ce nom, fils de Georges III . . 6.000
- La duchesse de Mecklembourg-Strélitz, sœur du
- présent duc de Cambridge.................... 3.080
- Le duc de Cambridge, cousin germain de la reine. ................................................12.000
- La princesse de Leck, sœur du duc de Cambridge, mariée à un prince allemand .... 5.000
- LA FEMME EN RUSSIE^
- par Marie Zébrikoff.
- I
- Une femme América ine, Miss Blackwell,ouvrit, la première à son sexe, le chemin de la science médicale ; une femme Russe, M*119 Nadiegda Souslova accomplit le second pas. Fille d’un paysan russe possédant quelque fortune, elle prit ses grades à l’université de Zurich, et se soumit ensuite, pour obéir aux lois de son pays, aux examens russes. Elle les passa si brillamment, qu’elle étonna nos célébrités médicales. Elle a aujourd’hui la réputation d’un habile médecin et possède une très-nombreuse clientèle à St-Pétersbourg.
- Près de vingt ans se sont écoulés depuis ce jour, les femmes russes ont donné bien des preuves éclatantes de leur habileté, de leur persévérance, de leur courage et elles ont remporté des distinctions académiques dans beaucoup d’Universités d’Europe.
- Chaque nouveau mouvement, si léger qu’il soit a ses racines profondes dans la vie nationale. La grande impulsion des femmes russes vers l’éducation scientifique naît de l’état social et politique du pays.
- Bien que les antécédents historiques des Etats-Unis et de la Russie n’aient entre eux absolument rien de commun, il y a cependant des points de ressemblance entre les deux Etats.
- En dépit des vieilles barrières divisant les nobles, les marchands et les paysans, Pierre le Grand lui-même ne put greffer le droit d’aînesse sur les institutions russes. La noblesse s’attacha à la coutume démocratique de répartir la propriété également entre tous ses fils, de sorte que nulle aristocratie héréditaire ne fut introduite d ans la vie sociale.
- La fille reçoit un quatorzième de l’héritage du père.
- Quand il n’y a pas d’héritiers mâles, c’est-à-dire pas de fils, la propriété est répartie également entre les filles, et la mère reçoit un septième de la succession réelle et un quart de la propriété personnelle. La veuve et les orphelines ne courent pas le risque d’être chassées de la maison, comme en Angleterre, quand la succession revient à un héritier mâle d’une branche collatérale.
- Il y a encore d’autres exemples d’esprit démocratique en Russie. Avant Pierre le Grand, les offices du gouvernement n’étaient tenus que par des nobles. Depuis Pierre le Grand, le titre nécessaire n’est plus la naissance mais l’instruction. Le fils d’un paysan, d’un marchand ou d’un mécanicien, peut donc obtenir une belle place s’il possède l’instruction voulue.
- Quand la chaîne des serfs fut brisée, le 19 février 1861, la question de l’émancipation des femmes fut la première ouvertement discutée dans les journaux et devint un des facteurs du progrès en Russie.
- Néanmoins, les femmes ne peuvent se glorifier encore que de très-peu de victoires pratiques, guère plus de trois-
- 848.675 21 millions 216,875 fr.
- (1) Extrait du livre de M. Stanton : The woman question in Europe.
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- Nos femmes sont maîtresses de leur propre fortune ; elles participent aux choix des membres du conseil municipal et des assemblées départementales, par l’intermédiaire d’un ami ou d’un parent qui les représente aux élections ; et elles jouissent de la possibilité d’acquérir l’éducation supérieure arrachée par leurs braves efforts personnels aux membres récalcitrants de la société et de l’administration .
- Les deux premiers privilèges sont acquis aux femmes russes depuis des siècles, tandis que dans ia libérale Angleterre elles ne le possèdent que depuis très-peu de temps et que dans la France républicaine elles en sont encore privées.
- Malgré ces avantages, la condition d’une femme russe à l’égard des relations entre parents et enfants, époux et épouse, est celle d’un être dépendant. Comme fille, elle est sous la puissance de ses parents jusqu’à la mort. Quand elle atteint sa majorité, elle ne devient' pas libre de penser ni d’agir par elle-même. L’obéissance complète est son lot, excepté dans deux cas : 1° si les parents incitent leur fille au crime ; 2° s’ils lui ordonnent de faire un acte illégal. Mais en cas semblable tout est contre la fille. Car elle doit prouver la vérité de ses allégations devant les tribunaux, procédé très difficile, dans un pays où l’on entoure de mystère toute action criminelle et où les témoignages des femmes sont considérés comme de moindre poids que ceux des hommes. Une clause du code dit : « Quand deux témoignages ne s’accordent pas, le témoignage de l’adulte l’emporte sur celui d’un enfant, et le témoignage d’un homme sur celui de la femme. »
- L’autorité des parents sur leurs enfants ne cesse qu’à a mort, excepté dans le cas où le garçon entre au service de la couronne ou bien quand la jeune fille se marie, car dit la loi : On ne peut raisonnablement attendre d’une personne quelle satisfasse pleinement deux pouvoirs aussi illimités que celui de l’époux et celui des parents.» Les parents ne peuvent donc exiger de leur fille mariée une obéissance aussi étendue que de leur fille non mariée.
- Les parents ont le droit de punir leurs entants rebelles, et lés autorités séculières et ecclésiastiques sont armées par les lois pour leur venir en aide. Sur une simple requête des parents, et sans aucune enquête judiciaire, l’enfant peut-être envoyé dans une maison de correction, condamné à un travail pénible, ou enfermé dans un monastère pour y subir la discipline religieuse. Heureusement la société russe s’élève au-dessus de ces lois barbares ; leur application est aujourd’hui extrêmement rare, et occasionne toujours beaucoup de clameurs.
- La mère Russe est sur le même pied d’égalité que le père pour imposer l’obéissance filiale. L’esclave d’hier peut-être un tyran demain, si elle est mère et que le mari lui laisse sa liberté d’action, ou bien si elle est» veuve.
- Nul ne peut se marier sans le consentement des parents. 11 n’y a que deux provinces en Russie : Pultava et Chernigoff, où une fille atteignant vingt-un ans puisse prendre des mesures légales pour forcer le consentement de ses parents ; encore faut-il que le père et la mère
- soient gardiens de propriété lui appartenant. En fait les femmes profitent très peu de cette loi.
- Si la fille n’est pas libre dans le choix d’un époux, les parents ne peuvent pas la forcer à prendre un mari contre son gré. Le prêtre ne peut commencer la cérémonie si la jeune fille déclare quesesparents Font forcée à accepter la demande en mariage. Mais on doit concevoir que l’affirmation de ce droit exige une bien grande somme de courage moral de la part de la jeune fille, qui, après le scandale public causé par une telle déclaration, devra retourner chez ses parents irrités de sa désobéissance e manquant, ainsi que le prouve leur conduite, de véritable affection pour elle.
- Une grande et salutaire victoire sera gagnée quand les lois du mariage seront radicalement transformées en Russie.
- Par le mariage la femme devient la sujette d’un maître autocrate. A 1 exception de sa dot, car elle est maîtresse absolue de sa propre fortune, la femme est entièrement au pouvoir du mari. Si elle est malheureuse, il lui faut supporter son lot. Son mari peut être ivrogne, dissolu, immoral, malhonnête, brutal, elle reste sa femme. La loi ne reconnaît là aucun motif de divorce.
- Le divorce n est accordé en Russie que dans les quatre cas suivants :
- — 1° Incapacité physique pour le mariage de la part de la femme ou du mari ; dans ce cas, la femme doit prouver sa virginité après trois années de vie conjugale.
- 2° Adultère du mari établi par deux témoins présents au moment où le fait à été commis, exigeance rendant la preuve de l’infidélité à peu prés impossible.
- — 3° Disparition du mari pendant une période de cinq années. Dans ce cas, la femme peut s’adresser à un conseil ecclésiastique pour l’annulation du mariage Mais ce tribunal est aussi dilatoire que vénal. Le divorce est accordé seulement quand le mari ne répond pas aux assignations de la cour, et la plus légère rumeur qu’il aété vu ou entendu dans quelque quartier, entraîne souvent la procédure à de si interminables longueurs que la pauvre femme y perd la fleur et la force de la jeunesse.
- — 4° Le dernier cas de divorce est celui oû le mar est privé de ses droits civils et exilé en Sibéri e. La femme peut suivre son mari, mais tous les enfants nés après la dis grâce du père sont considérés comme appartenant à 1 plus basse classe de la société, et assujettis comme Ieura père à la dégradante pénalité du fouet. L’épouse et les enfants nés avant la condamnation conserventleur position sociale. Quand la femme s’autorise de la dégradation du mari pour obtenir le divorce, les autorités religieuses lui accordent sa requête, et le pouvoir séculier lui donne un passe-port établissant sa nouvelle condition; elle peut alors se remarier.
- Il faut dire à l’honneur des épouses russes que très-peu recherchent le divorce dans ce quatrième cas ; bien plus généralement elles partagent le sort de leur époux exilé ou restent sans lui, afin que les enfants puissent recevoir une éducation qu’ils ne pourraient trouver dans quelque village lointain de la Sibérie.
- La loi civile reconnaît la séparation entre le mari et la
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- femme, mais cette séparation ne doit pas être confondue avec le divorce. Elle ne se produit que quand les deux parties y consentent et ne leur donne pas le droit de se marier de nouveau,
- La loi attribue la fille au père et le fils à la mere,par le motif que le plus fort doit soutenir le plus faible. Quand la femme est sans fortune, le mari est obligé de subvenir à son entretien et à celui des enfants, ainsi qu à leur éducation. . . .
- Si la femme quitte volontairement son mari, celui-ci peut-la forcer à retourner près de lui et requérir au besoin Eaide de la police.
- Si, d'autre part, le mari abandonne sa femme, celle-ci peut réclamer de lui l’argent nécessaire pour se soutenir elle et ses enfants. L’indépendance pécuniaire de la femme russe (puisqu’elle est maîtresse de sa fortune,) la conduite à quelques autres privilèges.
- Comme propriétaire elle paie des taxes, et, par conséquent, participe aux choix des membres du conseil municipal et à la composition de l’assemblée départementale qui nomme le comité de surveillance des affaires publi -ques de la région.
- Ces droits possédés par les femmes russes n’ont pas de
- portée politique. .
- Les pouvoirs des assemblées municipales et régionales sont comparables à ceux d’une maîtresse de maison ou d’un intendant de grand domaine ; ces assemblées recueillent les taxes et les dépensent en écoles, hôpitaux, routes et canaux. Mais elles ne font pas de lois, n adressent pas de vœux, en un mot ne font, rien pour changer l’ordre des choses. Cependant, elles exercent une grande influence dans leur cercle étroit et sont un premier pas vers le Self-govemment.'
- Les américaines demandent à participer a 1 ordonnance des lois auxquelles elles sont forcées d’obéir. Mais les femmes russes ne peuvent pas faire une si fière réclamation, puisque les hommes eux-mêmes ne jouissent pas de ce droit.
- Dans la Grande Russie, c’est-à-dire dans toutes les provinces du nord, de l’est et du centre, où le système de la commune existe, les coutumes protègent la femme à quelques égards.
- Dans ces villages la terre est considérée comme appartenant à tous les habitants en commun.
- Le conseil de village (mir) divise les champs et les prés en lots, suivant le nombre et l’importance des familles. Le chef d’une maison nombreuse reçoit plus que le chef d’une petite famille. Le père ne peut vendre sur hypothèque son lot, il l’a en propre pour le cultiver jusqu’à la prochaine répartition des terres, c’est-à-dire pendant quelques années.
- S’il décide d’abandonner son état de paysan pour devenir marchand ou habitant d’une ville, sa terre retourne àla commune, mais son cottage, son bétail, ses fournitures, moissons, chariots, outils etc., etc., continuent de lui appartenir.
- Dans la Grande-Russie, la terre est réputée appartenir au cultivateur du sol, à la condition expresse que celui-ci la cultive. Cette idée, fermement implantée dans l’esprit
- du peuple, contribue quelquefois à l’avantage de la femme industrieuse liée à un mari qui fait péricliter la propriété de la famille, alors, la femme se plaint au mir et, souvent, celui-ci transfère le lot de terre à la femme qui devient ainsi, le chef de la famille.
- Quand une veuve peut, par elle-même, ou par ses enfants, ou avec l’aide d’un homme à gages, cultiver le sol de son défunt mari elle devient possesseur de ce sol et a voix au mir. Il y a de nombreux exemples de femmes continuant à représenter la famille, même après que le fils aîné a atteint sa majorité.
- Quand un membre de la commune entre dans l’armée, sa femme est pourvue d’un lot de terre si elle est réellement capable de le cultiver.
- Une fille orpheline, si elle déclare l’intention de ne pas se marier, demande une faveur semblable.
- ( A suivre )
- La Société de participation aux bénéfices. — Nous recevons la communication suivante :
- Le Jury de la classe de l’enseignement supérieur et de l’économie industrielle et sociale à l’Exposition Universelle d’Anvers, voulant manifester l’intérêt que lui inspire la recherche des moyens d’entente entre le capital et le travail, vient de décerner un diplôme d’honneur, la plus haute des récompenses de l’exposition, à la Société pour l'étude de la, participation du personnel dans les bénéfices dont le siège est à Paris, 20, rue Bergère.
- Appel du comité du droit des travailleurs à la retraite.
- Lyon, le 5 Août 4885.
- CITOYENS ÉLECTEURS,
- Nous, Membres de la Commission du Comité Lyonnais de la Caisse Nationale de Retraite, nous croyons devoir profiter de la période électorale, pour vous signaler tout particulièrement, l’une des améliorations sociales qui nous paraît être une des plus utiles, à présent que la France a l’instruction à la jeunesse, elle doit poursuivre la réalisation de la Caisse nationale de Retraite par tous les moyens légaux,
- Nous croyons que de telles réfomes ne peuvent s’obtenir sans le concours de tous les Comités électoraux, et nous insistons pour que cette réforme soit classée dans les premières lois à inscrire dans vos programmes.
- Il est certain que ces travailleurs n’ont pas reçu dans leurs salaires insuffisants la valeur intégrale de leurs produits, tant au point de vue des bénéfices du patronnât que de ceux des impôts qui les écrasent.
- Et c’est à l’Etat qu’il appartient sans retard d’y apporter son concours, son appui moral et matériel.
- La Retraite étant ainsi un droit absolu pour tous les Français des deux sexes et partant nationale, l’Etat n’aurait plus qu’à en régler les attributions, lesteraient les moyens.
- Citoyens électeurs, au nom du travail national, au nom de la justice, nous, Membres du Comité Lyonnais de la Caisse Nationale de Retraite, nous vous adjurons de vouloir
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- bien l’introduire dans le programme que vous aurez à imposer n vos candidats •
- Nous vous adjurons de n’accorder vos suffrages qu’à ceux qui accepteront franchement cette clause et qui prendront l’engagement formel de la soutenir.
- Nous faisons un appel à l’apaisement des colères qui ne sont entretenues qu’au détriment du peuple ; qu’il n’y ait sur ce point qu’un écho d’un bout de la France à l’autre, et nous serons heureux d'avoir contribué depuis cinq ans à en semer l’idée, ce sera alors, soyez en sûr, l’honneur de notre troisième République.
- Recevez, citoyens électeurs, nos salutations traternelles.
- Les Membres du Gomité Lyonnais :
- Président Honoraire : GADOUX, administrateur de la Caisse d’Epargne de la Croix-Rousse, président de la 114e, 32, rue d’Ivry ; Président, CHARLOT, capitaine en retraite, président de la Philantropique-Franc-Comtoise, 15, rue Rasse-du-Port-au-bois ; Vice-Prêsi-dent : GRAMUSSET, conseiller municipal, 51, rue Ney ; Secrétaire-Général : COURTOIS Aîné, président de la 66e, administrateur de la 242e, 107, cours de la Liberté ; Secrétaire-Adjoint : CHANU, tourneur sur cuivre, 7, r. d’Alsace ; Trésorier, SAGE, graveur sur métaux, 24, rue Louis-Blanc.
- LE CONGRÈS DES INSTITUTEURS
- Les membres du congrès n’auront pas perdu de temps. Dès huit heures et demie du matin, « heure scolaire », suivant l’expression de M. le président Gréard, les délégués étaient réunis en assemblée plénière. La séance supplémentaire, non prévue au programme, a duré jusqu’à une heure ; elle présente le plus d’intérêt.
- On a tout d’abord repris l'examen des propositions relatives à l’introduction du travail manuel dans l’enseignement, primaire, dont le principe avait été adopté la veille.
- Les adversaires de cette mesure ont recommencé la lutte sur le terrain de l’application. Ils sont en minorité bien évidente et peuvent être divisés en trois groupes.
- Les premiers, les plus nombreux, confondent les exercices de travaux manuels avec l’apprentissage d’un métier, et sont persuadés qu’on demande à l’instituteur de former des serruriers, des charrons, des menuisiers, des tourneurs, etc. ils demandent en conséquence que l’enseignement des travaux manuels, qui actuellement figure parmi les matières du programme de l’enseignement primaire obligatoire, ne soit donné que dans les écoles primaires supérieures et dans les écoles professionnelles. D’autres instituteurs, tout en reconnaissant l’excellence du travail manuel comme procédé pédagogique, notamment au point de vue de l’éducation du sens, de la vue, de l’habileté et de la souplesse de la main, prétendent qu’il n’est pas possible d’appliquer la mesure aux petites écoles rurales.
- Quelques instituteurs enfin, mais en très petit nombre, prétendent que l’école ne doit donner que l’enseignement intellectuel.
- Mais la grande majorité des membres du congrès s’est prononcée en faveur des propositions de la section, soutenues énergiquement et brillamment par le rapporteur. M. René
- Leblanc, qui, avec M. Salicis, s’est constitué le champion de cette cause depuis plusieurs années.
- Plus des trois quarts de l’assemblée battaient des mains en entendant les discours véritablement démocratiques et inspirés par le patriotisme le plus élevé, qui ont été prononcés en cette occasion par MM. Salicis, Dousselin (de Poitiers), Mlle Bonnevial (de Paris), MM. Philippe (de Gray) et Deschamps (de Périgueux), qui ont établi de la façon la plus claire les avantages au point de vue pédagogique, tant pour l’instituteur que pour l’élève, du travail manuel. Ils ont fait sentir la différence qui existe entre les exercices qui n’ont pour but que de développer les aptitudes visuelles et manuelles de Déniant et l’apprentissage professionnel qui aboutit à la spécialisation dans un métier.
- M. Sluysse, directeur de l’Ecole normale de Bruxelles, a indiqué ce qui existe sur ce point en Belgique, et démontré que ces exercices concourrent au développement de l’esprit de l’enfant.
- Mlle Bonnevial a développé cette thèse en montrant que le travail manuel pourrait servir de point de départ à de nom breuses leçons de choses et qu’il faisait partie de la méthode de l’éducation par l’observation et l’expérimentation.
- M. Ronildo Gay, délégué de Milan, est venu à la rescousse et enfin M. Desmoulins, conseiller municipal de Paris, a fait observer que les exercices de travail manuel sont aujourd’hui obligatoires de par la loi, qui ne distingue pas entre les enfants des villes et ceux des campagnes. Tous, urbains ou ruraux, ont des yeux et des mains et ont également droit au développement complet de leurs facultés physiques, intellectuelles et morales. Rendre facultative cette partie de l’enseignement primaire serait retourner en arriére. « Conservons ce qui existe : je suis devenu conservateur, a dit spirituellement M. Desmoulins, depuis que la République fait les affaires de l’avenir et du progrès. »
- La cause était gagnée.
- Sur quelques points de détails, il y a encore à signaler l’intervention de M. Salicis, fort compétent dans toutes ces matières, et qui a donné des renseignements du plus haut intérêt sur ce qu’il a remarqué en Suède, enNorwége, en Danemark, en Allemagne et en Suisse, au cours de la mission qui lui avait été confiée par le gouvernement français.
- Le congrès a donc adopté les dispositions suivantes :
- Le travail manuel doit être le même pour toutes les écoles dans les cours élémentaires et moyens ; dans les cours complémentaires et supérieurs il sera mis en rapport avec les besoins locaux.
- L’enseignement du travail manuel sera donné soit directement par l’instituteur, soit provisoirement et sous sa direction par des ouvriers qui présenteront les garanties désirables.
- Des cours spéciaux pour les maîtres qui en feront la demande auront lieu à l’école normale de chaque département, pendant les vacances.
- Dans les écoles de filles, l’enseignement de la couture, de la coupe et de l’assemblage sera donné par des professeurs munis des diplômes spéciaux et le travail manuel comprendra en outre des exercices pratiques relatifs à Péconomie domestique et au jardinage.
- D’autres mesures sont adoptées dans le but d’arriver le plus promptement possible à doter toutes les écoles des ateliers
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- nécessaires à ces travaux et à favoriser l’établissement et le recrutement des écoles professionnelles d’apprentissage.
- Enfin, sur la proposition de M. Louvel, instituteur à Paris, le congrès, à l’unanimité, adopte le vœu qu’il soit créé dans chaque département un internat d’apprentissage destiné à recueillir les orphelins, les enfants moralement abandonnés et incorrigibles.
- Le vote unanime de cette proposition est salué d’une salve d’applaudissements.
- On passse alors à la discussion des questions relatives aux écoles normales. Outre les décisions qui se rapportent à des points purement techniques et professionnels qu’il serait beaucoup trop long de rapporter ici, le congrès a décidé de demander la création d’une quatrième année d’étude à l’école normale. Les candidats devraient avoir seize ans révolus au 1er octobre de l’année où ils se présenteront.
- Puis, après avoir entendu MM. Wuilleumier, délégué de Neuchâtel (Suisse) et Sleyden (de Zurich), on a abordé la question de la composition des jurys d’admission.
- Enfin, le congrès a adopté une résolution déclarant que « la réorganisation des écoles normales, au point de vue de l’éducation physique, intellectuelle et morale des éléves-maîtres, a produit d’excellents résultats ».
- Toute une série de vœux relatifs à la préparation professionnelle a ensuite été adoptée, ainsi que des mesures tendant au perfectionnement de 1' « école annexe » qui devra devenir une « école d’application ».
- Vers deux heures, la séance recommençait pour l’examen des questions complexes qui se rattachent au traitement des instituteurs. La législation actuelle, en cette matière, est tellement compliquée, qu’un certain nombre d’instituteurs ne peuvent pas parvenir à savoir combien au juste ils ont à toucher : traitement fixe, éventuel, indemnité de résidence, allocations supplémentaires soumises ou non à la retenue pour la retraite, gratifications pour récompenses honorifiques ou obtention de diplômes spéciaux, tout cela constitue un assez joli dédale dont on n’est sorti qu’à sept heures et demie, heure fixéepour le banquet, et encore grâce à la discipline sévère à laquelle s’étaient volontairement soumis les instituteurs et à l’impartialité .et à l’habileté véritablement remarquables du président Gréard qui, avec une promptitude et une facilité tout à fait extraordinaires s’assimile les propositions, amendements, contre-projets, et explique, sans aucune hésitation, dans un langage clair, net et précis, ce que chaque texte comporte et les conséquences qui en découlent.
- Pour ne pas m’étendre outre mesure, je me bornerai à dire que les instituteurs ont fait preuve dans cette circonstance, d’une sagesse dont on ne saurait trop les féliciter.
- Ils se contentent de demander un traitement fixe de début qui irait de 1,300 à 2,400 fr. en passant par l,500fr., 1,800 fr. et 2,100 fr.
- Les promotions se feront de quatre en quatre ans ; au choix qu’après trois ans.
- Une indemnité de résidence, variant de 100 à 600 fr., serait accordée aux instituteurs des communes de plus de 500 habitants. Elle sera calculée d’après le chiffre de la population communale.
- Instituteurs et institutrices seraient mis sur le pied d’éga< lité. j
- Les instituteurs demandent enfin à devenir les fonctionnaires de l’Etat et à être payés sur les fonds inscrits au budget national.
- Avant de lever la dernière séance, les délégués étrangers sont venus remercier les membres du congrès du gracieux accueil qu’ils avaient reçu, et c’est avec lapins vive émotion que les congressistes se sont séparés, emportant dans leur cœur les paroles pleines de cordialité, d’encouragement, des représentants belges, suisses, anglais, danois, autrichiens, italiens et américains.
- Des remerciments ont été votés à M, le président Gréard, qui a répondu en termes émus, et le congrès s’est définitivement séparé, après avoir décidé qu’une p laque commémorative serait placée sur les murs de l’Hôtel de Ville du Havre pour perpétuer le souvenir de cette heureuse initiative.
- A huit heures et demie, aux Halles centrales, illuminées, décorées, pavoisées, complètement transformées en une immense salle de fête, commençait le banquet, présidé par M, Gréard, entouré du maire et des autorités.
- Plus de 2,500 convives étaient réunis autour des tables et prenaient part à ces agapes fraternelles dont les frais sont supportés par la ville du Havre.
- Vers dix heures ont commencé les toasts que je regrettede ne pouvoir vous transcrire. Ce serait long, mais bien éloquent. 11 était beau de voir successivement défiler à la table d’honneur, le verre en main, M. Gobât, conseiller d’Etat, chef du département de l’instruction publique du canton de Berne ; M. Saint-Hilaire, directeur de l’Ecole normale de Saint-Pétersbourg ;M. Pruba, délégué de Vienne (Autriche) ; M. Provost-Fredmann, directeur de l’Ecole normale de Copenhague, venir apporter leur hommage â la grande Répu -blique française et nous assurer de leurs sympathies. Il était beau d’entendre ces cris de : Vive la France ! Vive la République 1 portés par ces étrangers et auxquels répondaient ceux de : Vive la Belgique, vive la Suisse, l’Italie, le Danemarck, la Russie ’
- Le toast de M. Desmoulins a été accueilli par les cris de : Vive Paris !
- Au milieu du repas était arrivée une dépêche de sympathie adressée par les instituteurs de Bohême et de Hongrie.
- Les congrès internationaux d’instituteurs sont donc définitivement fondés : c’est la conclusion tirée par M. Gréard, dans son éloquente improvisation.
- Jules gerbaud.
- Les candidats républicains du département de l’Âisne
- Les délégués de la commune de Guise viennent d’adresser la communication suivante à chacun des candidats désignés par la réunion départementale de Laon.
- Monsieur,
- J’ai l’honneur de vous donner communication de la résolution suivante adoptée par les délégués de Guise.
- Les délégués de la commune de Guise réservent leur liberté d’action jusqu’à ce que les candidats aient fourni des expli-
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- cations publiques sur la façon dont ils entendent le renouvellement partiel inscrit dans le programme adopté par eux.
- Ils déclarent qu’ils n’accepteront moins que l’une des deux résolutions ci après énoncées :
- 10 Le renouvellement annuel par tiers devant avoir son effet à partir de la troisième année qui suivra le vote de la loi.
- 2° Le renouvellement partiel bis-annuel par tiers avec l’application la plus immédiate possible.
- Ils demandent, en outre, l’engagement des candidats, rendu public par voie d’affiches, de présenter à la Chambre, chaque année, jusqu’à adoption, un projet de loi conforme à la proposition qui fera l’accord entre les candidats et les délégués.
- A ces conditions les délégués s’engagent à soutenir énergiquement les candidats proclamés par la réunion de Laon.
- En vous faisant cette communication au nom des délégués, je vous serais obligé, Monsieur, de bien vouloir me faire connaître votre réponse au plus tôt,afin que nous puissions prendre nos dispositions pour l’organisation de la réunion publique qui devra avoir lieu le plus prochainement.
- Agréez, Monsieur, mes sincères salutations.
- PHILIP
- Secrétaire du comité de Guise.
- LES ÉLECTIONS DANS L’AISNE
- ET LE RENOUVELLEMENT PARTIEL.
- Les délégués républicains des cantons, nommés, la plupart, dans des réunions cantonales organisées, tardivement, la veille des élections, ont repoussé le renouvellement partiel et annuel.
- Les meneurs craignaient peut-être qu’une entente s’établît entre les délégués, sans tenir compte des visées des candidats.
- La proposition du canton de Guise n’a pas obtenu plus d’un quart des voix.
- JBien qu’une dizaine de cantons eussent préparé des programmes, dont les clausses avaient été publiées dans les journaux, il n’a été rien retenu de ces travaux pour base de discussion ; on a fait accepter, en bloc, la vague déclaration, que nous publions plus bas, que l’on avait secrètement préparée dans les coulisses, à l’insu des comités.
- Voici l’étonnant programme adopté par cette assemblée :
- Protection raisonnée et efficace des produits de l’agriculture et de l’industrie nationales ;
- Service militaire réduit à trois années et rendu égal pour tous par la suppression du volontariat et des privilèges des séminaristes ;
- Diminution des charges qui pèsent sur le contribuable par la suppression de tous les rouages inutiles de nos administrations, par la réforme des
- impôts dans le sens d’une équitable répartition,par une stricte économie ;
- Révision des tarifs de chemins de fer ; suppression des tarifs de pénétration ;
- Défense énergique de la liberté de conscience et des droits de la société civile contre le cléricalisme, afin d’arriver le plutôt possible à la séparation des églises et de l’Etat ;
- Réforme judiciaire ; extension de la compétence des juges de paix, diminution des frais de justice ;
- Laïcisation complète de V enseignement primaire, développement de Vinstruction aux divers degrés et de l’enseignement professionnel ; accession par voie de concours aux degrés supérieurs ;
- Renouvellement partiel de la Chambre des députés ;
- Paix à l’extérieur ; maintien des droits et de la dignité de la France ; mise en valeur de nos possessions coloniales.
- On comprendra que, pour amener des républicains à voter sans discussion un programme aussi vague, les manœuvres ont dû jouer un grand rôle. Nous ne voulons pas énumérer les agissements des meneurs et des candidats ; nous résumerons notre pensée en ces quelques mots : il est écœurant de constater un pareil abandon des principes démocratiques et de voir des hommes intelligents tant sacrifier de leur dignité et de leur conscience, en vue de faciliter la réussite de leurs candidatures.
- Le programme des candidats de l’Aisne préparé à l’insu des comités, par un petit nombre d’agents électoraux,est muet sur les remèdes aux difficultés sociales de notre temps.
- Comment expliquer cet oubli, à un moment où une crise aiguë générale trouble la vie des peuples, comment ne rien demander aux députés pour dénouer ces complications d’ordre économique ?
- Comment ne pas déplorer l’aveuglement de républicains qui, à laveiiie d’une consultation solennelle du suffrage universel,oublient que les travailleurs chôment et sont dans la misère !
- Pendant la dernière guerre, un général ne pensa pas qu’il avait de l’artillerie. Les républicains qui oublient, à cette heure, la force qu’ils trouveraient dans le peuple en lui accordant des réformes, ne nous paraissent pas mieux inspirés que le général en question 1
- Revenant à la proposition que nous avons placée au-dessus de toutes les autres, pendant la période électorale, le renouvellement partiel et annuel, le programme semble nous accorder quelque satisfac-
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- tion, puisqu’il contient cette clause : Renouvellement partiel de la Chambre des députés.
- Nous protestons contre cette interprétation ; nous sommes môme étonné de cette finesse de ceux qui n’ont, pas craint de présenter cette jonglerie politique comme une concession faite à nos réclamations; car c’est le renouvellement annuel que nous demandions. Le renouvellement simplement partiel pourrait, dans la pensée des rédacteurs de ce programme, se faire tous les trois ou quatre ans ; ce serait alors la pire des mesures réactionnaires.
- La réforme du suffrage universel, dans notre département, a donc eu le sort réservé trop souvent aux projets progressistes qui contrarient les spéculations de l’ambition.
- Les autoritaires et tous ceux qui redoutent le contrôle ont compris qu’ils ne pouvaient écarter impunément une réclamation qui visait l’établissement de ce contrôle ; ne voulant pas laisser paraître leur volonté de planer au-dessus de la souveraineté nationale et de se soustraire à sa surveillance, ils ont cherché comment ils pourraient sauver les apparences sans rien perdre de leur situation. Ils ont compris que l’inscription, dans le programme, de ces mots renouvellement partiel donnerait satisfaction aux naïfs, assez simples pour croire que l’acceptation de ces mots était une concession faite aux promoteurs de l’idée du renouvellement partiel et annuel.
- Le renouvellement partiel, sans détermination d’une courte période entre chaque manifestation du suffrage universel, surtout s’il s’applique par région, sera une aggravation de là loi qui régit actuellement l*élection des députés.
- Il est préférable de pouvoir renommer l’ensemble des députés, après quatre ans de mandat, que d’être limité à la réélection d’un tiers tous les trois ans. De cette manière le mandat actuel de quatre ans, que nous trouvons trop long, serait remplacé par le mandat de neuf ans, dont nous ne voulons à aucun prix.
- Si ce renouvellement partiel venait à se faire par région, en ne consultant, chaque fois, qu’une partie de la France, ce serait alors la disparition des manifestations générales de la volonté nationale; ce serait la fin du suffrage universel.
- Qui nous garantit que les candidats de l’Aisne ne comprennent ainsi l’application du renouvellement partiel?
- Sommés deux fois de s’expliquer dans la réunion
- de Laon, tous ont observé le silence le plus parfait.
- Puisqu’ils ont inscrit le renouvellement partiel dans leur programme, ils doivent en hommes d’honneur, donner des explications précises faisant cesser toute équivoque.
- Dans notre précédent numéro nous disions que, si notre projet échouait, son rejet proviendrait probablement des efforts de ceux qui prêchent partout l’union afin d’obtenir la soumission à leurs projets intéressés.
- C’est ainsi que les choses se sont passées à Laon.
- Le renouvellement partiel et annuel a été uniquement combattu par deux journalistes qui, nous le constatons avec peine pour l’honneur de notre corporation, n’ont osé, pendant deux mois, écrire dans leurs journaux un seul argument contre les articles que nous leur adressions chaque semaine ; ils ont attendu une réunion préparée pour étouffer la discussion.
- Nous comprenons difficilement ces manœuvres delà part d’hommes qui se donnent comme les représentants du parti républicain.
- Comment peut-il se faire que des électeurs, des délégué des communes, aient pu se laisser prendre à de pareils procédés ?
- Ces délégués dont nous ne soupçonnons pas les bonnes intentions ont manqué complètement de sens pratique. Ils s’imaginent volontiers qu’en commençant une réunion àl heure 1/2, ils auront jusqu’à trois heures, moment qu’ils ont fixé pour leur départ, assez de temps pour bien traiter les affaires de la république ; ces illusions fortifiées et entretenues par les meneurs électoraux se transforment en intentions formelles qui portent les meilleurs délégués a considérer, comme un brouillon ou un dangereux ennemi de l’ordre, quiconque entreprend de soulever une question oubliée ou mal posée par les préparateurs de la cuisine électorale.
- Ainsi, à Laon, quelques citoyens, comprenant quelle faute commettait le parti républicain, en négligeant d’affirmer les grandes réformes générales réclamées parles travailleurs, ont vainement tenté de demander la parole pour inviter les délégués à combler une lacune si compromettante. Sur l’affirmation du président, garantissant la bonne façon du programme suffisamment prouvée par l’acceptation des candidats, la grande majorité des délégués a confirmé cette opinion par un vote refusant la parole à tout auteur d’une proposition d’amplification du programme.
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- Cependant les programmes rédigés et publiés par les comités des 8 ou 10 cantons convenablement organisés, comme celui de Guise, contenaient tous des clauses précises relatives aces questions d’ordre supérieur.
- C’est donc par la faute de préparateurs trop pressés et par l’aveuglement d’une grande partie des délégués, toujours prêts à se laisser piper par les habiletés de l’intrigue que le programme des républicains de l’Aisne est muet sur :
- Les garanties que donne aux citoyens la liberté de la près sej d'association ;
- Les droits des travailleurs malheureux h Vassistance ;
- La nécessité d’organiser les retraites en faveur de la vieillesse ;
- L’urgence de mettre un frein aux abus des mer monopoles.
- On n’a touché à aucune des questions qui ont pour but l’amélioration du sort des classes laborieuses.
- Quelle doSe d’aberration existe dans le cerveau des hommes, à certaines heures.
- Mais la plupart de ces ennemis de toute discussion, de ces partisans du vote à jet continu, si, on les interrogeait sur les moindres affaires touchant leurs intérêts, demanderaient 24 heures de réflexion, et ces mêmes personnalités n’admettent pas que l’on puisse discuter la possibilité de traiter convenablement en deux heures les affaires de la République.
- C’est avec ce système que l’on perpétue indéfiniment ce mécanisme politique qui aboutit à un état social dans lequel les mandataires améliorent leur situation au détriment de la sécurité nationale.
- Il serait bientôt temps que la masse commençât à comprendre que le temps le mieux employé est celui que Ton donne à l’examen des choses d’ordre national.
- Les affaires publiques comme les affaires privées exigent qu’on y consacre un certain temps ; si l’on refuse aux premières ce que l’on accorde aux secondes, celles-là seront toujours sacrifiées aux intérêts particuliers.
- Ceux qui poursuivent l’escamotage des volontés nationales au profit de leurs situations personnelles ne plaignent pas leur temps.
- Les préparateurs de la cuisine digérée par les délégués départementaux, eux, n’ont pas compté leurs heures ; ils n’ont pas hésité à faire une première réunion le matin, do bonne heure, à l’insu des vulgaires électeurs et des non moins vulgaires délégués ; ces gens pratiques savent que rien ne vient sans travail, aussi ont-ils travaillé suivant les inspirations de leur idéal qui consiste en la satisfaction de leurs sentiments personnels par tous les moyens.
- Tout le mal que nous venons de signaler provient uniquement de cette conception absurde, cristallisée momentanément dans les cerveaux des délégués, qu’il suffit de deux heures pour résoudre le problème d’une représentation législative.
- Mais l’énormité de cette erreur est un sûr garant de la facilité de réagir contre elle ; nous n’y manquerons pas à l’occasion. Gela nous permettra de faire comprendre que le scrutin de liste départementale doit-être remplacé par le scrutin de liste nationale. Nous avons déjà la satisfaction de connaître un grand nombre d’honnêtes gens qui ne veulent plus de cette comédie et qui, persuadés qu’elle conduit fatalement à la corruption morale du pays, s’apprêtent à réagir énergiquement contre les agissements malsains de meneurs.
- Nous protestons moins contre la nullité du programme adopté à Laon, que contre l’absence de toute honnêteté politique de la part d’agents qui ont choisi, à plaisir, l’intrigue, lorsqu’il ne dépendait que de leur volonté de laisser les républicains de l’Aisne s’unir dignement dans une affirmation loyale et sincère du principe républicain.
- VIENT DE PARAITRE
- AU
- SUFFRAGE UNIVERSEL
- EXTRAIT DE
- LA POLITIQUE DU TRAVAIL
- ET
- LA POLITIQUE DES PRIVILEGES
- par GODIN.
- Prix 15 centimes franco.
- Cet opuscule, dont la première édition tirée à 12,000 exemplaires a été épuisée, vient d’être réédité par la Librairie du Familistère, avec quelques modifications du premier texte. Le titre indique suffisamment l’actualité de cette publication.
- Prix : 10 centimes pourvu que la commande soit de 25 exemplaires au moins.
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- M. Goblet au Hâvre.
- Voici le discours prononcé par M. Gobletà l’inauguration du lycée de filles :
- La loi de 1880, dont je vois ici l’intelligent et heureux promoteur, M. Camille Sée, a été bien attaquée dans son principe et bien discutée pour les difficultés qu’elle devait présenter. Et, en effet, en créant l’enseignement secondaire pour les filles, en leur appliquant les mêmes méthodes, presque les mêmes programmes que pour les garçons, on se heurtait aux préjugés les plus enracinés et les plus tenaces, on attaquait dans ses derniers retranchements le vieux système d’éducation et cette puissance rivale de l’Etat qui traditionnellement en France, avait régné presque sans partage sur l’esprit de la femme.
- Mais je ne vais pas défendre de nouveau ici une cause depuis longtemps jugée qui a été gagnée non-seulement dans la loi, mais dan s l’opinion.
- La loi de 1880 a fait ses preuves par le bon fonctionnement des établissements déjà créés et par l’empressement que mettent un grand nombre de villes à solliciter le secours de l’Etat pour en créer à leur tour de semblables.
- M. le directeur vient de nous dire tout ce qui a été fait depuis quatre ans pour l’application de cette loi ; je le résume d’un mot aujourd’hui : dans cette année scolaire, 1884-85, plus de cent vingt établissements d’ordre divers, lycées, collèges ou cours complémentaires ont donné l’enseignement secondaire à près de dix mille jeunes filles, et l’œuvre sera continuée.
- M. le directeur nous a dit quels lycées allaient être ouverts en même temps que le vôtre, et combien on en ouvrirait pendant l’année 1886.
- Nous espérons aussi, je parie du ministère de l’instruction publique, les administrations seules ont assez de durée pour escompter ainsi l’avenir, nous espérons inaugurer, en 1887, deux nouveaux lycées de füies à Paris et dix en province.
- Mais c’est peu de ces résultats matériels dont M. le directeur a bien le droit de se féliciter, car ils sont dus en grande partie à son activité et à son dévouement : ce qui importe davantage, c’est le succès de cet enseignement, succès qui a dépassé nos espérances.
- Non-seulement les études ont fait des progrès sensibles, mais, M. le direrteur vient de nous le dire, cette année, par une entreprise qui a paru hardie même à l’administration et qui était un peu audacieuse, en effet, on a tenté d’appliquer aux examens de jeunes filles les mêmes programmes qu’à ceux des garçons. Et nous savons que dans beaucoup de matières les jeunes filles ont brillamment soutenu la comparaison.
- Nous apprenons que les épreuve? pour le certificat d’aptitude., même pour 1 agrégation dans les langues vivantes, ont été subies par les demoiselles de façon à inquiéter l’orgueil de leurs concurrents du sexe fort.
- Quel sujet d’émulation ! Il ne faut pas se le dissimuler, c’est une véritable révolution qui s’accomplit dont on ne saurait calculer la portée. Quelles conséquences ne peuvent pas découler avec le temps de cette égalité d’éducation qui, tout en tenant compte de la différence de sexes et du rôle particulier de la
- femme, tout en dirigeant ses études et son instruction vers un but différent de celui de l’homme, doit cependant la rendre capable d’agir par elle-même et de se faire au besoin sa place dans la bataille de la vie, et en développant, à côté de sa délicatesse et de sa sensibilité naturelles, le jugement et la raison qui semblaient jusqu’ici le privilège de l’homme et qu’on daignait à peine lui reconnaître, l’arrache aux tentations de i’i-gnorance et de la faiblesse, au danger de certaines influences et relève sa valeur morale avec sa dignité !
- Messieurs, dans ces voies nouvelles ouvertes au monde moderne, le progrès est infini. Nous savons que nous y marchons cela doit nous suffire, et, chaque fois qu’un nouveau pas est fait, nous avons bien raison de nous féliciter et de nous réjouir comme nous le faisons aujourd’hui.
- Un Cahier électoral.
- Nous recevons du comité démocratique de Rouen un document dont nous reproduisons les parties principales ; ce cahier a été adressé à tous les candidats de la Seine-Inférieure sous forme de lettre :
- Monsieur
- Avec tout le respect dû à un citoyen sur lequel se sont portées de nombreuses préférences électorales, mais avec ie sentiment du droit qu’ont tous électeurs de s’efforcer de connaître le degré de leur accord avec tous candidats, nous vous prions de nous permettre de vous exposer nos vues sur les questions importantes du présent et de vous demander dans quelle mesure vous vous y associez.
- Ni le temps, ni les dispositions générales de la nombreuse réunion privée dn dimanche 23 août, ne permettaient de poser les questions et d’entendre les réponses nécessaires à la connaissance des principes^auxquels chaque candidats entendait soumettre 1 accomplissement de son futur mandat. Force nous a été de renoncer à cette connaissance après avoir, toute fois, hautement protesté contre le refus d établir un programme républicain, préalable à la présentation des candidats.
- Les explications que nous n’avons pu demander alors, nous ne doutons pas que vous ne vous y prêtiez aujourd’hui et nous désirons que vous le fassiez avec confiance dans l’esprit de conciliation dont, dans les circonstances actuelles, le comité démocratique indépendant s’efforcera de rester animé vis-à-vis de tout sûr champion des idées républicaines, quelles qu’aient pu être antérieurement les luttes collectives ou particulières des hommes de son parti et des hommes de tel autre.
- De ce qui précède, résulte tout d’abord, qu’en dépit des fautes reprochables à nos représentants et à nos gouvernants, nous restons invinciblement attachés à la République.
- Outre, en effet, que nous redoutons, par dessus tout, pour la France, les dangers des révolutions qu il lui faudrait traverser pour sortir de la République et, pour revenir, fait infaillible, à la République, nous sommes convaincus que le gouvernement républicain, étant le moins personnel de tous
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- est, de ce fait même, le moins intéressé à perpétuer les abus et les injustices dont profitent encore les puissants, leurs amis et leurs aides, le moins obstiné dans ses propres erreurs et, dès lors, le mieux constitué pour renoncer à ces abus, à ces injustices à ces erreurs dès que le suffrage universel le commande.
- Nous voulons donc des députés résolus à défendre la République contre toute violation de sa constitution et contre toute usurpation de droite ou de gauche ; résolus, en particulier, à exclure constamment de toute fonction publique et, au premier signe de conspiration, à bannir du territoire français, tous membres de familles ayant régné sur la France, mais nous voulons en outre des députés résolus, par complément nécessaire de mérite, à perfectionner légalement la constitution républicaine, en provoquant toutes améliorations démocratiques de cette constitution.
- Tel est le premier exposé de nos aspirations républicaines. De là notre première question, question politique :
- Promettez-vous de faire preuve,en toutes circonstances, de résolutions conformes à ces sentiments anti-monarchiques, républicains, progressistes.
- Questions sociales.
- Nous voulons des députés convaincus que les solutions des questions sociales s’imposant tout particulièrement à la République, œuvre et espoir de tous ceux qui, pour eux-mêmes ou pour les autres, ont aspiré à des réformes justes et humaines en faveur des membres les moins heureux de la grande famille française.
- Nous voulons, tout d’abord, que l’Etat recueille tous les enfants abandonnés pour en faire des travailleurs et de bons citoyens.
- Nous voulons, d’autre part, comparant, avec tristesse le sort misérable des travailleurs devenus impuissants au sort comfortable des malfaiteurs détenus que l’état assure dans la maladie, dans l’inva lidité, dans la vieillesse à tous les travailleurs la pleine assistance matérielle à laquelle leur vie honnête leur donne, certes, droit, à eux aussi, en plus de la liberté et de la considération publique.
- 2e Question : Etes-vous résolu à faire aboutir, tout d'abord, ces solutions sociales les plus urgentes.
- Questions économiques.
- Nous sommes convaincus que les résolutions à prendre par la future chambre à l’égard des produits étrangers, des travailleurs étrangers en faveur des produits français, des travailleurs français n’importeront pas moins à la prospérité, à la perpétuité de la République que les solutions des principales questions sociales.
- Nous considérons qu’autant il est intolérable que le produit étranger ne paie pas au Fisc français un impôt égal à la somme des impôts payés par le produit français ; il est intolérable que les chemins de fer français, subventionnés, garantis dans leurs revenus par l’Etat français, favorisent les produits étrangers de taxe de transport plus faibles que celles payées par les mêmes produits français.
- Nous voulons donc des députés résolus, en dépit des moyens de séduction dont disposent les chemins de fer, à apprendre promptement l’importance de ces injustes et anti-patriotiques privilèges et à
- en exiger l’extension aux produits français.
- En résumé, nous vouions des députés appliquant l’attention la plus spéciale, le travail le plus patient aux questions économiques, afin que, les traités de commerce actuellemeni en vigueur, une fois expirés, le Parlement soit en mesure de les remplacer par un tarif général, unique pour la France et ses colonies, tarif parfaitement étudié conçu en dehors de toutes compromissions politiques et fondé seulement sur les nécessités de l’alimentation publique, sur les exigences de la défense nationale, enfin sur l'égalité, sinon sur la faveur modérée, due par le Fisc national au travail national.
- Traiter le travail étranger à l’égal ou presque l’égal au travail français, ce sera, certes de la part de la France, être, vis-à-vis des nations étrangères, non plus dure, mais toujours libérale, plus libérale que nulle nation n’a jamais été vis-à-vis d’elle ou de toute autre.
- 3e Question : Etes-vous résolu, Monsieur, à vous consacrer a cette partie du mandat législatif, particulièrement importante pour un département aussi agricole et industriel que le département de la Seine-Inférieure.
- Questions militaires : Pour les questions militaires, embrassant tout à la fois, les considérations de la défense nationale et les visées de conquêtes, nous voulons des députés prêts à tout sacrifier à la défense, mais profondément pénétrés de l’injustice, de l’inutilité, du danger de la conquête violente de nouvelles colonies.
- Faisons la paix avec les ennemis, futurs consommateurs de nos produits, dit-on, en obtenant d’eux ce qu’ils ne peuvent nous reprendre et en renonçant à ce que nous n’avons pu leur prendre ou garder.
- Pour que les victimes de la guerre, ne souffrent pas seules de ses atteintes ; pour que ceux qui échappent à ses cruautés et à ses ruines, éprouvent du moins ce que coûtent les unes et les autres, rien qu’un argent, de plus que ce qu’ils en éprouvent d’ordinaire, nous voulons des députés qui promettent de voter en cas de gueire, une loi d'indemnités à supporter par les contribuables français, sinon par l’ennemi, au profit de toutes les victimes françaises de la guerre.
- 4e Question : Etes-vous, Monsieur, en communauté d’aspirations avec nous sur toutes ces questions relatives aux guerres ?
- Questions budgétaires. Tout en reconnaissant que l’accroissement des charges du Budget national a pour cause, en grande partie, de grandes améliorations dans les services publics et dans le matériel de défense et de travail de la France,nous sommes convaincus que bien des économies y seraient apportées si les députés approfondissaient les services réellement rendus en échange de chaque crédit. Nous voulons donc des députés constamment, consciencieusement appliqués au contrôle et à l’amélioration du budget national, instrument essentiel, capital de la puissance et du progrès de la France.
- 5e Question : Promettez-vous, Monsieur, de rechercher ces économies, de poursuivre l’abolition des coûteuses sinécures-, des rétributions excessives et devons opposer à tout impôt nouveau qui n'aurait pas pour cause une guerre de défense nationale.
- Question de loi. Nous avons pleinement
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- éprouvé que les discordes politiques et religieuses sont d’autant plus intenses, traineuses même que les gouvernements interviennent davantage au milieu des partis et des religions. En conséquence, de même que pleine liberté est sagement laissée1 maintenant, à toute foi politique, nous demandons que, sous la réserve constante de l’ordre général français, la même liberté soit laissée à toute foi religieuse ; que,-dès lors, la séparation des églises et de l’Etat devienne complète et que cette séparation soit confirmée par la suppression du budget des cultes.
- 6e Question : Promettez-vous, Monsieur, de travailler à cet affranchissement réciproque de l’Etat et des Eglises, laissant à chacun la liberté de penser et de payer en fait de foi religieuse, comme chacun est libre, maintenant, de penser et de payer en fait de foi politique.
- Questions départementales : Dominés jusqu’ici par l’examen des intérêts nationaux, nous ne perdons pas de vue dans l’établissement de ce cahier électoral, les intérêts particuliers de notre département. Nous voulons, pour les bien servir, des députés capables de s’élever au-dessus des rivalités de clocher, pénétrés d’un large esprit de justice et occupés , avant tout, de l’intérêt national ou départemental dans l’étude de toutes questions intéressant spécialement une fraction du département.
- 7me Question ; Promettez-vous, Monsieur, de soumettre à ces considérations supérieures d’intérêt général, toute question intéressant tout spécialement la fraction du département à laquelle vous appartenez le plus spécialement ?
- Cumuls. Pour résoudre les questions principales que nous venons de p sser sommairement en revue, les multiples études que commande le mandat de député suffisent à chacun, quelque bien doué qu’il puisse être. Nous sommes donc opposés atout cumul du mandat législatif avec tout autre mandat électif.
- D’autre part, l’indépendance, vis-à-vis de l’Etat, du député que paie l’Etat, pouvant toujours être suspectée, nous sommes, bien plus encore, opposés au cumul du mandat législatif avec tout emploi salarié par l’Etat.
- 8e question : Vous engagez-vous, Monsieur, à démissionner, aussitôt la validation de votre mandat législatif, de toute fonction élective et de tout emploi salariér par l’Etat et h n’accepter des Électeurs ou de l’État aucune fonction nouvelle tant que durera votre mandat de député ?
- Compte-rendu annuel du député : Au nombre des améliorations démocratiques désirées par nous à la Constitution républicaine, se trouverait en première ligne, si nous les énumérions, le Renouvellement partiel et annuel à époque fixe de tout corps élu. C’est qu’en effet le renouvellement partiel annuel de la Chambre, notamment, créerait la permanence du Pouvoir représentatif, supprimerait les besoins de dissolution, conserverait intacte et souveraine l’autorité des mandants sur les mandataires, régulariserait la vie publique en supprimant les renouvellen ents accidentels et en enlevant aux périodes électorales leur action perturbatrices des affaires, aboutirait à la simplification des programmes, le corps électoral étant amené à ne réclamer chaque année que les réformes urgentes pour l’année, maintiendrait jusqu’à élucidation
- complète les travaux, les lois, les réformes soumis à la Chambre,établirait la stabilité dans la marche gouvernementale du pays et serait le plus sûr garant du progrès pacifique, enfin, facilitant aux députés honnêtes la connaissance, chaque année, des courants de l’opinion publique, les délivrerait de toute hésitation dans l’accomplissement de leurs mandats et activerait dès lors puissamment leur oeuvre législative.
- 9eme question : Promettez-vous, Monsieur, de travailler à l’avènement du renouvellement partiel annuel de tout corps élu, réforme nécessaire au règne constant de la Volonté nationale sur les mandataires ? En attendant cet avènement, vous engagez-vous à rendre compte une fois par an à nos électeurs de tous vos actes de député ?
- Telles sont, Monsieur, les questions que le Comité démocratique indépendant a cru de son droit, de son devoir, en tant que groupe d’électeurs, de vous poser respectueusement, mais fermement. Il vous saura d’autant plus gré d’y répondre pour fixer ses choix, que ne disposant en propre d’aucun journal, il devra faire honneur de votre déférence à la loyauté seule de votre caractère de votre candidature.
- Veuillez agréer. Monsieur, l’assurance de notre considération distinguée.
- Le Comité démocratique indépendant de l’arrondissement de Rouen
- 14, rue Flamanderie à Rouen.
- Ce cahier, envoyé aux candidats, sous forme de lettre, par le Comité de Rouen, constitue une excellente pratique. _ Si chaque comité cantonal adoptait ce procédé, sa généralisation serait bientôt suivie d’effets pratiques, sans lesquels nous resterons longtemps exposés aux absurdes errements qui ont fait adopter à Rouen, comme à Laon, le contre-bon-sens de voter
- pour les candidats avant d’avoir fixé les termes du contrat. -------------- -------——----------—------------------
- Bibliographie.
- Manuel du commerce des tissus, vade me-cum du marchand de nouveautés par Edmond Bourdain.
- 1 volume, prix 3 francs en vente chez Hetzel et Gie, 18 rue Jacob, Paris.
- Le but de ce livre est indiqué par l’auteur en ces termes.
- « En écrivant ce manuel qui contient ce qu’il est le plus nécessaire de connaître pour se livrer au difficile métier de marchand de nouveautés, j’ai cru rendre un signalé service à tous ceux qui se livrent au commerce des tissus.
- « Les diverses matières que j’ai fait entrer dans ce manuel sont en partie enseignées aux jeunes gens qui se destinent au commerce de nouveautés pendant le cours de leur apprentissage; mais, la plupart du temps, ces jeunes apprentis, novices dans cette nouvelle profession, ne comprennent qu’à la vingtième fois les explications qui leur sont faites par leurs chefs, concernant les tissus qu’ils sont appelés à manipuler. Il est certain, que s’ils étaient en possession de ce manuel, seuls dans leurs chambres, ils l’étudieraient attentivement, et cette lecture, en même temps qu’elle leur rendrait leur apprentissage plus fructueux, leur épargnerait bien des boutades de la part de leurs supérieurs.
- « Aux demoiselles de magasin, qui la plupart du temps n’ont fait qu’un apprentissage des plus incomplets, ce manuel est indispensable.
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- « Il sera également de la plus grande utilité pour les jeunes gens qui vont s’établir et devenir chefs de maison. Les petits détails concernant les achats, les escomptes sont généralement cachés aux employés par les patrons ; mon manuel leur révélera tous ces petits secrets.
- « Combien de gens dans nos campagnes se décident à se mettre marchands sans connaître les tissus, ni avoir aucune notion de l’art de les ranger et de les plier convenablement ! Aussi, si nous visitons un de ces petits magasins appelés vulgairement boutiques, nous sommes frappés du désordre et de la confusion qui régnent partout, désordre qui se traduit à la fin de l’année parles pertes égalant parfois les bénéfices.
- « La lecture de notre manuel, en initiant ces petits marchands aux secrets du métier, remédiera en grande partie à l’insuffisance de leurs connaissances professionnelles.
- « Elle leur donnera des renseignements des plus utiles sur la provenance des tissus, leur largeur, leur qualité ; leur fera connaître les métrages nécessaires pour confectionner tous les vêtements etc. etc, A cette classe de petits commercants, je le recommande tout particulièrement ; il leur évitera bien des tâtonnements et des mécomptes.
- « Le nombre des sociétés coopératives de consommation va sans cesse augmentant dans notre pays ; la garde et la distribution de marchandises de ces sociétés sont généralement confiées à des jeunes femmes qui n’ont aucune notion du commerce des tissus.
- Dans l’intérêt des sociétés qui leur confient la garde de leurs magasins, je recommande à ces personnes de faire l’ac-quisition de mon manuel. C’est un guide sûr qui leur enseignera le moyen1 de faire avantageusement leurs achats et de soigner convenablement les marchandises confiées à leurs soins. »
- Bibliothèque du Familistère
- Monsieur J. A. Mancel nous adresse trois exemplaires de son ouvrage.
- Synthèse politique
- Nous l’en remercions au nom de la population du Familistère.
- MAITRE PIERRE
- Par* Edmond. ABOUT
- . ( Suite )
- IX
- LE MAIRE DE BULOS.
- J’avais passé juste trente heures dans la société du roi des Landes. Il s’était présenté à moi la veille au petit jour, et midi sonnait à la mairie de Bulos quand nous fîmes notre entrée dans cette capitale. Mon illustre guide avait si bien employé son temps et ses paroles, qu’après une journée et demie de conversation, je savais son histoire et celle de Marinette ; j’avais vu l’Océan, les dunes, les étangs, les marais, la lande inculte et malsaine, et le domaine assaini et cultivé par son industrie. Il ne me restait
- ! plus qu’à étudier les mesures générales par lesquelles il j espérait propager la culture dans les deux départements, les ressources qu’il avait trouvées sans recourir à l’assistance de l’Etat, et enfin cette découverte merveilleuse qui devait créer des pâturages, des bestiaux et des engrais.
- Les cinquante hectares que j’avais visités en débarquant à Bulos suffisaient bien à démontrer que la lande est susceptible de culture, mais un succès isolé, obtenu par un artisan de génie au prix d’efforts prodigieux, doit mettre les sages en défiance. Les inventions pratiques sont celles dont le premier venu peut tirer profit, et un outil nouveau ne fait ses preuves qu’entre les mains des mauvais ouvriers.
- C’était à Bulos que maître Pierre avait fait école ; tous les paysans du village avaient défriché leurs terres à son exemple. Lui-même avait dirigé les travaux d’ensemble, présidé à l’assainissement et à la mise en culture du territoire. Comme les revenus de la commune étaient, de toute antiquité, absolument nuis et que cependant les indigènes de Bulos avaient fait face à toutes les dépenses, on pouvait conclure que les villages les plus déshérités arriveraient au même but en prenant le même chemin. Ma curiosité était donc légitimement éveillée, et, plus j’approchais de la solution, plus je m’intéressais à ce problème de richesse et de misère, de vie et de mort.
- Jugez de ma surprise et de mon désappointement lorsqu’en entrant chez le maire de Bulos je vis le défricheur intrépide, le draineur infatigable, le transformateur du pays, l’homme passionné pour le bien public, interrompre brusquement la démonstration qu’il avait si bien commencée, sauter sur ses é.chasses, appeler Mari-nette et me tourner le dos. Pour rompre le fil solide de ses idées, il avait suffi d’un mot jeté dans la conversation, et le nom de M. Tomery lui faisait oublier l’œuvre de toute sa vie et l’avenir de deux départements.
- (A suivre)
- État civil dn Familistère.
- Semaine du 7 au 13 Septembre 1885.
- Naissance :
- Le 8 septembre de Lemaire Georges Léon, fils de Lemaire Auguste et de Rabelle Aurélie.
- Décès :
- Le 7 septembre de Bray Jeanne Julienne, épouse de Lambert Edmond, âgée de 22 ans 1 mois.
- Le 7 septembre de Léguiller Marie, âgée de 2 ans 1 mois.
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- N° 4 L’Hérédité de l’État ou la Réforme des impôts.............................0 &•. 25
- N° 5 - Associations ouvrières. — Enquête de la commission extra-parlementaire au ministère de l’Intérieur. Déposition de M. GODIN, fondateur de la Société du Familistère de Guise.
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- 9e Année, Tome 9.— N* 368 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 27 Septembre 1885
- LE DEVOIR
- BUREAU
- a GUISE (Aisne)
- Toutes les communications et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soit à celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- France
- Un an ... 10 Ir. »» Six mois. . . 6 »• Trois mois. . 3 »»
- Union postale Un an. . . . 11 fr. n Autres pays
- Un an. . . . 13 fr. 60
- ON S’ABONNE
- A PARIS
- 5, rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons
- S'adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- SOMMAIRE
- Le renouvellement partiel annuel.— Les économistes.—Avis au Moniteur des Syndicats. — Dans les Balkans. — La coopération à Vienne. — Premier congrès des sociétés coopératives de consommations de France. — La femme en Russie. — Ce que coûtait un baptême au palais des Tuile ' ries. — Le comité républicain de Guise.— Les candidats du Préfet.— La crise agricole.— Charmeuse de papillions.— Les bœufs américains. — Influence de la pauvreté. — Causerie scientifique.— Maître Pierre.
- LE RENOUVELLEMENT
- PARTIEL ANNUEL
- Nous devons à nos lecteurs la publication de la lettre suivante adressée par M.Godin à la Réunion des journalistes républicains des trois départements de l’Oise, de l’Aisne, et de la Somme. Ils apprécieront que la direction du Devoir n’a-vait rien négligé pour attirer l’attention des journalistes sur cette importante réforme.
- A Monsieur le directeur du « Progrès de la Somme ».
- Monsieur le Directeur et cher Confrère,
- Votre lettre circulaire du 29 Août m’invite à la réunion qui doit avoir lieu le 6 septembre dans les bureaux du journal « Le Progrès de la Somme> » afin d’examiner :
- « Les moyens les plus propres à défendre la Ré-« publique contre les assauts de ses adversaires (( déclarés et de ses ennemis déguisés. »
- ne pourrai me rendre à votre invitation, la
- fête des récompenses aux écoles du Familistère ne me le permet pas.
- Mais le « Devoir » du dimanche 30 Août que je vous ai fait adresser reprend les raisons en faveur du renouvellement partiel que je considère comme le minimum de ce que les candidats républicains devraient s’engager à demander. Ainsi la masse électorale pourrait établir une différence entre les candidats vraiment républicains et ceux qui en prennent l’étiquette.
- La stérilité et les fautes de la dernière législature ne sont un titre à revendiquer pour aucun des députés. Il faut que les mandataires du pays se décident à instituer la République et à ne pas la laisser plus longtemps avec ses formes monarchiques.
- Il ne doit pas suffire de se dire républicain pour mériter la confiance des électeurs, si l’on est assez timoré pour craindre d’adhérer à une simple réforme dans le suffrage universel, réforme qui donnerait chaque année aux électeurs le droit d’exprimer leur sentiment.
- C’est pourtant, cher confrère, de ces hésitations que les grands journaux donnent la preuve, ceux qui sont inspirés par les députés républicains comme les autres.
- Quelle différence les électeurs trouveront-ils entre les candidats des différentes listes, s’ils n’ont aucun gage démocratique de la part des uns ni des autres ?
- J’ai posé le renouvellement partiel et annuel comme un drapeau que les candidats pouvaient prendre.
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- LE DEVOIR
- Cette question est simple, les résultats en sont faciles à comprendre. Lorsqu’elle est expliquée devant les électeurs, elle prend comme une traînée de poudre. Dans le canton dé Guise sur 22 communes, 20 l’ont acceptée d’enthousiasme ; dans les deux communes réfractaires, les électeurs ne se sont pas réunis, de peur des réactionnaires qui tiennent les habitants en tutelle.
- La réserve de la presse et des candidats est de mauvais augure ; le peuple, dans son bon sens, sera loin d’en être satisfait, si un prompt revirement ne fait cesser cet état d’hésitation.
- Des élections faites dans ces conditions nous donneraient une nouvelle Chambre qui nous conduirait à une catastrophe à courte échéance
- Croire qu’il n’y a rien à faire, aucune réforme à opérer dans l’Etat, lorsqu’en République nous sommes restés avec toutes les institutions monarchiques, c’est la plus funeste et la plus anti-républicaine des erreurs qu’il soit possible de professer.
- Une partie du peuple agonise sans travail et sans pain, par suite des fautes commises ; donner au peuple le renouvellement partiel serait au moins lui prouver qu’on veut bien recevoir annuellement ses conseils, et par conséquent le considérer comme étant quelque chose dans l’Etat.
- Si le « Devoir » avait pu être représenté à votre réunion c’eût été pour insister sur la nécessité d’arrêter un programme à présenter aux candidats républicains et au nom duquel l’élection se ferait. Ce programme contiendrait, dans ses clauses, le renouvellement partiel et annuel de la Chambre, comme gage démocratique donné à la souveraineté du suffrage universel.
- Je vous serais donc très obligé de bien vouloir communiquer cette lettre à votre assemblée de la presse, comme tenant lieu de l’opinion que nous aurions émise, si nous avions pu avoir l’honneur de nous joindre à vous.
- Veuillez agréer, Monsieur le directeur et cher confrère, l’assurance de mes sentiments républicains.
- GODIN
- Les économistes.
- Qui sondera la profondeur de vie des économistes en général ?
- Nous cueillons dans le dernier numéro du Journal des Economistes, que dirige M de Molinari, dans un article sur Blanqui, l’extrait suivant.
- « Dans leurs analyses de la production, les socialistes
- oublient constamment l’art intelligent, le travail de combinaison, de direction, de discipline ; ils oublient encore plus le travail de conservation des capitaux sous toutes les formes. Ils oublient les chances d’erreur, de gain ou de perte, qu résultent nécessairement de toute direction de l’industrie. Ils méconnaissent, par conséquent, le travail du commerçant, celui de l'entrepreneur d’industrie, celui du capitaliste et, en un mot, tout le travail qui n’est pas matériel et immédiat.
- Heureusement que les Economistes sont là pour réparer ces oubiis et ces omissions. Et, dans cet ordre idée, ils sont d’une force incroyable.
- Un bon économiste vous prouvera qu’une famille, dont les ancêtres avaient acquis, lors de la vente des biens nationaux des domaines au prix de 40 fr. l’hectare, et, qui depuis cette époque ne s’en est jamais occupée autrement que pour les louer à des fermiers, doit au travail de combinaison, de direction,aux capacités de ses membres la faveur d’en retirer aujourd’hui un fermage annuel deux fois plus élevé que le prix d’achat.
- Peut-être se trouve-t-il parmi nos lecteurs des personnes ayant oui dire qu’un grand socialiste, un nommé Fourrier, avait acquis quelque célébrité en exposant de remarquables conceptions sur l’alliance du Travail du Talent et du Capital ?
- Nous-mêmes, nous avions cru volontiers qu’au Familistère les différences d’appointements entre les employés des diverses catégories avaient quelques rapports avec les capacités de direction, de combinaison, de discipline ; nous pensions aussi que le partage des bénéfices au prorata des salaires payés au capital et au travail s’inspirait de l’idée d’accorder une équitable répartition entre les facteurs de la production ; nous nous étions même imaginé que le fonctionnement de puissantes réserves était un moyen de conservation des capitaux autrement solide que celui qui consiste à s’exposer à remettre à des mains prodigues des grandes fortunes péniblement constituées, comme cela se voit si fréquemment dans la pratique ordinaire.
- Perdons nos illusions ; tout cela n’était qu’un rêve. Les économistes ont constaté que les socialistes oublient constamment l’art intelligent, le travail de combinaison, de direction etc !
- Les économistes ont parlé. Nous pouvons rire.
- Avis au Moniteur des Syndicats.
- Le Moniteur des Syndicats ouvriers, dans un article «la valeur individuelle » publié le 47 septembre 1885, contient quelques insinuations que nous ne voulons pas laisser inaperçues.
- Nous déclarons d’abord à notre confrère que nous sommes ennemi de toute discussion à propos de personne. Mais, si la rédaction du Moniteur des Syndicats désire discuter avec nous n’importe
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- quelle question relative au progrès social, nous sommes prêt à ne refuser aucune explication.
- Nous espérons que désormais le Moniteur des Syndicats n'écrira plus une phrase comme celle que nous trouvons dans l’article en question.
- « Nous croyons que, depuis un certain temps, le Devoir, journal du Familistère, est rédigé dans un sens qui ne convient pas précisément à l’esprit qui doit présider sa rédaction. »
- Gomme il aurait été plus simple de reproduire l’article qui a suggéré ces réflexions et de faire ressortir les idées subversives qu’il pouvait contenir.
- Nous aurions pu nous expliquer.
- Il ne suffit pas de dire que nous sommes dans la mauvaise voie ; il serait préférable d’essayer de le prouver ; et, pour cela, rien ne vaudrait mieux que l’exposé de nos méfaits.
- Dans les Balkans
- L’infaillibilité de M. de Bismarck est un dogme. Il est universellement admis que la diplomatie européenne subit l’influence d’un homme ferme en ses propos, dont l’intelligence est à l’abri de tous les engouements, de toutes les surprises et aux conceptions duquel la fortune a, depuis 25 ans, donné raison.
- Telle est l’opinion commune ; et je me garderai bien d’y contredire. Et cependant les affaires de l’Europe iraient absolument au hasard que, ma foi, elles ne se comporteraient guère autrement. Dans le courant du mois d’août, deux empereurs se rencontrent dans une petite ville de Moravie. Le troisième tenant de la triple alliance fait délaut, mais chacun sait que pas un mot n’est dit qui n’ait son approbation. Aux yeux de tout le monde, le sens de cette entrevue est le statu quo le maintien de la paix. Huit jours après éclate l’affaire des Carolines, et celui-là même dont la devise semblait être désormais : Plus de guerre ! risque, pour la possession de quelques kilomètres de récifs, d’être obligé de croiser le fer avec un roi qu’il décorait, il y a deux ans, d’un bel uniforme deuhlans.
- L’incident hispano-allemand n’est pas apaisé, et voici qu’éclate comme un coup de foudre la nouvelle de l’insurrection de Philippopoli. Là nous renonçons absolument à comprendre. Que le coup d’Etat qui a substitué dans la Roumélie orientale l’autorité du prince de Battemberg à celle du sultan, que le mouvement soit le résultat d’un plan longuement mûri,c’est ce qui ne fait pas l’ombre d’un doute. La facilité avec laquelle Gavril-Pacha a été appréhendé, à son retour de Constantinople, la promptitude avec laquelle M. Karavelof a organisé le bouveau gouvernement, tout cela joint à la visite du prince de Battemberg à François-Joseph à Franzesbad, et à l’entrevue du prince de Bismarck avec M. Tessa, l’ancien premier drog-man de l’ambassade allemande à Stamboul, l’homme le mieux <*u fait peut être de ce qui se passe dans les Balkans, tout cela mdique une préméditation indéniable.
- Mais quel intérêt peuvent bien avoir l’Allemagne et l’Autriche à démembrer actuellement la Turquie et à déchirer le traité de Berlin ?
- Cette réunion de la Roumélie à la Bulgarie, qui vient d’être réalisée par un coup de force, était une des stipulations du traité de San Stefano. Pourquoi ce qui parut exorbitant en 1S79 est-il aujourd’hui considéré comme la chose du monde la plus facile ? Est ce qu’on n’a humilié la Russie il y a six ans que pour avoir le plaisir d’humilier la Turquie en 4885.
- La Roumélie est-elle la rançon de l’Afghanistan ? La Russie a-t-elle exigé l’arrondissement de son protégé, le prince de Battemberg, pour prix de son immobilité en Asie ? Assistons-nous à un partage anticipé de la Turquie, où l’Autriche aurait Salonique et la Russie Philippopoli, en attendant Andrinople et Constantinople ? L’arrestation de Gavril-Pacha est-elle simplement un avertissement donné au sultan d’avoir à n’écouter que d’une oreille les propositions de sir Henry Drummond ?
- Frédéric Montargis.
- La Coopération à Vienne
- Le mouvement coopératif prend, à Vienne (Isère), un développement remarquable à plus d’un titre.
- La coopération de production s’y organise à côté de la coopération de consommation.
- Ces entreprises distinctes, quoique presque tous les membres de la société de production appartiennent à la société de consommation, sont dues, toutes les deux, aux efïorts persévérants de travailleurs besoigneux.
- La société de consommation a été constituée avec des épargnes ouvrières ; et la coopération de production a été créée en pleine grève,alors que ses fondateurs manquaient de travail.
- La coopérative de production fait la fabrication de la draperie.
- Le relevé de ses comptes, à la fin du premier semestre de 1885, accuse un chiffre d’affaires de35000 fr., laissant un bénéfice net de 1, 706 fr.
- Les statuts de cette société portent que 50 0/o de bénéfices sont versés à un fond de réserve destiné à diverses améliorations.
- Cette clause indique que les fondateurs sont animés d’un excellent esprit, qu’ils poursuivent avec leursfaibles moyens une œuvre de régénération sociale.
- C’est, en effet, en consacrant la plus grande partie des bénéfices des premières entreprises à la généralisation du régime coopératif, que les travailleurs pourront se soustraire à l’exploitation industrielle et commerciale.
- Cette conception de l’avenir et cette énergie de renoncer à la jouissance immédiate de la moitié
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- des bénéfices méritent d’être données en exemple aux autres coopérateurs qui, généralement, sacrifient les bons effets, que pourrait avoir la coopération, à la satisfaction de partager annuellement les bénéfices.
- L’industrie drapiôre de Vienne publie annuellement son inventaire et la répartition de ses bénéfices dans un journal de la localité.
- L’intérêt fixe du capital est de 4 O/o-
- 30 0/o des bénéfices sont répartis aux actionnaires, proportionnellement à leur capital.
- 50 0/o aux fonds de réserve.
- 5 0/o aux employés.
- 15 0/o au Conseil d’administration et à la Commission de surveillance au prorata des jetons de présence.
- Cette répartition est entachée, à nos yeux, d’une imperfection que devraient écarter des sociétésaussi sincère.nent progressistes que l’Industrie drapière de Vienne.
- Au lieu de distribuer les 30 0/o des bénéfices aux actionnaires proportionnellement à leur capital, nous préférerions une répartition proportionnelle aux concours du Capital et du Travail, d’après la base adoptée au Familistère, que un franc d’intérêt du capital n’a pas droit à une part de bénéfice plus grande que celle accordée à un franc de salaire.
- Le mode de répartition en vigueur est empreint de tous les abus capitalistes.
- Ainsi, si nous prenons deux associés : l’un possédant 10 actions de 50 francs, et faisant à la société un travail annuel évalué par son salaire à 1,000 fr. ; l’autre n’ayant qu’une action et recevant 2,000 fr.; de salaire ; il n’est pas douteux que, considéré comme travailleur, l’associé qui a reçu 2,000 fr. de salaire a contribué pour une plus grande part au développement de la société ; néanmoins, sa part des bénéfices sera moins grande que celle du possesseur des dix actions qui a donné à la société un concours actif moins apprécié.
- Avec le mode de répartition que nous conseillons la part attribuée au premier ouvrier serait proportionnelle l°à l’intérêt de son capital soit à 20 fr., 2° au salaire de son travail 1,500 fr.; tandis que la part du second serait proportionnelle à 2 fr. et 2,000 fr. ; en résumé le travailleur le plus riche et le moins capable participerait auxbénéfices au prorata de 1520 fr., tandis que l’ouvrier le plus habile et le moins riche aurait sa part calculée au prorata de 2,001 fr.
- Nous conseillons encore aux coopérateurs de fl i 1 u^trie drapière de ne pas distribuer ces parts
- de bénéfices en espèces, ils feraient mieux de les convertir en titres d’épargne ; les porteurs de ces titres participeraient aux bénéfices d’après les données que nous avons énoncées plus haut : que un franc d’intérêt du capital a droit au même bénéfice que le franc du salaire du travail ; ils auraient en outre droit, dans l’actif social, à une part équivalente à la valeur de leurs titres.
- Les statuts imposent aux sociétaires de faire partie des Chambres syndicales ouvrières des spécialités qu’ils professent.
- L’industrie drapière de Vienne est constituée commercialement, elle vend directement aux consommateurs sur échantillons qu’elle envoie franco à tout réclamant.
- * *
- La société deconsommationestplus ancienne que la précédente ; elle a franchi la période héroïque ; elle fonctionne en pleine prospérité ; son chiffre d’affaires a atteint pendant le premier semestre 1885 un total de 200,000 fr.
- La vente de l’épicerie a été de 86,000 fr.
- » vins liqueurs. 60,000 fr.
- » boulangerie 41,000 fr.
- » chauffage 13,000 fr.
- Le bénéfice brut a été de 40,000 fr. ; après paiement des frais généraux, le bénéfice net a été de 14,000 fr. que l’on a répartis comme suit :
- 50 parts à la consommation 7,000 fr.
- 40 parts à la caisse des retraites 5,500 fr.
- 10 parts aux fonds de réserve 1,500 fr.
- Ces résultats se passent de commentaires.
- Un article des statuts interdit la vente aux personnes ne faisant pas partie de l’association. Par cette réserve les fondateurs de la Fédération de Vienne ont voulu exclure toute idée d’exploitation commerciale. Ce sentiment est excellent, mais il nous semble qu’il était facile de trouver un accommodement donnant pleine satisfaction à la conscience des coopérateurs sans les priver des avantages que leur procurerait la vente aux étrangers. Pourquoi ne tiendraient-ils pas un compte spécial des ventes faites à d’autres que leurs sociétaires ; et, s’ils ne voulaient profiter individuellement des bénéfices provenant de cette source, ils pourraient les verser à leur caisse de retraite ou leur donner toute autre destination humanitaire ?
- Nous leur conseillons encore d’examiner s’ils n’auraient pas avaniage à donner aux bénéficiaires des titres équivalents à leurs parts des bénéfices et productifs d’un intérêt à 5 0/o» au heu de distri-
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- buer en espèces les bénéfices annuels. En faisant ainsi, chaque année, ils disposeraient de capitaux assez élevés pour étendre sans cesse leurs opérations, jusqu’à ce qu’ils aient substitué dans toute la ville de Vienne l'échange coopératif au commerce.
- Les fonds déjà versés à la caisse de retraite dépassent 40,000fr. :
- D’après des renseignements pris à bonne source, cette société serait déjà en mesure de servir des pensions de!50fr. à ses vieillards septuagénaires; elle se proposerait même de faire fonctionner ces retraites à la fin de l’exercice courant.
- On conçoit combien cette institution est appelée à devenir puissante, lorsqu’on constate que les fonds de la caisse de retraite, en supposant que cette société ne se développe pas davantage, sont alimentés chaque année par une dotation de, 2,000 francs à laquelle viendront s’ajouter toutes les sommes devenues libres par la mortalité des retraités.
- Si la coopérative de Vienne avait opéré d’après les inspirations des coopérateurs ordinaires à la recherche du bon marché quand même ou des distributions de gros dividendes, le département de l’Isère aurait une société de spéculateurs de plus et rien ne serait changé ; tandis que la sage impulsion des ouvriers de cette ville aboutira à brève échéance à la protection de la vieillesse, comme elle arrivera, plus ou moins vite, suivant le concours qu’elle trouvera parmi les consommateurs à la suppression générale de la misère dans le périmètre de son action.
- Premier Congrès des Sociétés coopératives de consommation de France.
- Le compte rendu des travaux du premier congrès des coopérateurs français vient d’être mis en vente par la Librairie Guillaumin et Ciek Paris.
- Prix 1 franc.
- Cet opuscule sera, nous en avons le ferme espoir, le commencement d’une série de publications qui enregistreront les progrès annuels de la coopération.
- Il ressort des débats du premier congrès que les tendances générales des coopérateurs français sont favorables à l’idée d’employer les bénéfices à la dotation d’œuvres garantistes.
- Nous constatons avec bonheur ces premiers symptômes ; il ne dépend que des efforts de quelques hommes de bonne volonté pour faire passer c®s idées dans la pratique, si sincèrement progres-
- sistes ils consentent à faire partie des groupes coopératifs avec la ferme volonté d’y venir aider les défenseurs du progrès social.
- La falsifie ation des denrées alimentaires à Paris. — Le journal de la santé publique a public dernièrement, sous la signature du Dr N. Pascal, une foule de renseignements instructifs, sur un des sujets les plus graves d’hygiène, sujet d’actualité s’il en fut, les falsifications des substances alimentaires. Nous croyon? utile de mettre sous les yeux de nos lecteurs quelques-unes des réflexions que nous suggère le travail de notre confrère :
- Une cause de l’état typhogène et de la fièvre typhoïde, une cause de la mortalité, à Paris, résulte des falsifications alimentaires auxquelles se livrent les industriels de tout ordre, qui fabriquent le pain, le vin, le lait, Je chocolat et tout ce qui entre dans le pauvre corps humain.
- Pour se faire une idée de la quantité des produits ali mentaires falsifiés, il suffit de jeter un coup d’œil sur le:-analyses faites par le Laboratoire municipal, et dont le résultats viennent d’être récemment rendus publics.
- Au compte de l’article vins, on trouve 635 analyses.
- Combien y en avait-il de bons ? — 84.
- Pourquoi les cinq cent cinquante restants sont-ils déclarés mauvais ?
- Voici le décompte :
- 85 Par maladies des vins : acides, moisis, etc.
- 128 Saveur désagréable à la dégustation.
- 186 Plâtrage au-delà de deux grammes par litre.
- 71 Vinage et sucrage non déclarés.
- 289 Falsification par addition d’eau.
- 14 Par colorants artificiels.
- 14 Par acide salicylique.
- Les bières dans la proportion de 2 sur 4 sont addi-tonnées d’acide salicylique.
- Les sirops dans la proportion de 6 sur 8 sont falsifiés avec du glucose et un par l’acide mentionné plus haut.
- Les eaux, 12 fois sur 19 ont été trouvées non potables par la présence des sels minéraux ou par la présence de matières organiques.
- Le lait a fourni 413 échantillons, dont 114 étaient mouillés, c’est-à-dire écrémés, puis étendus d’eau. Or enlève la crème, on la remplace par l’eau et ce lait ser;
- vendu aussi cher que du lait pur. Nourrira-t-il autant v Qu’importe.
- Le beurre, 9 fois sur 34 additionné de graisse étrangère. Voilà ce que l’on vend au peuple de Paris.
- Le pain et les pâtes fabriqués avec des farines de qualité inférieure.
- Les chocolats falsifiés par addition de fécules.
- Le sel, par addition de matières étrangères.
- Le poivre, écoutez, lecteurs, écoutez, oui, le poivre falsifié par addition de grignons d’olives pulvérisés ! On laissait entrer les grignons d’olives sous l’étiquette : Engrais, — On les broyait au moulin, on les baptisait : Aromates, et, ipso facto, ce grignon devenait un condiment indispensable a la salade et aux œufs sur lepl t
- Que peut-il résulter de semblables trafics ?
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- LE DEVOIR
- Evidemment l’altération de la santé générale, l’affaiblissement de l’individu de tout âge, de toute condition, et d’autres désordres que les pathologistes et les hygiénistes pourraient seuls déterminer.
- Nous ne parlons pas de la lèpre morale engendrée par ces habitudes anti-françaises.
- Nous disons seulement qu’une fois la conscience humaine faussée â ce point, il est impossible à l’homme d’apprécier sainement les rapports qu’il doit conserver avec ses semblables, de vivre sous la loi de justice, la
- seule obligatoire dans l’état social.
- --------------------------------------------------------
- LA FEMME EN RUSSIE^
- par Marie Zébrikoff.
- (suite et fin)
- Les réclamations des femmes russes ne peuvent être considérées comme subversives que par ceux qui veulent les femmes ignorantes et passives comme des esclaves.
- La femme russe ne demande pas à être émancipée du devoir mais des chaînes. La liberté qu’elle désire ardemment n’est pas celle de donner carrière à toutes les fantaisies d’une imagination déréglée. Elle aspire à la liberté de prendre un époux de son choix, de briser le lien qui l’attache à un époux immoral, de posséder toute facilité pour gagner sa propre vie, et d’écarter tous les obstacles accumulés entre elle et l’acquisition des connaissances qui pourraient lui ouvrir les meilleures positions dans la vie. Elle veut enfin n’être plus un zéro dans les affaires publiques, mais devenir une force active et travailleuse.
- C’est dans le champ de l’éducation que les plus grands progrès ont été accomplis.
- La Russie est tristement privée de travailleurs intellectuels. Les nombreux villages disséminés dans ses larges plaines manquent d’instituteurs et de médecins.
- Aussi, l’administration ayant besoin de médecins soutient-elle pécuniairement l’école médicale des femmes de St-Pétersbourg, et l’instruction des maîtresses dans les diverses écoles normales du pays, à la condition que les femmes formées dans ces écoles serviront pendant cinq ans le département qui leur est venu en aide.
- La pénurie de forces intelligentes contraint donc le gouvernement à favoriser la cause des femmes. Nous en eûmes un exemple frappant lors du dernier combat avec la Turquie ; le ministère de la guerre lui-même fut trop heureux de profiter, pour l’armée, de l’assistance des femmes-médecins.
- En 1867, trois dames déléguées par quelques-unes de leur sexe, demandèrent à l’ancien ministre de l’instruction publique, comte Tolstoï, l’établissement de cours universitaires pour les femmes ; elles rencontrèrent un refus formel. Sur ce, les professeurs de la faculté de St-Pétersbourg, profitant de leur droit de professeur en public, ouvrirent, sous les auspices d’un comité de dames, un cours destiné en fait aux femmes, car celles-ci avaient
- (1) Extrait du livre de M. Stanton : The woman ques-
- tion in Europe.
- seules le droit de se servir de la bibliothèque et des cabinets de lecture y attenant, d’être examinées si elles le souhaitaient et de recevoir des certificats de la part des professeurs. Dix ans ne s’étaient pas écoulés que le même ministre, Tolstoï, qui en 1867 avait contre-carré le projet d’instruction supérieure des femmes, instituait à St-Pétersbourg des cours supérieurs pour les jeunes filles.
- Plus tard, le même comte Tolstoï désirant introduire en Russie le système classique avec sérieuse étude de grec et de latin, et rencontrant une certaine résistance, espéra rendre l’idée populaire en faisant enseigner ces langues dans les écoles de filles.
- Aujourd’hui, les femmes russes peuvent poursuivre leurs études universitaires, non-seulement à la capitale mais aussi à Moscou, Kief, Kasan, en un mot dans presque toutes les grandes villes de province.
- Le programme des études à St-Pertersbourg est divisé en deux grandes sections 1° l’histoire et la littérature 2° les sciences naturelles et les mathématiques. Cette deuxième section embrasse : l’anatomie, la physique la botanique, la zoologie, la chimie, la géologie, la minéralogie, l’astronomie, la cosmographie et les mathématiques même dans les plus hautes branches. Des leçons de chimie agricole et des conférences sur la loi civile existent également pour les femmes. Les mêmes études avec modifications sont poursuivies dans les autres villes.
- Le premier examen pour la remise des diplômes eut lieu dans l’été de 1882 ; quatre-vingt-neuf femmes passèrent, avec succès, leurs examens dars le département de l’histoire et de la littérature et soixante-quatre dans le département des sciences.
- Environ neuf-cents étudiantes suivent ces cours chaque année; au mois de septembre 1882, deux cent une inscriptions étaient enregistrées pour la session de 1882-83. Ce nombre est très-remarquable si l’on tient compte que les femmes ne retirent encore aucun avantage pratique de ces longues armées d’études, puisqu’elles ne sont pas admises à occuper, même dans les hautes écoles de filles, les postes auxquels ces mêmes études appellent uniquement les hommes.
- Les professeurs de l’université de St-Pétersbourg et les membres du comité de surveillance des cours de femmes ont pétitionné près du gouvernement pour l’admission des femmes aux examens du professorat. Aucune réponse n’a encore été donnée ; nul doute qu’elle sera favorable car un refus laisserait sans satisfaction l’un des plus criants besoins de l’instruction en Russie.
- Les écoles secondaires de filles ( gymnasiums comme on les appelle ), bien que loin d’être parfaites, sont évidemment considérées en France comme dignes d’attention, puisqu’il y a peu de temps le gouvernement français envoya en Russie une commission pour les étudier. Le cours des études est de six années ; il embrasse les langues russe, française, allemande, l’arithmétique et les rudiments des sciences ; mais il s’arrête trop loin des connaissances nécessaires pour entrer à l’Université. Cette lacune doit être comblée par l’étude privée et c’est là un grave défaut.
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- Le ministre de l'instruction publique a établi des collèges de filles qui étendent à huit années le cours des études, mais sans combler encore la lacune que nous venons de mentionner.
- Considéré au point de vue pédagogique le gymnsLsium ne peut préparer les élèves qu’à devenir des maîtresses d’écoles primaire ou des institutrices des basses classes des gymnases.
- Le gouvernement, afin de compléter cette insuffisance, a établi il y a quelque temps un cours de pédagogie qui comprend trois années, et prépare des maîtresses pour les classes moyennes des gymnasiums.
- La plus haute instruction donnée aux femmes est celle des cours de médecine.
- Il y a actuellement à St-Pétersbourg cinquante deux femmes docteurs, et il y en a, environ, deux cent cinquante dans toute la Russie, bien que la médecine ne soit ouverte aux femmes que depuis dix ans.
- Beaucoup de femmes russes ont poursuivi leurs études médicales dans les universités étrangères à Zurich, Berne et Paris.
- Parmi les institutions professionnelles fréquentées par les femmes, on peut citer aussi une école pour l’enseignement des gardes-malades et deux écoles d'accouchement : l'une à St-Pétersbourg, l’autre à Moscou ; les femmes étudient aussi l'obstétrique dans beaucoup d'hôpitaux.
- Citons encore l’école de peinture de St-Pétersbourg fondée par une association d’artistes et d’amis de l’art ; elle reçoit des étudiants des deux sexes ; le gymnase industriel, création du gouvernement où l’on enseigne aux jeunes filles diverses professions ; la société Frœbel de St-Pétersbourg et l’association formée il y a deux ans dans la capitale, pour l’établissement d’écoles industrielles de filles.
- Les écoles publiques élémentaires offrent à nos femmes le plus large champ de travail. Malheureusement la rétribution est très-faible et le rôle difficile, il faut aux institutrices une grande force d’âme et une complète abnégation. Dans les parties reculées de la Russie, la maîtresse est pendant les longs mois d'hiver presque privée de relation avec le monde. Elle travaille de longues heures ne voit ni livres, ni journaux, ni revues, vit dans une cabine de bois privée de tout confort, et mange une nourriture grossière. Cependant, beaucoup de jeunes filles se dévouent à cette mission, avec une véritable ardeur.
- Malgré le dévouement et l’habileté reconnus des institutrices, leur profession est bornée de la plus triste façon. Elles peuvent enseigner dans les écoles élémentaires et dans les basses classes des gymnases et instituts de jeunes filles, elles peuvent être gouvernantes dans des familles, mais elles ne peuvent aspirer à rien de plus.
- En médeine nous trouvons des restrictions semblables : bien que les femmes poursuivent les mêmes études et passent les mêmes examens que les hommes,elles ne sont pas pleinement docteurs aux yeux de la loi. Elles peuvent traiter les indispositions des femmes et des enfants, mais c’est tout.
- Dans la campagne où souvent on ne trouve pas un hiédecin-homme, dans un rayon de cinquante milles, les
- femmes peuvent être employées et elles rendent d’immenses bienfaits parmi les pauvres paysans des deux sexes.
- Il y a quelques années, une femme passa un 'brillant examen et défendit avec succès une thèse sur les maladies des yeux. Mais elle ne put obtenir le titre d’oculiste. Cependant, les femmes, par la délica tesse et la flexibilité de leurs doigts, sont physiquement beaucoup plus convenables pour cette profession que les hommes.
- Les femmes trouvent aussi quelques emplois dans les chemins de fer et services télégraphiques. Dans ce dernier département, elles accompli ssent le plus dur travail, tandis que les positions les plus aisées et les mieux payées leur sont fermées.
- Les sociétés scientifiques sont plus libérales que les Universités. Elles ne ferment pas leurs portes aux femmes.
- La société de jurisprudence de St-Pétersbourg compte parmi ses membres Melle Evreinova, qui prit son degré de docteur en droit à Paris.
- Dans la littérature seulement les femmes sont sur le même pied que les hommes. Le succès dépend entièrement de leurs talents.
- Ici, nul diplôme ou certificat n’obstrue la voie. Mais si une femme voulait entrer dans le journalisme, si elle voulait rédiger un journal scientifique ou politique le cas serait différend. Quand Mm8 Konradi, auteur bien connue par ses écrits, voulut fonder la semaine journal politique, elle se vit empechée par le Censeur de la presse et elle dût mettre son mari en avant comme rédacteur nominal, bien que celui-ci n’eût aucune aptitude pour la fonction de journaliste.
- Les femmes peuvent être rédactrices de revues d’éducation, de journaux d’enfants, de magasins divers, et elles peuvent agir comme éditeurs de journaux, de revues, ou delivres, sans craindre la censure.
- Le roman est la branche de littérature dans laquelle la femme russe a gagné la plus haute réputation.
- Après les deux auteurs célèbres : Tour gueneff et Léo Tolstoï, le plus grand roman.fier russe est une femme : Krestovsky la pseudonyme de Mad® Nadiedja Zayontch-Kovsky. Durant une longue carrière littéraire qui embrasse environ trente années, elle a donné au monde un grand nombre d’histoires et de nouvelles du plus grand mérite et, elle présentele rare exemple d’un génie qui, au lieu de s’affaibliren avançant en âge, croît en force et en profondeur. Je ne connais aucune femme européenne qui soit son égale.
- Elle peut être comparée à Georges Elliot. Inférieure à celle-ci pour la profondeur de la pensée philosophique, elle la surpasse par la chaleur et la vivacité de ses peintures.
- Ses histoires visent toutes à dépeindre quelques phases de la société russe. Beaucoup des meilleures pages de Krestovsky n’ont pas été publiées par raisons politiques.
- Dans les autres branches de littérature je puis citer Mm* Manasseina, auteur de beaucoup d’articles scientifiques sur la médecine et la physiologie et d’un excellent livre sur l’éducation physique des enfants; Mm* Alexandra Efimenko qui a écrit plusieurs essais intéressants sur le
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- mir russe, les lois et coutumes des paysans, etc., etc.
- Le mouvement des femmes russes a un côté caractéristique : il est toujours fidèle aux idées de progrès. Tandis qu’en d’autres contrées nous voyons parfois des femmes lutter uniquement pour leurs propres droits, leur propre bien-être, et dans leur ardeur à se les assurer être trop portées à se faire les instruments des prêtres ou des conservateurs, les femmes Russes ne séparent jamais leur cause de la grande cause du progrès humain.
- Je terminerai cette étude par deux citations :
- Montesquieu a dit : « La puissance des deux sexes serait égale si leur éducation l était aussi. Eprouvons les femmes dans les talents qui v? ont pas été affaiblis par la manière dont elles ont été élevées et nous verrons alors si nous sommes si forts.
- (Lettres persanes XXXVIII.)
- L. Aimé Martin écrivait il y a plus d’un siècle : « C’est en dépit de nos stupides systèmes d’éducation que les femmes ont une idée, un caractère, une âme. »
- CE QUE COUTAIT UN BAPTÊME AU PALAIS DES TUILERIES
- Naissance et Baptême du prince impérial
- Médaille en diamants. ...... 25,000 fr.
- Allocation aux médecins.................. 62,000
- — à la sage-femme , . . . . 6,000
- A la société des auteurs et compositeurs
- dramatiques . .................... 10,000
- A la société des gens de lettres.... 10,000
- A la société des artistes dramatiques . . 10,000
- A la société des artistes musiciens . . • 10,000
- A la société des peintres, sculpteurs, etc. . 10,000
- A la société des inventeurs industriels . . 10,000
- A la société des médecins du département de la Seine......................... 10, 000
- Aux bureaux de bienfaisance de la Seine et des communes où sont situés les biens de 93,000
- la Couronne........................... 100.000
- Gratifications de -4 mois de traitement aux agents du service intérieur de S. M.
- l'impératrice..................., . 11,000
- Spectacle gratis du 18 mars 1856 . . . 44,000
- Secours aux parents des enfants nés le 16 . 50,000
- Médailles aux auteurs et compositeurs des cantates et vers adressés à LL. MM. Médailles aux troupes et élèves dos lxcées . 85,000
- Brevets adressés aux parents des filleuls de
- LL. MM................................ 20,000
- Cortège du baptême. Service des écuries . 172,000
- Gratifications aux gagistes de la maison de LL.MM............................. . . . 160,000
- Total: 898,000fr.
- N’est-ce pas que cette note est instructive et qu’en lisant le détail des articles et le total de la dépense, on reste confondu devant l’aplomb des bonapartistes.
- Le comité Républicain de Guise
- Le Comité de Guise et les candidats républicains continuent à chercher les bases d’un compromis susceptible de les mettre d’accord. Voici la dernière communication que le comité vient d’adresser aux candidats :
- Guise, le23 Septembre, 1885 Messieurs.
- J’ai fait part au comité de Guise, de la réponse collective que vous avez bien voulu faire à la communication que j’ai eu l’honneur de vous adresser en son nom.
- Le Comité regrette que votre réponse ne lui donne pas complète satisfaction, notamment sur le 3m8 point : — l’engagement de présenter, annuellement, jusqu’à adoption, un projet de loi conforme au mode de renouvellement partiel qui aurait été adopté.
- Le comité désirant saisir ses électeurs de la question, me charge de vous informer qu’une réunion publique, provoquée dans ce but, aura lieu à Guise le sam edi 26 septembre à8h du soir, salle du marché couvert, et vous invite à y assister.
- L’ordre du jour de cette réunion portera :
- 1° Le renouvellement partiel.
- 2U Rapport des délégués de Guise au congrès de Laon.
- Les affiches indiqueront que M. M. les candidats ont été invités à y assister.
- Veuillez agréer, Messieurs, nos civilités empressées.
- Pour le comité,
- le Secrétaije N. Philip.
- -------- ------- . ——— —-— __________________
- LES CANDIDATS
- du Préfet.
- Nous nous ôtions promis de laisser à leur vilaine besogne ces comparses, mis en scène parles oriéa-nistesSebline, préfet de l’Aisne, Wadington et deSt-Vallier ambassadeurs. Républicain, profondément attaché au principe démocratique, nous avions dit» dans notre dernier numéro, à d’autres républicains, ce que nous pensions de leur faiblesse ; c’était notre droit et notre devoir ; les hommes d’un même parti ?e doivent certains avertissements ; il existe entre eux un droit de contrôle et de critique que l’on ne peut invoquer contre les individualités d’un parti que l’on condamne.
- Le Courrier de l’Aisne et le Guetteur se sont emparé de notre article, qu’ils ont reproduit comme un document attestant la supériorité des candidats du Préfet.
- Ces conclusions, si opposées au fond de notre pensée, nous obligent à donner quelques explications ; tant-pis pour les candidats du Préfet, si leurs amis maladroits nous ont mis dans la néces-
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- sité de dire ce que nous pensons de ces prétendus protecteurs de l’agriculture.
- Ils se disent républicains : Nous ne croyons pas un mot de cette déclaration. S’il en était ainsi, ils n’auraiont pas accepté le patronage desmonarchistes irréconciliables qui font partie de leur comité central, comme ces derniers se seraient gardés de recommander les candidats du Préfet s’ils avaient les moindres sentiments républicains.
- Us prétendent que leur candidature est provoquée par les souffrances de l’agriculture. Si telle était leur préoccupation, ils se garderaient de combattre la réélection des députés qui ont accepté tous les projets protectionnistes formulés par les comices agricoles de l’Aisne. Quelle singulière manière d’encourager un gouvernement à protéger l’agriculture en s’acharnant, dès que fou a obtenu satis-faction, à supplanter ceux qui ont été les intermédiaires les plus actifs dans les négociations entre le gouvernement et les agriculteurs, Tous ces ambitieux, au lieu de pérorer sur les souffrances de l’agriculture, feraient mieux de diriger leurs cultures selon les enseignements les plus élémentaires de la science agricole.
- Us osent invoquer le suffrage universel. Ne dirait-on pas, à les entendre, que leurs candidatures sont sorties des acclamations populaires ? Us parlent comme si le public ignorait que leur comité, composé de gens triés, a fonctionné à huis clos. Leur candidature est le résultat d’une longue conspiration organisée depuis longtemps contre le suffrage universel, sous la protection d’un fonctionnaire ennemi du gouvernement qui le paie.
- Messieurs de Waddington, de St-Vallier,Nice, Qué-quignon et tous les autres, protecteurs des ouvriers î Ne vont-ils pas jusqu’à réclamer des droits d’entrée de dix francs, par hectolitre de froment, afin de conserver le privilège d’avoir des revenus en cultivant leurs terres contre toutes les règles du bon sens.Ces gens là ne conçoivent pas au delà de la politique du pain cher.
- Us ont écrit aussi qu’ils encourageraient l’ensei-ment ; sans doute, comme sous le seize mai, en fermant les écoles laïques et en persécutant les maîtres qui manifestaient quelque indépendance religieuse.
- Nous ne finirions pas si nous voulions opposer, à leurs affirmations progressistes, des faits acquis pouvant péremptoirement, leur haine contre la démocratique et leurs désires immodérés de privilèges.
- Les candidats du Préfet, s’ils étaient nommés seraient les députés de la réaction, de la guerre. Us ne reculeraient devant aucun moyen de faire prévaloir une politique de compression à l'intérieur et de provocation à l’extérieur.
- VIENT DE PARAITRE
- AU
- SUFFRAGE UNIVERSEL
- EXTRAIT DE
- LA POLITIQUE DU TRAVAIL
- ET
- LA POLITIQUE DES PRIVILEGES
- par GODIN.
- Ne vont-ils pas jusqu’à se poser en défenseurs de la classe ouvrière? Cette outrecuidance dépasse toute mesure. On connaît trop bien les sentiments philanthropiques des Wadington des de St-Val-lier, et de tous les parrains de la liste préfectorale, pour que le public puisse conserver la moindre illusion à l’égard de la liste composée par leur entremise.Mais ces personnages qui tiennent les ficelles de la politique orléaniste, dans le départe-tementde l’Aisne, ont eu des gouvernements faits à leur image et entièrement à leur dévotion, ils devraient pouvoir nous montrer quelques résultats de cette sollici tu d e envers les classeslaborieuses. Personne n’a oublié les vexations de toutes sortes infligées à tous les citoyens soucieux des intérêts des travailleurs, sous le gouvernement des ducs.
- Prix 15 centimes franco.
- Cet opuscule, dont la première édition tirée à 12,000 exemplaires a été épuisée, vient d’être réédité par la Librairie du Familistère, avec quelques modifications du premier texte. Le titre indique suffisamment l’actualité de cette publication.
- Prix : 10 centimes pourvu que la commande soit de 25 exemplaires au moins.
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- LA CRISE AGRICOLE
- Nous avons parlé quelquefois des travaux de M. Grandeau, publiés par le journal Le Temps, au sujet de la crise agricole. Nous empruntons aujourd’hui à notre confrère les nouveaux documents qui sui-
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- vent. Les expériences de M. Grandeau ont un intérêt national autrement sérieux que les déclamations des protectionnistes en quête des candidatures.
- * On prétendra peut-être que les expériences de M. Grandeau sont sans valeur pratique, à cause des petites surfaces des cultures. Cette objection n’a aucune portée ; car il faut remarquer que, si la surface consacrée à chaque sorte de blé ne dépasse pas une moyenne de 15 ares, l’ensemble de ces ex-périences a .été faite sur deux hectares ; et l’on ne peut faire moins que d’accepter comme concluantes en agriculture des expérimentations qui, sur une telle étendue, donnent un bénéfice net de 430fr.
- Voici en quels termes M. Grandeau rend compte de ses expériences :
- Le champ consacré aux expériences sur le blé à l’Ecole Mathieu et Dombasle en 1884-1885 avait une surface de deux hectares. Dix-sept variétés de blé y ont été cultivées sur des parcelles d’une superficie variant entre 5 et 25 ares. Le sol du champ d’expériences est très homogène, pauvre en azote, acide phosphorique et potasse : il avait porté de l’avoine en 1884.
- La fumure identique pour toutes les parcelles, sauf la légère différence que j’indiquerai plus loin, était composée de fumier, de phosphate tribasique de chaux et de nitrate de soude. Je reviendrai ultérieurement sur sa composition chimique et sur celle du sol, voulant me borner aujourd’hui à faire connaître les résultats généraux des essais.
- La dépense totale à l’hectare, relevée très soigneusement par M. Thiry dans la comptabilité de l’Ecole Mathieu de Dombasle, s’est élevée à 400 fr. répartis de la manière suivante : 1,000 kil. de phosphate tribasique de chaux, à 70 francs,
- ci........................................... 70f.
- 20 mètres cubes fumier Goux sur moitié du champ,\
- à 6 fr. le mètre cube . . . ,..................,
- 30 mètres cubes fumier de ferme, à 4 fr. le mètre cube,l
- sur l'autre moitié.............•.................J
- 150 kilogr. de nitrate de soude, à 28 fr. les 100 kil. . 42
- Dépense totale pour fumure.............. 232f.
- Les frais de culture, récolte, frais gén éraux, se répartissent comme suit :
- Fermage.............................................. 70 f.
- Déchaussage de l’avoine au cultivateur Colemann. . 15
- Labours à la charrue,................................ 25
- Ensemencement et hersage............................. 10
- Semence 200 litres à 20 fr. l’hectolitre.............40
- Binage et sarclage...................................25
- Moisson, liage et transport....... ................30
- Battage..............................................20
- Intérêts du matériel et frais généraux............... 33
- Total.................. 268 f.
- En récapitulant ces deux comptes, on arrive au résultat
- suivant :
- Fermage........................................ 70 f.
- Fumure....................................... 232
- Culture et frais généraux 198
- Total.................500
- d’où il faut déduire, pour engrais non épuisés.... 100 f.
- Reste pour la dépense à l’hectare........ 400 f.
- Nous réunissons, dans le tableau ci-dessous, l’indication des variétés cultivées, les rendements rapportés à l’hectare en blé et en paille pour chacune d’elles et le poids de l’hectolitre de grains :
- Rendement par hectare en quintaux
- N#s des Noms des grain paille Poids de
- parcelles variétés q. m. q. m. l’hectolitre
- — — — — kilogr.
- 1 Square head. . 34.71 57.70 79
- 2 Hickling. . . . 33.67 60.»» 79
- 3 Dattel 31.79 58.86 79.5
- 4 Bordeaux . . . 30.48 48.»» 81.5
- 5 Lamed .... 30.33 61.66 80
- 6 Blood red . . . 30.18 57.80 81
- 7 Australie . . . 30.20 73.21 79
- 8 Haie ..... 29.57 65.»» 79
- 9 Galand .... 27.19 56.35 75
- 10 Aleph 26.14 78.74 78
- 11 Golden dropp . 25.86 62.32 80
- 12 Poulard bl° lisse 25.39 41.»» 77
- 13 Zélande. . . . 25.21 58.82 80
- 14 Hunter White. 24.45 68.52 78
- 15 Blanc de Flandre . 21.02 38.32 80
- 16 Victoria. . . . 19.97 52.50 80
- 17 Chiddam d’au- tomme. . . . 18.31 38.23 79
- Moyenne générale. 27.68 57.47 79
- Le rendement moyen d’un champ d’expériences s’est donc
- élevé à plus du double du rendement moyen en Lorraine, qui, d’après les renseignements que nous avons pu recueillir, n’excède pas pour la variété du blé de pays et dans les conditions ordinaires de fumure 12 à 13 quintaux. Nous examinerons plus loin la part qu'il est possible d’attribuer dans cette augmentation dans les rendements à la fumure et à la nature de la semence. Le défaut d’espace m’oblige pour l’instant à me restreindre à l’exposé des résultats bruts de nos essais de cette année.
- Voyons maintenant quelle est la valeur argent de nos récoltes. Je suivrai pour l’évaluer les règles que j’ai adoptées l’an dernier dans mon étude sur la production agricole, prenant pour base de mes calculs le prix vénal du blé et de la paille au lieu de production : soit 21 fr. par quintal de blé et
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- 44 fr. par quintal de paille. D’après ces données, la valeur de la récolte et le bénéfice net à l’hectare s’établissent comme suit :
- Valeur en argent Valeur Bénéfice, du grain de la paille totale pr hect.(I)
- fr. c. fr. c. fr. c. fr. c.
- 1 Square head. . . 728 91 253 80 982 79 582 79
- 2 Hickling .... 673 40 264 » 937 40 537 40
- 3 Dattel 667 50 258 98 926 57 526 57
- 4 Bordeaux.... 640 08 211 20 851 28 451 28
- 5 Lamed 636 93 261 30 898 23 498 23
- 6 Bood red . . . . 633 78 253 22 887 » 487 »
- 7 Australie .... 634 20 322 12 956 32 556 32
- 8 Haie 620 97 286 » 906 97 506 97
- 9 Galande 570 99 247 94 818 93 418 93
- 10 Aleph 548 94 346 46 895 39 495 39
- 11 Golden dropp . . 543 06 274 21 817 27 417 27
- 12 Poulard 533 19 180 40 713 59 313 59
- 13 Zélande 529 41 258 81 788 21 388 21
- 14 Hunter White. . 513 45 301 49 814 94 414 94
- 15 Blanc de Flandre 441 42 168 61 610. » 210 »
- 16 Victoria 419 37 231 » 650 37 250 37
- 17 Chiddam .... 384 51 168 21 552 72 152 72
- Moyenne générale : 581 28 259 87 834 15 434 15
- L’excédent de la recette sur la dépense s’élève pouiTensem-ble de notre champ d’expériences à 439 fr. 15 par hectare. On voit d’après cela, et je n’ai pas d’autre prétention que de démontrer une fois de plus le fait, on voit, dis-je qu’à la condition de fumer convenablement le sol, de choisir convenablement la semence, il est possible, dans un sol médiocre de réaliser encore de beaux bénéfices en produisant du blé. Les rendements que nous venons d'enregistrer ne surprendront pas, j’en suis certain, les cultivateurs et les agronomes qui ont visité, pendant le concours régional, en juin dernier, les cultures de l’Ecole de Mathieu de Dombasle. A cette époque, la récolte culture pouvait déjà être évaluée à un chiffre élevé. La sécheresse extrême du mois de juillet a exercé une influence notable sur les rendements qui, d’après les apparences de la récolte, en fin de juin, auraient été, sans l’ardeur du soleil et l’absence de la pluie, d’un dixième au moins supérieur à ce qu’ils sont.
- En attendant que je revienne sur ces rendements et sur le prix du revient du quintal qui en découle, je crois utile d’appeler dès à présent l’attention des cultivateurs sur deux points saillants des résultats obtenus cette année à Tomblaine. Le premier est relatif à la nature de la fumure. Guidé par les considérations que j’ai développées récemment sur le rôle des engrais phosphatés et me fondant sur les résultats de huit années d’expériences sur la valeur fertilisante des différentes
- (1) S’obtient en déduisant 400 fr. du produit total.
- formes d’acide phosphorique, j’ai, de concert avecM. Thiry, remplacé le superphosphate minéral des Ardennes en poudre fine. On voit par les hauts rendements obtenus combien est assimilable, dès la première année, le phosphate insoluble. Sans compter la réserve abondante d’acide phosphorique qu’une fumure, à raison de 1,000 kilogrammes de phosphate tribasique à 1,hectare, laisse disponible pour les récoltes ultérieures, les rendements de trente à 35 quintaux de blé obtenus dans notre champ d’expériences mettent en évidence de la façon la plus nette l’intérêt qu’a le cultivateur à employer à haute dose le phosphate en poudre. Avec une dépense de 70 francs à l’hectare, prix de 1,000 kilogrammes de phosphate tribasique, on n’aurait pas pu introduire plus de 400 à 500 kil. de superphosphate, qui, suivant toute probabilité, n'auraient pas fourni avec la même semence, un rendement aussi élevé. Nous y reviendrons avec détails plus tard.
- La seconde observation générale à laquelle je veux m’arrêter un instant est l’influence de certaines variétés sur la production de la paille. Le blé d’Australie et le blé d’Aleph, qui nous ont donné 30 et 36 quintaux de grain, ont, en même temps, produit 73 et 78 quintaux de paille tandis que le blé de Flandre et de Chiddam ont des rendements de 21 et de 18 quintaux de grain seulement n’ont fourni que 38 quintaux de paille. Or, la valeur de la paille doit entrer en ligne de compte dans le prix de revient du blé, et le cultivateur devra tenir compte dans le choix des semences, des rendements en paille.
- Nous reviendrons très prochainement à la discussion des résultats des expériences de 1885 sur le blé, et nous aurons occasion d’en tirer des conclusions très intéressantes pour la culture de cette céréale. Ce qui ressort du simple enregistrement des chiffres relatés plus haut, c’est la possibilité, affirmée par nous tant de fois, de faire du blé, dans notre pays, une culture rémunératrice à la condition de procéder à l’inverse de ce qui se fait généralement et de donner une forte fumure au sol destiné aux emblavures, au lieu de persister à semer le froment sur des terres en partie déjà épuisées par une récolte antérieure. Cela est tellement évident qu’on s’étonne de voir encore tant de cultivateurs proclamer que la culture du blé ne saurait plus être rémunératrice, au lieu de chercher par l’emploi d’engrais et de semences convenablement choisies à la rendre productive.
- L. Grandead.
- Charmeuse de papillons. —• C’est une fillette. D’abord vous eussiez vu un papillon venir à elle, puis un autre, un autre encore ; et bientôt tout un essaim voletant autour de l’enfant, suivant cette petite fée où elle allait, conduit par elle où elle voulait.
- L’expérience dix fois renouvellée réussit chaque fois. L’aimable fait est communiqué à la Nature par un de ses abonnés de Limoges.
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- Pour en faire autant, procurez-vous un de ces petits ballons en verre étamés, de la grosseur d’une orange et qui, suspendus à un bout de fil, servent à l’amusement des enfants ; puis, en plein air et plein soleil, faites-le tourner, soit autour de votre tête, soit dans un plan quelconque vertical ou oblique. C’est à quoi s’amusait la fillette quand, fasciné par l’éclat de ce miroir sphérique roulant dans une orbite lumineuse, un premier papillon arriva, puis un second, qui subissait en plus l’ascendant de l’exemple, un troisième, etc., enfin de tous les papillons de Panurge.
- LES BŒUFS AMÉRICAINS
- M. Tisserand, directeur de l’agriculture, a fait, à la Société nationale d’agriculture de France, une communication très importante relativement à l’importation du bétail vivant d’Amérique. Jeudi 2 juillet, un convoi de 198 bœufs américains a été amené sur le marché de la Vilette. Ces animaux, venant du Texas, ont été embarqués à New-York et sont arrivés, après une traversée de onze jours, à Anvers, d’où ils ont été dirigés sur le marché de Paris. Grâce à la bonne installation des boxes du bateau, ces animaux n’ont pas eu à souffrir de la traversée ; ils ne portaient aucune trace d’œdème sur la peau.
- Ce troupeau, dans lequel se trouvaient 40 taureaux, était composé de sujets de trois ans d’un poids moyen de 50 kilos, produits par un croisement durham avec la race du Texas. Ils ont été vendus l fr. 70 1e kilog., le prix le plus élevé du marché du 2 juillet.
- A l’étal ils ont donné un rendement de 61 O/Ode viande de première qualité.
- La perle dans le trajet est d’environ 5 0/0 et le prix du transport du Texas à Paris de 95 francs par tète.
- Nous aurons l’occasion de revenir sur cette importation.
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- INFLUENCE DE LÀ PAUVRETÉ
- sur les affections domestiques
- Eveillez chez l’homme les affections domestiques et vous lui donnez les meilleurs éléments du bonheur terrestre. Mais le plus délicat sentiment se trouve atteint par mille causes de refroidissement dans les demeures de l’indigence.
- Une seule pièce souvent trop étroite servant à la fois de parloir, de cuisine, de buanderie, de chambre à coucher et d’infirmerie au besoin est la plupart du temps la seule ressource de toute une famille. A moins d’une énergie et d’un respect de soi absolument exceptionnels, il n’est pas possible d’entretenir en ces conditions l’ordre, la propreté ni le confort.
- Les membres de la famille sont perpétuellement exposés aux contrariétés de mesquines interventions. Les convenances de la vie ne peuvent être observées qu’avec une grande difficulté.
- La femme travaillant sans relâche, forcément négligée, souvent malpropre, perd tout attrait aux yeux de son mari :
- La jeune fille s’élève sans la modeste réserve, sans les délicats sentiments dans lesquels la pureté puise toute sa force.
- La grossièreté de manière et de langage trop sûre conséquence d’un mode de vie qui ne permet aucune séparation entre les personnes d’âges et de sexes différents, devient l’habitude de la plupart des membres de la famille ainsi logée et des relations vicieuses achèvent pour l’avenir leur endurcissement moral.
- Le défaut d’intérieur propre et bien ordonné est le plus grand mal des personnes qui vivent dans des sortes de taudis ; forcément elles cessent de se respecter les unes les autres. Les affections sociales se flétrissent au milieu de la confusion, du bruit perpétuel et du choc des intérêts.
- A cet égard le malheureux civilisé est souvent dans une situation pire que celle du sauvage.
- Celui-ci a une cabane plus grossière, mais ses goûts et ses mœurs le conduisent à vivre dehors. Autour de lui s’étend la nature libre et immense où il s’arrange à sa volonté et trouve ses satisfactions. Endurci dès l’enfance contre les éléments, il vit au grand jour et à l’air pur de l’espace.
- Dans la cité, le malheureux doit choisir entre sa chambre renfermée et la rue étroite. L’appropriation privée de presque toute question du sol et les habitudes sociales ne lui permettent pas de rassembler sa famille ni de rencontrer les gens de sa classe sous les ombrages des arbres. Le malheureux civilisé aune maison sans les conforts delà maison. Il ne peut se réjouir en invitant ses voisins à partager son repas. Il n’a de conversation avec sa femme et ses enfants que pour leurs communs besoins. En résumé les plaisirs sensuels sont les seuls moyens de pourvoir à cet insatiable besoin de jouissance qu’on ne peut jamais détuire dans la nature humaine.
- Dr Channing.
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- M. Azara, professeur à la Faculté de médecine de Bordeaux a fait une communication tout à fait curieuse ayant pour titre : Le caractère dans les maladies. En voici l’analyse.
- Tout le monde sait combien se modifie le caractère chez toute personne malade et aussi chez toute personne qui, sans être malade, est dans certains états physiologiques, une personne grosse, un homme qui digère, par exemple ; mais personne n’avait songé à faire de ces variations une étude précise et scientifique basée sur l’observation ; c’est ce qu’a fait le protesseur de Bordeaux. Après avoir passé en revue et rappelé au souvenir de tous les variations du caractère chez les femmes à certains moments et chez tous pendant l’exercice de diverses fonctions naturelles, l’auteur examine les nombreux états morbides dans lesquels le caractère varie le plus. Il insiste surtout, s’appuyant sur l’expérience d’aliénistes éminents, sur les variations du caractère avant et après les accès de folie, et il appuie particulièrement sur l’importance qu’ont ces variations, avant, très longtemps avant, l’explosion de la paralysie générale des aliénés. Dans ces cas, elles sont des précurseurs certains.
- Après avoir étudié ces variations dans nombre de cas dont nous allons faire l’énumération dans l’énoncé des conclusions, M. Azam se demande avec M. Luys, dont il a reçu une communication particulière sur ce point, si la fonction intellectuelle qu’on peut nommer caractère peut être localisée en
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- un point quelconque du cerveau, et il se rattache à l’idée du savant aliéniste, que le caractère paraît pouvoir être localisé dans les régions de la base du cerveau qui reçoivent les irradiations du cervelet. A l’appui de cette idée, Fauteur cite des faits précis, entre autres l’histoire d’un homme au caractère autrefois ferme qui meurt d’une tumeur qui comprime la base du cerveau et qui avait fini par se laisser battre par sa femme.
- Voici, du reste, les conclusions du travail de M, Àzam :
- 1° Le caractère varie non-seulement dans un grand nombie de maladies, mais encore dans certains cas physiologiques.
- 2° Ces états sont surtout la grossesse. la maternité, la digestion, etc., etc.
- 3° Les états morbides dans lesquels le caractère varie particuliérement sont les maladies chroniques, les fractures, le cancer, la phtisie et les infirmités.
- 4° On observe aussi les variations de caractère dans tous les troubles de l’esprit ; avant et après les accès ; en général, le caractère s’améliore après les accès.
- 5° Les variations du caractère sont un prodome certain de a paralysie générale des aliènes.
- 6° On les observe aussi dans l’hystérie, la double conscience,l’épilepsie, chez les névralgiques et chez les névropathes.
- 7° Ils accompagnent le plus souvent la rage, l’ivresse alcoolique et diverses intoxications, l’angine de poitrine, les troubles de la digestion et les maladies des voies urinaires.
- 8° Le caractère peut être localisé dans les régions de la base du cerveau qui reçoivent les irradiations du cervelet.
- La boussole directrice
- Sans vouloir entrer dans une description par trop détaillée de ce nouvel instrument, disons que c’est une boussole ordinaire munie de divisions spéciales ou degrés, d’une tige alidade et de vis arrêtoires, permettant à l’opérateur, quand il a visé un point quelconque de la carte ou de l’horizon, de se diriger mathématiquement à travers champs et bois sur ce point, sans le voir, sans être obligé de se repérer soit à droite soit à gauche et sans dévier de la ligne droite.
- C’est donc un instrument très précieux pour la direction des troupes en campagne, par la nuit, par le brouillard ou dans une forêt.
- Avec l’ancienne tactique, la direction d’une troupe était toujours facile à assurer, parce que cette troupe arrivait massée à très courte distance du point visé et ne se déployait guère qu’en présence de l’ennemi; mais avec les nouvelles armes cette manière de procéder n’est plus pratique.
- Un chef soucieux de la vie de ses hommes doit tout craindre des surprises et être toujours prêt à combattre.
- Dans ces conditions, il est forcé, longtemps avant de voir l’ennemi, de prendre sa formation préparatoire de combat et de marcher alors avec un front d’une grande étendue (800 à 1,200 mètres par exemple). Il devient alors très difficile, pour peu que le terrain à parcourir soit accidenté et boisé, de
- garder la véritable direction en obtenant des fractions de la première ligne la cohésion qui leur est indispensable pour former une chaîne de tirailleurs solide au moment décisif.
- C’est là que la boussole directrice trouve son utilité.
- Cinq bataillons des 91e et 94e régiments de ligne et trois batteries d’artôlerie étaient supposés former l’avant-garde d’une division allant à travers bois, champs et vallons de Mour-melon-le-Grand àSuippes. 1
- La même ligne d’environ 800 mètres de front, était formée de deux bataillons.
- Un bataillon de renfort était au second plan, tandis que les huit dernières compagnies étaient tout à fait en arrière.
- L’artillerie occupait l’aile gauche.
- Pendant environ six kilomètres, cette avant-garde ainsi composée, a marché en avant par bonds successifs et tout en maintenant parfaitement sa direction première.
- La retraite s’est ensuite faite par échelons et en échiquier avec le plus grand ordre.
- On peut donc espérer que quand la boussole directrice sera connue et dans les mains de nos officiers, elle rendra de grands services.
- Ce premier essai sera, du reste, renouvelé et essayé en grand aux manœuvres de septembre prochain.
- Le journal spécial auquel nous avons emprunté ces détails n'émet pas même l’idée que cette invention puisse avoir une autre destination que celle de servir les entreprises militaires. Aux amis de la paix d’en chercher l’application dans les œuvres se rattachant à la généralisation de bien-être
- Nouvelles du Familistère.
- L'Harmonie du Familistère vient de nous donner une nouvelle preuve de sa supériorité ; elle a obtenu au concours musical de Fresnoy-le-Grand :
- 4er Prix d’exécution;
- 2me Prix de lecture à vue;
- 2mc Prix de soli.
- Malgré ces succès, nos musiciens se déclarent mécontents des décisions du jury ; ils ont protesté contre la remise des récompenses de premier ordre àlasociété musicale de Laon, coupable de plusieurs fraudes qu’expliquent les lettres suivantes :
- Monsieur le directeur du journal Y Orphéon,
- Au concours musical de Fresnoy-le-Grand, la société la Laonnoise, de Laon, s’est rendue coupable d’irrégularités que nous avons signalées par une déclaration adressée au président du jury.
- Voici notre protestation :
- Monsieur Sinsoiller,
- Président du jury du Concours Musical de Fresnoy,
- Nous vous confirmons notre protestation verbale relative à la distribution des récompenses.
- Nous vous rappelons les faits qui justifient nos réclamations.
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- LE DEVOIR
- 1° La musique de Laon, classée, en 1881, à Villers-Cotte-rêts, en !re section, lr® division, ne pouvait concourir avec nous sans un déclassement que n’autorisent pas les réglements et les usages des fêtes musicales.
- 2° Fait plus grave, la musique de Laon avait plusieurs de ses principaux exécutants empruntés à des musiques militaires, notamment le premier Bugle, tambour-major du 45e et le 1er trombone du 72e, etc.
- Nous ne savons si les réglements militaires autorisent ces complaisances, mais il n’est pas douteux que les conditions générales en usage dans nos concours interdisent formellement ces emprunts.
- Veuillez nous accuser réception de notre lettre et nous dire si vous acceptez de contrôler nos déclarations par une enquête et si, devant la preuve de la vérité de nos allégations, vous consentiriez à réunir le jury pour proclamer notre bon droit.
- Veuillez agréer etc.
- Ne pensez vous pas, M. le directeur de l’Orphéon, qu’il conviendrait de soumettre le cas à un arbitrage qui, après enquête ayant prouvé la vérité de nos allégations, interdirait, temporairement, à la société coupable de ces méfaits le droit de prendre part à aucun concours. Si on ne met ordre à ces tentatives déloyales, on risque fort de compromettre l’avenir d e nos fêtes musicales ordinairement si fraternelles.
- Recevez, Monsieur, l’assurance de nos meilleurs sentiments Le Président de l'Harmonie du Familistère Point Le Directeur : Poulain Le Secrétaire Drecq
- CAUSERIE SCIENTIFIQUE
- Nous avons récemment tiré d’une lettre de M. le docteur Liébeault, de Nancy, pour en faire part à nos lecteurs, cette intéressante nouvelle que M. Th. Focachon, dont les études hypnotiques, nous ont naguère occupés, avait « créé des stigmates vrais sur un de ses sujets, stigmates qui ont saigné à heures fixes, selon la suggestion de l’opérateur ». Conformément à l’espoir que nous en exprimions, ce dernier a bien voulu nous adresser le détail encore inédit de ces expériences.
- Le sujet est une demoiselle Z..., hystéro-épileptique, âgée de trente-neuf ans. L’ayant mise en état de somnambulisme, M. Focachon « lui suggère » que « pour la soulager et éviter chez elle un état de congestion presque permanent des centres nerveux », il va lui faire naître à la partie supérieure du bras une plaie de la grandeur d’une pièce de 20 centimes qui s’ouvrira et se fermera comme il voudra, à son gré, et fournira la quantité de sang qu’il aura prescrite. Ce disant, il applique au lieu indiqué une étroite et mince lamette de guimauve, pas plus épaisse qu'une feuille de papier, la maintient par une bandelette de diachylum et quelques tours de bande, et enfin établit des points de repaire destinés à dénoncer les moindres dérangements de cet appareil. 11 est destiné, on s’en rend compte, à faciliter au sujet, à rendre chez lui plus active et plus intense la représentation mentale des effets à produire.
- Au bout de 60 heures, les tissus étaient complètement mortifiés ; et une plaie s’était produite, nettement circonscrite, entourée d’une auréole rouge et rappelant ce qu’eût pu
- faire un instrument perforant.
- Dans une seconde expérience, la guimauve fut remplacée par un petit rond de papier noir et gommé. Ce fut toute la différence quant au dispositif et, pour les résultats, ils furent exactement les mêmes que précédemment.
- Avant de « la rendre à elle-même,» c’est-à dire de la réveiller, M. Focachon lui ayant suggéré d’abord que la plaie ne se cicatriserait que sur la permission de l’opérateur, et ensuite, qu'au premier symptôme de congestion, Z... reviendrait le voir ; elle revint, en effet, au bout de deux jours :
- « A ce moment — c’est notre correspondant qui parle — la plaie était aussi vive et ausssi nette que le jour de l’expérience. Remettant Z... en somnambulisme, nous lui donnâmes l’ordre de faire cesser les phénomènes congestifs, qui la fatiguaient, et, pour y arriver, de laisser exsuder de la plaie, sans aucun autre moyen que la suggestion, une certaine quantité de sang.
- » Au bout de douze à quinze minutes, nous eûmes la satisfaction de voir le sang couler goutte à goutte (trois à quatre grammes environ), puis s'arrêter rien que sur notre ordre.
- Depuis lors, la plaie sèche ou s’avive à notre gré, toujours prête en quelque sorte à produire le phénomène demandé.
- » Tels sont, dans leur simplicité, les résultats obtenus ; nous nous proposons de les renouveler à l’occasion en prenant l’idée religieuse comme point de départ.
- C’est parce que cette idée n'avait pas sur le sujet l’autorité nécessaire que M. Focachon a fait jouer celle qui se trouvait bien plus en situation, de soulagement physique et de guérison. Mais son but avoué était de faire passer, si possible, le soi-disant miracle de la stigmatisation sous les fourches caudines de l’hypnotisme. On voit que les résultats sont des plus encourageants. Nous nous permettrons de conseiller à l'expérimentateur, lorsque les conditions d’une application religieuse pourront être réunies, de faire naître les plaies aux endroits mêmes où les grands extatiques absorbés dans la contemplation de celles du Christ les ont présentées ; aux extrémités (clous de la croix), au flanc (coup de lance), au front (couronne d’épines) ; ce sera ainsi bien concluant. Mais en prouvant que ces phénomènes n’avaient rien de surnaturel, il démontrera leur réalité. En des genres différents, les mystiques qui y crurent et les positivistes qui les nièrent se sont aussi grossièrement trompés.
- Je le dis sans condition, pensant y être autorisé par la conformité des expériences de Charmes avec celles de l’hôpital de la Marine, à la Rochelle, et de l’Asile de Lafont, près de Rochefort.
- On sait quel contrôle autorisé ont reçu de la part des savants médecins de Nancy, les précédentes expériences de M. Focachon sur les effets de vésication obtenus par la seule voie suggestive. Le contrôle des résultats faisant si essentiellement partie de la méthode scientifique, nous pensons que notre correspondant n’aura pas négligé de le procurer à ceux qui viennent de nous occuper. Toutefois, c’est un point sur lequel nous ne sommes pas fixé. Mais on se souviendra que c’est devant 25 médecins que le directeur de l’Asile de Lafont a pu dire à son somnambule : « Ton bras va saigner tout de suite à cette place » et se faire obéir.
- Victor MEUNIER.
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- MAITRE PIERRE
- Par Edmond ABOUT ( Suite )
- IX
- LE MAIRE DE BULOS.
- Ce nom magique, dont les vertus particulières m’étaient inconnues, ne parut effaroucher ni la bdle Mari-nette, ni la famille de M. le maire. Le vieillard se frotta discrètement les mains, comme s’il jouissait du trouble de son pupille ; les femmes de la maison s’entretinrent à voix basse sous le manteau de la cheminée, et Marinette arracha résolument ses sabots en lançant à son compagnon un coup d’œil provocateur :
- — Vous sortez donc ? lui dit-elle.
- — Tu le vois bien. Marche devant, et ne te fais pas prier.
- — Et où irons-nous, s’il vous plaît ?
- — Au diable !
- — C’est trop loin, et il pleut.
- — Tu as donc peur de la pluie, à présent ?
- — Vous avez bien peur du fils Tomery,
- — Ne m’agace pas !
- — Et ce monsieur de Paris que "vous oubliez ? Mauvais professeur, qui s’en va au milieu de sa classe !
- — Monsieur saura bien nous rejoindre. Mets tes sabots, ou tu ne me reverras jamais.
- — Alors, adieu pour toujours, mon doux seigneur ! »
- Le sang-froid de Marinette et le rire mutin dont elle
- assaisonnait ses réponses semblait exaspérer maître Pierre. Il se promenait à grandes enjambées dans la haute cuisine. Marinette en chaussons passait et repassait entre ses échasses et se dérobait subtilement chaque fois qu’il abaissait la main pour la prendre. Cette querelle d’un chêne et d’un roseau dérida toute l’assistance, et le maire oublia sa gravité municipale au point de rire aux éclats. Maître Pierre ne riait point. Lorsqu’il vit que tout le monde s’accordait contre lui, il ouvrit la porte de la rue et sortit sous un torrent de pluie qui le lavait de la tête aux pieds. La famille le suivit jusqu’au seuil de la maison, toujours riant. Les fenêtres du voisinage s’ouvrirent au bruit, et quelques curieux allongèrent la tête sous les gouttières pour se donner le spectacle de ses fureurs. Il invectivait contre tout le monde avec impartialité, appelant le maire vieil âne, sa femme intrigante, et ses filles conseillères de malheur. Il y eut un mot pour les voisins, pour le village, et pour tout le pays des Landes qui se laissait débaucher par les gens de Bordeaux. Il maudit le peuple qu’il avait enrichi et la terre qu’il avait rendue féconde ; il menaça la commune de lui retirer ses bienfaits ; il re-
- gretta de n’avoir pas la pellagre dans sa poche pour nous la jeter à la tête. « Et loi, dit-il à Marinette, fillè ingrate, capricieuse, coquette, fais ce que tu voudras, deviens ce que tu pourras ; va demeurer à Bordeaux, mets des bottines de soie, des châles de soie, des gants de soie ; pro-mène-toi dans des voitures, danse avec des messieurs ; je m’en moque î... » 11 acheva sa philippiquo en patois ; d’où je conclus que la langue française lui paraissait trop pauvre.
- Marinette, sans prendre garde au peuple de témoins qui écoutait la querelle, lui répondit en bon français : « C’est vous quiètes un ingrat, un capricieux et une coquette. Je vaux mieux que vous, car je laisse voir mes sentiments, et vous passez la vie à dissimuler les vôtres. Allez-vous-en où bon vous semble, enrhumez-vous si le cœur vous en dit ; nous savons bien que vous reviendrez à huit heures, car ces messieurs se sont invités à souper ici.
- — Jamais!» répondit-il. Mais son dernier mot me parut moins nettement articulé que les autres. Il partit sans retourner la tète, et tous les assistants rentrèrent au logis en se secouant comme des canards.
- Marinette n’avait jamais été aussi gaie. Elle riait à grands éclats, comme on fait dans les villages ; elle embrassait les filles du maire ; elle disait avec une résolution mêlée de dépit : « Tant mieux ! nous saurons à quoi nous en tenir. » Je suppose pourtant que celui qui serait allé pleurer pour elle dans un petit coin lui aurait rendu un véritable service.
- ( A suivre)
- État civil du Familistère.
- Semaine du 14- au 20 Septembre 1885.
- Naissances :
- Le 14 septembre, de Masse Louis Léon, fils de Masse Louis et de Poquerus Clara.
- Le 15 septembre, de Jury Paul, fils de Jury Constant et de Pamsart Adèle.
- Le 14,de Poulain Adrien, fils de Poulain Louis et de Nou-velon Marie.
- Le 14, de Flamant Maurice Jules Ernest, fils de Flamant Ernest et de Lecomte Louise.
- Le 17, de Lelong Jules, fils deLelong Jules et de Bridoux Lucie.
- Décès :
- Le 14, de Godériaux Gaston décédé le 14 septembre, âgé de 9 mois.
- Le Directeur Gérant : GODIN
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- 9e Année, Tome 9.— N" 369 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 4 Octobre 1885
- LE DBVODl
- BDREAU
- A GUISE (Aisne)
- Toutes les communications
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit au bureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
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- SOMMAIRE
- Madagascar. — Conférence de Bâle. — Nécessité d'une haute cour des Nations. — Mensonges intéressés. — Congrès de la paix en Scandinavie.— Où s’arrêtera-t-on ?
- — Progrès de la politique arbitragiste.— Les origines de la question Bulgare.— Avisa nos lecteurs.— Comité républicain de Guise.— Appel aux électeurs.— La politique coloniale en Birmanie.— La médiation du Pape.— Olivier Pain et les Associations. — Le congrès des Trades-Unions.
- — L’hipphophargie à Paris. — Le Gaz à l’eau. — Mécanique religieuse, etc. — Nouvelles du Familistère. — Les pigeons voyageurs.— Plus haut... Plus libre.
- MADAGASCAR
- La politique coloniale vient de subir un nouvel échec à Madagascar,
- Le télégraphe nous apprenait, il y a quelques Jours, que nos soldats avaient dû reculer devant les Hovas, après avoir perdu une quarantaine de de morts ou blessés,
- Cette nouvelle n’a produit aucune sensation parmi la population ; les journaux l’ont publiée sommairement sans la commenter.
- Le pays deviendrait-il indifférent au sort de ses enfants engagés dans les aventures lointaines ; ou bien à la suite des tristes affaires du Tonkin,aurait-on perdu le courage, de s’élever contre les ineptes entreprises d e la politique coloniale?
- . Dès que la mort du commandant Rivière fut connue, la population française manifesta des sentiments de douleur et de haine que la politique ferryste sut habilement exploiter pour nous Jancer dans l’aventure tonkinoise.
- Les soldats tués ou blessés à Madagascar ne son pas moins dignes de la nation que le commandant Rivière. Cependant la nouvelle de leur échec n’a donné lieu à aucune manifestation de l’opinion.
- Nous nous élevons contre cette indifférence. Les b raves qui sont tombés à Madagascar et les non velles victimes de la politique coloniale méritent qu’on s’inquiète de leur sort.
- Nous ne demandons pas que, pour venger ces malheureux,on envoie des renforts à Madagascar. Leur mort est un fait que la volonté humaine est impuissante à modifier; acceptons-le comme un avertissement et sachons arrêter le gouvernement dans une entreprise injuste qui pourrait nous coûter beaucoup de sang et d’argent et ne pas nous rapporter plus d’honneur que les affaires du Tonkin.
- Avec les dépenses déjà faites à Madagascar en armements inutiles, qui nous attirentles haines des Hovas, si l’on avait dépensé en présents et en pro-, cédés pacifiques la moitié des sommes englouties, en vue de tuer les hommes, nous aurions conquis les sympathies des Hovas, qui, lentement, mais ; sûrement nous auraient mérité fa conquête morale ! et commerciale de ces populations que nous ne ! soumettons qu’aux prix des plus grands sacrifices sans aucun profit.
- Nos droits sur Madagascar sont identiques aux droits de l’Allemagne sur l’Alsace-Lorraine, avec cette différence que l’Allemagne a été assez forte pour nous dépouiller de deux provinces,tandis que nous n’avons jamais pu nous établir à Madagascar, i Que pouvons-nous espérer de cette conquête ?
- * Les uns prétendent que cette île est facilement
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- &10
- LE DEVOIR
- colonisable : d’autres qu’elle sera toujours stérile.
- Ce qui est bien certain, c’est qu’elle est défendue par une population qui possède au suprême degré les qualités guerrières du patriotisme barbare ; et, fait plus grave, les Hovas disposent d’une certaine quantité de fusils des derniers modèles.
- Depuis le temps que nos navires sont en stationnement devant Madagascar, cette attitude dévoilant à tous nos intentions et notre puissance, -nos voisins, les Allemands, ont fait en sorte probablement de munir les Hovas d’armes qui les mettront à même de nous faire payer chèrement nos victoires, si nous poussons jusqu’au bout nos projets de conquête ; triste spectacte que de voir les gouvernements occupés à se créer des embarras au lieu de s’occuper à faire le bonheure des peuples.
- Notre flotte séjourne sur les côtes de Madagascar sans savoir pourquoi et sans savoir quoi faire.
- L’expérience a été assez complète pour quon ne puisse avoir aucun doute sur la volonté des Hovas de défendre leur pays: l’énergie et la ténacité qu’ils ont montrées chaquefois qu’un corps de débarquement a tenté d’avancer, prouvent assez que la conquête de Madagascar exigera des forces nombreuses et bien outillées militairement.
- Fatigués d’une trop longue spectative, de temps à temps, nos marins se livrent à un petit bombardement ou débarquent quelques hommes qui poussent des reconnaissances jusqu’à ce qu’ils aient rencontré quelques troupes Hovas,après quoi iis se retirent sous le feu de l’artillerie des navires. C’est dans un combat de ce genre que nous avons eu une quarantaine de morts ou blessés.
- Ces échecs augmentent les difficultés, en faisant croire aux Hovas que nous sommes impuissants contre eux.
- Si la raison avait quelque prise sur la conscience de nos gouvernants possédés des démons du mercantilisme et de la spéculation, l’inanité et l’injustice de nos prétentions sur Madagascar n’auraient jamais cessé d’être évidentes pour tous et jamais la France n aurait été poussée à une pareille équipée que la France républicaine prenne donc le seul rôle qui lui convient celui des conquêtes pacifiques par la patience et la bienveillance et en portant aux peuples arriérés des bienfaits au lieu d’aller les détruire.
- Avant qu’on aille plus loin, tenant à nos hommes d’Etat le seul langage qu’ils paraissent comprendre, nous leur disons : Madagascar n’est pas une :>roie facile, comme vous l’aviez supposé ; pour >ns en emparer, il vous faudra beaucoup plus
- d’argent que vous en produira la conquête de cette île ; nous ne parlons pas des hommes qu’il faudra sacrifier, nous ne serions pascompris; ayez au moins la prudence des vulgaires larrons qui ne se hasardent pas à consommer une effraction, lorsqu’ils savent que ses dangers ne peuvent être couverts par la valeur du larcin.
- Laissons Madagascar aux Malgaches, aux Hovas, jusqu’à ce qu’ils ép rouvent le besoin de se mettre en relations avec nous. En attendant, il se trouvera des Stanley, des Brazza qui apprendront à ces peuplades à apprécier les civilisés et à nouer avec eux des relations solides et durables.
- CONFÉRENCE DE BALE
- Une conférence a eu lieu le 17 septembre dernier, à Bâle, Suisse, pour esquisser le plan d’une Fédération dont toutes les Sociétés de paix et d’arbitrage en Europe et en Amérique seraient invitées à faire partie.
- Cette conférence avait été convoquée en exécution de la résolution prise, l’an dernier,au congrès de Berne où il avait été reconnu indispensable que tous les corps s’occupant de paix et d’arbitrage fussent en relations plus étroites les uns avec les autres, et en mesure d’agir d’ensemble si une action commune était jugée nécessaire.
- L’adhésion à la fédération n’affecterait en rien l’indépendance des sociétés et ne leur imposerait aucune responsabilité. Le projet des statuts de la Fédération va être imprimé et mis en circulation par les soins de l’International arbi-tration and peace association, de Londres.
- Les représentants des diverses Sociétés de la paix réunis à Bâle ont adopté les résolutions que nous résumons comme suit :
- L’objet le plus digne de fixer l’attention des Sociétés de la paix étant la constitution d’un Tribunal d’arbitrage international, il serait de plus haut intérêt de prendre en considération la proposition de l’association anglaise et de constituer, comme elle le demande, une sorte de tribunal préparatoire composé. de juristes des différente» nations, lesquels se réuniraient pour considérer tout différend qui viendrait à s’élever entre les Etats et diraient de quel côté leur parait-être le bon droit.
- Provisoirement le siège de l’olfice central des Sociétés de la paix sera au siège même de The International arbi> tration et Peace association, à Londres.
- Les membres présents à la conférence de Bâle, ont, en outre, voté des félicitations à M. Hern Molkenboër, de Bonn, pour son zèle et ses efforts en vue de perfectionner l’enseignement de la jeunesse, spécialement en combattant l’esprit de guerre préconisé dans la généralité des livres d’école.
- Le congrès a été d’avis que les pères et mères et les professeurs de tous rangs devraient s’appliquer à inspirer à l’enfance et à la jeunesse l’amour et la justice et la commisération pour tout être humain de quelque nationalité qu’il soit.
- Le congrès a également émis le vœu de voir refondre ou réviser dans ce but tous les livres d’enseignement.
- Des félicitations ont été votées à M. Charles Lemonnier,
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- président de la ligue de la paix et de la liberté, à M. Frédé-rie Bajer, de Copenhague, et à M. Lowenthal, de Lausanne, pour leur précieux concours aux travaux du congrès.
- Parmi les autres notabilités qui ont pris une part active au congrès, citons M. Bernheim, de Bâle; M. Théo-Hering, de Barr, Alsace ; M. Armstrong, membre delà société française des amis de la paix ; M. Capper représentant de la société anglaise de la Paix; enfin M. Hodgson Pratt le vaillant, initiateur du mouvement, dont le dévouement et l’énergie sont au-dessus de tout éloge.
- Nécessité d’une haute cour des Nations
- Plusieurs journaux, dit le correspondant italien du Daily News, parlent d’une proposition d’arbitrage pour résoudre le différend entre l’Espagne et l’Allemagne, mais la grande difficulté est la lourde responsabilité encourue par l’arbitre; l’empereur d’Allemagne lui-même a refusé d’être arbitre dans le conflit anglo-russe, afin de ne pas endosser une responsabilité de cette nature. Aussi, des journaux italiens expriment-ils l’espoir que le roi n’acceptera pas l’office d’arbitre.
- Cet état de choses inspire à M. B. Britten les réflexions suivantes que nous lisons dansTTie arbitrator :
- « Il est évident que toutprotentat, qui assurerait la charge d’être arbitre entre l’Espagne et l’Allemagne, serait exposé, si les faits de la cause l’y portaient, à se prononcer contre l’Allemagne, et à placer ainsi son propre pays sous le coup du ressentiment éprouvé par cette Puissance. Finalement il pourrait exposer son pays à la guerre pour s’être employé de toutes ses forces à sauvegarder, les nations de cette calamité.
- « Comment, la Grèce, la Belgique ou le Danemark pourraient-ils agir en qualité d’arbitre sans un extrême danger?
- « L’Angleterre elle-même, si elle était invitée à agir ainsi, ne serait-elle pas en proie à une anxiété profonde ? Et n’est-il très probable qu’en cas pareil la Puissance la plus forte aurait, comme en cas de guerre, la meilleure chance ?
- Concluons donc que si une haute Cour des Nations était instituée, toute Puissance en appellerait avec sécurité à ce corps représentant l’ensemble même des nations, et le verdict d’un tel tribunal suivrait son cours comme expression du sentiment de tous les Etats. »
- C’est ce que M. Godin a longuement exposé dans son volume :
- « Le Gouvernement », il y a trois ans.
- Mensonges intéressés.
- On sait les histoires atroces que nous racontaient autrefois les entrepreneurs de l’œuvre de la Sta enfance, sur la cruauté et la misère des chinois ; elles n’ont d’égales que les récits des massacres des prisonniers, répandus à grand fracas par les officieux de la politique ferryste.
- En nous attendrissant sur le malheureux sort des petits chinois, les gros sous tombaient dans les pieuses escarcelles.
- En fanatisant les soldats par des racontars immensés sur les massacres de leurs camarades prisonniers on les pousse à combattre sans merci au profit des spéculateurs concessionnaires des entreprises coloniales.
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- Nos lecteurs ont lu fréquemment nos réflexions à propos des combats livrés au Tonkin; nous avons souvent exprimé notre étonnement de ne jamais entendre parler des prisonniers ; on disait toujours que, les Chinois se livrant à d’atroces mutilations des vaincus, nos soldats combattaient en désespérés sans jamais se rendre, sans jamais faire grâce.
- Nos renseignements n’étaient pas exacts.
- On a fait des prisonniers au Tonkin.
- Les Chinois ont capturé des traînards qu’ils ont convenablement traités, comme peut le faire un peuple riche etu humain. On ne peut penser autrement après la lecture des lettres écrites par un soldat, dont la‘famille actuellemen t à Guise, a habité le Familistère.
- Voici l’une de ces lettres.
- Chiü le 23 juillet 1885.
- Chers parents,
- Je vous écris cette 2ra® lettre etc.
- C’est à la retraite de Lang-Son que j’ai été fait prisonnier.
- J’étais exténué de fatigue après une nuit et une journée de marche, alors j e me suis arrêté une minute pour me reposer. J’étais prêt à repartir lorsque je vis deux chinois devant moi ; ils m’ont arrêté et m’ont emmené sans me taire de mal et plus loin j’ai remarqué que nous étions quatre de la même compagnie, et arrivés au pays delà captivité nous étions 10. Enfin nous n’avons pas été malheureux, il est vrai que comme nourriture nous n'avions ni pain ni vin,mais nous mangions du riz en guise de pain, comme fricot ils nous donnaient poulet, canard, bœuf, poisson et beaucoup d’autres choses qu’il serait, trop long d’énumérer.
- Nous so mm es rentrés dans les troupes françaises la veille du 14 juille t et nous avons fait la routeà cheval.
- Lorsque vous m’écrirez veuillez me dire si l’on vous a écrit que j’étais mort.
- Compliménts à toute la famille et à tous les camarades.
- SÉNÉCHAL Arthur
- 3e compagnie 2e bataillon d'Afrique au Tonkin.
- Congrès de la paix en Scandinavie.
- Le premier congrès de la paix entre les quatre nations Scandinaves : Suède, Norwège, Danemarck et Finlande, eut lieu à Gothembourg, les 17, 18 et 19 août dernier. Environ deux cents amis de la cause y assistaient.
- M. S. A. Hedlund,membre du Parlement suédois,présidait l’assemblée.
- Parmi les chefs du mouvement se trouvait un certain nombre de membres des Parlements danois et suédois.
- La question d’arbitrage international fut,naturellement, l’objet d’une discussion spéciale.
- M. Bajer, membre du Parlement danois, offrit le tribut de ses hommages à M. Mancini, l’éminent homme d’Etat italien, pour les services rendus par lui à la cause de l’arbitrage.
- En effet, au cours de l’exercice de ses fonctions comme ministre des affaires étrangères en Italie, M. Mancini fit insérer dans 17 traités internationaux des clauses par lesquelles les parties s’ëngageaint à recourir à l’arbitrage pour la solution de toute difficulté surgissant des traités mêmes.
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- M. Bajer proposa ensuite que deux ou trois contrées s’engageassent entre elles, au moins pour une période déterminée, à régler par l’arbitrage tout différend qui pourrait s’élever entre elles.
- Puis vint une sérieuse discussion sur l’Enseignement pacifique et la nécessité d’habituer les enfants et les jeunes gens à réagir contre l’esprit de guerre, en leur démontrant les terribles effets qui en résultent. L’héroïsme supérieur est celui de la vie civique et de la paix.
- Plusieurs femmes : Mesdames Hübner, Norrelund et autres prirent part à la discussion.
- (Herald of peace. )
- Où s’arrêtera-t-on?
- Dans le militaire, la science, l’aberration, l’extravagance se coudoient dans une incomparable désinvolture.
- Si l’on en croit les journaux bien informés le soldat français va faire l’essai d’un nouveau costume.
- Petit chapeau de feutre légèrement conique, à l’aile galament retroussée sur le côté par une verte plume de coq, et le reste à l’unisson ; cela donne un aperçu suffisant du costume gracieux destiné désormais aux égor-geurs de Chinois, de Malgaches et d’autres peuplades aussi coupables de ne pas être initiées aux beautés de la civilisation européenne.
- A quand des gants mauves et un bouton de rose dans les cheveux ?
- La cartouche accélératrice, nouvelle invention d’un ingénieur distingué, vient de donner des résultats « très satisfaisants », dit le rapport de la commission d’expériences.
- Elle consiste en une cartouche ordinaire bien fermée et contenant de la poudre fine, au centre de laquelle on a ménagé un espace vide dans toute la longueur. On emploie de la poudre fine pour réunir la masse explosive en un seul bloc et pour éviter l’inflammation instantanée qui se produit avec la poudre granulée.
- Quand cette cartouche est enflammée le feu commence à se propager sur les parois de l’espace vide, lentement d’abord et en raison de la faible surface de combustion, avec une pression suffisante pour chasser la balle ; puis à mesure que la flamme augmente, la force explosive croît rapidement et la balle sort du canon avec une vitesse et une force considérables.
- Le journal,auquel nous empruntons ces détails,prétend que l’inventeur estime qu’avec un canon de 0,75 de calibre et une charge de 1,800 grammes de poudre renfermée dans la cartouche accélératrice, on pourrait perforer une cuirasse d’un mètre d’épaisseur !
- Cette exagération donne la véritable mesure des tendances du patriotisme guerrier. Rien n’étonne ses sectaires ; qu’on leur parle du moindre progrès social, des i*lus mesquines réformes, tout est impossible, il faut du
- temps, du temps, toujours du temps ; s’il s’agit du perfectionnement des institutions militaires ou des engins de destruction, tout leur paraît naturel et parfait ; on leur proposerait un canon que son inventeur dirait apte à trouer les Alpes,aussitôt ils demanderaient qu’on en fasse l’essai ; ils ne trouveraient pas la proposition plus absurde que le petit chapeau avec la petite plume verte.
- Toujours, d’après les mêmes journaux, un autre ingénieur, distingué, lui-aussi, aurait expérimenté avec un plein succès un navire sous-marin.
- La chose serait parfaite, sile nouveau bateau devait faciliter les moyens de purger les mers des monstres aquatiques qui consomment pour leur entretien inutile des quantités considérables de poissons qui pourraient améliorer la nourriture des classes laborieuses.
- Mais on exalte cette découverte, parce qu’on attend d’elle le bouleversement de l’outillage destiné aux guerres navales.
- Qu’on ajoute à cela la torpille que l’on peut diriger,depuis terre, à cinq ou six kilomètres, vers un but pas plus gros qu’une chaloupe.
- N’oublions pas les ballons dirigeables qui verseront sur les soldats du Dieu des armées des torrents de pétrole enflammé et des montagnes de nitro-glicérine.
- Ainsi se résume momentanément l’idéal des patriotes de tous les pays.
- Persuadé que nous ne sommes pas encore arrivé à cet éclair de lumière qui dévoilera à tous les hommes la stupidité de ces instincts destructeurs, nous ne demandons pas aux ingénieurs distingués de trouver les moyens de mettre à la portée de tous le lait dès qu’on vient de traire la vache, les œufs dès qu’ils ont été pondus, le beurre au moment où on le sort de la barate, le raisin encore humide de la rosée septembrale.
- Nous proposerons encore moins, à nos dessinateurs, à nos tailleurs renommés, de s’inspirer de Watteau, de Fourier, de St-Simon, de chercher un costume gracieux et confortable pour nos troupes de moissonneurs ou de vendangeurs, et pour tous les autres gens grossiers auxquels nous devons le pain et le vin, ces sources de vie.
- Cela doit rester le monopole des Turcos, des Zouaves, et de tous les autres qui, sur le signe d’un soudard abruti, rasent une capitale, incendient une province, massacrent sans pitié femmes et enfants.
- Pour l’instant nous voulons mettre de côté nos appétits révolutionnaires ; nous renonçons à nos utopies ; nous concluerons comme doit le faire un conservateur sensé.
- Nous demandons aux ingénieurs distingués de se mettre à l’œuvre sans répit, et de trouver bien vite les procédés pratiques de sonder les mers et de livrer des combats sous-marins dans lesquels vaincus et vainqueurs ne pourront échapper aux noyades.
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- PROGRÈS DE LA POLITIQUE
- ARBITRAGISTE
- Si l’on juge d’après les apparences, on est porté à penser que les gouvernements deviennent meilleurs : la raison semble prendre sur eux un empire qu’elle n’avait jamais eu jusqu’à présent.
- Us n’ont point renoncé à leurs habitudes querelleuses : mais, fait nouveau, à peine ont-ils soulevé un motif de conflit, aussitôt ils reculent comme s’ils étaient épouvantés du mal qui pourrait en provenir.
- Depuis quelques mois, la politique extérieure abonde en surprises.
- *
- L’affaire de Congo, qui mettait en éveil les intérêts des puissances européennes, se règle pacifiquement, dans une conférence internationale, sans froisser aucun sentiment national des gouvernements représentés.
- On pouvait croire, il y a quelques mois, que l’Angleterre et la Russie allaient en venir aux mains au sujet de l’Afghanistan. Mais, les mots arbitrage, jugement international, retentissent, les esprits se calment, les nouvelles irritantes perdent leur influence; le sentiment public a réfléchi qu’il était possible de régler ce différend pacifiquement et qu’il serait insensé de recourir à d’autres moyens avant d’avoir épuisé les voies rationnelles ; il n’est pas douteux maintenant que les moyens amiables prévaudront.
- Dans le conflit espagnol-allemand; il est survenu maints incidents graves qui,à une autre époque, auraient motivé une intervention militaire immédiate ; néanmoins, tout fait espérer qu’une bénédiction pontificale terminera cette querelle que l’on aurait déjà compliquée de coups de canon et de batailles, s’il n’existait dans la manière de faire des gouvernants les modifie ations que nous cherchons à expliquer.
- Et la question d’Orient qui vient de s’affirmer avec tant d’imprévu et d’énergie. Il serait peut-être difficile de savoir quelle nouvelle est arrivée la première de celle des troubles de Roumélie ou de celle du projet de la conférence internationale qui devra remettre les choses en bon ordre.
- Ces événements survenus à des dates si rapprochées, et tous s’instruisant comme nous venons le dire, dénotent chez les gouvernements des tendances rationnelles auxquelles les peuples ne sont pas encore habitués.
- Devons nous supposer que les empereurs, les rois et les ministres et autres grands dignitaires ont eu des hésitations personnelles et des remords de conscience inconnus de leurs prédécesseurs en l’art de diriger les peuples ? Est-il admissible que les consciences de ces personnages aient été éclairées par les effets d’une grâce nouvelle qui les aura rendus accessibles à la pitié envers les peuples !
- Les Bismarck et tant d’autres éprouveraient-ils des sentiments humanitaires qui n’eurent aucune prise sur les Mazarin, les Richelieu?
- Malgré les apparences, malgré la satisfaction que nous causent ces événements si conformes à nos aspirations, nous n’avons pas la naïveté de croire que ces bienfaits sont dus à l’amélioration des hommes de gouvernement. Nous dirons même que s’il en était ainsi, nous n’aurions qu’une médiocre confiance en la continuité de cette sagesse gouvernementale. N ous la considérerions comme passagère, parcequ’elle serait soumise à toute la fragilité des existencs individuelles dont les plus solides ne sont pas toujours les plus précieuses.
- Nous pensons que les gouvernants, maintenant comme autrefois,ont pour objectif de conserver le pouvoir et qu’ils s’attachent avant tout,dans la limite possible, à la défense des intérêts qui leur assurent cette possession du pouvoir.
- Si les gouvernements tiennent compte aujourd’hui de considérations qu’ils négligeaient autrefois, c’est qu’ils sont convaincus qu’ils ne peuvent les méconnaître sans susciter des mécontentements menaçants.
- Cette amélioration apparente des hommes de gouvernements est simplement un reflet des perfectionnements de la conscience populaire en général ; elle a son origine dans les progrès de l’opinion publique.
- Les peuples n’ont jamais désiré la guerre par passion de la guerre, ils l’ont toujours admise comme le dernier moyen de défendre les droit brutalement méconnus.
- La facilité des gouvernements passés d’engager les peuples dans les aventures militaires provenait surtout de l’ignorance par les masses des causes véritables des conflits.
- Il devien t chaque jour plus difficile de tromper le public sur la valeur réelle des motifs invoqués par les chercheurs de querelle. Aussi, sont-ils contraints de se mettre eux-mêmes, à l’œuvre pour faire disparaître les prétextes de guerre qu’ils suscitent, tant le bon sens populaire, rendu expérimenté par de cruelles leçons, fait preuve de pru
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- dence avant de se passionner à propos d’événements qui ne l’intéressent pas directement.
- Que vont devenir les armées, ceux qui les commandent et les privilèges qu’elles défendent, si l’on peut mettre en jeu les questions les plus brûlantes de la politique sans provoquer les colères et les haines sans lesquelles les gouvernements n’ont plus assez d’autorité pour déclarer la guerre.
- Les événements que nous avons invoqués tendent à prouver que l’on a pu résoudre pacifiquement des conflits qui touchaient les intérêts et les sentiments nationaux des peuples les plus puissants. Ces exemples ne sont plus isolés ; ils viennent de se reproduire quatre fois dans quelques mois ?
- Ce ne sont donc plus les théoriciens qui posent la question du désarmement international. Les faits la proclament avec une évidence qu'onne saurait méconnaître ?
- Qui osera prétendre qu'on ne puisse baser les relations internationales sur une politique qui vient d’afïirmer sa puissance d’une façon si éclatante, alors qu’elle n’est que l’expression d’un vague sentiment populaire mal défini ?
- Que des hommes éminents,en situation d’apprécier les sentiments des masses, se réunissent en un Congrès européen;qu’ilsrecherchent à fond les mobiles de la sagesse des gouvernements. Ils comprendront que la conscience humaine commence à être en possession de notion sur le droit réel des peuples qui la mettent à l'abri des surprises et des -entraînements qui ont favorisé de tout temps les folies entreprises des gouvernements ambitieux ; ils reconnaîtront que cet état de l’opinion publique est un gertne nouveau suffisamment enraciné pour que rien ne puisse en arrêter le développement. Influencés par ces constations et par leurs effets que nous venons d'exposer ils dèvraient admettre que la politique arbitragiste, déjà si puissante, aurait assez de force pour sauvegarder l'ordre dans toutes les circonstances,si des hommes de gouvernement en dégagaient publiquement les grandes lignes et s’apprêtaient à rechercher comment il serait possible de l’appliquer méthodiquement.
- Les salutaires effets de la politique arbitragiste pendant une période aussi courte, s’ils sont convenablement propagés par les amis de la paix, peuvent amener beaucoup d’honnêtes gens à se demander quelle est futilité de dépenser des milliards pour l’entretien des armées, lorsque les gouvernements appliquent la politique arbitragiste avec tant de succès.
- LES
- ORIGINES DE LA QUESTION
- BULGARE
- Nous lisons dans le Rappel :
- L’événement qui vient de se produire dans les Balkans n’aurait pas dû surprendre les cabinets européens autant que les journaux se plaisent à le dire. Depuis longtemps déjà, et même dès lapremière convocation, à Tirnova, des députés de la nouvelle principauté bulgare, convocation qui eutdieu en février 1879, conformément aux stipulations du traité de Berlin, la majorité des députés, tout en remerciant l’aéropage européen qui venait de créer une Bulgarie libre et indépendante, regretta que le traité de Berlin eût exclu de cette faveur les 400,000 Bulgares qui peuplent le centre et le nord de la Macédoine. Elle exprima aussi le regret que la province bulgare de Roumélie eût été séparée de la Bulgarie du nord contrairement aux aspirations de la population et aux stipulations du traité de San Stefano.
- Ces regrets furent manifestés en présence des commissaires des puissances signataires du traité de Berlin.
- Dès ce moment, deux partis se formèrent en Bulgarie, l’un s’intitula : parti libéral national, l'autre : parti conservateur.
- L’inégalité de ces deux partis, au point de vue du nombre, était très considérable et toute en faveur du premier. Néanmoins, le prince Alexandre, dès son avènement au trône, résolut de s’appuyer sur le parti conservateur qui voulait le statu quo, tandis que le parti libéral ne cachait pas les tendances en faveur de la réunion à la Bulgarie de la province de Roumélie et de la Macédoine bulgare, c’est-à-dire en faveur du retour du traité de San Stefano.
- La première Chambre élue, se trouvant composée presque en totalité de députés du parti libéral, fut dissoute.
- Trois mois après, de nouvelles élections eurent lieu ; elles donnèrent une Chambre semblable à la première. Le prince dut s’incliner devant les manifestations réitérées du suffrage électoral et composa son ministère avec des éléments pris dans le sein de la majorité, majorité qui comprenait 184 députés, sur 192 dont se composait la Chambre.
- LE COMITÉ DIRIGEANT DE SOFIA
- A partir de ce moment, la lutte devint très vive entre les deux partis : les chefs bulgares durent se constituer en comité à Sofia. Bientôt, dans tous les centres importants des deux cotés des Balkans, s’organisèrent des comités semblables qui recevaient leurs instructions de celui de Sofia. Ce dernier était composé de MM. K araveloff, Zarkoff,Slaveïkoff, Stoï— chefl, Souknaroff et d’un étranger, M. B..., qui, avec MM. Karaveloff et Slaveîkoff, dirigeait le mouvement.
- Dès la formation du premier cabinet libéral, qui fut constitué le 26 mars 1880 et à la tête duquel fut placé M. Zankoff, les tendances annexionnistes du gouvernement se manifestèrent très vivement. Les comités (comitats) de Macédoine reçurent, dès cette époque, des armes et des munitions expédiées secrètement par la voie de Kustendil et par les cols de Banin et de Batak (monts Rhodopes).
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- INTERVENTION DES PUISSANCES
- Tenus au courant de ce qui se passait, les cabinets européens, entre autres ceux de Berlin, de Vienne et de Saint-Pétersbourg, engagèrent le prince Alexandre à se défaire du cabinet libéral, qui n’aurait pas tardé à provoquer un nouveau conflit en Orient, et à gouverner avec l’ancien parti conser vateur.
- Mais la tâche n’était pas aisée. Cependant le prince Alexandre n’hésita pas à engager la lutte contre le parti annexionniste et, par un décret en date du 27 avril 4881, il retira la présidence du conseil à M. Karaveloff, auquel il venait de la confier et il la confia au général Ernruth, ministre de la guerre, qui prit également le portefeuille de l’intérieur.
- Le prétexte apparent de ce coup d’Etat était que le prince ne pouvait pas gouverner avec la constitution votée et acceptée par lui à Tirnova ; le véritable prétexte était celui que nous signalons.
- Le résultat ne fut point celui que les cabinets de Berlin et de Vienne avaient prévu. Quant au cabinet de Saint-Pétersbourg, il fut moins déçu, car il ne s’était associé à cette mesure que pour donner aux deux autres une preuve de sa sincérité en faveur du maintien de la paix et pour montrer qu’il n’était pour rien dans la politique annexionniste du parti libéral bulgare.
- La population s’émut très vivement de cette mesure ; des meetings s’organisèrent dans tous les grands centres non-seulement de la Bulgarie, mais aussi de la Boumélie, partout on protesta et de très graves désordres eurentlieu dans plusieurs localités ; ces désordres ne furent guère connus de l’Europe.
- Les chefs du parti conservateur, Marco Balabanow, Icono-mongw, Bourmow etc., qni jusqu’alors avaient fait cause commune avec le prince dans sa pol itique de statu quo, se séparèrent avec fracas de la cour et firent cause commune avec le parti libéral, qui devint alors véritablement parti national.
- A la suite d’une proclamation adressée au peuple le 7 juin 1881 et dans laquelle ils protestaient au nom de la nation bulgare contre le coup d’Etat du prince, MM. Zancoff, Karaveloff, Slaveïkoff et Souknaroff furent tous les quatre emprisonnés ; mais on dut les relâcher le lendemain devant l’attitude menaçante delà population de Sofia.
- Le 24 juin, le cabinet de Saint-Pétersbourg, répondant à un télégramme envoyé par les chefs du parti national, fit savoir qu’il approuvait les actes du prince.
- A partir de ce moment, le peuple bulgare, voyant qu’il ne pouvait compter que sur lui -même, résolut d’employer tous les moyens pour obliger le prince à renoncer à son attitude présente.
- ANARCHIE IN BULGARIE
- D’un commun accord, il fut convenu qne les impôts ne seraient pas payés ; et, en effet, les collecteurs d’impôts furent chassés des villages lorsqu’ils se présentèrent, et il fallut employer la force armée pour obliger les citoyens bulgares à payer leurs contributions.
- Des menaces de mort arrivaient chaque jour au konak du prince. Ce n’était d’ailleurs pas là ce qui inquiétait le plus
- ce dernier, bien autrement anxieux de voir avec quelle persistance et quelle énergie la population de la principauté revendiquerait dans toute leur étendue les di oits que lui octroyait ia constitution de Tirnova.
- 11 était également inquiet des intrigues d’aJeko-Pacha, gouverneur général de la Roumélie, qui faisait bon accueil à tous les chefs de la Bulgarie du Nord, lesquels se réfugiaient à Philippopoli, afin de mieux travailler à la restauration des libertés bulgares.
- De plus, il recevait de nombreuses députations des Bulgares macédoniens qui venaient lui dire que, s’il persistait dans sa conduite, ils se jetteraient dans les bras de l’Autriche.
- Cette situation intolérable ne pouvait évidemment pas se prolonger ; le prince comprit qu’en continuant à mécontenter son peuple il faisait le jeu de l’Autriche et qu’il se verrait lni-même bientôt dans l’obligation d’abdiquer. Aussi se dèci-da-t-il à se réconcilier avec le parti national, et il fut poussé par la Russie qui voyait diminuer sensiblement sa popularité dans les Balkans.
- Il donna aussitôt l’ordre d’élargir Zankoff qui avait été une seconde fois interné et qui était détenu dans la forteresse de Vrantza ; il le chargea de constituer un cabinet qui convoquerait la nouvelle Narodné-Sobrania (Chambre des députés) élue sur les bases de la Constitution de Tirnova.
- En même temps le prince acceptait le programme de gouvernement qu’avaient élaboré les chefs du parti libéral dans une proclamation qu’ils avaient lancée en janvier 1882. Un des paragraphes importants de ce programme était celui-ci :
- POLITIQUE DE L’UNION BULGARE
- « Le parti libéral national est profondément convaincu qu’aujourd’hui la liberté constitutionnelle octroyée par la charte de 1879 est absolument nécessaire et qu’elle constitue l’unique moyen de garantir l’indépendance de la nation et l’avenir de la race bulgare, de résoudre pacifiquement toutes les questions ayant un caractère d’ordre intérieur et international , il invite tous les patriotes à unir leurs efforts aux siens afin d’atteindre le but le plus tôt possible. »
- Le parti libéral déclare plus loin : « que la politique extérieure de la principauté doit être dirigée de telle sorte qu’elle puisse toujours compter sur la bienveillance de sa libératrice, la Russie, et sur les sympathies des grandes puissances. »
- Quelque temps après, en mars 1882, les comités de Sofia et de Philippopoli s’entendirent pour déléguer quelques uns de leurs membres auprès des cabinets des puissances signataires du traité de Berlin, dans le but de les pressentir au su jet de la réunion de la Roumélie à la Bulgarie, que désiraient ardemment les Bnlgares des trois provinces. A la tête de cette délégation fut placé M. Gueschoff, président de la Chambre des députés de la Roumélie.
- Depuis cette époque, les tendances unionnistes n’ont fait que se développer ; les comités ont poursuivi leur œuvre activement et, aujourd’hui, si l’explosion soudaine qui vient de se produire prouve la puissance de nationalité des Bulgares, et si elle révèle une main intelligente et habile, elle n’en est pas moins le résultat, qui devait tôt ou tard se produire, d’un travail de longue haleine, accompli en quelque sorte, sous l’œil des consuls de toutes les puissances.
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- LE DEVOIR
- GAVRIL PACHA KRESTOVITCH
- D’après le statut organique de la province de Roumélie, élaboré à Philippopoli par les co mrnissaires des puissances signataires du traité de Berlin en 1879, le gouverneur général de cette province privilégiée devait, après avoir été désigné par les puissances, recevoir le bérat de nomination et l’investiture par le sultan. La durée de son mandat était de inq ans.
- Le premier gouverneur, Aleko-Pacha, était un homme assez habile et il savait encore lutter contre les tendances unionistes de son entourage. Afin de conserver ia paix en Orient, il eût été peut-être plus habile de renouveler le mandat d’Aleko-Paeha pour une nouvelle période quinquennale. L’Europe a préféré choisir celui que les comités de l’Union viennent de renverser, Gavril-Pacha-Krestovich, d’origine bulgare, né à Kazan, en Roumélie, eu 1817. Il est donc âgé de soixante- huit ans.
- Il a fait ses études à Athènes, puis à Paris. Il fut journaliste à Constantinople et entra ensuite au conseil d’Etat de Turquie.
- A l’avénement d’Aleko-Pacha, son prédécesseur, celui-ci le choisit pour secrétaire général et directeur du département de l’intérieur.
- LES CONSÉQUENCES
- Quelles auraient pu être les conséquences des événements de la Roumélie ?
- Si les troupes turques avaient pénétré en Roumélie pour rétablir par la force le statu quo ante, elles auraient pu se heurter aux troupes bulgares massées en ce moment à Haskenî, à flermanly et au pont de Moustapha-Pacha. Or, les troupes bulgares privées de leurs principaux officiers, par le départ des officiers russes qui les commandaient n’auraient probablement pas pu soutenir le choc et elles eussent été promptement écrasées. L’intervention de la Russie devenait plus que probable et avec cette, intervention tout le cortège de complications européennes inévitables. Ce danger semble heureusement écarté par la volonté de la Turquie et des puissances de soumettre la question à une conférence.
- Mais il y a un autre danger encore plus grave, que les puissances cherchent d’ailleurs, en ce moment, à prévenir : je veux parler de la Macédoine.
- Si les comités y soulèvent la population bulgare qui s’élève au chiffre de 350,030 habitants très compacts, au centre même de la province, c’est-à-dire dans les environs de Velès à Kiupula, Egri-Palanka, INevrokoy, Pétrisch, Melnik, Strim-nitza, Sirlipe, Monastir, Guergueli, soit environ la moitié du territoire macédonien, la paix serait singulièrement compromise. Rien alors n’empêcherait la Serbie de s’emparer de tout le territoire de Kossovopolié, de la Liuma, de la Métokia et de ia partie est du Sandjek, le Novi-Bazar, territoires habités par des Serbes, appelés vieux-serbes.
- La Grèce de son côté ne voudrait pas rester inactive et revendiquerait les territoires du Sud de la Macédoine qu’habite l’élément grec.
- L’Autriche, qui tend dit-on, à s’empare r de Salonique, devrait donc, pour atteindre son but, passer sur le corps des Serbes, des Bulgares et des Grecs ; sans parler des prétentions de la Grèce sur l’Epire et le Serfiljé, de celles des Albanais qui réclament leur indépendance, de celles mêmes,dit-on, de i’Italie sur la aute Albanie.
- En un mot, la question de la Roumélie soulève celle de l’équililre politique dans tout le pavs qui s’étend au sud du Danube. C’est un réveil général de toutes les nationalités qui habitent ces contrées. L’incendie pourrait si facilement devenir général que l’excès du danger devient pour ainsi dire un bien, en forçant les grandes puissances à agir vigoureusement et sans retard.
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- Avis à nos lectenrs.
- Des personnes nous ont fait des envois anonymes et nous demandent pourquoi nous n’en avons rien relevé d ans « le Devoir » ?
- Nous déclarons donc ici avoir pour règle de considérer comme peu dignes d’attention les communications don t les auteurs ne nous accordent pas
- la confiance de nous fa ire connaître leurs noms.
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- COMITÉ RÉPUBLICAIN DE GUISE
- Les négociations nouées entre les candidats et le comité cantonal ont abouti aux fins désirées par les électeurs.
- La conduite des deux parties n’a pas cessé un seul instant d’être rigoureusement républicaine. De part et d’autre on n’a voulu rien faire légèrement; les membres du comité cantonal et les candidats se sont présentés devant une imposante réunion électorale après avoir réglé les termes de la résolution qui devait être présentée à la rin de la séance.
- Près de trois mille électeurs avaient répondu à l’appel du comité. Les déclarations des candidats ont été attentivement écoutées ; leurs promesses de travailler à rétablissement d’une république loyalement républicaine ont soulevé d’enthousiastes applaudissements.
- Les candidats ont dû s’appercevoir qu’il fallait laisser aux réactionnaires tous les racontars en circulation sur le modérantisme des campagnes et sur les répugnances des électeurs des communes pour toutes les réformes sérieuses.
- Nous reproduisons l’ordre du jour voté à l’unani-mité par les électeurs présents à la réunion. L’exécution du mandat qu’il contient assurera la discussion fréquente à la Tribune du Corps législatif des conditions de la représentation nationale.
- Le peuple,attentif aux débats parlementaires,aura de nombreuses occasions d’entendre exposer le pour et le contre du renouvellement partiel et annuel, et nous ne doutons pas que son bon-sens n’en dégage bientôt l’importance.
- Voici la résolution qui a été acclamée.
- Considérant que les candidats ont inscrit sur leur programme le principe du renouvellement partiel et qu’ils acceptent le renouvellement bis annuel par tiers des corps élus.
- Les électeurs présents à la réunion publique du 2 octobre, au marché couvert de Guise, donnent mandat aux députés de présenter et de défendre, à la Chambre, un projet de loi sur le renouvellement partiel bis annuel par tiers, s’ils ne jugent pouvoir défendre le renouvellement annuel par tiers, sanction effective de la souveraineté nationale.
- Les candidats s’engagent à présenter ce projet de loi, chaque fois que les règlements parlementaires en permettront le dépôt et à hâter par tous les moyens en leur pouvoir les travaux des commissions saisies de projets sur cette question.
- Ils autorisent le comité de Guise à rendre publique cette clause électorale.
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- le devoir
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- APPEL AUX ÉLECTEURS
- Au moment, où le suffrage universel va se prononcer en France nous croyons utile de donner ici ce que le «Herald ofpeace» conseille aux électeurs en Angleterre :
- Compatriotes ! Votre attention est appelée sur beaucoup de sujets à propos des élections ; quelques-uns de ces sujets intéressent soit une classe, soit l’autre de la communauté. Mais il est une question d’importance suprême pour tout homme, toute femme et, tout enfant de la nation, c’est celle de la paix ou de la guerre ; car elle entraîne pour conséquence le bien ou le mal qui tôt ou tard, selon qu’on aura la paix ou la guerre, atteindront toute famille et tout individu au cœur.
- Jusqu’à présent les gouvernants des nations ont déclaré les guerres, et les peuples en ont payé le coût de leur sang et Je leurs biens. Dans quelles mesures ? C’est ce que peu de faits suffisent à enseigner.
- Sans remonter dans le passé jusqu’à ces temps dits barbares ou demi-barbares, prenons seulement l’histoire des 30 dernières années, qu’y trouvons-nous? Durant cette période, des nations qui se prétendent chrétiennes ont égorgé dans les guerres plus de deux millions d’hommes î
- Le coût de cette effroyable boucherie a été d’au moins 75 milliards de francs, et les préparatifs faits actuellement en temps de paix, en vue des guerres futures, coûtent aux peuples chaque année, tout compris, 12 milliards 500 millions de francs, et cela à un moment où des millions d’individus sont près de mourir de faim ! N’est-il pas temps de mettre un terme à ce système !
- Cela ne peut être réalisé que si les peuples de toute nation prennent eux-mêmes la cause en-main. Les Gouvernements semblent croire que verser le sang humain, soutirer l’argent des mains des classes souffrantes, rivaliser entre eux de frais d’armes et de marine, soit la chose la plus honorable qu’ils puissent taire.
- La guerre est un mal si effroyable qu’il faut être tenu dès l’enfance et constamment en familiarité avec une telle idée, pour envisager presque insensiblement ses indicibles horreurs. Elle a été appelée par un grand écrivain, le massacre en masse et comment dire le contraire ?
- Quand nous entendons parler du meurtre d’un homme de notre voisinage, nous reculons d’horreur devant le sang répandu ; pourquoi donc alors, quand il s’agit de centaines ou de milliers d'hommes!
- tués sur les champs de bataille, de familles bombardées et brûlées dans leurs maisons ou mourant de faim dans les villes assiégées, éclatons-nous en transports d’allégresse,bien que nous sachions parfaitement que les victimes de telles choses vivent loin de nous, et ne nous ont jamais fait de mal?
- Répondrons-nous que c’est parce qu’il s’agit d’hommes d’une autre race et d’une autre langue? L’humanité tout entière n’est elle pas d’un seul sang devant Dieu.
- Comment les nations prétendues chrétiennes se livrent-elles aussi souventà cette horrible besogne? C’est qu’il y a, dans toute nation, certaines classes qui tirent profit de la guerre et font tout leur possible pour lui donner raison d’être.
- Les fabricants d’armes de guerre,les pourvoyeurs d’armées, les financiers qui s’enrichissent par la guerre sont naturellement favorables à la guerre. Les journaux dont le tirage s’élève quand les nations entrent en lutte, sont aussi portés à encourager la guerre. Par dessus‘tout les officiers de l’armée et de la marine, spécialement les grands commandants, savent fort bien que s’ils combattent, les récompenses et les honneurs tomberont sur eux en abondance. Les Parlements leurs voteront des félicitations; les bravos lés accueilleront partout; ce qu’on appelle la haute société les flattera et les fêtera; les privilèges, les pensions, les titres couronneront leur existence, et leur mort sera glorifiée par des monuments, des statues, des funérailles publiques.
- 11 est donc bien naturel que ces gens fassent tout leur possible pour soutenir la guerre, sans souci de la justice ou de l’injustice de ce qu’ils préconisent.
- Quant à ceux qui accueillent les guerriers de leurs bravos et de leurs cris de triomphe, ils pensent bien peu aux terribles œuvres de la guerre, aux misères eadurées par les nations où l’on a porté le fer et le feu, aux milliers de victimesjetées sanglantes dans des tombes prématurées, aux familles désolées, aux veuves et aux orphelins laissés dans les angoisses de la douleur et de la pauvreté.
- Mais que gagne la grande masse du peuple à ces misérables entreprises ? Ce sont les fils du peuple qui, en qualité de simples soldats, endurent les fatigues et les horreurs de la guerre et agonisent par centaines sur les champs de bataille ou dans les ambulances, bien loin de leur pays natal. C’est le peuple qui supporte le faix des impôts croissants des crises industrielles, de l’abaissement des sa-a ires, du chômage, et de l’élévation du prix des
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- LE DEVOIR
- subsistances, fruits ordinaires de la guerre.
- Les justes réclamations du peuple pour l’amélioration des lois, le redressement des abus, le perfectionnement du sort des classes laborieuses sont re_ portées sans cesse d’une année à l’autre, les gouvernants n’ayant pas le temps de s’en occuper, absorbés qu’ils sont dans ce qu’ils appellent la politique étrangère et qui généralement signifie guerre et gaspillage de Y argent public.
- Gomment le peuple se laisse-t-il affoler sous les mots pompeux, d'honneur national, gloire militaire et autres, avec lesquels tous ceux qui se nourrissent de la guerre, éblouissent et égarent la raison des peuples.
- Regardez ce qui s’est passé depuis 10 ans seulement.
- L’Angleterre a fait des guerres, sans provocation aucune, en Afghanistan, Zululand, Transwal et Egypte. Les frais de ces guerres vont s'élever au moins à 50 millions de livres sterling ( 1 millard, 250 millions de francs ;) quant à la souffrance endurée et au sang répandu, ils défient toute évaluation.
- Quel bien a surgi de ces entreprises pour un être humain quelconque, à l’exception des spéculateurs, des financiers, des fournisseurs d’armée, qui ont eu leur part des capitaux dépensés, et des officiers de l’armée et de la marine qui ont conquis par ce moyen des grades et des pensions ? Mais leur œuvre de mort, de désolation, de ruine ne parle-t-elle pas assez haut dans les contrées envahies par nous, et abandonnées à l’anarchie,à la confusion, au désespoir ?
- N’est-il pas temps que la voix populaire s’élève pour mettre un terme à cet état de choses ?
- Nous vous conseillons donc,compatriotes,lorsque les candidats seront devant vous de leur poser ces simples questions :
- Soutiendrez-vous au Parlement la politique de la paix? Serez-vous pour la réduction des dépenses navales et militaires qui écrasent aujourd'hui le peuple ?
- Dénoncerez-vous et condamnerez-vous la coutume, si fréquente actuellement, de permettre à nos diplomates à l’intérieur, à nos officiers civils ou militaires au dehors, de compromettre leur nation dans des querelles, de les entraîner à des guerres, à l’insu et sans le consentement des nations elles-mêmes ?
- Si des différends s’élèvent entre nous et quelque autre nation, serez-vous partisan de la solution des
- difficultés par l’arbitrage, au lieu de recourir à la voie brutale de la guerre ?
- Soutiendrez-vous toute proposition tendant à la réduction mutuelle et simultanée de ces énormes armements qui épuisent presque toutes les nations européennes sous le faix des impôts et des charges militaires ?
- La Politique
- en Birmanie.
- Depuis quelques années, les journaux bien informés publiaient de temps en temps quelques dépêches nous révélant les faits et gestes des représentants de la France et leurs bonnes relations avec les grands dignitaires de la Birmanie.
- Une dépêche récente publiée par le Journal le Temps explique le plein succès des agents français.
- Voici cette dépêche.
- « La concession exclusive des chemins de fer dans la haute Birmanie est accordée à la France. La Birmanie garantit 7 1/2 0/o pour la somme que coûtera la construction d’une ligne entre Mandalay et Tanghoo.
- » La France exercera son contrôle sur les recettes douanières de la ligne de l’Irraouaddy comme gaiantie de l’intérêt assuré ; le surplus sera payé en Birmanie.
- » La convention autorise la France à établir une banque à Mandalay au capital de 250 laks de roupies ; lansotié des actions seront prises par la France, l’autre moitié par la Birmanie.
- » Comme garantie des sommes avancées pour constituer le le capital de ladite banque, la France exercera le contrôle sur le revenu des impôts auxquels est soumis le commerce des thés, ainsi que sur le revenu provenant des mines de rubis.
- » La convention stipule que le roi de Birmanie demandera 23 laks de roupies à la Bombay Burma h Trading Com-pagny et que dans le cas ou il ne serait pas fait droit à cette demande, les forêts seraient confisquées.
- » Le correspondant anglais croit que cette dernière clause a été insérée à l’instigalion de la France, qui aurait promis d’obtenir qu’un syndicat français avançai une somme importante en échange du privilège d’exploitation des forêts.
- » D’après la même dépêche, le consul français à Calcutta aurait dit ouvertement que les Anglais ne pourront plus s’im-niscer dans les aiîaires de Mandalay sans y être autorisés par le gouvernement français. »
- Peu nous importe de savoir quels courtages ont perçu les intermédiaires, quels trafics ont abouti à ces résultats, quelles majorations seront additionnées aux valeurs réelles de la nouvelle société Franco-Birmane.
- Le fait important est que la civilisation va étendre ses conquêtes dans les contrées fermées jusqu’à ce jour au progrès et à la science. Quelles que soient les déceptions que l’avenir réserve aux porteurs des titres de la nouvelle banque, les pertes ne se compteront jamais par centaines de millions et personne n'aura été contraint de payer les moindres frais de cette entreprise de colonisation ; sans compter que ces bonnes relations n’auront coûté aucune vie humaine.
- Mais il est bien entendu que, plus tard, on n’essaiera pas de recommencer une répétit'on des affaires mexicaines et tunisiennes ; il faut qu’il soit bien convenu, dès le début, que les amateurs de gros bénéfices qui engageront leurs capitaux
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- dans ces entreprises ne pourront réclamer en aucun cas l’intervention de la force armée nationale pour conserver jusqu’à expiration les avantages des contrats usuraires.
- La Médiation du Pape.
- Cette fois, M. de Bismarck a bien joué son jeu et le coup n’est point malhabile.
- La grande difficulté des négociations, c’était le refus absolu de l’Espagne d’accepter un arbitrage. L’Espagne, considérant son droit comme incontestable et absolu, n’admettait pas qu’il pût être mis en question; et elle considérait l’arbitrage comme un amoindrissement ou une négation de son droit.
- En lui proposant l’arbitrage du pape, M. de Bismarck la met dans l’impossibilité de maintenir son refus sans de graves inconvénients. L’Espagne catholique refusant l’arbitrage amicale du Saint-Père, cela se comprendrait mal, du moins les populations fataniques d’une grande partie de l’Espagne ne le comprendraient pas. C’est pour arrêter et contre-balancer l’action du patriotisme espagnol par le fanatisme catholique que M. de Bismarck a proposé la médiation pontificale.
- D’autre part, M. de Bismarck, qui n’est pas sans avoir quelques démêlés avec les catholiques allemands et qui peut avoir besoin de leurs votes, n’est pas fâché de faire plaisir à la cour de Rome sans qu’il lui en coûte rien.
- Et là aussi, M. de Bismarck a obtenu le résultat qu’il visait. Les journaux pontificaux exultent en voyant une grande puissance protestante recourir à l’arbitrage de la papauté. Ils se voient déjà revenus à ces temps bien-heurtux où le pape était j’arbitre du monde.
- M. de Bismarck est donc sûr d’avoir un juge bien disposé, et qui lui rendra, par ailleurs, d’autres services.
- Olivier Pain et les Associations
- DE
- PAIX ET D’ARBITRAGE
- de Paris et de Londres»
- Pour la première fois,les Associations de paix et d’arbitrage fondées à Londres et à Paris viennent de mettre en pratique un de leurs principes fondamentaux : celui de chercher à arrêter tout dissentiment international aussitôt son apparition.
- Les faits déplorables allégués contre le gouvernement anglais à l’occasion de la mort d’Olivier Pain, et la vive émotion qui en était résultée en Fi ance ont été pour ces Associations l’occasion de se livrer, de concert, à une enquête approfondie sur la véracité des faits avancés.
- Voici les résolutions votées par les représentants français et anglais des Associations de paix et d’arbitrage comme conclusion de leur enquête ;
- lre Résolution proposée par MM. Gremer et Price Williams.
- « La commission d’enquête, après avoir fait tous les efforts qu’il lui était possible de faire dans
- le but de vérifier l’exactitude du fait qu’Olivier Pain aurait été tué ou fusillé par des soldats Anglais, ou mis à mort d’après leurs ordres, ou même à leur simple connaissance, n’a pu découvrir aucune preuve de cette accusation et est d’avis que le rapport de M. Selikovitch est sans fondement. »
- Adoptée à l’unanimité.
- 2me Résolution, proposée par MM. Britten et Janion.
- « Le comité est d’avis qu’il lui est impossible de déclarer si l’accusation est faite à bon droit ou si elle est fausse, et il espère que les enquêtes ouvertes, en ce moment, par les Gouvernements Français et Anglais mettront la vérité a jour.»
- 3“e Résolution, proposée par MM. Desmoulins et Cremer.
- « Le fait, que certains actes, quelques contraires qu’ils soient à l’humanité, aient pu être supposés avoir été commis en te mps de guerre, et aient été accueillis tout d’abordl comme vrais par une portion du public, suffit pour montrer l’influence démoralisatrice qu’exerce la guerre, puisqu’elle conduit les hommes à méconnaître les principes essentiels de la justice.
- » Ce qui se dégage dès à présent des faits soumis à notre enquête, c’est que la coutume militaire, qui a été cerminement pratiquée chez toutes les nations, de mettre à prix la tête d'un individu réputé dangereux doit être tenue désormais pour infâme et déshonorante.
- » Le comité constate avec satisfaction que les résultats de l’enquête sont de nature à écarter les nuages qu’on aurait pu craindre un instant devoir s’élever entre les deux grandes nations occidentales dont l’alliance et l’accord sont plus nécessaires que jamais aux intérêts de ta liberté, de la justice et de la civilisation dans le monde, »
- Adoptée à l’unanimité.
- LOIS INTERNATIONALES
- L’association pour la réforme et la codification des lois internationales a tenu, en août dernier, son congrès annuel h Hambourg.
- Les auditeurs étaient nombreux; on remarquait parmi eux beaucoup de membres des chambres de commerce.
- Les opérations du congrès eurent trait surtout aux intérêts commerciaux ; elles eussent attiré davantage notre attention si elles se fussent occupées aussi de paix et d’arbitrage international.
- Ces dernières questions étaient pourtant les principaux objets visés par le vénéré fondateur de l’association, feu James B. Miles,de New-England ; aussi s’efforcait-il à chacun des congrès de faire une part spéciale à ces importants sujets.
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- Après la mort de M. Miles, quand M. Henry Richard fut en mesure d’assister aux congrès, au nom de la société de la paix, par exemple au congrès de Milan, il s’employa à son tour de toutes ses forces à susciter des discussions utiles sur la paix et l'arbitrage international. Malheureusement cette année M. Richard ne put assister au congrès.
- Nous regrettons vivement qu’il n’y ait eu à cette réunion, que des représentants du mercantilisme, et que les intérêts de la paix n’y aient pas eu de défenseur.
- Le congrès des Trades-Unions
- ET LA FORMATION DES CORPS DE CADETS,
- DANS LES ECOLES ANGLAISES
- Au congrès des Trades-Unions, clos le 12 septembre, la résolution suivante a été votée, sur la proposition de MM-Morrison et Howarth :
- L’enseignement militaire s’introduisant dans les conseils scolaires sous prétexte d’avantages physiques pour les écoliers et étant bientôt suivi de la formation de corps de cadets habillés comme des soldats et pourvus de fusils par le ministère de la Guerre, le congrès proteste hautement contre l’habileté avec laquelle les autorités militaires et un certain nombre de conseils scolaires ont pas à pas préparé la voie au funeste système de la conscription, et sollicite instamment les contribuables à user de tous leurs efforts pour déjouer les desseins des promoteurs du mouvement et confiner les conseils scolaires dans la seule tache qui leur soit assignée savoir :
- Développer les facultés intellectuelles et morales des enfants confiés à leurs soins.
- (Arbitrator.)
- L’Hippophagie à Paris.-- Malgré la propagande faite par certains amateurs de viande de cheval pour en faire adopter l’emploi dans les ménages malheureux,il faut avouer que le Parisien est presque absolument rebelle à ce genre de nourriture. C’est ce qui résulte du rapport de M. Morillon sur les consommations de Paris.
- 11 faut noter cependant que le débit de cette viande a fait quelques progrès depuis trois ans, mais si peu ! Ainsi, en 1882, on avait abattu 7,546 chevaux ; en 1883 l’abattage a été de 9,486 têtes ; en 1884, il a atteint le chiffre de 10,323.
- La progression, en ce qui concerne l’âne et le mulet, a été moindre : 233 ânes en 1882, 307 en 1883, 306 en 1884 ; 22 mulets en 1882, 40 en 1883, 25 en 1884. Le tout a donné en viande nette, pour les deux dernières années ; 2,405,345 kilogrammes en 1883 et 2,617,960 kilogrammes en 1884 ; soit une augmentation de 205,615 kilogrammes en 1884. Il faut ajouter à ces quantités la viande provenant de l’extérieur, c’est-à-dire un tiers à peu près en plus des abattages de l’intérieur. La consommation de Paris en viande de cheval serait ainsi de 3,500,000 kilogrammes environ.
- Or, la viande de cheval coûte moitié moins cher que la viande de boucherie et est exempte de tous droits. On la dit plus nutritive.
- Le Gaz à l’eau
- Serions-nous à la veille d’avoir du gaz à très bon marché ? Il y a bel âge que l’on cherche à fabriquer du gaz d’éclairage avec de l’eau. Le gaz à Veau a déjà fait souvent parler de lui. Transformer de l’eau en lumière paraît étrange, et c’est pourtant bien simple.
- L’eau est formée par la combinaison de deux gaz, comme on sait, l’hydrogène et l'oxygène. Et c’est si vrai qu’il suffit de faire arriver en contact du gaz hydrogène et du gaz oxygène, de mettre le feu à l’hydrogène pour qu’immédiate-ment on recueille des gouttelettes d’eau. L’eau n’est que le résultat de l’oxydation, de la combustion de l’hydrogène.
- Enlevez à l’eau son oxygène et vous aurez de l’hydrogène. Faites brûler cet hydrogène, c’est-à-dire, combinez-le de nouveau à l’oxygène, et vous aurez encore de l’eau.
- Chaque fois quele gaz d’éclairage brûle, il fabrique de l’eau. On a donc cherché à fabriquer le gaz en décomposant l’eau; et, pour cela, on a fait passer de la vapeur d’eau sur du charbon porté au rouge. Le charbon s’empare de l’oxygène, et l’hydrogène est mis en liberté.
- Le procédé est rudimentaire. Pourquoi malgré toutes les tentatives des inventeurs, n’est-il pas entré dans la pratique ?
- Pour deux raisons, dont la première suffirait pour exclure son emploi. Le charbon, en se combinant à l’oxygène, forme deux gaz: l’acide carbonique qui est irrespirable, et l’oxyde de carbone, qui est absolument toxique ; des traces d’oxyde de carbone dans l’air d’une pièce close suffisent pour déterminer des accidents très graves et même déterminer la mort. L’acide carbonique et l’oxyde de carbone sont ces deux gaz qui se dégagent de certains poêles mobiles, des charbons en combustion, et qui asphyxient les malheureux qui s’enferment dans une chambre hermétiquement close. L’oxyde de carbone tue littéralement les globules sanguins. Qui n’a remarqué la pâleur des cuisiniers et de toutes les personnes astreintes à vivre à côté des fourneaux en plein feu ?
- Le gaz à l’eau renfermant des quantités considérables d’oxyde de carbone était condamné par cela même. Première raison d’exclusion. Seconde raison qui a sa valeur au point de vue industriel : l’opération est coûteuse : voilà pourquoi le gaz à l’eau n’est jamais sorti du laboratoire. On peut ajouter encore que la flamme de l’hydrogène n’est pas éclairante par elle-même: il faut faire passer le gaz à travers des hydrocar-; bures pour qu’il devienne lumineux.
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- Les choses en étaient là depuis fort longtemps quand deux ingénieurs, MM. Hembert et Henry, par un tour de main très habile, sont parvenus du même coup à enlever au gaz à 1 eau tous ses défauts et à le produire économiquement. Leur solution est ingénieuse et paraît très pratique.
- Ces ingénieurs font passer de la vapeur d’eau aussi sècne que possible sur du coke incandescent. En présence du charbon, l’eau se dissocie et donne des volumes égaux d’hydrogène et d’oxyde de carbone. ,
- Pour se débarrasser de ce gaz délétère, on fait circuler mélange dans une cornue dont les parois sont portées a rouge'. En même temps arrivent dans la cornue des jets
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- vapeur d eau surchauffée. Cette vapeur se décompose à son tour, son oxygène se porte sur l’oxyde de carbone, qu’il suroxyde, qu’il transforme en acide carbonique, et l’hydrogène libre s’ajoute à celui qui avait été déjà produit dans la première cornue.
- Résultat : plus d’oxyde de carbone ; récolte double du gaz hydrogène.
- On double le volume de gaz utile pour la même dépense de coke.
- Quant à l’acide carbonique, on s’en débarrasse en le faisant passer sur un lait de chaux qui le retient. Et l’on donne de l’éclat à la flamme en obligeant l’hydrogène à barboter au milieu des liquides carburés, comme le font déjà quelques consommateurs pour enrichir le gaz de houille.
- Le gaz ainsi obtenu coûte très bon marché et peut être employé directement pour le chauffage, et, carburé, pour l’éclairage.
- * *
- Le gaz à l’eau ainsi préparé possède tous les avantages du gaz ordinaire sans en avoir les inconvénients ; employé pour le chauffage, il ne noircit pas les objets métalliques, ne renfermant aucun gaz sulfureux, et ne vicie pas l’air, puisqu’en brûlant il ne produit que de l’eau, sans acide carbonique ni oxyde de carbone. Evidemment ce sera un combustible précieux. Pour l’éclairage, il pourra être, à notre avis, surtout utilisé à porter à l’incandescence des mèches de magnésie, ce qui donnera un éclairage fixe analogue à la lumière électrique sans dégagement de gaz nuisible. Enfin il trouvera un emploi précieux pour la production de la force motrice avec les moteurs à gaz actuels.
- Une première usine a été construite. Nous saurons donc bientôt à quoi nous en tenir au point de vue pratique. Si nous! allions avoir du gaz à 20 et même 15 centimes le mètre cube O progrès de la science !
- MÉCANIQUE RELIGIEUSE, ETC.
- Dans une des gorges profondes de la Boralde fut fondée vers l’an 1200 à Bonneval (Aveyron), une abbaye qui depuis longtemps n’était plus que ruines, quand il y a quelques années la grande fée Industrie la toucha de sa baguette. La Boralde, affluent du Lot, coule à travers des sites grandioses qui rappellent ceux de la Suisse et du Jura. Au contact de cette puissante baguette, les pierres écroulées de la Trappe de Bonneval reprirent leur place, les solitudes du monastère se peuplèrent, l’inertie des choses mortes dans laquelle il croupissait fit place au mouvement vital, et la prospérité vint. La vieille abbaye est aujourd’hui le siège d’une «société industrielle et agricole» qui ne se plaint point de la stagnation des affaires ; il est vrai que c’est avec la bouche, cliente solide, quelle fait les siennes. L’homme par qui s’est opérée cette résurrection, M. Emmanuel, comme nous l’appellerons provisoirement, est doué, à ce qu’on nous assure, d’un « esprit supérieur » ; il a du moins l’esprit des affaires. Grâce à lui, toutes les applications scientifiques, maintenant utilisables en cet ancien conservatoire de produits Lien différents, y sont « accumulées ».
- ne « importante fabriqu e de chocolat » constitue la principale branche de production de la société. La force motrice est empruntée à la Boralde, par le moyen d’une turbine établie sur ce cours d’eau. Gette turbine donne en outre le mouvement à « un appareil complet de boulangerie mécanique », travaillant exclusivement pour la maison ainsi affranchie du rude travail de la confection du pain quotidien. Enfin la même turbine pour tout faire active une petite machine dynamo-électrique pouvant donner 45 volts et 15 ampères. Car l’éclairage électrique est le seul connu à la trappe régénérée de Bonneval, ou ses anciens habitants, s’ils y reviennent la nuit, doivent trouver tant de motifs .d’étonnement, sinon de scandale, et cet éclairage, alimenté par une batterie de vingt accumulateurs, y fonctionne partout. Pourquoi des accumulateurs ? Ne cherchez pas, vous ne trouveriez point. Nous vous le dirons.
- Continuons : Rien qu’un commutateur à faire agir et la pièce obscure dans laquelle on pénétré s’illumine et la pièce éclairée d’où l’on sort retombe dans l’obscurité. A la porte de la maison une lampe qui s’allume de l’intérieur dès qu’un visiteur s annonce, le met instantanément en pleine lumière ; on ne fait mieux nulle part et ce n’est que depuis peu qu’on fait auss* bien. Pour tout dire, on a été jusqu’à se décharger sur l’électricité de l’ennui de sonner la cloche ! Quelle cloche? demanderez-vous. La cloche que vous verrez. Comme elle est dans une vieille tour, un peu éloignée des bâtiments d’habitation, il n’était pas toujours agréable d’en aller tirer la ficelle. Epargne-toi, cher travailleur, ce déplaisir ; nous allons y envoyer l’électricité. Nulle part on ne s’est préoccupé à ce degré du confort du travailleur. C’est touchant !
- Non ! attendez. Quand je vous aurai dit où cette recherche du confort s’est introduite : dans la vie religieuse, vous trouverez que c’est bien drôle.
- Car la Trappe régénérée de Bonneval n’est pas une ci-devant abbaye de trappistes, c’est un monastère de trappistines. M. Emmanuel est leur aumônier ; le père Emmanuel, cet «homme d’un esprit supérieur» qui a accumulé autour de lui tous les perfectionnements de l’industrie, «les a accumulés» dans une colonie de trappistines. « La société industrielle et agricole fondée par lui est une société religieuse autant qu’industrielle et agricole. Le « travail pénible » que supprime entièrement l’appareil de panification est celui qu’eussent eu à faire les religieuses : « Les religieuses de Bonneval étant cloîtrées sont obligées — nous dit-on — de tout faire de leurs propres mains ; » ce qui apparemment ne les amuse pas tant que cela. Si au matinal coup de cloche de deux heures on n’a qu’à tourner un commutateur pour éclairer instantanément le dortoir, l’escalier et le reste, ce sont les religieuses appelées à l’office par ce coup de cloche qui ont le profit de ces commodités. En même temps la chapelle se trouve éclairée comme le reste. Quelle économie de main-d’œuvre! Quant aux accumulateurs, leur raison d’être qu’il convient maintenant de faire
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- LE DEVOIR
- connaître est dans ceci que la règle de la maison ne permet pas de travailler après huit heures du soir.
- Turbine et dynamos devant s’arrêter à ce moment il fallait donc que l’électricité nécessaire à l’éclairage fût produite pendant le jour et tenue en réserve jusqu’au moment d'en faire usage. Si la cloche qui annonce les offices est mue par l'électricité, c’est afin que la religieuse chargée du service de cette cloche ne soit pas obligée « de sortir par tous les temps au milieu de la nuit ». Voici sabesognebien réduite ! De sa stalle, dans la chapelle, elle n’a plus qu’à tourner son commutateur : « Immédiatement, un grand volant de bois est mis en mouvement par un petit moteur Reckenzann de 10 à 12 kilogrammes et la cloche sonne à la volée.»
- Est-ce assez commode ? N’oublions pas ceci ; « Une sœur mécanicienne a été mise tout spécialement au courant de la marche de la dynamo et de la charge des accumulateurs.»
- Nous décrivions dernièrement l’installation mécanique d’un intelligent restaurateur de Paris ; les lecteurs s'y sont intéressés. Espérons que l’installation paieille de la société agricole et industrielle des trappistines de Bonneval les intéressera également. En vérité, la vie de renoncement ainsi entendue est mise à la portée de bien du monde. Il reste sans doute beaucoup à faire, mais la mécanique n’a pas encore dit son dernier mot, pas plus en religion qu’en cuisine. Terminons donc en adressant au révérend père Emmanuel l’encouragement j adis donné par le Maréchal au jeune nègre de Saint-Cyr : Continuez ! Victor Meunier
- Nouvelles du Familistère.
- Les motifs de protestation allégués par les musiciens du Familistère, à l’occasion du concours de Fresnoy-le-Grand, sont en partie reconnus vrais par le président du Jury. Il est surprenant que l’on écarte la proposition d’arbitrage demandée par la société du Familistère,qui est prête à faire la preuve complète des faits invoqués dans sa protestation. Si le jury et le président persistent à ne point tenir compte de cette réclamation, ils donneront une triste idée de leur impartialité.
- Nous publions une nouvelle lettre du bureau de la société musicale du Familistère écrite,en réponse à M. Sinsoilliez, président du Jury du concours de Fresnoy-le-Grand.
- Monsieur Sinsoilliez,
- Nous vous accusons réception de votre honorée du 25 courant, et vous informons :
- 1° Que nous ne sommes nullement satisfaits de son contenu.
- 2U Que nous maintenons quand même nos réclamations, nous basant sur la lre partie de votre lettre ainsi conçue, et sur l’article 23 du réglement du concours de Fresnoy.
- Je regrette beaucoup de ne pouvoir faire droit à votre réclamation.
- J’avais prévenu avant l’exécution qu’on l’examinerait s'il y avait lieu.
- Mes collègues du Jury et moi n’avons pas cru de-
- voir nous y arrêter, la différence entre votre société et celle de Laon ayant été trop nuisible pour l’attribuer à deux exécutants étrangers.
- Nous vous rappelons l’article 23 du Règlement du concours de Fresnoy :
- Art. 23. Toute société qui se présenterait avec des exécutants pris en dehors de son personnel, serait exclue du concours, ainsi que celles ayant produit des renseignements inexacts.
- En admettant que la musique de Laon n’ait eu, comme vous le dites, que deux emprunts, vous auriez dû lui appliquer l’article ci-dessus ; de plus, cette société avait plus de deux emprunts puisque notre réclamation portait sur cinq solistes.
- Nous vous faisons remarquer que vous n’abordez pas la question de la descente d’une section par la musique de Laon, qui concourait en 1881, à Villers-Cotterêts en lre Division, lro Section et que vous avez laissé concourir à Fresnoy en lre Division, 2me Section.
- Nous protestons de nouveau avec la conviction de notre droit et demandons que la musique de Laon restitue (es prix qui lui ont été décernés injustement, et qu’il soit fait droit à nos justes réclamations.
- Nous vous informons Monsieur, que nous faisons publier cette lettre et que nous continuerons de réclamer jusqu’à complète satisfaction.
- Veuillez agréer, Monsieur, nos parfaites civilités.
- Le Président de T Harmonie du Familistère : Point.
- Le Directeur, Poulain ; Le Secrétaire, Diecq.
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- Les pigeons voyageurs
- Le président de la République française,
- ^ Décrète :
- Art. 1er. — Les réquisitions de pigeons voyageurs qu peuvent être exercées en vertu de l’article 5 de la loi du 3 juillet 1877 et dans les conditions spécifiées à l’article 1er de la même loi, sont préparées par les moyens ci-après :
- Art. 2. — Tous les ans, à l’époque du récensement des chevaux, juments, mules et mulets, un récensement des pigeons voyageurs est effectué par les soins des maires, sur la déclaration obligatoire des propriétaires et, au besoin, d’office.
- Art. 3. — Chaque année, dans le courant du mois de no-vèmbre, les généraux commandant les corps d’armée arrêtent, sur la proposition des préfets, la liste des communes de leur région où ce récensement aura lieu.
- Art. 4. — Le maire de chacune des communes désignées, en exécution de l’article précédent, fait publier dès le commencement de décembre, un avertissement adressé à tous les éleveurs isolés ou sociétés colombophiles qui possèdent des pigeons voyageurs dans la commune, pour les informer qu’ils doivent, avant le 1er janvier, faire, à la mairie, personnellement ou par l’intermédiaire d’un représentant, la déclaration de leurs colombiers, du nombre de pigeons voyageurs qui y sont élevés et des directions dans lesquelles ils sont entraînés.
- Il est délivré à chaque éleveur isolé ou société colombophile qui a fait la déclaration prescrite ci-dessus, un certificat constatant ladite déclaration et mentionnant les renseignements fournis.
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- LE DEVOIR
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- Art. 5. — Dans les premiers jours du mois de janvier, le maire fait exécu ter des tournées par les gardes champêtres et les agents de police, pour s’assurer que toutes les déclarations ont été exactement faites.
- Art. 6. — Du 1er au 15 janvier, le maire dresse, en double expédition, sur un modèle qui lui est transmis par le commandant de la région, un état contenant les renseignements qui lui ont été fournis par les propriétaires ou qu’il a pu recueillir.
- L’une des expéditions de cet état est adressée au commandant de la région par l’intermédiaire du préfet ; l’autre expédition est conservée à la mairie.
- Art. 7. — Dans toutes les communes, les maires prennent des dispositions nécessaires pour être en tout temps, informés de l’ouverture des nouveaux colombiers affectés à l’élève des pigeons voyageurs. Les renseignements recueillis par leurs soins sur ces colombiers sont transmis immédiatement à l’autorité militaire par l’intermédiaire des préfets.
- Art. 8. — Les ministres de la guerre et de l’intérieur sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Bulletin des lois.
- PLUS HAUT... PLUS LIBRE
- Nous lisons dans le Petit Parisien.
- A-t-on enfin découvert un moyen de diriger les ballons?
- Les expériences toutes récentes de MM. Krebs et Renard, les chefs des ateliers d’aérostation militaire, à Meudon, ont donné, comme nous l’avons rapporté, des résultats favorables : il est certain qu’ils ont fait virer leur aérostat et qu’ils lui ont fait courir des bordées comme à un navire à voiles par un vent contraire.
- Cependant, il ne manque pas de gens pour présenter des objections et des objections très plausibles. On avait, disent-ils, choisi pour ces expériences une journée exceptionnellement calme ; aucun souffle n’agitait les feuilles des arbres. Il était donc bien facile d’évoluer, puisqu’on ne rencontrait pas d’obstacle.
- Il faudrait voir, disent-ils encore, comment l’aérostat de MM. Krebs et Renard se comporterait, non pas même par un gros temps, mais par un temps moyen, par exemple par une brise persistante.
- ***
- L’objection n’est pas à dédaigner.
- On peut douter que la navigation aérienne approche seulement des merveilleux résultats auxquels on était arrivé avec la navigation maritime avant l’application de la vapeur à la direction des vaisseaux.
- Mais, quelques observations que soulèvent les essais des ingénieurs aéronautes de Meudon, il est certain qu’ils ont obtenu des résultats dignes d’attention, et que, grâce à leurs recherches, on est sur la voie de la direction des ballons.
- Nous sommes de ceux dont la confiance dans le génie de l’homme et dans les progrès de la science est trop profonde, pour avoir jamais désespéré du succès final.
- Nous savons quelle patience il faut dépenser pour arra-
- cher ses secrets à la nature, pour dompter ses forces pour
- les réduire au service de l’humanité ; auc un échec ne nous surprend, ni ne nous décourage; nous croyons fermement que la volonté de l’homme vient à bout, à la longue, de toutes 1 es épreuves et que son intelligence résout tous les problèmes.
- * *
- La direction des ballons est une énigme qui sera définitivement déchiffrée avant longtemps; c’est une conquête certaine dont les conséquences pourraient bien bouleverser les conditions de la vie sociale et faire plus pour le rapprochement des peuples et pour le triomphe de la civilisation que tous les moyens de communication déjà existants.
- L’imagination du grand poète Victor Hugo, s’élançant à larges coups d’aile au-delà des réalités, même les plus merveilleuses, concevait quelque Vasco de Gama de l’infini qui, monté sur un navire de l’air, pousserait ses explorations jusqu’aux astres; il le dépeignait «un Jason de l’azur, depuis longtemps parti, de la terre oublié, par le ciel englouti », tout-à-coup reparaissant et s’écriant, la main tendue vers les étoiles ; « J’en arrive ! »
- Il ne faut point se hasarder à suivre le génie dans ses fugues subites et sublimes ; on courrait risque, comme Icare qui voulait s’élever trop haut, de tomber lourdement sur le sol; mais, sans sortir de notre sphère, on peut légitimement donner du champ à son inspiration et concevoir un temps prochain où les peuples communiqueront par les airs comme ils communiquent par les mers.
- O vieux temps de tyrannie et d’oppression, de clôtures de frontières, de péages et de douanes, où serez-vous ?
- Ce n’est plus seulement la pensée de l’homme que les despotes ne pourront pas enchaîner, ce sera l’homme lui-même ; la liberté matérielle ne sera pas moins complète que la liberté morale.
- Le premier aéronaute était un Portugais nommé Gus-mao ; il vivait au douxième siècle : à la profonde stupéfaction du roi et du peuple de Lisbonne, il s’éleva dans les airs avec le premier ballon qui fut fait. Le peuple riait de « l’homme-volant ». L’Inquisition, elle, ne rit pas : elle persécuta Gusmao,qui s’enfuit, se cacha et n’osa pas renouveler sa tentative.
- L’Inquisition avait compris que « l’homme-volant », c’était l’homme libre.
- État civil du Familistère.
- Semaine du 21 au 27 Septembre 1885. Naissance ;
- Le 23 septembre, de Vachée Suzanne-Adrienne, fille de Vachée Joseph et de Philipot Marie.
- Décès :
- Le 21 septembre, de Véron Hortense-Marie-Julia, âgée de 1 an 2 moi».
- Le Directeur Gérant : GODIN
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- OUVRAGES de M. GODIN, Fondateur du Familistère
- Le Gouvernement, ce qu'il a été, ce qu’il doit être et le vrai socialisme en action.
- Ce volume met en lumière le rôle des pouvoirs et des gouvernements, le principe des droits de l’homme, les garanties dues à la vie humaine, le perfectionnement du suffrage universel de façon à en faire l’expression de la souveraineté du peuple, l’organisation de la paix, européenne, une nouvelle constitution ~ 11 ~
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- par la consécration du droit naturel des faibles au nécessaire et du droit des travailleurs à participer aux bénéfices de la production.
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- de l’Intérieur. Déposition de M. GODIN, fondateur de la Société du Familistère de Guise.
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- 9e Année, Tome 9.— N* 370 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 11 Octobre 1885
- LE DEVOIR
- BEVUE DES OUEST» SOCIALES
- BUREAU
- a GUISE (Aisne)
- Toutes les communications
- ABONNEMENTS PAYABLES D’AVANCE par l’envoi, soit aubureau de Guise, soità celui de Paris, de timbres-poste ou de mandats de poste, dont le talon sert de quittance.
- et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
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- Union postale Un an. . . . 11 fr. »» Autres pays
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- , rue Neuve-des-Petits-Champs Passage des Deux-Pavillons'
- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- SOCIÉTÉ DU FAMILISTÈRE DE GUISE
- ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE
- Séance du 4 octobre 1885, à 3 heures du soir. — Présidence de M. GODIN, fondateur.
- ORDRE DU JOUR :
- 4“ Rapport de M. PAdministrateur-Gérant sur la situation morale, industrielle et financière.
- 2° Rapport du Conseil de surveillance sur le même sujet.
- 3° Adoption du rapport de Ja Gérance et de celui du Conseil de surveillance, s’il y a lieu.
- 4° Election au scrutin secret et à la majorité absolue des votants, d’un conseiller de Gérance, en remplacement de Madame Allart dont le mandat est expiré.
- 5° Election au scrutin secret et à la majorité absolue des votants, de trois commissaires rapporteurs devant former le Conseil desurveillance pour l’exercice 1885-86.
- Présents : M. Godin et 80 associés comme en témoigne la liste de présence annexée au procès-verbal.
- M. Mathieu Eugène, empêché d’assister à la séance, délègue,dans les formes prescrites art. 70 des statuts, M. Champenois Aimé pour le représenter à la présente assemblée.
- M. Hennequin Joseph se fait de même représenter par M. Bernardot François.
- En conséquence MM. Champenois et Bernardot auront, chacun, deux voix à émettre.
- Absents : MM. Barbary et Louis Eugène.
- Le bureau est composé du président et des conseillers de Gérance ayant qualité d’associés,savoir : Madame Allart, MM. Allizart, Bernardot,Dequenne, Pernin, Piponnier, Quent et Sekutowicz.
- Après l’appel nominal, M. le président déclare la séance ouverte. Il constate que toutes les formalités d’affichage pour la convocation de l’assemblée ont été remplies conformément aux statuts.
- Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
- L’ordre du jour est abordé.
- 4° Rapport de M. T Administrateur-Gérant sur la situation morale, industrielle et financière.
- M. le Président donne lecture de son rapport annuel dont le texte suit :
- Amis et chers collaborateurs,
- Le rapport que j’ai à vous faire cette année sur la marche et les opérations de la société du Familistère est entaché des effets de la crise industrielle, qui sévit non-seulement en France, mais dans
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- LE DEVOIR
- toutes les nations ; partout, les travailleurs sont en grande partie inoccupés, et la misère s’appesantit sur eux. Partout, l’accroissement des moyens de production conduit à l’encombrement des produits et le chômage fait naître la misère au foyer des familles laborieuses.
- Cette situation est due à la mauvaise répartition des richesses qui ne permet,aux masses ouvrières, ni d’acheter ni de consommer suivant leurs besoins, ni surtout dans la proportion exigée pour écouler tous les produits que le travail humain aidé de la puissance des machines est maintenant en état de produire.
- Vainement,on cherche des moyens d’écoulement dans les exportations lointaines, quand les consommateurs sont à la porte des fabriques. Ce sont les masses ouvrières de France que nos députés et le gouvernement doivént mettre en mesure de consommer les produits du travail. Or, il y a en ce moment 25 millions de Français obligés de restreindre leurs achats etbeaucoup ont à peine de quoi soutenir leur existence.
- Pourtant,jamais les nations n’ont été plus riches, mais cette richesse est retenue, accaparée par un petit nombre ; la grande majorité n’a juste que de quoi acheter le pain quotidien, lorsqu’elle n’en est pas privée.
- Aussi qu’arrive-t-il? C’est que les fabriques, ateliers et magasins sont obligés de fermer, et que les produits de l'agriculture s’avilissent à leur tour.
- On comprendrait facilement, si l’on n’était pas aveuglé par l’égoïsme et la cupidité, qu’il n’y a qu’un moyen de remédier à un tel état de choses ; c’est qu’une plus forte part de la richesse créée retourne au peuple qui l’a produite, et que cette part soit toujours proportionnelle au développement des moyens de produire.
- J’ai indiqué les moyens pratiques de faire retourner au peuple la somme de richesse nécessaire pour faire disparaître les chômages et les crises industrielles et assurer l’écoulement des produits ; c’est,d’abord,l’organisation de la mutualité nationale garantissant à tous le nécessaire à l’existence, comme vous en jouissez ici ; c’est, ensuite, la participation des ouvriers aux bénéfices par l’association du travail, de l’industrie et de l’agriculture.
- Nous sommes entrés dans cette voie ici, mais n’étant qu’un groupe isolé de travailleurs nous ne pouvons nous soustraire aux influences extérieu-r ^s; aussi subissons-nous, dans une large mesure,
- les conséquences du défaut de ressources aux mains des masses populaires, empêchées ainsi d’acheter nos produits.
- Gela nous oblige à congédier une partie des auxiliaires de l’association afin de réduire notre production. Malgré ces difficultés, nous n’avons pas cessé de poursuivre toutes les améliorations industrielles dont les besoins se faisaient le plus sentir, et celles qui pouvaient avoir pour but de nous ménager l’attention du commerce et des consommateurs.
- Nous avons fait cette année
- En constructions dans l’usine :
- Un magasin à sable remplaçant les hangars qui menaçaient ruine ;
- Un réfrigérant pour les eaux de condensation des machines ;
- Des chantiers de fonte bien appropriés aux besoins des fonderies.
- En modèles
- L’atelier du matériel a mis l’association en possession de plusieurs genres de pompes heureusement établies.
- Nous avons entrepris la fabrication des suspensions de lampe, et nous avons découvert des moyens de construction économique s’alliant à de jolis modèles qui seront, je l’espère, une nouvelle ressource pour notre association.
- Les modèles d’appareils de chauffage et de cuisine sont aussi augmentés dans des proportions inaccoutumées ; notre production générale prendra bientôt un caractère entièrement nouveau par le fait de toutes ces inventions dont la plupart ont fait l’objet de brevets.
- Notre usine de Laeken profite de toutes les innovations faites à Guise.
- Nous avons dû abandonner, au moins temporairement, le projet d’ériger un Familistère à côté de cette usine. Nous avions gagné, en première instance et en appel, le procès que nous a fait la ville de Bruxelles au sujet du droit de passage sur la digue orientale du canal de Yilbrock, mais la cour de cassation a infirmé le jugement. Examen plus approfondi de la question, nous nous sommes vus en présence d’un très gros et très long procès, compromettant la voie d’accès aux constructions projetées.
- Nous avons donc cru devoir attendre des circonstances plus favorables.
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- I,E DEVOIR
- ~Au Familistère, l’accroissement de la population amenée par le palais de la rue de Cambrai, a rendu nécessaire l’augmentation des salles destinées à la première enfance. Nous avons dù. agrandir la r ourricerie et les salles de première année d’école, maternelle.
- Nous avions, il y a un mois, à la nourricerie 80 enfants en-dessous de deux ans ; 8 à 9 personnes veillent au soin de ces enfants.
- A la même époque, la salle de première année d’école maternelle possédait 110 entants de 2 à 4 ans.
- Les passages d’une classe à l’autre, faits tout récemment, ont réduit ce nombre à 70, de sorte qu’en ce moment nos trois classes maternelles et la nourricerie ont à peu près le même nombre d’élèves.
- Six personnes président aux soins maternels et aux exercices des élèves dans ces classes.
- Quant aux sept classes d’instruction primaire qui viennent ensuite, elles étaient pourvues, dès l’an dernier, des locaux nécessaires ; nous n’avons eq, cette année, qu’à compléter le nombre des professeurs capables de donner aux élèves le degré d’instruction supérieure à laquelle leur intelligence leur permet de s’élever.
- Cela est fait et, à partir de cette année, les élèves du Familistère vont recevoir l’instruction auss1 avancée que le comporte leur âge. Des cours de dessin, de physique, de chimie complètent l’enseignement primaire ; aussi, dès maintenant, préparons-nous nos.aînés pour l’entrée aux Ecoles normales et aux Ecoles des arts et métiers.
- Le Familistère et L’association sont donc au complet sous le rapport des institutions sociales nécessaires à une population qui compte aujourd’hui 1750 personnes habitant les locaux de la société et 1159 ouvriers dans l’usine,dont 621 résident au dehors.
- Dans ces conditions, ‘il ne nous reste plus qu’à chercher les moyens d’accroître les éléments de travail et de prospérité de l’association.
- Aussi avons-nous songé à créer des éléments d’occupation lucrative pour la population féminine du Familistère : à l’usine,par le bronzage et la décoration des métaux ; au Familistère, par la fabrication de labonneterie.Disons-le ici,si uncertainnombre de femmes intelligentes et dévouées se sont livrées avec ardeur à cet apprentissage, un plus grand nombre d’autres u’y ont pas prêté assez d’atten-
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- tion,ou travaillent sans;, comprendre la portée considérable qu’auraient, au.Familistère, des occupations pour les femmes non attachées aux services de l’associatiori. J’estime qu’il serait possible de faire entrer, facilement, 150 à 200 mille francs de plus dfe salaire dans les; familles, sans compter les bénéfices qui en résulteraient, et qui seraient à partager entre les membres de l’association, dont les ouvrières mêmes de la bonneterie pourraient faire partie.
- Nulle part ailleurs le travail pour les femmes ne se présente dans des; conditions aussi faciles ; au Familistère, dès le matin, les enfants du plus jeune âge ont des salles ouvertes pour les recevoir; ils sont soignés depuis le berceau en l’absence de la la mère.
- Les enfants sont à la nourricerie ou en classe pendant les heures de travail; ils rentrent au logis aux mêmes heures que les pères et mères; ils retournent à l’école quand les parents eux-mêmes retournent au travail. Rien n’est donc plus facile pour les femmes et les jeunes filles que de se livrer à une profession.
- Notez bien ceci, vous tous qui êtes les membres les plus actifs de l’association, c’est que vous pourriez rétablir la cuisine alimentaire dans laquelle chacun*trouverait ses repas tout préparés, ce qui rendrait encore plus facile le travail des femmes.
- Si ces conditions étaient bien comprises de vous tous, vous élèveriez ici les conditions de l’aisance et du bien-être dans des proportions inouies parmi les populations ouvrières.
- Je recommande donc chaleureusement notre atelier de bonneterie à votre attention, afin d’obtenir de vos femmes et de vos jeunes filles un apprentissage qui, non-seulement leur portera profit, mais leur permettra de devenir membres actifs de l’Association.
- Il y a, au Familistère, 529 femmes et jeunes tilles au-dessus de 14 ans; 83 sont occupées dans les services du Familistère, 32 dans certains travaux de l’usine ; il en reste donc 414 qui pourraient se livrer,d’une façon plus ou moins assidue,aux travaux que nous cherchons à organiser ici.
- En attendant que vous arriviez à mieux concevoir tout ce qui est à faire pour augmenter vos ressources et votre prospérité, examinons ensemble notre situation et ce que nous avons réalisé dans l’exercice qui vient de s’écouler, pour le bien commun de notre association.
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- 628
- LE DEVOIR
- Etat des Membres de l’Association Exercice 1884-1885.
- L’exercice 1883-84 comprenait 74 membres associés 13 nouveaux membres ont été élus au cours de l’exercice, mais 4 anciens sont partis ou décédés, soit en plus.................. 9 »
- Aux associés 32.032 \
- Aux socié taires .... 39.655 1
- Aux participants. . . . 62.112 f
- A l’administrateur-gérant 31.668 t
- Au conseil de gérance . . 23.751 ]
- Au conseil de surveillance 5.278 / 194.496
- Total. . . 1.880.767
- À ce chiffre s’ajoutent les capitaux communs suivants :
- Ce qui porte à................ 83 le nombre
- des associés pour l'exercice 1884-85-ci. . . 83
- Les sociétaires étaient, pour l’exercice
- 1883-84, au nombre de.....................148
- Nouveaux élus pendant l’exercice 60 \
- Moins : J
- Sociétaires devenus associés 13 N Ç » » participants 2 ( \
- » partis ou décédés 5 j 20 / 40
- Ce qui porte le nombre des sociétaires à 188 pour l’exercice 1884-85.
- Pour l’exercice 1883-84 le nombre des
- participants était de....................574
- Le nombre des nouveaux participants élus a été de............................72
- 646
- Moins
- Participants devenus sociétaires 59 )
- » partis ou décédés 38 \ 97
- Reste pour les participants 549
- Total des membres actifs 820
- Porteurs de parts d'intérêts ne prenant plus part aux travaux de l’Association . . 222
- 1.042
- Auxiliaires ayant pris part aux travaux de l’Association 553
- Total général. . . 1.595
- Epargnes des travailleurs.
- Les épargnes aux comptes respectifs des travailleurs s’élevaient au 30 juin
- dernier, à............................ 4.686.271*
- Ce chiffre sera augmentéfdes parts revenant aux suivants, dans la répar-* i tion de cet exercice, soit ;
- Assurance des pensions et du nécessaire.
- L’assurance des pensions et du nécessaire possède en titres d’épargnes 506.273f »
- En compte courant.................191.641 44
- L’attribution des auxiliaires pour cette année est de................... 38.638 56
- Total du Capital de l’assurance . . 736.553* »
- Les recettes de l’assurance des pensions et du nécessaire ont été de 2 % sur les salaires de l’année .... 36.129f 42
- Intérêts et dividende du Capital de
- l’assurance......................... 24.077 45
- Rentrées diverses................ 956 05
- Total des recettes............... 61.162f 92
- Le montant des dépenses est de: 51.534 »
- Excédant des recettes sur les dépenses. . 9.628 92
- Assurance mutuelle contre la maladie
- Section des hommes.
- Il restait en caisse au 30 juin 1884 . 9.097f 55
- Recettes de l’exercice 1884-1885. . 36.858 45
- Total des ressources de l’exercice . 45.956 »
- Dépenses............................... 41.787 »
- En caisse au 30 juin 1885 .... 4.169 »
- Excédant des dépenses de l’exercice sur les recettes........................... 4.928 55
- Section des dames.
- Il restait en caisse au 30 juin 1884 . 4.465 49
- Recettes de l’exercice 1884-1885. . 6,797 50
- Total des ressources de l’exercice . 11.262 99
- Dépenses................................ 5.516 35
- En caisse au 30 juin 1885 .... 5.746 64
- , „ ... rr~
- Excédant des recettes sur les dépenses..........................« 1-281 45
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- LE DEVOIR
- 629
- Assurance spéciale à la pharmacie.
- Il restait en caisse au 30 juin 1884 . 6.703 83
- Recettes de l’exercice 1884-85 . . 5.732 60
- Total des ressources de l’exercice . 12.436 43
- Dépenses.......................... 9.444 76
- En caisse au 30 juin 1885 .... 2.994 67
- Excédant des dépenses sur les recettes........................ 3.712 16
- Le montant des recettes de nos assurances mutuelles réunies s’élève à................................... 140.551 47
- Celui des dépenses à........... 108.282 11
- Excédant des recettes sur les dépenses......................... 2.269 36
- Répartition des dépenses.
- Ces 108.282 fr. 11 de dépenses se décomposent comme suit :
- Assurance contre la maladie.
- Les assurances ont payé aux malades pendant l’exercice 1884-85.
- Section des hommes.
- Pour 15.236 journées de maladie à 670 malades..................... 38.254f 10
- Section des dames.
- Pour 5.117 journées de maladie à 190 malades....................... 4.463f85
- Pour les deux sections.
- Frais de Pharmacie................ 9.444 76
- Payé aux médecins................. 4.708 »
- Frais de bureau, remboursements et divers............................. 177 40
- A reporter. . . . 56.748 11
- Report............... 56.748 11
- Assurance des pensions et du nécessaire.
- A 47 pensionnaires dont 21 au Familistère et 26 au dehors
- 26.912f 32
- A 2 pensionnaires à Lae-
- ken (Belgique)............ 4.649 78
- A 37 familles pour le nécessaire à la subsistance .................... 7.802 »
- A 50 familles à titre d’allocations temporaires 7.249 20 Aux réservistes. ... 4.095 50 Aux médecins et sage-
- femmes ................... 1.709 »
- A l’hospice de Guise. . 934 » /
- Appointements du se- |
- crétaire...................2.019 50
- Frais divers............ 1.374 50
- Achat d’épargnes . . . 788 20 15.169 90
- Total 108.282f 11
- Dépenses pour frais d’éducation
- et d’instruction. Nourricerie (Enfants au berceau). . 7.840 42
- Ecole maternelle lre année (Pouponnât) 1.151 83
- Ecole maternelle 2° et 3e année (Bambinat) 2.526 89
- Ecoles primaires (6 classes) . . . 20.405 95
- Ces dépenses se divisent ainsi : Les appointements et salaires s’élè- 31.925 09
- vent à 22.269 93
- Les frais de nourriture et les fournitures scolaires à 9.655 16
- Total 31.925 09
- En résumé, notre société a consacré, cette an-
- née, à la bienfaisance mutuelle : Subventions aux malades .... 56.748f11
- Pensions aux vieillards 28.562 10
- Secours temporaires et frais divers. 22.183 70
- Frais d’éducation et d’instruction . 31.925 09
- Total des dépenses mutuelles. . . 139.419 00
- 36.364 10
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- 630
- LE DEVOIR
- Situation des affaires industrielles de la Société.
- La question des sécurités à donner à notre société pour le fonds de roulement dont elle est débitrice, a fait toute l’année l'objet de nos préoccupations. Je crois que très-prochainement vous serez convoqués en assemblée générale pour entendre les résolutions du conseil de Gérance et être appelésà résoudre cette question.
- Le chiffre net des ventes à Guise et - •
- à Laeken s’est élevé à................ 3,465.553f 48
- Les recettes du Familistère ont été de.......................... 522.922 70
- Salaires payés par le Familistère . 95.620* 70
- » » par l’usine de Guise i.566.084 35
- » » parl’usinedeLaeken 162.125 37
- Total des salaires . 1.823.830*42
- Concours supplémentaire des associés 194,986 20
- Concours supplémentaire des so-
- ciétaires . . . • 160.935 40
- Total des concours reconnus au travail 2.179.752*02
- Concours du capital. . 230.000 »
- Total des services rendus. . 2.409.752 02
- Total............. 3.988.476 18
- Les bénéfices bruts de l'exercice se décomposent ainsi :
- Familistère (Service commerciaux
- ** -5...........
- et loyers*, :qe * ‘ '
- Usine de Guit, »*••••••
- » de Laeken ,..............
- Total. * î •
- 110.339*90 527.225 76 104.997 80
- 742.563 46
- Moins :
- La répartition des 197.926 fr. au capital et au travail divisés par 2.409.752 fr.02, égale 8fr,21 Ojo;
- ,celte répartition est faite dans la proportion des services rendus établis de la manière suivante : Salaires des associés 194.986*20
- Supplément . 194.986 20 Répartition
- Valeur des services rendus 389.972* 40 à 8*21 0[0=32.030*52 Salaires des sociétaires 321.870 80
- Supplément . 160.935 40
- Valeur des services rendus 482.806 20 à 8*21 010=39.655 69
- Amortissements sta- \
- tutaires à Guise et à (
- Laeken.................. 194.649*06 (
- Frais d’éducation • • 31.925 09 ] 226,574 15
- Plus-value au bilan . . . 515.989 31
- Intérêts 5 0[0 au capital. 230.000 » \
- Direction de Laeken. . 2.917 a |
- Répartition coopérative 19.170 85 j 252.087 85
- Reste à repartir. . . 263.901 46
- Aux termes des statuts la répartition est ainsi faite : . .
- Au capital et travail . • 75 0f0 197.926 »
- A F Administrateur-Gérant 12 0[0 31.668 »
- Au Conseil de Gérance. . 9 <>10 23.751 »
- Au conseil desurveillance 2 0[0 5.278 ))
- A la disposition du conseil
- pour être répartis aux servi- 46
- ces exceptiopels, , . , , 2 0[0 5.278
- 263 901*46
- La somme de 197.926 fr. revenant au capital et au travail est répartie dans les proportions des concours suivants :
- Salaires des
- participants . . 756.220 65 à 8*21 0(0=62.112 53
- Epargnes réservées en faveur des jeunes apprentis qui deviendront membres de l'association ........... 80,327 10 à 8*21 0(0 = 6.597 70
- A l'assurance * * • des pensions et
- du nécessaire. \ 470.425 67 à 8*21 0(0=38.638 56 Au capital . . 230.000 » à 8*21 0(0=18.891 »
- Totaux . . ..2.409.752 02 . . 197.926 »
- L’intérêt à payer au capital sera de 5 0[0 sur 4.600.000* » = 230.000* »
- Dividendeau capital sur ces230.000*
- à 8* 210[0 • ‘ • ................ 18-891 »
- Total.......... 248.891 »
- 248.891* » 4.600.000 »
- ==5fr. 41
- 0(0
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-
-
- LE DEVOIR
- 631
- BILAN
- de l’Association du Familistère de Guise, GODIN & Cle
- AU 30 JUIN 1885
- ACTIF
- Familistère
- Immeubles statuaires Matériel »
- Marchandises . . .
- Valeurs diverses. . Comptes débiteurs .
- 959.445f 71'
- 36.662 79.
- 108.439 26}l.I12.090f46 4.365 45(
- 3.177 25
- Usine de Guise
- Immeubles statutaires. . Matériel »
- Matières premières. . Marchandises ....
- /Encaisse. . . 41.421.97}
- Valpnr* les ban'
- idicuis jquiers et en por- 4
- ttefeuille . . . 1.640.133.9§J
- Comptes débiteurs . .
- 431.754 89 687.396 36 1.411.583 06 995.669 3116.941.674,63
- 1.681.555 46'
- 1.733.715 55,
- Usine de Laeken
- Immeubles statutaires Matériel »
- Matières premières. Marchandises . . .
- Valeurs diverses . .
- Comptes débiteurs .
- 120.000 » 53.123 69 171.213 20 172.926 67 1.511 30 195.365 15,
- 714.140,01
- Comptabilité sociale Constructions et matériel créés depuis
- la fondation de l’association.
- . 2,210.481,84 10.978.386,94
- PASSIF
- Familistère
- Comptes créditeurs............
- Usine de Guise Comptes créditeurs . . 3.637,775 67’ Assurance contre la maladie
- 296.359f97
- Hommes. Dames .
- 4.169 » 5.746 64 2.991 67
- 12.907 31
- 3.650.682,98
- Usine de Laeken Comptes créditeurs . . 30.431 10
- Assurance contre la maladie Hommes. . 2.405 34 Dames . . 1.042 03
- 3.447 37
- 1.074.640 54
- Comptabilité sociale
- Comptes créditeurs . . 155.194 23
- Assurance des pensions et du nécessaire, . . 191.64144
- Amortissement des I
- immeubles . 499.855 18 (
- Amortissement du 4
- matériel. . 574.785 36 )
- Fonds de réserve. . . 460.000 »
- Capital social Apports . 2.407.456 » \
- Epargnes 1.686.271 » / , _AA AArt
- Epargnes de l’as- 4 4.600.000 »
- surancedespensions506,273 » )
- Plus-value de l’exercice.................
- 33.878,47
- 6.481.476,21
- 515.989,31
- 10.978.386,94
- Chers collaborateurs,
- D’après le bilan que je viens de vous soumettre, vous, membres travailleurs de notre association, vous allez donc pour cet*exercice voir s’accroître vos économies, les participants de 8,21 pour 0/0, les sociétaires de 12,31 pour 0/0 et les associés de 16,42 pour 0/0 de l’importance de vos salaires.
- Indépendamment de cela, vous aurez, avant tout partage de bénéfices, rempli le premier devoir social que toute société doit à ses membres, et que la nation devrait remplir à l’égard de tous les citoyens ; vous aurez assuré le nécessaire à tous, pendant la maladie, les accidents, le malheur et la vieillesse, afin que nul parmi nous ne souffre des atteintes de la misère, que tous soient nourris, vêtus, i nstruits.
- La question sociale et sa solution ne sont pas autre chose.
- Beaucoup de personnes en parlent, mais parmi celles qui pourraient concourir à généraliser les bienfaits que la mutualité réalise parmi nous, bien peu sont disposées à s’occuper de ces questions de devoir social.
- N’ont-elles pas tout ce qu’il leur faut ? Tant pis pour ceux qui ne l’ont pas.
- Tel est le raisonnement des satisfaits; ceux-là seuls qui souffrent des privations et du dénû-ment apprécient les douleurs et les misères des sociétés, et se rendent compte de l’injustice des institutions qui engendrent ces maux.
- Rien pourtant ne serait plus facile dans lasoeié té présente que de porter remède aux souffran-
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- 632
- LE DEVOIR
- ces du peuple, que d’assurer tous les citoyens contre l’abandon et îe besoin.
- L’établissement des garanties contre la misère serait chose facile, si la pensée de nos législateurs pouvait s’élever à ces problèmes.
- Mais quand comprendra-t-on qu’il faut sortir des voies cupides et égoïstes par lesquelles on prétend que c’est à ceux qui manquent du nécessaire de se tirer d’affaire, que c'est à eux de constituer les fonds d’assurance et de garantie permettant l’organisation de la mutualité nationale.
- Non, ce n’est pas aux nécessiteux, ce n’est pas à ceux qui n’ont rien, à intervenir pour constituer ces fonds de réserve et d’assurance. C’est aux riches qu’il appartient de le faire, à ceux qui détiennent les économies résultant du travail de tous, du concours perpétuel de la nature et des ressources du domaine public.
- Ce sont ces économies mêmes qui doivent soutenir tous les membres de la République.
- Si nous ne donnons pas de notre vivant, sachons donc, au nom de la justice, restituer au moins, après notre mort, la part de biens nécessaires à la mutualité nationale ; que l’Etat, au nom du droit d’hérédité, s’empare de ces biens au profit des classes laborieuses aujourd’hui déshéritées.
- Car ce n’est pas avec des paroles qu’on instituera la mutualité nationale, c’est avec des actes, avec de la richesse.
- Or, cette richesse où la trouver, si ce n’est où elle existe ? Eh bien, le droit d’hérédité de l’Etat est le moyen de l’obtenir sans violence, sans spoliation et sans révolution.
- Que nos législateurs ordonnent la restitution à l’Etat de tous les biens tombant en ligne collatérale, et qu’ils assignent une juste part à la mutualité sur les successions en ligne directe : les ressources nécessaires à toutes les réformes abonderont.
- Ainsi l’on ne demanderait rien aux vivants; ce seraient les biens des morts qui serviraient à fonder l’association mutuelle nationale entre les vivants.
- Oui, mes amis, la première des réformes sociales à inaugurer, c’est l’institution d’une mutualité nationale garantissant les classes laborieuses contre la misère et le dénûment; c’est par cette institution que nous avons commencé l’association du Familistère.
- Outre les bienfaits matériels qui en sont résultés pour les nécessiteux, nous en avons recueilli J
- des avantages plus précieux encore : ceux du développement parmi nous de l’esprit de solidarité et de fraternité.
- Une des preuves les plus manifestes de cette évolution morale est le concours général apporté soit dans la bonne installation et la direction de nos écoles, soit dans la bonne marche des institutions propres à entretenir l’ordre et l’harmonie au sein de l’association même.
- Directeurs, ingénieurs, employés de différents ordres, non-seulement font des cours de physique, de chimie, de dessin, de musique, au bénéfice des écoles et des apprentis de l’association et constituent les commissions d’examens scolaires, si propres à tenir constamment en éveil le zélé des maîtres et des écoliers, mais encore ils s’emploient à donner aux sociétés libres fondées par nos jeunes gens, comme par exemple la société des gymnasi-arques, une direction intellectuelle et morale conforme aux principes de l’Association, c’est-à-dire à l’amour du travail et de la paix.
- Les comités de nos assurances mutuelles donnent le plus bel exemple de cet esprit de corps. Viennent ensuite les différentes sociétés constituées ici : Musiciens, pompiers, archers, gymnastes, etc, gages de cet esprit de solidarité qui se développe de plus en plus entre les membres de l’association, et qui ira croissant jusqu’à ce que chacun se sente ici, entre tous les autres, comme membre d’une seule et même famille.
- La solidarité des intérêts matériels, intellectuels et moraux dans une Association pourvue d’habitations unitaires qui groupent tout le personnel sous un même toit, et font tourner à l’avantage de chacun les éléments de progrès et de bien-être institués dans l’association même, est un fait tellement fécond en heureuses conséquences pour la solution des difficultés et des misères qui minent aujourd’hui toutes les nations civilisées, que les apôtres de l’émancipation du peuple, ceux qui ont le plus concouru de cœur, de tête, de bras et d’argent, à la recherche des moyens d’améliorer la condition des classes laborieuses, à l’étranger, parlent aujourd’hui du Familistère de Guise, de manière à le donner en exemple à leur pays. Combien vous devez sentir plus profondément, vous-mêmes, à quelle œuvre vous êtes reliés et combien il importe que vous vous employiez toujours davantage à faire grandir et prospérer l’Association dont vous êtes les membres actifs ! Et cela, non-seulement pour votre bien, mais aussi pour le bien des mil-
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- LE DEVOIR
- 633
- lions de travailleurs dénués de toute garantie, de toute sécurité surleur lendemain,et à qui vous pouvez, par votre exemple, faire ouvrir la voie des garanties sociales dont vous jouissez vqus mêmes.
- L’assemblée couvre de ses applaudissements les dernières paroles de M. le Président.
- La parole est ensuite donnée au Rapporteur du conseil de surveillance pour la lecture de son propre rapport.
- 2° Rapport du conseil de surveillance
- M. Point, rapporteur, se lève et s’exprime en ces termes :
- Mesdames eL Messieurs,
- Nous venons vous rendre compte du mandat que vous avez bien voulu nous confier dans votre assemblée générale ordinaire du 5 octobre, 1884.
- Nous venons vous dire que, dans tous les services de l’association, nous avons trouvé en général la plus grande bienveillance pour nous communiquer les renseignements dont nous avions besoin, et nous pouvons certifier que les statuts sont rigoureusement observés par tous.
- Notre vérification nous permet aussi de vous affirmer que les chiffres qui figurent aubilan général du 30 Juin 1885, dont il vient de vous être donné lecture par notre Administrateur-Gérant, concordent exactement avec ceux qui résultent des écritu res et des comptes.
- D’après c es comptes le produit net à répartir est de 263 901, fr. 46.
- La part affectée au travail sur cette somme étant de 75 p. 0/0 ou 197.926 fr, le rapport entre les 2.409.752 fr. 02 représentant le total des services rendus est de 8 fr. 21 p.0/0 de l’évaluation des concours a ttribués à chacun de nous selon les statuts.
- Nous croyons devoir vous faire remarquer que ce chiffre est plus élevé que celui de l’exercice précédent,malgré la diminution faite sur une grande partie des produits ; cela tient,d’abord,à ce que les matières premières ont été achetées dans de bonnes conditions et ont donné plus de production ; ensuite, à la supériorité des produits de notre fabrication ; enfin, à la sage et habile direction que notre Administrateur-gérant sait imprimera toutes les branches de notre industrie, au zélé et au dévouement infatigables qu’il apporte à la réalisation de l’œuvre qu’il a fondée.
- Malgré la crise qui régne dans presque toutes les industries, nous pouvons donc nous dire heureux puisque, tout en conservant notre personnel
- et lui donnant le travail journalier, nos bénéfices se sont accrus sur l’exercice précédent.
- Telle est, Mesdames et Messieurs, la situation financière et industrielle de notre association ; en conséquence, nous vous proposons d’approuver les comptes qui viennent de vous êtes présentés par notre Administrateur-gérant, pour l’exercice qui vient de s’écouler, et nous croyons être les interprètes de tous en lui présentant nos sincères remerciments. (Applaudissements)
- Le rapporteur,
- signé : Point.
- Le Conseil de surveillance accepte à l’unanimité le rapport qui précède pour être lu le dimanche 4 octobre, jour fixé pour l’assemblée générale des associés.
- Les membres du conseil de surveillance, signé : Proix, Dassonville, Point.
- 3° Adoption du rapport de la Gérance et da celui du Conseil de surveillance, s’il y a lieu.
- M. le président invite l’assemblée à discuter les rapports dont elle vient d’entendre lecturé.
- Aucune observation n’étant faite, M. le président met aux voix l’adoption des rapports et des comptes présentés à l’assemblée.
- A l’unanimité, l’Assemblée approuve le rapport de la gérance et celui du conseil de surveillance.
- 4° Election d’un conseiller de Gérance.
- M. le président invite l’assemblée à élire, conformément aux prescriptions des articles 82 et 84 des statuts, un conseiller de gérance, en le choisissant parmi les sept auditeurs régulièrement désignés par le conseil, et dont l’affiche de convocation a donné les noms, savoir :
- MM. Hennequin Joseph,
- Lefèvre Irène,
- Roussel Cronier,
- Seret Henri,
- Mme . Allart, conseiller sortant,
- MM. Barbary Antoine Bourdanchon Félix
- Il rappelle que, selon les prescriptions de l’art, 69 des statuts,- l’élection doit se faire au scrutin secret. Elle a lieu à la majorité absolue des membres présents ou régulièrement représentés au premier tour de scrutin, et à la majorité relative si un second tour est nécessaire.
- 81 associés étant présents ou représentés, la majorité absolue est de 41 voix.
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- 634
- LE DEVOIR
- L’assemblée passe au vote.
- Le dépouillement du scrutin donne les résultats suivants :
- MM. Seret Henri ... 42 voix Barbary Antoine . . 22 » Roussel-Cronier . . 8 »
- Hennequin Joseph . 4 »
- Mme. Allart.............1 »
- MM. Bourdanchon ... 1 »
- Lefèvre Irène ... 1 »
- Bulletins blancs . . 2 »
- M. Seret Henri, ayant obtenu la majorité absolue des suffrages, est proclamé conseiller de Gérance pour trois ans.
- 5° Election du Conseil de surveillance.
- L’assemblée procède ensuite, par les mêmes formalités, à l’élection de trois commissaires rapporteurs devant former le conseil de surveillance pour l’exercice 1885-86.
- Le dépouillement du scrutin donne les résultats suivants :
- Membres présents ou représentés 81
- Majorité absolue..................41
- MM. Cochet Aimé ... 76 voix Poulain Firmin ... 73 »
- Champenois Aimé. . 36 »
- Sarrazin Alphonse. . 36 »
- Méresse Constantin . 6 »
- Gras Prosper ... 3 »
- Bourdanchon. ... 2 »
- Bocheux...............1 »
- Evens .-....! »
- Mme. Liénard..............1 »
- » Nicolas...............1 »
- » Roger.................1 »
- Bulletins blancs . . 2 »
- Messieurs Cochet Aimé et Poulain Firmin, ayant obtenu la majorité absolue des suffrages, sont déclarés membres du conseil de surveillance pour un
- an.
- Un deuxième tour de scrutin est nécessaire pour compléter l’élection. Il est rappelé qu’au second tour l’élection a lieu à la majorité relative. Le dépouillement du scrutin donne les résultats suivants:
- Votants.......................81
- MM. Sarrazin Alphonse . . 43 voix Champenois Aimé. . 33 »
- Méresse Constantin . 3 »
- Bulletins blancs . . 2 »
- En conséquence, M. Sarrazin est nommé me mbre du conseil de surveillance.
- M. le président informe l’Assemblée que les inscriptions d’épargnes seront régularisées et les intérêts comptés aux ayants-droits dans le courant du présent mois.
- Les intéressés seront, dès demain, avisés par voie d’affiche des lieu, jour et heure du dépôt des certificats d’épargne et d’apport pour l’inscription des parts du présent exercice, et ensuite pour le paiement des intérêts.
- L’ordre du jour étant épuisé, M. le président invite le secrétaire à lire le projet de procès-verbal, afin de permettre les rectifications s’il y a lieu. Le projet est adopté.
- La séance est levée.
- LES
- ELECTIONS DU 4 OCTOBRE
- Les monarchistes triomphent bruyamment des résultats obtenus au premier tour par les listes de leurs candidats.
- Il est cependant certain que la coalition réactionnaire n’a plus rien à attendre des ballottages.
- La Chambre prochaine comptera 180 monarchistes contre 400 républicains environ.
- Les monarchistes ont la prétention d’avoir gagné cent sièges. Il est vrai que les apparences permettent ces illusions ; mais, si l’on va au fond des choses, on est convaincu que ces modirications dans la représentation nationale n’indiquent pas un changement notable dans l’opinion publique. Beaucoup de députés du Centre-Gauche ont été remplacés par de francs monarchistes. Ainsi, dans le Pas-de-Calais, la liste, en tête de laquelle figurait le nom de M. Ribot, était qualifiée de liste répu-républicaine 1
- Croit-on que le remplacement des orléanistes du Centre-Gauche par des bonapartistes et des légitimistes atteigne gravement la République ?
- Nous ne le pensons pas.
- Les situations définies sont préférables aux incertitudes permanentes, inséparables d’un corps politique dans lequel les ministères sont sans cesse sous le coup des marchandages des chefs des groupes sans couleur politique
- La prochaine Chambre comptera plus de monarchistes que n’en contenait celle qu’pn vient de remplacer ; elle sera, aussi, débarrassée des politiciens douteux prêts à donner des gages à tous les partis disposés à leur offrir des avantages.
- Le seul vaincu du scrutin du 4 octobre est l’opportunisme ; les faux opportunistes des centres sont
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- en partie éliminés, les autres ont tellement accentué leurs programmes et leurs déclarations, que l’on peut considérer le vote comme une affirmation des idées avancées. L'épithète de socialiste qu’on n’osait autrefois afficher publiquement avait été adoptée par un grand nombre des candidats des départements qui ont récolté de nombreux suffrages.
- Dans le département de l’Aisne on ne peut mettre en doute l’influence des idées progressistes sur les résultats électoraux. Les républicains du canton de Guise, laissant de côté le programme incolore du comité départemental, ont mené une vigoureuse campagne ayant pour objectif la propagande des idées progressistes. Les électeurs de ce canton, mécontents, comme le sont tous les véritables républicains, d’un gouvernement qui n’a pas su sortir des ornières monarchistes, ont voté avec un remarquable ensemble pour les idées républicaines, sans se laisser influencer par les faiblesses des personnalités qui sollicitaient le mandat électoral.
- Aucun autre canton du département de l’Aisne n’a donné un résultat comparable à celui de Guise, parce que dans aucune autre localité on ne s’était donné la peine de placer la lutte sur son véritable terrain. Les républicains de Guise n’ont pas voté pour la République telle qu’on l’a faite jusqu’à présent ; ils ont voté pour la République telle qu’elle sera bientôt : un gouvernement voulant l’élévation desclasses laborieuses vers le bien-être.
- Malgré que le nom du conseiller général du canton ait fait partie d’une liste, les électeurs ont voté en masse pour la liste républicaine qui a réuni plus de suffrages que les deux autres partis.
- Dans l’ensemble du département, les abstentions représentent le tiers des électeurs inscrits, tandis que dans notre canton elles font à peine le sixième,
- Si l’on eût par tout le département conduit la lutte avec avec autant d’entrain et de précision, il n’est pas douteux que les candidats républicains auraient eu la majorité au premier tour.
- Il est désirable que le scrutin du 4 octobre soit compris par les hommes de gouvernement et qu’il porte ses fruits. Les hésitations des corps publics à entrer dans la pratique des réalités républicaines causent de nombreux mécontentements parmi les classes laborieuses ; et les réactionnaires s’empressent d’exploiter contre la République une situation qui provient uniquement de ce que le gouvernement ne sait pas se dégager des suggestions de la réaction même.
- Il faut aussi voir dans ce mouvement de l’opinion publique un effet de la mauvaise politique de
- toutes les oppositions. Lorsqu’un parti est écarté du pouvoir, sans excepter les républicains, il a l’habitude de mettre au compte du gouvernement qu’il veut renverser tous les malheurs qui surviennent, sans se préoccuper des conséquences fâcheuses qui peuvent provenir de cette erreur.
- Les républicains ont beaucoup contribué à faire penser par le peuple que les gouvernements étaient absolument responsables de la prospérité publique, tandis que la réalité établit qu’il existe au-dessus des gouvernements des organisations sociales qui exercent sur la marche des événements une influence à côté de laquelle l’action gouvernementale mérite à peine d’être signalée.
- Les républicains de 1848 avaient renversé le trône de Louis-Philippe en rendant ce roi responsable des effets d’une crise économique que l’on devait attribuer surtout à la mauvaise organisation sociale ; mais l’impuissance des vainqueurs de l’orléanisme de corriger les vices des institutions publiques fut à son tour interprétée par le peuple comme une preuve de la stérilité de la République; et ce gouvernement fut bientôt condamné à disparaître en vertu de cette croyance répandue dans les masses, qu’il dépendait du gouvernement de rétablir la prospérité sans modifier les institutions.
- A la fin de l’empire, lorsque reparaît le malaise économique créé par l’engorgement de la production, on exploite de nouveau contre l’empire cette idée fausse que le gouvernement peut conserver l’ordre établi et corriger les effets des perturbations économiques. Pendant les premières années de la troisième République, on fortifie encore cette erreur, en attribuant à la politique une amélioration des affaires qui a son origine dans les conditions générales de la vie sociale.
- Après avoir tant fait d’efforts pour insinuer au peuple que les gouvernements sont les auteurs de la prospérité ou de la misère publiques, est-il surprenant que l’on constate quelques tendances dans les masses à se détacher d’un gouvernement lorsque les crises économiques suspendent le travail national.
- Si l’on veut éviter les dangers de cette situation, il est urgent de réagir contre la mauvaise éducation politique des citoyens ; il faut apprendre aux électeurs à discerner les fautes, que peuvent commettre les gouvernements, des crises qu’engendrent la mauvaise organisation sociale.
- La République, jusqu’à présent, n’a pas osé attaquer les institutions qu’on ne peut concilier avec les conditions de la production eontepapo??
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- raine, mais elle nous donne le moyen infaillible d’arriver à une solution en nous garantissant la liberté.
- Malheur aux peuples, s’ils laissaient établir de nouveau en France, un quelconque de ces régimes qui ontla prétention ridicule de placer certaines doctrines économiques au-dessus de la libre discussion.
- Si la réaction vient de tenter un effort, c’est qu’elle comprend que le libre examen va bientôt avoir raison de ces stupides théories qui proclament la justice et l’éternité des privilèges propriétaires et capitalistes.
- Ce retour de la réaction ne sera pas un danger, si le gouvernement, s’inspirant de l’élan des électeurs républicains,oppose à la réaction une affirmation plus catégorique de la politique républicaine.
- Depuis 1870, il a été perdu trop de temps pour que le gouvernement puisse présider impassible à la libre discussion d’où sortira la condamnation des privilèges des classes riches ; il lui appartient de prendre position dans la lutte, et de se mettre, résolument avec ceux qui ont donné la preuve que l’équilibre social est inséparable de l’accession des classes laborieuses au bien-être.
- Nous ne demandons pas au gouvernement de diriger sa puissance contre la réaction,nous souhaitons qu’il laisse la plus grande liberté à toutes les opinions ; nous lui rappelons que cette liberté n’est pas exclusive de son devoir d’appuyer la fraction capable de réaliser les réformes sociales qui nous délivreront des perturb fions économiques.
- DÉDIÉ AOX OPPORTUNISTES
- Le Préfet de la Mayenne aurait signalé ce fait :
- Dans un canton qui, aux dernières élections, avait donné 850 voix républicaines contre 50 voix réactionnaires, il y a eu, cette fois, 875 voix réactionnaires.
- Ce revirement a été produit par la mort de deux jeunes gens du pays tués au Tonkin.
- Et, maintenant, que les opportunistes osent donc soutenir que nous n’étions pas clairvoyants quand nous leur disions que leurs expéditions lointaines compromettaient la République, quand nous les adjurions de cesser leur criminel gaspillage de sang et d’or ?
- UNE GRAVE DÉCLARATION
- Dans une réunion électorale tenue à Châtillon, dans le département de l’Ain, M. Henri Germain, député sortant, a fait cette grave déclaration relative au lieutenant-colonel Herbinger :
- « Je puis enfin parler, maintenant que l’arrêt du conseil de guerre est rendu.
- a J’ai été membre de la Commission de la Chambre chargée d’examiner la demande de crédits de 200 millions pour l’expédition du Tonkin, et j’ai vu les dépêches du général de Négrier télégraphiant :
- « Je suis enveloppé, écrasé ; attendez-vous aux événements « les plus graves. Nous manquons de tout, Ravitaillez Lang-c< Son par tous les moyens, même les plus héroïques. »
- » C’est triste à dire, c’est une honte pour le pays ; le lieutenant-colonel Herbinger a été mis sur la sellette pour des motifs politiques !
- » Que tout le monde le sache ; nos soldats et nos marins ont été des héros ; s’ils n’ont pas toujours été victorieux, c’est notre faute ; c’est que le gouvernement les a laissés manquer des moyens, des ressources nécessaires 1
- » Et ce n’est pas mon opinion que je donne : c’est celle d’un militaire, du Ministre de la Guerre actuel, qui a dit à plus de deux cents députés :
- « L’expédition sur Lang-Son est une tentative coupable » une folie. Je ne m’y prêterai jamais. Je donnerai plutôt »ma démission.
- M. Germain a conclu en affirmant que la France devait au lieutenant-colonel Herbinger le retour de la colonne envoyée sur Lang-Son, qui, s’il avait hésité à battre en retraite, était perdue.
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- Trois entretiens politiques
- On lit dans le Tenps :
- Des rédacteurs du Matin ont eu des entrevues, dans la journée d’hier, avec MM. Allain-Targé, Clé-menceau et Henri Rochefort ; ils les ont entretenus naturellement du résultat des élections. Nous résumons ainsi qu’il suit ces différentes conversations.
- M. Allain-Targé pense qu’on exagère l’importance du succès des réactionnaires :
- On a été, dit il, jusqu’à dire que la droite de la prochaine Chambre compterait deux cent trente et même deux cent cinquante membres. C’est une grosse erreur ; nous n’avons pas encore les résultats complets, mais je suis persuadé qu’y compris les élections de ballottage, qui, presque toutes, semblent devoir nous être favorables, les réactionnaires nommés ne seront même pas deux cents.
- Quant aux causes des succès obtenus par les réactionnaires, elles sont d’ordres divers ; le ministre de l’intérieur avoue d’abord que le parti républicain a commis des fautes ; il continue en ces termes :
- Le scrutin de liste est un scrutin de coalition, et qui obéit à de grands courants. Il a trouvé cette fois les républicains, qui sont unanimes sur le principe du gouvernement, profondément divisés, tandis que les réactionnaires, qui sont profondément divisés sur la forme du gouvernement, étaient fortuitement unis.
- En outre, les élections se sont faites dans les conditions les plus défavorables, après une crise agricole terrible et après une crise commerciale qui, d’ailleurs, ne sévit pas seulement sur nous.
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- Du reste, il suffit de voir sur la carte de la France les départements conquis par la réaction ; ils forment une large bande noire; ce sont les départements qui ont le plus souffert de la crise agricole.
- Que faut-il faire maintenant ? Le gouvernement observera au second tour de scrutin l’attitude qu’il a conservée jusqu’à présent ; les élections se sont faites dans les condi tions de liberté absolue ; le gouvernement n’a môme pas essayé d’arrêter en chemin les fausses nouvelles répandues par les réactionnaires. Mais le parti républicain tout entier a de grands devoirs à remplir.
- Il faut, dit M. Allain-Targé, quelles républicains soient plus unis qu’ils ne l’ont jamais été. On peut même dire que plus que jamais on doit avoir la discipline républicaine. 11 ne s’agit pas de se perdre en récriminations vagues, il s’agit de faire les affaires de la France et de la République.
- J’estime que le mot opportuniste et le mot radical n’ont plus de sens. Et cette concentration des farces républicaines se fera dans le pays lui-même, au moins autant qu’au Parlement.
- M. Clémenceau exprime une opinion analogue. S’il n’explique pas l’échec subi par les républicains dans plusieurs départements de la même façon que le ministre de l’intérieur, il conclut dans le même sens : il faut faire l’union avant le second tour de scrutin.
- C’est le suffrage universel lui-même qui indique comment peut se faire la concentration. Partout où la réaction est dangereuse, républicains modérés et républicains radicaux voteront pour les candidats que le suffrage universel a désignés en leur donnant un plus grand nombre de voix.
- On ne sera pas surpris d’apprendre que M. Henri Rochefort fait remonter la responsabilité des élections de dimanche au précédent ministère et à la politique coloniale :
- C’est, dit-il, la réponse du pays à la guerre du Tonkin. Les habitants du pays font supportera la République les fautes des opportunistes, en se jetant dans les bras des réactionnaires.
- Ce résultat était prévu, moins accentué, il est vrai, mais il était prévu, puisque, avant le scrutin, on comptait déjà que les réactionnaires gagneraient trente ou quarante sièges. La faute en incombe entièrement à Brisson qui, aussitôt qu’il a pris le pouvoir, le lendemain de la chute de Ferry, aurait dû rompre ouvertement avec l’ancien ministère en commandant la politique coloniale et en rappelant les troupes du Tonkîn. Le ministère a répondu à cette époque que l’honneur du drapeau était engagé, mais n’est-il pas engagé aussi du côté de l’Est ?
- Brisson payera cher son manque de fermeté, car il ne doit plus, il ne peut plus maintenant songer à poser sa candidature à la présidence de la République, le cabinet dont il est le chef étant, pour ainsi dire, condamné par le pays.
- C’est d’ailleurs l’opinion qu’exprime le rédacteur en chef de CIntrangigeant dans son article de ce matin. Quelle sera l’attitude des amis de M. Roche-fort à la Chambre ?
- — Il est certain, dit M. Rochefort, qu’il n’y aura pas entre nous et les réactionnaires une coalition arrêtée et convenue à l’avance pour combattre les opportunistes, mais il est également certain qu’une coalition de hasard se formera entre les deux extrêmes, selon les situations ou les discussions parlementaires qui se présenteront.
- Comme ennemi du parti opportuniste, je ne suis pas fâché du résultat du scrutin, car c’est une bonne leçon qui lui est donné, mais au point de vue républicain, je déplore ce résultat, car c’est la République qui va en pâtir.
- Au second tour, l’accord pourra peut-être se faire entre les républicains, mais, il serait hasardeux d’en répondre, car les opportunistes préféreront encore voter pour les réactionnaires plutôt que donner leurs voix aux radicaux.
- La stabilité des ministères est pour ainsi dire impossible maintenant.
- Terminons notre résumé sur cet aveu significatif, en espérant toutefois que les résultats du second tour de scrutin déjoueront les prévisions du rédacteur en chef de l’Intransigeant.
- Les Manœuvres électorales — On a la preuve que les réactionnaires ont usé des moyens pour réussir.
- À Belfort, où un candidat conservateur a passé contre toute attente, on n’avait jamais assisté à un pareil scandale. Depuis quelques jours, des bandes salariées et armées de gourdins parcouraient la ville en hurlant : Vive Relier ! vive Viel-lard ! » C’est à coup de pièces de cent sous que le réactionnaire a passé. Dans une commune, des agents de M. Yiellard-Migeon, candidat monarchiste, ont payé pour cinq voix 300 franes ! Dans d’autres communes, on a délivré des bulletins réactionnaires, pliés et renfermant chacun 2 ou 3 francs.
- Dans la Vienne, qui a élu cinq réactionnaires, de nombreux faits de pression électorale se sont également produits : à Montmorillon, on a arrêté des personnes qui forçaient les paysans à changer leur bulletin de vote.
- A la Trémouille, le parti réactionnaire a livré bataille au parti républicain ; on a dû remettre au lendemain le dépouillement du scrutin.
- Dans un grand nombre de départements, à la dernière heure, des brigades d’agents réactionnaires sont allés dans les campagnes répandre le bruit que l’on venait de massacrer nos soldats au Tonkin.
- Dans le Gard, à Générac, les opérations du scrutin ont dû être suspendues pendant quatre heures. Les réactionnaires ont renversé les urnes et la table autour de laquelle siégeaient les membres du bureau. Les gendarmes ont été appelés,mais ils n’ont pas pu faire évacuer la salle, tellement elle était encombrée par la foule des électeurs. A l’heure où on nous a télégraphié ces détails, il était encore impossible de s’approcher des urnes, et les gendarmes attendent les ordres du maire.
- A Sairit-Abroix, dans la salle du vote, le nommé Poulet, réactionnaire, s’est permis d’enlever son bulletin à un électeur républicain et de le remplacer par un bulletin réactionnaire.
- Prise de Hérat par les Anglais
- Une dépêche’de Askabad annonce que les Anglais ont occupé complètement la ville d’Hérat dont ils se sont emparés.
- L’émotion causée à Londres par cette nouvelle est très grande, car elle rouvre à nouveau la question de l’Afghanistan avec une intensité beaucoup plus grande que dès le début.
- Le général commandant le corps d’occupation a ordonné aux habitants d’Hérat de tenir leurs magasins à sa disposition et de quitter la ville.
- Des redoutes ont été construites devant la citadelle ; les fortifications ont été entièrement réparées.
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- Lorsqu’ils ont attaqué la ville, les Anglais disposaient de quatre mille fantassins et de trois régiments de cavalerie.
- Le gouvernement anglais a aussitôt télégraphié à Hérat pour avoir des détails complémentaires.
- Que vont faire les Russes ?
- Au pays de la Fièvre
- Nous venons de lire un document paru ces jours-ci, et qui est à analyser au moment où le pays va avoir à se prononcer, en nommant ses mandataires, sur la politique coloniale : c’est le récit fait, simplement, sans phrases à effet, par un témoin d’un des dernières épidémies du Sénégal.
- Et cette colonie est notre plus ancienne ! Or, le séjour en est encore impossible aux Européens ! C’est-à-dire que, malgré une longue occupation, les tentatives d’assainissement ont été milles.
- On peut juger de ce quÿl en sera au Ton-kin, où la maladie a déjà fait tant de victimes !
- M. de Poly, qui donne cette dramatique narration en soldat, sans digressions politiques, a été lui-même atteint par la fièvre, et il avoue que c’est miracle s’il en est revenu. Il prenait pension à Saint-Louis avec cinq autres officiers. En un mois, il restait seul .les autres étaient morts.
- M. de Poly nous montre les huit ou dix cercueils d'Européens qui traversent tous les matins le fleuve dans des barques pour regagner le cimetière de Sor.
- « Vers le 15 août, — dit-il, — les cercueils manquent, la consommation étant supérieure à la confection. Dix-huit ou vingt Européens défilent maintenant chaque jour enveloppés dans des couvertures grises. Le spectateur écœuré voit les cadavres ballotter dans la barque : quelquefois, une jambe s’échappe de la couverture. Certes, un champ de bataille, le soir d’un combat, n’est pas plus sinistre au moment de l’ensevelissement des morts ! »
- M. de Poly estime que la mortalité au moment des grandes épidémies peut aller presque au chiffre en apparence invraisemblable, de 90 0/o, — et il raconte ainsi l’existence des survivants, en ces heures de désolation :
- « L’épreuve est continue. Le matin, on vient à table : on voit une place vide. Un camarade a prévenu qu’il était fatigué. On sait ce que cela veut dire. Si, dans ses tournées, on rencontre quelque passant européen, on n’ose l’aborder, dans la crainte que, depuis la veille, quelque nouveau malheur soit venu le frapper. Le soir, on va dire un dernier adieu à ceux qui vont partir. L’un ne se rend pas compte de son état et se figure qu’il est guéri : « Je reviens de loin », dit-il. En parlant, il est pris d’une toux violente et rejette un peu de sang. « Ce n’est rien, ajoute-t-il ; quelques petits vaisseaux se sont rompus dans les efforts que j’ai faits, mais je ne rends pas de sang ». Il montre alors ses jam-
- bes en décomposition; il suffit d’y passer la main pour que le sang jaillisse. « Tu vois comme j’ai été pris, mais je vais bien ! » Le lendemain, il était au cimetière. »
- Il y a plus atroce encore : M. de Poly parle des malheureux qui meurent abandonnés chez eux, de ceux qui tombent tout à coup dans leur chambre pour ne plus se relever. La mulâtresse qui fait leur ménage s’enfuit par peur, et personne ne vient leur porter secours. Ils n’ont qu’une ressource : c’est de se traîner jusqu’à la fenêtre et de jeter dans la rue un billet que le passant curieux essayera peut-être de déchiffrer : « Je me meurs, venez ! »
- « Tel est le billet, ajoute M. de Poly, que j’ai ramassé moi-même, écrit par un garde du génie qui se mourait dans sa chambre étendu sur le sol,n’ayant pas eu la force de remonter sur son lit. »
- Tout ce tableau, qui n’est pas chargé, qui n’est pas écrit « pour faire de la littérature » donne le frisson.
- Ces leçons ne suffisent pas, et, sous des climats insalubres, on va tenter de stériles établissements!
- Que n’apprendrons-nous pas le jour où un témoin impartial racontera les détresses qu’il a vues au Tonkin !
- --------:----—o—< in—. « -------------
- MAITRE PIERRE
- Par* Edmond ABOUT
- ( Suite )
- IX
- LE MAIRE DE BULOS.
- Les femmes de la maison l’emmenèrent dans la chambre voisine. Je demeurai seul au coin du feu avec le bonhomme, et, tandis que je séchais une à une toutes les pièces de mon vêtement,la porte mal jointe laissa pénétrer jusqu’à nous des rumeurs confuses, des chuchotements tumulteux et même certain concert de notes aiguës qui exprimait la gaieté ou la douleur la plus vive, au choix des écoutants.
- Mon honorable compagnon entama la conversation par ces lieux communs atmosphériques qui permettent au paysan circonspect de parler une heure sans rien dire. J’interrompis son discours sur la pluie en lui demandant si maître Pierre reviendrait à l’heure du souper.
- « Savoir ! savoir ! répondit-il en hochant la tête. S’i^ vient, il aura du fil à retordre. S’il ne vient pas, il se mangera les poings dans le doute. M’est avis qu’il viendra, puisque dans tous les cas ces messieurs souperont ici.
- — M. Tomery et ses deux amis ?
- — Oui, monsieur, ils sont trois, suivant les us et coutumes; c’est à savoir le fils Tomery, le fils Darde, et M. Bijou aîné. Vous n’êtes pas sans les connaître ?
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- — Moi ! j’arrive de Paris. »
- Le maire se crut obligé à un redoublement de politesse et de prudence. Il me parla à la troisième personne et sourit le plus niaisement qu’il put.
- « Ah ! ah! dit-il, mons ieur vient de la grande ville ! C’est bien particulier ! Il y a pourtant assez loin d’ici à Paris !
- — Pas trop, depuis le chemin de fer.
- — Je comprends ; monsieur fait partie de l’administration du chemin de fer ?
- — Pas le moins du monde.
- — Excusez-moi ; il n’y a pas d’offence. Pour lors, monsieur avait donc des affaires dans ce pays-ci ?
- — Aucune. J’ai eu la curiosité de voir vos landes, et voilà tout.
- — Conséquemment. Ah ! monsieur est venu comme ça, les mains dans ses poches, faire une visite aux landes de Bulos ? Monsieur appartient sans doute au gouvernement ? »
- J’avouai en toute humilité que je n’avais pas cet honneur, et que je n’appartenais qu’à moi-même. Et, pour couper court â ses interrogations, je pris la peine de lui expliquer le but de mon voyage.
- Lorsqu’il comprit qu’il avait sous son toit un des cinq cents individus qui s’entretiennent familièrement avec le public et dispensent la bonne et la mauvaise renommée, Je vieux paysan changea de note. 11 rapprocha son escabeau du mien, me frappa amicalement sur le genou et me traita en vieille connaissance. Il tira de sa poche une pipe en racine dé brande, la bourra parcimonieusement de tabac mal haché, et y déposa un charbon ardent qu’il avait pris dans le feu avec la pincette de ses deux doigts. « Vous permettez ? me dit-il. C’est une chose que je ne ferais pas dans le salon de M. le préfet, à Bordeaux ; mais on ne se gêne pas avec les amis, et il me semble que je vous connais depuis vingt ans. Vous avez une figure ouverte qui me va. Quand je vous ai vu entrer derrière ce sournois de maître Pierre, je me suis dit tout de suite ? Voilà un homme franc du collier, avec qui il ne faut pas prendre de mitaines. C’était l’amitié qui commençait. Expliquez ça comme vous pourrez : je n’ai ni peur ni besoin de personne, et pourtant je m’éloigne ou je m’approche des gens suivant la figure qu’ils ont.
- « Si vous voulez rapporter aux Parisiens les grands perfectionnements que nous avons faits dans les landes, vous êtes bien tombé. Je peux tous instruire mieux que pas un, puisque c’est moi qui ai tout conduit. Qui est-ce qui racontera bien la bataille ? le conscrit ou le général ? C’est moi qui ai enrôlé maître Pierre. Je l’ai tiré de bien bas, le pauvre garçon ! Mais je suis trop juste pour lui reprocher sa naissance irrégulière et subalterne. Ce n’est
- pas sa faute si ses parents se sont mal conduits ; et d’ailleurs, administrativement parlant, nos inférieurs sont nos égaux devant la loi. Je lui ai même pardonné ses péchés de jeunesse, quoiqu’on ait pendu bien des garçons qui en étaient moins dignes que lui. Mais il avait de qui tenir, et bon chien chasse de race, comme dit l’almanach de 1851, Aussi bien s’est-il amendé petit à petit, et s’il plait à Dieu que j’arrive à le marier légalement, sa conduite ne sera plus un objet de scandale pour le pays.
- « Vous avez sans doute entendu parler de la grande campagne que j’ai conduite contre les loups et tous les animaux sauvages. Les événements qui ont inauguré mon administration doivent avoir eu un écho jusqu’à Paris, quoique mon célèbre discours n’ait pas été couché sur les gazettes. Tant pis pour les Parisiens ! moi, je suis pour le solide. Du jour où nous avons été désinfectés de nos bêtes, j’ai mis mes gens à la culture, et j’ai commencé par maître Pierre, puisque je l’avais sous sous la main. Il vous dira lui-même si les encouragements lui ont été refusés. Le résultat, j’ose le dire, a dépassé mes expé-rances.
- (A suivre)
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- État civil dn Familistère.
- Semaine du 28 septembre au 4 octobre 1885.5
- Naissance :
- Le 28 septembre, de Démoion Aline-Elise, fille de Démoion Léon-Jules et de Dufour Léocadie.
- Décès :
- Le 30 septembre, de Lemaire Georges-Léon, âgé de 22 jours.
- Le 28 septembre de Florentin Paul, âgé d’un an.
- L’astronomie, Revue mensuelle d’Astronomie populaire, de Météorologie et de Physique du globe, par M. Camille Flammarion. — N° d’Octobre 1885. — Apparition cl’une étoile dans la nébuleuse d’Andromède, par C. Flammarion. — L’Astronomie chez les Javanais, par M. R. A. Van Sandick. — Théorie de la variation séculaire de l’aiguille aimantée, par M. Diamilla Muller. — Éclipse partiel de lune du 30 mars 1885, par M. Ed. du Buisson. — L’astronomie des anciens philosophes grecs, par M. E. Rossi de Giustiniani. — Le cataclysme de krakatoa entendu aux antipodes, — Nouvelles de la science. Variétés : La grande marée du Mont Saint-Michel par C. Gabillot. La rétrogradation de l’ombre, par M. A. Blain. Curieux effets de la foudre. Bolide lentoubradyte.—Observations astronomiques,parE. Vi-mont. — (Gauthier-Villars, quai des Augustins, 55, Paris.)
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- brochure in-8°, extraite du volume « Le Gouvernement ». . . . . . . . . . . . . • 1 fr. 50
- Les quatre ouvrages ci-dessus se trouvent également : Librairies Guillaumin et Cie, 14, rue Richelieu, Paris,
- Les Socialistes et les Droits du travail . . 0,40 cent. La Richesse au service du peuple .... 0,40 cent.
- La Politique du travail et la Politique des privilèges. 0,40 La Souveraineté et les Droits du peuple............0,40
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- N° 1 - Le Familistère, brochure illustrée contenant cinq vues du Familistère et de ses dépendances, fait connaître les résultats obtenus par l’association du capital et du travail, association
- ouvrière au capital de 6.600.000 francs ...............................................0 fr. 40
- Dix exemplaires 2 fr. 50.
- N- 2 - La Réforme électorale et la Révision constitutionnelle.....................o fr. 2»
- N° 3 - L’Arbitrage international et le Désarmement européen.......................o fr. 25
- N° 4 L’Hérédité de l’État ou la Réforme des impôts..............................0 fr. 25
- N° 5 Associations ouvrières. — Enquête de la commission extra-parlementaire au ministère
- de l’Intérieur. Déposition de M. GODIN, fondateur de la Société du Familistère de Guise.
- Les Nos 2 à 5 des Études sociales se vendent : 10 exemplaires 2 fr.
- » » » » 100 » 15 fr.________________
- Histoire de l’association agricole de Ralahine (Irlande). Résumé des documents de
- M. E. T. Craig, secrétaire et administrateur de l’association. Ouvrage d’un intérêt dramatique, traduit par Marie Moret....................................................................... 0,75 cent.
- Histoire des OQuitnblos pionniers de Rochdnle, de g. j. holyoake. Résumé traduit de
- l’anglais, par Marie Moret............................................................. 0,75 cent
- La Fille de son Père. Roman socialiste américain, de Mme Marie Howland, traduction été M. M., vol. broché.....................................................................3 fr. 50
- Collection du « DEVOIR »
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- 9e Année, Tome 9.— N' 371 Le numéro hebdomadaire 20 c. Dimanche 18 Octobre 1885
- LE DEVOIR
- REVUE DES OUEST» SOCIALES
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- et réclamations doivent être adressées à M. GODIN, Directeur-Gérant Fondateur du Familistère
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- S’adresser à M. LEYMARIE administrateur delà Librairie des sciences psychologiques.
- LES REFORMES URGENTES
- RÉFORMES POLITIQUES.
- Substitution de l’arbitrage international à la guerre. Garantie de la paix aux nations.
- Inauguration de la souveraineté nationale par l’organisation du suffrage universel sur la base du scrutin de liste nationale et du renouvellement partiel, annuel, de tous les corps élus.
- Protection efficace de l’exercice des droits politiques et civils des ouvriers.
- RÉFORMES CIVILES.
- Abolition régulière et progressive des abus de l’impôt en prélevant les ressources nécessaires à l’Etat sur la richesse acquise ; mais en faisant ce prélèvement après la mort des personnes et non de leur vivant
- A cet effet, établissement du droit d’hérédité de l’Etat dans les successions.
- Droit d’hérédité progressive sur les héritages en ligne directe ; l’Etat prélevant peu de chose sur les petites successions, mais élevant son droit progressivement jusqu’à 50 qîO sur les fortunes dépassant cinq millions.
- Droit de 50 0|0 sur tous les testaments.
- Droit complet d’hérédité de l’Etat en ligne collatérale et sur tous les biens n’ayant ni héritiers directs ni légataires. ;
- Abolition de l’impôt sur tous les biens tombés en héritage à l’Etat, mais substitution à cet impôt d’un revenu sur tous les biens revendus par l’Etat et d’un fermage sur tous les biens loués par lui.
- Suppression régulière, par ce moyen, des fermages payés aux propriétaires intermédiaires ; la propriété immobilière devant être exploitée par ceux qui la détiennent soit comme fermiers, soit comme propriétaires. n
- RÉFORMES SOCIALES. 1
- Organisation de la mutualité nationale et des garanties nécessaires à l’existence des citoyens dans le besoin.
- Extinction de la misère à l’aide des revenus des biens vendus ou loués par l’Etat.
- Participation des ouvriers aux bénéfices et association du travail au capital protégées par les lois.
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- SOMMAIRE
- Les réformes urgentes.— Lapolitique républicaine.
- — L’exposition de Boulogne-sur-Mer. — La nationalisation du sol en Angleterre.— Nos bassins-houillers.— L'Emigration.— Les missions scientifiques et commerciales. — Nouvelles du Familistère. — Une pendule qui se remonte d'elle-même. — Aphorismes et préceptes sociaux. — Manifeste de M. Goblet. — Symptômes significatifs. — La Vierge de Lépante. — Ce que produit en blé un hectare de terre.— La crise agricole. — Association et coopération.— Politique coloniale.
- — Enfants dans les ateliers. — La science des tempêtes. — Les portes-de-l’enfer. — Adhésions aux principes d’arbitrage et de désarmement européen.— Maître Pierre.
- AVIS
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- Si le journal n’est pas envoyé après le quatrième numéro, l’administration fait présenter une quittance d’abonnement.
- NUMÉROS DE PROPAGANDE
- L’administration du Devoir envoie franco des numéros de propagande de chaque tirage hebdomadaire au prix de 75 centimes les dix exemplaires.
- Adresser les demandes à la Librairie du Familistère.
- LA
- POLITIQUE RÉPUBLICAINE
- On ne peut admettre que nos dirigeants délaissent plus longtemps la politique républicaine, à moins qu’on les suppose résolus à renverser la République.
- Il est fâcheux de compter, parmi les partisans de la politique de stationnement, des hommes qui ne seraient jamais sortis du rang des médiocrités, s’ils n’avaient eu, à quelque moment de leur existence, des élans généreux en faveur de la cause démocratique.
- La continuation des errements opportunistes ne serait plus de la faiblesse ou de l’incapacité ; elle serait une trahison, au profit de la réaction.
- Il n’est plus permis de considérer la réaction comme une quantité négligeable ; elle estsuffisam-ment organisée pour constituer un danger public, si on ne la chasse des positions officielles que lui a gratuitement concédées l’opportunisme.
- Si le scrutin de ballotage donnait aux monarchistes une majorité aussi forte que celle qui se manifestera en faveur de la politique républicaine, nul doute qu’ils s’empresseraient d’exclure des administrations tous les fonctionnaires soupçonnés de dévouement aux idées progressistes. On les verrait frapper sans ménagement les fonctionnaires républicains, et emprisonner et déporter les hommes avancés, avec un régorisme que l’empire nous a appris à maudire.
- Il serait puéril de conserver quelque illusion sur la volonté des partis déchus de s’emparer du pouvoir; la lecture des journaux réactionnaires n’autorise aucune incertitude à cet égard.
- La politique républicaine peut avoir raison de ces audaces sans aucune violence ; il suffit qu’elle s’inspire du respect d’elle-même, pour maintenir la réaction dans les limites d’une opposition inoffensive.
- Les administrations publiques, les hautes fonctions de l’Etat sont généralement aux mains des réactionnaires avérés; il suffira d’une épuration honnête, loyale, de remplacer les fonctionnaires rétrogrades par de sincères républicains. Par cette sage et opportune mesure, on augmentera autant la force du parti démocratique que l’on affaiblira l’importance des adversaires de la république.
- U ne révocation générale des fonctionnaires douteux ou compromis s’impose d’urgence ; sans cela, il est à craindre que les difficultés intérieures qu’ils fomentent à plaisir empêchent l’application progressive des réformes et conduisent aux émeutes et aux révoltes les classes laborieuses exaspérées de l’ajournement indéfini de tous les projets favorables à l’amélioration du sort des travailleurs.
- Si les membres du gouvernement ignorent les menées et les mauvaises intentions des partis réactionnaires ils font preuve d’une incapacité coupable ; ou bien, si leur conduite est le fait d’une tolérance excessive, ils s’exposent à être accusés, avec toutes les apparences de la raison, d’être les pires ennemis de la république et les alliés les plus redoutables du despotisme.
- Dans certains départements, les préfets ont été les agents les plus actifs de la coalition des adversaires du gouvernement.
- Dans notre département, le préfet, dès son installation, sans avoir jamais encouru le moindre blâme de ses chefs hiérarchiques, s’était mis a l’œuvre, préparant, sournoisement le groupement de tous les rétrogrades ligués contre la république.
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- •MbM»’ « I -« ». t '
- Après le 16 mai, au grand étonnement des républicains de l’Aisne, !e gouvernement confiait l’ad-minisiration départementale au secrétaire général de la préfecture qui s’était fait remarquer par son empressement à servir les vues rétrogrades du pré-fetGigault de Crisenoy, l’agent desdeBroglie et des Fourtou. Les instituteurs laïques,les fonctionnaires indépendants, les républicains avaient subi alors, par son intermédiaire, toutes les tracasseries que le gouvernement des ducs avait organisées contre les honnêtes gens. Après la nomination des 363, ce subalterne, couvert par la haute protection de MessieursWaddington et de Saint-Vallier.futpromu à la préfecture de l’Aisne ; depuis cette époque tous ses instants ont été employés à contrecarrer les efforts du parti républicain et à nuire à ses représentants les plus autorisés.
- On sait quelle influence procure aux préfets leur prépondérance dans une foule de questions locales : tracés de routes, de canaux, de chemins de fer. On pourrait en citer plus d’un qui à toujours fait pencher la balance du côté des réactionnaires, au détriment de l’intérêt public, rien que pour être agréable à des personnalités hostiles à la république et pour nuire moralement et matériellement à des républicains qu’il voulait diminuer. Certains préfets, depuis plusieurs années, affectaient dans leurs tournées éléelorales de mettre en évidence des nullités acquises à la réaction, en vue de leur préparer des candidatures locales destiuées à éloigner des corps élus des représentants dévoués au progrès.
- On se fait difficilement une idée de la part qui revient à ces fonctionnaires infidèles dans les succès relatifs des partis monarchistes aux élections du 4 octobre.
- Nous ne pensons pas qu’on puisse accuser un autre homme d’avoir, plus que le préfet de l’Aisne, contribué à propager les exagérations concernant la crise agricole ; sa prétendue sollicitude en faveur des intérêts agricoles n’était que le commencement d’une comédie électorale qui devait aboutir à la liste dont les électeurs ont fait justice et pour laquelle les monarchistes qu’il avait cru rallier ont eu le plus profond mépris. Malheureusement, ces plaintes outrées ont eu plus d’écho dans d’autres centres moins éclairés, où elles ont été le prétexte des intrigues victorieuses de la réaction.
- Nous en avons assez dit pour prouver la nécessité d’une radicale épuration administrative.
- Telle Hoit-être la première œuvre dès républi-
- cains, dès que les ballotages auront nettement affirmé la volonté des électeurs de conserver et d’améliorer le régime républicain, source des réformes progressives.
- Mais la politique républicaine, si elle s’arrêtait à ces mesures administratives, serait au-dessous de sa tâche, elle doit favoriser, avec une égale énergie, l’étude des réformes et l’application des améliorations admises par l’ensemble du parti républicain.
- Il y a quelques années, la neutralité du gouvernement dans l’élaboration des idées progressistes pouvait suffire ; maintenant, les circonstances sont trop graves, trop de progrès ont été trop longtemps ajournés, pour que les gouvernants puissent s’abstenir de hâter, par tous les moyens en leur pouvoir, la mise en pratique des réformes sociales.
- Il ne s’agit pas de recommencer ou de continuer l’enquête des 44, l’heure des réalisations est venue.
- Il est urgent de mettre les classes dirigeantes en situation de ne pouvoir prétendre qu’elles ignorent les injustices qui accablent les classes laborieuses.
- Que le gouvernement prenne ^initiative de déclarer qu’il ne veut plus être complice du silence et des falsifications au moyen desquels on étouffe les revendications ouvrières, et s’il ne rencontre parmi les possesseurs de la richesse nationale un concours efficace, que sans eux, même contre eux, il devienne le tuteur militant des déshérités.
- Nous demandons au gouvernement l’épuration administrative, la dénonciation solennelle des abus, et une marche hardie dans les voies du progrès social.
- Nous demandons au gouvernement d,’avoir une politique républicaine.
- L’Exposition de Boulogne-sur-Mer
- Une Exposition d'engins de sauvetage et de matériel d’incendie a été organisée à Boulogne-sur-Mer à l’occasion du Congrès des sapeurs pompiers, où environ mille officiers de toutes les parties de la France et de l’Algérie viendront assister. 1 r •'
- Des conférences auront lieu : on y traitera des questions concernant l’amélioration du matériel, de questions d’administration intérieure et surtout de l’établissement de caisses de retraite comme il en existe déjà une à Boulogne pour les pompiers vieux ou blessés.
- On s’y occupera spécialement de l’unification de l’uniforme pour tous les pompiers de France, et surtout de la participation des compagnies d’assurances à l’entretien des corps de pompiers et de leur contribution respective aux secours à donner à ceux qui souvent se dévouent et travaillent pour elles exclusivement.
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- La Nationalisation du sol en Angleterre
- ET
- M. ALFRED RUSSEL WALLACE
- Les idées de nationalisation du sol se répandent partout. Nous empruntons au National Belge l’article suivant qui, publié en tête de ce journal quotidien, a fait grande impression chez nos voisins belges :
- Je faisais remarquer dans mon dernier article, que l’idée de l’appropriation collective du sol gagne du terrain, et quelle commence à se répandre même chez les personnes qui par leur position, leur condition sociale, leurs préjugés, etc., sembleraient devoir la repousser bien long.
- Ce fait n’a pas l’heur de plaire aux économistes, chauds partisans de l’appropriation individuelle du sol. Aussi le nient-ils le plus possible. C’est ainsi que, il y a quelque temps, M. Kerrilis, rédacteur au Journal des Economistes, prétendait avoir des raisons de croire que M. Alfred Russel Wallace ne s’obstinait pas davantage dans son idée de la nationalisation du sol.
- 11 n’en est rien, comme je vais le faire voir.
- Je viens de recevoir de l’éminent naturaliste le discours qu’il a prononcé, il y a quelques mois, en qualité de président à la quatrième session de Y Association pour la nationalisation du sol,association qu’il a fondée il y a plusieurs années. Je vais en donner des extraits qui, j’en suis certain, intéresseront les lecteurs du National belge ; ils prouveront à l’évidence que M. Alfred R. Wallace persiste à soutenir la nécessité de la nationalisation du sol.
- M. Alfred Wallace débute par montrer que le free trade in land, — c’est-à-dire le pouvoir de vendre ou de transmettre la propriété foncière comme on l’entend, et sans aucune entrave légale, — considéré jusque dans ces derniers temps comme la seule réforme nécessaire, est presque universellement reconnue aujourd’hui comme complètement insuffisant pour remédier aux maux qui résultent du monopole foncier.
- Un second point examiné par M. Wallace est relatif à la dépopulation des campagnes en Angleterre, par l’émigration des paysans dans les villes. Il montre, avec chiffres à l’appui qu’en dix ans, de 1871 à 1881, deux millions environ d’individus, par la lutte pour l’existence, ont abandonné les districts ruraux de l’Angleterre et de la principauté de Galles,pour venir encombrer les villes.
- M. Allred Wallace critique ensuite un écrit de M. Frédéric Harrison, intitulé : Remède au mal social.
- En guise de preuve contre la nationalisation du sol, et contre la plus équitable répartition de la richesse qui en résulterait, M. Harrison apporte les propositions suivantes : 1° la tendance universelle de l’industrie est actuellement vers l’aecumu-ition et non la division des capitaux; 2° la concentration
- croissante des capitaux est la condition indispensable de l’industrie moderne.
- En raisonnant ainsi, M. Harrison conclut de ce qui existe aujourd’hui à ce qui devra exister dans l’avenir ; il fait un paralogisme et M. Wallace n’est pas en peine de le lui montrer.
- Le raisonnement de M. Harrison est mauvais, dit-il, parce qu’il repose sur la prétention que tous les hommes n’ont pas un droit égal aux dons de la nature. Et il ajoute : Quand une partie de la société possède le sol et que l’autre, de beaucoup la plus nombreuse, ne peut ni travailler ni vivre sans devoir se soumettre aux conditions imposées par les propriétaires fonciers, ceux qui composent cette seconde partie sont — comme Henry George l’a si bien montré - aussi véritablement esclaves que l’étaient les esclaves des nobles Romains ou des planteurs du Sud.
- M. Wallace va même plus loin. Il prétend, et avec juste raison, qu e l’esclave moderne ou le prolétaire est dans une situation pire que son prédécesseur dans l’antiquité, parce qu’il est l’esclave de la machine, du capital, et que si le capitaliste n’a pas immédiatement besoin de ce travail, il ne reste plus au prolétaire qu’à mourir de faim.
- D’après M, Wallace, ce n’est pas là la véritable économie, qui n’a pas pour but de produire des richessesimmenses pour les uns, et de condamner les autres à un labeur incessant, à la misère et aux maladies. La véritable économie politique est celle qui, dit-il, non-seulement produit des richesses, mais encore les répartit avec justice ; c’est celle qui tend à égaliser la richesse et le travail, chez tous ; ce n’est pas celle qui place les hommes dans une situation telle, que lorsqu’ils ne travail-lent pas pour un employeur, ils sont dans l’impossibilité de travailler pour eux-mêmes.
- Cette dernière observation de M Wallace est capitale. La question sociale, dans sa partie matérielle, se résume en effet en ce point : chacun est-il ou n’est-il pas en position de produire pour soi? Dans ce dernier cas, il doit se mettre à la solde d’un employeur, et alors le salaire tombe au minimume des circonstances, ou même devient nul quand le capitaliste n’a pas besoin de travail. C’est ainsi que les choses se passent dans l’organisation actuelle de la propriété. Dans le premier cas, au contraire, comment l’employeur peut-il obtenir du travail ? Exclusivement en offrant, comme salaire, plus que celui auquel il s’adresse peut gagner en travaillant pour lui-même. Alors, — et c’est ce qui arrivera avec l’organisation future de la propriété, —;.les salaires s’élèvent au maximum des cijconstances.
- M. Alfred Russel traite encore plusieurs questions importantes dans son discours. Il prouve, par exemple, que M. Fréd. Harrison se trompe en soutenant que la grande culture est indispensable si l’on veut obtenir la plus forte production possible en céréales. Il montre aussicombien le même
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- écrivain est dans l'erreur quand il prétend que la valeur du sol, en Angleterre, s’est si fortement accrue. Mais je suis obligé de renvoyer le lecteur au discours même de M. Wallace pour y voir la manière dont il combat les propositions de son adversaire.
- (le qui précède suffit à prouver que M. Alfred Wallace persiste plus que jamais â réclamer la socialisation du sol comme le moyen d’anéantir l’esclave du travail.
- Agathon de Potter.
- NOS BASSINS HOUILLERS
- Depuis trente-cinq ans, les bassins houillers du nord de la France voyaient chaque année leur production s’accroître. Pour la première fois, en 1884, leur développement s’est arrêté et a même éprouvé un recul. En 1883, l’extraction de la houille atteignait 20 millions 50,000 tonnes ; l’anné suivante, elle diminuait de 6 Ojo*
- Les tableaux de statistique officielle permettent de constater que la campagne de 1885 sera encore moins favorable.
- Dans le Nord, neuf houillères sont en diminution de 90,000 tonnes environ pour le premier semestre. Anzin, au contraire, fortement atteint l’an dernier par la grève, est en progression de 176,000 tonnes.
- Dans le Pas-de-Calais, la diminution est assez forte â Lens, déjà importante à Courrières, à Liévin et à Ostri-court. Nœux et Maries ne sont pas éprouvés.
- Comparée à l’année 1883, la production totale du Nord et du Pas-de-Calais a diminué, pour le 4*r semestre 1885, de 246,500 tonnes.
- Il faut remarquer, d’ailleurs, que les importations étrangères, qui s’étaient élevées à 2,225,000 tonnes pendant le 1er semestre de 1884, accusent pour le 1* semestre de l’année courante une diminution de 11 Ojo, Les tableaux qui indiquent cette situation fournissent aussi des renseignements intéressants sur les salaires des ouvriers mineurs en France. Leur nombre est de 113,000 environ, dont 80,000 au fond et 32,000 au jour.
- C’est dans le Gard que ces ouvriers gagnent le plus, soit en moyenne 1,278 francs par an. Viennent ensuite le Pas-de-Calais, 1,190 francs; la Loire, 1,186 francs; Saône-et-Loire, 1,141 francs; Aveyron ; 1,125 francs; Nord, 1,086 francs.
- Ces chiffres représentent seulement le salaire payé en argent. 11 convient, pour établir le prix de main-d’œuvre, d’y ajouter les bénéfices auxiliaires, tels que logement à prix réduit, soins médicaux gratuits, distribution de combustible, concession de terrains pour le jardinage, etc.
- Quoique ces éléments d’appréciation échappent à une évaluation rigoureuse, on a pu calculer que le prix de la main-d’œuvre entre dans le prix de revient de la tonne
- pour 5 fr. 95 c. en moyenne, avec une variation selon les bassins.
- La production est, pour toute la France, par ouvrier du fond, de 263 tonnes. Elle est plus forte dans l’Aveyron que partout ailleurs. En rapprochant le prix moyen de la main-d’œuvre de la diminution de 246,500 tonnes constatée dans la production du 1er semestre de 1885, l’on constate que cet arrêt a provoqué une diminution de salaires de 1,460,000 francs environ pour cette période.
- Sur les 315 concessions houillères exploitées en France, 190 seulement ont réalisé, en 1883, un bénéfice total de 42 millions 807,180 francs. Les 125 autres exploitations accusent un débet de 6 millions et demi.
- Donc, l’ensemble des houillères françaises en activité a donné un résultat financier de 36 millions et demi de francs. Ce bénéfice correspond à 130{0 de la valeur de la houille sur le carreau de la mine; mais, si l’on considère l’importance du capital engagé dans les entreprises houillères, ce bénéfice ne présente guère qu’un intérêt de 5 1|2 0[o dudit capital, s’appliquant à une année regardée comme exceptionnellement prospère. Pour les deux dernières campagnes, ce résultat est sensiblement amoindri et peut diminuer encore.
- L’ÉMIGRATION
- La légation de New-York annonce que le gouvernement des Etats-Unis va prendre des mesures contre l’émigration.
- L’introduction des travailleurs européens, après avoir été une source de richesses pour l’Amérique du Nord, devient un embarras par son accroissement.il paraît même que les Américains en reçoivent certaine inquiétude.
- L’agglomération des colons sur quelques points déterminés a fait augmenter le prix des terres dans une proportton considérable ; le travail s’est raréfié et la vie matérielle est d’une excessive cherté.
- Le gouvernement considère que les nouveaux débarqués peuvent devenir un sujet de désordres et il se préoccupe de les refouler au dehors en facilitant leur transbordement en Océanie, où nombre de terres vierges n’attendent que d’être exploitées pour donner le bien-être et probablement la fortune aux émigrants qui voudraient s’y rendre.
- Les missions scientifiques et commerciales
- Les administrations du commerce et les affaires étrangères s’occupent en ce moment de régulariser le fonctionnement des missions scientifiques et commerciales.
- Au lieu d'être données, comme cela a eu lieu jusqu’ici, quelque peu à bâtons rompus, ces missions serai» nt désormais envoyées à l’étranger d’une manière méthodique, et de façon que l’étude internationale de tous les grands problèmes de la production et de tous les besoins de la consommation soit poursuivie simultanément dans les divers pays et sans interruption.
- Les travaux de ces missions seront publiés avec assez f t
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- rapidité pour présenter un intérêt actuel ; ils compléteront les diverses publications commerciales officielles entreprises depuis quelques années, et qui ont déjà réalisé un progrès si accentué.
- Les frais de ces missions seraient supportés en partie par l’Etat et la partie par les chambres de concurrence.
- Nouvelles du Familistère
- Désireux de ne rien laisser passer de ce qui peut attirer l’attention sur les instituteurs familis-tériens et donner aux autres la volonté d’en poursuivre la généralisation, nous communiquons à nos lecteurs les réflexions que vient de nous adresser un visiteur du Familistère.
- Verson, (Calvados, 17 septembre 1885.
- Mon cher M. Godin,
- En rentrant d’une excursion de quelques jours aux bords de la Manche, j’ai trancrit l’impression des plus favorables qui m’est restée de ma dernière visite au Familistère, notamment en ce qui concerne l’organisation de l’enseignement.
- Je prends la permission de vous l’adresser en vous priant de me dire si j’en ai bien saisi le mécanisme et en vous autorisant à publier, si vous le jugez utile, avec les modifications que vous croiriez convenables.
- Les autres services de votre magnifique établissement industriel étant mieux connus, je n’en ai pas parié me bornant à celui qui m’a touché le plus directement ; mais, je puis le faire si vous le désirez, et après m’être occupé de la jeune génération, celle de l’avenir, dire quelques mots des bienfaits dont profitent les hommes actuels, les travailleurs d’aujourd’hui : salaire au moins égal et presque toujours supérieur à celui des industries similaires en France et à l’Etranger; participation aux bénéfices reconnue comme un droit et proportionnelle aux services rendus ; le nécessaire assuré a tous grâce au fonctionnement d’une assurance mutuelle qui protège, en particulier, le vieillard, l’infirme, la femme, l’enfant; l’équivalent de la richesse fourni à une population ouvrière de 1,500 personnes, alors que dans le reste du monde des milliers d’êtres humains sont tous les jours en peine d’un gîte, de leur nourriture et de leur vêtement ; les merveilles des progrès mécaniques et artistiques réalisés dans votre fonderie unique dans son genre; les logements, les magasins coopératifs, le mode de répartition des bénéfices lesquels sont proportionnels aux salaires, à 1 intérêt du capital engagé et aux traitements ; les parts payées non en argent mais en titres de propriété, ce qui force en quelque sorte le personnel de l’Usine à devenir en peu de temps propriétaire d’un capital d’environ 6,000,000. Les salles de bains, le théâtre, les sociétés de musique, de gymnastique, en un mot, tout ce qui peut contribuer à satisfaire les besoins ou les agréments de la vie. Comme résultat final, un groupe de près de 2,000 producteurs, vivant à l’abri des grèves, de la misère, de la faim, et donnant à l’humanité l’exemple des réformes qui pourraient dès maintenant fermer l’ère des révolutions sociales. . .
- Agréez, je vous prie, cher Monsieur, mes sentiments de gratitude et de respectueux dévouement.
- A. Rétout.
- Pour donner une idée exacte de ce vaste établissement qui comporte une population de \ ,500 à 2,000 ouvriers, il faudrait écrire un volume. Telle n’est pas notre pensée. Cette tâche du reste a été remplie déjà par de plus habileset de plus compétents que nous, notamment par M. Godin lui-même dans ses deux ouvrages : Solutions sociales et Mutualité sociale ou Association du Capital et du Travail. Notre intention est simplement de transcrire l’impression générale qui nous est restée de notre dernière visite assez rapide d’ailleurs pour être considérée comme une vue à vol d’oiseau.
- Ancien élève du Lycée et de la faculté des sciences de Caen, professeur de mathématiques dans un collège universitaire depuis plus de seize ans, je tenais surtout à me rendre compte de l’organisation de l’enseignement dans une association où tous les services relatifs aux besoins et à l’épanouissement de la Vie fonctionnent avec un ensemble et une perfection qu’on chercherait en vain partout ailleurs, soit en France, soit à l’Étranger.
- Bien qu’abonné au journal Le Devoir depuis sa fondation et par conséquent au courant de ce qui se passe au Familistère, j’avoue que les résultats obtenus ont dépassé mes prévisions. Il y a là tout un système non-seulement d’instruction, mais d’Éducation de l’enfance infiniment supérieur à ce que je soupçonnais. Voici d’abord les bébés à la mamelle qui passent des bras de la mère dans un bâtiment affecté à leur usage, sous l’œil vigilant de femmes dévouées qui les gardent et les soignent pendant les heures où les parents travaillent. Levés ou endormis dans leurs berceaux, enveloppés de linges irréprochables et sans odeur grâce à leurs lits de son, ils font plaisir à voir prendre leurs ébats au sein de l’atmosphère d’air pur et de sollicitude qui les entoure. Heureux enfants ! Vous n’avez à craindre ni le désespoir de la fille mère lâchement abandonnée ni le traitement mercenaire et parfois criminel des faiseuses d’anges.
- Puis viennent les bambins qui savent marcher et le prouvent ; car ils sont toujours en mouvement tantôt se livrant aux jeux de leur âge, tantôt exécutant, avec leurs maîtresses, de véritables promenades où ils font provision de santé sous l’action vivifiante du soleil et du vent.
- Nous arrivons maintenant à la population scolaire sérieuse, ce sont les trois divisions de l’Ecole maternelle. Il s’agit d’apprendre à lire et à compter. Les méthodes de lecture et de calcul, aussi ingénieuses l’une que l’autre, ont été en partie créées, en partie perfectionnées par Madame Marie Moret. Pendant longtemps, on n’avait pas rencontré au Familistère d’enfant incapable d’apprendre à lire. Puis voilà qu’un jour il s’en présenta un d’abord et ensuite plusieurs. Les partisans des anciennes méthodes auraient dit qu’il n’y avait rien à faire et en seraient restés là. Madame Marie Moret raisonna autrement. Comme les sujets en question ne manquaient pas d’intelligence pour jouer des farces à leurs camarades, elle en conclut logiquement que c’était non les enfants, mais la méthode qui se trouvait en défaut. Après avoir cherché pendant plusieurs mois, Madame Marie Moret s’arrêta à la méthode phonomimique de M. Aug. Grosselin, combinée avec certains exercices de Mme Marie Pape Carpentier.
- Les lettres et les sons fondamentaux ) sont représentés pa
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- des signes correspondants empruntés aux objets ou aux actes ordinaires de la vie. L’élève exécute sans peine le signe et y rattache immédiatement la lettre ou le son qu’il désigne. Les intelligences les plu s modestes, grâce à cette méthode synthétique, arrivent vite à lire couramment. Il y a toutefois un écueil qu’aux écoles du Familistère on a su habilement éviter: c’est l’absence d’orthographe. L’enfant, qui n’est préoccupé que des sons, n’en remarque pas la composition et sera porté i écrire le même son toujours de la même manière. Pour triompher de la difficulté, le moyen est bien simple ; mais il fallait le trouver : il consiste à adjoindre l’épellation à la méthode de M. Grosselin; seulement elle suit la lecture au lieu de la précéder. L’analyse succède à la synthèse primitive et prépare l’élève à écrire les mots de sa langue qu’actuellement il sait à la fois lire et décomposer.
- La méthode de calcul n’est pas moins remarquable. Au lieu de confier à la mémoire seulement les principes de la numération, Madame Marie Moret s’adresse à l’intelligence de l’enfant et le force en quelque sorte'à raisonner les combinaisons qui permettent de grouper les unités pour former les nombres et plus tard les nombres eux-mêmes pour effectuer les quatre opérations fondamentales.
- Chaque élève est muni d’une petite boite en bois renfermant des tiges prismatiques qui représentent, isolées, les unités, et groupées en faisceaux de dix, les dizaines. Grâce à une série de tableaux que la maîtresse exécute en les expliquant et que les entants reproduisent, on leur enseigne assez rapidement l’art de former, d’énoncer et d’écrire les nombres. Pour les quatre opérations, la difficulté consiste à apprendre la table d’addition et la table de multiplication. Quand on sait, par exemple, que 4 et 5 font 9, c’est-à-dire que 9 se compose delà réunion de 4 avec 5, on conçoit presque immédiatement que si à 9 on ôte la partie 4, il reste l’autre partie 5 et réciproquement. De même, lorsque les produits des neuf premiers nombres deux à deux sont connus, les quotients correspondants le sont aussi. Quand on a établi que 6 lois 7 font 42, autrement dit que 42 se composé de six parties égales à 7 ou de 7 parties égales à 6, on en conclut sans peine que 42 contient 7, six fois ou 6 sept fois. Tous ces résultats sont très heureusement traduits dans la série de tableaux dressés par Mme Marie Moret et que les élèves réalisent les uns après les autres se rendant ainsi un compte exact et matériel des transformations qu’ils produisent. La même méthode comporte en outre une théorie des fractions basée sur la division du cube en parties égales ; de sorte quelle est applicable non-seulement aux trois divisions de l’école maternelle, mais encore aux deux premières divisions de l’Ecole primaire. Ajoutons enfin que chaque leçon est accompagnée d’un exercice récréatif qui consiste à construire, avec des lignes droites, des carrés ou des cubes, les principales figures usitées en Géométrie, dans la menuiserie, la tapisserie et en général dans les arts industriels.
- Les classes primaires, notablement plus fortes que les classes correspondantes dans les Ecoles de l’Enseignement libre ou de l’Etat, présentent une pepulation d’éilte connais&ant la lecture, l’écriture, le calcul, le dessin, l’orthographe, etc. Quant au cours complémentaire, de fondation récente, il renferme déjà de très-bons éléments. Nous avons remarqué des cahiers de devoirs qui font le plus grand honneur à la méthode des maîtres et au zèle des élèves ; l’Orthographe ne laisse
- que peu ou point à désirer ; les problèmes, relativement ditfi-’ elles, sont résolus avec beaucoup de netteté et souvent d’élégance. Des dessins linéaires et d’ornement, des épures de Descriptive exécutées d’après des données numériques ont provoqué notre admiration. Ces mêmes élèves ont en outre des cours de Physique et de Chimie avec un laboratoire et des instruments qui permettent de réaliser la plupart des expériences à l’appui des lois physiques et chimiques. Quelques uns d’entre eux se préparent à l’Ecole des Arts et métiers de Châlons. Nous leur souhaitons de toutcœur un succès qui pour nous n’est pas douteux.
- Si maintenant l’on bous demande à quoi tient cette supériorité incontestable de l’Enseignement au Familistère, la réponse nous paraît facile. En dehors de la Direction qui est habile et active, de la composition du personnel qui est excellente, nous en trouvons la cause dans l’application des examens de passage et l’existence des classes mixtes. De la sorte tous les cours sont homogènes, depuis l’Ecole maternelle jusqu’au cours primaire supérieur. Une émulation féconde s’établit entre les deux sexes, et le niveau moral, loin de s’abaisser comme quelques-uns le prétendent, est sensiblement plus élevé qu’ailleurs,
- C’est qu’a u Familistère, on développe de bonne heure, chez l’enfant, le sentiment de la responsabilité personnelle mise en jeu par l’exercice du suffrage universel pour la nomination d’un conseil de discipline. C’est devant sa juridiction que doivent comparaître ceux qui, à l’extérieur des classes, ont failli aux devoirs de la bonne camaraderie.
- Bref 1 Nous avons été émerveillé de l’état de santé, du dégré d’instruction, de la valeur morale de cette jeune Génération qui compte plus de 550 individus.
- Nous n’oublierons jamais, en particulier, leur défilé préparatoire des fêtes dans la cour centrale du Familistère : le bataillon scolaire s’avance au pas, dans un ordre parfait et bientôt attaque en chœur, avec une crânerie superbe, le chant de la Marseillaise. Nous n’avons pu nous défendre alors d’un véritable frisson patriotique ; le souvenir des héros de 93 a traversé notre esprit et nous nous sommes dit que si, depuis quinze ans, les pouvoirs publics avaient imité pour la France ce que Monsieur Godin a créé au Familistère, nous pourrions dès maintenant défier les menaces de l’Etranger ou plutôt le drapeau des idées pacifiques rayonnant de notre Patrie sur le monde apporterait, dans ses plis, à l’Humanité régénérée, les bienfaits de l’Union universelle dans le Travail, le Bien-Etre, la Justice et la Liberté !
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- Une pendule qui se remonte d’elle-même.
- Un inventeur a imaginé de remonter automatiquement une pendule en utilisant les variations barométriques et thermométriques de l’atmosphère.
- L’appareil dont il se sert consiste en un cylindre métallique à paroi mince plissée. Lorsque la température ou la pression extérieure baisse, le cylindre se contracte et se réduit en hauteur ; lorsque, au contraire, la température ou la pression s’élève, ce même cylindre, par la dilatation de l’air intérieur, se développe et augmente de hauteur. En utilisant ces mouvements fréquents d’abaissement et de soulèvement, le ressort de la pendule se trouve remonté au fur et à mesure qu’il se détend.
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- APHORISMES & PRECEPTES SOCIAUX
- LXXXVII
- Richesse et labeur.
- La richesse produite étant l’œuvre du travail doit donner satisfaction aux besoins des classes; laborieuses. C’est par une iniquité sociale que les travailleurs peuvent manquer du nécessaire.
- Manifeste de M. Goblet.
- M. René Goblet adresse aux électeurs de la Somme le manifeste suivant :
- Me s chers Concitoyens,
- A la suite de l’échec subi dimanche par la liste républicaine dans le département de la Somme, j’avais résolus de ne plus poser ma candidature.
- Par le scrutin du 4 octobre, vous me retirez un mandat que j’exerçais avec honneur, je crois, depuis 15 ans, au cours duquel j’avais été appelé, à trois reprises, à faire partie des Conseils du gouvernement et je m’étais acquis, je puis le dire, l’estime de mes collègues de tous les partis.
- Vous me retiriez ce mandat au moment où je croyais avoir gagné de nouveaux titres à votre confiance en combattant depuis deux ans à la Chambre une politique que je considérais comme aussi funeste au-dedans qu’au dehors pour les intérêts de notre pays.
- Après une semblable épreuve, je devais croire que mon nom n’était plus une lorce dans le département de la Somme.
- Cependant mes amis me disent qu’il peut servir encore à rallier les électeurs, au scrutin du 18, sous le drapeau républicain.
- Soit ; je ne suis pas homme à déserter le devoir et je soumettrai de nouveau mon nom à vos suffrages.
- Je n'ai rien à y ajouter. Vous savez ce qu’il signifie :
- République libéraient progressiste.
- A vous de dire si vous voulez définitivement renoncer à la République ainsi comprise pour retourner à la monarchie.
- Quant à moi je demeure pour toujours attaché à la République.
- Amiens, 9 octobre 1885.
- René GOBLET.
- Symptômes Significatifs.
- Trois élections qui ont eu lieu avant-hier dimanche dénotent clairement combien les monarchistes se trompent et cherchent à abuser l’opinion, lorsqu’ils prétendent que les votes émis le A octobre en leur faveur étaient dirigés contre la République.
- Depuis que les réactionnaires ont avoué leurs espérances véritables, soigneusement dissimulées avant le scrutin, le suffrage universel comprend,en entendant les cris de joie de ses ennemis héréditaires, combien il a été abusé dans certains départements.
- Un brusque revirement s’est produit.
- Dans le canton de Ghinon (Indre-et-Loire), M. Herpin, candidat républicain, a été élu par 2,017 voix contre M. Moulnier, réactionnaire, qui en a obtenu 1,245.
- Dans le canton d’Ardes (Pas-de-Calais,/, M. Brémart, candidat républicain, a été élu sans concurrent.
- Dans ce dernier département, il y avait en outre à élire, dans le canton d’Hucqueliers, un conseiller d’arrondissement. M. Grard, candidat républicain, a été nommé. C’est un siège gagné. 11 s’agissait, en effet, de remplacer M. Mortier, conseiller réactionnaire.
- L’élection de Chinon est surtout significative; pour deux raisons : d’abord, parce que le vaincu, M. Moulnier, était un ancien magistrat du Seize-Mai, révoqué en 1878 ; ensuite, parce que les chiffres montrent qu'en une semaine, depuis le A octobre, les républicains ont gagné 30 voix, tandis que les réactionnaires en ont perdu 525.
- Quant au Pas-de-Calais, où les candidats républicains ont été vaincus, il apparaît qu’on regrette dans ce département l’envoi à la Chambre d’ennemis des institutions républicaines.
- Le corps électoral avait cru protester contre la politique opportuniste. On ose lui dire qu’il demande un roi ! Aussitôt, il prouve en votant pour des républicains qu’il n’a jamais songé à ramasser un trône dans la poussière du passé.
- Les royalistes apprendront dimanche, 18 octobre, à l’heure des scrutins de ba Ilotage, que le pays a compris leur plan : sa rude main écrasera dans l’œuf leurs folles prétentions !
- La Vierge de Lépante
- Nous avons bien tort de nous torturer l’imagination pour chercher les véritables causes du revirement qui s’est produit dans l’esprit d’un certain nombre d’électeurs au dernier scrutin : M. de Mun, député clérical sortant et réélu, a trouvé la seule, la vraie !
- « Le peuple chrétien, écrit-il, a son Dieu à venger, sa foi à défendre, sa patrie à sauver : qu’il se lève tout entier et fasse entendre sa voix ! Que tous ceux qui en ont le talent et la force s’offrent à ceux qui luttent encore pour les aider de leur concours, de leur parole et de leur action ! Qu’enfin, de toutes parts, les catholiques, confiants dans le secours surnaturel, s’unissent dans une solennelle invocation pour demander à la Vierge de Lépante de protéger les chrétiens, le 18 octobre comme, le A, elle l’a déjà fait. »
- Voilà donc les candidats bien avertis : c’est à la Vierge de Lépante qu’ils doivent adresser leurs dernières adjurations !
- Ce que produit en blé un hectare de terre.
- En Angleterre, l’hectare rend en moyenne 28 hectolitres ; dans la Prusse Rhénane et le Hanovre, 25 ; dans la Prusse et la Saxe, 24 ; en Hollande, 22; en Danemarck et Norwège,
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- 20 hectolitres. Il faut aller en Autriche-Hongrie, où commence déjà l’Orient paresseux et routinier, pour voir le rendement baisser à 17 hectolitres.
- En France, ce n’est ni 28, ni 20, ni 17 hectolitres de blé que produit en moyenne l’hectare de cette terre tant vantée ; c’est, en prenant la moyenne des trente dernières années, 15 hectolitres lj4,
- Notre sol est-il donc plus ingrat qu’en Angleterre avec son brouillard, que la Prusse avec ses sables, que l’Autriche avec ses plaines basses et inondées un an sur quatre, que la Norvège avec ses huit mois de gelée ?
- Les chiffres répondent non. Partout en effet, où la terre française est cultivée comme elle veut l’être elle donne des rendements excellents ; on connaît des cantons de Plsère ou l’hectare fournit 30 et 35 hectolitres ; la Seine et le Nord ont une moyenne de 28 hectolitres ; 12 autres départements se tiennent au-dessus du chiffre de 20.
- Seulement il faut mettre en rang les 30 départements où la récolte ne dépassse pas aujourd’hui la même moyenne qu’il y a 60 ans : 12 hectolitres. Citons parmi eux la Drôme où l’hectare donne 7 hectolitres 1^4, et la Dordogne où on ne sait lui en faire rendre que 6 3[4.
- La routine, la routine, voilà le secret de notre faiblesse.
- LÀ GRISE AGRICOLE
- On sait comment les réactionnaires ont exploité la crise agricole et commerciale. Il n’est pas inutile de constater une fois de plus que cette crise est générale et que nos voisins sont encore plus éprouvés que nous.
- Le Siècle signale la détresse qui règne en Angleterre.
- Les relevés statistiques attestent que, pour le mois de septembre dernier, les importations anglaises ont présenté 50 mill ons de diminution sur la période correspondante de 1884 ; les exportations ont en même temps éprouvé 48 millions de diminution.
- Pour les neuf premiers mois de l’année courante, l’ensemble des échanges extérieurs de la Crande-Bretagne a été inférieur de 700 millions aux chiffres des trois premiers trimestres du dernier exercice.
- On voit que, si la production française traverse des circonstances difficiles, les pays étrangers sont troublés par des crises bien autrement intenses que les nôtres.
- On doit même constater que tandis que la situation de l’Angleterre empire, celle de la France s’améliore. La valeur de nos échanges avec les marchés extérieurs a dépassé de 99 millions, pour les huit premiers mois de 1885, les résultats correspondants de 1884. L’exportation de nos produits fabriqués, notamment, a augmenté de 89 millions.
- Ce contraste entre l’état commercial de l’Angleterre et de
- France mérite d’être signalé aux électeurs. Il importe qu’ils connaissent le véritable aspect des faits, et soient mis en garde contre les exagérations et les mensonges des réactionnaires.
- Les faits prouvent aussi que la crise économique est indépendante de la forme politique du gouvernement.
- ASSOCIATION ET COOPERATION
- Un des premiers amis du Familistère, M. Edward Vansittart Neale, secrétaire général de la fédération des Sociétés coopératives de l’Angleterre, résume dans la préface du Rapport du 17me congrès des Coopérateurs anglais, congrès qui eut lieu il y a quelques mois, les enseignements à tirer de l’état de la coopération en Angleterre.
- Après avoir établi par les faits consacrés en Angleterre depuis de longues années que ni les Sociétés coopératives de consommation, ni celles de production n’ont réalisé l’amélioration vraie et soutenue du sort de l’ouvrier et de sa famille, qu’elles n’ont fait qu’apporter annuellement de faibles ressources supplémentaires aussitôt dépensées que reçues, et n’ont, généralement, constitué aucune garantie pour l’avenir en cas de malheur, d’infirmités, de vieillesse, etc, M. Neale ajoute :
- « Si la coopération est destinée à conférer aux « travailleurs devenus leurs propres patrons les « bénéfices que nous sommes accoutumés d’at-« tendre d’un tel changement, ce ne peut pas être « par l’augmentation directe des revenus indivis « duels qui en résulteront pour l’ouvrier.
- « Avons-nous donc tort d’espérer des bienfaits « du changement proposé ? Non.
- « Mais, pour nous assurer ces bienfaits, il nous « faut recourir à l’Association afin de compléter « l’œuvre commencée.
- « En devenant leurs propres patrons les travail-« leurs acquerront le pouvoir de régulariser leurs « propres conditions d'existence. En convertissant « tous les bénéfices en actions, ils peuvent assurer « à l’atelier associé cette puissance de se développe per avec les fruits mêmes du travail, qui a été « la source de la richesse manufacturière de notre « pays.
- et En reportant les ateliers de la ville à lacampa-x gne, les coopérateurs peuvent restaurer l’union « de l’industrie manufacturière et se débarrasser « ainsi de la concurrence destructive engendrée « par les conditions anormales de nombreuses et « croissantes populations cherchant leurs moyens « d’existence dans la production de choses qu’elles « ne peuvent pas consommer.
- « Il serait alors possible d’entourer ces centres « manufacturiers de demeures appartenant aux « associations mêmes, et dans lesquelles, pour « un prix de loyer inférieur à celui que les « travailleurs paient aujourd’hui dans les grandes « villes, pour leurs logis enfumés et encombrés,
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- c ils trouveraient une combinaison des avantages « de la ville et de ceux de la campagne, et assure-f raient pour eux-mêmes et leurs familles les bien-c faits dont les classes riches seules jouissent au-« jourd’hui et, cela, sans s’exposer à perdre ces « bienfaits par la croissance de la population et « l’élévation du prix de la terre dans les villes, « comme cela se produit forcément sous le régi-« me industriel habituel.
- « Les considérations alléguées ci-dessus crois-« sent en intérêt si nous comparons le système c préconisé ici à celui des compagnies de filatures « d’Oldham même, filatures qui depuis ces 20 der-« nières années ont tellement crû en nombre dans « Oldham et aux alentours.
- « Le capital primitif de ces compagnies fut four-« ni en grande partie par les artisans d’Oldham et « du voisinage, au moyen des épargnes réa-« Usées par eux sur leurs propres achats de « denrées domestiques, épargnes accumulées dans « les sociétés coopératives de consommation.
- « Qu’en ce moment où les actions semblent lar-« gement répandues parmi les travailleurs, les « dividendes qui reviennent à ceux-ci aient maté-« riellement conduit à la prospérité pécuniaire des « familles laborieuses, c’est ce que je n’ai pas du « tout l’intention de contester.
- « Mais ce qui n’est pas moins évident, c’est que € le système ne modifie en rien les conditions de t l’existence des ouvriers.
- « Oldham, exception faite de ses établissements « publics, ses magasins coopératifs et autres,
- « quelques grandes maisons habitées par les plus « riches habitants, et ses filatures n’est qu’une ag-« grégation de petites maisons constituant un en-« semble exactement semblable aux entourages « monotones de la plupart des villes du Lancashire.
- « Oldham ne diffère de ces dernières que par « ce point principal que les maisons sont possé-« dées, dans une proportion inaccoutumée, par « leurs occupants ; mais ces derniers toutefois,
- « comme l’a justement observé l’évêque de Manet chester, sont assujettis dans les divers accidents « de la vie à trouver que la propriété de leur mai-« son est pour eux un fardeau plutôt qu’un avan-« tage.
- « Les filatures d’Oldham, bien qu’elles aient « conduit les travailleurs intéressés dans leurs « opérations, à considérer les relations entre le « capital et le travail autant au point de vue de « l’intérêt du patron qu’à celui du travailleur, et « qu’elles aient eu ainsi pour résultat d’empê-
- « cher, entre ces deux éléments de la pro-« duction, la croissance de cet antagonisme c qui a souvent conduit à de lamentables conflits, « ne fournissent, par elles-mêmes,aucune solution « des problèmes sociaux. Il n’y a dans l’organisa-cc tion de ces filatures rien qui empêche les actions « de s’accumuler graduellement en quelques « mains,par suite de décès ou autres contingences, « et de faire ainsi disparaître les quelques bons ef-« fets produits actuellement par la diffusion des « actions.
- « Il n’y a là absolument rien d’analogue aux ad-« mirables arrangements par lesquels, auFamilis-« tère de Guise, les travailleurs actifs sont perpé-« tuellement convertis en propriétaires du fond so-« cial, par le remboursement d’une somme corres-« pondante de capital, si ce capital n’a pas à être « utilisé dans l’extension des affaires.
- « Il n’y a pas davantage de progrès vers la cons-« titution des éléments de bien-être social, qui,na-« turellement, doivent se rassembler, autour des « centres d’association, pour devenir,avec le temps « et en leur qualité de moyens communs d’exis-« tence, la propriété des travailleurs directement « reliés pour vivre à ces institutions.
- « Si les filatures d’Oldham étaient basées sur la « même idée qui a donné naissance à la fonderie « de Guise, Oldham serait aujourd’hui la merveille « du monde industriel, le pionnier à jamais mémo-« rable du plus grand pas qui ait été fait vers l’assu-« rance,au bénéfice du genre humain, des bienfaits « résultant du progrès et de l’invention, une ville « non-seulement d’imposantes fabriques, mais aus-« si de palais sociaux entourés de beaux jardins et,
- « cela, sans occuper pour les habitations plus d’es-« pace qu’il n’en est pris actuellement, palais ser-« vant de demeures à ceux qui les au raient « bâtis.
- « En résumé,Oldham est comme une bouée nous « prévenant de l’existence, devant nous, d’un banc « de sable sur lequel il ne faut pas laisser échouer « le bon navire du progrès, nous avertissant que « nulle somme d’énergie, de sagacité et d’union « dépensée dans le seul but de produire de la ri-« chesse ne fera plus que toucher la lisière des « maux sociaux, aussi longtemps que le principe « de la lutte, dont le dividende est l’expression « moderne, et que l’isolement domestique qui « naturellement l’accompagne, ne seront pas rem-« placés par le principe de l’accord et de l’union,
- « afin de mettre les Equivalents de la richesse à la « portée de la massé de la population, évolution
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- « qui sera à la vie sociale ce que la boussole a été « à la navigation et le télescope à l’astronomie. »
- Politique Coloniale.
- UN RÉCENT DÉCRET DE L’IMPÉRATRICE DE CHINE
- Il a paru dans la Gazette de Pékin un décret qui nous intéresse, car ce document en entier ne s’occupe que du traité de Tien-Tsin. Ecrit dans un langage des plus modérés, avec une extrême habileté, il est en même temps une apologie de la conduite du gouvernement chinois et un appel à des idées de modération que la couronne adresse aux généraux commandant l’armée duQuang-Si, lesquels demandaient à recommencer les hostilités et à combattre, disaient-ils dans leurs pétitions, tant qu’un soldat chinois serait capable de tenir un fusil.
- Le décret rappelle les pertes immenses faites au Tonkin par l’armée impériale,, et l’empire, dit-il, commençait à être aux abois, ses ressources sont mal assurées, ses finances désorganisées, et il y a trop peu de cohésion dans le pays pour qu’il puisse supporter une longue guerre. Enfin certains symptômes dangereux se manifestaient par l’exaltation de l’esprit militaire.
- « La région cédée est pratiquement sans valeur, et, en temps de guerre, elle serait une source de faiblesse incurable pour l’empire, tandis qu’actuellement la Chine possède dans les montagnes et les défilés des frontières du Yunnan et du Quang-Si une excellente ligne stratégique, aisée à défendre, et dont les communications avec le reste du pays sont faciles. Un système de camps retranchés, de blockhaus et de fortifications et une belle armée disciplinée, de force convenable, mettra la Chine à l’abri de toute attaque par le Tonkin. »
- Le décret mentionne les mesures qui vont être prises pour défendre les provinces du Sud contre un assaillant qui voudrait agir par Pakoï ou sur Canton.
- Puis un long paragraphe à l’adresse de sir Robert Hart, le promoteur des négociations qui ont abouti.
- Enfin, voici un passage qui concerne la France : « Le peuple français, dit le décret, mérite notre sympathie. La France a fait une conquête ; un grand territoire est devenu sien ; mais ses dépenses ont été énormes. La tranquillité publique a couru de grands dangers et elle a subi des revers humiliants. D’année en année, elle verra que ses nouvelles possessions ruinent ses finances, car il devra y avoir au Tonkin une forte garnison, la frontière de Chine étant bien armée, et les garnisons française en Annam et au Tonkin mangent non-seulement de l’argent, mais aussi des existences. »
- Comme on le voit, la Chine manifeste les disposi tions les plus pacifiques, contrairement aux bruits que l’on a fait courir en ces derniers jours.
- Enfants dans les ateliers
- Personne n’ignora qu’une Commission supérieure a été instituée par la loi du 19 mai 1874 pour surveiller le travail des enfants et des filles mineures employés dans l’industrie. Cette commission uvait publié son rapport pour l’année 1884 en juillet dernier. A son tour, la Commission département
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- taie de la Seine vient de publier le sien. Ce rapport est rempli de faits d'un grand intérêt.
- La protection des jeunes travailleurs à Paris et dans les arrondissements de Saint-Denis et de Sceaux s’étend à un nombre d’enfants considérable il y a 24, 235 garçons de 10 à 16 ans et 16,350 filles de 16 à 21 ans.
- Si l’on ajoute à ces 45, 585 mineurs surveillés et protégés, leurs patrons, au nombre de 25,521, et les adultes travaillent dans les mêmes ateliers, 136 616 ouvriers et ouvrières, qui ne doivent pas être astreints à un travail de plus de douze heures, on arrive au total de 202,722 personnes visitées dans les ateliers du département de la Seine en vertu de la loi. *
- * *
- Les visites dans les ateliers sont faites par 27 inspecteurs ou inspectrices placés sous la direction d’un inspecteur divisionnaire fonctionnaire de l’Etat.
- Mais comme il est impossible de demander à un inspecteur plus de cent cinquante visites par mois proportion qui ne permet pas d’en faire plus d’une ou deux par an à chaque atelier, la loi prescrit qu’un aide serait donné à l'inspection et que des commissions locales, composées de personnes de bonne volonté, hommes et dames, feraient des visites supplémentaires aux enfants et veilleraient ainsi à l’exécution de la loi.
- Quatre-ving-six commissions locales fonctionnent ainsi dans le département de la Seine et comprennent aujourd’hui un personnel de quatre cent ving-et un membres.
- Les Commissions n’ont pas qu’à s’occuper de l’inspection proprement dite ; elle doivent encore :
- 1* S’assurer que l’instruction primaire des jeunes travailleurs est suffisante ou en voie de se compléter ;
- 2° S’assurer que les enfants ne sont pas entrés à l’atelier avant douze ans, sauf pour certaines catégories d’industries où, — bien à tort, à coup sûr l’entrée est permise à 10 ans.
- 3° S’assurer que les jeunes garçons et les jeunes filles ne sont pas chargés de travaux excédant leurs forces, soit que ces travaux les retiennent trop longtemps, soit qu’ils se prolongent dans la nuit ;
- 4° S’assurer de la salubrité, de la sécurité et de la moralité des ateliers.
- On voit que la surveillance des inspecteurs est très étendue. Cette surveillance, on s’en doute bien n’est pas toujours facile, l’industriel étant porté à
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- LE DEVOIR
- négliger des prescriptions sans intérêt pour lui, qui n’ont d’autre objet que de faciliter l’inspection. Il doit, par exemple, tenir à jour une liste où sont inscrits ces jeunes employés : or, il lui arrive de n’y pas penser ; il doit, d’autre part, rendre à l’enfant qui le quitte pour un autre patron le livret où sont indiquées le nom, l’àge, l’adresse du petit travailleur : la plupart du temps, ce livret est égaré,
- Ce livret, d’ailleurs, dit le Temps, qui me fournit une intéressante analyse du rapport de la Commission départementale ; — ce livret est le tourment des inspecteurs, des patrons, des mairies qui le délivrent, de la Préfecture de police qui centralisent les fiches de 25 à 30,000 enfants employés dans l’industrie. *
- La vérification du degré d’instruction des enfants donne lieu aux mêmes difficultés : la loi du 19 mai 1874 avait établi un certificat fort différent du certificat d'études institué par la loi sur l’instruction primaire de 1882 ; on le confondra souvent avec lui.
- Ces difficultés pratiques et d’autres ont donné lieu à un mouvement d’opinion très prononcé en faveur d’une révision de la loi sur la ptotection des jeunes travailleurs, et la Commission supérieure a réuni sur ce sujet des documents considérables qui serviront sans doute de base à une révision prochaine.
- * *
- Une des premières réformes à accomplir est l’extension de la loi à de nouvelles catégories d’enfants.
- On se demande, en effet, si les petits employés de l’agriculture et du commerce sont moins exposés à des occupations trop dures, au danger de rester dans l’ignorance.
- D’autre part, il y a urgence à visiter comme de véritables ateliers les ouvroirs et les maisons dites « de charité » oû l’on emploie des enfants.
- Dans ces ouvroirs, dans ces «maisons de charité» sous prétexte de recueillir des petits abandonnés, on les exploite odieusement. Depuis le matin jusqu’au soir, on les fait travailler, et, en échange de ce labeur, ils ont une maigre pitance : de salaire, il n’en est pas question. Comme le travail ainsi obtenu ne coûte presque rien, qu’il n’y a pas de main-d’œuvre à payer, les « sœurs qui dirigent les «maisons de charité» peuvent offrir sur le marché des produits à un prix inférieur à celui des produits des travailleurs ordinaires, en sorte qu’il y a là une concurrence monstrueuse.
- En présence de ces faits, il convient que la loi destinée à protéger l’enfance travailleuse reçoive une application plus générale et plus sévère.
- La plupart des établissements de travail tenus par les congréganistes exigent des enfants douze heures de labeur par jour. Il n y a pas de classes ; à peine apprend on quelques prières aux pauvres petits. En sorte que l’enfant devient homme sans rien savoir et que, sorti de chez les congréganistes il est livré sans aucunes connaissances à tous les hasards de la vie.
- Cette honteuse exploitation de l’enfant doit prendre fin.
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- Dans les limites actuelles, la sévérité de la loi s’est montrée l’an dernier par un certain nombre de procès verbaux dressés par l’inspection et suivis de condamnations ; le rapport de la commission départementale en fait l’énumération complète,
- 11 est intéressant de constater la nature des infractions : emplois d’enfants de moins de douze ans travail de nuit de ces enfants dans des usines à feu continu ; enfants travaillant plus de 6 heures par jour sans être pourvus d’un certificat d’instruction ; enfants occupés à des travaux défendus dangereux, excédant leurs forces ou travaillant dans des locaux insalubres ; précautions non prises pour éviter les accidents.
- Ces indications suffisent à montrer combien est nécessaire la surveillance : on ne peut laisser sans protection des enfants ainsi exposés !
- La société a le devoir de veiller sur eux. Hélas! quiconque a visité des ateliers, des usines n’a pu voir sans un serrement de cœur toute cette jeunesse qui s’étiole dans un air malsain, sous une tâche fatigante. Faisons, du moins, pour les petits travailleurs ce qu’il est possible de faire, jusqu’au jour où, par une amélioration de l’état social, les enfants ne travailleront plus et apportons tous nos soins pour que le labeur qui leur est imposé ne soit pas au-dessus de leurs forces.
- C’est là l’œuvre des Commissions locales, qui peuvent exercer leur patronage dans la mesure requise.
- Malheureusement, les Commissions ne sont pas au complet, en ce qui concerne le département de la Seine, et devraient, pour l’être, recevoir l’adjonction de 182 membres, 51 hommes et 131 dames : une demande a été faite au Conseil général pour l’établissement d’une nouvelle liste de candidats aux places vacantes dans les Commissions. Il neus
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- LE DEVOIR
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- semble que cette liste serait facile à dresser, si l'attention du public était appelée sur la question. 11 y a des femmes dévouées que ne pourrait manquer d'attirer l'idée de se rendre utiles à l’enfance .laborieuse.
- Certaines Commissions, celle du XVII* arrondissement, par exemple, ont organisé un véritable patronage sur les apprentis de leur circonscription.
- Je souhaite qu’il en soit partout ainsi avant peu.
- La Science des Tempêtes
- Comme tous les autres phénomènes de la nature, les phénomènes atmosphériques sont soumis à des lois, et peuvent, par conséquent, se calculer d’avance avec une exactitude rigoureuse.
- De là, sinon à les subordonner dans une certaine mesure à notre volonté et nos besoins, au moins, à établir préjudicielle-menttout un système de précautions utiles contre leurs redoutables conséquences, il n’y a qu’un pas, qu’il ne faut pas désespérer de voir franchir tôt ou tard.
- Cela est si vrai qu’on a déjà pu les reproduire en petit dans les laboratoires. De môme qu’on avait fourni la démonstration visible de la théorie de Laplace en faisant virer sur l’eau des gouttelettes d’huile, de même on vient de présenter à l'académie des sciences un appareil, — l’anémogéné, — qui permet aux moins initiés de suivre de l’œil la formation et la marche des grands courants d’air qui s’entrecroisent autour de notre planète.
- Composé d’un petit globe, en rotation dans l’air ambiant, l’anêmogène de M. Rougerie représente une terre en miniature. Si on le fait tourner sur son axe avec une vitesse déterminée, il engendre; par son action mécanique sur les molécules aériennes, et permet de constater, grâce à des girouettes placées de 5° en 5°, des courants d’air semblables aux vents dominants observés par les marins sur la plus grande partie de la surface des Océans.
- Il reproduit ainsi d’une façon complète non-seulement les courants réguliers comme les alizés et les moussons ; mais les r